N° 3168

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

 

DÉPOSÉ

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])

 

sur l’adaptation de la politique familiale française
aux défis de la société du XXIe siècle

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

M. Stéphane VIRY, Président,

 

et

 

Mme Nathalie Élimas, Rapporteure,

 

Députés.

 

——

 

 



Les comptes rendus des auditions sont disponibles sur le site Internet de l’Assemblée nationale, à l’adresse :

http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/politique-familiale-francaise/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

L’ensemble des informations relatives à la mission sont accessibles sur son portail, à l’adresse :

http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/politique-familiale-francaise/(block)/60236

 

 

 

La mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle est composée de : M. Stéphane Viry, président ; Mme Nathalie Elimas, rapporteure ; Mmes Pascale Boyer, Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Gilles Lurton, Mme Marie-Pierre Rixain, vice-présidents, Mme Jacqueline Dubois, MM. Jean-François Eliaou, Bastien Lachaud, Mme Laure de La Raudière, secrétaires, MM. Thibault Bazin, Jean-Louis Bourlanges, Guillaume Chiche, Charles de Courson, Pierre Dharréville, Mmes Christine Cloarec-Le Nabour, Paula Forteza, M. Denis Masséglia, Mmes Frédérique Meunier, Zivka Park, Marie Tamarelle-Verhaeghe et Mme Michèle Victory, membres

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première Partie : les aides financières aux familles

I. réaffirmer le caractère universel de la politique familiale

A. rétablir une réelle universalité des allocations familiales

1. La remise en cause progressive de l’universalité de la politique familiale

a. Les allocations familiales, principale prestation familiale, sont désormais modulées en fonction des revenus

i. Une prestation historique

ii. La modulation des allocations familiales remet en cause l’universalité de la politique familiale

2. Une évolution préoccupante

a. La méthode employée pour remettre en cause une prestation aussi fondamentale est contestable

b. Une remise en cause de la nature et des objectifs de la politique familiale

c. Le risque d’une moindre acceptabilité sociale et d’un manque de lisibilité de la politique familiale

d. La voie ouverte à de nouvelles remises en cause ?

3. La nécessité de rétablir une réelle universalité des allocations familiales

B. Relever le plafond du quotient familial

1. Le plafond du quotient familial, principal outil fiscal de soutien aux familles, a été abaissé à deux reprises

a. Le quotient familial, principal outil fiscal de soutien aux familles

b. L’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial

2. Le plafond du quotient familial doit être relevé

Lutter contre la pauvreté des familles

A. Les familles les plus fragiles ont fait l’objet d’une attention particulière ces dernières années

1. Les aides financières en faveur des familles les plus vulnérables

2. Des progrès encourageants en matière de versement des pensions alimentaires

a. Le problème récurrent des impayés de pensions alimentaires

b. La création récente d’un service public de paiement des pensions alimentaires

B. La crise sociale actuelle nécessite de renforcer les aides destinées à toutes les familles fragiles

1. Une crise économique et sociale qui touche les familles de plein fouet

2. Les mesures mises en place pour aider les familles à faire face à la crise

a. L’aide exceptionnelle de solidarité

b. Les aides alimentaires d’urgence

3. La nécessité de tirer les leçons de la crise pour protéger l’ensemble des familles de la pauvreté

a. Éviter la spirale du surendettement des familles

b. Améliorer la situation des jeunes majeurs

i. Les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté

ii. Une quasi-exclusion de l’éligibilité au RSA

c. Majorer la retraite des femmes dès le premier enfant

i. Les droits familiaux de retraite, des dispositifs destinés à compenser les inégalités observées au cours de la carrière

ii. Le projet de loi instituant un système universel de retraites prévoit une bonification de pension pour chaque enfant, dès le premier enfant

Avancer le versement de la prime À la naissance avant la naissance

C. LA prime À la naissance doit permettre aux familles de préparer l’arrivée d’un enfant

1. La prime à la naissance, une aide non négligeable pour de nombreuses familles

2. Depuis 2015, la prime est versée après la naissance de l’enfant

D. Anticiper le versement de la prime à la naissance : une mesure de bon sens

1. Le décalage du versement de la prime après la naissance suscite l’incompréhension

2. Avancer le versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse

rendre Le congé parental plus attractif

E. La création de la prestation d’accueil partagée d’éducation de l’enfant n’a pas eu le succès escomptE

1. La création de la prestation d’accueil partagée d’éducation de l’enfant en 2015

2. Des résultats décevants

F. Aller Vers un congé parental plus court et mieux rémunéré

Améliorer la lisibilité des prestations familiales

1. Un foisonnement d’aides qui ne contribue pas à une bonne visibilité de la politique familiale

2. La nécessité d’une meilleure lisibilité des prestations pour améliorer le recours aux droits

a. Améliorer l’accès aux droits grâce à la mise en place de « points conseil Famille »

b. Réfléchir à une simplification des différentes prestations familiales

Deuxième Partie : la Vie familiale

I. La famille, un lieu d’épanouissement personnel et collectif

A. LA famille comme cadre de vie et de bien-être

La famille, premier lieu de vie et première instance de socialisation

Améliorer l’accès des familles aux loisirs et à la culture

B. Le logement, condition d’une vie familiale épanouie

1. Les difficultés de logement et leurs conséquences sur la vie familiale

Caractéristiques du logement des familles

Mobilité des ménages et recomposition familiale

Coût du logement

Problématiques de mal-logement

Salubrité et équipements des logements

Surpeuplement des logements

Habitat indigne, hébergement précaire et sans-abrisme

2. Mal-logement et vie familiale

3. Logement et politique familiale, des enjeux importants

a. La politique d’aide au logement

b. L’aide au logement à destination des familles précaires

Aides personnelles au logement

Place des familles dans le parc social

c. L’aide à l’accession à la propriété

Un idéal d’accession à la propriété

Les aides pour l’accession à la propriété

II. La conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle

A. DES INÉGALITÉS DU QUOTIDIEN QUI NUISENT majoritairement à la carrière des femmes

Les inégalités dans la répartition du travail domestique

L’inégale répartition des tâches domestiques et familiales

Le poids de la charge mentale

L’impact de la structure familiale sur ces inégalités

Les conséquences sur les carrières des femmes

B. La récente crise sanitaire, un révélateur de ces difficultés et inégalités au sein des familles

Les enjeux et problèmes familiaux durant la période de confinement

Des inégalités exacerbées

Confinement et violences intrafamiliales

Confinement, vie familiale et logement

Le télétravail : quel levier pour l’égalité et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ?

encourager la conciliation vie privée et vie professionnelle tout au long de la vie

Amorcer un changement profond des mentalités pour faire advenir une société d’égalité entre les femmes et les hommes

Allonger le congé paternité

Aménager le temps de travail et respecter la vie privée

Penser cette conciliation tout au long de la vie, de la naissance du jeune enfant jusqu’à la place de nos aînés

III. La politique d’accueil du jeune enfant, un levier pour l’égalité professionnelle et l’épanouissement de tous dans leur vie famiLIale

Une politique encore insuffisamment performante

Les modes de garde du jeune enfant

Capacités théoriques d’accueil

Recours aux modes de garde par les familles

La convention d’objectifs et de gestion (COG) pour 2018-2022

Les principaux axes de travail de la COG

La création de places en crèche

Des résultats insuffisants de la politique d’accueil du jeune enfant

Des inquiétudes quant à la création de nouvelles places en crèche

Une vision dévalorisée des métiers de l’accueil individuel

La persistance d’inégalités sociales et territoriales

Simplifier, développer et harmoniser les modes de garde

Garantir un mode de garde adapté à chaque famille : une priorité de la politique familiale

Augmenter le nombre de places d’accueil du jeune enfant pour permettre l’accès à un mode de garde adapté sur l’ensemble du territoire

Développer et valoriser le travail des assistants maternels

Augmenter le nombre de places en crèche

Porter une attention particulière à l’accueil des jeunes enfants en situation de handicap

Repenser l’organisation des acteurs en un véritable service public de la petite enfance

Agir sur les coûts des modes de garde

Les dépenses publiques en faveur de l’accueil du jeune enfant

Le soutien aux familles les moins aisées

Repenser un dispositif ambitieux de soutien à la parentalité

une politique publique à clarifier et à renforcer autour de la période clef des 1 000 premiers jours de l’enfant

Les enjeux du soutien à la parentalité

Le développement de la politique publique de soutien à la parentalité

La stratégie nationale de soutien à la parentalité pour la période 2018-2022

La période clef des 1 000 premiers jours de l’enfant

Une période charnière pour le développement de l’enfant

Une période charnière pour l’épanouissement familial

PENSer le soutien à la parentalité de manière plus LARGE, plus Ambitieuse et plus inclusive

Le projet d’action pour le « parcours des 1 000 premiers jours »

Points de vigilance et d’amélioration dans la refonte du soutien à la parentalité

Gagner en lisibilité et en cohérence

Développer le soutien aux familles monoparentales sans stigmatiser cette façon de « faire famille »

Prévenir les violences intrafamiliales

Troisième PARTIe : famille et bioéthique

I. Les modalités actuelles de reconnaissance de la filiation

A. Le droit de la bioéthique reflète les évolutions familiales

Un compromis entre les évolutions sociales et éthiques

La prise en compte des avancées technologiques

Les nouvelles constructions familiales

B. Le droit de la filiation a progressivement évolué pour faciliter la reconnaissance de l’enfant

Présomption de paternité et certitude de la maternité

La filiation par acte de volonté : l’adoption

L’élargissement des modalités de procréation, la permanence des modalités d’établissement de la filiation

Une AMP réservée aux situations d’infertilité des couples hétérosexuels ou de risque de transmission de maladie

La loi « bioéthique » : Un équilibre souhaitable À préserver dans les débats À venir

L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

L’extension de la technique d’aide médicale à la procréation

Les modifications subséquentes dans l’établissement de la filiation

C. Rester Inflexible sur la question de la GPA

L’interdiction juridique de la GPA repose sur des fondements clairs et centraux

Une jurisprudence fluctuante qui permet un mode inabouti de reconnaissance des enfants nés à l’étranger de GPA

Un contexte international qui favorise le recours aux GPA

accompagner la procrÉation au XXIe siècle

D. Lutter contre la croissance de l’infertilité en france

E. Une attention particulière À porter aux femmes seules qui ont recours À une AMP

La distinction entre les projets parentaux de couples de femmes et ceux des femmes seules a été reprise dans les débats préalables à la révision de la loi « bioéthique »

Les entretiens préalables à l’engagement d’une AMP doivent permettre d’identifier les éventuelles fragilités

F. Le maintien de la gratuité du don

ANNEXE 1  Synthèse des propositions

annexe 2 Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

annexe 3  Liste des personnes ayant répondu aux questionnaires de la rapporteure

Annexe 4 CONTRIBUTIONS


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Introduction

Que la famille soit une question politique, et plus encore un sujet d’action publique, n’est plus évident aujourd’hui. La diminution constante des ressources affectées, dans le champ de la sécurité sociale, aux familles et, partant, de la compensation de ce qu’il est convenu d’appeler le « risque » famille, peuvent faire douter quant à la volonté des gouvernements successifs de vouloir encore soutenir les femmes et les hommes qui désirent avoir des enfants.

La naissance de la politique familiale au sortir de la Seconde guerre mondiale visait bien sûr à participer de la reconstruction de la France, sortie du conflit meurtrie aussi sur le plan démographique. Mais les « parents » de cette politique se sont penchés sur son berceau avec une visée plus large. L’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale avait pour but premier de « garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent ».

Reprenant à son compte ce principe, le préambule de la Constitution de la IVe République auquel renvoie le préambule de 1958 prévoit que la République « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». La politique familiale est une politique destinée à permettre aux familles d’accéder à une « vie bonne », conciliant prise en charge de l’éducation des enfants, protection contre les risques que cette prise en charge comporte, accès aux loisirs.

C’est à partir de ce socle que la politique familiale se décline traditionnellement par des outils destinés à satisfaire trois objectifs distincts :

– le soutien à la natalité, qui s’inscrit dans la politique nataliste mise en place dans l’après-guerre ;

– la lutte contre la pauvreté, via des aides destinées aux familles modestes ;

– la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, objectif apparu progressivement en lien avec l’augmentation du taux d’activité des femmes.

Le soutien à la natalité en France a d’abord tenu à des initiatives privées, telles que les « sursalaires » versés dans des entreprises de type paternaliste à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, dans un contexte de concurrence démographique poussée entre les nations européennes. L’effort de la Nation en faveur de la natalité a été formalisé en 1932 dans la loi « Landry » qui généralise le principe des sursalaires familiaux pour tous les salariés de l’industrie et du commerce ayant au moins deux enfants, complétée par un décret-loi du 12 novembre 1938 créant des allocations familiales indépendantes des salaires ou des entreprises.

Cette politique nataliste, intensifiée sous le gouvernement de Vichy, s’est traduite par l’intégration de la politique familiale au sein de la Sécurité sociale, dans l’ordonnance du 4 octobre 1945. Il s’agit aujourd’hui d’une politique traditionnellement considérée comme visant une redistribution horizontale, soit des ménages sans enfants vers des familles avec enfants, sans considération de ressources.

Le doute s’est pourtant progressivement instillé dans la tête des gouvernements et des législateurs quant à la meilleure manière de soutenir les familles. Au fur et à mesure que les structures familiales se sont diversifiées, que les modalités de reconnaissance de la filiation se sont élargies, comme il sera vu dans la troisième partie du présent rapport, la politique familiale a semblé s’effilocher. Ce déclin a connu une sensible accélération au mitan des années 2010.

Nul ne saurait contester que les familles françaises n’ont plus le même visage.

L’adaptation de la politique familiale aux défis du XXIe siècle suppose de prendre en compte les évolutions sociologiques des familles françaises, qui diffèrent désormais fortement dans leur forme de celles pour qui les premières mesures ont été prises après-guerre.

En 2016, la France comptait 9,38 millions de familles vivant avec un enfant de moins de 25 ans, soit une hausse, très modérée, de 11 %, par rapport à 1975. Mais les familles françaises ne sont plus les mêmes.

En premier lieu, le nombre d’enfants par famille a diminué, faisant de la famille avec un ou deux enfants au maximum la majorité écrasante de l’ensemble des foyers (81 % en 2016, contre 72 % en 1975). Les familles sont moins nombreuses, malgré les incitations financières actuelles en faveur de naissances supplémentaires.

L’un des changements récents les plus marquants tient bien sûr à l’augmentation du nombre de familles monoparentales, de 9,4 % en 1975 à 13,3 % en 1990. En 2016, on comptait 2,9 millions de familles monoparentales avec au moins un enfant de moins de 25 ans, soit 31 % de l’ensemble des familles. Par ailleurs, alors qu’en 1962, 55 % des parents à la tête d’une famille monoparentale étaient veufs, en 2011, ils n’étaient plus que 6 %. Les ruptures d’union sont désormais la première cause de création d’une famille monoparentale. Les risques de précarité et de pauvreté qui sont associés à ce phénomène, dans un pays où un enfant sur cinq vit encore aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, ne laissent bien sûr pas d’inquiéter.

Par ailleurs, en termes conjugaux, les derniers chiffres de l’INSEE laissent voir une société profondément transformée : en 2015, on comptait 73 % de couples mariés, 4 % de « pacsés » et 23 % d’unions libres, alors que la part des couples mariés était de 96 % en 1975 et de 87 % en 1990.

Enfin, les derniers recensements témoignent de l’évolution du nombre de couples de même sexe et de familles dites « homoparentales » ([2]). Selon une enquête menée par l’INSEE en 2018 ([3]), 266 000 personnes partagent leur logement avec un conjoint du même sexe, formant ainsi 133 000 couples de même sexe. Ce chiffre, qui connaît un doublement statistique depuis 2011 (+ 56 % pour les couples d’hommes ; + 44 % pour les couples de femmes), doit toutefois être pris avec un certain nombre de nuances tenant à la difficulté de mesurer la part des couples de même sexe et, a fortiori, des familles homoparentales, dans la population totale ([4]). Environ 31 000 enfants vivent ainsi avec un couple de même sexe, dont 26 000 mineurs.

La multiplication des schèmes familiaux a conduit le législateur social et les gouvernements à adapter la politique familiale à la multiplicité de ces réalités. Des trois objectifs exposés plus haut, celui consacré à la prise en charge des familles précaires a connu un maintien financier dont n’ont bénéficié véritablement ni la prise en charge du « risque » lié à la venue au monde d’un enfant, ni la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.

Le visage qui peut être rapidement donné à notre politique familiale, et qui sera décrit plus longuement dans la suite de ce rapport, est donc le suivant.

● Le premier objectif a permis de maintenir une natalité dynamique, ce qui constitue, malgré son effritement récent, une exception française dans un paysage européen en berne. Nous pouvons donc collectivement nous réjouir d’être et de demeurer le pays le plus fécond d’Europe, avec un indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) de 1,87 en 2018.

Selon le « PQE ([5]) » Famille annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, 758 000 enfants sont nés en France en 2018, soit 11 500 de moins qu’en 2017. Cette diminution a certes des origines multifactorielles, dont notamment le recul de l’âge de procréation et la baisse du nombre de femmes en âge de procréer. Alors que le nombre de femmes entre les âges de 20 et de 40 ans était de 9,1 millions en 1998, elles ne sont en 2018 plus que 8,4 millions.

Mais cette évolution n’est pas uniquement statistique, le graphique ci‑dessus le montre amplement. L’inflexion de la politique familiale depuis les années 2014/2015 ne saurait être étrangère à la chute drastique de la natalité de notre pays. D’un solde proche du seuil de renouvellement des générations, estimé à environ 2,1 enfants par femme, la France s’enfonce inexorablement vers un ICF qui s’approche d’1,8.

La politique de soutien à la natalité passe principalement par les allocations familiales. Ces dernières sont servies sous condition de ressources depuis 2015 aux personnes ayant au moins deux enfants de moins de 20 ans à leur charge, sur simple déclaration de naissance auprès de la caisse d’allocations familiales (CAF) ou de la caisse de la mutualité sociale agricole (MSA) compétente. Aujourd’hui, les allocations familiales bénéficient à près de 5 millions de familles, une proportion en légère hausse entre 2009 et 2017.

● S’agissant de la politique d’aide aux familles les plus vulnérables, cette deuxième composante de la politique familiale vise une redistribution verticale en faveur des familles les plus modestes. Elle s’inscrit dans le champ global des politiques sociales de lutte contre la pauvreté et en est difficilement séparable. Les allocations participant de cette politique sont les suivantes :

– l’allocation de rentrée scolaire, pour les familles modestes dont les enfants sont scolarisés dans le primaire ou le secondaire, qui a concerné en 2018 3,11 millions de personnes ;

– les primes de naissance/adoption, qui ont bénéficié à 564 000 familles en 2018 ;

– le complément familial, versé aux familles modestes de trois enfants et plus, dont le montant a augmenté de 50 % entre 2014 et 2018, qui a bénéficié en 2018 à 900 000 personnes.

Cette politique engendre un effet redistributif fort, puisque, pour les couples avec trois enfants ou plus, le rapport entre les niveaux de vie du premier décile et du dernier décile passe de 8,6 avant impôt et prestations familiales, à 4,2 après.

● Le troisième axe de la politique familiale a émergé au cours des années 1990 pour permettre la prise en compte de l’aspiration des parents à articuler leurs responsabilités familiales et professionnelles.

Celui-ci s’appuie notamment sur le développement des offres d’accueil des jeunes enfants ainsi que sur des dispositifs destinés à permettre à l’un des parents de cesser ou de réduire temporairement son activité professionnelle sans obérer ses chances ultérieures de retour à l’activité professionnelle. Concrètement, cela se traduit par :

– une augmentation des dépenses de soutien au fonctionnement des équipements d’accueil du jeune enfant (EAJE) : crèches collectives, « haltes garderies », services d’accueil familial, micro-crèches, jardins d’enfant ;

– une prestation spécifique, la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), créée en 2004 et visant à limiter la charge des modes de garde individuels pour les ménages ;

– la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), créée le 1er janvier 2015, dont 272 000 personnes bénéficiaient à la fin de 2017.

Issue de la loi nᵒ 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, cette dernière prestation devait favoriser le recours des pères au congé parental. La part des pères bénéficiaires du dispositif stagne aujourd’hui à 3 %, signalant l’échec de cette réforme et la nécessité de repenser la politique d’accueil du jeune enfant.

Aujourd’hui, la principale problématique concernant ce troisième pan de la politique familiale, relève de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le taux d’emploi des femmes âgées de 20 à 64 ans en France s’établit à 66,7 % en 2017, en hausse de 0,4 point par rapport à 2016, contre 74,6 % pour les hommes. Par ailleurs, le taux d’emploi des femmes est nettement plus sensible à la configuration familiale du ménage que celui des hommes. Ainsi, lorsque la famille comprend au moins un enfant de moins de 3 ans, le taux d’emploi des femmes décroît dès le deuxième enfant mais surtout avec le troisième enfant. En 2017, alors que le taux d’emploi des mères d’un enfant s’élève à 67,8 %, celui des mères de deux enfants est de 60,3 % et celui des mères de trois enfants ou plus s’établit à 36,9 %.

Pour la rapporteure, l’ensemble de ces dispositifs sont pertinents et même interdépendants. Le soutien financier pour faire face au risque pour la carrière professionnelle que représentent les enfants doit permettre à leurs mères de reprendre une activité professionnelle après la naissance dans les meilleures conditions possibles. De la même manière, les familles précaires doivent pouvoir bénéficier d’une politique ambitieuse à destination de l’ensemble des familles françaises.

Toutefois, pour la rapporteure et le président de cette mission, l’objectif de soutien à l’ensemble des femmes et des hommes qui décident d’avoir des enfants a été perdu de vue ces dernières années. Les réformes en sont connues, qu’il s’agisse de la diminution du plafond du quotient familial ou de la modulation des allocations familiales en fonction des ressources.

Pour tenir compte de la diversité actuelle des familles, la politique familiale française ne peut se contenter de viser les différentes catégories de familles selon leur composition, au risque du saupoudrage budgétaire. Or, les réformes successives de la politique familiale, souvent menées sans véritable réflexion de fond sur les objectifs qui doivent guider cette politique ni sur les façons de « faire famille » aujourd’hui, ont contribué à complexifier les nombreuses prestations, au prix d’une moindre lisibilité d’ensemble.

La politique familiale ne se réduit toutefois pas au seul champ des versements des prestations familiales. C’est ce qui a conduit votre rapporteure à initier son programme d’auditions par des rencontres avec des philosophes, des sociologues, des chercheuses et des chercheurs, afin d’éclairer la mission sur ce que sont les familles françaises au XXIe siècle et les conséquences que pouvait en tirer le législateur. Ces réflexions appellent une série de remarques liminaires.

En premier lieu, d’une manière évidemment inattendue au début de cette mission, l’épidémie de Covid-19 est venue rappeler à tous la valeur de ce qu’était une famille.

La famille est redevenue, au moment de la mise en œuvre des mesures de confinement pour faire face à l’épidémie, un lieu central pour les Français. Qu’il s’agisse des étudiants revenus dans le foyer familial avant d’être contraints de rester dans leur studio en ville, de nos aînés qui ont été, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), coupés des visites physiques de leurs proches ou encore de la « gestion » quotidienne des enfants privés d’école, les familles ont dû composer avec les mesures destinées à protéger l’ensemble de la population. Cette épreuve a rappelé à tous pourquoi l’idée de « faire famille » était loin d’être obsolète.

Certes, cette période s’est également distinguée par la recrudescence des violences familiales, comme en a témoigné l’augmentation de 85 % des appels à la plateforme dédiée du Gouvernement. Certes, les différences entre les familles, en fonction de leur capital socio-économique, de la nécessité différenciée de retourner au travail ou même de la seule localisation géographique de chacun des foyers interdit d’adopter une approche monolithique de l’impact de l’épidémie sur les familles.

La rapporteure a aussi souhaité donner la parole, aux familles et à leurs représentants pour comprendre quel avait pu être l’impact du confinement et des mesures réglementaires de fermeture des établissements jugés non-essentiels à la vie de la Nation.

Il en ressort plusieurs enseignements :

– la famille est une « valeur refuge » quand notre société est amenée à traverser des épreuves aussi déstabilisantes et que l’isolement est un risque décuplé. Selon une enquête menée par l’IFOP du 18 avril 2020, le ressenti positif du confinement concerne 75 % des personnes en couple, 71 % des personnes vivant dans un foyer de 4 personnes et plus, 68 % de celles vivant dans un foyer de plus de 3 personnes et 67 % de celles vivant seules. Cette enquête, qui a été menée au mitan du confinement, confirme que le bien-être des Français était directement indexé sur la composition de leurs foyers ;

– la crise sanitaire a eu des effets contraires : elle a eu tendance d’une part à renforcer ce qu’il est convenu d’appeler la famille nucléaire où l’interdépendance et les liens de solidarité intrafamiliaux sont accrus par les nécessités du quotidien ; d’autre part, elle a amené les Français à distancier les rapports avec les membres de la famille élargie, avec la recommandation de ne pas tenir de rassemblements familiaux mais aussi la nécessité de protéger les plus vulnérables ;

– l’isolement pour certaines familles, ou certains membres de la famille, a été nécessairement accru. Il en est allé ainsi des mères célibataires qui ont dû cumuler les difficultés, entre la fermeture des écoles, la suppression du repas scolaire, ressource souvent indispensable, la poursuite éventuelle du télétravail et la gestion de l’ensemble des tâches quotidiennes qui demeurent. Ainsi qu’une de ces mères l’a décrit : « on nous a demandé à nous parents d’être nounous, profs, animateurs, psychologues, ou juste simplement, gardiens. De faire des miracles de trésorerie et d’imagination pour nourrir correctement nos enfants » ;

La seconde série de réflexions entre en résonance avec les travaux actuels relatifs à la « bioéthique » que notre Parlement examine au moment de la rédaction du présent rapport. Progressivement amené au statut de sujet de droit ([6]), la définition des familles aujourd’hui se centre autour de l’enfant. Pour reprendre l’expression d’Ulrich Beck, « l’enfant fait la famille » ([7]). La petite société qui entoure l’être qui naît doit s’organiser aujourd’hui dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est le sens qui doit également primer aujourd’hui dans les modalités d’élargissement des modes de procréation et d’établissement de la filiation.

Il convient à ce titre d’éviter un écueil des politiques familiales contemporaines : « celui d’une indifférenciation des statuts qui ferait notamment oublier que la reconnaissance des droits de l’enfant ne fait pas seulement de l’enfant un sujet de droits mais aussi, comme le dit la philosophe anglaise Onora O’Neill, un être toujours « objet de sollicitude », à l’égard de qui les parents ont des obligations morales, une responsabilité » ([8]).

Les débats actuels sur l’extension de l’accès à l’assistance médicale à la procréation replacent en effet la question de la filiation et, à travers elle, celle du lignage, au cœur des réflexions contemporaines. Comme l’écrivaient, dans leur récente étude, Irène Théry et Anne-Marie Leroyer, « dans un premier temps, la filiation s’est puissamment unifiée grâce à l’égalisation des filiations légitime et naturelle, qui a fait sombrer dans l’oubli la grande fracture qui organisait autrefois tout l’univers familial, séparant d’un côté l’honneur et de l’autre la honte. Puis est apparu le principe de maintien d’une coparentalité post divorce. Enfin l’antique distinction entre filiation légitime et naturelle a été effacée du droit. Ces changements capitaux ont traduit la montée de la valeur majeure d’égalité entre tous les enfants, quelle que soit la situation de leurs parents (mariés ou non mariés, unis ou séparés). Le principe d’indissolubilité s’est déplacé du mariage vers la filiation. La filiation est désormais l’axe d’un droit commun de la famille » ([9])

Les réflexions qui doivent donc nous animer ne sauraient uniquement être centrées sur la seule famille nucléaire, mais considérer la famille comme une enceinte inscrite dans une généalogie et scandée par des étapes solennelles. « La famille, en effet, n’est jamais un simple réseau de relations interpersonnelles, qu’elles soient faites de liens charnels et/ou de liens affectifs. Elle est toujours aussi, d’abord, une institution inscrite au sein d’un système symbolique de parenté » ([10]).

L’institution du mariage mérite, à ce titre, une attention particulière. Il engage bien sûr les futurs époux à titre principal, mais également la communauté nationale à travers la célébration publique d’une « cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence » ([11]) à la date de publication de l’annonce du mariage. Il incombe au maire, en sa qualité d’officier de l’état civil, d’assurer la pleine connaissance, par les époux, de ce que signifie un mariage, en termes juridiques comme en termes symboliques.

De l’accueil du jeune enfant à l’accompagnement de nos aînés, y compris dans des circonstances aussi difficiles que celles que la France vient de traverser, la politique familiale doit accompagner les individus à tout âge. Elle doit redevenir une politique universelle de soutien à toutes les familles.


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Première Partie : les aides financières aux familles

La naissance d’un enfant engendre des coûts pour les familles, qui rendent leur niveau de vie en moyenne plus faible que celui des ménages sans enfant. Ainsi, une étude de la direction du Trésor de 2015 montre que les familles d’un ou deux enfants ont en moyenne un niveau de vie inférieur de 11 % à celui d’un ménage sans enfant. Cet écart atteint 26 % entre les familles sans enfant et celles avec trois enfants et plus ([12]).

Ce constat justifie pleinement l’existence d’aides financières en faveur des familles afin de réduire les inégalités constatées entre ménages avec et sans enfant.

Si les prestations familiales, et en particulier les allocations familiales, restent les aides les plus emblématiques de la politique familiale, le soutien financier aux familles prend des formes variées. La prise en compte des enfants dans le calcul des impôts et des prestations sociales, les différentes aides à la garde d’enfants, ou encore les majorations de retraite permettent d’opérer une redistribution, à la fois des ménages sans enfant vers les familles (redistribution horizontale) et des ménages aisés vers les familles plus modestes (redistribution verticale).

Depuis plusieurs années, la politique familiale a été marquée par des mesures d’économies sans précédent qui ont pesé lourdement sur les familles. Ces mesures de restriction budgétaire se sont traduites lors de la précédente législature par une diminution des prestations monétaires et des avantages fiscaux dont bénéficient les ménages les plus aisés et les classes moyennes, mais également par une série d’ajustements touchant des prestations déjà sous condition de ressources.

La volonté de réduire le déficit de la branche famille a conduit à restreindre substantiellement l’effort collectif en faveur des familles. Or, la récente crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 va entraîner une forte dégradation des comptes de la sécurité sociale en 2020, liée à la fois à un effondrement des recettes sociales et à une augmentation mécanique des dépenses sociales, principalement de l’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) ([13]).

Dans ce contexte inédit, la politique familiale ne saurait une fois encore constituer une variable d’ajustement, alors que les familles sont touchées de plein fouet par la crise économique et sociale que nous traversons.

Au contraire, la France a plus que jamais besoin d’une politique familiale claire et ambitieuse. À cet égard, la rapporteure souhaite rappeler que l’universalité est un principe fondamental de notre modèle de politique familiale, qui doit être réaffirmé. Ce principe, selon lequel chaque famille bénéficie d’une aide lorsqu’elle a des enfants, contribue à la cohésion sociale de notre pays. Il ne fait pas obstacle à l’existence de prestations destinées prioritairement aux familles les plus modestes.

Les aides financières versées aux familles doivent répondre à la fois à l’objectif de redistribution horizontale des ménages sans enfant vers les ménages avec enfant(s), d’une part, et à celui de redistribution verticale des familles les plus aisées vers les familles les plus modestes, d’autre part. Ces deux objectifs constituent en quelque sorte les deux jambes de la politique familiale.

I.   réaffirmer le caractère universel de la politique familiale

Le premier objectif de la politique familiale est la compensation de la charge liée à l’arrivée d’un enfant. Cet objectif appelle des outils dits de redistribution horizontale, c’est-à-dire des mécanismes de solidarité des familles sans enfant envers les familles avec enfants. Les allocations familiales constituent le principal de ces outils ; le quotient familial, qui permet la prise en compte des charges de famille dans le calcul de l’impôt sur le revenu, participe de la même logique.

Ces deux outils ont connu des évolutions significatives au cours des dernières années, tendant remettre en cause l’universalité de la politique familiale et à concentrer le soutien public sur les familles les plus modestes.

A.   rétablir une réelle universalité des allocations familiales

1.   La remise en cause progressive de l’universalité de la politique familiale

a.   Les allocations familiales, principale prestation familiale, sont désormais modulées en fonction des revenus

i.   Une prestation historique

Les allocations familiales constituent la plus ancienne des prestations familiales. Dans un objectif nataliste, lui-même dicté par un contexte de rivalité démographique avec la Prusse puis l’Allemagne, des employeurs dits « paternalistes » versaient de leur propre chef, dès la fin du XIXe siècle, des « sursalaires » à leurs employés, afin de compenser le coût généré par l’arrivée d’un enfant. Ces sursalaires sont les ancêtres des allocations familiales, créées par la loi en 1932, puis majorées au profit des familles dont la mère reste au foyer en 1938, à l’approche de la seconde guerre mondiale.

Les allocations familiales sont versées aux personnes ayant au moins deux enfants de moins de 20 ans à leur charge, sur simple déclaration de naissance auprès de la caisse d’allocations familiales (CAF) ou de la mutualité sociale agricole (MSA) compétente ([14]).

Depuis leur création et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ([15]), le montant des allocations familiales était identique pour tous les bénéficiaires, quel que soit le niveau de leurs revenus. Au 1er avril 2014, le montant de l’allocation s’élevait ainsi à 129,35 euros pour deux enfants. Ce montant augmente avec le nombre d’enfants (il était ainsi de 295,05 euros pour trois enfants et de 460,77 euros pour quatre enfants en 2014). Une majoration par enfant supplémentaire au-delà de quatre, ainsi que pour chaque enfant atteignant l’âge de 14 ans, est également prévue.

Le nombre de familles bénéficiaires des allocations familiales s’élevait, en décembre 2013, à 4,8 millions. Parmi elles, 1,5 million de familles ne percevaient pas d’autres prestations familiales.

ii.   La modulation des allocations familiales remet en cause l’universalité de la politique familiale

Les allocations familiales sont, depuis le 1er juillet 2015, modulées selon trois niveaux de revenus : elles continuent d’être perçues pour la totalité de leur montant antérieur lorsque les revenus n’excèdent pas un premier plafond, puis ce montant est divisé par deux lorsque les revenus se situent entre le premier et le second plafond, et enfin le montant est divisé par quatre lorsque les revenus dépassent le second plafond. Les plafonds de revenus affichés au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 étaient, par souci de lisibilité politique, de respectivement 6 000 et 8 000 euros par mois. Compte tenu du niveau de ressources précisément retenu par voie réglementaire, du fait que le montant des allocations familiales augmente avec le nombre d’enfants, et de l’existence d’une majoration spécifique pour les enfants de plus de 14 ans, la réalité des chiffres est plus complexe, comme l’illustre le tableau ci-dessous, précédé d’un encadré précisant les modalités de calcul des allocations familiales.

Modalité de calcul des allocations familiales

Le montant des AF résulte désormais de l’application d’un barème défini par l’article D. 521-1 du code de la sécurité sociale :

– lorsque le revenu n’excède pas le premier plafond, le montant des AF est égal à une fraction de la base mensuelle de calcul des prestations familiales ([16]) (32 % pour le deuxième enfant, 41 % pour chacun des enfants à compter du troisième) ;

– lorsque le revenu est compris entre le premier et le second plafond, les taux précités sont divisés par deux, et donc ramenés à respectivement 16 % et 20,5 %.

– lorsque le revenu excède le second plafond, les taux sont divisés par quatre (soit 8 % et 10,25 %).

Les deux plafonds de revenus sont définis par référence au revenu net catégoriel ([17]) de l’année N-2 ; ils varient eux aussi en fonction du nombre d’enfants à charge, et sont indexés annuellement sur l’inflation hors tabac. En application de l’article D. 521-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2015 :

– le premier plafond est fixé à 55 950 euros, avec une majoration de 5 595 euros par enfant à charge (soit, après prise en compte de l’inflation, un montant de 69 309 euros avec deux enfants en 2020) ;

– le deuxième seuil est fixé à 78 300 euros, avec la même majoration par enfant à charge (soit 92 381 euros avec deux enfants en 2020).

Les AF sont par ailleurs majorées lorsque les enfants ont plus de 14 ans ([18]). Les modalités de calcul de la majoration sont calquées sur celles du montant de base ; en fonction de la tranche de revenu, le montant de la majoration est égal à 16 %, 8 % ou 4 % de la base mensuelle.

Il existe par ailleurs deux dispositifs de « lissage » des AF :

– le mécanisme de l’allocation forfaitaire, d’une part. Il permet aux familles d’au moins trois enfants, dont l’un atteint l’âge de 20 ans mais reste vivre dans le foyer et ne perçoit pas un revenu professionnel supérieur à 943,44 euros, de bénéficier pendant un an, au titre de cet enfant, d’un montant forfaitaire, modulé selon la tranche de revenus ([19]) ;

– le complément dégressif, d’autre part. Il a été instauré au moment de la modulation des AF, pour limiter la perte de ressource des foyers dépassant légèrement le seuil de revenus déclenchant la réduction du montant de base des allocations. Le complément dégressif s’applique aux AF de base, à leur majoration pour âge et à l’allocation forfaitaire ([20]).

Source : Commission des affaires sociales.

Montants des allocations familiales
en fonction de la situation de famille et des ressources

Situation de la famille

Montant de base

Majoration (enfant de plus de 14 ans)

Nombre d'enfants à charge

Ressources

2 enfants

Inférieures ou égales à 69 309 euros

131,95 euros

+ 65,98 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 69 309 € et inférieures ou égales à 92 381 euros

65,98 euros

+ 32,99 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 92 381 euros

32,99 euros

+ 16,50 euros si le second enfant a plus de 14 ans

3 enfants

Inférieures ou égales à 75 084 euros

301 euros

+ 65,98 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 75 084 € et inférieures ou égales à 98 156 euros

150,50 euros

+ 32,99 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 98 156 euros

75,26 euros

+ 16,50 euros si le second enfant a plus de 14 ans

4 enfants

Inférieures ou égales à 80 859 euros

470,07 euros

+ 65,98 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 80 859 euros et inférieures ou égales à 103 931 euros

235,03 euros

+ 32,99 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Supérieures à 103 931 euros

117,52 euros

+ 16,50 euros si le second enfant a plus de 14 ans

Source : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13213

D’après une étude réalisée par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) en 2016 ([21]), environ 455 000 foyers sont concernés par la modulation, soit un peu plus de 9 % du nombre total d’allocataires (environ 220 000 divisions par deux et 235 000 divisions par quatre). Cette modulation a généré une économie spontanée de 750 millions d’euros par an, dont 290 millions d’euros au titre de la deuxième tranche de revenus (division par deux) et 460 millions au titre de la troisième tranche (division par quatre). Au total, les allocations familiales ont bénéficié à 4,9 millions de familles en 2019, pour un coût de 12,7 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessus montre que la modulation des allocations familiales a entraîné une perte de revenus de près de 100 euros par mois pour les familles de deux enfants dont les revenus annuels se situent dans la troisième tranche de revenus, et de 66 euros par mois pour les revenus de la deuxième tranche. Pour les familles de trois enfants, cette perte s’élève respectivement à 226 euros et 150 euros par mois. Les familles de quatre enfants ont quant à elles connu une diminution des allocations familiales de respectivement 352 et 217 euros par mois.

La modulation des allocations familiales a donc entraîné une réduction importante des prestations versées aux familles situées dans le haut de l’échelle des revenus, mais également aux familles de la classe moyenne, qui ont déjà subi l’abaissement du plafond du quotient familial en 2013 et en 2014. Pour certaines familles, le maintien d’une aide relève désormais davantage du symbole que d’une réelle prestation d’entretien.

2.   Une évolution préoccupante

La modulation des allocations familiales en fonction des revenus soulève plusieurs questions.

a.   La méthode employée pour remettre en cause une prestation aussi fondamentale est contestable

La modulation des allocations familiales en 2015 a été mise en œuvre un an après l’abaissement du plafond du quotient familial, intervenue en 2013 et en 2014. Pourtant, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, le choix d’abaisser une nouvelle fois ce plafond avait été présenté comme une alternative à la modulation des allocations familiales, que la majorité de l’époque avait écartée conformément à un engagement de campagne du Président de la République d’alors.

Or, cette mesure a finalement été introduite en catimini l’année suivante par un amendement parlementaire au PLFSS pour 2015, déposé à l’Assemblée nationale en séance publique par la rapporteure des crédits de la branche famille, avec l’accord du Gouvernement. Elle n’a donc pas fait l’objet des consultations préalables relatives à la sécurité juridique du dispositif, ni d’aucune concertation avec les associations familiales. Comme l’a indiqué de manière assez révélatrice M. Julien Damon, conseiller scientifique de l’école nationale supérieure de sécurité sociale (En3s), lors de son audition devant les membres de la mission, « sur la politique familiale, j’avais pu écrire qu’il s’agit d’une politique de gribouille. Toutes les personnes qui sont à la manœuvre de la politique familiale le savent, lorsque nous avons décidé de la modulation des allocations familiales, une réforme assez substantielle de ces allocations, le ministère en charge ne savait pas la veille ce qui allait être décidé ».

La méthode ainsi employée pour remettre en cause un principe aussi fondamental est regrettable. Cette volte-face par rapport à un engagement de campagne a trahi la confiance des familles.

Comme l’on pouvait le craindre, la fin de l’uniformité des allocations familiales a ouvert la voie à une remise en cause de leur universalité. En effet, quelques jours avant le dépôt du PLFSS pour 2018, un débat s’est ouvert sur l’opportunité d’un maintien des allocations familiales pour les familles aisées, au motif que les montants qu’elles perçoivent étaient devenus purement symboliques. M. Olivier Véran, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, a ainsi déclaré au journal Le Figaro « vouloir étudier la fin de l’universalité des allocations familiales » ([22]). M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie a quant à lui indiqué n’être « pas fermé » à la possibilité de « supprimer les allocations familiales pour les revenus les plus élevés », soulignant sur la chaîne CNews que cette suppression « pourrait être une mesure juste parce que quand on a un niveau de revenu élevé on n’a pas forcément besoin des allocations familiales » ([23]).

b.   Une remise en cause de la nature et des objectifs de la politique familiale

Le principe d’universalité constitue la pierre angulaire de la politique familiale française depuis son origine. Il repose sur l’idée que chaque famille bénéficie d’une aide dès lors qu’elle a des enfants.

En effet, selon la conception originelle de la politique familiale, les prestations familiales ont d’abord pour vocation de compenser la charge représentée par l’arrivée d’enfants au sein d’un foyer. L’universalité et l’uniformité des allocations familiales, principale prestation de la branche famille, répondent à une logique de solidarité horizontale, des célibataires et des couples sans enfant vers les familles. Selon cette logique, la compensation ne tient pas compte des ressources du foyer mais seulement du coût supporté au titre de l’enfant, à l’instar du remboursement des frais de santé par l’assurance maladie.

Le principe d’universalité de la politique familiale ne fait bien évidemment pas obstacle à ce qu’un certain nombre de prestations familiales soient aujourd’hui soumises à condition de ressources – c’est le cas notamment de la prime à la naissance, de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, du complément familial, ou encore de l’allocation de rentrée scolaire – ou modulées en fonction des revenus, comme pour le complément au libre choix de mode de garde.

Par ailleurs, la modulation des allocations familiales ne saurait être considérée comme une mesure de justice sociale dans la mesure où les ménages modestes n’ont nullement profité de l’effort demandé aux familles dont les allocations ont été réduites.

c.   Le risque d’une moindre acceptabilité sociale et d’un manque de lisibilité de la politique familiale

Avec la modulation des allocations familiales et la concentration des prestations sur les ménages modestes, l’universalité de la politique familiale devient purement symbolique. En effet, les allocations familiales étaient, jusqu’en 2015, la seule prestation qui bénéficiait de manière identique à toutes les familles de deux enfants ou plus, soit près de 4,9 millions de foyers. En tendant vers la suppression des aides publiques pour les familles des derniers déciles de revenu, le caractère familial de cette politique tend ainsi à disparaître. Pire, la remise en cause de l’universalité tend à opposer d’une part les familles bénéficiant des prestations et celles qui, tout en contribuant largement à son financement, ne reçoivent pratiquement plus d’aides. Cette évolution, qui conditionne les aides aux familles à la notion de besoin, est d’autant plus regrettable qu’elle a été dictée avant tout par des considérations d’ordre budgétaire.

La rapporteure s’interroge sur l’acceptabilité sociale et politique d’une politique familiale qui exclurait les principaux contributeurs de son bénéfice et qui tendrait à traiter de la même manière, à niveau de revenu identique, un ménage sans enfant et une famille.

d.   La voie ouverte à de nouvelles remises en cause ?

La modulation des allocations familiales, couplée avec la limitation de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles remises en cause de notre modèle social.

En effet, avec ces deux mesures, une partie croissante de la population (non seulement les plus aisés mais également les classes moyennes) assume par l’impôt et les cotisations le financement de prestations dont elle ne bénéficie pas. Une telle fracture entre les bénéficiaires du système de protection sociale et ceux qui le financent est propice à sa remise en cause au profit d’assurances privées qui excluent, par définition, les plus démunis.

Par ailleurs, le principe d’universalité pourrait progressivement être remis en cause dans d’autres branches de la sécurité sociale, à commencer par l’assurance maladie. Ainsi, le principe de modulation des prestations en fonction des revenus pourrait conduire à moduler les remboursements de frais médicaux en fonction de la capacité des assurés à assumer la prise en charge financière des soins. En extrapolant, cette logique pourrait aboutir à conditionner l’accès aux services publics. Par exemple, dans la mesure où certaines familles ont les moyens de recourir à l’enseignement privé, pourquoi ne pas remettre en cause la gratuité de l’enseignement public ?

La rapporteure a bien conscience que de telles évolutions ne sont pas à l’ordre du jour. Il convient néanmoins de garder en mémoire que la remise en cause de l’universalité des allocations familiales s’est faite alors qu’elle constituait encore, quelques années auparavant, un véritable tabou.

3.   La nécessité de rétablir une réelle universalité des allocations familiales

● La modulation des allocations familiales en fonction des revenus a remis en cause la nature et les objectifs de la politique familiale. L’objectif de redistribution horizontale, des familles sans enfant vers les familles avec enfants, a été perdu de vue, remettant ainsi en cause à la fois la lisibilité et la légitimité de la politique familiale, qui tend à être réduite à un « filet de sécurité » social destiné à soutenir les ménages modestes.

Dans ce contexte, la rapporteure propose de mettre fin à la modulation des allocations familiales mise en place en 2015. Elle souhaite que toutes les familles éligibles puissent bénéficier du même montant d’allocations, versé aujourd’hui uniquement aux familles de la première tranche de revenu : 131,95 euros pour les familles de deux enfants, 301 euros pour celles de trois enfants, 470,07 euros pour celles de quatre enfants.

Les associations interrogées par la rapporteure sont favorables au rétablissement d’une réelle universalité des allocations familiales, qui seraient versées de manière identique à toutes les familles, quels que soient leurs revenus. Le coût de cette mesure est estimé à 760 millions d’euros par la CNAF. Ce coût, qui peut paraître certes élevé, ne représente que 1,4 % de la totalité des dépenses de la branche famille, de l’ordre de 50 milliards par an.

Proposition n° 1 : mettre fin à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus

● Par ailleurs, les allocations familiales sont versées aux familles uniquement à partir du deuxième enfant, alors qu’elles constituent le principal outil permettant de compenser financièrement les charges de famille. Cette règle connaît toutefois une exception dans les départements d’Outre-mer, où les allocations familiales sont versées dès le premier enfant.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017 ([24]), la Cour des comptes indique que « le caractère progressif du niveau de soutien avec le rang de l’enfant, à partir uniquement du deuxième enfant, répond à quatre considérations : favoriser la naissance du troisième enfant dans un objectif nataliste implicite, éviter de répartir sur un trop grand nombre de familles des aides qui, à enveloppe inchangée, seraient alors insuffisantes pour avoir un effet notable sur leur niveau de vie, compenser partiellement la baisse du niveau de vie de la famille liée à l’élargissement de sa taille et remédier à une pauvreté potentiellement plus marquée » ([25]).

Sans pour autant aller jusqu’à recommander le versement des allocations familiales dès le premier enfant, la Cour relève que la prévalence de la pauvreté chez les couples avec un enfant est supérieure à celle observée chez les couples sans enfant ou avec deux enfants. Elle note également que « d’autres pays apportant un soutien selon le cas croissant avec le rang de l’enfant, mais débutant dès le premier, uniforme ou encore dégressif avec ce même rang, obtiennent des résultats proches de la France en matière de fécondité (les pays nordiques et le Royaume-Uni) ». Ainsi, en Belgique, en Suède, au Danemark et au Royaume-Uni, les prestations familiales sont versées dès le premier enfant.

Par ailleurs, le Gouvernement italien a adopté, le 12 juin dernier, un « Family act » prévoyant notamment la mise en place d’une allocation mensuelle universelle pour tout enfant à charge jusqu’à ses 18 ans, versée dès le premier enfant. Cette allocation mensuelle sera versée dès le premier enfant et majorée de 20 % à partir du deuxième. Cette aide nouvelle, qui doit être votée dans le cadre du budget de l’année 2021, devrait être versée à partir du 1er janvier 2021 ([26]).

Dans ce contexte, la rapporteure souhaite que soit ouverte une réflexion sur le versement des allocations familiales dès le premier enfant en France. Leur montant pourrait être fixé à 85 euros pour le premier enfant, 160 euros pour le deuxième, 250 euros pour le troisième enfant.

Proposition n° 2 : mener une réflexion sur le versement des allocations familiales dès le premier enfant, dont le montant pourrait être fixé à 85 euros pour le premier enfant, 160 euros pour le deuxième et 250 euros pour le troisième enfant

B.   Relever le plafond du quotient familial

1.   Le plafond du quotient familial, principal outil fiscal de soutien aux familles, a été abaissé à deux reprises

a.   Le quotient familial, principal outil fiscal de soutien aux familles

L’impôt sur le revenu repose en France sur deux principes essentiels :

– la progressivité, qui fait croître le niveau d’impôt avec le niveau de revenu. Le revenu imposable est divisé en tranches, chaque tranche du barème étant soumise à un taux d’imposition croissant ;

– l’imposition commune du foyer fiscal, et non de chaque individu qui le compose de manière séparée. Ce principe de « familialisation » de l’impôt sur le revenu a pour objet de prendre en compte l’ensemble du revenu et des charges de famille dans le calcul de l’impôt, et donc d’estimer au plus près du réel les facultés contributives du foyer ([27]).

Ce principe essentiel, qui se traduit par l’obligation pour la Nation de mettre en œuvre une politique de solidarité à l’égard des familles, trouve son fondement dans les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ([28]). Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu dans une décision rendue en 1997 que le quotient familial, en permettant de prendre en compte les charges de famille dans le calcul de l’impôt, constitue l’un des outils de la politique d’aide aux familles prescrite par le Préambule de la Constitution de 1946 ([29]).

Instauré par la loi de finances pour 1946, le mécanisme du quotient familial est applicable depuis 1948. Chaque foyer fiscal est constitué d’un certain nombre de parts, variable selon sa composition (cf. infra). Le revenu imposable est divisé en autant de parts que compte le foyer ; c’est à ce revenu divisé qu’est appliqué le barème progressif. Le montant d’impôt par part ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre de parts, produisant le montant d’impôt dû par le foyer. Le quotient familial a donc pour effet de réduire le montant de l’impôt dû, car le revenu est imposé dans des tranches plus basses qu’il le serait en l’absence d’un tel mécanisme.

b.   L’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial

L’avantage que procure le quotient familial aux familles a été plafonné, pour la première fois par la loi de finances pour 1982. Sous la précédente législature, le plafond du quotient familial a été abaissé à deux reprises : la loi de finances pour 2013 a ramené le plafond par demi-part de 2 336 à 2 000 euros, puis la loi de finances pour 2014 l’a abaissé à 1 500 euros. Ce plafond est aujourd’hui de 1 567 euros.

L’attribution de demi-parts en fonction de la composition du foyer est définie par l’article 194 du code général des impôts, dont il résulte :

– qu’un célibataire représente une part ;

– qu’un couple marié ([30]) représente deux parts, ce qui correspond au « quotient conjugal », ayant pour effet de minorer l’impôt dû par un couple dont les deux membres ont des revenus différents, selon le même mécanisme que celui décrit supra pour le quotient familial ;

– que le premier et le deuxième enfant à charge ([31]) représentent une demi-part chacun ;

– que chaque enfant à compter du troisième représente une part entière ;

– que, dans la généralité des cas, les enfants dont la charge est assumée à parité par deux parents séparés (résidence alternée) représentent un quart de part pour les deux premiers et une demi-part pour chacun des suivants ;

– que les contribuables vivant seuls et assumant la charge d’au moins un enfant bénéficient au titre du premier enfant d’une demi-part supplémentaire, dite « parent isolé ».

Cette dernière demi-part, bien qu’accordée au titre de la composition du foyer, est soumise à un plafonnement spécifique, plus élevé que le plafond de droit commun. Alors que la loi de finances pour 2013 n’avait pas modifié l’état du droit sur ce point, le plafond de cette demi-part spécifique a été abaissé de 4 040 euros à 3 540 euros par la loi de finances pour 2014, du même montant de 500 euros que pour le plafonnement général du quotient familial.

