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N° 1801

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prestation d’accueil du jeune enfant

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Marie-Françoise Clergeau,

Députée.

——

INTRODUCTION 7

I.- LA PRESTATION D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT (PAJE) EST DEVENU UN PILIER ESSENTIEL DE LA POLITIQUE FAMILIALE 9

A. LA FRANCE MÈNE UNE POLITIQUE FAMILIALE ACTIVE QUI CONTRIBUE AU DYNAMISME DE LA NATALITÉ 9

1. La France mène depuis plus de cinquante ans une politique familiale active, en particulier en faveur des jeunes enfants 9

a) La priorité donnée à la politique familiale, dont la vocation s’élargit, se concrétise par les financements importants qui lui sont consacrés 9

b) La branche Famille est à nouveau confrontée à la nécessité de maintenir un équilibre financier durable 10

2. Cet effort soutenu et conforté par la création de la PAJE contribue au dynamisme de la natalité 10

a) La France est le pays où la natalité est la plus élevée en Europe 10

b) Le désir d’enfant demeure élevé et, depuis 2004, le taux de fécondité augmente 11

B. LA PAJE EST UNE PRESTATION QUASI UNIVERSELLE 13

1. La PAJE constitue un ensemble d’aides destiné à compenser les charges liées à l’accueil du jeune enfant 14

a) La PAJE est une prestation globale qui vise à mieux répondre aux attentes des familles 14

b) La PAJE se substitue progressivement aux prestations antérieures 16

2. La PAJE bénéficie à près de neuf familles sur dix ayant un enfant en bas âge 16

a) Les allocations d’entretien de la PAJE sont attribuées sous condition de ressources 16

b) Mais toutes les familles peuvent bénéficier, sans condition de ressources, des compléments de la PAJE 17

C. L’EXTENSION DE LA PAJE ET L’AUGMENTATION DU NOMBRE DES NAISSANCES ONT ENTRAÎNÉ UN SURCROÎT DE DÉPENSES IMPORTANT 17

1. La PAJE est versée à plus de 2,2 millions de familles et représente 11,6 milliards d’euros 18

a) Depuis la création de la PAJE, le nombre de bénéficiaires des prestations petite enfance a sensiblement augmenté 18

b) La montée en charge de la PAJE est presque achevée 19

c) Trois bénéficiaires sur cinq perçoivent une seule composante de la PAJE et deux sur cinq cumulent deux ou trois composantes 21

2. L’extension de la PAJE a entraîné un dépassement important des prévisions de dépenses 22

a) Depuis la création de la PAJE, le coût des prestations petite enfance a augmenté d’un tiers 22

b) Le dépassement croissant du coût prévu de la PAJE n’a pas fait l’objet de mesures correctrices réellement efficaces 24

c) Le dépassement du coût prévu de la PAJE résulte d’une sous-évaluation persistante des effets liés à son extension et à la modification du comportement des familles 27

D. L’OBJECTIF DE SIMPLIFICATION N’EST QUE PARTIELLEMENT ATTEINT MAIS LA PAJE EST GLOBALEMENT APPRÉCIÉE PAR LES FAMILLES 30

1. L’objectif de simplification des aides à la petite enfance n’est que partiellement atteint 30

a) Le nécessaire ciblage des aides aux familles rend leur simplification difficile 30

b) Le développement par les caisses d’allocations familiales du site www.mon-enfant.fr doit faciliter l’information et les démarches des familles 31

c) Le système PAJEMPLOI qui simplifie la gestion des gardes d’enfants rencontre un grand succès 31

2. La PAJE est globalement appréciée par les familles 32

a) Les familles considèrent que la PAJE apporte peu de changement par rapport aux aides antérieures 32

b) Les familles jugent « importante » l’aide financière apportée par la PAJE 32

c) Les familles demeurent partagées sur les modalités d’intervention publique à privilégier 33

II.- LA PAJE PERMET DE RENFORCER LE LIBRE CHOIX DES FAMILLES, MAIS DES DISPARITÉS SUBSISTENT DANS LE RECOURS AUX COMPLÉMENTS DE LA PRESTATION 35

A. PRÈS DE 1,9 MILLION DE FAMILLES PERÇOIVENT LES ALLOCATIONS DE BASE 35

1. La prime à la naissance permet de compenser les frais liés à la naissance 35

a) Les familles sont satisfaites du montant de la prime de naissance 35

b) Les familles sont partagées sur le versement en une seule fois et sur la condition de ressources 35

2. L’allocation de base est une aide peu sélective 36

a) L’augmentation des plafonds de ressources de l’allocation de base de la PAJE a sensiblement élargi le champ des bénéficiaires 36

b) Près de neuf familles sur dix bénéficient de l’allocation de base 37

B. LE COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX D’ACTIVITÉ FAVORISE LE MAINTIEN D’UNE ACTIVITÉ À TEMPS PARTIEL POUR LES FEMMES ET N’A PAS PERMIS DE RÉDUIRE LES INÉGALITÉS ENTRE HOMMES ET FEMMES 39

1. Le complément de libre choix d’activité contribue au libre choix des familles mais n’a pas permis de réduire les inégalités entre hommes et femmes 39

a) Le complément de libre choix d’activité consiste en une aide revalorisée et largement accessible 39

b) Le complément de libre choix d’activité permet d’apporter une réponse adaptée à la diversité des attentes des familles 42

c) Le complément de libre choix d’activité favorise le maintien d’une activité à temps partiel mais reste encore quasiment exclusivement utilisé par les femmes 43

d) La majorité des familles estime que la durée du complément de libre choix d’activité pour un enfant est trop brève et que le complément de libre choix d’activité pourrait être partagé entre le père et la mère 45

e) Pour les familles, le complément de libre choix d’activité favorise le libre choix du mode garde 46

2. Le complément optionnel de libre choix d’activité n’a pas trouvé son public 46

a) Le complément optionnel de libre choix d’activité est un dispositif ciblé sur les familles de trois enfants 46

b) Le complément optionnel de libre choix d’activité n’est pas parvenu à se développer 48

C. LE COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX DU MODE DE GARDE CONTRIBUE À LA RÉDUCTION DU RESTE À CHARGE DES FAMILLES ET À L’HARMONISATION DES TAUX D’EFFORT, MAIS DES INÉGALITÉS SUBSISTENT 49

1. Le complément de libre choix du mode de garde vise à faciliter le libre choix de la garde par une assistante maternelle ou une garde à domicile 49

a) La prise en charge est modulée selon le revenu 49

b) En cas d’emploi direct par la famille, le complément de libre choix du mode de garde est plafonné à 85 % du salaire 51

c) En cas d’emploi par l’intermédiaire d’une association ou d’une entreprise, la prise en charge est aussi plafonnée à 85 % de la dépense 52

d) Afin de renforcer le libre choix, le complément de libre choix du mode de garde peut être cumulé avec un complément de libre choix d’activité 52

2. Le complément de libre choix du mode de garde semble répondre aux besoins des parents 53

a) Le complément de libre choix du mode de garde connaît un fort développement 54

b) Le coût des aides à la garde d’enfants versées aux familles a doublé depuis 2003 55

b) Les parents considèrent que le complément de libre choix du mode de garde favorise effectivement le libre choix du mode de garde 56

3. Le complément de libre choix du mode de garde contribue à la réduction du reste à charge des familles 56

a) Le complément de libre choix du mode de garde contribue fortement à la réduction du reste à charge 57

b) Le complément de libre choix du mode de garde contribue à l’égalisation du reste à charge pour les principaux modes de garde 59

c) Le complément de libre choix du mode de garde participe à l’harmonisation des taux d’effort mais des inégalités subsistent 61

III.- PROPOSITIONS : FAVORISER L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ET RENFORCER LE LIBRE CHOIX DES FAMILLES 65

A. AMÉLIORER L’INFORMATION DES FAMILLES SUR LES MODES DE GARDE ET LES AIDES FINANCIÈRES 65

B. INCITER AU MAINTIEN DE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET AU PARTAGE DU COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX D’ACTIVITÉ 65

C. RENFORCER LE COMPLÉMENT DE MODE GARDE ASSISTANT MATERNEL POUR LES FAMILLES MODESTES 69

CONCLUSION 71

LISTE DES PROPOSITIONS 73

TRAVAUX DE LA COMMISSION 75

ANNEXES 79

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION 79

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 81

ANNEXE 3 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 85

ANNEXE 4 : SIGLES UTILISÉS 277

INTRODUCTION

À la demande de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) aborde, pour la première fois, un sujet relatif à la politique familiale.

Il s’agit de dresser le bilan de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), cinq ans après sa création, en 2004. La MECSS répond ainsi au souhait initialement exprimé, lors de la discussion parlementaire, d’évaluer la nouvelle prestation.

La PAJE est, un dispositif ciblé sur les familles ayant des enfants en bas âge. Ses incidences sont nombreuses. Elle influence le dynamisme de la natalité, le bien-être des enfants, l’équilibre des familles et la répartition des tâches au sein du couple, la vie des entreprises, la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle ainsi que l’équilibre des finances sociales.

La PAJE a ainsi un effet structurant sur la société, la vie familiale, l’égalité entre les hommes et les femmes et l’avenir des enfants. Elle contribue à modeler et faire évoluer notre modèle familial.

En 2008, la PAJE a été versée à plus de deux millions de familles et a représenté près de douze milliards d’euros.

La MECSS a durant cinq mois procédé à vingt-cinq auditions avec la participation d’une magistrate de la Cour des comptes.

Le présent rapport fait état de ces travaux. Il rappelle que la PAJE est devenu un pilier de la politique familiale qui concourt au dynamisme de la natalité (I) ; mais il souligne aussi que la prestation qui vise à favoriser le libre choix des familles n’a pas permis de corriger certaines disparités (II) et formule des propositions d’amélioration, dont la réforme de l’indemnisation du congé parental (III).

I.- LA PRESTATION D’ACCUEIL DU JEUNE ENFANT (PAJE) EST DEVENU UN PILIER ESSENTIEL DE LA POLITIQUE FAMILIALE

La France est réputée en Europe pour sa tradition de politique familiale généreuse, active et diversifiée. La prestation d’accueil du jeune enfant qui a pris la suite d’autres prestations en faveur de la petite enfance occupe une place importante dans cette politique.

A. LA FRANCE MÈNE UNE POLITIQUE FAMILIALE ACTIVE QUI CONTRIBUE AU DYNAMISME DE LA NATALITÉ

1. La France mène depuis plus de cinquante ans une politique familiale active, en particulier en faveur des jeunes enfants

a) La priorité donnée à la politique familiale, dont la vocation s’élargit, se concrétise par les financements importants qui lui sont consacrés

La France consacre à la politique familiale près de 90 milliards d’euros, soit près de 5 % du produit intérieur brut (PIB). Cet effort important en faveur des familles place notre pays en tête des pays européens. Les aides attribuées aux familles prennent diverses formes : prestations de maternité, prestations familiales, aides au logement et aides fiscales, notamment sous la forme du quotient familial et de crédits d’impôts.

En 2007, les dépenses de la branche Famille se sont élevées à 66,1 milliards d’euros, dont 46,1 milliards d’euros en faveur des familles, soit près de 2 % du PIB. Un quart de ce dernier montant est versé sous condition de ressources.

Au fil du temps, les objectifs de la politique familiale se sont enrichis. Celle-ci a longtemps été conçue comme une politique de soutien de la natalité, l’objectif étant de contribuer à la compensation financière des charges de famille. À partir des années soixante-dix, un accent plus important a été mis sur le soutien du revenu des familles les plus modestes. Depuis les années quatre-vingt-dix, la question de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle est devenue une nouvelle priorité. Dans la période récente, tend à s’imposer une nouvelle orientation visant à favoriser une implication plus grande des pères dans l’éducation des enfants et la recherche de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le partage des tâches familiales, le but étant de progresser vers l’égalité des genres. Dans cet esprit, on peut rappeler l’institution du congé de paternité, en 2001.

b) La branche Famille est à nouveau confrontée à la nécessité de maintenir un équilibre financier durable

Face à la multiplication des objectifs assignés à la politique familiale et à la demande sociale croissante, particulièrement en période de crise, il convient de rappeler la nécessité de garantir l’équilibre financier durable de la branche famille, laquelle verse l’essentiel des prestations de protection sociale destinées aux familles.

Or, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche Famille, après avoir été bénéficiaire de 200 millions d’euros en 2007, affichera un déficit de 350 millions d’euros en 2008 même si, par rapport aux charges supportées par la branche Famille, le déficit restera limité à 0,6 %.

Celui-ci est la conséquence du dynamisme des prestations légales à destination de la petite enfance qui ont augmenté de 6 % en 2008, contre 4,6 % en 2007, en particulier en raison de l’augmentation des naissances.

2. Cet effort soutenu et conforté par la création de la PAJE contribue au dynamisme de la natalité

a) La France est le pays où la natalité est la plus élevée en Europe

La France est, avec l’Irlande, le pays de l’Union européenne où la fécondité est la plus forte. Avec 834 000 naissances en 2008, et une augmentation du nombre de naissances de 2,1 % par rapport à 2007, la France a retrouvé un niveau qu’elle n’avait plus atteint depuis 1981.

Évolution du nombre de naissances

Année

Nombre de naissances (1)

Évolution par rapport à l’année précédente

Taux de fécondité (2)

1999

776 000

+ 6 000

1,78

2000

807 000

+ 31 000

1,87

2001

803 000

- 4 000

1,88

2002

793 000

- 10 000

1,86

2003

793 000

-

1,87

2004

799 000

+ 6 000

1,90

2005

807 000

+ 8 000

1,92

2006

829 000

+ 22 000

2,00

2007

819 000

- 10 000

1,98

2008

834 000

+ 15 000

2,02

(1) Nombre de naissances vivantes arrondi en milliers.

(2) Indicateur conjoncturel de fécondité arrondi au dixième.

Source : INSEE

b) Le désir d’enfant demeure élevé et, depuis 2004, le taux de fécondité augmente

Après un tassement du nombre de naissances, en 2002 et 2003, la tendance est à la hausse depuis 2004 et le nombre de naissances est resté sensiblement au-dessus de 800 000 depuis quatre ans.

Depuis 2004 – première année de mise en œuvre de la PAJE –, le nombre de naissances augmente régulièrement, à l’exception de la légère baisse observée en 2007. Entre 2003 et 2008, le nombre de naissances a augmenté de 41 000, soit une augmentation de 5,2 %.

Par rapport au niveau atteint en 2003, le nombre de naissances supplémentaires cumulés de 2004 à 2008 s’élève à 103 000.

Naissances supplémentaires depuis la création de la PAJE

Année

Nombre de naissances

Différence par rapport à 2003

2003

793 000

-

2004

799 000

+ 6 000

2005

807 000

+ 14 000

2006

829 000

+ 36 000

2007

819 000

+ 26 000

2008

834 000

+ 41 000

Cumul de 2004 à 2008

4 088 000

+ 103 000

Le taux de fécondité dépasse le seuil de deux enfants par femmes : 2,02 en 2008 contre 1,78 en 1998, soit une augmentation de 13,5 % en dix ans. Par rapport à 2003, le taux de fécondité est supérieur de 8 % en 2008.

Mais les naissances sont de plus en plus tardives. L’âge moyen à la maternité approche maintenant les trente ans et c’est surtout aux âges élevés, entre trente et quarante ans que la fécondité progresse. 21,5 % des enfants nés en 2008 ont une mère âgée d’au moins trente-cinq ans.

Par ailleurs, le nombre de naissances hors mariage continue d’augmenter. En 2008, plus de la moitié (52 %) des naissances ont eu lieu hors mariage, soit 10 points de plus qu’il y a dix ans.

On observe en outre que la taille des familles continue de se réduire en se concentrant autour de ménages avec deux enfants.

Selon l’Institut national d’études démographiques (INED), le redressement de la fécondité est notamment lié à l’évolution de l’âge à la maternité, qui augmente en France, comme dans tous les pays développés, depuis le début des années 1970. La fécondité des jeunes a cessé de baisser à la fin des années 1990, tandis que l’augmentation de la fécondité après trente ans, que l’on peut assimiler à un phénomène de rattrapage, se poursuit.

Au bénéfice de ces observations, l’INED conclut que, globalement, le taux de fécondité des générations successives de femmes est relativement stable depuis trente ans puisqu’il évolue entre 2 et 2,1.

Dans l’évolution annuelle de la fécondité, on observe que ce sont principalement les premières naissances qui ont augmenté à la fin des années 1990, tandis que depuis les années 2000, c’est surtout la fécondité de rang 2 ou plus qui a contribué au redressement de la fécondité.

La France se caractérise en conséquence par une faible proportion de femmes sans enfant (une femme sur dix en France contre deux sur dix dans certains pays) et une proportion relativement élevée de femmes ayant au moins trois enfants (trois sur dix en France contre deux sur dix dans la plupart des autres pays).

Par ailleurs, les différences sociales de fécondité se sont atténuées, mais c’est toujours aux deux extrêmes de la hiérarchie sociale que la fécondité est la plus forte. La fécondité est la plus élevée chez les ouvriers, la plus basse dans les catégories intermédiaires et un peu plus élevée chez les cadres.

Chez les femmes les plus diplômées, la fécondité est plus faible parce qu’elles restent plus souvent sans enfant que les autres. Mais les différences selon le niveau d’étude des femmes sont relativement faibles en France.

Cette faible polarisation est probablement due au fait que la politique familiale menée dans notre pays favorise le libre choix des femmes, à la différence d’autres pays où elles peuvent être contraintes de choisir entre activité et fécondité. Ainsi, contrairement à la France, on observe au Royaume-Uni une forte polarisation de la fécondité chez les femmes les plus diplômées, certaines se « spécialisant » dans la fécondité et d’autres dans l’activité professionnelle.

Les enquêtes « Eurobaromètre » montrent d’ailleurs que le désir d’enfant demeure relativement élevé en France, où il est très rare que les femmes ne souhaitent pas d’enfant, alors que, par exemple, en Allemagne et en Autriche de plus en plus de femmes disent qu’elles ne souhaitent pas d’enfant.

Le désir d’enfant et la réalisation du désir d’enfant dépendent d’un ensemble complexe de déterminants culturels, sociaux et économiques.

La création de la PAJE ne peut donc expliquer l’intégralité de l’augmentation sensible de la fécondité depuis 2004 mais elle y contribue.

Or, le dynamisme de la fécondité concourt au développement économique et à l’équilibre des finances sociales à long terme, en particulier en période d’allongement de la durée de vie.

L’impact des mesures de politique familiale

Selon l’INED, la politique familiale a des effets directs faibles sur la fécondité mais des effets indirects importants. La politique familiale française, diversifiée et continue, permet d’entretenir la confiance dans l’action publique et le soutien apporté aux familles.

1. Des impacts directs faibles sur la fécondité et difficiles à mesurer

Trois types de méthodes sont utilisés pour évaluer l’impact des mesures de politique familiale sur la fécondité. Selon la méthode des comparaisons internationales, l’impact de la politique familiale française est estimé entre 0 et 0,2 enfant par femme. Selon la méthode de l’observation des différences entre personnes concernées et non concernées par une mesure, les effets directs à court terme sont très faibles. Enfin, d’autres méthodes permettent de mettre en évidence des effets dilués dans le temps sans qu’il soit vraiment possible d’en mesurer l’impact.

2. Des impacts indirects nombreux et probablement importants, mais aussi difficiles à mesurer

La politique familiale française se caractérise par la multiplicité des aides aux familles, la pérennité des aides et leur grande universalité. Aussi, la forte légitimité de l’État à agir en faveur des familles, la continuité du soutien apporté tout au long de l’enfance et la permanence de l’idée selon laquelle l’État aide toutes les familles permettent d’entretenir un climat de confiance en l’aide publique qui a probablement un effet important sur le niveau de fécondité. Il devient dès lors difficile de distinguer l’effet d’une mesure prise isolément par rapport à « l’effet de contexte » plus général.

Mais il y a aussi la difficulté de définir précisément le champ de la politique familiale et les aides qui en relèvent. Certaines mesures, financières ou non, traditionnellement considérées comme relevant davantage des politiques de l’emploi ou de l’égalité entre les hommes et les femmes que de la politique familiale, ont des impacts importants sur la fécondité. On estime ainsi que les mesures visant à favoriser la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale (aide en matière de congé parental, offre de services de garde, aménagements du temps de travail) peuvent avoir des effets positifs plus importants sur la fécondité que les aides financières directes.

3. Les autres effets de la politique familiale

Les mesures de politique familiale peuvent avoir des effets plus ou moins rapides, temporaires ou différés, complémentaires ou contradictoires, non seulement sur la fécondité mais aussi sur l’activité professionnelle des femmes, les différences sociales de fécondité et de niveau de vie, l’évolution de la pauvreté et l’égalité entre les hommes et les femmes. Il est difficile de prendre en compte l’ensemble des effets dans le temps. Cette difficulté peut être illustrée par l’exemple de l’ancienne allocation parentale d’éducation, initialement réservée aux familles de trois enfants et dont le bénéfice a été étendu aux familles de deux enfants en 1994. Le nombre de deuxièmes naissances a bien augmenté à la fin des années 1990, en raison du raccourcissement des intervalles entre premières et deuxièmes naissances mais l’effet a été temporaire et l’on a observé, finalement, une stabilité du passage de un à deux enfants.

La PAJE semble être un élément important de la politique familiale qui trouve sa justification, notamment, dans le maintien d’un haut niveau de fécondité.

B. LA PAJE EST UNE PRESTATION QUASI UNIVERSELLE

La PAJE représente un quart des prestations en faveur des familles versées par les caisses d’allocations familiales.

1. La PAJE constitue un ensemble d’aides destiné à compenser les charges liées à l’accueil du jeune enfant

La complexité du dispositif de la PAJE est liée à la volonté de compenser les différentes charges d’accueil et d’entretien du jeune enfant ainsi que de favoriser le libre choix des familles.

a) La PAJE est une prestation globale qui vise à mieux répondre aux attentes des familles

À la suite des conclusions de la Conférence de la famille de 2003, la prestation d’accueil du jeune enfant a été instituée par l’article 60 de la loi n° 2003-1199 du 11 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004. C’est une prestation familiale destinée à aider les familles qui assument la charge d’un jeune enfant à couvrir les frais liés à sa naissance et à sa garde.

Elle vise principalement à renforcer le libre choix des familles en améliorant leur solvabilisation et à simplifier le dispositif antérieur en améliorant la lisibilité de l’aide pour les familles.

La PAJE a ainsi pour objet de contribuer à la compensation des coûts ou pertes de revenus liés à :

– la naissance ;

– l’entretien de l’enfant ;

– l’arrêt ou la réduction de l’activité professionnelle ;

– la garde de l’enfant.

La PAJE regroupe donc plusieurs aides qui visent à répondre à des objectifs différents mais concourant tous à faciliter la réalisation du désir d’enfant et l’accueil du jeune enfant.

Elle comprend principalement cinq prestations qui se substituent à d’autres prestations créées durant les vingt années précédentes et correspondant à des objectifs de même nature.

Extrait de l’exposé des motifs de l’article visant à créer la PAJE
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004

Les diverses prestations existantes en matière d'accueil des jeunes enfants ont été mises en place au gré des circonstances sans grande logique d'ensemble. Elles apparaissent aujourd'hui peu lisibles pour les familles. De plus l'accès à un mode de garde n'est pas toujours équitable ; les parents ayant des revenus modestes ou moyens n'ont en pratique bien souvent aucun vrai libre choix de leur mode de garde et connaissent notamment de grandes difficultés à accéder à une assistante maternelle. Aujourd'hui un nombre encore trop important de femmes (en particulier les plus fragiles) sont obligées de quitter leur emploi pour s'occuper de leurs jeunes enfants.

C'est pourquoi les I et II de l'article instituent la prestation d'accueil du jeune enfant, qui regroupe les cinq prestations existant en faveur de la petite enfance (allocation pour jeune enfant, allocation d'adoption, allocation parentale d'éducation, aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée et allocation de garde d'enfant à domicile) dans un souci tout d'abord de simplification et de lisibilité pour les familles. Mais l'instauration de cette prestation répond également à la volonté d'améliorer significativement l'aide apportée aux parents de jeunes enfants pour concilier leur vie familiale et professionnelle, en leur permettant de cesser ou de réduire leur activité ou de faire le choix de continuer à travailler en ayant la liberté et la possibilité financière de recourir au mode de garde de leurs enfants qui leur parait le plus adapté. L'objectif est ainsi de concilier dans une même prestation des objectifs de politique familiale et des objectifs favorables à la croissance économique et à l'emploi et d'augmenter ainsi à moyen terme à la fois la natalité et le taux d'activité.

L’objectif était ainsi de mettre en place un nouveau dispositif simplifié et élargi pour mieux répondre aux attentes des familles. Il s’agissait de renforcer les aides aux familles pour leur permettre d’exercer leur libre choix concernant l’accueil de leurs jeunes enfants.

Les deux premières prestations de la PAJE constituent le socle de base : la prime à la naissance ou à l’adoption et l’allocation de base. Les trois autres sont des compléments : le complément de libre choix d’activité (CLCA), le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) et le complément de libre choix du mode de garde (CMG).

Évolution des aides à l’accueil des jeunes enfants

Objectifs

Anciennes prestations

Prestations PAJE

Compenser les frais liés à la naissance et à l’entretien de l’enfant

Allocation pour jeune enfant (APJE)

Allocation d’adoption

Prime de naissance

Prime d’adoption

Allocation de base

Compenser la perte de revenu liée à l’arrêt ou la réduction d’activité professionnelle

Allocation parentale d’éducation (APE)

Complément de libre choix d’activité (CLCA)

Complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA)

Compenser le coût de la garde d’enfant

Aide à l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA)

Complément de libre choix du mode de garde – assistante maternelle (CMG-AM)

 

Allocation de garde d’enfant à domicile (AGED)

Complément de libre choix du mode de garde – garde à domicile (CMG-GAD)

Selon les composantes de la PAJE, les caisses d’allocations familiales, qui sont chargées de la gestion de cette prestation, peuvent être amenées à verser des aides à ce titre pendant la grossesse (allocation de naissance) et jusqu’aux trois ans de l’enfant (allocation de base et complément de libre choix d’activité) ou aux six ans de l’enfant (complément de libre choix du mode de garde).

b) La PAJE se substitue progressivement aux prestations antérieures

La PAJE est attribuée au titre des enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004.

Pendant la période transitoire de montée en charge de la PAJE qui s’achèvera fin 2009, les anciennes prestations ont continué d’être versées jusqu’à leur terme, sauf en cas de nouvelle naissance permettant d’intégrer les bénéficiaires dans le nouveau régime de prestation. En 2009, l’aide à l’emploi d’une assistante maternelle agréée qui a été remplacée par le complément mode de garde de la PAJE pourra encore être versée.

À partir de 2010, les anciennes prestations ne seront plus versées.

Comme les autres prestations familiales, les composantes de la PAJE sont fixées en pourcentage de la base mensuelle de calcul des prestations familiales.

Depuis sa création, la PAJE a fait l’objet de quatre modifications.

Les modifications de la PAJE depuis 2004

1. À compter du 1er juillet 2006, a été mis en place le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) qui est une variante du CLCA : ciblé sur les familles de trois enfants et plus, d’une durée plus courte (un an au lieu de trois) et d’un montant plus élevé (article 86 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006).

2. Augmentation de 50 euros du complément de libre choix du mode garde en cas de maintien d’une activité à temps partiel pour les bénéficiaires ayant de bas revenus (décret n° 2008-331 du 9 avril 2008).

3. Augmentation du plafond de revenu d’activité pour bénéficier du complément de libre choix en cas de maintien d’une activité à temps partiel (décret n° 2008-605 du 26 juin 2008).

4. Augmentation du complément de mode de garde pour les bénéficiaires ayant des horaires atypiques de travail, à compter du 1er janvier 2009 (article 107 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009).

2. La PAJE bénéficie à près de neuf familles sur dix ayant un enfant en bas âge

a) Les allocations d’entretien de la PAJE sont attribuées sous condition de ressources

À la différence des allocations familiales, les allocations de naissance, d’adoption et de base qui composent le « socle de base » de la PAJE sont attribuées sous la même condition de ressources.

On peut à cet égard rappeler que c’est au début des années 1970 qu’ont été développées des prestations « familles » sous condition de ressources. Actuellement, trois quarts (73 %) de la masse des prestations familiales versées sont attribuées sans condition de ressources et un quart (27 %) sous condition de ressources.

En outre, à partir de 1998, les prestations relatives à la garde ont été progressivement modulées en fonction des revenus des familles.

La PAJE s’inscrit dans cette évolution. 40 % du coût de la prestation créée en 2004 sont versés sous condition de ressources et 60 % sont modulés selon les ressources des familles.

Cependant, compte tenu de l’augmentation de 37 % du plafond de ressources qui a été décidée en 2004 par rapport à celui qui était applicable à l’ancienne allocation pour jeune enfant, les trois composantes que sont la prime à la naissance ou à l’adoption et l’allocation de base sont des prestations quasi universelles puisque près de neuf familles sur dix peuvent les percevoir. Le plafond ayant été porté de 3 à 4,5 SMIC, 200 000 familles supplémentaires ayant des revenus compris entre 3 et 4,5 SMIC devaient en bénéficier.

b) Mais toutes les familles peuvent bénéficier, sans condition de ressources, des compléments de la PAJE

Les compléments (CLCA, COLCA, CMG-AM et CMG-GAD) ne sont pas attribués sous condition de ressources mais les montants du complément de libre choix d’activité et du complément optionnel de libre choix d’activité sont modulés selon l’importance de l’activité professionnelle du bénéficiaire et ceux des compléments mode de garde sont modulés en fonction du revenu des familles.

Prestations de la PAJE universelles ou sous condition de ressources

Sous condition de ressources

Prestations universelles ou modulées
selon un critère de revenu

Allocation de base

Allocation de naissance

Allocation d’adoption

Complément mode garde – assistante maternelle

Complément mode de garde – garde à domicile

Complément libre choix d’activité

Complément optionnel de libre choix d’activité

C. L’EXTENSION DE LA PAJE ET L’AUGMENTATION DU NOMBRE DES NAISSANCES ONT ENTRAÎNÉ UN SURCROÎT DE DÉPENSES IMPORTANT

À la suite de la création de la PAJE, le nombre de familles bénéficiaires de prestations petite enfance a augmenté d’environ 20 %, en cinq ans, et la dépense correspondant à ces prestations a augmenté d’un tiers.

Les objectifs fixés lors de la création de la PAJE concernant le nombre de bénéficiaires et le coût ont été dépassés.

1. La PAJE est versée à plus de 2,2 millions de familles et représente 11,6 milliards d’euros

La forte augmentation du coût des prestations petite enfance résulte, notamment, de l’augmentation du nombre de bénéficiaires de la PAJE.

a) Depuis la création de la PAJE, le nombre de bénéficiaires des prestations petite enfance a sensiblement augmenté

Lors de la création de la PAJE, il avait été prévu d’augmenter de 10 % le nombre de bénéficiaires de prestations petite enfance. Un an avant la fin de la période de montée en charge de la nouvelle prestation, l’objectif a été largement dépassé puisque le nombre de bénéficiaires de prestations petite enfance a augmenté d’environ 20 %.

Évolution du nombre de bénéficiaires de prestations petite enfance

Prestations

2003

2007

2007-2003

Évolution (%)

Prestation d’entretien :

– APJE

– Allocation de base

1 363 000

1 898 000

ns

ns

Compensation pour perte de ressources liée à l’arrêt-réduction d’une activité professionnelle (APE puis CLCA et COLCA)

563 000

604 000

+ 41 000

+ 7,3 %

Aide à la garde d’enfant par assistante maternelle (AFEAMA et CMG-AM)

629 000

706 000

+ 77 000

+ 12,2 %

Aide à la garde d’enfants par garde à domicile (AGED et CMG-GAD)

53 000

62 000

+ 9 000

+ 17 %

Aide à la garde d’enfants par associations et entreprises de services

 

4 000

+ 4 000

 

Source : CNAF ; France entière, tous régimes.

De 2003 à 2007, le nombre de bénéficiaires des prestations petite enfance a augmenté sensiblement pour chaque catégorie de prestation, notamment du fait de la création de la PAJE. Les effectifs des bénéficiaires des prestations remplacées par la PAJE ont diminué au fur et à mesure de la montée en charge de cette dernière. La substitution est aujourd’hui presque achevée. La période transitoire se terminera, en effet, fin 2009 avec la fin de la montée en charge du complément mode de garde.

Depuis la création de la PAJE, la progression du nombre de bénéficiaires la plus importante a concerné l’allocation de base. Du fait de l’augmentation des plafonds de ressources, 285 000 familles supplémentaires bénéficient de l’allocation d’entretien de base.

Le complément mode de garde assistante maternelle a aussi augmenté fortement. Depuis 2004, 77 000 familles supplémentaires (+ 12,2 %), ont bénéficié de cette aide. Cette évolution s’explique aussi par le développement de l’offre de garde par les assistantes maternelles.

En outre, sur la même période, le nombre de bénéficiaires de la compensation pour perte de ressources en raison d’une interruption ou d’une réduction d’activité professionnelle a augmenté de 41 000.

Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires d’une aide à la garde d’enfants par une garde à domicile a progressé de 17 %, mais elle concerne un public relativement limité (62 000), et l’aide à la garde d’enfant par l’intermédiaire d’une association ou d’une entreprise a commencé de se développer (4 000 bénéficiaires).

b) La montée en charge de la PAJE est presque achevée

La montée en charge de la PAJE est terminée pour ce qui concerne le volet entretien (primes de naissance ou d’adoption et allocation de base) et le complément de libre choix d’activité. La montée en charge des compléments de libre choix du mode de garde doit s’achever à la fin de l’année 2009. Le complément de mode de garde est en effet la seule composante de la PAJE pouvant être perçue pour un enfant de plus de trois ans.

En 2009, la France compte près de 4,8 millions d’enfants de moins de six ans, dont 2,45 millions d’enfants de moins de trois ans et 2,34 millions d’enfants de trois à six ans.

À la fin de l’année 2008, pour l’ensemble de la France, un peu plus de 2,2 millions de familles étaient bénéficiaires d’une ou plusieurs composantes de la PAJE.

Deux millions de familles perçoivent une ou plusieurs composantes de la PAJE au titre d’un enfant de moins de trois ans et 210 000 familles perçoivent un complément de mode de garde au titre d’un enfant de trois à six ans. À titre de comparaison, on peut rappeler que près de 4,9 millions de familles perçoivent des allocations familiales.

En 2008, le nombre de bénéficiaires de la PAJE a encore augmenté de 4,2 %.

Bénéficiaires de la PAJE au mois de décembre 2008
et montants des prestations versées en 2008

Prestations

Bénéficiaires
(en milliers)

Montants
(en millions d’euros)

Prime naissance et adoption

53

619

Allocation de base

1 875

3 975

CLCA

568

2 156

COLCA

2

17

CMG assistante maternelle, garde à domicile et structures
(et AFEAMA)
(et AGED)

703

(48)
(8)

4 259

(132)
(17)

Total PAJE

2 216

11 026

Source : CNAF, France entière.

Près de neuf familles sur dix ayant un enfant de moins de trois ans perçoivent donc une ou plusieurs composantes de la PAJE, tandis que près de 10 % des familles ayant un enfant de trois ans à six ans perçoivent un complément mode de garde à ce titre.

Cette différence de proportion s’explique par le fait qu’à partir de trois ans :

– presque tous les enfants sont scolarisés en maternelle, les besoins de garde extra-familiaux sont donc en général moins importants ;

– le complément mode de garde est moins attractif puisque son montant est divisé par deux et il est aussi moins accessible du fait de la reprise fréquente d’activité professionnelle au moment de l’entrée en maternelle, ce qui entraîne une augmentation de revenus qui peut avoir pour conséquence de faire diminuer le montant du complément de mode de garde.

Par ailleurs, en décembre 2008, 41 % des bénéficiaires de la PAJE avaient un seul enfant à charge, 36 % en avaient 2, et 21 % en avaient trois ou plus.

Bénéficiaires de la PAJE, selon la taille de la famille, en décembre 2008

Taille de la famille

Nombre de bénéficiaires

Structure

Enfant à naître

42 000

2 %

1 enfant

908 000

41 %

2 enfants

798 000

36 %

3 enfants et plus

467 000

21 %

Total

2 216 000

100 %

Source : CNAF ; métropole et DOM.

c) Trois bénéficiaires sur cinq perçoivent une seule composante de la PAJE et deux sur cinq cumulent deux ou trois composantes

Au mois de décembre 2008, parmi les familles bénéficiaires de la PAJE :

– 1,3 million, soit 60 %, bénéficiaient d’une seule composante,

– 770 000, soit 35 % bénéficiaient de deux composantes,

– et 100 000, soit 5 %, bénéficiaient de trois composantes.

Nombre de bénéficiaires d'une ou plusieurs composantes de la PAJE, en décembre 2008

 

Total

Bénéficiaires d'une composante

 

Allocation de base

1 025 705

Complément mode de garde-assistante maternelle

200 492

Complément mode de garde-garde à domicile

39 542

Primes naissance et ou adoption

36 897

Complément libre choix d'activité ou complément optionnel de libre choix d’activité

34 556

Complément mode de garde-structure

4 734

Total des bénéficiaires d'une composante

1 341 926

Bénéficiaires de deux composantes

 

Allocation de base + complément libre choix d'activité

406 465

Allocation de base + complément mode de garde-assistante maternelle

312 377

Complément libre choix d'activité + complément mode de garde-assistante maternelle

16 417

Allocation de base + primes naissance et ou adoption

9 300

Allocation de Base + complément mode de garde-garde à domicile

6 887

Complément libre choix d'activité + complément mode de garde-garde à domicile

3 850

Allocation de base + complément optionnel de libre choix d’activité

2 019

Complément mode de garde-assistante maternelle + complément mode de garde-garde à domicile

2 090

Bénéficiaires de trois composantes

 

Allocation de base + complément libre choix d'activité + complément mode de garde-assistante maternelle

100 250

Allocation de base + primes naissance + complément mode de garde-assistante maternelle

3 169

Allocation de base + complément libre choix d'activité + complément mode de garde-garde à domicile

2 163

Allocation de base + complément libre choix d'activité + primes naissance/adoption

1 790

Autres

7 062

Ensemble des bénéficiaires

2 215 765

Source : CNAF ; métropole et DOM.

1 026 000 familles, soit près de la moitié (46 %) des familles bénéficiaires de la PAJE, ont reçu uniquement l’allocation de base et 200 000 bénéficiaires (9 %) ont perçu uniquement le complément mode de garde assistante maternelle.

En ce qui concerne les situations de cumul de prestations les plus fréquentes :

– 406 000 familles, soit 18 % du total des familles bénéficiaires de la PAJE, cumulaient l’allocation de base avec un complément de libre choix d'activité,

– 312 000 familles, soit 12 % des bénéficiaires, cumulaient l’allocation de base avec le complément mode de garde assistante maternelle,

– et 100 000 familles, soit 5 %, cumulaient l’allocation de base avec un complément libre choix d'activité et un complément de mode de garde assistante maternelle.

2. L’extension de la PAJE a entraîné un dépassement important des prévisions de dépenses

a) Depuis la création de la PAJE, le coût des prestations petite enfance a augmenté d’un tiers

Depuis la création de la PAJE, les dépenses au titre des prestations petite enfance sont en progression d’environ un tiers, notamment sous l’effet du fort développement de l’aide à la garde par une assistante maternelle.

Montants des prestations destinées aux jeunes enfants (1)

(En millions d’euros)

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Montants

8 999

8 135

8 648

9 494

10 441

10 911

11 575

Évolution

+ 0,4 %

+ 0,7 %

+ 4,1 %

+ 7,9 %

+ 8,2 %

+ 3,0 %

+ 6,1 %

(1) PAJE, APJE, APE, AFEAMA, AGED, AA.

Source : CNAF

En 2008, les prestations petite enfance représentaient 11,6 milliards d’euros, dont 11,4 milliards d’euros pour la PAJE, les anciennes prestations d’AFEAMA et d’AGED ne représentant plus que 150 millions d’euros. La PAJE a donc représenté la quasi-totalité (99 %) de la dépense pour les prestations petite enfance.

Les allocations d’entretien du socle de base représentaient 4,7 milliards d’euros et les compléments de libre choix du mode de garde et de libre choix d’activité près de 6,9 milliards d’euros.

Les allocations d’entretien représentaient ainsi 40 % du coût de la PAJE et les compléments 60 %.

De 2003 à 2008, les dépenses relatives au jeune enfant sont passées de 8,1 milliards d’euros à 11,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,5 milliards d’euros. Ces dépenses ont donc augmenté de 43,2 %, c’est-à-dire de presque la moitié, en cinq ans.

Mais, pour mieux apprécier l’évolution, il convient de raisonner en euros constants.

Évolution des dépenses relatives au jeune enfant

(En milliards d’euros 2007)

Prestations

Dépenses 2003

Dépenses 2008

Évolution 2008-2003

Évolution (%)

Liées à la naissance, l’adoption et l’entretien

4,0

4,7

+ 0,7

+ 17,5 %

Prise en charge d’une garde extérieure au foyer

2,3

4,3

+ 2

+ 87 %

Garde à domicile

0,2

0,3

-

+ 50 %

Compensation pour perte de ressources liée à l’arrêt-réduction d’une activité professionnelle

2,3

2,3

-

-

Total

8,7

11,6

+ 2,9

+ 33,3 %

De 2003 à 2008, les dépenses relatives au jeune enfant ont augmenté de 2,9 milliards d’euros constants, soit 33,3 % ou encore de plus d’un tiers en cinq ans.

Les dépenses (en euros constants) de prestations d’entretien ont augmenté de 17,5 % sur la période et se sont élevées à 4,7 milliards d’euros, en 2008.

Mais, la cause la plus importante de l’augmentation du coût des prestations petite enfance résulte de la forte augmentation des aides à la garde extérieure au foyer par une assistante maternelle. Elles ont augmenté – en euros constants, de 2 milliards d’euros de 2003 à 2008, soit + 87 %, et se sont élevées à 4,3 milliards d’euros en 2008.

Cette augmentation, régulière sur la période, traduit le développement du marché de la garde par des assistantes maternelles. L’augmentation de la demande, notamment liée à l’amélioration de la solvabilisation par la PAJE, a pu être satisfaite – au moins partiellement – par une offre croissante des assistantes maternelles, notamment en raison de l’amélioration de leur statut. Cette double action sur l’offre et la demande a permis d’accélérer le processus de développement engagé depuis une vingtaine d’années.

Au total, les aides à la garde d’enfant s’élèvent à 4,6 milliards d’euros, en 2008. Elles ont augmenté – toujours en euros constants, de 2,1 milliards d’euros en cinq ans, soit + 84 %, c’est-à-dire un quasi-doublement, de 2003 à 2008.

En revanche, le coût des aides destinées à compenser une perte de ressources liée à l’arrêt ou la réduction d’une activité professionnelle est resté stable à environ 2,3 milliards d’euros.

Évolution de la structure des dépenses relatives au jeune enfant depuis 2003

Prestations

Structure 2003

Structure 2008

Évolution

Liées à la naissance, entretien, adoption

46 %

41 %

- 5 points

Prise en charge d’une garde extérieure au foyer

26 %

37 %

+ 11 points

Garde à domicile

2 %

2 %

-

Compensation pour perte de ressources liée à l’arrêt-réduction d’une activité professionnelle

26 %

20 %

- 6 points

Total

100 %

100 %

 

En conséquence de ces évolutions, la structure de la dépense de prestations petite enfance s’est rééquilibrée et se répartit désormais en trois parts :

– environ 40 % du coût de la PAJE correspond aux prestations d’entretien (primes de naissance ou d’adoption et allocation de base),

– 40 % correspond aux aides à la garde au domicile ou par une assistante maternelle,

– et 20 % aux aides à la compensation d’une perte de ressources liée à l’arrêt ou la réduction d’une activité professionnelle.

De 2003 à 2006, la répartition du coût des prestations petite enfance a évolué. La part des allocations de solidarité de base est passée de 46 % à 41 % tandis que celle des compléments a augmenté de 54 % à 59 %.

La part des allocations de base s’est donc réduite mais le montant des dépenses afférentes au socle de base a tout de même augmenté de 700 millions, en euros constants.

b) Le dépassement croissant du coût prévu de la PAJE n’a pas fait l’objet de mesures correctrices réellement efficaces

Depuis la création de la PAJE, le surcroît de dépenses au titre des prestations petite enfance augmente, chaque année, fortement. Un an avant la fin de la montée en charge de la PAJE, le surcroît de dépenses est déjà trois fois supérieur à ce qui avait été initialement prévu.

Évolution du coût et du surcroît de dépenses de prestations petite enfance,
depuis la création de la PAJE

(En milliards d’euros 2007)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total 2004 à 2008

Coût des prestations petite enfance

8,7

9

9,8

10,6

10,8

11,6

51,8

Surcoût des prestations petite enfance par rapport à 2003

-

+ 0,3

+ 1,1

+ 1,9

+ 2,1

+ 2,9

+ 8,3

Par rapport à 2003, le surcroît de dépenses au titre des prestations petite enfance est ainsi passé de 300 millions en 2004, à 1,1 milliard d’euros en 2005, 1,9 milliard en 2006, 2,1 milliards en 2007 et 2,9 milliards d’euros en 2008.

Au total, depuis la mise en œuvre de la PAJE, en 2004, près de 8,3 milliards d’euros 2007 supplémentaires ont été affectés au financement des prestations petite enfance, soit 16 % des 51,8 milliards d’euros de dépenses pour les années 2004 à 2008.

Lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 qui a créé la PAJE, il était affiché un surcoût prévisionnel, à l’issue de la montée en charge de la nouvelle prestation, de 800 millions d’euros.

Mais, à l’époque, la CNAF tablait, pour sa part, sur un surcroît de dépenses plus élevé, de 900 millions à 1,2 milliard d’euros selon que l’on tenait compte ou pas d’estimations – qualifiées de « fragiles » – sur l’impact du resserrement des conditions d’activité antérieures pour l’attribution du complément libre choix d’activité. Ces estimations ont été établies sur la base d’une démographie et de comportements constants. Finalement, la CNAF avait chiffré à 1,1 milliard d’euros le surcroît de dépenses, en 2010.

Le surcroît de dépenses officiellement annoncé, l’été 2003, était donc sensiblement inférieur à la prévision de la CNAF. Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2008, la Cour des comptes estimait que le surcoût avait été « minoré ».

En 2007, la CNAF a réévalué à 2 milliards d’euros – soit un quasi-doublement, sa prévision du surcroît de dépenses lié à la création de la PAJE, à l’horizon 2010.

L’augmentation du coût de la PAJE a conduit le Gouvernement à s’interroger sur le calibrage de la prestation. Mais les rares mesures correctrices qui ont été prises ont été de faible ampleur ou n’ont pas été couronnées de succès.

De ce fait, la croissance du coût de la PAJE se poursuit sur un rythme élevé.

Dès la préparation des projets de lois de financement de la sécurité sociale pour les années 2005 et 2006, diverses solutions visant à limiter le surcoût de la PAJE ont été étudiées : le durcissement des conditions d’activité antérieures pour le complément de libre choix d’activité, la baisse de 20 % du plafond de ressources de la PAJE et la suppression des majorations du plafond de ressources pour enfants à charge ; en qui concerne le complément de libre choix du mode de garde : la suppression de la prise en charge partielle de la rémunération pour les familles situées dans la tranche supérieure des revenus ou l’augmentation du coût pour ces familles.

Aucune de ces solutions n’a été retenue.

La seule mesure qui a été mise en œuvre est la création du complément optionnel de libre choix d’activité, à compter du 1er juillet 2006. En raison de la durée plus courte, quoique mieux indemnisée, du complément optionnel de libre choix d’activité par rapport au complément de libre choix d’activité, cette réforme aurait pu entraîner une réduction, à moyen terme, des dépenses. Mais la création du complément optionnel de libre choix d’activité n’a pas eu de succès et n’a entraîné aucune conséquence significative sur la dépense globale.

En 2007, toutefois, une mesure d’économie a eu pour résultat de diminuer de manière non négligeable le coût des prestations petite enfance. Elle a consisté à renoncer à intégrer dans le régime de la PAJE des bénéficiaires de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée et de l’allocation de garde d’enfant à domicile au 1er janvier 2007. La réduction du surcoût a été chiffrée à 190 millions d’euros en 2007, 180 millions en 2008 et 70 millions en 2009.

En dépit de cette mesure, l’augmentation du coût de la PAJE et des prestations petite enfance s’est poursuivie en 2007.

Mais l’exercice 2007 a marqué le retour à l’équilibre des comptes de la branche Famille (+ 200 millions d’euros) et à la fin de cette même année, il était prévu un excédent de 430 millions d’euros en 2008. Ce contexte financier plus favorable n’incitait pas à prendre de nouvelles mesures de maîtrise de la dépense.

De fait, en 2008, deux mesures ont été prises de nature à pousser le coût des prestations petite enfance à la hausse. Au mois d’avril 2008, il a été décidé, par décret, d’augmenter de 50 euros le complément de libre choix du mode garde pour les bénéficiaires ayant de bas revenus. Le coût de cette mesure a été estimé à 37 millions d’euros. Au mois de juin 2008, il a été décidé, également par décret, d’augmenter le plafond de revenu d’activité pour bénéficier du complément de libre choix d’activité en cas de maintien d’une activité à temps partiel.

Alors que la prévision officielle initiale de surcoût de la PAJE permettait d’envisager une dépense pour les prestations petite enfance de 9,5 milliards d’euros constants 2007, celle-ci s’est élevée, dès 2008, à 11,6 milliards d’euros.

Ainsi, en 2008, alors que le surcroît de dépenses pour les prestations petite enfance s’est élevé à 2,9 milliards d’euros (toujours en euros constants), le dépassement des prévisions officielles initiales de surcoût s’est élevé à 2,1 milliards d’euros.

L’écart entre le surcoût réalisé et le surcoût prévu représente un quart de la dépense initiale au titre des prestations petite enfance et près de trois fois plus que le surcroît de dépenses initialement prévu (800 millions d’euros).

Autrement dit, près des trois quarts du surcoût n’avaient pas été prévus au moment de la création de la PAJE.

En 2008, le coût des prestations petite enfance a continué d’augmenter et le surcoût de la PAJE a dépassé, une nouvelle fois, fortement, les prévisions de la CNAF, révisées en 2007. Le dépassement des prévisions s’est élevé à 900 millions d’euros, soit 45 % du surcoût prévu par la CNAF.

Aussi, contrairement à la prévision, effectuée durant l’été 2007, d’un excédent de la branche famille de 430 millions d’euros en 2008, selon les derniers chiffres publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche Famille devrait afficher un déficit global de 350 millions d’euros, soit un écart de 780 millions d’euros entre la réalisation et la prévision.

c) Le dépassement du coût prévu de la PAJE résulte d’une sous-évaluation persistante des effets liés à son extension et à la modification du comportement des familles

La différence d’ores et déjà constatée entre les prévisions et la réalisation s’explique par des sous-estimations et des surestimations de facteurs qui ont tous contribué à l’augmentation de la dépense. Les économies attendues ont été surestimées tandis que les surcoûts ont été sous-estimés.

L’effet de l’élargissement du public visé par la PAJE en raison de l’augmentation de 37 % des plafonds de ressources pour bénéficier des allocations de base a été sous-estimé, alors même que la natalité augmentait.

Les effets de l’extension du complément de libre choix d’activité au premier enfant et la revalorisation de la prestation pour les personnes travaillant à temps partiel ont été plus importants que ceux qui ont résulté du durcissement des conditions d’activité antérieures. Les effets de ce durcissement ont été largement surestimés puisque, en réalité, il n’a affecté que 3 % des personnes concernées. En outre, les effets mécaniques et l’effet d’appel liés à la revalorisation du complément de libre choix d’activité à temps partiel ont été sous-évalués.

Mais la cause la plus importante du surcroît de dépenses par rapport à la prévision tient à une sous-estimation du coût des prestations de garde, le complément de mode de garde-assistante maternelle et le complément de mode de garde-garde à domicile.

Une partie de la sous-estimation provient de la difficulté de chiffrer le surcroît de dépenses lié à la prise en charge des indemnités d’entretien des assistantes maternelles, désormais intégrées dans la base de remboursement de la PAJE.

Les deux tiers de l’augmentation de dépenses à ce titre proviennent d’une autre sous-évaluation des effets mécaniques liés à la revalorisation des prestations et de changements dans les comportements des familles qui se sont traduits par un recours accru à la garde individuelle des enfants.

L’hypothèse d’un comportement constant des familles était irréaliste et contestable. Elle était en tout cas contradictoire avec l’augmentation des aides et l’objectif assigné à la PAJE visant à inciter les ménages à recourir à des modes de garde rémunérés.

Enfin, la création de la PAJE et la confiance confortée des familles dans l’action publique à leur égard qui a pu en résulter ont probablement contribué au dynamisme renforcé de la natalité et, par voie de conséquence, aux performances de la nouvelle prestation.

Au total, force est de souligner le dépassement répété des prévisions de coût de la PAJE.

Ce constat souligne la difficulté d’assurer la fiabilité des prévisions surtout lorsqu’elles sont fondées – au-delà de la prise en compte des effets purement mécaniques – sur des anticipations d’évolution des comportements du public concerné par les prestations et plus encore lorsqu’il s’agit des familles.

Les premières années de montée en charge de la PAJE montrent que ses résultats dépendent en partie du libre choix des familles.

Le nombre de bénéficiaires et le coût de la PAJE sont bien sûr largement dépendants du nombre de naissances, du nombre de familles et de la taille des familles. Mais les résultats de la PAJE dépendent bien, aussi, de l’exercice de leur libre choix par les familles et des décisions individuelles qu’elles prennent. À cet égard, on peut rappeler que les différentes composantes de la PAJE ne peuvent être attribuées par les caisses d’allocations familiales, sous réserve de remplir les conditions fixées, que sur demande des familles.

De fait, les évolutions du comportement des familles peuvent être liées aux modifications apportées aux prestations mais aussi aux conditions de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. De même, les évolutions de l’offre de garde ainsi que des représentations sociales et culturelles et de la perception du modèle familial conduisent à des arbitrages dans la combinaison entre les modalités d’activité et de garde qui ont également des effets sur la PAJE. Les familles disposent en effet d’un droit de tirage sur les composantes complément de libre choix d’activité et complément de libre choix de mode garde de la PAJE qui leur sont proposées avec des modalités et des coûts différents. Il est de ce fait difficile de prévoir les associations entre prestations qui seront décidées par les familles.

De ce point de vue, la PAJE, dans ses composantes complément de libre choix d’activité et complément de mode de garde, se différencie d’autres prestations sociales ou familiales comme par exemple les allocations familiales ou les prestations du socle de base de la PAJE dont l’évolution du nombre de bénéficiaires et du coût qu’elles représentent ne dépend pas, dès l’instant que l’enfant est né, de choix familiaux ultérieurs et, le cas échéant, variables dans le temps, mais est directement lié au nombre des naissances et à la taille des familles. C’est une des spécificités de la prestation d’accueil du jeune enfant par rapport aux autres prestations versées par les caisses d’allocations familiales.

De cette différence découle la difficulté, en particulier pendant la période de montée en charge de la PAJE, d’effectuer des prévisions précises du nombre de bénéficiaires et, plus encore, du coût annuel de la prestation. D’autant que le complément de libre choix d’activité et le complément de libre choix du mode de garde représentent plus de la moitié du coût de la PAJE.

La difficulté d’effectuer des prévisions et d’anticiper d’éventuels changements de comportements est réelle et ne saurait être niée. Toutefois, la persistance d’un écart important entre les prévisions du surcoût de la PAJE, malgré une révision en forte hausse (quasi-doublement), et le surcoût constaté conduit à s’interroger sur le sens et la portée de l’exercice de prévision.

C’est sur la base des évaluations qui sont présentées au Parlement que le législateur est amené à se prononcer chaque année sur les objectifs de dépenses de la branche Famille dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. À tout le moins, il serait souhaitable que la branche Famille veille à renforcer, autant que faire se peut, son expertise afin de fiabiliser davantage les prévisions de dépenses que le Gouvernement est amené à soumettre au vote des assemblées.

Jusqu’à présent, le dispositif de la PAJE s’est révélé sensiblement plus coûteux que prévu et le surcoût est croissant (+ 800 millions en 2008). On peut penser que l’évolution devrait se poursuivre voire s’accélérer en 2009. La création de la majoration du complément mode de garde pour les parents travaillant selon des horaires atypiques devrait notamment amplifier l’effet d’appel de la PAJE et soutenir le développement du complément mode de garde.

Il est donc probable que le coût et le surcroît de dépenses au titre des prestations petite enfance seront encore plus importants, à l’issue de l’ultime montée en charge de la PAJE, puis dans les premières années du régime de croisière.

D. L’OBJECTIF DE SIMPLIFICATION N’EST QUE PARTIELLEMENT ATTEINT MAIS LA PAJE EST GLOBALEMENT APPRÉCIÉE PAR LES FAMILLES

1. L’objectif de simplification des aides à la petite enfance n’est que partiellement atteint

La simplification des prestations et des démarches à effectuer par les familles pour accéder aux aides à la petite enfance était un objectif majeur de la création de la PAJE.

a) Le nécessaire ciblage des aides aux familles rend leur simplification difficile

Le regroupement de diverses prestations au jeune enfant sous une appellation unique visait à améliorer la lisibilité des aides pour les familles. Mais, il faut le reconnaître, le dispositif de la PAJE reste relativement complexe et l’objectif de simplification n’a été que partiellement atteint.

De fait, la PAJE est une prestation composite qui rassemble plusieurs prestations ayant chacune leur objet particulier et leurs règles propres, parfois plus complexes que les règles applicables aux prestations antérieures.

La complexité des aides correspond à la volonté de les adapter aux besoins des familles. En outre, la nécessaire maîtrise des finances publiques et l’amélioration de la performance sociale des aides supposent de bien les cibler pour compenser effectivement les coûts que l’on souhaite prendre en charge et aider les familles de manière efficace. De ce point de vue, l’objectif de simplification est contradictoire avec la nécessité de cibler les aides.

La simplification est souvent difficile mais elle contribue à faciliter l’accès aux droits des familles et à l’exercice de leur libre choix, ce qui est un des objectifs majeurs de la PAJE. La simplification contribue aussi à la « solvabilisation » de la demande. La simplification est donc un objectif en soi qu’il convient de poursuivre, tout particulièrement en matière d’aide aux familles.

D’autant que la complexité des aides rend leur gestion par les caisses d’allocations familiales plus difficiles et plus lourdes et a des conséquences en terme d’efficience. Ce point mérite d’être rappelé alors que le rapport d’évaluation de la convention d’objectifs et de gestion 2005-2008 de la Caisse nationale des allocations familiales souligne la dégradation des indicateurs de qualité que la caisse nationale explique par la hausse de la charge de travail des caisses d’allocations familiales.

Cette observation prend d’ailleurs un sens particulier au moment où se met en place le revenu de solidarité active qui sera source d’une nouvelle augmentation importante de la charge de travail des caisses d’allocations familiales.

b) Le développement par les caisses d’allocations familiales du site www.mon-enfant.fr doit faciliter l’information et les démarches des familles

Souvent les parents, surtout lorsqu’ils vont accueillir leur premier enfant, se retrouvent démunis face à la multiplicité des modes de garde et la complexité des aides. L’arrivée d’un enfant engage des choix de vie importants, parfois difficiles à effectuer. L’expression de « parcours du combattant » a été plusieurs fois utilisée, lors des auditions organisées par la MECSS, pour qualifier la difficulté de se retrouver dans un panorama de dispositifs et d’aides objectivement complexe et avec lequel on n’est pas familiarisé. Avant de prendre leurs décisions, les parents doivent répertorier l’offre de garde existante, s’informer sur ses coûts, s’assurer de sa disponibilité et vérifier la compatibilité avec leurs contraintes financières et organisationnelles. La tâche n’est guère aisée et les décisions à prendre qui concernent plusieurs acteurs interdépendants sont souvent des solutions de compromis, plus ou moins satisfaisantes.

L’information des familles est donc cruciale. Celle-ci a longtemps été insuffisante et il était très difficile d’y accéder. La mobilisation de l’outil internet permet aujourd’hui de simplifier radicalement les démarches.

La CNAF en est consciente. Elle doit ainsi généraliser à l’ensemble de la France, au premier trimestre 2010, le site www.mon-enfant.fr qui a été d’abord mis en place à la caisse d’allocations familiales de Strasbourg.

Ce site permet, d’ores et déjà, d’accéder à des informations sur les modes de garde et sur l’offre de garde locale existante. Il permet aussi de calculer le coût de la garde, à l’aide d’un simulateur. Ce site devrait, en 2010, permettre d’accéder à l’offre de garde réellement disponible. La plateforme nationale permettra d’accéder, grâce à des liens aux informations figurant sur les sites des régions et des départements.

Dans le but de parvenir à l’information la plus exhaustive possible, Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, a, lors de son audition par la MECSS, indiqué que la prime à l’installation des assistantes maternelles ne leur sera versée que si les informations les concernant sont mises en ligne sur le site www.mon-enfant.fr.

c) Le système PAJEMPLOI qui simplifie la gestion des gardes d’enfants rencontre un grand succès

Au même titre que le renforcement de l’information sur les modes de garde, les simplifications de gestion permettent de faciliter les démarches et le libre choix des familles.

Grâce à la mise en place du service PAJEMPLOI qui a été créé en même temps que la PAJE, les formalités administratives liées au paiement des assistantes maternelles et des gardes d’enfants à domicile ont été allégées.

Le centre national PAJEMPLOI immatricule les employeurs, gère les relations avec les salariés, réceptionne les déclarations mensuelles établies par les employeurs, calcule les cotisations et le montant de la prise en charge par les caisses d’allocations familiales au titre du complément mode de garde de la PAJE et il délivre les attestations d’emploi aux salariés et les décomptes de cotisations ainsi que les attestations permettant de bénéficier des réductions d’impôts au titre de la garde d’enfants.

Les employeurs adhérents à ce système communiquent un volet social PAJEMPLOI par courrier ou par télédéclaration dématérialisée au centre national qui effectue ensuite les calculs et les démarches.

L’enquête de satisfaction menée par la CNAF, en 2005, montrait que pour les bénéficiaires du système précédent PAJEMPLOI, le nouveau mode de déclaration était jugé plus simple et facile d’utilisation. En 2008, l’enquête de satisfaction révélait que 98 % des bénéficiaires de la PAJE étaient satisfaits de la qualité du service rendu par PAJEMPLOI.

Cette appréciation est corroborée par les faits puisqu’en 2009, 85 % des déclarations sont effectuées via internet.

2. La PAJE est globalement appréciée par les familles

L’enquête de satisfaction réalisée par la CNAF, en 2005, auprès des bénéficiaires de la PAJE fournit d’autres indications intéressantes sur la perception de la prestation financière elle-même.

a) Les familles considèrent que la PAJE apporte peu de changement par rapport aux aides antérieures

L’enquête de satisfaction sur la PAJE qui a été réalisée par la CNAF, en 2005, a montré que la moitié des personnes interrogées bénéficiant de la PAJE et ayant bénéficié des prestations antérieures considérait que la logique des aides n’avait pas été bouleversée et que la PAJE était équivalente à l’ancien dispositif. Cependant, un quart des allocataires jugeait que la PAJE était plus intéressante que les prestations antérieures et 12 % qu’elle était moins intéressante.

b) Les familles jugent « importante » l’aide financière apportée par la PAJE

Les bénéficiaires de la PAJE, quelles que soient les composantes de la prestation qu’ils perçoivent, sont globalement satisfaits de son montant. Trois-quarts d’entre eux (76 %) trouvent « importante » l’aide perçue.

c) Les familles demeurent partagées sur les modalités d’intervention publique à privilégier

Les bénéficiaires de la PAJE sont partagés sur les modalités d’intervention publique à développer pour aider les parents dans la garde de leurs enfants.

40 % ont une préférence pour le développement, en priorité, des services d’accueil collectif. 30 % souhaiteraient que soient développées les aides financières pour compenser une réduction ou un arrêt de travail parental et 30 % aimeraient que l’accent soit mis sur les aides financières pour recourir à une garde d’enfant.

Les bénéficiaires de la PAJE ont tendance à privilégier la modalité d’intervention la plus proche de leur situation personnelle.

Mais les opinions sur les modalités d’intervention à privilégier dépendent aussi de la catégorie socioprofessionnelle. Les ouvriers sont très partagés entre les trois solutions proposées. En revanche, les cadres sont plus nombreux à valoriser les efforts faits pour le développement des services collectifs et moins nombreux à souhaiter des aides financières.

Par ailleurs, les familles monoparentales sont davantage intéressées que les couples par le développement des aides financières.

Les opinions des parents ne dépendent pas du nombre d’enfants mais elles sont différentes selon la taille de l’agglomération de résidence. Les parents habitant dans les grandes villes ont une préférence pour les équipements collectifs alors que, dans les petites communes, les parents souhaitent que soit privilégié le développement des aides financières.

II.- LA PAJE PERMET DE RENFORCER LE LIBRE CHOIX DES FAMILLES, MAIS DES DISPARITÉS SUBSISTENT DANS LE RECOURS AUX COMPLÉMENTS DE LA PRESTATION

Les différentes composantes de la PAJE visent à réduire les contraintes financières pour permettre à chaque famille d’exercer son libre choix.

A. PRÈS DE 1,9 MILLION DE FAMILLES PERÇOIVENT LES ALLOCATIONS DE BASE

Les trois allocations du socle de base sont attribuées sous condition de ressources. Mais les plafonds de ressources étant fixés à un niveau élevé, ces allocations sont peu sélectives.

1. La prime à la naissance permet de compenser les frais liés à la naissance

Les familles sont globalement satisfaites de l’aide que constitue la prime de naissance mais partagées sur certaines de ses modalités.

a) Les familles sont satisfaites du montant de la prime de naissance

La prime de naissance, d’un montant forfaitaire de 894 euros en 2009, est versée en une seule fois au cours du septième mois de grossesse. La prime à l’adoption, d’un montant de 1 788 euros, est versée dans les deux mois qui suivent l’arrivée au foyer de l’enfant âgé de moins de vingt ans.

Au mois de décembre 2008, près de 53 000 familles ont bénéficié de la prime à la naissance et un peu plus de 100 de la prime à l’adoption. Mais cette prestation fait l’objet d’un seul versement, à la différence de l’allocation parentale d’éducation courte dont le versement était réparti sur huit mois. En 2008, près de 640 000 primes de naissance ont été versées aux familles qui ont eu un nouvel enfant (environ 53 000 primes sont versées chaque mois).

L’enquête de satisfaction menée par la CNAF, en 2005, a montré que 86 % des parents qui bénéficiaient de la prime à la naissance considéraient qu’elle leur permettait, tout à fait (52 %) ou plutôt (34 %), de faire face aux dépenses liées à la naissance. Les habitants de l’agglomération parisienne étaient toutefois plus nombreux à estimer insuffisante la prime à la naissance, sans doute en raison de plus grands changements induits par la naissance en matière de logement.

b) Les familles sont partagées sur le versement en une seule fois et sur la condition de ressources

Les opinions des parents sont très partagées sur les modalités de versement de l’aide. 54 % disent préférer un versement unique et 43 % souhaiteraient un versement étalé sur plusieurs mois. Mais la grande majorité (84 %) estime que la prime doit être versée avant la naissance, puisque c’est à ce moment que sont effectuées les principales dépenses d’équipement de l’enfant à venir. La préférence pour un versement unique avant la naissance est particulièrement marquée pour les parents d’un premier enfant. Au contraire, les familles monoparentales sont plus nombreuses à exprimer une préférence pour un versement échelonné ; elles considèrent davantage la prime comme un apport de revenu.

Les parents sont aussi partagés sur l’application du principe d’universalité des prestations. Près de la moitié (45 %) d’entre eux estiment que l’aide devrait être attribuée à tous alors qu’un peu plus d’un tiers (36 %) considère que l’attribution sous condition de ressources est juste et près d’un sur cinq (17 %) – surtout les familles monoparentales – se prononcent pour une concentration des moyens sur moins de ménages.

2. L’allocation de base est une aide peu sélective

L’allocation de base s’est substituée à l’allocation pour jeune enfant.

L’allocation pour jeune enfant courte et longue

L’allocation pour jeune enfant, créée en 1985, était versée, dès le premier enfant, à partir du quatrième mois de grossesse jusqu’au troisième mois de l’enfant (APJE courte) et, ensuite, jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant (APJE longue) sous condition de ressources. En 2003, l’allocation pour jeune enfant s’élevait à 159 euros pour un enfant et 1,3 million de familles en bénéficiait. L’allocation pour jeune enfant n’est plus attribuée depuis 2004.

a) L’augmentation des plafonds de ressources de l’allocation de base de la PAJE a sensiblement élargi le champ des bénéficiaires

L’allocation de base de la PAJE, d’un montant de 179 euros en 2009, est versée mensuellement, à compter de la naissance jusqu’aux trois ans de l’enfant ou pendant trente-six mois en cas d’adoption, dans la limite des vingt ans de l’enfant. Elle est cumulable avec les autres composantes de la PAJE.

Principales différences entre l’allocation de base, les allocations
de naissance et d’adoption de la PAJE et les anciennes allocations,
l’allocation pour jeune enfant et l’allocation d’adoption

1. Le plafond de ressources des trois allocations PAJE a été relevé de 37 % par rapport à l’allocation pour jeune enfant ;

2. L’allocation pour jeune enfant était versée mensuellement ; la prime de naissance de la PAJE est versée en une seule fois au septième mois de grossesse ;

3. La mécanique différentielle de l’allocation pour jeune enfant en cas de dépassement du plafond de ressources a été supprimée.

Le montant du plafond de revenus pour l’attribution des allocations du socle de base de la PAJE dépend du rang et du nombre d’enfants à charge, l’enfant à naître étant assimilé à un enfant à charge. Ce montant est majoré lorsque la charge du ou des enfants est assumée par un couple dont chaque membre dispose d’un revenu professionnel ou par une personne seule.

Plafond de ressources 2009 des prestations du socle de base de la PAJE
(à comparer aux revenus 2007)

Nombre d’enfants

Ménages avec un seul revenu

Ménages avec deux revenus ou personne seule

 

en euros

en équivalent SMIC net imposable

en euros

en équivalent SMIC net imposable

1 enfant

32 813

3,02

43 363

3,99

2 enfants

39 376

3,63

49 926

4,60

3 enfants

47 251

4,35

57 801

5,32

Par enfant supplémentaire

7 875

0,73

7 875

0,73

Source : CNAF et révision générale des politiques publiques.

En outre, les bénéficiaires de l’allocation de base peuvent, sous la même condition de ressources que pour bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire, être affiliés à l’assurance vieillesse du régime général.

b) Près de neuf familles sur dix bénéficient de l’allocation de base

Au mois de décembre 2008, l’allocation de base a été versée à 1 875 000 familles, soit près de 85 % des familles concernées. On peut en outre rappeler que du fait de l’augmentation des plafonds de ressources, 285 000 familles supplémentaires bénéficient de l’allocation d’entretien de base.

Évolution du nombre de bénéficiaires des prestations petite enfance de base

(En milliers)

Prestations

2003

2004

2005

2006

2007

Prime d’adoption
Prime de naissance et d’adoption

2

1
55


56


56


55

APJE
Allocation de base

1 363

703
690

322
1 332


1 890


1 898

Source : CNAF ; bénéficiaires tous régimes, métropole et DOM.

En raison de la modification des caractéristiques des prestations d’entretien de base, la comparaison du nombre de bénéficiaires en 2003 et les années suivantes n’est pas possible. Il faut en effet rappeler que l’allocation pour jeune enfant courte qui faisait l’objet de huit versements mensuels a été remplacée par une prime à versement unique.

Nombre de familles bénéficiaires de l’allocation de base en 2008

Familles bénéficiaires

Nombre

En %

1 enfant

783 000

42

2 enfants

728 000

39

3 enfants et plus

364 000

19

Total

1 875 000

100

Source : CNAF ; France entière

Du fait de sa mise sous condition de ressources, l’allocation de base est octroyée à des bénéficiaires en moyenne plus modestes que l’ensemble des parents : 55 % des bénéficiaires appartiennent aux deux premiers quintiles des revenus. Cependant, du fait du relèvement du plafond de ressources initial de l’ancienne allocation pour jeune enfant de 37 % lors de la création de la PAJE, 27 % des bénéficiaires de l’allocation de base appartiennent aux deux derniers quintiles des revenus.

Cela traduit le peu de sélectivité de la condition de ressources pour bénéficier des prestations du socle de base de la PAJE. Le barème actuel exclut 15 % des bénéficiaires potentiels de l’allocation de base et de la prime, soit près de 270 000 familles sur environ 2,1 millions.

Par comparaison avec d’autres prestations familiales, la condition de ressources de la PAJE est peu sélective. Le plafond de ressources de la PAJE qui est actuellement fixé à 4 SMIC pour une famille d’un enfant avec deux revenus, est sensiblement supérieur à ceux prévus pour l’allocation de rentrée scolaire (1,9 SMIC pour une famille d’un enfant) et le complément familial (2,9 SMIC pour une famille de trois enfants avec un seul revenu).

Bénéficiaires de l’allocation de base et de l’allocation d’adoption en décembre 2008

 

Familles monoparentales

Couples

Total

 

0 enfant (1)

1 enfant

2 et +

0 enfant (1)

1 enfant

2 enfants

3 et + 

 

Primes de naissance ou d’adoption

4 200

1 200

1 800

18 200

16 200

6 800

3 400

52 900

Allocation de base de naissance ou d’adoption

200

14 900

14 500

700

633 000

583 000

364 000

1 875 000

(1) Maintien de droit pendant trois mois pour les enfants décédés.

Source : CNAF ; métropole et DOM.

Par ailleurs, l’allocation de base et la prime à la naissance sont les composantes de la PAJE où les familles monoparentales sont les plus représentées puisqu’elles totalisent 19 % des bénéficiaires.

L’évolution des allocations du socle de base est très fortement liée à l’évolution du nombre de naissances.

En 2008, le coût de la prime de naissance ou d’adoption s’est élevé à 640 millions d’euros et celui de l’allocation de base à 4,1 milliards d’euros. Le total des deux composantes du socle de base de la PAJE a représenté un coût de 4,7 milliards d’euros, soit 41 % du coût global de la PAJE.

B. LE COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX D’ACTIVITÉ FAVORISE LE MAINTIEN D’UNE ACTIVITÉ À TEMPS PARTIEL POUR LES FEMMES ET N’A PAS PERMIS DE RÉDUIRE LES INÉGALITÉS ENTRE HOMMES ET FEMMES

Durant le congé parental d’éducation, d’une durée maximum de trois ans, prévu par l’article L. 1225-48 du code du travail, le salarié peut percevoir deux prestations : le complément de libre choix d’activité ou le complément optionnel de libre choix d’activité. Il s’agit de prestations forfaitaires.

1. Le complément de libre choix d’activité contribue au libre choix des familles mais n’a pas permis de réduire les inégalités entre hommes et femmes

a) Le complément de libre choix d’activité consiste en une aide revalorisée et largement accessible

Le complément de libre choix d’activité s’est substitué à l’allocation parentale d’éducation.

L’allocation parentale d’éducation

L’allocation parentale d’éducation a été créée en 1985. Initialement destinée aux familles de trois enfants, elle a été étendue en 1994 aux familles de deux enfants ayant au moins un enfant de trois ans et dont l’un des parents a interrompu ou réduit son activité professionnelle. L’attribution de l’allocation parentale d’éducation n’était pas soumise à condition de ressources mais son montant était modulé selon le taux d’activité de la personne bénéficiaire (en 2003 : 493 euros pour le taux plein, 326 euros pour un mi-temps, 247 euros pour un temps plus réduit). En 2003, 506 000 personnes en bénéficiaient pour un coût de 2,64 milliards d’euros.

Le complément de libre choix d’activité est versé à toutes les familles, en cas de cessation ou de réduction d’activité professionnelle de l’un ou des deux parents, sous réserve de satisfaire certaines conditions d’activité professionnelle antérieure.

L’ouverture du droit au complément de libre choix d’activité est subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle antérieure pendant une période de référence d’une durée qui varie en fonction du nombre d’enfants à charge. Il faut justifier de huit trimestres de cotisations d’assurance vieillesse dans les deux ans qui précèdent la naissance du premier enfant, ou dans les quatre ans s’il s’agit d’un deuxième enfant ou dans les cinq ans s’il s’agit d’un enfant de rang trois ou plus (dans les trois cas, dans le cadre de l’allocation parentale d’éducation, la période de référence était de dix ans).

La prestation est attribuée à taux plein en cas d’arrêt de l’activité professionnelle et à taux partiel en cas de poursuite d’une activité à temps partiel au plus égale à 80 % du temps plein.

Pour la naissance d’un premier enfant, cette prestation est accordée durant six mois à compter de la naissance de l’enfant ou de la fin du congé de maternité, de paternité ou d’adoption. Pour les naissances des enfants suivants, elle peut être octroyée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant.

Le montant mensuel du complément de libre choix d’activité perçu par la famille dépend de la réduction d’activité réalisée par le parent qui sollicite le bénéfice de cette prestation.

Au 1er janvier 2009, et après déduction de la contribution au remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 % les montants du complément de libre choix d’activité sont ainsi fixés :

– pour un arrêt total d’activité, le complément de libre choix d’activité est de 376 euros en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE et de 555 euros sinon.

– pour une activité professionnelle inférieure ou égale à un mi-temps ou une formation professionnelle rémunérée, il est de 243 euros en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE et de 422 euros sinon.

– pour une activité professionnelle comprise entre 50 % et 80 %, il est de 140 euros en cas de perception de l’allocation de base et de 319 euros sinon.

Le complément de libre choix d’activité peut donc être cumulé avec l’allocation de base lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au plafond. Si les ressources sont supérieures au plafond, le complément de libre choix d’activité est majoré d’un montant correspondant à l’allocation de base. Les parents qui ne peuvent pas bénéficier de l’allocation de base en raison de revenus supérieurs au plafond de ressources peuvent ainsi percevoir un montant équivalent à cette allocation lorsqu’ils bénéficient du complément de libre choix d’activité à taux majoré. Cette disposition est favorable aux parents à revenus moyens ou supérieurs.

Durant la période où le droit peut être ouvert, le congé peut être fractionné par mois entier mais les périodes non consommées ne peuvent être reportées au-delà des trois ans de l’enfant.

En cas de reprise d’une activité professionnelle, il est possible de cumuler le revenu d’activité et le complément de libre choix d’activité à taux plein, pendant une période de deux mois, mais uniquement si le retour à l’emploi se fait entre le dix-huitième et le vingt-neuvième mois de l’enfant.

Les deux membres d’un couple ne peuvent cumuler deux compléments à taux plein. En revanche, chaque membre du couple peut percevoir un complément à taux partiel, le montant cumulé des deux prestations ne devant pas dépasser celui du complément à taux plein.

Les titulaires du complément de libre choix d’activité bénéficient des prestations en nature de l’assurance maladie et peuvent être affiliés, sous condition de ressources, à l’assurance vieillesse du régime général.

Principales différences entre le complément de libre choix d’activité
et l’allocation parentale d’éducation

1. Comme pour l’allocation parentale d’éducation, pas de condition de ressources pour l’attribution du complément de libre choix d’activité ;

2. Le complément de libre choix d’activité peut être versé dès le premier enfant (si le parent a cotisé huit trimestres dans les deux années précédentes) alors que l’allocation parentale d’éducation pouvait seulement être attribuée à partir de deux enfants ;

3. À partir du deuxième enfant, les conditions d’activité préalable pour bénéficier du complément de libre choix d’activité sont plus restrictives que pour l’allocation parentale d’éducation (période de référence plus courte pour le complément de libre choix d’activité : quatre ans pour deux enfants et cinq ans pour trois et plus au lieu de dix ans pour l’allocation parentale d’éducation) ;

4. Revalorisation initiale de 15 % du complément de libre choix d’activité versé dans le cadre d’un travail à temps partiel par rapport à l’allocation parentale d’éducation ; en 2009, l’écart est de 12 % : 408 euros pour le complément de libre choix d’activité et 365 euros pour l’allocation parentale d’éducation en cas de travail au plus à 50 % du temps plein, 308 euros pour le complément de libre choix d’activité et 276 euros pour l’allocation parentale d’éducation en cas de travail entre 50 % et 80 % du temps plein.