Les mesures de plafonnement du quotient familial prévues au titre des revenus de 2013 par la loi de finances pour 2014 ont concerné plus de 1,3 million de foyers au total, soit 12 % des ménages avec enfant(s) à charge. En moyenne, les impôts des foyers bénéficiaires de la mesure de plafonnement ont augmenté de 791 euros par an, le gain budgétaire réalisé par l’État étant quant à lui de 1,03 milliard d’euros.

La rapporteure regrette cette perte de revenus pour les familles avec enfants et souhaite rappeler que le quotient familial n’est pas un avantage fiscal mais une compensation partielle de charge d’enfants. À revenu égal (avant impôt et transfert), une famille avec deux enfants a un niveau de vie inférieur de 25 % à un couple sans enfant à charge et une famille avec trois enfants a un niveau de vie 50 % inférieur ([32]). Le quotient familial intervient pour réduire partiellement cet écart.

En réduisant le plafond du quotient familial de 2 336 à 2 000 euros en 2013 puis à 1 500 euros en 2014, les familles ont été lourdement mises à contribution pour réduire les déficits publics.

2.   Le plafond du quotient familial doit être relevé

● La précédente majorité a justifié la limitation de l’avantage fiscal issu du quotient familial par la nécessité de réduire le déficit public, tout en soulignant à l’époque que l’abaissement du plafond devait éviter de moduler les allocations familiales en fonction des revenus.

Non seulement cette promesse n’a pas été tenue, la modulation des allocations familiales ayant été mise en place dès l’année suivante, mais les comptes de la branche famille sont depuis devenus excédentaires. En 2019, la branche famille connaît ainsi un solde positif de 1,5 milliard d’euros, en progression d’un milliard par rapport à l’année 2018.

Par ailleurs, certains pays, à l’instar de l’Allemagne, ont récemment renforcé leur politique de soutien fiscal aux familles.

L’amélioration des avantages fiscaux qui bénéficient aux familles :
l’exemple de l’Allemagne

L’Allemagne a relevé les prestations et avantages fiscaux dans des conditions qui bénéficient aux familles des classes moyennes et aux familles aisées, dans la limite d’un plafond. Le « Familienpaket », adopté en juin 2015, relève ainsi de 10 % sur cinq ans l’abattement fiscal de droit commun, qui passe ainsi de 4 368 euros en 2014 à 4 788 euros en 2018. L’abattement fiscal spécifique aux familles monoparentales est quant à lui relevé de 50 % (de 1 308 euros à 1 908 euros), assorti d’une majoration de 240 euros pour les enfants de rang 2 et plus. Le coût de ces mesures est évalué à 5,4 milliards d’euros.

Source : Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2017 - https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017-soutiens-fiscaux-sociaux-aux-familles.pdf

Dans ce contexte, il convient de soulager la pression fiscale qui pèse sur les familles. Ces dernières contribuent largement à la solidarité nationale par leurs cotisations, par leur impôt et par le renouvellement des générations qu’elles assurent.

C’est pourquoi la rapporteure propose de relever le plafond du quotient familial pour le porter à 1 800 euros par demi-part, revenant ainsi partiellement sur les mesures décidées en 2013 et 2014. Le coût de cette mesure est estimé à environ 550 millions d’euros.

Proposition n° 3 : relever le plafond du quotient familial pour le porter à 1 800 euros par demi-part

● Par ailleurs, face à la baisse de la natalité qu’a connue la France ces dernières années, il convient de réfléchir aux moyens permettant d’inciter les familles à avoir un deuxième enfant.

Or, tel qu’il est conçu aujourd’hui, le mécanisme du quotient familial comporte une forte incitation en faveur du troisième enfant, puisque les ménages ont droit à une demi-part supplémentaire par enfant pour les deux premiers et à une part supplémentaire par enfant à partir du troisième.

Le bénéfice d’une part supplémentaire dès le deuxième enfant pourrait inciter certaines familles à avoir un deuxième enfant.

Proposition n° 4 : mener une réflexion sur la possibilité d’accorder une part fiscale supplémentaire par enfant à partir du deuxième enfant

Lutter contre la pauvreté des familles

A.   Les familles les plus fragiles ont fait l’objet d’une attention particulière ces dernières années

Le taux de pauvreté des enfants est particulièrement élevé. Si, en 2014, 14 % de la population métropolitaine, soit 8,6 millions de personnes, vit en dessous du seuil de pauvreté, la pauvreté des enfants est sensiblement supérieure à celle de l’ensemble de la population puisqu’elle atteint 19,8 %, comme le note le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) dans un rapport du 5 juin 2018 consacré à la lutte contre la pauvreté des familles et des enfants ([33]).

Deux types de familles sont particulièrement concernés : les familles monoparentales et les familles nombreuses. Le taux de pauvreté des familles monoparentales atteint ainsi 39 % avec deux enfants et 63 % pour celles de trois enfants ou plus. Il est de 40 % pour les couples ayant au moins quatre enfants.

1.   Les aides financières en faveur des familles les plus vulnérables

Les réformes engagées depuis 2012 ont permis de renforcer le caractère redistributif des prestations familiales, en s’attachant à améliorer les aides en faveur des familles les plus fragiles, en particulier les familles monoparentales.

La mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté en 2013, a largement contribué à l’augmentation des aides versées aux familles les plus fragiles. Dans le cadre de ce plan :

– le complément familial, versé sous condition de ressources aux familles comportant au moins trois enfants, a vu son montant majoré de 10 % par an pendant cinq ans pour les familles nombreuses les plus vulnérables, dont les revenus se situent sous un plafond de ressources proche du seuil de pauvreté. Au 1er avril 2020, le montant du complément familial est de 171,74 euros et celui du complément familial majoré de 257,63 euros par mois ;

– le montant de l’allocation de soutien familial (ASF) en faveur des familles monoparentales a quant à lui été revalorisé de 25 % entre 2014 et 2018. Cette allocation est versée pour élever un enfant privé de l’aide de l’un ou de ses deux parents ou pour compléter une pension alimentaire dont le montant est faible. Elle peut également être versée à titre d’avance en cas de pension alimentaire impayée par l’autre parent. Son montant s’élève à 115,99 euros par enfant à charge le 1er avril 2020 ;

– le montant de l’allocation de rentrée scolaire (ARS), versée sous condition de ressources, a été revalorisé en 2012 de 25 % par rapport à 2011 ([34]). En 2020, il s’élève à 369,95 euros pour les enfants de 6 à 10 ans, 390,35 euros entre 11 et 14 ans et 403,88 euros entre 15 et 18 ans ;

– le revenu de solidarité active (RSA), qui bénéficie à 15 % des familles avec enfants, a également fait l’objet d’un plan de revalorisation de 10 % entre 2013 et 2017 ;

Par ailleurs, la LFSS pour 2018 a mis en place une majoration de 30 % des montants du complément au libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales.

2.   Des progrès encourageants en matière de versement des pensions alimentaires

a.   Le problème récurrent des impayés de pensions alimentaires

Le paiement d’une pension alimentaire doit permettre à la fois de répartir équitablement la charge qui incombe au parent qui a la garde de l’enfant, mais aussi d’amoindrir la perte de niveau de vie à la suite d’une séparation, qui est de l’ordre de 22 % en moyenne pour les femmes, selon l’INSEE ([35]).

 Or, le nombre de victimes d’impayés peut être estimé à 35 % des créanciers de pensions alimentaires, soit environ 315 000 personnes, selon une mission menée conjointement par les inspections générales des affaires sociales (IGAS), des finances (IGF) et des services judiciaires (IGSJ) en 2016 ([36]). Surtout, selon les données du ministère de la Justice, la pension alimentaire est versée de façon irrégulière dans 9 % des cas et elle n’a jamais été versée dans 11 % des cas. Or, le versement des pensions alimentaires est d’autant plus crucial que ces pensions représentent en moyenne 18 % des revenus du parent qui a la charge des enfants.

Les parents créanciers qui souffrent d’une situation d’impayé bénéficient d’une allocation spécifique : l’allocation de soutien familial (ASF). Son versement intervient dans près de 95 % des cas lorsque le débiteur est dans l’incapacité de faire face au paiement de sa pension alimentaire. Ce versement peut également intervenir pour compenser un versement partiel ou irrégulier des pensions alimentaires, l’ASF différentielle permettant alors au conjoint créancier de toucher un minimum fixé aujourd’hui à 115,99 euros par mois.

b.   La création récente d’un service public de paiement des pensions alimentaires

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont agi dans le sens d’un meilleur recouvrement des pensions alimentaires.

Ainsi, la garantie des impayés de pensions alimentaires (GIPA) a été expérimentée en 2014, avant d’être généralisée en 2016 ([37]). Celle-ci facilite fortement la procédure de paiement direct. Plus efficace et moins lourde que la procédure impliquant un huissier de justice, le paiement direct permet au créancier d’effectuer le recouvrement des pensions impayées auprès des débiteurs du parent débiteur. Ceux-ci sont généralement son employeur, son organisme bancaire, mais aussi Pôle emploi.

L’article 44 de la LFSS pour 2016 a assoupli cette procédure, en permettant au créancier de la lancer dès la première occurrence d’un impayé, et a étendu son champ d’application aux vingt-quatre mois précédant sa première mise en œuvre. La procédure de recouvrement par paiement direct concerne 62 % des dossiers mis en recouvrement (20 915 procédures).

Par ailleurs, depuis 2017, une Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (ARIPA), rattachée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et en lien avec la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), soulage les parents créanciers. Son action se décline selon les modalités suivantes :

– le recouvrement des impayés de pension alimentaire et l’avance de l’ASF aux parents isolés ;

– l’intermédiation financière sur décision du juge pour les créancières victimes de violences conjugales dès 2017 ;

– la délivrance de titres exécutoires sur la base d’un barème national aux parents concubins et pacsés qui se séparent, depuis juillet 2018.

Toutefois, l’ARIPA n’avait, en septembre 2019, que 40 500 procédures en cours, soit environ 17 % de l’ensemble des familles subissant des incidents. L’importance de ce non-recours s’explique à la fois par une méconnaissance de la procédure et des difficultés d’accès administratives. Les procédures en recouvrement sont par ailleurs souvent tardives, ce qui entraîne un nombre important d’impayés et une plus grande exposition à la pauvreté des parents créanciers, bien souvent des créancières.

Dans ce contexte, la création d’un nouveau service public de versement des pensions alimentaires par l’article 72 de la LFSS pour 2020 marque une véritable avancée en faveur des familles monoparentales, que la rapporteure souhaite saluer.

Cet article instaure ainsi un dispositif d’intermédiation financière auquel les parents peuvent avoir volontairement recours après leur séparation. Le parent débiteur versera à l’organisme débiteur des prestations familiales le montant de la pension alimentaire, reversée ensuite au parent créancier. Tout manquement du parent débiteur à ses obligations pourra faire l’objet de sanctions et entraînera, dès le premier impayé, le recouvrement forcé de la pension. Le cas échéant, l’organisme versera au parent créancier une allocation de soutien familial, à hauteur du montant de la pension alimentaire impayée.

La mise en place de cette intermédiation pourra toujours être décidée d’office par un juge pour des faits de violence ou de menaces, comme c’est déjà le cas, mais aussi par décision du juge à la demande de l’un des deux parents. En particulier, le recouvrement forcé des pensions alimentaires pourra se faire sur un ensemble de prestations sociales et familiales (prime d’activité, allocation aux adultes handicapés, aide personnalisée au logement, prestations familiales).

La mise en œuvre de ce service public, qui devait intervenir le 1er juin 2020, a été repoussée compte tenu de l’épidémie de Covid-19. La rapporteure sera particulièrement attentive au calendrier de sa mise en place.

B.   La crise sociale actuelle nécessite de renforcer les aides destinées à toutes les familles fragiles

1.   Une crise économique et sociale qui touche les familles de plein fouet

La récente crise sanitaire a fait basculer la France dans une crise économique et sociale de grande ampleur. L’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime ainsi que le nombre de chômeurs s’est accru de 620 000 personnes au cours des huit premières semaines de confinement. Le taux de chômage devrait passer de 8,5 % en 2019 à 10,1 % en 2020, avec des pics annoncés à 13 % ou même 16 % au cours de l’année ([38]).

Les dispositifs d’aides (arrêts de travail, chômage partiel, aides aux indépendants), bien que massifs, n’ont pu garantir un maintien à l’identique des revenus, hormis pour certains ménages, notamment les bénéficiaires du chômage partiel qui étaient rémunérés au niveau du SMIC. Deux mois de dispositif d’activité partielle ont ainsi représenté une perte moyenne de 410 euros par ménage selon l’OFCE.

Une étude de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) ([39]) menée en mai 2020 auprès des services d’accompagnement budgétaire des unions départementales des associations familiales (UDAF) montre que les difficultés financières des familles se sont aggravées pendant le confinement.

En effet, 55 % des familles ont subi une hausse de leurs dépenses, alors que seulement 11 % des ménages ont profité d’une baisse de leurs charges courantes. L’augmentation des dépenses, estimée à 200 euros en moyenne pour les familles concernées, est essentiellement due à la hausse du budget alimentaire, qui s’explique à la fois par l’absence de cantine pour les enfants, la fermeture des épiceries sociales et des achats en ligne plus coûteux.

Cette hausse des dépenses s’explique également par la présence de personnes supplémentaires à domicile, en particulier les enfants majeurs revenus à la maison, et par l’achat d’équipements numériques pour la scolarité en ligne. Des ménages retraités sont aussi amenés à aider financièrement leurs enfants en difficulté à cause de la crise sanitaire.

Une large partie des ménages suivis par les services d’accompagnement budgétaire des UDAF, et pas seulement les bénéficiaires de minimas sociaux, ont ainsi rencontré des difficultés accrues pendant le confinement. L’étude de l’UNAF montre que les déséquilibres financiers se traduisent déjà par « des privations, des impayés de loyer et des factures impayées, mais aussi par le report de projets (soins par exemple), l’accumulation de frais d’incidents bancaires, des difficultés à faire face aux échéances de crédit (consommation et/ou immobilier) et des phénomènes de désépargne ».

L’horizon économique laisse à penser qu’en l’absence d’intervention, les difficultés financières de ces familles risquent de se renforcer et que d’autres familles pourraient basculer dans la pauvreté et le surendettement.

L’UNAF note à cet égard que si les difficultés financières peuvent avoir des origines différentes, le dépassement du découvert bancaire autorisé constitue un point de cristallisation et de basculement à partir duquel s’engage un cercle vicieux de l’endettement. Les frais d’incidents bancaires vont ainsi aggraver eux-mêmes le découvert et rendre encore plus probables les rejets de paiement de futures opérations, précipitant les ménages vers une situation que l’UNAF qualifie de « malendettement ».

Or, la présence d’enfants est un facteur essentiel de fragilité. En effet, 13 % des ménages ayant un ou plusieurs enfants à charge ont des arriérés de paiement de factures ou de mensualité, contre seulement 5,7 % des ménages sans enfant. Ils sont 23 % à être susceptibles de connaître des fins de mois difficiles ou très difficiles, contre 14 % des ménages sans enfants. 36 % d’entre eux estiment ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue, contre 26 % des ménages sans enfants. Enfin, la fréquence des découverts bancaires double selon qu’un ménage a ou non des enfants (plus de 40 % dans le premier cas contre 21 % dans le second cas) ([40]).

Certaines familles sont particulièrement exposées aux difficultés financières. Il s’agit des familles monoparentales dont le parent était en contrat court (ce qui représente environ 150 000 familles avec des enfants mineurs), ou plus généralement toute famille dont l’un des parents est en contrat à durée déterminée (environ 340 000 familles avec des enfants mineurs) ([41]), mais également, dans une moindre mesure, les couples avec enfant(s) dont un seul membre est en emploi, ainsi que les familles monoparentales en contrat long.

2.   Les mesures mises en place pour aider les familles à faire face à la crise

a.   L’aide exceptionnelle de solidarité

Afin d’aider les familles à faire face à la crise, les caisses d’allocations familiales (CAF) ([42]) ont versé aux ménages les plus précaires une aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire. Cette aide a été versée automatiquement le 15 mai 2020, sans que les bénéficiaires n’aient à effectuer de démarche particulière.

Ont bénéficié de cette aide les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour un montant de 150 euros par foyer, auquel s’ajoutent 100 euros par enfant à charge, ainsi que les allocataires de l’aide personnelle au logement (APL) avec enfant à charge et non bénéficiaires du RSA, pour un montant de 100 euros par enfant à charge. Ce dispositif est financé par l’État.

D’après les données communiquées par la CNAF à la rapporteure, l’aide versée par les CAF concerne 3,63 millions de foyers bénéficiaires, soit plus de 5 millions d’enfants, pour un montant de 821 millions d’euros. Le montant moyen de l’aide versé est de 226 euros par foyer.

Si le versement de cette aide exceptionnelle était indispensable, la rapporteure souligne néanmoins que les critères d’attribution auraient pu être élargis afin que les familles modestes non bénéficiaires du RSA, de l’ASS ou des APL puissent également en bénéficier. Elle craint en effet que cette aide ne suffise pas à elle seule à soutenir le pouvoir d’achat des familles des classes populaires et moyennes qui sont particulièrement touchées par la crise et qui, sans ressources suffisantes, ne pourront pas soutenir la reprise de l’économie.

b.   Les aides alimentaires d’urgence

La fermeture des établissements scolaires en raison de la crise sanitaire a empêché les enfants d’accéder à la cantine selon des tarifs adaptés à leur situation familiale. Il a pu en résulter sur le budget parfois très contraint des familles un poids supplémentaire souvent difficile à supporter.

● Plusieurs communes ont mis en place des aides destinées à compenser le surcoût entraîné par la fermeture des cantines pour les familles les plus modestes.

La CAF des Bouches-du-Rhône a ainsi permis à la ville de Marseille d’identifier les familles bénéficiant de la gratuité de la cantine et s’est chargée de leur verser une aide équivalente, financée par la ville. Une initiative de même nature a également été mise en place à Paris et à Nice.

Ces aides ont pris des formes variées selon les communes. Ainsi, à Brest, des bons d’aide alimentaires aux familles dont les enfants bénéficient normalement de repas gratuits ou à tarifs réduits dans les cantines ont été distribués à plus de 2 200 enfants au sein de presque 1 500 familles, pour un montant total de plus de 300 000 euros. Pour les foyers bénéficiant de la gratuité totale, cela représente un chèque de 150 euros par enfant scolarisé, et de 120 euros pour celles qui bénéficient du tarif le plus bas. À Toulouse, les familles qui sont exonérées de frais de cantine et celles qui bénéficient de repas à un euro ont reçu des bons d’un montant de 2,50 euros par repas et par enfant scolarisé. Cette aide a bénéficié à près de 10 000 enfants. À Strasbourg, 5 039 familles ont reçu 90 euros de bons alimentaires pour chaque enfant scolarisé.

La rapporteure tient à saluer ces initiatives locales, financées par des fonds municipaux.

● Par ailleurs, la CNAF et la caisse centrale de la MSA ont mis en place une initiative intitulée « paniers solidaires », déclinée localement par les CAF et les caisses de la MSA, en lien avec les collectivités locales. Cette action de solidarité a permis de venir en aide à la fois aux agriculteurs en difficulté en raison du confinement et aux familles aux revenus modestes, repérées par les travailleurs sociaux des caisses, qui ont ainsi bénéficié de produits alimentaires frais. Initiée début avril 2020 par la CAF du Nord et la MSA du Nord Pas-de-Calais, cette distribution de paniers alimentaires d’une valeur de 20 euros a été menée dans une dizaine d’autres CAF et caisses de la MSA. Cette action s’inscrit dans le cadre des aides d’urgence que les caisses mobilisent de manière exceptionnelle en faveur des familles les plus fragilisées.

● Un soutien particulier a enfin été apporté aux familles ultramarines. Ainsi, pendant toute la période de la crise sanitaire et tant que les établissements scolaires sont restés fermés, la prestation d’aide à la restauration scolaire (PARS) versée par les CAF aux établissements pour contribuer aux frais de cantines a été versée directement aux familles ultramarines éligibles à l’ARS, soit sous forme d’une aide financière, soit sous la forme d’une aide alimentaire directe. Cette prestation d’aide à la restauration scolaire concerne 349 000 enfants et jeunes ultramarins scolarisés en école maternelle et primaire, collège et lycée, pour un coût de dix millions d’euros.

3.   La nécessité de tirer les leçons de la crise pour protéger l’ensemble des familles de la pauvreté 

Les familles ont été touchées de plein fouet par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. L’État, les caisses d’allocations familiales et les collectivités locales ont su adapter la politique familiale pour répondre à l’urgence et soutenir les familles les plus touchées par la crise que nous traversons.

Cette crise est profonde et pourrait s’inscrire dans la durée. Il convient donc d’en tirer toutes les conséquences en matière d’adaptation de notre politique familiale. Les difficultés traversées par les familles et les premières mesures de soutien mises en place rendent nécessaires d’engager une réflexion sur plusieurs points.

a.   Éviter la spirale du surendettement des familles

Comme l’indique l’UNAF dans son étude précitée relative aux impacts du confinement et de la crise sanitaire sur le budget des familles, il est urgent de prendre dès maintenant des mesures permettant de lutter contre le surendettement des familles, afin d’éviter que ne s’enclenche une spirale pouvant mener à des situations de grande pauvreté.

Avant la crise, huit millions de personnes payaient déjà tous les mois de l’année des frais d’incidents bancaires. Aussi, afin de ne pas aggraver la situation financière de millions de familles, le Gouvernement a annoncé le 11 mai dernier un plafonnement des frais bancaires à hauteur de 25 euros par mois dès le mois suivant l’apparition des difficultés financières, et non plus seulement au bout de trois mois. Par ailleurs, les critères choisis par les banques pour faire bénéficier leurs clients en difficultés du plafonnement des frais seront désormais rendus publics, alors qu’ils n’étaient jusqu’à présent pas connus et laissés à l’appréciation de chaque banque.

Il convient de pérenniser ce dispositif après la fin de l’état d’urgence sanitaire et de permettre à l’ensemble des familles rencontrant des difficultés financières d’en bénéficier.

Proposition n° 5 : pérenniser le dispositif de plafonnement des frais bancaires et l’étendre à l’ensemble des familles rencontrant des difficultés financières

Par ailleurs, la crise que nous traversons nécessite d’améliorer l’accompagnement des familles rencontrant des difficultés budgétaires.

Pour cela, le dispositif des Points conseil budget (PCB) doit être renforcé, comme le propose l’UNAF dans sa note précitée.

Ces structures d’accueil sont destinées à accompagner toute personne rencontrant des difficultés budgétaires et ayant besoin d’un accompagnement. Les objectifs des PCB sont de prévenir le surendettement et de favoriser l’éducation budgétaire. Le Gouvernement a annoncé la labellisation de 400 PCB d’ici 2022 avec, pour chaque structure labellisée, un financement de 15 000 euros par an. 150 structures ont été labellisées dès 2019 et 250 doivent être labellisées en 2020.

La rapporteure salue la généralisation des PCB, qui figure parmi les mesures phares de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Comme l’UNAF, elle estime que leur déploiement doit être accéléré, afin de répondre aux demandes croissantes des familles en difficulté en raison de la crise.

b.   Améliorer la situation des jeunes majeurs

i.   Les jeunes sont particulièrement touchés par la pauvreté

Les jeunes de 18 à 24 ans sont plus souvent touchés par la pauvreté que l’ensemble de la population et leur situation tend à se dégrader de manière préoccupante depuis le début des années 2000. En 2015, d’après les données calculées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à partir de l’exploitation de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), 16,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, contre un taux moyen de 7,2 % pour les 25-64 ans.

Si l’importance de la pauvreté parmi les jeunes n’est pas nouvelle, l’écart avec le reste de la population a donc eu tendance à s’accroître dans les dernières années, en particulier sous l’effet de l’augmentation du chômage qui a touché de plein fouet cette classe d’âge.

Or, comme en 2008, la crise économique et sociale que nous traversons touche d’abord les jeunes. Ils sont en effet nombreux à avoir perdu leur stage ou leur emploi, ce qui a entraîné une diminution importante de leurs ressources. Dans le même temps, certains de leurs postes de dépenses ont fortement augmenté, notamment l’alimentation, du fait de la fermeture des restaurants universitaires, et l’informatique. La crise, qui a frappé les jeunes avec une particulière vigueur, s’annonce pour eux particulièrement longue. Leur insertion sur le marché du travail sera en effet rendue plus difficile du fait de la conjoncture économique dégradée de la sortie de crise.

ii.   Une quasi-exclusion de l’éligibilité au RSA

Alors que le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 24 ans est supérieur à la moyenne nationale, ils sont quasiment exclus de l’éligibilité au revenu de solidarité active (RSA).

En effet, l’accès au RSA est soumis à une condition d’âge spécifique : être âgé 25 ans ou plus. Deux situations permettent toutefois de bénéficier du RSA avant l’âge de 25 ans :

– la parentalité : il n’y a pas de condition d’âge pour un jeune ayant un ou plusieurs enfants à charge ou une naissance attendue. Cette situation concerne près de 155 000 jeunes ;

– depuis le 1er septembre 2010, le RSA a été étendu aux personnes de moins de 25 ans sans enfant né ou à naître. Les conditions pour bénéficier de ce RSA « jeunes actifs » sont toutefois particulièrement strictes, puisqu’il faut justifier de deux ans d’activité en équivalent temps plein au cours des trois années qui précèdent la demande, soit 3 214 heures d’activité. Les périodes de chômage sont prises en compte dans la limite de six mois, ce qui peut prolonger l’examen des conditions d’activité sur une période de trois ans et six mois. Pour les activités non salariées, la condition d’activité est appréciée par référence au montant du chiffre d’affaires, qui doit atteindre un minimum, variable selon le secteur d’activité (régime agricole ou autre). Au 31 décembre 2017, 1 000 foyers bénéficient de ce dispositif en France. Après une phase de montée en charge jusqu’en 2012 (3 300 foyers fin 2012), le nombre de foyers bénéficiaires du RSA jeune n’a cessé de diminuer depuis ([43]).

D’autres dispositifs permettent de soutenir le revenu et l’activité des jeunes. On peut citer notamment le fonds d’aide aux jeunes (FAJ), octroyé par les conseils départementaux aux jeunes de 18 à 25 ans en situation de grande difficulté sociale ou professionnelle, la Garantie jeunes, qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation et qui se trouvent en situation de précarité, les contrats d’autonomie de la politique de la ville, ou encore le revenu contractualisé d’autonomie (RCA).

Ces différents dispositifs se révèlent insuffisants pour faire face au défi de la pauvreté des jeunes. Tout d’abord, les conditions d’accès à ces dispositifs sont extrêmement restrictives. En ce qui concerne le RSA, la condition d’activité de deux ans sur les trois dernières années est quasiment irréaliste. Ensuite, les montants servis sont faibles. Enfin, leur durée est limitée dans le temps : dans le cas de la Garantie Jeunes par exemple, elle est d’un an au plus.

Ainsi, alors que les jeunes sont touchés de plein fouet par la crise économique actuelle, ils ne peuvent prétendre à une véritable aide financière leur permettant de faire face à cette situation difficile. Si cette question est ancienne, le contexte actuel invite plus que jamais à réfléchir à la mise en place d’une allocation pour les jeunes de 18 à 24 ans qui ne bénéficient pas du RSA.

Proposition n° 6 : réfléchir à la mise en place d’une allocation pour les jeunes de 18 à 24 ans, qui ne bénéficient pas du revenu de solidarité active (RSA)

c.   Majorer la retraite des femmes dès le premier enfant

i.   Les droits familiaux de retraite, des dispositifs destinés à compenser les inégalités observées au cours de la carrière

● Les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de 38 % à celle des hommes ([44]). Cet écart de pension traduit les moindres droits à retraite acquis par les femmes tout au long de leur vie professionnelle, compte tenu notamment d’un taux d’activité ou d’emploi plus faible que les hommes, lié notamment à la maternité et à ses effets sur la carrière des femmes. Comme le soulignait un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de 2016 ([45]), « il est en effet fréquent qu’un parent, très majoritairement la mère, réduise ou interrompe son activité à la suite de la naissance d’un enfant. Cela influence in fine la durée d’activité ou l’évolution du salaire au cours de la carrière, et donc agit sur les droits à retraite ».

Les interruptions d’activité, plus fréquemment observées chez les femmes ayant un ou plusieurs enfants en bas âge, mais également le recours au temps partiel et les différences de rémunération entre les femmes et les hommes (de l’ordre de 23,4 % en 2016), influencent négativement la carrière des femmes et expliquent, par répercussion, que leur niveau moyen de pension de retraite soit plus faible.

Ces facteurs se cumulent, puisque l’INSEE évalue à environ 5 % par enfant la diminution du salaire horaire des femmes en raison de l’arrivée d’un enfant. Cet effet négatif persisterait pendant au moins cinq années après la naissance ([46]). Au contraire, « l’arrivée d’un enfant n’a quasiment aucun impact sur les hommes, hormis sur les mieux rémunérés d’entre eux qui augmentent leur activité ».

● Afin de compenser les aléas de carrière liés à la naissance et à l’éducation des enfants, des dispositifs de droits familiaux ont été mis en place.

Le système actuel de retraite prévoit ainsi :

– une bonification pour les familles nombreuses. Cette bonification est de 10 % pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus et bénéficie de manière identique aux deux parents ;

– des majorations de durée d’assurance (MDA), qui permettent de valider des trimestres supplémentaires au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants. Dans le régime général, quatre trimestres par enfant sont accordés automatiquement à la mère au titre « de l’incidence sur la vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement »  et quatre autres sont librement répartis à la demande des parents « au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption » ([47]).

Il apparaît que les droits familiaux bénéficient surtout aux familles nombreuses. Le montant cumulé de ces droits ne représente ainsi que « 2 % de la pension des femmes n’ayant eu qu’un seul enfant », contre « 17 % de la pension des mères de trois enfants et près de 40 % de celles des mères de cinq enfants ou plus » selon la DREES.

Or, la part des familles nombreuses est faible et tend d’ailleurs à se réduire. De ce fait, la majorité des familles sont exclues du dispositif de bonification de pension pour enfants.

ii.   Le projet de loi instituant un système universel de retraites prévoit une bonification de pension pour chaque enfant, dès le premier enfant

● L’article 44 du projet de loi instituant un système universel de retraites ([48]) prévoit une bonification de pension de 5 % pour chaque enfant, dès le premier enfant. Un supplément de 2 % est prévu pour les couples ayant au moins trois enfants. Cela impliquerait donc une majoration de 5 % pour une famille avec un enfant, 10 % avec deux, 17 % avec trois ou encore 22 % avec quatre.

La répartition de cette bonification est décidée par le couple qui peut choisir de la partager ou de l’attribuer à un seul des deux parents. Sans choix effectué avant les quatre ans de l’enfant, la bonification sera automatiquement attribuée à la mère si les membres du couple sont de sexes différents. Si les deux parents sont de mêmes sexes, les points sont divisés entre eux.

En bonifiant les retraites des parents dès l’arrivée du premier enfant, les dispositions prévues à l’article 44 du projet de loi instaurant un système universel de retraites favorisent les familles d’un ou deux enfants, non incluses dans le système actuel de bonification. Cette réforme devrait notamment contribuer à soutenir davantage les familles monoparentales.

● La rapporteure souhaite toutefois attirer l’attention sur deux points :

– Tout d’abord, elle estime qu’une bonification de 5 % par enfant, avec une majoration uniquement à partir du troisième enfant, ne permet pas de prendre suffisamment en compte la naissance du deuxième enfant.

En effet, la pérennité d’un système de retraite par répartition tient principalement au renouvellement des générations. Or, les derniers chiffres indiquent un recul constant du nombre d’enfants par femme ces dernières années. C’est pourquoi la rapporteure estime que les majorations de points accordées pour la naissance d’enfants doivent être fixées en fonction du nombre d’enfants. Il semble ainsi pertinent que la majoration pour le deuxième enfant soit plus élevée que pour le premier, de la même manière que la majoration pour le troisième enfant doit être plus élevée que pour le deuxième. Ces majorations pourraient, par exemple, être fixées à 5 % pour le premier enfant, 6 % pour le deuxième et 7 % pour le troisième et les suivants.

Dans un contexte de baisse de la natalité, il convient ainsi de promouvoir tous les mécanismes permettant de favoriser l’accueil d’enfants dans les foyers français.

– Par ailleurs, la réforme proposée pourrait désavantager les femmes, dans la mesure où le principe d’une majoration en pourcentage du total de la pension de l’assuré contribue à favoriser, au sein du couple, la personne dont les salaires donneront lieu à une pension plus élevée. Or, la simulation présentée dans l’étude d’impact annexée au projet de loi se fonde sur les choix d’attribution de la MDA, qui est actuellement majoritairement prise par les mères, les pères ayant peu d’intérêt à obtenir des trimestres supplémentaires. Sur cette base, l’étude d’impact considère que la majoration de 5 % par enfant serait prise à 80 % par les mères et partagée dans 20 % des cas entre les deux parents. Toutefois, cette analyse ne prend pas suffisamment en compte le fait qu’il sera plus intéressant d’attribuer une majoration en pourcentage de la pension de retraite au plus haut salaire du couple, le plus souvent le père. Dès lors, les femmes pourraient se retrouver in fine désavantagées. En effet, si le choix d’attribuer la majoration de pension au membre du couple ayant le salaire le plus élevé est un choix rationnel qui ne pose pas de difficultés dans l’absolu, il peut contribuer, en cas de séparation ou de divorce du couple, à diminuer encore le montant de la retraite des femmes, qui est déjà en moyenne bien moins élevé que celui des hommes.

Dès lors, la rapporteure estime qu’une partie de la majoration doit être réservée à la mère, au titre notamment de la grossesse – période qui n’a pas vocation à être partagée entre les deux parents, contrairement à celle de l’éducation. La moitié de la majoration pourrait ainsi être réservée à la mère. Le couple userait de son droit d’option pour distribuer la moitié restante. Ce choix permettrait de sécuriser le niveau de pension des femmes les situations en cas de divorce.

Proposition n° 7 : dans le cadre de la mise en place d’un système universel de retraite par points, garantir un niveau de retraite bonifié dès le premier enfant, avec une majoration des pensions de 5 % pour le premier enfant, 6 % pour le deuxième et 7 % à partir du troisième enfant, et prévoir que la moitié de cette majoration est réservée à la mère

Avancer le versement de la prime À la naissance avant la naissance

C.   LA prime À la naissance doit permettre aux familles de préparer l’arrivée d’un enfant

1.   La prime à la naissance, une aide non négligeable pour de nombreuses familles

La prime à la naissance est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond, pour chaque enfant à naître, « avant la naissance de l’enfant », conformément à l’article L. 531-2 du code de la sécurité sociale.

Les plafonds de ressources ouvrant droit à la prime à la naissance étant relativement élevés, comme en témoigne le tableau ci-dessous, cette prime bénéficie à la fois aux familles les plus modestes et aux familles de la classe moyenne.

Plafonds de ressources ouvrant droit à la prime à la naissance

Plafonds de ressources 2018

en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020

Enfants au foyer
(nés ou à naître)

Couples avec un seul revenu d’activité

Parent isolé ou couple avec deux revenus d’activité

1

32 165 euros

42 509 euros

2

38 598 euros

48 942 euros

3

46 318 euros

56 662 euros

Par enfant supplémentaire

7 720 euros

Source : caf.fr

Le montant de la prime s’élève, au 1er avril 2020, à 947,32 euros par enfant. En cas de naissance multiple, cette somme est multipliée par le nombre d’enfants.

En 2019, en moyenne 45 600 allocataires par mois en ont bénéficié, pour un coût estimé à 537 millions d’euros, selon les données transmises par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

2.   Depuis 2015, la prime est versée après la naissance de l’enfant

Jusqu’au 1er janvier 2015, la prime était versée avant la naissance, lors du septième mois de grossesse, afin de permettre aux familles de se préparer et de s’équiper avant l’arrivée de l’enfant.

Le précédent gouvernement socialiste a toutefois décidé de décaler la date de versement de la prime après la naissance de l’enfant, conformément au décret n° 2014-1714 du 30 décembre 2014 relatif à la date de versement de la prime à la naissance. Ainsi, pour les grossesses déclarées à partir du 1er janvier 2015, l’article D. 531-2 du code de la sécurité sociale prévoit désormais que la prime est versée lors du deuxième mois suivant la naissance de l’enfant.

Ce décret est contraire à l’esprit de la loi qui dispose que la prime à la naissance « est attribuée […] pour chaque enfant à naître, avant la naissance de l’enfant » (article L. 531-2 du code de la sécurité sociale).

D.   Anticiper le versement de la prime à la naissance : une mesure de bon sens

1.   Le décalage du versement de la prime après la naissance suscite l’incompréhension

Le décalage du versement de la prime à la naissance après la naissance pose plusieurs questions.

Tout d’abord, de nombreuses dépenses précèdent l’arrivée d’un enfant. C’est en effet dès la sortie de la maternité, et non pas deux mois après, que le nouveau-né a besoin d’un couffin ou d’un lit à barreau, d’une poussette ou d’un porte-bébé, d’un siège-auto, d’une baignoire adaptée, d’une table à langer et de divers articles de puériculture. Parfois, la venue d’un enfant occasionne d’autres frais indirects, comme des frais de déménagement dans un logement plus grand ou l’achat d’un véhicule plus spacieux. Là encore, ces dépenses supplémentaires interviennent le plus souvent avant l’arrivée de l’enfant.

Le versement de la prime à la naissance serait donc bien utile avant la naissance de l’enfant, pour apporter une aide non négligeable aux familles les plus modestes qui s’apprêtent à s’agrandir.

Ensuite, le décalage dans le temps du versement de la prime ne procure pas de réelle économie budgétaire. Ce report a seulement permis en 2015, et uniquement en 2015, un gain de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale, évalué par la CNAF à 239 millions d’euros. Il n’a ensuite eu aucun impact financier les années suivantes, alors qu’il continue de pénaliser, chaque année, des centaines de milliers de familles.

Enfin, la possibilité pour certaines familles de bénéficier, avant la naissance de leur enfant, d’un prêt accordé par la caisse d’allocations familiales (CAF) repose sur une démarche volontariste des familles, qui se trouvent alors contraintes de quémander leurs droits, contrairement au versement de la prime à la naissance qui est automatique. D’ailleurs, certaines familles ne sont pas informées de l’existence de ce prêt et, lorsqu’elles le sont, elles n’osent pas toujours demander à en bénéficier. Dans un contexte plus général de renoncement aux droits, la possibilité de bénéficier d’un prêt qui sera ensuite remboursé lors du versement de la prime à la naissance tend à complexifier encore l’accès aux droits.

2.   Avancer le versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse

Afin de permettre aux familles de préparer au mieux l’arrivée d’un enfant au sein de leur foyer, la rapporteure souhaite que la prime à la naissance puisse être versée dès le septième mois de grossesse, comme cela était le cas avant 2015. Elle a d’ailleurs défendu cette proposition depuis de nombreuses années, sous forme d’amendements au PLFSS.

Dans ce contexte, elle se réjouit de l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi de M. Gilles Lurton et plusieurs membres du groupe Les Républicains visant à assurer le versement de la prime de naissance avant la naissance de l’enfant ([49]) par l’Assemblée nationale le 25 juin dernier.

La rapporteure souhaite que le Sénat puisse inscrire rapidement ce texte à l’ordre du jour de ses débats, en vue d’une adoption conforme et donc d’une entrée en vigueur de cette disposition de bon sens dans les meilleurs délais.

Le texte de son collègue Gilles Lurton n’étant pas encore définitivement adopté, la rapporteure réaffirme dans le présent rapport son souhait d’une inscription dans la loi du principe du versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse.

Proposition n° 8 : inscrire dans la loi le principe du versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse

Le coût de cette mesure serait d’environ 200 millions d’euros selon la CNAF. Comme il s’agit d’un simple coût de trésorerie et non d’un coût budgétaire, il ne concernerait que l’année où la mesure sera mise en œuvre, pour bénéficier ensuite chaque année à des centaines de milliers de familles, sans que cela se traduise par des dépenses supplémentaires.

rendre Le congé parental plus attractif

E.   La création de la prestation d’accueil partagée d’éducation de l’enfant n’a pas eu le succès escomptE

1.   La création de la prestation d’accueil partagée d’éducation de l’enfant en 2015

● Lors de la création de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), l’allocation parentale d’éducation a été remplacée par le complément de libre choix d’activité (CLCA), alloué au parent qui interrompt ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant de moins de trois ans.

Le CLCA, versé au titre des enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2015, était subordonné à l’exercice d’une activité professionnelle antérieure d’au moins huit trimestres, pendant une période de référence variable selon le nombre d’enfants à charge : au cours des deux années précédant la naissance pour un premier enfant, des quatre années précédentes pour un deuxième enfant, et des cinq années précédentes à partir du troisième enfant.

Non soumis à condition de ressources, le montant du CLCA était toutefois variable selon le niveau de réduction du temps de travail (arrêt total, activité inférieure de plus de 50 % à son niveau antérieur, activité comprise entre 50 et 80 % de ce niveau).

Pour les enfants nés avant le 1er avril 2014, le montant du CLCA était majoré lorsque les revenus de la famille excédaient les plafonds ouvrant droit à l’allocation de base de la PAJE, à hauteur du montant de ladite allocation, de sorte que chaque famille dans la même situation perçoive le même montant, indépendamment de son niveau de revenu. La LFSS pour 2014 a supprimé cette majoration pour les enfants nés à partir du 1er avril.

Un parent d’au moins trois enfants décidant de cesser totalement son activité pouvait opter entre le CLCA et le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA), plus court (un an seulement) mais mieux rémunéré (635 euros environ, contre environ 400 euros pour le CLCA – cf. infra). Ce dispositif a toutefois rencontré peu de succès. Parmi les allocataires ayant trois enfants ou plus, ils sont seulement 2 500 à avoir bénéficié du COLCA en 2014, contre 115 000 bénéficiaires du CLCA.

● La loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ([50]) a remplacé le CLCA par une nouvelle prestation, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PréParE), pour les enfants nés ou adoptés après le 31 décembre 2014.

Les critères d’attribution de la PréParE sont les mêmes que ceux qui viennent d’être décrits s’agissant du CLCA, dans sa version postérieure à la LFSS pour 2014. Le montant de la PréParE varie ainsi en fonction du niveau d’inactivité : 398,39 euros par mois en cas de cessation totale, 257,54 euros pour une activité réduite de plus de 50 %, 148,57 euros pour un temps partiel de 50 à 80 %.

La loi du 4 août 2014 a en revanche modifié la durée de perception de l’allocation :

– avant l’entrée en vigueur de la PréParE, le CLCA pouvait être perçu :

– désormais, la PréParE peut être perçue, au sein d’un couple :

Les parents isolés peuvent quant à eux percevoir la PréParE pendant un an pour le premier enfant et trois ans à compter du deuxième.

Le COLCA a été remplacé par la PréParE majorée, dont le montant est de 651,19 euros par mois. Si la durée reste de 12 mois pour un parent isolé, elle a été ramenée à huit mois pour un couple dont seul l’un des membres cesse son activité. En revanche, si le second parent prend le relais du premier, la durée totale de versement peut être portée à 16 mois.

2.   Des résultats décevants

L’ensemble des personnes interrogées par la rapporteure s’accordent pour qualifier la réforme de l’indemnisation du congé parental de 2014 de véritable échec.

L’UNAF indique en effet que le « diagnostic très sévère sur la réforme de 2014 de l’indemnisation du congé parental (devenue la PréParE) est largement partagé. […] C’est un constat d’échec total, avec une chute du nombre de bénéficiaires, une baisse du nombre de pères en congé parental, une inscription massive au chômage des mères en fin de PréParE. Le chômage des mères de jeunes enfants a explosé depuis cette réforme (passant de 10 à 14 %) ».

L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a estimé, dans un rapport d’avril 2019 consacré à l’évaluation du congé parental d’éducation et de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ([51]), que le dispositif « continue à pénaliser professionnellement et financièrement les mères, faute de partage par les pères ».

En effet, « malgré l’avantage de disposer d’une durée supplémentaire significative de congé parental que la réforme offre aux couples si le père prend sa part du congé, seules 2,5 % des familles partagent la prestation entre conjoints ; cette proportion est certes plus élevée qu’avant l’incitation au partage (elle n’était ainsi que de 0,8 % pour le CLCA). La part des hommes qui perçoivent la prestation parmi l’ensemble des bénéficiaires a augmenté : elle est passée de 3,9 % à 6,2 % entre 2014 et 2017. Cependant, elle reste encore très minoritaire, et en valeur absolue, le nombre d’hommes engagés dans le dispositif a baissé ( 1 900 bénéficiaires) ».

Dès lors, « le congé parental à taux plein, même raccourci, continue à écarter une partie de ses titulaires du marché de l’emploi ». Ainsi, selon une enquête de la CNAF de mars 2019 ([52]), 64 % des allocataires de la PreParE à taux plein travaillaient avant de percevoir cette prestation, contre seulement 57 % après la fin de la perception.

Enfin, l’IGAS note que « la réforme de 2014, qui n’a pas corrigé les difficultés anciennes du dispositif du congé parental, a, certes, atteint ses objectifs d’économies budgétaires mais n’a pas accompagné les familles confrontées au raccourcissement de la durée de service de la PreParE ».

F.   Aller Vers un congé parental plus court et mieux rémunéré 

Plusieurs rapports convergent pour proposer un congé parental à la fois plus court et mieux rémunéré.

Dès juillet 2009, Mme Marie-Françoise Clergeau, alors rapporteure de la branche famille du PLFSS à l’Assemblée nationale, préconisait une indemnisation du congé parental de durée plus courte (de l’ordre d’un an), d’un montant plus élevé et partagée entre les deux parents ([53]).

Après avoir dressé un bilan sévère de la réforme de 2014, l’IGAS, dans son rapport précité, propose de privilégier un scénario de congé parental raccourci à huit mois. Ce congé serait obligatoirement partagé pour être indemnisé pendant la durée maximale prévue : les deux parents disposeraient chacun d’un droit de deux mois non transférable et de quatre mois transférables. Il serait rémunéré sur le modèle des indemnités journalières maladies, à 50 % du salaire journalier de base, soit environ 60 % du dernier salaire net, et plafonné à 1,8 SMIC.

La directive européenne relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, adoptée le 20 juin 2019 ([54]), va dans le sens des recommandations de l’IGAS, en incitant les États membres à mettre en place un congé parental plus court et mieux rémunéré. Elle pose le principe d’un congé parental de quatre mois minimum pour chaque parent, rémunéré au moins au niveau de l’indemnisation des arrêts maladie. Ces quatre mois ne pourraient être transférés, de sorte que si l’un des parents ne les prend pas, ils seraient perdus.

Comme l’indique la directive, « des études montrent que les États membres qui offrent aux pères une part significative du congé parental et qui versent au travailleur en congé parental une rémunération ou une allocation à un taux de remplacement relativement élevé, constatent que les pères ont plus souvent recours au congé parental, ainsi qu'une tendance positive en ce qui concerne le taux d'emploi des mères ». C’est pourquoi il est précisé que « les États membres devraient établir la rémunération ou l’allocation pour la période minimale non transférable du congé parental garantie par la présente directive à un niveau adéquat. Lorsqu’ils fixent le niveau de la rémunération ou de l’allocation prévue pour la période minimale non transférable du congé parental, les États membres devraient tenir compte du fait que la prise du congé parental entraîne souvent une perte de revenu pour la famille et que le parent qui gagne le revenu principal de la famille n’est en mesure d’exercer son droit au congé parental que si ce dernier est suffisamment bien rémunéré pour permettre un niveau de vie décent ».

Le congé parental en Suède : une indemnisation généreuse et un partage entre les deux parents

L’allocation parentale post-natale (föräldrapenning) est attribuée globalement aux deux parents pendant 480 jours pour un enfant, soit seize mois. Depuis le 1er janvier 2016, le nombre de jours « non transférables » entre les deux parents est passé de 60 à 90 jours. L’objectif de cette réforme était de pousser les pères à prendre plus de jours de congé parental, les femmes prenant la majorité du congé parental attribué. Les jours non-pris sur le quota de 90 sont déduits de l’enveloppe des 480.

Pendant 390 jours, l’allocation parentale est liée au revenu et comporte trois niveaux :

- Premier niveau (sjukpenningnivå) : il concerne les personnes qui ont perçu un revenu annuel égal ou supérieur à 8 610 euros (82 000 couronnes suédoises) et travaillé pendant au moins 240 jours consécutifs avant la date de l’accouchement ; l’allocation est calculée sur la base des indemnités journalières de maladie. Son montant correspond à environ 80 % du revenu dans la limite d’un plafond de 3 920 euros par mois (37 333 couronnes suédoises). 

- Deuxième niveau (grundnivå) : si le parent a travaillé moins de 240 jours consécutifs avant la naissance de l'enfant, ou que ses revenus étaient inférieurs à 8 610 euros, il perçoit une indemnité forfaitaire fixée à 26,25 euros par jour (250 couronnes suédoises), soit 787 euros par mois.

- Troisième niveau de compensation (lägstanivå) : au-delà des 390 jours de congé, les parents perçoivent un montant forfaitaire de 18,90 euros (180 couronnes suédoises) par jour, soit 567 euros par mois.

Pour les 90 jours restant dits « non-transférables », l’allocation est de 18,90 euros par jour (180 couronnes suédoises).

Les indemnités journalières peuvent être versées jusqu’à ce que l’enfant atteigne 12 ans ou jusqu’à la fin de la 5e année de scolarisation de l’enfant. 

La rapporteure estime en effet qu’un congé parental plus court et mieux rémunéré permettrait de remplir un double objectif : il contribuerait à augmenter les ressources financières des allocataires tout en réduisant l’éloignement du marché du travail pour les mères. Cet éloignement, lorsqu’il est prolongé, constitue un véritable frein en termes de carrière professionnelle. 

Proposition n° 9 : réfléchir à la possibilité de mettre en place un congé parental plus court et mieux rémunéré que l’actuelle prestation partagée d’éducation de l’enfant (PréParE)

Toutefois, la réussite d’une telle réforme est fortement liée et conditionnée à l’existence de modes de garde accessibles et en nombre suffisants, permettant d’accueillir les enfants entre la fin du congé parental et leur entrée à l’école maternelle. Aussi, sans une politique ambitieuse visant à développer l’accueil des jeunes enfants, la réduction de la durée du congé parental se heurtera à la pénurie de places disponibles. Cette pénurie pénalisera principalement les femmes, en rendant difficile pour elles d’envisager une reprise de leur activité professionnelle (voir infra).

Améliorer la lisibilité des prestations familiales

1.   Un foisonnement d’aides qui ne contribue pas à une bonne visibilité de la politique familiale

À la question de savoir si les évolutions de la politique familiale se sont faites de manière cohérente, Julien Damon, conseiller scientifique de l’école nationale supérieure de sécurité sociale (En3s), a indiqué lors de son audition par la mission que ces évolutions, selon lui, « se sont surtout faites par ajout. Nous avons ajouté des prestations, mais nous n’avons pas réformé le système lui-même ».

De fait, la branche famille verse de nombreuses prestations familiales, synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Prestations familiales financées par la CNAF

Prestations d’entretien en faveur de la famille

Allocations familiales

Complément familial

Allocation de soutien familial

Allocation de rentrée scolaire

Prestations d’accueil du jeune enfant

Primes à la naissance ou à l’adoption

Allocation de base

Allocations versées pendant le congé parental (CLCA, Prepare)

Complément de libre choix du mode de garde

Autres prestations

Allocation d’éducation de l’enfant handicapé

Allocation de présence parentale

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, rapport sur les comptes de la sécurité sociale, septembre 2019.

À côté des prestations familiales financées par la branche famille, les caisses d’allocations familiales sont également chargées de verser des prestations sociales et de solidarité, en particulier les aides au logement, le revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Les conditions d’attribution des différentes prestations familiales, les plafonds de ressources pour en bénéficier, les montants perçus, l’évolution de ces montants en fonction du nombre d’enfants ou encore la durée de versement obéissent souvent à des règles différentes, modifiées au cas par cas au gré des lois de financement de la sécurité sociale, sans véritable cohérence.

2.   La nécessité d’une meilleure lisibilité des prestations pour améliorer le recours aux droits

Les réformes successives des prestations familiales posent la question de leur simplification, afin d’améliorer l’accès aux droits des bénéficiaires.

En effet, si le taux de recours aux allocations familiales est proche de 100 %, dans la mesure où les CAF disposent avec la déclaration de grossesse d’une information très précoce sur la naissance à venir de l’enfant, Mme Mathilde Lignot-Leloup, alors directrice de la sécurité sociale, a estimé lors de son audition que « sur certaines prestations ciblées, il peut y avoir moins d’informations et moins de recours ».

M. Denis Le Bayon, sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail à la direction de la sécurité sociale, a complété les propos de la directrice en indiquant que la direction de la sécurité sociale disposait effectivement d’« assez peu de données sur les prestations familiales » en matière de non-recours. Selon lui, « cette situation s’explique par le fait que l’enjeu est relativement faible sur les prestations familiales et que les travaux sont focalisés sur les prestations à fort enjeu comme le revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité et l’aide au logement. Toute la littérature, notamment celle de l’université de Grenoble, est plutôt focalisée sur les minima sociaux ».