Depuis la création de la PAJE, 41 000 personnes supplémentaires bénéficient d’une compensation pour perte de ressources liée à une réduction ou un arrêt d’activité professionnelle, soit une augmentation modérée de 7,3 %.

Évolution du nombre de bénéficiaires d’une compensation pour perte de ressources

(En milliers)

Prestation

2003

2004

2005

2006

2007

Écart 2007-2003

Évolution 2007/2003

APE
CLCA et COLCA

563

409
186

192
415


611


604

   

Total

563

595

607

611

604

+ 41

+ 7,3 %

Source : CNAF ; bénéficiaires tous régimes, métropole et DOM.

En 2008, le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix d’activité a diminué de 1,8 % en raison d’un moindre recours au complément de libre choix d’activité à temps plein.

Évolution du coût des compensations pour perte de ressources

(En milliers)

Prestation

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Écart 2008-2003

Évolution 2007/2003

APE
CLCA et COLCA

2 992

2 673
305

1 546
1 207

435
2 004


2 299


2 256

   

Total

2 992

2 978

2 753

2 439

2 299

2 256

- 736

- 25 %

Source : CNAF ; bénéficiaires tous régimes, métropole et DOM.

En conséquence, le coût du complément de libre choix d’activité a légèrement diminué, en 2008 ; il s’élève à 2,25 milliards d’euros (- 1,8 %).

b) Le complément de libre choix d’activité permet d’apporter une réponse adaptée à la diversité des attentes des familles

Parmi les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité, on peut distinguer plusieurs catégories de population dont les logiques de conciliation de la vie professionnelle avec la vie professionnelle et de cumul du revenu d’activité avec la prestation PAJE sont différentes.

Les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité ayant un enfant sont naturellement plus jeunes que les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité ayant deux enfants ou plus qui sont souvent âgés de trente à quarante ans. Parmi eux, les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité à taux plein sont un peu plus jeunes que ceux ayant recours au complément de libre choix d’activité à taux partiel.

On note aussi de fortes disparités selon les niveaux de diplômes et de revenus. Les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité à taux partiel, quel que soit le nombre d’enfants, sont plutôt des cadres et des professions intermédiaires qui ont des revenus relativement élevés. À l’inverse, les parents ayant au moins deux enfants et qui bénéficient du complément de libre choix d’activité à taux plein sont plutôt des employés et ont des revenus plus faibles ou moyens. En revanche, les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité ayant un enfant ont des ressources plus diversifiées.

Cette diversité des profils de bénéficiaires résulte en grande partie du fait que le complément de libre choix d’activité est une prestation à caractère forfaitaire. De ce fait, elle compense mieux la perte de salaire pour les personnes à revenus modestes. En outre, les mères les plus qualifiées, en raison de l’intérêt qu’elles portent à leur travail mais aussi par crainte qu’une interruption de travail ne freine leur carrière et les pénalisent, préfèrent ne pas cesser complètement leur activité professionnelle et recourent en priorité au temps partiel.

La décision de recourir au complément de libre choix d’activité à temps plein ou à temps partiel dépend aussi fortement du rang de l’enfant ouvrant droit à la prestation.

Au premier enfant, l’arbitrage financier compte moins que l’intérêt et le bien-être de l’enfant. Pour les parents, le complément de libre choix d’activité de rang 1 à taux plein prolonge plutôt le congé maternité. En revanche, à partir du deuxième enfant, la contrainte financière, qui peut d’ailleurs être associée à des difficultés organisationnelles ou pour trouver un mode de garde, est souvent déterminante dans le choix qui est fait de recourir au complément de libre choix d’activité à temps plein. Ainsi, le complément de libre choix d’activité de rang 2 ou plus à taux plein est souvent utilisé comme un mode de garde de moyen terme.

Conformément à l’objectif qui lui a été assigné, le complément de libre choix d’activité à temps partiel apparaît bien pour les parents comme un moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle. La motivation majeure pour les parents qui y recourent est de pouvoir passer davantage de temps avec leur enfant ou leurs enfants. Certains parents mettent aussi en avant d’autres motivations liées à leur souhait de disposer de temps pour mener d’autres activités et pour pallier des difficultés à concilier des horaires de travail peu compatibles avec ceux des modes de garde extérieurs.

c) Le complément de libre choix d’activité favorise le maintien d’une activité à temps partiel mais reste encore quasiment exclusivement utilisé par les femmes

À la fin de l’année 2008, 570 000 personnes bénéficiaient du complément de libre choix d’activité.

Bénéficiaires du complément de libre choix d’activité
et du complément optionnel de libre choix d’activité au 31 décembre 2008

Modalité du complément de libre choix d’activité

Total

Structure

Taux plein

341 800

60 %

Taux réduit activité ≥ 50 %

164 700

29 %

Taux réduit activité < 50 %

53 600

9 %

Couples

5 600

1 %

Avec intéressement

2 200

0,5 %

COLCA

2 100

0,5 %

Total

570 000

100 %

Source : CNAF ; métropole et DOM.

Mais, on observe une évolution dans la composition des bénéficiaires. L’attrait de la combinaison entre prestation et travail à temps partiel a été renforcé avec le remplacement de l’allocation parentale d’éducation par le complément de libre choix d’activité. Le montant du complément de libre choix d’activité à taux réduit est plus élevé que pour l’ancienne prestation et le complément mode garde est lui aussi plus avantageux que les aides antérieures à la garde d’enfants (aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée et aide à la garde d’enfant à domicile). Le cumul du complément de libre choix d’activité à taux réduit avec le complément de mode de garde apparaît donc plus attractif que les anciennes prestations. Avec la PAJE, davantage de parents travaillent à temps partiel alors qu’avec le système précédent, ils auraient arrêté de travailler ou continué à exercer leur activité à temps complet.

Le nombre de bénéficiaires à taux réduit est passé de 139 000 en 2003 à plus de 226 000 en 2007 (+ 62 %). Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires de l’allocation parentale d’éducation ou du complément de libre choix d’activité à taux plein a diminué de 7 %. En conséquence, la part de bénéficiaires à taux réduit augmente constamment depuis 2003. Elle a progressé de moitié en quatre ans pour passer de 26 % à 39 %.

En 2007, la baisse du nombre de bénéficiaires du complément de libre choix d’activité à taux plein a été particulièrement importante (- 5,1 %), tandis que le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix d’activité à taux réduit a augmenté de 6,2 %. Cette même année, trois bénéficiaires du complément de libre choix d’activité sur cinq ont interrompu leur activité professionnelle et deux bénéficiaires sur cinq ont maintenu une activité à temps partiel.

Les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité, qui sont particulièrement nombreux à habiter des communes rurales, se situent dans les tranches de revenus les plus basses : 80 % ont des revenus compris entre 0 et 3 SMIC et 50 % entre 0 et 2 SMIC.

En 2007, 362 000 personnes bénéficiaient d’un complément de libre choix d’activité à taux plein et 230 000 d’un complément de libre choix d’activité à taux partiel, dont trois quarts exerçaient une activité supérieure au mi-temps et un quart une activité inférieure au mi-temps.

Fin 2007, près de 60 % des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité avaient deux enfants, un peu plus d’un tiers trois enfants et plus et seulement 6 % un enfant.

En 2008, le mouvement de réduction du recours au complément de libre choix d’activité à temps plein (- 3,8 %) et au complément de libre choix d’activité à temps partiel inférieur au mi-temps s’est poursuivi. En revanche, le complément de libre choix d’activité à temps réduit important, compris entre 50 % et 80 % du temps plein, a continué de se développer (+ 3,8 %).

Cependant, seulement 2,5 % des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité sont des pères (environ 15 000). Ce taux n’a pratiquement pas bougé depuis la création de la PAJE. La proportion de pères bénéficiaires de l’allocation parentale d’éducation était de 1,9 %. À ce rythme, le délai pour parvenir à un éventuel rééquilibrage entre les pères et les mères risque d’être long.

Force est donc de constater qu’en ce qui concerne la décision d’arrêter ou de réduire son activité professionnelle à l’arrivée d’un enfant, la création de la PAJE ne semble pas avoir eu d’effet significatif en termes d’égalité entre les genres. La réduction ou l’arrêt de travail durable après l’arrivée d’un enfant dans la famille est toujours quasi exclusivement le fait des femmes.

En outre, le développement du complément de libre choix d’activité à temps partiel a surtout profité aux mères de familles aisées. On peut penser que l’augmentation du complément de libre choix d’activité à temps partiel couplée avec l’augmentation du complément de libre choix du mode de garde a permis à ces familles de descendre en dessous du coût qui avant l’instauration de la PAJE les empêchait de retenir cette organisation en raison d’un arbitrage financier.

d) La majorité des familles estime que la durée du complément de libre choix d’activité pour un enfant est trop brève et que le complément de libre choix d’activité pourrait être partagé entre le père et la mère

La durée du complément de libre choix d’activité pour un enfant semble trop brève mais les conditions d’accès à la prestation semblent justes.

En effet, selon l’enquête de satisfaction menée par la CNAF en 2005, plus de la moitié des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité pour un enfant estiment que la durée de l’indemnisation est trop brève (58 %) ; un grand nombre souhaiterait une durée d’un an.

En revanche, à partir du deuxième enfant, la durée de trois ans du complément de libre choix d’activité paraît à la grande majorité des parents convenable et logique puisqu’elle correspond au temps précédant l’entrée en maternelle (82 %).

Les bénéficiaires de compléments mode de garde sont nombreux à estimer les durées du complément de libre choix d’activité convenables voire trop longues.

En outre, deux tiers des familles considèrent que les conditions d’accès au complément de libre choix d’activité sont justes et un tiers qu’elles sont trop restrictives.

Par ailleurs, la majorité des ménages est favorable à l’idée d’imposer, pour toucher l’intégralité du complément de libre choix d’activité, un partage du temps d’arrêt de travail entre les deux conjoints. Un peu plus de la moitié (52 %) estime qu’il s’agit d’une bonne idée. Les hommes bénéficiaires de la prestation qui ont été interrogés se prononcent plus souvent (61 %) pour un partage imposé du congé. Les employés et ouvriers sont plus souvent adeptes du partage et les cadres de la liberté laissée à chaque ménage.

e) Pour les familles, le complément de libre choix d’activité favorise le libre choix du mode garde

Les choix des parents parmi les modes de garde résultent d’arbitrages complexes prenant en compte de nombreux critères. Les raisons principales du choix sont, par ordre d’importance, pour l’ensemble des familles, le bien-être de l’enfant, les contraintes d’organisation (le mode de garde convenant le mieux à l’organisation des parents), l’existence ou le manque d’offre de garde, enfin, en dernière position, les contraintes financières.

L’importance des différents déterminants du choix est, bien sûr, variable selon les caractéristiques socio-économiques et le lieu de résidence des parents.

Selon l’enquête menée par la CNAF en 2005, le complément de libre choix d’activité favorise le libre choix du mode de garde d’environ 40 % des parents qui en bénéficient. Le complément de libre choix d’activité est alors le moteur du libre choix. Pour un quart des bénéficiaires, le complément de libre choix d’activité permet seulement d’alléger la charge financière et ne modifie pas le choix du mode de garde. Dans 15 % des cas, le complément de libre choix d’activité n’a pas permis le libre choix.

Cependant, un tiers des parents bénéficiant d’un complément de libre choix d’activité à taux plein déclarent qu’ils auraient préféré un autre mode de garde plutôt que de garder eux-mêmes leur enfant. Cela rejoint le sentiment exprimé par la moitié des parents qui ne bénéficient que de l’allocation de base et qui se sont arrêtés de travailler alors qu’ils auraient souhaité continuer d’exercer leur activité professionnelle. Pour ces parents, l’arrêt est perçu comme un choix contraint.

2. Le complément optionnel de libre choix d’activité n’a pas trouvé son public

a) Le complément optionnel de libre choix d’activité est un dispositif ciblé sur les familles de trois enfants

Par rapport au complément de libre choix d’activité, le complément optionnel de libre choix d’activité combine une durée plus courte, une indemnisation forfaitaire améliorée et l’obligation d’une interruption totale d’activité professionnelle.

La création du complément optionnel de libre choix d’activité a visé à éviter l’éloignement prolongé des parents, et particulièrement des mères, du marché du travail.

Cette prestation est réservée aux parents qui ont trois enfants à charge. Les parents qui ont trois enfants à charge peuvent choisir entre le complément de libre choix d’activité et le complément optionnel de libre choix d’activité. Mais le parent qui demande le bénéfice du complément optionnel de libre choix d’activité pour un enfant renonce au bénéfice du complément de libre choix d’activité. Le choix du complément optionnel de libre choix d’activité au titre d’un enfant est définitif. Mais, en cas de nouvelle naissance, l’allocataire peut modifier son choix.

Le complément optionnel de libre choix d’activité est attribué uniquement en cas d’arrêt total de l’activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas du complément de libre choix d’activité. Il peut être versé pour une durée limitée à douze mois à compter de la naissance de l’enfant.

La condition d’activité antérieure est identique à celle prévue pour l’attribution du complément de libre choix d’activité pour l’enfant de rang trois ou plus : huit trimestres de cotisations vieillesse dans les cinq ans qui précédent la naissance.

Le montant mensuel du complément optionnel de libre choix d’activité est fortement majoré (de près de 60 %) par rapport au montant du complément de libre choix d’activité. Au 1er janvier 2009, il était de 615 euros en cas de perception de l’allocation de base de la PAJE et de 794 euros dans le cas contraire (après déduction de la contribution au remboursement de la dette sociale).

La personne qui demande le bénéfice du complément optionnel de libre choix d’activité n’a pas droit au bénéfice du complément de libre choix d’activité pour un même enfant. En revanche, la personne qui demande à bénéficier du complément de libre choix d’activité de droit commun peut ensuite demander à bénéficier du complément optionnel de libre choix d’activité pour le même enfant dès lors que celui-ci n’a pas atteint l’âge d’un an.

Le complément optionnel de libre choix d’activité peut être partagé entre les deux membres d’un couple mais pas de façon simultanée.

Comparaison du complément de libre choix d’activité
et du complément optionnel de libre choix d’activité

Conditions d’attribution et modalités

complément de libre choix d’activité

complément optionnel de libre choix d’activité

Nombre d’enfants à charge ouvrant le droit

1 enfant

3 enfants et plus

Condition d’activité antérieure

huit trimestres au titre d’une activité professionnelle dans les cinq ans précédents la naissance

idem

Arrêt total ou partiel d’activité

libre choix

arrêt total

Possibilité de partage entre les deux parents

oui

oui

Choix définitif ou non

non

oui

Durée maximale

3 ans

1 an

Montant

à taux plein : 555 euros

794 euros

En outre, les bénéficiaires de l’allocation de base ou du complément de libre choix d’activité peuvent, sous la même condition de ressources que pour bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire, être affiliés à l’assurance vieillesse du régime général.

b) Le complément optionnel de libre choix d’activité n’est pas parvenu à se développer

À la fin de l’année 2008, deux ans et demi après sa création, il y avait seulement 2 100 bénéficiaires du complément optionnel de libre choix d’activité. Ce chiffre paraît très faible si on le compare aux 150 000 bénéficiaires du complément de libre choix d’activité de rang 3 à taux plein.

Après avoir progressé pendant la première année, le nombre d’allocataires du complément optionnel de libre choix d’activité a ensuite plafonné et il a même diminué en 2008.

Les caractéristiques des bénéficiaires du complément optionnel de libre choix d’activité sont très proches de celles des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité de rang 1 à taux plein. À l’instar de ce dernier, le complément optionnel de libre choix d’activité semble jouer le rôle d’une prolongation du congé de maternité. Le complément optionnel de libre choix d’activité paraît ainsi répondre au souhait de certains bénéficiaires d’effectuer une courte pause dans leur vie professionnelle pour s’occuper de leurs enfants. Probablement pour cette raison et aussi parce que le montant du complément optionnel de libre choix d’activité est plus élevé que celui du complément de libre choix d’activité, la proportion d’hommes bénéficiaires est trois fois plus importante que pour le complément de libre choix d’activité de rang 3. Ce résultat doit toutefois être relativisé compte tenu du faible effectif de pères concernés. Mais il est possible que, pour les hommes dont les salaires sont en moyenne plus élevés que ceux des femmes, la meilleure solvabilisation qu’apporte le complément optionnel de libre choix d’activité par rapport au complément de libre choix d’activité, soit un déterminant important du choix des pères d’arrêter leur activité professionnelle.

Le dispositif ciblé du complément optionnel de libre choix d’activité, pourtant intéressant, ne semble pas répondre à une attente particulière des familles de trois enfants ou plus. Mais s’il ne paraît pas avoir trouvé à ce jour son public, peut-être est-ce seulement en raison d’une promotion et d’une communication insuffisantes. Le positionnement du complément optionnel de libre choix d’activité peut aussi être en cause. Créé deux ans après le complément de libre choix d’activité, il a pu apparaître comme étant contradictoire avec la volonté affichée lors de la création du complément de libre choix d’activité de favoriser le maintien d’une activité à temps partiel.

Afin de mieux comprendre le peu de succès du complément optionnel de libre choix d’activité, il aurait été utile de mener des études plus précises sur la connaissance du dispositif par les familles potentiellement concernées ainsi que sur la perception par les familles et l’effet réel de l’incitation financière plus importante que pour le complément de libre choix d’activité.

Cette question apparaît d’autant plus importante que les pères sont de plus en plus intéressés par l’interruption ou la réduction, un temps, de leur activité professionnelle pour s’occuper davantage de leurs enfants.

C. LE COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX DU MODE DE GARDE CONTRIBUE À LA RÉDUCTION DU RESTE À CHARGE DES FAMILLES ET À L’HARMONISATION DES TAUX D’EFFORT, MAIS DES INÉGALITÉS SUBSISTENT

Le complément de libre choix du mode de garde, en contribuant à réduire le reste à charge et en permettant de rapprocher les restes à charge en cas de recours à une assistante maternelle agréée ou à une garde à domicile, qui sont les deux modes extérieurs à la famille payants les plus utilisés, permet de renforcer le libre choix du mode de garde.

Le complément de libre choix du mode de garde s’inscrit aussi dans l’action d’ensemble engagée, depuis plusieurs années, par les pouvoirs publics pour développer les emplois de services aux personnes, en solvabilisant la demande et en agissant sur l’offre. L’objectif est aussi de légaliser certaines activités jusqu’alors non déclarées.

1. Le complément de libre choix du mode de garde vise à faciliter le libre choix de la garde par une assistante maternelle ou une garde à domicile

a) La prise en charge est modulée selon le revenu

Le complément de libre choix du mode de garde s’est substitué à l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle (AFEAMA) et à l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED).

L’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée
et l’allocation de garde d’enfant à domicile

Créée en 1991, l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée permet de couvrir le paiement des cotisations patronales et salariales versées au titre de la garde par une assistante maternelle agréée d’un enfant de moins de six ans. Une partie (limitée à 85 %) du salaire versé, est en outre prise en charge par le biais d’un complément dont le montant varie selon le nombre et l’âge des enfants et les ressources du foyer, selon trois tranches. Le montant du complément au titre des enfants de moins de trois ans est divisé par deux pour les enfants de trois à six ans.

En 2003, 575 000 familles bénéficiaient de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée pour un coût de 1,8 milliard d’euros. En 2008, 50 000 familles ont encore bénéficié de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée pour un coût de 135 millions d’euros. En 2009, pour la dernière année, les familles ayant un enfant de plus de cinq ans qui bénéficiaient déjà du complément d’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée l’aide au moment de la création de la PAJE et qui n’ont pas eu de nouvel enfant depuis peuvent continuer à en bénéficier (114 euros pour la première tranche de revenus, 90 euros pour la tranche intermédiaire et 75 euros pour la tranche de revenus la plus élevée).

L’allocation de garde d’enfant à domicile a été créée en 1986. Elle consiste en une prise en charge d’une partie des cotisations sociales. Depuis 1998, son montant est modulé selon l’âge de l’enfant et les ressources du foyer. Pour les enfants de moins de trois ans, pour les revenus situés dans la première tranche, la prise en charge correspond à 75 % des cotisations, pour ceux situés au-dessus, la prise en charge est de 50 % comme pour tous les enfants de plus de trois ans.

En 2003, 56 000 familles en bénéficiaient pour un coût de 130 millions d’euros. En 2008, 8 000 familles ayant un enfant de plus de trois ans en bénéficiaient encore pour un coût de 17 millions d’euros. En 2009, l’allocation de garde d’enfant à domicile peut encore bénéficier aux familles ayant un enfant de plus de cinq ans gardé à domicile. La prise en charge est plafonnée dans ce cas à 570 euros par trimestre.

En outre, les emplois d’assistantes maternelles et de garde d’enfant à domicile ouvrent droit à réduction d’impôt.

Le complément de libre choix du mode de garde de la PAJE a pour but de compenser une partie du coût de la garde d’un enfant de moins de six ans. Il est destiné aux familles qui choisissent de faire garder leur enfant par une assistante maternelle agréée ou un employé à domicile ou qui font appel à une association ou une entreprise qui emploie des assistantes maternelles ou des gardes à domicile.

Le complément de libre choix du mode de garde est attribué sous condition de poursuite d’une activité professionnelle minimum, sauf exceptions (demandeur d’emploi, bénéficiaire d’un minima social, étudiant). Pour bénéficier du complément de libre choix du mode de garde, le ménage doit donc, en principe, disposer d’un minimum de revenus tirés d’une activité professionnelle : 389 euros pour une personne seule et 778 euros pour un couple.

La prestation se décompose en deux éléments : d’une part, la prise en charge partielle de la rémunération de l’assistante maternelle ou de l’employé et, d’autre part, la prise en charge totale ou partielle des cotisations sociales afférentes au salaire de la personne employée.

La rémunération par enfant gardé, quel que soit le nombre d’enfants gardés, peut être partiellement prise en charge par la branche famille sous certaines conditions propres à chacune des modalités d’emploi direct par la famille ou par l’intermédiaire d’une association ou d’une entreprise de services à la personne :

– le salaire brut de l’assistante maternelle ne doit pas dépasser, par jour de garde et par enfant cinq fois le montant du SMIC horaire brut, soit, actuellement, au maximum 43,55 euros ;

– la famille ne doit pas bénéficier d’une exonération de cotisations sociales au titre de la personne employée à domicile ;

– l’association ou l’entreprise habilitée – par le conseil général si elle emploie des assistantes maternelles ou par le représentant de l’État dans le département si elle emploie des gardes d’enfants à domicile – ne doit pas recevoir directement de la caisse d’allocations familiales de subvention de fonctionnement.

Le montant de la prise en charge de la rémunération varie selon les ressources de la famille, l’âge des enfants gardés (enfants de moins de trois ans ou de trois à six ans), le statut de la personne employée et la modalité d’emploi.

Pour les enfants de trois à six ans qui sont presque tous scolarisés en maternelle et pour lesquels les besoins de garde sont moins importants, le montant du complément correspond à la moitié du montant du complément pour les enfants de moins de trois ans.

Par ailleurs, le décret et l’arrêté visant à fixer les conditions d’application de la majoration du complément de libre choix du mode de garde pour les parents devant faire face à des coûts de garde plus importants en raison d’horaires de travail atypiques devraient être publiés prochainement.

b) En cas d’emploi direct par la famille, le complément de libre choix du mode de garde est plafonné à 85 % du salaire

En cas d’emploi direct par la famille, le montant du complément est identique pour les assistantes maternelles et les employés à domicile.

Montant du complément mode de garde en cas d’emploi direct

Plafond de ressources

Âge de l’enfant

Montant de la prise en charge de la rémunération

Revenus inférieurs à 19 513 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

444 euros
222 euros

Revenus entre 19 513 et 43 363 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

280 euros
140 euros

Revenus supérieurs à 43 363 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

168 euros
84 euros

En outre, la prise en charge est plafonnée à 85 % du salaire net de la personne employée et des indemnités d’entretien en cas d’emploi d’une assistante maternelle (dans la limite de cinq SMIC horaire par enfant et par jour). Un minimum de 15 % du salaire versé reste donc à la charge de la famille.

Pour l’emploi d’une assistante maternelle, le complément prend aussi en charge la totalité des cotisations, toujours dans la limite de cinq SMIC horaire par enfant et par jour.

Pour l’emploi d’une garde à domicile, le complément prend en charge la moitié des cotisations sociales, dans la limite d’un plafond mensuel de 408 euros, pour un enfant de moins de trois ans et de 204 euros pour un enfant de trois à six ans.

Le complément de libre choix de mode de garde est versé par enfant gardé par une assistante maternelle agréée et par famille, et quel que soit le nombre d’enfants gardés, en cas de garde à domicile.

Depuis 2007, le bénéfice du complément est ouvert aux familles qui recourent à une micro-crèche pour assurer la garde de leurs enfants, selon le même barème que pour l’emploi d’une garde à domicile. En pratique, les micro-crèches regroupent au sein d’un local trois professionnels accueillant au maximum neuf enfants de moins de six ans.

c) En cas d’emploi par l’intermédiaire d’une association ou d’une entreprise, la prise en charge est aussi plafonnée à 85 % de la dépense

En cas d’emploi par l’intermédiaire d’une association ou d’une entreprise, le complément inclut la prise en charge des cotisations sociales. Le montant du complément est différent pour l’emploi d’une assistante maternelle et pour l’emploi d’une garde à domicile.

Montant du complément de libre choix du mode de garde
en cas de recours à une association ou une entreprise

Plafond de ressources

Âge de l’enfant

Montant de la prise en charge de la rémunération de l’assistante maternelle

Montant de la prise en charge de la rémunération de la garde à domicile

Revenus inférieurs à 19 513 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

672 euros
336 euros

812 euros
406 euros

Revenus entre 19 513 et 43 363 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

560 euros
280 euros

700 euros
350 euros

Revenus supérieurs à 43 363 euros

moins de 3 ans
3 à 6 ans

448 euros
224 euros

588 euros
294 euros

Le montant du complément de libre choix de mode de garde versé en cas de recours à une association ou à une entreprise est également plafonné à 85 % de la dépense engagée par la famille.

L’aide exceptionnelle attribuée aux bénéficiaires du complément de libre choix
du mode de garde dans le cadre du plan de relance

Dans le cadre des mesures visant à relancer l’économie, il est prévu le versement, au mois de juin 2009, d’une aide exceptionnelle de 200 euros sous la forme de chèques emploi service universel (CESU) préfinancés de 10 ou 20 euros aux bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde.

d) Afin de renforcer le libre choix, le complément de libre choix du mode de garde peut être cumulé avec un complément de libre choix d’activité

Il est possible de cumuler différents compléments, notamment en cas de recours à une assistante maternelle et à une garde à domicile, ou en cas d’activité à temps partiel. Dans ce dernier cas, le complément de libre choix du mode de garde est versé :

– à taux divisé de moitié si le parent bénéficie d’un complément de libre choix d’activité pour une activité ou une formation professionnelle rémunérée à temps partiel au plus égale à 50 % ;

– à taux plein si le parent bénéficie d’un complément de libre choix d’activité pour une activité comprise entre 50 et 80 %.

En revanche, le complément de libre choix du mode de garde n’est pas cumulable avec le complément de libre choix d’activité à taux plein.

1. Principales différences entre le complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle et l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle

Les plafonds de ressources et les montants sont fortement augmentés :

– le plafond de la première tranche passe de 17 593 euros par an à 19 225 euros ;

– le montant versé au-dessous de ce seuil passe de 109 euros à 375 euros par mois.

Pour les deux prestations, il y a prise en charge des cotisations sociales.

Avantage de trésorerie pour les familles, le complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle est versé mensuellement et non plus trimestriellement.

2. Principales différences entre le complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile et l’allocation de garde d’enfant à domicile

Versement d’une aide aux familles comme pour le complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle en plus de la prise en charge, comme par l’allocation de garde d’enfant à domicile, d’une partie des cotisations sociales mais de façon plus avantageuse (montant pris en charge plus élevé).

Avantage de trésorerie pour les familles, le complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile est aussi versé mensuellement et non plus trimestriellement.

2. Le complément de libre choix du mode de garde semble répondre aux besoins des parents

Comme cela a été rappelé, la création du complément de libre choix du mode de garde s’insère dans une action économique et sociale d’ensemble visant notamment à développer les emplois de services aux personnes et la qualité de vie des familles ayant des enfants en bas âge. En complément de la création de la PAJE, de nombreuses mesures ont été prises et notamment des mesures d’allègements fiscaux qui contribuent aussi à la solvabilisation des familles et au développement de certains modes de garde. L’évaluation du complément de libre choix du mode de garde doit en tenir compte.

Allègements fiscaux pour les familles concernant la garde des enfants

Le crédit d’impôt pour frais de garde à l’extérieur du domicile

Les frais de garde (nets des aides reçues au titre du complément de libre choix du mode de garde ou versées par le comité d’entreprise ou l’entreprise) engagés à l’extérieur du domicile (assistant maternel ou établissement de garde) pour des enfants de moins de six ans ouvrent droit à un allègement fiscal. Initialement, en 2005, il s’agissait d’une réduction d’impôt de 25 %, dans la limite de 2 300 euros. Le dispositif favorisait donc les ménages ayant les plus hauts revenus. En 2006, l’aide a été transformé en crédit d’impôt. Cela permet, depuis, aux familles les plus modestes de bénéficier également d’une diminution du reste à charge. En outre, le taux de la réduction a été doublé pour atteindre 50 % des dépenses.

Cette mesure bénéficie à 1,5 million de ménages pour un coût moyen de 565 euros par ménage. En raison de la transformation de l’aide et de sa revalorisation, le coût de la réduction d’impôt a fortement progressé. Il est passé de 350 millions d’euros en 2006 à 780 millions d’euros en 2007, puis à 840 millions d’euros en 2008, un montant identique étant prévu pour 2009.

Le crédit d’impôt pour l’emploi d’une garde à domicile

Les frais de garde (nets des aides reçues au titre de complément de libre choix du mode de garde ou versées par le comité d’entreprise ou l’entreprise) d’un enfant à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt égal à 50 % dans la limite de 12 000 euros majoré de 1 500 euros par enfant à charge dans la limite d’un plafond de 15 000 euros. Initialement, l’aide était une réduction d’impôt. Elle a été transformée en crédit d’impôt, à compter de 2007 pour les personnes qui exercent une activité professionnelle ou sont inscrits comme demandeur d’emploi depuis au moins trois mois.

En outre, les familles qui cotisent sur le salaire réel de leur employé à domicile bénéficient d’une réduction de quinze points de cotisations patronales de sécurité sociale. Cette réduction est cumulable avec le complément de libre choix du mode de garde.

a) Le complément de libre choix du mode de garde connaît un fort développement

Le complément mode de garde de la PAJE est en fort développement.

En décembre 2007, le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde s’élevait à 810 000.

744 000 ménages bénéficiaient du complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle, 62 000 du complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile et 4 000 du complément de libre choix du mode de garde « structure ».

Évolution du nombre de bénéficiaires d’aides directes à la garde d’enfants

(En milliers)

Prestation

2003

2004

2005

2006

2007

Écart 2007-2003

Évolution 2007/2003

AFEAMA
CMG assistante maternelle

629

567
111

391
316

227
514

109
635

   

Total aide garde assistante maternelle

629

678

707

741

744

+ 115

+ 18 %

AGED
CMG garde à domicile

53

46
7

35
21

23
35

15
47

   

Total garde à domicile

53

53

56

58

62

+ 9

+ 17 %

CMG structures (associations, entreprises)

     

1

4

   

Total PAJE seule

 

118

317

516

638

ns

ns

Total PAJE et anciennes prestations

682

731

763

800

810

+ 128

+ 19 %

Source : CNAF ; bénéficiaires tous régimes, métropole et DOM.

Depuis la création de la PAJE, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 130 000, soit près de 20 %. Cette progression résulte, pour l’essentiel, de l’augmentation du nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde au titre de l’emploi d’une assistante maternelle (+ 115 000). La progression du nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde pour l’emploi d’une garde à domicile est aussi importante mais l’effectif est nettement plus faible.

En 2008, la progression du complément de libre choix du mode de garde a été très forte ; près de 90 000 familles supplémentaires en ont bénéficié (+ 14,3 %).

Le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle a continué d’augmenter sensiblement (+ 13 %) et davantage encore celui des bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile (+ 24 %). Le complément de libre choix du mode de garde « structure » commence à se développer, puisque le nombre de personnes qui en ont bénéficié a doublé en 2008 (environ 8 500 bénéficiaires).

En 2008, le nombre de bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle ayant un niveau inférieur de ressources, c’est-à-dire relevant de la première tranche, a augmenté de 28 %. Cette évolution est probablement due, au moins en partie, à l’augmentation du complément de libre choix du mode de garde pour les bénéficiaires ayant un niveau inférieur de ressources. Le nombre de bénéficiaires ayant un niveau intermédiaire de ressources a augmenté de 13 % et le nombre de bénéficiaires ayant un niveau supérieur de ressources a été stable.

Le complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile se développe surtout dans les familles qui ont un enfant de trois à six ans (quasi-doublement en un an pour un effectif d’environ 18 000).

b) Le coût des aides à la garde d’enfants versées aux familles a doublé depuis 2003

Sous l’effet de l’augmentation du nombre de bénéficiaires et de l’augmentation du montant du complément de libre choix du mode de garde par rapport aux prestations antérieures, le coût des aides sociales directes versées aux familles pour le financement d’un mode de garde payant a pratiquement doublé (+ 99 %), de 2003 à 2008. Il est passé de 2,3 milliards d’euros, en 2003, à 4,5 milliards d’euros en 2008, soit une augmentation de 2,2 milliards d’euros.

Évolution du coût des aides directes à la garde d’enfants

(En millions d’euros)

Prestation

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Écart 2007-2003

Évolution 2007/2003

AFEAMA
CMG assistante maternelle

2 168

2 225
170

1 611
1 255

838
2 623

286
3 455

138
4 128

   

Total aide garde assistante maternelle

2 168

2 395

2 865

3 461

3 741

4 266

+ 2 006

+ 93 %

AGED
CMG garde à domicile

113

115
9

100
74

54
154

31
199

17
235

   

Total garde à domicile

113

124

174

208

230

252

+ 139

+ 123 %

CMG structures (associations, entreprises)

     

3

10

22

   

Total PAJE seule

 

179

1 429

2 770

3 664

4 385

ns

ns

Total PAJE et anciennes prestations

2 281

2 340

3 039

3 670

3 975

4 540

+ 2 259

+ 99 %

Source : CNAF ; France entière, tous régimes.

Durant la seule année 2008, le coût du complément de libre choix du mode de garde a augmenté, dans la même proportion que le nombre de bénéficiaires, de 14 %.

Depuis 2004, le coût des aides à la garde d’enfants versées directement aux familles augmente, en moyenne, d’environ un demi-milliard d’euros chaque année.

b) Les parents considèrent que le complément de libre choix du mode de garde favorise effectivement le libre choix du mode de garde

L’enquête de satisfaction réalisée par la CNAF, en 2005, montre que le complément de libre choix du mode de garde a été le moteur du libre choix du mode de garde pour les deux tiers des parents qui en bénéficient. Le complément de libre choix du mode de garde a donc bien joué son rôle. Seulement un parent sur dix qui en bénéficie aurait préféré un autre mode de garde que celui qui a été choisi.

Cependant, pour les deux tiers des parents bénéficiant du complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle, celui-ci a un impact uniquement sur la charge financière. Le complément de libre choix du mode de garde permet de diminuer la charge financière sans favoriser l’accès au mode de garde. Autrement dit, l’aide apportée par le complément de libre choix du mode de garde ne conduit pas les parents à modifier leur choix de mode de garde.

3. Le complément de libre choix du mode de garde contribue à la réduction du reste à charge des familles

La PAJE ainsi que la transformation des crédits d’impôt en réductions d’impôt ont entraîné une diminution importante des frais de garde restant à la charge des familles.

En outre, grâce à l’augmentation de l’aide apportée par le complément de libre choix du mode de garde, le reste à charge pour les familles est, désormais, pratiquement le même pour une garde par une assistante maternelle ou dans une crèche. Mais le problème auquel les parents sont souvent confrontés reste le manque de places en crèches ou de garde par une assistante maternelle.

a) Le complément de libre choix du mode de garde contribue fortement à la réduction du reste à charge

L’enquête sur les modes de garde et d’accueil des jeunes enfants menée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), en 2007, montre que près de deux enfants sur trois âgés de moins de trois ans non scolarisés sont gardés par les parents (64 %) ou par les grands-parents ou un autre membre de la famille (4 %). Par ailleurs, près d’un enfant sur trois (31,5 %) est confié à une garde payante : assistante maternelle (18 %), crèche (11 %) ou garde à domicile (2 %).

L’enquête de la DREES permet notamment de préciser la contribution des allocations diverses et des aides fiscales (crédits ou réductions d’impôts) à la diminution des dépenses de garde des familles.

Ces éléments d’information concernent en particulier les familles qui recourent à une solution de garde ouvrant droit au complément de libre choix du mode de garde de la PAJE, à titre principal, c’est-à-dire à un mode de garde où l’enfant passe le plus de temps du lundi au vendredi entre 8 heures et 19 heures.

Coût de la garde restant à la charge des familles, en 2007

(En euros)

Mode de garde

Dépenses garde principale

Allocations

Crédits ou réductions d’impôt

Dépenses nettes

Nombre d’heures

Coût horaire avant réduction

Coût horaire net

Assistante maternelle (1)

508

244

77

187

166

3,1

1,1

Crèche

269

0

86

183

169

1,6

1,1

Assistante maternelle non agréée

387

0

0

387

167

2,3

2,3

À domicile simple

1 203

131

437

635

187

6,4

3,4

Garde partagée

1 018

169

425

424

209

4,9

2,0

Ensemble payant

455

153

97

205

168

2,7

1,2

(1) Rémunérée 3,5 SMIC par jour.

Source : DREES.

En moyenne, sur l’ensemble des familles, le complément de libre choix du mode de garde assistante maternelle permet de réduire de moitié (48 %) le reste à charge des parents qui emploient une assistante maternelle agréée, le crédit d’impôt réduisant, pour sa part, le reste à charge de 15 %.

Au total, l’aide mensuelle de 244 euros apportée par le complément de libre choix du mode de garde et les aides fiscales (77 euros) permettent de réduire de près des deux tiers (63 %) le reste à charge des familles qui emploient une assistante maternelle. Le reste à charge de la famille représente donc un peu plus d’un tiers (37 %) du coût initial.

La dépense mensuelle initiale pour les familles de 508 euros par mois est, après allocations et aides fiscales (321 euros), ramenée à 166 euros.

L’allocation de complément de libre choix du mode de garde représente les trois quarts de l’aide globale, l’aide fiscale en représentant un quart.

Il en va différemment en cas d’emploi d’une garde à domicile, non partagée.

En moyenne, pour un coût initial pour les familles qui emploient une garde à domicile de 1 203 euros par mois, le complément de libre choix du mode de garde s’élève à 131 euros, soit 11 % du coût initial, et les aides fiscales à 437 euros, soit 36 % du coût initial.

Au total, les allocations et aides fiscales permettent de réduire de 568 euros le coût initial et de laisser 635 euros à la charge des familles. Les aides permettent de réduire de près de moitié (47 %) le reste à charge des familles.

L’allocation de complément de libre choix du mode de garde représente un quart de l’aide globale et les aides fiscales les trois quarts. Les proportions sont donc inverses de celles concernant l’emploi d’une assistante maternelle agréée.

Cependant, l’aide globale apportée à la famille en cas d’emploi d’une garde à domicile est sensiblement plus élevée (568 euros) que celle apportée en cas d’emploi d’une assistante maternelle agréée (321 euros). Mais cette différence peut s’expliquer par la différence de coût initial : 1 203 euros pour la garde à domicile et 508 euros pour l’assistante maternelle.

Dans les deux cas, les aides publiques permettent de réduire au moins de moitié le reste à charge des familles : 63 % pour une assistante maternelle et 47 % pour une garde à domicile. Le taux de réduction du reste à charge est un tiers plus élevé pour l’emploi d’une assistante maternelle.

Aussi, le reste à charge net, après allocations et aides fiscales, en cas d’emploi d’une garde à domicile demeure nettement plus élevé (635 euros) qu’en cas d’emploi d’une assistante maternelle (187 euros).

Le reste à charge net, après allocations et aides fiscales, est donc plus élevé de 450 euros en cas d’emploi d’une garde à domicile non partagée qu’en cas d’emploi d’une assistante maternelle ou de garde en crèche. Le reste à charge est 3,4 fois plus élevé en cas d’emploi d’une garde à domicile.

On peut aussi observer qu’en cas d’emploi d’une assistante maternelle, qui représente plus de neuf cas sur dix d’attribution d’un complément de libre choix du mode de garde, l’aide apportée par le complément de libre choix du mode de garde a un effet redistributif. Elle est effectivement plus élevée pour les revenus les plus faibles.

Réduction du reste à charge procurée par le complément de libre choix du mode
de garde en cas d’emploi, à titre principal, d’une assistante maternelle agréée

(En euros)

Niveau de vie mensuel par unité de consommation

Montant de l’allocation de CMG

Moins de 1 100 

283

De 1 100 à 1 700

265

De 1 700 à 2 300

249

Plus de 2 300 

164

Source : DREES.

Elle s’élève à 283 euros pour les familles dont le niveau de vie mensuel par unité de consommation est inférieur à 1 100 euros et à 164 euros en cas de niveau de vie supérieur à 2 300 euros.

b) Le complément de libre choix du mode de garde contribue à l’égalisation du reste à charge pour les principaux modes de garde

L’enquête sur les modes de garde et d’accueil des jeunes enfants menée par la DREES, en 2007, montre aussi que, désormais, après allocations et réduction d’impôt, le reste à charge pour les familles est équivalent pour une garde par une assistante maternelle ou dans une crèche.

Entre 2002 et 2007, les frais de garde payant pour l’emploi d’une assistante maternelle ou d’une garde à domicile ont diminué grâce à la mise en place de la PAJE et du crédit d’impôt pour les familles modestes et grâce aux revalorisations des aides fiscales.

Évolution du coût horaire et du reste à charge mensuel

 

Crèche

Assistante maternelle agréée (1)

Garde à domicile

 

2002

2007

2002

2007

2002

2007

Dépenses initiales

282

269

427

508

1 016

1 203

Allocations CMG

0

0

156

244

0

131

Réductions d’impôt

35

86

43

77

223

437

Total des aides

35

86

199

321

223

568

Reste à charge

247

183

238

187

793

635

Coût horaire avant allocations et réductions d’impôt

1,6

1,6

2,6

3,1

5,7

6,4

Coût horaire net

1,4

1,1

1,4

1,1

4,4

3,4

(1) Rémunérée 3,5 SMIC par jour.

En moyenne, le complément mode de garde de la PAJE permet aux parents qui emploient une assistante maternelle agréée de percevoir mensuellement 244 euros d’allocations par enfant en 2007, contre 156 euros en 2002 avec l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, soit une augmentation de l’aide de 88 euros ou 50 %.

L’augmentation du montant des aides (complément de libre choix du mode de garde + réduction ou crédit d’impôt) de 199 euros, en 2002, à 321 euros, en 2007, a permis d’abaisser le reste à charge en cas d’emploi d’une assistante maternelle de 238 euros, en 2002, à 187 euros, en 2007, soit une diminution de 51 euros ou 21 %.

Cette diminution représente un dixième de la dépense initiale de garde d’assistante maternelle.

En outre, alors qu’en 2002 aucune allocation n’était versée aux parents en cas de garde à domicile, le complément de libre choix du mode de garde-garde à domicile apportait, en moyenne, une aide de 131 euros, en 2007.

Compte tenu de l’augmentation des aides de 223 euros, en 2002, à 568 euros, en 2007, le reste à charge en cas d’emploi d’une garde à domicile est passé, de 2002 à 2007, de 793 euros à 635 euros, soit une diminution de 158 euros ou 20 %.

Avant allocations et déductions fiscales, les familles qui ont recours à une garde payante à titre principal consacrent, en moyenne par enfant, 269 euros par mois pour une garde en crèche, 508 euros pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée et 1 203 euros pour l’emploi d’une garde à domicile.

En conséquence de la création de la PAJE et de l’augmentation des aides fiscales, l’assistante maternelle agréée et la crèche ont désormais un coût équivalent de 185 euros par mois pour les familles et sont les deux modes de garde les moins onéreux. Le complément de libre choix du mode de garde a donc permis d’annuler la différence entre les restes à charge.

Le renforcement des aides a aussi permis de réduire le coût horaire des modes de garde payant.

Entre 2002 et 2007, grâce, pour l’essentiel, à la création du complément de libre choix du mode de garde et, accessoirement, à l’augmentation des réductions d’impôt, les coûts horaires moyens des assistantes maternelles agréées ont, malgré la revalorisation de leur statut, diminué de 3,7 % par an en euros constants.

La baisse est encore plus marquée pour les familles à revenus modestes (- 8,6 % par an en moyenne) et intermédiaires. Pour les familles aisées, le coût a au contraire augmenté (+ 2,8 % par an sur la période).

Grâce à l’augmentation des réductions d’impôt, pour l’essentiel, et à la création de la PAJE, les coûts horaires de la garde à domicile non partagée ont aussi diminué (- 4,9 % par an).

Le coût horaire restant à la charge de la famille de la garde par une assistante maternelle est désormais équivalent au coût horaire de la garde en crèche (1,10 euro).

Mais le coût horaire, après complément de libre choix du mode de garde et réduction d’impôt, de la garde à domicile qui a diminué d’un quart, depuis 2002, reste encore trois fois plus élevé que celui d’une garde par une assistante maternelle ou en crèche (3,40 euros contre 1,10 euro).

c) Le complément de libre choix du mode de garde participe à l’harmonisation des taux d’effort mais des inégalités subsistent

Le complément de libre choix du mode de garde contribue à la réduction et l’égalisation de la part du revenu consacré aux frais de garde par les familles.

Les familles ayant un enfant de moins de trois ans confié à un mode de garde payant consacrent 13 % de leurs revenus à sa garde. Les aides sociales et fiscales permettent de limiter leur taux d’effort, c’est-à-dire de baisser la part de leur revenu consacrée à la garde à 6 %.

Avant allocations et crédits d’impôt, l’emploi d’une assistante maternelle agréée pèse, en moyenne, plus fortement sur le budget des familles (14 %) que la garde en crèche (8 %).

Après allocations et crédits d’impôt, le taux d’effort est ramené à 5 % ou 7 % du budget, quels que soient les niveaux de vie des parents.

Part du revenu consacrée à la garde d’un enfant selon le niveau de vie des familles

Niveau de vie mensuel (par unité de consommation)

Assistante maternelle (1)

Crèche

Garde à domicile

avant

après

avant

après

avant

après

moins de 1 100 euros

27

6

11

7

ns

ns

de 1 100 à 1 700 euros

17

5

9

6

ns

ns

de 1 700 à 2 300 euros

14

5

8

5

ns

ns

plus de 2 300 euros

11

6

7

5

14

8

ensemble

14

5

8

6

17

9

(1) Rémunérée 3,5 SMIC par jour.

Le taux d’effort est donc pratiquement équivalent pour toutes les familles qui recourent à une assistante maternelle ou à une crèche pour faire garder leur enfant. Le taux d’effort est aussi le plus bas, quels que soient les revenus, pour ces modes de garde.

Pour les personnes ayant des revenus élevés, le taux d’effort pour la garde à domicile (8 %) est encore sensiblement plus élevé que celui concernant les gardes en crèche ou par une assistante maternelle agréée (5 % ou 6 %).

Mais l’emploi d’une garde à domicile, même partagée, reste trop onéreux pour les parents les plus modestes. Les aides sont insuffisantes pour solvabiliser la demande de ces familles pour ce mode de garde. Cela explique, d’ailleurs, en partie, la segmentation existante dans l’utilisation des modes de garde. Les enfants de familles aisées recourent principalement à des modes garde individualisés (assistante maternelle ou garde à domicile) alors que ceux de familles modestes sont essentiellement accueillis dans les modes de garde collectifs.

Le complément de libre choix du mode de garde n’a pas permis de supprimer toutes les inégalités entre les ménages les plus aisés et les plus modestes mais il a permis d’en réduire certaines.

De fait, depuis la création de la PAJE ainsi que la transformation des réductions d’impôt en crédits d’impôt et leur majoration, la réduction des taux d’effort est générale et très significative, pour tous les modes de garde, surtout pour les titulaires de revenus modestes et intermédiaires.

Les chiffres publiés dans le programme de qualité et d’efficience de la branche Famille, en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, permettent de prendre la mesure de l’évolution. Ils résultent de calculs effectués par la CNAF et la direction de la sécurité sociale selon des modalités différentes de celles utilisées par la DREES. La CNAF et la direction de la sécurité sociale ont calculé le reste à charge et le taux d’effort à partir du cas type d’un couple bi-actifs avec un enfant alors que la DREES a calculé le taux d’effort par unité de consommation.

Cette différence explique que les résultats publiés dans le programme de qualité et d’efficience sont légèrement différents de ceux publiés par la DREES. Mais les tendances et les constats sont très proches.

Pour un couple bi-actifs avec un enfant de moins de trois ans gardé, et ayant un revenu d’un SMIC, trois SMIC ou six SMIC, le taux d’effort est passé, de 2002 à 2008 :

1° En cas de recours à une assistante maternelle :

– 1 SMIC : de 27,5 % à 8 % (reste à charge de 96 euros en 2008) ;

– 3 SMIC : de 9,9 % à 5,3 % (172 euros) ;

– 6 SMIC : de 5,3 % (en 2004) à 4,5 % (280 euros) ;

2° En cas de recours à une garde à domicile, non partagée, rémunérée 1,2 Smic (coût total de 2 317 euros) :

– 1 SMIC : de 121 % à 57 % (580 euros) ;

– 3 SMIC : de 45,5 % à 25,8 % (837 euros) ;

– 6 SMIC : de 17,6 % à 15,4 % (946 euros) ;

3° En cas de recours à une garde à domicile partagée (coût total de 1 203 euros), de 2004 à 2008 :

– 1 SMIC : 43,1 % à 18,2 % (218 euros) ;

– 3 SMIC : 16,3 % à 9,1 % (297 euros) ;

– 6 SMIC : 6,2 % à 5,7 % (351 euros) ;

4° À titre de comparaison, dans le cas de garde dans un établissement collectif :

– 1 SMIC : de 10,4 % à 4,3 % (52 euros) ;

– 3 SMIC : de 8,7 % à 6,6 % (214 euros) ;

– 6 SMIC : de 6,8 % (en 2004) à 5,7 % (351 euros).

Ces chiffres confirment notamment que le mode de garde assistante maternelle qui représente un taux d’effort de l’ordre de 6 % à 8 %, soit un reste à charge de l’ordre de 90 euros par mois, est désormais accessible, mais difficilement, aux parents ayant des revenus modestes. En effet, selon cette étude, le reste à charge pour une garde par une assistante maternelle (96 euros) reste encore, pour les parents ayant des revenus autour du SMIC, nettement plus élevé – presque le double – que pour un accueil en crèche (52 euros). La différence de reste à charge est encore très substantielle, à ce niveau de revenu.

Le recours à la garde à domicile est encore plus inabordable pour les familles ayant un revenu modeste. Même avec le bénéfice du crédit d’impôt, depuis 2007, le reste à charge de 680 euros est trop important. La garde à domicile partagée est quasiment impossible puisque le reste à charge s’élève dans ce cas à 280 euros.

La garde à domicile simple n’est toujours pas abordable aux ménages ayant un revenu équivalent à trois SMIC. Le taux d’effort de 26 % et le reste à charge de 837 euros sont encore trop élevés. En revanche, la garde à domicile partagée est devenue plus abordable. Le taux d’effort est de 9,1 % et le reste à charge s’élève à 297 euros.

La garde à domicile simple est encore réservée aux familles aisées. Pour ces familles, disposant de revenus s’élevant au minimum à six SMIC, le recours à la garde à domicile partagée permet de réduire fortement leur taux d’effort à un niveau équivalent à celui qui correspond à une place en crèche (5,7 %). En outre, à ce niveau de revenu, le taux d’effort en cas de garde partagée est de près de dix points inférieur à celui consenti pour une garde à domicile simple (5,7 % au lieu de 15,4 %).

Globalement, les différentes réformes permettent de contenir le taux d’effort à un niveau le plus souvent inférieur à 10 % des ressources de la famille, quels que soient les revenus et le mode de garde, à l’exception de la garde à domicile lorsque les ressources sont modestes et de la garde à domicile non partagée pour tous les niveaux de revenus.

III.- PROPOSITIONS : FAVORISER L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ET RENFORCER LE LIBRE CHOIX DES FAMILLES

Il paraît souhaitable de conforter la PAJE mais en la faisant évoluer sur certains points.

Les propositions retenues s’organisent autour des objectifs suivants :

– conforter le libre choix des familles ;

– maintenir des aides largement accessibles mais réduire certains effets d’aubaine ;

– favoriser l’emploi et éviter l’éloignement prolongé du marché du travail ;

– favoriser le partage des tâches familiales entre hommes et femmes ;

– réduire les contraintes d’offre de garde.

A. AMÉLIORER L’INFORMATION DES FAMILLES SUR LES MODES DE GARDE ET LES AIDES FINANCIÈRES

La MECSS considère que la simplification des démarches est essentielle pour faciliter la vie des familles ayant de jeunes enfants.

En conséquence, la MECSS souhaite que le site internet www.mon-enfant.fr de deuxième génération soit effectivement mis en place début 2010, comme le Gouvernement s’y est engagé. Elle souhaite que l’ensemble des informations nécessaires à l’exercice du libre choix éclairé par les familles, en particulier concernant les places de garde disponibles et le reste à charge de la famille, soit accessible, en temps réel, sur ce site géré par la CNAF.

B. INCITER AU MAINTIEN DE L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET AU PARTAGE DU COMPLÉMENT DE LIBRE CHOIX D’ACTIVITÉ

L’un des objectifs prioritaires du complément de libre choix d’activité doit être d’inciter les parents à éviter de s’éloigner durablement du marché du travail. Mais le complément de libre choix d’activité doit aussi être, en même temps, réorienté pour favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes et inciter à une répartition plus équitable des tâches familiales entre les mères et les pères.

Ces objectifs sont complémentaires.

Il faut donc rendre le complément de libre choix d’activité plus favorable à l’égalité entre les hommes et les femmes.

La durée du congé parental indemnisé et les conditions de son attribution ont des conséquences importantes sur l’égalité entre les sexes en matière d’emploi et de répartition des tâches familiales.

Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), on distingue trois modèles :

– les pays offrant un congé court, d’un an au maximum et non rémunéré comme le Royaume-Uni, l’Irlande, les Pays-Bas et l’Australie ;

– les pays autorisant un congé long de deux ou trois ans et faiblement rémunéré comme l’Autriche ;

– un troisième groupe de pays avec des congés relativement courts, d’environ une année, et assez bien rémunérés sous la forme d’une compensation proportionnelle au salaire, comme la Suède, la Norvège, le Danemark, l’Islande et, depuis 2007, l’Allemagne.

Selon l’OCDE, la France fait partie du deuxième groupe de pays offrant un congé long et plutôt faiblement rémunéré, à partir du deuxième enfant.

Le congé parental dans les pays Nordiques et en Allemagne

Au Danemark, les trente-deux semaines de congé parental qui s’ajoutent aux dix-huit semaines de congé maternité sont rémunérées à 100 % du salaire dans la limite d’un plafond. Il s’agit d’un droit familial à partager librement entre les parents. Il existe aussi un congé de paternité de deux semaines rémunéré. En outre, chaque parent peut aussi bénéficier de huit semaines supplémentaires non rémunérées.

Les trente-deux semaines de congé parental rémunéré doivent être prises durant les quarante-huit semaines suivant la naissance de l’enfant. Mais huit à treize semaines peuvent être prises plus tard, avant les neuf ans de l’enfant. Le congé peut donc être pris en plusieurs séquences, avec l’accord de l’employeur. Le congé peut aussi être utilisé à temps partiel et combiné à une activité, la rémunération perçue au titre du congé étant proportionnellement réduite.

94 % des mères ont fait usage du congé parental et 26 % des pères. 89 % des pères utilisent le congé paternité.

En Suède, les parents disposent de 480 jours de congé parental, dont 390 sont payés à 80 % du salaire, la période restante étant rémunérée de façon forfaitaire ; les employeurs complètent souvent cette rémunération jusqu’à un taux plein pour une période qui varie généralement de trois à six mois. Sur ces 480 jours, chaque parent se voit réserver 60 jours qui sont perdus s’ils n’en font pas usage, le reste étant un droit familial dont le partage peut être librement décidé. Par ailleurs, chaque parent peut prolonger cette période de congé par une période non rémunérée tant que l’enfant a un âge inférieur à dix-huit mois.

La flexibilité du dispositif est assez grande puisque le congé est calculé en nombre de jours et non de semaines impliquant un nombre de jours non séparables. De plus, le congé rémunéré peut être fractionné en plusieurs périodes, jusqu’aux huit ans de l’enfant. Les parents peuvent être en congé simultanément, et l’utiliser à temps partiel (à mi-temps, voire même à un huitième de temps), la période de congé étant alors prolongée. Les parents peuvent aussi fractionner le congé en plusieurs séquences, dans la limite de trois périodes par an.

90 % des pères ont recours au congé parental mais le total de jours pris par les mères et les pères demeure très inégal : les pères utilisaient, en 2003, 17 % du total des jours de congé parental. Ces jours sont généralement pris dans la période comprise entre les sixième et dix huitième mois de l’enfant. Les pères sont aussi plus nombreux à prendre un congé « partiel », un jour par semaine par exemple.

En Islande, chaque parent a droit à un congé individuel de treize semaines, rémunéré à 80 % du salaire. Un congé parental supplémentaire de treize semaines est octroyé avec les mêmes conditions de rémunération, les parents étant libres de choisir sa répartition. L’ensemble des congés doivent être pris dans les dix-huit mois suivant la naissance de l’enfant. Ensuite, treize semaines de congé supplémentaires non rémunérées peuvent être prises avant les huit ans de l’enfant. Les congés peuvent être pris en une ou plusieurs périodes.

Environ 90 % des mères utilisent leur droit individuel, mais la proportion n’est que de 20 % parmi les pères. La durée moyenne du congé est de 99 jours pour ces derniers, tandis que les mères en utilisent 185 jours. En dépit de ce déséquilibre persistant, la réforme de 2004 qui a introduit ce droit individuel a eu un effet perceptible : la part des jours de congé utilisés par les pères est passée de 3,3 % à près de 35 % en 2006.

Enfin, en Allemagne, la réforme de 2007 s’est orientée vers l’octroi d’un congé relativement court, de cinquante-deux semaines rémunérées à 67 % du revenu salarial. Il est néanmoins possible de l’utiliser sur vingt-quatre mois avec une rémunération à taux réduit. Par ailleurs, un bonus de deux mois est octroyé si le congé est partagé entre les parents.

L’usage du congé est aussi relativement flexible. Les parents peuvent prendre un congé partiel et continuer à percevoir une allocation compensatrice si leur activité ne dépasse pas trente heures par semaines. Par ailleurs, la dernière fraction du congé peut être prise avant les huit ans de l’enfant. Enfin, les parents peuvent bénéficier du congé simultanément et prendre le congé en deux périodes au maximum.

Depuis la création du nouveau dispositif, le taux de recours au congé parental s’est sensiblement accru parmi les pères, passant de 3,5 % avant la réforme à 14,3 % au premier trimestre 2008.

Ces exemples montrent l’efficacité des mesures qui ont été prises dans ces pays pour améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes dans la vie familiale et l’emploi.

L’évolution de la durée du congé parental indemnisé peut avoir un effet de levier important et durable sur les représentations au sein de la société et permettre de rééquilibrer la répartition des tâches entre les genres.

Le succès du congé paternité de onze jours ouvrables qui est pris par plus des deux tiers des pères s’inscrit dans cette logique. Les études montrent aussi la progression de l’intérêt des pères pour l’égalité au sein du couple et que l’idée d’arrêter de travailler ou de réduire son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant progresse. Pour répondre à ces attentes, il faut rendre le complément de libre choix d’activité réellement accessible aux pères et limiter l’incitation à un éloignement durable du marché du travail des femmes ayant un faible niveau de qualification.

En lien avec l’allongement de la durée du congé de maternité à dix-huit semaines préconisé par l’Union européenne, il est donc souhaitable de s’orienter vers un congé mieux indemnisé mais d’une durée plus courte, qui pourrait être de l’ordre d’un an, et dont au moins une partie serait partagée entre le père et la mère. Une partie du complément de libre choix d’activité devrait être réservée au père. Une prime à la parentalité pourrait être prévue lorsque cette fraction est utilisée. Dans certains cas, une prime pourrait également être accordée en cas de reprise immédiate d’une activité professionnelle ou d’une formation, à l’issue du congé pris pendant la première année de l’enfant. Les conditions d’usage du congé indemnisé devraient être souples pour laisser à chaque famille le libre choix d’adapter l’utilisation du congé en fonction de ses besoins. Une partie de la durée du congé indemnisé devrait ainsi pouvoir être prise de manière fractionnée, par journée, par exemple jusqu’aux dix ans de l’enfant.

Cette réforme du complément de libre choix d’activité aurait des conséquences importantes sur le recours aux différents modes de garde. Le nouveau dispositif devrait permettre de dégager un nombre de places de garde significatif actuellement utilisées pour la garde des enfants de moins de un an. Les places rendues disponibles pourraient être redéployées pour accueillir les enfants plus âgés, en particulier ceux d’un à deux ans. Dans le schéma envisagé, les enfants de deux à trois ans pourraient progressivement être accueillis dans le nouveau mode de garde, mieux adapté que la maternelle, que constituent les jardins d’éveil et dont l’expérimentation vient de débuter.

Il conviendra de veiller à ce que le taux d’encadrement en jardins d’éveil soit suffisamment important pour assurer la qualité de l’accueil des enfants. Il faudra aussi veiller à maîtriser les impacts financiers sur les familles liés au développement de ce nouveau mode de garde. Il serait par ailleurs souhaitable que l’Éducation nationale qui accueille encore près d’un enfant sur cinq de plus de deux ans soit impliquée dans la mise en œuvre des jardins d’éveil.

La question de l’optimisation de l’utilisation de l’offre de garde est centrale car elle permet de donner sa pleine portée à l’objectif de libre choix du mode de garde. La réduction des contraintes financières est un objectif insuffisant en soi. Il faut agir simultanément sur la demande et sur l’offre de garde tout en prenant en compte les répercussions des choix parentaux sur le bien-être des enfants et la vie des entreprises. En ce qui concerne ce dernier point, il y a tout lieu de penser qu’un complément de libre choix d’activité moins long et mieux partagé serait de nature à améliorer la prise en compte des questions de parentalité dans les entreprises. Il serait d’ailleurs souhaitable d’inciter les partenaires sociaux à s’impliquer davantage sur ce thème.

Le Premier ministre a indiqué, le 5 juin 2009, lors de son discours pour l’installation du Haut conseil de la famille, qu’il confiait à ce dernier la mission de conduire une réflexion sur l’évolution du congé parental.

Il conviendrait que la réflexion engagée par le Haut conseil de la famille sur ce sujet sensible qui recouvre d’importants enjeux de société transversaux puisse aboutir prochainement.

Il serait souhaitable de parvenir, dans un délai bref, après concertation avec les représentants des familles et les partenaires sociaux, à un congé parental réformé, plus court, mieux indemnisé, partagé et souple qui permette d’améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale et de réduire les inégalités dans l’arbitrage entre le travail et les tâches familiales en fonction du niveau de ressources et du sexe.

Par cohérence avec la mise en place d’un complément de libre choix d’activité réformé, unifié et plus court, la question de la suppression du complément optionnel de libre choix d’activité sera alors posée.

Dans cette perspective, il conviendrait que la CNAF réalise, avant la fin de l’année 2009, une étude permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ce dispositif n’a pas rencontré son public.

C. RENFORCER LE COMPLÉMENT DE MODE GARDE ASSISTANT MATERNEL POUR LES FAMILLES MODESTES

Comme cela a été souligné, le reste à charge pour les familles modestes est plus important en cas de recours à une assistante maternelle qu’en cas de garde par un établissement d’accueil du jeune enfant.

L’augmentation du complément de libre choix du mode de garde pour ces familles, décidée en 2008, a déjà permis de réduire l’écart de reste à charge et le taux d’effort en cas de recours à une assistante maternelle.

Afin de supprimer la différence résiduelle et de renforcer le libre choix de ces familles, il serait souhaitable de procéder à une nouvelle revalorisation du montant maximum du complément de libre choix du mode de garde pour les familles à revenus modestes.

Mais pour que cette revalorisation produise pleinement son effet, il conviendrait de relever le plafond d’aide actuellement fixé à 85 % de la dépense engagée.

Cette mesure permettrait de renforcer le libre choix du mode de garde des familles à bas revenus. Ces familles pourraient plus facilement faire le choix de recourir à une assistante maternelle plutôt qu’opter pour le complément de libre choix d’activité, souvent à taux plein.

Le financement de cette majoration pourrait être assuré par une diminution des plafonds de ressources pour l’attribution des allocations du socle de base.

Par cohérence, il serait alors souhaitable de cesser de verser la majoration du complément de libre choix d’activité aux familles ayant les revenus les plus élevés qui ne perçoivent pas l’allocation de base.

Les membres UMP de la mission ne sont pas favorables à ces deux dernières propositions et souhaitent qu’une étude soit réalisée pour en évaluer l’impact.

Par ailleurs, la MECSS souhaite que la réflexion sur l’optimisation des modes de garde se poursuive afin, en prenant en compte les contraintes budgétaires, de mieux répondre aux besoins des familles et d’améliorer la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

CONCLUSION

La prestation d’accueil du jeune enfant est un élément important de l’aide à la petite enfance. Le panier de prestations financières que constitue la PAJE doit être adapté en fonction de l’évolution des besoins des familles. C’est le sens des propositions qui sont présentées.

Mais pour que les prestations en espèces soient pleinement efficaces et l’objectif de libre choix atteint, celles-ci doivent être complétées par des services d’accueil de qualité et en quantité suffisante sur l’ensemble du territoire. Ce n’était pas l’objet du présent rapport d’étudier l’offre de services d’accueil même si ce sujet a été abordé lors de certaines auditions.

Il serait souhaitable qu’une prochaine mission de la commission des affaires sociales puisse approfondir la réflexion sur cette question. Afin de renforcer le libre choix des familles, il conviendrait, au-delà de l’amélioration des aides financières à la petite enfance, de développer l’offre de modes de garde, notamment en crèches. Les adaptations devraient tenir compte de la montée en charge des jardins d’éveil et de la mise en place de la réforme du complément de libre choix d’activité qui est préconisée. Cette mission devrait être aussi l’occasion de réexaminer la question de la rémunération et de la formation professionnelle des assistantes maternelles agréées ainsi que de déterminer les raisons pour lesquelles un nombre significatif d’entre elles se retrouvent sans enfants à garder et les moyens de pallier ce problème.

*

LISTE DES PROPOSITIONS

1. Améliorer l’information des familles sur les modes de garde ainsi que sur les aides financières et le reste à charge

2. Réformer le complément de libre choix d’activité : un congé parental plus court, mieux indemnisé, partagé et fractionnable

3. Renforcer le complément de mode de garde assistant maternel pour les familles modestes

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La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a adopté le présent rapport lors de sa réunion du mardi 7 juillet 2009.

Comme le prévoit l’article LO 111-9-3 du code de la sécurité sociale, elle notifiera les préconisations du présent rapport au Gouvernement et aux organismes de sécurité sociale concernés, lesquels seront tenus d’y répondre dans un délai de deux mois, et assurera le suivi de ses conclusions.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires sociales procède à l’examen du rapport d’information, présenté par Mme Marie-Françoise Clergeau, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), sur la prestation d’accueil du jeune enfant, au cours de sa séance du mardi 7 juillet 2009.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’urgence consiste à apporter une réponse aux maires qui songent à créer un jardin d’éveil mais ignorent comment ces structures seront financées.

M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS. Je salue la qualité du travail de Mme Clergeau : ce rapport sera une réflexion de référence sur la politique familiale.

J’insiste sur les préconisations de la rapporteure concernant la lisibilité du dispositif : les informations devront être accessibles pour la totalité des parents en 2010, comme le Gouvernement s’y est engagé.

Une réflexion doit être ouverte à propos de l’adaptation des modes de garde aux attentes des familles et aux nécessités des tranches d’âge – zéro-un an, un an-deux ans, deux ans-trois ans –, de la réforme du congé parental – qui doit être plus ramassé mais mieux rémunéré – et de la répartition des participations financières au fonctionnement des jardins d’éveil.

La PAJE a remporté un grand succès puisque près de 300 000 familles supplémentaires bénéficient du dispositif, avec une enveloppe budgétaire nettement supérieure aux prévisions initiales.

Le taux d’effort restant à la charge des familles a diminué, quel que soit leur niveau de revenu, même si le différentiel est plus significatif en cas de garde à domicile.

Nous sommes en effet défavorables à la suppression du CMG au-dessus d’un certain niveau de revenu. Nous préconisons une étude d’impact afin de mesurer l’éventuel effet d’aubaine, de comptabiliser les conséquences positives en termes de lutte contre le travail dissimulé et d’évaluer le risque d’ouvrir une trappe à exclure les mères des parcours professionnels.

La MECSS exercera, bien entendu, une sorte de droit de suite sur cet excellent travail.

M. Jean Mallot, coprésident de la MECSS. Marie-Françoise Clergeau a accompli un travail considérable dont nous tirerons les enseignements dans la suite de nos travaux.

Le changement de dispositif intervenu en 2004 a produit des effets importants puisque la base budgétaire a progressé de 43 %.

Néanmoins, à proportion, le nouveau système a davantage bénéficié aux familles aisées qu’aux familles modestes ; à cet égard, le rapport de la Cour des comptes est très clair. Cet accroissement des inégalités mérite un examen, d’où certaines des propositions formulées par la MECSS.

Toutes les démarches concourant à simplifier le système et surtout à le rendre plus lisible pour ses utilisateurs doivent être encouragées.

La plupart de nos interlocuteurs ont naturellement aussi abordé le thème des offres de garde, un travail supplémentaire s’avérant, à l’évidence, nécessaire en la matière, notamment s’agissant des jardins d’éveil.

Le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, installé jeudi dernier, pourra-t-il être utilisé pour promouvoir ce travail et lui donner une suite ?

Enfin, il conviendra de profiter des échéances à venir, en particulier de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour donner une suite législative aux propositions avancées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’ai moi aussi apprécié le travail de Marie-Françoise Clergeau, qui remet les choses au clair et devra être complété au cours des mois et des années à venir.

La question des modes de garde est d’actualité, notamment avec les jardins d’éveil. Elle concerne beaucoup de familles. Nous aurions tout intérêt à travailler sur ce sujet pour en maîtriser toutes les dimensions.

Soyons aussi attentifs au congé parental. Les femmes – c’est moins souvent le cas des hommes – qui restent éloignées trop longtemps du travail se trouvent en difficulté pour reprendre un emploi. À cet égard, les propositions émises sont intéressantes.

M. Dominique Dord. Je n’aurais jamais imaginé que la PAJE représente la somme énorme de 11 milliards d’euros de prestations, c’est-à-dire de « salaires indirects », selon l’expression chère au Président Méhaignerie.

Vous préconisez, madame la rapporteure, qu’une partie du CLCA soit « réservée au père ». Pour tenir compte de certaines réalités professionnelles, il serait préférable qu’elle le soit à l’un des deux parents, au choix.

Mme Michèle Delaunay. Je remercie à mon tour Marie-Françoise Clergeau pour son travail et je pense aussi que nous devrons prolonger la réflexion.

Dans une société de plus en plus inégalitaire culturellement, ne serait-il pas souhaitable de se fonder non seulement sur la notion de libre choix mais aussi sur celle de meilleur choix pour les enfants, dont certains rencontrent des problèmes d’acquisition du langage ou de socialisation ? Du personnel spécialisé, formé à cet effet, est nécessaire pour procurer à ces enfants l’environnement nécessaire à leur développement fondamental.

M. le président Pierre Méhaignerie. Dans la perspective du PLFSS, je transmettrai quelques questions au Gouvernement, concernant en particulier les crèches d’entreprises et les micro-crèches en zone rurale.

Mme la rapporteure. Monsieur Dord, le congé de paternité, mis sur pied en 2001 ou 2002, n’est pas obligatoire, mais plus de 60 % des pères le prennent, ce qui traduit une évolution des comportements. L’idée est que les pères puissent partager une partie du congé parental avec les mères mais différentes formules sont envisageables. Vous avez raison, la meilleure formulation est « l’autre parent », car il arrive que le père mobilise la totalité du congé parental, même si cela ne concerne que 3 % des familles à peine. L’essentiel est de faire en sorte que les deux parents s’investissent, l’égalité réelle entre hommes et femmes passant par le partage des tâches domestiques et familiales.

M. Georges Colombier. Ce rapport démontre une fois de plus l’importance de la MECSS : si elle n’existait pas, il faudrait la créer ! J’émets également le souhait que la Commission se saisisse des questions abordées dans le prolongement de la PAJE.

M. le président Pierre Méhaignerie. Les prolongements pourront être traités dans le cadre de l’examen du PLFSS et du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXES

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION

Présidents

M. Jean Mallot (SRC)

M. Pierre Morange (UMP)

Membres

Mme Martine Billard (GDR)

M. Philippe Boënnec (UMP) (1)

Mme Martine Carrillon-Couvreur (SRC)

Mme Marie-Françoise Clergeau (SRC)

M. Georges Colombier (UMP)

M. Rémi Delatte (UMP)

M. Jean-Pierre Door (UMP)

Mme Jacqueline Fraysse (GDR)

Mme Catherine Génisson (SRC)

M. Maxime Gremetz (GDR)

M. Olivier Jardé (NC) (1)

Mme Catherine Lemorton (SRC)

M. Claude Leteurtre (NC)

Mme Geneviève Levy (UMP) (1)

Mme Bérengère Poletti  (UMP) (2)

M. Jean-Luc Préel (NC)

M. Dominique Tian (UMP) (2)

Mme Marisol Touraine (SRC)

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pages

6 novembre 2008 :

10 h 30 – Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire 85

11 h 30 – Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Nicole Roth, sous-directrice de l’observation de la solidarité 92

20 novembre 2008 :

9 h 30 – M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité 100

11 h 30 – M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative 114

4 décembre 2008 :

9 h 30 – M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), M. Hervé Drouet, directeur général, Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches, Mme Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité, et M. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale 121

10 h 30 – Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, et M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris 131

11 h 30 – M. François Fondard, président du conseil d’administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) 136

18 décembre 2008 :

9 h 30 – M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relative à la politique familiale 141

10 h 30 – M. Yves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l’Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général du Territoire-de-Belfort, et M. Jean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l’enfance, Mme Fabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique, et M. Claude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d’Or 150

11 h 30 – M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l’éducation et la petite enfance, et Mme Hélène Cascaro, chargée de mission culture, éducation, enfance, M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l’Association des maires de France (AMF), maire d’Arleux, et Mme Isabelle Voix, en charge du social, et M. Jean Marc Collet, vice-président de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (COVATI), président de la commission enfance jeunesse 165

22 janvier 2009 :

9 h 30 – M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF), Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France, et M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative, Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales, Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), et Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille 171

10 h 30 – M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT) 180

11 h 30 – M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales, et Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général, et Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA), et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement 187

19 février 2009 :

9 h 30 – M. Jean-Louis Nembrini, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, et M. René Macron, chef du bureau des écoles 195

10 h 30 – Mme Monique Dufourny, secrétaire générale du Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF), Mmes Marie-France Le Gouguec et Sandra Onyszko, chargées de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM), Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer, membre du conseil d’administration de l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANDPE), et Mme Marie Bernard, chargée de mission 205

11 h 30 – M. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, Mme Soline Gravouil, présidente de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), et M. Sylvain Forestier, membre de la commission institutionnelle, Mme Claire Beffa, directrice associée de la société de conseil Équilibres 212

5 mars 2009 :

9 h 30 – Mme Martine Durand, directrice-adjointe de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), M. Willem Adema, administrateur principal, et M. Olivier Thevenon, administrateur 223

10 h 30 – Mme Iva Lanova, membre du cabinet de M. Vladimír Špidla, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, chargée des questions d’égalité des chances 229

11 h 30 – M. Fabrice Heyriès, directeur général de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, Mme Florence Lianos, sous-directrice des âges de la vie, et M. Ibrahim Moussouni, adjoint au chef du bureau Enfance et famille 236

26 mars 2009 :

9 h 30 – M. Julien Damon, coauteur du rapport du Centre d’analyse stratégique sur le service public de la petite enfance 246

10 h 30 – Mme France Prioux, corédactrice en chef de la revue Population à l’Institut national d’études démographiques (INED), et M. Laurent Toulemon, responsable de l’unité de recherche fécondité, famille, sexualité à l’INED 252

11 h 30 – Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Isabelle Robert-Bobée, chef du bureau famille, handicap et dépendance 261

19 mai 2009 :

9 h 30 – Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville 267

ANNEXE 3 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

AUDITIONS DU 6 NOVEMBRE 2008

Audition de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes heureux d’accueillir Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître, et Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire. Je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je rappelle brièvement les objectifs fixés par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 pour la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) : la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants grâce à une prestation unique, l’élargissement des différents modes de garde pour les familles et la conciliation vie familiale-vie professionnelle. Le coût estimé à l’époque était, en année pleine, de 700 millions d’euros. Il est trois fois supérieur aujourd’hui.

La Cour des comptes s’est penchée sur le sujet et y a consacré un chapitre de son rapport annuel. Nous sommes très intéressés d’en connaître les observations principales.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Nous avons travaillé trois années de suite sur des questions connexes à la PAJE. Le chapitre consacré à ce sujet dans le rapport de 2008 porte d’ailleurs le titre « Les aides à la garde des jeunes enfants » car il nous est apparu que la PAJE ne pouvait pas être isolée des prestations qui lui ont préexisté ni de l’usage qui peut en être fait, compte tenu que, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, les objectifs de la loi qui a créé cette prestation était de permettre une simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants, un libre choix d’activités pour les parents et un libre choix du mode de garde. Ces points méritent tous d’être discutés car tout le monde n’est pas d’accord sur les résultats obtenus. Il existe de nombreux rapports sur la question. Nous ne manquons pas de littérature. Pour nos travaux, nous avons regardé les rapports de Mme Pécresse, de M. Hirsch et du centre d’analyse stratégique. Le rapport de Mme Tabarot est paru après.

Nous avons constaté que la PAJE était un dispositif assez peu simplifié, ce qui n’est pas étonnant quand on veut cibler des prestations familiales sur des besoins particuliers – l’objectif était certainement un peu ambitieux. La PAJE est un label puisqu’elle regroupe six ou sept prestations différentes existant précédemment. Sa création s’est accompagnée d’une réforme des conditions d’octroi, d’un élargissement des conditions de ressources afin d’augmenter le nombre des bénéficiaires et d’une revalorisation du montant des prestations. L’augmentation du complément mode de garde (CMG) « assistante maternelle », l’élargissement du plafond de ressources pour les allocations de base et les primes de naissance et l’ouverture du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) pour les parents d’au moins trois enfants ont nécessairement eu un coût. Le montant des prestations petite enfance est passé de 8 milliards d’euros en 2003 à 10,4 milliards en 2007, l’année 2009 devant être le terme de la montée en charge du dispositif, dont on déplore parfois que le coût ait été sous-estimé.

La réglementation reste très complexe. Les personnels des caisses d’allocations familiales (CAF) ont eu du mal à l’« ingérer ». Mais, pour les bénéficiaires, il ressort des sondages qui ont été réalisés que, si elle a complexifié le complément de libre choix d’activité, elle a nettement amélioré les relations avec l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) grâce, notamment, à l’usage du chèque emploi service universel (CESU). En dehors de ce progrès, il reste très difficile pour les familles de savoir à quelles prestations elles ont droit, d’autant que les appellations ne sont pas faciles à retenir.

La Cour considère que le coût de la réforme a été volontairement sous-estimé. L’écart est trop important pour résulter d’une difficulté normale d’évaluation. Le Gouvernement avait chiffré le surcoût à 800 millions d’euros, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) entre 900 millions et 1,2 milliard d’euros. Il est finalement de 2 milliards, les deux tiers de ce surcoût étant relatifs aux prestations de garde elles-mêmes.

Mis à part le desserrement important du plafond de ressources, qui a forcément un coût, l’évolution des comportements encouragée par la réforme n’a pas été intégrée dans les prévisions financières. La même mésaventure est arrivée en matière de retraites. Il faut reconnaître à la décharge de l’administration, qu’il n’est pas facile de calculer précisément les effets d’une réforme.

Il était attendu de la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants une économie sur les coûts de gestion des organismes. Il appartiendra à l’Observatoire national des charges de gestion de vérifier si cette ambition a été atteinte. La branche famille était en déficit en 2004 au moment où a été lancée la réforme de la PAJE. Celle-ci n’a pas arrangé la situation. Il n’y a pas eu de mesures financières correctrices depuis. Plusieurs propositions ont été faites mais elles n’ont pas été retenues. On est donc resté sur le schéma initial.

L’autre objectif de la réforme était d’offrir un libre choix d’activité aux parents. Le complément de libre choix d’activité (CLCA) à taux partiel avait pour but d’encourager les femmes à ne pas s’arrêter complètement de travailler afin qu’elles ne perdent pas le contact avec l’activité professionnelle. Or il a plutôt incité des femmes de milieux moyens ou aisés à alléger leur activité tout en bénéficiant d’un complément de garde. La cible n’a pas été celle qui était recherchée.

À l’inverse, le CLCA à taux plein continue à s’adresser prioritairement aux femmes qui soit ne trouvent pas de solutions de garde, soit n’ont pas les moyens de la payer et se trouvent écartées du marché de l’emploi. Entre un salaire modeste dont il faut retirer le coût résiduel de la garde d’enfants et une prestation non imposable, le choix est rapide pour les personnes qui ont des petits salaires.

Quant au COLCA, dernier né des prestations, à destination des familles de trois enfants, il n’est versé que pour un an, cette période intégrant le congé de maternité, ce qui n’est pas très incitatif. Il a un succès d’estime, sans plus.

Éviter d’écarter les femmes du marché de l’emploi est un objectif important, notamment dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. L’impact des CLCA et du COLCA n’a pas été évalué mais on peut penser qu’il est assez faible. Les programmes de qualité et d’efficience (PQE) devraient calculer à partir de 2009 la proportion de femmes qui retrouvent un emploi après un CLCA. Beaucoup de travaux ont été réalisés sur le sujet, qui montrent que les femmes qui s’arrêtent de travailler pendant un certain temps ont beaucoup de difficultés à se réinsérer, surtout quand elles sont peu diplômées.

M. le coprésident Pierre Morange. Le nombre de bénéficiaires d’allocations de garde des jeunes enfants a-t-il augmenté depuis la réforme ? Celle-ci a-t-elle eu une influence sur la natalité française ?

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous indiquer également le taux d’effort des familles ? Quelles sont celles qui sont les plus aidées et celles qui le sont le moins ?

Mme Rolande Ruellan. Nous estimons dans le rapport à 435 000 le nombre des familles qui sont entrées dans le dispositif, ce nombre étant à différencier selon les catégories de prestations.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien de bénéficiaires y avait-il avant la réforme ?

Mme Rolande Ruellan. Nous n’avons pas fait les totaux mais le nombre de bénéficiaires devait être à peu près de 2,5 millions.

Mme la rapporteure. N’a-t-on pas donné plus de facilités à des familles qui disposaient déjà de possibilités de garde d’enfant qu’à des familles qui avaient des capacités financières moindres ?

Mme Rolande Ruellan. C’est le second sujet d’étude du rapport.

S’agissant du libre choix d’activité, on a vu que la réforme a plutôt profité aux familles assez favorisées. Concernant les aides à la garde des jeunes enfants, nous avons des difficultés à mesurer l’impact de la réforme sur l’évolution du reste à charge des familles, donc du taux d’effort, d’autant que des avantages fiscaux se sont ajoutés pendant la même période qui n’ont pas profité de manière égale à toutes les familles. Vous pourrez demander à ce sujet des précisions à la direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). On peut affirmer cependant que, hormis peut-être pour la garde à domicile, la réforme a diminué le taux d’effort de toutes les familles, sans qu’il y ait toutefois corrélation entre ce taux d’effort après diminution et les revenus des familles ni entre ce taux et le coût pour la collectivité. Autrement dit, la collectivité paie beaucoup pour des familles qui pourraient dépenser plus parce que le coût des différents modes de garde est très différent. En dehors de la garde à domicile, qui n’est accessible qu’à une faible partie des familles en dépit des aides, la crèche est le mode de garde le plus coûteux, comparé à la garde par une assistante maternelle. À cause de ces différences de coût, donc de prise en charge, l’équité n’a pas été complètement au rendez-vous. Mon analyse est très schématique. Elle est beaucoup plus détaillée dans le rapport.

Si la PAJE n’a pas réduit le taux d’effort des familles aisées qui optent pour la garde à domicile, il ne faut pas oublier que les mesures fiscales accordées aux revenus élevés ont contribué à le diminuer.

M. le coprésident Pierre Morange. La garde à domicile était souvent du travail au noir. La réforme a-t-elle entraîné un accroissement des rentrées de cotisations sociales du fait de la régularisation d’un certain nombre d’emplois ?

Mme Rolande Ruellan. Il est certain que la mise sous condition de ressources de l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) qui préexistait à la PAJE a entraîné une forme de travail au noir. La réforme de la PAJE avait également pour but de lutter contre ce phénomène. Mais on ne peut pas facilement distinguer ce qui relève du blanchiment d’un travail non déclaré de l’embauche de personnel grâce à des avantages fiscaux, surtout avec le développement de la garde partagée dans les villes et l’exonération de quinze points de cotisations patronales pour les personnes qui déclarent le salaire réel de leur employé, au lieu du salaire forfaitaire comme cela est généralement le cas pour les gens de maison.

Dans le rapport de l’année dernière, nous avions traité des mesures familiales dans leur ensemble et nous avions déjà consacré tout un chapitre à la conciliation vie professionnelle-vie familiale. Nous aboutissons aux mêmes conclusions cette année, à savoir, d’une part, que le système aurait besoin d’être réexaminé à la lumière des critères de maîtrise des dépenses publiques, d’équité et de cohérence, d’autre part, que le libre choix du mode de garde ne peut pas être un objectif raisonnable. Nous avons travaillé sur le sujet cette année avec en toile de fond l’idée d’un droit opposable à la garde, qui nous paraît un peu difficile à mettre en place. Il faudrait déjà que, chaque fois qu’une famille a besoin d’une aide, une solution corresponde à ses capacités de financement. Il faut que le taux d’effort de la famille soit en rapport avec sa capacité à payer et avec le coût pour la collectivité. Toutes ces contraintes sont à concilier.

Le taux d’effort des familles qui recourent aux crèches est très bas par rapport au coût pour la collectivité et aux taux d’effort de celles qui optent pour d’autres modes de garde. Je vous renvoie au rapport de 2006, dans lequel nous avons examiné l’action sociale – notamment des CAF – et toutes les prestations qui concourent à l’investissement et au fonctionnement des crèches. Le coût est si important que l’on a pensé que le taux d’effort pourrait être relevé pour les familles qui y accèdent.

M. le coprésident Pierre Morange. Le rapport avait été, en effet, très critique. Vous aviez pointé du doigt l’insuffisance de coordination et de stratégie pour ce mode d’accueil collectif.

Mme Rolande Ruellan. La coordination est un point à examiner car tout le monde intervient : l’État fixe le cadre par la loi, les régions s’occupent de la formation des personnels, les départements sont responsables de l’aide sociale à l’enfance et contribuent largement aux différentes dépenses, les communes passent des conventions avec les CAF, les associations sont de plus en plus appelées à gérer pour le compte des collectivités, les entreprises interviennent également, soit pour leurs propres personnels, soit en créant carrément des crèches. Le département est, normalement, le chef de file de cette organisation et doit, par le biais de la commission départementale d’accueil du jeune enfant, évaluer et coordonner le système. Or cette commission n’existe que dans une soixantaine de départements. Il manque donc un pilote dans l’avion.

Cerise sur le gâteau, le taux de scolarisation des 2-3 ans a fortement diminué. Dans les zones défavorisées, la formule de garde des enfants en maternelle à partir de deux ans est peu coûteuse pour les familles très défavorisées et facilite l’intégration et l’insertion des enfants. Or le nombre d’enfants accueillis a beaucoup diminué. L’Éducation nationale estime sans doute que ce n’est pas à elle de s’occuper d’enfants aussi petits. Il est à noter également que, alors qu’en école maternelle, l’accueil d’enfants de deux ans est assuré par un instituteur et quelques personnels de service, on impose des normes d’encadrement drastiques dans les crèches, ce qui renchérit encore leur coût de fonctionnement. La Cour ne s’est pas autorisée à traiter le sujet car cela ne relève pas de sa compétence mais il préoccupe actuellement le Gouvernement.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans son rapport, notre collègue Mme Tabarot a dénoncé la prolifération des réglementations pour les crèches dont le côté tatillon devient insupportable tant pour les collectivités que pour les familles et restreint de fait le libre choix du mode de garde. On se demande à ce compte-là si les parents sont encore en mesure, réglementairement, d’assumer leurs fonctions de parents quand ils n’ont pas la qualification professionnelle nécessaire !

Mme Rolande Ruellan. On ne va pas leur demander de passer un diplôme de puéricultrice ! Il y a quand même un paradoxe à confier trois ou quatre enfants à une assistante maternelle, certes agréée mais sans diplômes particuliers, et à multiplier les exigences pour les crèches.

Nous devrons également nous pencher sur la question de savoir pourquoi il y a autant d’assistantes maternelles qui sont au chômage ou qui renoncent à exercer leur métier.

Mme la rapporteure. Entre les places de crèche engagées, réalisées et supprimées pour non-respect des normes, je ne suis jamais parvenue à chiffrer le nombre de places réelles en crèche. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Deuxièmement, compte tenu du fait que le système actuel manque d’équité, le taux d’effort n’étant pas le même pour toutes les familles, ne faudrait-il pas privilégier les aides aux structures plutôt qu’aux familles ? Par ailleurs, n’y aurait-il pas lieu de moduler davantage la PAJE en fonction des revenus des familles ?

Troisièmement, l’octroi du COLCA à toutes les familles ne faciliterait-il pas le retour à l’emploi ?

Mme Stéphanie Bigas, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Le chiffrage exact du nombre de places de crèche développées dans le cadre des différents plans crèche est très difficile à établir. Entre 2001 et 2007, il était prévu de créer 75 000 places. Les chiffres que nous avons pu obtenir de la DREES font état d’une augmentation du nombre de places disponibles en accueil collectif de 40 500 places. La différence s’explique par plusieurs facteurs. Premièrement, un certain nombre de places prévues ne sont pas encore créées parce que cela demande du temps. Deuxièmement, un certain nombre de places dites nouvelles sont en fait des places anciennes rénovées et relabellisées. Enfin, il y a eu des fermetures de places en crèche.

Parmi les places créées, il faudra également déterminer celles qui sont réellement ouvertes car il y a des problèmes à la fois de remplissage et de disponibilité de places. Un certain nombre de places nouvelles ne peuvent pas être réellement ouvertes faute de personnels ou pour d’autres raisons.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela est dû non seulement à un problème de recrutement compte tenu des exigences de formation imposées aux personnels des crèches mais également au caractère changeant des conditions d’éligibilité des familles édictées par les CAF pour intégrer les crèches, qui empêche les collectivités de planifier. Il y a deux ans, la modification des critères a joué fortement sur la stratégie des collectivités pour répondre à la demande de leurs administrés.

Mme Rolande Ruellan. Vous faites allusion à la réforme qui a calé les subventions sur ce que payaient les familles. Autrefois, les communes avaient intérêt à prendre des familles capables de payer afin de réduire leur participation. Après la réforme, ce sont les CAF qui subissent le manque, afin de permettre aux familles modestes d’accéder aux crèches.

Mme la rapporteure. La révision du contrat enfance et les agréments donnés par l’État ont également eu une incidence sur le développement des crèches.

Mme Marianne Levy-Rosenwald, conseiller maître à la Cour des comptes. Les collectivités n’étant pas sûres du montant de la subvention qu’elles percevraient des CAF, elles ont pu parfois hésiter à ouvrir des places de crèche ne sachant pas si elles allaient pouvoir couvrir leurs frais de fonctionnement. Peut-être n’est-ce qu’une période de transition due au changement de réglementation des CAF. Nous ne pourrons le dire qu’après.

M. Philippe Boënnec. Connaît-on le montant pris en charge à chaque niveau d’intervention : État, région, département, commune ? Avec les avantages fiscaux, cela peut être considéré comme des revenus indirects.

Mme Rolande Ruellan. Les prestations sont des revenus sociaux, dont certains sont imposables. En l’occurrence, ils ne le sont pas.

M. Philippe Boënnec. J’aimerais connaître ce que la collectivité donne à chaque citoyen.

Mme Rolande Ruellan. On sait que les revenus des Français sont constitués à près de 30 % de revenus de redistribution. La DREES pourra certainement vous donner le détail par catégorie de prestations.

M. le coprésident Pierre Morange. Il est important de pouvoir décliner les données macroéconomiques que nous connaissons par catégorie sociale. Cela requiert une approche beaucoup plus fine qui nous renvoie à un sujet qui m’est cher, à savoir le partage des données entre tous les organismes prestataires. Celui-ci sera opérationnel l’année prochaine.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Des aides particulières étaient attribuées aux crèches pour leur permettre d’accueillir des enfants handicapés. Y en a-t-il toujours et, si oui, quels sont leurs montants ?

Mme Marianne Levy-Rosenwald. Nous n’avons pas du tout étudié cette question parce que notre contrôle portait sur les dépenses de la branche famille et non sur le fonctionnement des crèches qui relève pour l’essentiel des collectivités territoriales.

Mme Rolande Ruellan. Je reviens aux questions posées par Mme la rapporteure.

Selon des données de la CNAF, 65 % seulement des places de crèche sont occupées. Des crèches vont s’ouvrir au sein des hôpitaux. À Paris, chaque arrondissement est responsable de ses crèches mais peut les ouvrir aux habitants des territoires limitrophes. Est-ce suffisant ? Dans le rapport d’il y a deux ans, nous avions souligné que les CAF fonctionnent en guichet ouvert : quand une collectivité décide de créer une crèche, elle demande de l’argent à la CAF, qui le lui donne. Qui peut se lancer dans une telle opération ? Les communes qui en ont les moyens. On a donc l’impression que les CAF aident les plus riches, ce qui peut expliquer qu’il y ait des places disponibles dans certaines communes et des besoins dans d’autres.

Faut-il verser les aides financières aux structures plutôt qu’aux familles ? La crèche est la forme de garde la plus coûteuse. Chaque fois que l’on peut trouver une autre solution, il faut la privilégier. La garde par des assistantes maternelles n’est pas excessivement coûteuse. Il faudrait certainement prévoir des espaces où celles-ci puissent se rassembler dans la journée avec les enfants qu’elles gardent. Cela constituerait des sortes de mini-crèches beaucoup moins onéreuses que de véritables crèches.

Même si les plafonds ont été desserrés de façon importante, toutes les prestations regroupées sous le label PAJE sont modulables, à l’exception du CLCA, qui est distribué sans conditions de ressources.

On pourrait imaginer d’ouvrir le COLCA à des familles d’un ou deux enfants. Mais le dispositif a été jugé trop court et peu attractif puisqu’il englobe le congé de maternité – qui est de six mois pour le troisième enfant.

Quant à l’impact de la réforme sur la natalité, c’est une question à un million d’euros ! Nous savons que les deux conditions sont les facilités de garde et de logement puisque le différentiel qui subsiste entre le nombre d’enfants souhaité et celui que l’on a tient à ces considérations.

Mme la rapporteure. Avez-vous comparé les modes de garde à l’étranger et ceux en France ?

Mme Rolande Ruellan. Nous n’avons pas fait d’enquête à ce sujet mais la France n’est pas mal située en ce domaine.

L’Allemagne est en train de découvrir les vertus des crèches. Elle a un retard important à rattraper et se heurte à un problème de mentalité. En Allemagne, une femme qui confie un jeune enfant à l’extérieur est encore considérée comme une mauvaise mère.

En Angleterre, il n’y a pas vraiment de crèches. Des nannies sous-payées et sous-déclarées remplissent cet office.

Mme Stéphanie Bigas. Le rapport de Mme Tabarot cite, à l’inverse, le cas des pays scandinaves qui parviennent à combiner un taux d’emploi des femmes sans commune mesure avec celui des femmes en France avec un développement considérable des modes de garde pour les jeunes enfants. En Suède, l’école maternelle accueille les enfants de un an à six ans, avec un taux d’encadrement meilleur que celui qui existe actuellement en France.

Mme Rolande Ruellan. Il est sûr que, si l’école française accueillait les enfants à partir d’un an, il lui faudrait un taux d’encadrement supérieur.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, mesdames.

*

Audition de Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Nicole Roth, sous-directrice de l’observation de la solidarité.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons maintenant le plaisir d’accueillir Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, accompagnée de Mme Nicole Roth, sous-directrice de l’observation de la solidarité.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. L’objectif du Gouvernement, en 2003, lorsqu’il a souhaité créer la PAJE ou prestation d’accueil du jeune enfant était triple : simplifier le dispositif d’aide aux familles, en réduisant le nombre des prestations offertes ; élargir les modes de garde ; mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le surcoût estimé était initialement de 700 millions d’euros. On en est aujourd’hui à plus du triple. Pouvez-vous dresser un bilan ?

Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Je souhaite auparavant vous indiquer quelles sont les données relatives à l’accueil des jeunes enfants et à la politique familiale que produit régulièrement la DREES.

Le suivi de l’évolution des structures familiales et de l’activité renvoie à des travaux un peu anciens que nous avons l’intention d’actualiser, sur l’APE (allocation parentale d’éducation) et le complément de libre choix. Ces travaux visent les conditions d’interruption d’activité et de retour à l’emploi des femmes bénéficiant de ces dispositifs.

Un bilan est produit chaque année sur l’ensemble des prestations familiales. Celui qui paraîtra en décembre prochain devrait nous donner une vue assez complète de la PAJE, dans la mesure où l’on peut considérer que la montée en charge de ce dispositif est quasiment achevée.

Le suivi de l’offre de places, aussi bien en structures d’accueil collectif qu’auprès des assistantes maternelles, fait également l’objet d’un bilan annuel.

Deux publications portent sur les métiers de la petite enfance, notamment celui d’assistante maternelle que les dernières réformes visent à revaloriser et à professionnaliser.

Enfin, tous les quatre ou cinq ans, nous menons une enquête sur les modes de garde des jeunes enfants. La dernière date de 2002 et nous venons de démarrer l’exploitation d’une enquête portant sur 2007.

Mme Nicole Roth, sous-directrice de l’observation de la solidarité à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité. Les premiers résultats seront disponibles en fin d’année et en début d’année prochaine.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous inviterons à nouveau pour que vous nous en présentiez une synthèse.

Mme Anne-Marie Brocas. Au point où nous en sommes de nos travaux, il pourrait être également intéressant que nous ayons des échanges sur les questions que vous souhaitez nous voir traiter de façon prioritaire.

Cette enquête permettra d’avoir des indications sur la manière dont les enfants et les familles sont couverts par les différents modes de garde, sur les attentes des familles, sur leurs caractéristiques sociales et leurs revenus.

La DREES est moins présente s’agissant des coûts ou des restes à charge incombant aux familles, les calculs étant plutôt faits par la direction de la sécurité sociale ou par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Nos ressources étant limitées, nous n’avons pas réalisé de gros investissements en la matière.

J’en viens à la question de Mme la rapporteure sur le bilan de la PAJE. Selon les chiffres qui vont bientôt sortir, au 31 décembre 2007, 2 200 000 personnes avaient bénéficié de la PAJE – contre 2 100 000 fin 2006, ce qui prouve que le dispositif achève sa montée en charge.

Mme Nicole Roth. Fin 2004, les bénéficiaires de la PAJE étaient 790 000, et fin 2005 ils étaient 1 490 000. Aujourd’hui, concrètement, il ne reste plus hors du dispositif de la PAJE que les familles ayant des enfants de plus de trois ans et n’ayant pas de nouvelles naissances.

Mme la rapporteure. Combien de familles ont bénéficié de prestations, alors qu’elles n’en percevaient pas auparavant ? Tout à l’heure, la Cour des comptes a évalué leur nombre à 400 000.

Mme Anne-Marie Brocas. Nous ne sommes pas en désaccord avec ce chiffre.

Essayons de mettre en perspective l’évolution de la PAJE avec les évolutions de long terme, à partir de 1990.

La partie « complément mode de garde », ou CMG, se substitue progressivement aux aides pour garde d’enfant à domicile ou pour accueil par assistante maternelle agréée. Leurs évolutions respectives n’indiquent pas de rupture de tendance. La croissance du nombre de bénéficiaires se poursuit à un rythme à peu près équivalent.

La réforme de 2004 a permis la poursuite de cette croissance en solvabilisant davantage les familles les plus modestes. Même s’il reste encore des différences de taux d’effort entre les familles modestes et les familles aisées, on peut considérer que la PAJE a contribué à resserrer l’écart.

La progression du recours à un dispositif de garde d’enfant s’explique à la fois par la mise en place des compléments liés au mode de garde et par les réformes concernant les assistantes maternelles.

La partie « complément de libre choix d’activité », ou CLCA, se substitue à l’APE en cas de cessation ou d’interruption d’activité. Cette fois-ci, on observe une rupture depuis la mise en place de la PAJE. Entre 1996 et 2003, le nombre des bénéficiaires de l’APE était pratiquement stable. Depuis 2004, on constate une augmentation, essentiellement alimentée par le complément de libre choix d’activité à temps partiel. Nombre de familles combinent en effet CLCA à temps partiel et CMG.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous des chiffres, s’agissant de la transition APE/CLCA ?

Mme Anne-Marie Brocas. Je vous propose de nous en tenir au cas de figure où il y a deux enfants et plus. On a certes procédé à une légère extension du champ du CLCA en prenant en compte les enfants de rang 1, mais les effectifs concernés sont faibles et on peut assimiler ce cas de figure à une extension du congé de maternité : en 2007, on comptait 37 000 bénéficiaires pour les enfants de rang 1, contre 544 000 bénéficiaires pour deux enfants et plus.

Les bénéficiaires pour deux enfants et plus étaient : 512 000 en 2002 ; 513 000 en 2003 ; 521 000 en 2004 ; 546 000 en 2005 ; 547 000 en 2006 et, donc, 544 000 en 2007 – chiffre provisoire.

Cette augmentation s’explique par l’augmentation du recours au congé à taux réduit ou partiel, qui est passé de 132 000 en 2002 à 211 000 en 2007, toujours pour deux enfants et plus.

Enfin, on comptait, en 2002, 380 000 bénéficiaires de l’APE taux plein tandis qu’en 2007 les bénéficiaires APE et CLCA à taux plein étaient 333 000. Il y a donc eu une diminution du nombre des bénéficiaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Il y a donc une modification de la structure.

Mme Anne-Marie Brocas. En effet : on observe une croissance totale, avec modification de la structure au bénéfice du temps partiel.

Mme la rapporteure. Avez-vous des statistiques relatives au retour à l’emploi des femmes, voire des hommes, concernés ?

Mme Anne-Marie Brocas. Les travaux menés par la DREES sur le retour à l’emploi sont un peu anciens : ils ont été publiés en 2005 et portaient sur l’APE. Il est donc nécessaire de les réitérer, d’autant que la question ne se pose pas dans les mêmes termes pour les personnes qui étaient passées à temps partiel et pour celles qui avaient complètement interrompu leur activité. Les catégories socioprofessionnelles (CSP) concernées sont d’ailleurs différentes selon les cas.

Mme la rapporteure. C’est intéressant.

Mme Anne-Marie Brocas. Nous constatons en effet que le CLCA à taux plein est surtout utilisé par les CSP ouvrières et employées, alors que le CLCA à taux partiel est essentiellement utilisé par les cadres et professions à revenus intermédiaires. Économiquement, c’est compréhensible. Les femmes aux revenus modestes, qui occupent des emplois peu qualifiés ou qui sont au chômage, arbitrent en faveur du congé parental et du CLCA à taux plein – ou, auparavant, l’APE. Les femmes à revenus ou à CSP plus élevés choisissent plutôt une réduction d’activité avec une aide à la garde d’enfant, sans retrait du marché du travail. La question mériterait que l’on engage de nouvelles études. Cela dit, nous aurons peut-être avancé de notre côté avant que vous n’ayez terminé vos travaux.

Mme la rapporteure. Et le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) ?

Mme Anne-Marie Brocas. Fin 2007, 2 300 familles seulement en bénéficiaient. Ce chiffre est à comparer aux 580 000 familles bénéficiant du CLCA.

Mme Nicole Roth. Le COLCA ne concerne que les familles de trois enfants. Il est donc surtout à comparer aux 195 000 familles de trois enfants bénéficiant du CLCA.

Mme la rapporteure. Si l’on permettait aux familles ayant un ou deux enfants de prendre le COLCA, est-ce que cela faciliterait le retour à l’emploi du parent concerné ?

Mme Anne-Marie Brocas. Les anciens travaux dont nous disposons portaient sur l’APE avec interruption totale d’activité. Ils nous avaient amenés à constater que les femmes concernées revenaient généralement sur le marché du travail dès le troisième anniversaire du deuxième enfant. Les femmes peu qualifiées connaissaient un chômage élevé, peu supérieur au chômage général pour ce niveau de qualification. Néanmoins, à niveau de diplôme comparable, elles retrouvaient des postes moins qualifiés que ceux qu’occupaient des femmes étant restées actives, et dans des conditions d’emploi mois favorables : temps partiel court et subi, et emplois à durée limitée. Le constat était donc mitigé : pas de retrait définitif du marché du travail comme on aurait pu le craindre, mais une certaine pénalisation et une certaine précarisation liée à l’interruption d’activité.

D’autres travaux, visant à mesurer l’impact sur les carrières féminines de l’interruption d’activité en termes de rémunération, sont en cours à l’INSEE. Nous pourrions essayer de voir où ils en sont.

Nous souhaitons refaire le travail parce qu’on n’a plus tout à fait les mêmes catégories. Il faut savoir si, pour la catégorie des femmes qui s’arrêtent complètement, le constat de 2005 est toujours valide. Il faut savoir aussi ce qui se passe pour l’autre catégorie, celle des femmes qui réduisent leur activité.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons interrogé tout à l’heure des représentantes de la Cour des comptes sur l’impact que pouvaient avoir les mesures d’accueil de la petite enfance sur la natalité, sachant bien sûr que l’on n’a pas encore le recul nécessaire et que bien d’autres facteurs interviennent en matière démographique.

Mme Anne-Marie Brocas. Personne ne peut répondre. On peut penser que la politique assez caractéristique de la France, qui multiplie les possibilités de garde d’enfants, d’interruption temporaire d’activité, etc. n’est pas étrangère à l’évolution de la natalité dans notre pays.

À titre personnel, il me semble, à la suite des travaux que j’ai conduits sur d’autres sujets comme celui des retraites, qu’il existe une concomitance historique entre l’augmentation du taux d’activité féminin, l’amélioration de la garde d’enfants, mais aussi les prestations versées aux femmes qui ne travaillent pas pour s’occuper de leurs enfants. On pourrait en conclure que les femmes, par leur activité et leur volonté de travailler, se sont trouvées dans une situation leur permettant de négocier et de faire valoir certains de leurs besoins.

Le sens des causalités est difficile à établir. Nous constatons qu’à partir des années soixante-dix, le taux d’activité des femmes a augmenté sans que celles-ci aient attendu qu’il y ait des places pour garder leurs enfants. On peut parler d’effets dialectiques, d’interactions qui se sont révélées heureuses et positives pour notre démographie.

Mme la rapporteure. Avez-vous analysé les tendances qui se font jour dans les autres pays européens, s’agissant des différents modes de garde ?

Quel est le nombre de places en crèche existant réellement en France ? Depuis dix ans, différents plans crèche ont été mis en œuvre par tous les gouvernements. J’ai été rapporteure du budget famille et je n’ai jamais réussi à obtenir le nombre de ces places, entre les plans lancés, engagés, les places réalisées, etc. Disposez-vous d’éléments statistiques réels ?

Mme Anne-Marie Brocas. Nous en avons, mais il faut tenir compte du fait qu’une place de crèche n’équivaut pas forcément à un enfant puisqu’elle peut être occupée par deux enfants.

Mme Nicole Roth. Nous assurons effectivement un suivi annuel des places en crèche, à partir des données que nous recueillons auprès des conseils généraux et des PMI. Comme vous l’avez fait remarquer, il est difficile de relier l’évolution constatée du nombre de places aux plans eux-mêmes, d’autant qu’il s’écoule souvent trois ou quatre ans entre le moment où le plan est décidé et où les places sont ouvertes. Mais le comptage lui-même ne pose pas de difficulté particulière.

La progression est régulière. S’agissant de l’accueil collectif, on dénombrait : 237 000 places en 2002, 265 000 places en 2006 et 270 000 en 2007 – soit une progression de 2 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’entendez-vous par « accueil collectif » ?

Mme Nicole Roth. Crèches, haltes garderies et jardins d’enfants. Les crèches familiales sont comptabilisées à part ; elles offrent 62 000 places, soit une légère décroissance. Vous pourrez le constater dans les documents que nous vous avons remis, qui remontent à la fin de 2006. Mais nous pourrons vous envoyez les chiffres de la fin 2007.

La difficulté est de connaître la productivité de ces places : combien met-on d’enfants par place ? Comment peut-on donc les optimiser lorsqu’elles sont utilisées à temps partiel ?

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous mené une étude à ce propos ?

Mme Nicole Roth. Non, cette problématique est étudiée par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), qui seule dispose des dotations et de données plus fines pour le faire. Mais de mémoire, il y aurait 1,39 enfant par place.

Mme la rapporteure. Avez-vous des statistiques sur les assistantes maternelles, s’agissant du nombre d’agréments délivrés et du nombre de places qui ne sont pas occupées ? Peut-on imaginer que les assistantes maternelles habitant des quartiers sensibles ou étant d’origine étrangère aient plus de mal à garder des enfants ?

Mme Anne-Marie Brocas. Nous faisons chaque année le décompte statistique des places disponibles auprès des assistantes maternelles en activité. En 2007, 728 000 places étaient occupées. Ce nombre est en deçà du nombre d’agréments délivrés. Mais nous n’avons pas conduit d’analyses sur les raisons qui font qu’un certain nombre d’agréments ne sont pas utilisés.

Mme Nicole Roth. À titre de complément, nous avons un suivi des places agréées. Nous menons une enquête monographique auprès de six départements pour connaître leur politique d’agrément, les difficultés qu’ils rencontrent et voir comment ils gèrent le fait que certains agréments ne sont pas saturés. Nous devrions avoir les résultats en mars-avril 2009.

M. le coprésident Jean Mallot. Connaissez-vous le taux d’effectivité ?

Mme Nicole Roth. Nous avons mesuré un tel taux, à partir des données de 2005 : nombre d’agréments accordés par les conseils généraux et nombre d’assistantes maternelles effectivement en exercice. Ce taux s’est un peu amélioré. Mais nous rencontrons toujours un peu de difficulté lorsque nous nous adressons aux conseils généraux qui ne comptabilisent pas forcément les agréments qui ne sont pas effectifs. Tout dépend de leur gestion. Les agréments sont délivrés pour quatre ans, et le tri n’est peut-être pas fait. On ignore ainsi largement où sont les agréments dormants qui permettraient de dégager des capacités d’accueil ?

M. le coprésident Jean Mallot. Il serait pourtant intéressant de le savoir.

Mme Nicole Roth. C’est en effet indispensable, pour les conseils généraux qui veulent mener une vraie politique en ce domaine et agir sur l’offre disponible.

M. le coprésident Pierre Morange. Il semblerait que la moitié des assistantes maternelles déclarées travaillent plus de 41 heures par semaine et que leur salaire net mensuel soit en moyenne de 700 euros – 815 euros pour celles qui travaillent à temps plein. S’agit-il de chiffres stabilisés ?

Mme Nicole Roth. Ce sont des données tirées de l’enquête-emploi de l’INSEE qui ont été établies à partir des déclarations des personnes concernées. Il s’agit de notre source traditionnelle. Nous disposons aussi des données de l’Institution de retraite complémentaire des employés de particuliers (IRCEM). Sans doute avons-nous comparé les deux.

Ce sont des chiffres définitifs. Même si les montants restent modestes, le taux d’évolution du salaire médian est important. Il était de 624 euros en 2005, de 653 euros en 2006 et de 750 euros en 2007.

M. le coprésident Pierre Morange. Par enfant ?

Mme Nicole Roth. Non, tous enfants confondus. Encore une fois, il s’agit des données de l’« enquête-emploi », et les salaires ne sont pas toujours bien déclarés. Il conviendrait donc d’affiner ces données.

M. le coprésident Pierre Morange. On est frappé par la modicité du salaire.

Mme Nicole Roth. Il est difficile d’apprécier les salaires dans ce type de travail où les personnes sont chez elles. On observe en effet une certaine porosité du temps de travail.

Mme la rapporteure. On manque aussi de recul. Le statut des assistantes maternelles est en train d’évoluer.

M. le coprésident Pierre Morange. Notamment en termes de retraite et de formation.

Mme Nicole Roth. Dans une enquête monographique menée auprès d’une soixantaine d’assistantes maternelles, celles-ci mettaient davantage en avant les difficiles conditions d’exercice de leur métier – isolement, manque de formation – et leurs préoccupations en matière de retraite que le montant de leur salaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Fiscalement, est-ce le salaire net qui est déclaré ?

Mme Nicole Roth. Oui. Il y a peu de vocations. Ce sont plutôt des emplois par défaut, occupés par des femmes qui n’ont pas de grandes qualifications et qui, vers 45 ans, gardent des enfants après avoir élevé les leurs. On peut s’interroger sur l’attractivité de ce secteur. Actuellement, on assiste au vieillissement de cette population.

Mme Anne-Marie Brocas. Nicole Roth parle des assistantes maternelles actuelles, qui ont commencé tard ce métier, avec peu de qualification. L’augmentation générale du niveau de qualification au fil des générations amène à s’interroger sur les conditions de renouvellement de ces professionnelles, quand elles prendront leur retraite.

Par ailleurs, à l’occasion de cette enquête monographique, ces professionnelles ont exprimé une demande de fonctionnement plus collectif. Elles ne disposent pas de certaines informations, notamment sur les réglementations. Leur isolement les gêne dans la gestion des relations qu’elles ont avec les parents – par exemple, pour la négociation des horaires. Elles demandent un appui dans l’exercice de leur métier.

Mme la rapporteure. On entend beaucoup parler d’école maternelle à deux ou à trois ans. Avez-vous suffisamment de recul pour nous dire comment un enfant évolue, selon ce qu’il a vécu dans ses premières années : crèche, école maternelle très jeune, etc. ?

Mme Anne-Marie Brocas. Non. Il faudrait que vous interrogiez les services d’étude du ministère de l’éducation nationale, qui ont sûrement des évaluations et des études à ce propos. Nous avons suivi l’évolution du nombre de places d’enfants scolarisés en maternelle. Depuis cinq ans, nous avons observé une diminution du nombre des places d’accueil en établissement scolaire et une augmentation des autres modes de garde. On peut s’interroger sur l’évolution de la capacité d’accueil. Les parents peuvent se « défalquer » sur les écoles, mêmes si leurs horaires ne couvrent pas les horaires des autres modes de garde Mais nous n’avons pas de données sur le bien-être, le développement et le devenir des enfants.

Mme la rapporteure. Depuis quelques années, la baisse du nombre des enfants de moins de trois ans scolarisés pourrait amener à penser que l’augmentation du nombre de places en crèches est négative.

Mme Anne-Marie Brocas. Dans une étude publiée par les Actualités sociales hebdomadaires, l’auteur a fait un petit tableau, qui mériterait d’être réactualisé, mais qui montre un effet de compensation entre les deux évolutions. Nous pourrions essayer d’approfondir la question, si vous le souhaitez.

Mme Nicole Roth. Nous avions déjà dressé un paysage complet, avec les différents modes de garde et l’école pour les enfants de moins de trois ans. Certes, un enfant peut être accueilli dans différents lieux, mais cela peut donner une idée de la compensation entre les différents modes de garde possibles. Nous avions alors sollicité l’Éducation nationale pour compléter nos données sur la garde stricto sensu. Nous pouvons réactualiser ces travaux.

Mme Anne-Marie Brocas. Cette publication portait sur les enfants de moins de trois ans, pour la période 2001-2006. Elle mettait en évidence une augmentation du nombre d’enfants accueillis par une assistante maternelle – + 76 000 ; par une garde à domicile – + 6 800 ; dans les structures d’accueil collectif, hors jardins d’enfants – + 45 000, et dans le même temps, une diminution du nombre d’enfants préscolarisés – - 68 000. Il y a bien une augmentation de la capacité globale d’accueil, mais la diminution du nombre d’enfants préscolarisés n’est pas négligeable.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie de vos réponses. Nous vous réinviterons.

Mme Anne-Marie Brocas. Avant que vous n’ayez rendu votre rapport, nous aurons de nouveaux résultats à vous communiquer.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous serons peut-être amenés à vous poser d’autres questions.

Mme Anne-Marie Brocas. Volontiers.

*

AUDITION DU 20 NOVEMBRE 2008

Audition de M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes heureux d’accueillir M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au même ministère, accompagné de Mme Sylvia Jacob, chargée de mission en charge des modes d’accueil du jeune enfant.

Nous avions prévu deux auditions séparées mais l’échange n’en sera que plus interactif.

Je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Notre mission fait un bilan de la la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) dont les objectifs, au moment de sa création, étaient la simplification du dispositif d’aide à la garde des jeunes enfants, l’élargissement des modes de garde et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. On note une grande différence entre son coût actuel et celui estimé lors de son lancement ainsi que des différences dans les taux d’effort des familles.

Nous sommes intéressés de connaître votre avis sur le fonctionnement de cette prestation et ses conséquences.

M. Alain Kurkdjian, chef par intérim du service des droits des femmes et de l’égalité au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. La prestation d’accueil du jeune enfant et les politiques familiales ne relèvent pas directement du champ de compétences du service des droits des femmes et de l’égalité. Un lien peut cependant être établi avec la politique relative aux droits des femmes et à l’égalité sur deux axes d’intervention de cette politique publique : d’une part l’égalité professionnelle qui recouvre l’orientation, l’égalité professionnelle et salariale et la création d’activités par les femmes et qui s’intéresse à l’emploi des femmes ; d’autre part l’articulation des temps de vie – vie professionnelle, vie familiale et vie sociale – qui doit notamment favoriser l’emploi des femmes.

La croissance de l’activité des femmes en France constitue l’une des mutations majeures de la seconde moitié du XXe siècle. La norme nationale est devenue celle de la femme au travail et non plus celle de la femme au foyer. Et comme le montre le taux de natalité de près de 2 enfants par femme, soit un taux proche du taux de renouvellement des générations – de 2,1 ou 2,2 –, qui place la France au premier rang européen, la femme française qui travaille n’a pas une image négative.

Le travail des femmes est un enjeu économique face au défi démographique.

C’est ainsi que les taux d’activité des femmes et des hommes se sont rapprochés, en raison notamment de la progression du taux d’activité des femmes, lesquelles tirent désormais davantage parti de leur formation malgré des filières de formation fortement sexuées – les formations féminines se concentrent sur onze des 86 filières existant – qui justifient l’une des priorités de la politique publique d’égalité tendant au renforcement de la mixité dans les filières scientifiques et techniques.

Les femmes représentent aujourd’hui 47 % de la population active et le taux d’emploi des femmes est passé de 56,9 % en 2005 à 58,5 % en 2006 et 59,7 % en 2007 pour un taux de 69 % chez les hommes, soit un écart de 9,3 points. Mais il convient d’observer que ce taux correspond à l’objectif européen de Lisbonne de 60 %, repris dans la programmation des Fonds sociaux européens pour la période 2007-2013. Si l’on se réfère aux statistiques EUROSTAT, et non plus à celles de l’INSEE, nous avons atteint ce taux de 60 % en 2007.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce taux regroupe le travail à temps complet et celui à temps partiel. Disposez-vous d’une comparaison entre les taux d’emploi pour les hommes et les femmes, d’une part, sur le temps plein et, d’autre part, sur le temps partiel, permettant de mesurer les bénéfices de la politique d’accueil du jeune enfant ?

M. Alain Kurkdjian. C’est une analyse que nous avons demandée à nos collègues de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques car nous ne disposons que de données approximatives.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre rapporteure doit rendre son travail en mars-avril 2009. Pensez-vous pouvoir disposer de cette analyse suffisamment tôt pour nous la communiquer ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons nous-mêmes besoin de cette étude pour l’élaboration de notre document de politique transversale récemment voté par l’Assemblée nationale. Une réunion interministérielle est programmée courant décembre pour un travail avec la direction du budget fin janvier. J’espère disposer alors de cette analyse. Dès que je l’aurai, je vous la communiquerai.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous pouvons donc espérer l’avoir fin janvier ?

M. Alain Kurkdjian. Si je l’ai avant, par exemple fin décembre, je vous la communiquerai aussitôt.

Les actions tendant à favoriser l’emploi des femmes ont ainsi atteint l’objectif de Lisbonne par anticipation. La dynamique observée doit être renforcée dans la mesure où l’offre de main-d’œuvre féminine est une condition importante de la poursuite de la croissance économique.

À l’inverse des hommes, les femmes seules sont les plus actives et les femmes avec des enfants les moins actives. Les priorités professionnelles des jeunes femmes sont fortement liées, dès les premières années de vie active, à leurs charges familiales, ce qui ne résulte pas d’un véritable choix mais plutôt de l’assignation de la sphère domestique en priorité aux femmes et notamment aux mères. Les femmes s’impliquent plus fortement dans la vie domestique – 29 % contre 3 % chez les hommes – et l’arrivée des enfants ne fait qu’accentuer ce phénomène.

Majoritairement, les femmes aujourd’hui ne s’arrêtent pas de travailler lorsqu’elles ont des enfants. C’est entre 25 et 49 ans, lorsqu’elles ont les charges familiales les plus lourdes, que leur taux d’activité a le plus augmenté. En effet, 82,3 % de ces femmes sont actives et leur taux d’activité a progressé de 20,7 points depuis 1976. Mais ce taux décroît à partir de l’arrivée du deuxième enfant – 59,8 % – pour chuter à 37,5 % à l’arrivée du troisième enfant, cette situation étant aggravée, chez les femmes, par une absence de solution de garde.

Bien que des progrès aient été constatés dans le partage des temps entre hommes et femmes, notamment en ce qui concerne les tâches ménagères et d’éducation des enfants, les rôles masculins et féminins restent nettement différenciés. Ainsi, les femmes y consacrent toujours 3 h 48 par jour contre 1 h 59 pour les hommes. Parallèlement, le temps moyen de travail des femmes est de 5 h 01 contre 6 h 22 pour les hommes.

Enfin, s’agissant des constats, il convient de rappeler les écarts de salaires entre les hommes et les femmes que l’on estime à 19 %. Cet écart, dont la maternité est un des facteurs, à côté du temps partiel subi, n’a guère évolué ces dernières années. Il a conduit le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité à organiser la conférence tripartite du 27 novembre 2007 sur l’égalité salariale.

Le travail des femmes face au défi démographique est le principal objectif de l’égalité professionnelle dans la politique publique d’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de possibilité de carrière des femmes sans garde d’enfants. Il ne peut pas y avoir d’égalité professionnelle sans prise en considération du fait que les femmes sont aussi des mères, donc sans un meilleur partage des obligations familiales qui reposent encore essentiellement sur elles. La loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes prône la réconciliation de l’emploi et de la parentalité par l’instauration d’un mécanisme de compensation de l’effet de la maternité sur les rémunérations.

Il existe plusieurs dispositifs de prise en charge de la parentalité à travers la prestation d’accueil du jeune enfant et le complément de libre choix d’activité. Mais, pour concilier vie professionnelle et vie familiale, il convient d’accroître le nombre de places de garde tout en maintenant la diversification des modes d’accueil au nom de la liberté de choix des femmes et pour l’adaptation à leurs besoins. Il faudrait développer une offre d’accueil en nombre suffisant, de qualité, dans l’intérêt de l’enfant et adaptable comme nous l’avons analysé dans le rapport conjoint avec la Délégation interministérielle à la famille sur les modes de gardes sur horaires atypiques, pour favoriser le rééquilibrage des responsabilités au sein des familles.

Ainsi, lorsque l’un des deux conjoints est au foyer, il assume totalement les tâches domestiques et familiales. En revanche, lorsque les deux membres du couple travaillent, qu’ils appartiennent aux mêmes catégories socioprofessionnelles et qu’ils ont des revenus identiques, la répartition est plus équilibrée. Tous ces éléments se trouvent dans les chiffres clés de l’égalité que nous produisons chaque année et qui se trouvent sur notre site.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous la ventilation du temps partiel choisi et du temps partiel subi en fonction des projets familiaux ?

M. Alain Kurkdjian. Nous organisons le 12 décembre prochain, à la demande du ministre du travail, une table ronde sur le temps partiel. Nous pouvons vous communiquer les éléments dont nous disposons.

M. le coprésident Pierre Morange. En avant-première ?

M. Alain Kurkdjian. Une bonne partie de cette information existe déjà mais vous aurez certains éléments en avant-première.

Mme la rapporteure. Au-delà des statistiques, l’important est de réfléchir aux moyens de garde assurant aux femmes et aux hommes de plus grandes chances d’avoir un choix réel.

M. Alain Kurkdjian. Nous évoquerons ce point à l’occasion de la table ronde puisque l’un des facteurs des écarts salariaux entre les femmes et les hommes réside dans le temps partiel. Je vous communiquerai dans la semaine les informations dont nous disposons à ce sujet.

Le rapport de Mme Tabarot souligne à cet égard l’aspiration des couples à la bi-activité qui témoigne d’une moindre spécialisation des rôles du père et de la mère dans la sphère familiale et une implication accrue des pères dans l’éducation et dans les soins donnés aux enfants.

Il relève également un développement du travail sur des horaires décalés, à l’origine de nouveaux besoins. Il s’agit, dans ce cas, de renforcer l’accès à des modes de garde adaptés, notamment au domicile, en tentant, dans une logique de cohésion sociale, d’assurer la solvabilité des familles, dont beaucoup ont des revenus modestes, pour qu’elles puissent assumer les frais de garde.

L’apport du service des droits des femmes et de l’égalité à cette augmentation des capacités d’accueil s’inscrit notamment dans une prise de conscience européenne qui intègre l’implication et la mobilisation des entreprises en les encourageant à soutenir la parentalité de leurs salariés hommes et femmes, en favorisant les échanges de bonnes pratiques entre entreprises, en les sensibilisant par le biais de son réseau de déléguées régionales et de chargées de mission départementales, en les informant sur le crédit d’impôt famille (CIF) et le chèque emploi service universel (CESU) et en sensibilisant les partenaires sociaux au moyen de différents groupes de travail.

Deux outils complémentaires relevant du ministère du travail peuvent contribuer à cette mobilisation des entreprises.

Le premier est le label égalité qui est, à la fois, un outil de progrès témoignant des engagements de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et un outil d’émulation mettant en valeur les pratiques exemplaires des entreprises.

Le second est la charte de la parentalité dans le cadre de laquelle entreprises et pouvoirs publics s’engagent pour favoriser une meilleure prise en compte de la parentalité afin de contribuer à un meilleur équilibre de vie.

Cette complémentarité doit se réaliser sur l’un des trois champs du label égalité, qui sont l’accompagnement de la parentalité dans le cadre professionnel – qui se mesure sur la base des actions de l’entreprise facilitant l’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale, telles que l’aménagement des horaires de travail, les modalités de départ et de retour des congés parentaux et de maternité – ; le soutien à la garde des enfants ; enfin les différents services de nature à faciliter la vie des salariés.

Les échanges de bonnes pratiques sont également un élément essentiel dans la démarche des entreprises et elles ont conduit M. Xavier Bertrand et Mme Valérie Létard à proposer à leurs homologues européens, pendant la présidence française de l’Union européenne, à l’occasion de la Conférence de Lille, la constitution d’un réseau européen d’entreprises reconnues dans chaque pays pour leurs bonnes pratiques d’égalité professionnelle. Un accord de principe est intervenu.

Les entreprises ont d’autres possibilités de contribuer à cette nécessaire mobilisation, qui empêchera les parents et, tout particulièrement, les femmes de devoir mettre encore trop souvent leur carrière entre parenthèses. Elles peuvent ainsi mobiliser des moyens pour augmenter les places par des crèches d’entreprises ou interentreprises, des minicrèches ou des places réservées.

M. le coprésident Pierre Morange. Connaissez-vous le nombre de crèches d’entreprise, leur nombre de places et leur pertinence pour favoriser la conciliation vie professionnelle et vie familiale ?

M. Alain Kurkdjian. Mon collègue Olivier Peraldi dispose d’informations qui le rendent mieux à même de répondre à cette question.

M. Olivier Peraldi, adjoint au délégué interministériel à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je le ferai quand M. Kurkdjian aura terminé son propos introductif.

M. Alain Kurkdjian. Un autre moyen d’action des entreprises est la possibilité de mobiliser des outils pour aider à payer la garde et, tout particulièrement, le chèque emploi service universel (CESU) qui est un moyen de paiement des services à la personne présentant des avantages pour les salariés et pour les entreprises, lesquelles bénéficient d’exonérations fiscales et sociales.

Le rôle du service des droits des femmes et de l’égalité, dans le cadre d’une réflexion interministérielle et à partir de sa connaissance de la situation des femmes au regard de l’emploi et de la conciliation des temps, est de sensibiliser les entreprises, avec ses partenaires institutionnels, aux différents outils existants et aux enjeux de la prise en compte de l’égalité professionnelle et salariale et de la parentalité dans leur performance économique et dans la gestion des ressources humaines.

Il reste cependant des problèmes à traiter. Deux exemples méritent d’être cités.

Il faut tout d’abord une réflexion sur le congé parental considéré comme une « trappe à inactivité » qui handicape la carrière professionnelle des femmes. Le complément de libre choix d’activité (CLCA), qui finance ce congé, s’apparente plus à un revenu de remplacement dont le montant, par son caractère modeste, est peu incitatif pour les mères actives à hauts revenus.

Une réflexion doit également être menée sur les moyens de développer et de pérenniser des solutions de garde innovantes correspondant à des besoins non satisfaits et, tout particulièrement, les services de garde en horaires décalés, en privilégiant une organisation souple et adaptable aux besoins des familles et au contexte local.

Ces services de garde innovants s’adressent à des parents travaillant en horaires décalés, avec une forte proportion de familles monoparentales à faibles revenus ou des familles dont les deux parents travaillent sur des horaires décalés, et dans le cadre d’un modèle familial promouvant la coresponsabilité parentale en matière d’éducation.

Ils s’inscrivent dans une dynamique d’égalité professionnelle offrant des services qui favorisent l’accès, le retour ou le maintien dans l’emploi ainsi que le déroulement de carrière des parents et particulièrement des femmes.

Cette pérennisation qui nécessite une stabilisation des modes de financement, notamment par les caisses d’allocations familiales, devrait permettre de passer d’un stade expérimental à celui d’une reconnaissance de l’utilité sociale des services de garde d’enfants qui participent de la diversification de l’offre.

Bien que la prestation d’accueil du jeune enfant et les politiques familiales ne relèvent pas directement du champ de compétences du service des droits des femmes et de l’égalité, on voit qu’elles sont essentielles pour améliorer la situation des femmes et favoriser l’égalité professionnelle et par là même salariale. Ces progrès seront d’ailleurs aussi bien bénéfiques aux hommes qu’aux femmes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Connaît-on l’impact de l’incitation à l’utilisation du chèque emploi service, en particulier sur les modes de garde collectifs ?

Mme la rapporteure. Pensez-vous qu’un congé parental partagé par le père et par la mère permettrait aux femmes de réintégrer plus facilement le marché du travail ?

Le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) ne pourrait-il pas être étendu aux familles de moins de trois enfants puisqu’il est versé sur une période plus courte ? On s’est rendu compte que, plus le temps d’arrêt est long, plus il est difficile pour la femme de revenir sur le marché du travail.

Bien que votre service n’ait pas à faire l’analyse de la PAJE, pensez-vous, de par les informations que vous avez, qu’il y a eu une évolution depuis la mise en place de cette prestation ? Des améliorations sont-elles souhaitables ? Faut-il continuer à verser la PAJE sous forme de prestation ou faudrait-il plutôt l’envisager sous forme de crédits d’impôt ? Faut-il continuer à la verser aux personnes plutôt qu’aux structures ? Votre service conduit-il une réflexion à ce sujet ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons demandé une étude sur l’impact du chèque emploi service à l’Agence nationale des services à la personne (ANSP) qui gère ce dispositif. Nous en avons besoin dans notre démarche d’élaboration du document de politique transversale. Nous devrions avoir ces informations très prochainement. Nous vous les communiquerons dès que nous les aurons.

Le service des droits des femmes et de l’égalité ne pourrait être que favorable à un congé parental partagé puisqu’il permettrait un meilleur partage des responsabilités.

M. Olivier Peraldi est plus à même d’apporter des précisions concernant le COLCA et l’analyse de la PAJE.

Mme la rapporteure. Avez-vous fait des comparaisons avec les politiques menées dans les autres pays européens ? Y a-t-il des mesures permettant un meilleur mode de garde ou une plus grande égalité professionnelle entre les hommes et les femmes susceptibles d’être importées en France ?

M. Alain Kurkdjian. Nous avons procédé à des comparaisons. Comme elles font actuellement l’objet d’une discussion avec nos cabinets ministériels afin d’en dégager éventuellement des évolutions, je peux difficilement vous en parler aujourd’hui.

M. le coprésident Pierre Morange. Peut-être pouvez-vous nous communiquer les éléments de comparaison ?

M. Alain Kurkdjian. Je vous les fournirai.

M. Olivier Peraldi. J’indique que, dans le cadre des réflexions sur le benchmarking européen et de la présidence française de l’Union européenne, la secrétaire d’État chargée de la famille, Nadine Morano, a réuni ses homologues le 18 septembre dernier. Il en est résulté un accord général pour faire remonter toutes les bonnes pratiques dans chaque pays de l’Union. La prochaine réunion de ce type aura lieu début février, sous présidence tchèque.

M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les aides à la garde du jeune enfant sont un sujet important sur lequel travaille notre commission, qui perçoit deux priorités.

La première est la garde aux horaires atypiques pour les femmes qui veulent reprendre un travail dans le secteur industriel en 2 x 8. Le coût approche les 18 euros quand on veut déplacer des familles pour ne pas déplacer l’enfant.

La seconde priorité est la crèche d’entreprise. Nous essayons d’évaluer le niveau de déductions fiscales qui ferait faire un bond en avant à ce mode de garde. L’examen à partir de plusieurs bassins d’emploi montre qu’il ne faudrait pas dépasser un reste à charge de 1 200 euros pour l’entreprise. Cela allégerait également la charge des collectivités locales.

On déplore une complexité trop grande des services d’aide à la personne. La commission s’est demandée si la question de l’unification des aides à la personne dans un souci à la fois de lisibilité et d’équité, envisagée dans le rapport Hespel-Thierry il y a quelques années, ne devrait pas être reposée : entre le CESU, le crédit d’impôt, la déduction fiscale, la réduction de cotisation sociale, il n’est pas facile, même pour les élus et les entreprises, de s’y retrouver. N’y a-t-il pas lieu de remettre à jour ce rapport ?

M. Olivier Peraldi. Les différents acteurs ont noté la complexité du dispositif d’aides à la personne. Ils nous en ont fait part et nous menons une réflexion à ce sujet. Je ne peux en dire plus car les décisions doivent être instruites au niveau des cabinets ministériels.

Le ministre du travail et la secrétaire d’État chargée de la famille se sont exprimés à la suite du rapport de Mme Tabarot. Bien que le taux d’équipement en France soit supérieur à celui de beaucoup de nos voisins, ils ont indiqué que la solution passait certainement par la diversité des modes de garde. On réfléchit actuellement à de nouveaux dispositifs. Je vous présenterai deux ou trois de ces dispositifs qui ont fait l’objet d’une discussion à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Les crèches d’entreprise font partie des axes dégagés par le ministre du travail et la secrétaire d’État chargée de la famille à la suite de différents rapports et constats.

Un rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS) de février 2007 a fait le point de l’ensemble des services d’accueil. Le nombre de places en crèches d’entreprise, incluant les crèches hospitalières, est à peu près de 15 000 : 10 000 environ dans les crèches hospitalières, 5 000 à 6 000 sans doute aujourd’hui dans des crèches d’entreprise. De l’avis de tous, c’est trop peu. La secrétaire d’État, Nadine Morano, en a fait un axe de son action. Elle a invité, le 18 septembre 2008, l’ensemble des ministres européens à une réflexion commune sur cette question. Plus globalement, dans le cadre du droit à la garde des enfants souhaité par le président de la République, il est prévu de réunir l’ensemble des acteurs : les acteurs traditionnels de l’accueil du jeune enfant que sont les CAF, les collectivités locales et les familles, d’une part, et les entreprises, d’autre part. Des contacts ont été pris par le ministère et le secrétariat d’État avec la Fédération française des entreprises de crèche qui représente aujourd’hui quinze entreprises, et d’autres acteurs dans le même secteur qui ne sont pas fédérés.

M. le coprésident Pierre Morange. M. Méhaignerie a indiqué le seuil à ne pas dépasser en matière de reste à charge pour les entreprises. Les contraintes imposées à ce genre de structure, notamment en matière de taux d’encadrement, empêchent nombre de projets de se réaliser.

Mme la rapporteure. Jusqu’il y a peu, les enfants pouvaient être accueillis à l’école maternelle à partir de deux ans. Quand on met en corrélation l’augmentation du nombre de places de crèche et la diminution du nombre d’enfants scolarisés – qui doit être de quelque 500 000 depuis quelques années –, le solde des créations de crèche apparaît-il négatif ? Des études ont-elles été faites sur ce phénomène ?

M. Olivier Peraldi. À côté de la diversification des structures d’accueil pouvant être mises en place – dont le regroupement des assistantes maternelles est un autre exemple – il faut réfléchir aussi à l’assouplissement des normes. C’est par la combinaison de ces deux approches que l’on pourra répondre au mieux aux situations conjoncturelles issues de la crise, dont les effets risquent de se faire sentir longtemps, et de la diminution du pourcentage des préscolarisés de deux à trois ans – qui est de 33 % aujourd’hui.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la secrétaire d’État chargée de la famille propose deux dispositions concernant les assistantes maternelles agréées. La première assouplit leur capacité d’accueil en permettant à celles qui le souhaitent d’accueillir un quatrième enfant. La seconde disposition leur offre la possibilité de se regrouper dans un lieu présentant toutes les garanties inhérentes à leur activité. Cela permettra à des personnes qui n’osaient pas exercer cette profession parce qu’elles la jugeaient trop solitaire de franchir le pas. Le fait d’augmenter le nombre d’enfants gardés à quatre permet, par ailleurs, une revalorisation de ce métier.

Mme la rapporteure. On dénombre des dizaines de milliers d’assistantes maternelles qui n’ont pas d’enfants à garder. Avez-vous engagé une réflexion à ce sujet ? Avez-vous des solutions à proposer ?

M. le coprésident Pierre Morange. Par ailleurs, les exigences vis-à-vis des assistantes maternelles sont sans commune mesure avec les contraintes imposées aux structures collectives. Il faudra sans doute songer à assouplir ces dernières.

M. Olivier Peraldi. Dans le cadre du benchmarking dont il était question tout à l’heure, nous sommes allés voir comment les choses se passaient ailleurs. Nous avons constaté que d’autres pays membres de l’Union européenne appliquaient des normes un peu plus souples sans amoindrissement de la qualité des services. Nous n’avons pas trouvé de contre-arguments à une expérimentation et, ensuite, à une généralisation d’un certain nombre de dispositifs.

M. le coprésident Pierre Morange. Jusqu’à preuve du contraire, une mère ou un père de famille n’a pas un diplôme d’auxiliaire de puériculture. On peut donc envisager avec sérénité un assouplissement des normes qui pénalisent notre système de garde. Selon vous, jusqu’où peut-on envisager cet assouplissement, tout en gardant les garanties de sécurité indispensables ?

M. Olivier Peraldi. Il serait dommageable d’opposer des solutions à d’autres. Ce qui est proposé, c’est une démarche de complémentarité et de diversité. S’il doit y avoir une régulation, elle se fera de fait. L’important, c’est que les parents qui en ont besoin puissent trouver une solution de garde adaptée à leurs capacités de financement – nous parlons de « solutions de garde » plutôt que de « places de garde ».

Il existe une disparité très forte entre les territoires non seulement en matière d’équipements collectifs mais également pour ce qui est des capacités d’accueil. Dans les zones rurales et les zones urbaines sensibles, il y a pénurie d’assistantes maternelles.

Notre approche n’est pas d’opposer telle solution à telle autre. Elle est très pragmatique.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre propos n’est pas non plus d’opposer les différents types de structures. Il est de répondre à la demande formulée par les pères et les mères de pouvoir organiser leur temps de vie sur le plan familial et professionnel.

À quelles conditions devront satisfaire les regroupements d’assistantes maternelles afin de répondre à la demande tout à la fois des familles et des assistantes maternelles ?

M. Olivier Peraldi. Les regroupements devront répondre également à la demande des élus, qui nous en font part.

Le cadre juridique qui permettra de travailler dans la sérénité au sein de ces regroupements reste à formaliser. Des expériences sont menées depuis un certain temps, notamment en Mayenne et en Rhône-Alpes. Elles nous semblent suffisamment concluantes pour que nous proposions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 un dispositif qui ne soit pas expérimental. C’est déjà un signe fort.

Pour répondre concrètement, dans les expériences menées, notamment en Mayenne, des assistantes maternelles ont un local qui est mis à leur disposition par la collectivité. Il répond donc aux normes de sécurité habituelles des équipements publics spécialisés. Les assistantes maternelles travaillent dans un cadre associatif.

Les assistantes maternelles sont liées par un contrat de gré à gré avec les parents. Celui-ci perdure. Les assistantes maternelles gardent donc une relation particulière avec les parents des enfants dont elles ont la garde. Ce contrat est associé à un autre contrat qui lie les assistantes maternelles entre elles, et sur lequel je ne peux pas donner de précisions car il fait encore l’objet de discussions. Le directeur de la direction de la sécurité sociale (DSS) qui est entendu après nous pourra peut-être vous en parler. La direction générale de l’action sociale (DGAS) et d’autres acteurs du ministère examinent également la question.

Il y aura trois ou quatre adultes pour accueillir les enfants. Nous espérons ainsi avoir une amplitude d’accueil beaucoup plus grande qu’aujourd’hui.

M. le coprésident Pierre Morange. Les regroupements d’assistantes maternelles seront-ils soumis aux mêmes contraintes techniques et réglementaires que les structures d’accueil lourdes, c’est-à-dire les crèches et les haltes-garderies ?

Les assistantes maternelles devront-elles être chapeautées par un personnel devant avoir des compétences plus particulières, c’est-à-dire une infirmière puéricultrice ou une sorte de chef d’équipe ?

Les regroupements devront-ils répondre aux mêmes exigences normatives qui alourdissent le coût de fonctionnement ?

M. le coprésident Jean Mallot. Dans le cas des regroupements d’assistantes maternelles, que devient la relation contractuelle de gré à gré entre les parents et l’assistante maternelle et comment s’exerce le jeu des responsabilités ?

M. Olivier Peraldi. En Mayenne, il ne s’agit pas d’une crèche, mais d’un lieu destiné à accueillir du personnel qui n’est pas celui de la collectivité qui met le lieu à disposition. Les normes sont donc celles qui sont appliquées pour tout lieu recevant du public et une commission de sécurité intervient.

M. le coprésident Pierre Morange. Il y a quand même une spécificité du fait de l’âge des enfants accueillis et de la responsabilité de la collectivité qui met le local à disposition. On ne peut pas évacuer les contraintes réglementaires, assurancielles et jurisprudentielles qui s’y rattacheront.

M. le président Pierre Méhaignerie. Et qui paie le loyer, l’assistante maternelle utilisant, elle, son propre logement ?

M. Olivier Peraldi. Aujourd’hui, en Mayenne, le local est fourni par la collectivité.

M. le coprésident Pierre Morange. À partir du moment où il est fourni par la collectivité, la responsabilité de celle-ci est engagée. Se pose donc la question de savoir où commence la responsabilité de l’assistante maternelle dans le cadre de la garde qu’elle exerce dans un local qui, finalement, est tiers puisqu’il sort de la relation contractuelle de gré à gré avec les parents, et donc des contraintes normatives qui s’y rattachent.

M. Olivier Peraldi. Dans ce type d’expérimentation, les assistantes maternelles relèvent d’un régime associatif loi 1901, qui leur apporte des garanties en termes de responsabilité civile et qui permet à la collectivité d’avoir un interlocuteur unique.

S’agissant des normes de sécurité, il y a les normes habituelles de sécurité du bâtiment recevant du public et il y a les spécificités dues à cette activité. J’ai du mal à vous répondre précisément sur ce point, si ce n’est que nous sommes évidemment très attentifs à ce qu’il n’y ait pas de perte de qualité de ces lieux en termes de sécurité pour les enfants.

Nous regardons les choses de façon très pragmatique. Il ne s’agit pas d’un lieu de vie au sens du domicile de l’assistante maternelle. Lors du contrôle chez les assistantes maternelles, la PMI cherche l’existence d’escaliers, d’un four dont la porte ne reste pas froide, de coins de porte non protégés… Aucun maire ne prendra le risque d’installer des assistantes maternelles dans un local ne répondant pas aux normes habituelles exigées au domicile d’une assistante maternelle.

M. le coprésident Pierre Morange. Les normes de référence seront donc uniquement celles appliquées au domicile des assistantes maternelles ?

M. Olivier Peraldi. Pour l’heure, j’ai du mal à vous donner une réponse positive car la question est encore en discussion. Les décrets d’application vont être pris.

M. le coprésident Pierre Morange. En tant qu’élus nationaux et locaux, nous sommes quotidiennement confrontés à une très grande attente de la population. Eu égard à la lenteur qui caractérise la promulgation des décrets d’application et des caractéristiques techniques qui s’y rattachent, pensez-vous que ce sujet sera traité dans un délai de six mois, un, deux ou trois ans ?

M. Olivier Peraldi. Les discussions n’ont jamais cessé et elles se poursuivent. La secrétaire d’État souhaite aller vite : les décrets d’application ne seront pas pris avant la fin de l’année 2008, mais sortiront avant douze mois.

Mme la rapporteure. On peut penser qu’une loi votée il y a quelques mois pourrait être mise en application très rapidement, d’autant plus que cette volonté a été très fortement affichée par le Gouvernement. Espérons donc que les décrets d’application seront pris dès le début de l’année 2009.

La question posée par le président Morange sur les normes est très importante. Sans doute y aura-t-il un point intermédiaire entre les règles exigées pour les crèches et haltes-garderies et les règles imposées au domicile des assistantes maternelles. Ce chemin croisé n’étant pas encore bien défini, vous êtes encore en réflexion et ne pouvez pas nous répondre précisément aujourd’hui. Mais, en filigrane, se pose le problème du financement pour les collectivités, sachant que ces lieux sont plutôt au cœur des quartiers, là où les familles en ont besoin.

Ces éléments sont donc importants pour pouvoir aider au développement rapide de ces lieux de garde et appréhender les contraintes imposées aux collectivités. De tout cela dépendra le succès ou l’insuccès de la mesure prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans cette logique de regroupement des assistantes maternelles ou de mutualisation des moyens dans des lieux collectifs, ces lieux sont-ils forcément des lieux publics ou peuvent-ils éventuellement s’inspirer de la philosophie des crèches d’entreprise, dans une logique de gré à gré sur le plan contractuel, sachant qu’ils seront bien évidemment agréés et surveillés par les autorités compétentes ?

M. Olivier Peraldi. Les normes font déjà l’objet d’une certaine gradation, puisque des microcrèches existent aussi.

À mon avis, il ne s’agit pas tant de savoir s’il s’agit d’un cadre public ou d’un cadre privé que de définir la méthode utilisée. Ce qui est envisagé par les entreprises, y compris par les partenaires sociaux qui les représentent, c’est plutôt la création de crèches d’entreprise dans le cadre d’un contrat enfance-jeunesse avec les CAF, voire dans le cadre de la prestation de service unique (PSU). Et ce sera donc vraisemblablement le cas.

Concernant les crèches hospitalières, la secrétaire d’État a passé une convention il y a une quinzaine de jours avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour permettre à des publics non hospitaliers d’accéder à des places de crèches non utilisées dans ces établissements particuliers.

Vous avez posé la question de savoir si les assistantes maternelles regroupées devraient être « chapeautées » ? Ce n’est pas du tout l’objectif, et c’est l’une des différences avec les microcrèches.

Mme la rapporteure. La famille passe-t-elle un contrat avec l’association qui est créée ou avec l’assistante maternelle référente ?

M. Olivier Peraldi. Dans nos expérimentations, le lien contractuel entre le parent et l’assistante maternelle est maintenu. Rien ne change par rapport à une assistante maternelle qui exerce chez elle, et notre objectif n’est pas du tout de changer cet élément sur lequel nous nous appuyons.

Vous avez évoqué le problème du manque d’assistantes maternelles. C’est une de nos préoccupations. Nous avons remarqué une différence entre le nombre d’agréments accordés – 377 000 – et le nombre d’assistantes maternelles exerçant réellement dans le cadre de cet agrément, 264 000, chacune d’entre elles gardant en moyenne 2,6 enfants.

Nous observons par ailleurs une grande disparité en termes d’implantation géographique – je pense notamment aux zones rurales. En outre, les témoignages révèlent un manque de candidats ou de candidates au métier d’assistant maternel dans les zones urbaines sensibles, mais aussi la réticence des parents eux-mêmes à confier leurs enfants dans ces quartiers, même s’ils y habitent. Nous réfléchissons à cette problématique pour y apporter une réponse, laquelle passe certainement aussi par la discussion que nous avons avec les services de Mme Fadela Amara.

Cette situation montre la marge d’évolution dont nous disposons vis-à-vis de cette profession, sachant qu’une autre problématique se posera rapidement : les départs en retraite des assistantes maternelles dans les dix prochaines années.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Des expériences intéressantes ont été menées il y a quelques années dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones d’éducation prioritaires, avec les « espaces passerelles » ou les « classes passerelles » qui permettaient à des enfants vivant dans ces quartiers de passer progressivement de la halte-garderie à l’école maternelle, en favorisant le lien avec les parents, ce qui permettait à ces derniers de prendre conscience de l’importance de l’éducation très jeune. Plusieurs de ces expériences ont été conduites dans ma circonscription, mais peut-être n’y en a-t-il pas tant que cela dans tout le pays. Avez-vous quelques données à nous fournir, ou est-ce très marginal ?

Par ailleurs, je partage tout à fait ce que vous avez dit : il serait très dommageable d’opposer les solutions entre elles et il faut viser à la complémentarité des réponses dont nous disposons.

À cet égard, je voudrais aborder à nouveau un sujet, certes marginal, mais réel et qui m’est cher, celui de l’accueil des enfants handicapés. Autant je peux comprendre notre souci d’assouplir les normes, devenues trop lourdes et paralysantes, pour les accueils « ordinaires », autant je pense que nous devons veiller à maintenir des critères et donc des possibilités d’accueil de qualité pour des enfants qui ont besoin d’un accompagnement particulier. Si nous voulons avoir une société ouverte qui offre à chacun sa place, il faut trouver une harmonie et permettre des complémentarités. Dans certains cas, on peut assouplir les règles en augmentant un peu le nombre de places d’accueil ; dans d’autres, il faut pouvoir maintenir des critères de qualité en fonction de la présence d’enfants en situation délicate.

Ces réflexions sont en même temps des questions auxquelles vous pouvez peut-être apporter des éléments de réponse.

M. Olivier Peraldi. On pourrait croire que des modes d’accueil assouplis seraient dégradés, mais il s’agit de modes d’accueil adaptés à des situations locales et à des configurations familiales. C’est bien la diversité, ce sont bien les complémentarités qui sont recherchées.

On a dit que les accueils collectifs sont plus coûteux pour la société, en particulier pour les collectivités. Peut-être certains enfants coûtent-ils plus cher à accueillir que d’autres parce qu’ils nécessitent certaines attentions et sans doute faut-il un adulte pour huit enfants qui marchent et un pour cinq qui ne marchent pas. Il y a donc bien une complémentarité en fonction des publics concernés.

S’agissant des espaces passerelles – ce que nous appelons les « classes passerelles » –, je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre, l’Éducation nationale ayant également suivi ces dossiers. Pour ma part, je les raccroche aux jardins d’enfants – ce qui me permet d’introduire la notion de « jardins d’éveil » –, car nous sommes là dans une logique de structure intermédiaire entre la garde du jeune enfant et la maternelle. Notre pays compte 192 jardins d’enfants.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous sommes tous d’accord, mais qui va payer ? À côté de la scolarisation en école maternelle prise en charge à 100 %, il faut à tout prix savoir et dire à qui incombera le coût du jardin d’éveil ! C’est le point crucial.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Ma réflexion précédente est à mettre en relation avec ce que vous avez dit sur la diminution de la préscolarisation des deux-trois ans, d’où la priorité d’accueil de ces jeunes enfants dans les zones d’éducation prioritaires. Se pose donc la question de savoir comment va s’organiser cet accueil des jeunes enfants dans certaines zones difficiles et qui paiera. Car, pour avoir expérimenté, non pas ces jardins d’éveil, mais ces espaces passerelles, nous voyons bien qui paie !

Mme la rapporteure. Nous sommes effectivement confrontés à un problème crucial car, actuellement, la garde des enfants se reporte sur les haltes-garderies et les crèches, mais leur nombre de places est en diminution.

M. Olivier Peraldi. Toutes ces questions sont liées.

Une précision, d’abord : je ne suis pas habilité à parler à la place des services de M. Darcos. D’après les déclarations du ministre de l’éducation nationale lui-même, le désengagement ne concerne pas les ZUS pour ce qui concerne les enfants préscolarisés. De notre côté, nous en sommes restés à cette annonce ; la question de ne plus accueillir les préscolarisés dans les écoles situées en ZUS ne se pose donc pas dans un avenir immédiat.

Qui finance les jardins d’enfants – en l’occurrence, les jardins d’éveil ?

Je rappelle que les jardins d’éveil sont proposés par une députée dans un rapport fort intéressant et que nous avons lu attentivement. Son auteure a fait du benchmarking, notamment en Allemagne, où nous sommes allés, nous aussi.

Mme la rapporteure. En matière de mode de garde, l’Allemagne n’est pas forcément la référence, vu le taux d’activité des femmes dans ce pays.

M. Olivier Peraldi. Il faut quand même regarder ce qui existe ailleurs, même si, sur certains points, on est peut-être un peu moins en retard ou un peu plus en avance que d’autres.

Si l’Allemagne compte tant de jardins d’enfants, c’est aussi parce que l’école maternelle y commence plus tard qu’en France. Nous avons une expérience en matière d’école maternelle, les Allemands l’ont en matière de jardins d’enfants. Comme Mme Tabarot, nous avons constaté que leurs normes étaient beaucoup plus souples que les nôtres, mais ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Depuis deux ans, dans le cadre d’un plan de coopération, la Délégation interministérielle à la famille travaille sur ce sujet avec le Québec, où les normes sont, disons-le, assurément beaucoup plus souples que les nôtres.

Pour ce qui est du financement, je crains de vous décevoir, la Délégation n’ayant pas de réponse toute faite à ce stade. Il y a une réflexion. C’est une proposition relativement récente et elle est instruite. La secrétaire d’État a fait part de sa volonté de travailler sur ce thème, le contexte de l’Éducation nationale nous invitant à y réfléchir rapidement. Pour autant, je n’ai pas aujourd’hui d’éléments plus précis à vous donner.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous avons interrompu à de nombreuses reprises. Aviez-vous prévu de nous fournir d’autres informations ?

M. Olivier Peraldi. Je voudrais souligner ce que nous appelons l’apparent paradoxe français. Les délégations étrangères que nous recevons nous demandent toujours comment notre pays fait pour avoir un taux d’activité des femmes de plus de 82 % avec un taux de natalité de deux points. Nous leur répondons que le paradoxe n’est qu’apparent. Nos interlocuteurs, européens notamment, ou japonais comme hier, comprennent alors tout l’intérêt des dispositifs de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle qui ont été mis en place en France.

La création de la PAJE en 2004 avait un double objectif : d’abord, simplifier l’ensemble des prestations, la PAJE s’étant substituée aux cinq prestations existantes, ce qui est un progrès certain pour nous ; ensuite, étendre les aides à un nombre plus élevé de familles. L’objectif affiché en 2004 était de toucher 200 000 personnes de plus ; aujourd’hui, selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), nous touchons 300 000 familles supplémentaires, ce qui est plutôt positif.

Je ne reviendrai pas sur le mécanisme à deux étages de la PAJE – la prime à la naissance et les compléments.

Entre 1960 et 2000, le taux d’activité des femmes ayant un enfant de moins de trois ans a doublé. C’est un élément important.

Les foyers qui, selon nous, ont le plus besoin d’être soutenus financièrement aujourd’hui sont notamment les foyers monoparentaux. Le taux d’activité des femmes ne vivant pas en couple et ayant un enfant de moins de six ans est de 61 % quand elles n’ont qu’un enfant et de 28 % quand elles en ont trois. Avoir plusieurs enfants a donc une incidence sur le taux d’activité des femmes et nous devons évidemment porter notre regard sur ces situations.

En fait, nous constatons que l’activité professionnelle des femmes est fortement corrélée à trois éléments : le nombre d’enfants, la présence d’un enfant de moins de trois ans et la situation familiale.

De notre lecture du rapport de la Cour des comptes publié en septembre dernier, nous avons une vision nuancée. Selon la Cour, le coût de la PAJE a dépassé les prévisions, ce qui est indéniable. Devons-nous y voir la conséquence du succès de cette prestation ou un point négatif ? Pour notre part, nous y voyons plutôt une conséquence du succès du dispositif. La Cour des comptes note également à juste titre qu’un certain nombre de familles, et notamment les femmes, déclarent subir le choix de garde de leur enfant. Il est clair qu’il y a encore des efforts à consentir en termes de solvabilité dans le cadre de ces situations.

S’agissant de la majoration du complément mode de garde prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la réponse a été apportée par Mme Nadine Morano : elle est de 10 % dans le cas des horaires atypiques.

M. le coprésident Pierre Morange. Conduisez-vous une réflexion au sein du ministère sur la stratégie à adopter quant à l’enveloppe budgétaire consacrée à la politique d’accueil du jeune enfant et à la répartition des financements entre les aides aux familles notamment avec la PAJE et les aides aux structures ?

M. Olivier Peraldi. La question posée est effectivement de savoir si l’on garde une forme de prestation ou s’il n’existerait pas d’autres réponses possibles grâce à des dispositifs liés à la fiscalité.

Il nous semble aujourd’hui que la PAJE a rempli son rôle. Nous avons fourni les chiffres des familles qui sont solvabilisées ; peut-être faudrait-il faire plus mais, sur ce plan, le bilan nous semble positif et nous ne pensons pas que le système doive être modifié.

En matière de fiscalité, des dispositifs existent. Le crédit d’impôt famille (CIF) a été évoqué rapidement tout à l’heure. Là aussi, doit-on mettre tous les œufs dans le même panier ? Il y a la PAJE, avec un mode de financement propre, et il y a des dispositifs incitatifs, notamment vis-à-vis des entreprises avec le crédit d’impôt famille. Vous le savez, une réflexion est en cours sur le CIF, essentiellement pour l’une des cinq dépenses qui y donnent droit, afin d’encourager les entreprises à créer des places de crèches. En effet, la politique fiscale incitative aboutit à ce que les congés parentaux soient quasiment les seules dépenses qui fassent l’objet d’un crédit d’impôt, 94,6 % des actions des entreprises étant menées sur les congés et très peu pour la création de places de crèche. Il y a certainement une réflexion à mener sur la politique fiscale abordée sous cet angle.