Les données disponibles, issues d’expériences dites de « data mining » développés notamment par la CAF de Bordeaux, montrent que « les prestations sujettes au non-recours sont classiquement le RSA, la prime d’activité, les aides au logement, mais aussi l’allocation de soutien familial (ASF), pour laquelle le non-recours est assez important ».

Concernant l’ASF, la mise en œuvre de l’intermédiation financière et la création d’un véritable service public de paiement des pensions alimentaires dans les prochaines semaines devrait permettre d’atténuer ce non-recours. M. Denis Le Bayon note en revanche « un taux de non-recours plus important sur des prestations plus ciblées, liées à la prise en charge du handicap comme l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ».

a.   Améliorer l’accès aux droits grâce à la mise en place de « points conseil Famille »

Plusieurs initiatives récentes ou encore en cours doivent permettre d’améliorer l’accès aux droits des bénéficiaires de prestations versées par les CAF.

● Tout d’abord, les CAF ont instauré depuis 2014 des rendez-vous des droits, dont l’objet est d’étudier l’éligibilité des allocataires à différentes aides ou prestations. Il apparaît, à la suite d’une enquête téléphonique réalisée auprès de 5 000 allocataires, qu’en moyenne 50 % des bénéficiaires de ces rendez-vous se sont vus ouvrir des droits nouveaux. L’ouverture de droits nouveaux concerne principalement les aides au logement, l’ASF et le RSA. Près de six ans après la mise en place des rendez-vous des droits, cette démarche d’entretiens personnalisés et réguliers avec les allocataires permet toujours d’améliorer l’accès aux droits.

La rapporteure salue la mise en place des rendez-vous des droits, qui permettent aux allocataires des CAF de bénéficier des différentes prestations auxquelles ils ont droit, mais dont ils n’avaient parfois tout simplement pas connaissance.

● La création de « maisons France Service » doit également permettre d’améliorer l’accès aux droits, en simplifiant la relation des usagers aux services publics. L’objectif affiché par le gouvernement est de mettre en place une maison France Service dans chaque canton d’ici 2022, les zones rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville devant être dotés en premier. Dès 2022, chaque Français doit pouvoir accéder à une maison France Service en moins de trente minutes en transport motorisé.

L’État et ses partenaires contribuent au fonctionnement de chaque maison à hauteur de 30 000 euros par an, ce qui correspond à un engagement financier global de 200 millions d’euros d’ici à 2022, dont 30 millions d’euros de contribution exceptionnelle de la part de la Banque des territoires de la Caisses des dépôts.

Pour obtenir le label, les maisons « France Service » devront proposer a minima les démarches relevant des organismes suivants : caisse d’allocations familiales, caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), mutualité sociale agricole, ministères de l’Intérieur, de la Justice, des Finances publiques, Pôle emploi et La Poste.

Afin d’aider les familles, de les informer sur leurs droits et de leur permettre d’effectuer un certain nombre de démarches, les maisons France Service pourraient être dotées de « points conseil Famille ». En effet, la politique familiale mobilise différents intervenants : les CAF à titre principal, mais également les caisses de retraite en ce qui concerne les majorations de pensions au titre de la maternité et de l’éducation des enfants, ou encore les services des impôts pour le quotient familial. Il est donc important que les familles puissent disposer d’un interlocuteur unique à même de les informer de l’ensemble de leurs droits.

Proposition n° 10 : mettre en place des « points conseil Famille » dans les maisons France Service sur l’ensemble du territoire

b.   Réfléchir à une simplification des différentes prestations familiales

Si ces mesures sont évidemment bienvenues, la rapporteure estime que la lutte contre le non-recours aux droits ne peut se limiter à une amélioration de l’information des bénéficiaires potentiels de prestations. L’amélioration de l’accès aux droits suppose également de réfléchir à la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse des prestations, allant dans le sens d’une plus grande rationalisation et d’une simplification des aides.

● À cet égard, la rapporteure souhaite mettre en avant les modalités de versement de l’aide exceptionnelle de solidarité, versée le 15 mai dernier pour aider les familles les plus modestes à faire face à la crise.

Cette aide, dont ont bénéficié 3,63 millions de foyers, présente une double caractéristique. Elle a tout d’abord été versée à toutes les familles éligibles, dès le premier enfant et quel que soit le nombre d’enfants. Cette aide a en outre été versée pour chaque enfant, de manière forfaitaire : les familles bénéficiaires ont ainsi reçu 100 euros par enfant à charge, ce montant n’étant pas dégressif avec le nombre d’enfants. L’aide est ainsi attachée à l’enfant et non pas au foyer.

Les modalités de versement de l’aide exceptionnelle de solidarité se distinguent donc à la fois des allocations familiales, versées seulement à partir du deuxième enfant ([55]), et de la quasi-totalité des prestations familiales, dont le montant augmente avec le nombre d’enfants mais pas de manière proportionnelle au nombre d’enfants – à l’exception toutefois de l’allocation de rentrée scolaire, dont un montant identique est versé pour chaque enfant, quel que soit le nombre d’enfants.

L’Allemagne a également fait le choix d’un versement d’une aide d’un montant identique pour chaque enfant, dès le premier enfant. En effet, le plan de relance de 130 milliards d’euros annoncé par la chancelière Angela Merkel le 3 juin dernier comporte une aide versée aux familles à hauteur de 300 euros par enfant. Pour les familles à hauts revenus, cette aide sera déduite des abattements fiscaux pour enfant à charge (Kinderfreibeträge).

La rapporteure tient à saluer ces modalités de versement de l’aide, dès le premier enfant et pour un montant identique pour chaque enfant. Elles pourraient inspirer à l’avenir une réforme du versement des différentes prestations familiales, qui devraient selon elle être davantage attachées à l’enfant.

Proposition n° 11 : mener une réflexion sur le versement d’un montant identique de prestations familiales pour chaque enfant

● Par ailleurs, une réflexion plus générale doit être engagée sur la rationalisation des différentes prestations. Plusieurs travaux sont actuellement en cours.

Tout d’abord, la CNAF a indiqué à la rapporteure que des études visant à mieux évaluer le taux de non-recours aux prestations sont au programme de la direction des études de la Caisse en 2021. Les données relatives au non-recours étant en effet encore incomplètes, cette étude constitue un préalable indispensable à une simplification et une rationalisation des différentes prestations.

Il semble toutefois que certaines simplifications de prestations bien spécifiques peuvent d’ores et déjà être engagées. Ainsi, M. Denis Le Bayon, sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail à la direction de la sécurité sociale, a indiqué aux membres de la mission qu’un rapport du Gouvernement devrait prochainement étudier la simplification des trois congés familiaux spécifiques, à savoir le congé de proche aidant, le congé de présence parentale pour s’occuper d’un enfant en situation de handicap ou très gravement malade et le congé de solidarité familiale, qui permet d’accompagner une personne en fin de vie. Une simplification de ces prestations, pour lesquelles le non-recours est évident, serait effectivement bienvenue.

Enfin, la CNAF participe actuellement aux travaux techniques et à la gouvernance des travaux portant sur le revenu universel d’activité (RUA), pilotés par M. Fabrice Lenglart. D’après les informations transmises à la rapporteure, les travaux actuellement en cours concernent les questions de faisabilité informatique de la mise en œuvre du RUA, sans présager toutefois du scénario qui sera retenu, la concertation n’étant pas encore finalisée. Au stade actuel des négociations, il semblerait toutefois que le RUA pourrait regrouper le RSA, la prime d’activité et les aides au logement, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ayant été exclue du champ de la réforme.

Si cette réforme ambitieuse concerne des prestations sociales, une réflexion similaire d’ensemble pourrait également être engagée dans le champ des prestations familiales.

Proposition n° 12 : mener une réflexion sur la simplification et la rationalisation de l’ensemble des prestations familiales

 


— 1 —

Deuxième Partie : la Vie familiale

I.   La famille, un lieu d’épanouissement personnel et collectif

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a remis la famille au cœur de la vie sociale de chaque individu rappelant qu’elle constitue la cellule de base de la société, ainsi qu’à l’échelle individuelle le lieu de développement et d’épanouissement de chacune et de chacun. Entraide, soutien, coopération, partage, sécurité : ces mots ont repris bien du sens dans le cadre familial dans une période de confinement où le partage d’un même toit a pris une ampleur inédite.

La famille formant le principal cadre de vie des individus, la politique familiale s’inscrit dans ces aspects du quotidien et doit veiller à privilégier le bien-être des parents comme celui des enfants. La rapporteure et le président de la mission considèrent que le logement, condition nécessaire du foyer, est un élément essentiel d’une vie familiale épanouie et qu’il doit être mieux pris en compte dans le cadre des politiques familiales.

A.   LA famille comme cadre de vie et de bien-être

La récente crise sanitaire et la période de confinement qu’elle a entraînée ont conduit à une prise de conscience accrue de l’importance de ce cercle familial, du bien‑être que l’on peut y ressentir, de la solidité des liens interpersonnels et de la solidarité intrafamiliale. Ce rôle d’épanouissement que joue la famille doit aujourd’hui être mieux compris et mieux reconnu, car il s’agit sans doute d’une des clefs de la cohésion sociale de demain.

La famille, premier lieu de vie et première instance de socialisation

En tant qu’instance primaire de socialisation, la famille façonne l’identité et la personnalité de chaque individu. Dès ses premiers jours, l’enfant grandit ainsi dans un environnement culturel et social qui lui permettra d’assimiler progressivement des modèles de valeurs et de normes visant à son intégration dans la société. Si d’autres structures de socialisation, notamment scolaires, assument également cette fonction, la famille conserve un rôle privilégié dans ce domaine. Ce rôle central de la famille dans la construction de l’individu fait d’ailleurs consensus aujourd’hui : « on attend ainsi d’un parent qu’il soigne son enfant, l’aime inconditionnellement, l’éduque, l’amène progressivement à l’autonomie, etc. Il n’existe aucun débat de société sur ces sujets » ([56]). En transmettant des ressources économiques, affectives, culturelles ou encore sociales, la famille constitue un environnement‑repère, un soutien quotidien qui fournit le cadre et les moyens de vie et influence les comportements et les aspirations des individus, par exemple quant aux choix des études et de l’activité professionnelle.

Ce rôle structurant participe de l’épanouissement de chaque individu, mais assure également d’autres fonctions sociologiques, participant notamment de la cohésion sociale et, comme l’énonçait François de Singly lors de son audition, ayant pour fonction « de mettre de l’ordre entre les générations » ([57]). Dans la même logique, Irène Théry soulignait que « la famille est précisément l’institution qui est faite pour nous placer dans le temps, dans le rapport à ceux qui ne sont plus et à ceux qui ne sont pas encore, et non seulement dans l’ici et maintenant d’une relation parents/enfants. En effet, pour les sociologues et les anthropologues de la parenté, la famille n’est pas seulement l’actualité d’un rapport parents/enfants. Il n’existe aucun système de filiation sans au moins trois générations au-dessous et en dessus de moi » ([58]).

Ce double rôle, à la fois sociétal et individuel, a bien sûr évolué en parallèle de la société, des modèles familiaux et de l’affirmation de l’individualité. La redéfinition de certains des rôles de la famille, le statut du parent et celui de l’enfant, ainsi que les relations entre les membres du groupe familial, ont conduit à mieux reconnaître l’autonomie et les droits de l’enfant. « L’enfant est désormais perçu comme une personne douée d’autonomie, certes variable selon son âge, mais toujours plus précocement reconnue, et l’autorité parentale voit ses contours redessinés. Autrement dit, tant du côté de ce qui s’imposait comme contraintes externes à l’enfant, la normativité sociale, que du côté des prérogatives que nous lui reconnaissons, l’enfant semble pouvoir détenir un pouvoir d’émancipation de plus en plus consistant. La question qui peut se poser est de savoir jusqu’où la politique familiale, qui s’est développée autour de l’intérêt de l’enfant, va pouvoir satisfaire cet intérêt de l’enfant si celui-ci se singularise et s’autonomise de plus en plus » ([59]).

La politique familiale doit bien sûr prendre en compte ce double rôle de la famille et garder parmi ses objectifs les droits, la santé et l’éducation des enfants, mais également, de manière plus large, le bien-être de chacun des membres de la famille. Le cercle familial et la vie de famille qui s’y développe sont en effet des facteurs essentiels du développement et de l’épanouissement de chaque individu. Ils sont ainsi des rouages essentiels du bien-être individuel et, par là même, de la possibilité d’un vivre-ensemble harmonieux.

Améliorer l’accès des familles aux loisirs et à la culture

Au-delà des liens interpersonnels, ce rôle d’épanouissement des membres d’une famille passe notamment par l’accès aux loisirs et à la culture. La rapporteure souligne en ce sens que de tels enjeux de bien-être des individus ont toute leur place dans la politique familiale qui vise également à soutenir les fonctions socialisantes et éducatives de la famille. Dans cette perspective, elle suggère de clarifier, uniformiser et renforcer le dispositif prévu par la carte famille nombreuses afin de promouvoir davantage d’activités et d’en faciliter l’accès aux familles.

Attribuée aux familles comprenant au minimum trois enfants de moins de 18 ans, la carte famille nombreuse leur permet aujourd’hui d’obtenir des réductions sur les prix des billets de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), ainsi que chez un certain nombre de partenaires dans les domaines de la puériculture, de l’éducation, des loisirs, des vacances, de la culture, ainsi que dans certains magasins.

Soutenant et facilitant les déplacements et certaines consommations, notamment culturelles, des familles de trois enfants ou plus, cette carte est un outil pertinent qui pourrait aujourd’hui être utilement élargi. La rapporteure propose pour cela de travailler à une massification des partenariats inclus dans ce dispositif, notamment pour accroître les réductions pour les activités sportives et culturelles. Il serait pour cela opportun de développer les partenariats avec les piscines, les gymnases, les associations sportives, les musées, etc. Chaque famille pourrait ainsi savoir de quel pourcentage de réduction elle pourrait bénéficier et ainsi planifier au mieux ses loisirs.

La rapporteure considère également qu’une clarification et une simplification de ce dispositif permettraient aux familles de trois enfants et plus de mieux en connaître le fonctionnement et d’augmenter son utilisation. Il conviendrait pour cela de créer un « pass famille » plus moderne, en format réduit afin que chaque membre de la famille puisse l’avoir en permanence avec soi. Il devrait être délivré automatiquement à la naissance d’un troisième enfant, accompagné de toutes les informations y afférant. La visibilité de ce dispositif devrait également être renforcée pour s’assurer que toutes les familles éligibles y aient bien accès.

Proposition n° 13 : moderniser la carte famille nombreuse en un « pass famille » simplifié permettant l’accès à davantage d’activités, notamment sportives et culturelles

B.   Le logement, condition d’une vie familiale épanouie

En 2018, le parc national compte 36,5 millions de logements, dont 81,8 millions de résidences principales. Il progresse de 386 000 logements par rapport à l’année 2017, soit une augmentation de 1,1 %, une progression annuelle stable depuis 2009. Ce parc est composé de 56 % de logements individuels et de 44 % de logements collectifs. Les résidences principales sont occupées à 58 % par des propriétaires (dont 20 % en situation d’accession à la propriété) et 42 % par des locataires (dont 18 % dans le secteur social) ([60]).

1.   Les difficultés de logement et leurs conséquences sur la vie familiale

Le logement est au cœur de la vie des familles, dont il constitue d’ailleurs souvent le premier poste de dépenses. Sa qualité, ses équipements, sa salubrité, sa localisation, sa taille et bien d’autres facteurs influent directement sur le quotidien des membres de la famille. Le logement est également un refuge pour la famille et constitue de fait son premier lieu de vie et d’échanges ; il façonne ainsi les repères et le savoir-vivre de chacun.

Caractéristiques du logement des familles

Selon l’Insee, en 2013, près de 58 % des ménages métropolitains sont propriétaires de leur résidence principale ([61]). « Les ménages les plus jeunes sont rarement propriétaires : moins de 5 % parmi ceux dont la personne de référence est âgée de moins de 25 ans. La part de ménages propriétaires progresse ensuite rapidement avec l’âge, lorsque leur situation professionnelle se stabilise ou lorsque la famille s’agrandit avec l’arrivée des enfants. Elle passe ainsi de 20,3 % pour les ménages où la personne de référence a entre 25 et 29 ans à 46,2 % pour ceux où elle est âgée de 30 à 39 ans. À partir de 60 ans, cette part dépasse 70 % » ([62]). La part de propriétaires est également plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain. 37 % des ménages sont locataires ; à l’inverse des propriétaires, la part des locataires diminue avec l’âge passant de 52 % pour les 25-29 ans à 13 % pour les 60-69 ans. Enfin, 5 % des ménages sont sous-locataires.

RÉPARTITION DES MÉNAGES PAR STATUT D’OCCUPATION ET SELON LA COMPOSITION FAMILIALE AU 1er JANVIER 2015

en %

 

Personne seule

Couple sans enfant

Couple avec enfants

Famille monoparentale

Autre type de ménage

Propriétaire

45,1

74,0

67,3

37,0

38,0

Locataire ou sous-locataire

51,9

24,5

30,7

61,0

58,7

Logé gratuitement

3,0

1,5

2,0

2,0

3,3

Ensemble

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Insee, France, portrait social, édition 2019.

La surface moyenne des logements atteignait en 2006 environ 90 m2 avec un nombre moyen d’occupants par logement de 2,2 personnes. Les logements comptent en moyenne quatre pièces, avec en moyenne 2 pièces par personne dans une maison et 1,5 pièce par personne dans un appartement. 56,6 % de la population vit en maison individuelle et 43,4 % en immeuble collectif, dont 5 % dans un bâti de grand collectif soit 8 étages ou plus ([63]).

Mobilité des ménages et recomposition familiale

La taille et la composition de la famille, ainsi que l’âge de ses membres, jouent un rôle essentiel quant au choix du logement. Les foyers monoparentaux sont par exemple plus fréquemment locataires (68 %), tandis que les couples avec enfants sont plus fréquemment propriétaires ou accédants à la propriété (65 %) ([64]). « Entre 2009 et 2013, 7,4 millions de ménages ont emménagé dans un nouveau logement. Parmi eux, 2,1 millions étaient de nouveaux ménages constitués dans l’intervalle, 82,5 % vivant auparavant chez leurs parents et 7,3 % vivant en collectivité ou sans domicile personnel. Les autres, dits " ménages permanents ", ont souvent changé de logement à l’occasion d’un événement de leur vie familiale (formation d’un couple, arrivée d’un enfant, séparation, etc.) ou professionnelle. Ils ont alors changé de statut d’occupation dans 42,2 % des cas, passant de la location à la propriété (20,4 %) » ([65]). Les propriétaires changent moins souvent de logement, notamment en raison des frais de mutation qui en résultent, et demeurent donc en moyenne plus longtemps dans leur résidence ; en 2013, les propriétaires y vivent en moyenne depuis 27 ans, contre 10,3 ans pour les locataires.

Le parcours du logement est ainsi intimement lié au parcours familial : logement chez ses parents, vie solitaire, installation en couple, élargissement de la famille avec l’arrivée des enfants. Les mutations de la famille, la multiplication des étapes familiales, l’augmentation du nombre de séparations et donc du nombre de familles monoparentales ou recomposées sont autant de facteurs qui conduisent à modifier le rapport au logement. Au cours de la dernière décennie, 425 000 couples se séparent en moyenne chaque année (divorces, ruptures de PACS ou d’unions libres) ; ces ruptures concernent ainsi annuellement près de 380 000 enfants mineurs ([66]). Ces séparations ont un impact direct sur le logement et, plus généralement, sur le niveau et les conditions de vie des différents membres des familles.

Ces différentes étapes de la vie impliquent bien souvent un changement de résidence, la naissance du premier enfant constituant souvent un moment clef dans les choix de logement ([67]). Selon les circonstances individuelles et en fonction des revenus, l’accession au logement peut être plus ou moins aisée pour les familles entraînant parfois de fortes inégalités quant aux conditions et au milieu de vie. Ce sont par ailleurs des moments qui peuvent s’avérer stressants et difficiles. Selon une enquête sur l’habitat des familles réalisée par le Réseau national des observatoires des familles, 45 % des familles répondantes estimaient avoir rencontré des difficultés pour trouver leur logement. 78 % d’entre elles considéraient que la recherche de logement est source de beaucoup d’inquiétude, mais aussi de stress (pour 73 % d’entre elles), d’efforts (84 %) et d’interrogations (85 %).

Coût du logement

En 2018, les dépenses de logement, qui regroupent les dépenses courantes, notamment charges et loyers, ainsi que les dépenses d’investissement, représentaient près de 509 milliards d’euros, soit 21,6 % du PIB ([68]). Premier poste de dépense des ménages, le logement représente 26,6 % de leur consommation finale, loin devant l’alimentation (17,1 %) ou les transports (14,3 %). Cela équivalait à une dépense moyenne de 9 712 euros par ménage et par an (12 717 euros pour les propriétaires occupants, 9 575 euros pour les locataires du secteur privé et 7 441 euros pour les locataires du secteur social) ([69]).

Si le coût du logement n’est pas forcément problématique pour tous les ménages, il s’agit d’un poste de dépense important qui peut mettre certaines personnes en difficulté. « Plus de 2 millions de ménages ont déclaré lors de l’enquête logement de 2006 "avoir connu des difficultés de paiement pour régler leur loyer, leur remboursement d’emprunt ou leurs charges", dont plus de la moitié sont des ménages avec enfants. [Cette situation est également] plus fréquente parmi les isolés avec enfants (plus de 30 % d’entre eux ont connu des difficultés de paiement) et, dans une moindre mesure, les couples avec quatre enfants et plus » ([70]). Selon la Fondation Abbé Pierre, « 150 000 ménages sont en effet chaque année menacés par une procédure judiciaire d’expulsion pour impayés et plus de 15 547 ont effectivement été mis à la porte avec le concours des forces de l’ordre en 2017 » ([71]). Il convient donc d’être particulièrement vigilant quant aux situations de précarité locative qui peuvent toucher durement certaines familles.

Problématiques de mal-logement

Salubrité et équipements des logements

Si les logements disposent normalement aujourd’hui des équipements sanitaires de base, certaines formes d’inconfort persistent : « en 2017, 4,4 % des logements ne disposent pas d’un chauffage central ou électrique et 20,8 % sont considérés par leurs occupants comme difficiles ou trop coûteux à chauffer. 16,8 % des logements sont jugés trop bruyants, tandis que 10,5 % présentent des fuites dans la toiture, des problèmes d’humidité des murs ou des sols ou bien encore des moisissures dans les cadres de fenêtre ou au sol » ([72]).

Certains défauts, notamment la présence d’humidité ou des problèmes d’isolation, sont très courants et concernent environ 20 % des logements.

Plus des trois‑quarts des logements ne présentent toutefois aucun défaut et les défauts graves ne concernent que peu de logements. Seuls 3 % des ménages vivent dans un logement ne présentant pas certains équipements de base (eau courante, salle de bains, toilettes, cuisine, chauffage, prise de terre) et seuls 3,4 % sont touchés par deux défauts graves portant atteinte à leur salubrité. En 2013, 1,3 % des logements ne respectent pas les critères de salubrité de la loi SRU ([73]) et 0,6 % des ménages vivent dans un logement sous le coup d’un arrêté d’insalubrité ([74]).

Au-delà de ces situations de grave insalubrité, 16 % des ménages habitent dans un logement présentant un défaut lié à une installation dégradée ou insuffisante (plomberie, système électrique ou de chauffage…) et 8 % dans un logement ayant un défaut provenant du bâti (façade dégradée, mauvaise étanchéité, porosité des ouvrants…).

PROPORTION DE LOGEMENTS AFFECTÉS PAR UN DÉFAUT

en %

Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017, chiffres issus de l’enquête Logement de 2013.

Là encore, les situations peuvent être corrélées à la situation familiale et au niveau de revenus. « Plus d’un tiers des familles monoparentales occupent un logement comportant au moins un défaut et plus d’une sur dix un logement avec au moins deux défauts. Les couples sans enfant sont les moins concernés (17,3 % vivent dans un logement avec au moins un défaut). Les autres situations familiales se trouvent autour de la moyenne » ([75]). En outre, un tiers des ménages à bas revenus habitent dans un logement avec au moins un défaut ; ils sont également plus nombreux à cumuler les défauts.

Part des ménages, selon leurs caractéristiques, vivant dans un logement ayant un défaut de qualité en 2013

en %

 

Nombre de défauts

Nature des défauts

 

 

Au moins un défaut

Au moins deux défauts

Au moins trois défauts

Au moins un défaut « structurel »

Au moins un défaut « installation dégradée ou insuffisante »

Au moins un défaut du « bâti »

ensemble

 

23,5

6,0

1,8

2,6

16,3

7,7

Niveau de vie

Ménages à bas revenus

34,4

12,2

4,7

5,1

25,5

10,7

Ménages modestes

24,5

6,1

1,8

3,1

17,1

7,1

Ménages plus aisés

19,5

3,8

0,8

1,6

13,0

6,8

Configuration familiale

Personne seule

23,3

5,3

1,6

3,5

15,6

6,6

Couple sans enfant

17,3

3,7

0,7

2,0

11,7

5,7

Couple avec enfant(s)

25,9

6,9

2,1

1,8

18,9

9,6

Famille monoparentale

35,6

11,5

4,0

3,4

27,7

13,5

Ménage complexe

25,2

9,4

3,5

4,0

19,7

7,6

Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

Surpeuplement des logements

La situation de surpeuplement se mesure en nombre de pièces et en nombre de m2 rapportés au nombre d’occupants du logement. Malgré une tendance à la réduction du surpeuplement (qui s’explique par l’accroissement de la taille moyenne des logements dans les dernières décennies), cette situation touche encore souvent les ménages à bas revenus.

En 2013, un ménage sur douze (soit 8,4 %) est logé en situation de surpeuplement : « les ménages […] appartenant au premier quartile de revenu annuel par unité de consommation, sont 6 fois plus touchés par le surpeuplement que ceux du dernier quartile. Pour le surpeuplement accentué, cet écart se creuse : les ménages du premier quartile sont 11 fois plus touchés que les ménages du dernier quartile » ([76]).

Le surpeuplement concerne particulièrement les habitants en structure collective, en particulier dans les grandes zones urbaines, où le coût du logement est souvent plus élevé. Il touche également davantage les locataires que les propriétaires. Là encore la composition familiale a une incidence puisque 20,9 % des familles monoparentales et 15 % des couples avec enfant(s) sont concernés par le surpeuplement du logement en 2013. Lorsque l’on considère uniquement les ménages à revenus modestes, les familles monoparentales sont alors 28,3 % à être concernées par le surpeuplement et les couples avec enfant(s) 38,6 %.

TAUX DE SURPEUPLEMENT SELON LE NIVEAU DE VIE ET LA COMPOSITION FAMILIALE DES MÉNAGES EN 2013

en %

 

Ménages à bas revenus

Ménages modestes

Ménages plus aisés

Personne seule

8,7

3,3

2,4

Couple sans enfant

8,8

3,6

1,7

Couple avec enfant(s)

38,6

21,5

7,8

Famille monoparentale

28,3

16,4

11,9

Ménage complexe

22,9

19,3

9,5

Source : DREES, « Conditions et dépenses de logement selon le niveau de vie des ménages », in Les dossiers de la DREES n° 32, février 2019 – chiffres issus de l’enquête Logement de 2013 réalisé par l’Insee.

En 2013, Le surpeuplement touchait donc environ 2,7 millions de ménages (8,4 % des ménages), soit près de 8,6 millions de personnes. 7,6 millions de personnes vivaient dans un logement en surpeuplement « modéré » et 934 000 dans un logement en surpeuplement « accentué ». Cette forme de mal-logement empêche chaque membre de la famille de bénéficier d’un espace suffisant pour garantir son intimité. L’inconfort, parfois dramatique, de ces situations a d’ailleurs été mis en avant durant le confinement décidé par le Gouvernement en réponse à la récente crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Habitat indigne, hébergement précaire et sans-abrisme

La loi de 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement dispose que

« constituent un habitat indigne les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé.

Sont constitutifs d’un habitat informel les locaux ou les installations à usage d’habitation édifiés majoritairement sans droit ni titre sur le terrain d’assiette, dénués d’alimentation en eau potable ou de réseaux de collecte des eaux usées et des eaux pluviales, ou de voiries ou d’équipements collectifs propres à en assurer la desserte, la salubrité et la sécurité dans des conditions satisfaisantes » ([77]).

Ces situations de mal-logement extrême lié au mauvais état de l’habitat conduisent à des conditions de précarité incompatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine et avec une vie familiale épanouie. Les récentes catastrophes de l’effondrement de deux immeubles à Marseille, où huit victimes ont été retrouvées parmi les décombres, sont révélatrices des situations dramatiques auxquelles peut conduire le mal-logement et l’on imagine aisément les conséquences que de telles situations peuvent en effet avoir sur la vie de famille.

Il en va de même pour les situations de mal-logement précaire ou temporaire concernant les personnes sans domicile qui sont hébergées par un proche ou un parent, dans une structure d’accueil temporaire comme un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou encore dans les hôtels meublés par exemple. En tant que solutions temporaires, ces hébergements sont parfois une nécessité pour les situations les plus précaires, mais ils ne permettent que rarement de maintenir une stabilité propice à l’épanouissement familial. En effet, comme le souligne la Fondation Abbé Pierre, « si l’hôtel peut être une solution tampon pour 15 jours, voire 2 mois, cela ne constitue pas une bonne réponse pour des durées plus longues. Pourtant 44 % des familles qui sont hébergées dans les 550 hôtels meublés de la région parisienne, le sont depuis plus de deux ans. Il en résulte une saturation du dispositif hôtelier qui accueille 45 000 personnes chaque nuit en France dont la moitié sont des enfants. Chaque jour, cinq bébés naissent dans des familles vivant à l’hôtel » ([78]).

Au-delà des difficultés rencontrées au sein d’un habitat indigne ou d’un hébergement temporaire, les personnes sans-abri sont confrontées à une précarité extrême mettant souvent en péril leur santé psychique et physique. Début 2012, en France métropolitaine, 82 000 adultes et 30 000 enfants étaient sans domicile ([79]) (sans abri, en centres d’hébergement, en chambre d’hôtel ou dans des logements financés par des associations) dans les agglomérations de 20 000 habitants ou plus. « Les situations les moins stables (sans abri, hébergement qu’il faut quitter le matin) concernent en très grande majorité des hommes et rarement des actifs occupés. Les autres situations (hébergement de durée plus longue, chambre d’hôtel ou logement payé par une association) offrent davantage de confort et s’adressent plus aux familles ou aux femmes accompagnées d’enfants » ([80]).

PERSONNES SANS DOMICILE

 

Sans abri

Hébergement collectif que l’on doit quitter le matin

Hébergement collectif où l’on peut rester la journée

Hébergement en chambre d’hôtel

Hébergement en logement payé par une association

Nombre de personnes en métropole

8 700

10 300

33 000

22 800

37 500

dont personnes majeures

8 000

9 800

27 100

13 200

24 100

Proportion d’hommes parmi les majeurs

93,2 %

89,1 %

64,0 %

44,5 %

49,7 %

Situation vis-à-vis de l’emploi des majeurs :

 

 

 

 

 

actifs occupés

15,9 %

12,7 %

24,8 %

20,5 %

28,9 %

chômeurs

50,0 %

60,4 %

44,7 %

40,6 %

45,9 %

inactifs

33,2 %

26,9 %

30,5 %

38,9 %

25,2 %

Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017 – chiffres issus de l’enquête Logement de 2013 et du recensement de la population de 2013 pour les chambres d’hôtels.

2.   Mal-logement et vie familiale

Les situations de mal-logement, du surpeuplement au sans-abrisme en passant par différents types de précarité ou d’insalubrité, ont de lourdes conséquences sur la vie des individus qui les subissent. Recouvrant ainsi une grande diversité de réalités, le mal-logement contribue directement à la dégradation de l’état de santé et constitue souvent un frein important à l’accès (ou au retour) à l’emploi.

Si l’absence d’un logement à soi a des conséquences plutôt bien identifiées, les dégâts que peuvent causer un logement inadapté (notamment surpeuplé) ou insalubre semblent moins connus. La Fondation Abbé Pierre dénonce par exemple les conséquences du surpeuplement du logement : « dégradation du logement, augmentation des risques domestiques, impacts sur la santé physique et mentale, difficultés rencontrées dans le développement et la scolarité des enfants, tensions et violences intrafamiliales... » ([81]). Reflétant les inégalités de revenus, notamment dans les zones urbaines et parmi les familles avec enfants, le surpeuplement peut ainsi conduire à dégrader considérablement les conditions de vie et constituer un véritable obstacle à l’épanouissement personnel des membres de la famille. Un logement insalubre peut également avoir de lourdes conséquences sur la santé : allergies, asthmes ou difficultés respiratoires causés par l’humidité et les moisissures, saturnisme lié à la présence de plomb, maladies comme l’arthrose ou des bronchites chroniques en lien avec la précarité énergétique…

La qualité de l’habitat a un impact sur l’état de santé des individus et sur la fréquence des accidents domestiques. Le mal-logement peut ainsi se traduire également par des pathologies mentales, des désordres psychiques et par un stress ou un mal-être plus ou moins profond et durable. Bloquant les projets de vie, freinant la vie professionnelle et personnelle, détruisant une partie de la vie sociale et des liens familiaux ou amicaux, ces problématiques influent sur le quotidien et peuvent avoir des conséquences dramatiques, en particulier sur le développement des enfants. Elles ont sans aucun doute un impact sur l’éducation, l’insertion ou encore la délinquance et sont donc intimement liées à la cohésion de notre société. Le logement salubre et adapté de chaque individu et a fortiori des familles est donc une priorité ; il s’agit d’un investissement nécessaire et durable, tant d’un point de vue économique qu’humain.

Au-delà des conséquences sanitaires, qui ont un coût social évident, le mal‑logement est un obstacle à la vie de famille et à l’épanouissement qu’elle est censée procurer à ses membres. Cette problématique se pose d’ailleurs tout au long de la vie et des étapes familiales, jusqu’au moment du vieillissement où de nombreux logements ne sont pas adaptés aux personnes âgées dépendantes. La politique familiale, en lieu avec les politiques sociales et du logement, doit ainsi intégrer cet enjeu fondamental : sans logement familial adéquat et digne, la famille ne peut se développer ni remplir ses fonctions.

3.   Logement et politique familiale, des enjeux importants

Nécessité d la vie quotidienne et respect même de la dignité de la personne humaine, accéder à un logement, s’y maintenir et en assurer l’entretien quotidien représentent des coûts importants et parfois un certain nombre de difficultés qui augmentent généralement avec la taille de la famille.

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant stipule que « les États parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social. […] C’est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l’enfant qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant. […] Les États parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant à mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement » ([82]).

Le logement des enfants, et donc des familles, est ainsi un droit qui doit être protégé et nécessite parfois un soutien de la part de la puissance publique. S’il n’existe pas de politique spécifiquement dédiée à l’habitat des familles, plusieurs aides et dispositifs, au croisement des politiques familiales, de solidarité et de logement, visent à les soutenir dans ce domaine.

a.   La politique d’aide au logement

La politique d’aide au logement ([83]) s’organise autour de plusieurs types d’actions : allocations personnelles au logement, soutien à l’offre de logement, gestion et développement du parc social, protection des locataires et encadrement des rapports locatifs, aide à l’accession à la propriété de la résidence principale…L’État peut ainsi apporter une aide ou un soutien aux locataires aussi bien qu’aux propriétaires ou aux bailleurs. L’objectif est de garantir un meilleur accès au logement et d’adapter l’offre et la demande en tenant compte des éventuelles spécificités territoriales. 

Bien que les aides personnelles au logement ne soient pas strictement familiales, à l’exception de l’allocation de logement familiale (ALF), elles contribuent au soutien des familles, notamment à travers l’aide personnalisée au logement (APL) qui est calculée en fonction du revenu du ménage, de la composition familiale, des caractéristiques du logement et du statut d’occupation ([84]). En 2018, ces prestations sociales liées au logement représentent environ 16 milliards d’euros.

En 2018, l’ensemble des aides au logement (prestations sociales, subventions d’exploitation, subventions d’investissement, avantages fiscaux…) représente 39,5 milliards d’euros, financés à 77,6 % par l’État. Cela signifie que 7,8 % des dépenses de logement sont ainsi prises en charge par la collectivité. Ces différentes aides bénéficient majoritairement au secteur locatif, à hauteur de 37,6 % pour le secteur social et 31,8 % pour le secteur libre. 18,9 % des aides bénéficient aux propriétaires occupants ([85]).

b.   L’aide au logement à destination des familles précaires

Aides personnelles au logement

Les aides personnelles au logement sont principalement l’APL, l’ALF et l’ALS. Ces aides sont attribuées sous conditions de ressources aux locataires ou accédants à la propriété pour leur résidence principale et ne sont pas cumulables. Fin 2017, elles bénéficient à environ 6,6 millions de foyers : 44 % d’entre eux bénéficient de l’APL, 37 % de l’ALS et 19 % de l’ALF. En comptabilisant les enfants ou autres personnes à charge, ce sont 13,7 millions de personnes qui vivent dans un foyer percevant une aide au logement, soit environ 20% de la population ([86]).

Parmi ces bénéficiaires des trois types d’aides au logement, les familles monoparentales sont surreprésentées (21 % des bénéficiaires alors qu’elles ne représentent que 7 % des ménages) ; à l’inverse les couples sans enfant bénéficient peu de ces aides (8 % des bénéficiaires alors qu’ils représentent 29 % des ménages).

CARACTÉRISTIQUES DES MÉNAGES BÉNÉFICIAIRES DES AIDES AU LOGEMENT ET MONTANTS MOYENS PERÇUS EN 2013

 

Part dans l’ensemble des ménages (en %)

Bénéficiaires des aides au logement (en %)

Montants mensuels moyens perçus en aides au logement (en euros)

Personne seule

34,3

41,9

176

Couple sans enfant

29,2

8,1

199

Couple avec enfant(s)

25,8

24,5

245

Famille monoparentale

7,2

21,0

279

Ménage complexe

3,6

4,5

213

Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017 – chiffres issus de l’enquête Logement de 2013.

Par ailleurs, « les femmes sont surreprésentées parmi les personnes de référence des ménages bénéficiaires d’aides au logement : en 2015, 41 % sont des femmes, contre 28 % dans l’ensemble des ménages. […] Cet écart s’explique par les différences de configuration familiale. Les ménages bénéficiaires d’aides au logement sont ainsi plus souvent constitués de familles monoparentales (22 % d’entre eux contre 9 % de l’ensemble des ménages), or 84 % des familles monoparentales sont des mères avec enfant(s) » ([87]). Décroissantes en fonction du niveau de revenus et croissantes en fonction du nombre de personnes composant le ménage, ces aides peuvent représenter une part importante du loyer des familles précaires. Elles constituent ainsi un véritable levier de soutien au logement de ces familles et contribuent d’ailleurs à aider les familles confrontées aux problématiques de mal-logement.

PART DES MÉNAGES CONFRONTÉS AUX DIFFICULTÉS DE LA COMPOSANTE LOGEMENT DE L’INDICATEUR DE PAUVRETÉ EN CONDITIONS DE VIE

en %

 

Ménages bénéficiaires d’aides au logement

Ensemble des ménages

Surpeuplement

26,3

8,2

Logement jugé trop petit

20,2

10,1

Pas de salle de bains à l’intérieur du logement

0,3

0,4

Pas de toilettes à l’intérieur du logement

0,7

0,6

Pas d’eau chaude

1,1

0,4

Pas de système de chauffage

1,6

1,2

Logement trop difficile ou trop coûteux à bien chauffer

24,7

16,6

Toit percé, humidité

13,3

6,5

Logement jugé bruyant

21,9

11,1

Part des ménages confrontés à au moins trois de ces difficultés

12,1

4,1

Source : DREES, « Les bénéficiaires d’aides au logement : profils et conditions de vie », in Les dossiers de la DREES n° 42, octobre 2019 – chiffres issus de l’enquête Logement de 2013 de l’Insee.

Place des familles dans le parc social

Selon l’Union sociale pour l’habitat, le secteur HLM héberge plus de 10 millions de locataires. Au 1er janvier 2019, le parc locatif social compte un peu plus de 5 millions de logements, en progression de 1,7 % sur un an avec 86 300 logements supplémentaires. L’objectif du parc social est de fournir un logement aux personnes ou familles ayant des ressources trop faibles pour y accéder dans le parc privé. Cette politique vise également à soutenir la réinsertion des personnes en situation de grande précarité, à réduire les inégalités territoriales et favoriser la mixité sociale.

En 2016, les locataires du parc social sont pour : 38 % des personnes vivant seules, 12 % des couples sans enfant, 23 % des couples avec enfant (parmi lesquelles les familles nombreuses sont surreprésentées) et 19 % des familles monoparentales (soit une forte surreprésentation par rapport à cette catégorie de ménages qui regroupe 7 % de la population). Le parc social bénéficie majoritairement à des personnes âgées de moins de 50 ans et l’on constate que le taux de pauvreté y est plus élevé : 35 % pour les locataires du parc social, contre 23 % pour les locataires du secteur libre et 7 % pour les propriétaires occupants  ([88]).

c.   L’aide à l’accession à la propriété

Un idéal d’accession à la propriété

L’acquisition de son logement demeure un idéal pour la plupart des ménages et des familles. Selon l’UNAF, 94 % des familles estiment que l’accession à la propriété est un patrimoine pour les enfants et/ou un placement pour l’avenir et 42 % souhaitent devenir propriétaire à tout prix ; 22 % des familles répondantes considèrent toutefois que cette accession ne leur est pas possible par manque de ressources  ([89]). Il semble en effet que le logement, au-delà du bien de consommation qu’il représente au même titre que l’habillement ou l’alimentation, a une valeur symbolique et sentimentale importante aux yeux des ménages ce qui explique en partie l’attachement à la propriété. « En 2013, on compte 2 166 000 acquéreurs récents de leur résidence principale, soit un flux annuel d’environ 540 000 acquisitions en moyenne dans les quatre années précédentes » ([90]).

L’accession à la propriété s’est largement développée après la Seconde Guerre mondiale formant un idéal d’habitat pour la famille nucléaire. « Si l’accession à la propriété d’une maison individuelle a pu s’opérer de façon si rapide c’est parce qu’elle correspond à un type de famille bien particulier, la famille nucléaire, qui a connu son apogée après la Seconde Guerre mondiale (Bonvalet, 1998). Le lien étroit entre famille et propriété apparaît comme une constante historique, favorisée par les pouvoirs publics. Du fait de l’urbanisation tardive de la France, l’attachement à la pierre par le biais de la propriété constitue sans aucun doute un héritage de notre société rurale. De plus, le statut de propriétaire donne une plus grande latitude pour aménager son logement et ainsi se l’approprier au plein sens du terme. Ce surinvestissement de la propriété se traduit par une vision hiérarchique des statuts d’occupation, selon laquelle le propriétaire d’une maison individuelle ou d’un appartement en centre-ville se situe au sommet de l’échelle résidentielle, et le locataire de HLM au bas. À cette image correspond l’idée d’un parcours résidentiel "promotionnel" (Lévy, 1998), dont l’aboutissement ne saurait être que la propriété, et la location qu’une étape (Cuturello, 1992). Petit à petit, même s’il existe une réelle diversité dans l’agencement des étapes résidentielles, un parcours type s’est mis en place : location dans le secteur privé en début de cycle de vie, éventuellement dans le secteur social, puis accession à la propriété » ([91]).

Cet idéal de la propriété n’est pas sans lien avec l’arrivée d’un premier enfant qui semble être un moment clef dans la volonté de constituer un patrimoine immobilier. Le logement joue ainsi un rôle dans la vie familiale, dans l’organisation et dans le fonctionnement de la famille. Au-delà du logement principal, lieu de vie quotidien par excellence, il semblerait que les résidences secondaires aient également un rôle familial en ce qu’elles permettent de rassembler différentes générations. « L’importance des petits-enfants apparaît très nettement dans les stratégies d’achat ou de reprise d’une seconde maison. Dans l’enquête "Biographies et Entourage" de l’INED, les couples qui ont des petits-enfants possèdent un peu plus souvent une résidence secondaire que ceux qui n’en ont pas : 38 % contre 33 % » ([92]).

Ces exemples montrent l’importance à la fois symbolique et pratique du logement et la volonté de bon nombre de familles d’en faire l’acquisition. La propriété est ainsi vue comme un moyen « d’être vraiment chez soi » et de « réunir sa famille sous un même toit », mais également comme une sécurité financière et par rapport aux aléas du marché du logement.

Les aides pour l’accession à la propriété

En sus des aides personnelles au logement, évoquées ci-avant, qui bénéficient à une petite partie des propriétaires accédants (c’est-à-dire encore soumis à des charges liées à l’acquisition du bien immobilier), certaines aides ont pour objectif direct de soutenir les ménages dans l’accession à la propriété d’une résidence principale. Visant à augmenter la capacité d’emprunt et le revenu disponible des ménages, ces aides s’appuient notamment sur plusieurs dispositifs de prêt :

‒ le prêt à taux zéro (PTZ), qui a remplacé le prêt d’accession à la propriété depuis 1995, est un prêt aidé par l’État sans intérêts visant à acquérir sa future résidence principale et qui est attribué sous condition de ressources selon un plafond de revenus fixé en fonction de la composition du ménage et du lieu du logement ; l’emprunteur ne doit pas avoir été propriétaire de son logement durant les deux années précédant le PTZ et le logement acquis doit demeurer la résidence principale pendant au moins six années après le PTZ ; son montant ne peut excéder le montant du ou des autres prêts d’une durée supérieure à deux ans concourant au financement de l’acquisition ;

‒ le prêt d’accession sociale, également attribué sous condition de ressources et en fonction de la composition du ménage et du lieu du futur logement, est un prêt conventionné garanti par l’État accordé à un taux minoré avantageux destiné aux ménages achetant leur résidence principale et aux propriétaires faisant des travaux dans leur résidence principale ; ce prêt peut couvrir la totalité du montant de l’acquisition ;

‒ le prêt social de location-accession (PSLA) est un prêt conventionné avec un opérateur (organisme HLM, promoteur privé…) pour financer la construction ou l’acquisition de logements neufs qui feront l’objet d’un contrat de location-accession ; il s’agit ainsi d’un prêt au bailleur qui peut ensuite être transféré au ménage après une phase locative ; ce prêt peut couvrir la totalité de la valeur de l’acquisition ;

‒ le prêt épargne logement s’appuie sur un plan épargne logement (PEL) et est donc accordé après une phase d’épargne ; son taux d’intérêt est réglementé et son montant varie en fonction des intérêts acquis pendant la période d’épargne et en fonction de la durée du prêt, dans la limite d’un plafond ;

‒ le prêt action logement est un prêt à 1 % qui peut être accordé par Action logement, acteur du logement social et intermédiaire en France, en fonction d’accords établis avec certains employeurs afin d’aider à l’achat de sa résidence principale pour un montant équivalent au plus à 30 % du coût total de l’acquisition ;

‒ le prêt conventionné peut être octroyé par une banque ayant signé une convention avec l’État ; il s’agit d’un prêt pour faire des travaux dans sa résidence principale ou pour acquérir sa résidence principale. Accordé sans condition de ressources, ce prêt permet de continuer à bénéficier des aides au logement ; si son taux est plafonné il peut également être supérieur au taux du marché ;

CARACTÉRISTIQUES DES PRÊTS AIDÉS POUR L’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

 

Prêt à taux zéro (PTZ)

Prêt accession sociale (PAS)

Prêt conventionné

Prêt épargne logement

Prêt Action logement

Conditions d’accès

ressources inférieures à un certain plafond

ressources inférieures à un certain plafond

sans conditions de ressources

être titulaire d’un Plan épargne logement

être salarié d’une entreprise du secteur privé de 10 salariés et plus

Types de dépenses

achat ou construction d’un logement neuf en tant que résidence principale

 

achat et réhabilitation d’un logement ancien (commune située en zone B2 ou C)

achat ou construction d’une résidence principale

 

travaux dans le logement occupé

achat ou construction d’une résidence principale

 

travaux dans le logement occupé

achat ou construction d’une résidence principale

 

travaux dans la résidence principale

achat ou construction d’une résidence principale

 

achat d’un logement ancien sans travaux

 

agrandissement

Durée

20 à 25 ans

5 à 30 ans

5 à 35 ans

2 à 15 ans

jusqu’à 20 ans

Montant minimum

 

4 000 euros

4 000 euros

 

 

Montant maximum

entre 20 et 40 % du coût total de l’opération selon la nature du logement et sa situation géographique

jusqu’à 100 % du coût de l’opération

jusqu’à 100 % du coût de l’opération

92 000 euros

30 % du coût total de l’opération ou 7 000 à 25 000 € selon la zone géographique

Taux d’intérêt

0 %

fixe ou variable

plafonné entre 2,30 et 2,75 % selon la durée du prêt

fixe ou variable

plafonné entre 2,30 et 2,75 % selon la durée du prêt

En fonction de la période de souscription du PEL

1 %

Prêteur

banque ayant signé une convention avec l’État

banque ayant signé une convention avec l’État

banque ayant signé une convention avec l’État

banque

Action logement

Principaux avantages

absence de taux d’intérêt

réduction de certains frais

sans condition de ressources

prime d’État

taux d’intérêt avantageux

Cumulables avec d’autres prêts / aides

oui

non cumulable avec un prêt immobilier classique

non cumulable avec un prêt immobilier classique

oui

 

Source : Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL).

Ces prêts sont complétés par d’autres dispositifs, notamment des prêts spécifiques, accordés par certaines collectivités, par des caisses de retraite complémentaire, des mutuelles ou encore à destination des fonctionnaires par exemple.

Par ailleurs, plusieurs crédits d’impôt ont été mis en place pour réduire les dépenses des ménages en lien avec l’entretien ou l’acquisition de leur résidence principale. Il s’agit notamment du crédit d’impôt « transition énergétique » pour les dépenses supportées pour la transition énergétique de la résidence principale (propriétaire, locataire ou occupant à titre gratuit), du crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt souscrits pour l’acquisition ou la construction de la résidence principale ou encore du crédit d’impôt pour l’installation ou le remplacement d’équipements pour les personnes âgées ou handicapées.

Compte tenu de l’importance du logement aux yeux des ménages, pour lesquels cela représente bien souvent une sécurité financière et la possibilité d’une stabilité familiale, la rapporteure estime nécessaire d’améliorer les aides à l’acquisition de la résidence principale dont l’efficacité a d’ailleurs régulièrement été questionnée ces dernières années. Soulignant que « depuis la crise économique de 2008, l’enjeu des aides à l’accession est devenu plus sensible, car l’écart grandissant entre les revenus disponibles et les prix de l’immobilier a éloigné de la propriété de nombreux ménages », un rapport de la Cour des comptes de 2016 conclue à un pilotage insuffisant de ces aides qui semblent mal articulées et insuffisamment efficaces  ([93]).

La rapporteure considère donc opportun de conduire une évaluation des aides à l’accession à la propriété pour mesurer leur efficacité et leur impact concret sur la vie des familles. Elle suggère que cette évaluation prenne en compte de manière plus générale les aides au logement et leur articulation, ainsi que les spécificités des familles. En effet, la fondation d’une famille avec l’arrivée du ou des enfants est un facteur important dans le choix du logement et parfois dans le choix d’acquisition d’une résidence principale ; ces facteurs doivent selon elle être mieux pris en considération par la puissance publique.

Proposition n° 14 : conduire une évaluation de l’efficacité, du pilotage et de l’articulation des aides au logement, en privilégiant un double focus sur l’accession à la propriété de la résidence principale et sur la situation des familles

Proposition n° 15 : réfléchir à la mise en place d’un « prêt garanti par l’État (PGE) Immobilier Famille », mécanisme de garantie par l’État d’une partie des prêts bancaires pour les familles modestes qui réalisent une acquisition de résidence principale, à partir de l’arrivée de leur deuxième enfant

Proposition n° 16 : réfléchir aux possibilités de prise en charge par l’État d’une partie des intérêts bancaires générés par un prêt contracté par la famille pour l’acquisition de sa résidence principale, à partir de l’arrivée de son deuxième enfant

II.   La conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle

La conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est le troisième et le plus récent des axes de la politique familiale. Il implique un questionnement en profondeur de l’égalité entre les femmes et les hommes, non seulement dans le cercle familial, à travers la répartition des tâches domestiques et parentales, mais également dans la sphère professionnelle puisque les inégalités entre les carrières féminines et masculines ont souvent des conséquences sur les choix de vie des familles.

Mais cet enjeu de la conciliation concerne les deux parents et émergent d’ailleurs de vraies revendications de la part des pères pour être en mesure de s’impliquer davantage dans leur vie de famille. Cela implique sans doute un changement des mentalités et des habitudes de travail pour permettre un meilleur partage des temps et un meilleur respect de la vie privée.

Se posant avec acuité lorsque la famille accueille de jeunes enfants, en raison notamment des problématiques de modes de garde, la question de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle doit toutefois être considérée de manière plus large, plus continue, à tous les âges de la vie.