Notre réponse sur la PAJE est claire : cette prestation nous semble répondre aux attentes.

M. le coprésident Jean Mallot. À plusieurs de nos questions, nous avons obtenu des réponses. Pour d’autres, nous avons pris date. Mais certaines sont restées tout à fait sans réponse. C’est l’intérêt de ce genre d’exercice.

Si, dans les semaines qui viennent, vous obtenez des éléments de nature à nous permettre de trouver les bonnes réponses aux questions restées en suspens, je vous remercie de nous les communiquer, en particulier pour ce qui touche au financement. Les membres de la MECSS pourront ainsi formuler des propositions concrètes ou des recommandations.

*

Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. le coprésident Pierre Morange. Je souhaite la bienvenue à M. Dominique Libault et à Mme Sophie Martinon, chef du bureau des prestations familiales.

Mme la rapporteure. La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, avait pour objectif d’élargir les modes de garde des jeunes enfants et de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Trois ans plus tard, peut-on dire que ce dispositif est équitable et que les aides proposées sont efficaces ?

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale au ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Vous évoquez les objectifs initiaux de la PAJE : je rappelle qu’ils avaient beaucoup évolué par rapport à l’engagement du candidat Jacques Chirac, qui souhaitait surtout permettre aux familles de choisir plus librement le mode de garde de leurs enfants. Le ministère et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avaient émis quelques réserves sur un dispositif qui aurait pu mettre en difficulté les gestionnaires des structures collectives. Nous pensions que pour permettre un libre choix, il fallait sans doute aider les ménages mais également aider la branche famille à réaliser des équipements collectifs, en cofinancement avec les collectivités locales. Nos arguments ont été entendus et ont permis la mise en place de la PAJE. C’est ainsi que la convention d’objectifs et de gestion de la branche famille a augmenté les dépenses du Fonds national d’action sociale (FNAS) de 7,5 % par an – soit 33 % sur l’ensemble de la période.

Le bilan de la PAJE, dans son ensemble, est assez satisfaisant. Tout d’abord, le taux de natalité n’a cessé de progresser en France. Il serait stupide d’attribuer ce phénomène au seul dispositif de la PAJE, mais il le serait encore plus de prétendre que les politiques familiales n’ont aucun impact sur la natalité. Or, depuis une vingtaine d’années, les politiques que nous menons sont plus axées sur l’accueil du jeune enfant que sur les prestations d’entretien, ce qui tend à favoriser la natalité. D’ailleurs, elles sont bien comprises par l’ensemble de nos concitoyens.

Autre point positif, la PAJE a facilité la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle. Le taux d’emploi des femmes est très satisfaisant dans notre pays, en comparaison de celui des pays avoisinants. À ceux qui pensent que les pays nordiques font mieux que nous, je citerai les auteurs du livre Le deuxième âge de l’émancipation, pour qui les taux d’emploi dans les pays nordiques doivent être relativisés, les Suédoises et les Danoises étant comptées parmi les femmes actives lorsqu’elles sont en congé parental, ce qui n’est pas le cas des Françaises. Sur les 81 % de Suédoises « actives », seules 62 % travaillaient effectivement pendant l’enquête, dont 49 % étaient mères d’enfants de moins d’un an, ce qui est assez proche du taux français puisque dans notre pays, environ 70 % des mères d’un enfant ont un emploi.

La PAJE a également simplifié l’accès aux droits, notamment grâce au dispositif « Pajemploi », qui s’est substitué à des modes de solvabilisation dont certains, comme l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), fonctionnaient très mal. Je crois pouvoir dire que le dispositif « Pajemploi » donne toute satisfaction aux familles, notamment du fait de sa dématérialisation – qui explique le faible coût de gestion de ce dispositif.

Cela dit, le coût budgétaire de la PAJE est plus élevé que prévu, comme vient de le rappeler la Cour des comptes, pour la simple raison que le gouvernement de l’époque avait choisi de chiffrer la mesure à comportement constant. Or, la PAJE a eu un impact supérieur à celui que nous estimions puisque 250 000 familles supplémentaires en bénéficient, sur un total d’environ 2,2 millions de familles. Nous nous réjouissons d’un tel succès, mais il a entraîné le déficit de la branche famille pendant plusieurs années. Certes, celle-ci a retrouvé un équilibre budgétaire en 2008, mais il aurait été préférable de mieux estimer son coût dès le départ.

L’argent public est-il bien utilisé et bien redistribué ? Certaines adaptations sont peut-être souhaitables, mais la PAJE répond à l’objectif initial qui était de faire en sorte que l’effort financier des familles soit le même, quel que soit le mode de garde qu’elles choisissent, le « reste à charge » ne devant pas intervenir dans leur choix. Les programmes de qualité et d’efficience établis par nos services montrent que l’effort a diminué ces dernières années : le « reste à charge » d’une famille disposant d’un revenu égal au SMIC est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 si elle recourt à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si elle s’adresse à un établissement. Si le recours aux équipements collectifs s’impose aux familles à très bas revenus, la situation s’inverse pour les familles dont le revenu se rapproche de trois SMIC, compte tenu des surcoûts imposés par les équipements collectifs.

En matière de redistribution, la Cour des comptes a émis un avis critique sur le complément de libre choix d’activité à temps partiel. Destiné à l’origine à des familles à faibles revenus, il semble qu’il bénéficie aujourd’hui à des familles aisées. Il faut donc améliorer ce dispositif destiné à favoriser le temps partiel.

J’en viens à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le revenu de remplacement fait l’objet de certaines critiques. En incitant les femmes à ne pas travailler pendant de longues périodes, il risque de les détourner de l’emploi. Ce risque est réel, et l’on constate qu’un grand nombre de femmes ont des difficultés à retrouver du travail après plusieurs années d’éloignement.

En bref, les politiques qui ont été menées ont eu un impact positif sur l’accueil des jeunes enfants. Cela dit, ne négligeons aucune piste pour faire encore mieux.

Enfin, si le dispositif Pajemploi a simplifié la vie des familles en agissant sur la solvabilisation, il reste que l’accueil du jeune enfant demeure un véritable parcours du combattant dans certaines régions. La caisse d’allocations familiales et les collectivités locales doivent améliorer les services rendus aux familles. Ces services sont encore trop hétérogènes, ce qui doit nous amener à diversifier et à mieux cibler notre approche en fonction des territoires, mais aussi de l’offre et de la demande. Or, nous ne disposons pas d’outils suffisamment précis pour élaborer des stratégies ciblées en matière d’équipements collectifs.

Mme la rapporteure. Lorsque j’étais rapporteure du budget de la famille, il était déjà difficile d’évaluer le nombre de places d’accueil offertes aux familles. Êtes-vous en mesure aujourd’hui de nous donner des éléments concrets ? Par ailleurs, pensez-vous que nous pourrions améliorer le travail des femmes en proposant le congé parental aux hommes, ou en étendant le complément optionnel de libre choix d’activité aux familles de moins de trois enfants ? Enfin, le nombre de places dans les écoles maternelles a diminué ces dernières années, ce qui rend difficile la scolarisation des enfants de moins de trois ans, mais elles sont tout aussi rares dans les structures d’accueil. Les créations annoncées sont-elles suffisantes au regard de l’augmentation du nombre d’enfants en bas âge ?

M. Dominique Libault. Je ne peux répondre en lieu et place de l’Éducation nationale, mais selon l’Observatoire national de la petite enfance, la scolarisation des enfants de moins de trois ans est passée de 34,7 % en 2002 à 23 % en 2007. Ce sont donc 60 000 enfants qui auraient été scolarisés en 2002 mais ne le sont pas aujourd’hui, à cause du manque de places. Cette réalité est préoccupante, car le coût financier d’une place à l’école maternelle, pour l’assurance maladie et les collectivités locales, est très différent de celui d’une place dans une autre structure collective.

Nous sommes capables de mesurer précisément le nombre de places en crèches créées grâce aux différents plans d’investissement de la branche famille – 8 621 places en 2004, 9 150 en 2005, 10 680 en 2006, 11 588 en 2007, et il est prévu d’en créer 11 200 en 2008 – mais nous ne savons pas combien sont créées par ailleurs, sans compter que, dans le même temps, d’autres disparaissent. On tient compte également des places en halte-garderie qui, bien que destinées à un accueil temporaire, sont passées de 71 400 en 2000 à 55 000 en 2006. En bref, nos outils ne nous permettent pas d’évaluer avec précision la capacité totale d’accueil des jeunes enfants dans notre pays. Nous essayons, en collaboration avec la CNAF, de préciser ce concept et d’évaluer en heures notre capacité d’accueil, en tenant compte naturellement de l’accroissement de la natalité et de l’arrivée, chaque année, de 30 000 enfants supplémentaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué la baisse des places en halte-garderie, mais je rappelle que les critères d’éligibilité définis par les caisses d’allocations familiales ont évolué, posant parfois des problèmes insolubles aux collectivités locales, qui ont dû s’adapter aux demandes des familles. Du fait de leur faible taux de remplissage, certaines haltes-garderies ont été transformées en crèches à mi-temps, au détriment de constructions nouvelles.

M. Dominique Libault. Ne connaissant pas les taux de remplissage au niveau national, il nous est difficile de savoir si l’offre est suffisante sur un territoire donné, mais il est clair que dans certaines crèches, il est loin d’atteindre 100 %. Je sais également, pour avoir interrogé l’ANPE et l’UNEDIC, que le taux de chômage des assistantes maternelles n’est pas nul ! Nous avons besoin d’outils plus fins pour mesurer ces inadéquations dans chaque territoire, car les besoins sont très hétérogènes. D’ailleurs, la secrétaire d’État chargée de la famille étudie actuellement les conditions de l’accueil des jeunes enfants dans les cités.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous évoquez la dématérialisation des données, en soulignant son impact sur les coûts de gestion, mais vous prétendez ne pas connaître la réalité des capacités d’accueil : permettez-moi de vous faire part de notre perplexité !

M. Dominique Libault. Je comprends votre sentiment, mais il est difficile de savoir ce qui se passe au sein de structures municipales ou associatives qui ont passé une convention de financement avec la branche famille. L’idéal serait de disposer d’une information en temps réel, afin d’informer les familles du nombre et de la localisation des places disponibles.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait très facile d’y parvenir, et une expérimentation est actuellement en cours dans plusieurs départements qui mettent à la disposition du public un tableau faisant état des disponibilités, tant en termes de places d’accueil que d’emplois. Pourquoi un dispositif aussi simple sur le plan informatique n’est-il pas encore mis en œuvre ? C’est hallucinant ! S’agissant d’argent public, je pense que ce serait le minimum !

M. Dominique Libault. En effet, et c’est ce que souhaite Mme la secrétaire d’État à la famille. L’expérimentation à laquelle vous faites allusion, qui a lieu à Strasbourg, est en effet très intéressante. Notre objectif est de l’étendre à de nombreux départements.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant d’argent public, je le répète, il serait légitime de le rendre obligatoire !

Mme la rapporteure. Je n’accuse aucun gouvernement en particulier, mais c’est bien faute de volonté politique ! Certes, la multiplicité des gestionnaires rend le dispositif illisible, mais nous connaissons le nombre d’offres disponibles dans chaque département, au même titre que le nombre d’hôtels ou de terrains de camping. Pourquoi ne pas nous donner les moyens de disposer de ces chiffres au niveau national ? Il est temps de mettre en place une telle information. Aujourd’hui, 100 000 assistantes maternelles se trouvent au chômage. Est-ce dû à l’éloignement de leur domicile, voire à leur origine ethnique ? Enfin, que proposez-vous pour faire évoluer la PAJE ?

M. Dominique Libault. Je me réjouis de votre question, car nous voulons améliorer la fluidité de l’information et l’appui de la MECSS pourra nous être très utile. S’agissant des assistantes maternelles, vous savez qu’elles reçoivent leur agrément des conseils généraux : il nous est donc difficile de connaître leurs disponibilités, d’autant que certaines peuvent avoir cessé d’exercer leur activité. Nous essayons de comprendre les raisons de la sous-activité des assistantes maternelles, souvent liée, en effet, à la situation de leur domicile. Je pense que la possibilité de se regrouper, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, leur permettra de travailler dans certains quartiers.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous savons en effet qu’une réflexion est en cours et que les décrets d’application des dispositions prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permettront aux collectivités locales de mettre des locaux à la disposition des assistantes maternelles agréées. Cette alternative aux structures lourdes que sont les crèches, avec un moindre coût d’exploitation, offrira aux familles un nouveau service. Pouvez-vous nous préciser sur quels critères ?

M. Dominique Libault. Je ne peux vous répondre, car cela ne fait pas partie de mes compétences. Il appartient à la direction générale de l’action sociale, qui a en charge la sécurité des enfants dans les structures collectives, de les définir.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous dresser un bilan de la convention d’objectifs et de gestion de la branche famille, tant au niveau des objectifs en matière d’accueil du jeune enfant que de leur incidence sur les ressources humaines ?

M. Dominique Libault. L’actuelle convention d’objectifs et de gestion de la branche famille s’achève et nous entamons les négociations pour la prochaine, qui débutera en 2009. La dernière convention a créé de nouvelles crèches – les crédits du FNAS ayant augmenté de 17 %. Mais dans un premier temps, nous n’avons pas vu le nombre de places en crèche augmenter de façon substantielle. La branche famille a donc réfléchi et mis en place ce nouvel outil qu’est le contrat « enfance et jeunesse ». Après avoir été diversement apprécié par les collectivités locales, il est enfin entré dans les mœurs et à ce jour, de nombreuses conventions ont été signées. Ce contrat permet à la branche famille de mieux piloter les financements du FNAS. Alors que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale prévoyait une augmentation des dépenses de 6 à 7 %, nous sommes en mesure de rattraper le dérapage enregistré au début de la convention et de respecter le budget initial, tout en ouvrant le nombre de places souhaité. Au regard de l’utilité de la dépense publique, notre bilan est donc satisfaisant.

Nous avons également travaillé, en collaboration avec la branche famille, à améliorer le pilotage et l’information statistique. Nous avons accompli des progrès considérables, mais nos outils sont encore insuffisants. La CNAF a pour objectif d’améliorer sa perception de l’offre et de la demande sur chaque territoire afin de pouvoir diriger les crédits là où ils sont nécessaires, mais des progrès restent à faire.

Mme la rapporteure. En réalité, les collectivités locales ont été contraintes d’accepter le contrat « enfance et jeunesse ». Les conventions d’objectifs ont été remises en cause, mais je rappelle que la PAJE a engendré des dépenses plus importantes que celles qui avaient été initialement prévues. Pourquoi ne pas avoir développé des offres de garde différentes selon les territoires ?

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à mes questions sur une éventuelle évolution de la PAJE et sur l’attribution du COLCA aux familles de moins de trois enfants pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Enfin, que proposez-vous pour faciliter le retour à l’emploi des femmes qui ont cessé leur travail pour garder un enfant ?

M. Dominique Libault. Pour tout cela, il faut tenir compte des possibilités financières de la branche famille. Certes, son budget a retrouvé l’équilibre et ses perspectives sont moins dégradées que celles des autres branches de la sécurité sociale, mais la conjoncture économique et financière va nous obliger à rendre des arbitrages.

Partager l’arrêt de travail avec le père est une idée intéressante pour les familles qui y consentent. Nous y réfléchissons, étant entendu que le congé donnant lieu à une allocation de remplacement ne doit pas excéder une certaine durée. Cela dit, pourquoi ne pas proposer à une personne qui a été éloignée du marché de l’emploi pendant plusieurs années du fait de maternités successives de suivre une formation ? Si nous voulons éviter que les femmes peu qualifiées s’éloignent trop longtemps du marché du travail, nous devons étudier sérieusement leurs parcours et leurs difficultés.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué, s’agissant de l’accueil des jeunes enfants, un arbitrage entre les aides aux familles et les aides structurelles. Selon vous, le curseur est-il bien positionné ou faut-il le déplacer d’un côté ou de l’autre, en tenant compte naturellement des nouvelles contraintes budgétaires ?

Au-delà de la satisfaction qu’apporte le fait de concilier vie familiale et vie professionnelle, quels sont les effets du mode de garde pour l’enfant, sur les plans culturel et sociologique ?

M. Dominique Libault. Pour ma part, je ne tire aucune conclusion définitive des nombreuses études réalisées sur ce sujet, en France et dans d’autres pays. Rien ne prouve que tel mode de garde ait une influence sur la scolarité et le développement d’un enfant. En revanche, il faut continuer à améliorer la qualification des assistantes maternelles. L’essentiel est de proposer aux familles des modes de garde offrant le meilleur niveau de sécurité et de qualité.

S’agissant des structures d’accueil collectives, nos efforts doivent être continus. Il est important que les collectivités locales puissent compter sur notre fiabilité. Après de nombreuses difficultés, nous avons atteint un certain équilibre : la branche famille doit donc continuer à financer ces structures.

Sur le plan quantitatif, je n’ai pas d’éléments de réponse, car je ne sais pas quelle sera demain la proportion d’enfants gardés dans les structures collectives, mais je reconnais qu’il est important de comprendre les inadéquations entre l’offre et la demande. Le nombre d’assistantes maternelles au chômage est éloquent : nous devons cibler nos efforts en direction des territoires où les structures collectives sont nécessaires – ce qui n’est certainement pas le cas partout.

Je voulais enfin signaler le retard important que nous avons pris dans les DOM en matière d’accueil du jeune enfant.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous préciser la date de lancement du deuxième plan pour le développement des emplois de service à la personne ? Comprendra-t-il des mesures en faveur de la garde d’enfants ? Par ailleurs, le Conseil économique préconise de recentrer les aides sur la garde d’enfants et de mettre en place un crédit d’impôt : qu’en pensez-vous ?

M. Dominique Libault. Je ne dispose d’aucun élément là-dessus. Cela dit, il est clair que l’argent public, dans la mesure où il doit améliorer la qualité de la vie, doit être prioritairement consacré aux services à la personne, qu’il s’agisse de la garde des enfants ou de l’aide aux personnes âgées, par le biais de prestations sociales et de crédits d’impôt. Mais pour que ces outils soient justes et équitables, il convient de les cibler. En matière de garde d’enfants, les outils que sont les prestations familiales et la prise en compte des ressources sont parfaitement adéquats. Je serai plus réservé, à titre personnel, sur le chèque emploi service universel utilisé par les entreprises pour aider leurs salariés, car je ne suis pas certain qu’il atteigne les cibles sociales que nous voulons atteindre.

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai été président et rapporteur d’une mission d’information sur le financement du tissu associatif. L’une de ses préconisations, votée à l’unanimité, soulignait l’insécurité réglementaire et juridique qu’offre le cadre européen, en particulier la directive sur les services, s’agissant des services d’intérêt général et des aides à la personne. Il est nécessaire de sécuriser le secteur associatif, car il joue un rôle important dans ce secteur : une réflexion est-elle engagée en ce sens ? Si nous ne faisons rien, il risque d’être remis en cause, comme cela s’est produit dans les pays nordiques.

M. Dominique Libault. Nous avons beaucoup travaillé sur les directives dans le domaine de la santé, mais je n’ai jamais eu l’occasion d’étudier les services à domicile…

M. le coprésident Pierre Morange. Je me permets d’insister sur l’importance du secteur associatif dans le domaine des services à la personne, surtout après la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services », et ses conséquences pour les services d’intérêt général. Si nous ne faisons rien, elle pourrait se traduire, avant la fin de l’année 2009, par une diminution des capacités d’accueil au titre de la politique de la petite enfance. Le sujet n’est pas neutre, et le temps presse…

Je vous remercie, monsieur le directeur.

*

AUDITION DU 4 DÉCEMBRE 2008

Audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), M. Hervé Drouet, directeur général, Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches, Mme Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité, et M. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous souhaite la bienvenue et je donne sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quatre ans après la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), nous évaluons la réalisation des objectifs fixés par le Gouvernement lors de son lancement : simplification du dispositif d’aide à la garde, diversification des modes de garde et meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Jugez-vous le système actuel de garde d’enfant équitable ? Les aides sont-elles efficaces, notamment pour les familles les plus modestes ? Une étude de l’évolution de leur taux d’effort a-t-elle été réalisée ?

Quel est l’impact de la PAJE sur les droits des femmes et sur l’égalité ?

Comment voyez-vous l’évolution de cette prestation ? Quelles orientations pourraient être apportées ?

Ayant été, pendant plusieurs années, rapporteure du budget de la famille, je suis curieuse de savoir comment vous établissez vos statistiques par rapport aux différents plans mis en place ? Connaissez-vous le nombre de places de crèche réellement ouvertes ? Entre le lancement des plans, les projets et leur réalisation, il se passe un temps pendant lequel certaines crèches ferment et d’autres font l’objet de restructurations. Connaissez-vous l’évolution du nombre réel de places ?

Quelle est l’évolution du taux de couverture, c’est-à-dire le nombre de places disponibles rapporté au nombre d’enfants de moins de trois ans ? Ces indications sont importantes pour évaluer les capacités d’accueil offertes aux familles.

Avez-vous mené une réflexion sur la diminution de la scolarisation des enfants de moins de trois ans alors que la France connaît une augmentation démographique ? Comment travaillez-vous avec le ministère de l’Éducation ? Y a-t-il une coordination cohérente entre celui-ci et la CNAF ?

Comment peut-on améliorer la connaissance de l’offre de garde disponible en équivalent horaire et celle des places vacantes dans les établissements d’accueil des jeunes enfants ?

Arrive-t-il que des places existantes ne soient pas ouvertes par manque de personnel dans les crèches collectives publiques comme dans les crèches d’entreprise ?

Pouvez-vous nous éclairer sur la situation des assistantes maternelles ? Combien d’agréments sont-ils accordés ? Nous avons découvert qu’un nombre assez important d’assistantes maternelles n’ont pas d’enfants à garder. Avez-vous mené une réflexion sur ce phénomène ?

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la CNAF. Je laisserai largement la parole aux techniciens pour vous répondre et vous fournirai des éléments chiffrés complémentaires à la suite de cette audition.

L’efficacité du dispositif de la prestation d’accueil du jeune enfant se mesure en premier lieu par le taux de satisfaction des familles. Dans une enquête de satisfaction, elles ont répondu à plus de 96 % que la PAJE leur convenait. Cela signifie donc qu’on a visé juste. Cela étant, le système n’est pas figé et peut toujours être amélioré et adapté.

Les attentes d’ordre financier étaient importantes et le restent pour les familles les plus défavorisées. Les attentes concernant les offres d’accueil étaient tout aussi fortes pour l’ensemble des ménages confrontés à la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Si l’on se félicite du taux de fécondité de la France et de l’augmentation du taux d’activité féminine, c’est en partie grâce à la PAJE.

Le dispositif doit-il évoluer ? Oui, comme tout dispositif. Nous devons être à l’écoute des attentes des allocataires tout en restant réalistes. L’offre en matière de modes de garde est encore insuffisante. Il existe un peu plus de 320 000 places en établissements d’accueil collectif pour un nombre de naissances estimé à 800 000. Il y a donc actuellement environ 2,4 millions d’enfants de moins de trois ans. Nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de proposer la réponse adaptée, d’autant qu’il existe des disparités selon les territoires. On ne peut pas envisager de construire des crèches dans tous les coins de France. Les réponses sont adaptées aux zones rurales et aux zones sensibles. L’objectif est de pouvoir répondre le plus possible au choix des parents, qu’il s’agisse d’un mode de garde individuel ou collectif.

Le taux de réponse suit une courbe ascendante. Nous avons conscience des limites du dispositif. Le projet qu’avait autrefois le Gouvernement de créer un droit au mode de garde opposable a permis d’améliorer le nombre de structures d’accueil. Nous avons besoin aujourd’hui d’y voir plus clair dans les intentions du Gouvernement. Il est important de pouvoir travailler de façon pluriannuelle car, vous l’avez évoqué, entre le moment où une idée germe dans un conseil municipal, une structure intercommunale ou une ou plusieurs entreprises d’organiser un mode de garde et la réalisation du projet, il s’écoule au minimum deux ans. Ces dernières années, il a été créé à peu près 10 000 places par an mais nous n’avons aucune visibilité pour les quatre ou cinq prochaines années.

M. le coprésident Jean Mallot. La CNAF dispose-t-elle d’un outil statistique permettant de connaître de manière précise le nombre de places existantes et disponibles sur le territoire ou a-t-elle d’autres sources ?

Mme Hélène Paris, directrice des statistiques, études et recherches de la CNAF. Le versement de la prestation de service pour le fonctionnement des établissements d’accueil du jeune enfant permet une remontée d’informations assez précises sur le nombre de places agréées par la Protection maternelle et infantile (PMI) pour toutes les places qui font l’objet d’un financement via cette prestation de service. Cela figure dans les données relatives à la branche famille dans le programme de qualité et d’efficience. Il indique 332 000 places en 2007. C’est un chiffre plus récent que celui fourni par l’enquête PMI.

Mme la rapporteure. Cela vous permet-il de savoir, année par année, l’évolution du nombre de place depuis dix ans ?

Mme Hélène Paris. Nous sommes en mesure de bâtir ces statistiques depuis l’année 2005. Elles peuvent être confrontées avec les données collectées via l’enquête PMI réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) mais elles ont l’avantage d’être plus rapides à établir et plus fiables, les données PMI étant extrapolées pour partie. La remontée des données nous permet également de calculer les taux d’occupation des établissements d’accueil du jeune enfant.

M. Olivier Maniette, sous-directeur de l’action sociale de la CNAF. Au fur et à mesure que les programmes sont établis en coopération avec les municipalités, les plans crèches sont entrés dans une base spécifique qui permet non seulement de connaître les places de crèche qui ouvrent mais également d’avoir une vision anticipée des créations à venir. Cette base est mise à jour en temps réel par les caisses d’allocations familiales (CAF).

Mme la rapporteure. La base plans crèches prend-elle en compte les crèches qui sont supprimées et celles qui font l’objet d’une restructuration ?

M. Olivier Maniette. Oui, elle prend tous ces éléments en compte.

Mme Sylvie Chevillier, sous-directrice enfance et parentalité de la CNAF. Pour ce qui est de la diminution du nombre d’enfants de moins de trois ans scolarisés, nous devons avouer que, actuellement, nous n’y voyons pas très clair. Nous connaissons le nombre d’enfants de deux à trois ans scolarisés mais nous n’avons pas de données sur leur présence si bien que le chiffre oscille entre 100 000 et 140 000 enfants. Même s’il existe un partenariat entre la branche famille et l’Éducation nationale, l’analyse des données est compliquée du fait de la répartition des compétences entre les communes et l’Éducation nationale et de l’arrêt des démarches administratives lors de la grève de cette dernière. Lorsque nous avons travaillé avec la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la possibilité d’avoir des jardins d’éveil, le manque d’éléments fiables nous a gênés. Par ailleurs, nous avons du mal à anticiper les conséquences de la déscolarisation des deux-trois ans sur le « parc des crèches ».

M. le coprésident Jean Mallot. La tâche est d’autant plus ardue que cela ne concerne que les enfants entre deux et trois ans. Il faut avoir un outil statistique très précis pour prendre en compte le passage d’un âge à l’autre.

Mme Sylvie Chevillier. La tâche est d’autant plus difficile que les pratiques par rapport à la scolarisation des enfants varient d’une commune à une autre. Dans certaines, les enfants sont pris à deux ans, dans d’autres, à deux ans et demi, dans d’autres encore, à deux ans et demi s’ils ont cet âge au début de l’année, Il est dès lors difficile de chiffrer à l’instant « t ». On ne peut le faire qu’après coup.

Mme la rapporteure. Si les enfants de moins de trois ans restent plus longtemps dans les crèches ou auprès d’assistantes maternelles, ne risque-t-on pas d’avoir un solde négatif des places créées par rapport aux demandes des familles ?

Mme Sylvie Chevillier. La question se pose dans certains territoires. Dans la Manche et la Vendée, par exemple, le taux de déscolarisation des deux-trois ans est très élevé depuis plusieurs années alors que l’école est gratuite et que l’accueil dans un établissement pour le jeune enfant ne l’est pas.

M. le coprésident Jean Mallot. Comment se fait-il qu’il y ait des décalages importants des taux de scolarisation d’une commune à l’autre ?

Mme Sylvie Chevillier. Cela dépend des politiques des inspecteurs d’académie et du nombre d’enseignants sur les territoires.

M. Jean-Louis Deroussen. La politique suivie par les inspections académiques varie largement d’un département à l’autre. Dans certains endroits, elles interdisent toute scolarisation avant l’âge de trois ans. Or il nous semble que c’est d’abord aux parents qu’il revient de juger de l’âge auquel leur enfant peut être scolarisé : dès deux ans, à deux ans et demi ou à trois ans. L’évolution mois par mois des enfants est très rapide entre vingt-quatre et trente-six mois.

Il ne faut pas que le choix se limite au cadre financier, entre une école gratuite et des modes de garde qui ont forcément un coût. Il y a également une question d’organisation car un enfant scolarisé est à l’école entre neuf heures et douze heures et quatorze heures et dix-sept heures. Un mode de garde en crèche ou en individuel peut avoir une plus grande amplitude horaire. On peut trouver des compléments : mettre l’enfant à l’école le matin et, soit le garder à la maison, soit le confier à une assistante maternelle, l’après-midi. Le comportement des parents est à leur libre initiative.

Mme la rapporteure. Cette libre initiative n’est pas la même partout. Il est regrettable que les parents ne puissent pas avoir, en tout point du territoire, les mêmes possibilités d’accueil du jeune enfant.

La réglementation est compliquée dans les établissements d’accueil de la petite enfance. Ne pensez-vous pas qu’il devrait y avoir un assouplissement de ces règles ?

Ne pensez-vous pas, par ailleurs, qu’il faudrait, pour pouvoir rétablir le taux d’effort des familles, préférer des crédits d’impôt à la prestation actuelle ?

M. Jean-Louis Deroussen. Le versement de la prestation est plus ciblé.

Quant aux normes imposées aux établissements d’accueil du jeune enfant, elles suscitent un grand débat. Il faut, là aussi, rester pragmatique. Si l’on ne peut transiger sur les questions de sécurité, on peut limiter les normes imposées pour les structures comme pour les assistantes maternelles. Ces dernières font valoir que le fait d’avoir des fours à portes froides n’apprend pas aux enfants à se méfier et à intégrer que tout endroit avec du feu brûle. L’enfant a du mal à comprendre qu’il y a des fours sur lesquels on peut mettre la main et d’autres, comme chez lui, où les portes sont chaudes. Toute éducation commence par la responsabilisation.

M. le coprésident Jean Mallot. Le problème est délicat : les normes ne doivent pas être bloquantes mais, s’il arrive un accident à un enfant, on regrette qu’elles ne l’aient pas plus protégé.

M. Jean-Louis Deroussen. C’est le problème auquel sont confrontées les collectivités territoriales : on veut que les enfants s’amusent mais, s’il y en a un qui tombe d’un toboggan d’un mètre, on critique le fait d’en avoir installé un.

Mme Sylvie Chevillier. Des assouplissements ont déjà été introduits, notamment en 2007, lors de la modification du décret du 1er août 2000, mais ils ne sont pas tous appliqués. On n’est donc pas allé jusqu’au bout de ce que permet la réglementation. La raison en est que les services de PMI n’ont pas la même façon d’appréhender ces possibilités de dérogation aux normes d’encadrement dont la mise en œuvre est soumise à la décision ou à l’avis du président du conseil général. Les situations sont différentes d’un département à l’autre. On cherche à avoir un référentiel national servant de base aux services d’agrément afin de diminuer l’hétérogénéité actuelle des situations et d’éviter que les présidents de conseil général aient l’impression d’engager leur responsabilité en faisant une dérogation.

Quant aux impératifs de sécurité, ils sont liés au professionnalisme des assistantes maternelles ou des personnes qui travaillent dans des établissements d’accueil de jeunes enfants. Mais il y a également une approche éducative du jeune enfant, en plus des considérations sécuritaire et sanitaire.

Mme Hélène Paris. L’effet de la PAJE sur le taux d’effort des familles a été important, en raison de la construction même du dispositif. Son objet était d’harmoniser les taux d’effort, en particulier de les baisser pour les familles les plus modestes. Concomitamment à la mise en place de la PAJE, des changements législatifs sont intervenus – des déductions fiscales ont été accordées, qui se sont ensuite transformées en crédits d’impôts – qui ont un peu brouillé la lecture générale. Pour mesurer les effets propres à la PAJE, nous avons comparé les situations théoriques de deux familles en 2005, la première ne bénéficiant pas de la PAJE, son enfant étant né juste avant le 1er janvier 2004, la seconde en bénéficiant, son enfant étant né juste après. Il s’avère que la PAJE a permis de réduire le taux d’effort par deux pour les familles au SMIC et de trois ou quatre points pour les familles à deux ou trois SMIC. La PAJE a donc joué son rôle de solvabilisation des familles et de réduction du taux d’effort. Pour des gardes à temps plein par une assistante maternelle agréée ou par un établissement d’accueil du jeune enfant, les restes à charge sont devenus très proches pour toutes les catégories de revenus.

M. le coprésident Jean Mallot. L’égalité n’est pas encore atteinte. Pensez-vous que l’on puisse aller plus loin et, si oui, avec quels outils ?

Mme Hélène Paris. Même si les taux d’effort se sont sensiblement rapprochés grâce à la mise en place de la PAJE, il n’en reste pas moins que la garde par une assistante agréée, qui représente les deux tiers de l’offre existante, demeure plus onéreuse pour les familles les plus modestes que la garde dans un établissement d’accueil du jeune enfant, ce qui crée des difficultés pour les personnes qui cherchent à reprendre un emploi. Le dispositif de la PAJE imposant un reste à charge minimum de 15 % pour les familles, on butte un peu sur cette contrainte.

Mme Sylvie Chevillier. Dans le cadre des établissements d’accueil du jeune enfant, la prestation de service unique (PSU) court jusqu’aux quatre ans de l’enfant tandis que le versement de la PAJE s’arrête avant, ce qui peut poser une autre difficulté. Mais chaque amélioration a sa traduction financière et, quand une est possible en théorie, on doit toujours se poser la question de son financement.

Mme Hélène Paris. La PAJE a permis un recours accru aux modes de garde individuels par les familles qui n’y avaient pas accès avant. Entre la fin de 2003 et la fin de 2007, 70 000 familles supplémentaires ont bénéficié du complément de mode de garde assistante maternelle. Parallèlement, il y a eu une solvabilisation générale de l’ensemble de cette population avec des enfants de moins de trois ans du fait du relèvement du plafond de ressources pour l’octroi de l’allocation de base.

Pour mesurer le taux de couverture, nous avons construit deux catégories d’indicateurs qui, quoique présentant quelques différences, aboutissent au même résultat. Le taux de couverture en France des modes de garde du jeune enfant est de l’ordre de 44 %, soit 44 places pour 100 enfants de moins de trois ans. Ce taux est supérieur à celui fixé dans la stratégie de Barcelone. Comme, au niveau européen, on considère que les assistantes maternelles agréées ne doivent pas être comptabilisées parce qu’elles ne font pas intervenir un employeur public, le calcul européen du taux de couverture des modes de garde français est très sous-évalué mais nous sommes en train d’obtenir gain de cause en faisant valoir que les assistantes maternelles ont un agrément encadré par la puissance publique.

M. le coprésident Jean Mallot. Avez-vous d’autres éléments de comparaison avec les autres pays ?

Mme Hélène Paris. Oui, mais pas ici ; je pourrai vous les faire parvenir.

M. Jean-Louis Deroussen. Un gros travail est réalisé actuellement sur la base d’une expérimentation menée par la caisse d’allocations familiales du Bas-Rhin sur un site Internet pour à la fois donner de l’information chiffrée sur les possibilités offertes aux familles en matière de garde et mettre en ligne les places disponibles dans l’immédiat ou dans le mois à venir. Nous comptons généraliser ce dispositif à la France entière au cours du premier semestre 2009. Cela permettrait à l’ensemble des familles d’avoir, via ce mode dématérialisé, une information en temps réel sur ce qui peut leur être proposé. Cela répond vraiment à une attente.

Mme la rapporteure. La possibilité de travailler le dimanche est en débat à l’Assemblée nationale. Y aura-t-il lieu d’adapter le dispositif pour permettre la conciliation du travail des parents et la garde des enfants ?

M. Jean-Louis Deroussen. Le jour où l’on demandera aux Français de travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre sept jours sur sept, on devra se poser la question sociologique et philosophique du but poursuivi et améliorer considérablement l’offre de garde.

Dans un premier temps, nous devons tenter de répondre à des horaires atypiques, notamment dans les hôpitaux, où les crèches doivent ouvrir tôt le matin et fermer tard le soir. Demander que les crèches soient ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre ne serait plus atypique mais irréaliste.

M. le coprésident Jean Mallot. Quels seraient les effets induits par l’étalement sur sept jours au lieu de six les activités ? À services supplémentaires, prestations supplémentaires, et donc ressources supplémentaires.

M. Jean-Louis Deroussen. On se heurterait très vite à des taux de remplissage insuffisants. Une crèche ouverte de sept heures à dix-neuf heures n’est totalement remplie qu’à partir de sept heures trente-huit heures trente et se vide à partir de dix-sept heures trente-dix-huit heures. Si l’on veut que l’argent public soit utilisé au mieux, il faut que le taux de remplissage soit le meilleur possible. On imagine facilement les difficultés des familles si leur choix est de travailler le dimanche.

M. le coprésident Jean Mallot. Les horaires atypiques sont prévisibles d’une semaine ou d’un mois sur l’autre tandis que le travail le dimanche sera variable et imposera des horaires d’ouverture largement excédentaires pour être sûr de pouvoir répondre à la demande.

Mme Sylvie Chevillier. Au-delà des questions de financement et d’horaires, je ne suis pas sûre que les personnels de la petite enfance soient très motivés pour travailler le dimanche.

Mme la rapporteure. Combien d’agréments sont distribués ? Combien d’assistantes maternelles sont en activité ? Comment expliquez-vous la différence entre les deux nombres ?

Mme Sylvie Chevillier. Entre les assistantes maternelles qui partent à la retraite et celles qui les remplacent, le solde ne semble pas positif, alors que la demande croît. Plusieurs éléments expliquent ce phénomène.

D’abord, la loi du 27 juin 2005 a encadré la formation des assistantes maternelles. Entre le moment où une personne formule sa demande d’agrément et celui où elle peut garder son premier enfant, il s’écoule en moyenne une période de neuf mois. Pressées de travailler, certaines personnes cherchent un emploi ailleurs.

Ensuite, la profession d’assistante maternelle n’est pas très attractive à la fois d’un point de vue financier, puisque le salaire moyen d’une assistante maternelle qui travaille à temps plein est de l’ordre de 900 euros nets, et d’un point de vue organisationnel : comme il existe un turn over des enfants beaucoup plus important qu’auparavant, il n’y a plus le même suivi des enfants et les formalités administratives sont plus lourdes puisqu’il faut plus souvent chercher de nouveaux parents, signer de nouveaux contrats de travail, renouer des liens avec parents et enfants.

Enfin, sur certains territoires, la taille des domiciles peut être un handicap.

Il existe aussi un turn over des assistantes maternelles. Celles-ci ne cherchent pas forcément à avoir un complément de salaire par rapport à leur époux comme cela pouvait être le cas pour les générations précédentes. Un nombre de plus en plus grand de femmes fait le choix de s’arrêter de travailler pour avoir leurs enfants et garde des enfants pour avoir un complément financier. Le niveau de diplômes des assistantes maternelles croît mais celles-ci restent en moyenne trois ou quatre ans dans la profession puis reprennent leur travail.

Tous ces éléments expliquent la difficulté que nous observons à remplacer les assistantes maternelles, sans parler de l’effet du baby-boom.

Mme Hélène Paris. On recense, selon des données d’enquête PMI que la DREES vous a sans doute déjà communiquées, 400 000 assistantes maternelles agréées dont 270 000 sont repérées comme actives. Par rapport à une capacité d’accueil théorique de l’ordre du million de places, 710 000 seulement sont effectivement offertes aux enfants de moins de six ans. Il y a une déperdition assez importante.

Un problème de mise à jour des données disponibles peut également expliquer le décalage entre le nombre d’agréments et celui des assistantes maternelles actives.

On observe aussi que le nombre d’enfants gardés par les assistantes est inférieur à celui permis par l’agrément. Cela correspond-il à un sous-emploi des assistantes maternelles, ces dernières ne trouvent-elles pas suffisamment d’enfants ou est-ce un choix personnel ? Nous ne savons pas le dire comme nous ne savons pas quelle est l’ampleur du chômage supposé des assistantes maternelles. Les informations dont nous disposons actuellement sont peu fiables. Nous avons prévu de réaliser, l’année prochaine, un travail en commun avec la DREES pour mieux identifier ces questions. Plusieurs logiques s’entremêlent dont il importe de mesurer les effets.

Pour parfaire notre connaissance de la profession, la branche famille noue une convention avec la branche recouvrement pour pouvoir disposer d’informations beaucoup plus complètes sur les assistantes maternelles en activité via le centre PAJEMPLOI.

Mme Sylvie Chevillier. Trois autres éléments expliquent l’apparente non-attractivité du métier d’assistante maternelle pour celles qui rentrent dans la profession.

Le coût de l’installation est important et croît avec le nombre d’enfants. Cela nous ramène à la question des normes. Il faut avoir suffisamment de place, de lits, de sièges auto, etc.

On s’aperçoit que les services de PMI accordent de moins en moins la dérogation permettant d’accueillir un quatrième enfant sur la période périscolaire. La mesure d’extension de l’agrément prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 viendra peut-être compenser cette diminution du recours à la dérogation.

Il est vrai que, même agréées pour trois enfants, les assistantes maternelles n’en gardent pas nécessairement trois. Cela étant, quand elles demandent l’agrément, non seulement il leur faut attendre neuf mois pour entrer dans la profession, mais encore elles ne sont agréées que pour un enfant pendant un an et ce n’est qu’après avoir vu comment cela se passait qu’elles ont le droit d’en garder deux ou trois. Or, avec un enfant, elles n’ont pas le minimum d’heures permettant de cotiser pour la retraite. Le démarrage dans la profession est vraiment un parcours du combattant.

M. Deroussen a cité le site Internet « mon-enfant.fr ». Quand nous mettrons en ligne les disponibilités, ce sera à la fois un outil de valorisation de la profession, un moyen d’assurer un meilleur croisement de l’offre et de la demande et une source d’informations sur les assistantes maternelles.

Mme la rapporteure. Avez-vous commencé à travailler sur la mise en œuvre d’un droit de garde opposable ?

Mme Sylvie Chevillier. On parle plus aujourd’hui de développement de la garde d’enfant que de droit opposable.

Comme nous l’avions fait remarquer, la question du droit opposable est compliquée à trois égards.

D’abord d’un point de vue juridique. Qu’est-ce que l’opposabilité ? Contre qui doit-elle être exercée ? Se pose, ensuite, le problème des contentieux. Devant quelle juridiction s’adresser ? Quels moyens pour la justice ? On voit bien les problèmes posés par l’application de la loi sur le droit au logement opposable.

La question est également difficile à traiter au regard des personnels et du bâtiment. Pour être dans le cadre d’un droit opposable, il faut avoir un nombre de places suffisant et, par là même, un nombre de personnels suffisant. Or la formation de ces derniers demande au minimum trois ans et nécessite des structures adaptées avec des formateurs.

La troisième difficulté est financière, surtout dans ce contexte de crise. Mais cela pourrait être aussi un moyen de relancer le bâtiment. En tout cas, les effets ne se feraient pas sentir tout de suite.

Nous avons réfléchi à la question. Nous pensons qu’il existe des moyens plus pragmatiques pour y arriver. De toute façon, cela ne pourra se faire que par étapes. Il faut d’abord améliorer l’information des familles, mieux structurer les différents acteurs qui participent à la politique de la petite enfance, voir comment assurer une meilleure articulation entre les différents partenaires sur le territoire et mettre en place des mesures pour pallier le manque de personnel et continuer à créer des places d’accueil, etc.

Mme la rapporteure. C’est-à-dire rendre les schémas départementaux obligatoires ?

M. Hervé Drouet, directeur général de la CNAF. Ils sont déjà obligatoires mais ils ne sont pas mis en œuvre partout. Il faudrait appliquer la loi sur ce point.

Sur toutes ces questions, la CNAF a réalisé des expertises techniques mais elle travaille dans le cadre des orientations qui lui sont fixées ou qui sont en cours de définition. Il y a une contribution à la réflexion de la part de la CNAF mais les choix ne semblent pas encore arrêtés définitivement sur l’ensemble de ces sujets.

M. le coprésident Jean Mallot. Les études auxquelles vous vous livrez peuvent aider à faire les choix.

M. Jean-Louis Deroussen. Il faut une bonne connaissance du coût d’une place de crèche, des délais de formation des puéricultrices, de la démographie actuelle des assistantes maternelles et des difficultés de cette profession. La CNAF peut mettre toutes ces questions sur la table mais elle doit aussi connaître les orientations qui lui seront assignées pour mettre en place cette multiplication des structures d’accueil que les familles attendent.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous n’êtes pas plus décideurs que nous mais je pense que les expertises que vous faites sont utiles aussi bien à ceux qui décident qu’à ceux qui, comme nous, sont chargés de contrôler ceux qui décident et de leur faire des propositions.

Mme la rapporteure. L’un des objectifs de la PAJE était une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le complément de libre choix d’activité (CLCA) est versé aux parents qui ont arrêté ou réduit leur activité professionnelle pour élever leur enfant de moins de trois ans. Mais il reste difficile de se réinsérer sur le marché du travail après s’être arrêté quelque temps. Jugez-vous utile de modifier la durée du CLCA ? Ne faudrait-il pas obliger les pères à prendre quelques mois de congés ?

M. Jean-Louis Deroussen. On a tenté, avec le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) de conserver pour le parent qui s’arrête de travailler une rémunération plus importante pour une durée plus réduite. Force est de reconnaître que cette disposition n’a pas aujourd’hui le succès escompté. Peut-être y a-t-il un défaut d’information. Peut-être le fait de réserver ce complément aux familles de trois enfants a-t-il joué. Peut-être serait-il plus pertinent pour le premier enfant. Nous devons analyser les raisons de l’absence de souscription au COLCA et continuer à proposer d’autres types de dispositifs.

Il faut néanmoins reconnaître que l’allocation parentale d’éducation (APE), l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) et maintenant la PAJE ont eu des effets positifs malgré les limites que vous soulignez. Une interruption de travail trop longue peut pénaliser les salariés dont la formation était déjà insuffisante. Il faut analyser en profondeur ces dispositifs afin de tenter d’apporter la meilleure réponse aux familles et de les maintenir le plus possible en activité.

M. Hervé Drouet. Lutter contre un éloignement durable des femmes du marché du travail lorsqu’elles ont un enfant représente un enjeu fort d’autant que ce sont surtout les familles modestes qui ont recours aux différentes formes de congés parentaux. Les éloigner durablement du marché de l’emploi alors qu’elles connaissent des difficultés d’insertion professionnelle n’est certainement pas leur rendre service. Il faut réfléchir au moyen de raccourcir la durée des congés tout en assurant une meilleure rémunération. On peut également envisager un partage des congés entre les parents. Ces pistes font l’objet d’expertises dans différents cénacles. Le faible succès du COLCA tient sans doute au fait qu’il était ciblé sur les familles de trois enfants. On parle à son égard de « succès d’estime ».

Mme Hélène Paris. Avec la mise en place de la PAJE, le CLCA à temps partiel a été considérablement revalorisé, si bien qu’un nombre plus important de personnes ont opté pour une réduction de leur activité professionnelle plutôt que pour une cessation totale. On observe, entre 2003 et 2007, une réduction du nombre de bénéficiaires du CLCA à temps plein, pour les familles de moins de deux enfants – un peu moins de 40 000 – et une augmentation du nombre des bénéficiaires du CLCA à temps partiel : 66 000.

Quand on creuse un peu la question, on s’aperçoit que les personnes qui n’ont plus eu recours à l’interruption totale d’activité ne se sont pas forcément reportées sur la réduction d’activité. Elles ont pu davantage bénéficier du complément mode de garde et reprendre une activité complète. La possibilité de toucher une prestation revalorisée en contrepartie d’une réduction du temps d’activité a séduit une population qui était auparavant hors de l’interruption totale d’activité.

Comme l’a souligné M. Drouet, l’éloignement trop durable du marché de l’emploi est dommageable au retour à l’emploi des bénéficiaires de ces dispositifs, qui sont à 98 % des femmes. Les conséquences ne sont pas tant un chômage de longue durée qu’une pénalisation en termes de trajectoire de carrière et d’évolution salariale.

La réduction de la durée du congé parental et sa division en deux parties, l’une pour la mère, l’autre pour le père, ces derniers étant libres d’y recourir ou non, sont des voies qui méritent d’être explorées. De tels dispositifs existent dans des pays européens.

Le COLCA a connu un succès extrêmement modeste puisque 2 300 personnes seulement en ont bénéficié en 2007. Il peut y avoir eu un problème de communication mais le très faible recours à ce dispositif nous semble résulter de son ciblage seulement sur les familles de trois enfants.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions.

*

Audition de Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, de M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, et de M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or, M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique ainsi que M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris assisté de son adjointe, Mme Véronique David et de Mme Françoise Bauvi, chargée de la politique d’accueil du jeune enfant.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. le président Pierre Morange qui, retenu par une autre réunion, devrait néanmoins nous rejoindre très vite.

Nous sommes bien entendu désireux de vous entendre, Mesdames, Messieurs, sur la situation spécifique de chacun de vos départements s’agissant de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Mme la rapporteure. En effet, qu’en est-il précisément des modes de garde dans chacun de vos départements ? Quid de la mise en place des schémas départementaux d’accueil du jeune enfant ? Comment réagissez-vous aux propos qui viennent d’être tenus par les représentants de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) ?

Mme Françoise Bourcier, directrice de la Caisse d’allocations familiales de la Côte-d’Or. Cinq cent mille personnes vivent en Côte-d’Or et la Caisse d’allocations familiales (CAF) compte 90 000 allocataires dont 60 % habitent à Dijon et dans les zones urbaines environnantes. Selon les préconisations du Centre d’analyse stratégique (CAS), la CAF expérimente plus particulièrement l’information personnalisée aux familles dans le nord du département qui, lui, est très rural. J’ajoute que nous entretenons un partenariat très constructif avec le conseil général et l’ensemble des collectivités locales.

S’agissant de la prestation, tout d’abord, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de base a augmenté de 40 % entre 2003 et 2008 en raison notamment de la revalorisation du plafond de ressources. Le nombre des bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde – anciennes aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle (AFEAMA) et allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) – a quant à lui augmenté de 5 % au cours de la même période, de même d’ailleurs que celui des bénéficiaires du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) – ancienne allocation parentale d’éducation (APE). Quels que soient les changements de sigles, un problème demeure : la complexification des procédures – que la loi était pourtant censée simplifier – alors que chaque famille mériterait de bénéficier d’un entretien individuel que nous ne sommes pas à même d’organiser.

S’agissant, ensuite, des modes de garde, la carte des déficits que nous avons élaborée, tant en ce qui concerne les structures collectives que les assistantes maternelles, montre qu’avec 14 823 places potentielles pour 16 000 enfants de zéro à trois ans nous bénéficions d’un taux de couverture très satisfaisant. Certes des disparités existent selon les zones géographiques, qu’elles soient urbaines ou rurales, et le taux de remplissage ne peut pas être le même tout au long de la journée. De ce point de vue, il importe de ne pas remettre en cause les prestations de service – qui, pour 2008, s’élèvent à 28 millions sur un budget global de 38 millions – afin que l’ensemble de nos structures ne soit pas pénalisé. J’ai à ce propos quelques craintes s’agissant du financement du Fonds national d’action sanitaire et sociale (FNASS).

L’école maternelle, quant à elle, constitue un mode de garde gratuit pour les enfants de deux à trois ans mais les possibilités d’accueil varient en fonction des établissements et il faut veiller à ce que les jardins d’enfants qui doivent leur succéder soient mis en place en temps et en heure. Par ailleurs, faute de moyens financiers, nous ne pouvons pas à ce jour régler le problème posé par les horaires atypiques. J’ajoute que nous travaillons à l’implantation de micro-crèches en milieu urbain car nous sommes confrontés à de graves difficultés liées au manque de terrains. En milieu rural, c’est surtout le problème des transports, donc du regroupement des enfants au chef-lieu de canton qui se pose. De surcroît, les contrats enfance et jeunesse étant signés pour quatre ans, nombre de municipalités hésitent à se lancer dans des projets – le temps qui s’écoule entre la prise de décision et la réalisation est d’ailleurs très long – faute de savoir ce qu’il adviendra des financements passé cette période. Enfin, si les normes à respecter sont sans doute trop nombreuses, il n’est pas moins vrai que les parents veulent légitimement que leurs enfants soient gardés dans d’excellentes conditions, ce qui implique une bonne formation des assistantes maternelles ainsi qu’une bonne information.

M. Clément Charlot, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique. Un million deux cent mille personnes vivent en Loire-Atlantique, département très dynamique sur les plans économique et démographique avec 1 600 naissances par an. Les actions de la CAF ont été fortement développées dans le cadre des moyens de financement mis en place par l’État ou des contrats enfance et jeunesse : 20 millions ont ainsi contribué à la création de 1 600 places d’accueil ce qui représente, en dix ans, une augmentation de 41 %. L’accueil dans des structures collectives demeure néanmoins minoritaire avec 13 % seulement des enfants, la garde des enfants étant effectuée par les parents – grâce au complément de libre choix d’activité (CLCA) – à hauteur de 30 % environ et par les assistantes maternelles à hauteur de 57 %, la différence relevant quant à elle d’arrangements familiaux. Il faut également savoir que si les parents demandent à bénéficier de structures collectives, ils sont aussi très satisfaits lorsque, à défaut, ils bénéficient des services d’une assistante maternelle.

Le problème majeur, en ce qui nous concerne, réside dans une organisation de l’offre et de la demande trop rigide. Autour de la métropole nantaise le déséquilibre est par exemple flagrant entre les deux offres : logements inadaptés ne permettant pas à une assistante maternelle d’accueillir autant d’enfants qu’elle le souhaiterait, distance parfois importante entre le lieu d’habitation et le lieu de garde, réputation des quartiers, éloignement des familles des centres-villes. Nous devons donc travailler à mieux satisfaire cette demande, sans doute en étudiant la possibilité de créer des mini-crèches, structures potentiellement plus souples.

J’ajoute que même si les différents acteurs de la politique de garde doivent bénéficier de marges de manœuvre, le pilotage global doit demeurer national. En ce qui concerne les départements, non seulement la moitié d’entre eux ne disposent pas de commission départementale de l’accueil des jeunes enfants (CODAJE) mais lorsque ces dernières sont présentes, ce ne sont ni plus ni moins que des coquilles vides : si l’on veut donc vraiment parler de schémas départementaux, nous avons tout intérêt à réévaluer cette politique. Sur le plan local, les relais assistantes maternelles (RAM) devraient être renforcés et, peut-être, regroupés. Enfin, la mise en place du site « mon-enfant.fr » permettra sans doute de mieux répondre à la demande des usagers.

M. Bernard Lerat, directeur de la Caisse d’allocations familiales de Paris. Paris est à la fois une ville et un département. Si elle ne dispose pas d’une CODAJE, sa commission municipale de concertation fait en revanche du bon travail dans un cadre très souple. Le contrat enfance et jeunesse couvre quant à lui l’ensemble du département.

Depuis plusieurs dizaines d’années et compte tenu des spécificités parisiennes, l’accueil du jeune enfant est une priorité, notamment à travers le développement des crèches vers lesquelles se tournent d’ailleurs toutes les catégories socioprofessionnelles, les parents concevant la PAJE comme une aide lorsque leurs enfants n’ont pu bénéficier d’une place dans ces établissements. Sur deux millions de Parisiens, 850 000 vivent en famille, cette dernière étant définie comme une cellule avec un parent et un enfant de moins de 25 ans ayant un lien de filiation et vivant dans le même logement. La population familiale représente donc 41 % du total – dont 26 % de foyers monoparentaux – taux beaucoup plus faible que celui des autres départements mais sa stabilisation récente justifie plus que jamais la politique familiale de la ville. Parmi les parents vivant en couple, 77 % travaillent tous les deux ; il est par ailleurs notable que la solidarité naturelle avec les grands-parents ne peut pas s’appliquer puisque ces derniers vivent en général en province.

Sur un plan quantitatif, Paris compte 52 300 enfants âgés de zéro à trois ans dont l’un des deux parents au moins travaille. Nous disposons de 27 900 places de crèche, 10 500 gardes à domicile, 3 700 places chez les assistantes maternelles, 1 200 enfants étant par ailleurs préscolarisés. Le total des enfants gardés s’élève donc à 43 300, le différentiel de 9 000 s’expliquant par des besoins insatisfaits et par la garde « au noir » – dont il est difficile d’évaluer l’ampleur, faute d’avoir demandé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) l’autorisation d’utiliser notre fichier à cette fin. Le taux de couverture par une réponse officielle dépasse 82 %.

M. le coprésident Pierre Morange. De quel fichier parlez-vous ?

M. Bernard Lerat. De celui des allocataires de la CAF que nous pourrions être tentés d’utiliser afin de mener des investigations sur les familles dont les deux parents travaillent et dont les enfants n’ont pas de garde officielle.

M. le coprésident Pierre Morange. Au deuxième semestre 2009, le croisement des fichiers de tous les organismes délivrant des prestations sociales permettra de répondre à cette situation. J’ajoute que la CNIL a validé ce dispositif.

M. Bernard Lerat. Paris est atypique par rapport aux autres départements puisque les équipements collectifs de garde représentent 67 % de l’offre et que les gardes individuelles solvabilisées par la PAJE n’en représentent que 33 %. Le nombre d’allocataires s’élevait à 20 600 en 2004, 39 200 en 2005, 53 800 en 2006 ; à la fin de 2007, il était de 54 600, dont 1 200 pour la prime à la naissance, 38 800 pour l’allocation de base, 9 800 pour le CLCA, 3 700 pour le complément de mode de garde assistante maternelle, 10 500 pour le complément de mode de garde à domicile et 164 pour le complément de libre choix du mode de garde dit « CMG structure ».

La Collectivité, par ailleurs, aide les parents à travers sept modalités : la CAF subventionne la création de crèches, participe à leur fonctionnement par la prestation de service, aide au paiement des assistantes maternelles et de la garde à domicile ; les collectivités territoriales et les entreprises jouent également un rôle ; l’État, enfin, propose un crédit d’impôt et finance les allègements de charges sociales pour certains modes de garde. À Paris, la création d’une place de crèche coûte 24 000 euros – la CAF, avec 7 500 euros par place créée, participe à l’investissement à hauteur de 33 % – et le coût annuel du fonctionnement d’une structure de ce type s’élève à 17 000 euros. Il est en l’occurrence couvert par les parents – à hauteur de 17 % – par la CAF – 57 % – et par la commune – 26 %. Les crèches collectives sont facturées aux parents onze mois par an : pour la tranche basse du barème – revenu plancher – et pour un enfant, le coût s’élève à 66 euros mensuels, pour la tranche médiane – 2 400 euros de revenu mensuel –, à 288 euros et pour la tranche élevée – revenu plafond – à 858 euros. S’agissant des crèches familiales, les coûts sont respectivement de 56, 240 et 714 euros.

Concernant les assistantes maternelles, la participation minimale mensuelle demandée pour un enfant est de 425 euros, les prix réels se situant la plupart du temps bien au-delà. Les parents doivent en outre ajouter à cette somme la fourniture des couches et de la nourriture ou bien une indemnité d’entretien. Une personne effectuant une garde à domicile gagne le SMIC avec un reste à charge de 800 ou 900 euros pour la famille compte tenu du cumul d’un certain nombre d’avantages. La crèche est donc le mode de garde le plus économique pour la plupart des parents mais le plus cher pour la collectivité. Ces chiffres relativisent, me semble-t-il, les critiques adressées à la PAJE puisque cette dernière complète utilement l’offre par des modes de garde individuels.

J’insiste, enfin, sur trois problèmes : outre que nous avons beaucoup de mal à trouver des auxiliaires de puériculture pour les crèches ainsi que des assistantes maternelles, les horaires sont de surcroît de plus en plus difficiles à concilier entre ces dernières et les familles. À ce propos, nous avons signé le 7 octobre 2008 une convention avec les hôpitaux de Paris afin de bénéficier de la plus grande amplitude horaire des crèches hospitalières.

Mme la rapporteure. Qu’en est-il des crèches d’entreprise ? Avez-vous anticipé les conséquences du moindre accueil des enfants âgés de deux à trois ans à l’école maternelle ?

M. Bernard Lerat. Le nombre d’enfants préscolarisés – 1 200, donc, à Paris – n’est pas très élevé.

Mme la rapporteure. Des évolutions sensibles auront lieu.

M. Bernard Lerat. Il faudra examiner la situation établissement par établissement en fonction des évolutions démographiques des quartiers.

Mme la rapporteure. Le Gouvernement tendant à favoriser l’accueil des enfants à partir de trois ans, les différents acteurs locaux, dont les chefs d’établissements, ne seront pas les seuls décisionnaires.

M. Bernard Lerat. Assurément, mais outre que la part de ce mode de garde demeure marginale, les jardins d’éveil peuvent jouer un rôle important. Un partage des charges entre communes et CAF peut du reste être envisagé.

Mme Françoise Bourcier. Faute de pouvoir mettre en place des jardins d’éveil, les maires de Côte-d’Or sont quant à eux inquiets, notamment s’agissant des financements.

M. Clément Charlot. La question commence également à se poser en Loire-Atlantique, en particulier dans les campagnes. Un développement des jardins d’éveil est certes envisageable mais, comme l’a demandé ma collègue, qui paiera ? Les crèches d’entreprise peuvent certes constituer une solution, mais très limitée puisque sur 6 000 places d’accueil collectif, 250 seulement en relèvent. Une expérimentation de regroupement d’entreprises a toutefois été organisée dans la région nantaise avec des résultats satisfaisants. Pour favoriser un tel développement, les collectivités doivent s’impliquer aux côtés des CAF. Je note, enfin, qu’une crèche d’entreprise coûte autant qu’une autre.

M. le coprésident Pierre Morange. En effet, mais la mixité des financements et la fiscalité sont très intéressantes pour les entreprises.

Par ailleurs, les parents se plaignent d’avoir à effectuer un véritable parcours du combattant pour trouver une place, l’obtention d’informations étant quelque peu laborieuse faute de bénéficier d’un système centralisé fonctionnant en temps réel. Envisagez-vous des solutions ?

Pensez-vous, enfin, que le recrutement des auxiliaires de puériculture pourrait être facilité par la révision des très lourdes contraintes réglementaires ?

Mme Françoise Bourcier. Vous évoquez un parcours du combattant ; je parle quant à moi de jongleries mais cela revient au même. Les CAF ont un rôle à jouer en la matière, en particulier à travers les RAM qui sont autant de relais décisifs pour informer les familles ; le site « mon-enfant.fr » constituera également un levier important ; enfin, nous travaillons avec le Conseil général à la mise à jour du fichier des assistantes maternelles et nous essayons d’ores et déjà de diffuser une information personnalisée auprès des familles dès que nous avons connaissance d’une grossesse.

S’agissant des normes de recrutement des auxiliaires de puériculture, je suis d’un avis très partagé : outre qu’il conviendrait d’abord de mieux former les assistantes maternelles, la « judiciarisation » de la société est telle qu’il faut de plus en plus prendre garde aux incidents éventuels et à leurs conséquences judiciaires.

J’ajoute, enfin, qu’il me semble très difficile de repérer les gardes au noir puisque l’assistante maternelle reçoit de l’argent qu’elle ne déclare pas et que les parents ne bénéficient pas de prestations faute d’avoir, précisément, une assistante maternelle agréée. De plus, la complexité de l’établissement du contrat incite sans doute quelques assistantes maternelles au travail clandestin.

M. Clément Charlot. Absolument.

M. Bernard Lerat. À Paris, le parcours du combattant est somme toute facilité puisque l’attribution de places de crèche dans les établissements municipaux est gérée par arrondissement. Nous avons en outre relié les sites Internet de la CAF et de la ville. Enfin, le site « mon-enfant.fr » contribuera en effet à améliorer sensiblement la situation en diffusant des informations en temps réel.

Mme la rapporteure. Comme Mme Bourcier, je suis inquiète d’une éventuelle diminution des financements du FNASS.

Je note, de plus, que la PAJE n’a pas vraiment changé la donne s’agissant d’une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Pensez-vous qu’une réforme du COLCA serait la bienvenue ?

M. Bernard Lerat. La question ne se pose guère à Paris où les deux parents ont besoin de travailler.

M. Clément Charlot. Comme l’a dit la Cour des comptes, le CLCA a tout de même permis de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même s’il a surtout été utile à des personnes travaillant à temps partiel.

Il me semble par ailleurs nécessaire d’insister sur l’accompagnement des familles monoparentales, notamment en facilitant leur recherche d’emploi, donc, l’obtention de moyens de garde.

Mme Françoise Bourcier. Je suis d’accord avec MM. Lerat et Charlot : outre que les femmes, globalement, préfèrent garder leur emploi, nous devons veiller à améliorer l’insertion professionnelle de celles qui élèvent seules leurs enfants, sachant que nos fichiers comptent 2 % d’enfants de moins de six ans considérés comme pauvres.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous remercie. Nous restons bien entendu en contact afin de préciser certains éléments si cela se révèle nécessaire.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS œuvrant à la rationalisation de l’utilisation de l’argent public, n’hésitez pas à nous faire part de toute proposition concrète et pragmatique allant en ce sens.

*

Audition de M. François Fondard, président du conseil d’administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).

M. le coprésident Jean Mallot. Nous accueillons maintenant M. François Fondard, président du conseil d’administration de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Je lui donne tout de suite la parole afin qu’il nous présente la position de l’UNAF sur la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

M. François Fondard, président du conseil d’administration de l’UNAF. L’UNAF estime que la mise en place de cette prestation a été une grande réussite : elle a répondu aux attentes des familles, en permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, et a amélioré l’efficacité de la politique familiale.

Résultat : la France est, par son indice de fécondité, le premier pays européen, avec 2,01 enfants par femme en 2006. Notre courbe démographique prouve que les mesures prises depuis quinze ans ont été bénéfiques. En 1994, l’indice de fécondité était extrêmement bas, avec 1,65 enfant par femme, et l’on ne comptait que 740 000 naissances par an. Devant ce désastre démographique, le gouvernement de l’époque avait convié les partenaires familiaux et sociaux à mener une réflexion dans le cadre de la conférence annuelle de la famille. Au fil des années, la situation s’est rétablie : en 2006, on a atteint 836 000 naissances. Tous les spécialistes reconnaissent que ces bons résultats, bénéfiques pour nos familles comme pour l’économie de notre pays, sont à mettre au crédit des politiques familiales ambitieuses qui ont été menées sans interruption malgré les alternances politiques. Aujourd’hui, les jeunes couples souhaitent avoir, en moyenne, 2,7 enfants ; dans les faits, ils en ont 2 : la réalité comble presque leurs désirs.

Cette situation favorable résulte principalement de quatre dispositifs : l’aide pour l’emploi d’une assistante maternelle, le congé parental d’éducation, l’allocation de garde d’enfant à domicile et le développement des structures d’accueil. La création de la PAJE, à la suite de la conférence de la famille de 2003, leur a permis de produire leurs effets au-delà de toute espérance ; les familles ont enfin obtenu les solutions qu’elles attendaient pour la garde de leurs enfants. Les prévisions de dépenses ont été dépassées, ce dont l’UNAF se félicite, dans la mesure où c’est un investissement pour l’avenir : en 2003, les dépenses de la branche famille, pour les enfants de moins de 3 ans, étaient de 8 milliards ; elles dépasseront les 11 milliards en 2008. Nous considérons que ce ne sont pas des dépenses abusives, puisqu’il s’agit de répondre aux besoins des familles.

Premier dispositif : le complément versé pour l’embauche d’une assistante maternelle. En 1993, 273 000 enfants de moins de 3 ans étaient gardés par une assistante maternelle ; en 2008, ce chiffre est passé à 475 000. Cette progression impressionnante est due à une revalorisation financière significative de la prestation, à la mise en place de crédits ou de réductions d’impôts, ainsi qu’au renforcement de la formation des assistantes maternelles. Cela a permis de faire reculer le travail au noir.

Le congé parental d’éducation, aujourd’hui financé par le complément de libre choix d’activité (CLCA), a lui aussi progressé : le nombre de bénéficiaires est passé de 174 000 en 1994 à 582 000 en 2008, dont 213 000 à temps partiel (36 %). En remettre la durée en cause serait une erreur, puisque le délai de trois années correspond à l’entrée à l’école maternelle. Je précise, à ce sujet, que l’UNAF est opposée à l’école à 2 ans, qui, selon les spécialistes, peut être une catastrophe pour de nombreux enfants – même si certains n’en subissent aucun dommage. D’ailleurs, les familles l’utilisent souvent pour des raisons financières : il s’agit d’un mode de garde gratuit.

Les détracteurs du congé parental d’éducation considèrent que l’éloignement de l’activité professionnelle est dommageable pour le parent concerné – la mère, dans 99 % des cas. Nous pensons, au contraire, qu’il s’agit d’un mode de garde important pour l’équilibre familial. Bien sûr, il faut être réaliste : cette solution est retenue majoritairement par des familles modestes, pour qui un autre mode de garde coûterait trop cher, ou par des personnes qui ne trouvent pas d’autre solution à proximité de leur domicile. Si l’on réduisait la durée du congé parental, rien ne garantirait aux mères de famille qu’elles accéderaient à un travail dont la rémunération leur permettrait de faire face aux frais de garde. Nous estimons en effet qu’à l’issue du congé, la moitié d’entre elles réintègrent leur ancien emploi, tandis que les autres retournent à la situation antérieure – soit, en général, le chômage. Il faudrait que ces personnes, qui sont bien souvent sans aucune qualification, puissent accéder à une formation qualifiante susceptible de faciliter leur retour à l’emploi.

Quant au complément optionnel de libre choix d’activité, qui prévoit une prestation de 750 euros, il est réservé aux familles de 3 enfants et plus. Seules 2 600 personnes en bénéficient. D’une part, la prestation est insuffisante ; d’autre part, il faudrait l’étendre aux familles de deux, voire un enfant.

La troisième prestation, l’allocation de garde à domicile, ne concerne que 33 800 enfants. Elle n’est en rien comparable avec les précédentes, car elle bénéficie essentiellement aux familles à hauts revenus, du fait de la réduction d’impôts.

D’une façon générale, l’UNAF est attachée au principe du libre choix du mode de garde. Hélas, peu de familles en bénéficient réellement, dans la mesure où l’offre varie beaucoup suivant les lieux. Cependant, les enquêtes qualitatives montrent que 8 familles sur 10 se déclarent satisfaites du mode de garde de leur enfant. Le plus demandé est la crèche, mais, en raison du faible nombre de places disponibles (un peu plus 300 000), il demeure inaccessible à une majorité de familles. Par défaut, elles s’orientent donc vers l’assistante maternelle. Au départ, elles s’inquiètent souvent de la qualité et du professionnalisme de ce mode de garde, mais, dans un deuxième temps, elles se déclarent satisfaites. Certaines disent même avoir trouvé la perle rare !

Toutefois, nous considérons qu’il faut continuer à créer des places de crèche, ainsi qu’à intensifier la formation des assistantes maternelles, sous la responsabilité des services de protection maternelle infantile.

Il nous semble également souhaitable de proposer un congé parental d’un an rémunéré à 67 % – suivant les conclusions du rapport Tabarot –, sans pour autant remettre en cause le dispositif actuel sur trois ans : le coût pour la collectivité serait identique.

Par ailleurs, nous demandons l’assouplissement des normes dans les crèches, notamment pour les 2-3 ans. Aujourd’hui, les structures de petite enfance sont onéreuses, du fait de réglementations très complexes. La création de jardins d’éveil permettrait d’assouplir l’encadrement et de diminuer le coût pour la collectivité.

Il faudrait par ailleurs poursuivre l’effort de réduction des inégalités territoriales en matière d’offre de garde, en confiant son pilotage aux caisses d’allocations familiales, qui possèdent la capacité d’expertise nécessaire et assurent déjà le financement des dispositifs actuels.

Nous souhaiterions en outre que le congé maternité soit allongé, conformément au projet de directive européenne présenté récemment par la Commission : sa rupture au bout de dix semaines nous semble brutale et prématurée.

Enfin, nous regrettons certaines mesures prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment le transfert vers la branche famille du financement des majorations de pensions pour enfants à charge, qui va réduire les marges de manœuvre de la branche au détriment de la politique en faveur de la petite enfance et de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme  Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Merci, monsieur Fondard, pour cet exposé très complet.

L’UNAF n’est pas favorable à une réduction de la durée du complément de libre choix d’activité, c’est entendu. Toutefois, n’y aurait-il pas moyen de favoriser le retour à l’emploi après un congé parental ? Ne pourrait-on envisager de partager le CLCA entre les deux parents, afin que la mère reste moins longtemps éloignée du travail ?

Par ailleurs, les prestations actuelles vous semblent-elles adaptées aux familles monoparentales ?

Vous avez déclaré être favorable à un développement prioritaire des crèches. Mais que faut-il améliorer en priorité aujourd’hui : l’offre de garde ou la solvabilité des familles ?

Certes, tous les enfants ne peuvent pas entrer à l’école maternelle à 2 ans. Néanmoins, vu l’évolution démographique, les parents risquent de se reporter sur les lieux d’accueil de la petite enfance. Les jardins d’éveil n’étant pas encore au goût du jour – on ne sait pas qui pourra en assurer le financement –, avez-vous d’autres suggestions ?

M. François Fondard. Nous avons réalisé des études sur la situation des mères de famille à la sortie du congé parental d’éducation : celles qui rencontrent le plus de problèmes sont celles qui sont sans qualification. Pour les autres, le retour à l’emploi se fait naturellement.

Mme la rapporteure. Quand même ! Après une interruption, l’évolution professionnelle n’est pas la même !

M. François Fondard. Je le répète : à l’UNAF, nous considérons que le retour à l’emploi après un congé parental d’éducation n’est pas un problème. Le problème, c’est l’absence de qualification des personnes concernées – les hommes comme les femmes. Ce qui est dramatique, c’est que, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification : cela représente 20 % d’une classe d’âge ! Les travaux de notre secteur éducatif montrent bien que le chômage résulte avant tout de notre incapacité à donner une qualification à ces personnes.

Cela tient d’abord à l’analphabétisme : on compte 9 % d’illettrés par classe d’âge, qui auront toujours besoin d’une prise en charge spécifique. Pour les autres, les difficultés proviennent surtout de l’environnement familial : malheureusement, le niveau de qualification des enfants est fonction du niveau d’éducation et de l’origine sociale des parents. Ces populations doivent pouvoir bénéficier de mesures spécifiques, de manière à acquérir une formation qualifiante. Dire que l’on manque d’ouvriers qualifiés ! Vous affirmez que la rationalisation des dépenses publiques est votre principale préoccupation ; quand on sait les sommes englouties dans le secteur de la formation professionnelle, il conviendrait d’aller y voir de plus près !

M. le coprésident Pierre Morange. Cette question a fait l’objet de nombreux rapports parlementaires. Le plus récent, qui porte sur la formation tout au long de la vie, prend en compte à la fois la formation initiale et la formation continue. Un important texte de loi sera prochainement consacré à ces sujets.

M. François Fondard. On souhaiterait en effet davantage d’efficacité.

Cette question rejoint celle des familles monoparentales, dans la mesure où beaucoup de jeunes mères isolées, issues de milieux modestes, sont concernées par la sous-qualification. Elles devraient pouvoir bénéficier de prises en charge spécifiques. Aujourd’hui, les formations sont trop généralistes et n’aboutissent pas à une professionnalisation. Par exemple, des mères de famille sortant de congé parental après deux, trois ou quatre enfants, ont été orientées vers l’aide à domicile aux personnes âgées – secteur où les offres d’emploi sont nombreuses –, mais aucune n’était formée pour ce travail. Il aurait fallu le faire en parallèle !

En ce qui concerne l’offre de garde, l’UNAF considère que le plus important, c’est que les familles aient la liberté de choix. Or elles préfèrent très majoritairement la crèche. Pourquoi ? Les enquêtes que nous avons réalisées montrent qu’elles ont davantage confiance dans les structures collectives en raison du haut niveau de professionnalisation de leur personnel et de l’encadrement. Cela étant, beaucoup d’enfants sont confiés, par défaut, à des assistantes maternelles, qui, heureusement, sont qualifiées et quasi unanimement appréciées par les familles. Il est important de continuer à intensifier leur formation. De nombreux départs en retraite étant prévus, c’est un véritable gisement d’emploi ! Il faut également veiller à ce que les services de protection maternelle infantile aient les moyens de faire leur travail d’évaluation et d’agrément des assistantes maternelles, de manière à éviter tout problème.

S’agissant de la solvabilité des familles, nous considérons que le reste à charge est tout à fait supportable par les familles. À la fin des années 1990, on avait considéré que leur taux d’effort devait correspondre à environ 10 % de leurs revenus – ce qui est actuellement le cas. Un taux de 20 ou 30 % remettrait en cause l’efficacité des politiques familiales ; c’est ce qui s’est passé à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : l’enfant étant devenu un coût pour les familles, le nombre de naissances a diminué.

Enfin, pour les enfants de 2 ans, il faudra rapidement mettre en place des jardins d’éveil : il n’y a pas d’autre solution. En deux ans, le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans est passé de 25 à 17 % ; à terme, il tendra vers 0. Il faut donc trouver une structure de substitution. À notre avis, le financement de ces jardins d’éveil devrait être piloté par la CAF.

Mme la rapporteure. Dans de précédentes auditions, des déficiences en matière d’information aux familles ont été évoquées. Quelles sont vos idées en la matière ?

M. François Fondard. L’information aux familles a toujours été un souci pour l’UNAF et les UDAF. Une grande majorité des communes réalisent un travail important de sensibilisation et d’information, mais certaines souffrent d’un déficit en ce domaine. Nous sommes, quant à nous, favorables aux « Points infos familles » mis en place à la suite des dernières conférences de la famille. Beaucoup ont déjà été créés ; il faut poursuivre cet effort. Les informations données par les « Points infos familles » ne concernent pas que les modes de garde et la petite enfance, elles sont bien plus vastes, ce qui permet d’éviter nombre de difficultés à certaines familles. Notre système de protection sociale est particulièrement développé : si tous les leviers sont activés à temps, on évitera la dégradation des situations familiales.

Les différents partenaires doivent coordonner leurs informations. Le site Internet mis en place par les CAF donnera les renseignements utiles aux familles pour leur permettre de choisir le bon mode de garde ; les relais assistantes maternelles se développent : elles ne sont pas loin de couvrir la totalité du territoire ; quant aux communes, ce sont les interlocuteurs les plus proches des habitants. Grâce à la bonne coordination de tous ces acteurs, l’information circulera.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions. N’hésitez pas à nous communiquer tout élément utile à nos travaux.

*

AUDITIONS DU 18 DÉCEMBRE 2008

Audition de M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relative à la politique familiale.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons ce matin M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale.

M. Thierry Dieuleveux, inspecteur général des affaires sociales, chef de la mission de révision générale des politiques publiques relatives à la politique familiale. Je vais vous faire part des principales conclusions des travaux menés par l’équipe que j’ai conduite.

Ces travaux s’inscrivaient dans le cadre du processus de révision générale des politiques publiques (RGPP) initié le 10 juillet 2007 par le Premier ministre. La mission RGPP « famille » faisait partie du groupe des six équipes RGPP qui devaient analyser des politiques transversales ayant trait, pour la plupart d’entre elles, aux questions d’ordre social, notamment l’assurance maladie, la politique de solidarité, la politique de l’emploi et la politique familiale.

L’équipe RGPP « famille » était composée de membres de l’Inspection générale à la fois des affaires sociales, des finances, de l’intérieur, de l’Éducation nationale et de l’INSEE, et a travaillé pendant dix mois, jusqu’en mai 2008, sur l’analyse de l’ensemble des composantes de la politique familiale. Ses travaux ont été soumis à trois reprises au comité de suivi de la RGPP, coprésidé par le secrétaire général de l’Élysée et par le directeur de cabinet du Premier ministre ; ils n’ont pas encore été, non plus que la plupart des six RGPP transversales ayant trait à des questions sociales, traduits en décisions par le conseil de modernisation des politiques publiques, compte tenu des multiples enjeux sociaux et fiscaux qui y sont attachés.