A.   DES INÉGALITÉS DU QUOTIDIEN QUI NUISENT majoritairement à la carrière des femmes

La répartition des tâches domestiques et parentales se fait, aujourd’hui encore, le plus souvent au détriment des femmes. Ces inégalités, qui leur imposent de gérer une grande partie du quotidien familial, ont un impact direct sur leur carrière professionnelle.

Les inégalités dans la répartition du travail domestique

L’inégale répartition des tâches domestiques et familiales

Le temps accordé aux tâches ménagères, familiales et domestiques est trop souvent différent pour les femmes et les hommes. Dans les années 1980, les femmes vivant en couple assumaient 71 % des tâches domestiques et parentales ; en 2010, elles prennent encore en charge 66 % de ces tâches, y consacrant en moyenne 3 heures et 48 minutes par jour contre 2 heures et 36 minutes pour les hommes  ([94]).

Au-delà de cet aspect inégalitaire en termes temporels, la répartition est tâches est également soumise à des biais de genre marqués : « les femmes s’occupent davantage des activités quotidiennes […], tandis que les hommes sont plus nombreux à s’occuper du bricolage, du jardinage et de l’entretien du logement, activités plus ponctuelles »  ([95]). Les femmes s’occupent ainsi de 72 % des tâches considérées comme les plus contraignantes au quotidien : ménage, cuisine, linge, vaisselle… Ces biais ont des implications concrètes dans la mesure où les tâches dans lesquelles s’impliquent davantage les hommes relèvent moins du quotidien.

PARTICIPATION QUOTIDIENNE AUX DIFFÉRENTES TÂCHES DOMESTIQUES

 en % des personnes ayant participé au moins 10 mn dans la journée à la tâche domestique visée

 

Femme

Homme

Cuisine, vaisselle, ménage, linge

92

62

Comptes et démarches administratives

14

11

Courses

35

23

Entretien divers

15

18

Semi-loisir (jardinage, bricolage)

10

28

S’occuper des personnes à charge

49

36

Source : Insee, Couples et familles, édition 2015 – chiffres issus de l’enquête Emploi du temps de 2010-2011.

Le poids de la charge mentale

Ces inégalités ne se résorbent donc que lentement, ces chiffres ne prenant d’ailleurs pas en compte le poids de la « charge mentale » qui correspond au temps passé à gérer la planification et l’organisation de la vie domestique et familiale. Il s’agit ainsi de tout anticiper, de prendre les rendez-vous médicaux, d’organiser les événements familiaux ainsi que la vie sociale de la famille, de prévoir les vacances, de penser aux échéances diverses, de garantir la gestion administrative, de penser aux anniversaires des proches et éventuels cadeaux à faire… Les exemples et les implications sont multiples et se cumulent entre la vie familiale et la vie professionnelle : il s’agit de la traduction concrète de la « double journée des femmes ».

Ce concept de charge mentale permet aussi de montrer que le partage des tâches domestiques implique souvent que l’un des membres du couple, en grande majorité la femme, indique à l’autre, le plus souvent l’homme, ce qu’il doit faire. Il s’agit en réalité d’une organisation permanente, impliquant une attention et une réflexion quant à la gestion du quotidien. Cela peut avoir de lourdes conséquences sur la vie professionnelle, le temps libre ou la santé mentale de la personne qui devra prendre en charge seule cette organisation pour l’ensemble des membres de la famille. Il ne s’agit donc en rien d’un sujet anecdotique, mais c’est sans aucun doute un concept éclairant les progrès à faire en termes d’égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère privée.

L’impact de la structure familiale sur ces inégalités

La structure de la famille et notamment le nombre d’enfants influencent directement l’inégalité de répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes. Plus le nombre d’enfants est élevé, plus les femmes supportent une part plus importante de tâches que les hommes.

TEMPS DOMESTIQUE QUOTIDIEN SELON LA SITUATION FAMILIALE

 

Femme

Homme

En couple sans enfant (moins de 65 ans)

3 h 23

2 h 06

Famille monoparentale

4 h 13

n.s.

avec enfant(s) âgé(s) de 6 ans ou plus

4 h 01

n.s.

avec au moins un enfant de moins de 6 ans

4 h 52

n.s.

Famille recomposée

4 h 45

2 h 40

avec enfant(s) âgé(s) de 6 ans ou plus

4 h 16

2 h 19

avec au moins un enfant de moins de 6 ans

5 h 51

3 h 08

Famille traditionnelle

4 h 53

2 h 30

avec enfant(s) âgé(s) de 6 ans ou plus

4 h 30

2 h 17

1 enfant

4 h 10

2 h 08

2 enfants

4 h 36

2 h 23

3 enfants ou plus

5 h 30

2 h 34

avec au moins un enfant de moins de 6 ans

5 h 36

2 h 48

1 enfant

5 h 00

2 h 47

2 enfants

5 h 30

2 h 52

3 enfants ou plus

6 h 43

2 h 45

Source : Insee, Couples et familles, édition 2015 – chiffres issus de l’enquête Emploi du temps de 2010-2011.

Les déséquilibres ont donc tendance à se creuser avec l’arrivée d’un ou de plusieurs enfants  ([96]). Au-delà du nombre d’enfants, la forme de la famille a également une influence sur cette répartition. Ainsi, « le partage des tâches ménagères dans les familles recomposées est plus égalitaire que dans les familles "traditionnelles" : l’écart entre hommes et femmes est d’environ une heure et demie par jour dans les familles recomposées, soit 30 minutes de moins que dans les familles "traditionnelles". Cette différence est à la fois imputable aux hommes, qui y consacrent 20 minutes de plus, mais aussi aux femmes, qui y consacrent 10 minutes de moins » ([97]).

Les conséquences sur les carrières des femmes

Les mutations du marché du travail et des modèles familiaux n’ont eu qu’une influence limitée sur la répartition entre les femmes et les hommes des tâches domestiques et familiales. Insérées sur le marché du travail mais toujours en charge de la majeure partie de ces tâches, les femmes sont ainsi confrontées à des difficultés d’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle particulièrement aiguës.

Cette réalité pèse sur le rapport des femmes au marché du travail et sur les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Ainsi, « à nombre d’enfants mineurs au domicile donné, le taux d’emploi des mères est plus faible lorsque l’un d’entre eux est âgé de moins de 3 ans. Cet écart est davantage marqué à partir de deux enfants pour les couples et pour les familles monoparentales, indépendamment du nombre d’enfants. Ainsi, en 2015, 63 % des mères en couple ayant deux enfants dont un a moins de 3 ans, sont en emploi, contre 83 % si les deux ont plus de 3 ans (et l’un, moins de 18 ans) » ([98]).

Les femmes sont ainsi bien plus nombreuses que les hommes à interrompre plus ou moins longuement leur activité afin de prendre en charge les enfants de la famille. Cela contribue à augmenter les inégalités salariales entre hommes et femmes et peut parfois éloigner ces dernières du marché du travail de manière durable. Ces inégalités salariales se retrouvent ensuite tout au long de la vie, jusqu’à l’âge de la retraite où l’on constate encore 42 % d’écart entre les pensions des femmes et celles des hommes.

RÉDUCTION DE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PENDANT AU MOINS UN MOIS POUR ÉLEVER SON ENFANT, EN 2010

en %

 

Père

Mère

Ensemble

pour un premier enfant

pour un deuxième enfant

pour un enfant de rang 3 ou plus

ensemble

Total

100

100

100

100

100

100

A interrompu son activité professionnelle :

pendant au moins un mois pour s’occuper de son plus jeune enfant

5

28

40

55

37

21

en prenant un congé parental à temps plein

2

17

33

45

28

15

en utilisant uniquement des jours de congé

2

3

3

2

3

2

par d’autres arrangements

2

9

4

9

6

4

A réduit son temps de travail :

pendant au moins un mois pour s’occuper de son plus jeune enfant

9

23

36

37

31

19

en prenant un congé parental à temps partiel

2

13

26

28

21

11

en passant à temps partiel ou en réduisant ses horaires de travail

2

8

8

6

8

5

en utilisant uniquement des jours de congé

2

1

1

0

1

2

par d’autres arrangements

1

2

1

3

1

1

Total ayant interrompu ou réduit son activité professionnelle

12

42

63

70

55

33

Source : Secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, chiffres clés, édition 2017.

Dans sa contribution transmise à la rapporteure, la CFTC souligne d’ailleurs qu’il s’agit là d’un levier prioritaire pour agir non seulement sur l’égalité professionnelle, mais également sur l’amélioration de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : « la première solidarité à développer doit être celle qui devrait logiquement exister entre les parents. La présence d’enfants creuse l’inégalité des revenus au sein du couple. Le plus souvent la mère gagne déjà moins. Alors, plutôt que de réduire l’écart de revenus au sein du foyer, il est décidé qu’elle gagnera encore moins, dans l’intérêt économique du foyer. Le problème c’est que plus elle s’implique dans l’intérêt économique de son foyer, plus elle réduit son implication professionnelle et sa contribution financière. Pendant ce temps, c’est exactement l’inverse pour lui : déchargé du travail au foyer, il va progresser dans son travail et devenir le pilier financier du couple. C’est donc une solidarité à sens unique qui se développe dans la plupart des familles ; solidarité au sens que les enfants du couple reproduiront très probablement à leur tour » ([99]).

B.   La récente crise sanitaire, un révélateur de ces difficultés et inégalités au sein des familles

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 et le confinement qui a été décidé par les pouvoirs publics au printemps ont bien souvent renvoyé les gens à leur sphère familiale, avec plus ou moins de plaisirs et de difficultés. Cette période semble, dans tous les cas, avoir été révélatrice de la place et de l’importance de la famille dans le quotidien de chacune et de chacun, mais également d’éventuelles difficultés et inégalités qui peuvent apparaître dans ce cercle privé.

Les enjeux et problèmes familiaux durant la période de confinement

La récente crise sanitaire et le confinement instauré pour y faire face ont mis en lumière « avec une acuité inégalée, la place, les rôles et le traitement des femmes dans notre société. Jamais, un tel laboratoire des rôles sociaux de sexe n’a permis de révéler aussi clairement les différences, voire les inégalités qui régissent les relations entre les femmes et les hommes dans notre pays et dans le monde » ([100]).

Des inégalités exacerbées

Le confinement, parfois accompagné du télétravail à domicile, a conduit de nombreuses familles à devoir prendre en charge tous les aspects de la vie quotidienne ainsi que l’instruction des enfants lors de la fermeture des écoles. Si cette situation aurait pu être l’occasion d’un partage plus égalitaire des tâches familiales et domestiques entre les parents, il s’est avéré que les inégalités demeuraient. Un sondage réalisé à la demande du Secrétariat d’État chargé de l’égalité, montre ainsi que, selon les déclarations des personnes interrogées, les femmes consacrent en moyenne 2 heures et 34 minutes par jour aux tâches ménagères, contre 2 h 10 pour les hommes. 63 % des femmes estiment par exemple que la préparation des repas leur incombe le plus souvent, contre 11 % pour leur conjoint – 25 % considérant que cette répartition est égalitaire ([101]).

La Secrétaire d’État chargée de l’égalité a d’ailleurs souligné l’impact négatif que pouvaient avoir de telles inégalités domestiques exacerbées par le confinement : « quand vous passez d'un repas par jour à trois à la maison, plus les goûters, cela fait autant de menus à penser, de préparations, de vaisselle, de tables à mettre, de courses… Cela prend un temps fou. À cela s'ajoute une charge mentale démultipliée, car ce sont en majorité les femmes qui gèrent les plannings, entretiennent le lien avec les enseignants, règlent les disputes entre les enfants, maintiennent les contacts avec la famille, prennent des nouvelles, passent les coups de fil… La majorité des aidants familiaux sont des aidantes. Au-delà de la question du Covid-19, je crains vraiment un épuisement silencieux de nombreuses femmes à la sortie du confinement, par accumulation de tâches professionnelles et domestiques » ([102]).

Ces inégalités, accentuées par l’absence de solutions de garde pour les enfants, n’ont pas permis aux femmes et aux hommes de vivre le même confinement, ni de télétravailler dans les mêmes conditions. Ces situations ont pu ainsi se révéler particulièrement stressantes et fatigantes pour de nombreuses femmes. Fiona Lazaar, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, et d’autres députés ont d’ailleurs alerté rapidement sur cette situation à travers une tribune « Confinement à la maison : il faut partager les tâches et la charge mentale » ([103]).

Confinement et violences intrafamiliales

Si les forces de l’ordre et la justice, dont le rythme s’est considérablement ralenti durant la crise sanitaire, ont considéré les violences conjugales et intrafamiliales comme une priorité, la situation de confinement a toutefois conduit à mettre en danger les victimes confinées avec leur agresseur. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a d’ailleurs alerté sur cette problématique, rappelant que la violence et le danger vécu pouvaient ainsi être accrus dans des proportions alarmantes et que les « interventions des forces de sécurité intérieure au domicile pour violences conjugales ont augmenté d’au moins 32 % sur l’ensemble du territoire national depuis le début du confinement ».

Si le nombre de féminicides aurait eu tendance à diminuer pendant le confinement, la Secrétaire d’État a toutefois fait état de 36 % de plaintes pour violences conjugales supplémentaires. Le 3919, numéro d’écoute national pour les violences conjugales, aurait reçu cinq fois plus de signalements que d’habitude. Saluant « l’action de l’autorité judiciaire qui permet de mettre en œuvre des procédures pénales d’urgence ou de délivrer en urgence des ordonnances de protection pour neutraliser les violents conjugaux et assurer la sécurité des victimes », le HCE a toutefois rappelé « qu’aucune mise en sécurité des victimes n’est possible sans organiser la décohabitation entre l’agresseur et la victime » ([104]).

Les services de protection de l’enfance ont également fait face à un accroissement des signalements des cas de violences sur enfants. Selon un communiqué du Secrétariat d’État à la protection de l’enfance, « sur la semaine du 13 au 19 avril, le nombre d’appels a atteint le chiffre de 14 531 contre 7 674 sur la même période en avril 2019, soit une augmentation de 89,35 % » ([105]).

Confinement, vie familiale et logement

Révélateur de certaines difficultés, le confinement a aussi été l’occasion de resserrer les liens familiaux et de vivre autrement l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Réapprendre à passer du temps ensemble, sous un même toit, a en effet été riche en enseignements et en épanouissements pour nombre de familles.

Le confinement des membres de la famille au sein du domicile a toutefois été plus difficile à organiser et à vivre dans les milieux les plus précaires. D’une part, le confort des domiciles familiaux a largement influé sur le confort du confinement. Ce point a d’ailleurs été souligné par la CFTC qui rappelle « que la promiscuité [est] une réalité sociale et qu’elle [peut] avoir de graves conséquences. En effet, on s’est soudainement rendu compte que le principe du confinement supposait un "chez soi" en pleine sécurité affective et sanitaire. Quand la densité est trop forte, que les logements sont sur-occupés en permanence (d’habitude, dans la journée, chacun vaque à ses occupations et peut s’aérer) et que le confinement se passe dans un espace réduit, cela augmente les risques de contamination mais aussi le sentiment d’inconfort et les tensions » ([106]).

Rappelant également le cercle vicieux entre précarité, chômage, mauvaise alimentation et mauvaise santé, la CFTC a également rappelé que la crise sanitaire a plus durement touché les départements le plus pauvres : entre le 14 et le 20 mars, le nombre de morts a par exemple augmenté de 63 % en Seine Saint Denis contre 34 % dans le reste de l’Île de France.

Le télétravail : quel levier pour l’égalité et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ?

Mentionné pour la première fois dans un rapport de Thierry Breton remis au Premier ministre en 1993 ([107]), le télétravail est introduit en 2012 dans le code du travail par la loi dite « Warsmann » ([108]). Il est défini par l’article L. 1222-9 du code du travail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».

Selon un rapport remis au Président de la République en 2017, le télétravail concernait alors 17 % des salariés mais était une aspiration pour 61 % des Français. Il attire particulièrement les jeunes générations et les travailleurs souhaitant mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle grâce à un gain de temps et de flexibilité. Le rapport souligne également que le télétravail est une opportunité pour répondre à certaines problématiques d’aménagement du territoire, notamment en zone rurale. Cela ne concerne toutefois pas tous les salariés et une étude de l’Insee et de la DARES souligne que 61 % des télétravailleurs sont des cadres : 11 % d’entre eux pratiquent le télétravail au moins un jour par semaine, contre 3 % de l’ensemble des salariés ([109]).

MÉTIERS OÙ LE TÉLÉTRAVAIL EST LE PLUS DÉVELOPPÉ

en % des salariés

 

Télétravail régulier

Cadres commerciaux et technico-commerciaux

16,2

Ingénieurs de l’informatique

13,9

Attachés commerciaux et représentants

12,7

Enseignants

12,2

Cadres des transports, de la logistique et navigants de l’aviation

9,4

Professionnels de la communication et de l’information

9

Cadres des services administratifs, comptables et financiers

7,9

Techniciens de l’informatique

7,5

Personnels d’études et de recherche

7,3

Cadres du bâtiment et des travaux publics

6,9

Ingénieurs et cadres techniques de l’industrie

6,5

Cadres de la banque et des assurances

6,3

Professionnels des arts et des spectacles

5,7

Employés de la banque et des assurances

4,4

Techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et des travaux publics

4,1

Source : Vie-publique.fr / DILA – données Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2017.

Le recours au télétravail s’est très largement développé en raison de la crise sanitaire et notamment pendant la période de confinement. Il a pu être imposé aux salariés en vertu de l’article L. 1222‑11 du code du travail qui précise que le risque épidémique peut justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié ([110]). À compter du 17 mars et du début du confinement de la population le télétravail devait être systématiquement privilégié et tout employeur refusant d’y recourir devait donc démontrer que la présence sur le lieu de travail était indispensable au fonctionnement de l’activité. Afin de poursuivre ce déploiement du télétravail lors du déconfinement, le ministère du Travail a mis à disposition des entreprises et des salariés un guide du télétravail sous forme de questions-réponses ([111]).

Il ne faut toutefois pas minimiser les dérives qui peuvent résulter du télétravail, notamment l’isolement social, la confusion entre vie privée et vie professionnelle, ainsi que le dépassement des horaires de travail. « Les cadres pratiquant le télétravail deux jours ou plus par semaine travaillent en moyenne 43,0 heures par semaine, contre 42,4 heures pour les nontélétravailleurs. […] Ces télétravailleurs intensifs déclarent deux fois plus souvent travailler plus de 50 heures par semaine que les nontélétravailleurs. Leurs horaires sont également plus atypiques (travail après 20 heures ou le samedi) et moins prévisibles » ([112]).

QUELS SONT LES EFFETS DU TÉLÉTRAVAIL SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL ?

Le télétravail est souvent présenté comme un facteur de réduction des expositions aux risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie au travail. Réduisant les trajets et la fatigue associée, autorisant des horaires plus souples, le télétravail est envisagé comme favorisant l’articulation des temps professionnels et des temps privés, en particulier chez les cadres [Metzger et Cléach, 2004 ; Guillaume et Pochic, 2009]. Il constituerait également un gage de confiance envers le salarié, puisqu’il suppose une plus grande autonomie et un moindre contrôle direct de la hiérarchie. Il serait également utilisé pour prévenir des risques psychosociaux (RPS), en éloignant des salariés vivant des situations de tensions [Amira, 2016].

Le télétravail peut néanmoins favoriser l’émergence de situations à risques du point de vue psychosocial. En effet, l’organisation de l’activité est modifiée, à la fois celle du salarié en télétravail, mais aussi celle de ses collègues et de sa hiérarchie. Ces reconfigurations peuvent ainsi engendrer de nouveaux risques pour les salariés hors les murs, comme une durée ou une charge de travail excessive, la désynchronisation des horaires de travail, le brouillage des frontières entre les divers temps sociaux et un envahissement de la vie privée [Maruyama et al., 2009 ; Tremblay et al., 2006]. L’éloignement physique des collègues peut aussi nuire au travail collectif et freiner la coordination entre les salariés, leur intégration aux équipes de travail ou encore le partage des connaissances. La distance peut être source d’isolement du fait d’échanges plus formalisés (par e-mail principalement) et de moments de sociabilité réduits.

Source : Insee, Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ?, novembre 2019.

La CFTC et FO ont tous deux indiqué à la rapporteure que ces nouvelles organisations du temps et des modalités de travail étaient de nature à améliorer la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. « En réglant les problèmes potentiels d’organisation, cela pourrait être un bon fonctionnement pour faciliter la conciliation vie familiale/vie professionnelle, permettant de limiter les transports et de récupérer les enfants plus tôt après l’école ou après le mode de garde choisi et offrir ainsi aux familles un temps plus long pour vivre ensemble les soirs de la semaine de manière moins stressante. Cette nouvelle organisation de la vie de famille permettrait également une économie du coût des gardes périscolaires » ([113]).

La rapporteure alerte toutefois sur les inégalités entre les femmes et les hommes que pourrait causer un recours au télétravail insuffisamment encadré et réfléchi. Comme l’a montré la récente crise sanitaire, les femmes en télétravail ont trop souvent été contraintes d’assumer une charge mentale encore plus lourde qu’à l’accoutumée. Il faut bien garder à l’esprit que le développement du télétravail ne peut se faire sans modes de garde adapté et sans réduction des inégalités quant à la répartition des tâches domestiques et familiales. Il s’agit cependant d’une formidable opportunité pour faire évoluer les habitudes de travail et faciliter la vie des familles ; le recours au télétravail doit donc sans aucun doute être développé.

Proposition n° 17 : favoriser le recours au télétravail et aux horaires de travail flexibles, sur la base du volontariat, pour les familles qui le souhaitent, dans une optique d’épanouissement familial et personnel

encourager la conciliation vie privée et vie professionnelle tout au long de la vie

Concilier et articuler la vie professionnelle et la vie personnelle est une condition nécessaire au bon déroulement de la vie familiale et à l’épanouissement de chacun des membres de la famille. Cela passe, de manière sans doute prioritaire, par la mise en œuvre de modes de garde adapté, comme cela sera abordé ci-après, mais également par une modification des habitudes de travail et de vie, par un profond changement des mentalités quant à l’égalité entre les femmes et les hommes, par un meilleur aménagement des temps de vie et un meilleur respect de la vie privée. La rapporteure estime en outre que cette conciliation entre vie privée et vie professionnelle ne se cantonne pas à la période où les enfants sont jeunes, mais doit en réalité être pensée tout au long de la vie.

Amorcer un changement profond des mentalités pour faire advenir une société d’égalité entre les femmes et les hommes

Améliorer la conciliation entre la vie personnelle et la vie personnelle suppose une évolution importante des mentalités et des comportements. Cela implique notamment d’en finir avec les inégalités entre les femmes et les hommes qui sont pourtant, aujourd’hui encore, présentes partout : dans l’entreprise, au sein des familles, dans la rue, dans la publicité, dans les médias, face à la précarité, dans l’accès aux responsabilités professionnelles ou électorales… Seul un changement volontariste permettra de progresser dans l’ensemble de ces domaines et de faire advenir une société d’égalité qui rendrait possible une répartition équilibrée des tâches familiales et domestiques.

C’est l’objectif poursuivi par plusieurs de politiques publiques et de textes législatifs, comme le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultats en ce qui concerne l’égalité salariale ([114]). Lors de son audition par la Délégation aux droits de femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale, la ministre du Travail précisait d’ailleurs qu’il « s’agit, plus fondamentalement, d’amorcer un changement de culture et de faire évoluer l’opinion. Cela fait quarante-cinq ans en effet que vos prédécesseurs ont voté une loi imposant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes à travail égal. Or je ne connais pas d’autres exemples de loi qui soit aussi peu appliquée. Notre responsabilité va donc bien au-delà du travail législatif, elle consiste à mener bataille dans l’opinion. Et il me semble que c’est le bon moment pour cela et que la société est prête à voir changer les comportements » ([115]).

Au-delà de la sphère professionnelle, l’égalité doit progresser au sein des foyers pour permettre aux femmes et aux hommes de s’impliquer équitablement dans leurs vies professionnelle et personnelle respectives. Or, comme cela a été évoqué ci-avant l’inégale répartition des tâches domestiques et familiales n’évolue que lentement et le récent mouvement #Metoo ne s’est pas traduit par un bouleversement dans ce domaine. Si ce mouvement a permis de libérer la parole des femmes, notamment concernant les violences sexistes et sexuelles, ses conséquences n’ont à ce stade malheureusement pas permis de remettre en cause toutes ces inégalités.

Produit historique de la domination masculine, le rattachement de la sphère domestique à la femme doit aujourd’hui être radicalement remis en cause. La CFTC souligne d’ailleurs que « pour encourager efficacement une évolution des mentalités, il faudra lutter contre des préjugés et des automatismes très anciens. Mais ces automatismes déjà en place se sont renforcés avec la crise […]. Il est évident que tant que les inégalités salariales et la non-mixité des métiers existeront, une répartition plus équilibrée des charges parentales et familiales sera impossible » ([116]).

Un tel changement de mentalité ne peut bien sûr s’envisager que de façon globale et sur un temps nécessairement long incluant les générations futures. En ce sens, la rapporteure insiste sur la nécessité de développer dès le plus jeune âge des référentiels d’égalité qui serviront ensuite de fondement aux mentalités, aux comportements et à la société de demain. Considérant que l’égalité est en soi un objectif de société qui doit être pris en compte dans le cadre de la politique familiale, elle reprend pour cela à son compte l’un des recommandations du Livre blanc de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes portant sur la lutte contre les violences conjugales ([117]).

Proposition n° 18 : permettre le changement des mentalités et l’avènement d’une société d’égalité en assurant, conformément à l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, le respect effectif de l’obligation d’éducation à la sexualité et à l’égalité dans le cursus scolaire, notamment dès l’école primaire, en réaffirmant les obligations incombant aux directeurs d’établissement et en s’assurant de la formation des personnels et de l’existence de moyens humains et financiers suffisants pour mettre en œuvre les trois séances annuelles

Allonger le congé paternité

Les parents bénéficient d’un congé à raison de la naissance de leur enfant. Pour les salariés, il s’agit principalement d’un congé de 16 semaines pour les mères pour le 1er ou le 2e enfant (26 semaines pour le 3e enfant), soit 6 semaines avant la naissance et 10 semaines après. S’il est possible de renoncer à une partie de son congé maternité, il est obligatoire de cesser de travailler au moins 8 semaines dont 6 après l'accouchement. Pour les pères, ce congé est de 11 jours calendaires consécutifs et il n’est pas obligatoire.

Une telle inégalité entre les congés maternité et paternité n’est pas sans poser de difficultés. Si le congé exclusif de la mère avant la naissance s’explique notamment par des éléments biologiques objectifs liés à l’état de grossesse, l’importante disproportion entre les 10 semaines de la mère et les 11 jours du père pour le congé après la naissance de l’enfant contribue à renforcer une inégale répartition des tâches et responsabilités parentales dès les premiers jours de l’enfant. Cela peut impliquer des difficultés particulièrement lourdes pour les mères, à travers des problématiques comme une forme de solitude, une charge mentale élevée ou alors des discriminations sur le marché du travail. Cela empêche également les pères de s’impliquer autant qu’ils pourraient le souhaiter dans l’arrivée de leur enfant.

Cette inégalité dans le rapport à la parentalité dès l’arrivée d’un enfant au sein d’une famille risque ensuite de se répercuter tout au long de la vie familiale. L’allongement du congé paternité contribuerait à mieux partager les tâches parentales entre les deux parents, inscrivant dès le début de la vie de famille un équilibre propice à l’épanouissement de chacun et facilitant pour les deux parents la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle.

Proposition n° 19 : mettre à l’étude l’allongement du congé paternité pour permettre un meilleur partage des tâches familiales entre les parents et favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes

Aménager le temps de travail et respecter la vie privée

Faire progresser la conciliation entre vie privée et vie professionnelle implique nécessairement une réflexion quant au rapport de chacun au temps de travail. Il apparaît que les parents éprouvent régulièrement des difficultés à consacrer suffisamment de temps à leur vie familiale et avoir des enfants peut même parfois être considéré comme un « handicap » pour la vie professionnelle. Une telle perception nuit nécessairement au développement d’une vie familiale épanouie.

Certains aménagements du temps de travail, notamment les horaires atypiques augmentent les difficultés des salariés à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Les horaires longs peuvent aussi être la cause de tensions familiales et, selon l’enquête de la Dares sur les conditions de travail et risques psychosociaux de 2016 ([118]), 13 % des femmes et 14 % des hommes salariés déclarent se voir reprocher par leur entourage un manque de disponibilité liée aux horaires de travail. D’autres pratiques, comme les réunions de travail tôt le matin ou tard le soir, nuisent également à la gestion du quotidien des familles.

Ces difficultés peuvent même se traduire par un véritable mal-être. « 18 % des personnes évoquant des difficultés de conciliation enregistrent un score de bien-être psychologique faible et présentent un risque de syndrome dépressif, contre 9 % de ceux qui n’évoquent pas de difficultés de conciliation. Cet écart est plus important pour les femmes que pour les hommes » ([119]).

Certaines de ces pratiques et habitudes professionnelles seraient relativement faciles à modifier en s’appuyant sur une démarche volontariste des employeurs. Il s’agit d’ailleurs d’une attente forte de la part des salariés. Le baromètre résultant de l’enquête réalisée pour l’Observatoire de l’équilibre des temps et de la parentalité en entreprise ([120]) révèle que la conciliation entre vie privée et vie professionnelle est une préoccupation majeure pour 92 % des salariés interrogés (et pour 97 % des salariés qui sont parents d’enfants de moins de 3 ans) et 72 % d’entre eux estiment manquer de temps au quotidien. Ils expriment des attentes claires : pouvoir aménager ponctuellement les horaires de travail (42 %), bénéficier de davantage souplesse dans les modalités et des horaires de travail (40 %), bénéficier de mutuelles avantageuses pour les familles (34 %), avoir des horaires et charges de travail raisonnables (30 %), développer les possibilités de télétravail et travail à distance (27 %). En ce sens, il conviendrait que les entreprises prennent mieux en compte ces éléments et aspirations des salariés.

La rapporteure estime que la puissance publique doit inciter les entreprises et les partenaires sociaux à s’investir davantage dans la prise en compte du temps familial et de l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Doivent dans ce cadre sans doute être abordés la limitation des amplitudes horaire, l’organisation des réunions hors des plages horaires trop matinales ou trop tardives, le développement du télétravail ou encore un aménagement plus souple du temps de travail afin de mieux prendre en compte d’éventuelles contraintes de garde d’enfants.

Proposition n° 20 : impliquer davantage les partenaires sociaux dans la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle

Penser cette conciliation tout au long de la vie, de la naissance du jeune enfant jusqu’à la place de nos aînés

Cette conciliation entre vie familiale et vie professionnelle concerne bien sûr les familles avec enfants, notamment lorsque les enfants sont jeunes et que les contraintes de garde sont particulièrement importantes. Elle ne doit toutefois pas se limiter à la garde des jeunes enfants mais concerne l’ensemble des âges de vie et jusqu’à la question de la prise en charge de nos aînés et de leurs rôles au sein des structures familiales.

La problématique de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle peut se poser de façon aiguë pour les aidants familiaux par exemple. Selon une étude réalisée par la DREES, en France les proches aidants sont 8,3 millions en 2008 et environ 57 % d’entre eux sont des femmes ([121]) ; en 2017, une nouvelle enquête fait état de 11 millions de proches aidants dont 58 % de femmes ([122]).

« Préserver nos aidants : une responsabilité nationale »

Les aidants familiaux constituent un ensemble hétérogène aux profils et aux besoins différents. Le tome 2 du rapport de Dominique Gillot Préserver nos aidants : une responsabilité nationale souligne le poids des contraintes qui pèsent sur les aidants familiaux et qui peuvent avoir des conséquences dramatiques : perte du lien social, dépression, risque de détérioration de la santé, épuisement physique et moral, sentiment de culpabilité face à un éventuel renoncement…

Ce rapport pointe la difficulté de l’absence de statut juridique unifié et se demande comment garantir l’effectivité des droits existants et mieux concilier vie professionnelle et familiale en évitant la rupture du lien professionnel. Sécurisation du cadre juridique, implication et sensibilisation des employeurs à cette situation de salariés de plus en plus nombreux, valorisation des acquis de l’expérience des proches aidants, attention au retour en emploi sont autant de pistes à développer. Le rapport met en exergue la nécessaire convergence des dispositifs (droits à congés spécifiques, prestations compensatoires, services d’aides pour aidant, majoration des durées d’assurance retraite). Le rapport préconise une actualisation et une harmonisation légistique des différents textes qui régissent ces droits : plus que jamais il est nécessaire d’instituer un cadre unifié du statut de proche aidant ciblé sur les besoins de l’aidant autant que sur le seul statut de l’aidé.

Source : synthèse du tome 2 du rapport de Mme Dominique Gillot sur la conciliation entre le rôle d’aidant et la vie professionnelle, Préserver nos aidants : une responsabilité nationale, juin 2018.

Le Gouvernement a récemment présenté une grande stratégie de mobilisation et de soutien des aidants visant à reconnaître le rôle des proches aidants mais aussi à améliorer leur qualité de vie.

Stratégie de mobilisation et de soutien des aidants

Priorité 1 : rompre l’isolement des proches aidants et les soutenir au quotidien

– mise en place d’un numéro téléphonique national de soutien des proches aidants dès 2020 ;

– création d’un réseau de lieux d’accueil labellisés « Je réponds aux aidants » dès 2020 ;

– création d’une plate-forme numérique « Je réponds aux aidants » d’ici à 2022 ;

– diversification et déploiement des offres d’accompagnement par des professionnels et des pairs dans tous les territoires.

Priorité 2 : ouvrir de nouveaux droits sociaux aux proches aidants et faciliter leurs démarches administratives

– le congé de proche aidant indemnisé pour les salariés, les travailleurs indépendants, les fonctionnaires et les chômeurs indemnisés, mis en place dès octobre 2020 ;

– dès janvier 2020, un congé de proche aidant pourra être pris dès l’arrivée en entreprise, sans attendre 1 an comme auparavant ;

– dès novembre 2019, des périodes de congé proche aidant ne compteront plus dans le calcul des droits au chômage pour éviter une baisse des allocations ;

– dès octobre 2020, le congé de proche aidant indemnisé au titre des droits à la retraite sera pris en compte automatiquement, sans formalités à accomplir.

Priorité 3 : permettre aux aidants de concilier vie personnelle et vie professionnelle

– l’assouplissement du congé de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale pourront être pris de façon fractionnée, par demi-journées, dès janvier 2020 ;

– le retour à l’emploi des aidants qui ont dû arrêter de travailler pendant longtemps pour accompagner un proche sera facilité ;

– le soutien aux proches aidants sera inscrit en 2020 parmi les thèmes de la négociation obligatoire dans les entreprises et parmi les critères de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Priorité 4 : accroître et diversifier les solutions de répit

– lancement d’un plan national de renforcement et de diversification des solutions de répit, adossé à un financement supplémentaire de 100 M € sur la période 2020-2022.

Priorité 5 : agir pour la santé des proches aidants, 31 % des aidants délaissant leur propre santé.

– Mieux comprendre les risques qui pèsent sur la santé des proches aidants, à travers une enquête de Santé publique France en 2020 ;

– instauration d’un « réflexe proches aidants » chez les professionnels de santé ou d’accompagnement à compter de 2020 ;

– identification du rôle de proche aidant dans le dossier médical partagé (DMP) en 2020.

Priorité 6 : épauler les jeunes aidants.

– sensibilisation des personnels de l’Éducation nationale ;

– aménagement des rythmes d’études pour les étudiants aidants dès fin 2019.

Source : https://www.gouvernement.fr/aidants-une-nouvelle-strategie-de-soutien

La rapporteure se réjouit de la mise en place de cette stratégie ambitieuse et tient à souligner l’importance de la sixième priorité sur les jeunes aidants. En effet, comme elle a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, les enfants aidants sont peu reconnus et peuvent souffrir d’un manque de suivi médico-social et d’une forme d’isolement. On compterait ainsi 500 000 enfants qui prendraient en charge l’accompagnement et l’aide quotidienne à un membre de leur famille malade, en situation de handicap ou devenu dépendant. Elle alerte sur les risques particuliers que courent ces enfants, notamment en termes de carences, de décrochage scolaire, de déscolarisation ou encore de désinsertion sociale.

A l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle avait d’ailleurs présenté un amendement visant à l’expérimentation d’un plan de sensibilisation aux jeunes aidants, à destination des professionnels du milieu scolaire. Avec pour but principal d’informer les équipes éducatives, médico-sociales et pédagogiques pour leur permettre de connaitre les jeunes aidants et leurs spécificités, ce plan permettrait également de les aider à repérer les jeunes aidants, et à les orienter vers des solutions d’accompagnement. En cohérence avec cette proposition, elle salue la prise en compte de la sensibilisation des personnels de l’Éducation nationale et tient à rappeler l’importance cruciale de cet enjeu.

L’exemple des aidants et la récente crise sanitaire qui a mis en exergue l’importance des solidarités familiales et intergénérationnelles montrent à quel point la question de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est fondamentale en ce qu’elle constitue en réalité une condition à l’épanouissement de chacune et de chacun. La rapporteure estime que des efforts doivent être faits dans ce domaine afin de faciliter la vie des proches aidants, de leur permettre de porter assistance aux membres de leur famille sans risque trop élevé pour leur propre quotidien.

Proposition n° 21 : développer le congé de proche aidant en allongeant sa durée et en augmentant le montant de son indemnisation

Proposition n° 22 : améliorer le dispositif de baluchonnage et développer les maisons de répit sur l’ensemble du territoire

III.   La politique d’accueil du jeune enfant, un levier pour l’égalité professionnelle et l’épanouissement de tous dans leur vie famiLIale

Permettre la construction et la gestion d’une famille sans avoir à renoncer à sa vie professionnelle, ou à une partie de celle-ci, aussi bien pour les mères que pour les pères, est un objectif de la politique familiale française qui prévoit pour cela des aides monétaires, d’une part, et le financement d’infrastructures d’accueil, d’autre part.

Aujourd’hui, plus de la moitié des enfants de moins de trois ans sont accueillis à titre secondaire ou principal dans des modes d’accueil formels, individuels ou collectifs. Si nombreux efforts ont été faits dans ce domaine, notamment pour augmenter le nombre de places en crèches, les marges de progrès de la politique d’accueil du jeune enfant sont encore importantes pour garantir à toutes les familles de trouver un mode de garde adapté à leurs contraintes propres.

Une politique encore insuffisamment performante

Selon les dernières données de l’Observatoire national de la petite enfance ([123]), 758 000 bébés sont nés en France en 2018. L’âge moyen de la maternité est de 30,6 ans. Cela représente une baisse de la fécondité, qui se traduit depuis plusieurs années par une baisse du nombre de jeunes enfants. « Au 1er janvier 2019, la France (y compris Mayotte) compte 4,5 millions d’enfants âgés de moins de 6 ans et 2,2 millions d’enfants de moins de 3 ans. La baisse du nombre d’enfants de moins de 6 ans amorcée en 2012 se poursuit. De même, le nombre d’enfants de moins de 3 ans diminue depuis 2011. Entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019, le nombre d’enfants âgés de moins de 6 ans a baissé de 84 000 (soit -1,8 %) et celui des moins de 3 ans de 40 000 (soit -1,8 %) » ([124]). La grande majorité des enfants vivent avec leurs deux parents.

ENFANTS ET TYPES DE FAMILLE (en %)

 

Répartition des enfants de moins de 3 ans

Répartition des enfants de moins de 6 ans

Famille « traditionnelle »

81,8

79,0

Famille monoparentale

10,1

12,4

Famille recomposée

8,1

8,6

     Ensemble

100,0

100

Vit avec deux parents

89,8

86,2

Vit avec un seul parent

10,2

13,8

     Ensemble

100,0

100,0

Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant, rapport annuel, édition 2019. – chiffres issus de l’enquête Famille et logements 2011 de l’Insee.

Comment sont gardés ces jeunes enfants ? Plusieurs dispositifs se complètent : l’accueil individuel, l’accueil collectif et la préscolarisation principalement.

Les modes de garde du jeune enfant

Capacités théoriques d’accueil

Concernant l’accueil individuel, en 2017, la DREES recensait 406 900 assistantes et assistants maternels agréés en France, ce qui correspond environ à 951 700 places de garde disponible, dont une majeure partie est en fait réservée aux enfants âgés de moins de trois ans. Rapporté au nombre d’enfants de moins de 3 ans cela correspond à environ 33,4 places de garde potentielles pour 100 enfants de moins de 3 ans en 2017. En sus des assistants maternels, on estime qu’environ 46 000 places de garde au domicile familial par une personne salariée ayant passé un contrat directement avec les parents, ou via un prestataire, ont été offertes aux enfants de moins de 3 ans en 2017.

Concernant l’accueil collectif, « en 2017, les 12 342 établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) bénéficiant d’une prestation de service unique (PSU) offrent une capacité d’accueil d’un peu plus de 408 700 places destinées aux enfants âgés de moins de 6 ans. L’offre proposée par les établissements non financés par la Psu, comme certaines crèches de personnel exclusivement, des micro-crèches et des crèches familiales fonctionnant avec le complément de mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) est plus faible puisqu’elle représente 40 100 places environ » ([125]).

Par ailleurs, la préscolarisation permet l’accueil de 93 600 enfants de deux ans à la rentrée 2015, soit 11,5 % des enfants de cet âge et 3,9 % des enfants de moins de trois ans. Enfin, l’enseignement préélémentaire, qui s’adresse aux enfants à partir de 3 ans, accueillait, à la rentrée 2018, 2 492 500 enfants au sein de 34 000 écoles. À 3 ans et demi, 86 % des enfants fréquentent l’école

CAPACITÉ THÉORIQUE D’ACCUEIL PAR LES MODES D’ACCUEIL « FORMELS » POUR 100 ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS EN 2017

 

Capacité théorique d’accueil

Capacité pour 100 enfants de moins de 3 ans (en %)

Assistant(e) maternel(le) employé(e) directement par des particuliers

770 800

33,4

Salarié(e) à domicile

46 100

2,0

Accueil en EAJE (collectif, familial et parental, micro-crèche)

448 800

19,5

École maternelle

92 600

4,0

Capacité théorique d’accueil par l’ensemble des modes d’accueil « formels »

1 358 300

58,9

Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant, rapport annuel, édition 2019. – chiffres issus de l’enquête Famille et logements 2011 de l’Insee.

Recours aux modes de garde par les familles

Cet effectif d’accueil reste théorique et il apparaît en réalité que « les enfants de moins de 3 ans sont le plus souvent gardés par leurs parents, essentiellement par la mère, à titre principal. En dehors de ce mode de garde, c’est l’accueil chez l’assistant(e) maternel(le) qui est le plus fréquent. Le recours aux différentes solutions d’accueil varie selon le niveau de vie des parents et le territoire » ([126]).

Ainsi, en semaine, 61 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents, 19 % par un ou une assistante maternelle agréée, 13 % en EAJE, 3 % à l’école, 3 % par les grands-parents ou d’autres membres de la famille, 1 % par une garde à domicile et 1 % par d’autres modes de garde ([127]). L’accueil par les assistants maternels demeure ainsi le mode de garde, hors milieu familial, le plus développé. En 2018, 787 900 familles ont perçu un complément de libre choix de mode de garde (CMG), pour le recours à un assistant maternel soit une baisse de 2 % par rapport à 2017.

La diversité des modes de garde est une richesse et il convient de rappeler que les enfants sont parfois accueillis dans plusieurs structures. « Au cours de la semaine de référence, 32 % des enfants ne sont gardés que par leurs parents sans aucun autre mode d’accueil, 48 % sont confiés à un intervenant en plus de leurs parents et 19 % sont pris en charge par au moins deux autres intervenants que leurs parents. Pour près de la moitié des enfants de moins de 3 ans, les solutions d’accueil adoptées associent les parents à un(e) assistant(e) maternel(le) ou à un EAJE. Ainsi, respectivement 18 % et 12 % des enfants de moins de 3 ans sont d’abord gardés par un(e) assistant(e) maternel(le) agréée ou un Eaje, et à titre secondaire par leurs parents. L’accueil par un(e) assistant(e) maternel(le) ou un Eaje à titre secondaire, en relais des parents, est également fréquent et concerne respectivement 9 % et 8 % des enfants de moins de 3 ans » ([128]).

Le recours aux différents types de mode de garde est influencé par la zone géographique de résidence, ainsi que par l’activité des parents et par le niveau de revenus des parents. Ainsi, par exemple, dans les familles les moins aisées 6 enfants sur 10 sont gardés exclusivement par leurs parents et 5 % seulement sont accueillis au moins une fois par semaine par un assistant maternel, tandis que, dans les familles les plus aisées, seulement 1 enfant sur 10 est gardé exclusivement par ses parents et plus de 46 % sont accueillis au moins une fois par semaine par un assistant maternel.

La convention d’objectifs et de gestion (COG) pour 2018-2022

Les principaux axes de travail de la COG

La convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la CNAF et l’État pour la période 2018-2022 engage la branche « famille » de la Sécurité sociale sur des objectifs quantifiés et soumis à une évaluation en termes de qualité de service et de productivité. Les contrats pluriannuels d’objectifs et de gestion (CPOG), signés entre la CNAF et chacune des CAF, déclinent les objectifs nationaux selon les réalités et les besoins locaux.

La COG 2018-2022 fixe trois axes de travail principaux :

‒ agir pour le développement des services aux allocataires à travers notamment le financement de 30 000 places supplémentaires en établissements d’accueil du jeune enfant et de 1 000 relais assistants maternels supplémentaires, ainsi que de  500 000 places supplémentaires en accueils de loisirs dans le cadre du « plan mercredi » et de 500 lieux d’accueil enfants-parents ;

‒ garantir la qualité et l’accès aux droits en modernisant le modèle de production du service ainsi que la relation de service ;

‒ mobiliser les personnels et moderniser le système d’information à travers une transformation numérique profonde, un renforcement des coopérations, une meilleure évaluation des politiques publiques.

La création de places en crèche

En 2017, 15 914 places en crèches ont fait l’objet d’une décision de financement pour 223,3 millions d’euros. En 2018, 6 259 places ont fait l’objet d’une décision de financement pour 74,5 millions d’euros ; ces projets représentent 4 449 places fonctionnant en PSU et 1 810 fonctionnant avec la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE). En 2019, ce sont 7 577 places qui ont fait l’objet d’une décision de financement.

Le financement des EAJE représentait en 2018 3,4 des 5,7 milliards de budget du Fonds national d’action sociale (FNAS). Ce sont 1 964 places d’accueil en EAJE qui ont été créées (plus exactement 4 206 ont été créées, mais 2 242 ont dans le même temps été supprimées). Cela signifie que seules 50,3 % des places nouvelles en EAJE fonctionnant en PSU qui avaient fait l’objet d’une décision de financement en 2017 ont ouvert avant la fin de l’année 2018, alors que cette proportion était de l’ordre de 60 % les années précédentes ([129]).

Les plans crèches

Afin d’accompagner la création de places d’accueil du jeune enfant, la circulaire C2018‑003 définissant les modalités du 9ème plan crèche, dénommé « Plan d’investissement pour l’accueil des jeunes enfants » (Piaje) a été diffusée aux CAF début décembre 2018. Il doit contribuer à la création de 30 000 places PSU nettes sur l’ensemble du territoire durant la période conventionnelle.

Doté de 609,5 millions d’euros sur la durée de la COG, le Piaje s’inscrit dans la continuité du 8ème plan crèche (Ppicc) qu’il remplace. Il porte plusieurs inflexions visant à mieux cibler les aides à l’investissement. Celles-ci seront majorées dès que le taux de couverture en mode d’accueil est inférieur à la moyenne nationale afin d’accentuer l’effort de rééquilibrage territorial. Les projets s’inscrivant dans une démarche environnementale bénéficieront également d’une meilleure solvabilisation.

Au côté des objectifs de développement de l’offre, la branche Famille déploie une stratégie de maintien de l’offre existante. Pour rénover le parc existant, les Caf peuvent mobiliser le fonds de modernisation des EAJE. La circulaire définissant les modalités de ce fonds a été diffusée en décembre 2018.

Source : Branche famille, COG 2018-2022 – synthèse du bilan d’étape 2018.

Par ailleurs, en 2018, ce sont environ 7 500 nouvelles places en micro-crèches fonctionnant en PAJE et accueillant moins de 10 enfants qui ont été créées, contre 6 400 en 2017, passant ainsi en 2018 à un total de 48 900 places offertes.

Les crèches familiales sont quant à elles passées entre 2017 et 2018 de 38 700 à 36 400, soit une réduction de 2 300 places, et les crèches parentales de 4 500 à 4 400, soit une réduction de 100 places offertes. Ont également été développées les places en crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP).

Les crèches AVIP

La difficulté d’accès aux solutions d’accueil des jeunes enfants, en particulier pour les cheffes de famille monoparentale, constitue un frein majeur de retour à l’emploi : selon un rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (Cerc), seuls 3 % des enfants issus des familles bénéficiaires d’un minimum social sont gardés en crèche.

En effet, malgré le quota de 10 % de places réservées aux bénéficiaires des minimas sociaux instauré en 2013 et conforté par le Plan pauvreté 2015-2017, les demandeurs d’emploi peinent à obtenir une place en crèche, rendant difficile l’accès à un entretien d’embauche, à une formation professionnelle ou à une période d’essai.

C’est pour répondre à ces difficultés que le développement de crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) a été initié, originellement par l’Institut d’Éducation et des Pratiques Citoyennes (IEPC).

Les crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) ont ainsi une double mission :

– réserver une place en crèche de jeunes enfants (0-3 ans) de parents sans emploi ;

– les accompagner vers l’emploi ou la formation professionnelle.

Le public visé est celui des jeunes parents éloignés de l’emploi, très souvent des cheffes de famille monoparentale, dont l’enfant est âgé entre 0 et 3 ans.

Les ministères chargés des affaires sociales et de l’emploi, ainsi que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et Pôle emploi ont décidé de s’unir pour promouvoir la diffusion de cette démarche exemplaire, et ainsi toujours mieux accompagner les parents qui ont besoin de temps pour conduire leurs démarches de recherche d’emploi.

Cette priorité a été réaffirmée le 13 septembre 2018, lorsque le Président de la République, à l’occasion de la présentation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, a lancé la mobilisation en vue du déploiement de 300 crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP) d’ici 2020, afin de favoriser l’égalité des chances dès les premiers pas et de rompre la reproduction de la pauvreté.

Source : https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/familles-enfance/accueil-du-jeune-enfant/article/les-creches-a-vocation-d-insertion-professionnelle-avip.

Des résultats insuffisants de la politique d’accueil du jeune enfant

Déjà au cours de la période précédente, en lien avec la COG 2013-2017, les objectifs fixés en matière de développement de l’offre d’accueil des jeunes enfants, qui prévoyaient la création de 275 000 nouvelles solutions, dont 100 000 relevant de l’accueil collectif, n’ont pas été atteints. En effet, entre 2013 et 2017, 62 500 solutions nettes d’accueil collectif supplémentaires ont été créées, soit un taux de réalisation de l’objectif de 62 % de l’objectif fixé par la précédente COG ([130]). Au fil de ses auditions, la rapporteure a pu constater que le même risque de non‑réalisation pesait sur les objectifs de la COG actuelle.

Des inquiétudes quant à la création de nouvelles places en crèche

L’UNAF souligne que les trois modes d’accueil principaux des enfants de moins de 3 ans (EAJE, assistants maternels et congés parentaux) accusent un fort retard dans l’atteinte des objectifs chiffrés du nombre de places offertes.

Ces inquiétudes sont largement partagées par les autres associations et partenaires sociaux. Ainsi, l’Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES) estime que le « bilan à mi-parcours de la COG État/CNAF 2018-2020 est assez mitigé, entre des objectifs qui vont dans le bon sens mais une application qui reste très partielle dans les faits, notamment du fait de l’absence de circulaire d’application pour de nombreux dispositifs et de lenteurs administratives » ([131]). FO affirme également que l’objectif de création de 30 000 places PSU ne pourra pas être tenu, en raison notamment d’un manque de partenariats locaux. La CFTC estime quant à elle qu’à mi-parcours de la COG, le bilan est mitigé, « notamment en termes de création de places d’accueil en crèche dont l’objectif a pu sembler modeste : 30 000 places d’ici 2022. Le résultat quantitatif de 2018 en nombre de places est modeste comme chaque première année de COG mais les résultats 2019 s’annoncent meilleurs, tant en créations de places nettes qu’en décisions de créations » ([132]).

Allant même plus loin et estimant que l’accueil collectif est un souhait prioritaire des parents, l’Union des familles laïques appelle à un « un investissement massif dans le domaine des Établissements d’accueil du jeune enfant, notamment dans les zones sous tensions » et à la création de « 300 000 places d’EAJE pour satisfaire les besoins réels des familles, bien loin des 30 000 places envisagées d’ici 2022 par le Gouvernement » ([133]).

Sans présumer de la conclusion de la COG, il semble effectivement qu’à mi‑parcours l’objectif de création des 30 000 nouvelles places de crèche ne puisse que difficilement être atteint.

Une vision dévalorisée des métiers de l’accueil individuel

Les auditions ont également fait apparaître des inquiétudes quant à la situation des assistantes et assistants maternels. FO dénonce ainsi un « accueil individuel [qui] souffre d’une dévalorisation et d’un manque de professionnalisation du métier et la profession suscite peu d’intérêt. Les formations doivent être revalorisées et développées pour permettre une augmentation de l’accueil individuel. Le développement des RAM est une source de professionnalisation mais les moyens développés, là encore, restent insuffisants » ([134]).

Dans la même logique, la CFTC appelle à une meilleure reconnaissance de la valeur et de la place du métier d’assistant maternel. « Les assistantes maternelles ont le sentiment d’être un peu les mal-aimées des politiques d’accueil du jeune enfant. Elles ont très mal vécu à la fin de l’année dernière les dispositions de la Loi de financement de sécurité sociale leur demandant d’inscrire leurs disponibilités sur le site de la Cnaf Monenfant.fr. Leurs critiques étaient vives. Il va falloir les rassurer et les convaincre. Leur expliquer que la professionnalisation et la reconnaissance de leur métier passe aussi par l’identification, la connaissance, la disponibilité, la description de l’offre de toutes les assistantes maternelles » ([135]).

Par ailleurs, la rapporteure insiste sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail des assistantes et assistants maternels, en garantissant leur sécurité et leur accès au droit, comme l’accès à la médecine du travail par exemple.

La persistance d’inégalités sociales et territoriales

Reconnaissant que la capacité théorique d’accueil pour 100 enfants de moins de 3 ans a récemment augmenté, passant de 57,7 places en 2016 à 58,9 places en 2017, la CFTC juge toutefois que celle-ci demeure « insuffisante et très inégale ». « De fortes disparités territoriales sont à noter, avec une capacité d’accueil qui varie de 10 places pour 100 enfants en Guyane à 93 places en Haute-Loire. En Île-de-France, Paris et les Hauts-de-Seine bénéficient des capacités d’accueil les plus élevées, avec près de 74 places, mais seulement 32 places en Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, en matière d’accès à la crèche, comme dans beaucoup d’autres domaines, des inégalités sociales au sein de la population persistent et se creusent. Seulement 5 % des enfants issus de milieux défavorisés sont accueillis en crèche, contre 22 % pour ceux issus de milieux favorisés » ([136]).

CAPACITÉ THÉORIQUE D’ACCUEIL DES ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS PAR LES MODES DE GARDE « FORMELS » POUR 100 ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS (EN %), SELON LE DÉPARTEMENT AU 31 DéCEMBRE 2017

Source : PQE « famille », annexé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020.

Ces inégalités sont bien évidemment prises en compte dans le cadre de la politique d’accueil du jeune enfant et d’ailleurs la toute première action prévue par la COG est bien de « développer l’offre d’accueil du jeune enfant en luttant contre les inégalités sociales et territoriales et en améliorant son efficience » ([137]). Ainsi une « part significative » des 30 000 places de crèche supplémentaires sont prévues dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Si la politique familiale doit demeurer une politique à destination de toutes les familles, la rapporteure souligne toutefois que le soutien aux familles en difficultés doit également faire partie des priorités à prendre en compte dans l’amélioration de la politique d’accueil du jeune enfant.

Simplifier, développer et harmoniser les modes de garde

Chaque famille, chaque parent devrait pouvoir bénéficier d’un mode de garde adapté. Il s’agit là d’une nécessité pour permettre l’épanouissement de chacun des membres de la famille et cela implique sans doute d’améliorer la qualité et la souplesse des différents modes de garde afin de mieux prendre en compte la réalité des contraintes de chacun.

Garantir un mode de garde adapté à chaque famille : une priorité de la politique familiale

Le développement des modes de garde mis à disposition des familles pour accueillir les jeunes enfants est une priorité historique de la politique familiale qui a toujours veillé à la qualité des différents accueils offerts. Cette qualité s’est ainsi concentrée d’abord sur les aspects sanitaires et la lutte contre la mortalité infantile, puis, dans un second temps, sur le soutien à la parentalité, ainsi que sur les services à caractère social et la réduction des inégalités. Elle intègre aujourd’hui également des éléments quant à la fonction éducative de l’accueil du jeune enfant qui doit permettre un véritable accompagnement de son développement, avec notamment une volonté de mieux prendre en compte les capacités, éventuellement précoces, de chacun et de s’adapter également à l’environnement social et familial qui a bien sûr une influence sur la réalisation des potentialités des enfants. Le déploiement de la préscolarisation vise lui aussi à mieux prendre en charge l’éducation et le développement des enfants

Comme cela a pu être dit précédemment, la politique d’accueil du jeune enfant est également essentielle du point de vue de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, comme l’a d’ailleurs largement démontré la récente crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Que l’on soit en emploi ou en recherche d’emploi, il est nécessaire d’avoir la possibilité de recourir à un mode de garde adapté, au coût et à la distance accessibles. La recherche d’un mode de garde adéquat est souvent source d’inquiétudes pour les parents et il s’agit là d’un élément essentiel pour faciliter la vie des familles. La CFTC souligne d’ailleurs cet enjeu et les problématiques rencontrées : « devant la difficulté à trouver des modes de garde collectifs proches de leur domicile et surtout devant le nombre de places très insuffisant par rapport aux besoins des familles, les familles doivent poursuivre leurs recherches pour trouver une assistante maternelle. Mais, là aussi, la recherche est très difficile. Les structures et les modes d’accueil sont non seulement notoirement insuffisants mais répartis de façon très inégale sur le territoire. Malgré les aides de la CAF, les parents se retrouvent souvent sans aucune solution de garde et doivent "se débrouiller" en comptant sur la famille, les parents ou les voisins, ce qui a des impacts très négatifs sur les conditions de vie des enfants mais aussi des parents » ([138]).

L’accès à un mode de garde est également une condition de l’égalité, notamment professionnelle, entre les femmes et les hommes. En effet, à ce stade, ce sont très majoritairement les femmes qui interrompent leur carrière pour se consacrer à la garde et à l’éducation de leurs enfants. Si ce choix peut tout à fait être pris librement, il n’en reste pas moins que sans mode de garde adapté les mères peuvent se voir contraintes de prendre cette décision. En effet les inégalités salariales impliquent souvent que la femme a le salaire le moins élevé du couple et si l’un des parents doit arrêter de travailler pour se consacrer aux enfants, le choix se portera mécaniquement sur la mère. Une répartition plus équilibrée des salaires et des responsabilités professionnelles participerait de fait à un rééquilibrage de cette réalité qui doit aujourd’hui être mieux prise en compte par la politique familiale.

Pour la CFTC, « les politiques publiques [tiennent] compte des besoins et des aspirations des familles et ne pas priver les couples de leur liberté dans leurs choix et l’organisation de leur vie familiale. Il n’appartient pas à l’État de décider à leur place. Chaque famille doit pouvoir choisir le mode de garde et l’éducation qu’elle souhaite donner à son enfant. Si l’un ou l’autre des parents souhaite interrompre sa carrière pour consacrer plus de temps à son enfant en matière de soins et d’éducation, il doit pouvoir le faire sans sacrifier sa carrière ou le budget familial. Si, par contre, les parents souhaitent tous les deux continuer leur carrière et faire garder leur enfant, ils doivent pouvoir trouver facilement et à proximité de leur domicile un mode de garde qui leur convienne, qu’il soit collectif (crèche) ou privé (assistance maternelle) » ([139]).

Augmenter le nombre de places d’accueil du jeune enfant pour permettre l’accès à un mode de garde adapté sur l’ensemble du territoire

Développer et valoriser le travail des assistants maternels

L’accueil individuel constitue le premier mode d’accueil formel des enfants de moins de 3 ans (en dehors de la garde par un membre de la famille). Il représente donc une part importante des dépenses de la CAF et est notamment soutenu par le versement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) qui a représenté 6 milliards d’euros versés aux parents en 2017. « Pour autant, le secteur est marqué par un recul de l’activité depuis 2012 : le nombre de familles bénéficiaires du complément mode de garde a reculé de 5 % entre 2012 et 2016. Cette offre souffre d’un déficit d’information et d’image auprès des parents (moins d’un tiers des familles expriment le souhait de recourir à ce mode d’accueil), déficit que la branche Famille entend contribuer à corriger, aux côtés de l’ensemble des acteurs concernés » ([140]).

Ce même constat est partagé par exemple par l’Union des familles laïques (UFAL) qui constate « depuis de nombreuses années une érosion du nombre d’assistantes maternelles en dépit des volontés politiques visant à encourager le recours à cette solution individuelle de garde. La mise en place, encouragée par les Caf, de réseau d’assistantes maternelles (RAM) ou de maisons d’assistantes maternelles constituent des solutions appréciables pour faciliter le recours à une assistante maternelle mais ne règle que marginalement la crise qui frappe ce secteur de la petite enfance. Cet état de fait est intimement lié à la grande précarité sociale qui touche les assistantes maternelles […] La reconnaissance statutaire des assistantes maternelles voire leur salarisation constituent un impératif de premier ordre pour endiguer la crise de ce secteur. Toutefois l’amélioration des conditions d’exercice des assistantes maternelles ne doit pas avoir pour finalité de réduire la capacité d’accueil collectif du jeune enfant et les efforts indispensables à réaliser pour accroître le nombre de places d’EAJE » ([141]).

Les assistants maternels constituent un mode de garde adapté à certains territoires et ne doivent en aucun cas souffrir d’une image dégradée qui contribuerait à leur sous-utilisation. Ils constituent par exemple une solution pertinente pour certains territoires ruraux dans lesquels la faible densité de population ne permet pas un taux de remplissage suffisant des EAJE. Leur souplesse d’organisation et leur proximité peuvent aussi permettre à certains parents de mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

La rapporteure considère donc comme prioritaire d’accroître l’attractivité et la reconnaissance de ce métier. Le développement des relais d’assistants maternels (RAM) et des maisons d’assistants maternels (MAM) constituent sans doute des solutions à encourager. Ils permettent en effet de créer des liens entre les professionnels des métiers de la petite enfance. En outre, comme le signale d’ailleurs l’Association nationale de regroupements d’associations de maisons d’assistants maternels (ANRAMAM), il conviendrait de renforcer la formation des assistants maternels en accroissant la formation initiale et en développant la formation continue.

Proposition n° 23 : Accroître l’attractivité et la reconnaissance du métier d’assistant maternel, notamment en développant les relais d’assistants maternels (RAM) et des maisons d’assistants maternels (MAM), ainsi qu’en amélioration la formation initiale et continue

Augmenter le nombre de places en crèche

L’augmentation du nombre de places de garde offertes en EAJE est un objectif clairement identifié par la politique familiale et par les différentes COG entre l’État et la CNAF qui se sont succédé ces dernières années. La COG 2018-2022 prévoit en ce sens la création de 30 000 places Toutefois, le nombre de places nécessaires pour progresser dans l’accueil des jeunes enfants fait débat et l’UFAL estime par exemple que ce sont 300 000 places qui seraient nécessaires pour satisfaire les besoins des familles. Elle précise que « les structures collectives de garde sont plébiscitées par les familles du fait des normes sanitaires et d’encadrement des enfants, mais également car elles sont nettement moins coûteuses pour les familles que les autres formes d’accueil. Par ailleurs, les crèches et haltes garderies contribuent à la socialisation des jeunes enfants » ([142]).

Plusieurs difficultés sont remontées par les associations familiales et les partenaires sociaux, notamment l’insuffisance des investissements qui demeurent en deçà des exigences strictes de création d’un EAJE, le gel de la PSU deux exercices de suite, une profusion de normes qui ne seraient pas toujours compréhensibles, une rigidité parfois trop stricte dans les demandes de dérogations, une pénibilité non reconnue de certains métiers liés à la garde d’enfants, etc.

La rapporteure considère que l’accueil collectif en EAJE correspond à une véritable demande de la part des familles et appelle donc à poursuivre les efforts réalisés en matière de création de nouvelles places. A minima, il semblerait opportun de garantir la réalisation des 30 000 places prévues par la COG 2018-2022.

Proposition n° 24 : accélérer la création des places en crèche prévues dans le cadre de la COG 2018-2022 et permettre le déploiement d’une politique d’accueil du jeune enfant plus complète et opérationnelle

Porter une attention particulière à l’accueil des jeunes enfants en situation de handicap

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est à l’origine de nombreuses avancées pour les personnes en situation en handicap et notamment pour les enfants et leur accès à un mode d’accueil.

La loi de 2005 affirme ainsi que « les établissements et les services d’accueil non permanent d’enfants […] concourent à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique qu’ils accueillent ».

Toutefois, rien n’oblige une structure à accueillir un enfant en situation de handicap, puisque celle-ci doit simplement « concourir » à son intégration.

Les gestionnaires de crèche devraient toutefois être incités à favoriser l’inclusion des jeunes enfants porteurs de handicap, afin de leur permettre de partager la vie en collectivité et d’amener les autres enfants à se familiariser avec le handicap, pour construire une société inclusive. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), dans un rapport de 2018 consacré à l’accueil des enfants en situation de handicap de moins de 6 ans ([143]) souhaite d’ailleurs que cet accueil soit considéré « comme une évidence de principe et d’usage ».

La rapporteure tient à saluer les nombreuses initiatives de terrain qui permettent d’accueillir les enfants porteurs de handicap. L’association Ebullescence, en particulier, est à l’origine d’un projet inédit, visant à ouvrir un réseau de structures pour les enfants de dix-huit mois à six ans, présentant des troubles du neuro-développement. La première crèche devrait ouvrir à la Garenne Colombes le 2 novembre 2020.

Les Bullotins, premier réseau de crèches adapté pour les enfants avec des troubles du neuro-développement

Fondé par deux expertes de la petite enfance et des troubles du neuro développement, ce réseau de crèche propose :

– d’accompagner précocement des enfants (dès 18 mois) ayant des troubles du neuro-développement dans des établissements d’accueil du jeune enfant adaptés à leurs spécificités sensorielles ;

– d’inclure la famille dans le suivi de l’enfant selon un programme structuré, alliant des techniques innovantes (numérique, robotique) et une approche commune à toute l’équipe transdisciplinaire ;

– de mettre en oeuvre des apprentissages basés sur les neurosciences en respectant le développement de l’enfant pour favoriser une inclusion scolaire réussie ;

– de former les professionnels et les aidants au diagnostic pour un dépistage précoce et un meilleur accompagnement et d’associer une recherche clinique appliquée pour mesurer l’impact de cet accompagnement précoce.

À côté des aides financières destinées à favoriser l’accueil des enfants en situation de handicap (voir supra), la rapporteure souhaite que de tels projets puissent être généralisés sur l’ensemble du territoire.

Proposition n° 25 : Encourager le développement de structures d’accueil de jeunes enfants en situation de handicap sur l’ensemble du territoire

Repenser l’organisation des acteurs en un véritable service public de la petite enfance

Dans sa contribution transmise à la rapporteure, l’UNAF insiste sur « la nécessité de redonner un nouveau souffle à la politique de la petite enfance en proposant un parcours indicatif pour les familles. L’idée est de partir des attentes des familles qui estiment que le meilleur mode d’accueil pour leur enfant varie en fonction de l’âge de ce dernier. En effet, avant 6 mois, 86 % des parents interrogés dans le cadre du baromètre petite enfance estiment que le mode d’accueil le plus adapté pour l’enfant est la garde par l’un des parents (et cette proportion est en nette hausse ces dernières années), ils sont 70 % à 1 an, puis ce pourcentage descend à 22 % au-delà de 12 mois. […] L’UNAF serait favorable à ce que soient décloisonnés les modes d’accueil pour s’adapter aux besoins et rythmes de l’enfant dans une logique de parcours de l’enfant et celles visant à mixer l’accueil par les parents, l'accueil formel individuel et collectif trop souvent encore opposés les uns aux autres. […] S’agissant enfin de la gouvernance, l’Unaf est favorable à l’identification d’un chef de file pour attribuer une compétence petite enfance à un acteur identifié (communes, intercommunalités, État/communes) et à créer un droit pour les familles à une place d’accueil dans un premier temps aux enfants de plus de deux ans ou au public prioritaire puis à terme à l’ensemble des familles ».

La rapporteure souligne l’intérêt de cette analyse et considère qu’il serait en effet plus efficace d’uniformiser la gestion de la politique d’accueil du jeune enfant afin de gagner en efficacité, mais également en cohérence et en équité. À travers une meilleure organisation, une nouvelle gestion de ce type permettrait, d’une part, de mieux calibrer les places d’accueil offertes en fonction des besoins réels des parents et, d’autre part, de mieux coordonner les différents acteurs impliqués et d’améliorer de manière structurelle les conditions sociales et professionnelles des différents métiers de la petite enfance.

Cela serait en outre l’occasion de repenser l’information des familles sur les modes de garde et peut-être également de manière plus large sur les dispositifs et prestations existant dans le cadre de la politique familiale.

Proposition  26 : mettre en place un véritable « service public de la petite enfance », rationalisant l’ensemble des dispositifs de garde d’enfant, avec l’objectif que chaque enfant de jusqu’à trois ans bénéficie d’un mode de garde

Proposition n° 27 : améliorer la qualification, en formation initiale et continue, des professionnels de la petite enfance, ainsi que la valorisation de ces métiers

Agir sur les coûts des modes de garde

Les dépenses publiques en faveur de l’accueil du jeune enfant

Malgré les prestations prévues, notamment dans le cadre de la prestation d’accueil du jeune enfant, le coût des modes de garde demeure problématique pour un certain nombre de familles. Ce coût varie considérablement selon le niveau de revenu et selon le mode d’accueil de l’enfant.

La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)

Destinée aux parents d’un enfant de moins de 3 ans, la PAJE a pour objet d’aider à assurer les dépenses liées à l’entretien et l’éducation d’un enfant. Versée sous condition de ressources, il s’agit d’une aide financière qui comprend :

– la prime à la naissance ou à l’adoption et l’allocation de base au moment de l’arrivée d’un enfant au foyer ;

– la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) si l’enfant est né à compter du 1er janvier 2015 ou le complément de libre choix d’activité (Clca) s'il est né avant cette date, et si l’un des deux parents réduit son temps de travail ou arrête de travailler pour garder l’enfant ;

– le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui peut être versé jusqu’aux 6 ans de l’enfant, si celui-ci est gardé par une assistante maternelle agréée, une garde d’enfants à domicile, une association, une entreprise ou une micro-crèche.

Toutes ces aides sont cumulables sous certaines conditions.

Source : CAF

En 2019, la participation publique totale au financement des différents modes d’accueil représente entre 63 % et 89 % du coût de l’accueil, sauf pour la garde à domicile non partagée et la garde en micro-crèche, qui sont les modes d’accueil les plus onéreux.

S’agissant des enfants de moins de 3 ans, le mode d’accueil collectif représente le premier poste de dépense publique avec 6,7 milliards d’euros qui sont consacrés au financement des EAJE et 5 milliards d’euros pour les dépenses relatives aux modes d’accueil individuel qui passent majoritairement par le complément libre choix de mode de garde. Par ailleurs la PreParE et l’assurance vieillesse des parents au foyer (Avpf) représentent une masse financière de 1,4 milliard d’euros. De plus, 561 millions d’euros sont consacrés à la scolarisation des enfants de 2 ans. En comptabilisant également les dépenses fiscales (crédits et réductions d’impôt) pour un montant d’1,4 milliard d’euros, la dépense pour les enfants de moins de 3 ans atteint 15,1 milliards d’euros.

Pour la tranche d’âge 3-6 ans, la masse financière atteint un total de 17 milliards, dont 90 % sont consacrés à la scolarisation. À cela s’ajoutent les dépenses fiscales (crédits et réductions d’impôt) et les dépenses d’accueil de loisirs pour respectivement 326 et 280 millions d’euros ([144]).

Décomposition du coût mensuel de la garde, selon le mode d’accueil et selon le revenu des parents, pour un enfant accueilli (en euros)

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Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant en 2018, édition 2019.

L’effort de financement est donc important particulièrement à destination des familles les moins aisées. La rapporteure tient toutefois à souligner la différence du coût, pour les parents, entre une garde par un assistant maternel et une garde dans le cadre d’un EAJE. Considérant qu’il importe de laisser le choix du mode de garde aux parents, en fonction de leurs contraintes notamment, elle appelle à prendre des mesures cohérentes pour limiter cette différence et garantir le libre choix de chacun.

Le soutien aux familles les moins aisées

Comme le montre le graphique ci-avant, les prestations familiales ont un effet redistributif important ([145]) et sont un véritable outil pour la lutte contre la pauvreté des enfants qui fait partie des objectifs de la politique familiale française.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté

Le jeudi 13 septembre 2018, le Président de la République, a présenté la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Celle-ci s’organise autour de La stratégie pauvreté est axée autour de 5 engagements :

– engagement n° 1 : l’égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ;

– engagement n° 2 : Garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants ;

– engagement n° 3 : Un parcours de formation garanti pour tous les jeunes ;

– engagement n° 4 : Vers des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus

incitatifs à l’activité ;

– engagement n° 5 : Investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi.

Source : Ministère des Solidarités et de la Santé

Un effort particulier a notamment été fait pour soutenir les familles monoparentales et les familles nombreuses. En ce sens, le complément familial a été majoré de 50 % pour les familles nombreuses modestes avec une mise en œuvre progressive entre 2014 et 2018. L’allocation de soutien familial (ASF), dont peuvent bénéficier les parents élevant seuls leurs enfants, a également été revalorisée de 25 % sur la même période.

« Par ailleurs, l’accueil des enfants en situation de handicap ou de pauvreté dans les EAJE étant une priorité de la nouvelle COG de la branche Famille, le conseil d’administration de la CNAF a adopté le 2 octobre 2018 les modalités de mise en œuvre des bonus prévus dans la COG afin de favoriser l’accueil des enfants en situation de handicap et en situation de pauvreté :

 Le bonus "inclusion handicap" : afin de compenser les surcoûts observés pour les établissements d'accueil du jeune enfant qui accueillent des enfants en situation de handicap, ce bonus, doté d'un montant pouvant s'élever jusqu'à 1 300 euros par place et par an et qui varie en fonction du pourcentage d'enfants porteurs de handicap dans l'établissement, sera déclenché dès le premier enfant accueilli ;

 Le bonus "mixité sociale" vise à soutenir les crèches qui ont adapté leur projet d’accueil pour accueillir une proportion significative d’enfants en situation de pauvreté. Constitué de trois tranches, il varie en fonction des participations familiales moyennes et peut s'élever jusqu'à 2 100 euros par place et par an.

La circulaire définissant les conditions d’éligibilité et les modalités de calcul des deux bonus (C2018-002) a été diffusée en novembre 2018. Ces bonus, complémentaires de la PSU, sont cumulables et s'appliquent à toutes les places des structures concernées. À compter du 1er janvier 2019, tous les établissements d'accueil du jeune enfant peuvent y accéder, quel que soit le type de gestionnaire, dès lors qu'ils remplissent les critères. Ils permettront à terme d'améliorer le financement de près de 200 000 places de crèches au sein d'établissements accueillant des enfants en situation de handicap ou de pauvreté.

À ces bonus, pourra s’ajouter dès 2019, le bonus "Territoires" pour les nouvelles places créées dans les quartiers prioritaires de la politique de ville. La généralisation du bonus "Territoires" dans le cadre de l’évolution du Contrat enfance et jeunesse (Cej) est quant à elle prévue pour 2020 au fil de renouvellement des Cej.

Ces mesures concourent à répondre à une partie des objectifs fixés sur la petite enfance par l’État dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté engagée en septembre 2018, à travers des dispositifs qui ont pour effet de soutenir l’offre dans les territoires les plus fragiles et de favoriser la mixité sociale » ([146]).

En 2017, 20 % des enfants vivaient encore sous le seuil de pauvreté et ce risque concernait environ 40 % des enfants de familles monoparentales. L’objectif de lutte contre la pauvreté appelle à maintenir et à développer les missions de soutien aux familles en situation de fragilité économique. Là encore, de telles difficultés ont de lourdes conséquences sur le bien-être de chacun des membres de la famille et sur le développement des enfants et doivent être résolument combattues.

Repenser un dispositif ambitieux de soutien à la parentalité

Comme l’ensemble des pays de l’OCDE, la France a développé une politique de soutien à la parentalité pour accompagner les familles face aux évolutions de la société et des structures familiales. Visant à aider les parents dans leur rôle d’éducation et de soutien des enfants, cette politique a ainsi fait de la parentalité un domaine de l’action publique.

Fonder une famille peut être une étape de la vie plus ou moins facile et le soutien à la parentalité peut prendre plusieurs formes pour y répondre : conciliation entre vie familiale et vie personnelle, soutien dans la gestion de la vie quotidienne, prévention des conflits familiaux et des situations de rupture, soutien à la scolarité des enfants, etc. L’aide à la parentalité passe par plusieurs grands dispositifs : les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS), les lieux d’accueil enfants parents (LAEP), la médiation familiale, les points info famille.

Être parent implique des droits et des devoirs et de nombreux acteurs sont susceptibles de soutenir les parents dans l’exercice de ces nouvelles responsabilités afin de s’épanouir dans la parentalité et dans la vie de famille. Une telle politique est un investissement pour le présent, en ce qu’elle permet l’apaisement des situations, l’amélioration de l’équilibre émotionnel ou encore le bien-être des membres de la famille, et un investissement pour l’avenir, en ce qu’elle prévient des difficultés futures et permet de gagner profondément en cohésion sociale.

Les actuels travaux conduits par le Gouvernement pour créer un parcours familial autour des 1 000 premiers jours sont l’occasion de rénover, d’amplifier et de clarifier la politique de soutien à la parentalité. Sans aller jusqu’à s’immiscer dans la vie privée, cette réforme doit ainsi être l’occasion de permettre à tout parent de mieux vivre et de mieux « faire famille ».

une politique publique à clarifier et à renforcer autour de la période clef des 1 000 premiers jours de l’enfant

Les 1 000 premiers jours de l’enfant constituent une période clef pour son développement et sans doute une priorité du point de vue du soutien à la parentalité.

Les enjeux du soutien à la parentalité

Le développement de la politique publique de soutien à la parentalité

La politique de soutien à la parentalité a connu de nombreux développements depuis quelques dizaines d’année avec la mise en place de plusieurs dispositifs visant à accompagner les parents dans leur rôle éducatif quotidien auprès de leurs enfants.

Les dispositifs de soutien à la parentalité

La politique de soutien à la parentalité passe par plusieurs dispositifs.

– Les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), créés en 1998, ont pour objectif d’aider les pères et mères de famille avec une double préoccupation : favoriser les échanges entre eux et leur permettre de mutualiser leur expérience ; faciliter l’accès à l’information et favoriser le contact avec des professionnels de l’éducation.

– Les lieux d’accueil enfants/parents sont des espaces conçus pour recevoir les jeunes enfants (jusqu'à 6 ans) accompagnés de leurs parents. Ils permettent aux adultes de se côtoyer, d’échanger, et aux enfants de se rencontrer pour jouer ensemble.

– Les Points info famille (PIF), créés en 2003, sont des structures labellisées par l’État. Ils ont vocation à favoriser l’accès de toutes les familles à l’information et à simplifier leurs démarches quotidiennes en les orientant rapidement et efficacement vers les structures adéquates, en fonction de leurs demandes.

Source : https://www.vie-publique.fr/fiches/37956-politiques-de-soutien-la-parentalite.

Objectif de la politique familiale, le soutien à la parentalité s’adapte également aux mutations que traversent les familles. Aujourd’hui, selon une étude de la CNAF, plus de deux parents sur cinq estiment difficile l’exercice de leur rôle ([147]). La politique de soutien à la parentalité ne concerne plus donc uniquement les parents qui rencontreraient des difficultés durables ou ponctuelles dans l’éducation de leurs enfants, mais adopte progressivement une approche plus généraliste de soutien à l’ensemble des parents et sur de nombreux sujets : scolarité, santé, équilibre et développement de l’enfant, difficultés relationnelles, lien d’attachement parent-enfant, difficultés intrafamiliales, ruptures familiales, etc.

Cette politique très large (parfois définie uniquement, dans une approche plus stricte, selon les dispositifs mentionnés ci-avant) implique différents acteurs (branche famille, éducation, justice, politique de la ville, santé…) et doit constamment s’adapter aux besoins et aux évolutions des familles et du concept même de parentalité.

Définition de la parentalité par le Comité national de soutien à la parentalité

La parentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Cette relation adulte/enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur de l’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environnement social et éducatif où vivent la famille et l’enfant

Source : Haut Conseil à la famille, Les politiques de soutien à la parentalité, 22 septembre 2016 

La stratégie nationale de soutien à la parentalité pour la période 2018-2022

Mise en place après une large concertation avec les acteurs institutionnels et associatifs concernés, la stratégie nationale de soutien à la parentalité a été mise en place pour la période 2018-2022 ([148]). Structurée autour d’objectifs et de bonnes pratiques, cette stratégie vise à :

– accompagner les parents à chaque âge de la vie des enfants : d’abord durant les six premières années pour aider à répondre aux besoins spécifiques d’un jeune enfant ; jusqu’à ses 11 ans pour favoriser les apprentissages essentiels ; durant l’adolescence pour anticiper les éventuelles difficultés et poser les premières base de sa future autonomie ;

– prendre en compte les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’éducation ;

– développer les possibilités de relais parental pour permettre aux parents qui en auraient besoin d’être relayés et ainsi de préserver le bien-être de chacun et l’équilibre familial ;

– améliorer les relations entre les familles et l’école pour qu’elles construisent ensemble une collaboration confiante et fructueuse et facilitent la réussite scolaire de l’enfant ;

– accompagner les conflits pour faciliter la préservation des liens familiaux, notamment en soutenant les parents dans une situation de rupture familiale ;

– favoriser le soutien par les pairs et à améliorer l’information des familles quant aux ressources et services qui leur sont proposés ;

– soutenir les parents d’enfant en situation de handicap.

La période clef des 1 000 premiers jours de l’enfant

Une période charnière pour le développement de l’enfant

La période située entre le 4e mois de grossesse, quand le fœtus commence à interagir avec son environnement, et le moment où l’enfant commence à parler, soit autour de ses deux ans, forme un ensemble de 1 000 jours particulièrement important dans le développement de l’enfant. Cette période « se caractérise par un rythme de croissance sans équivalent à l’échelle d’une vie : le bébé grandit de deux centimètres par mois, la taille de son cerveau est multipliée par cinq et les connexions neuronales s’y établissent à la fréquence de 200 000 par minute » ([149]).

Un large consensus des experts de la petite enfant autour de l’importance cruciale de ces 1 000 premiers jours montre que cette période est à la fois celle de la potentialité et celle de la vulnérabilité. Ainsi, les évolutions de l’enfant pendant cette période marqueront pour beaucoup le reste de sa vie et de nombreux facteurs décisifs pendant la grossesse et les deux premières années de l’enfant ont été identifiés. « Le rôle de la nutrition a notamment été mis en lumière, à la fois dans le ventre de la mère et après la naissance, mais également celui du milieu affectif pendant les 1 000 premiers jours : de nombreuses études ont montré que lorsque les personnes qui entourent le bébé sont empathiques, attentives, soutenantes, le développement de son cerveau est considérablement stimulé. À l’inverse, l’exposition du jeune enfant à la violence peut être lourde de conséquences sur sa santé mentale tout au long de sa vie. […] Un enfant ayant grandi dans un univers sécurisé sera deux à cinq fois moins fréquemment hospitalisé au cours de sa vie qu’un enfant ayant connu des périodes d’insécurité prolongées » ([150]).

Une période charnière pour l’épanouissement familial

Au-delà du développement de l’enfant, cette période est également charnière pour le bien-être de chacun des parents et pour la poursuite de leur activité professionnelle, notamment pour la mère puisque c’est sans doute pendant le plus jeune âge de l’enfant que les questions du mode de garde se posent avec le plus d’acuité.

Les difficultés de parentalité peuvent être importantes durant les 1 000 premiers jours et sans solution adaptée, elles sont susceptibles d’avoir de graves conséquences. Des enquêtes révèlent par exemple que 93 % des parents déclarent rencontrer des difficultés pour alimenter leur enfant avant ses 3 ans. La moitié des parents ont également déclaré qu’il était difficile d’être parent ([151]). Les interrogations et les inquiétudes face à des difficultés parfois quotidiennes peuvent être génératrices d’angoisses pour les parents, notamment lorsqu’ils se trouvent isolés dans ces situations.

PENSer le soutien à la parentalité de manière plus LARGE, plus Ambitieuse et plus inclusive

Si le soutien à la parentalité est particulièrement précieux lorsque les parents rencontrent des difficultés pérennes ou passagères, il ne concerne toutefois pas uniquement les familles fragilisées. Le développement de cette politique publique passe aujourd’hui aussi par un retour à son objectif d’universalité à travers des dispositifs non stigmatisant qui s’adressent à tous les parents. Dans la même logique, cette politique gagnerait à inclure davantage d’actions visant à faciliter le quotidien portant par exemple sur l’alimentation, la sécurité de la vie numérique, les pratiques artistiques, etc.

La mise en place du parcours des 1 000 premiers jours sera sans doute l’occasion de repenser de manière ambitieuse le soutien à la parentalité et la rapporteure tient ici à préciser quelques points de vigilance dans cette perspective.

Le projet d’action pour le « parcours des 1 000 premiers jours »

En raison du consensus sur l’importance cruciale de la période des 1 000 premiers jours de l’enfant, le Gouvernement a inscrit cette question au cœur de la réflexion sur les politiques liées à l’enfance et sur l’accompagnement des parents.

À la fin de l’année 2019, une commission de 18 experts a été constituée par le Gouvernement afin de tracer ce que sera le « parcours des 1 000 premiers jours » qui devrait modifier en profondeur la politique de soutien à la parentalité. Dans la même perspective, le Gouvernement a également lancé une large consultation auprès de 1 000 parents.

La commission travaille en ce sens autour de quatre grandes priorités :

– élaborer un consensus scientifique sur les recommandations de santé publique concernant la période des 1 000 premiers jours ;

– construire un parcours du jeune parent plus lisible, complet très pratique pendant cette période : l’objectif est de proposer aux parents un chemin simple et clair dès la grossesse pour bénéficier de différents rendez-vous, de consultations dont certaines à domicile et de tous les dispositifs d’accompagnement nécessaires ;

– apporter un éclairage scientifique sur la question des congés de naissance : il s’agit de mieux concilier besoins de l’enfant et besoins des parents, mais également de s’interroger sur les meilleures conditions de retour à l’emploi et de partage des responsabilités parentales ;

– repenser les modes de garde et le système d’accueil du jeune enfant à horizon de 10 ans : la commission aura à se prononcer sur la manière dont pourraient évoluer les structures d’accueil du jeune enfant (garderie, crèche) à la fois dans le nombre de places proposées et les programmes éducatifs permettant aux enfants de s’éveiller et de se sociabiliser, la formation des professionnels ou encore la bonne connaissance de l’offre d’accueil par les parents.

Proposition n° 28 : développer la politique de soutien à la parentalité en mettant l’accent sur les 1 000 premiers jours de l’enfant et de façon plus inclusive

Points de vigilance et d’amélioration dans la refonte du soutien à la parentalité

Ces différents sujets visés par les travaux de la commission sur le parcours des 1 000 premiers jours de l’enfant sont bien évidemment cruciaux et la rapporteure tient à saluer le travail engagé dans ce domaine qui sera sans aucun doute un tournant des politiques de soutien à la parentalité et d’accueil du jeune enfant. Elle tient toutefois à mettre en avant certaines situations familiales qui demanderont une attention toute particulière, ainsi que certaines problématiques de la politique de soutien à la parentalité qui devront faire l’objet d’une amélioration notable dans le cadre des réformes à venir en lien avec le parcours des 1 000 premiers jours.

Gagner en lisibilité et en cohérence

Le manque de lisibilité et de clarté nuit à la politique de soutien à la parentalité. Dans son dernier rapport sur le sujet, l’IGAS constatait que l’une des faiblesses du soutien à la parentalité était son déficit de lisibilité et d’accessibilité, résultant « de la multiplicité des dispositifs et labels, avec des acronymes méconnus et incompréhensibles » ([152]). En 2016, un rapport du Haut Conseil à la famille faisait le même constat d’une politique aux contours flous et aux frontières extrêmement poreuses avec d’autres politiques comme la protection de l’enfance ou la promotion de la santé ([153]).

Si des progrès ont été faits, notamment avec le site Internet « monenfant.fr » qui permet d’informer les parents et de les accompagner au quotidien en mettant de nombreuses ressources à leur disposition, la politique de soutien à la parentalité gagnerait toutefois à être plus clairement définie avec des dispositifs plus lisibles et plus facilement accessibles pour les parents.

Il serait d’ailleurs intéressant de développer les ressources mises à disposition des parents et surtout de mieux recenser celles qui sont disponibles dans les différents territoires. Comme le soulignait l’IGAS en 2013, le soutien à la parentalité gagnerait à se faire dans des lieux universels et non stigmatisants. Pour banaliser le recours aux dispositifs existant, il serait par exemple utile de faire de l’école un premier lieu d’information des parents.

Proposition n° 29 : clarifier la politique de soutien à la parentalité pour faciliter l’accès des parents aux différents dispositifs et ressources disponibles

Proposition n° 30 : restaurer la visée universaliste de la politique de soutien à la parentalité en développant une approche non stigmatisante

Développer le soutien aux familles monoparentales sans stigmatiser cette façon de « faire famille »

Aujourd’hui, en France, plus d’un enfant sur deux naît hors mariage, trois millions de jeunes sont élevés dans une famille monoparentale et un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre. Les concepts de parenté, de conjugalité et de parentalité ne se conjuguent donc plus de manière aussi systématique que par le passé et la politique de soutien à la parentalité doit intégrer pleinement ces réalités sociales.

La Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM) dénonce d’ailleurs une image stéréotypée et stigmatisante de la famille monoparentale vue comme une famille « incomplète » et qui conduit à ne pas reconnaître cette façon de « faire famille ». Selon elle, « il reste encore chez les chefs de familles monoparentales cette peur souvent entretenue par une vulnérabilité liée à la précarité de rester seul comme chef de famille. […] Lorsque l’on est famille monoparentale, il s’agit de repenser les relations dans la famille, avec le monde. Il s’agit de mettre au centre des préoccupations le lien de filiation et la relation au tiers qui peut être le père, la culture, le travail, les amis, la famille élargie et bien d’autres possibles encore…. Pour ces familles, il est nécessaire de se renouveler, de réinventer sa famille et la relation au monde. […] en s’appuyant autant sur l’observation et l’analyse que sur les expériences concrètes vécues par les familles, [il] s’agit de reconnaître les familles monoparentales et de réfléchir et mettre en œuvre une approche globale qui permettra de considérer la spécificité de ce public » ([154]).

L’analyse de l’UFAL est similaire et prône un meilleur soutien aux familles monoparentales qui souffrent le plus directement de la précarité et des difficultés d’accès à l’emploi. La rapporteure considère en effet que le soutien à la parentalité ne doit pas stigmatiser les compositions familiales ou prôner une forme spécifique de famille ; au contraire il lui revient de s’adapter aux réalités vécues par les parents.

Prévenir les violences intrafamiliales

Si la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales passe par des mesures ciblées et spécifiques, elles doivent également être prises en compte par les politiques familiales et la prévention de telles violences a toute sa place parmi les dispositifs de soutien à la parentalité.

La CNAF a par ailleurs précisé que la lutte contre ces violences avait au cœur des préoccupations durant la récente crise sanitaire. « La prévention des violences familiales fait l’objet d’une attention particulière dans cette période où les enfants ne sont plus accueillis par les écoles et structures éducatives à même de pouvoir identifier des situations de violences conjugales et infantiles et de réaliser des signalements » ([155]).

L’exclusion de la violence dans les comportements des parents est un enjeu fondamental pour faire reculer les violences conjugales et intrafamiliales. Il s’agit d’enclencher un véritable cercle vertueux dans lequel la violence serait totalement exclue du cercle familial qui doit demeurer une sphère de sécurité pour l’ensemble des membres qui le composent.


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   Troisième PARTIe : famille et bioéthique

I.   Les modalités actuelles de reconnaissance de la filiation

Les modalités d’établissement de la filiation, au même titre que celui du mariage, du PACS ou du concubinat, permettent à la famille de trouver sa traduction juridique. C’est par ce biais que les enfants sont institués en droit, dépassant la seule condition biologique de leur naissance.

Le titre VII du Livre 1er du code civil comprend les principales dispositions relatives à l’établissement de la filiation, tandis que le livre VIII, issu de la grande loi de 1966, est consacré à la question de l’adoption ([156]). Ces dispositions, qui ont largement évolué au fil des dernières décennies, traduisent la prise en compte juridique des nouvelles formes familiales. Cette prise en compte s’est récemment étendue aux questions de bioéthique, notamment en ce qui concerne la procréation.

A.   Le droit de la bioéthique reflète les évolutions familiales

La révision du droit de la bioéthique ne dérive pas avant tout de la prise en compte des évolutions familiales. Ce droit est amené en tout état de cause à évoluer du fait même de la révision cyclique des lois dites « de bioéthique ». L’évolution des structures familiales a néanmoins un impact direct sur le volet social des lois de bioéthique.

Un compromis entre les évolutions sociales et éthiques

Les enjeux de bioéthique confrontent le législateur à un nœud de complexités qui tient aux vitesses différenciées avec lesquelles progresse chaque dimension concernée.

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en témoigne dans l’avis qu’il a remis en amont de la révision de la loi relative à la bioéthique ([157]). Ces différentes temporalités sont celles de la médecine, de la science au sens large, de la société et enfin du droit. Non seulement chacun de ces champs progresse à sa propre vitesse, mais les interactions entre eux créent des conflits précisément liés à cette différence de tempo.

Alors que l’impératif de révision périodique des lois relatives bioéthique n’était pas respecté jusqu’ici – révision des lois ayant un impact sur la bioéthique en 1994, puis en 2004, alors qu’il était prévu un rythme de révision tous les cinq ans – le législateur a fixé un délai de révision à sept ans, en 2011. Les débats qui ont lieu à ce sujet en 2020 soulignent là encore un léger retard, encore accusé par la rapidité d’évolution des demandes sociales, ainsi que des technologies scientifiques et médicales.

Ce « retard du droit » n’est pas propre à la révision actuelle. Le CCNE soulignait déjà dans un avis de 2009 que « la société gagnerait à organiser sans attendre la réflexion et le débat public sur les problèmes éthiques nouveaux créés par les avancées de la science et qui pouvaient être anticipés dès 2010 ([158]) . »

Le ruissellement temporel du domaine scientifique et technique vers les demandes sociétales s’insère entre les révisions du droit de la bioéthique. À titre d’exemple, les modifications ciblées du génome par Crispr-Cas9 – décrites en 2013 – et la découverte des cellules souches iPS en 2007, sont toutes deux déjà applicables dans les premiers essais cliniques. La rapidité accrue qui scande le rythme des découvertes scientifiques laisse peu de place aux réflexions éthiques qui doivent les entourer.

Il existe de plus des exigences de transposition rapide des découvertes médicales – compréhensibles, notamment compte tenu des nouveaux enjeux de santé publique – dans les sociétés, elles-mêmes travaillées par :

– la mondialisation économique et ses conséquences juridiques, qui remettent en cause les modalités traditionnelles de souveraineté étatique([159]) et permettent une comparaison des cadres applicables aux enjeux de bioéthique entre les différents États. La différence en ce qui concerne le champ des personnes auxquelles sont ouvertes des techniques telles que l’AMP ou l’insémination post-mortem au sein d’un ensemble juridiquement intégré aussi ouvert à la circulation que l’Union européenne rend les restrictions dans ce domaine difficilement applicables;

– les évolutions sociales, au premier rang desquelles les évolutions des familles documentées par les études en sciences humaines, que la rapporteure a souhaité auditionner en premier lieu. Elles jouent évidemment un rôle fondamental dans l’évolution des lois de « bioéthique », qui doivent également mettre en accord les avancées techniques et technologiques avec les nouveaux consensus éthiques qui structurent notre société.

Le droit demeure évidemment irrigué par des principes qui demeurent inamovibles. Il en va ainsi de l’opposition que le législateur doit opposer aujourd’hui à toute forme d’échange ou de don rémunéré du corps humain. La dignité qui s’attache à ce dernier est issue d’une distinction, aujourd’hui au fondement du droit civil, mais dont l’émergence a été lente. Ainsi que le rappelait le Conseil d’État, « ce n’est que progressivement que l’ensemble des attributs de la personne, que ce soit le corps, son image, sa réputation, ont fait l’objet d’une protection spécifique dans une conception moniste du rapport de l’être au corps considérant que l’enveloppe charnelle est indissociable de la personne, affirmant l’indivisibilité́ du corps et de l’esprit ([160]). »

Le maintien de tels principes dans la durée soit donc s’allier avec les disruptions technologiques et notamment médicales.

La prise en compte des avancées technologiques

Les progrès technologiques constituent l’un des moteurs qui justifient la révision périodique des lois de « bioéthique », qu’il s’agisse de progrès lents et continus ou de « disjonctions », ainsi que les qualifie le CCNE, dans un avis de 2017([161].

En matière de procréation, les avancées médicales ont visé à améliorer la maîtrise du processus, qu’il s’agisse de l’interrompre ou de le faciliter. Dans le cas de l’AMP, il s’agit d’innovations de disjonction, en l’occurrence entre la sexualité et la procréation, compte tenu de l’extraction de gamètes. Ce n’est toutefois pas la seule disjonction que le CCNE a identifiée dans le processus de l’AMP. Ce processus se caractérise aussi par une disjonction entre :

– la personne et certains éléments de son corps. Dans le cadre d’une AMP, cette disjonction peut être non seulement spatiale, mais également temporelle, via le processus de cryogénisation des gamètes mâles, par exemple ;

– la procréation et la filiation, ainsi qu’il sera vu infra. L’assistance médicale à la procréation peut faire intervenir un tiers donneur et inscrire dans le patrimoine génomique des enfants à naître des éléments qui n’appartiennent pas à l’histoire génétique de la famille dans laquelle ils vont grandir.

Ces disjonctions sont toutefois compatibles avec le cadre juridique actuel, qui prévoit, pour le geste du don lui-même, les principes de gratuité et d’anonymat, principes applicables à l’ensemble des éléments et produits du corps humain.

La gratuité est inscrite autant dans le code civil, à l’article 16-6, que dans le code de la santé publique, à l’article L. 1211-4. Ce dernier précise que le donneur ne peut certes recevoir aucun paiement en échange de son action, mais qu’il convient également que les frais afférents au prélèvement ou à la collecte soient intégralement pris en charge par l'établissement de santé qui en a la charge.

L’anonymat, quant à lui, a été institué à la fois pour encourager les dons et éviter que la construction familiale issue de l’AMP ne puisse être fragilisée par l’existence d’un tiers donneur. Le don de gamètes, qui s’inspire du don du sang, n’engage donc aucune responsabilité du donneur vis-à-vis de la famille qui reçoit le don ou des enfants qui en sont issus.

Les nouvelles constructions familiales

Le droit de la procréation et, plus encore, le droit de la filiation qui tire les conséquences des nouveaux modes de naissance, sont évidemment influencés par les évolutions sociales et familiales. La diversité inédite des formes de famille constitue l’un des principaux arguments en faveur d’une adoption des nouvelles formes de procréation.

Ces nouvelles constructions familiales ont connu une reconnaissance progressive, dont les principales étapes sont, pour ce qui concerne les couples de même sexe, la loi instituant un pacte civil de solidarité entre conjoints, le PACS, en 1999 ([162]) et la loi permettant à ces mêmes couples l’accès au mariage et à l’adoption plénière ([163]).

Selon une enquête menée par l’INSEE en 2018 ([164]), 266 000 personnes partagent leur logement avec un conjoint du même sexe, formant ainsi 133 000 couples de même sexe. Ce chiffre, qui connaît un doublement statistique depuis 2011 (+ 56 % pour les couples d’hommes ; + 44 % pour les couples de femmes), doit toutefois être pris avec un certain nombre de nuances tenant à la difficulté de mesurer la part des couples de même sexe et,  a fortiori, des familles homoparentales, dans la population totale ([165]). Environ 31 000 enfants vivent ainsi avec un couple de même sexe, dont 26 000 mineurs.

Ces chiffres sont évidemment à prendre avec beaucoup de précautions, étant entendu que les familles formées d’un couple homosexuel et d’enfants peuvent comprendre un enfant né d’une précédente union ou adopté. L’adoption peut avoir été effectuée lors d’un précédent mariage, alors que l’un des deux conjoints était célibataire ou par l’un des deux conjoints en concubinage, lorsque cet état de fait a été caché avant l’ouverture de 2013.

Ce qui distingue dans tous les cas les familles dites « homoparentales ([166])» des autres formes de famille réside dans l’obligation d’un temps long avant de « faire famille », avec des enfants. Le progrès indéniable qu’a constitué l’ouverture du mariage aux couples de même sexe n’empêche toutefois pas des conditions particulières pour la prise en charge d’enfants, qui tiennent notamment :

– au refus d’un certain nombre de pays d’agréer, dans une procédure d’adoption internationale, des couples de même sexe, pour ce seul motif ;

– en cas de recours à la pluriparentalité, à la conciliation avec d’autres personnes qui ont un rôle dans l’éducation de l’enfant. Qu’il s’agisse de familles recomposées ou de familles composées en coparentalité, ces familles mêlent parents biologiques et parents « sociaux ». Le choix de la pluriparentalité est aujourd’hui indispensable, sauf adoption, pour l’ensemble des couples de même sexe.

Ce qui relève parfois du « parcours du combattant » pour les couples de même sexe qui désirent avoir des enfants peut justifier les demandes en faveur d’une ouverture du droit à d’autres modes de procréation, et ce d’autant plus que le recours à l’AMP nécessite dans tous les cas un long parcours également, propice à la réflexion sur le projet parental.

La structuration habituelle des familles autour de la figure du couple ne soit pas faire oublier la part importante des personnes célibataires dans la société française. Selon la comptabilisation de l’INSEE, ils représentaient 41,3 % de la population française, contre 8,8 % de personnes divorcées, 7,4 % de personnes veuves et 42,5 % de personnes mariées.

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La diversification des compositions familiales est allée de pair avec une place toujours plus importante des enfants dans les familles, entraînant l’élargissement des modes d’établissement de la filiation.

B.   Le droit de la filiation a progressivement évolué pour faciliter la reconnaissance de l’enfant

Présomption de paternité et certitude de la maternité

L’histoire de l’évolution de la filiation est l’histoire d’une progression constante vers la reconnaissance de tous les enfants, indépendamment de leur mode de conception. L’évolution de ce droit suit au plus près l’évolution du droit de la famille elle-même, à savoir, outre l’individualisation habituellement commentée, une « autonomisation du sujet » et les progrès de l’égalité entre les sexes.

Pour percevoir l’ampleur de ces changements, il convient de revenir à la conception initialement inscrite dans le code civil napoléonien, dont Irène Théry et Anne-Marie Leroyer rappelaient les dimensions matrimoniale – dans le sens où les catégories du « permis » et de « l’interdit » dépendaient très directement la situation des membres du foyer par rapport au mariage – et hiérarchique – fondé sur une forme de complémentarité entre les sexes ([167]).

Ce premier état de la filiation a entraîné une distinction forte entre filiation légitime et filiation naturelle, la seconde s’établissant hors mariage. Les « bâtards » étaient privés de famille, ne pouvant engager la responsabilité paternelle – l’article 340 du Code civil bannit alors les recherches en paternité. Seules les mères sont alors reconnues comme responsables de leurs enfants, la vérité biologique s’imposant dans les termes de l’adage antique : mater semper certa est.

Il en va autrement dans le cadre de la filiation dite légitime, soit celle qui intervient dans le cadre du mariage. S’applique dans cette hypothèse, outre la même connaissance certaine de la mère, la « présomption de paternité ». Jean Carbonnier est même allé jusqu’à estimer, dans une conférence devant l’École nationale de la magistrature, que « le cœur du mariage, ce n'est pas le couple mais la présomption de paternité ». Selon cette dernière, le mari est le père présumé de l’enfant.

Le mouvement général appliqué à la filiation consiste dans une progressive égalisation des conditions et des capacités juridiques, indépendamment du mariage.

– la loi du 16 novembre 1912 a modifié l’article 340 du code civil précité, autorisant la recherche en paternité et entraînant dès lors une nouvelle responsabilité pour les hommes ayant conçu des enfants hors mariage ;

– la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation a posé les principes majeurs de l’égalité de la filiation et de la sa vérité.

– la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité parentale a rendu possible l'exercice en commun de l'autorité parentale dans les couples divorcés, sur décision du juge, et dans les couples non mariés, sur déclaration conjointe devant le juge des tutelles ;

– l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation a permis de faire aboutir le chemin engagé par la loi de 1972 établissant l’égalité entre les personnes issues d’un couple marié et celles qui sont nées d’un couple en-dehors du mariage. En abolissant dans le code civil les notions de filiation légitime et de filiation naturelle, le législateur a affirmé avec force l’égalité entre les enfants, indépendamment du statut de leurs parents au moment de leur conception.