Le parti que nous avons adopté, lorsque nous avons été saisis par le Premier ministre d’une lettre de mission sur cette thématique, a été de profiter de l’opportunité unique qui nous était offerte pour analyser de façon globale la politique familiale, ce qui, si ma mémoire est bonne, n’a jamais été fait dans un contexte aussi général. Si les réflexions sont riches en matière de politique familiale, elles ont généralement pour défaut d’être séquencées selon les thématiques et contribuent à cristalliser le « millefeuille » en abordant les problématiques prestation par prestation et dispositif fiscal par dispositif fiscal.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce n’est malheureusement pas spécifique à la politique familiale.

M. Thierry Dieuleveux. En l’espèce, cela a un effet rédhibitoire sur les réflexions de fond concernant la politique familiale.

Sur la base des études administratives qui avaient été conduites au cours des années précédentes, des travaux de la Cour des comptes et des divers rapports qui avaient pu être émis, nous avons essayé d’enrichir la réflexion sur le sujet en intégrant l’ensemble des problématiques : les prestations en espèces, les prestations en nature, les dispositifs fiscaux et l’ensemble du dispositif d’offre de garde.

Cela nous a conduits assez vite à un premier constat : alors même que l’objectif de la RGPP était de contrôler l’utilisation des euros affectés aux dépenses publiques dans une perspective, il ne faut pas se le cacher, d’optimisation, c’est-à-dire de réduction, de celles-ci, nous ne pouvions pas – et c’est le parti que nous avons pris dès le départ – considérer la quête des économies à tous crins comme notre objectif premier : nous avions à analyser 47 milliards d’euros de prestations familiales dont 85 % étaient en espèces, c’est-à-dire contribuant directement au revenu des ménages, et un peu plus de 15 milliards de dépenses fiscales qui, à défaut de contribuer directement au revenu des ménages, allègent la charge d’impôt de ces derniers. Raisonner sur ces crédits en termes de pures économies n’avait pas de sens dans le contexte économique et social déjà difficile de 2007 : nous étions sûrs que cet exercice purement technocratique n’aurait eu aucune chance d’aboutir dans la mesure où il ne se serait soldé que par des économies nettes.

Notre raisonnement a consisté à repérer, au sein de l’ensemble de ces dépenses, celles dont l’efficience pouvait être limitée et à recycler intégralement les économies effectives qui pouvaient être réalisées en direction de la politique familiale, non seulement pour rendre plus efficaces certaines des politiques qui ne le sont pas assez, mais aussi pour répondre à l’objectif politique majeur de densification de l’offre de garde des jeunes enfants. Cet objectif, qui s’est exprimé en un temps sous la forme d’une revendication d’un droit de garde opposable, concourt à l’amélioration de l’emploi féminin, qui est un objectif stratégique pour les années à venir, et de la conciliation légitime entre vie professionnelle et vie familiale, mais il impose des dépenses considérables. Cela doit, au regard de la situation des finances publiques et de la branche famille en particulier, se solder non par des dépenses supplémentaires, mais par un recyclage des économies éventuelles réalisées par ailleurs.

Il serait trop long, et cela n’entrerait pas directement dans le champ de vos préoccupations, de vous donner l’état global des « plus » et des « moins » envisagés dans notre réflexion, d’autant que le comité de suivi de la RGPP n’a pas fini ses travaux sur ces thématiques.

La conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que, pour densifier l’offre de garde à un point où l’arbitrage puisse être quasiment neutre, au sein des familles, pour la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, tout en poursuivant l’objectif d’amélioration du taux d’activité féminin, il fallait créer entre 350 000 et 400 000 places d’une structure de garde ne figurant pas dans la liste de celles qui sont actuellement répertoriées, ce qui aboutissait à une dépense brute proche de 4 milliards d’euros. Cette somme est hors de portée de nos finances publiques. Il fallait donc pouvoir l’autofinancer. C’était le pendant de l’exercice : trouver l’équivalent d’une charge potentielle située, selon les hypothèses, entre 3,7 et 3,9 milliards de dépenses supplémentaires dans la partie la moins efficiente de nos dépenses de politique familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur les 3,7 milliards de dépenses supplémentaires que vous évoquez ?

M. Thierry Dieuleveux. La politique familiale a trois vocations : premièrement, compenser les charges d’enfants ; deuxièmement, redistribuer de façon verticale, comme on dit dans le jargon technocratique, c’est-à-dire entre les ménages qui ont le plus de ressources et ceux qui en ont le moins ; troisièmement, permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce troisième objectif prend une dimension particulière de nos jours puisqu’il est prévu, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, d’améliorer de manière concertée au niveau européen les taux d’emplois féminins pour des raisons à la fois d’emploi, de financement des systèmes sociaux et de vie sociale.

La densification de l’offre de garde permet d’opérer cet arbitrage entre vie professionnelle et vie familiale tout en soutenant la natalité. Depuis 1996, on observe un lien favorable entre l’augmentation du taux d’activité féminin et l’augmentation de la natalité, alors que, jusqu’en 1996, on pensait que la première faisait courir un risque sur la seconde. L’amélioration du taux d’activité féminin et celle de l’effort de garde apparaissent désormais comme des facteurs de nature à soutenir la natalité.

Dans ce contexte, il ne nous a pas semblé très opérant de poursuivre sur les mêmes lignes que celles qui avaient été adoptées jusqu’alors et qui consistaient à proposer une offre certes diversifiée et de qualité, mais extrêmement coûteuse du fait, principalement, des normes exigées pour les établissements d’accueil du jeune enfant – les crèches – et pour les assistantes maternelles. Par ailleurs, nous nous sommes rendu compte que la baisse de la prise en charge des enfants de deux ou trois ans à l’école maternelle grignotait au fil du temps tous les efforts que la collectivité faisait pour densifier la capacité d’accueil. Quand on dresse le bilan depuis 2000 de l’impact de cette baisse sur la création de places de crèche et l’offre de garde par des assistantes maternelles, on se rend compte que l’économie budgétaire réalisée légitimement par l’État par rapport à sa stratégie sur la prise en charge des enfants de deux ou trois ans à l’école maternelle a été plus que « mangée » – dans un facteur certainement de deux à trois – par la nécessité d’augmenter l’accueil dans les crèches ou par les assistantes maternelles. Le paradoxe est que l’économie réalisée par l’État a entraîné des charges supplémentaires supportées à titre principal par les caisses d’allocations familiales. Pour les communes, l’enjeu était quasiment neutre puisque les économies réalisées sur la prise en charge par l’école maternelle – où la dépense se partage en gros à 50/50 entre l’État et la commune – compensaient la dépense supplémentaire – là aussi quasiment à 50/50 – en matière de prise en charge en crèche.

Nous avons compris que, si nous continuions dans cette voie, il était impossible, d’autant qu’une place en crèche coûte trois fois plus cher à l’année qu’une place en école maternelle, de développer l’offre de garde et de diminuer les coûts budgétaires. Le nombre d’enfants de deux-trois ans pris en charge à l’école maternelle est passé de 35 % d’une classe d’âge en 2000 à moins de 19 % aujourd’hui, soit une perte de 15 points en sept ans. Le nombre de places créées sur la même période laisse penser que celles-ci ont compensé celles-là, à un coût environ deux fois et demi supérieur.

Nous avons donc décidé d’engager une réflexion selon un paradigme complètement nouveau, en évoquant une alternative à la prise en charge par l’école maternelle qui permette de densifier l’offre de garde de façon qualitative – il ne s’agissait pas de trouver une solution au rabais –, avec des normes plus souples et des modalités financières différentes. Nous avons ainsi remis au goût du jour l’ancien concept de jardin d’enfant – qui avait fait florès il y a plusieurs dizaines d’années, notamment en association avec le mouvement du logement social – rebaptisé « jardin d’éveil ». Cela reviendrait à avoir, dans les locaux disponibles soit d’une école maternelle, soit d’une crèche – il ne s’agit pas de construire dans l’unique but de « faire du neuf » –, des unités spécifiques réservées aux deux-trois ans s’inscrivant dans une même problématique pédagogique qu’à l’école maternelle mais avec un encadrement, et donc un coût, moindres. C’est sur cette tranche d’âge que l’on peut envisager un assouplissement des normes. Une baisse du taux d’encadrement pour les enfants plus petits paraît plus difficile pour des raisons de sécurité et pour d’autres liées à l’attachement des parents à un bon encadrement de leurs enfants à cet âge.

Selon notre simulation, qui mérite sans doute d’être affinée et réactualisée, nous arrivions à un coût de prise en charge en jardin d’éveil un peu inférieur à 6 000 euros par an et par place, à mettre en parallèle avec celui en école maternelle, qui se situe entre 4 800 et 4 900 euros, avec celui d’une assistante maternelle – environ 7 500 euros – et avec celui d’une crèche, qui, selon les critères, oscille entre 10 000 et 12 000 euros par an et par place.

Dans ce schéma, le jardin d’éveil revêtant toutes les caractéristiques d’un établissement d’accueil du jeune enfant, il pouvait solliciter les mêmes types de financement qu’une crèche, notamment les financements des caisses d’allocations familiales et les financements communaux, mais, n’étant pas une école maternelle, il nécessitait forcément la participation des parents, laquelle peut être allégée par les dispositifs tels que ceux qui sont l’objet de votre étude en ce moment, c’est-à-dire la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et l’ensemble de ses composantes.

Nous sommes partis de la nécessité de densifier l’offre de garde tout en diminuant les coûts de celle-ci sans pour autant en amoindrir la qualité, et du constat du mouvement de retrait, maintenant quasi irréversible, de l’Éducation nationale en matière d’accueil des enfants de deux-trois ans, tout en intégrant les mécanismes de financement existants.

Mme la rapporteure. Pourquoi sortir l’accueil des deux-trois ans de l’Éducation nationale pour le réintroduire dans le système de la petite enfance ? Cela induit des charges supplémentaires pour les collectivités locales.

M. Thierry Dieuleveux. C’est une question pertinente, mais je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour y répondre.

La mission, qui comprenait en son sein un membre de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, a pris acte d’une situation. Il lui est apparu que, dans le cadre des arbitrages à rendre concernant le budget de l’Éducation nationale, cette dernière privilégie au premier chef celles de ses dépenses qui correspondent à sa mission obligatoire, la scolarité à partir de six ans, puis tout l’enseignement secondaire et supérieur, où les besoins sont très importants. La scolarité des enfants entre deux ans et cinq-six ans à l’école maternelle n’est pas obligatoire mais il n’est pas question pour autant que l’Éducation nationale s’en retire.

Ce qui est en jeu, c’est la préscolarisation, c’est-à-dire la partie de la mission actuellement assurée par l’Éducation nationale pour les deux-trois ans. Au-delà des débats budgétaires, qui sont tout à fait légitimes – le ministre de l’éducation nationale s’est exprimé récemment sur ces sujets –, se pose une problématique pédagogique et éducative, sur laquelle la mission RGPP n’était pas compétente. Certains courants de pensée ont tendance à considérer qu’il n’est pas forcément souhaitable que des enfants de deux-trois ans soient d’emblée scolarisés en école maternelle.

S’appuyant sur ces éléments, d’une part budgétaires et, d’autre part, pédagogiques et psychologiques, le ministère de l’éducation nationale a, de manière structurelle, imprimé un mouvement de désengagement de la scolarité des deux-trois ans. Les 15 points de baisse de prise en charge sur sept ans que j’ai cités témoignent de ce mouvement.

Nous avons considéré ce désengagement comme un acquis, c’est-à-dire comme un élément sur lequel la mission RGPP Famille n’avait pas de prise, et que tout ce qui était traité dans la RGPP Éducation nationale confirmait.

Ce mouvement de désengagement étant intégré comme un acquis, il fallait lui apporter une réponse, si possible de type innovant et sans que cela pèse durablement et de façon contre-productive sur les finances publiques.

Comme vous l’avez évoqué, madame la rapporteure, ce mouvement va forcément aboutir à des transferts de charges. Mais, contrairement à ce que vous pouvez penser, ce ne sera pas de prime abord et de façon massive en direction des communes. On est en droit de penser – je reste prudent – qu’elles pourront, comme elles le font actuellement pour la préscolarisation des deux-trois ans en école maternelle, cofinancer à 50/50 l’accueil en jardin d’enfant. Sinon, elles seront obligées de le faire dans le cadre d’une crèche, à des coûts beaucoup plus importants.

Mme la rapporteure. Vous avez affirmé que la baisse de la scolarisation des enfants de deux-trois ans à l’école maternelle limitait le nombre de places en crèches disponibles.

M. Thierry Dieuleveux. Absolument !

Mme la rapporteure. Cela signifie que les besoins ne sont pas satisfaits. Les collectivités vont se retrouver sur deux fronts : elles devront continuer de payer pour les crèches et les assistantes maternelles, pour lesquelles on enregistre des manques, et d’assurer un cofinancement de la scolarisation des enfants de deux-trois ans. On peut très bien imaginer un accueil différent de ces derniers dans le cadre de l’Éducation nationale selon le même mode de financement.

M. Thierry Dieuleveux. On peut l’imaginer, mais je ne suis pas compétent pour vous répondre.

Mme la rapporteure. Dans les documents que vous nous avez fait parvenir, vous proposez de limiter les congés parentaux à deux ans. Cela me semble intéressant car plus les femmes sont éloignées du travail, plus il leur est difficile de reprendre une activité. Quel serait le nombre de places de garde à prévoir en plus ?

Ne pourrait-on envisager un allongement du congé de maternité, qui est l’un des moins longs d’Europe ? Si cet allongement intervenait, certaines femmes pourraient ne pas prendre de congés parentaux par la suite et retrouver donc plus rapidement leur travail.

Le congé de maternité et les congés parentaux pourraient également être partagés par les deux parents.

M. Thierry Dieuleveux. Vous avez fait le tour complet de la question.

Comme je l’ai indiqué, la mission s’est employée, pour financer les dépenses supplémentaires engendrées par la densification de l’offre de garde favorisant la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, à repérer les prestations les moins efficientes en lien avec ces objectifs et à rechercher les évolutions juridiques et réglementaires permettant de les améliorer.

Dans la lettre de mission qui nous avait été adressée, il nous était demandé d’identifier tous les effets pervers que pouvaient avoir certaines prestations sur la capacité de certaines femmes de se retirer du marché du travail et d’y revenir ensuite. Nous nous sommes rendu compte que le complément de libre choix d’activité (CLCA) présentait, à côté de bien des vertus, certains défauts pouvant provoquer des effets pervers rendant une partie de la dépense peu justifiée. Si l’on repère des effets pervers et que l’on demande à la collectivité de payer pour les financer, on est typiquement dans la non-efficience, et il faut essayer d’y remédier.

C’est ainsi que nous avons recommandé que le CLCA ne soit plus ouvert à partir du premier enfant car, à ce stade, les possibilités qu’il offre ne sont pas déterminantes.

Pour contribuer à remédier à l’effet pervers du retrait durable des femmes – notamment les moins qualifiées – du marché du travail, il a paru utile de réduire la durée de ce complément à environ deux ans. Nous avons proposé de la fixer à vingt mois et de compenser cette réduction, comme vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, par un allongement du congé de maternité. Nous avions tiré argument du fait que ce dernier était plus court que dans d’autres pays de l’Union européenne pour proposer une répartition de charges entre la branche famille et la branche maladie.

Nous avons, par ailleurs, préconisé des évolutions du régime juridique du CLCA en envisageant, notamment, un bonus, d’une part sur la durée du congé ouvert au titre du CLCA et, d’autre part, sur le montant du complément quand les deux parents demanderaient à en bénéficier.

Mais nous ne nous faisons par d’illusions : des pesanteurs sociologiques font que ce sont les femmes qui prennent actuellement ce type de congé et il est fort peu probable que, à l’instar de pays comme la Suède, la moitié des pères se mettent brusquement à le prendre. Nous avons proposé que, lorsque le père prendrait, par exemple, deux mois de congé, ces deux mois viennent s’ajouter aux congés offerts et que le complément soit majoré d’une prime dite de parentalité.

Cette hypothèse avait un but pédagogique : sa réalisation contribuerait à remédier à certains effets pervers et des économies substantielles seraient dégagées.

Ces économies, je le rappelle, étaient destinées à être recyclées dans les modes de garde. En effet, dès lors qu’on réduit la durée du congé ouvert au titre du CLCA, il faut pouvoir compenser cette réduction par une offre de garde. Sinon, on ne fait pas avancer la réponse sociale !

L’estimation du coût supplémentaire immédiat sur l’offre de garde de la modification des règles du CLCA que je viens de décrire serait de l’ordre de 130 millions d’euros. Il suffit, si l’on raisonne en places de crèches, de diviser ce nombre par 13 000 euros pour évaluer le nombre de places en jeu, tout en sachant que l’offre ne doit pas être estimée seulement en places de crèches. Quant à l’économie globale que ce dispositif apporterait sur la durée, elle serait de l’ordre de 860 millions d’euros, que nous proposions de basculer intégralement sur le financement des jardins d’éveil.

M. le coprésident Pierre Morange. La branche famille et la branche maladie sont cloisonnées : il est impossible de reverser intégralement les économies réalisées par l’une sur l’autre.

M. Thierry Dieuleveux. Certes, mais les coûts ne sont pas du tout du même ordre. Le coût de l’allongement éventuel du congé de maternité – de quinze jours ou trois semaines – que je n’ai plus en tête est beaucoup moins élevé que les 860 millions d’économies générées par la modification des règles du CLCA.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous saurais gré de nous faire parvenir les chiffres permettant d’affiner notre compréhension du dispositif.

Vous avez indiqué que les normes pouvaient être allégées pour la tranche d’âge de deux à trois ans, mais pas pour celle des trois mois à deux ans. Or le poids des normes imposées aux crèches pèse lourdement dans le déficit d’exploitation de ces dernières.

M. Thierry Dieuleveux. Nous avons réfléchi à la question car c’est un point de blocage.

Si j’ai dit que la tranche d’âge sur laquelle la réduction des normes est la plus aisée est celle des deux-trois ans, je n’ai pas dit qu’elle était totalement impossible sur celle des zéro-deux ans. Nous avons évoqué au fil de nos travaux divers scénarios permettant d’adoucir celles-ci dans les crèches.

M. le coprésident Pierre Morange. Les avez-vous chiffrés ?

M. Thierry Dieuleveux. Oui, mais je n’ai pas les chiffres en tête. Je crois vous avoir remis des documents à ce sujet.

L’abaissement des normes qui était proposé dans les établissements d’accueil du jeune enfant ne représentait pas des sommes très importantes, de l’ordre de 100 ou 150 millions d’euros. Le corps législatif ou l’exécutif auraient du mal à faire admettre des assouplissements drastiques des normes pour cette tranche d’âge.

Quoi qu’il en soit, cela ne permettait pas de boucler le financement global du dispositif. Ce qui le permettait, c’était, comme je vous l’ai indiqué, de demander une contribution aux familles pour prendre en charge les 19 % d’enfants de deux-trois ans accueillis aujourd’hui gratuitement à l’école maternelle. La contribution des familles représente le troisième tiers de ce financement – les 4 milliards d’euros dont je parlais en introduction –, avec les contributions de la branche famille et celles des communes.

Mme la rapporteure. Combien cela représente-t-il par enfant de deux-trois ans ?

M. Thierry Dieuleveux. Je donnerai, avant de répondre, une petite précision méthodologique : il va de soi que la tarification pouvant être proposée pour les jardins d’éveil peut reposer sur les mêmes barèmes que ceux qui sont appliqués aux crèches, avec les mêmes quotients familiaux et règlements appliqués par les caisses d’allocations familiales (CAF) qu’aujourd’hui. Dans ce contexte, nous avions imaginé une participation moyenne des familles pour les jardins d’éveil de l’ordre de 2 100 euros, par enfant et par an, sans tenir compte des éventuelles subventions versées actuellement par les CAF pour les crèches. Il y a une partie de solvabilisation à ajouter.

Sans participation financière des familles, le dispositif ne peut pas être bouclé, à moins que des crédits supplémentaires ne soient attribués, ce qui ne semble pas possible dans le contexte actuel.

Mme la rapporteure. Vous proposez de baisser le montant de certaines prestations selon le revenu, ce qui heurte les différentes associations familiales. Avez-vous réfléchi à la fiscalisation des prestations ?

M. Thierry Dieuleveux. Absolument.

La difficulté du débat vient du fait que la simple évocation de « conditions de ressources » provoque des réactions épidermiques avant même que l’on n’ait le temps de préciser le niveau et les types de prestation concernés.

Quant à la fiscalisation des prestations, je prendrai, tout d’abord, le cas du CLCA. Ce complément est, certes, une prestation familiale et bénéficie à ce titre d’un régime de non-imposition. Il n’a pas vocation à compenser la charge du coût de l’enfant comme les allocations familiales et le premier étage de la PAJE, et il ne répond pas à des objectifs spécifiquement sociaux comme l’allocation de soutien familial et le complément familial. Il y a donc une certaine logique à ce qu’il n’y ait pas de fiscalisation. Cela étant, le CLCA est un revenu de transfert : il se substitue à un revenu d’activité et, puisque ce dernier est fiscalisé, on ne voit pas au nom de quoi le substitut du revenu d’activité ne le serait pas.

Mais reconnaissons que nous n’avons pas inventé l’eau tiède en ce domaine puisque, dès 1996, figurait déjà, dans un rapport demandé par le Premier ministre de l’époque à M. de la Martinière, une recommandation pour que l’APE, l’allocation parentale d’éducation, fasse l’objet d’une fiscalisation.

La fiscalisation apporterait, d’ailleurs, des éléments supplémentaires pour le bouclage financier de l’opération : fiscaliser le CLCA permettrait de « rendre », en quelque sorte, en prélèvements fiscal et social – c’est-à-dire en impôt sur le revenu et en CSG – environ 300 millions d’euros, soit à peu près 10 % de l’effort supplémentaire chiffré pour les modes de garde supplémentaires.

Notre position, qui n’engage que nous, est donc qu’il n’est absolument pas scandaleux, et qu’il est même judicieux de fiscaliser le CLCA. Voilà une première réponse à votre question, madame la rapporteure.

Mme la rapporteure. Les personnes qui demandent à bénéficier du CLCA sont souvent des femmes aux revenus modestes. La fiscalisation de celui-ci ne concernerait pas les tranches de revenus élevées.

M. Thierry Dieuleveux. Si, car on se rend compte, d’après la façon dont le CLCA fonctionne actuellement, qu’il a également un effet incitatif vis-à-vis des familles des milieux aisés, ce qui a d’ailleurs été souligné lors de précédentes auditions.

M. le coprésident Pierre Morange. Disposez-vous d’une ventilation des effets du CLCA selon les milieux socioprofessionnels ?

M. Thierry Dieuleveux. Ces informations figurent dans les documents qui vous ont été remis. Des tableaux présentent les décompositions par revenu des bénéficiaires, soit du CLCA, soit du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA), soit du complément mode de garde.

La fiscalisation des allocations familiales a souvent été présentée comme une alternative à la repoussante mise sous condition de ressources de celles-ci. Dans le débat politique qui dure depuis des années, puisqu’il remonte au gouvernement de Lionel Jospin de 1997, on n’a cessé de balancer entre l’une et l’autre, une autre possibilité évoquée touchant au quotient familial.

Nous avons procédé à une simulation de la fiscalisation des allocations familiales. Dès lors qu’on fiscalise les allocations familiales, on rend éligibles à l’impôt sur le revenu…

Mme la rapporteure. À moins de changer le quotient !

M. Thierry Dieuleveux. …un nombre assez significatif de personnes du seul fait qu’elles perçoivent des allocations familiales, ce qui ne va pas forcément de soi. Ce n’est pas tant qu’il soit critiquable d’élargir le champ des ménages imposables à l’impôt sur le revenu, mais le fait d’être non imposable permet de bénéficier d’un certain nombre de droits connexes qui portent sur d’autres éléments de la fiscalité, d’autres systèmes ou d’autres barèmes d’admission à certaines prestations : il y a un effet en cascade.

Dans le modèle qui a été réactualisé par la direction de la législation fiscale, on admet qu’environ 220 000 familles supplémentaires seraient redevables de l’impôt sur le revenu du fait qu’elles bénéficient d’allocations familiales. Mais nous n’avons pas pu chiffrer l’effet en cascade sur l’ensemble des droits connexes. Le produit pour le budget de l’État se monterait à un peu plus de 600 millions d’euros.

Il y a un paradoxe à présenter la fiscalisation des allocations familiales comme une alternative à leur mise sous condition de ressources. Cette dernière est contestée au motif que les allocations familiales seraient universelles. Or, en les fiscalisant, on admet qu’elles ne sont plus universelles mais qu’elles sont des revenus de transfert d’activité. Cela signifie qu’on attire dans le champ de la fiscalisation des allocations familiales dont « théologiquement » ce n’est pas la vocation. Il y a donc une contradiction.

L’autre effet pervers de la fiscalisation des allocations familiales, qui est apparu très nettement au vu du barème actuel de l’impôt, est que, par construction, une personne devient d’autant plus imposable qu’elle a un grand nombre d’enfants, la courbe de croissance des allocations familiales ayant une pente assez raide. Lorsqu’on fiscalise les allocations familiales, on reprend quasiment un mois et demi de bénéfice d’allocations familiales au titre de l’impôt pour un ménage de deux enfants avec des revenus modestes, et jusqu’à deux, voire trois mois de prestations familiales pour les familles plus nombreuses disposant de revenus tout aussi modestes.

Cela dit, nous avons considéré qu’il fallait étudier cette mesure – et c’est ce que nous avons fait dans notre rapport –, mais nous n’avons pas recommandé qu’elle soit mise en œuvre, en dehors du CLCA.

Mme la rapporteure. Quelles sont vos préconisations les plus intéressantes pour équilibrer le taux d’effort des familles ?

M. Thierry Dieuleveux. À la faveur de l’analyse du passé comme des évolutions récentes à l’époque où nous travaillions – une disposition nouvelle était alors prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, il nous est apparu que la collectivité dans son ensemble avait, soit au titre des prestations familiales, en espèces ou en nature, soit au titre de la fiscalité, contribué de façon puissante et à des titres divers à réduire singulièrement le taux d’effort, même si l’on peut considérer que celui-ci demeure trop élevé, ce qu’il est de fait pour certaines catégories de la population. Nous pointions dans le rapport que la mesure prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui tendait à relever de 50 euros le montant du complément mode de garde (CMG) pour les tranches de revenus les plus faibles, était une bonne mesure, mais nous considérions qu’elle n’était pas suffisante et qu’il fallait faire davantage en mettant 50 euros supplémentaires sur les bas revenus et en diminuant de 50 euros les dernières tranches, en faisant jouer la solidarité des plus hauts revenus pour le CMG. Nous recommandions aussi de faire sauter le butoir des 85 %, c’est-à-dire des 15 % de restant à charge obligatoire tel qu’il est actuellement fixé par les textes pour permettre aux populations les plus modestes de bénéficier à plein de cette majoration supplémentaire de 50 euros. Qui plus est, ce mécanisme générerait des économies : le recyclage des 50 euros prélevés sur les tranches de revenus les plus élevés et affectés aux revenus les plus bas dégagerait une économie de 40 millions d’euros. La somme est symbolique, mais cela voudrait dire que la redistribution fonctionne bien et qu’on pourrait même la faire jouer un peu plus.

D’autres mesures étaient envisageables sur le plan fiscal, notamment sur le crédit d’impôt dont chaque famille bénéficie dès lors qu’elle fait garder son enfant dans une structure de garde, chez une assistante maternelle ou dans une crèche. Nous prônions une augmentation des plafonds de ce crédit d’impôt, donc des montants susceptibles d’être déduits de l’impôt, lorsque la garde se fait chez une assistante maternelle, pour rendre ce mode de garde plus attractif.

Nous étions bien tentés, par ailleurs, de faire des propositions sur l’abattement fiscal de 50 % pour la garde au domicile des parents. Cette mesure produit des effets puissamment anti-redistributifs puisque les principaux bénéficiaires sont les familles aisées résidant notamment en région parisienne, mais nous nous sommes rendu compte qu’elle était indissociable du dispositif prévu pour les emplois à domicile, qu’il s’agisse, entre autres, de la garde de personnes âgées, de travaux de ménage ou de l’entretien d’un jardin. Si l’on attaquait l’abattement pour garde d’enfant, on déstabiliserait tout le dispositif. Il n’en reste pas moins que cette mesure fiscale a considérablement diminué le taux d’effort des ménages aisés et qu’il s’agit aujourd’hui du dispositif le plus coûteux unitairement pour la collectivité puisqu’il coûte environ 14 000 euros par an et par place. Mais assez peu d’enfants en bénéficient.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, monsieur Dieuleveux.

*

Audition de M. Yves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l’Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général du Territoire-de-Belfort, et M. Jean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l’enfance, de Mme Fabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique, et de M. Claude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d’Or.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir plusieurs invités. Bienvenue à tous et merci d’avoir répondu à cette demande d’audition.

Avant que Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure, ne vous assaille de questions, nous souhaitons connaître le bilan que vous, acteurs de terrain, avez pu dresser de la politique d’accueil du jeune enfant, sachant que le conseil général est, par définition, le maître d’œuvre de la politique en la matière.

M. Yves Ackermann, vice-président de la commission culture, éducation, jeunesse, sport de l’Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général du Territoire-de-Belfort. Avant tout et puisque vous parlez du terrain, je voudrais vous rappeler dans quelles conditions les conseils généraux préparent et votent leur budget aujourd’hui. Nous sommes dans une situation particulièrement difficile car, à la suite des transferts de compétences de l’État, nous constatons, dans le cadre de la préparation de l’exercice 2009, une baisse importante de nos recettes, liée principalement aux droits de mutation, au plafonnement de la taxe professionnelle et à la limitation de la dotation globale de fonctionnement, qui intègre aujourd’hui la TVA, l’augmentation de la dépense ne dépassant pas 0,3 %.

Nous avons déjà connu – je suis issu d’un des plus gros bassins industriels de France, Belfort étant associé à Montbéliard – une situation difficile avec la crise d’Alstom et celle liée au transport et à l’énergie, qui ont entraîné de très nombreux licenciements. Il s’est ensuivi une progression phénoménale, de plus de 30 %, du nombre de RMIstes depuis la décentralisation, et de 12 points d’impôt pour pouvoir faire face, en termes de fiscalité, à cette augmentation intégralement à la charge des conseils généraux. Et aujourd’hui, avec la baisse des droits de mutation, la stagnation des recettes et l’augmentation des dépenses liées à la précarité et aux sous-traitants de l’automobile – Valeo ayant annoncé un plan de licenciements massif, après Foressia –, nos budgets sociaux sont, une nouvelle fois, sur le point d’exploser. Dans ce contexte, nous envisageons une augmentation de l’ordre de 6 à 7 points de fiscalité, avec beaucoup d’incertitudes quant à la préparation du budget pour 2010.

Je tenais à faire ce préalable très important, qui montre pourquoi tant de départements ne pourront quasiment faire aucun effort financier supplémentaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce que vous dites est aussi valable pour les communes.

M. Yves Ackermann. En effet.

Mme Fabienne Padovani, présidente de la commission éducation, culture, jeunesse et sports du conseil général de Loire-Atlantique. Ma présentation de l’état des lieux d’accueil de la petite enfance en Loire-Atlantique sera très brève, sachant que vous avez déjà reçu M. Clément Charlot, directeur de la caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, dont je partage un certain nombre de réflexions.

La Loire-Atlantique compte 1,2 million d’habitants. Ce département a connu une activité démographique importante, et l’action en matière d’accueil de la petite enfance se situe dans le cadre de l’accompagnement des enfants et des familles. C’est dans le cadre de cet accompagnement sanitaire, éducatif et social que se situe l’action de la Protection maternelle et infantile (PMI).

La répartition des modes d’accueil dans le département ne vous étonnera pas : une forte disparité existe entre le rural et l’urbain. Et c’est tout l’objet du travail de la commission départementale du jeune enfant, que préside le conseil général, qui œuvre à la mise en place d’un observatoire commun, avec les chiffres de la caisse d’allocations familiales (CAF), de la Mutualité sociale agricole (MSA), des grosses agglomérations, pour aboutir à un rééquilibrage de l’accueil de la petite enfance sur le département.

Ce département enregistre 6 211 places d’accueil collectif et familial, soit 13 places pour 100 enfants, et 2 706 places – je dis bien : « places », une assistante maternelle pouvant recevoir plusieurs enfants – d’assistantes maternelles pour les enfants de zéro à trois ans, soit 68 places pour 100 enfants. Il y a donc un delta assez élevé, en partie couvert par la garde familiale, assez importante en Loire-Atlantique : par la mère grâce à un congé parental, par exemple, mais aussi par la grand-mère.

La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) mise en place, les services de PMI ont constaté son intérêt avant tout pour les parents, mais aussi pour les professionnels. Cette prestation donne toute satisfaction aux parents lorsqu’un seul mode de garde est nécessaire, mais elle est insuffisante en cas de cumul de modes de garde, du type assistante maternelle ou garde à domicile. Effectivement, les assistantes maternelles travaillent très peu sur l’accueil périscolaire, alors que certaines familles peuvent avoir besoin d’un mode de garde complémentaire après l’accueil périscolaire dans les cas de fratrie. Dans ces cas-là, la PAJE n’est pas favorable aux parents en termes de financement. Les familles doivent combiner l’accueil dans un établissement, avec un financement du type PSU-CAF (prestation sociale unique), en plus de la PAJE pour la garde à domicile. Cela exclut de fait toutes les familles de Loire-Atlantique pour lesquelles il n’y a pas d’accueil collectif, notamment en milieu rural.

M. le coprésident Jean Mallot. Les chiffres existent-ils pour les autres départements et – je me tourne vers l’ADF – des comparaisons ont-elles été réalisées en particulier entre zones urbaines et zones rurales ?

M. Yves Ackermann. L’ADF ne dispose pas d’étude exhaustive à ce sujet. La situation des départements est particulièrement hétérogène. Il s’agit d’une des tâches auxquelles nous allons très prochainement nous atteler.

Mme Fabienne Padovani. Les familles confrontées à des difficultés sont en premier lieu celles qui ont une fratrie. Un enfant âgé de six ans est-il assez autonome pour rester seul à la maison en attendant le retour de papa et maman ? Question éternelle pour la PMI.

En second lieu, il s’agit des familles qui travaillent selon des horaires atypiques : tôt le matin, tard le soir et/ou le week-end. Avec les villes de Saint-Nazaire, de Nantes et la caisse d’allocations familiales, le département a beaucoup travaillé sur ces familles, la Loire-Atlantique étant une zone touristique assez développée et le travail sur le littoral important le week-end.

Un travail a été mené avec ADT 44, association qui dépend de la Mutualité et des entreprises de l’économie sociale et solidaire. À côté des aides du conseil général pour le retour à l’emploi des femmes et des aides octroyées dans le cadre du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active (RSA), un élément important apparaît : la difficulté pour les parents de combiner un mode de garde de type assistante maternelle – qui peut être un choix – avec un travail dont les horaires ne correspondent pas aux horaires classiques des assistantes maternelles. La Loire-Atlantique ne fait pas exception : les assistantes maternelles préfèrent y travailler selon des tranches horaires classiques, en dépit de tout ce que nous pouvons mettre en place pour les inciter à accepter des horaires atypiques.

Quel avantage la prestation d’accueil du jeune enfant a-t-elle apporté en Loire-Atlantique pour les assistantes maternelles ? Quelles sont les informations qui remontent de nos discussions avec elles au sein de notre commission ? Selon ces professionnelles, la PAJE a atteint son but. En clair, il est tout simplement plus intéressant pour les familles, quand c’est leur choix, d’avoir un mode de garde du type assistante maternelle, plutôt qu’une garde non déclarée. Pour nous, si la PAJE peut être une porte ouverte, elle est importante car un de ses buts premiers était justement d’éviter la garde au noir et de maintenir pour les femmes gardant des enfants des droits à la retraite et une couverture sociale. En ce sens, je pense que la PAJE a complètement rempli son rôle.

Troisième difficulté : il est très compliqué d’expliquer aux familles quel sera le montant de la PAJE, le calcul restant entièrement sous la responsabilité de la caisse d’allocations familiales. Les parents que l’on rencontre dans les relais d’assistantes maternelles expriment leur souhait d’avoir une sorte de « paquet groupé », comprenant toutes les informations, y compris le montant de la PAJE qu’ils vont toucher, sachant que le premier mois à avancer en cas de choix d’une assistante maternelle est pour certains très lourd à supporter.

M. le coprésident Jean Mallot. Selon vous, cette difficulté d’explication en amont amène-t-elle les parents à regretter leur choix de mode de garde ?

Mme Fabienne Padovani. D’après toutes les enquêtes réalisées en Loire-Atlantique, 67 % des familles se dirigent spontanément vers l’accueil collectif. Mais, à Nantes, par exemple, 30 % seulement profitent d’un accueil collectif. Cela signifie qu’un nombre important de parents ayant trouvé un mode d’accueil chez une assistante maternelle en sont satisfaits. Le mode d’accueil collectif est rassurant, les familles n’ayant pas à avancer d’argent. En ce qui concerne la PAJE, l’avance ne représente pas une grosse somme et les choses se mettent naturellement en place, sachant que les assistants sociaux peuvent intervenir en amont sur cette question d’avance d’argent – je pense aux familles pour lesquelles le taux d’effort reste très important quel que soit le montant de la PAJE qui leur est octroyé, même maximum, et auxquelles le conseil général doit porter une attention toute particulière. Les services du conseil général de Loire-Atlantique travaillent sur ce problème car si, pour certains couples, cela ne pose aucun problème, pour des femmes seules avec trois enfants, les choses sont beaucoup plus compliquées.

Vous l’aurez compris : l’accueil de la petite enfance est une priorité pour la Loire-Atlantique. Elle s’articule sur plusieurs axes.

D’abord, le soutien à l’accueil des enfants en horaires atypiques. À côté de l’expérience avec ADT 44 que je viens de citer, une expérience est menée sur la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE) à Saint-Nazaire, également avec les Mutuelles de Loire-Atlantique, qui sont des partenaires forts. Au regard des difficultés financières pour monter les projets, il est intéressant pour nous de travailler avec des partenaires de l’action mutualiste, car je pense qu’il faut un côté militant pour aller au bout de ces projets.

Ensuite, nous avons mis en place un « réseau hôtellerie » pour tous les intermittents de l’hôtellerie. Pendant la saison, la mobilisation des services de PMI sur le littoral est plus forte pour permettre à de jeunes femmes et de jeunes hommes qui travaillent pendant cette période de bénéficier de places temporaires chez des assistantes maternelles.

Nous soutenons également les équipes de professionnels, les assistantes maternelles dans les relais assistantes maternelles (RAM).

En outre, dans le cadre de notre travail en faveur de l’accueil des enfants handicapés, un jardin pour enfants handicapés et malades de trois à six ans a été créé à Nantes, ouvert à l’agglomération nantaise. Le conseil général n’y participe pas en termes de fonctionnement d’un mode d’accueil collectif, mais il finance à l’année un poste et demi pour cet établissement qui offre une place aux enfants handicapés ou malades au-delà de trois ans et qui prépare l’intégration de certains dans des établissements spécialisés.

La PMI travaille de façon très volontaire pour les assistantes maternelles – formation, agrément, suivi, mise en place –, la Loire-Atlantique ayant le même souci que les autres départements car, sur 1 000 agréments accordés en une année, nous en perdons à peu près 800. Ce chiffre s’explique par les départs à la retraite, les retours à l’emploi, mais aussi par la fatigue de travailler chez soi. Si certaines pistes ne satisfont pas le conseil général, d’autres figurant dans le rapport de Mme Michèle Tabarot nous conviennent, comme l’animation des relais visant à maintenir les assistantes maternelles, aujourd’hui professionnalisées, dans le métier.

M. Claude Vinot, président de la commission actions sociales et intergénérationnelles du conseil général de Côte-d’Or. La Côte-d’Or est un département atypique : 506 000 habitants et une grosse agglomération – l’agglomération dijonnaise concentrant de 250 000 à 300 000 habitants, le reste du département, où l’habitat est diffus, comptant 200 000 habitants.

Le budget enfance-famille est le premier budget du conseil général, avec une dépense de 68 millions d’euros pour une recette de 850 000 euros, soit une charge très lourde. Il traduit une volonté politique très forte engagée par la précédente majorité avec le président Louis de Broissia, et poursuivie par la majorité actuelle présidée par M. François Sauvadet.

Ce département a une particularité. En effet, si beaucoup de structures collectives existent sur l’agglomération dijonnaise, il n’en est pas de même sur le reste du territoire du département. En relation avec la caisse d’allocations familiales, les intercommunalités ont pris la compétence petite enfance : elles ont, d’abord, organisé le périscolaire et les cantines scolaires et, aujourd’hui, réfléchissent au montage de structures collectives dans le monde rural diffus. L’effort est extrêmement important, et la collaboration très efficace.

En Côte-d’Or, en 2008, 15 111 familles sont bénéficiaires de la PAJE, 413 de la prime de naissance, 13 515 de l’allocation de base, 2 846 du complément d’activité à taux plein, 1 870 du complément d’activité à taux réduit, 4 911 du complément mode de garde pour enfants gardés par une assistante maternelle, et 120 du complément mode de garde pour enfants gardés à domicile.

Parallèlement, le département finance le fonctionnement des relais assistantes maternelles à hauteur de 10 % du prix plafond fixé chaque année par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), ce qui représente à peu près 4 500 euros par relais et par an.

Nous avons aussi participé de façon très active à la formation des assistantes maternelles, prévue par la loi. Néanmoins, la prise en charge des déplacements n’étant pas adaptée, le coût est beaucoup trop lourd pour les personnes désirant obtenir leur premier agrément, et si les collectivités locales et les intercommunalités ne les aident pas, nous aurons bientôt beaucoup moins d’assistantes maternelles agréées en activité dans notre département.

En 2008, le nombre d’assistantes maternelles en activité a connu une baisse régulière tous les mois, passant de 4 493 en janvier à 4 307 en novembre, d’où une baisse du nombre de places offertes : 12 579 en janvier, puis 12 040 en novembre, malgré les mesures de revalorisation de la profession. La diminution est d’autant plus importante dans le monde rural diffus. En effet, le département de la Côte-d’Or étant très étendu, les candidats à l’agrément doivent faire 70 kilomètres aller et 70 kilomètres retour pour suivre la formation, ce qui en décourage plus d’un, d’autant que l’agrément sera accordé au départ pour un seul enfant. Cette situation constitue un frein au recrutement. Nous essaierons donc de mettre en place des formations dans nos villes pôles, comme Châtillon-sur-Seine.

Le deuxième frein résulte du refus des assistantes maternelles de travailler du vendredi soir au lundi matin. Or un certain nombre de parents travaillent le samedi et, leurs enfants n’ayant plus école le samedi matin, ils sont obligés de se débrouiller comme ils peuvent. D’où la réaction d’un certain nombre de collectivités. Après avoir pris la compétence petite enfance, l’intercommunalité dont je suis l’un des vice-présidents a travaillé avec l’Agence nationale des solidarités actives (ANSA) : elle a consulté la population et fait des propositions qui ont été agréées par nos collègues du conseil communautaire. Ainsi, nous allons mettre en place des structures collectives dans un secteur rural diffus où la densité moyenne de population est de 7 habitants au kilomètre carré. Sans organisation, il est clair que nous ne pourrons offrir aucun service à notre jeune population et que nous découragerons encore plus les jeunes de venir s’installer chez nous.

Tel est, rapidement brossé, le tableau concernant la PMI et la petite enfance. C’est un des aspects, très important, de notre travail, à côté de l’effort non moins important que nous consentons pour l’accueil des enfants en danger – 3 000 dans notre département. C’est pour moi un devoir d’être aux côtés de nos jeunes en grande difficulté.

M. le coprésident Jean Mallot. Merci pour ce propos très complet.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Pour les collectivités, le mode de garde par assistante maternelle est le moins coûteux comparé aux modes d’accueil collectif. Or, vous l’avez dit, des assistantes maternelles ayant reçu l’agrément n’ont pas d’enfant en garde. Mme Padovani a avancé une explication, mais il en existe certainement d’autres liées au quartier où vivent les assistantes maternelles, par exemple. Avez-vous fait, dans vos départements respectifs, une analyse de la situation ?

Depuis la mise en place du statut des assistantes maternelles, avez-vous constaté des modifications, concernant les horaires, par exemple ?

Les règles actuelles relatives au fonctionnement des crèches ne pourraient-elles pas être allégées, sachant qu’elles induisent un coût important ?

Depuis plusieurs années déjà, la scolarisation des enfants de deux à trois ans étant en baisse, une partie d’entre eux est accueillie dans les lieux collectifs ou chez les assistantes maternelles, ce qui limite les possibilités pour les nouveau-nés – nombreux en France, et heureusement ! – d’être accueillis dans ces lieux. Quelle est la position de vos conseils généraux sur les jardins d’éveil ?

Quelle amélioration pourrait être apportée au dispositif de la PAJE, et qui pourrait faire l’objet d’une des propositions de la MECSS ?

M. Jean-Michel Rapinat, directeur du service politiques sociales de l’enfance de l’ADF. Madame la rapporteure, vous avez posé des questions importantes sur le métier d’assistante maternelle.

Vous l’avez dit, le statut de ces professionnelles a connu une évolution très importante, et l’Assemblée des départements de France souhaite vous dire combien les départements sont engagés collectivement en faveur de l’accompagnement de ce métier essentiel.

Les conseils généraux ont la volonté de promouvoir une très grande diversification des moyens de garde pour la petite enfance, avec un accent fort sur l’accompagnement des assistants maternels, dans la droite ligne de certaines propositions formulées dans le rapport de Mme Tabarot.

Pour autant, un certain nombre de difficultés existent.

La première tient au décalage très important entre le nombre des demandes d’agrément et les besoins. Certains territoires ont beaucoup de candidats et de candidates face à des besoins peu importants, d’autres n’en ont pas assez alors que les besoins sont élevés. La gestion du rapport entre l’offre et la demande est complexe, les besoins étant très différents selon les territoires.

La deuxième difficulté est liée à l’évolution du statut du métier d’assistante maternelle, et donc à la professionnalisation. Des assistantes maternelles sont parfois sans activité. Il faut dire aussi que certaines d’entre elles formulent des critiques sur le nombre d’enfants qu’elles accueillent. Si les dispositions récemment prises pour porter de trois à quatre le nombre d’enfants accueillis procèdent d’une évolution intéressante, elles posent des problèmes à nombre de départements qui souhaitent garantir les meilleures conditions d’accueil et de développement harmonieux de l’enfant. L’article 1er de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux dispose que « la politique de la petite enfance a pour but de favoriser le développement physique et psychique de l’enfant, de permettre son épanouissement et de garantir son bien-être ». Oui, les conseils généraux sont exigeants en matière d’agrément, et cela au regard de la loi. Pour autant, ils souhaitent accompagner tous les aspects de formation, mais aussi donner aux assistantes maternelles des occasions de se retrouver. À cet égard, les RAM présentent un intérêt certain.

Le renouvellement générationnel des assistantes maternelles est la troisième difficulté à laquelle les départements sont confrontés, un nombre important de celles-ci devant partir à la retraite.

Enfin, le président Ackermann l’a rappelé, l’engagement des conseils généraux dans le domaine de l’enfance étant très important – plus d’un quart des dépenses sociales y est consacré –, il est très difficile d’accompagner tous les dispositifs de ce moyen de garde qui peut pourtant paraître moins onéreux que d’autres : le financement de la formation est plus important, l’organisation du suivi en fonction des besoins n’est pas toujours simple, sans oublier le financement d’un certain nombre de structures.

Mme la rapporteure. Le problème a été posé depuis le début des auditions : tous les départements comptent un nombre très important d’assistantes maternelles agréées, mais certaines d’entre elles ne gardent pas d’enfant alors qu’elles aimeraient en accueillir. Pourquoi ?

M. Yves Ackermann. Ce point a été abordé par Jean-Michel Rapinat : si des assistantes maternelles agréées n’ont pas d’enfant, c’est peut-être parce que l’agrément ne correspond pas directement à l’accueil de deux ou trois enfants. Beaucoup d’assistantes maternelles sont agréées pour accueillir un enfant, mais pas au-delà. Nous avons souvent à traiter ce problème récurrent. Il se trouve qu’aujourd’hui les départements accordent l’agrément intuitu personae. En d’autres termes, chaque PMI décide de ses propres règles.

Une modification substantielle pourrait être la création d’un référentiel écrit au niveau national pour essayer d’harmoniser les agréments sur l’ensemble du territoire, les situations étant très diverses selon les départements. Cette réforme pourrait à mon avis être menée assez rapidement, sans engager de coûts trop élevés.

M. le coprésident Jean Mallot. Qu’en est-il en Côte-d’Or et en Loire-Atlantique ?

M. Claude Vinot. Comme je vous l’ai expliqué, il y a une disparité entre le milieu urbain et le milieu rural.

En milieu urbain, un certain nombre d’assistantes maternelles ont du mal à trouver des enfants à garder car elles ne sont pas forcément connues.

Le problème est différent dans le monde rural diffus, et l’explication est basique ; entre un village de 50 habitants où se trouve une assistante maternelle, et un chef-lieu de canton situé à douze kilomètres mais comportant toutes les structures d’accueil pour les enfants, que choisissez-vous en tant que parents ? En emmenant vos enfants à l’école, vous déposerez les plus petits chez une assistante maternelle à proximité des structures d’accueil pour ne pas refaire vingt kilomètres ! Dans notre secteur, les assistantes maternelles n’ayant pas d’enfant sont donc confrontées au problème de l’éloignement des structures d’accueil des enfants plus grands.

M. le coprésident Jean Mallot. Connaissez-vous la proportion approximative des assistantes maternelles sans activité ?

M. Claude Vinot. Elle n’est pas très importante : peut-être de 15 à 20 %.

M. le coprésident Jean Mallot. Restent à expliquer les 80 % restants…

M. Claude Vinot. Certes ! Se pose également le problème du service rendu aux parents : aujourd’hui, certaines jeunes assistantes maternelles refusent les contraintes et ont tendance à ne prendre des enfants qu’à l’intérieur de certains créneaux horaires.

Le problème est donc double, d’où la nécessité d’une structure collective en horaires atypiques sous la forme d’une micro-crèche. Nous y avons réfléchi, et je vous en parlerai tout à l’heure.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Vous avez évoqué le rôle des intercommunalités qui ont pris la compétence petite enfance, ce qui n’est pas le cas dans tous les départements. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette organisation, qui semble intéressante ? Ce regroupement intercommunal permet-il aujourd’hui des améliorations concernant les assistantes maternelles sans enfant malgré les demandes ?

M. Claude Vinot. L’intercommunalité dont je suis le président est la communauté de communes du Pays châtillonnais, situées au nord de la Côte-d’Or, qui regroupe 6 cantons et 95 communes, pour une population de 24 000 habitants. Elle a élaboré ce que l’on appelle un projet éducatif territorial, dans le cadre duquel des groupes de travail ont été constitués, en particulier celui sur la petite enfance.

Cette compétence a d’abord amené la communauté de communes à prendre en charge le périscolaire et les cantines scolaires dans le monde rural. Aujourd’hui, elle fait vivre sept cantines scolaires et s’engage aux côtés de l’Éducation nationale pour le périscolaire. Nous avons ensuite continué, étant parfaitement conscients que les tranches d’âge jeunes ne sont pas prises en charge.

À l’issue de la réflexion des groupes de travail, des propositions ont été formulées.

Il faut d’abord faciliter la vie des parents et introduire de la souplesse concernant les cartes de transport. Nous avons donc mis en place avec la communauté de communes un schéma de mobilité, permettant de prendre en charge les parents et les enfants, et de les emmener vers les structures.

Nous mettons actuellement en place un plan de communication pour valoriser le métier d’assistante maternelle, ainsi qu’une aide financière et matérielle afin de susciter des vocations et donc de développer l’offre territoriale : une bourse pour la formation ; des formations au sein de Châtillon-sur-Seine, ville-pôle la plus proche ; une aide pour les dépenses afférentes à l’installation ; la réalisation de plaquettes et d’affiches présentant le métier.

Pour les personnes dont les revenus sont sous le seuil de pauvreté, nous avons mis en place une aide. Dans la communauté de communes du Pays châtillonnais, 11 % de la population est en état de précarité, ce qui est très important pour une zone à caractère rural diffus.

Il faut également connaître l’offre de garde en horaires atypiques et pour une garde en urgence. Nous avons donc identifié finement, bassin de vie par bassin de vie, les assistantes maternelles qui acceptent les horaires décalés – il y en a malgré tout – et celles qui pourraient accueillir un enfant supplémentaire, grâce à l’extension de l’agrément, en cas de reprise d’emploi ou d’urgence.

Nous avons enfin un lieu identifié pour la petite enfance : le relais assistantes maternelles, itinérant. Nous avons investi dans un véhicule permettant au RAM de se rendre régulièrement dans certaines communes, ce qui permet aux jeunes mamans de souffler un peu en faisant garder leur enfant.

Nous projetons la mise en place de deux micro-crèches, mais aussi l’extension d’une halte-garderie et l’amélioration de la structure multi-accueil au centre de la ville-pôle Châtillon-sur-Seine.

Telle est la politique que nous mettons en place. Elle nécessite un engagement politique, mais aussi un investissement fort de la communauté de communes. Nous le devons à notre population car nous n’avons rien, étant éloignés des structures collectives.

Mme Fabienne Padovani. Madame la rapporteure, la question de fond des assistantes maternelles qui ne reçoivent pas d’enfant, alors que c’est le mode de garde le moins coûteux, revient dans tous les comptes rendus de la Mission. La Loire-Atlantique connaît aussi cette difficulté, qui varie en fonction du lieu d’habitation de l’assistante maternelle. En milieu rural, se pose le problème de l’accessibilité, comme l’a expliqué M. Vinot. En milieu urbain, c’est celui du positionnement de l’habitation, certaines familles ayant du mal à aller chez une assistante maternelle habitant au dernier étage d’une tour dans une zone sensible. Rien à voir, donc, avec la qualité et le travail de ces professionnelles.

Il y a plus de six ans, nous avons commencé des travaux au sein de la commission départementale. Chemin faisant, certaines choses ont été mises en place avec la caisse d’allocations familiales.

Dans un premier temps, dans le cadre de sa responsabilité, le conseil général a installé une dizaine d’unités d’agrément qui, non seulement réceptionnent les agréments des assistantes maternelles, font le travail d’accueil, organisent la formation dans les chefs-lieux de canton où habitent les assistantes maternelles, mais travaillent aussi, en relation avec les relais assistantes maternelles, sur l’adéquation entre la demande des parents et l’offre des assistantes maternelles. Un travail important a également été réalisé au sein des communes. À Nantes, par exemple, plus de 500 familles étaient, il y a trois ans, sur une liste d’attente pour les accueils collectifs, alors que 200 assistantes maternelles ne recevaient pas d’enfants. C’est sur ce manque de cohérence entre l’offre et la demande que l’effort des collectivités a porté.

Un élément important a redonné ses lettres de noblesse au métier d’assistante maternelle : la formation. En Loire-Atlantique, 200 000 euros y ont été affectés en 2005, 900 000 euros l’ont été en 2007, et le montant sera plus élevé pour 2008. Le besoin de formation est réel. Cette formation permet aux assistantes maternelles d’être considérées pour ce qu’elles sont : des professionnelles, et non des femmes qui gardent les enfants de leurs voisins pour élever les leurs, image négative qui a longtemps prévalu.

En plus de la mise en place d’unités d’agrément, le conseil général travaille avec les RAM, où les parents peuvent faire part de leurs besoins et les assistantes maternelles se déclarer libres ou non, sachant que s’inscrire dans un RAM procède d’une démarche volontaire des assistantes : ce n’est pas une obligation.

En outre, le conseil général travaille actuellement avec la caisse d’allocations familiales afin de diffuser sur Internet les demandes des parents et celles des assistantes du département. Ce travail est long et difficile, car cette banque de données ne peut bien fonctionner que si elle est correctement nourrie en amont et mise à jour. Le conseil général s’y emploie et le dispositif sera mis en place dans le courant de 2009.

Mme la rapporteure. Cette dernière information est très intéressante et peut inspirer nos propositions.

Est-il possible d’assouplir les règles actuelles de fonctionnement des crèches ?

Quelle est votre position sur les jardins d’éveil pour les deux-trois ans ?

Avez-vous réfléchi aux améliorations que le législateur pourrait apporter aux prestations en direction des familles, notamment à la PAJE ?

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué, madame Padovani, l’adéquation entre l’offre et la demande et le principe du volontariat pour les assistantes maternelles s’agissant des RAM, celles-ci ayant toute liberté de communiquer ou pas des informations. À cet égard, la mise en place – enfin – d’un portail unique est une proposition logique, car elle permettra non seulement une transparence de l’information, mais surtout une réactivité pour répondre au problème du déséquilibre entre l’offre et la demande.

Que penseriez-vous du caractère obligatoire de la fourniture des informations en temps réel par les structures d’accueil à l’unité centrale chargée de collecter ces informations, le dispositif devant être conçu avant tout pour les parents et les enfants ?

Des deniers publics étant affectés à l’accueil de la petite enfance, il ne me semble pas absurde d’imaginer, en contrepartie, l’obligation de fournir en temps réel les informations sur les capacités d’accueil, quelles que soient leurs modalités, afin d’optimiser le dispositif.

Mme Fabienne Padovani. La formation obligatoire s’est révélée très difficile à vivre pour certaines assistantes maternelles, qui l’ont ressentie comme une remise en cause de leur métier, voire de leur dévouement. Pour moi, il ne s’agit pas d’un dévouement, mais d’un travail.

Personnellement, je ne vois aucune difficulté à obliger les assistantes maternelles à s’inscrire à une banque de données.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est ce que je voulais entendre.

Mme Fabienne Padovani. Au regard du financement de ce mode de garde, l’idée ne me dérange pas, mais cette mise en place ne sera possible qu’après en avoir expliqué les raisons et la nécessité aux assistantes maternelles. Certaines d’entre elles n’ont en effet pas besoin du RAM pour travailler et réservent même des places pour des enfants en attente, le bouche à oreille faisant son œuvre. Il ne sera donc pas si évident de les y amener, même si je trouve personnellement cette proposition d’inscription obligatoire à une banque de données intéressante, en contrepartie de la reconnaissance de leur métier et de l’augmentation de leurs revenus.

M. Vinot a indiqué que la PMI de Côte-d’Or donnait seulement un agrément pour un enfant. On peut progresser. En Loire-Atlantique, en échange de la formation, les assistantes ont d’emblée un agrément pour deux enfants. Car, soyons clairs, une femme ne vit pas en gardant un seul enfant, c’est-à-dire en gagnant à peu près 500 euros par mois, soit un salaire juste au-dessus des minima sociaux ! Si l’on parle de filière « métier », les femmes concernées doivent pouvoir en vivre pour être motivées. C’est pourquoi, en Loire-Atlantique, nous travaillons sur l’extension de l’agrément de deux à quatre enfants, quand le logement de l’assistante maternelle le permet, et en prenant un certain nombre de précautions : agrément donné depuis trois ans, vérifications, passage de la puéricultrice, distinction dans les âges des enfants afin que les assistantes ne gardent pas, par exemple, quatre bébés, mais plutôt deux enfants qui marchent et deux bébés.

Il existe aussi des regroupements d’assistantes maternelles.

M. le coprésident Pierre Morange. Il y a une certaine dysharmonie dans les informations qui nous sont fournies sur le revenu mensuel des assistantes maternelles.

Comme nous sommes assez tenaces, nous vous reposons la question parce que vous êtes des acteurs de terrain. S’il s’agit de 500 euros pour un enfant, comme vous venez le dire, quel est le revenu mensuel correspondant à deux enfants, trois enfants et quatre enfants, y compris pour une garde de deux enfants ne marchant pas et deux enfants qui marchent ?

Mme Fabienne Padovani. Le revenu d’une assistante maternelle s’élève en moyenne à 750 ou 800 euros, chiffres qui vous ont, me semble-t-il, déjà été donnés et qui sont reconnus au niveau national.

Il est compliqué de calculer le revenu exact car il inclut, d’une part, la somme payée par les parents en fonction du nombre d’heures de garde et, d’autre part, les indemnités d’entretien qui sont extrêmement variables d’une assistante maternelle à l’autre. Il n’y a aucune homogénéité entre les départements, et c’est bien dommage.

M. le coprésident Pierre Morange. Votre prudence est compréhensible et ne fait que montrer la grande diversité française. Cela dit, une équité de traitement est tout de même à la base de notre philosophie sur le territoire de la République. J’insiste donc lourdement : si c’est 500 euros pour un enfant, est-ce deux fois 500 euros pour deux enfants ?

Mme Fabienne Padovani. Non. L’ADF a beaucoup travaillé sur ce point…

M. Jean-Michel Rapinat. Il y a les obligations légales avec l’amélioration du statut prévu par la loi de 2005. Les bases minimales sont de 120 SMIC horaire pour le premier enfant, de 170 pour deux enfants – notre but étant de valoriser, à la demande des professionnels, l’accueil du premier enfant – et de 70 SMIC supplémentaires pour le troisième enfant. Et il y a les compléments demandés par les assistantes maternelles aux parents, les indemnités d’entretien, très variables d’une assistante maternelle à l’autre. Au-delà des obligations légales, les rémunérations sont donc très différentes les unes des autres.

N’oublions pas qu’il s’agit d’un contrat passé entre l’assistante maternelle et les parents.

M. le coprésident Pierre Morange. Voulez-vous traduire en salaire mensuel ?

M. Jean-Michel Rapinat. Pour deux enfants en garde, cela signifie grosso modo un salaire du niveau du SMIC, non chargé.

M. le coprésident Pierre Morange. Et pour trois enfants ?

M. Jean-Michel Rapinat. Le salaire est légèrement dégressif, la valorisation du troisième enfant étant de 70 SMIC horaire supplémentaires. C’est pourquoi la demande réitérée des assistantes maternelles de pouvoir aller au-delà de l’accueil de trois enfants nous paraît intéressante au regard des besoins. Néanmoins, la question de l’accueil de quatre enfants ou plus se pose à un certain nombre de départements, la comparaison pouvant être faite entre le niveau de rémunération de ces professionnels et celui d’autres professionnels du secteur de la petite enfance.

M. le coprésident Pierre Morange. J’entends bien, mais je me permets d’insister une dernière fois.

D’après les statistiques, le revenu moyen serait aux alentours de 800 euros – le chiffre cité est de 786, si ma mémoire est bonne – pour 2,6 enfants par assistante maternelle. Or vous venez de nous parler d’un SMIC non chargé pour deux enfants. Je vois donc une légère dysharmonie dans les chiffres – c’est encore l’auvergnat qui parle !

Notre démarche s’exonère de toute sensibilité politique, le rôle de la MECSS étant de comprendre, d’évaluer, de contrôler et de rationaliser, et nous irons jusqu’au bout.

M. le coprésident Jean Mallot et Mme la rapporteure. Tout à fait !

M. le coprésident Pierre Morange. Nous souhaitons donc entendre des informations précises sur le sujet – sur les extrêmes et la médiane, la charge variant en fonction des collectivités territoriales. C’est aussi important pour nous que pour nos concitoyens. Mais, si je comprends bien, vous n’avez pas vraiment de réponse…

M. Jean-Michel Rapinat. Monsieur le président, les obligations légales que j’ai rappelées en matière de valorisation des enfants accueillis sont toutes respectées. Aucun département n’est en deçà.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre propos n’est pas de mettre en cause les départements, mais de souligner la contradiction entre la médiane issue d’une statistique, et qui en théorie ne devrait pas être sujette à caution, et les autres éléments dont nous disposons.

M. Jean-Michel Rapinat. Dans la moyenne, que vous rappelez fort justement, de 2,6 enfants gardés par assistante maternelle, s’agit-il effectivement d’un accueil à temps complet ? Les chiffres que je vous ai cités concernent un accueil à temps complet.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est ce que j’avais cru comprendre.

M. Jean-Michel Rapinat. Les extensions d’agrément concernent souvent du périscolaire. L’activité de l’assistante maternelle au regard du nombre d’heures réalisé pour chaque enfant peut donc être une explication.

M. le coprésident Pierre Morange. J’entends bien, mais si vous parlez de 500 euros pour un enfant à temps complet, pour 2,6 enfants, même à temps partiel, on a du mal à trouver le 1,6 restant dans les 300 euros de différence !

Mme Fabienne Padovani. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux car la PMI ne me les a pas fournis, mais je peux vous les faire parvenir sans difficulté.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci.

Mme Fabienne Padovani. Les crèches sont à la charge non pas des départements, mais des collectivités locales et des intercommunalités, et l’on observe depuis une dizaine d’années une montée en puissance des contraintes en matière d’accueil des enfants. On n’en est plus aux portes anti-pince-doigts et, le développement durable étant passé par là, les contraintes ont de nouveau augmenté en termes de construction. Effectivement, il y a une relative dichotomie entre les contraintes exigées dans les accueils collectifs et celles demandées au domicile des assistantes maternelles.

D’où la mise en place des micro-crèches, dont les règles de fonctionnement sont plus souples. En ce qui concerne les assistantes maternelles, ce mode d’accueil est intéressant pour rompre leur isolement et remédier aux difficultés rencontrées en milieu rural. Mais, pour accueillir les enfants, des communes et des intercommunalités mettent à disposition des locaux qui sont du niveau d’une crèche. Par conséquent, si l’accueil de huit enfants coûte aussi cher, autant faire une crèche pour vingt ou trente, ce qui rend davantage service à la population, l’investissement étant peu ou prou le même.

Le rapport Tabarot présente le projet sur les rassemblements d’assistantes maternelles, qui sont différents des micro-crèches. Une expérience en Mayenne et une à Nantes pourraient être généralisées si l’on n’exigeait pas des assistantes maternelles qui se rassemblent une mise aux normes de type accueil collectif pour leurs locaux. Si vous cherchez, dans le cadre de vos travaux, une piste pour améliorer l’accueil de la petite enfance, les regroupements d’assistantes maternelles peuvent être une solution si l’on sait raison garder quant à l’aménagement des locaux. Les services de PMI de Loire-Atlantique ont travaillé sur le contrat, la responsabilité, l’assurance et la médiation, et cette solution est tout à fait envisageable. Pour une commune, refaire une cuisine dans une crèche représente quasiment le prix d’une moitié de crèche ! Pour accueillir trente enfants, vous mettez en place, selon la méthode HACCP (Hazard analysis critical control point), une cuisine où l’on peut préparer 80 repas ! Les proportions sont complètement folles pour les finances publiques que vous avez si bien défendues, monsieur Morange.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci de le souligner !

Mme Fabienne Padovani. J’en viens aux jardins d’éveil.

À Nantes, depuis trois ans, les enfants de deux à trois enfants ne sont quasiment plus accueillis à l’école. Et ce n’est pas une ville qui connaissait un fort taux d’accueil d’enfants de deux à trois ans, comme la ville de Rennes.

Nous avions signé avec la ville de Nantes une convention d’accompagnement à l’accueil des enfants de deux à trois ans. Je ne parle pas des enfants de deux ans, mais de ceux qui vont avoir trois ans dans l’année et qui sont prêts physiquement et physiologiquement à entrer à l’école.

Dans la ville de Nantes, depuis que l’Éducation nationale ne fait plus de rentrées échelonnées au cours de l’année, ce sont 80 enfants – qui auparavant seraient allés à l’école – qui sont dans les structures d’accueil collectif de la ville. Il y a donc 80 bébés qui n’ont pas accès à ces structures d’accueil.

Je me suis rendue à Stuttgart, et nous avons reçu à Nantes des chercheurs de l’université de Berlin dans le cadre du travail de l’Allemagne sur les jardins d’éveil et sur l’école maternelle. Les jardins d’éveil sont des lieux formidables pour les enfants, qui y sont très heureux, mais là n’est pas la question. La question est : qui va payer les personnes qui encadrent ces enfants ? La petite enfance, c’est 80 % de frais de personnel. La question ne porte pas sur la structure – qu’elle soit associative, municipale ou intercommunale –, mais sur le coût. L’Éducation nationale a fait un choix, et je ne suis pas sûre qu’elle ait calculé les conséquences chiffrées de sa décision, compte tenu du report des coûts sur les collectivités locales. Car il ne faut pas se leurrer : ou les mères de famille continueront à garder leurs enfants en ne reprenant pas leur travail, ou la garde au noir se développera, ou ce sont les collectivités locales qui prendront en charge le financement.

Mme la rapporteure. Selon notre premier invité de ce matin, les jardins d’éveil pourraient faire l’objet d’un financement de l’État pour un tiers, des collectivités locales pour le second tiers, et des familles pour le dernier.

M. le coprésident Pierre Morange. Il s’agit d’une préconisation de M. Dieuleveux dans le cadre de la RGPP, et non d’une décision politique.

Mme la rapporteure. La PAJE pourrait-elle être améliorée eu égard au taux d’effort des familles ou convient-elle aux parents dans sa forme actuelle ?

M. Yves Ackermann. Souvenez-vous des chiffres que j’ai cités au début de cette réunion. Le budget de l’État ayant été voté avec un déficit de 79 milliards d’euros, je pense qu’il est aujourd’hui difficile de demander un effort complémentaire. Il faudrait augmenter la PAJE, c’est évident, et je pense que toutes les structures concernées pourront dire la même chose. Mais est-ce sérieusement possible ? C’est la première question.

Mme la rapporteure. Ne pourrait-elle être, par exemple, supprimée, à tout le moins régulée, pour les plus hauts revenus ?

M. Yves Ackermann. Le plafonnement paraît absolument indispensable. On ne peut collectivement qu’y être favorable. Mais permettra-t-il une redistribution suffisante ?

Les jardins d’enfants sont, c’est vrai, des structures formidables. Néanmoins, dans la situation où se trouvent aujourd’hui l’État, les familles et les collectivités territoriales, on ne peut pas faire supporter aux deux tiers par les familles et les collectivités territoriales ce qui l’était par l’école avec l’accueil en école maternelle des enfants de deux ans. Voilà la réponse que l’on peut faire.

J’exprime donc la plus extrême réserve sur toutes les nouvelles structures qui entraîneraient une dépense publique supplémentaire.

Mme Fabienne Padovani. Dans mon propos liminaire, j’ai parlé de la possibilité éventuelle de mixer les différents modes d’accueil et de garde. C’est important quand on connaît la réalité de l’accueil des assistantes maternelles : quand on garde trois enfants, on ne peut pas en avoir un qui arrive à six heures du matin, le deuxième à huit, le troisième à dix heures, et au surplus avec des départs décalés. Les assistantes maternelles travaillent à domicile, et elles ont aussi leur vie, comme tout le monde. Avec les revenus qui sont les leurs, personne ne travaillerait sur une amplitude horaire allant de six heures à vingt et une heures en gardant plusieurs enfants. Il faut en tenir compte. D’où la nécessité d’avoir parfois un mode de garde complémentaire mais, dans ce cas, la PAJE n’est pas très souple pour les familles. Avec la bonne volonté de tous, cela peut fonctionner – la preuve en est l’expérience novatrice conduite en Loire-Atlantique –, mais c’est tout de même compliqué.

Par ailleurs, je partage ce qui a été dit sur le plafonnement. De mémoire, l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED) ont été plafonnées jusqu’en 2005, et je ne pense pas que les familles qui ne la touchaient pas en souffraient en termes de pouvoir d’achat. Tant que ces charges sont déductibles des impôts, travailler à un plafonnement pourrait être intéressant. Je ne connais pas le nombre de familles qui serait concerné par cette mesure et j’ignore si les incidences financières seraient assez importantes pour permettre une réelle baisse du coût de la prestation d’accueil du jeune enfant. Ce coût, on ne peut le nier, est lourd à supporter pour les finances de la CNAF.

M. Claude Vinot. Effectivement, il faudrait s’orienter vers un plafonnement.

À titre d’exemple, je vais vous donner les chiffres 2008 pour les deux micro-crèches de neuf places que nous allons créer et dont je vous ai parlé. Pour ces deux structures, les frais d’investissement – estimations, frais d’architectes, frais d’étude, mobilier – s’élèvent à 470 000 euros. Le plan de financement est de 220 000 euros pour la CAF via son plan d’aide à la petite enfance, de 20 000 euros pour la MSA, de 112 000 euros hors mobilier pour LEADER (programme européen en faveur des zones rurales) et de 118 000 euros pour la communauté de communes du Pays châtillonnais.

Mais, s’agissant du budget prévisionnel de fonctionnement, les choses sont un peu moins favorables pour la collectivité de rattachement. Si le budget de fonctionnement d’une micro-crèche accueillant neuf enfants est estimé à 130 000 euros, sur une base de quarante-sept semaines d’ouverture, avec des charges de personnel de 110 000 euros et de 20 000 euros pour les autres charges, le montant à charge serait alors de 70 000 euros pour la collectivité, de 37 000 euros pour la CAF, de 25 000 euros pour les familles, sachant que le conseil général ne finance pas aujourd’hui les micro-crèches, qui sont de nouvelles structures de garde, mais qu’il étudie le dossier – je cite les chiffres de 2008 actualisés 2009.

Pour une communauté de communes comme la nôtre, 118 000 euros pour l’investissement, 70 000 euros pour le fonctionnement – au départ, car nous craignons le désengagement de la CAF –, ajoutés à notre action sur le périscolaire et les cantines scolaires, représentent un effort extrêmement important. Notre collectivité mériterait donc d’être aidée de façon substantielle, car aider notre jeunesse, c’est préparer l’avenir.

Mme la rapporteure. Très belle conclusion !

M. le coprésident Jean Mallot. Effectivement !

Nous vous savons gré d’avoir répondu à nos questions et vous remercions par avance des compléments d’information que vous ne manquerez pas de nous faire parvenir.

*

Audition de M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l’éducation et la petite enfance, et Mme Hélène Cascaro, chargée de mission culture, éducation, enfance, de M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l’Association des maires de France (AMF), maire d’Arleux, et Mme Isabelle Voix, en charge du domaine social, et de M. Jean Marc Collet, vice-président de la Communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (COVATI), président de la commission enfance jeunesse.

M. le coprésident Pierre Morange. Je souhaite la bienvenue à M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l’éducation et à la petite enfance, à Mme Hélène Cascaro, chargée de mission « culture, éducation, enfance », à M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l’Association des maires de France (AMF), maire d’Arleux, et Mme Isabelle Voix, en charge du domaine social et, enfin, à M. Jean-Marc Collet, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (COVATI), président de la commission enfance-jeunesse.

S’agissant de la politique d’accueil du jeune enfant, nous serons très attentifs au diagnostic des acteurs de terrain que vous êtes ainsi qu’à vos attentes. Je vous donne donc la parole pour un bref exposé liminaire avant que la discussion ne s’engage.

M. Patrick Masclet, président de la commission cohésion sociale de l’Association des maires de France (AMF), maire d’Arleux. Qu’ils administrent une commune en milieu urbain ou en milieu rural, les maires sont très sensibles à la politique en faveur de la petite enfance. En effet, si les nouveaux habitants, lorsqu’ils viennent les voir, sont préoccupés par les questions de santé, ils s’interrogent également sur les différents modes de garde proposés par la municipalité. À cela s’ajoute que, compte tenu de l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), l’attractivité des territoires est de plus en plus subordonnée à leur développement propre, ce qui implique des efforts particuliers dans ce domaine. Enfin, je souligne que les maires sont très soucieux de l’accueil ainsi que du financement des structures.

Mme Isabelle Voix, en charge du domaine social à l’AMF. Il est tout à fait exact que l’accueil des jeunes enfants constitue une priorité pour les maires, lesquels souhaitent en particulier diversifier les modes d’accueil – ce qui suppose à la fois de développer des structures, mais également de disposer d’un nombre suffisant d’assistantes maternelles.

La PAJE soulève à ce propos une question importante : est-il préférable d’aider à la « solvabilisation » des familles ou au développement des structures ? Si la réponse, me semble-t-il, réside dans un juste équilibre entre les deux options, il n’en demeure pas moins que la crèche favorise la mixité sociale en accueillant les enfants des familles modestes ou bénéficiaires des minima sociaux. En tout état de cause, il me semble nécessaire que les maires, dans le cadre de la convention d’objectif et de gestion, puissent continuer à développer les établissements créés.

M. Jean-Marc Collet, vice-président de la communauté de communes des vallées de la Tille et de l’Ignon (COVATI), président de la commission enfance-jeunesse. Élu d’un territoire semi-rural situé à vingt-cinq kilomètres au nord de Dijon, la communauté de communes dont je suis le vice-président a choisi de garder la compétence « enfance-jeunesse » hors temps scolaire.

C’est par ailleurs parce que nous ne souhaitons pas opposer les accueils collectif et individuel que nous avons mis en place un relais assistantes maternelles (RAM) dit, en l’occurrence, « relais petite enfance ». Nous travaillons, en outre, à la mise en place d’une structure multi-accueil d’une quarantaine de places, mais nous ne manquerons pas d’être confrontés à des dépenses de fonctionnement importantes : si le budget de 1,5 million a été financé par des subventions à hauteur de 70 ou 75 %, le coût horaire n’en demeure pas moins de 7,67 euros, dont 3,79 restent à la charge de la collectivité, 3,88 euros relevant de la prestation de service unique (PSU). En 2009, les frais de fonctionnement s’élèveront ainsi à 150 000 euros – pour une collectivité de 11 000 habitants seulement – alors que la dotation prévue par le contrat enfance et jeunesse (CEJ) a diminué.

M. Yves Fournel, vice-président de la commission éducation de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), adjoint au maire de Lyon à l’éducation et à la petite enfance. Président du réseau français des villes éducatrices, j’ai eu l’occasion d’animer un groupe de travail sur la petite enfance avec les représentants de plusieurs villes européennes, qui a montré combien nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes.

À Lyon, on dénombre chaque année 8 000 naissances et 8 000 demandes d’entrée en crèches, plus de 75 % des parents formulant une première demande en ce sens pour des raisons certes financières, mais également de sécurité et de choix éducatif. C’est un paradoxe, mais il semble que l’amélioration des conventions collectives qui régissent le travail des assistantes maternelles et la reconnaissance professionnelle que cela a entraîné ont induit une certaine rigidité dans ce mode d’accueil : outre la hausse des coûts en milieu urbain, de moins en moins d’assistantes maternelles acceptent des horaires élargis, les contraintes imposées aux parents ne font que s’accroître et l’installation de nouvelles assistantes là où la demande est la plus forte devient de plus en plus délicate en raison des difficultés de logement.

La diversité des modes d’accueil est donc bénéfique, de nombreuses grandes villes ayant par exemple augmenté le nombre de RAM – à Lyon, ils sont ainsi passés en quelques années de 2 à 17, un relais étant en moyenne complet deux mois après son ouverture. Sans doute constituent-ils, d’ailleurs, un moyen terme entre la garde individuelle au sens strict et la crèche.

Depuis deux ou trois ans, nous avons également constaté une évolution des demandes parentales sans qu’il soit aisé de l’expliquer par le développement du multi-accueil, la PSU ou la PAJE. Ainsi, l’âge d’entrée en crèche a-t-il été retardé de six mois à un an. Est-ce dû au complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) ? Il est en tout cas notable que les femmes ayant de faibles revenus cessent le plus souvent toute activité professionnelle à la naissance de leur enfant et qu’elles ont par la suite le plus grand mal à retrouver un emploi. À Lyon, seulement 30 % des enfants accueillis dans les crèches municipales ont moins de dix-huit mois, 40 % ont entre dix-huit et trente mois, et 23 % entre deux ans et demi et trois ans et demi. La scolarisation des enfants de moins de trois ans a par ailleurs chuté et l’on dénombre autant d’enfants scolarisés dans les crèches municipales qu’à l’école maternelle. Plus précisément, en six ans, le nombre d’enfants de moins de trois ans scolarisés a diminué de 700 ou 800, et 800 berceaux ont été créés en crèches, chacun de ces derniers étant utilisés en moyenne par trois enfants : c’est donc au moins un tiers de l’extension de la capacité d’accueil qui a été annihilé par la baisse de la scolarisation en classe maternelle.