La modernisation des années 1960 et 1970 n’a toutefois pas remis en cause la conception de la famille nucléaire. Selon Mmes Théry et Leroyer, « l'idéal du mariage traditionnel, en effet, était que les trois grandes composantes de la filiation (biologique, sociale/éducative et juridique/symbolique) soient en quelque sorte rassemblées sur une seule tête masculine, le père, et une seule tête féminine, la mère. Chacun des deux parents devait être à la fois le géniteur de l'enfant, celui qui le soigne et l'élève dans sa maison, celui enfin que le droit désigne en lui accordant, selon des procédures codifiées, le statut de « parent » dans notre système symbolique de parenté([168]). » La force de ce modèle a pu ainsi justifier le maintien dans son orbite des nouvelles formes de filiation.

La filiation par acte de volonté : l’adoption

Les modes d’établissement de la filiation, en-dehors de la procréation charnelle, suivent en effet des modalités comparables.

S’agissant de l’adoption, celle-ci n’est apparue dans le code civil napoléonien que sous des formes très strictes. Uniquement susceptibles de faire l’objet d’une convention entre deux personnes majeures, via un contrat rédigé en la forme authentique, ses effets se limitent à la transmission du nom et du patrimoine. Cet encadrement strict explique le faible recours qui y était fait, soit environ une centaine de cas par an.

C’est la Première guerre mondiale et son cortège d’orphelins qui vont conduire à élargir l’adoption aux personnes mineures ([169]) et transformer radicalement l’esprit de l’institution. Le décret-loi du 29 juillet 1939, dit « code de la famille », permettait au tribunal de prononcer la rupture des liens entre l'enfant et la famille d'origine. Le processus de légitimation adoptive, quant à lui, entraînait, pour les enfants de moins de cinq ans, abandonnés, dont les parents étaient décédés ou réputés disparus, la suppression de tout lien de ces enfants avec leurs familles « par le sang ».

Si l’ordonnance de refonte du code civil ([170]) a permis de rapprocher les conditions de l’adoption et de la légitimation adoptive, il faut attende la grande loi de 1966 pour aboutir à une véritable réforme de l’adoption, qui confère un statut solide à l’adopté et à l’adoptant.

C’est en effet à la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 que l’on doit la refonte complète du titre VIII du livre 1er du code civil, sur les bases que nous connaissons encore aujourd’hui, via la distinction entre adoption simple et adoption plénière. La première, applicable indépendamment de l’âge de l’adopté, laisse subsister des liens avec la famille d’origine et peut être révoquée pour des raisons particulièrement graves. Cette procédure est adaptée notamment aux adoptions intraconjugales ainsi qu’aux adoptions internationales quand la loi des pays d’origine ne connaît pas la rupture des liens avec les familles « par le sang ».

L’adoption plénière, quant à elle, est divisée entre une première phase administrative, dans laquelle l’enfant est placé en vue d'adoption, et une phase judiciaire qui a pour finalité le prononcé du jugement d'adoption. Ce dernier jugement interdit toute action en déclaration de filiation par la famille d’origine, pour des raisons évidentes de protection de la famille adoptante. La vocation successorale de l’enfant adopté est également pleine et entière et s’étend à tous les membres de la famille.

Ces deux procédures d’adoption ne sont applicables, en vertu de l’article 347 du code civil, qu’aux enfants pour lesquels l’autorité parentale a consenti valablement à l’adoption, aux pupilles de l’État ainsi qu’aux enfants déclarés abandonnés par l’autorité judiciaire.

Enfin, la loi de 1996, dite « loi Mattei » ([171]) reconnaît, dans la lignée de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 2 juillet 1990, le rôle du mineur capable de discernement dans la procédure d’adoption. Elle facilite également les adoptions individuelles ou conjugales, en abaissant pour la première l’âge minimal à 28 ans et pour la seconde à deux ans de mariage au lieu de cinq.

Les adoptions, qui se comptent aujourd’hui autour de 5 000 par an, demeurent principalement des adoptions internationales, régies par la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption, signée par la France en 1994. Elle vise notamment à prévenir les enlèvements d’enfant par la mise en place d’une autorité centrale qui garantit la régularité des procédures d'adoption relevant du champ d'application de la Convention.

L’élargissement des modalités de procréation, la permanence des modalités d’établissement de la filiation

La dissociation évoquée supra entre les technologies à la disposition de tous les couples pour pallier, notamment, leur infertilité, et le maintien d’un cadre juridique reconnaissant exclusivement la procréation charnelle, a amené le législateur à faire évoluer le cadre applicable à la filiation issue de l’AMP avec tiers donneur, dans la loi « de bioéthique » de 1994 ([172]).

Néanmoins, là encore, la procréation charnelle a été le modèle dont s’est inspiré le législateur, à la suite d’un certain nombre d’études ([173]). Le processus d’assistance médicale à la procréation, qu’il se fasse avec ou sans tiers donneur, était réputé être à l’initiative du conjoint du couple, soit le père présumé. L’usage de ce principe a abouti à ce que le secret soit encore au cœur de l’ensemble des règles juridiques posées en matière d’assistance médicale à la procréation avec don.

Si l’effort du législateur pour maintenir la fiction a permis de conserver, dans la mesure du possible, la vraisemblance de la procréation charnelle, la filiation est désormais dissociée de la réalité biologique, pour se fonder sur la volonté du couple au profit duquel la médecine intervient en faisant appel à des tiers.

Aujourd’hui, l’AMP s’inscrit dans un cadre juridique destiné d’abord à protéger l’établissement de la filiation pour les couples qui y ont recours. Cette protection passe actuellement par :

– l’anonymat du don. En application de l’article 16-8 du code civil, les informations permettant d’identifier le donneur ou le récipiendaire d’un don ne peuvent être communiquées, garantissant ainsi l’impossibilité pour ces deux personnes de se connaître. Le principe de l’anonymat, qui doit être levé par la loi « bioéthique » actuellement en cours d’examen, a pu néanmoins créer de graves difficultés, notamment auprès des personnes étant issues d’un don et qui souhaitaient exercer leur droit à connaître leur origine ;

– l’absence de toute possibilité d’établir un lien de filiation entre le donneur et la personne qui est issue du don après application d’une AMP. Ce principe, inscrit à l’article 311-19 du même code. Il interdit au tiers donneur d’exercer toute action en contestation de filiation visant à faire reconnaître sa propre paternité ou maternité sur l’enfant. Il protège à l’inverse le donneur de toute action en responsabilité visant à faire de lui le parent « social » de l’enfant.

Une AMP réservée aux situations d’infertilité des couples hétérosexuels ou de risque de transmission de maladie

Le recours à l’assistance médicale à la procréation est aujourd’hui régi par les articles L. 2141-1 à L. 2142-4 du code de la santé publique.

Définie comme l’ensemble des « pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle », l’ensemble de ces pratiques sont soumises à plusieurs limites.

Elles sont ainsi listées dans un arrêté limitatif pris par le ministre chargé de la santé ([174]). Cette liste est réputée respecter les impératifs de bioéthique, tels que les principes fondamentaux inscrits aux articles 16 et suivants du code civil, ainsi que des garanties d’efficacité de reproductibilité du procédé et de sécurité, tant pour la femme qui porte l’enfant que pour ce dernier.

Les techniques d’assistance doivent également se soumettre à un principe de proportionnalité, aboutissant ainsi à limiter le nombre d’embryons conservés au strict nécessaire.

Cette assistance est aujourd’hui réservée à des cas précis et répond à des besoins identifiés, au nombre de deux.

Elle permet en premier lieu de « remédier à l’infertilité d'un couple » ([175]). Cette infertilité, qui doit être médicalement diagnostiquée, peut être le fait d’un membre du couple ou de l’incompatibilité entre les deux. Les auditions effectuées dans le cadre de la mission sur les lois de bioéthique ([176]) ont toutefois démontré la difficulté d’établir uniquement un diagnostic médical à ce sujet.

L’infertilité doit être distinguée de la stérilité. Alors que les personnes stériles « se caractérisent par une impossibilité absolue de se reproduire, pour des raisons génétiques, anatomiques ou acquises », « dans les situations d’infertilité, les sujets, hommes ou femmes, ont des organes et des fonctions physiologiques sains » ([177]) . L’assistance médicale à la procréation ne sert donc pas à « soigner » la stérilité mais à apporter un palliatif à une infertilité constatée, quelle qu’en soit la cause.

Actuellement, plus de 10 % des couples sont considérés comme infertiles, ce qui contribue au problème plus général de l’infertilité en France, à laquelle la rapporteure souhaite que soient apportées des solutions décrites infra.

L’AMP est enfin réservée à un strict cadre médical, les autres formes étant proscrites. Le code de la santé publique ([178]) interdit ainsi toute insémination artificielle par sperme frais provenant d’un don ou le mélange de spermes.

La loi « bioéthique » : Un équilibre souhaitable À préserver dans les débats À venir

L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

L’extension de la technique d’aide médicale à la procréation

Le projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale comprenait une avancée sociale majeure dans l’extension de l’accès à l’AMP aux couples de femmes, ainsi qu’aux femmes seules ([179]).

Cette extension s’est faite dans un relatif consensus qu’il faut saluer. Le CCNE, en amont des états généraux préalables à la révision de la loi « bioéthique » l’anticipait en ces termes : « même si tout désir n’a pas vocation à être satisfait, on peut faire confiance au projet des femmes qui souhaitent accéder à la maternité en bénéficiant de procédures auxquelles, auparavant, elles n’avaient pas accès. Concevoir un enfant dans un contexte homoparental, par exemple, est un projet longuement réfléchi, concerté, qui fait de la grossesse un événement programmé et désiré. Ce serait au contraire le maintien du cadre légal actuel – qui réserve l’IAD aux couples formés d’un homme et d’une femme  qui pourrait constituer une injustice de la part de la société à l’égard des demandeuses([180]). »

Cette extension se fait au nom de différents principes :

– un principe d’égalité d’abord. Le Conseil d’État a certes rappelé que le fait de réserver l’accès à l’AMP aux couples de sexes différents selon les conditions définies plus haut ne contrevenait pas au principe constitutionnel d’égalité, et qu’à ce titre, le droit ne commandait ni le statu quo, ni l’évolution de la législation. La rapporteure estime néanmoins, compte tenu des nombreux travaux qui ont été menés en amont de la révision de la loi de « bioéthique », que le processus de l’AMP répond aujourd’hui déjà en partie à une demande sociale, auprès des couples dont l’infertilité n’a pas une cause médicale. L’extension de l’AMP, telle qu’elle est prévue ici, ne répond donc pas à un mythique « droit à l’enfant », qui n’existe pas en réalité. Elle permet toutefois de garantir à tous les couples, ainsi que les femmes seules, qui désirent avoir un enfant, de pouvoir exercer ce droit dans les conditions que le permettent désormais des technologiques largement maîtrisées ;

– un principe de réalité ensuite. Les évolutions du législateur français, en particulier sur des questions emportant autant l’avenir du pays que celles qui relèvent de la bioéthique, ne doivent bien entendu pas suivre aveuglément les réponses de ses voisins. Force est toutefois de constater que plusieurs milliers de femmes, entre 2 000 et 3 000, vont actuellement recourir à des techniques d’assistance médicale à la procréation dans des États limitrophes, tels que l’Espagne et la Belgique. Rester aveugle à un tel contournement relèverait de l’hypocrisie, alors qu’aucun principe fondamental du code civil ne s’oppose aujourd’hui à cette extension de l’AMP.

Cette ouverture emporte naturellement des évolutions dans le mode d’établissement de la filiation, la présomption de procréation charnelle se heurtant à la réalité des couples de femmes et des femmes seules ayant recours à l’AMP.

Les modifications subséquentes dans l’établissement de la filiation

L’adoption, qui constitue un mode actuel courant de reconnaissance d’un enfant au sein d’un couple de personnes de même sexe, avait été évoquée à plusieurs reprises comme une solution, dans le cadre des débats préalables à la révision de la loi de « bioéthique ». L’adoption se range en effet parmi les actes de volonté pour établir la filiation. Les tenants de cette solution expliquaient que :

– la mise en place d’une présomption de maternité calquée sur l’actuelle présomption de paternité n’était évidemment pas tenable dans une perspective de ressemblance à la procréation charnelle ;

– l’adoption était déjà utilisée dans des situations comparables. Ainsi, Mme Frédérique Dreifuss-Netter ([181]), conseillère à la chambre criminelle de la Cour de cassation, avait expliqué que la première chambre civile a expressément indiqué qu’en matière de GPA, l’enfant pourrait être adopté par le parent d’intention. Cette « solution » aurait pu être reproduite pour le conjoint ou la conjointe de la mère qui accouche, y compris dans le cadre d’une AMP.

Cette option a été écartée sous l’angle de l’inégalité que cette procédure aurait nécessairement introduit entre les deux membres du couple de femmes ayant recours à une AMP.

Il aurait également été possible de passer, à l’inverse, par l’instauration d’une présomption de maternité. Inspirée du droit canadien, cette présomption de maternité aurait permis de conserver le principe d’une maternité « biologique » pour la mère qui a accouché, tandis que sa conjointe aurait pu adopter l’enfant, par le biais d’une adoption simple, ou reconnaître l’enfant a posteriori.

Une troisième alternative aurait été de faire passer la distinction non plus entre couples de sexe différents et couples de même sexe, mais de faire du mariage l’élément de distinction juridique, à l’instar du régime applicable à l’adoption. Dans ce cas, le, principe mater semper certa est se poursuit et la présomption de paternité ou de maternité s’applique à l’époux ou l’épouse. En ce qui concerne les couples qui ne sont pas mariés, la mère reste la femme qui a accouché, tandis que son conjoint ou sa conjointe peut établir la filiation par reconnaissance de l’enfant a posteriori.

Votre rapporteure se réjouit toutefois que la solution finalement retenue ait été celle de la déclaration de reconnaissance anticipée. Celle-ci, inspirée des travaux de Mmes Irène Théry et Anne-Marie Leroyer ([182]), emporte de nombreux avantages.

En premier lieu, ainsi que le mentionnait Mme de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d’État ([183]), l’idée qui préside à cette modalité de reconnaissance est l’existence d’un projet de parental qui engage les personnes ayant recours à une AMP. Cette reconnaissance, établie devant notaire, suppose donc un acte de volonté et un consentement éclairé, notamment par le biais d’entretiens préalables, que ce soit avec le notaire lui-même ou avec les membres du corps médical en charge de l’AMP.

Mme de Boisdeffre a également justifié l’insertion de cette nouvelle modalité au sein du titre VII du code civil, à l’opposé de la création d’un titre spécifique, puisque, selon elle, « dès lors que l’on s’appuie sur ce projet parental pour reconnaître l’accès à l’AMP, pourquoi vouloir le diluer en niant qu’il puisse lui-même constituer le fondement du lien de filiation et en le réinsérant dans le titre VII ? ([184]) »

La solution retenue actuellement par le législateur est donc celle de la reconnaissance anticipée de filiation, établie devant notaire, au titre d’un nouveau chapitre V du titre VII du livre 1er du code civil. Cette reconnaissance emporterait les mêmes effets concernant la filiation que l’adoption ou l’acte de volonté présidant à un recours à l’AMP pour les couples hétérosexuels considérés comme infertiles.

En particulier, ce nouvel article 342-10 proscrirait « toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet ». Cette interdiction s’entend tout autant pour les femmes seules que pour les couples de femmes, dont la filiation serait reconnue à l’égard de chacune d’entre elles par la reconnaissance anticipée lors du recueil du consentement préalable à la réalisation d’une insémination.

Il a été toutefois conservé une présomption de procréation charnelle pour les couples de sexe différent, afin que la consécration de nouveaux droits pour les couples de même sexe n’entraîne pas une remise en cause du droit à la vie privée pour les premiers.

Dès lors, le recours à une AMP, ouvert, dans le cadre de l’article 342-10 du code civil aux couples ou à une femme non mariée, supposerait un consentement préalable, explicitement exprimé devant notaire. Ce dernier aurait la charge de leur exposer les conséquences juridiques de leur acte, en matière de filiation, tout comme les modalités médicales propres à ce processus.

Cette expression du consentement se doublerait, en vertu du nouvel article 342-11 du même code, pour les couples de femmes, d’une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire. C’est cette reconnaissance, remise à l’officier de l’état civil, qui l’indique par la suite dans l’acte de naissance de l’enfant, qui fonde en droit la filiation, reconnue de la même manière à l’égard des deux conjointes.

Le projet de loi de « bioéthique » tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale prévoit par ailleurs un régime de responsabilité renforcée qui va de pair avec les nouveaux modes d’établissement de la filiation, auquel la rapporteure souscrit. La reconnaissance par acte de volonté emporte en effet des devoirs comparables à ceux de la procréation charnelle. À ce titre,

– un homme qui manque de reconnaître sa paternité après avoir procédé volontairement et sans vice de consentement à une AMP, engagerait sa responsabilité à la fois envers la mère et envers l’enfant. En outre, sa paternité serait judiciairement établie. Cette responsabilité emporterait donc des conséquences financières, évitant de faire peser la charge de cette absence de reconnaissance sur la nouvelle famille monoparentale ainsi constituée ;

– une logique similaire s’appliquerait en ce qui concerne la femme qui a consenti à une AMP et bloque ensuite la remise à un officier de l’état-civil de la reconnaissance conjointe qui devait être transmise à la fin du processus, en vue de permettre l’établissement d’une double filiation. Là encore, en l’absence de consentement vicié, cette rupture engage la responsabilité de la mère.

L’acte de naissance

 L’enregistrement auprès de l’officier de l’état civil est une obligation qui repose actuellement sur le père, au moment de la naissance de son enfant, en vertu de l’article 55 du code civil. À défaut du père, l'obligation pèse sur les médecins, sages-femmes ou autres personnes ayant assisté à l'accouchement, ainsi que sur les personnes chez qui la mère sera accouchée. Cette déclaration doit être normalement faite dans les trois jours après la naissance

Les modalités d’inscription de l’origine de l’enfant et de son mode de naissance sur l’acte de naissance emportent évidemment un certain nombre de conséquences, notamment en ce qui concerne la communication de ces informations. Anne-Marie Leroyer et Irène Théry avaient estimé, dans leurs travaux, que cette inscription devait faire l’objet d’une communication particulièrement restrictive, afin de préserver le droit à la vie privée des enfants, indépendamment des modalités de leur procréation.

Le législateur, lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la bioéthique, a choisi de mentionner la reconnaissance conjointe, mode d’établissement de la filiation en cas de recours à une AMP avec tiers donneur, sur l’acte de naissance de l’enfant. Cette inscription ne peut toutefois être établie tant qu’une filiation déjà établie par un autre biais (présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière), n’a pas été contestée en justice.

L’examen du projet de loi relatif à la bioéthique a permis à l’Assemblée nationale de contribuer à mettre fin au principe du « ni vu ni connu », qui présidait jusque-là, selon Irène Théry, les modalités d’établissement de la filiation en ce qui concerne l’engendrement avec tiers donneur ([185]).

Proposition n° 31 : Étendre l’accès à l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules dans les mêmes conditions que pour les couples de sexes différents

C.   Rester Inflexible sur la question de la GPA

L’interdiction juridique de la GPA repose sur des fondements clairs et centraux

La différence entre la GPA (Gestation pour autrui) et les autres techniques d’AMP tient l’utilisation de techniques autrement plus envahissantes. Par ailleurs, de toutes les modalités de procréation médicalement assistée, c’est la seule qui sépare l’enfant de la femme qui l’a porté.

La GPA est évidemment moins neutre pour la tierce personne impliquée que pour les tiers donneurs dans le cadre de l’AMP, par exemple. Ainsi, la femme qui porte l’enfant doit subir un certain nombre de procédés potentiellement dangereux pour sa santé :

– la grossesse elle-même, qui peut entraîner des difficultés médicales, et dont le suivi implique, en tout état de cause, un certain nombre d’examens médicaux potentiellement lourds ;

– l’accouchement ensuite, qui peut lui aussi générer des complications pour la mère de l’enfant. Là-encore, la prise en charge médicale est particulièrement forte.

Plus fondamentalement encore, la GPA vient heurter de front des principes précédemment exposés, qui sont au fondement éthique de notre société, à savoir le respect de la personne humaine et de l’indisponibilité du corps humain et de la personne humaine, le refus de l'exploitation du corps des femmes ainsi que le refus de la réification de l'enfant.

S’agissant du principe d’indisponibilité du corps, la procédure de GPA l’enfreint à plusieurs titres.

En premier lieu, le corps de la gestatrice est « loué », lorsque la GPA est effectuée à titre onéreux. Par ailleurs, l’enfant fait l’objet d’une transaction, qu’elle soit pécuniaire, comme c’est le cas dans la grande majorité des cas où elles se pratiquent aujourd’hui, ou gratuite. Les dangers auxquels la mère porteuse est confrontée ainsi que la réification de l’enfant interdisent, y compris dans ce cas, de parler de « GPA éthique ». Cet échange commercial, qui peut s’entendre comme une vente, entre là-encore en contradiction directe avec le droit français qui interdit qu’un être humain fasse l’objet d’une transaction. Elle contredit également certains des fondements philosophiques traditionnels sur lesquels repose notre droit, à savoir la conception de l’être humain comme une « fin » et non comme un « moyen » ([186]).

Pour donner une illustration de ce qu’implique une telle contractualisation de la procréation, le CCNE rappelait, dans son avis de 2017, que : « le contrat doit prévoir ce qu’il advient si l’objet du contrat n’est pas conforme à ce qui est espéré. Si, pour cause de handicap (découvert in utero, ou à la naissance), l’enfant ne répond pas à l’attente des parents d’intention, il peut alors y avoir rupture de contrat, soit du fait des parents d’intention, soit de la mère porteuse, dans des conditions qui ne prennent pas forcément en compte l’intérêt et l’avenir de l’enfant ([187]). »

La protection de l’enfant contre cette réification est inscrite dans le chapitre consacré au respect du corps humain, au sein du code civil. Aux termes du dernier alinéa de l’article 16-1, « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. » Ce principe est un corollaire de l’inviolabilité du corps humain, inscrit au même article et appartient plus largement à ce qui forme la dignité humaine.

Le principe de non-commercialité conduit à frapper de nullité les seules conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale ou pécuniaire au corps humain, à ses éléments ou à ses produits, mais des conventions à titre gratuit peuvent être également considérées comme nulles. Il en va ainsi des conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui ([188]).

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a également estimé que de telles conventions contrevenaient au principe d’indisponibilité de l’état des personnes ([189]). Ce principe repose sur l’article 323 du code civil, selon lequel « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l'objet de renonciation ».

Le droit pénal s’est également saisi de la question de la répression de la pratique de GPA, anciennement sous l’angle des délits de substitution d’enfant et de provocation à l’abandon d’enfant. Si le premier délit ne concerne que la gestatrice pour autrui et les parents « sociaux » ultérieurs de l’enfant, le second emporte également des peines pour les intermédiaires. Ceux-ci peuvent en effet être condamnés, au titre de l’article 227-12 du code pénal, en cas de provocation, soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, à destination des parents ou de l'un d'entre eux, à abandonner un enfant né ou à naître, de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amendes. Ces peines sont doublées quand il s’agit d’une entremise entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre, et quadruplées quand cette démarche est entreprise dans un but lucratif.

Ces peines, qui ne sont pas applicables à la mise en œuvre d’une convention de GPA à l’étranger, sont dans les faits très rarement prononcées. Ce cadre pénal demeure néanmoins applicable à toute association ou entreprise qui démarcherait des Français en France pour leur proposer de recourir à l'étranger au service de mères porteuses.

Le consensus des juristes, tels que Muriel Fabre-Maignan ([190]), autour de ces questions, est donc relativement clair : l’intérêt objectif et supérieur de l’enfant implique qu’il ne soit pas considéré comme un objet susceptible d’être vendu, échangé ou donné. Les conventions de GPA ne sauraient donc être autorisées sur le territoire français.

Une jurisprudence fluctuante qui permet un mode inabouti de reconnaissance des enfants nés à l’étranger de GPA

Le cadre juridique applicable à la GPA est évidemment particulièrement dépendant de l’évolution du droit international et, partant, de la capacité des couples français à procéder à une GPA à l’étranger. La reconnaissance de l’enfant né de GPA a fait l’objet d’évolutions jurisprudentielles à l’échelle française et européenne.

La première chambre civile de la Cour de cassation avait d’abord estimé, en 2011 ([191]), que des actes de naissance portant sur une GPA effectuée sur le territoire américain et établis par les tribunaux locaux, ne pouvaient être transcrits, dès lors que la mère « sociale » mentionnée sur l’acte de naissance n’avait visiblement pas accouché. Ce faisant, ce mode de procréation revenait sur le principe selon lequel la mère est la personne qui accouche, et ne permettait donc pas la retranscription d’actes d’état civil en France pour ces enfants. Cette jurisprudence a été poursuivie en 2013 ([192]) à propos d’une GPA réalisée en Inde. Le refus de la transcription s’est fait, cette fois, au motif que la naissance était « l’aboutissement d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui ».

Ces arrêts de la Cour de cassation ont abouti à la condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les juges de Strasbourg ont en effet estimé, par un arrêt rendu le 26 juin 2014 ([193]), que ce refus portait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants, protégée au titre de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, pour deux raisons.

En premier lieu, la Cour a estimé qu’en reconnaissant un père biologique français mais sans transcrire l’acte de naissance dans l’état civil, la France privait les enfants d’une certitude juridique quant à l’établissement de leur filiation, touchant dès lors au respect de leur vie privée. Celle-ci comprend en effet la possibilité d’établir dans le détail son identité personnelle, fondée notamment sur la filiation et la nationalité.

D’autre part, la Cour a estimé que la France dépassait la marge d’appréciation dont disposent les États membres dans cette matière, en « interdisant totalement l’établissement du lien de filiation des enfants avec leur père biologique ». L’importance de la filiation biologique aboutit à ce qu’on ne saurait « prétendre qu’il est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature ».

Infléchie par cette condamnation, la jurisprudence de la Cour de cassation a établi, notamment par le biais de cinq arrêts rendus le 5 juillet 2017, que, selon les situations :

– l’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA peut être transcrit partiellement à l’état civil français, en ce qu’il désigne le père, mais pas en ce qu’il désigne la mère d’intention. En application de l’article 47 du code civil ([194]), la désignation du père doit être transcrite si l’acte étranger n’est pas falsifié et la réalité biologique de la paternité n’est pas contestée ;

– une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à l’adoption de l’enfant par l’époux du père. Il revient simplement au juge de vérifier que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant.

Ainsi que l’a exposé Mme de Boisdeffre ([195]), le système actuel concernant l’accueil des enfants né à l’étranger de GPA repose sur un équilibre fragile qu’il convient de préserver. En effet, dès lors qu’il y a un père, ou si le père d’intention est également le père biologique et que les actes juridiques entourant la procréation en attestent, il est reconnu ainsi. Il revient à sa conjointe de procéder à une adoption.

Proposition n° 32 : garantir le maintien des modalités actuelles de reconnaissances des actes de naissance pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger

Un contexte international qui favorise le recours aux GPA

L’action du législateur français et des autorités publiques au sens large est nécessairement soumise aux aléas liés aux juridictions étrangères. Ainsi, la rapporteure a été alertée au cours des auditions au sujet de salons de la GPA, notamment en Belgique, au sein desquels des entreprises américaines pouvaient vendre leurs services aux couples intéressés par cette pratique. Bien qu’elles soient interdites en France, ce type de manifestations, au cours desquelles les prix du recours à la GPA sont clairement affichés, exercent une forte pression sur le législateur. Ces agences, implantées à l’étranger, peuvent en sus recourir à des circuits clandestins pour attirer des clients français. Ainsi, Mme Agacinski, dans son audition par la mission, a prévenu de l’existence d’actions de « promotion » de ces agences en France, qui allaient jusqu’à promettre des « réductions » sur les tarifs pratiqués pour les GPA en France ([196]).

Cette remarque s’inscrit dans une inquiétude plus globale que partage le CCNE, qui constatait, dans son avis consacré à cette question ([197]), l'expansion rapide du marché international des GPA, sous la pression d'agences à but commercial et de lobbies attachés à présenter et mettre en valeur dans les médias des images positives de ce marché. Cette expansion est d’ailleurs à mettre en regard avec la chute concomitante du nombre d’adoptions effectuées à l’échelle internationale ou même domestique, dans de nombreux pays. La GPA deviendrait alors comparativement avantageuse, ce qui encouragerait un certain nombre de couples à suivre une démarche illégale en France, en raison de l’impossibilité de suivre la démarche légale.

En réponse aux personnes qui estiment qu’il y aurait une forme de fatalité qui conduirait à autoriser la GPA à la suite de l’autorisation de l’AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, la rapporteure souhaite rappeler que :

– le principe d’égalité est inopérant ici. Ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État, « la notion de « droit à l’enfant » n’ayant pas de consistance juridique, l’enfant étant un sujet de droit et non l’objet du droit d’un tiers, aucune atteinte au principe d’égalité ne peut être invoquée sur ce terrain » ([198]). Dès lors, l’extension de l’accès à l’AMP n’a aucunement pour conséquence nécessaire l’autorisation de la GPA, notamment pour les couples d’hommes ou les hommes seuls, puisque ces derniers sont dans une situation objectivement différente qui ne permet pas d’appliquer le principe d’une stricte égalité. Ce raisonnement est d’ailleurs cohérent avec la décision du Conseil constitutionnel rendue au moment de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, par laquelle le Conseil a admis que les couples formés d'un homme et d'une femme qui sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples formés de personnes de même sexe, pouvaient faire l’objet d’une différence de traitement sans pour autant qu’il ne soit porté atteinte au principe d’égalité ([199]) ;

– l’objet des lois de « bioéthique » est précisément de fixer et rappeler les principes fondamentaux qui animent une société à un instant donné. L’inscription récente du principe selon lequel les conventions de GPA sont frappées de nullité, de même que le large consensus en faveur de l’interdiction de la GPA sur le territoire français qui s’est dégagé lors des États généraux de la bioéthique, sont autant de preuves qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre l’ouverture contemporaine de l’AMP à des personnes qui n’y avaient pas encore accès et la question de la GPA.

En cohérence avec des voix exprimées lors des auditions qu’elle a tenues, la rapporteure estime que la France s’honorerait à initier une action à l’échelle internationale relative à la GPA. Le principe de réalité, selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant commande de lui reconnaître, autant qu’il est juridiquement possible, l’établissement de sa filiation, y compris lorsqu’il est né d’une GPA pratiquées à l’étranger, a aujourd’hui pour effet d’encourager des couples français à recourir à une pratique pourtant interdite sur le sol national.

Proposition n° 33 : engager une initiative internationale afin de limiter le recours à la GPA à l’étranger

Les autorités diplomatiques françaises pourraient viser la création d’un instrument tel que la Convention internationale du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Celle-ci prévoit notamment que toute procédure en vue d’une adoption doit avoir également été autorisée dans l’État d’origine ([200]).Cette idée a déjà été émise à plusieurs reprises et dans plusieurs enceintes. Ella a notamment été émise par les sénateurs Yves Détaigne et Catherine Tasca ([201]), et reprise par le CCNE dans son avis ([202]) consacré à la question de la GPA ou encore par des juristes ([203]) . Une telle initiative avait été encouragée également par Manuel Valls ([204]), premier ministre, qui souhaitait « une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n'accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l'interdisent ».

Cette action engagée auprès des États autorisant la GPA pourrait d’abord s’appuyer sur les évolutions récentes d’un certain nombre d’entre eux pour réserver le bénéfice de la GPA à leurs seuls ressortissants. Il en va ainsi au Royaume-Uni, tandis qu’un mouvement comparable s’observe en Asie du Sud-Est, où la Thaïlande, par exemple, a promulgué, en 2015 une loi interdisant aux couples étrangers le recours aux services d'une mère porteuse.

Cette action diplomatique pourrait d’abord s’appuyer sur un certain consensus à l’échelle européenne. Une grande partie des États voisins de la France – l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie – interdisent la GPA et déclarent nulle toute convention de gestation ou de procréation pour autrui. Ils sont donc confrontés, au même titre que la France, aux contradictions liées à la retranscription dans l’état civil des actes de naissance établis dans des pays qui reconnaissent ces mêmes conventions.

L’action de la France se justifierait également sous l’angle de la lutte contre les violences faites aux femmes. La GPA signifie en effet plusieurs formes de violences infligées aux femmes porteuses :

– une violence économique, liée à l’indemnisation des mères porteuses, contre des sommes dont la majeure partie revient aux intermédiaires (juridique, agences publicitaires, …). Cette transaction renvoie les femmes porteuses dans une situation de minorité économique liée souvent à la précarité de leurs positions sociales initiales ;

– une violence juridique, notamment dans certains pays où se pratique un grand nombre de GPA. Ainsi, en Inde, il a été observé le placement des gestatrices dans des maisons spécialisées où elles doivent vivre pendant leurs grossesses. Leur liberté de mouvement y est singulièrement limitée, tout comme le droit de visite de leurs familles ([205]) ;

– une violence médicale liée à une mauvaise prise en charge de la grossesse, dans un contexte d’absence d’assurance-maladie dans certains pays d’Asie du Sud-Est ([206]) ainsi que l’absence de limites à l’enchaînement des processus de gestation et donc des grossesses ;

– une violence psychique de rupture du lien établi entre la mère et l’enfant pendant la grossesse, même si la première connaît l’aboutissement du processus dans lequel elle s’est engagée.

La voie d’une nouvelle convention internationale pouvant être longue et laborieuse, l’action de la France pourrait d’abord prendre la forme d’initiatives bilatérales, à signer en priorité avec les États dans lesquels la situation des mères porteuses est la plus précaire. Si cette solution semble moins ambitieuse que la création d’une nouvelle convention multilatérale, elle pourrait permettre d’améliorer visiblement et concrètement le sort des personnes qui subissent la GPA, tout en limitant les cas de contradiction entre l’application d’une prohibition d’ordre public sur le territoire français et la nécessaire reconnaissance de la filiation biologique des enfants, afin de leur garantir une vie familiale normale à leur arrivée en France.

Une troisième voie pourrait prendre la forme d’un amendement à une convention existante. Là-encore, une telle démarche peut être contrainte par les modalités d’amendements elles-mêmes, nécessitant parfois l’unanimité des Etats-parties ([207]). Toutefois, un instrument tel que le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adopté le 15 novembre 2000, lors de la 55e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, pourrait être l’un des vecteurs à privilégier, compte tenu de son champ, qui vise une coopération internationale efficace dans la poursuite des affaires de traite de personnes, et de la facilité avec laquelle il peut être modifié ([208]).

accompagner la procrÉation au XXIe siècle

D.   Lutter contre la croissance de l’infertilité en france

Le recours à l’AMP doit continuer d’être entouré par une information aussi dense et précise que possible pour les couples qui en font l’usage. En particulier, il incombe au corps médical d’informer quant au taux de réussite de cette technique qui, selon le professeur Delfraissy, ancien président du CCNE, n’est malheureusement pas supérieur à 50 % ([209]).

Plus globalement, le CCNE a pu constater un manque criant d’information relative à l’infertilité, aboutissant à un décalage entre les obligations sociales qui pèsent aujourd’hui sur la jeunesse, dans un contexte économique contemporain qui leur est particulièrement défavorable, et la permanence des impératifs biologiques : « la consultation a souligné un réel manque d'information sur la fertilité naturelle et sa chute rapide avec l'âge chez les femmes, principalement après 35 ans, ainsi qu'une non perception des résultats décevants de l'AMP, en particulier après 40 ans, dans un contexte d'augmentation régulière de l'âge à la naissance du premier enfant. Il y a un décalage croissant entre la perception d'un bien-être général chez la femme, s'épanouissant à travers ses études, son statut professionnel, la création d'un couple, et son horloge biologique, immuable ([210]). »

L’augmentation rampante de l’infertilité dans la société française contribue largement à altérer ce que l’on entend par « faire famille ». René Frydman, gynécologue, Alain Houper, sénateur et médecin radiologue et Christian Hervé, président de l’Académie d’éthique, médecine et politiques publiques, ont eux-mêmes alerté à ce sujet en appelant à un plan en faveur de la fertilité ([211]). Les actions évoquées en priorité dans ce plan relevaient de la lutte contre l’infertilité due à l’environnement via une meilleure information concernant l’impact du tabac, des polluants ainsi que des comportements alimentaires. Cette information serait obligatoire pour les femmes à partir de l’âge de 30 ans, dont on pourrait également envisager qu’elle soit étendue aux hommes, également affectés par un manque criant d’information sur les risques d’infertilité.

Proposition n° 34 : Mettre en place un plan global en faveur de la fertilité, destiné à agir sur l’ensemble des facteurs contributifs à la baisse de la fertilité en France

 

Proposition n° 35 : Informer les jeunes femmes et les jeunes hommes sur leur fertilité, dans le cadre du secondaire et des consultations médicales, notamment auprès des gynécologues

De la même manière, l’autoconservation des ovocytes, telle que proposée dans le cadre de la loi « bioéthique », pourrait permettre de contourner les problèmes de fertilité liés à l’âge ou à la survenue de maladies.

L’autoconservation des ovocytes

La prise en compte des problématiques liées à la fertilité a déjà conduit le législateur à autoriser, en 2011, au moment de l’examen de la précédente loi de « bioéthique » les femmes jeunes n'ayant pas encore procréé à donner leurs ovocytes, avec, en contrepartie du don, la possibilité d'autoconservation ovocytaire, c'est-à-dire le recueil et la conservation des gamètes en vue d'une éventuelle réalisation ultérieure, à leur bénéfice, d'une AMP.

Il peut être considéré aujourd’hui, à l’instar du CCNE dans son avis n° 126, que la possibilité d’une autoconservation ovocytaire pourrait être un espace proposé aux femmes désireurses de faire face aux risques futurs d’infertilité.

Il demeure néanmoins que l’autorisation de l’autoconservation des ovocytes doit être :

– explicitée aux personnes qui y ont recours. Cette technique, tout comme l’ensemble des techniques médicales relatives à la procréation, peut engendrer des espoirs déçus. La méthode dite ICSI, avec micro-injection intracytoplasmique, est rendue obligatoire du fait de la vitrification des ovocytes, mais rend l’opération incertaine. Les risques médicaux que la procédure peut engendrer ne doivent donc pas rendre anodine l’autoconservation des ovocytes ;

 – prise en charge par l’assurance-maladie. De la même manière que le législateur s’apprête à autoriser la prise en charge les techniques d’AMP, y compris en l’absence de constat d’infertilité, il paraît naturel que les femmes qui souhaitent, pour des raisons médicales ou liées à l’augmentation de l’infertilité à partir d’un certain âge, puissent également bénéficier de la solidarité nationale ;

– accompagnée d’un entretien préalable, là encore inspiré des pratiques en matière d’AMP, destiné notamment à informer les patientes de l’ensemble des conséquences médicales et juridiques qui découlent de cette procédure, mais également vérifier, dans la mesure du possible, que celle-ci n’est pas engagée sous la pression de l’entourage familial ou professionnel.

Outre les apports dans la lutte contre l’infertilité, cette autorisation devrait, dans les conditions décrites ci-dessus, permettre aux femmes d’exercer, en toute autonomie, un droit supplémentaire sur la maîtrise de leurs capacités procréatives.

Proposition n° 36 : Autoriser, de manière encadrée, l’autoconservation des ovocytes

Ce plan pour la fertilité passerait également par un encouragement au don de gamètes. Si la rapporteure ne peut souscrire à la proposition d’inclure des centres privés dans une telle procédure, qui lui semble contraire au principe du caractère public de la gestion des gamètes en France, elle adhère en revanche à l’idée :

– de renforcer les campagnes publiques d’information, à l’instar de ce qui se pratique déjà pour les dons du sang ;

– d’élargir le recours aux centres publics de don de gamètes, encore actuellement trop peu nombreux.

Proposition n° 37 : Initier un plan de communication en faveur du don de gamètes

E.   Une attention particulière À porter aux femmes seules qui ont recours À une AMP

La distinction entre les projets parentaux de couples de femmes et ceux des femmes seules a été reprise dans les débats préalables à la révision de la loi « bioéthique »

La possibilité pour les femmes seules de recourir à l’AMP a fait l’objet de davantage de débats que sa seule extension aux couples de femmes, notamment dans le cadre des états généraux de la bioéthique qui ont précédé la révision de la loi.

Le risque que la législation entraîne la « création » de nouvelles familles monoparentales avait été soulevé dans l’enceinte du CCNE, par le biais d’une position divergente exprimée en 2017 ([212]) : « Alors que la société considère que l’absence de père est un préjudice qu’elle tente, dans certaines circonstances, de pallier, au moins financièrement, et alors que l’on s’inquiète de l’augmentation du nombre des familles monoparentales, il paraît paradoxal d’institutionnaliser, d’organiser en toute connaissance de cause des naissances sans père. L’enfant élevé par un couple de femmes aura deux modèles parentaux et deux lignées parentales, mais une filiation disjointe de la réalité biologique. »

De la même manière, le rendu des conclusions postérieur aux débats généraux relatifs à la bioéthique avait amené le CCNE à souhaiter que « des dispositions d'accompagnement des demandes de femmes seules soient proposées, qui pourraient s'inspirer de celles qui s'appliquent au cadre de l'adoption plénière, ou prendre d'autres formes plus spécifiques à ce type de situations nouvelles ([213]). »

Il s’agit pourtant d’un progrès qu’il convient de saluer. Ainsi que l’ont fait ressortir la majorité des auditions, le choix des femmes qui ont recours à une AMP seules tient le plus souvent de « parcours de vie » au cours desquels elles n’ont pas rencontré le partenaire avec lequel elles auraient pu fonder une famille. Les témoignages issus de pays où l’AMP est déjà ouverte aux femmes seules montrent, par le biais des entretiens préalables, qu’il s’agit le plus souvent de projets longuement mûris, dont les conséquences juridiques, financières et pratiques sont le plus souvent déjà connues.

Il conviendra évidemment de prêter une attention particulière aux femmes seules ayant recours à une AMP, mais dans le cadre plus large de la prise en charge, par la politique familiale, des difficultés propres aux familles monoparentales.

Ainsi qu’il a notamment été exposé par le professeur Jean-Paul Delfraissy dans son audition par la mission sur la révision de la loi relative à la « bioéthique » ([214]) les nouveaux modes de filiation doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il regrettait à ce titre le peu d’études disponibles au sujet des conséquences, pour les enfants, de la naissance par le biais d’une AMP. Sans préjuger en rien du résultat de ces études ([215]), et à l’instar des études qui ont été menées au Royaume-Uni notamment, la rapporteure estime également qu’il serait pertinent de financer des études comparables en France, au moment même où ce type de filiations fait l’objet d’un recours de plus en plus important. En effet, selon le CCNE, « il serait pertinent de pouvoir s’appuyer sur des études fiables explorant, dans ces nouvelles situations, le devenir des enfants dans ses multiples aspects (santé, réussite scolaire, relations amicales). Il ne paraît pas encore possible, au vu de la littérature publiée, de formuler une évaluation consensuelle de l’évolution des enfants élevés dans des familles homoparentales compte tenu, en particulier, de l’hétérogénéité de ces familles. Si la grande majorité de ces études émettent une conclusion positive sur le devenir des enfants, les biais méthodologiques, les disparités des critères retenus et le recul encore insuffisant ne permettent pas de l’affirmer avec certitude ([216]).

L’Agence nationale de la recherche (ANR) a déjà participé au financement d’un projet comparable : « Aux marges de la parenté : origines et nouvelles configurations familiales – ORIGINES », pour une durée de 36 mois. Ce projet est destiné à « comprendre les configurations relationnelles nouvelles et d’analyser leur devenir dans le champ de l’adoption et de l’AMP à l'aune de la notion d'origines ([217]) . » Le renforcement de ce type de recherche et leur renouvellement pourraient utilement éclairer le législateur sur les conséquences de l’évolution de l’accès aux nouvelles techniques de procréation en vue de la prochaine révision de la loi « bioéthique », mais également l’ensemble des acteurs du champ médical et juridique en charge des entretiens préalables au recours à une AMP.

Proposition n° 38 : Encourager, par le biais de projets pilotés par l’Agence nationale de la recherche, les projets de recherche sur les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

 


Les entretiens préalables à l’engagement d’une AMP doivent permettre d’identifier les éventuelles fragilités

La rapporteure estime à ce titre, comme l’ont montré les débats en première lecture du projet de loi « bioéthique », que le recours à une AMP, pour l’ensemble des couples comme pour les femmes seules, doit être précédé par des entretiens menés par une équipe pluridisciplinaire. Ces entretiens ont déjà plusieurs vertus :

– ils permettent aux demandeurs d’une AMP de prendre le temps nécessaire à la réflexion pour engager une démarche qui peut être lourde sur le plan médical et souvent infructueuse ;

– ils permettent à l’équipe médicale de vérifier que les demandeurs sont en capacité d’accueillir un enfant.

Définis actuellement à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique, ces entretiens s’accompagnent de la remise d’un « dossier-guide », qui a pour objet, outre le rappel du descriptif des techniques de l’AMP, ainsi que de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables, d’informer les personnes demandeuses sur :

– les conditions et possibilités d’accès à l’adoption ;

– les contacts nécessaires pour solliciter des organismes ou des associations susceptibles de compléter leur information au sujet de l’adoption.

Cet entretien médical est suivi d’un délai incompressible d’un mois de réflexion après le dernier entretien, à l’issue duquel la confirmation de la demande doit être faite par écrit. Il est toutefois prévu que le médecin puisse, après concertation au sein de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, contraindre les demandeurs à un délai supplémentaire de réflexion, dans l’intérêt supérieur de l’enfant à naître.

L’ensemble de ces procédures préalables peut sembler de nature à inciter les couples confrontés à un problème d’infertilité, à recourir à d’autres procédures que celle de l’AMP. La lourdeur du processus une fois qu’il est engagé explique le caractère indispensable de ces précautions préalables. La prise en charge par la solidarité nationale, via l’assurance-maladie, des opérations d’AMP justifie également cet entretien préalable, qui pourrait sinon paraître une discrimination au regard du mode de procréation charnelle.

Cette opinion a été relayée par un certain nombre d’acteurs qui sont intervenus au moment des états généraux de bioéthique, tels que la fédération française des Centre d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme Humain (CECOS), pour laquelle « ’il faudrait prévoir un accompagnement spécifique, comme cela est proposé par exemple en Belgique, et qu’il se pourrait ainsi, comme c’est le cas pour les couples infertiles, que toutes les demandes ne soient pas acceptées si le don n’apparaissait pas comme la meilleure solution pour faire famille ([218]) . »

L’exemple belge est d’ailleurs riche en enseignement, puisque les autorisations de procéder à une insémination artificielle pour les couples de femmes ou les femmes seules sont données depuis 1984. Ce recul a permis aux équipes médicales belges de former des équipes compétentes chargées de mener des entretiens préalables, notamment avec les femmes seules, pour vérifier la solidité du projet parental.

L’évaluation préalable telle qu’elle est inscrite dans le projet de loi « bioéthique » s’inscrit toujours dans le sens d’une démarche médicale, même si les critères médicaux d’éligibilité au recours à l’AMP disparaissent. En effet, ainsi qu’il est inscrit dans l’étude d’impact, les couples hétérosexuels pourront toujours faire l’objet d’un bilan classique d’infertilité, destiné à « identifier, au cas par cas (en fonction des éventuels risques personnels ou familiaux identifiés) et après un examen médical clinique, les examens complémentaires qui s’avèreront nécessaires avant de poursuivre la prise en charge ([219]). »

Le Conseil d’État a pu en souligner l’intérêt, puisque « si la réalisation d’une AMP est aujourd’hui précédée d’entretiens avec l’équipe médicale, dont les résultats peuvent conduire à différer le moment auquel elle est pratiquée, l’introduction d’une évaluation illustre le passage à une philosophie différente, celle d’un projet qui doit être exposé et démontré par les demandeurs. Le Conseil d’État relève ainsi la cohérence d’ensemble du nouveau dispositif prévu par le projet de loi et estime qu’aucun obstacle juridique ne s’oppose à ce qu’un projet d’AMP puisse faire l’objet d’un refus par le médecin, après concertation avec l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, ou d’un ajournement s’il estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire ([220]). »

De la même manière, alors que les entretiens menés aujourd’hui par les équipes clinicobiologiques pluridisciplinaires comprennent déjà usuellement des psychologues, des psychiatres ou des pédopsychiatres, le nouveau modèle institué par le texte comprendra encore des entretiens préalables extra-médicaux, destinés à identifier, selon les termes utilisés par le Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi « bioéthique », « une fragilité ou un facteur de risque psychique susceptible d’être contraire à “l’intérêt de l’enfant à naître” ».

La rapporteure estime, en cohérence, à l’instar du rapporteur de la loi « bioéthique » de l’Assemblée nationale, qu’il revient au médecin qui a pris part aux entretiens préalables de prendre la décision d’autorisation de recours à l’AMP. Elle salue également l’adjonction à ces entretiens d’un assistant de service social, tel qu’il est actuellement prévu dans le texte.

Proposition n° 39 : Assurer la bonne information des demandeurs d’une AMP quant à ses conséquences médicales et la bonne évaluation par le corps médical, via des entretiens préalables, de la réunion de l’ensemble des conditions propices à l’accueil de l’enfant

F.   Le maintien de la gratuité du don

Les techniques d’assistance médicale à la procréation reposent, notamment pour les tiers donneurs, sur la fourniture de gamètes à titre gratuit, principalement dans le cadre des CECOS.

Les CECOS

Ces structures, créées pour la première fois à Paris en 1973, sous la forme d’associations « loi 1901 » visent à permettre les dons de gamètes. Elles ont été progressivement reconnues dans la sphère hospitalière, en devenant, à partir de 1992, des unités fonctionnelles au sein des CHU.

On comptait en 2018 28 CECOS en France métropolitaine et dans les outremers, tous intégrés dans les CHU. Leurs activités se sont étendues à l’ensemble des AMP, puisque les CECOS aident également à la procréation intraconjugale. Les responsables de ces CECOS exercent par ailleurs des missions d’enseignement, de recherche et de soin.

Aujourd’hui, les missions des CECOS sont de deux ordres :

– permettre la procréation de couples confrontés à des problèmes dans l’épure actuelle de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, par le biais de dons,

– permettre la préservation de la fertilité des patients confrontés à un traitement ou à une circonstance risquant de mettre à mal leur fertilité future. Il s’agit notamment des traitements contre le cancer ou des affections de longue durée.

La gratuité du don repose sur des principes éthiques anciens, qui n’ont pas vocation à évoluer aujourd’hui.

Cette gratuité s’infère directement du principe appliqué plus largement aux greffes et aux dons d’organes. Pour rappel, le cadre juridique de ces transplantations et dons est issu en France de la loi n° 76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d'organes, dite « loi Caillavet ».

Cette gratuité constitue l’un des socles du consensus social autour des questions de bioéthique. Lors de la présentation devant l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques des états généraux de la bioéthique, le professeur Delfraissy s’est ainsi réjoui de ce qu’il existe un « socle de valeurs éthiques » au sein duquel on pouvait compter, avec les principes d’indisponibilité du corps ou l’accès de tous aux évolutions technologiques, la permanence de la gratuité du don ([221]) .

L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules a toutefois fait naître des inquiétudes quant à la disponibilité des gamètes et les contraintes, à terme, de rémunérer les donneurs. De telles inquiétudes ont notamment été exprimées par les opposants à cette extension, en prenant pour modèle des pays comme le Danemark ou l’Espagne, où les dons de gamètes font l’objet d’une compensation financière.

La présidente de la fédération des CECOS a elle-même alerté sur les risques que pouvait comporter une augmentation rapide et drastique des demandes de gamètes : « Il ne faut toutefois pas ignorer que ces changements de conditions d’accès à l’AMP vont entraîner une multiplication des demandes par deux ou trois. À l’heure actuelle, nous sommes en mesure de répondre favorablement aux demandes de don de spermatozoïdes dans des délais acceptables pour les couples infertiles. La réponse à la demande de don d’ovocytes est en revanche beaucoup plus longue. Si l’élargissement de l’accès à la PMA se fait, il est clair que nous ne pourrons plus répondre dans les mêmes délais aux couples infertiles et que nous ne pourrons pas satisfaire favorablement les demandes des couples de femmes et des femmes seules dans des délais tels que ceux qui leur sont proposés à l’heure actuelle lorsqu’elles s’adressent éventuellement à des centres en Belgique ou à la banque de sperme danoise Cryos ([222]) ».

La rapporteure estime toutefois essentiel de maintenir le principe de la gratuité du don, qui demeure l’un des fondements de l’éthique du don en France, y compris compte tenu de la demande supplémentaire de gamètes résultant de l’extension de l’accès à l’AMP.

À cet égard, l’augmentation des demandes soit estimée à un ordre de grandeur proche de 5 % supplémentaire par l’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules. Cette ouverture pourra donc se traduire dans un premier temps par une forte demande supplémentaire, liée à l’effet d’aubaine que constituera la publication de la loi « bioéthique ». La demande supplémentaire à long terme pourrait toutefois être absorbée sans remettre en cause la nécessaire gratuité du don.

La rapporteure estime par ailleurs que cette demande immédiate de gamètes supplémentaires pourrait être satisfaite à l’aide d’une campagne de communication massive en faveur du don de gamètes, à l’instar des campagnes récurrentes – et réussies – en faveur du don du sang.

Proposition n° 40 : Assurer la fourniture suffisante de gamètes pour absorber la demande supplémentaire issue de l’extension de l’AMP, sur plusieurs années, afin de garantir le principe de la gratuité du don

 


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ANNEXE 1
Synthèse des propositions

Proposition n° 1 : mettre fin à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus

Proposition n° 2 : mener une réflexion sur le versement des allocations familiales dès le premier enfant, dont le montant pourrait être fixé à 85 euros pour le premier enfant, 160 euros pour le deuxième et 250 euros pour le troisième enfant

Proposition n° 3 : relever le plafond du quotient familial pour le porter à 1 800 euros par demi-part

Proposition n° 4 : mener une réflexion sur la possibilité d’accorder une part fiscale supplémentaire par enfant à partir du deuxième enfant

Proposition n° 5 : pérenniser le dispositif de plafonnement des frais bancaires et l’étendre à l’ensemble des familles rencontrant des difficultés financières

Proposition n° 6 : réfléchir à la mise en place d’une allocation pour les jeunes de 18 à 24 ans, qui ne bénéficient pas du revenu de solidarité active (RSA)

Proposition n° 7 : dans le cadre de la mise en place d’un système universel de retraite par points, garantir un niveau de retraite bonifié dès le premier enfant, avec une majoration des pensions de 5 % pour le premier enfant, 6 % pour le deuxième et 7 % à partir du troisième enfant, et prévoir que la moitié de cette majoration est réservée à la mère

Proposition n° 8 : inscrire dans la loi le principe du versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse

Proposition n° 9 : réfléchir à la possibilité de mettre en place un congé parental plus court et mieux rémunéré que l’actuelle prestation partagée d’éducation de l’enfant (PréParE)

Proposition n° 10 : mettre en place des « points conseil Famille » dans les maisons France Service sur l’ensemble du territoire

Proposition n° 11 : mener une réflexion sur le versement d’un montant identique de prestations familiales pour chaque enfant

Proposition n° 12 : mener une réflexion sur la simplification et la rationalisation de l’ensemble des prestations familiales

Proposition n° 13 : moderniser la carte famille nombreuse en un « pass famille » simplifié permettant l’accès à davantage d’activités, notamment sportives et culturelles

Proposition n° 14 : conduire une évaluation de l’efficacité, du pilotage et de l’articulation des aides au logement, en privilégiant un double focus sur l’accession à la propriété de la résidence principale et sur la situation des familles

Proposition n° 15 : : réfléchir à la mise en place d’un « prêt garanti par l’État (PGE) Immobilier Famille », mécanisme de garantie par l’État d’une partie des prêts bancaires pour les familles modestes qui réalisent une acquisition de résidence principale, à partir de l’arrivée de leur deuxième enfant

Proposition n° 16 : réfléchir aux possibilités de prise en charge par l’État d’une partie des intérêts bancaires générés par un prêt contracté par la famille pour l’acquisition de leur résidence principale, à partir de l’arrivée de leur deuxième enfant

Proposition n° 17 : favoriser le recours au télétravail et aux horaires de travail flexibles, sur la base du volontariat, pour les familles qui le souhaitent, dans une optique d’épanouissement familial et personnel

Proposition n° 18 : permettre le changement des mentalités et l’avènement d’une société d’égalité en assurant, conformément à l’article L. 312‑16 du code de l’éducation, le respect effectif de l’obligation d’éducation à la sexualité et à l’égalité dans le cursus scolaire, notamment dès l’école primaire, en réaffirmant les obligations incombant aux directeurs d’établissement et en s’assurant de la formation des personnels et de l’existence de moyens humains et financiers suffisants pour mettre en œuvre les trois séances annuelles

Proposition n° 19 : envisager l’allongement du congé paternité pour permettre un meilleur partage des tâches familiales entre les parents et favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes

Proposition n° 20 : impliquer davantage les partenaires sociaux dans la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle

Proposition n° 21 : développer le congé de proche aidant en allongeant sa durée et en augmentant le montant de son indemnisation

Proposition n° 22 : améliorer le dispositif de baluchonnage et développer les maisons de répit sur l’ensemble du territoire

Proposition n° 23 : Accroître l’attractivité et la reconnaissance du métier d’assistant maternel, notamment en développant les relais d’assistants maternels (RAM) et des maisons d’assistants maternels (MAM), ainsi qu’en amélioration la formation initiale et continue

Proposition n° 24 : accélérer la création des places en crèche prévues dans le cadre de la COG 2018-2022 et permettre le déploiement d’une politique d’accueil du jeune enfant plus complète et opérationnelle

Proposition n° 25 : Encourager le développement de structures d’accueil de jeunes enfants en situation de handicap sur l’ensemble du territoire

Proposition n° 26 : mettre en place un véritable « service public de la petite enfance », rationalisant l’ensemble des dispositifs de garde d’enfant, avec l’objectif que chaque enfant de zéro à trois ans bénéficie d’un mode de garde

Proposition n° 27 : améliorer la qualification, en formation initiale et continue, des professionnels de la petite enfance, ainsi que la valorisation de ces métiers

Proposition n° 28 : développer la politique de soutien à la parentalité en mettant l’accent sur les 1 000 premiers jours de l’enfant et de façon plus inclusive

Proposition n° 29 : clarifier la politique de soutien à la parentalité pour faciliter l’accès des parents aux différents dispositifs et ressources disponibles

Proposition n° 30 : restaurer la visée universaliste de la politique de soutien à la parentalité en développant une approche non stigmatisante

Proposition n° 31 : Étendre l’accès à l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules dans les mêmes conditions que pour les couples de sexe différent

Proposition n° 32 : garantir le maintien des modalités actuelles de reconnaissances des actes de naissance pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger

Proposition n° 33 : engager une initiative internationale afin de limiter le recours à la GPA à l’étranger

Proposition n° 34 : Mettre en place un plan global en faveur de la fertilité, destiné à agir sur l’ensemble des facteurs contributifs à la baisse de la fertilité en France

Proposition n° 35 : Informer les jeunes femmes et les jeunes hommes sur leur fertilité, dans le cadre du secondaire et des consultations médicales, notamment auprès des gynécologues

Proposition n° 36 : Autoriser, de manière encadrée, l’autoconservation des ovocytes

Proposition n° 37 : Initier un plan de communication en faveur du don de gamètes

Proposition n° 38 : Encourager, par le biais de projets pilotés par l’Agence nationale de la recherche, les projets de recherche sur les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules

Proposition n° 39 : Assurer la bonne information des demandeurs d’une AMP quant à ses conséquences médicales et la bonne évaluation par le corps médical, via des entretiens préalables, de la réunion de l’ensemble des conditions propices à l’accueil de l’enfant

Proposition n° 40 : Assurer la fourniture suffisante de gamètes pour absorber la demande supplémentaire issue de l’extension de l’AMP, sur plusieurs années, afin de garantir le principe de la gratuité du don


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annexe 2
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

(par ordre chronologique)

  Mme Sylviane Agacinsky, philosophe et essayiste

  M. François de Singly, professeur émérite de sociologie, Université Paris Descartes

  Mme Irène Théry, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

  M. Julien Damon, professeur associé à Sciences Po, conseiller scientifique de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (En3s)

  M. Michel Messu, professeur honoraire de philosophie politique, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité 

  M. Marc de Basquiat, conseiller en politiques publiques

  M. Victor Deschamps, maître de conférences à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, membre du laboratoire de sociologie juridique

  Mme Gabrielle Radica, maître de conférences en philosophie à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

  M. Michel Villac, président du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)

  M. Jean-René Binet, professeur à la faculté de droit de Rennes I, directeur de l’école doctorale de droit et de science politique

  Mme Isabelle Corpart, maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace

  Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale (DSS), M. Denis Le Bayon, sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail, Mme Julie Pougheon, adjointe au sous-directeur de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail, Mme Cécile Buchel, cheffe du bureau accidents du travail et maladies professionnelles, et Mme Nina Vassilieff, cheffe du bureau des prestations familiales et aides au logement

  M. Marc Pichard, professeur des universités, Université Paris-Ouest Nanterre, spécialisé sur les questions de filiations et les questions de genre dans le droit civil

  M. Eric Mengus, professeur assistant à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC Paris)

  Mme Marie Mesnil, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes 1 et chercheuse à l’Institut de l’Ouest, Droit et Europe (IODE)

  Association des maires de France (AMF) – Mme Elisabeth Laithier, adjointe au maire de Nancy, membre de l’association des maires de France (AMF), Mme Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale, culture et éducation, et Mme Philippine Taniere-Gillard, conseillère technique

  M. Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale (DLF)

  M. Jacques Bichot, membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

  Mme Christelle Dubos, Secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé


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annexe 3
Liste des personnes ayant répondu aux questionnaires de la rapporteure

 

  Association nationale de regroupements d’associations de maisons d’assistants maternels (ANRAMAM)

  Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens (APGL)

  Cour des comptes

  Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

  Confédération générale du travail (CGT)

  Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

  Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL)

  Confédération nationale d’associations familiales catholiques (CNAFC)

  Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

  Familles rurales

  Fédération française des entreprises de crèche (FFEC)

  Force ouvrière (FO)

  Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM)

  La Manif pour tous

  Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

  Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPI)

  Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES)

  Union des familles laïques (UFAL)

  Union nationale des associations familiales (UNAF)


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Annexe 4
CONTRIBUTIONS


Contribution à la mission d’information de la Conférence des présidents sur la politique familiale française

Députés LaREM : Christine CLOAREC-LE NABOUR, Stéphanie ATGER, Didier BAICHERE, Marc DELATTE, Catherine FABRE, Perrine GOULET, Carole GRANDJEAN, Véronique HAMMERER, Monique IBORRA, Fadila KHATTABI, Fiona LAZAAR, Monique LIMON, Sylvain MAILLARD, Thierry MICHELS, Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, Bénédicte PETELLE, Michèle PEYRON, Stéphanie RIST, Mireille ROBERT, Laëtitia ROMEIRO-DIAS, Annie VIDAL, Corinne VIGNON

Juillet 2020

La politique familiale française s’est fixé trois objectifs depuis sa refondation en 1945. Son objectif premier de soutien à la natalité a été complété par celui de la lutte contre la pauvreté et l’assurance pour chaque enfant d’un niveau de vie minimal et la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale afin de favoriser l’emploi des femmes.

Nous considérons que la politique familiale ambitieuse de notre pays a porté ses fruits, puisque la France connaît, au regard de ses voisins européens, une natalité qui reste soutenue – malgré une baisse depuis 2014 –, une participation élevée des femmes à l’activité économique et une redistribution importante au bénéfice des familles les plus vulnérables.

Nous saluons lorientation qu’a connue la politique familiale depuis 2012, dans le sens d’une plus grande redistribution entre les familles. Les réformes mises en œuvre ont consisté à redéployer les dispositifs fiscaux et sociaux de soutien des familles avec enfants des familles les plus aisées, vers celles à faibles ressources, monoparentales ou nombreuses et à encourager le retour à l’emploi des parents de jeunes enfants. Selon la Cour des Comptes, ce transfert massif est estimé à 1,55 Milliard d’euros.

Dans ce cadre, plusieurs prestations sous conditions de ressources ont été nettement revalorisées : l’allocation de rentrée scolaire qui bénéficie à 40% des familles a été augmentée de 25%, tandis que le « plan pauvreté », annoncé en janvier 2013, a fixé une trajectoire de revalorisation de 25 % pour l’allocation de soutien familial (ASF), de 50 % pour le complément familial et de 10 % pour le RSA entre 2014 et 2018. Ces mesures qui bénéficient aux familles les plus modestes ont été financées par une perte ou une réduction des prestations des familles aisées ou une augmentation d’impôts sur le revenu. Ainsi les allocations familiales ont connu une nouvelle modulation en fonction du revenu, le plafond de la réduction d‘impôts procurée par le quotient familial a été abaissé de 2336 euros à 1500 euros et le plafond de revenus pour bénéficier de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a été réduit tandis qu’un seuil intermédiaire au-delà duquel cette prestation n’est plus perçue que pour moitié a été créé.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement et la majorité ont, en matière de politique familiale, pris de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté.  Ainsi, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, le montant maximal d’aide auquel les familles monoparentales peuvent prétendre au titre de la garde de leurs enfants par une garde à domicile ou une assistante maternelle a été majoré de 30% pour les familles monoparentales et les familles dont un enfant est en situation de handicap, tandis que les parents peuvent depuis juin 2019 bénéficier du tiers-payant et n’ont plus à avancer le complément de libre choix du mode garde. Par ailleurs, les conditions de ressources des montants de la PAJE, et du complément familial ont été harmonisés. Enfin, le PLFSS 2020 a créé le service public de versement des pensions alimentaires, qui soulagera des centaines de milliers de familles en leur permettant d’obtenir le recouvrement d’une pension alimentaire impayée.

Nos instruments de politique familiale doivent continuer à s’adapter et être guidées par des objectifs de solidarité et de justice sociale. Malgré un coût relativement modeste, les modes de garde profitent comparativement peu aux familles dont les revenus sont faibles ou dont la structure familiale est plus fragile, et dont les difficultés d’insertion sont les plus fortes. La mise en place des bonus « inclusion handicap » « mixité sociale » et « territoires » encouragent la création de places là où les besoins sont les plus importants.

Toutefois, nous restons attachés à l’objectif d’universalité de la politique familiale, qui en constitue un principe fondateur. Les prestations universelles visant à compenser, en partie, le coût de l’enfant pour les familles, doivent être préservées. Le mécanisme du quotient familial, destiné à prendre en compte les charges de famille, en accordant un avantage croissant mais plafonné avec l’importance du revenu, y contribuent. Nous considérons la limitation de cet avantage fiscal comme justifié et équitable, dans la mesure où à partir d’un certain niveau, le revenu n’est plus utilisé pour les dépenses des enfants.

L’universalité de la politique familiale française s’exprime également par d’autres instruments tels que les allocations familiales mais aussi par l’accessibilité des modes de garde, qui bénéficient à toutes les familles. L’universalité n'est pas synonyme d’uniformité. Nous estimons que ces aides doivent continuer à être modulées en fonction du revenu des familles, afin qu’elles puissent bénéficier davantage aux plus précaires. Si l'idée d'une allocation familiale unique est intéressante, nous pensons qu’il est nécessaire de répondre aux besoins de chacun selon sa situation particulière. Notre politique familiale apporte un soutien particulier aux moments spéciaux que sont la naissance, la garde d'enfant ou la rentrée scolaire. Une allocation unique ne permettrait plus de réaliser cette redistribution. Par ailleurs, nous avons souhaité construire une offre de service universel permettant à toutes les femmes de bénéficier d’un congé de maternité quel que soit leur statut. Ainsi, le PLFSS 2019 a conduit à porter à 112 jours le congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles. Dans le même temps, le congé de paternité a été allongé en cas d’hospitalisation de l’enfant jusqu’à 30 jours consécutifs.

Nous souhaitons également être plus ambitieux s’agissant de la politique d’accueil du jeune enfant. Les parents sont aidés pour la garde de leur enfant, mais la recherche d'un mode de garde ressort souvent d'un parcours du combattant. En 2015, celle-ci s’élevait à 56,6 places pour 100 enfants dans les modes de garde formels. Nous souhaitons développer l'offre d'accueil collective et individuelle pour favoriser à la fois le développement des enfants et la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des parents. L’engagement du Gouvernement de créer 30 000 places de crèche d’ici la fin du quinquennat, traduit dans la dernière convention signée entre la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et l’Etat pour la période 2018-2022, répond à une réelle attente des familles. Le PLFSS 2020 a par ailleurs permis de renforcer l’information des familles sur la disponibilité des places d’accueil via le portail monenfant.fr.


Contribution des députés du groupe Les Républicains membres de

la mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle

 

 

 

Monsieur le Président,

Madame la Rapporteure,

 

Vous trouverez ci-après la contribution des députés membres de la mission appartenant au Groupe les Républicains sur le rapport issu des travaux de la Mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle.

 

Avant d’exprimer nos observations, nous souhaitons formuler deux remarques préalables.

 

Premièrement, nous souhaitons souligner l’ambiance sereine et propice à la réflexion dans laquelle les auditions se sont déroulées, laissant ainsi chacun, député ou personne auditionnée, s’exprimer librement.

 

Deuxièmement, les députés du Groupe les Républicains regrettent évidemment que l’organisation des travaux de la mission se soit retrouvée bousculée par l’épidémie de COVID-19.

 

Le constat général que l’on peut faire au préalable est que la politique familiale française, qui a longtemps fait figure de modèle chez nos partenaires du fait de son ancienneté et de son ambition, souffre désormais d’un certain déficit de visibilité et un manque de lisibilité chez nos concitoyens à la suite de remises en causes successives au cours de ces dernières années. En effet, les réformes intervenues ont dans l’ensemble été perçues comme une forme de « rabotage » du soutien de la Nation aux familles, et ce, alors que les comptes de la branche famille de la sécurité sociale se sont redressés.

 

L’Union Nationale des Associations Familiales démontrait d’ailleurs la réalité de ce constat dans une étude récente : « le cumul de coupes parfois drastiques dans les aides aux parents et de mesures qui lorsqu’elles sont positives, ne tiennent pas ou peu compte du nombre d’enfant(s) a « défamilialisé » l’impact du système socio-fiscal français sur le niveau de vie. Avec des effets souvent incohérents, voire très injustes. Globalement, les couples avec enfant(s) ont été désavantagés par rapport aux couples sans enfant(s) (sauf pour les personnes faisant partie des 10 % les plus pauvres). Et plus le couple a d’enfants, plus il a « perdu » (ou moins il a « gagné ») en niveau de vie. Plus précisément, au sein des déciles les plus modestes, plus les couples avaient d’enfants, moins les réformes les ont soutenus. Au sein des déciles plus élevés, plus les couples avaient d’enfants, plus l’impact négatif des mesures a été important. »

 

La compensation financière des charges de famille passe essentiellement par le versement de prestations monétaires – principalement les allocations familiales –, mais aussi par le mécanisme fiscal du quotient familial. Cet objectif se rattache historiquement à une logique nataliste, elle-même justifiée aujourd’hui par la nécessité du renouvellement des générations dans un contexte de vieillissement de la population. Or, on constate depuis quelques années un recul de la natalité et une augmentation de l’âge moyen des femmes à la première maternité. Toutefois, la politique familiale, et a fortiori la seule question des prestations monétaires, ne suffit pas à expliquer cette situation, qui est la conséquence d’un contexte socio-économique particulier, après une dizaine d’années de crise, mais aussi d’évolutions sociologiques profondes, dont on peut globalement se réjouir (allongement de la durée des études, entrée plus tardive sur le marché du travail, puis dans la vie de couple). Pour autant, il n’est pas illégitime de réinterroger, à cette aune, les contours de notre politique familiale.

 

Le deuxième objectif que celle-ci poursuit, à savoir l’aide aux familles les plus vulnérables, a été privilégié au cours des dernières années, ce qui a suscité des débats profonds sur le point de savoir si la politique familiale est encore universelle, orientée vers l’ensemble des familles, ou si elle s’est tendanciellement transformée en politique sociale, orientée vers les plus modestes.

 

Enfin, la politique familiale doit permettre la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Cet objectif passe notamment par la mise à disposition de capacités d’accueil du jeune enfant suffisantes, tant quantitativement que qualitativement (proximité géographique, horaires adaptés, reste à charge soutenable pour les familles).

 

Les députés du groupe Les Républicains souhaitent une politique familiale forte et volontariste afin de conforter la famille comme socle de notre société, d’assurer le renouvellement des générations et la pérennité de notre système social. Comme le rappelait Charles de Gaulle à la tribune de l’Assemblée nationale en 1945 au cours des débats sur la mise en place du quotient familial, sans natalité « la France ne peut plus rien être qu’une grande lumière qui s’éteint. Mais, dans ce domaine, rien n’est perdu pour peu que nous sachions le vouloir.

 

Ceci nous rappelle qu’avant toute chose, la politique familiale devrait faire l’objet d’un discours politique fort et ambitieux. L’enjeu majeur est de redonner confiance en l’avenir aux jeunes couples afin qu’ils se sentent suffisamment en sécurité pour fonder une famille.

 

A ce stade, le Groupe les Républicains souhaite rappeler son attachement à la Famille en tant qu’institution fondamentale. En ce sens, nous sommes attachés au mariage, meilleur garant de la protection de cette cellule et de chacun de ses membres qui engage la responsabilité des individus et protège les plus faibles. Nous regrettons par ailleurs l’emploi récurrent de l’expression « faire famille » dans le rapport qui ne correspond pas à notre vision. Nous considérons qu’une famille « est » tant au plan juridique que philosophique et qu’elle ne relève pas simplement de l’ordre de la construction et de la volonté, et ce, qu’il s’agisse d’un couple marié, pacsé, d’une famille monoparentale, ou encore d’une famille recomposée.

 

La politique familiale ne se résume donc pas à l’octroi de prestations financières, elle vient aussi en aide aux familles par le développement de services notamment dans l’accueil du jeune enfant et dans des dispositifs de soutien aux parents. Restons cependant vigilants car la parentalité relève, par essence, de la sphère privée ; aussi, l’existence d’une politique publique de soutien à la parentalité n’est pas une évidence, et il faut commencer par dire ici que toute action entreprise pour consolider l’action publique en ce domaine doit être mise en balance avec la question du respect de la vie privée des familles.

 

En ce sens, nous prenons acte des recommandations de la rapporteure que nous rejoignons s’agissant d’une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

 

Il en va ainsi des différentes propositions relatives à la mise en place d’un congé parental plus court et mieux rémunéré, la mise en place des « points conseil famille », le recours au télétravail, l’allongement du congé paternité, l’implication des partenaires sociaux, la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance avec une formation plus poussée des professionnels et le développement quantitatif et qualitatif des modes d’accueil.

 

Ces différentes propositions sont de nature à soulager les familles, et en particulier les mères, ce qui est essentiel. En effet, nous devons soutenir les femmes qui font le choix de travailler. Lorsqu’elle diminue partiellement ou totalement son activité pour assurer l’éducation des enfants, en particulier lors des premières années, une femme ne doit pas voir son pouvoir d’achat diminuer ni son employabilité. Ainsi le congé parental devrait être mieux valorisé tout comme les allocations familiales. En outre, si nous pouvons nous accorder sur un changement des mentalités nécessaire, c’est bien celui du monde du travail car les entreprises ont un véritable rôle à jouer en permettant notamment aux parents de jeunes enfants de bénéficier, par exemple, d’horaires aménagés. Il est important de rappeler que l’emploi reste le seul moyen efficace pour lutter contre la pauvreté, notamment des familles monoparentales.

 

S’agissant des différentes propositions relatives aux prestations, nous approuvons celle concernant la fin de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Nous considérons que la proposition relative au relèvement du plafond du quotient familial va aussi dans le bon sens mais reste insuffisante. En effet, il est fondamental de soutenir les familles qui travaillent et, ce faisant, qui cotisent et paient l’impôt sur le revenu. La rapporteure s’interroge d’ailleurs à juste titre que « sur l’acceptabilité sociale et politique d’une politique familiale qui exclurait les principaux contributeurs de son bénéfice et qui tendrait à traiter de la même manière, à niveau de revenu identique, un ménage sans enfant et une famille. »

 

Il en va de même s’agissant la proposition de bonification des retraites, en particulier des femmes, en fonction du nombre d’enfants. Nous considérons dans la même logique qu’il serait intéressant d’envisager de mieux prendre en compte l’éducation des enfants dans le calcul de la retraite afin de redonner du sens à notre système de retraites par répartition en vertu duquel ce sont nos enfants qui préparent nos retraites.

 

S’agissant du versement d’allocations au premier enfant, nous considérons que cette mesure doit faire l’objet d’un débat, surtout si ce dispositif s’accompagne de la mise en place d’un montant identique de prestations familiales pour chaque enfant (proposition n°11), dont il faut mesurer les conséquences.

 

Sur la question des prestations, nous tenons toutefois à rappeler qu’une politique familiale est différente d’une politique sociale. En ce sens, de nombreuses prestations sociales font déjà l’objet d’une « familialisation » en prenant en compte la composition du foyer des bénéficiaires. Si l’on peut comprendre et rejoindre la volonté d’aider les familles monoparentales, ceci ne devrait pas relever d’un choix fait au détriment des autres familles.

 

Il est intéressant que le rapport se penche de manière plus poussée sur la question du logement qui est un aspect extrêmement important jusqu’ici délaissé par la politique familiale.

 

Le logement étant le premier poste de dépenses des ménages, il est fondamental que notre politique familiale se saisisse de cette question afin d’aider les jeunes parents à pouvoir bénéficier d’un cadre agréable pour élever leurs enfants, et, dans l’idéal, à devenir propriétaires. A ce titre, nous approuvons la proposition n°16 proposant de réfléchir à la prise en charge par l’État d’une partie des intérêts bancaires générés par un prêt contracté par la famille pour l’acquisition de leur résidence principale, à partir de l’arrivée de leur deuxième enfant.

 

Enfin, nous rejoignons l’observation faite à plusieurs reprises concernant le manque de lisibilité des aides né de leur multiplication et de la mise en place de critères rendant leur accès complexe. Les différentes aides, devraient effectivement faire l’objet d’une importante simplification afin de garantir réellement l’universalité de la politique familiale et d’éviter le non recours aux droits.

 

Nous sommes cependant réservés sur d’autres points du rapport. Tout d’abord, la rapporteure a souhaité consacrer plusieurs parties de son rapport à la crise sanitaire qui a touché notre pays. Ce qui l’a d’ailleurs poussé à formuler des propositions sur les inégalités sociales ou les violences intrafamiliales. Ces sujets sont d’importance et les députés du groupe Les Républicains considèrent qu’un travail de contrôle profond doit être effectué par le parlement afin de tirer toutes les leçons de cette crise. Pour autant, nous considérons que ces développements ne relèvent pas nécessairement d’un rapport sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis du XXIe siècle, surtout au vu des conclusions de la commission d’enquête à venir.

 

Nous ne pouvons aussi que nous étonner du fait qu’un quart du rapport soit consacré à la bioéthique et que cette partie soit l’occasion pour la rapporteure de donner son avis sur des discussions législatives en cours. Outre le fait que cette partie n’est pas de nature à nous éclairer sur des choix en matière de politique familiale, nous considérons qu’elle crée une confusion. En effet, en dehors de l’avis que chacun peut avoir sur ces questions, nous considérons que la politique familiale n’a pas à être vue à l’aune de la sexualité des couples. Ainsi, qu’un enfant ait des parents homosexuels ou hétérosexuels ne doit pas emporter de conséquences sur la manière dont la famille est considérée par le législateur dans le cadre de la politique familiale.

 

En conclusion, à l’exception de ces deux derniers points, nous considérons que plusieurs des propositions sont de nature à alimenter de manière utile un grand débat sur la politique familiale que nous appelons de nos vœux.

 

 

Les députés du groupe les Républicains membres de la mission d’information et cosignataires de cette contribution sont : Stéphane VIRY, Thibault BAZIN, Gilles LURTON et Frédérique MEUNIER.

 


Paris, le 17 juin 2020

 

Contribution de Laurence Vanceunebrock, Députée de l’Allier

au rapport de la mission d’information relative à la politique familiale française

 

Les auditions menées dans le cadre de la mission d’information ont permis de montrer que notre droit de la famille repose en grande partie sur des choix idéologiques dépassés dont il faut revoir les contours en redonnant une place majeure à l’intérêt de l’enfant.

 

Certains choix idéologiques présentés par les personnes auditionnées emportent visiblement des injustices et des incohérences entre notre droit et les besoins réels des familles.

L’analyse de M. Marc Pichard[223] présente ainsi comment le rejet de la France aux procédures de gestation pour autrui a justifié le choix d’une conception bigenrée et inégalitaire entre l’homme et la femme dans notre droit, qui entraîne nécessairement des incohérences et des injustices criantes. Il donne l’exemple de la distinction entre la mère qui ne pourrait être que « celle qui accouche » par rapport au père qui est de son côté rattaché de façon plus souple à la fonction de géniteur. Cette perception a entraîné une différence majeure de traitement entre un homme et une femme, au regard de la présomption d'une fraude à la loi pour une femme qui souhaiterait faire reconnaître un enfant en dehors d’un accouchement, face à l’homme qui lui ne porterait pas atteinte à l'ordre public en cas de simulation de paternité.

Lors de son audition, Mme Irène Théry[224] fait un constat similaire en montrant que certains choix idéologiques dépassés emportent aujourd’hui une inadéquation du droit avec la réalité vécue par les familles. Elle présente ainsi la construction historique des modèles familiaux - d’abord par la relation charnelle, ensuite par l’adoption et enfin par le recours à un tiers donneur - et explique comment cette dernière façon de faire famille, qui est organisée depuis 1973, a toujours été cachée pour des raisons idéologiques. Or le secret qui en découle entraîne aujourd’hui une lourde charge sur les enfants qui découvrent, parfois très tard, des éléments essentiels pour la construction de leur identité et qui demandent aujourd’hui de pouvoir accéder à leurs origines.

 

Les personnes auditionnées regrettent aussi que l’intérêt de l’enfant fonde si peu les choix juridiques en droit de la famille en faisant le constat de l’insécurité qui en découle, alors que seule la responsabilité vis-à-vis de l’enfant devrait compter.

M. Marc Pichard relève par exemple le choix pour une invisibilisation des gènes des femmes dans le code civil, au détriment de l’intérêt de l’enfant. Il prend l’exemple de la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA), procédure qui permet aux « deux mères d’avoir un lien biologique avec l'enfant, l'une en raison de l'apport génétique et l'autre du fait de la gestation » et qui n’emporte pas reconnaissance d’une double filiation aujourd’hui justement par cette invisibilisation des gènes des femmes. Or il s’agit d’une situation où le droit, tel qu’il est construit, empêche la sécurisation d’un enfant, en refusant l’établissement d’une filiation clairement établie, en raison d’une conception ancienne et devenue inadaptée aux réalités.

M. Victor Deschamps[225] met de son côté en lumière la notion de responsabilité, principe simple permettant de protéger l’enfant, et qui pourrait être préférée à certains choix idéologiques. Il présente ainsi la distinction des notions de parentalité et de parenté et indique que le parent devrait être, en pratique et en droit, celui qui est responsable de la venue au monde de l’enfant, peu importe le mode de conception choisi. C’est en effet à partir du seul critère de responsabilité que l’on devrait pouvoir désigner celui qui assure à l’enfant les moyens de sa subsistance, de son éducation et de sa protection. Or les débats en première lecture portant sur le projet de loi de bioéthique ont montré comme on peine à sortir des considérations liées au mode de conception de l’enfant. La responsabilité découle en principe nécessairement du projet parental décidé par une personne ou un couple au moment de la décision de concevoir un enfant, mais cette notion de projet parental est également encore peu considérée dans notre droit.

 

La situation des familles homoparentales ayant recours à la procréation médicalement assistée montre bien que cette conception n’a pas encore été adoptée, au regard de l’insécurité qui les frappe.

M. Marc Pichard présente ainsi la difficulté, voire l’impossibilité, d’une reconnaissance de filiation pour la femme n’ayant pas accouché dans un couple de femmes ayant eu recours à une procréation médicalement assistée. Or cette difficulté relève, d’après son examen, de choix liés à des conceptions juridiques éloignées de la réalité. Ainsi, la « mère sociale », qui est pourtant bien la mère de l’enfant, n’a aucune reconnaissance juridique et la comparaison avec le beau-parent qui est régulièrement mis en avant comme devant porter une part de l’autorité parentale est perçue comme une injustice. La « seconde mère » a participé au projet parental autant que la mère qui a accouché et son investissement dans la vie de l’enfant est indéniablement celui d’un parent. Pourtant, la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ne lui permet d’être reconnue comme sa mère qu’en adoptant son enfant et elle doit pour cela être mariée à la femme qui a accouché. Or ce dispositif porte plusieurs incohérences. En premier lieu, un couple hétérosexuel peut adopter un enfant sans être marié donc le mariage aurait une fonction différente selon l’orientation sexuelle des membres du couples. Par ailleurs, l’adoption telle qu’elle est actuellement définie par le droit ne saurait répondre à cette situation puisqu’elle n’est en principe possible que dans des cas précis liés à l’absence de parent pour l’enfant. Or cet enfant a bien ses deux parents dès le moment de sa conception.

De plus, ces incohérences juridiques entraînent une insécurité pour l’enfant et sa famille en créant des situations parfois dramatiques. En effet le juge ne peut par exemple reconnaître aucun droit à une « mère sociale » séparée de la mère de son enfant lorsque l’adoption n’avait pas été prononcée. Plus encore, la compagne de secondes noces peut adopter l’enfant par une application simple du droit, sans que la « seconde mère » ne puisse intervenir. Ici le beau-parent devient le parent et le parent n’est rien. Le droit l’emporte donc sur la réalité. Une autre situation est celle de l’accident de la vie qui empêche la mère ayant accouché de s’occuper de son enfant - décès ou autre incapacité - : dans ce cas la « mère sociale », peu importe si elle est encore en couple ou non avec la mère reconnue par le droit, ne pourra prétendre à l’autorité parentale et l’enfant pourra leur être retiré alors qu’il a bien un parent qui, dans le quotidien et depuis sa naissance, exerce ses devoirs envers son enfant. Mme Corpart rappelle aussi lors de son audition[226] qu’en cas de décès, de nombreuses difficultés surviennent en matière successorale ou en matière de libéralité du fait de l’absence de liens de droit.  

 

Des solutions juridiques sont proposées pour une réforme du droit de la famille, et surtout de la filiation, qui pourrait reposer sur deux objectifs : une plus grande cohérence du droit avec la réalité vécues par les familles, et la préférence donnée à l’intérêt de l’enfant sur les autres considérations idéologiques.

Mme Irène Théry note ainsi, au sujet des familles ayant eu recours à un tiers donneur, que « l’État a permis la constitution de ces familles et organisé le masquage du recours aux dons (…) Or cet État ne doit-il pas à ces familles une place dans ses institutions et dans son droit ? Si ce que font ces parents est mal, pourquoi leur propose-t-il de le faire ? ». Elle propose de profiter de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes pour faire sortir toutes les familles du secret lié au recours au don de gamètes et ainsi laisser la possibilité à tous les enfants concernés de pouvoir accéder à leurs origines s’ils le souhaitent.

Concernant la protection des enfants nés de procréation médicalement assistée dans des couples de femmes, plusieurs options juridiques sont proposées pour établir une double filiation. Mme Corpart retient le dispositif de la possession d’état de l’article 317 du code civil en indiquant que « la parenté d’intention est l’acte de notoriété constatant la possession d’État. Nous sommes sur ce registre, puisque les liens du cœur correspondent plutôt à cela ». A minima, M. Marc Pichart propose de son côté une adaptation de l’adoption intrafamiliale. Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, d’autres options sont proposées telles que le mécanisme de reconnaissance anticipée du projet parental, pour tous les couples ou seulement pour les couples de femmes.

Pour toutes ces situations, le rôle du juge semble déterminant pour apprécier les faits au regard de l’intérêt de l’enfant. Mais il faudrait alors décider de faire de ce principe l’élément fondamental des questions liées à la filiation. Les adaptations des dispositifs sont essentielles et une réévaluation régulière en lien avec l’évolution des modèles familiaux en France est nécessaire, mais c’est bien l’intérêt de l’enfant qui semble devoir primer face aux nombreuses incohérences actuelles.

 

 


Contribution de M. Thibault BAZIN, Député de Meurthe-et-Moselle, Secrétaire de la Mission d’information sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle

Juin 2020

 

Le titre de cette mission montre l’ampleur de la tâche et du défi : l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle.

La création de cette mission répond à un souhait fort tant la prise en compte de la famille a évolué ces dernières années, défavorablement malheureusement.

Pour moi, la famille est le socle de notre société, le « rempart » qui nous aide à traverser les étapes heureuses et malheureuses de toute vie.

Que les familles évoluent, nul ne peut le nier. On assiste à une baisse des mariages, à une augmentation des divorces et donc à une augmentation importante des familles monoparentales.

Il nous faut chercher non seulement les raisons de ces séparations mais aussi les solutions.

Les causes sont certes multiples mais il faut reconnaître que le rythme de vie imposé aux familles contemporaines est bien difficile.

Comme cela est souligné dans ce rapport, les problèmes de revenus ne sont pas seuls en cause.

Les conditions de vie sont aussi très impactantes. Le logement est un élément majeur de ces conditions de vie.

Or que constate t-on ? Compte tenu du prix de l'immobilier, des familles sont contraintes de se loger loin des centres villes et doivent supporter de longs trajets, devenant dépendantes des transports publics (avec tous les aléas subis) ou de la voiture (ou plutôt de deux voitures bien souvent).

La taille du logement ne grandissant pas automatiquement avec la famille du fait de son coût, l’impact sur la qualité de vie se fait sentir aussi, comme la période de confinement que nous venons de traverser nous l’a montré.

Il convient donc d’aider les familles. Or l’effort consacré aux familles a évolué et nous devons constater une dégradation de celui-ci depuis 2014.

Certes Il y a une volonté indéniable d’aider les familles vulnérables, en  particulier les familles monoparentales, ce qui est légitime.

Mais il ne faut pas que ce soit au détriment des autres, or c’est ce à quoi nous avons assisté.

Les baisses du plafond du quotient familial, la modulation des allocations familiales, ou encore  la réforme du congé parental ont eu des effets négatifs non négligeables.

Il n’est pas là seulement question de la chute drastique de la natalité de notre pays ces dernières années mais aussi de la baisse du niveau de vie des familles.

Ce travail de sape, entamé en 2014, se poursuit avec cette nouvelle majorité : en 2020 avec la baisse de l’indemnité journalière en cas de maladie pour les mères de familles nombreuses, en 2019 avec la sous-revalorisation des plafonds de ressources, en 2018 avec la baisse de la prestation d'accueil du jeune enfant, et la sous-indexation continue des prestations familiales bien en deçà de l'inflation.

L’espoir était néanmoins possible en 2017, avec les promesses électorales du candidat Macron. N'avait-il pas promis de rehausser le plafond du quotient familial ? N'avait-il pas dit : « C'est un élément de justice d'accompagner les familles. Et raboter à la fois les allocations et le quotient a été un problème » ?

Deux échecs sont particulièrement à signaler :

-          la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), créée le 1er janvier 2015 dont le but était de  favoriser le recours des pères au congé parental. L’échec est patent puisque la part des pères bénéficiaires du dispositif stagne à 3 %, alors que toutes les familles sont impactées pour la garde des enfants dans leur troisième année.

-          La prime à la naissance versée, depuis 2015, après la naissance, alors que les investissements nécessaires à l’arrivée de l’enfant se font avant la naissance. Heureusement, grâce à l’opiniâtreté des Républicains, et tout particulièrement de mon collègue Gilles Lurton, il sera mis fin à cette ineptie en 2021 si sa proposition de loi, adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, va à son terme.

Ces deux échecs montrent  une méconnaissance des besoins réels des familles, mais aussi, et c’est encore plus grave, que  la perception de la famille est mise à mal.

Or il est clair que cette perception, à tendance négative indéniable, ne fait que perdurer. Le débat sur la réforme des retraites en a été l’illustration. Les grandes perdantes de cette réforme étaient en effet les familles de trois enfants et plus. Quel signal donne t-on aux familles ?

La politique familiale doit redevenir une force, un atout, une ambition pour notre pays.

Le renouvellement des générations est essentiel pour l’avenir de notre Nation. Notre système par répartition en dépend notamment. Il s’agit aussi de transmettre notre patrimoine et nos valeurs.

Les jeunes générations ont peur de l’avenir, hésitent à donner la vie, retardent leur projet de devenir parents.

Les conditions matérielles les inquiètent : logement, emploi, cadre de vie…

Il est urgent d’adapter notre politique familiale française en retrouvant l’ambition initiale.

Très concrètement, le pouvoir d’achat d’un couple qui accueille un enfant ne doit pas diminuer par rapport au couple sans enfant, à revenus du travail équivalent. Est-ce que cela doit passer par le quotient familial et/ou les allocations familiales ?

L’essentiel est de ne pas pénaliser la femme qui a fait le choix de travailler. Lorsqu’elle diminue partiellement ou totalement  son activité pour assurer l’éducation des enfants, en particulier lors des premières années, elle ne doit pas voir son pouvoir d’achat diminuer. Ainsi le congé parental devrait être mieux valorisé tout comme les allocations familiales et ce, quel que soit le revenu de la femme.

Tout aussi concrètement, le besoin d’un logement plus grand - et donc plus coûteux en fonctionnement (et en fiscalité) – pour un couple avec enfants devrait être pris en compte dans les dispositifs de soutien à l’accession à la propriété. Ainsi l’APL accession et le PTZ pourraient être bonifiés pour les couples avec enfants.

Quant au thème de la bioéthique, je suis d’abord étonné, d’une part de la place que prend le projet de loi en cours de discussion dans ce rapport, et d’autre part des prises de position personnelles de la rapporteure.

L’évolution de la bioéthique n’a rien d’inéluctable et sa révision cyclique n’est pas prévue pour évoluer avec les structures familiales. La bioéthique doit sauvegarder des principes fermes que sont l’intérêt supérieur de l’enfant, la dignité de chaque personne, le respect dû au corps humain, le consentement libre et éclairé, la gratuité du don, et non les malmener.

La rapporteure considère que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a constitué un  « progrès indéniable », que le projet de loi en cours de discussion représente « une avancée sociale majeure ». De plus, elle se « réjouit » de la solution retenue pour les couples de femmes à savoir la déclaration de reconnaissance anticipée.

Personnellement je ne partage pas ces positions. Je considère qu’un enfant a droit à avoir un père et une mère et que le recours à la pluriparentalité, aux « parents sociaux » n’est pas une panacée et n’est pas non plus « aujourd’hui indispensable » comme le présente la rapporteure. La procréation médicale assistée doit rester un recours pour les personnes rencontrant des problèmes d’infertilité et non répondre à un désir d’enfant biologiquement impossible.

Alors que le confinement nous a montré la place et le rôle central de LA famille, l’importance de la famille élargie, la souffrance de ne pouvoir se rencontrer, l’isolement de beaucoup, la difficulté des mères célibataires à affronter cette situation, il convient, plus que jamais, de faire à LA famille la place qui devrait être la sienne.

Il faut soutenir les familles car elles représentent l’avenir de la France.


CONTRIBUTION

à la mission d’information de la Conférence des présidents sur la politique familiale française

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MARIE-PIERRE RIXAIN

DÉPUTÉE DE L’ESSONNE

 

La façon dont une société organise la condition maternelle révèle quelque chose de son essence. Il n’est donc pas anodin que la protection de la santé de la mère et de l’enfant figure parmi les principes particulièrement nécessaires à notre temps garantis par le préambule de la Constitution de 1946. Le congé de maternité, à la confluence d’enjeux de santé publique et d’émancipation économique des femmes, incarne ainsi l’évolution du regard porté par la société sur la maternité et la condition maternelle. Affaire privée, la maternité va devenir au cours du 20e siècle objet de sciences et objet de loi, et de plus en plus une affaire publique à mesure que les femmes revendiquent la possibilité de mener à la fois une vie de femme active et de mère.

 

Le premier congé de maternité en France remonte à plus d’un siècle. Initialement, l’objectif de ce congé est de protéger la santé de l’enfant et de la mère. Au fil du temps, la société va élargir et enrichir ce congé en prévoyant son indemnisation, en garantissant à la femme de pouvoir retrouver son poste après l’accouchement, en allongeant sa durée, et en organisant la protection juridique de la mère vis-à-vis de son employeur pendant son arrêt maternité. Se dessine ainsi autour de la future mère et de l’enfant à naitre un statut protecteur garanti par la collectivité. Ce principe de protection trouve sa traduction dans la notion d’un « risque maternité » couvert par la sécurité sociale, au même titre que les risques maladie, vieillesse, chômage ou invalidité, la maternité entant au demeurant le seul « risque heureux ».

 

Le droit à un congé de maternité rémunéré établit aussi la figure de la femme comme sujet autonome, à qui l’Etat offre la possibilité de s’émanciper d’une condition domestique qui retient les femmes chez elles au service de leurs enfants et de leur mari. Le congé de maternité participe ainsi de l’affirmation du droit au travail des femmes et de leur émancipation sociale et économique. D’où l’importance d’un congé de maternité effectif pour toutes les femmes, quel que soit leur statut professionnel, dans la structuration d’une société plus égalitaire et la construction d’une figure féminine comme sujet autonome.

 

L’institution d’un congé de maternité en France fût longue. C’est en 1909 qu’intervient un premier texte législatif organisant une suspension de travail non rémunérée de huit semaines consécutives pour les femmes salariées. Ce droit deviendra une obligation dès 1913. La question de l’indemnisation du congé de maternité va ensuite se déployer progressivement : institutrices, fonctionnaires, puis l’ensemble des salariées du secteur privé en 1970. La durée du congé de maternité des femmes salariées est portée à quatorze semaines en 1946 puis à seize en 1980. Un congé de maternité sera également mis en place après la seconde guerre mondiale pour les femmes non salariées, géré par des régimes de sécurité sociale distincts, avec des règles spécifiques en termes de durée et d’indemnisation qui perdurent encore aujourd’hui. En 2020, il existe donc autant de congés de maternité que de statuts professionnels. L’hétérogénéité des emplois des femmes entraine de facto une diversité des régimes. Les durées et les conditions d’indemnisation sont très variables selon le statut professionnel des femmes : salariées du secteur privé, agents de la fonction publique, agricultrices non salariées, professions libérales, commerçantes, artisanes, conjointes collaboratrices, intermittentes du spectacle, micro- entrepreneuses...

 

Cette diversité des statuts et des régimes se double d’une évolution du rapport des femmes à la maternité. L’âge moyen des femmes au moment de l’accouchement est ainsi passé de 25,5 ans en 1977 à 30,4 ans en 2016 (INSEE). Plus tardive, la maternité est aussi moins fréquente. Les Français font moins de bébés : le taux de fécondité est désormais de 1,88 enfant par femme, contre plus de 2 dans les années 2000, et le nombre de naissances est passé de 814 000 en 2014 à 767 000 en 2017. Par ailleurs, le lien des femmes au marché du travail a évolué, avec à la fois une augmentation du taux d’activité féminin et une précarité économique accrue. Au début des années 1970, la moitié des femmes âgées de 25 à 59 ans étaient actives. Aujourd’hui, les trois quarts le sont. Mais dans le même temps, leur lien à l’emploi s’est distendu : en trente-cinq ans, le taux de chômage des femmes est passé de 3 % à 12 %, et la part des emplois occupés à temps partiel de 13 % à 30 %.

 

Les femmes sont par ailleurs plus souvent travailleuses indépendantes : la création du statut d’autoentrepreneur au 1er janvier 2009 a entrainé le doublement du nombre de travailleurs indépendants cotisants entre 2008 et 2012 et un mouvement de féminisation. La hausse du nombre de travailleuses indépendantes, notamment parmi les micro-entrepreneuses, rendait nécessaire une réflexion sur les conséquences à tirer, au niveau du congé de maternité, de cette féminisation de l’entrepreneuriat. En effet, ces mutations du monde du travail et les nouveaux besoins de mobilité professionnelle doivent s’accompagner d’une protection sociale effective et adaptée.

 

C’est dans cet esprit, et conformément à l’engagement présidentiel, que le Premier ministre m’a chargée de formuler des propositions pour permettre aux femmes de bénéficier d’un système lisible, équitable et favorisant leur libre choix en janvier 2018. Un rapport que j’ai remis au Gouvernement depuis et dont certaines des propositions ont trouvé écho législatif, permettant aux travailleuses indépendantes et aux agricultrices non salariées de voir leur congé de maternité amplement amélioré. Néanmoins, je souhaite attirer l’attention de la présente mission d’information sur les propositions qui ne se sont pas encore concrétisées, ainsi que me faire le relai de trois alertes qui m’ont été faites afin de continuer d’améliorer l’accès effectif de toutes les femmes à un congé de maternité qui garantisse une protection sanitaire adéquate, un véritable repos maternel, une indemnisation juste, et pour les femmes ne bénéficiant pas d’un contrat de travail, l’assurance que leur maternité ne mette pas en risque la pérennité de leur activité professionnelle.

 

 

 

 

 

 

 

      Recommandations pour améliorer la prise en charge du congé de maternité

 

Recommandations

1

Désigner une CPAM nationale de référence pour le traitement des dossiers des intermittentes et artistes auteures

2

Encourager et promouvoir les bonnes pratiques adoptées par certains barreaux et sanctionner plus efficacement le non-respect de la règlementation existante

3

Communiquer dans le carnet de maternité, via des supports dédiés à la maternité et des alertes mail adressées au fur et à mesure de la grossesse, en direction de toutes les femmes sur l’importance d’un repos maternel effectif avant et après la naissance

4

Mettre en place dans les conventions d’objectifs et de gestion de la CNAM et de la MSA un indicateur de taux de couverture de l’entretien du 4ème mois pour les travailleuses indépendantes et les agricultrices

5

Déployer des outils d’information pédagogiques auprès des travailleuses indépendantes pour lever les incompréhensions sur les règles d’indemnisation

6

Proposer systématiquement aux travailleuses indépendantes, à réception de la déclaration de grossesse, l’activation du délai de paiement par anticipation, sans pénalités. Ce dispositif permettant une suspension des appels et des paiements de cotisations durant la période de congé maternité

7

Mettre en place un flux informatisé de la CNAM vers l’ACOSS afin que la branche recouvrement puisse identifier les travailleuses indépendantes susceptibles d’être en congé de maternité pour leur adresser une information précise sur la marche à suivre pour organiser la suspension des appels et des paiements de cotisations durant leur congé de maternité

8

Utiliser l’entretien prénatal du 4ème mois et les ateliers collectifs du parcours maternité de la CNAM pour informer les travailleuses indépendantes des possibilités qui s’offrent à elles en termes de flexibilité et de facilité de paiement

9

Envisager de conditionner le versement de la seconde fraction de l’allocation de repos maternel à une interruption effective d’activité

10

Développer en direction des agricultrices enceintes une communication proactive sur leurs droits sous forme de mails push

11

Mieux faire connaitre les services de remplacement auprès des agricultrices et renforcer les efforts de recrutement afin de disposer de davantage de solutions

12

Permettre à des sociétés commerciales agricoles (SA, SARL, EURL) d’adhérer à un service de remplacement

 

 

      Alerte sur le traitement du congé de maternité des travailleuses indépendantes par la CPAM

 

La suppression de la sécurité sociale pour les indépendants et le rattachement des travailleurs indépendants à la CPAM début 2020 a engendré de nombreux dysfonctionnements dans la couverture maternité des travailleuses indépendantes. De nombreux témoignages font actuellement état de manquements inquiétants qui entravent la prise en charge et l’indemnisation du congé de maternité des travailleuses indépendantes. Il semblerait, en effet, que la CPAM ne bénéficie pas des outils adaptés pour répondre aux demandes : calcul artisanal des indemnités journalières, dossiers bloqués informatiquement, ou encore grilles d’analyse obsolètes exigeant, par exemple, des bulletins de salaire. Il convient donc de former, le plus rapidement possible, les collaborateurs de la CPAM aux droits des travailleuses indépendantes. Le congé de maternité est un revenu de remplacement, essentiel à l’autonomie des femmes, et son absence prive de revenus des travailleuses dont la situation économique est souvent fragile. Il paraît urgent de se saisir de ce sujet afin de ne pas laisser seules des femmes qui connaissent une maternité et une situation professionnelle déjà largement compliquées par l’épidémie de COVID-19, et qui ne devraient pas, en sus, voir leurs droits reculer.

 

 

      Alerte sur la situation des journalistes pigistes

 

Lors des Etats généraux des femmes journalistes, organisés le 13 avril 2019 par l’association Prenons la Une, de nombreux témoignages ont souligné la complexité pour les journalistes pigistes de faire valoir leur droit au congé de maternité. La loi n°74-630 du 4 juillet 1974, dite Cressard, octroie aux journalistes rémunérées à la pige le statut de journaliste professionnel, leur permettant, à ce titre, de bénéficier d’un congé de maternité indemnisé par l’Assurance maladie. Pour ce faire, les pigistes doivent, notamment, avoir travaillé au moins 600 heures ou avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 1015 fois le montant du SMIC horaire au cours des six mois précédents la date du début de grossesse ou du congé prénatal. Les journalistes salariées classiquement doivent elles avoir effectué au moins 150 heures de travail au cours des 3 derniers mois ou des 90 précédents la date du début de grossesse ou du congé prénatal, ou avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 1015 fois le montant du SMIC horaire au cours des 6 mois précédents la date du début de grossesse ou du congé prénatal. Ainsi, à la précarité des journalistes pigistes vient s’ajouter des conditions plus difficiles pour faire valoir leur droit au congé de maternité ; il n’est pourtant pas acceptable qu’à rémunération et cotisation égales, les journalistes pigistes n’aient pas accès aux mêmes prestations que leurs autres salariées. Cette situation occasionne une rupture d’égalité notable dont le Défenseur des droits s’est saisi à deux reprises déjà. Dans sa décision n°2017-278 du 19 septembre 2017), il constate que : « ces insuffisances des dispositifs du droit interne privent injustement l’assurée d’une prestation sociale destinée à protéger la maternité, alors même qu’elle a été contrainte en raison de cette maternité, de cesser son activité un temps donné en application de la réglementation du travail, sans pouvoir solliciter de l’un de ses multiples employeurs le moindre avantage social. » Il convient donc de revoir à la baisse les exigences imposées aux journalistes pigistes en matière d’accès au congé de maternité. De même, à la fin d’un contrat, les journalistes pigistes peuvent s’inscrire à Pôle emploi afin de bénéficier d’allocations de retour à l’emploi (ARE). Dès lors, elles peuvent faire valoir le maintien de leurs droits aux prestations du régime obligatoire d'assurance maternité, tant que leurs revenus issus des piges sont insuffisants pour justifier des conditions d’accès à ces droits, comme le stipule les articles L.311-5 et L.161-8 du Code de la sécurité sociale. Pour autant, les caisses de la sécurité sociale bloquent ces droits considérant qu’elles ont repris un emploi. Un litige qui a amené la Cour de cassation, dans son arrêt n°16-19926 du 9 novembre 2017, a rappelé le droit aux indemnités journalières d’assurance maternité des femmes issues des professions bénéficiant d’allocations de retour à l’emploi. Seulement, à ce jour, il semblerait que les caisses de la sécurité sociale continuent de refuser ce droit aux assurés concernées. Il convient donc, de manière urgente, de faire appliquer la loi à cet endroit.