Au-delà de la question certes importante des différents modes d’accueil du jeune enfant, celle de l’utilisation des fonds publics me semble aussi explicitement posée lorsque l’on sait qu’une place en crèche coûte 15 000 euros par an et une place en école maternelle 4 000 euros. Par ailleurs, la participation financière des parents étant plafonnée et celle de la CAF diminuant dans le cadre des nouveaux CEJ, les financements communaux constituent désormais les seules variables d’ajustement en matière de politique d’accueil, surtout dans les moyennes ou les grandes villes, où le nombre d’enfants présents dans les structures collectives est particulièrement important. À Lyon, sur 22 000 enfants âgés de zéro à trois ans, 1 200 bénéficient d’une garde à domicile, 12 000 sont dans les crèches, la plupart des enfants restants sont dans les écoles maternelles, et la perte de recettes due aux évolutions du CEJ, en outre, est évaluée à 2 millions par an à partir de la fin de 2010.

De plus, la mise en place du multi-accueil dans la perspective d’accroître l’amplitude des horaires d’ouverture a eu un effet exactement inverse de celui que l’on attendait puisque les parents ont limité leurs plages horaires pour des raisons essentiellement financières en combinant plusieurs modes de garde, en organisant leurs RTT et en utilisant le COLCA afin de travailler à temps partiel. À cela s’ajoutent les coûts de fonctionnement dus à cet élargissement et la pénalisation prévue par le CEJ en cas de faible taux de fréquentation.

Enfin, la priorité donnée à l’aide à la personne sur l’aide à la structure me semble à la fois déséquilibrée et injuste.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vous remercie pour vos exposés qui, s’ils font état des difficultés rencontrées par les collectivités, ne doivent pas oblitérer celles de l’État.

Les entrées en crèche sont de plus en plus tardives, en raison moins du COLCA, me semble-t-il, que de la baisse du nombre d’enfants scolarisés entre deux et trois ans qui occupent ainsi les places des plus petits.

Que pensez-vous, par ailleurs, de l’accueil des enfants de deux à trois dans des jardins d’éveil ?

Je note, de plus, que si les familles demandent d’abord l’obtention d’une place en crèche, elles plébiscitent les assistantes maternelles lorsqu’elles ont bénéficié de leurs services. Sachant que leur taux d’effort est moindre dans le premier cas que dans le second, ne pourrait-on pas réfléchir à la mise en place d’un certain nombre d’aides pour les familles les plus modestes qui décideraient d’avoir recours à ces dernières ?

Enfin, que pensez-vous de la réglementation relative à l’ouverture de crèches collectives ?

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le mode de gestion de crèches – associatif, municipal ou dans le cadre d’une délégation de service – qui vous paraît le plus approprié ? Que pensez-vous des crèches d’entreprises ?

M. Patrick Masclet. La scolarisation des enfants de deux à trois ans diffère assez sensiblement selon les villes ou les départements : il ne faut pas oublier, en effet, que l’État a jadis fortement incité à leur inscription précoce dans les établissements scolaires.

Par ailleurs, les CAF incitent aujourd’hui à la mise en place d’un certain nombre de services tout en diminuant ensuite les aides proposées, les élus locaux n’ayant dès lors plus d’autres solutions que de réviser la fiscalité, de diminuer l’amplitude horaire des services, voire de supprimer ces derniers.

S’agissant des jardins d’éveil, nous sommes très réservés. Outre qu’il est faux de penser que des classes ou des bâtiments scolaires se libéreront en raison de la diminution de la scolarisation des enfants de deux et trois ans, qu’en sera-t-il de l’accès effectif aux services pour les familles les plus modestes dès lors que l’école maternelle constituait pour elles un mode de garde gratuit ? Les jardins d’éveil, de surcroît, ne doivent pas devenir de simples garderies sans aucun projet pédagogique ou social.

Les élus locaux sont par ailleurs très attachés aux structures collectives d’accueil quand les assistantes maternelles relèvent, elles, du secteur libéral, avec tout ce que cela implique comme inégalités potentielles.

Nous ne sommes pas en outre opposés à un certain assouplissement de la réglementation. Ainsi, les micro-crèches peuvent constituer parfois une solution intermédiaire, mais à la condition d’y maintenir un certain seuil de services, auquel nous tenons beaucoup.

Enfin, les avis sont partagés quant aux différents modes de gestion, certains élus souhaitant le maintien d’une gestion publique sans pour autant nier les avantages de la gestion associative ou d’une forme d’externalisation, qui, l’une et l’autre, introduisent une certaine souplesse dans la gestion, notamment en milieu rural.

M. Yves Fournel. Je suis largement d’accord avec ce qui vient d’être dit sur les jardins d’éveil. Plusieurs villes ont mené des expériences sur des « structures passerelles » mais, pour améliorer la progressivité de l’entrée en école maternelle en fonction de la maturité des enfants, encore faut-il qu’un accueil y soit maintenu ! Il faut donc continuer de réfléchir à différentes solutions, personne ne prétendant par ailleurs que tous les enfants âgés de deux à trois ans doivent aller à l’école maternelle. Il importe surtout que les parents aient le libre choix quant au mode d’accueil et aux modalités éducatives proposées. Nous sommes donc favorables à un travail dans le cadre de structures partenariales incluant l’Éducation nationale, mais également les CAF, afin que ce que j’ai vécu au conseil départemental de l’éducation nationale du Rhône, où l’inspecteur d’académie ignorait tout de la mise en place des modes de garde alternatifs annoncée par le Gouvernement à Vénissieux, ne se reproduise pas. Le directeur de l’action sociale de la CAF départementale à qui j’ai été renvoyé m’a assuré quant à lui qu’aucun texte, aucune norme ni aucun financement spécifique n’avaient été élaborés s’agissant des jardins d’éveil.

La diversification des modes de gestion est acquise dans la plupart des communes, mais l’expérience montre que les pouvoirs publics, dans les grandes villes en particulier, doivent conserver des prérogatives importantes ne serait-ce que pour organiser la mise en réseau des différents établissements. Avec 35 % de crèches relevant de la municipalité et 65 % des associations, la ville de Lyon me semble avoir réalisé un bon équilibre. J’ajoute que le public accueilli dans l’une et l’autre structure n’est pas tout à fait le même, les crèches associatives ayant tendance à privilégier des familles aux revenus plus élevés pour d’évidentes raisons budgétaires.

Par ailleurs, il n’est pas aisé d’accroître le nombre de crèches d’entreprises car la mise en place de regroupements se révèle le plus souvent nécessaire, ce qui implique beaucoup de travail : il a ainsi fallu trois années pour constituer celui de Gerland-Lyon avec l’aide de la CGPME.

Le développement des micro-crèches est quant à lui entravé par des obstacles fiscaux, puisque les assistantes maternelles qui y travaillent ont un statut de salarié et qu’elles perdent en conséquence un certain nombre d’avantages. On peut donc comprendre qu’elles ne s’y précipitent pas, le recrutement concernant pour l’essentiel des titulaires du CAP « Petite enfance ». En outre, la PAJE y étant massivement plus présente que la PSU, les inégalités d’accès y sont patentes.

M. Jean-Marc Collet. À l’exception du RAM, où l’employé est salarié de la commune, nous avons quant à nous privilégié le mode de gestion associatif en raison des spécificités locales et d’une plus grande réactivité. J’ajoute que la question des aides aux grandes fédérations d’éducation populaire est essentielle, car c’est avec ces dernières que nous travaillons.

S’agissant des jardins d’enfants, je regrette que l’on ait parfois oublié les problèmes de fond – dont celui de la qualité du service rendu et du projet – au profit des seules considérations économiques.

Enfin, il est également regrettable que les assistantes maternelles bénéficient seulement d’une attestation de salaire et non d’une fiche de paie, ce qui complique considérablement leurs démarches auprès des bailleurs ou des établissements de crédit, par exemple.

Mme la rapporteure. Est-il selon vous nécessaire d’assouplir la réglementation en ce qui concerne la création des structures d’accueil ? De plus, comment améliorer la PAJE afin de favoriser un égal accès des familles aux services de la petite enfance ?

M. Jean-Marc Collet. Nous nous sommes adaptés à la réglementation, mais nous avons dû en l’occurrence battre en retraite quand il s’est agi de construire un bâtiment à haute qualité environnementale, en raison de normes incompatibles avec le service de la petite enfance.

Mme la rapporteure. Mais qu’en est-il plus précisément des normes en matière d’accueil ?

M. Jean-Marc Collet. Elles sont satisfaisantes s’agissant d’une structure multi-accueil d’une quarantaine de places, qui, en outre, garantit une plus grande souplesse. Au-delà de ce chiffre, les contraintes d’encadrement, en particulier, auraient été pour nous beaucoup plus importantes.

M. Yves Fournel. Des crèches parfaitement correctes s’ouvrent à Barcelone, qui n’auraient jamais eu d’agrément en France, les médecins de PMI disposant en effet d’une trop grande marge d’interprétation des textes en matière de locaux : certains imposent, par exemple, 12 mètres carrés par enfant alors que la moyenne européenne se situe entre 9 et 10 mètres carrés.

La qualification des personnels ne doit pas quant à elle être modifiée, alors même que des normes particulièrement contraignantes pourraient être révisées, notamment en ce qui concerne les directions. De la même manière, il conviendrait d’assouplir les passerelles entre assistantes maternelles et équipements collectifs, afin d’apporter une réponse plus satisfaisante à la question des horaires élargis ou du cumul de plusieurs modes de garde, par exemple.

Par ailleurs, une révision des quotas de formation dans les écoles serait sans doute opportune, dès lors que nous rencontrons des difficultés à trouver des personnels.

Je précise, enfin, que la difficulté à trouver des logements idoines en centre-ville constitue le principal obstacle auquel se heurtent les assistantes maternelles.

M. Patrick Masclet. Je suis d’accord avec M. Fournel, en particulier s’agissant des médecins de PMI qui, il faut bien le dire, « en rajoutent ».

Le binôme PAJE-PSU est, certes, positif, mais des difficultés de financement ne manquent hélas pas de se présenter pour des familles modestes lorsque l’établissement d’accueil relève de la première, laquelle devrait donc être augmentée.

Enfin, les crèches familiales constituent des solutions intéressantes car elles sont non seulement moins onéreuses pour les communes, mais elles permettent aussi aux assistantes maternelles de sortir de leur isolement.

M. le coprésident Pierre Morange. Mesdames, messieurs, je vous remercie.

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AUDITIONS DU 22 JANVIER 2009

Audition de M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF), de Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France, et M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative, de Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales, et de Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), et Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vous prie tout d’abord d’excuser les deux coprésidents de la mission, M. Jean Mallot, empêché ce matin, et M. Pierre Morange, qui va nous rejoindre. En outre, Mme Patricia Augustin, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSM), souffrante, est absente.

Dans le cadre de notre mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, nous aimerions entendre le point de vue des associations familiales que vous représentez sur la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Lors de sa création, la PAJE visait la simplification des prestations familiales, l’élargissement des modes de garde pour les familles, la solvabilisation des familles et une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Quatre ans plus tard, a-t-elle selon vous répondu à ces objectifs ? Étant en lien régulier avec les citoyens, pouvez-vous nous indiquer des pistes afin d’améliorer cette prestation ?

Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS). Je vous prie tout d’abord d’excuser M. Dominique Balmary, président, et M. Hubert Allier, directeur général de l’UNIOPSS, empêchés.

L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux réunit des organismes non lucratifs du champ du médico-social appartenant à plusieurs secteurs : handicap, personnes âgées, lutte contre les exclusions, santé et, bien sûr, enfance-jeunesse-famille. Au niveau national, elle anime une commission petite enfance regroupant à la fois des représentants de l’accueil individuel et de l’accueil collectif. Nous représentons actuellement plus de 4 000 structures et services, 42 % du multi-accueil, et accueillons à peu près 200 000 enfants et plus de 200 000 parents. Nous regroupons des modes d’accueil très diversifiés et venons de finaliser une plaquette expliquant à la fois ce que nous sommes et les innovations sur lesquelles nous travaillons.

L’objectif de simplification de la PAJE ne semble pas totalement atteint. D’après les informations qui remontent du réseau, les parents rencontrent de grandes difficultés pour obtenir des informations, non seulement sur les différents modes d’accueil, mais aussi, s’agissant de la PAJE, sur le financement de ces modes d’accueil, plus particulièrement sur le reste à charge qu’il leur est très difficile de calculer en fonction du mode d’accueil choisi. Ce constat assez général est visiblement partagé, quel que soit le mode d’accueil.

Concernant l’élargissement des différents modes de garde, la PAJE a permis le développement de l’accueil individuel, que ce soit par des assistantes maternelles ou en garde à domicile. Elle a d’ailleurs probablement contribué à lancer la garde à domicile. L’explication tient au faible coût des assistantes maternelles pour les classes moyennes, les sommes engagées pour le financement de la PAJE étant colossales. Le réseau a par ailleurs constaté la réduction du taux d’effort des familles ; les avances de prestation demeurent néanmoins insuffisantes pour certaines d’entre elles, surtout pour les plus modestes.

Le libre choix des familles est aujourd’hui très relatif, en raison de la très forte pénurie de modes d’accueil, mais aussi des disparités importantes sur le territoire entre milieu urbain et milieu rural, sans compter que les ressources des familles peuvent avoir un impact sur ce choix.

L’équilibre entre la solvabilisation des familles, que vise la PAJE, et le financement par le Fonds national d’action sociale (FNAS) et la prestation de service unique (PSU) de l’accueil collectif, qu’il faut conforter, nous semble fondamental. Ces dernières années, la tendance a plutôt penché vers la solvabilisation des familles – je ne dirai pas au détriment de l’accueil collectif, un certain nombre de plans crèches ayant été lancés. Néanmoins, l’UNIOPSS a le souci de cet équilibre, très compliqué à trouver. La majorité des familles préférant l’accueil collectif, dont le coût est plus important, il ne faudrait pas faire un choix politique unilatéral qui aille dans le sens du développement de l’accueil individuel, donc du financement par la PAJE.

Enfin, la PAJE a incontestablement facilité la conciliation entre vie familiale, vie sociale – nous y tenons – et vie professionnelle, notamment en offrant aux mères la possibilité de réduire partiellement ou d’interrompre leur activité professionnelle dès le premier enfant. Désormais, les enfants sont accueillis plus tardivement – à quatre ou cinq mois aujourd’hui au lieu de deux mois et demi ou trois mois auparavant –, soit à la crèche, soit par une assistante maternelle. La PAJE est intéressante, même si elle peut entraîner des effets pervers, notamment un risque pour les femmes ayant un emploi précaire d’être exclues un peu plus ou d’avoir du mal à retourner dans le monde du travail et, à l’inverse, un risque pour les femmes aux revenus élevés de ne pas bénéficier du complément de libre choix d’activité.

Nous souhaitons appeler votre attention sur le risque de dérégulation résultant du droit d’option que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a offerte au gestionnaire pour la nouvelle modalité d’accueil collectif que sont les micro-crèches. En effet, le gestionnaire peut dorénavant choisir entre le complément de libre choix du mode de garde structure (CMG structure) ou la PSU qui, elle, impose des contraintes au gestionnaire, notamment l’application du barème de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – qui tient compte de la mixité sociale – et des contrôles permettant la vérification de l’utilisation des fonds publics. En faisant le choix du CMG structure, le gestionnaire bénéficie d’une totale liberté tarifaire : il n’applique pas le barème de la CNAF, ce qui peut faire voler en éclat les enjeux en termes de mixité sociale, et il ne rend pas de comptes à la CNAF, n’étant pas dans le cadre des contrats enfance. Cette mesure nous a surpris et elle nous inquiète car, si elle venait à être généralisée, elle ne serait pertinente ni pour le suivi et le contrôle du financement public, ni pour la réduction des inégalités issue de la mixité sociale et de l’accueil collectif. Il y a donc là un enjeu de taille.

Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’UNIOPSS. Complexité supplémentaire : dans certains cas, les familles n’ont rien à avancer, dans d’autres, elles sont remboursées via la PAJE.

M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF). L’objectif de simplification de la PAJE n’est pas atteint en ce qui concerne la nécessaire information des familles. Cependant, cette simplification n’a jamais été une de nos demandes car nous pensons qu’elle peut conduire à remettre en cause des droits. En effet, dès lors que les demandes des familles sont complexes, les dispositifs appelés à y répondre le sont également.

En revanche, nous sommes entièrement d’accord avec l’UNIOPSS quant au manque d’information des familles sur leurs droits, le montant des prestations, la marche à suivre, le reste à charge, etc. Si les CAF, les caisses d’allocation familiales doivent participer, bien plus qu’elles ne le font actuellement, à l’information et au soutien des familles qui le demandent, les associations familiales ont elles aussi un rôle à jouer. Malheureusement, elles ne sont pas forcément reconnues dans ce rôle et les financements sont en baisse. Or la PAJE est un dispositif très compliqué pour les familles de nos quartiers, c’est un vrai problème !

S’agissant du libre choix, on peut dire que l’objectif d’élargir les modes de garde est atteint, grâce aux 2 000 places supplémentaires par an chez les assistantes maternelles et à la réduction du taux d’effort. Cela ne représente toutefois qu’une goutte d’eau par rapport aux 500 000 places d’accueil qui font aujourd’hui défaut dans notre pays. En outre, l’allocation de base et la prime de naissance concernent davantage de bénéficiaires. La PAJE a donc créé une dynamique intéressante.

Le surcoût qu’elle a entraîné n’était certainement pas prévu, mais il est la preuve que les pouvoirs publics ont compris la nécessité de « booster » la politique familiale et l’accueil des enfants. Néanmoins, nous avons à présent le sentiment qu’ils ont une vision comptable des choses et qu’ils considèrent que, parce qu’il y a un dérapage d’un côté, il faut faire des économies de l’autre. La réforme du FNAS en 2005-2008, avec des restrictions pour les contrats enfance, n’est-elle pas le contre-pied de ce qui s’est passé pour la PAJE – dont les financements publics explosent ? Mais réduire la dynamique du FNAS, c’est en quelque sorte faire le choix de l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif et le libre choix en est affecté alors que les parents sont plutôt favorables à l’accueil collectif en termes de socialisation pour l’enfant.

Le libre choix, c’est aussi l’école maternelle, or la réduction du nombre de places pour les deux-trois ans ajoute une pression sur les modes de garde.

Bien sûr, l’accueil individuel chez les assistantes maternelles doit être développé, mais il faut tenir compte du fait que les parents ne souhaitent pas forcément être employeurs. Il conviendrait donc de redynamiser les crèches familiales – qui perdent pied actuellement –, car elles offrent une sécurité aux parents en tant qu’employeurs.

Il y a une tension entre la solvabilisation de l’offre et celle de la demande. Il faut soutenir financièrement les équipements d’accueil, il en va de leur survie. Or la création de la PAJE structure est une première tentative pour remplacer, à terme, la solvabilisation de l’offre par celle de la demande. Cette remise en cause de l’accueil collectif nous paraît dangereuse car les équipements seront de moins en moins financés.

Nous tenons à la PSU car, Mme Métayer l’a dit, elle offre des garanties : contrôle de la qualité par la CAF, application d’un barème de participation familiale, pérennité de l’équipement. La PAJE structure est un empilement des dispositifs PAJE et PSU, au détriment d’une nécessaire visibilité. Elle risque, si elle est généralisée à l’ensemble des équipements, d’aboutir à une destruction de l’offre d’accueil – ce qui serait très dangereux – et, à terme, à une disparition de la PSU. Nous sommes contre cette orientation.

Si nous sommes favorables au développement des micro-crèches et des maisons d’assistantes maternelles, il faut veiller à la qualité de l’accueil, donc faire attention à ne pas tout déréguler. Les équipements d’accueil collectif apportent cette qualité, mais nous sentons une très forte pression sur les coûts alors qu’une note récente du Centre d’analyse stratégique rappelle l’importance de l’investissement dans la qualité et du développement de l’accueil collectif.

S’agissant, enfin, du cumul entre PAJE, l’allocation de parent isolé (API) et l’allocation de soutien familial (ASF), Mme Augustin, qui représente les familles monoparentales, pourrait vous en dire plus. Il faudrait certainement revoir tout le dispositif pour éviter que ce problème ne se pose avec le futur revenu de solidarité active (RSA).

Mme la rapporteure. Mme Augustin nous a fait parvenir une note à ce sujet, mais je n’ai pas bien saisi le problème.

M. Jean-Laurent Clochard. Si une personne a droit à la PAJE, son montant est déduit de son API ou de son ASF. Ce problème de cumul ne se retrouve pas dans tous les cas et des dispositions ont amélioré le dispositif. Néanmoins, il faut y réfléchir eu égard au RSA – d’autant que ce cumul est possible avec le RMI.

M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative à Familles de France. Pour nous, l’accueil du jeune enfant doit être un choix politique très clair, un choix de société : investit-on ou pas dans ce champ ? Certes, des analyses font état d’un dérapage ou d’un dépassement des prévisions, mais la société doit se préoccuper du départ des jeunes enfants dans la vie et cela nécessite de ne pas hésiter à dépenser les sommes nécessaires pour leur assurer un accueil de qualité.

Il faut aussi rappeler quel est le contexte. Aujourd’hui, on se pose des questions, mais le fait est là : l’offre est insuffisante puisqu’on compte 1 million de places en accueil individuel et en accueil collectif, pour une population de 2,3 millions enfants concernés. Autrement dit, sur 100 enfants de moins de trois ans, 45 seulement trouvent une place. Même si les temps partiels relativisent un peu les choses, le besoin existe, il faut y faire face.

En outre, les dispositifs évoluent à toute vitesse : nouveau décret du 1er août 2000, mise en place de la PSU, transformation des contrats enfance jeunesse, développement des micro-crèches, développement des maisons d’assistantes maternelles, arrivée des crèches privées, réforme du statut des assistantes maternelles. Toutes ces réformes se télescopent au détriment de la cohérence du dispositif. Nous appelons donc de nos vœux une meilleure anticipation, une meilleure programmation et une politique qui donne un sens à tout ceci.

Nous n’ignorons certes pas les difficultés économiques actuelles et la situation des finances publiques. Mais nous savons aussi que le législateur a voulu, dans la loi du 25 juillet 1994, séparer les financements entre les branches de la sécurité sociale. Or, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 montre que la branche famille affichera 3,795 milliards d’euros d’excédents cumulés à la fin de l’année : une politique ambitieuse pour la petite enfance est donc possible.

Il nous semble par ailleurs nécessaire de prendre en compte le développement du travail à temps partiel et des horaires atypiques, l’éloignement domicile-travail et l’augmentation des temps de transport. Ne faudrait-il pas réfléchir beaucoup plus en amont au recours d’une même famille à différentes formes d’accueil ? Un nombre grandissant de familles a besoin certes d’une crèche, mais aussi d’une réponse avant et après la crèche. C’est toute la question de l’organisation, de la cohérence et de la complémentarité des dispositifs.

On n’a pas atteint l’objectif de la simplification. Si on a beaucoup communiqué sur la prestation unique, la réalité est multiforme, entre les conditions d’accès à certains éléments de la prestation, le complément de libre choix d’activité selon qu’il s’agit du premier ou du deuxième enfant, le non-cumul de ce complément avec les congés payés s’il s’agit du premier enfant mais plus à partir du second... Or, pour qu’un citoyen soit responsable, il est indispensable qu’il connaisse ses droits. Il faut donc faire un important travail en ce sens.

Nous convenons que l’élargissement des modes de garde a un effet positif sur la garde individuelle et sur la garde à domicile.

Quant au complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA), il n’a pas rempli son objectif. Cette prestation n’étant accessible qu’à partir de la naissance du troisième enfant et les problèmes de mode de garde s’accumulant avec trois enfants, elle a raté sa cible. C’est pourquoi il serait intéressant d’expérimenter le COLCA à partir de deux enfants. À côté du complément de libre choix d’activité (CLCA) au taux actuel et sur trois ans, le COLCA avec un taux supérieur, sur un an, ouvert aux familles de deux enfants – ce qui augmenterait le nombre de bénéficiaires – ne nous paraît pas poser de problème pour les finances publiques. Qui plus est, la liberté de choix n’est pas effective partout : les zones rurales ne l’offrent pas toujours et les zones très urbaines souffrent d’une tension de la demande. Si nous souscrivons à l’idée du libre choix, nous pensons que le renforcement de l’offre ne doit pas se faire au détriment de la qualité.

Il est impératif de coordonner les différentes politiques publiques, en particulier la politique éducative et les politiques familiales. Cela renvoie à la question de la scolarisation des enfants à deux ans : on ne peut à la fois afficher sa volonté de développer l’accueil du jeune enfant et mettre 105 000 enfants dehors sans réfléchir aux conséquences pour les familles. La coordination est essentielle.

Jean-Laurent Clochard l’a dit, il nous semble possible d’aller, de manière responsable, vers le développement d’offres de garde structurée. Les crèches familiales – un peu oubliées et dont le nombre de places a stagné ces dernières années – peuvent offrir la souplesse que recherchent les familles.

À côté des micro-crèches, les regroupements d’assistantes maternelles prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale peuvent également permettre de développer l’offre, d’autant qu’un certain nombre de personnes aux ressources modestes ne peuvent disposer d’un logement assez grand pour accueillir des enfants. Il faut simplement veiller à ce que ce dispositif soit encadré comme celui des crèches familiales.

Au moment où les populations se déplacent des couronnes urbaines vers le périurbain – avec les conséquences que l’on sait sur le temps passé hors du domicile –, les élus locaux doivent se demander où seront les enfants et ce que seront leurs équipements dans cinq ou dans dix ans. Dans ce périurbain à la frontière du rural – mais peut-être aussi dans le rural –, les micro-crèches, qui nécessitent un investissement moins important, peuvent apporter dans la durée la souplesse nécessaire.

Si la question de la scolarisation des enfants à deux ans se pose, la réponse ne saurait être une garde au rabais. Le flou règne toujours sur les jardins d’éveil, dont on entend beaucoup parler. Si des dispositifs de ce genre devaient voir le jour, ils devraient répondre aux critères de qualité – c’est-à-dire d’éveil – que l’enfant mérite.

Les choses sont en train de bouger pour la garde à domicile, mais le problème du statut des personnes se pose. Il faut travailler sur la formation, la mise en lien avec les autres dispositifs, notamment avec les RAM, les relais d’assistantes maternelles.

S’inscrivant dans la démarche de Lisbonne, l’allongement du congé de maternité que propose la Commission européenne fait également partie des éléments de réponse aux familles. Nous soutenons cette démarche.

Le plan « métiers de la petite enfance » devrait faire prochainement l’objet d’une communication. Nous nous interrogeons sur la logique du tiers payant qui serait instaurée pour les assistantes maternelles, sous réserve de la signature d’une convention avec la CAF. Les familles ne risquent-elles pas de perdre ainsi la notion du coût réel, comme cela s’est produit pour l’allocation de logement étudiant ? Surtout, cela ne risque-t-il pas d’avoir des effets inflationnistes sur le coût des assistantes maternelles ? Cela mérite réflexion. Notre position n’est pas complètement tranchée, mais nous rejoignons l’UNIOPSS : un barème de la CNAF, permettrait d’uniformiser les coûts pour les familles, donc d’éviter des disparités entre les dispositifs.

Enfin, nous souhaiterions que l’accueil à domicile soit encadré par une charte de qualité.

Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales. S’il est normal d’entendre quelques critiques, je tiens à souligner que notre système d’aide aux jeunes enfants est envié par les autres pays. C’est grâce à ces mesures que la France a le privilège de combiner un taux d’activité des femmes important et un taux de natalité élevé. Autrement dit, nous parvenons à concilier raisonnablement activité professionnelle et activité familiale, avec toutefois quelques bémols.

Globalement, les familles se disent satisfaites une fois qu’elles ont réglé un certain nombre de problèmes. Lorsqu’elles ne le sont pas, cela tient essentiellement au manque de places, particulièrement en crèches. Certains départements sont plus touchés que d’autres, notamment ceux du Nord et, dans une moindre mesure, de l’Ouest et de l’Est. Et le problème est beaucoup plus criant en milieu rural où l’offre d’accueil est insuffisante. Or, le milieu rural est en pleine mutation, il est en fait de plus en plus périurbain, les jeunes ménages étant souvent obligés de s’éloigner pour des raisons foncières. Ainsi, les problèmes de transport s’ajoutent aux problèmes de garde, l’assistante maternelle ou la crèche n’étant pas forcément situées près du domicile, tandis que la solidarité familiale joue moins que par le passé, tout simplement parce que les grands-parents ont désormais une activité professionnelle.

Qui plus est, le choix du mode de garde dépend souvent de critères socioprofessionnels. Autrement dit, plus la famille est aisée, plus elle a de possibilités de choix.

En ce sens, le complément de libre choix d’activité est le plus souvent choisi par des familles modestes et il handicape ainsi la carrière des femmes, sa durée en faisant une potentielle trappe à inactivité. D’une durée de trois ans, il peut être prolongé lorsqu’une deuxième naissance arrive dans l’intervalle, ce qui isole un peu plus la mère du milieu professionnel. Peu rémunéré, il s’adresse en priorité aux demandeuses d’emploi indemnisées et aux femmes peu qualifiées en situation de précarité. Parfois, ce congé marque le début de la spirale parce que le retour au travail est plus difficile, parce que les perspectives de carrière sont compromises, mais aussi parce qu’il peut être tentant d’en profiter en cette période de crise où il est difficile de trouver du travail. Or, ce raisonnement à court terme aura des effets à long terme, avec une probable précarisation des femmes, particulièrement des femmes âgées, car si elles ne reprennent pas le travail, leurs droits à la retraite seront amputés. Et que dire si un accident de la vie, une séparation, transforme la famille en famille monoparentale ?

En outre, le congé parental ne favorise pas la parité. Si le congé de paternité est relativement bien pris par les papas, il n’en est pas de même du congé parental, notamment parce que la perte de salaire est d’autant plus élevée que les revenus du père sont supérieurs, ce qui est généralement le cas. Outre qu’ils ont l’image d’une répartition sexuée des tâches liées à l’éducation et aux soins des enfants, les pères craignent de compromettre leurs perspectives de carrière et de revenus, mais aussi de donner une mauvaise image d’eux à leur entreprise.

Le complément de mode de garde (CMG) répond aux besoins financiers des familles plus aisées qui ont recours à un mode de garde individuel. Le montant en est plus élevé. La branche famille prend en charge la totalité des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une assistante maternelle et 50 % des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une employée à domicile. La famille bénéficie en outre d’un avantage fiscal si elle paie avec des chèques emploi service. C’est un effet pervers du CESU au regard de la justice sociale, même si on ne saurait oublier qu’il a permis de réduire le travail au noir.

En valeur absolue, les deux tiers des bénéficiaires du CMG ont des revenus mensuels compris entre 0 et 0,3 SMIC. Mais si cette allocation est accessible aux familles à bas revenus, ce volet de la PAJE est en fait surtout utilisé par les familles à hauts revenus. L’aisance financière est un facteur déterminant pour le choix du mode de garde à domicile – les jeunes ménages préférant toutefois les modes de garde collectifs aux assistantes maternelles.

En fonction du mode de garde choisi, des disparités importantes subsistent dans le taux de reste à charge pour les familles. Il est malheureusement proportionnellement plus lourd pour les familles à revenus modestes et des modifications sont donc nécessaires.

Dans les familles modestes ou à bas revenus, l’enfant est le plus souvent gardé par l’un des parents, et c’est souvent un mode de garde subi. Les familles à revenus plus élevés ont davantage recours à la garde par une assistante maternelle agréée ou à la crèche. Enfin, les familles très aisées recourent davantage à un mode de garde en accueil individuel ou à une garde à domicile.

Les besoins en équipements de garde pour la petite enfance vont croissant parce que les couples sont de plus en plus biactifs. L’accroissement de la demande de garde tient aussi au fait que les femmes ont leur premier enfant de plus en plus tard – aux alentours de vingt-huit - trente ans –, à un âge où la propension à utiliser les services de l’accueil de la petite enfance est supérieure. Leur motivation pour reprendre leur travail après la naissance est plus importante – car elles ont acquis une qualification ou un niveau de compétence plus élevé – et les revenus qu’elles peuvent consacrer à la garde des enfants sont plus importants.

Familles rurales a toujours défendu la solvabilisation des familles pour leur permettre de choisir les modes de garde qui leur conviennent ; c’est la notion de libre choix qu’évoquait M. Clochard. Les enquêtes montrent que les familles demandent des services plutôt que des aides en espèces. Pour quatre Français sur dix, la crèche est le mode de garde le plus bénéfique pour un enfant en bas âge. Pour la moitié d’entre eux elle est aussi le moins onéreux. Du reste, les accueils collectifs coûtent effectivement moins cher aux familles que le recours à une assistante maternelle. Et il est vrai qu’en milieu rural le manque d’accueil collectif pénalise les familles à bas revenus. Ainsi, il manquerait en France environ 300 000 à 500 000 places d’accueil, les besoins étant inégalement répartis sur le territoire.

Familles rurales souhaite vous faire des propositions qui s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe, qui est de favoriser l’accueil de l’enfant dans sa famille, se décline en quatre sous-propositions :

– adopter une démarche pragmatique de rapprochement entre offre et demande. Il existe de fortes disparités selon les territoires : chaque territoire, chaque type de famille a des besoins différents ;

– garantir une répartition plus équilibrée de l’offre d’accueil sur le territoire. L’offre est encore insuffisante. Il existe 320 000 places en établissements d’accueil collectif pour 2,4 millions d’enfants de moins de trois ans. L’objectif est de répondre autant que faire se peut au choix des parents. Ce n’est pas facile, mais avec le fort taux de natalité français, nous travaillons pour les générations futures ;

– allonger le congé de maternité tout en luttant contre un éloignement prolongé du marché du travail, notamment pour les femmes les moins qualifiées. C’est la logique de l’Union européenne. La durée légale du congé de maternité étant souvent prolongée par un congé pathologique, pourquoi ne pas clarifier les choses en allongeant le délai ? Lutter contre un éloignement durable des femmes qui ont un enfant du marché du travail est un enjeu d’autant plus fort, que ce sont surtout les familles modestes qui ont recours aux différentes formes de congé parental. Les éloigner du marché du travail alors qu’elles connaissent des difficultés d’insertion professionnelle n’est certainement pas leur rendre service, d’autant qu’en période économique difficile, elles risquent d’être la variable d’ajustement dans les statistiques du chômage. Faisons en sorte que ce ne soit pas le cas.

– raccourcir le congé parental à un an, avec une meilleure rémunération et une incitation au partage du congé entre les parents. Je pense très sincèrement que si ce congé était plus court, mieux partagé entre le père et la mère et assorti de mesures facilitant le retour à l’emploi – comme une formation pour le parent en fin de congé parental, visant à le réinsérer plus facilement dans son emploi –, le regard des employeurs, mais aussi de l’ensemble de la société serait différent. On finirait même par trouver normal que les parents fassent une pause au moment d’une naissance et les implications pour les carrières futures seraient beaucoup moins lourdes.

À Familles rurales, un groupe de réflexion recherche comment inciter fortement les pères à partager ce congé parental, d’autant que le contact avec le père et un meilleur partage des tâches de la parentalité ne peuvent être que bénéfiques pour l’enfant.

Deuxième axe : recourir à des modes de garde innovants.

Cela suppose tout d’abord de développer l’offre d’accueil des deux-trois ans en créant des jardins d’éveil même s’il est vrai que cette notion reste floue. Mais, étant donné le flux démographique et les difficultés rencontrées pour scolariser les enfants dès deux ans, les parents sont susceptibles de se reporter vers de tels lieux d’accueil. Familles rurales n’est pas opposé à ces structures, à condition que la qualification des personnels, le libre accès de tous et le financement soient garantis. Les jardins d’éveil traduisant un certain désengagement de l’Éducation nationale, pourquoi ne pas reporter le coût actuel de la scolarisation des deux-trois ans sur la branche famille pour qu’elle soit en mesure de financer ces structures ? Pour nous, il serait inconcevable que la charge financière de ces jardins porte sur les familles ou sur la branche famille.

Pour les enfants de plus de trois ans jusqu’alors gardés en accueil collectif sous forme de micros-crèches, il conviendrait d’étendre aux parents le bénéfice de la PAJE/accueil collectif jusqu’à la scolarisation effective. En effet, quand l’enfant n’a pas atteint ses trois ans en cours d’année scolaire, il est obligé d’attendre pour entrer à l’école maternelle mais la prestation s’arrête et l’accueil reste totalement à la charge de la famille.

Enfin, il conviendrait de préférer l’accueil en relais à l’ouverture de structures 24 heures sur 24 et de revaloriser la PAJE/garde à domicile pour répondre aux besoins de garde atypique. C’est très important car de très nombreux postes de travail sont concernés, en particulier dans le domaine de la santé.

Troisième axe : assouplir les contraintes financières pesant sur le budget des familles. Cela signifie d’abord de lever le reste à charge de 15 % pour les familles les plus modestes car il s’agit d’un frein au retour à l’emploi. En effet, si retourner travailler coûte trop cher à la mère, elle restera en congé parental ! Cela signifie ensuite de préférer la PAJE mensualisée au crédit d’impôt annualisé.

M. le coprésident Pierre Morange. Faute de temps, nous sommes malheureusement obligés de clore cette audition fort riche.

Au-delà des réserves et des critiques qu’il est nécessaire d’entendre, il me semble que vous faites tous le constat de l’efficacité de la politique familiale française, qui permet de concilier vie professionnelle et vie familiale, ce dont atteste un taux de fécondité que nous envient nos voisins.

Vous avez évoqué la complexité du dispositif, sa lisibilité, l’accès à la connaissance d’un droit pour les parents, le système de vase communicant entre les différents modes de garde dont les déficits sont compensés par des créations nouvelles mais sans amélioration du bilan global. Vous avez aussi déploré la prolifération des normes qui alourdit les coûts et freine le développement des modes d’accueil.

Au-delà de ces constats, il serait fort utile que chacun d’entre vous nous adresse, par écrit, des propositions extrêmement concrètes et précises, voire nous suggère des modifications législatives qui apparaîtraient nécessaires. Le rapport devant être publié fin mars, il serait bon que vous nous répondiez avant fin février.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il manque, nous avez-vous dit, entre 300 000 et 500 000 places, en particulier, ai-je cru comprendre, en termes d’accueil individuel, puisque le nombre de places total serait de 1 million, dont 320 000 en collectif. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce point car il est important que notre état des lieux repose sur les dernières données ?

Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France. Ce sont bien les chiffres.

Mme la rapporteure. J’aimerais connaître votre point de vue à tous sur l’accueil des deux-trois ans, car ce sujet important sera sans doute d’actualité d’ici peu.

Quelle est par ailleurs votre position quant à un raccourcissement du congé et sur le partage d’une partie au moins de ce congé entre le père et la mère.

Enfin, quelle est votre analyse du nombre d’assistantes maternelles au chômage, sujet intéressant qui n’a pas du tout été évoqué.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous l’aurez compris, c’est également par écrit que nous souhaitons que vous répondiez à ces questions, auxquelles j’en ajouterai une autre.

On a évoqué à de nombreuses reprises la notion de temps partagé ainsi que l’idée que la responsabilité parentale ne doit pas reposer au premier chef sur la mère. Et je suis en effet persuadé que la responsabilité partagée est un élément fédérateur de notre pacte républicain.

Dans l’arsenal conventionnel du monde du travail, le compte épargne temps permet de comptabiliser notamment les journées de congés et de repos issues de la réduction du temps de travail. C’est un sujet qui me passionne car j’y vois un moyen de concilier d’une part la productivité, la créativité et l’adaptabilité que la compétition internationale impose à notre système de production, d’autre part la nécessaire sécurité des salariés. Le compte épargne temps se caractérisant par une extraordinaire plasticité, il rend possible la conciliation entre temps de travail et de repos et permet à chacun de trouver une solution adaptée à ses projets de vie. On peut imaginer que les journées stockées sur un compte épargne temps soient mobilisées au titre de cette parentalité partagée.

Je vous remercie.

Mme la rapporteure. Merci beaucoup pour cette audition particulièrement intéressante.

*

Audition de M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), de Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et de Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT).

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous souhaite la bienvenue et je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je rappelle que les objectifs de la PAJE lors de sa création étaient la simplification des prestations, l’élargissement des modes de garde, la solvabilisation des familles et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Selon vous, ces objectifs ont-ils été atteints ? Des améliorations doivent-elles être apportées au système ? Merci de faire une synthèse des propositions concrètes de vos confédérations à ce sujet.

M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Nos préconisations se fondent sur les aspects positifs et négatifs de la prestation d’accueil du jeune enfant par rapport aux objectifs fixés lors de sa création.

Les aspects positifs sont d’abord quantitatifs : par rapport à l’ancienne aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA), au complément assistantes maternelles et à l’allocation de garde d’enfant à domicile (AGED), il y a eu un élargissement des conditions d’ouverture des droits – notamment avec la transformation de l’allocation parentale d’éducation (APE) en complément de libre choix d’activité (CLCA) avec ouverture du droit au premier enfant – et une augmentation importante du montant des prestations servies puisqu’elles sont passées en peu de temps de 8 à 11 milliards d’euros.

Les aspects négatifs – ou qui montrent qu’on est resté au milieu du gué – sont de plusieurs ordres.

Premièrement, la PAJE n’a pas favorisé, comme on l’espérait, un libre choix du mode de garde. On a constaté, au contraire, une faible progression du nombre d’assistantes maternelles et le nombre de départs à la retraite dans les prochaines années ne laissent pas d’inquiéter.

Deuxièmement, bien que le phénomène ne soit pas lié à la PAJE, on observe une forte baisse de la scolarisation des enfants de deux à trois ans.

Troisièmement, l’augmentation intéressante du nombre d’enfants en garde collective ne fait que suivre la natalité.

Finalement, le pourcentage d’enfants gardés à l’extérieur du domicile a légèrement baissé. Alors que l’on pensait que le CLCA favoriserait le retour à l’emploi des femmes, les prestations à taux complet venant s’ajouter à celles à taux partiel, tous les rapports montrent qu’une clientèle nouvelle un peu plus aisée a bénéficié du taux partiel tandis que les familles modestes sont restées sur le taux plein. Or une proportion non marginale de femmes qui prennent le taux plein arrêtent de travailler en raison de contraintes financières ou faute de modes de garde.

Enfin, si l’effort financier consenti a globalement réduit le taux d’effort des familles, pour l’accès aux assistantes maternelles, cet effort demeure plus important pour les familles modestes. Ce problème est accentué par le fait qu’il ne peut pas y avoir de crèches partout.

J’en viens aux préconisations de la CFDT. Pour nous, les difficultés des familles et, pour partie, le retrait des femmes du marché du travail résultent d’une double difficulté : le coût de la garde pour certaines familles et le manque de places, deux éléments qui font que l’objectif de libre choix du mode de garde n’a pas été atteint.

Première préconisation : pour éviter le retrait contraint du marché du travail, qui touche majoritairement les femmes les moins qualifiées, nous souhaitons qu’une réflexion soit menée en vue de réduire la durée des congés parentaux CLCA et complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) et de mieux les rémunérer, tout en sachant que cela doit s’accompagner d’un développement important de l’ensemble des modes de garde.

Le coût d’accès aux modes de garde par les assistantes maternelles demeurant trop élevé pour les familles modestes, nous demandons par ailleurs qu’un état des lieux complet – prenant en compte à la fois les prestations familiales et les mesures fiscales – soit réalisé sur les restes à charge. Cette étude pourrait être menée soit par la MECSS soit par le futur Conseil de la famille.

Pour la garde par des assistantes maternelles, le taux d’effort des familles au SMIC est actuellement de 10 %, contre 5 % pour les familles ayant des revenus un peu plus élevés. Nous demandons que le taux d’effort des familles, pour la garde en crèche comme par des assistantes maternelles, soit davantage proportionné au revenu, en prenant en compte l’ensemble des mesures fiscales et familiales.

Le dispositif du crédit d’impôt est peu utilisé car les personnes modestes ne peuvent pas faire l’avance d’une année. C’est ce qui a conduit le Président de la République à lancer l’idée d’une avance sur crédit d’impôt. Le Conseil économique, social et environnemental réfléchit à son application à la petite enfance à travers le système de la PAJE.

Nous souhaitons que l’ensemble des financeurs potentiels de modes de garde travaillent ensemble pour développer tous les dispositifs de garde possibles et imaginables. Cela concerne aussi bien plusieurs ministères, dont celui de l’Éducation nationale, que le secteur privé à travers les crèches parentales, dès lors que sécurité et qualification sont assurées.

Nous sommes favorables à un développement plus important des modes de garde collectifs, en particulier des crèches, ainsi que, dans la mesure où il ne peut pas y avoir des structures lourdes partout, à la création de micro-crèches.

M. le coprésident Pierre Morange. Êtes-vous favorables à un desserrement du carcan normatif et réglementaire qui limite la création et le fonctionnement de nombreuses structures d’accueil collectives ?

M. Yves Verollet. J’en viens aux assistantes maternelles, ce qui répondra en partie à votre question. Je l’ai dit, leur nombre n’a pas beaucoup progressé et un certain nombre d’entre elles sont au chômage. Dans tous les quartiers – pas seulement les quartiers difficiles – des femmes pourraient très bien faire ce métier mais leur logement ne leur permet pas d’accueillir des enfants. Compte tenu de ces éléments, nous sommes favorables aux regroupements d’assistantes maternelles, que ce soit sous forme associative, de société coopérative de production (SCOP) ou de groupements d’employeurs, sous réserve, là encore, que la sécurité soit assurée.

Cela ne répond pas complètement à votre question mais ce n’est pas à un parlementaire que je dois rappeler l’importance de vérifier que toutes les précautions sont prises.

Nous sommes également favorables à des regroupements pour les gardes à domicile, par exemple dans le cadre des relais d’assistantes maternelles (RAM).

Autre élément qui concerne davantage les partenaires sociaux : nous souhaitons une négociation sociale forte sur ces sujets. Des outils comme le chèque emploi service universel (CESU) préfinancé ou, pour les entreprises, le crédit d’impôt famille pourraient alimenter cette négociation.

Enfin, bien que je n’aie pas une position ferme et définitive sur la question, la réflexion menée actuellement sur les jardins d’éveil pour les enfants de deux et trois ans me semble intéressante.

Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). La CFE-CGC se réjouit du travail accompli dans le domaine de la garde du jeune enfant car il a permis une amélioration notable tant des modes de garde que des montants des prestations. Nous émettons cependant une réserve d’ordre éthique : dans le cadre de la politique de natalité conduite par la France, tous les citoyens et toutes les citoyennes qui font des enfants devraient bénéficier des prestations famille. Nous ne demandons pas de toutes les déplafonner mais au moins une pourrait l’être, afin d’associer l’ensemble des femmes de France.

Mme la rapporteure. Pour quels motifs ?

Mme Dominique Jeoffre. Au motif qu’une prestation n’est pas une aide adaptée. Tous ceux qui font des enfants doivent y avoir droit du fait qu’ils font aussi un effort pour la France.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous fournir une estimation précise du coût induit par le déplafonnement que vous souhaitez ?

Mme Dominique Jeoffre. Nous nous y emploierons.

Nous considérons que le système de la PAJE a permis le développement des modes de garde et qu’il répond en ce sens aux demandes des parents.

Pour améliorer la qualification, offrir de nouveaux débouchés aux élèves en difficulté scolaire et développer encore les modes de garde, nous proposons de créer, dans le cadre scolaire, une nouvelle formation diplômante pour les métiers de la garde d’enfants et de les revaloriser en leur donnant une nouvelle appellation. Un jeune qui n’a pas les capacités de poursuivre ses études après la troisième pourrait s’orienter vers cette filière, dont les débouchés sont assurés. Cela fournirait des personnels qualifiés et élargirait les types de modes de garde, ce qui compenserait la diminution du nombre des structures d’accueil collectives classiques, permettrait de s’adapter aux horaires atypiques et même de créer des structures complémentaires pour accueillir les enfants malades.

Une question pour terminer : que devient une femme qui se trouve enceinte avant d’avoir atteint les huit trimestres d’activité imposés pour percevoir le CLCA ?

Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT). La CGT revendique depuis longtemps la mise en place d’un véritable service public – diversifié – d’accueil des jeunes enfants. La PAJE, née de la conférence de la famille de 2003, ne répond donc pas à notre attente puisqu’elle est réservée à l’accueil individuel. L’accueil collectif a, certes, bénéficié, concomitamment, d’une augmentation sans précédent des dépenses autorisées par la CNAF en matière d’investissements, ce qui a permis le développement des crèches à un moment où elles étaient en fort recul. Mais, en 2006, un redressement important a abouti à une nouvelle régression.

La PAJE n’a pas permis une simplification des prestations famille puisqu’elle a regroupé sous un même vocable les prestations existant antérieurement.

L’augmentation des compléments de mode de garde inscrits dans la PAJE, notamment pour les salaires les plus modestes, a permis en revanche un rééquilibrage entre les contributions pour l’accueil individuel et pour l’accueil collectif.

La PAJE a donc renforcé l’accès à l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif. La réserve que nous avions émise au moment de sa création s’est d’ailleurs confirmée : le versement de prestations directement aux parents aboutit presque automatiquement à une augmentation des tarifs des assistantes maternelles, si bien que les familles n’ont pas bénéficié d’une meilleure solvabilisation, ce qui était pourtant l’un des objectifs de la PAJE. C’est un des défauts du système. Les crèches familiales sont également composées d’assistantes maternelles mais les parents ne sont pas les employeurs. Ils ne sont que les usagers de la structure. La directrice, qui est souvent une puéricultrice, fait la médiation entre eux et les assistantes maternelles. La structure s’occupe également de leur formation et les enfants peuvent être accueillis pendant le temps de cette formation, ce qui n’est pas le cas quand ils vont chez des assistantes maternelles indépendantes.

Selon la Cour des comptes, la PAJE a davantage profité aux familles aisées qu’aux familles modestes. Nous aimerions savoir ce que l’on entend par « aisées », notamment quand les deux parents travaillent. Si l’on met la barre à 1 000 euros, il y a un problème. Une émission de télévision programmée ce soir montre, à partir de témoignages, les difficultés que rencontrent les couples qui ont 1 500 euros pour vivre.

Nous nous félicitons qu’un certain nombre de parents aient pu accéder au temps partiel – souvent à 80 % – en étant solvabilisés en partie par la PAJE. Cela leur a permis de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Ils sont parfois contraints de recourir au temps partiel surtout dans les zones urbaines, lorsque certaines assistantes maternelles souhaitant également travailler à temps partiel, n’offrent qu’un accueil réduit. Pour le premier enfant, cela n’est pas compensé par le COLCA.

On peut toujours souhaiter que les participations des familles soient alignées sur celles demandées pour les équipements collectifs. Encore faut-il que la qualité d’accueil soit la même. Si, comme nous le souhaitons, les assistantes maternelles exerçaient dans le cadre d’un service public, la question ne se poserait pas. Tout le monde serait au même barème.

Les barèmes sont d’ailleurs trop élevés puisqu’ils supposent une participation financière des familles à hauteur de 10 ou 12 %.

Nous sommes frappés par la disparité de l’offre – que la PAJE n’a pas réduite – sur le plan tant géographique que des tarifs, qui peuvent passer du simple au double sans justification particulière, ni du point de vue professionnel, ni du point de vue du service rendu. Personne ne paie pareil et personne n’a le même service. C’est assez choquant.

Le coût des structures d’accueil et ce qui est appelé par certains « le carcan réglementaire » qui augmenterait encore leur coût, devraient être mis en regard, en termes de PIB, de ce que rapporte à la société, en contributions sociales et impôts de toutes sortes, la double activité d’un couple. Dans son rapport intitulé « Accueil et éducation des jeunes enfants dans les pays riches » l’UNICEF souligne que « la bonne qualité de l’accueil et l’éducation de l’enfant améliorent son potentiel et son développement cognitif, émotionnel et social. Cela peut contribuer à améliorer ses résultats scolaires, promouvoir son intégration, développer le sens civique en société, favoriser l’égalité des chances pour les femmes. » Quand on prend en compte le fait que la qualité de l’accueil des jeunes enfants conditionne une bonne partie de la qualité du développement économique et social d’un pays, on est davantage prêt à y consacrer l’investissement nécessaire. On se dirige vers une société de la connaissance. C’est donc dès le plus jeune âge qu’il faut favoriser le développement de l’enfant. Il faut pour cela de vrais métiers et une vraie formation professionnelle. Nos connaissances sur le développement de l’enfant ont fait de grands progrès. Une société moderne doit en tenir compte.

Or, toutes les annonces qui sont faites, toutes les mesures qui viennent d’être votées vont dans le sens d’une déréglementation sans précédent.

Nous ne poussons pas au développement des micro-crèches, à moins qu’elles soient tenues par un personnel vraiment qualifié, ce qui n’est pas imposé.

Nous ne sommes pas non plus favorables au regroupement des assistantes maternelles. Nous ne voyons pas comment cela peut s’organiser. Les parents vont rester dans une relation de gré à gré. Quelles qualifications auront les personnes qui devront gérer une véritable petite structure ? La formation imposée aux assistantes maternelles est de soixante heures avant de commencer à travailler, puis de soixante heures dans les cinq ans qui suivent, soit seulement 120 heures de formation au total !

Nous sommes opposés, ainsi que de nombreux professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI), à l’attribution de quatre enfants de moins de trois ans par assistante maternelle. Cela revient à s’occuper de quadruplés… Pour une personne seule, sans encadrement ni suivi, cela nous semble dangereux. Inquiets, les parents ne donneront pas leurs enfants à garder dans ces conditions et les mères seront donc incitées à arrêter de travailler.

Une étude réalisée à Grenoble montre que les parents qui mettent leurs enfants en crèche ont un travail de meilleure qualité et une meilleure productivité. Si les parents sont inquiets, on obtiendra l’inverse.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). La CFTC a soutenu la création de la PAJE parce que ce dispositif avait pour but de simplifier les prestations offertes aux familles et de leur permettre de prévoir l’avenir de la famille et de l’enfant.

Nous en faisons aujourd’hui un bilan en demi-teinte.

Les modes de garde offerts aux parents ne répondent pas à 100 % à leurs attentes.

En premier lieu, l’offre varie beaucoup selon les lieux de travail ou d’habitation, en ville ou à la campagne, si bien que les parents ont du mal à s’organiser.

Ensuite, le travail des assistantes maternelles est sous-valorisé. Il y a vingt ou trente ans, on les voyait comme des personnes ayant raté leurs études et ne sachant pas quoi faire d’autre. En outre, parce qu’on considérait qu’une femme avait une aptitude innée à s’occuper d’enfants, on ne leur offrait ni diplôme ni reconnaissance. Nous payons cela aujourd’hui. Il faut créer un métier d’assistante maternelle et l’ouvrir aux hommes, pour qu’ils puissent partager cette belle expérience de la vie.

Par ailleurs, dans les crèches, qu’elles soient communales ou inter-entreprise, les assistantes maternelles ne bénéficient d’aucun suivi, ni médical – elles n’ont pas accès à la médecine du travail – ni professionnel. Elles n’ont pas droit à la formation tout au long de la vie. Tant qu’elles ne seront pas considérées comme des salariées comme les autres, il n’y aura pas d’engouement pour ce métier qui permet pourtant d’élever et d’éduquer nos enfants, et qui donne aux parents la possibilité d’aller travailler sereinement dans les entreprises qui font vivre le pays.

Nos préconisations sont donc les suivantes.

Il importe, tout d’abord, d’augmenter et de diversifier l’offre de garde et de valoriser le métier d’assistante maternelle en l’inscrivant dans un parcours scolaire afin de le rendre plus attractif. Il ne doit plus être associé à l’idée d’échec scolaire ou de pis-aller professionnel. Garder un enfant est beaucoup plus important qu’on ne le croit.

Il faut par ailleurs faire attention aux élargissements d’horaires dans les crèches. Au motif qu’il va falloir travailler plus et plus longtemps, on prône leur ouverture de huit heures à vingt-deux, voire vingt-trois heures. Cela se fait déjà dans certaines entreprises qui demandent ainsi aux parents – notamment quand ils sont cadres au forfait – de faire des heures supplémentaires, sous le prétexte qu’ils disposent d’un mode de garde. Or, il n’est pas permis qu’un enfant reste plus de sept heures dans une crèche.

Dans le cadre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, nous avons beaucoup travaillé avec le ministre du travail sur le lien entre famille et entreprise. La CFTC a présenté, en septembre 2008, trente-quatre propositions sur les moyens d’articuler vie dans l’entreprise et vie familiale afin que les parents ne se sentent pas coupables d’avoir un enfant malade ou d’arriver en retard pour telle ou telle raison. La garde des enfants ne peut pas se faire sans les entreprises ni sans un changement de mentalité en la matière.

Nous sommes un peu déçus que le ministre du travail soit parti sans avoir fini son travail sur le temps partiel, notamment, sans qu’ait eu lieu la table ronde sur le temps partiel, pour lequel nous avions aussi des propositions. Les femmes qui décident de travailler à temps partiel le font souvent à cause d’un problème de garde d’enfant ou de reste à charge trop élevé. Une réflexion sur ce sujet ne peut pas se faire sans le monde du travail. Elle ne doit pas être cloisonnée, une partie étant menée à l’Assemblée nationale, une autre par le ministère du travail, une autre encore par le conseil supérieur de l’égalité professionnelle. La famille ne peut pas se construire sans l’entreprise tout comme l’entreprise ne peut pas fonctionner sans tenir compte de la vie familiale.

Les enfants de deux à trois ans ne nécessitent plus le même mode de garde que les tout-petits à la crèche mais ils ont encore besoin d’une éducation particulière. Les « jeter » tout de suite dans une école maternelle ne nous semble pas la bonne solution. Nous prônons donc la création de classes passerelles. Certaines entreprises l’ont déjà fait. Le Crédit Lyonnais dispose ainsi sur les grands boulevards d’une crèche qui accueille les enfants jusqu’à la fin de leur quatrième année : entre deux et trois ans, ils sont dans une classe un peu passerelle, de trois à quatre ans, la classe va, de temps en temps, rejoindre les autres enfants à la maternelle, les parents recevant les mêmes aides que leur enfant ait trois mois ou quatre ans. Cela permet une entrée en douceur dans le monde scolaire.

Je rappelle enfin que nous réclamons depuis bientôt trente-six ans l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Être une femme et avoir des enfants ne doit plus être un handicap par rapport à l’homme. On ne doit plus choisir son mode de garde par rapport au montant de la fiche de paye mais en fonction de sa disponibilité et de sa compétence.

Mme la rapporteure. Le nombre de places en accueil collectif progresse légèrement depuis quelques années. Il est vrai que cette progression est masquée par le fort taux de natalité – 840 000 nouveau-nés en 2008 – et par le retrait, depuis deux ans, d’un certain nombre d’enfants de deux et trois ans de l’école maternelle. C’est sans doute ce qui a pu conduire à parler de « régression ».

Nous aimerions que vous nous fassiez connaître par écrit votre point de vue sur un certain nombre de sujets, dont certains ont été évoqués mais que nous n’avons hélas plus le temps de traiter en profondeur :

– l’accueil des enfants de deux et trois ans. Je rappelle que, quand un enfant entrait à la maternelle à deux ans, l’accueil était gratuit. Les classes passerelles semblent une bonne solution. Il convient de réfléchir à leur financement par la collectivité et les familles ;

– l’allongement du congé de maternité ;

– les moyens de rendre plus attractif le métier d’assistante maternelle. Comment analysez-vous les raisons du fort taux de chômage qui frappe actuellement les assistantes maternelles ?

– que pensez-vous de l’idée de raccourcir le complément de libre choix d’activité et de le partager entre le père et la mère ?

– quelle est votre opinion quant au fractionnement du CLCA ou du COLCA jusqu’au 16 ans de l’enfant ?

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions.

*

Audition de M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales, et Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général, et de Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA), et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale. Vous connaissez le thème sur lequel notre mission a choisi de travailler et nous attendons aujourd’hui de vous des avis, des analyses, mais surtout des propositions concrètes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Simplification des prestations, élargissement des modes de garde, solvabilisation des familles, conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : tels étaient les objectifs assignés à la PAJE. Cinq ans après son lancement, l’occasion nous est donnée d’en faire le bilan et il nous a paru en effet important de recueillir votre avis.

Considérez-vous en particulier que le système est équitable, que les aides sont efficaces pour les familles, qu’elles permettent aux salariés – en particulier aux femmes, qui sont souvent les plus directement concernées par les tâches domestiques – de concilier vie familiale et vie professionnelle ? Comment faire en sorte que les pères prennent toute leur place ?

M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME). Si le dispositif de la PAJE ne simplifie pas forcément les démarches, regrouper en un seul système l’ensemble des aides à l’accueil de la petite enfance répond à l’objectif recherché. Cela est également utile aux jeunes ménages, par l’harmonisation des réponses aux contraintes de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi qu’aux entreprises qui bénéficient d’une meilleure implication et d’une diminution du stress des salariés.

Ce système s’est révélé coûteux parce qu’il n’avait pas été possible de bien l’évaluer préalablement mais il est efficace puisqu’il accompagne – pour ne pas dire qu’il la suscite – une hausse de la natalité dont la France peut s’enorgueillir.

La PAJE est une compensation financière et elle est donc très certainement perfectible sur le plan humain, le chantier restant également ouvert sur les plans individuel, local, collectif et associatif. On doit en particulier s’efforcer d’améliorer la formation des assistantes maternelles, de fluidifier le marché car aujourd’hui certaines assistantes sont au chômage alors que l’on manque de place pour les jeunes enfants. Mais, au total, on peut considérer qu’on est sur la bonne voie.

Il convient donc de pérenniser ce dispositif, d’autant que l’universalité des versements quelle que soit la situation des ménages permet de couvrir largement le spectre des personnes concernées. Sans doute faut-il toutefois améliorer la gestion des prestations, en particulier en regardant de plus près la répartition entre les prestations familiales non prioritaires et la gestion interne des caisses, dont l’organisation est actuellement en discussion.

M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales de la CGPME. L’avantage de la PAJE tient au fait qu’elle regroupe les différents dispositifs préexistants et qu’elle donne ainsi une meilleure lisibilité aux destinataires. Toutefois, lorsqu’on entre dans le détail, on s’aperçoit que la lecture n’est pas tout à fait aussi aisée qu’il y paraît. En effet, si les quatre volets de la PAJE sont assez faciles d’accès, en revanche il est plus compliqué de déterminer si l’on doit s’orienter vers le complément du mode de garde ou vers le complément de libre choix d’activité. Il serait peut-être bon d’essayer de clarifier et de simplifier encore la déclinaison du dispositif.

Il faut aussi s’efforcer que le système bénéficie à tous ceux qui ont des enfants ou qui sont susceptibles d’en avoir, donc éviter d’aller vers des critères plus drastiques pour l’obtention des compléments.

La PAJE présente également l’avantage de compenser les déficiences relatives des modes d’accueil collectifs, en particulier dans les grandes métropoles. Le complément de mode de garde offre aussi une certaine liberté de choix entre garde à domicile et garde chez une assistante maternelle. Le CLCA à taux réduit permet à toutes les femmes – car se sont bien les principales bénéficiaires de ce dispositif – de mieux combiner vie familiale et vie professionnelle.

Vous nous avez aussi demandé, Monsieur le président, de vous faire des suggestions. La CGPME a déjà transmis des propositions à Mme Tabarot lorsqu’elle préparait son rapport. Il s’agissait toutefois moins de la PAJE que des modes de garde collectifs, en particulier en élargissant les possibilités de recours aux crèches, aux haltes garderies, voire aux crèches interentreprises. Cela suppose que ces modes de garde bénéficient d’un soutien plus efficace de l’État mais aussi des municipalités.

Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA). Vous avez rappelé, madame la rapporteure, les trois grands objectifs fixés à la prestation d’accueil du jeune enfant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 : simplification du dispositif d’aide à la garde ; diversification des modes de garde ; meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

En qualité de représentante des entreprises du secteur de l’artisanat, mon propos sera essentiellement centré sur ce dernier objectif. J’imagine que c’est bien sûr cette thématique particulière que vous souhaitiez entendre le monde de l’entreprise.

Pour autant je n’écarterai pas les deux premiers objectifs dont l’UPA considère qu’ils ont été peu ou prou atteints.

Il serait faux de dire que la mise en place de la PAJE n’a pas été source de simplification puisqu’elle regroupe six prestations antérieures différentes. Cela participe de la meilleure lisibilité dont a besoin l’éventail des prestations familiales de notre pays, qui relève encore trop souvent du parcours du combattant pour l’allocataire.

La PAJE a par ailleurs permis une meilleure solvabilisation des ménages en leur donnant davantage de moyens pour payer les différents modes d’accueil.

Elle a enfin – nous y étions attachés – préservé le principe du libre choix en garantissant la diversité des modes de garde offerts aux parents. Mais préserver le principe est une chose, en assurer l’effectivité en est une autre.

Or le troisième objectif assigné à la PAJE, c’est-à-dire permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale, ne peut être atteint de façon satisfaisante que si on est véritablement en capacité d’offrir un mode de garde, quel qu’il soit, adapté à la situation du salarié de sorte qu’il ne soit pas dans l’obligation de faire un choix contraint, par défaut.

Nous avons, dans l’artisanat, de nombreux métiers à forte densité féminine. En dépit d’avancées indéniables, la charge de la conciliation entre vie familiale et la vie professionnelle repose encore essentiellement sur les femmes. Et force est de constater qu’un pourcentage non négligeable de femmes qui se sont arrêtées pour garder leur enfant, l’ont fait non par choix mais en l’absence d’autre solution de garde. Ainsi, 25 % des parents qui gardent leur enfant le feraient par nécessité et non par choix. Or un tel choix contraint peut avoir des conséquences négatives non seulement sur la vie familiale, sur l’évolution professionnelle du salarié, mais aussi sur l’organisation et la bonne marche de l’entreprise où il travaille, aspect auquel, vous vous en doutez, nous sommes particulièrement sensibles.

Bien entendu, pour faciliter cette conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, l’entreprise peut agir notamment par le biais de l’aménagement des horaires de travail.

La flexibilité des horaires et le temps de travail partiel choisi relèvent pour l’essentiel de la responsabilité des entreprises. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, de telles mesures sont plus aisées à mettre en œuvre dans une grande entreprise que dans une petite structure. Une petite entreprise avec un effectif de deux ou trois salariés est indéniablement fragilisée lorsqu’elle perd un collaborateur qui se retire du marché du travail ou qui se voit contraint de réduire son nombre d’heures pour garder son enfant, faute de solution adaptée. Cette fragilisation peut être accrue lorsque la qualification du salarié le rend difficilement remplaçable.

En dépit des difficultés, les entreprises et les partenaires sociaux ne sont pas restés inactifs : ils ont pris leur responsabilité dans l’aide aux parents salariés pour combiner travail et vie familiale.

En effet, le droit du travail, qui comporte un certain nombre de clauses relatives à la prise en compte de la vie familiale des salariés par les employeurs – droits à congés et autorisations d’absence à l’occasion d’événements familiaux notamment –, est complété par les conventions collectives qui peuvent prévoir des clauses spécifiques.

Les lois relatives aux « 35 heures » ont eu un impact sur l’organisation de la vie familiale des salariés, notamment sur celle des parents de jeunes enfants. Elles ont en outre relancé la négociation dans les entreprises, permettant ainsi d’inscrire à l’ordre du jour les questions de conciliation vie familiale-vie professionnelle.

La loi de 2005 sur l’égalité salariale, qui vise à réduire l’écart de salaire entre les hommes et les femmes en stimulant la négociation collective sur l’égalité, comporte plusieurs dispositions à ce propos.

Cependant, malgré cette palette de prestations et de services en matière d’accueil des enfants, les besoins restent non couverts : en dépit des importants efforts déployés, l’offre d’accueil reste insuffisante et inégalement répartie. Le rapport de Mme Tabarot est éloquent : répondre à la demande impliquerait de créer, tous modes de garde confondus, entre 300 000 et 800 000 places supplémentaires.

Si le constat chiffré est préoccupant, pour autant on ne peut nier les efforts déployés pour développer des dispositifs de garde d’enfants, condition indispensable à une articulation sphère privée-sphère professionnelle profitable aux salariés.

J’insiste à cet égard sur la mobilisation des entreprises pour soutenir le dispositif d’accueil des jeunes enfants, mobilisation favorisée par des incitations financières mises en place par l’État puisque les entreprises qui aident leurs salariés à concilier leurs temps de vie bénéficient de dispositifs d’allègements fiscaux et sociaux : crédit d’impôt famille, crédit d’impôt CESU, exonération de cotisations et de contributions sociales pour les subventions de fonctionnement de crèches d’entreprise ou interentreprises versées par les employeurs.

Pour autant les résultats de ces incitations demeurent pour le moins limités. Malgré des développements récents, le parc de crèches d’entreprise reste un appoint pour l’accueil des très jeunes enfants, loin derrière les structures publiques et les assistantes maternelles. Selon la CNAF, depuis 2004, 180 porteurs de projet seulement ont manifesté leur souhait de bénéficier des fonds de l’action sociale. En outre, seuls quelques très grands groupes se sont saisis de cet outil. En effet, les difficultés juridiques et pratiques et le coût financier rendent très difficile le développement de modes de garde collectifs d’entreprise ou interentreprises, si ce n’est pour des sociétés d’une certaine taille ou pour les zones où une mutualisation est possible. Les petites entreprises ne sont pas en mesure de proposer ces services à leurs salariés.

Qui plus est, soyons honnêtes, l’utilisation du « crédit impôt famille » relevait plutôt de l’effet d’aubaine puisque très peu d’entreprises ont déclaré des dépenses destinées à offrir des modes de garde collectifs à leurs salariés. Parmi la liste des dépenses éligibles au crédit d’impôt figurent également les sursalaires versés aux salariées en congé maternité. Or, ces dépenses, qui représentent la majorité des déclarations des entreprises, ont souvent été prévues dans les conventions collectives ou dans des accords d’entreprise avant même la mise en place de cette incitation.

La réforme du crédit impôt famille prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, devrait permettre de corriger ces effets et de redonner tout son sens à ce dispositif.

En tout état de cause, il est nécessaire de diffuser une information à toutes les entreprises car le dispositif est très mal connu, en particulier des PME et des TPE.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que, par essence, les entreprises du secteur de l’Artisanat, en raison de leur taille et de leur mode de fonctionnement, sont culturellement et philosophiquement ancrées sur des principes de solidarité et d’entraide. Ce n’est ni par contrainte ni par obligation mais bien par état d’esprit : nous avons le souci d’un patronat à visage humain. Les chefs d’entreprises artisanales pratiquent au quotidien une solidarité de proximité avec leurs salariés dans le cadre de l’entreprise mais aussi en dehors. Face aux événements familiaux qui touchent leurs salariés, les artisans adaptent en effet naturellement leur quotidien pour aider au mieux leur collaborateur. Nous tenons compte de la vie familiale de nos salariés dans l’organisation du travail et des horaires de nos entreprises, lorsque cela nous est possible. Grâce à notre adaptabilité nous venons, autant que faire ce peut, en complément aux offres de prestations familiales liées à un événement familial.

Nos entreprises sont dans une relation « gagnant-gagnant », car le taux d’activité professionnelle est étroitement lié à la qualité des réponses aux contraintes de la vie familiale.

Il existe à l’évidence une relation claire entre une offre de garde importante et un taux élevé d’emploi, en particulier des femmes. Une étude récente mise en avant par le rapport de Mme Tabarot montre que la création de 100 places de crèches permet de sauvegarder 15 emplois équivalent temps plein.

Notre secteur est reconnu comme une source majeure de création d’emplois. Sa capacité sera d’autant plus libérée que nous serons capables d’apporter les solutions adaptées, en particulier sur cette question de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme la rapporteure. J’aimerais que les représentants des syndicats d’employeurs nous donnent leur sentiment sur l’allongement éventuel du congé maternité et sur la possibilité de raccourcir le complément de libre choix d’activité, afin de tenir compte des difficultés que rencontrent les femmes à se réinsérer sur le marché du travail au bout de trois ans. Ne pourrait-on dans ce cadre envisager l’usage d’un compte épargne temps jusqu’aux 16 ans ou jusqu’à la majorité de l’enfant ? Ne conviendrait-il pas de permettre aux conjoints ayant opté pour le CLCA de bénéficier d’une formation – par exemple à temps partiel au cours du congé – afin de réintégrer plus facilement l’entreprise ? Pensez-vous enfin que le CLCA pourrait être partagé entre les deux parents ?

M. Pierre Triadou. L’allongement du congé de maternité n’est pas une priorité pour les entreprises, qui préféreraient largement un raccourcissement du CLCA, qui permet un retour plus rapide à son poste de travail, quitte à l’accompagner, en effet, d’une formation.

Le partage du congé entre les deux parents est une tendance qui nous vient des pays nordiques et qui est appelée à se développer progressivement, en fonction du poste occupé par l’un ou par l’autre.

Mme la rapporteure. On pourrait envisager de rendre ce partage obligatoire, au moins un certain temps, pour l’autre parent.

M. Pierre Triadou. Je ne pense pas que nous vous suivrions dans cette voie : il faut laisser les parents et les entreprises choisir librement l’organisation la plus souple et qui leur convient le mieux. Cela se fait déjà de façon informelle dans les PME, lorsque l’on choisit entre travail à temps partiel, travail à domicile, travail sur internet, etc. On procède à des arrangements dans le respect des intérêts des uns et des autres, surtout quand il s’agit de cadres à un niveau tel qu’on ne peut pas les remplacer, qui veulent rester dans le monde du travail et ne pas interrompre leur carrière de façon brutale, ce qui rend ensuite le retour plus difficile.

Mme la rapporteure. Des difficultés peuvent se poser lorsqu’un des parents a un salaire supérieur à l’autre, mais cela renvoie aussi à la nécessité de parvenir à la véritable égalité des femmes et des hommes dans le monde du travail.

M. Pierre Triadou. En effet, dans la discussion sur l’égalité, l’évolution des modes de garde et la combinaison, éventuellement au cours d’une même journée, de différents types de garde sont des éléments importants. Le manque de fiabilité de la présence des femmes au travail est souvent avancé comme justificatif des différences de salaires. Si cette difficulté est résorbée, la différence de salaires va naturellement se réduire, d’autant que le travail sur internet est désormais plus fréquent que le travail en force. Cette évolution s’accompagnera de discussions mais elle me paraît inéluctable. On peut donc avoir confiance dans l’avenir et dans l’attitude des entreprises, qui ont tout intérêt à ce que leurs collaborateurs soient bien traités et se sentent à l’aise dans leur vie familiale comme professionnelle.

Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général de la CGPME. La CGPME compte parmi ses adhérents beaucoup de très petites entreprises de moins de 25 salariés. Or, la taille de l’entreprise est essentielle quand on aborde ces problématiques : certes, la proximité entre le salarié et le chef d’entreprise permet souvent de négocier directement, mais ce dernier a besoin de disposer de l’ensemble de ses salariés et l’allongement du congé de maternité pourrait être difficile à compenser.

M. Philippe Chognard. Raccourcir le CLCA pourrait être un peu dangereux car cela obligerait à rechercher un autre mode de garde entre son arrêt et l’entrée en maternelle, qui n’est effective qu’à partir de trois ans. En effet, nous avons constaté que les entrées en maternelle à deux ans sont en nombre décroissant et portent à controverse parmi les personnels de l’Éducation nationale, sans doute insuffisamment formés pour cela.

Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement à l’UPA. Nous ne sommes pas très éloignés des positions de la CGPME.

Nos adhérents sont souvent des entreprises de moins de dix salariés pour lesquelles l’allongement du congé de maternité serait très compliqué, en particulier parce que nous avons besoin de personnels très qualifiés pour lesquels le marché de l’emploi est particulièrement tendu. Nous nous situons donc plutôt dans une logique d’adaptation d’horaires et de temps de travail. Pour autant, il ne paraît guère envisageable de réduire le congé de maternité car nous avons affaire à une population assez féminisée.

Cela vient d’être dit, limiter le CLCA à deux ans obligerait les parents à trouver un nouveau mode de garde entre deux et trois ans, au risque de les mettre dans une situation de stress qui aurait des effets au sein des entreprises car on sait qu’un salarié serein est plus efficace dans son travail.

Partager le congé entre les deux parents, pourquoi pas ? On sait bien que le choix se fait le plus souvent autour de la question salariale. En fait la situation dépend beaucoup du secteur d’activité. Ainsi, dans le bâtiment, les artisans sont souvent des hommes tandis que les femmes ont le statut de conjoint collaborateur et s’occupent des enfants.

Je ne suis pas certaine que l’idée de rendre obligatoire le congé en l’assortissant d’un crédit temps soit très adaptée aux très petites entreprises de l’artisanat.

Il est indéniable qu’il faut réfléchir à l’accueil en crèche collective et à la formation des assistantes maternelles, mais il ne me semble pas que cela relève des entreprises. Enfin la solution des crèches d’entreprises ne me paraît absolument pas adaptée à notre secteur.

M. Philippe Chognard. Le système actuel nous convient par sa souplesse, par la diversité des solutions proposées et par le fait que toute une gamme de choix est ouverte aux parents. Il ne faudrait pas aller vers des systèmes trop compliqués et trop contraints pour les parents – je pense en particulier à l’obligation d’un partage du congé entre les deux parents – et pour les PME, qui n’ont pas la capacité d’organisation des grandes entreprises.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons bien compris le message.

Marie-Françoise Clergeau a évoqué une idée qui m’est chère, celle du compte épargne temps. C’est un dispositif que j’ai fait simplifier et alléger mais je sais bien que les TPE et les PME ne s’y sont pas particulièrement investies car elles le voyaient comme un outil lourd et complexe.

Je pense néanmoins que vous auriez avantage à y réfléchir à nouveau car il présente pour vous un très grand intérêt. Outre que j’ai fait adopter des dispositions législatives pour le simplifier, il est désormais opposable au niveau de l’entreprise et non plus de la branche, ce qui lui garantit plus de souplesse dans le cadre du dialogue social. On ne peut plus par ailleurs lui reprocher une certaine insécurité comptable puisqu’il bénéficie maintenant d’un cautionnement de l’État, adossé à la Caisse des dépôts et consignations. C’est aussi un dispositif extraordinairement attractif tant pour l’entreprise que pour les salariés. Dans le cadre de la constitution de comptes épargne temps, les journées de congés qui y sont stockées et investies dans des plans d’épargne-retraite sont désormais totalement exonérées de prélèvements fiscaux et de cotisations sociales. Je rappelle enfin que tout ce qui est stocké sur le compte épargne temps et qui correspond en fait à des journées travaillées supplémentaires, n’est pas comptabilisé comme des heures supplémentaires.

M. Pierre Triadou. Mais la CSG s’y applique.

M. le coprésident Pierre Morange. Certes, mais cela n’empêche pas qu’il s’agit du dispositif le plus attractif.

L’avantage pour le salarié est tout aussi évident car le complément apporté par les plans d’épargne retraite populaire (PERP) et les plans d’épargne retraite collectif (PERCO) est une réponse aux dangers qui menacent l’assurance vieillesse, sans pour autant toucher aux principes fondateurs de la solidarité nationale et de la répartition et sans que le salarié soit obligé d’y consacrer une enveloppe spécifique.

Il s’agit donc d’un mécanisme gagnant-gagnant, qui s’inscrit dans le cadre du dialogue social et qui offre une grande souplesse aux entreprises. Celles que vous représentez auraient donc tout intérêt à réfléchir à ses avantages. Le décret d’application sera publié au début du printemps afin de permettre une généralisation d’un dispositif polyvalent, qui s’adapte à chacun des temps de vie du parcours professionnel – y compris ceux que nous avons évoqués ce matin – sans que la vie de l’entreprise ne s’en trouve menacée, et qui permet de prendre en compte la formation professionnelle. Au total, il est donc parfaitement adapté aux besoins des salariés comme de l’entreprise.

Mme Caroline Duc. Il y a un problème d’information, en particulier dans les petites entreprises qui n’ont pas de service des ressources humaines.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est bien pourquoi les représentants syndicaux ont tout intérêt à se faire les relais de ce système, grâce aux kits d’information que les institutions financières et les services d’expertise-comptable mettront à leur disposition pour promouvoir cet outil remarquable.

M. Pierre Triadou. Si l’on réfléchit à plus long terme, on s’aperçoit que c’est précisément la tranche de la population qui a aujourd’hui des jeunes enfants qui profitera, demain, de ce dispositif.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est un outil universel apte à répondre aux préoccupations des uns et des autres.

Je vous remercie.

*

AUDITIONS DU 19 FÉVRIER 2009

Audition de M. Jean-Louis Nembrini, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale, et M. René Macron, chef du bureau des écoles.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous souhaite la bienvenue et je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nous aimerions que vous nous apportiez des précisions quant à l’évolution de l’école maternelle.

La diminution, que nous constatons depuis quelques années, du nombre d’enfants de deux à trois ans accueillis à l’école maternelle varie-t-elle selon les territoires. Pourquoi ?

Quelle est la position du Gouvernement sur la scolarisation des deux-trois ans ? Où en est votre réflexion vis-à-vis de la création de jardins d’éveil ?

Compte tenu du taux de natalité en France, si l’école maternelle n’est pas accessible aux enfants de deux ans, cela posera des problèmes.

Quelles seraient les conséquences d’un raccourcissement du congé parental sur la garde d’enfant et, en particulier, sur l’accueil en école maternelle ?

Comme vous le voyez, nos questions sont à la fois rétrospectives et prospectives.

M. Jean-Louis Nembrini, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale. Je préciserai, tout d’abord, le rôle et les missions de l’école maternelle. Les deux termes de l’expression montrent sa spécificité. C’est une école, c’est-à-dire un lieu où les enfants viennent pour apprendre. Nous considérons qu’ils sont déjà en position d’élèves, c’est-à-dire en âge de bénéficier du service pour lequel sont embauchés les professeurs des écoles ou les instituteurs et institutrices – puisque les deux catégories existent encore – qui servent à l’école maternelle.

Mais cette école est « maternelle », c’est-à-dire qu’elle assure la transition entre la toute petite enfance et l’élève plus âgé qui peut rester assis à une place et est suffisamment socialisé pour bénéficier d’un enseignement.

L’accueil des enfants à l’école maternelle est à cheval sur ces deux temps de la vie.

Vous avez parlé, madame la rapporteure, d’inégalité territoriale. Pour les enfants de trois ans, il n’y a pas d’inégalité, ni sociale, ni territoriale. Nous scolarisons la quasi-totalité des enfants de cet âge. La France est, d’une certaine façon, une exception européenne, en ce sens que, à trois ans, le service public d’Éducation nationale fait une place à tous les enfants dont les parents le désirent, l’école n’étant obligatoire qu’à partir de six ans.

L’école maternelle à partir de trois ans fait l’objet de toutes les attentions du ministre de l’Éducation nationale, de son administration, de la direction générale de l’enseignement scolaire, en particulier, du bureau des écoles qui est en charge de ce dossier.

Qu’attendons-nous de l’école à cet âge ? Qu’elle soit un moyen de construire l’égalité des chances. Les différences d’approche de la langue française par les tout-petits sont, nous le savons, un élément discriminant. Si les enfants sortent de l’école maternelle sans maîtriser suffisamment le langage de l’école et en étant restés trop proches du langage de la maison, ils seront en difficulté pour entrer, à sept ans, dans les apprentissages fondamentaux. Or le grand problème de l’éducation est que l’école primaire, après l’école maternelle, n’est pas aujourd’hui en mesure de donner à 100 % des enfants les éléments essentiels pour poursuivre leur scolarité au collège dans les enseignements fondamentaux. 15 % d’élèves entrent en sixième sans maîtriser suffisamment la lecture et le calcul. Si nous voulons que, au sortir de l’école primaire, 100 % des élèves maîtrisent les connaissances de base pour profiter de l’enseignement au collège, il faut nous concentrer sur les acquisitions premières du langage oral à l’école maternelle.

Cette attention particulière portée à l’école maternelle a fait l’objet de diverses actions. Dès son installation au ministère, M. Xavier Darcos a demandé à la direction générale de l’enseignement scolaire que je dirige de réunir une commission pour travailler sur ces questions, notamment, sur celle du contenu des programmes d’enseignement de l’école maternelle pour que les enfants maîtrisent le langage. M. Xavier Darcos a également demandé au professeur Alain Bentolila un rapport sur ce sujet. Je puis affirmer, sous le contrôle de mon chef de bureau, M. René Macron, que nous avons abouti à des conclusions semblables : il faut rendre l’école maternelle capable de donner aux enfants à partir de trois ans les éléments essentiels pour la maîtrise de la langue française, notamment du vocabulaire. C’est la raison pour laquelle de nouveaux programmes de l’école maternelle sont en application depuis la rentrée 2008, c’est-à-dire en même temps que les nouveaux programmes pour l’école primaire.

Cela montre que, pour nous, l’ensemble de l’enseignement primaire – école maternelle et école élémentaire – fait l’objet d’une égale attention et d’une attention très forte.

La question de la scolarisation des enfants de deux à trois ans est redoutable. À cet âge, les enfants ne sont pas encore tout à fait prêts pour être de véritables élèves. Même si l’école maternelle est adaptée au rythme des jeunes enfants, avec l’aide, en particulier, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), les enfants doivent avoir un minimum de capacité à vivre en groupe pour profiter du groupe « classe ». La période « deux-trois ans » reste un temps particulier que l’on ne peut pas assimiler au temps de l’école maternelle que je viens de décrire, même si les enfants commencent à parler et bénéficient, même à cet âge, de l’apport des maîtres.

Pour ces enfants de deux-trois ans, nous pouvons parler de différenciation territoriale. Elle est due à la fois à l’histoire des régions et aux situations particulières. Alors que la moyenne nationale pour l’accueil des enfants entre deux et trois ans est, aujourd’hui, de 21 % – ce qui signifie qu’un élève sur cinq bénéficie de l’école maternelle dès l’âge de deux ans –, il existe de grandes disparités selon les académies. Dans celle de Lille, par exemple, le taux de scolarisation des enfants de deux à trois ans est de 53 % tandis qu’il n’est que de 8,6 %, dans celle de Créteil et de 7,7 % dans celle de Paris. Nous vous fournirons tous les tableaux dont nous disposons à ce sujet.

Aux termes de la loi, nous devons offrir, dans les zones les plus défavorisées, c’est-à-dire les zones d’éducation prioritaires (ZEP), la scolarisation aux enfants de deux ans pour les familles qui le souhaitent. C’est la consigne qui est donnée aux recteurs.

Pour résumer la situation : 100 % des enfants – pour simplifier – sont scolarisés à l’âge de trois ans, quelque 20 % le sont entre deux et trois ans, avec de grandes disparités territoriales. Mais la position de l’Éducation nationale – il me semble important de le réaffirmer très fortement – est de ne pas fermer la porte aux enfants entre deux et trois ans, sous les réserves pédagogiques – et exclusivement pédagogiques – que j’ai formulées. Le service public d’Éducation nationale est ouvert, comme le prévoit la loi, dès l’âge de deux ans dans les secteurs difficiles.

Mme la rapporteure. Faut-il voir une volonté politique derrière le tassement, depuis quelques années, de l’accueil des enfants de deux-trois ans à l’école maternelle ?

M. Jean-Louis Nembrini. Il n’y a pas là de volonté politique, c’est un simple constat.

L’accueil des enfants entre deux et trois ans est souvent une variable d’ajustement. Les enfants de cet âge permettent de remplir des structures. Quand il reste des places en petite section des écoles maternelles, cela ne coûte rien à l’Éducation nationale d’offrir aux parents qui en ont besoin la possibilité de mettre leur enfant à l’école maternelle. En dehors des ZEP, il n’y a pas de classes spécifiques pour les deux-trois ans.

Mme la rapporteure. Depuis le début de nos auditions, vous êtes le premier à tenir ces propos. Pour les autres intervenants, s’il y a moins d’enfants de deux-trois ans accueillis à l’école maternelle, c’est parce qu’il n’y a pas de nominations d’enseignants à cet effet, même s’il y a des locaux disponibles.

M. Jean-Louis Nembrini. Il n’existe des classes pour les enfants de deux-trois ans que dans les ZEP. Ailleurs, on remplit les classes de petite section qui accueillent normalement des enfants âgés de trois à quatre ans en ajoutant des élèves de deux à trois ans.

M. le coprésident Jean Mallot. Deux questions viennent immédiatement à l’esprit.

Premièrement, si l’accueil à l’école maternelle des enfants de deux à trois ans n’a pas diminué, comment explique-t-on la baisse du nombre des enfants de cette tranche d’âge qui y sont accueillis ?

Deuxièmement, le fait qu’il soit demandé à l’Éducation nationale d’accueillir dans les zones difficiles les enfants de deux ans lorsque les parents le souhaitent est une forme de discrimination positive pour corriger les inégalités. On reconnaît ainsi, par le fait même, la valeur pédagogique et réductrice d’inégalités de la scolarisation des enfants de deux à trois ans, ce qui vaut pour tous les enfants. Il y a un problème de cohérence…

M. Jean-Louis Nembrini. La loi de programme et d’orientation pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 dispose que la scolarisation des enfants de deux ans reste prioritaire uniquement dans les zones urbaines ou rurales défavorisées. Le décret d’application du 24 août 2005 le précise à nouveau.

Mme la rapporteure. Reconnaissez-vous que le nombre d’enfants de deux à trois ans accueillis à l’école maternelle est tombé de 35 à 20 % ?

M. René Macron, chef du bureau des écoles à la direction générale de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale. Le taux d’enfants de deux à trois ans accueillis à l’école maternelle est passé exactement de 37 à 21 % en un peu plus de cinq ans. Cette diminution est liée directement à la raison que vous avez donnée vous-même, madame la rapporteure, à savoir la caractéristique particulière de la démographie française. L’augmentation du nombre des naissances depuis les années 2000 a entraîné celle du nombre des enfants scolarisés, ce qui réduit l’offre d’accueil pour les enfants de deux à trois ans.

M. Jean-Louis Nembrini. À l’exception des zones d’éducation prioritaires, l’accueil des enfants de deux à trois ans est une variable d’ajustement dans des structures existantes.

M. le coprésident Pierre Morange. Avant 2005, quels étaient les critères d’accueil des enfants de deux à trois ans ?

M. Jean-Louis Nembrini. Ils sont les mêmes depuis la loi de 1989.

M. René Macron. Les dispositions ont simplement été étendues aux territoires d’outre-mer.

M. Jean-Louis Nembrini. C’est pourquoi je me suis permis de commencer par définir le rôle et les missions de l’école maternelle, dont découlent tous les débats sur les compétences des personnels. Ils sont recrutés pour enseigner et un groupe de travail se met actuellement en place pour réfléchir à une meilleure formation.

M. le coprésident Pierre Morange. La baisse du taux d’enfants de deux à trois ans accueillis à l’école maternelle se traduit-elle par une diminution correspondante du nombre de postes d’enseignants ?

M. Jean-Louis Nembrini. Non. Globalement, le nombre de professeurs des écoles affectés à des classes augmente régulièrement. La loi de finances pour cette année prévoit encore de créer 500 postes pour l’ensemble de l’école primaire. Cela signifie qu’il y aura, à la rentrée prochaine, 500 classes de plus qu’à la rentrée dernière. Cela concernera à proportion les écoles maternelles, là où les besoins se feront sentir.

Mme la rapporteure. Quel est le coût de l’accueil d’un enfant de deux à trois ans à l’école maternelle et le taux d’encadrement des enfants à cet âge-là ? Par ailleurs, comment voyez-vous l’évolution de l’accueil des deux-trois ans ?

M. Jean-Louis Nembrini. Il est difficile de calculer le coût global réel d’un enfant de deux à trois ans à l’école maternelle. Il est identique à celui d’un enfant de trois à quatre ans, soit en moyenne 4 600 euros par an.

M. le coprésident Pierre Morange. Compte tenu du fort taux de fécondité, prévoyez-vous une stabilisation du taux de 21 % ?

M. Jean-Louis Nembrini. Ce taux de 20 % correspond à peu près aux possibilités d’accueil dans les écoles des ZEP. On peut le considérer comme stabilisé, d’autant plus que la démographie se stabilise aussi à l’école primaire.

M. René Macron. Il est très difficile de faire des prévisions en matière de démographie mais, si celle-ci ne connaît pas de modification importante dans les prochaines années, le taux de 20 % devrait se stabiliser puisque les pics démographiques des années 2000 correspondent à des enfants actuellement scolarisés en école élémentaire. Le maximum est probablement atteint ou peu s’en faut.

Comme l’a indiqué le directeur général, un effort très important est réalisé pour accroître le nombre de classes avec un volume d’emplois quasiment stationnaire. Donc la possibilité d’augmenter l’accueil dans les secteurs de l’éducation prioritaire reste une marge de manœuvre positive. Celle-ci est cependant extrêmement délicate à mettre en œuvre du fait des disparités géographiques, elles-mêmes liées à des disparités de traditions. Dans certains territoires, comme le Nord-Pas-de-Calais, l’accueil est facilité tandis que, dans d’autres, il est difficile à mettre en place. Par ailleurs, la scolarisation des enfants de deux à trois ans est difficile dans les secteurs à forte population d’origine étrangère et à fort taux de chômage : les mères restant à la maison, elles ont tendance à garder les enfants plutôt qu’à les mettre à l’école.

La scolarisation des enfants de moins de deux ans dans des structures de petites sections d’écoles maternelles devrait rester constante, à moins que la démographie ne baisse.

M. Jean-Louis Nembrini. Pour répondre à la seconde question de M. Jean Mallot, il me faut nuancer mon propos initial. Pour les enfants dont les parents maîtrisent mal la langue française, il est à peu près établi que l’école maternelle peut avoir un effet bénéfique dès l’âge de deux ans. En dehors de ces populations, l’analyse est très compliquée. Qu’est-ce qui est le plus adapté : une structure comme l’école ou un jardin d’éveil ? Les spécialistes préconisent plutôt la seconde solution, quand les enfants ne sont pas issus de populations en grandes difficultés sociales et linguistiques.

En revanche, à trois ans, la question ne se pose plus. La réflexion pédagogique sur la petite enfance et les jeunes enfants à l’école ainsi que la très longue et très belle histoire de notre école maternelle montrent l’utilité d’une véritable scolarisation à cet âge.

Mme la rapporteure. Si je comprends bien, l’Éducation nationale a toujours vocation à accueillir les enfants de deux à trois ans en fonction des capacités d’accueil ?

M. Jean-Louis Nembrini. Bien sûr ! Le ministre de l’Éducation nationale demande expressément que l’on favorise autant que possible la scolarisation des deux-trois ans dans les structures disponibles, en tenant compte de la situation géographique, donc des approches différentes des populations.

Mme la rapporteure. Participez-vous aux travaux de réflexion sur la création éventuelle de jardins d’éveil ou cela vous concerne-t-il moins ?

M. Jean-Louis Nembrini. L’Éducation nationale est, bien sûr, concernée dans la mesure où elle a, pour le moment, aussi en charge une partie de la scolarisation des deux-trois ans. Elle a acquis une expertise qu’elle peut apporter dans la création de ces jardins d’éveil et elle est tout à fait disponible pour cela.

Le ministre a souhaité la création d’une commission spécifique sur la formation des maîtres. Dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), sont formés des professeurs aptes à exercer de l’école maternelle à la fin de l’école élémentaire. Le ministre a souhaité renforcer la formation des maîtres à l’école maternelle. La réflexion sur les compétences que doivent avoir nos personnels pour accueillir des jeunes enfants à partir de trois ans est nécessairement étendue aux compétences spécifiques à avoir pour s’occuper des enfants de deux à trois dans d’éventuels jardins d’enfant si on prolongeait le service public de l’Éducation nationale par ces structures nouvelles.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous rappeler les caractéristiques du personnel accompagnant, les ATSEM, pour les classes des deux-trois ans par rapport aux autres classes des trois-quatre ans et des quatre-cinq ans ?

Une réflexion conjointe est-elle menée entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la famille sur une possibilité, dans un souci de bonne gestion des deniers publics et d’amélioration du service rendu, de mutualisation des modes de garde entre l’Éducation nationale, les collectivités territoriales et les ménages, puisqu’il existe un phénomène de vases communicants entre les différentes structures ?

M. Jean-Louis Nembrini. Les personnels qui accueillent les deux-trois ans sont les mêmes que ceux qui accueillent les autres enfants. Recrutés, aujourd’hui, par concours au niveau de la licence, les professeurs des écoles sont aptes à enseigner le calcul, le français, l’histoire, les sciences, l’éducation physique et les arts jusqu’à l’entrée en Sixième. Ils seront, demain, recrutés au niveau Master. Nous renforçons leur compétence « enseignement ».

M. le coprésident Jean Mallot. La pédagogie est importante aussi à deux-trois ans !

M. Jean-Louis Nembrini. Mais le métier est un peu différent et demande des compétences dont, pour le moment, L’Éducation nationale ne dispose pas complètement.

M. le coprésident Pierre Morange. Ma question concernait, en fait, les ATSEM.

M. Jean-Louis Nembrini. La fonction des ATSEM n’est pas directement éducative.

M. le coprésident Pierre Morange. Je cherche à me rendre compte de l’incidence financière. Le ratio d’ATSEM par enfant est-il le même pour les trois-quatre ans et les quatre-cinq ans que pour les deux-trois ans ?

M. Jean-Louis Nembrini. Non, il est plus important !

M. René Macron. Le ratio d’ATSEM par enfant varie d’une commune à l’autre puisqu’il est à l’initiative du maire. Comme il y a une moyenne de 25,8 élèves par classe dans les écoles maternelles, il y a, en général, un poste d’enseignant pour chaque classe, l’équivalent d’un poste d’ATSEM pour les sections des tout-petits de deux à trois ans et pour les sections de trois à quatre ans et l’équivalent d’un demi-poste pour les autres sections. L’encadrement est variable dans les grandes sections car certains maires octroient des personnels ATSEM et d’autres pas. Si l’on regarde niveau par niveau, le pourcentage est supérieur dans les sections de moyens et de grands.

Par ailleurs, deux autres paramètres sont importants à analyser dans le domaine de la scolarisation des enfants de deux à trois ans, qui sont également vrais pour la scolarisation des enfants de trois à quatre ans, mais dans une moindre mesure.

Le premier est l’organisation du temps. Les enseignants sont présents six heures par jour auprès des enfants. Le temps d’enseignement d’un enfant de deux ans ne peut pas être, à l’évidence, de six heures par jour.

Le deuxième paramètre à prendre en compte est qu’il est impossible actuellement de réfléchir sereinement à la question de l’accueil des enfants de moins de trois ans autrement que dans un partenariat entre les collectivités territoriales – et les systèmes d’accueil complémentaires qu’elles mettent en place pour ces enfants – et l’Éducation nationale qui les accueille pendant la tranche de six heures par jour. Ce sont, en général, les ATSEM qui assurent la liaison.

Ces deux paramètres – organisation du temps et partenariat – sont essentiels pour répondre à la question que vous posez, monsieur le président. Il y a, effectivement, deux personnes mobilisées par classe, ce qui fait une moyenne de 12 enfants par personne, mais, dans la réalité, un nombre beaucoup plus grand de gens est mobilisé sur des temps beaucoup plus longs que six heures par jour.

M. le coprésident Pierre Morange. Cette réflexion est-elle susceptible d’aboutir dans des temps précis ou est-ce un sujet de réflexion sans date butoir ?

M. René Macron. Ce n’est pas un sujet de réflexion. C’est un sujet d’action quotidienne pour les personnels sur le terrain, notamment les personnels d’inspection, qui gèrent les relations avec les municipalités, et les directrices d’école maternelle. On ne peut concevoir l’organisation d’une classe de tout-petits sans partenariat avec la municipalité. D’ailleurs, la présence d’enfants de moins de trois ans dans des classes accueillant des enfants de plus de trois ans se fait aussi en partenariat, pour des raisons liées à la fois aux besoins des enfants et au fait que les enseignants d’école maternelle comme les maires ont tous à cœur de réussir l’accueil des enfants.

La réflexion sur des structures intermédiaires a débuté avec les classes passerelles, il y a un peu plus de quinze ans, et se poursuit aujourd’hui avec les jardins d’éveil. Depuis le début, on a clairement identifié la difficulté, qui est explicitement rappelée dans le rapport de Mme Michèle Tabarot sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance : quel niveau d’exigence, de structuration, de codification faut-il donner à un système qui n’a de sens qu’en partenariat local ?

Dans la tentative des classes passerelles, on a appliqué un seuil minimum de codification et l’on s’est rendu compte que cela rendait très difficile la généralisation du système et même sa comptabilisation. Il existe une telle diversité de structures qu’on est incapable, aujourd’hui, de comptabiliser le nombre de classes passerelles.

Ce sujet fait l’objet d’une réflexion permanente avec l’ensemble des partenaires. La situation actuelle, qui n’est pas propre à la France, comme le montre le récent rapport Eurydice de la Commission européenne, impose d’augmenter le nombre de classes d’accueil des enfants de deux à trois ans. Mais il faut trouver des solutions originales à partir des impulsions nationales et de la nécessité d’un partenariat local très fort tenant compte du point de vue des élus. Ce dernier est déterminant pour la mise en œuvre des structures d’accueil des deux à trois ans mais il varie suivant les zones.

M. le coprésident Jean Mallot. L’Éducation nationale participerait-elle à la définition du contenu pédagogique des activités proposées dans les jardins d’éveil, même si ce n’est pas elle qui les finance ?

M. Jean-Louis Nembrini. L’Éducation nationale ne peut revendiquer seule la responsabilité de la définition du contenu pédagogique pour l’éducation des deux-trois ans à moins que la Nation ne décide la mise en place d’une scolarisation dès deux ans.

Le débat n’est pas tranché. Selon certains spécialistes, la scolarisation à deux ans, non seulement n’est pas efficace, mais peut même être contre-productive pour certains enfants. Le sujet est très compliqué. Le seul point sur lequel il y ait accord, c’est l’utilité d’une scolarisation précoce pour les enfants de familles ne maîtrisant pas la langue française.

Reste la question du type de compétences que devraient avoir les personnels qui travailleraient dans une structure de jardin d’éveil. Nous sommes prêts à étudier cette question parce que c’est vraiment notre cœur de métier.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre rapporteure vous a également interrogés sur les conséquences qu’aurait une éventuelle réduction du congé parental.

M. Jean-Louis Nembrini. La question s’adresse plus au citoyen qu’au directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale.

M. le coprésident Jean Mallot. Elle concerne aussi le directeur. Un bon fonctionnaire, dans un bon fonctionnement des institutions, est amené, avant qu’une décision ne soit annoncée, à en analyser l’impact sur sa « maison ».

M. Jean-Louis Nembrini. Même si nous parlons de ce sujet, nous n’avons pas mis en place de dispositif particulier pour y réfléchir.

Personnellement, je considère qu’une réflexion sur la réduction du congé parental implique une autre réflexion en contrepartie : comment s’organise la société pour faire face à cette situation nouvelle ? L’Éducation nationale est, de toutes les structures d’accueil des enfants de deux à trois, celle qui en accueille le plus puisque le taux est encore de 21 % aujourd’hui.

La réflexion sur la création d’éventuelles nouvelles structures, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école – ce qui est encore une autre question – implique de s’interroger sur la spécificité du contenu de l’accueil proposé, donc des métiers nécessaires pour assurer cet accueil, qui est à cheval entre la fonction maternelle et la fonction scolaire, comme l’exprime très bien l’oxymore « école maternelle ».

Notre « maison » Éducation nationale doit, évidemment, réfléchir aux évolutions des structures de notre société. Mais j’avoue qu’elle n’a pas encore créé de structure de réflexion sur cette question.

M. le coprésident Jean Mallot. Le raisonnement selon lequel la scolarisation des enfants de deux à trois ans est d’autant plus nécessaire que ces derniers sont issus d’un milieu défavorisé vaut pour toutes les tranches d’âge, de la maternelle au supérieur.

Par ailleurs, la réduction du congé parental amènerait-elle des réponses différenciées suivant les milieux sociaux et les quartiers ?

M. Jean-Louis Nembrini. Cela fait longtemps que l’Éducation nationale réfléchit à la question de la différenciation de l’enseignement en fonction des milieux sociaux. Cela a d’ailleurs conduit à la création des zones d’éducation prioritaires.

M. le coprésident Jean Mallot. C’est également la base de l’institution de l’école obligatoire et gratuite.

M. Jean-Louis Nembrini. Tout à fait mais, comme cela ne suffisait pas, on a mis en place des dispositifs particuliers d’aide aux élèves qui en ont le plus besoin, et ce de l’école primaire jusqu’à l’entrée dans le supérieur.

Dans la toute petite enfance, la discrimination est encore plus importante quand on sait l’importance de la maîtrise de la langue française pour accéder à tous les champs du savoir. Il n’y a rien de plus terrible pour un enfant de sept-huit ans que de sentir, au moment où il a vraiment conscience d’entrer dans les apprentissages formels – lecture et calcul – qu’il décroche par rapport aux autres, non pas parce qu’il n’est pas intellectuellement apte à comprendre mais parce que le sens des mots et des codes ne lui est pas complètement acquis.

La réflexion que nous menons sur le langage dans la toute petite enfance est essentielle pour construire l’égalité des chances dans notre pays. C’est pour nous une question de fond. La réflexion n’est pas encore complètement aboutie. Nous nous interrogeons toujours sur la manière de former les maîtres à la prise en charge des tout-petits.

À deux-trois ans, il y a déjà une énorme différence entre un enfant élevé dans une famille qui maîtrise les codes de la société et où il est habitué à parler dans la langue qui va être la langue d’enseignement et un enfant issu d’une famille ne maîtrisant pas la langue française. Dans ce dernier type de famille, on parle aussi avec les enfants mais, comme l’a rappelé M. René Macron, les mères ont souvent envie de les conserver près d’elles pour les éduquer et la rupture avec la maîtrise de la langue de la transmission s’accroît à proportion.

Mme la rapporteure. Vous venez de faire une très belle démonstration de l’importance de s’occuper des enfants dès deux ans. L’expérience des classes passerelles a répondu en partie à cette attente. Je me demande, cependant, s’il n’incombe pas à l’Éducation nationale, avec le soutien des collectivités locales, d’accueillir les deux-trois ans. Quels enseignements peut-on tirer des pratiques des autres pays européens en la matière, notamment de la Suède qui accueille les enfants à la maternelle dès deux ans ?

M. Jean-Louis Nembrini. Si l’on décide que l’Éducation nationale doit accueillir les enfants dès deux ans et si le métier correspondant à l’accueil de ces derniers est préparé en tant que tel, pourquoi pas ? Mais, je reviens sans cesse à la question de fond : le recrutement et la formation des professeurs des écoles ne les préparent pas complètement, actuellement, à l’accueil des enfants de deux-trois ans, qui est un métier spécifique.

Mme la rapporteure. Puisque vous réfléchissez actuellement sur une redéfinition du profil des enseignements, rien ne vous empêche de travailler sur celui des enseignants du primaire et de la maternelle.

M. Jean-Louis Nembrini. Toute la question est de savoir si, pour cette tranche d’âge, il faut prévoir véritablement des enseignants. Nous ne sommes pas en face d’élèves, c’est-à-dire d’enfants capables de rester un quart d’heure dans un groupe pour apprendre et écouter le voisin. Il y a un moment où se produit une bascule de l’individu enfant à l’individu socialisé. La petite expertise qui est la mienne me fait dire que cette transition correspond à un métier spécifique.

M. Georges Colombier. A-t-on constaté un plus, après coup, en Suède où les enfants sont accueillis dès deux ans ?

M. Jean-Louis Nembrini. L’efficacité d’une scolarisation dès deux ans pour les apprentissages ultérieurs, en dehors des exceptions que nous avons évoquées tout à l’heure, n’a jamais été démontrée. Quant à la Suède, les apprentissages fondamentaux sont reportés à l’âge de sept ans.

Notre école maternelle est très volontariste. En grande section de maternelle, les enfants apprennent le code alphabétique. Nous sommes une exception de ce point de vue. En Finlande et en Suède, on considère qu’avant sept ans, les apprentissages fondamentaux ne relèvent pas des apprentissages systématiques alors qu’en France, les enfants de grande section de maternelle rentrent vraiment dans la connaissance et ceux de CP doivent très vite entrer dans la lecture.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Note-t-on des résultats meilleurs un peu plus tard en Suède qu’en France du fait qu’ils ont fait le choix d’une éducation précoce ?

M. le coprésident Pierre Morange. En matière d’accueil des deux-trois ans, on ne peut qu’être frappé par les différences qui existent entre une structure collective de type crèche et une école maternelle : pour un effectif standard de 25 ou 26 élèves, l’encadrement est, dans le second cas, de deux personnes – un enseignement et un ATSEM –, pour au moins trois ou quatre adultes dans le premier cas. Par rapport à une même population, on observe une différence, non seulement sur le plan financier, mais également, sur celui des critères imposés, ce qui conduit à une incohérence.

M. Jean-Louis Nembrini. Vous avez fort bien résumé la situation.

L’organisation à l’école est particulière avec un maître, un ATSEM, des élèves, une classe. Le coût est sans doute très favorable mais – je reviens à ma question – est-ce la structure la plus adaptée aux enfants de deux-trois ans ? En tant que professionnel, je pense que, dans bien des cas, elle ne l’est pas.

L’éducation est, bien sûr, profitable. Qui pourrait dire qu’il n’est pas profitable pour un enfant de rencontrer d’autres adultes et d’échanger avec eux ? Pour autant, l’enseignement – c’est-à-dire les apprentissages précoces, voire trop précoces – est-il favorable ? Beaucoup de spécialistes répondent par la négative. Les pays européens qui accueillent très tôt les enfants repoussent d’une année les apprentissages.

L’école maternelle française est conçue comme une véritable école où sont prévus, dès l’âge de trois ans, des programmes d’enseignement, avec des acquisitions progressives. D’ailleurs, nous pensons mettre en place une évaluation à la sortie de l’école maternelle afin de vérifier les compétences et peut-être déjà les premiers savoirs acquis par les enfants, en particulier en matière de sociabilisation, de respect des codes, de respect de l’autre.

En résumé, le rapport qualité-prix de l’accueil par l’Éducation nationale des enfants de deux à trois ans est sans doute extrêmement favorable. Mais on est en droit de se demander s’il est le service adapté pour cette tranche d’âge, y compris dans le cadre d’une éventuelle réduction du congé parental.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions.

*

Audition de Mme Monique Dufourny, secrétaire générale du Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF), de Mmes Marie-France Le Gouguec et Sandra Onyszko, chargées de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM), et de Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer, membre du conseil d’administration de l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANDPE), et Mme Marie Bernard, chargée de mission.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale.

Je laisse sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Que pensez-vous, mesdames, des différentes aides visant à favoriser la garde des enfants ?

À quelles situations spécifiques êtes-vous confrontées ?

Comment expliquez-vous que nombre d’assistantes maternelles soient au chômage alors que leur répartition territoriale demeure parfois déséquilibrée ?

Que pensez-vous de la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui prévoit de faire passer l’agrément de trois à quatre enfants au maximum ?

Enfin, faut-il selon vous œuvrer au regroupement des assistantes maternelles ?

Mme Monique Dufourny, secrétaire générale du Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF). Je vous ai transmis un document faisant précisément état des difficultés que nous rencontrons avec Pajemploi dans la mesure où cette attestation vaut bulletin de salaire. La direction de la sécurité sociale a accepté de nous recevoir à ce propos mais rien n’a encore été réglé.

J’ajoute que certains parents perçoivent la prestation de complément de libre choix du mode de garde alors qu’ils ne déclarent pas leur assistante maternelle ou qu’ils ne bénéficient plus de ses services.

Mme Marie-France Le Gouguec, chargée de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM). Je vous ai également transmis un document ayant le même objet.

Depuis la convention collective de 2005, nous avons quant à nous demandé l’instauration d’un tarif horaire maximal en lieu et place du forfait, l’attestation ne correspondant pas au travail réellement effectué.

Certains parents, en effet, perçoivent la prestation sans verser de salaire à l’assistante maternelle, qui continue à recevoir des attestations.

Mme Monique Dufourny. Dans les DOM, les assistantes maternelles sont même obligées de se faire payer un mois à l’avance afin de ne pas se retrouver sans salaire lorsque les parents reviennent en métropole.

Des problèmes se posent également avec les fratries puisque les assistantes maternelles ne reçoivent qu’un « bulletin de salaire » ; le mode de calcul des jours d’activité est aussi sujet à caution car il ne correspond pas au temps effectivement passé. Depuis l’entrée en vigueur de la convention collective, toute heure travaillée doit être payée et il n’existe plus de « tarif journalier » sur lequel les services fiscaux continuent pourtant de se fonder afin d’apprécier le dépassement ou non du tarif maximum, d’où leur « conseil » de diviser par huit les heures payées pour trouver un nombre de jours d’activité supérieur aux jours d’accueil réels sous peine de voir l’aide supprimée. On en arrive ainsi à des aberrations comme une attestation de soixante jours d’activité pendant un mois où l’enfant n’a pas été gardé !

M. le coprésident Jean Mallot. Ces dysfonctionnements sont-ils très répandus ?

Mme Marie-France Le Gouguec. La gêne occasionnée est en tout cas très importante. De plus, faute de véritables bulletins de salaire, nous avons des difficultés avec les banques, les ASSEDIC, voire la sécurité sociale et la déclaration des revenus relève du casse-tête chinois puisque l’assistante maternelle doit prendre en compte toutes les indemnités perçues et que Pajemploi recommande aux employeurs de ne pas mentionner l’indemnité de nourriture.

Mme la rapporteure. Ne pensez-vous pas que cela s’explique par le décalage entre l’élaboration de la convention collective et le travail législatif ?

Mme Marie-France Le Gouguec. Nous n’en serions sans doute pas arrivés là si la modification du statut des assistantes maternelles avait fait l’objet d’une concertation.

Mme Sandra Onyszko, chargée de mission à l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles (UFNAFAAM). Une telle situation est d’autant plus paradoxale que Pajemploi visait à apporter un certain nombre de simplifications administratives aux parents et aux assistantes maternelles. Comme Mme Marie-France Le Gouguec, je souligne par ailleurs que ni les partenaires sociaux ni les associations n’ont été conviés à quelque négociation que ce soit. Enfin, Pajemploi ne fait état ni des congés payés, ni des différents types d’indemnités allouées.

En outre, les assistantes maternelles peuvent exercer tout en étant inscrites au chômage dès lors que le départ d’un enfant a occasionné une perte de 30 % de leur rémunération globale.

Mme Monique Dufourny. À cela s’ajoutent parfois les restrictions d’agrément de certains services de Protection maternelle et infantile (PMI) eu égard à l’âge d’accueil des enfants. Dans ce cas-là, une assistante maternelle gardant un bébé après, par exemple, le non-remplacement de la garde de deux enfants âgés de plus dix-huit mois se retrouvera nécessairement au chômage.

Mme Marie-France Le Gouguec. Nombre de nouvelles assistantes maternelles sont également au chômage après avoir quitté leur emploi précédent. Par ailleurs, si elles ne sont autorisées à n’accueillir qu’un seul enfant, elles continuent de percevoir leurs indemnités.

Mme Marie Bernard, chargée de mission l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANDPE). Infirmière puéricultrice et responsable du service de la petite enfance dans une grande commune girondine, je puis vous dire que si la PAJE présente de réels avantages – notamment en ce qui concerne l’organisation des familles – je m’étonne en revanche que des parents puissent recevoir l’intégralité de la prestation alors qu’ils font garder leurs enfants à temps partiel. De la même manière, il est regrettable que les familles modestes ne puissent bénéficier des services d’une assistante maternelle.

Par ailleurs, plusieurs raisons contribuent à expliquer le chômage des assistantes maternelles : éloignement entre leur domicile et celui des familles, qualité du service rendu et de la réputation, exigences de certaines d’entre elles en matière d’horaires ou, plus généralement, d’organisation hebdomadaire du travail.

Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer, membre du conseil d’administration de l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANDPE). Je suis entièrement d’accord mais je tiens à préciser que c’est le responsable départemental des médecins de PMI qui décide des restrictions d’agrément liées à l’âge, non les puéricultrices.

Mme la rapporteure. Les règles ne sont donc pas les mêmes dans tous les départements.

Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer. En effet.

Si les restrictions d’agrément pour l’accueil d’un quatrième enfant me semblent quant à elles légitimes afin d’éviter que certaines assistantes maternelles ne se montrent déraisonnables en acceptant par exemple de garder quatre bébés, il peut être en revanche utile de favoriser dans ce cadre l’accueil d’urgence d’un enfant en cas de maladie de l’assistante maternelle ou du départ précipité d’un parent pour des raisons professionnelles.

Enfin, en ce qui concerne le taux de chômage, il faut tenir compte des spécificités départementales puisqu’il n’est évidemment pas question de priver d’agrément une assistance maternelle disposant de toutes les qualités requises, au prétexte qu’elle vit dans un département rural et qu’il lui est beaucoup plus difficile de trouver des enfants à garder.

Mme Marie-France Le Gouguec. Si tous les départements n’ont pas instauré des restrictions d’agrément liées à l’âge, ils sont néanmoins de plus en plus nombreux à le faire, ce qui ne rend que plus urgente la parution d’un seuil de référence.

Nous avons eu par ailleurs l’occasion de dire que l’acceptation du quatrième enfant était principalement liée au temps extrascolaire ou à des situations d’urgence : les assistantes maternelles ne demandent pas à pouvoir garder quatre bébés !

Enfin, les exigences pour ainsi dire « administratives » de certaines d’entre elles s’expliquent par une demande parfois pléthorique par rapport à l’offre mais il n’en va évidemment pas de même dans tous les départements.

Mme Monique Dufourny. Certaines assistantes maternelles sont aussi capables de garder un enfant le jour et un autre la nuit ! Il ne faut pas généraliser ! S’agissant de l’agrément pour le quatrième enfant, elles sauront se montrer raisonnables.

Mme la rapporteure. Comment envisagez-vous l’avenir de ce métier, compte tenu d’une moyenne d’âge assez élevée ?

Mme Monique Dufourny. Positivement si on le valorise – ce qui passe aussi par une amélioration de la rémunération qui est, en province, de 1,90 euro de l’heure, négativement dans le cas contraire.

Mme Sandra Onyszko. Le profil des assistantes maternelles est également en train de changer : si les plus anciennes exerçaient souvent ce métier par défaut, les plus jeunes le choisissent afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Le CAP « petite enfance » peut jouer là un rôle essentiel.

M. Georges Colombier. Député de l’Isère, je puis témoigner que, compte tenu de leur rémunération, on demande beaucoup aux assistantes maternelles ; si leur statut s’est amélioré, il reste encore du chemin à faire.

Mme Marie Bernard. La solution à un certain nombre de problèmes ne serait-elle pas dans le développement des services d’accueil familiaux ?

Mme Marie-France Le Gouguec. En effet, mais les crèches familiales ont peu à peu disparu à la suite de la création de la prestation de service unique (PSU), de l’amélioration du statut des assistantes maternelles et de la réduction du temps de travail.

Mme Monique Dufourny. À quoi s’ajoutent, pour les assistantes maternelles travaillant dans ces structures, des contraintes administratives pesantes : elles doivent remplir, chaque jour et pour chaque enfant, un formulaire précisant les horaires et la nature des repas, qui doivent être identiques à ceux proposés par la cantine.

Mme Marie Bernard. Cette situation est tout de même exceptionnelle.

Mme la rapporteure. Êtes-vous favorables à un regroupement des assistantes maternelles dans un lieu unique ?

Mme Marie-France Le Gouguec. Pas du tout.

M. le coprésident Jean Mallot. Pourquoi ?

Mme Marie-France Le Gouguec. Outre que savoir travailler en équipe ne s’invente pas, qui serait disposé à travailler hors de chez soi pour 1,90 euro de l’heure ? Il serait également catastrophique de regrouper trois ou quatre assistantes maternelles sans un responsable extérieur. Enfin, des problèmes d’organisation ne manqueront pas de se poser : dans le cas d’horaires atypiques, une assistante maternelle devra-t-elle rester dans la structure tout au long de la journée, y compris en l’absence de l’enfant dont elle est personnellement responsable ?

Mme la rapporteure. Il s’agit surtout d’éviter que les assistantes maternelles ne soient trop isolées et d’œuvrer à une meilleure valorisation de leur métier. Par ailleurs, ces regroupements n’empêchent en rien la mise en place d’un encadrement.

M. Georges Colombier. Ils contribueraient peut-être aussi à résoudre les problèmes de normes d’habitation que rencontrent certaines assistantes.

Mme Monique Dufourny. La direction générale de l’action sociale (DGAS) considérant que l’agrément sera donné pour le domicile de l’assistante maternelle et non pour le lieu collectif d’accueil, une personne vivant dans un studio ne pourra jamais être agréée.

Mme Sandra Onyszko. C’est précisément parce qu’il peut être difficile de travailler chez soi que les micro-crèches ont été créées. Les assistantes maternelles y ont un statut de salarié, elles gagnent au minimum le SMIC et elles peuvent bénéficier d’une évolution de carrière. Que deviendront ces micro-crèches à l’occasion des regroupements ?

Mme Marie Bernard. Les relais d’assistantes maternelles (RAM) et les crèches familiales contribuent en effet à rompre l’isolement de ces professionnelles.

M. le coprésident Jean Mallot. Qu’en est-il précisément du revenu des assistantes maternelles, sur lequel nous avons entendu bien des choses contradictoires ?

Mme Sandra Onyszko. Si les études de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ainsi que du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) sont conformes à la réalité du terrain, on ne peut en dire autant des déclarations de M. Jean-Michel Rapinat qui, lors de son audition par la MECSS, a confondu les revenus des assistants familiaux avec ceux des assistantes maternelles. Ces dernières gagnent en moyenne environ 800 euros net par mois.

Mme Marie-France Le Gouguec. La fourchette peut aller de 150 à 1 500 euros.

Mme Sandra Onyszko. Dans la Somme, le Pas-de-Calais ou la Vendée, la garde de trois enfants rapporte en moyenne 800 euros et 1 500 euros dans certains secteurs de la région parisienne ou des Alpes-Maritimes.

Mme Monique Dufourny. Un département comme les Yvelines présente des disparités internes considérables entre zones urbaines et rurales.

Mme Sandra Onyszko. C’est la loi de l’offre et de la demande qui s’applique.

Mme Marie Bernard. À Pessac, en Gironde, les assistantes maternelles gagnent trois euros de l’heure, soit 600 euros par enfant, contre 800 dans certains quartiers de Bordeaux par exemple.

Mme Marie-France Le Gouguec. Il convient également de tenir compte de la présence de très nombreux emplois à temps partiel dans certains secteurs.

M. le coprésident Jean Mallot. Ce qui ne peut que tirer la moyenne générale vers le bas.

Mme Marie Bernard. À Pessac, le salaire d’une assistante maternelle qui travaille dans une crèche familiale est équivalent à celui d’un agent communal ; en fin de carrière, la garde de trois enfants lui rapporte 1 900 euros net mensuels.

Mme Monique Dufourny. Les indemnités de nourriture et d’entretien ne doivent pas être incluses dans le salaire.

M. le coprésident Jean Mallot. Ce qui est le cas dans les chiffres qui viennent d’être donnés.

Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer. Dans le cadre des regroupements, les assistantes maternelles auront-elles un salaire identique ? Cette question délicate ne suscitera-t-elle pas des conflits ?

Mme Marie-France Le Gouguec. En Mayenne, les contrats sont uniques et « bétonnés ». J’ai même entendu dire que la garde extrascolaire d’un enfant rapporte 8 euros par heure, soit le SMIC horaire.

Mme Monique Dufourny. Comment, dans ce cas, une jeune assistante maternelle ayant elle-même des enfants en bas âge conciliera-t-elle vie familiale et professionnelle ?

La Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) doit par ailleurs formuler un certain nombre de directives en la matière.

Mme la rapporteure. En quoi la création de la PAJE a-t-elle changé la donne pour les familles ? Comment améliorer leur situation ?

Mme Monique Dufourny. En tout cas, le nombre de nos collègues déclarées s’en est trouvé accru.

Mme Marie-France Le Gouguec. Nous sommes également à même d’exercer un contrôle par le biais d’Internet.

Mme Monique Dufourny. Les familles, en revanche, trouvent que les documents ne sont pas faciles à remplir.

M. le coprésident Jean Mallot. Ils sont complexes ?

Mme la rapporteure. Nombre de problèmes techniques semblent en effet se poser.

La PAJE a-t-elle néanmoins facilité l’accès des familles aux services des assistantes maternelles ?

Mme Sandra Onyszko. Si le travail des assistantes maternelles a en effet beaucoup évolué – notamment à travers l’agrément – et que le travail dissimulé a également diminué, les familles – même en bénéficiant de l’aide des RAM – ne sont pas toutes préparées à devenir employeur.

J’ajoute que si la formation des assistantes maternelles s’est améliorée, elle n’en demeure pas moins fixée statutairement à soixante heures, ce qui est très bref.

Mme Marie Bernard. La PAJE a permis à un grand nombre de familles d’accéder aux services d’une assistante maternelle mais c’est loin d’être le cas pour les plus modestes d’entre elles.

Je précise qu’une famille déclarant 49 000 euros annuels paierait 1,65 euro par heure en crèche familiale alors que la garde par une assistante maternelle lui reviendrait à 1,55 euro.

Mme Monique Dufourny. Si, pour certaines familles, les services d’une assistante maternelle reviennent en effet moins cher que la crèche, cela reste à démontrer pour bien d’autres.

Par ailleurs, l’État aide beaucoup les parents, nous aimerions qu’il en aille de même pour nous !

Mme la rapporteure. Faut-il prévoir une allocation différenciée en fonction des modes de garde ?

Mme Monique Dufourny. En fonction de la durée.

M. le coprésident Jean Mallot. Quelles sont vos principales suggestions en la matière ?

Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer. Un plafonnement des tarifs me semblerait bienvenu.

Mme Marie-France Le Gouguec. Cela sera bientôt le cas.

Mme Marie Bernard. S’agissant de l’accueil d’urgence, nous devons innover même si d’ores et déjà nous travaillons beaucoup avec les RAM et les assistantes maternelles libres. La solution réside selon moi dans une véritable synergie.

Mme Sandra Onyszko. Il convient également de mieux prendre en compte les disparités territoriales et les inégalités financières.

Mme Marie-France Le Gouguec. La valorisation de ce métier passe par un relèvement du salaire horaire minimum : il faut que l’on cesse d’entendre dire que les parents recourent aux assistantes maternelles par défaut ou que les médias ne parlent de nous qu’en cas de difficulté ! Que se passera-t-il lorsqu’un accident se produira dans un regroupement ? Tout le monde dira que les assistantes maternelles sont nulles !

Mme la rapporteure. À ce que j’entends – mais nous nous y attendions – les regroupements n’ont guère de succès.

M. le coprésident Jean Mallot. Quid, dans tout cela, de l’intérêt des enfants ?

Mme Monique Dufourny. La stabilité d’accueil est un atout majeur. Or, de ce point de vue, la succession du congé parental, de l’assistante maternelle, du jardin d’éveil puis de l’école maternelle n’a pas grand sens. La possibilité de demeurer dans un seul lieu pendant trois ans, voire plus, me semblerait autrement plus structurante.

Mme Marie Bernard. Je suis d’autant plus d’accord que l’enfant, jusqu’ici, n’a pas vraiment été au centre de nos préoccupations – ce qui est bien entendu regrettable. Les parents sont les premiers éducateurs, c’est à eux qu’appartient la solution !

Mme Sandra Onyszko. Tant que l’antienne selon laquelle les familles se dirigeraient vers les assistantes maternelles par défaut sera répandue, il ne faudra pas compter sur un essor des vocations ! C’est d’autant plus dommageable que lorsque les parents y ont eu recours, ils affirment chaque fois être tombés sur des « perles rares » !

Mme Monique Dufourny. D’ailleurs, les jeunes parents sont heureux de reconstituer un cocon familial pour leurs enfants autour des assistantes maternelles ou dans le cadre des crèches familiales.

Mme Marie Bernard. Et, dans ce dernier cas, ils sont rassurés par la présence des professionnels de santé.

M. le coprésident Jean Mallot. La crise économique que nous traversons aura-t-elle des incidences sur le comportement des familles ?

Mme Monique Dufourny. Cela ne fait aucun doute, je le constate d’ores et déjà dans le bassin automobile des Yvelines.

Mme Sandra Onyszko. C’est également le cas en Vendée.

Mme Marie-France Le Gouguec. Le chômage des parents entraîne celui des assistantes maternelles.

M. le coprésident Jean Mallot. Pourtant, nombre de personnes au chômage pensent que devenir assistantes maternelles constitue un bon moyen de retrouver du travail.

Mme Sandra Onyszko. À condition que ce métier soit revalorisé !

Mme la rapporteure. Le nombre d’agréments d’assistantes maternelles croît toujours en période de crise.

Mme Marie-France Le Gouguec. De nombreuses personnes demandent à être agréées par mesure de prudence, sans pour autant exercer la profession.

Mme Sandra Onyszko. Elles ne vont parfois même pas au bout de leur formation.

Mme Monique Dufourny. Je tiens à ajouter que si nous connaissons le tarif horaire minimum, nous connaissons aussi le tarif maximum.

Mme Emmanuelle Lefebvre-Mayer. Il faut veiller, à ce propos, que la crise ne soit pas le prétexte d’une vaste concurrence entre assistantes maternelles et d’une non moins vaste braderie.

Mme Monique Dufourny. C’est déjà le cas.

M. le coprésident Jean Mallot. Je vous remercie de vos interventions. N’hésitez pas à nous faire part ultérieurement d’autres remarques ou idées.

*

Audition de M. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise, de Mme Soline Gravouil, présidente de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC), et M. Sylvain Forestier, membre de la commission institutionnelle, et de Mme Claire Beffa, directrice associée de la société de conseil Équilibres.

M. le coprésident Jean Mallot. Mesdames, messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Après avoir auditionné un grand nombre de personnes – responsables de collectivités, membres de l’éducation nationale, représentants des assistantes maternelles, etc. –, notre Mission va bientôt achever ses travaux. Nous souhaitons obtenir de votre part des éclaircissements quant aux effets de la réforme de 2004 sur la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), mais aussi entendre vos propositions pour améliorer le système.

M. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise. L’Observatoire de la parentalité en entreprise, que j’ai l’honneur de présider, est une association loi 1901 qui a été créée au printemps dernier pour inciter les entreprises françaises à mettre en place des actions concrètes de nature à aider leurs salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Trois missions lui sont dévolues.

Premièrement, évaluer les pratiques des entreprises en faveur de leurs salariés-parents. À cet effet, nous avons mis en place le premier baromètre sur la conciliation vies familiale et professionnelle, rendu public la semaine dernière. Après avoir interrogé en janvier 1 000 salariés parents – dont le panel changera chaque année – afin de recueillir leurs aspirations vis-à-vis des employeurs, nous interrogerons au printemps un certain nombre d’entreprises françaises sur leurs pratiques.

La deuxième mission de l’observatoire est de porter la Charte de la parentalité en entreprise, lancée au ministère du travail le 11 avril 2008. 70 entreprises l’ont signée à ce jour, dont une moitié de PME, mais aussi La Poste, qui emploie 300 000 personnes, Carrefour, premier employeur du secteur privé avec 140 000 salariés en France, le plus petit signataire comptant 3 salariés. Ces entreprises pionnières, présentées en « une » de notre dossier, représentent déjà 1 million de salariés.

Notre troisième mission est de lancer un mouvement, un vrai débat national sur le sujet. J’ai d’ailleurs été heureux d’entendre le Président de la République dire la semaine dernière que la conciliation vie familiale-vie professionnelle serait un objectif majeur de son quinquennat. Nos efforts commencent donc à porter leurs fruits, comme le montrent les récents articles de presse que je vous ai communiqués.

Afin d’animer le partage de bonnes pratiques entre entreprises, nous allons également monter plusieurs groupes de travail cette année.

Le premier s’intéressera au télétravail. S’il est intéressant de permettre aux parents d’être davantage présents à la maison et de consacrer plus de temps à leurs enfants en réduisant les temps de trajet domicile-travail, un encadrement est nécessaire, d’autant que la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle est de plus en plus poreuse.

Nous prévoyons aussi de monter un groupe de travail sur l’accompagnement des femmes enceintes.

Nous souhaitons également travailler sur la formation des managers à la prise en compte de la parentalité de leurs collaborateurs : si les directions d’entreprise font de beaux discours mais que les managers ne font pas vivre les dispositifs sur le terrain avec leurs équipes, ces derniers resteront lettre morte.

Nous envisageons aussi de travailler sur le thème du recrutement et de la parentalité. À quel moment un jeune père, une jeune mère, qui souhaite rejoindre une entreprise, peut-il évoquer la question de la conciliation entre vies familiale et professionnelle avec son futur employeur dans le cadre du processus de recrutement ? Comment le recruteur peut-il, dans le cadre de la loi, évoquer ce sujet avec un futur collaborateur sans être intrusif ?

Notre baromètre, réalisé à partir d’un sondage effectué auprès de salariés parents ayant au moins un enfant de moins de vingt-cinq ans à leur domicile, révèle plusieurs constats. L’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale est un sujet de préoccupation important pour 97 % d’entre eux. 72 % des parents salariés, soit 3 salariés sur 4, considèrent que leur employeur ne fait pas grand-chose pour les aider dans ce domaine. Enfin, parmi les dix-huit mesures qui leur ont été proposées, les salariés parents ont placé les « solutions ponctuelles ou permanentes de garde des enfants » en quatrième position, après l’« aide au financement de la scolarité et des études », des « mutuelles avantageuses pour les familles » et la « participation ponctuelle ou permanente aux frais de garde ». Les salariés attendent donc principalement des entreprises des aides financières, ce qui est compréhensible en raison des tensions sur leur pouvoir d’achat et de la crise économique. La moitié d’entre eux déclarent ne pas bénéficier d’une mutuelle avantageuse pour les familles, ce qui représente un champ de travail considérable. Il est intéressant de noter que la troisième mesure attendue n’est pas directement une offre de places d’accueil pour les enfants, mais une participation au frais de garde.

On peut se demander si parler de la parentalité en entreprise ne va pas à contre-courant des priorités actuelles eu égard à la crise économique. Pour moi, ce n’est absolument pas le cas. Nous vivons une crise de transition entre deux modèles de capitalisme et, en mettant en avant la parentalité en entreprise, nous contribuons à construire le modèle à venir : un modèle respectueux de l’humain. Notre enquête sur les aspirations de nos concitoyens faisant apparaître qu’il s’agit d’une vraie cause nationale, nous avons envie de créer un mouvement d’émulation. C’est pourquoi, dans les médias, nous mettons fréquemment en avant les bonnes pratiques de certains employeurs car inciter les entreprises à aider davantage leurs salariés à concilier vie familiale et vie professionnelle est aujourd’hui un enjeu majeur.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La création de cet observatoire résulte-t-elle une volonté personnelle ou d’une demande de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et de la Délégation interministérielle à la famille (DIF) ?

M. Jérôme Ballarin. C’est une initiative personnelle, de citoyen, car j’ai eu envie de m’investir bénévolement sur ces sujets qui sont au cœur de nos choix de société. J’ai sollicité l’UNAF et la DIF afin de pouvoir assurer à l’observatoire un financement indépendant de celui des entreprises, et elles ont financé notre enquête.

Mme Soline Gravouil, présidente de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC). Créée au mois d’octobre 2007, la Fédération française des entreprises de crèches, que j’ai l’honneur de représenter avec Sylvain Forestier, regroupe l’ensemble des entreprises de crèches en France.

La mission de la Fédération est, d’une part, de faire connaître et de promouvoir notre modèle économique sur l’ensemble du territoire, d’autre part, de travailler avec les institutionnels pour participer à l’ensemble des réflexions menées dans le secteur de la petite enfance, plus spécifiquement sur l’offre de garde collective. Nous travaillons avec nos partenaires que sont la Caisse nationale d’allocations familiales et le Gouvernement via le délégué interministériel à la famille, et nous sommes en relation avec les présidents des commissions des affaires sociales, M. Pierre Méhaignerie pour l’Assemblée nationale, et M. Nicolas About pour le Sénat.

Aujourd’hui, la fédération compte douze adhérents qui représentent 80 % des places gérées par des entreprises de crèches et elle a vocation à accueillir l’ensemble des entreprises de crèches. Nous gérons 321 structures, soit environ 12 000 places ; nous avons récupéré et surtout créé 4 000 emplois – non délocalisables – dans les territoires. Même si les places que nous gérons ne représentent pas grand-chose par rapport au total des places d’accueil collectif, en 2008, une nouvelle place créée sur deux l’a été par une entreprise de crèches. Nous commençons donc à jouer un rôle assez important pour faciliter le développement de places nouvelles, et c’est bien une de nos missions.

Notre modèle est né en 2004 grâce aux mesures prises, d’un côté, par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) qui a accepté d’ouvrir les fonds publics aux gestionnaires privés à but lucratif –, de l’autre, par le Gouvernement qui a institué en 2004 le crédit d’impôt famille à 25 % pour inciter les entreprises à financer des places de crèches. Dans cette lignée, nos entreprises se sont créées.

Nous sommes donc des gestionnaires privés de crèches, et nos clients sont les entreprises, les administrations et les collectivités. À côté des crèches collectives gérées soit par les communautés de communes, soit par des associations à but non lucratif bénéficiant de subventions publiques versées par les collectivités territoriales, nous gérons des crèches collectives, nos recettes étant composées de la participation des familles et de celle de la caisse d’allocations familiales (CAF), puisque nous bénéficions de la prestation de service unique (PSU), le reste étant financé soit par les entreprises, soit par la collectivité, qui sont nos réservataires de berceaux.

Nous travaillons beaucoup à la promotion de notre modèle qui a introduit un nouveau financeur, tant pour l’investissement que pour le fonctionnement de places nouvelles, permettant d’alléger les fonds publics tout en assurant un service public, puisque la création d’une place se fait à l’échelle d’un territoire, avec l’autorisation de la collectivité, en partenariat avec la CAF et conformément à un schéma départemental de l’offre d’accueil. C’est ce qu’on appelle un modèle conventionné : nos entreprises de crèches privées gèrent des fonds publics et sont conventionnées par les CAF avec lesquelles elles ont forgé un partenariat très étroit.

En fédérant le public et le privé autour des projets sociaux que sont les crèches collectives, nous suscitons de vraies dynamiques économiques locales, la création ou la construction d’une crèche entraînant la création d’emplois non délocalisables et permettant de faire travailler l’ensemble des partenaires du bâtiment. Ainsi, nous participons à l’insertion professionnelle, à la bi-activité et à la création d’emplois dans les territoires.

C’est un modèle vertueux. Parmi les places que nous gérons, la moitié est réservée par des entreprises et l’autre moitié par des administrations et des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales ont compris l’enjeu de confier la gestion de leurs structures collectives à un prestataire privé et elles y ont de plus en plus recours.

Nous nous réjouissons du doublement du crédit d’impôt famille : cette incitation supplémentaire amènera les entreprises à participer au développement de places nouvelles à l’échelle des territoires, donc à aider les collectivités à offrir des places d’accueil.

Nous nous inscrivons dans une démarche de complémentarité de l’offre d’accueil. Les besoins demeurent très importants – le chiffre de 200 000 places a été avancé – et le libre choix du mode de garde par les familles n’est pas garanti partout. Nous sommes donc un outil supplémentaire à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à offrir aux familles une diversité de choix.

M. Sylvain Forestier, membre de la commission institutionnelle de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC). Depuis quatre ou cinq ans, le nombre réel de créations de places de crèches en garde collective reste faible. Les chiffres communiqués sont à considérer avec précaution dans la mesure où ils incluent des ouvertures qui n’ont pas toujours lieu – mais qui ont été enregistrées comme devant l’être –, notamment du fait des retards importants au niveau des collectivités locales, et où ils ne prennent pas en compte l’attrition, c’est-à-dire le nombre très élevé de places qui ferment. Or la garde collective reste de loin le mode de garde préféré des Français. Certes, on peut compter sur les collectivités territoriales. D’ailleurs, nous ne gérons pas que des crèches d’entreprise, une bonne partie de notre activité étant tournée vers la gestion de crèches pour le compte de municipalités et de crèches mixtes municipalités-entreprises. Nous permettons aux collectivités locales de créer des crèches beaucoup plus rapidement – en un ou deux ans, au lieu de trois à cinq ans à cause des contraintes liées à l’immobilier et à la réglementation relative aux marchés publics.

Aujourd’hui, les crèches d’entreprises se heurtent à deux freins importants.

Le premier est financier. Le coût brut d’une place de crèche d’entreprise se situe entre 10 000 et 12 000 euros par an. C’est pourquoi nous nous réjouissons que 50 % du coût soit désormais pris en charge par le crédit d’impôt famille. En outre, une crèche d’entreprise étant forcément construite – ce sont des locaux achetés et aménagés, contrairement à une crèche municipale qui fonctionne en général dans un bâtiment préexistant –, la dimension investissement et urbanisme est très importante. Or cet investissement est aujourd’hui financé à 100 % par nos entreprises. Mme Nadine Morano nous a fait part hier de déblocages de fonds destinés à ouvrir 40 000 places dans les prochaines années, ce dont nous nous réjouissons également, car ces subventions permettront aux crèches d’être viables en baissant de 1 000, 2 000, voire 3 000 euros le prix au berceau.

Le deuxième frein tient au caractère décentralisé et autonome des cent caisses d’allocations familiales réparties sur le territoire. Nous en souffrons énormément car elles n’accueillent pas toujours favorablement les entreprises de crèches et nos démarches, même si la CNAF travaille main dans la main avec notre fédération. Pour lutter contre cet obstacle important à la diffusion de nos pratiques, nous rédigeons actuellement avec la CNAF un opuscule à destination des CAF.

Mme Soline Gravouil. Voilà aussi pourquoi la fédération œuvre pour promouvoir son modèle. En 2004, l’arrivée du privé dans le secteur de la petite enfance n’a pas été sans soulever de vagues au conseil d’administration de la CNAF, et encore aujourd’hui dans de nombreux conseils d’administration de CAF. Oui, nous sommes des entreprises privées, mais mieux nous gérons nos entreprises, mieux nous gérons les fonds publics qui servent à financer les places de crèches ! In fine, tout le monde est gagnant, y compris les collectivités territoriales dont la gestion « externalisée » au privé a été plutôt positive.

Mme la rapporteure. Ça dépend où !

Mme Soline Gravouil. Contrairement à une grande agglomération où les professionnels de la petite enfance sont présents, une collectivité territoriale en périphérie – où un nombre croissant de personnes va s’installer vu le prix des logements, mais attend les mêmes services que dans une grande agglomération – n’a pas toujours la compétence pour créer une crèche. Il faut beaucoup de temps à une collectivité pour créer une crèche et elle risque de se retrouver avec une structure affichant un taux d’occupation très faible, ce qui coûtera encore plus d’argent. Elle peut donc ne pas maîtriser son budget, d’autant plus que les directrices de crèches n’ont reçu aucune formation à la gestion d’une petite entreprise dont le budget peut atteindre 1 million d’euros, dont 40 % de fonds publics. Notre fédération apporte une aide à la gestion pour optimiser le taux d’occupation et s’engage sur un prix, qui n’est pas une subvention d’équilibre, mais une subvention de fonctionnement de la structure. Encore une fois, tout le monde est gagnant et les collectivités territoriales qui ont fait appel à nous continuent généralement de le faire, une fois le frein idéologique levé.

Notre mission est bien de participer à cette conciliation vie familiale-vie professionnelle des parents salariés sur les territoires en levant les freins, toujours dans un objectif de rationalisation des fonds publics.

Mme Claire Beffa, directrice associée de la société de conseil Équilibres. Créée en 2005, Équilibres est une société de conseil dédiée à l’articulation des temps professionnel et personnel. Le déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle étant un frein majeur dans la carrière des femmes, il faut plus de justice sociale et plus d’égalité entre hommes et femmes, sachant que les entreprises ne peuvent qu’y gagner, leurs salariés parents recrutés et formés par elles étant en pleine maturité professionnelle au moment où ils ont des enfants et les talents féminins leur étant nécessaires.

La suraccumulation des temps professionnels et familiaux pour les femmes – cette fameuse double journée – a atteint sa limite. Nous avons mené une étude pour voir comment les pères voulaient davantage s’impliquer dans la vie familiale : c’est très important si on veut que les dispositifs permettent à la fois aux hommes et aux femmes de faire des enfants et de travailler.

Certes, la France enregistre le meilleur taux de natalité européen et un très bon taux d’activité professionnelle des femmes. Néanmoins, beaucoup d’entre elles travaillent à temps partiel ou subi. En outre, le complément de libre choix d’activité (CLCA) et le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) les poussent à se retirer du marché du travail parce que leur revenu est généralement plus faible que celui de leur conjoint et que le montant attribué, peu élevé, n’incite pas les pères à prendre ce congé pour élever leurs enfants. On touche là un aspect culturel plus vaste, la représentation des genres, l’homme qui part à la guerre… Par ailleurs, même si nos jeunes filles et nos femmes sont largement diplômées et appréciées dans les entreprises, elles ne sont pas représentées au sommet de la hiérarchie et n’ont pas les meilleurs salaires. Et si elles ont accumulé des carrières discontinues, en particulier en se retirant du marché du travail pour élever leurs enfants, elles ont des retraites extrêmement faibles.

À la suite de notre travail avec des sociologues et des économistes, comme Mmes Dominique Méda, Hélène Périvier et Jeanne Fagnani, nous avons présenté la proposition suivante à Mme Michèle Tabarot : un congé parental plus court, mieux rémunéré, mais aussi partagé et non cessible entre le père et la mère.

Un congé plus court permettrait d’éviter un éloignement trop long, donc préjudiciable, du travail. Avec trois enfants, il est possible de se retirer du monde du travail pendant neuf ans, ce qui, eu égard à la montée du nombre des divorces et des familles monoparentales, a des conséquences importantes pour les femmes les plus fragiles financièrement, donc un poids économique et social très fort.

Une meilleure rémunération du congé – à hauteur de 80 % du salaire sous plafond, le montant du COLCA étant de 790 euros actuellement en cas de non-perception de l’allocation de base de la PAJE – pousserait les pères à le prendre. En Suède, la rémunération mensuelle est de 80 % du salaire de base, avec un plafond réévalué ; et l’on sait ce qu’a prouvé ce pays en termes économique et social.

Un congé parental de 42 semaines – 21 semaines par parent, non cessibles entre le père et la mère – permettrait d’asseoir le principe qu’un enfant est élevé par les deux parents de manière équitable.

En permettant à des pères de s’investir et à des femmes de ne pas rompre leur carrière de manière importante, cette réforme créerait une valeur économique, chiffrée en PIB dans notre document. Du coup, les retraites des femmes seraient améliorées et la société aurait moins à compenser des retraites misérables. Poser le principe d’un congé parental mieux rémunéré et plus court c’est donc aussi prévenir d’importantes conséquences sociales et économiques.

Il est également nécessaire de coupler ce nouveau congé parental court avec une offre de garde renforcée pour les enfants de zéro à trois ans. En effet, si l’on a poussé les couples à avoir plus de deux enfants – la France est la championne d’Europe – et poussé les femmes à travailler – la partie PAJE qui accompagne financièrement les modes de garde a prouvé son efficacité –, 40 % des parents qui prennent ce congé parental auraient cependant préféré un autre mode de garde. Il faut donc ouvrir des places supplémentaires dans les crèches et chez les assistantes maternelles, et renforcer la possibilité d’accueil dans les jardins d’éveil et à la maternelle.

S’agissant des crèches d’entreprise, le crédit d’impôt a traduit un effort des pouvoirs publics et les entreprises ont suivi. Cet effort partagé existe et fait donc ses preuves. Il est à comparer au congé de maternité – qui a amené de nombreuses entreprises à verser 100 % de leur salaire aux femmes –, mais aussi au congé de paternité qui, une fois le frein financier levé par certaines entreprises, a été pris de plus en plus systématiquement par les pères depuis 2002. Pour l’instant, les entreprises voient le départ d’une femme ou d’un homme en congé parental pendant trois ans comme un désinvestissement professionnel complet et n’ont pas envie de s’impliquer financièrement – alors qu’elles sont capables d’investir dans des crèches, des congés de maternité, des jours pour enfants malades, des systèmes de télétravail, des temps de travail annualisé avec revalorisation des salaires…, autant d’exemples de combinaisons entre un effort ou une allocation ciblée des pouvoirs publics et un accompagnement des entreprises. Cette combinaison peut exister dans un congé parental mieux rémunéré et plus court.

Enfin, les entreprises ont mis en place deux accompagnements innovants. Certaines ont prévu des aménagements de temps de travail et une rémunération du temps alloué pour l’adoption et les procréations médicalement assistées, de plus en plus fréquentes. Des entreprises comme L’Oréal, Accenture et GDF Suez, mettent par ailleurs à la disposition des salariés parents cherchant des solutions de garde d’enfants des informations pratiques via l’intranet. Celles qui font ces efforts sont plutôt celles qui ont créé des crèches.

Pour terminer, Équilibres a accompagné l’Observatoire de la parentalité en entreprise – dont l’existence est une très bonne chose – en corédigeant la Charte de la parentalité en entreprise. En consentant des efforts financiers, les entreprises participent à plus de justice sociale et d’égalité entre les hommes et les femmes, mais bénéficient aussi d’une valeur économique indéniable – elles ont besoin et veulent garder leurs salariés parents trentenaires qui sont en pleine maturité professionnelle – et donnent l’image d’entreprises socialement responsables. On a donc tout intérêt à pousser de plus en plus d’entreprises à agir concrètement.

Mme la rapporteure. L’allongement de seize à vingt semaines du congé de maternité pourrait-il constituer une réponse ?

Par ailleurs, même si je partage l’idée qu’il faut étudier les moyens de raccourcir le congé parental, je trouve votre proposition de le ramener à moins d’un an, avec obligation de le partager entre le père et la mère, très osée. Eu égard à notre taux de natalité, très fort et constant depuis quelques années, et à la baisse de l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles, on pourrait presque dire que la création annuelle de places de crèches est quasiment nulle. Comment résoudre l’équation si l’on instaure un congé parental plus court ?

Enfin, vous nous avez fait part des freins en matière de création de crèches d’entreprise, mais il semble qu’elles ne sont pas pleines actuellement. Quelles en sont les raisons ?

Mme Soline Gravouil. Il n’est pas vrai que les crèches d’entreprise ne sont pas pleines. Les crèches hospitalières, notamment au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), à propos desquelles le Gouvernement a fait une communication, ne sont pas comparables puisqu’elles dépendent d’une administration publique, sont gérées en interne et ne bénéficient pas, pour la plupart, de la prestation de service unique. Ces structures ne subissent donc aucun contrôle de leur gestion et de leur taux d’occupation.

Sylvain Forestier et moi-même pouvons donner très clairement les chiffres des entreprises de notre fédération.

S’agissant des multi-accueils, la moyenne du taux d’occupation est de 80 %. Pour les crèches collectives en Île-de-France, ce taux peut atteindre 90 %, voire plus. Et combien d’entre nous avons repris des structures collectives occupées à 40 % pour remonter ce taux à 75 ou 80 %, en quelques semaines, grâce à nos outils, à nos logiciels et à l’accompagnement de la directrice dans la contractualisation – la prestation de service unique, la PSU, étant aussi un outil très efficace pour optimiser l’occupation des crèches.

Aujourd’hui, une des valeurs de notre modèle est de mettre en place des outils pour optimiser la création des crèches. Autre outil extraordinaire : le crédit d’impôt famille, que nous avons défendu, pas pour nous spécialement, mais parce qu’il encourage les entreprises à réserver des berceaux dans des crèches, quel que soit le gestionnaire – associatif, collectif ou privé conventionné, notre modèle. Du coup, des collectivités, mais aussi des associations qui auraient eu du mal à optimiser leurs berceaux vont pouvoir faire appel à des entreprises pour les réserver. Par conséquent, la PSU, les contrôles effectués par la CNAF et les outils que nous avons mis en place dans nos structures font que nous sommes plutôt aujourd’hui – hors AP-HP – quasiment au maximum en matière de taux d’occupation.

M. Sylvain Forestier. J’abonde dans le sens de Soline Gravouil. Selon la CNAF elle-même, les crèches gérées par les entreprises de crèches affichent un taux d’occupation compris entre 85 et 90 %, alors que celui des crèches associatives et municipales tourne autour de 70 %. Gagner ne serait-ce que 10 points de taux d’occupation dans l’ensemble des crèches en France reviendrait à créer, sans structure supplémentaire, entre 25 000 et 30 000 places soit le nombre total de places créées depuis cinq ans. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles la CNAF soutient nos efforts.

Certes, beaucoup d’efforts sont faits, comme le crédit d’impôt famille, pour développer des modes de garde collective, aussi bien dans les municipalités que dans les entreprises. Cependant, madame la rapporteure, si l’on voulait réellement assurer la résorption des déficits en termes de places, il faudrait une volonté politique forte et des moyens considérables, à l’image du plan dont la France s’est dotée dans les années 1970 pour construire des collèges.

Il ne faut pas se leurrer : on ne suit pas cette tendance aujourd’hui, malgré ce qu’on entend dire ici ou là. Nous, entreprises de crèches, ne le déplorons pas car nous sommes conscients que des efforts sont faits, que l’argent, surtout public, est rare et qu’il y a un contexte favorable.

Néanmoins, pour résorber le manque de places, il faudrait non seulement des moyens financiers, mais aussi lever de gros blocages en termes d’urbanisme et de personnel d’encadrement. Si demain, par un coup de baguette magique ou une profusion d’argent public, on voulait créer ne serait-ce que 30 000 places de crèches supplémentaires, ce serait tout simplement impossible à cause du manque de personnel d’encadrement, en particulier des auxiliaires de puériculture, aujourd’hui en nombre très limité, particulièrement en région parisienne. Alors que la formation de ces personnels est financée à 100 % par le privé – les écoles de puériculture sont privées et ne coûtent rien au public –, les autorités compétentes que sont les régions imposent un frein, une sorte de numerus clausus, à l’ouverture de ces écoles.

Le ministère de la famille réfléchit actuellement à la possibilité d’employer des personnels moins qualifiés, sous conditions d’expérience. Mais il faudra un engagement politique fort, qui fait aujourd’hui malheureusement défaut, car les moyens financiers ne suffisent pas.

Mme Soline Gravouil. Il faut arrêter de « découper » la réflexion sur la problématique de la garde d’enfant. Il s’agit d’une politique globale. Les entreprises peuvent dégager des moyens financiers, mais ils ne serviront à rien s’ils ne sont pas combinés avec des créations de places et la formation de personnels.

M. le coprésident Jean Mallot. On voit là quel est le rôle de la puissance publique…

Mme Claire Beffa. J’ai voulu montrer à quel point les choix professionnels des femmes et des hommes étaient influencés par le dispositif du congé parental. Au-delà, il est nécessaire d’assurer une multiplicité des offres de garde.

Il faut donc renforcer l’accueil des enfants à partir de deux ans et demi dans les jardins d’enfants – où Mmes Hélène Périvier et Dominique Méda chiffrent la place à 4 400 euros par an – et dans les écoles maternelles, où les tout-petits sont de moins en moins accueillis. Il faut donc plus de personnels et non pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Il faut également ouvrir 230 000 places de crèche – mode de garde le plus plébiscité par les parents, mais le plus onéreux – et 230 000 places d’accueil auprès des assistantes maternelles. Économistes et sociologues évaluent le coût de ce dispositif à 3,25 milliards d’euros. Mais au regard de son effet durable sur le taux d’activité des femmes et sur leur production économique et en pourcentage sonnant et trébuchant de PIB, cet investissement est rentable à long terme, comme l’ont montré le Danemark, la Suède et la Norvège.

Je suis pour un alignement du congé de maternité sur les normes européennes, donc plutôt à vingt semaines. Son assouplissement est déjà une bonne chose. Il a une vertu en ce qu’il provoque un dialogue entre la salariée et son supérieur hiérarchique. De facto, elle peut l’interroger pour savoir si elle sera remplacée ou si son travail sera répercuté sur l’équipe, comment elle sera accueillie et accompagnée à son retour, si elle bénéficiera d’une augmentation de salaire, d’une prime, etc. Le fait d’avoir permis l’allongement de ce congé pour les parents d’enfants prématurés est également très positif.

J’ai eu trois enfants, et je peux vous dire que revenir à 100 % de son travail est vraiment paniquant et traumatisant quand on n’est pas encore sûre de son mode de garde. Quatre semaines supplémentaires et rémunérées faciliteraient donc ce passage. Chez Bic, par exemple, les salariées peuvent, à l’issue de leur congé, travailler à temps partiel pendant un mois afin de pouvoir mettre en place leur mode de garde.

M. Jérôme Ballarin. L’entreprise L’Oréal, où la proportion de femmes est importante depuis toujours, accorde quatre semaines supplémentaires de congé de maternité depuis trente ans, soit vingt semaines au total.

Pour revenir à ce qu’a dit Mme Claire Beffa, la loi prévoit un entretien pré et post-congé de maternité. Théoriquement, l’employeur doit rencontrer la future mère, non seulement avant son départ – pour évoquer son remplacement, la répartition des missions au sein de l’équipe ou l’embauche d’une personne en CDD… –, mais également après, pour l’accueillir, lui expliquer les modifications éventuelles dans l’équipe, etc. Or très peu d’entreprises ont ces pratiques et très peu y forment leurs managers. Il n’est pas évident pour certains hommes, en fonction de leurs valeurs ou de leurs convictions personnelles, de vivre ce genre de situation et d’évoquer certains de ces sujets. Areva, entreprise pionnière en la matière, a mis à disposition de ses managers un guide leur expliquant comment mener cet entretien avec les salariées. Ces pratiques de management sont de bon sens et devraient être largement diffusées.

S’agissant de l’allongement du congé de maternité à vingt semaines, les accords d’entreprise démontrent cette volonté d’accorder des semaines complémentaires. Alsthom est actuellement en discussion sur ce sujet.

Je voudrais vous faire part de deux idées.

D’une part, je propose l’existence de deux systèmes de congé de maternité dans les entreprises. Un système A, tel qu’il existe aujourd’hui, de seize semaines ou plus. Et un système B, avec deux semaines supplémentaires, la première étant une vraie semaine de congé, la seconde ouvrant un forfait d’équivalent de temps de travail permettant à la salariée d’être en contact avec son entreprise et de se former. Ce temps serait mis à profit par la salariée pour s’adapter, mais aussi pour surmonter le stress engendré par les réorganisations éventuelles intervenues durant son absence, en cas de rachat de l’entreprise, par exemple, ou de fusion de son équipe avec une autre, de modification de son poste de travail, etc. Chaque femme choisirait entre le système A et le système B, dont les modalités seraient à définir – une ou deux heures par jour, ou une demi-journée, etc.

D’autre part, s’agissant de la réforme du congé parental, j’ai trouvé l’idée émise par une des responsables de Force ouvrière très intéressante. Elle m’a parlé d’un forfait temps à utiliser, par exemple, jusqu’aux cinq ans du dernier enfant, permettant de prendre trois mois la première année, puis quatre mois l’année suivante, là encore selon des modalités à définir. Ce forfait permettrait aux pères de bénéficier des temps de respiration professionnelle qu’ont les femmes avec les congés de maternité et d’avoir des moments d’épanouissement et de rééquilibrage vers la sphère familiale. À côté d’un congé plus court et mieux rémunéré, auquel j’adhère moi aussi, cette idée fait sens car les pères peuvent avoir envie d’être davantage présents à des moments clés lorsque leurs enfants sont petits.

Mme Soline Gravouil. S’agissant du congé de maternité, vous avez évoqué L’Oréal, Alsthom, Bic, mais le vivier économique de la France est composé de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME). Je ne peux qu’adhérer à l’idée d’un congé de maternité de vingt semaines, mais je ne travaille qu’en région et qu’avec des TPE et des PME. Un seul exemple : une start-up de dix salariées ayant connu huit congés de maternité en quatre ans a dû mettre la clé sous la porte, n’ayant pas réussi à se développer à cause du coût des formations rendues nécessaires et des conséquences en termes de continuité dans les services et de relais sur les dossiers.

M. le coprésident Jean Mallot. Quelle est la parade ?

Mme Claire Beffa. L’équilibre, la mixité dans les équipes !

Mme Soline Gravouil. Je suis d’accord, la mixité avant tout !