 

 

      Alerte sur la situation des femmes dont le salaire est supérieur au plafond de la sécurité sociale

 

Le maintien du revenu pendant le congé de maternité est assuré par un système de prévoyance composé d’une part obligatoire plafonnée provenant de la sécurité sociale et d’une part complémentaire liée à un contrat avec une institution de prévoyance. Cette part complémentaire est facultative, sauf si elle est imposée par un accord de branche ou une convention collective. Lorsque la salariée perçoit un salaire inférieur au plafond de la sécurité sociale (soit 3377 € brut par mois, ce qui concerne environ 95,1% des salariées), le maintien du salaire ne génère aucun coût pour l’employeur. Pour les 4,9% salariées restantes, si l’employeur a mis en place une prévoyance complémentaire, il contribue au moins à hauteur de 50% des cotisations. Si aucun système de prévoyance complémentaire n’est mis en place, l’employeur peut décider de compléter ou non le salaire de l’employée. Ainsi, pour presque 5% des salariées, le congé de maternité peut constituer une perte notable de salaire ; un risque qui vient stigmatiser la grossesse et la maternité dans le milieu professionnel. C’est pourquoi BPW France, ONG qui œuvre en faveur de l’égalité professionnelle, propose[227] de généraliser l’accès à une offre de prévoyance harmonisée qui permette de maintenir intégralement les revenus de toutes les femmes actives, quel que soit leur statut professionnel, au cours de leur congé de maternité. Ce, via des évolutions législatives permettant de cadrer l’harmonisation des offres de prévoyance complémentaire, d’imposer le respect de la mise en œuvre des contrats collectifs par les entreprises et ordres professionnels et de garantir un maintien des revenus par la prévoyance obligatoire pour les professions non fédérées.


Contribution Politique Familiale :

Monsieur Guillaume Chiche, Député de la 1ère circonscription des Deux-Sèvres

 

Depuis l’après-guerre, notre politique familiale est l’un des piliers de notre République.

Les objectifs de notre politique familiale sont au nombre de trois :  le soutien à la natalité, la lutte contre la précarité et la conciliation entre vie personnelle et professionnelle.  

 

Cependant, nombreux sont les signaux d’alerte qui indiquent, depuis plusieurs années, que ces objectifs ne sont pas atteints.

En effet, la France rencontre une baisse de la natalité persistante depuis quelques années. Ce phénomène s’illustre par le fait que nombreuses sont les femmes qui ne peuvent mener une grossesse au moment où elles le désirent du fait des difficultés matérielles qu’elles peuvent rencontrer, notamment en termes de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

De plus, alors qu’un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et que ce taux de pauvreté est près de deux fois plus élevé pour les enfants vivant en famille monoparentale, il est, aujourd’hui, impossible d’affirmer que la lutte contre les précarités est un objectif atteint.

Enfin, en matière de conciliation vie professionnelle et vie personnelle il est nécessaire de souligner que cet objectif emporte un problème bien plus large à savoir celui de l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, les femmes du fait de l’écart salarial subissent davantage l’éloignement du marché du travail et ce dès l’arrivée du premier enfant, ce qui a pour conséquence de renforcer l’ensemble des inégalités entre les femmes et les hommes dans leur parcours professionnel respectif.

C’est au regard de ce constat qu’ont été menés les travaux de la mission d’information parlementaire sur la politique familiale créée par la commission des affaires sociales dont j’ai été co-rapporteur en mars 2018. L’effort de l’Etat pour la politique familiale, qui est considérable, appelle une large réflexion et une transformation visant à répondre au mieux aux besoins des familles.

 

La contribution que je propose aujourd’hui s’attache à trois pans de notre politique familiale à savoir :

 

I. La Protection Sociale des Familles

 

Pour mieux protéger l’ensemble des familles et ce, dès le premier enfant, j’ai proposé la création de la Protection Sociale des Familles qui souhaite fusionner les allocations familiales et le quotient familial. Cette mesure permettrait d’allouer plus efficacement le budget dédié, notamment à destination des classes moyennes et modestes, sans pour autant renoncer au principe d’universalité.

Ce nouveau dispositif prend sa source suite aux constats des limites des allocations familiales et du quotient familial, qui sont :

 

      Les limites des allocations familiales :

 

La principale critique qui pourrait être adressée aux allocations familiales est le fait qu’elles ne sont pas versées aux familles dès le premier enfant, alors que les allocations familiales sont le principal outil supposé satisfaire le premier objectif de la politique familiale, à savoir contribuer à la compensation financière des charges de famille.

 

      Les limites du quotient familial :

 

 son incomplétude : ne bénéficie qu’aux foyers imposables. Or, ceux-ci sont minoritaires : 6 ménages sur 10 échappent à l’impôt sur le revenu

 sa complexité

 son défaut d’identification comme un outil à part entière de la politique familiale. Le quotient familial n’est pas perçu comme un effort de la Nation envers les familles.

 

À ces défauts intrinsèques à chacun des deux dispositifs, s’ajoute leur insuffisante articulation.

 

Pour illustrer la possibilité d’une meilleure cohérence entre les dispositifs, la Cour des Comptes prend l’exemple de l’Allemagne, où l’abattement fiscal permettant la prise en compte des charges de famille dans l’impôt n’est pas cumulable avec les allocations familiales, l’administration fiscale appliquant le dispositif le plus favorable à chaque ménage.

 

Aussi, malgré sa puissance budgétaire, la politique familiale actuelle n’atteint aucun de ses grands objectifs précités.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de refondre les allocations familiales et le quotient familial dans un dispositif unique : La Protection Sociale des Familles (PSF). 

Cette PSF s’adresserait à toutes les familles en fonction de leurs revenus et serait versée dès le premier enfant.

Cette transformation ne mobiliserait pas de dépenses supplémentaires pour l’Etat car reposerait sur la « fusion » de deux budgets préexistants.

 

La transformation proposée aurait des effets distributifs majeurs en phase avec les objectifs de lutte contre la pauvreté des enfants tout en réintroduisant la réalité du principe d’universalité. Cette transformation aurait pour conséquence d’apporter un soutien supplémentaire aux classes moyennes et modestes, ces dernières étant pour une large part non redevables de l’impôt sur le revenu, donc par construction non bénéficiaires, en l’état actuel, du quotient familial.

Il me semble nécessaire de préciser que la mesure que je souhaite défendre n’a aucunement comme finalité de remettre en cause l’ensemble des avantages sociaux dont certaines familles bénéficient du fait de leur ressource ou du lieu de leur domicile.  Ces avantages sociaux sont multiples, ils peuvent concerner notamment les transports, les cantines ou encore pour les centres aérés.

Au contraire, l’objectif du dispositif que je défends est que l’ensemble des familles en plus des avantages sociaux puisse bénéficier de la Protection Sociale des Familles.

 

      Le congé parental :

 

Pour deux tiers des hommes et des femmes il est très difficile de réussir sa vie professionnelle sans sacrifier sa vie privée et 23% des salariés (34 % de cadres) déclarent travailler à domicile, en dehors des horaires de travail.

 Partant du fait que la première attente de la génération Y vis-à-vis du travail est la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, il semble essentiel de concentrer une partie de nos réflexions sur l’amélioration du congé parental.

 

Un congé parental fractionnable et mieux rémunéré serait souhaitable. Ce dernier serait plus court (4 mois) et mieux rémunéré (50% du salaire) que l’actuelle prestation partagée d’éducation de l’enfant. L’enjeu est d’atteindre une meilleure répartition des congés au sein du couple, mais aussi de réduire son activité professionnelle sans s’éloigner du marché du travail. Cette proposition comporte une implication financière et budgétaire conséquente qu’il convient d’appréhender pleinement à la lumière des orientations de la Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) 2018-2022.

La logique qui a présidé à la création de la Prestation Partagée d’éducation de l’Enfant (PréParE) est l’incitation au partage de congés au sein du couple. Cette volonté du Gouvernement et de la majorité reposait sur le constat que la quasi-totalité des bénéficiaires du Complément de Libre Choix d’Activité (CLCA) étaient des femmes : 96,5 % des 540 000 bénéficiaires enregistrés en 2011, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Cet état de fait a eu des conséquences néfastes sur la poursuite de la carrière des femmes, voire sur leurs opportunités de retour à l’emploi. Conditionner la durée maximale de versement de la prestation au partage de l’inactivité entre les hommes et les femmes devait alors favoriser le rééquilibrage de la situation.

Lorsque la question de la PréParE a été évoquée au cours des auditions conduites par la mission, la proposition formulée par les interlocuteurs des rapporteurs a toujours été la même, à savoir la mise en place d’un congé plus court, mais mieux rémunéré.

 

Je considère que le plein bénéfice de la future prestation devra être conditionné à un partage du congé entre les deux parents, avec une possibilité de fractionnement ; c’est-à-dire la possibilité de bénéficier de plusieurs jours non successifs de congé parental dans un même mois afin de concilier vie professionnelle et vie personnelle tout en augmentant de ce fait le recours des hommes et des femmes à de tels congés.

 

      Développer le data mining « positif »

 

Le data mining consiste en « un ensemble de méthodes qui permettent d’extraire de l’information (de façon semi-automatique) de grandes bases de données » [228].

Cette méthode est aujourd’hui utilisée par la branche famille afin de définir les caractéristiques des allocataires concernés par la survenue d’un indu. Elle permet ainsi de prévoir ce risque et de déclencher des contrôles ciblés sur les allocataires dont les dossiers présentent le plus de risques.

 

Si le data mining est aujourd’hui utilisé uniquement pour identifier les dossiers présentant des risques de fraude, il pourrait également permettre de repérer ceux de personnes éligibles à des prestations non demandées.

Une telle démarche a été engagée au sein de la CAF de Gironde, où une enquête sur le non-recours aux droits a été conduite entre janvier et avril 2017, auprès d’un échantillon de 1200 allocataires. Il s’agissait d’apprécier le nombre d’allocataires de la CAF ne percevant pas toutes les prestations légales auxquelles ils pouvaient prétendre à la date de l’enquête. Le non-recours ainsi étudié ne constitue donc qu’une partie du phénomène, puisqu’il n’inclut pas les personnes qui ne sont pas allocataires, et qui pourraient pourtant bénéficier de prestations légales.

Il ressort de cette enquête qu’environ 12 % des allocataires de la CAF de Gironde sont en situation de non-recours potentiel à au moins une prestation. Lorsque la CAF a contacté les allocataires concernés, un quart d’entre eux a effectivement demandé l’ouverture des droits dont ils ne bénéficiaient pas, pour un montant mensuel moyen de 210 euros supplémentaires.

Cette étude visait dans un premier temps à apprécier l’importance du phénomène de non-recours, avant d’engager dans un second temps la construction d’un modèle statistique prédictif de data mining. Ce modèle permettra d’identifier les dossiers d’allocataires qui ont de fortes chances d’être concernés par un non- recours potentiel à au moins une prestation légale.

Les rapporteurs saluent l’expérimentation menée par la CAF de Gironde et souhaitent qu’elle puisse être généralisée à l’ensemble des caisses afin de faciliter la détection des cas de non-recours aux droits.

 

La conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale :

 

      Confier la délivrance de l’agrément des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et des maisons d’assistants maternels (MAM) aux caisses d’allocations familiales (CAF).

Il apparait que de nombreuses règles applicables aux EAJE et aux MAM dépassent le strict champ de compétence de services de PMI. Ces règles concernent en particulier les normes de construction des bâtiments et de restauration collective, mais également l’articulation entre les différentes règles relatives au droit du travail des assistants maternels et du personnel des EAJE.

C’est pourquoi j’estime que l’ouverture des EAJE et des MAM pourrait être conditionnée à un contrôle administratif de la CAF.

Un contrôle par la CAF pourrait permettre de garantir l’application uniforme de la réglementation existante sur tout le territoire, tout en maintenant un haut niveau de qualité des conditions d’accueil des jeunes enfants.

Dans le même temps, les médecins de PMI, que les conseils départementaux peinent par ailleurs à recruter, pourraient se concentrer sur leur mission principale de protection et de promotion de la santé des femmes enceintes et des jeunes enfants.

 

      Aménagement du temps de travail

 

Des mesures d’aménagement du temps de travail sont à développer en France.

Aujourd’hui, les entreprises françaises peuvent déjà mettre en place des formes souples d’aménagement du temps de travail dans le cadre de l’obligation annuelle de négocier sur la qualité de vie au travail, qui doit porter notamment sur l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, ou dans le cadre de la négociation annuelle sur le temps de travail.

Si l’aménagement du temps de travail relève majoritairement du champ de la négociation collective, l’État a néanmoins un rôle à jouer en afin de favoriser des modes d’organisation du travail plus favorables à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Les rapporteurs estiment que la France devrait mettre en place des mesures plus fortes. Ces mesures sont destinées à développer les emplois où les horaires sont flexibles et prévisibles. Du fait de ces mesures, les salariés peuvent aisément concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Le fait d’ouvrir ce droit à l’ensemble des salariés, et pas seulement aux salariés avec enfants, vise à éviter les discriminations à l’embauche dont pourraient être victimes ces derniers s’ils étaient les seuls à bénéficier de dérogations en matière de temps de travail.

 

La parentalité :

 

      Recenser les actions conduites en matière de soutien à la parentalité, les moyens qui leur sont consacrés, leurs sources de financement et les acteurs impliqués

 

Les cinq dispositifs au « cœur » de la parentalité sont les réseaux d’écoute et d’appui aux parents (REAAP), les lieux d’accueil enfants-parents (LAEP), les contrats locaux d’accompagnement à la scolarité (CLAS), la médiation familiale (MF) et les espaces de rencontre (ER).

Ils s’adressent à tous les parents quel que soit l’âge des enfants et la composition familiale, Le soutien à la parentalité revêt un enjeu particulier, à savoir la banalisation du recours aux services qu’il offre, « pour que toutes les familles qui le souhaitent puissent y accéder, s’entraider et partager leurs expériences, sans peur d’être jugées » .

Ces dispositifs ont pour objet de répondre aux quatre objectifs spécifiques explicitement poursuivis par la branche famille en matière de soutien à la parentalité : favoriser la qualité du lien d’attachement parents-enfants ; apporter un appui aux parents par la création et le renforcement des liens sociaux ; renforcer le lien entre les familles et l’école et offrir les ressources dont l’enfant a besoin pour développer ses compétences ; prévenir la rupture du lien familial et favoriser l’élaboration d’accords dans l’intérêt de l’enfant.

Dans son rapport de 2013, l’IGAS constatait que l’une des faiblesses du soutien à la parentalité était son déficit de lisibilité et d’accessibilité, résultant « de la multiplicité des dispositifs et labels, avec des acronymes méconnus et incompréhensibles » (2) ; malgré la quasi-disparition des points info famille (PIF) existant alors, ce constat est hélas encore valable aujourd’hui.

Le manque de lisibilité se retrouve également dans le financement des actions. Les dépenses de la branche famille consacrées à la parentalité, concentrées sur les cinq dispositifs précités, se sont élevées à 102,7 millions d’euros en 2016, dernière année pour laquelle des données consolidées sont disponibles. Ce montant a progressé de manière significative au cours des dernières années, puisqu’il était de seulement 70,4 millions d’euros en 2013 (+ 31 %). Comme le montre le tableau suivant, les CLAS et les REAAP constituent les deux principaux postes de dépenses.

      Par conséquent, il convient de recenser les actions conduites en matière de soutien à la parentalité, les moyens qui leur sont consacrés, leurs sources de financement et les acteurs impliqués

 

      Créer un site Internet d’information générale sur les actions de soutien à la parentalité

Au-delà de ce travail certes utile sur le plan de la connaissance, mais qui prendra nécessairement du temps et n’aura pas dans un premier temps d’effet autre qu’informatif, il conviendrait de faire en sorte que les dispositifs existants soient mieux connus des parents, afin d’être davantage utilisés par eux. Cela implique tout d’abord de réaliser l’un des objectifs de la COG 2013-2017, à savoir la création d’un site Internet dédié à la parentalité, recensant les offres déjà connues.

 


Contribution de Jean-Louis Bourlanges pour le groupe Modem

 au rapport de Mme Nathalie Elimas sur

L’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle

 

Le groupe Modem se reconnaît pleinement dans les analyses et les propositions de notre collègue, Mme Nathalie Elimas sur la politique familiale française. Il ne saurait être question de paraphraser les développements argumentés de la rapporteure. On se contentera ici de faire deux séries d’observation : les unes pour souligner l’importance majeure que revêt aux yeux de notre groupe la politique familiale ; les secondes pour donner deux coups de projecteur particuliers sur certains aspects du prélèvement fiscal et du transfert social constitutifs de cette politique.

 

I -  La famille constitue un enjeu politique majeur :

Les parlementaires du Modem considèrent que la politique familiale est une politique essentielle pour quatre raisons principales :

1/ C’est une politique qui engage l’essentiel : la survie de la société, la transmission de son patrimoine matériel, intellectuel et moral, la préservation de son dynamisme et de sa capacité à survivre et à se recréer dans l’histoire. Notre groupe partage en profondeur les inquiétudes exprimées de longue date par Hannah Arendt sur la crise de la civilisation. Comme l’illustre philosophe, nous pensons que nos sociétés sont profondément affaiblies par un passé qui ne nous porte plus et par un avenir que nous abordons à reculons. Tocqueville l’avait écrit : « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’homme s’avance dans les ténèbres ». Nous sommes convaincus que la politique familiale est un maillon décisif dans la reconstitution d’un lien fort entre le passé et l’avenir.

2/ C’est une politique multisectorielle. Même si le rapport de Nathalie Elimas se concentre bien évidement sur les enjeux proprement familiaux du dossier, les propositions qu’elle formule trouvent leur pleine signification dans le cadre d’une action qui engage en fait l’ensemble du service public, qu’il soit assuré par l’Etat, les collectivités territoriales ou les administrations sociales. La politique familiale est au carrefour de toutes les priorités de la puissance publique.

3/ C’est une politique où se jouent les deux valeurs centrales de nos sociétés :

-          La liberté dans la mesure où la politique familiale consacre le rôle central et incontournable de chaque famille dans la préparation à la vie d’hommes et de femmes, de citoyens et de citoyennes, d’acteurs et d’actrices économiques et sociaux libres et responsables. Dans cette tâche essentielle, l’Etat est le garant de la justice et de l’égalité. Il est un apporteur de moyens mais la responsabilité première revient à la famille.

-          L’égalité dans la mesure où la politique familiale est à l’intersection de trois luttes contre les inégalités : entre les riches et les pauvres puisqu’elle vise d’abord à assurer l’égalité des chances entre tous les enfants ; entre les familles qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas ; et enfin entre les femmes et les hommes.

4/ C’est une politique qui est affectée par les transformations en profondeur de notre société. On relèvera en particulier :

-          La mise en cause de l’inégalité millénaire entre les hommes et les femmes. Il faut avoir présent à l’esprit que les propositions faites à cet égard, en particulier celles de Nathalie Elimas, s’attaquent à l’une des formes les moins justifiées mais les plus anciennes de l’inégalité. Comme l’ont montré les travaux des ethnologues les moins contestés telle Germaine Tillion, l’inégalité entre les hommes et les femmes et, pour être plus précis, la soumission des secondes aux premiers, est contemporaine de la révolution néolithique. Ce sont donc dix-mille ans de notre histoire que les générations actuelles sont occupées à réécrire. Cette révolution affecte au premier chef la répartition des rôles au sein de la famille et justifie les mesures précises que le rapport de Mme Elimas propose opportunément.

 

-          La recomposition. Le rapport de Mme Elimas n’aborde qu’indirectement les problèmes posés par l’instabilité croissante des familles liée au développement de l’individualisme et sans doute à une valorisation renforcée du lien affectif dans la constitution des unions. On pourrait suggérer à la rapporteure d’étendre et de développer sa réflexion dans un domaine sur une question qui n’est pas sans poser des problèmes complexes et parfois très aigus dans la société actuelle.

 

 

-          Le développement de l’homoparentalité et l’adaptation des lois bioéthiques. Pour un groupe comme le Modem, dont certains membres sont très attentifs à la doctrine morale de l’Eglise, ces questions revêtent une gravité particulière. Mme Elimas les aborde dans un esprit d’ouverture et d’équilibre qui recueille l’approbation des membres de notre groupe. La légitimité de la famille homoparentale ne saurait à nos yeux être constatée dans la mesure où aucune étude n’a fait paraître à ce jour que cette modalité de l’organisation familiale serait créatrice de souffrances ou de difficultés particulières pour les enfants. Les membres du Modem, qui ne sont pas unanimes à soutenir les modifications en discussion de la législation bioéthique, même s’ils sont en majorité favorables à celle-ci, sont en revanche tous préoccupés par les dérives potentielles d’une dissociation incontrôlée des fonctions de procréation et de prise en charge des enfants. Ils sont attentifs à conjurer le double risque d’eugénisme et de marchandisation auxquelles des évolutions mal encadrées moralement et légalement pourraient donner lieu.

 

II - Deux réflexions sur les transferts financiers liés à la politique familiale :

1/ Le quotient familial : le rapport propose une remise en cause progressive des mesures de plafonnement du quotient familial. Ces propositions s’inscrivent en droite ligne des positions inlassablement défendues et jamais entendues des représentants du groupe Modem dans le cadre des discussions budgétaires successives. Le rapport propose également des modifications fort bienvenues du calcul de ce quotient, modifications visant en particulier à soutenir les familles soucieuses d’avoir un deuxième enfant. Il est clair que la baisse actuelle de la natalité modifie la nature des mesures fiscales à mettre en œuvre car l’enjeu décisif en termes démographiques a cessé d’être le troisième enfant pour devenir le deuxième.

Au-delà du soutien que les membres du groupe Modem apportent aux dispositions fiscales envisagées par le rapport, il leur paraît essentiel de rappeler que le quotient familial n’est pas une niche fiscale. Ce n’est pas en effet un avantage dérogatoire consenti à certaines catégories de Français à des fins d’encouragement à la natalité. Si tel était le cas, on pourrait considérer le dispositif de quotient familial comme contre-distributif et donc abusif. Le mécanisme des parts bénéficie en effet au contribuable acquittant l’impôt et non aux autres, et parmi ceux qui acquittent l’impôt, aux titulaires des revenus les plus élevés. Aussi bien le quotient familial est-il la cible de trois adversaires principaux : les défenseurs des bas revenus qui y voient un avantage indu au bénéfice des titulaires des hauts revenus, les technocrates qui y voient une diminution de recette particulièrement mal venue en un temps budgétairement difficile, et les anti-familialistes qui ont toujours considérés comme inéquitable de payer pour les enfants des autres.

 

Les membres du groupe Modem sont à l’inverse convaincus de la profonde iniquité d’un mécanisme visant à plafonner voire à supprimer les effets du quotient familial. Ils dénoncent en effet le sophisme qu’il y aurait à calculer le niveau d’un revenu à taxer indépendamment du nombre de gens qui vivent sur ce revenu. Il est absurde de considérer que le revenu d’une famille comportant deux parents et, par exemple deux, trois, voire quatre ou cinq enfants serait identique à ce même revenu revenant à un couple sans enfant. Ce serait aussi absurde que de considérer qu’un Chinois est plus riche qu’un Monégasque parce que le PIB de la Chine est évidement plus élevé que Monaco alors que le PIB d’un Monégasque moyen est évidemment sans commune mesure plus élevé que celui d’un Chinois moyen. La progressivité de l’impôt ne peut sans injustice flagrante, ignorer le nombre de personne vivant du revenu frappé. Elle le peut d’autant moins que la prise en charge et la formation d’un enfant s’analysent aussi comme un transfert financier de ceux qui en assument la responsabilité vers ceux qui bénéficieront le moment venu de la richesse créée par ces enfants parvenus à l’âge adulte.

 

-          L’universalité des allocations familiales : Le rapport propose de réaffirmer le principe de l’universalité des prestations familiales, sévèrement remis en cause par une politique dite de « modulation » qui agit comme un véritable couperet frappant les prestations accordées aux titulaires de revenus moyens. La plupart des membres du groupe Modem s’associe à cette proposition.

Reconnaissons toutefois qu’elle mérite d’être discutée. Par nature, les allocations familiales ne sont pas en effet comparables aux dispositions du quotient familial. Les premières constituent une aide à caractère social visant à permettre à tous les enfants, y compris à ceux qui appartiennent à des foyers modestes, de vivre dans des conditions décentes. Ce sont donc des aides à caractère social contribuant à l’égalité des chances. Le quotient familial est, en revanche, comme on l’a dit, une mesure d’équité fiscale visant à respecter un principe indiscutable : à revenu égal, prélèvement égal. Le rapport a, en revanche, le mérite de signaler la brutalité injuste de l’effet de seuil créé par une fausse modulation. La solution que nombre de nos collègues souhaiteraient voir reprise passerait par la suppression du plafonnement des allocations combiné avec leur majoration et leur intégration au revenu imposable. Ainsi l’universalité de l’allocation se combinerait-elle avec une modulation raisonnable de ces effets pratiques.

 

Ces considérations sur l’universalité des prestations familiales doivent, selon nous, s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus vaste concernant non seulement la politique familiale, mais l’ensemble des transferts sociaux assumés par la puissance publique. Ce n’est pas le moindre mérite du rapport de Mme Elimas que de nous inciter à élargir ainsi notre réflexion en posant un regard critique sur l’une des principales plaies des mécanismes de transfert aujourd’hui en usage : les effets de seuil. Les principaux dispositifs de transferts sociaux ont en effet été conçus il y a 50 ans dans le cadre de la « nouvelle société » mise en place par Jacques Chaban-Delmas. Ils reposent sur un principe simple : la soumission du bénéfice des aides à des conditions de revenu. Ce mécanisme comporte trois effets pervers : il décourage l’accès à l’emploi et à l’avancement social en neutralisant l’augmentation potentiel des revenus ; il fait, de ce fait, obstacle aux gains de productivité en maintenant en place une proportion excessive de salariés mal payés et mal formés ; il créé une fragmentation sociale artificielle et propre à développer les antagonismes entre salariés pauvres et moyens. Les seuils sont donc porteurs de la discorde sociale.  Il s’agit donc de retrouver l’inspiration progressiste qui était celle de Jacques Chaban-Delmas et de Jacques Delors en 1969 mais de limiter, voire d’éliminer, les effets pervers liés à la multiplication – on les compte par milliers – des seuils dans l’ensemble de la législation économique et sociale.

 

A la lumière de ces considérations, il serait intéressant d’engager la réflexion sur l’introduction d’un revenu authentiquement universel en prenant bien soin d’éviter les caricatures trop souvent présentées sous cette appellation. L’idée devrait être d’accorder à chaque Français, adulte, jeune et enfant, une aide au revenu qui serait forfaitaire, allouée sans conditions de ressources ni d’activité (les titulaires d’un emploi en bénéficieraient donc). Cette allocation, qui connaîtrait une montée en charge très progressive, serait financée par un prélèvement proportionnel (de type CSG) sur tous les revenus. La progressivité serait donc obtenue par la combinaison du caractère forfaitaire d’une subvention par capitation et, à l’inverse, du caractère proportionnel au revenu du prélèvement. Les titulaires de très hauts revenus recevraient donc la subvention de capitation au même titre qu’un SDF dénué de tout revenu, mais la financeraient un très grand nombre de fois par le biais du prélèvement proportionnel. Ce schéma rejoint celui d’économistes distingués comme François Bourguignon et Pierre-André Chiappori.

 

La montée en charge d’un tel dispositif devrait être évidemment très progressif afin d’éviter ses effets traumatisants. Il pourrait toutefois se substituer graduellement aux allocations familiales, à la prime d’activité et à une part du RSA. On ne saurait bien sûr accorder à ces réflexions de principe la valeur d’une véritable proposition opérationnelle. Nous pensons cependant au sein du groupe Modem, qu’elles sont de nature à ouvrir une piste légitimement susceptible d’être empruntée.

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) L’expression de famille homoparentale n’est pas la plus heureuse, puisqu’elle impliquerait que l’homosexualité du ou des parents ait un impact sur la manière de « faire famille ». Elle est toutefois communément utilisée pour désigner les familles dont les parents sont de même sexe.

([3])  Élisabeth Algava, Sandrine Penant, division Enquêtes et études démographiques, Insee «  En 2018, 266 000 personnes vivent en couple avec un conjoint de même sexe », 19 septembre 2019.

([4]) Ces difficultés tiennent notamment au faible nombre, en absolu, de couples de même sexe recensés en tant que personnes qui cohabitent. Une erreur de codage sur le sexe, même de faible ampleur, pourrait conduire à une erreur relativement importante dans la comptabilisation totale du nombre de couples de même sexe. La comptabilisation des couples de même sexe cohabitant avec un enfant ne permet par ailleurs pas de prendre en compte un certain nombre de situations alternatives, telles qu’un parent homosexuel isolé qui vit avec un enfant de moins de 25 ans.

([5]) Programme de qualité et d’efficience. Ces documents annexés au PLFSS permettent, grâce à un ensemble d’indicateurs, de mesurer la performance de chacune des branches de la sécurité sociale dans son champ d’action.

([6]) Philippe Ariès, L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Seuil, 1973.

([7]) Ulrich Beck, La Société du risque, Alto-Aubier, 2001

([8]) Commaille, Jacques, Pierre Strobel, et Michel Villac. « Conclusion Au fondement d'une nouvelle action publique », Michel Villac éd., La politique de la famille. La Découverte, 2002, pp. 100-108.

([9])  Irène Théry, Anne-Marie Leroyer, op.cit.

([10])Irène Théry, Anne-Marie Leroyer,« Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », 2014, Rapport du groupe de travail Filiation, origines, parentalité.

([11]) Article 165 du code civil.

([12])  Trésor-éco n° 142, « Enfants, politique familiale et fiscalité : Les transferts du système socio-fiscal aux familles en 2014 », janvier 2015.

([13])  Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2020 prévoit ainsi un déficit de 49,9 milliards d’euros pour le régime général en 2020, contre 0,4 milliard d’euros en 2019 - https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/CCSS/2020/RAPPORT%20CCSS%20JUIN%202020.pdf

([14]) Les allocations familiales sont versées dès le premier enfant dans les départements d’outre-mer, afin de répondre à un coût de la vie particulièrement élevé.

([15]) Résultant de l’adoption d’un amendement déposé en séance publique par notre ancienne collègue Marie-Françoise Clergeau, alors rapporteure de la branche famille du PLFSS au nom de la Commission des affaires sociales. Un amendement identique avait été déposé par l’ensemble des membres du groupe alors majoritaire, et l’Assemblée avait en outre adopté un sous-amendement du Gouvernement : http://www2.assemblee-nationale.fr/user_download/09/BsCR1RpJAWzbjJx-1.pdf

([16]) Revalorisée le 1er avril de chaque année sur l’inflation (hors tabac), cette base mensuelle est actuellement de 414,40 euros.

([17]) Revenu diminué des charges (par exemple pensions alimentaires) et des abattements fiscaux (par exemple en cas d’invalidité).

([18]) La majoration ne s’applique pas au sein des familles de deux enfants dont seul l’aîné a plus de 14 ans.

([19]) En 2018, 83,44 euros pour la première tranche, 41,72 euros pour la deuxième (soit la moitié) et 20,86 pour la troisième (soit le quart).

([20]) Dans des conditions d’une technicité telle que leur description alourdirait la présentation du présent rapport, mais qui sont très clairement exposées au lien suivant : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F13213

([21]) Pour l’année 2015 : « Prestations versées par les CAF : quasi-stabilité du nombre de foyers allocataires en 2015 », in L’e-ssentiel, n° 164, juin 2016

(http://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/Dser/essentiel/essentiel%20-%20prestations%20l%C3%A9gales%202015.pdf).

([22]) Le Figaro, 28 septembre 2017 - https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/09/28/20002-20170928ARTFIG00258-veran-lrem-je-suis-favorable-a-la-suppression-de-l-universalite-des-allocations-familiales.php

([23]) Le Parisien, 3 octobre 2017 - http://www.leparisien.fr/economie/votre-argent/bruno-le-maire-pas-ferme-a-la-fin-des-allocations-familiales-pour-les-plus-riches-03-10-2017-7306320.php

([24]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf

([25]) Page 481.  

([26]) https://www.lefigaro.fr/societes/l-italie-deploie-un-plan-pour-soutenir-la-natalite-20200612  

([27]) Les modalités d’imposition au niveau du foyer sont déterminées par l’article 6 du code général des impôts.

([28]) « 10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans lincapacité de travailler a le droit dobtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

([29]) Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, considérant 33.

([30]) Ou uni par un pacte civil de solidarité (PACS).

([31]) Un enfant est en général considéré comme à charge jusqu’à sa majorité (article 196 du code général des impôts). Toutefois, un enfant peut être rattaché au foyer de ses parents jusqu’à 21 ans, voire 25 ans s’il poursuit des études ; il « apporte » alors une demi-part supplémentaire au foyer fiscal (article 6 du même code).

([32]) https://www.unaf.fr/spip.php?article16007

([33]) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/hcfea-note_synthese_-_pauvrete_et_familles_-5_juin.pdf

([34]) Décret n° 2012-830 du 27 juin 2012.

([35]) C. Bonnet, B. Garbinti, A. Solaz, Les variations de niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d’un divorce ou d’une rupture de Pacs, Insee Références Couples et Familles Édition 2015.

([36]) GAS, IGF, IGSJ, Rapport sur la création d’une agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, septembre 2016.

([37]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

([38]) OFCE Policy Brief 67, 6 mai 2020 - https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief67.pdf

([39]) https://www.unaf.fr/spip.php?article26454

([40]) Michel Mouillart, Rapport 2016 de l’observatoire des crédits aux ménages, Mars 2017- http://www.fbf.fr/fr/files/ANKEX5/Rapport-annuel-observatoire-credits-menages-1ere-partie-2017.pdf    

([41]) Calculs réalisés par l’UNAF à partir de l’enquête Emploi de 2014.

([42]) Pôle Emploi s’est également chargé du versement de l’aide pour les bénéficiaires de l’ASS que la branche famille ne sert pas à un autre titre.

([43]) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/22-15.pdf

([44]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Les retraités et les retraites », Édition 2019.

([45]) DREES, « Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite », Dossiers solidarité et santé, n° 72, janvier 2016.

([46]) INSEE, « Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant », INSEE Analyses, n° 48, octobre 2019.

([47]) Articles L. 351-4, R. 173-15 à R. 173-16 du code de la sécurité sociale.  

([48]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2623_projet-loi#  

([49]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b1160_proposition-loi#  

([50]) Article 8 de la loi n° 2014-873.  

([51]) http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2018-124R-2.pdf

([52]) Enquête commandée par la CNAF et menée auprès des familles bénéficiaires de la PreParE en décembre 2016 au titre de leur enfant né en 2015 qui ne bénéficiaient plus de la PreParE en janvier 2018. Plus de 100 000 familles ont été contactées.

([53]) MF Clergeau, Rapport d’information sur la prestation d’accueil du jeune enfant, juillet 2009 - http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1801.asp

([54]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L1158&from=EN

([55])  À l’exception des départements d’Outre-mer où les allocations familiales sont versées dès le premier enfant.

([56]) Audition de Mme Irène Théry, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), par la mission d’information, 9 septembre 2019 – voir le compte-rendu en annexe du présent rapport.

([57]) Audition de M. François de Singly, professeur émérite de sociologie, Université Paris Descartes, par la mission d’information, 9 septembre 2019 – voir le compte-rendu en annexe du présent rapport.

([58]) Audition de Mme Irène Théry, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), par la mission d’information, 9 septembre 2019 – voir le compte-rendu en annexe du présent rapport.

([59]) Audition de M. Michel Messu, professeur honoraire PHILéPOL Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, 16 septembre 2019 – voir le compte-rendu en annexe du présent rapport.

([60]) Source : Commission des comptes du logement, rapport sur le compte du logement 2018, septembre 2019.

([61]) L’Insee définit la résidence principale comme « un logement occupé de façon habituelle et à titre principal par au moins une personne du ménage ».

([62]) Insee, France, portrait social, édition 2019.

([63]) Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([64]) Source : Haut Conseil à la famille, note sur les familles et le logement, 10 mai 2012.

([65]) Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([66]) Source : Ministère des Solidarités et de la Santé, les ruptures familiales, les séparations et les familles séparées, juillet 2018.

([67]) Catherine Bonvalet, « Logement et vie familiale, un parcours résidentiel en mutations », in Informations sociales 2005/3, revue éditée par la Caisse nationale d’allocations familiales.

([68]) Source : Insee, comptes nationaux ; SDES, compte du logement.

([69]) Ibid.

([70]) Haut Conseil à la famille, note sur les familles et le logement, 10 mai 2012.

([71]) Fondation Abbé Pierre, Létat du mal-logement en France, 2018.

([72]) Insee, France, portrait social, édition 2019.

([73]) La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit qu’un logement décent doit avoir une surface minimale de 9 m2 et une haute sous plafond minimal de 2,20 m.

([74]) Source : Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([75]) DREES, « Près d’un ménage sur quatre vit dans un logement présentant au moins un défaut de qualité », in Etudes & Résultats n° 1063, mai 2018.

([76]) Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([77]) Article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

([78]) Fondation Abbé Pierre, Létat du mal-logement en France, 2018.

([79]) À celles-ci viennent s’ajouter 22 500 personnes qui dépendent du dispositif national d’accueil pour demandeur d’asile (DNA) et sont hébergées en centres d’accueil ou dans des centres provisoires d’hébergement.

([80]) Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([81]) Fondation Abbé Pierre, Létat du mal-logement en France, 2018.

([82]) Extrait de l’article 27 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 puis signée par la France le 26 janvier 1990 et dont la ratification a été autorisée par une loi du 2 juillet 1990 (la ratification est intervenue le 7 août 1990).

([83]) Sont ici prises en compte les politiques concernant les logements ordinaires et non pas les logements d’urgence et hébergements temporaires.

([84]) Existe également une troisième aide personnelle au logement : l’allocation logement sociale qui est destinée aux personnes qui ne sont éligibles ni à l’APL ni à l’ALF et qui bénéficie le plus souvent à des personnes isolées.

([85]) Source : Commission des comptes du logement, rapport sur le compte du logement 2018, septembre 2019.

([86]) Source : DREES, « Les bénéficiaires d’aides au logement : profils et conditions de vie », in Les dossiers de la DREES n° 42, octobre 2019.

([87]) DREES, « Les bénéficiaires d’aides au logement : profils et conditions de vie », in Les dossiers de la DREES n° 42, octobre 2019.

([88]) Source : Insee, « 11 millions de personnes sont locataires d’un logement social », in Insee Première n° 1715, octobre 2018.

([89]) UNAF, Enquête sur l’habitat des familles réalisée par le Réseau national des observatoires des familles, avril 2012.

([90]) Insee, Les conditions de logement en France, édition 2017.

([91]) Catherine Bonvalet, « Logement et vie familiale, un parcours résidentiel en mutations », in Informations sociales 2005/3, revue éditée par la Caisse nationale d’allocations familiales.

([92]) Ibid.

([93]) A ce sujet voir le rapport de l’enquête demandée par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale sur les aides de l’État à l’accession à la propriété, réalisée par la Cour des comptes, novembre 2016.

([94]) Source : Insee, enquête Emploi du temps, 2010-2011.

([95]) Insee, Couples et familles, édition 2015.

([96]) Sur ce sujet, voir Institut national des études démographiques (Ined), Arnaud Régnier-Loilier, « L’arrivée d’un enfant modifie-t-elle la répartition des tâches domestiques au sein du couple ? », in Population & Sociétés n° 461, novembre 2009.

([97]) Insee, Couples et familles, édition 2015.

([98]) Secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, chiffres clés, édition 2017.

([99]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([100]) Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Le confinement : un révélateur des rôles sociaux des femmes et des hommes, 14 avril 2020.

([101]) Secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, étude sur l’impact du confinement sur les inégalités femmes/hommes réalisée par Harris interactive, avril 2020.

([102]) Le Point, interview de Marlène Schiappa, Secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, 16 avril 2020.

([103]) Consulter la tribune : http://www.fionalazaar.fr/index.php/2020/03/29/tribune-confinement-a-la-maison-il-faut-partager-les-taches-et-la-charge-mentale/

([104]) Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Violence conjugales et confinement : la seule solution de protection est l’éviction des agresseurs, 31 mars 2020.

([105]) Consulter le communiqué : https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/enfance-en-danger-le-gouvernement-mobilise

([106]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([107]) Le rapport intitulé "Le télétravail en France, situation actuelle, perspectives de développement et aspects juridiques" définit le télétravail comme « une modalité d’organisation ou d’exécution d’un travail exercé à titre habituel, par une personne physique, dans les conditions suivantes : d’une part, ce travail s’effectue à distance, c’est-à-dire hors des abords immédiats de l’endroit où le résultat de ce travail est attendu ; en dehors de toute possibilité physique pour le donneur d’ordre de surveiller l’exécution de la prestation par le télétravailleur ; d’autre part, ce travail s’effectue au moyen de l’outil informatique et/ou des outils de télécommunication, y compris au moyen de systèmes informatiques de communication à distance : des données utiles à la réalisation du travail demandé et/ou du travail réalisé ou en cours de réalisation ».

([108]) Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives.

([109]) Insee, Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ?, novembre 2019.

([110]) Article L. 1222-11 du code du travail : « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés ».

([111]) Consulter le guide du télétravail réalisé pour le déconfinement en mai 2020 : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/qr-teletravail-deconfinement.pdf

([112]) Insee, Le télétravail permet-il d’améliorer les conditions de travail des cadres ?, novembre 2019.

([113]) Contribution écrite de la FO transmise à la mission d’information.

([114]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([115]) Voir le compte-rendu de l’audition de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, par la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, 29 mai 2018.

([116]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([117]) Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, rapport d’information n° 2396 sur l’élaboration du Livre Blanc de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes portant sur la lutte contre les violences conjugales, 6 novembre 2019.

([118]) Dares, enquête Conditions de travail - Risque psycho-sociaux 2016.

([119]) Dares, « Conciliation difficile entre vie familiale et vie professionnelle - Quels sont les salariés les plus concernés ? », in Dares Analyses n° 045, septembre 2019.

([120]) Enquête réalisée par l’institut de sondage ViaVoice en partenariat avec l’UNAF. 

([121]) DREES, Enquête de référence Handicap-Santé-Ménages de 2008..

([122]) « Le baromètre des aidants » réalisé par l’institut BVA en 2017.

([123]) Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant, rapport annuel, édition 2019.

([124]) Ibid.

([125]) Ibid.

([126]) Ibid.

([127]) Source : DREES, enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants, 2013.

([128]) Ibid.

([129]) Source : CNAF.

([130]) Programme de qualité et d’efficience (PQE) « famille », annexé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020.

([131]) Contribution écrite de l’UDES transmise à la mission d’information.

([132]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([133]) Contribution écrite de l’UFAL transmise à la mission d’information.

([134]) Contribution écrite de FO transmise à la mission d’information.

([135]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([136]) Ibid.

([137]) Branche famille, Convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF, 2012-2022.

([138]) Contribution écrite de la CFTC transmise à la mission d’information.

([139]) Ibid.

([140]) Branche famille, Convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF, 2012-2022.

([141]) Contribution écrite de l’UFAL transmise à la mission d’information.

([142]) Contribution écrite de l’UFAL transmise à la mission d’information.

([143])  https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_inclusion_handicap_-petite_enfance.pdf

([144]) Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant en 2018, édition 2019.

([145]) « À titre d’illustration, en 2018, les inégalités de niveau de vie au sein des familles avec deux enfants sont d’abord réduites grâce aux prestations familiales (38 % de l’impact redistributif total), puis grâce aux impôts (36 %), aux allocations logement et aux minima sociaux (20 %) et enfin à la prime d’activité (6 %) » : synthèse du Programme de qualité et d’efficience (PQE) « famille », annexé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020.

([146]) Branche famille, COG 2018-2022 – synthèse du bilan d’étape 2018.

([147]) CNAF, enquête « Parentalité », 2016.

([148]) Consulter la stratégie nationale : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/180702_-_dp_-_strategie_nationale_2018-2022vf.pdf.

([149]) Ministère des Solidarités et de la Santé, Tout comprendre sur les 1 000 premiers jours.

([150]) Ibid.

([151]) Ibid.

([152]) IGAS, Évaluation de la politique de soutien à la parentalité, 2013.

([153]) Haut Conseil à la famille, Les politiques de soutien à la parentalité, 22 septembre 2016 .

([154]) Contribution écrite de la FSFM transmise à la mission d’information.

([155]) Contribution écrite de la CNAF transmise à la mission d’information.

([156]) Loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption

([157]) Avis du comité consultatif national d'éthique n° 129 du 18 septembre 2018. Contribution du Comité consultatif national d'éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019.

([158])Avis n° 112 du CCNE,21 octobre 2010 Une réflexion éthique sur la recherche sur les cellules d’origine embryonnaire humaine, et la recherche sur l’embryon humain in vitro.

([159]) Mireille Delmas-Marty. Aux quatre vents du monde. Petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation, Le Seuil, 2016.

([160]) « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » adoptée en assemblée générale le 28 juin 2018.

([161])  Avis du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Avis n° 126, 15 juin 2017.

([162]) Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité

([163]) Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

([164])  Élisabeth Algava, Sandrine Penant, division Enquêtes et études démographiques, Insee «  En 2018, 266 000 personnes vivent en couple avec un conjoint de même sexe », 19 septembre 2019.

([165]) Ces difficultés tiennent notamment au faible nombre, en absolu, de couples de même sexe recensés en tant que personnes qui cohabitent. Une erreur de codage sur le sexe, même de faible ampleur, pourrait conduire à une erreur relativement importante dans la comptabilisation totale du nombre de couples de même sexe. La comptabilisation des couples de même sexe cohabitant avec un enfant ne permet par ailleurs pas de prendre en compte un certain nombre de situations alternatives, telles qu’un parent homosexuel isolé qui vit avec un enfant de moins de 25 ans.

([166]) Ce terme peut paraître mal choisi dans la mesure où il semble indiquer qu’il y aurait une spécificité dans la manière qu’auraient les personnes homosexuelles d’être parents. L’expression « parents de même sexe » devrait donc être privilégiée, même si pour les besoins de la facilité de lecture, le terme « homoparental » a été repris ici.

([167])  Irène Théry, Anne-Marie Leroyer, op..cit.

([168])  Irène Théry, Anne-Marie Leroyer, op..cit.

([169]) Loi du 19 juin 1923.

([170]) ordonnance no 58-1306 du 23 décembre 1958.

([171]) Loi n° 96-604 du 5 juillet 1996.

([172])  Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

([173]) Notamment les rapports de Guy Braibant, « De l’éthique au droit » et de Noelle Lenoir « Aux frontières de la vie : pour une démarche française en matière d’éthique biomédicale ».

([174])  Arrêté du 18 juin 2012 fixant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation.

([175])  Article L. 2141-2 du code de la santé publique.

([176]) Mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([177]) Audition de Mme Sarah Bydlowski, pédopsychiatre, psychanalyste et chercheur, chef de service au département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’Association de santé mentale du 13e arrondissement de Paris (ASM13), chercheur associé au laboratoire de psychologie clinique, psychopathologie et psychanalyse de l’université René-Descartes, dans le cadre de la mission précitée.

([178]) Article L. 1244-3.

([179]) Projet de loi relatif à la bioéthique, déposé le 24 juillet 2019.

([180]) Avis du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), Avis du 15 juin 2017..

([181]) Audition du 13 septembre 2018 de la mission d’information de la Conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique

([182]) Celles-ci parlent, au sein de leur rapport précité, de « déclaration commune anticipée de filiation ».

([183]) Audition du 19 juillet 2018 de la mission d’information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([184]) Audition du 19 juillet 2018 de la mission d’information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([185])  Irène Théry, Anne-Marie Leroyer, op..cit.

([186]) Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, 1788.

([187]) Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017.

([188]) Article 16-7 du code civil, inscription législative en accord avec la solution jurisprudentielle trouvée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mai 1991, tirant la nullité de telles conventions du principe d’indisponibilité du corps humain.

([189]) Même arrêt du 31 mai 1991.

([190]) Citée dans l’audition de Mme Sylviane Agacinski, 9 septembre 2019.

([191])  Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 10-19.053 et Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17.130, D. 2011, p. 1064, obs. X. Labbée. Il a été jugé « qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public »

([192])  Civ. 1re, 13 sept. 2013, n° 12-30.138 et 12-18.315 : AJ fam. 2013. 579, obs. Chénedé, Haftel et Domingo.

([193]) CEDH, 5e sec., 26 juin 2014, Labassee c. France, affaire numéro 65941/11 et Menesson c. France, affaire numéro 65192/11.

([194])  « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

([195]) Audition du 19 juillet 2018 de la mission d’information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

([196]) Audition du 9 septembre 2019.

([197]) Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017

([198]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

([199]) Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, §44.

([200]) Article 17 de la Convention.

([201])  Rapport d'information n° 409 de M. Yves Détraigne et Mme Catherine Tasca : « Défendre les principes, veiller à l'intérêt des enfants - Quelle réponse apporter au contournement du droit français par le recours à l'AMP et à la GPA à l'étranger ? », fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 février 2016.

([202])  Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017.

([203])  « Quelles voies de droit international pour interdire la maternité de substitution ? » Grégor Puppinck, Docteur en droit, Directeur du European Centre for Law and Justice (ECLJ)et Claire de La Hougue, Docteur en droit, avocate, chercheur associé à l’ECLJ. Septembre 2015

([204])  Interview donnée au journal La Croix du 2 octobre 2014.

([205]) Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017.

([206]) Idem.

([207]) Il en va ainsi de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains adoptée à Varsovie, le 16 mai 2005.

([208]) Un seul État partie peut provoquer la réunion de la Conférence des Parties qui ne doit épargner « aucun effort pour parvenir à un consensus sur tout amendement ». À défaut, l’amendement proposé est adopté à la majorité des deux tiers des États Parties puis est soumis à ratification, acceptation ou approbation des États Parties sans approbation préalable de l’Assemblée Générale.

([209]) Audition par la mission d’information de la Conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique, 25 septembre 2018.

([210]) Avis du comité consultatif national d'éthique n° 129 du 18 septembre 2018 Contribution du Comité consultatif national d'éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019

([211]) Tribune « PMA : appel pour un plan fertilité », 24 septembre 2018, https://www.liberation.fr/debats/2018/09/24/pma-appel-pour-un-plan-fertilite_1680925

([212])  Avis n° 126(15 juin 2017). Avis du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP).

([213])  Avis du comité consultatif national d'éthique n° 129 du 18 septembre 2018 Contribution du Comité consultatif national d'éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019.

([214])  Audition du 25 septembre 2018.

([215])  Les études actuellement à disposition tendent à montrer que les enfants nés et/ou élevés au sein de familles homoparentales ne se portent ni moins bien ni mieux que ceux qui sont élevés dans les familles hétéroparentales.

([216]) Avis n° 126 du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), 15 juin 2017

([217]) https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE26-0012

([218]) Audition de la Mission d’information de la Conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique, 3 octobre 2018.

([219]) Étude d’impact du projet de loi relatif à la bioéthique, p.53.

([220]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

([221]) Présentation du 7 juin 2018.

([222]) Audition de la Mission d’information de la Conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique, 3 octobre 2018

[223] Audition de Marc Pichard, professeur des universités, Université Paris-Ouest Nanterre, spécialiste des questions de filiation et de genre en droit civil, le mercred 11 décembre 2019 : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/polfamf/l15polfamf1920013_compte-rendu

[224] Audition, ouverte à la presse, de Mme Irène Théry, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/polfamf/l15polfamf1819004_compte-rendu

[225] Audition, ouverte à la presse, de M. Victor Deschamps, maître de conférences à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, membre du laboratoire de sociologie juridique : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/polfamf/l15polfamf1920007_compte-rendu

[226] Audition, ouverte à la presse, de Mme Isabelle Corpart, maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Haute-Alsace : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/polfamf/l15polfamf1920011_compte-rendu

[227] Lorie Pantani, « Soutenir les projets de parentalité sans compromettre les ambitions professionnelles des femmes », BPW France, juin 2019

[228]  Valérie Monbet, « Introduction au data mining », chapitre 1, cours de l’Université de Rennes 1, 2011 (https://perso.univrennes1.fr/valerie.monbet/doc/cours/IntroDM/Chapitre1.pdf) .