Sur la question du financement du relais entre la femme qui part et la personne qui la remplace, je m’exprimerai en mon nom personnel. Pour permettre un vrai mois de passation des dossiers, de formation, d’échanges, il serait intéressant que les petites entreprises soient aidées par l’État, sous forme d’incitations fiscales par exemple, à verser ce mois de salaire car les TPE ne peuvent pas toujours supporter financièrement deux, voire un seul congé de maternité. Or on ne peut pas les empêcher de recruter une femme sous prétexte qu’elle va peut-être avoir un enfant !

M. le coprésident Jean Mallot. Cela ne sera jamais dit comme ça !

Mme Soline Gravouil. Des chefs d’entreprise m’ont dit clairement être désolés de ne pas pouvoir prendre ce risque !

Dernière remarque : je connais une mutuelle qui emploie 90 % de femmes, mais dont les trois derniers niveaux hiérarchiques ne comportent que des hommes…

Mme la rapporteure. Ce n’est pas un cas isolé !

Mme Claire Beffa. Nous travaillons à cette question !

M. le coprésident Jean Mallot. Si vous le souhaitez, vous pourrez les uns et les autres nous communiquer dans les semaines qui viennent toute autre information que vous jugerez utile, sous quelque forme que ce soit, sachant que la MECSS a encore deux ou trois auditions à mener et qu’elle rendra une première version de son rapport courant avril. Celui-ci comportera deux parties : le diagnostic et l’analyse, d’une part, les propositions, de l’autre –, tous les comptes rendus des auditions figurant en annexe.

Merci beaucoup.

*

AUDITIONS DU 5 MARS 2009

Audition de Mme Martine Durand, directrice-adjointe de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), M. Willem Adema, administrateur principal, et M. Olivier Thevenon, administrateur.

M. le coprésident Jean Mallot. Dans le cadre de son travail sur la prestation d’accueil du jeune enfant, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a déjà auditionné de nombreux représentants du secteur, de l’administration ou des collectivités locales. Elle a le plaisir d’accueillir aujourd’hui trois représentants de l’OCDE qui vont lui donner une vision plus internationale. Merci, madame, messieurs d’être venus jusqu’à nous. Nous avons pris connaissance des documents extrêmement intéressants que vous nous avez fait parvenir et nous aurons de nombreuses questions à vous poser.

Mme Martine Durand, directrice-adjointe de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’Organisation de coopération et de développement économique. Merci d’avoir invité notre organisation à participer à vos travaux. L’OCDE a mené une série d’études dans une quinzaine de pays sur la conciliation entre travail et vie de famille, regroupées sous le nom de « Bébés et employeurs » – Babies and bosses –, dont M. Adema est le principal auteur.

Les politiques de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale sont articulées autour de cinq objectifs essentiels. Le premier est d’augmenter le taux d’emploi des femmes – car, dans un contexte de vieillissement des populations, toutes les personnes susceptibles de rejoindre le marché du travail doivent y être incitées – mais en veillant à leur assurer un emploi de qualité. Le deuxième est lui aussi lié au vieillissement de la population : il s’agit d’augmenter le taux de fécondité – les pays du sud de l’Europe et l’Allemagne par exemple ont atteint des chiffres extrêmement bas. Le troisième est de promouvoir des modes de garde qui favorisent le développement de l’enfant. Le quatrième objectif est de réduire la pauvreté infantile. Le dernier est de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, non seulement dans les carrières mais aussi dans le partage des tâches familiales.

L’importance relative de chacun de ces objectifs varie selon les pays. On peut distinguer trois modèles. Dans les pays nordiques, l’accent est mis sur l’emploi des femmes, le développement de l’enfant et l’égalité entre hommes et femmes. Les pays anglo-saxons eux privilégient, outre l’emploi des femmes, la réduction de la pauvreté infantile – objectif affiché par Tony Blair et qui a été repris par Gordon Brown. Quant à l’Europe du sud et continentale, la politique familiale y est peu développée car le domaine est considéré comme privé : c’est à la famille de s’occuper des enfants, ce qui revient en pratique à ce que les mères ne travaillent pas. L’impact sur le taux de fécondité est direct, car il apparaît nettement que ce sont dans les pays où les femmes travaillent le plus que le taux de fécondité est le plus fort.

C’est des pays nordiques que le système français est le plus proche. Il met l’accent sur l’emploi des femmes et sur la réduction des écarts entre hommes et femmes. Toutefois, la politique nataliste française, qui est fortement affirmée et de longue tradition, peut connaître une certaine ambiguïté dans la définition de ses objectifs. Au total, la France est le pays qui dépense le plus pour la famille : 3,5 % de son PIB, contre 2,3 % en moyenne dans l’OCDE. Les outils sont diversifiés : aussi bien des aides financières directes aux ménages que des services d’accueil du jeune enfant. La part de ces services est assez importante en France – moins que dans les pays nordiques mais nettement plus qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne. Les transferts financiers y prennent en outre très souvent la forme d’avantages fiscaux, notamment par le biais du quotient familial, qui est une spécificité française. Ces transferts réduisent largement les écarts de revenus entre les ménages avec ou sans enfants et les risques de pauvreté infantile, laquelle passe de 21 % avant transfert à 7 % après. Mais le lien entre le revenu initial de la famille et le niveau des aides est faible : la politique familiale française se veut universaliste, contrairement à la plupart des autres pays, où les aides sont inversement proportionnelles aux revenus. En France donc, ceux qui reçoivent le plus d’aides sont les ménages à faible, mais aussi à haut revenu. L’importance de ces transferts entraîne en outre une faible incitation à reprendre une activité professionnelle : le second apporteur de revenus du foyer, généralement la femme, gagne très peu à reprendre une activité, ce qui pèse sur l’objectif d’emploi des femmes.

Avant d’aborder les systèmes d’accueil de la petite enfance, il faut dire que beaucoup de pays de l’OCDE envient la France certes pour son taux de fécondité, mais aussi pour son école maternelle, qui permet une socialisation précoce de l’enfant. Ce sont les atouts majeurs de la politique française. Pour ce qui concerne les enfants de plus de trois ans donc, la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle est assez sereine puisque les enfants sont gardés, et bien gardés, dans une école maternelle de qualité. Mais avant cet âge, les objectifs sont plus ambigus. La France pratique une politique du libre choix « double » : les parents peuvent à la fois choisir entre travail et interruption de carrière, puisque le congé parental peut être long, et entre différents modes de garde. Mais en pratique, le système n’est pas aussi net puisqu’il incite les femmes à faibles revenus à se retirer longuement du marché du travail. Cette question de la durée du congé parental se pose d’ailleurs dans de nombreux pays. L’Allemagne, qui laissait traditionnellement ces sujets dans la sphère privée, a récemment adopté une politique nataliste et a raccourci son congé parental, afin d’améliorer ses taux de fécondité et de travail des femmes. J’ajoute que si l’on entend couramment qu’il est préférable pour le développement de l’enfant qu’un parent – sa mère – reste à la maison, aucune étude n’a jamais conclu en ce sens. Un congé parental d’un an ou dix-huit mois semble amplement suffisant si des modes de garde de qualité sont accessibles ensuite. C’est le choix qu’ont fait les pays nordiques et, récemment, l’Allemagne.

Le modèle français est à la croisée des chemins : il ne permet pas vraiment une bonne conciliation et il ne table pas non plus sur le fait que les mères s’occupent de tout jusqu’à la scolarisation de l’enfant. Ce qui manque serait peut-être une meilleure continuité, un « continuum des aides », ce qui passe par une réduction du congé parental – qui doit bien sûr être relayé par une amélioration de l’offre de modes de garde de qualité – et une réorientation des crédits – car si la France dépense beaucoup pour sa politique familiale, peut-être devrait-elle dépenser mieux. Au Danemark, où les congés parentaux sont inférieurs à cinquante semaines, 85 % des enfants sont dans des centres d’accueil dès leur deuxième année et 61 % des enfants de moins de trois ans ont accès à un service d’accueil, contre un tiers en France. Et le taux de travail des femmes y est plus élevé. Enfin, si, dans les pays nordiques, une large part des congés sont accessibles aux hommes, ce sont objectivement les femmes qui les prennent.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le taux de fécondité du Danemark ?

Mme Martine Durand. Environ 1,8, soit moins qu’en France. Il faut noter que la France a connu des taux assez stables alors que ceux des pays nordiques ont varié davantage, remontant de 1,7 à 2 environ.

M. le coprésident Pierre Morange. Peut-on, même si les facteurs sont complexes, établir une corrélation entre cette remontée et des choix stratégiques des pays nordiques, tenant par exemple à la durée du congé parental ou à la politique d’accueil du jeune enfant ?

Mme Martine Durand. Il est vrai que la question fait intervenir des facteurs très complexes. Les pays nordiques, qui ont opté pour un congé parental court et une large offre d’accueil du jeune enfant, sont parmi ceux qui ont le plus fort taux de fécondité de l’OCDE, même si ce taux a connu des variations, mais la corrélation n’en est pas pour autant établie.

M. Olivier Thevenon, administrateur à l’Organisation de coopération et de développement économique. Si en France le taux de fécondité croît depuis le début des années 2000 alors qu’il reste stable au Danemark, c’est surtout qu’en France, les femmes qui avaient retardé l’arrivée du premier enfant ont commencé à en avoir alors que dans les pays nordiques, ce phénomène a eu lieu plus tôt.

Pour ce qui est de l’impact du congé parental les situations diffèrent au sein même des pays nordiques. La Suède a par exemple accordé un bonus en cas de deuxième naissance rapprochée de la première, ce qui a eu un effet sur le calendrier des naissances mais pas du tout sur la fécondité finale.

Mme Martine Durand. En Finlande, le congé parental, qui peut atteindre trois ans, entraîne un retrait significatif des femmes du marché du travail.

M. le coprésident Jean Mallot. La relation entre les deux est évidente.

Mme Martine Durand. Pas nécessairement. Cette décision dépend aussi beaucoup du contexte. Il est des pays comme le Portugal où la femme doit de toute façon travailler pour assurer un revenu complémentaire et d’autres, comme l’Autriche ou l’Allemagne, en tout cas jusqu’à une période récente, où l’on considérait que c’était à la mère de s’occuper de ses enfants, congé parental ou pas.

M. Olivier Thévenon. Le taux de fécondité en Finlande a baissé au milieu des années 1990 et cette mesure ne l’a pas fait remonter. De façon générale, un emploi stable semble être devenu une condition préalable à l’arrivée d’un enfant.

M. Willem Adema, administrateur principal de l’Organisation de coopération et de développement économique. Dans les pays nordiques, le sentiment est répandu qu’il est tout à fait possible de concilier obligations familiales et professionnelles, grâce aux congés parentaux et au fameux continuum des aides. En Finlande, on a constaté qu’un congé parental plus long pouvait en fait défavoriser les femmes parce que les employeurs hésitent à leur proposer des contrats à durée indéterminée avant trente-cinq ou quarante ans.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Vous avez évoqué des centres d’accueil dans les pays nordiques. Comment fonctionnent-ils ? Est-ce l’équivalent de notre école maternelle ?

Mme Martine Durand. L’école maternelle est une spécificité bien française. Les centres d’accueil des pays scandinaves sont différents, même s’il s’agit de toute façon de modes de garde très encadrés. Leur gestion est très décentralisée, souvent à la charge des municipalités. La Finlande reconnaît même un droit opposable à la garde des enfants et il est possible de se retourner contre la municipalité en cas de défaillance.

M. Willem Adema. Sur ce sujet aussi il y a des différences entre pays nordiques. Au Danemark, les municipalités doivent offrir une place aux enfants dès l’âge d’un an, parfois de dix-huit mois. Dans les deux tiers des cas, ils sont placés dans un environnement domestique : les municipalités recrutent un assistant maternel certifié – souvent une femme – pour quatre enfants.

M. le coprésident Pierre Morange. Et en dessous d’un an ?

Mme Martine Durand. Presque tous les parents utilisent l’intégralité de leurs congés parentaux, soit cinquante semaines.

M. Willem Adema. À trois ans, la majorité des enfants vont dans un centre très proche de l’école maternelle.

Le système est assez semblable en Suède, même si les enfants sont accueillis dans un cadre moins domestique : il peut l’être en milieu rural mais à Stockholm, par exemple, il s’agit beaucoup plus de crèches. À quatre ans, les enfants vont dans une structure proche de l’école maternelle. Ce genre de structure existe aussi en Finlande, mais les plus petits sont accueillis dans des sortes de crèches où ils sont peu nombreux.

Mme Martine Durand. Si ces services sont essentiellement fournis par les municipalités, les parents y contribuent financièrement, en général à proportion de leurs revenus.

M. Olivier Thevenon. Ces divers modes d’accueil équivalant aux crèches et écoles maternelles peuvent reposer sur des conceptions et des valeurs différentes du modèle français. Les pays nordiques ont une vision très intégrée des deux aspects que sont l’éducation de l’enfant et les soins à lui donner. Pour eux, les centres d’accueil doivent participer au développement émotionnel et social de l’enfant tout comme lui faire acquérir les compétences éducatives qui favoriseront son succès scolaire. C’est pourquoi la gestion des centres d’accueil relève en Suède par exemple du ministère de l’éducation. En France, l’approche est plus dichotomique. De manière générale, l’accueil est plus individualisé dans les pays nordiques. Les centres d’accueil doivent notamment définir des parcours pédagogiques individualisés.

M. le coprésident Pierre Morange. Il y a un grand débat en France pour savoir s’il faut privilégier la crèche ou l’école maternelle, dans l’optique de corriger les inégalités culturelles et sociales et de favoriser le parcours scolaire des enfants. Que faut-il conclure de l’expérience des pays nordiques ?

Mme Martine Durand. La Finlande est championne toutes catégories des études que mène l’OCDE sur les performances scolaires des enfants de quinze ans, qu’il s’agisse de lecture ou de mathématiques et de sciences, mais il est difficile de savoir si cela est dû à une scolarisation très précoce où à une cohésion sociale bien plus forte qu’en France, en Allemagne ou en Europe du sud. Toutes les études macro-économiques s’accordent à considérer que quitte à dépenser pour l’enfance, mieux vaut le faire le plus tôt possible dans la vie de l’enfant plutôt que pour corriger des problèmes ultérieurs, et qu’il faut cibler les efforts sur les milieux sociaux défavorisés. En revanche, rien ne permet de déterminer s’il est préférable de développer des crèches et structures collectives ou d’aider les parents à acheter des services de garde agréés par les autorités. Le Royaume-Uni pratique beaucoup ce dernier système, qu’on nomme « politique de vouchers (bons d’achat de services) » et on n’y observe aucune différence marquée avec les autres systèmes en termes de progression cognitive des enfants. Il ne faut donc pas se focaliser sur les crèches, mais assurer une offre suffisante de moyens d’accueil à la qualité contrôlée.

M. Willem Adema. Cette politique de vouchers n’est pas nécessaire dans les pays nordiques, où le système de garderie est très développé. En revanche, c’est un outil très efficace dans les pays qui n’ont pas beaucoup de capacités d’accueil et qui veulent les développer rapidement. Aux Pays-Bas par exemple, la modification de la fiscalité a beaucoup fait croître la demande de places d’accueil. Les vouchers sont aussi très utilisés en Australie.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ainsi que vous l’avez dit, la France dépense beaucoup pour sa politique familiale, mais des inégalités demeurent et les couches moyennes notamment rencontrent des difficultés. Il faut en tenir compte.

Vous avez parlé de raccourcir le congé parental. À quelle hauteur est-il rémunéré dans les autres pays ? Quelles ont été les conséquences de sa réduction récente en Allemagne ?

Que pensez-vous de l’allongement du congé de maternité ?

Par ailleurs, les documents que vous nous avez fait parvenir font apparaître l’effet dissuasif du système français sur la reprise d’activité des femmes et l’importance de l’imposition conjointe du foyer fiscal.

Enfin, comment inciter les hommes à prendre leur part dans le système ?

Mme Martine Durand. Pour ce qui est de la rémunération du congé parental, on distingue trois modèles : des congés courts et non rémunérés qui représentent une forte incitation à reprendre le travail, comme au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas, en Grèce ou en Australie, des congés longs et faiblement rémunérés comme en Autriche, en Europe de l’est, en Allemagne jusqu’en 2007 et en France à compter du deuxième enfant, et des congés courts et bien rémunérés, généralement sous une forme proportionnelle au salaire, comme dans tous les pays nordiques, la Slovénie et, désormais, l’Allemagne. Cette dernière assure 52 semaines de congés rémunérés à 67 % du salaire et deux mois supplémentaires à « l’autre parent », en général le père, en cas de partage du congé. Le Danemark offre, en plus des 18 semaines de congé maternité, 32 semaines de congé parental rémunérées à 100 %, plus 8 semaines non rémunérées. La Norvège 54 semaines à 100 % et un an supplémentaire non rémunéré. La Suède 72 semaines, en grande partie rémunérées à 80 % du salaire, puis forfaitairement. L’Islande 13 semaines à 80 % et 13 autres non rémunérées à partager entre les deux parents. L’Autriche accorde une allocation forfaitaire et la République Tchèque et la Pologne des congés longs et peu rémunérés.

Les congés de paternité, eux, vont de trois jours à treize semaines – en Islande – mais sont généralement assez limités. Les pères ont aussi droit à un quota du congé parental, surtout dans les pays nordiques. Ainsi, le Danemark leur offre 2 semaines de congé de paternité et 8 semaines du congé parental – mais seulement 26 % des pères danois les utilisent. En Allemagne, alors que seulement 3,5 % des pères prenaient leur congé de paternité avant la réforme de 2007, ils sont déjà 14,3 % aujourd’hui. Le congé le plus large est en Islande mais si les pères ne l’utilisent pas, les mères ne peuvent pas en bénéficier à leur place.

Mme la rapporteure. Existe-t-il des systèmes où le congé parental peut être fractionné et utilisé plus tard, jusqu’à l’adolescence de l’enfant ?

M. Willem Adema. En Suède notamment, le congé peut être pris jusqu’à sept ou huit ans. Quant aux congés des pères, toute la question est de bien cerner votre objectif. En Islande, avant 2000, 3 % des pères utilisaient leur congé. Aujourd’hui, le tiers des congés parentaux sont pris par eux. C’est donc un changement de comportement radical. En Suède et au Danemark, les congés accordés aux pères sont plus courts et peuvent être pris jusqu’aux huit ans de l’enfant. En clair, ils s’en servent pour avoir une semaine de vacances à Noël ! Il faudra donc bien identifier votre objectif.

Mme la rapporteure. C’est clairement de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, ce qui passe par des tâches domestiques partagées.

Mme Martine Durand. Sur ce sujet, il importe de ne pas perdre de vue l’opinion des employeurs. Un changement de comportement dans la société sera très difficile à obtenir sans leur participation. Il faudra faire le point sur leurs attentes, savoir s’ils considèrent que les femmes sont trop absentes ou s’ils sont prêts à laisser les hommes partir six mois.

M. Olivier Thevenon. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et l’Institut national des études démographiques (INED), ont mené une enquête sur la famille et les employeurs. En France, la contribution des employeurs à l’aide aux familles est relativement faible et souvent ponctuelle – pour le mariage du salarié par exemple. Ils peuvent aussi consentir des souplesses en matière d’horaires, mais cela ne concerne qu’un nombre limité de personnes, surtout dans les grandes entreprises. En outre, les salariés qui en bénéficient ont généralement un niveau de rémunération assez élevé, ce qui contribue à accroître les inégalités.

Pour ce qui est de développer le congé de paternité, la rémunération est certainement le facteur le plus important, mais il y a en d’autres, comme de donner la possibilité de fractionner le congé. En effet, en Suède où ce congé est long, les pères n’en prennent, en moyenne, que 17 %. Mais il est clair que si les possibilités de fractionnement sont trop larges, comme le disait M. Adema, le congé devient une possibilité de vacances pour le père plus qu’une incitation à la prise en charge de l’enfant. Un troisième levier est constitué par la possibilité d’avoir recours au temps partiel, comme cela se fait en Suède et aux Pays-Bas.

Mme la rapporteure. Mais existe-t-il des congés parentaux dont une partie peut être prise lorsque l’enfant est plus âgé ?

M. Olivier Thévenon. Oui. Il peut être possible de prendre le congé en blocs séparés, pour les pères autant que pour les mères. Certains pays en revanche ont limité le nombre de périodes autorisées.

Mme Martine Durand. J’insiste sur le fait que, dans la plupart des cas, le congé parental peut être pris aussi bien par les pères que par les mères.

M. le coprésident Jean Mallot. Peut-être pourrez-vous nous faire parvenir des données précises sur ce sujet pour l’ensemble des pays de l’OCDE ?

M. le coprésident Pierre Morange. Le système du continuum d’aides des pays nordiques est extrêmement intéressant. Nous serions heureux aussi d’en connaître les mécanismes de financement.

Mme Martine Durand. Nous vous ferons parvenir un complément d’information.

Pour en revenir à la question de Mme Clergeau sur la fiscalité, l’OCDE pratique des micro-simulations qui permettent de connaître l’impact des aides familiales dans chaque cas de figure – selon par exemple la répartition des salaires dans un couple. En France, un parent isolé reçoit suffisamment d’aides pour être très peu enclin à reprendre un travail faiblement rémunéré – mais il n’est pas question dans ce cas uniquement de fiscalité car s’il reprend une activité, les prestations disparaissent. Ces simulations font apparaître toute l’importance du système de la fiscalité conjointe, qui est pratiquement une exclusivité française. Une mère qui veut reprendre un travail faiblement rémunéré y est beaucoup moins incitée en France qu’ailleurs, où elle serait imposée individuellement. Le quotient familial, qui joue un rôle prépondérant dans la politique familiale française, fait obstacle à l’imposition individuelle et si le système était radicalement modifié, il faudrait reporter tous les crédits qui y sont affectés sur d’autres prestations.

Mme la rapporteure. Autrement dit, les autres pays ne tiennent pas compte dans leur fiscalité du nombre d’enfants, mais seulement du revenu.

Mme Martine Durand. Très souvent, oui. C’est une spécificité de la France que d’introduire des éléments de politique familiale dans d’autres politiques : une majoration de la retraite au troisième enfant par exemple, ou une bonification des trimestres de cotisation au premier. Dans les autres pays, généralement, les systèmes sont plus étanches.

M. Olivier Thévenon. Par ailleurs, dans la plupart des pays européens, l’ensemble des aides à l’enfance – aides fiscales et prestations – croissent avec le nombre d’enfants. En France, l’avantage franchit un net palier au troisième enfant, comme en Autriche ou en Belgique. Surtout, grâce au quotient familial, cet avantage au troisième enfant croît avec le revenu. Seule la Belgique, dans de plus faibles proportions, a un mécanisme approchant.

Mme Martine Durand. C’est ce que j’ai appelé le côté universaliste de la politique française, qui est très spécifique.

M. le coprésident Jean Mallot. Merci à chacun pour ce moment très intéressant et pour les réponses que vous nous avez apportées.

*

Audition de Mme Iva Lanova, membre du cabinet de M. Vladimír Špidla, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, chargée des questions d’égalité des chances.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame Lanova, nous sommes heureux de vous accueillir. La mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) étant chargée de tirer le bilan de la politique d’accueil du jeune enfant en France, nous souhaitons vous interroger sur la politique européenne en la matière afin d’évaluer la pertinence de notre système et d’y apporter d’éventuelles améliorations.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Avant le jeu des questions-réponses, je vous propose de faire une présentation liminaire.

Mme Iva Lanova, membre du cabinet de M. Vladimir Špidla, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, chargée des questions d’égalité des chances. Je vais d’abord vous expliquer quelle place occupe le développement des structures de garde d’enfants dans les priorités politiques de la Commission, puis vous faire part de nos dernières initiatives en la matière, enfin vous donner quelques informations figurant dans notre rapport sur l’état des lieux des structures en Europe. Concernant la pertinence du système français, je vous laisserai le soin d’en parler !

Dans le cadre de la conciliation vie professionnelle, vie privée et vie familiale, l’offre de structures d’accueil pour les enfants en âge préscolaire est un enjeu majeur pour la Commission européenne. En effet, l’accès à ces structures facilite l’emploi, en particulier des femmes, qui sont souvent les premières à prendre en charge les enfants mais aussi les personnes dépendantes ; il s’inscrit aussi dans la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, eu égard aux écarts de salaires persistants et au déséquilibre dans la répartition des tâches domestiques et familiales ; et il constitue un soutien à l’inclusion sociale, l’emploi permettant de lutter contre la pauvreté des enfants et des parents, et les structures d’accueil de réaliser des projets familiaux, sachant que l’Europe subit actuellement un ralentissement démographique.

Quelques chiffres récents. La stratégie de Lisbonne, définie en 2000, portait notamment sur la conciliation vie professionnelle – vie privée. Sa relance en 2005 ayant mis l’accent sur l’emploi, le Conseil a alors fixé pour les femmes un objectif de 60 % de taux d’emploi d’ici à 2010. Aujourd’hui, ce taux se situe à 58 % en Europe et à 60 % en France. Selon nos dernières statistiques, le taux de chômage en Europe atteint 7,8 %, et 8,9 % en France. En Europe, 31,2 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 7,7 % des hommes – ces taux étant respectivement de 30 % et de 5,7 % en France. Ils confirment une inégalité entre les sexes, notamment parce que les femmes sont plus enclines à se sacrifier pour raison familiale et parce qu’un travail à temps partiel peut les aider à entrer sur le marché de l’emploi, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur carrière et leur pension. D’où l’importance de structures d’accueil facilitant l’accès des femmes à un emploi rémunéré et du soutien à leur indépendance économique.

Autre comparaison pertinente : l’impact de la parentalité sur l’emploi des hommes et des femmes. En Europe, le taux d’emploi des femmes ayant un enfant de moins de douze ans diminue de 12,4 % par rapport aux femmes n’ayant pas d’enfant, alors que celui des hommes augmente de 7,3 %. La France se situe dans la moyenne européenne : - 10,1 % pour les femmes et + 7,3 % pour les hommes.

Autre élément intéressant qui révèle un décalage : la répartition du temps de travail domestique par rapport au temps de travail payé dans le ménage. Les femmes en Europe consacrent 18 heures de plus par semaine que les hommes au travail domestique. En revanche, elles consacrent sept heures de moins par semaine à un emploi payé. La France est également dans la moyenne pour le travail domestique des femmes, qui y consacrent 18 heures de plus par semaine, mais elle affiche un meilleur résultat pour les heures passées dans un emploi payé, avec un écart de 4 heures entre les hommes et les femmes.

Selon la nouvelle méthodologie européenne, l’écart des salaires entre les femmes et les hommes est de 17,4 % en Europe et de 15,8 % en France.

Dans le cadre de sa stratégie pour l’égalité hommes-femmes, la Commission a présenté en octobre dernier un paquet général sur la question de la conciliation vie privée – vie professionnelle. Ce paquet contenait deux propositions législatives et un rapport sur le suivi des « objectifs de Barcelone ». En 2002, le Conseil européen avait en effet invité les États membres à s’efforcer de mettre en place, d’ici à 2010, des structures d’accueil pour 90 % au moins des enfants entre trois ans et l’âge de la scolarité obligatoire et pour au moins 33 % des enfants âgés de moins de trois ans. Ces objectifs sont aujourd’hui une ligne directrice.

La première proposition législative vise à réviser la directive sur la maternité en portant la durée minimale du congé de maternité de 14 à 18 semaines payées en équivalents congés maladie ; en accroissant la flexibilité offerte aux femmes pour décider si elles prennent leur congé avant ou après l’accouchement ; en améliorant la protection de l’emploi des femmes pendant et au retour de ce congé. Je rappelle que l’Europe fixe un seuil minimal, chaque État membre étant libre d’aller au-delà, la France étant déjà à seize semaines.

La deuxième proposition législative vise à assurer l’égalité de traitement des travailleurs indépendants – dont la protection sociale est très souvent insuffisante – et des conjoints aidants, par exemple les épouses dans le secteur agricole dont la situation est très précaire. Nous proposons que les travailleuses indépendantes et les conjointes et partenaires de vie aidantes bénéficient du même droit à congé de maternité que celui prévu pour les travailleuses salariées, et que les conjoints et partenaires de vie aidants puissent s’affilier, sur une base volontaire, au même régime de sécurité sociale que les travailleurs non salariés.

Nous n’avons pas proposé de modifier le congé parental, la procédure européenne prévoyant que tout changement en la matière repose sur un accord des partenaires sociaux européens. Nous les avons donc consultés et leur avons remis un document comportant nos pistes pour moderniser ce congé. Je rappelle que le minimum européen est de trois mois – là aussi, la France est au-delà –, le volet rémunération revenant aux États membres. À ce stade, nous pensons souhaitable d’augmenter la durée du congé parental, de revoir sa rémunération, de prévoir la possibilité de le prendre jusqu’aux douze ans de l’enfant, au lieu de huit ans actuellement, et d’inciter les pères à le prendre.

Toujours pour favoriser la conciliation vie familiale – vie professionnelle, nous envisageons d’introduire des congés susceptibles de répondre aux besoins des travailleurs, à savoir le congé de paternité, le congé d’adoption, et le congé dit « filial » pour prendre soin de personnes dépendantes. Ce « paquet congés », le congé de maternité mis à part, est entre les mains des partenaires sociaux européens dont nous attendons les résultats des négociations pour ce printemps.

Dans le cadre du suivi des objectifs de Barcelone, la Commission a fait un rapport qui dresse un état des lieux des structures de garde en Europe et permettant ainsi de voir où en sont les États membres de leurs engagements.

Si nous n’avons pas, au niveau européen, la compétence pour légiférer sur les crèches, nous avons le devoir, et le pouvoir, de suivre les engagements des États membres et, à cet égard, notre rapport fournit des statistiques, des données harmonisées et comparables sur l’utilisation des « systèmes formels de garde » de la petite enfance, à savoir les crèches, les écoles maternelles, les assistantes maternelles – à l’exclusion des aides familiales, des jeunes filles au pair, etc. Cet état des lieux porte sur trois points : la disponibilité et l’accessibilité, le coût et le financement, la qualité et les conditions de travail.

En ce qui concerne la disponibilité et l’accessibilité, nous avons distingué deux classes d’âge d’enfants dont les besoins et l’offre de garde sont très différents. Pour les enfants de zéro à trois ans, la demande concerne principalement les crèches, dont l’accès est généralement payant – donc un peu plus coûteux pour les parents – et n’est garanti que dans un nombre très limité d’États membres, en l’occurrence la Finlande, le Danemark et la Suède. Sans surprise, des États nordiques ! De plus, des considérations culturelles et les traditions familiales des différents États entrent souvent en ligne de compte dans le choix du mode de garde. Enfin, les modalités des congés de maternité et parentaux ont un impact sur la demande de services de garde, des congés longs incitant les femmes à rester à la maison, donc à moins utiliser ces structures. Si l’on constate une grande hétérogénéité parmi les États membres pour cette tranche d’âge, on ne la retrouve pas pour les enfants de trois à six ans, dont une part importante est placée en école maternelle, système généralement subventionné ou gratuit dans les États membres.

S’agissant des structures de garde en général, nous avons aussi trouvé pertinent de distinguer les taux de couverture en fonction du nombre d’heures pendant lesquelles les enfants sont gardés – de 0 à 30 heures ou plus de trente heures par semaine –, une crèche ouverte trente heures ne pouvant répondre aux besoins des parents travaillant à temps plein.

Pour les enfants de zéro à trois ans, nos dernières statistiques font apparaître que seuls cinq États membres dépassent actuellement l’objectif de 33 % de taux de couverture. Cinq autres s’en approchent, parmi lesquels la France avec 31 %. Beaucoup d’États membres affichent une couverture inférieure à 10 %, une dizaine avoisinant les 2 % – comme la République tchèque et la Pologne. Ces écarts très importants s’expliquent, encore une fois, par les traditions familiales et les considérations culturelles qui entrent beaucoup en jeu pour cette tranche d’âge. Ce taux de couverture concerne les enfants quel que soit le nombre d’heures par semaine.

Pour les enfants entre trois ans et l’âge de la scolarisation, les résultats sont meilleurs : huit États membres, parmi lesquels la France, ont dépassé l’objectif de Barcelone de 90 % et trois autres en sont très proches. Les autres États membres ont, en général, un taux de couverture assez élevé, de 70 % à 80 %. En revanche, les structures d’accueil fonctionnant souvent à temps partiel pour cette tranche d’âge, en considérant le taux de couverture à temps plein, il apparaît que plus de la moitié des États membres ont en fait un taux de couverture en dessous de 50 %.

La question du coût et du financement est indissociable de celle sur la disponibilité des structures d’accueil. Eu égard à l’inclusion sociale, le coût ne doit pas être un frein au retour à l’emploi, en particulier pour les ménages les moins favorisés. Sur le caractère abordable financièrement des structures d’accueil, nous constatons de grandes différences entre les États membres, mais aussi à l’intérieur d’un même pays, cette coexistence de plusieurs modèles de financement offrant un choix aux parents. Pour les enfants de moins de trois ans, le coût net de la garde des enfants pour les ménages varie énormément entre les États membres, entre 5 % et plus de 30 %. D’après une étude de l’OCDE, la France se situe dans la tranche des États dont le reste à charge est le plus élevé, autour de 12 %, le taux le plus élevé allant à la Grande-Bretagne, avec 32 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Incluez-vous les aides connexes, comme la fiscalité qui s’y rattache ?

Mme Iva Lanova. C’est le coût net, le prix diminué de toutes les aides.

La méthodologie entre en ligne de compte. Notre calcul est basé sur un couple avec deux revenus, travaillant à temps plein et gagnant 167 % du salaire moyen. Nous calculons le coût net en pourcentage, une fois déduites les réductions d’impôt et les allocations.

Mme la rapporteure. Cela confirme ce que nous ont dit les personnes auditionnées précédemment. Notre reste à charge se trouve effectivement dans la moyenne en pourcentage, sachant qu’il y a des inégalités entre les personnes modestes et les personnes dont les revenus sont plus élevés.

Mme Iva Lanova. Pour cette tranche d’âge de zéro à trois ans, la conclusion est assez décevante au niveau européen puisqu’il y a une grande dichotomie entre, d’un côté, des crèches publiques, certes très abordables financièrement, mais souvent sujettes à des listes d’attente, et, de l’autre, des crèches privées où beaucoup de places sont disponibles mais très chères. Au final, l’offre est très divergente et le coût est un facteur de choix très important pour les ménages.

Quant aux enfants de plus de trois ans, la maternelle est accessible et ne représente aucun coût pour les parents dans la plupart des États membres.

La qualité des services d’accueil détermine aussi le choix des parents. Parmi les critères qualitatifs, nous avons pris en compte le niveau de diplôme ou d’éducation des personnes qui s’occupent des enfants. Pour ceux âgés de zéro à trois ans, les travailleurs européens ont en général des diplômes de l’enseignement secondaire, et pour les enfants de trois à six ans des diplômes de l’enseignement supérieur, comme le montrent nos deux tableaux.

Si le nombre d’emplois a beaucoup augmenté ces dernières années dans le secteur de l’accueil des jeunes enfants en Europe, les conditions de travail n’y attirent pas les travailleurs car ce sont souvent des emplois précaires, mal payés et avec des horaires atypiques. Par ailleurs, la profession étant largement féminisée, cela influence le salaire moyen du secteur. La France, elle, comptabilise en moyenne plus d’hommes dans le secteur de la garde d’enfants que les autres pays européens.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ces chiffres concernent-ils à la fois les crèches et les écoles maternelles ? Car je pense que c’est l’école maternelle qui fait remonter le taux de la France.

Mme Iva Lanova. Effectivement, la France a un grand pourcentage d’hommes dans les écoles maternelles, ce qui fait remonter la moyenne.

Un autre élément de qualité des services d’accueil est le ratio entre le nombre d’adultes et le nombre d’enfants, très hétérogène en Europe. Pour la tranche d’âge de zéro à trois ans, ce ratio va de un adulte pour trois enfants jusqu’à un adulte pour sept enfants. Pour la tranche supérieure, il est de un adulte pour six enfants à un adulte pour 19 enfants. Il va de soi que ces différences considérables influencent le choix des parents.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant des enfants de zéro à trois ans, permettez-moi de souligner que nous utilisons en France un critère important pour établir ce ratio : celui de la maîtrise de la marche par les enfants. Avez-vous des informations sur la ventilation entre le personnel encadrant les enfants qui marchent et celui encadrant les enfants ne marchant pas ? Ces éléments ont du sens dans la mesure où ils ont une incidence immédiate sur le coût de fonctionnement des structures d’accueil collectif.

Mme la rapporteure. La distinction entre les enfants de zéro à deux ans et les enfants de deux ans à trois ans intéresse la France dans sa réflexion sur les jardins d’éveil.

Mme Iva Lanova. Il existe une autre étude de l’OCDE sur ce point. En France, le ratio est de un adulte pour cinq enfants de zéro à deux ans et de un adulte pour huit enfants pour les enfants de deux à trois ans. Comme la France, un certain nombre d’États membres nous ont fourni ces informations en tenant compte de cette distinction d’âge. Pour ce que vous appelez le « préscolaire » – avant six ans –, le ratio est de un professeur d’école pour 19,3 enfants en France.

Mme la rapporteure. S’agissant de ce dernier ratio, je suppose que vous comptez uniquement les personnels enseignants et pas les personnes qu’on appelle agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) en France ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les ATSEM chargés d’assister les professeurs des écoles en France sont des personnels communaux. Je suppose qu’ils ne sont pas comptabilisés.

Mme Iva Lanova. Vous trouverez toutes ces informations dans le rapport de l’OCDE, Bébés et employeurs, de 2007.

Sur ce sujet des normes de qualité, il faut évidemment tenir compte du fait que certains États peuvent avoir délocalisé les compétences.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les parents européens privilégient-ils le ratio d’encadrement – classé comme critère de qualité dans votre étude – plutôt que la gratuité des structures, qui est un élément important en France ?

Mme Iva Lanova. Je crois que cela dépend des parents. Selon les objectifs de Barcelone, il faut tendre vers des structures accessibles, de qualité et d’un coût abordable. Ces trois éléments doivent être combinés et chaque pays doit progresser dans les trois domaines en même temps. En fait, les trois entrent en ligne de compte dans le choix des parents en fonction de leur situation, les plus aisés ayant tendance à regarder en premier lieu la qualité, les ménages moins favorisés l’accessibilité et le caractère abordable des structures d’accueil, ce dernier élément contribuant à l’égalité des chances.

En conclusion, le développement de services d’accueil abordables, accessibles et de qualité préoccupe beaucoup la Commission qui suit ce sujet de très près. Plusieurs conseils européens se sont engagés à poursuivre la réalisation des objectifs de Barcelone, et la présidence tchèque a organisé récemment un conseil informel des ministres des affaires sociales pour étudier de nouveau la situation. Cependant, si l’engagement politique est fort, une majorité d’États membres a un retard important et n’atteindra probablement pas ces objectifs d’ici à 2010, même s’ils entendent poursuivre leurs efforts.

Mme la rapporteure. Nous parlons en France de « droit opposable » en matière de garde d’enfants, mais nous n’avons pas les capacités d’y répondre aujourd’hui. Par quel moyen la Finlande, le Danemark et la Suède ont-ils réussi à répondre à la demande de toutes les familles ? À quelles difficultés ont-ils été confrontés et comment les ont-ils résolues ?

Mme Iva Lanova. Il est difficile pour moi de répondre car nous avons une vision macroéconomique des choses. Cependant, il y a beaucoup d’échanges de bonnes pratiques entre États – les ministères se rencontrent, échangent – sur lesquelles nous disposons de bases de données. Par ce biais, nous pourrons vous donner l’information qui vous intéresse. Cela étant dit, on connaît la tradition des pays nordiques en matière de fiscalité, de système social et de service public…

M. le coprésident Pierre Morange. D’après le comparatif sur les tarifs de garde et la participation des familles dans l’Union européenne, la République tchèque est assez bien placée, ce qui signifie qu’un cofinancement est assuré par les structures publiques. Comment cela fonctionne-t-il entre l’État et les collectivités ?

Mme Iva Lanova. Je ne suis pas une représentante du ministère des affaires sociales tchèque. Et même si je vivais en République tchèque, il faudrait que je m’occupe précisément de ce dossier pour le savoir…

M. le coprésident Pierre Morange. Les personnes auditionnées précédemment ont souligné l’existence d’une corrélation entre l’importance des structures d’accueil et des dispositions sanitaires, sociales et fiscales qui s’y rattachent, d’une part, et les taux de fécondité, d’autre part.

Mme Iva Lanova. Oui, nous observons une corrélation directe.

M. le coprésident Pierre Morange. On n’a pourtant pas l’impression que ce lien de causalité existe à chaque fois. Si la France a le taux fécondité le plus élevé d’Europe et bénéficie d’un dispositif particulièrement développé, les graphiques que vous nous proposez font apparaître que certains pays de l’Union européenne ont un taux de fécondité notoirement plus bas, malgré un dispositif de protection sociale et fiscale assez intéressant pour les familles. La participation financière des familles françaises à la garde des enfants est dans la tranche la plus haute, alors que les coûts de prise en charge sont beaucoup plus modiques pour les familles d’autres pays de l’Union européennes dont le taux de fécondité est infiniment plus bas que le nôtre. Y a-t-il une réflexion sur ce sujet ?

Mme Iva Lanova. Je pense qu’il faut avoir une vision globale et regarder un ensemble de chiffres.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est la raison pour laquelle il ne serait pas inintéressant de globaliser ces informations au niveau de l’Europe afin de voir quels mécanismes sont les plus pertinents pour favoriser la fécondité. C’est à cela que je voulais en venir !

Mme Iva Lanova. Nous faisons tous les ans un rapport sur les évolutions démographiques, que je vous ferai parvenir, qui met en lumière différentes corrélations : entre la disponibilité des structures de garde et le taux d’emploi, entre la disponibilité des structures et le taux de natalité ; il y en a sûrement d’autres. Mais lorsque nous regardons le taux de natalité, nous regardons en même temps le taux d’emploi des femmes car ces deux objectifs coexistent. À cet égard, les pays nordiques ont la meilleure stratégie car, eux, arrivent à avoir à la fois un taux de natalité et un taux d’emploi des femmes élevés. Un bémol : ces pays souffrent de problèmes de ségrégation sur le marché du travail, c’est-à-dire de la concentration des femmes dans les emplois féminisés et du manque de femmes dans les postes à responsabilité. Chaque modèle a donc des avantages et des inconvénients, notre objectif étant de permettre la conciliation vie familiale – vie professionnelle en aidant les pays à atteindre plusieurs objectifs en même temps, non pas en forçant les femmes à travailler mais en leur offrant le choix.

Mme la rapporteure. Disposez-vous d’études permettant de dire comment évolue l’enfant dans son cursus jusqu’à l’âge adulte selon qu’il a bénéficié, entre zéro et six ans, d’un accueil familial, collectif ou autre ?

Sur les critères qualitatifs des structures, vous avez parlé du taux d’encadrement, mais avez-vous une étude sur les normes réglementaires pour l’accueil des petits ? Il se trouve que la réglementation française en la matière est aujourd’hui très stricte et entraîne parfois des coûts financiers importants. Il serait donc intéressant pour nous de nous demander si cela est justifié ou pas au regard d’autres pays dont les normes sont moins importantes sans que cela ne leur pose de problème de sécurité.

Mme Iva Lanova. Je chercherai l’information sur les normes réglementaires et vous la ferai parvenir.

Il existe des études – pas forcément de la Commission européenne, et sur lesquelles nous nous fondons – qui démontrent que les enfants qui sont allés dans les structures collectives ont ensuite de meilleurs résultats scolaires. Je pourrai vous les communiquer.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous vous remercions d’avoir répondu à toutes nos questions avec patience et précision. Je vous propose de rester en relation avec nous pour nous apporter des éléments de réponse complémentaires. Cette mise en perspective européenne nous intéresse beaucoup car elle nous aidera à trouver quelques idées pour améliorer notre propre système.

Mme Iva Lanova. Comment le rapport de Mme Michèle Tabarot va-t-il s’articuler avec le vôtre ?

Mme la rapporteure. Nous ferons une synthèse. Tous les travaux déjà effectués, ajoutés à toutes les auditions auxquelles nous procédons, nous permettront de formuler des préconisations qui figureront dans le rapport sur l’évaluation de la politique d’accueil du jeune enfant.

M. le coprésident Pierre Morange. Au-delà des différents thèmes abordés et des travaux que nous menons, l’un des objectifs de la MECSS est de chercher tous les moyens permettant d’optimiser l’utilisation de l’argent public dans sa dominante sanitaire et sociale.

Mme Iva Lanova. C’est très louable !

M. le coprésident Pierre Morange. Le rapport de Mme Tabarot constitue une base de réflexion, dont s’inspirera notre rapporteure Mme Clergeau, et s’inscrit dans cette logique de la MECSS visant à rationaliser les moyens pour répondre aux besoins de nos compatriotes et aux grands défis générationnels auxquels nous sommes confrontés.

Mme Iva Lanova. En plus des informations que je me suis proposé de vous envoyer, je vous donnerai les coordonnées de ceux de mes collègues qui ont une connaissance technique approfondie des questions que vous traiterez dans votre rapport.

Mme la rapporteure et M. le coprésident Pierre Morange. Merci beaucoup, madame.

*

Audition de M. Fabrice Heyriès, directeur général de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, Mme Florence Lianos, sous-directrice des âges de la vie, et M. Ibrahim Moussouni, adjoint au chef du bureau Enfance et famille.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous sommes heureux de vous accueillir afin d’approfondir le sujet de la prestation d’accueil du jeune enfant.

M. Fabrice Heyriès, directeur général de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. La PAJE présente plusieurs vertus dont celles de simplifier en partie le dispositif des aides à la petite enfance et de solvabiliser davantage les parents qui souhaitent faire garder leurs enfants, l’objectif étant également de leur permettre de choisir le mode de garde le mieux adapté à leur situation en conciliant au mieux leur vie professionnelle et leur vie privée.

La prestation a permis l’augmentation du nombre des familles recourant à ce type d’aide pour un coût qui a crû plus qu’il n’était prévu, ainsi que la Cour des comptes l’a relevé. La création de la PAJE a en effet entraîné l’entrée de 250 000 à 300 000 familles de plus dans le dispositif d’aide, mais l’objectif de solvabilisation a été atteint puisque le taux d’effort de tous les types de famille a diminué, quels que soient le mode de garde choisi et le niveau de revenu des bénéficiaires.

Pour autant, le fait que les taux d’effort des bas revenus demeurent plus importants que ceux des hauts revenus a été critiqué. La réponse que l’on peut apporter à cet égard est que tous les taux d’effort ont baissé, que ceux des familles modestes ont diminué plus que les autres, et que, rapportés au revenu, ces taux, s’ils sont différents, sont désormais très proches les uns des autres. Enfin, les taux d’effort exprimés non plus en pourcentage mais en euros sont extrêmement différents selon le revenu des familles.

Bien entendu, la notion de taux d’effort peut faire référence à une redistribution verticale. Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’un des grands objectifs de la politique familiale est d’être universelle et redistributive au sens horizontal du terme, c’est-à-dire orientée vers les familles, quel que soit leur niveau de revenu. Le système actuel se situe en fait à un croisement entre plusieurs priorités : la volonté bien sûr de solvabiliser les familles à bas revenu, mais aussi et surtout toutes celles qui ont besoin de faire garder leurs enfants.

Aussi estimons-nous que l’évolution des taux d’effort va plutôt dans le bon sens.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Le taux d’effort des familles ne semble-t-il pas suivre une courbe en U, à savoir que si les familles modestes fournissent un effort moindre et les familles plus aisées un effort inchangé, les couches moyennes sont pénalisées ?

De façon plus générale, quelles améliorations pourraient être apportées à la PAJE ?

M. Fabrice Heyriès. S’agissant des taux d’effort, on ne peut porter de jugement uniforme. Je ne constate en tout cas pas de courbe en U, sachant que, s’agissant des bas revenus, les données dont nous disposons sont fondées sur le SMIC.

Par ailleurs, la variation des taux d’effort entre les différentes tranches de revenus diffère selon les modes de garde. Exprimés en taux d’effort, les écarts entre les tranches de revenu sont très faibles pour les modes de garde collectifs et plus importants pour les modes de garde individuelle, ce qui paraît d’ailleurs logique.

Mme la rapporteure. La courbe dont j’ai fait état repose, il est vrai, sur une étude de l’OCDE qui intègre dans le calcul des taux d’effort tous les avantages familiaux.

M. Fabrice Heyriès. Tout dépend si l’on parle de dispositif spécifique, comme la PAJE, ou si l’on se situe dans une approche « tout compris », auquel cas il serait logique de prendre en compte les allocations familiales. Cependant, l’avantage relatif de ces dernières diminue avec le revenu là où l’avantage fiscal s’accroît. Nous ne disposons pas de données sur cette base, mais elles pourront vous être communiquées.

M. le coprésident Pierre Morange. Sans remettre en cause le principe clairement affirmé de l’universalité du dispositif, l’intégration de l’ensemble des paramètres nous permettrait de disposer de données plus homogènes quant à l’effort financier fourni.

M. Fabrice Heyriès. La mission de révision générale des politiques publiques (RGPP) relative à la politique familiale, dirigée par M. Thierry Dieuleveux, que vous avez auditionné, dispose de tels éléments.

L’idée selon laquelle les prestations familiales doivent conserver leur dimension universelle a été débattue lors des travaux de la mission RGPP auxquels j’ai participé en leur temps. Prenant en compte l’ensemble des dispositifs qui concourent directement ou indirectement à la politique familiale, la mission s’est en effet interrogée, devant le volume financier considérable de leur coût, sur leur réorientation possible, même si cela devait s’effectuer de manière marginale.

Le choix n’a pas été fait à l’époque de faire évoluer le point d’équilibre entre logique universelle, c’est-à-dire horizontale, et logique verticale.

M. le coprésident Pierre Morange. Nos auditions l’ont montré, l’effort financier est incontestable, la solvabilisation est attestée et l’entrée dans le dispositif de 250 000 à 300 000 familles supplémentaires est réelle. Pour autant, la réduction des capacités d’accueil des enfants de deux à trois ans au sein de structures dépendant de l’éducation nationale et l’augmentation parallèle des capacités d’accueil au titre de la petite enfance n’a-t-elle pas relativisé l’accroissement des financements ?

M. Fabrice Heyriès. Le nombre d’enfants scolarisés entre deux et trois ans s’élève à peu près à 170 000. C’est un chiffre qui diminue en effet légèrement année après année du fait des choix de gestion de l’éducation nationale, ce qui n’est pas gênant si nous faisons plus que compenser cette diminution, mais ce qui pose problème dès lors qu’un objectif ambitieux de progression nette est affiché.

Toute déscolarisation, non seulement accroît d’autant l’effort de créations nettes de places, mais renchérit également les coûts puisque celui des places qui disparaissent est très inférieur à celui des places financées par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), quel que soit le mode de garde privilégié.

Mme la rapporteure. Dans ces conditions, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement, sachant également que si le congé parental est réduit, il faudra répondre parallèlement aux besoins d’accueil des familles ?

M. Fabrice Heyriès. Tout se tient en effet, d’autant que l’objectif que nous sommes supposés atteindre est global. Il faut savoir cependant que l’éducation nationale n’affiche pas sa volonté de diminuer le nombre d’enfants de moins de trois ans scolarisés. Nous constatons toutefois qu’une difficulté existe, c’est pourquoi nous avons engagé des discussions avec ses responsables. C’est dans cet esprit qu’a été développée la notion de jardin d’éveil, qui devrait permettre de prendre en charge les enfants de deux à trois ans.

Mme la rapporteure. Cela me fait penser un peu à la gestion d’une ville : chacun se renvoie la balle.

M. le coprésident Pierre Morange. Selon le mode de garde, les critères réglementaires et les ratios d’encadrement non seulement ne sont pas pareils, mais leur incidence financière n’est pas la même. Il serait pertinent que ces éléments soient pris en compte au titre de la RGPP.

M. Fabrice Heyriès. Il faut comparer ce qui est comparable : la scolarisation est peu coûteuse pour la collectivité et gratuite pour les familles, mais elle n’est pas applicable toute l’année.

Mme Florence Lianos, sous-directrice des âges de la vie à la direction générale de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Concernant les jardins d’éveil, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) doit rendre ses conclusions très prochainement. Ce concept, dont l’intérêt est réel et reconnu comme tel pour l’enfant, n’est cependant pas sans poser de difficultés notamment en termes de locaux et de personnels.

Les professionnels de la petite enfance que nous réunissons très souvent à la direction générale de l’action sociale (DGAS) nous demandent ainsi de ne pas « découper » l’enfant en tranche. Ils éprouvent d’ailleurs quelque mal à concevoir un produit applicable aux seuls enfants d’un an.

L’idée est de pallier le désengagement de l’éducation nationale qui n’est d’ailleurs pas une volonté délibérée du ministère par ce « produit » qui devrait prendre place dans les locaux scolaires et être appliqué plutôt par des éducateurs de jeunes enfants, sachant toutes les difficultés que cela implique en termes de responsabilité, de prise en charge des enfants et de taux d’encadrement et, bien entendu, de participation des parents. En effet, si l’une des spécificités de l’école maternelle est d’être gratuite, le jardin d’éveil tel qu’il se dessine aujourd’hui d’après les différents rapports serait plutôt un produit d’accueil collectif donnant lieu à une participation des parents. Les jardins d’enfant, qui sont d’ailleurs un peu en déclin, concerneraient pour leur part la tranche d’âge des trois à six ans.

M. Ibrahim Moussouni, adjoint au chef du bureau Enfance et famille à la direction générale de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Ils représentent encore 10 000 places environ, mais ce chiffre stagne depuis plusieurs années.

M. le coprésident Pierre Morange. Quand le rapport de l’IGAS devrait-il être rendu ?

Mme Florence Lianos. Son dépôt est imminent.

M. Fabrice Heyriès. L’idée, face à la fois à un désengagement lent mais de fait de l’éducation nationale, à l’objectif de développement du nombre des places et à une contrainte financière globale, est de réorienter le plus possible les enfants de deux à trois ans même s’il est très difficile de découper l’enfant en tranche vers ces futurs jardins d’éveil en les transférant éventuellement depuis les crèches. Ces dernières, qui représentent le mode de garde par enfant le plus coûteux, avec les taux d’encadrement les plus exigeants, seraient réservées aux petits enfants de moins de deux ans. Les jardins d’éveil, d’un coût intermédiaire, interviendraient donc après la crèche et avant la scolarisation au-delà de trois ans.

Mme la rapporteure. La France serait alors le seul pays d’Europe à différencier les deux-trois ans.

Concernant l’universalisme des prestations familiales, on voit bien, sans vouloir relancer le débat, que les familles les plus aisées sont plus favorisées que les autres en cette période de crise économique sévère. On pourrait au moins réfléchir à un rééquilibrage. À cet égard, s’il devait y avoir une participation des parents pour les jardins d’éveil, ne conviendrait-il pas de réfléchir, dans le cadre de la PAJE, à un soutien pour diminuer les charges ?

M. Ibrahim Moussouni. Des améliorations très récentes ont eu lieu sur ce point. Un décret du 9 avril 2008 qui prévoit la revalorisation de la PAJE, se traduit mécaniquement par une baisse du reste à charge pour les familles les plus modestes, soit 50 euros par mois, ce qui peut couvrir deux voire trois journées de garde d’enfant.

S’agissant du taux de scolarisation précoce, il convient de faire attention à l’effet d’optique dû à un taux de natalité très élevé ces deux ou trois dernières années, l’offre de l’éducation nationale n’ayant pas nécessairement évolué dans les mêmes proportions. Cet effet explique que le taux de scolarisation semble avoir baissé.

Mme Florence Lianos. Le mode de garde le plus accessible pour les familles modestes reste les équipements collectifs. Or ceux-ci ont un coût très élevé pour la collectivité, la Cour des comptes l’a souligné à plusieurs reprises.

Pour conserver le libre choix des familles, notion à laquelle nous attachons beaucoup d’importance, notre effort porte donc également sur le développement de la prise en charge des enfants par les assistantes maternelles – ou plutôt les assistants maternels – et sur la solvabilisation des familles modestes pour ce mode de garde. Avec la revalorisation de la PAJE, le décret en question, en diminuant le reste à charge pour les familles modestes utilisant les services des assistants maternels, permettra à ces familles d’accéder à ce mode de garde, dans le souci, encore une fois, de tendre à l’effectivité du libre choix.

M. Fabrice Heyriès. Le reste à charge des familles qui recourent à des assistantes maternelles a diminué en valeur pour les familles modestes et légèrement augmenté ou est resté à peu près stable pour les familles aisées. Pour les familles se situant entre les deux, il a légèrement diminué.

Mme la rapporteure. Comment expliquer, alors que nombre d’assistantes maternelles commencent à partir en retraite, le taux important de chômage qui les frappe ?

Mme Florence Lianos. Les assistants maternels représentent le mode de garde préféré des parents et le moins onéreux pour la collectivité, hors l’école maternelle. Pour autant, 100 000 assistants maternels sont en effet au chômage. Les raisons sont de plusieurs ordres. D’abord, nombre de personnes prennent un agrément sans avoir vraiment le souhait d’exercer cette profession difficile et assez peu rémunératrice. Ensuite, il peut se révéler difficile de trouver des enfants en nombre suffisant dans certaines zones urbaines sensibles ou rurales, ce qui peut entraîner un déséquilibre entre l’offre et la demande.

Aussi avons-nous un vrai plan à fois quantitatif et qualitatif concernant les assistants maternels.

Sur le plan quantitatif, notre effort porte sur le ciblage, avec Pôle emploi, des personnes susceptibles de devenir assistants maternels, sachant que 80 000 départs à la retraite environ devraient avoir lieu dans les années qui viennent. Le ministère réalise à ce sujet des monographies du métier d’assistant maternel qui permettent de cerner les profils pouvant être intéressés par cette profession : femmes plutôt jeunes qui gardent leurs enfants, femmes ayant au contraire déjà élevé leurs enfants, personnes de quarante-cinq à cinquante ans licenciées, etc. Quantitativement, on peut penser que le vivier existe pour augmenter le nombre d’assistants maternels.

Sur le plan qualitatif, nous avons mis en œuvre des actions avec les conseils généraux, qui sont chargés de l’agrément et du suivi. Nous réalisons ainsi avec nos partenaires un guide afin que les pratiques des services de protection maternelle et infantile (PMI) soient homogénéisés. Il conviendrait également qu’en matière de locaux ou d’accueil particulier, les PMI ne soient pas trop exigeantes, tout en faisant bien entendu respecter certaines normes de qualité et de sécurité. Des journées techniques seront organisées pour examiner les différents problèmes.

Quant à la formation des assistants maternels, nous avons travaillé sur le décret qui a fait suite à l’adoption de la loi du 27 juin 2005 relative aux assistants familiaux et assistants maternels. Cette formation permet aujourd’hui de donner les bases du métier en amont de l’exercice de la profession et au cours de la première année d’exercice. Nous avons quelque retard dans l’évaluation de la loi de 2005, mais nous avons d’ores et déjà lancé une enquête auprès de tous les conseils généraux pour savoir comment cette formation était reconnue et utilisée et quelles modifications il convenait de lui apporter.

Par ailleurs, la rémunération des assistants maternels a augmenté, notamment du fait de la PAJE, ce qui est un élément important pour la revalorisation de la profession, très demandeuse de reconnaissance sociale. Nous réfléchissons avec la direction de la sécurité sociale à l’augmentation du plancher et à un passage d’une modalité de calcul non plus par journée mais à l’heure. C’est là encore un élément pour décider des personnes jeunes ou moins jeunes à entrer dans cette profession.

Reste la question de la saturation de l’agrément. Comme la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu la possibilité pour les assistants maternels d’accueillir quatre enfants, la DGAS souhaite que les services de PMI accordent immédiatement un agrément pour quatre enfants. S’il n’est bien entendu pas évident que l’assistant maternel trouve, voire souhaite accueillir quatre enfants, il faut que la possibilité existe.

Mme la rapporteure. Quels sont les financements prévus pour l’accueil des jeunes enfants dans le cadre de la nouvelle convention d’objectif et de gestion (COG) de la CNAF ?

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé la création de 200 000 places d’accueil pour la petite enfance dans un délai rapproché. Comment comptez-vous vous y employer ?

Enfin, combien de places devraient selon vous être créées si le congé parental devait être réduit ?

M. Fabrice Heyriès. Le chiffre de 200 000 cité par le Président de la République correspond au nombre de places que la mission RGPP a elle-même jugé nécessaire de créer d’ici à 2012.

Mme la rapporteure. Aujourd’hui, ce sont 10 000 places que l’on crée par an. Un tel programme d’investissement ne peut donc être réalisé du jour au lendemain. Le plan d’investissement lancé par le Gouvernement Jospin en 1998 n’a ainsi porté ses fruits qu’en 2002 voire 2003.

M. Fabrice Heyriès. Le chiffre de 200 000 recouvre toutes les solutions de garde, qu’il s’agisse des 10 000 places créées par an en accueil collectif par la COG actuelle ou encore des possibilités d’accueil par des assistantes maternelles.

La répartition précise entre les différents modes de garde n’est pas arrêtée. Le curseur sera déplacé en fonction du coût respectif de chaque solution.

Afin que l’objectif global soit tenable, la future COG devra prévoir un volume de créations de places en accueil collectif au moins égal à l’actuel, ainsi que le financement d’autres places selon d’autres modes de garde.

Mme la rapporteure. D’où viendra ce financement ?

M. Fabrice Heyriès. De la COG, mais il pourra également prendre la forme de dispositifs fiscaux. Tous les financeurs publics sont concernés.

M. le coprésident Jean Mallot. Si le Président de la République annonce à la fois la création de 200 000 places d’accueil supplémentaires et le raccourcissement du congé parental, on peut supposer que l’appareil d’État a auparavant réfléchi aux moyens d’atteindre cet objectif.

M. Fabrice Heyriès. Pour prendre l’exemple des dispositifs fiscaux envisageables, nous souhaitons favoriser la création de places de crèches d’entreprise, l’objectif étant de multiplier par trois le parc actuel de 5 000 places.

Mme la rapporteure. La période actuelle n’est-elle pas déjà difficile pour les entreprises ?

M. Fabrice Heyriès. La période est difficile pour les entreprises, mais également pour l’administration s’agissant notamment des moyens d’atteindre l’objectif final de 200 000 places supplémentaires. On sait déjà que 10 000 places de crèche au moins seraient créées par an sur la période. Pour sa part, la secrétaire d’État à la famille a également évoqué la possibilité de mobiliser les places de crèche vacantes en milieu hospitalier, soit à peu près 10 000.

Tous ces différents objectifs ciblés contribueront à atteindre l’objectif final, mais nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure de définir précisément comment se répartiront les 200 000 places.

M. le coprésident Pierre Morange. Tout étant lié, où en est la réflexion sur la réduction du congé parental et sur ses conséquences en termes de créations de places ?

Mme Florence Lianos. On compte aujourd’hui 37 000 agréments d’assistants maternels par an et nous espérons aller bien au-delà avec le plan les concernant.

L’idée est de travailler sur tous les modes de garde : les crèches traditionnelles, les crèches d’entreprise, les assistants maternels, les entreprises de crèche et tous les produits un peu innovants encore à un stade anecdotique, qu’il s’agisse des micro-crèches, des regroupements d’assistants maternels ou de toute autre formule répondant aux besoins du terrain.

M. le coprésident Pierre Morange. Des dispositions réglementaires concernent-elles justement tous les produits un peu innovants, par exemple en matière d’ouverture de places ?

Mme Florence Lianos. Tout à fait. Le décret du 1er août 2000 relatif aux normes d’encadrement des établissements d’accueil a été modifié le 20 février 2007 et un article spécifique aux micro-crèches a été créé. Cette réglementation a d’ailleurs reçu le meilleur accueil de la part de la Mutualité sociale agricole (MSA). Elle répond en effet très bien aux besoins des zones rurales – le regroupement d’assistants maternels correspond par exemple plus aux zones urbaines sensibles.

Chaque produit, telles les crèches familiales, a ses spécificités et son utilité, à charge pour les acteurs locaux de définir quels sont les produits les mieux adaptés à leur situation et de les développer dans le cadre approprié, telle la commission départementale de l’accueil des jeunes enfants.

S’agissant du congé parental, les réflexions en cours ont déjà abouti à un rapport de l’IGAS. Le Gouvernement en est encore pour sa part au stade de la réflexion. Quant à l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) sur le sujet, elle ne sortira pas avant 2010.

M. Ibrahim Moussouni. Pour ce qui est des micro-crèches, nous avons demandé aussi bien à la CNAF qu’à la caisse centrale de la MSA de procéder à un état des lieux. Nous disposerons des chiffres très prochainement.

Après la période de flottement ayant suivi l’expérimentation, le mouvement prend de l’ampleur dans les territoires couverts par la MSA. Plus de soixante projets sont réalisés ou en cours de réalisation. Comme l’on assiste à peu près au même mouvement dans les territoires couverts par la CNAF, il n’est pas impossible de parvenir à une centaine de micro-crèches dans les semaines ou les mois qui viennent.

Mme la rapporteure. Des réflexions sont-elles menées pour faciliter le retour à l’emploi des parents ayant pris un congé parental ?

Par ailleurs le plan Espoir Banlieues mené par Mme Fadela Amara, secrétaire d’État chargé de la politique de la ville, s’articule-t-il avec le projet de développement de crèches dans des quartiers sensibles, pour lequel la CNAF a prévu 30 millions d’euros ?

Mme Florence Lianos. L’une des pistes envisagées est d’offrir un droit particulier à la formation aux bénéficiaires de congés parentaux. Les services concernés – direction de la sécurité sociale (DSS), délégations régionales aux droits des femmes et nous-mêmes – réfléchissent en tout cas au sujet.

Concernant les quartiers sensibles, 30 millions d’euros seront inscrits dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion, et un travail conjoint avec la CNAF a permis de lancer un appel à projets ayant suscité de nombreuses réponses.

M. Ibrahim Moussouni. Ces crédits s’ajoutent aux crédits de droit commun, notamment à la prestation de service unique attribuée par la CNAF. Il s’agit d’un complément financier pour les collectivités territoriales concernées. Un bilan en sera tiré très prochainement.

M. Fabrice Heyriès. S’agissant du congé parental, peut-être faudra-t-il, si l’on souhaite faciliter davantage le retour à l’emploi, réfléchir aux moyens d’éviter des ruptures trop longues avec le milieu du travail, car plus cette rupture est longue, plus le retour est difficile. Aussi, plus on créera de solutions de garde, moins les parents recourront longtemps au congé parental, même si je dois reconnaître que la tentative faite avec le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) n’a pas été très positive.

Mme la rapporteure. La réflexion sur ce point envisage-t-elle un congé parental fractionné, c’est-à-dire un crédit de temps permettant par exemple de prendre un an à la naissance puis pendant certaines périodes jusqu’à l’adolescence de l’enfant ?

Mme Florence Lianos. C’est une des pistes évoquées par le rapport de l’IGAS. Elle nécessite cependant une concertation avec les partenaires sociaux.

M. Fabrice Heyriès. Prévoir la possibilité pour des parents de prendre un congé pour des enfants qui ont atteint un âge pour lequel rien n’est prévu aujourd’hui, reviendrait à créer une nouvelle prestation. Il conviendrait en tout cas de mesurer les effets d’une telle mesure en termes à la fois de retour à l’emploi des parents et de coût.

M. le coprésident Pierre Morange. Ne faudrait-il pas donner un caractère obligatoire à la remontée des informations auprès des structures compétentes, ce qui leur permettrait de mieux gérer les effectifs et les places ayant vocation à accueillir les enfants en bas âge, et aux parents de savoir quelles sont les disponibilités ?

Mme Florence Lianos. Une telle obligation existe déjà en ce sens que les conseils généraux, qui délivrent les agréments et suivent les assistants maternels, sont normalement destinataires de toutes les modifications de situation de ces derniers. La réalité étant cependant un peu différente, il pourrait être envisagé de rappeler ce caractère obligatoire dans la loi, ce qui peut toutefois soulever des problèmes par rapport à la libre administration des collectivités territoriales. Aussi, la piste la plus suivie est celle du conventionnement, soit avec la caisse d’allocations familiales (CAF), comme cela est prévu dans la COG, soit avec les relais d’assistants maternels, par exemple, afin que ces derniers soient beaucoup plus incités, éventuellement financièrement, à donner en temps réel leurs disponibilités.

Sur le terrain, des systèmes efficients fonctionnent déjà qui pourraient être généralisés. Tel est d’ailleurs l’objectif du site Internet national « mon-enfant.fr » dont M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la CNAF, a pu vous parler, sachant qu’en raison du nombre de places offertes par les assistants maternels aucune vision d’ensemble ne serait possible si ce mode de garde n’était pas concerné.

M. Fabrice Heyriès. Le projet de future COG prévoit ce mode de conventionnement et les financements correspondants.

Mme Florence Lianos. Le rapport d’évaluation de la loi de 2005 auquel nous travaillons montre combien il est déjà difficile de disposer auprès des départements de données fiables en termes à la fois de stock et de flux. Ne parlons pas alors de la connaissance en temps réel des disponibilités de leurs assistants maternels !

M. Ibrahim Moussouni. L’obligation légale actuelle concernant les assistants maternels a pour objet de faciliter la tâche des conseils généraux en matière de suivi et de contrôle. L’information est donc collectée, mais pas forcément exploitée pour informer les familles. Quelques départements, dont les Côtes-d’Armor, l’Yonne ou encore le Rhône, ont mis en place un système d’information alimenté par les assistants maternels soit au moyen d’une plate-forme téléphonique soit en ligne, ce qui permet aux familles, par un dispositif de géolocalisation, de savoir quelle est l’assistante maternelle disponible près de chez eux pour une certaine durée. L’idée est de rendre obligatoire la transmission de cette information et de sanctionner, le cas échéant, les assistants maternels concernés.

M. Fabrice Heyriès. Cela implique de rendre cette transmission possible techniquement.

M. Ibrahim Moussouni. En tout cas, les organisations professionnelles d’assistants maternels que nous rencontrons régulièrement au sein de nos groupes de travail ne sont pas hostiles à ce caractère obligatoire dans la mesure où la vie des assistants maternels en serait facilitée : plutôt que de les déranger par de multiples appels, la famille qui a besoin d’une place saurait par un simple clic à qui s’adresser.

M. le coprésident Pierre Morange. Il me reste à vous remercier, madame, messieurs, pour la précision de vos réponses.

*

AUDITIONS DU 26 MARS 2009

Audition de M. Julien Damon, coauteur du rapport du Centre d’analyse stratégique sur le service public de la petite enfance.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le cadre de nos travaux sur le bilan de la prestation d’accueil du jeune enfant, nous avons le plaisir d’accueillir M. Julien Damon, coauteur du rapport du Centre d’analyse stratégique sur le service public de la petite enfance. En le remerciant de sa présence, je lui donne tout d’abord la parole pour nous présenter sa réflexion, puis nous lui poserons des questions.

M. Julien Damon, coauteur du rapport du Centre d’analyse stratégique sur le service public de la petite enfance. Je vous remercie de cette invitation.

Je vous ai transmis un ensemble de graphiques et données chiffrées sur le service public de la petite enfance. Je vais tenter de synthétiser mon analyse, désormais personnelle, sur le sujet, en m’appuyant sur un rapport produit par le Centre d’analyse stratégique, où je ne travaille plus, et qui avait été saisi par le Premier ministre il y a deux ans.

Le service public de la petite enfance est une idée relativement neuve en France. Elle figurait – avec celle, mise en œuvre, de la création d’un revenu de solidarité active – parmi les quinze recommandations formulées par la célèbre commission « Familles, vulnérabilité et pauvreté », présidée par M. Martin Hirsch, en 2005. Nous avons tenté de lui donner un contenu et un périmètre, étant entendu qu’elle est également inspirée d’expériences étrangères, dont les experts de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Commission européenne vous ont déjà parlé ; il existe en effet, notamment en Finlande, ainsi que sous des formes dérivées en Suède et en Norvège, et dans une certaine mesure au Danemark, ce qu’on peut appeler un service public de la petite enfance, entendu comme un droit opposable à un mode de garde. Lors de la campagne présidentielle, il y a eu un débat entre les partisans de ce « service public de la petite enfance » et ceux d’un « droit opposable à un mode de garde », mais à mes yeux ces deux notions sont synonymes.

Ce rapport sur le service public de la petite enfance prend en considération, au-delà de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), prestation monétaire servie par la branche Famille de la sécurité sociale, toute la masse financière affectée à l’accueil des enfants âgés de zéro à trois ans, qui représente aujourd’hui environ un point de PIB. Nous avons fait un ensemble de constats sur les manques, que vous connaissez par ailleurs à travers les témoignages des parents qui, dans vos circonscriptions, vous décrivent leur parcours du combattant.

Mon propos sera simple : à mes yeux, on est confronté à deux difficultés principales, la première concernant la gouvernance de la politique de la petite enfance, et la deuxième étant liée à la bonne santé démographique de notre pays.

La première difficulté est d’ordre institutionnel. Qui fait quoi en matière de petite enfance aujourd’hui ? Il est assez étonnant de vouloir créer un « service public de la petite enfance » car, dans une certaine mesure, il existe déjà : la protection maternelle et infantile (PMI) est un service public obligatoire organisé par les départements ; par ailleurs, relèvent du service public local, géré et organisé par les municipalités, les dispositions prises au titre de l’action sociale facultative, autrement dit les crèches. Les départements agréent et habilitent les équipements, et assurent une partie du financement, même si elle est résiduelle ; quant aux municipalités, parce qu’elles maîtrisent le foncier et en partie l’immobilier, et surtout les commissions d’attribution des places dans les équipements collectifs, elles détiennent en réalité le pouvoir en matière de développement de l’accueil, y compris dans ses formes nouvelles comme les mini-crèches. Le troisième grand acteur est constitué par les caisses de sécurité sociale – et plus spécialement les caisses d’allocations familiales (CAF), qui servent la PAJE –, qui gèrent également une action sociale permettant de financer les équipements collectifs, en investissement comme en fonctionnement. En fin de compte, on ne sait donc plus très bien qui est responsable de quoi.

Pour avancer, il est indispensable de simplifier considérablement ce cadre institutionnel. Si l’on veut mettre en place un « droit opposable à un mode de garde », ou plus simplement un « droit à un mode de garde » ou encore un « service public de la petite enfance », il faut qu’une collectivité publique soit responsable. Et je crois pour ma part que ce sont les communes et leurs intercommunalités qui doivent se voir confier cette responsabilité et les moyens afférents. Quant aux caisses de sécurité sociale, je pense qu’elles ne peuvent pas continuer à avoir une action sociale alors que le département est désormais « chef de file de l’action sociale », sans que cela crée des concurrences coûteuses. J’avais d’ailleurs noté dans de précédents rapports de la MECSS l’idée de transférer l’action sociale des caisses de sécurité sociale aux départements ou aux communes. On n’avancera pas sur ce dossier de l’accueil de la petite enfance tant qu’on ne simplifiera pas la gouvernance du système, pour ensuite lui affecter des objectifs clairs, tel que celui qui avait été évoqué à l’horizon 2012 lors de la campagne présidentielle.

La deuxième difficulté tient à notre démographie, qui va plutôt bien par rapport à celle des vingt-six autres États membres de l’Union européenne. On impute cette situation à notre politique familiale et aux performances de notre politique de la petite enfance, or la corrélation n’est pas évidente : les États-Unis sont le pays en Occident où le taux de fécondité est le plus élevé, mais l’un de ceux où les dépenses publiques en matière de petite enfance sont les plus faibles. Au demeurant, l’objectif de la politique de la petite enfance est-il la fécondité ? C’est ce que l’on avance d’autant plus volontiers chez nous qu’au sein de l’Union européenne, la France se caractérise par une fécondité relativement élevée. Mais elle n’est pas, en revanche, dans le peloton de tête pour la qualité de l’offre et la satisfaction des parents : selon les informations de l’OCDE et de la Commission européenne, elle est au sixième ou septième rang pour le taux de couverture en matière d’accueil et dans la queue du classement concernant le niveau de satisfaction. Si nos dispositifs d’accueil participent au soutien de la fécondité, tant mieux ; mais si l’on vise l’égalité des chances, qui passe par un accueil des enfants harmonisé en termes de qualité et par la recherche de l’équité en termes de « reste à charge » des parents, nous sommes très loin d’être les plus performants.

Ces deux difficultés – la gouvernance, les objectifs – me laissent penser que pas grand-chose ne va bouger dans la politique de la petite enfance, d’autant plus que la concurrence va être de plus en plus grande entre les deux âges de la dépendance – petite enfance et personnes âgées. Si l’on considère le total des dépenses fiscales, des dépenses de sécurité sociale et des dépenses des collectivités territoriales, on consacre environ un point de PIB à la petite enfance et à peu près la même chose aux personnes âgées dépendantes ; à l’horizon 2025, mécaniquement, on devrait atteindre pour ces dernières environ 1,25 point de PIB. Il y a donc peu de chances, hélas, pour que l’on dépense davantage pour la petite enfance. En outre, je pense qu’on ne fera pas de grande réforme en matière d’objectifs et d’organisation. Sans doute pourra-t-il y avoir quelques avancées, mais les progrès ne seront pas à la hauteur des aspirations des parents et de tous ceux qui pensent que la politique familiale devrait être de plus en plus centrée sur la petite enfance, au lieu de s’étendre à tous les âges de la jeunesse, jusqu’aux jeunes majeurs.

Je suis donc un peu pessimiste quant au développement chez nous d’une politique intégrée de la petite enfance. En dépit de nos « cocoricos » démographiques, notre pays n’a ni la même rigueur en termes d’organisation et de financement, ni les mêmes performances en termes de qualité que ceux que nous citons en exemple, notamment les pays scandinaves. Et il est frappant de constater qu’aux États-Unis, où la dépense publique est bien plus faible, la part des jeunes enfants accueillis, selon les normes OCDE, dans des services « de qualité » est plus importante qu’en France. Pour moi, sans réforme majeure de la gouvernance du système, on n’atteindra pas l’objectif, judicieux et qui fut un temps envisagé, d’offrir à tout enfant dont les parents sont actifs, et pourquoi pas aussi aux autres, un mode de garde de qualité.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Ces propos ne sont pas très joyeux, et en plus, vous n’avez pas parlé des effets de la crise…

Vous avez insisté sur l’idée d’égalité des chances, or les familles modestes et monoparentales ont plus de difficultés que les autres à accéder aux modes de garde. Avez-vous des propositions à nous faire à ce sujet ?

M. le coprésident Pierre Morange. Vous souhaitez une réforme de la gouvernance, mais en pratique que préconisez-vous ?

M. Julien Damon. Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2007, la Cour des comptes évoquait l’objectif d’une égalisation du « reste à charge », quel que soit le mode de garde choisi. Ce serait une remise en cause complète de notre système, qui repose surtout sur les assistantes maternelles, pour environ 10 % sur les crèches et pour 1 % des enfants sur les gardes individuelles à domicile.

On peut aussi étendre l’intervention publique, selon deux grands modèles. Le premier consiste à abaisser l’âge d’accueil par le service public gratuit, c’est-à-dire à le faire passer de l’âge de la scolarité obligatoire et de l’école maternelle à celui de la petite enfance. C’était le modèle de la République démocratique allemande (RDA) ou de la Hongrie. Le deuxième, modèle libéral pur, consiste au contraire à donner un chèque aux parents, modulé ou non en fonction de leurs revenus, à charge pour eux de trouver le mode de garde qu’ils souhaitent, les collectivités locales pouvant quant à elles organiser l’offre en collaboration avec les caisses de sécurité sociale. Le problème de la France, c’est que, comme sur bien des dossiers, elle hésite entre la logique de service public, d’inspiration social-démocrate, et la logique libérale, assortie d’un ensemble d’outils allant du financement d’équipements collectifs jusqu’à la solvabilisation des parents par le chèque emploi service universel (CESU) ou par le complément de libre choix d’activité (CLCA), avec cette modalité particulière qu’est l’ancienne allocation de garde d’enfant à domicile (AGED).

Ou bien, donc, on s’inscrit dans une logique de gratuité pure, ou bien on réaffecte la masse des dépenses – un point de PIB aujourd’hui – sous forme de chèques aux parents, avec un objectif d’égalisation soit de la somme affectée à chaque enfant, soit du « reste à charge ». Il relève évidemment du débat politique de savoir s’il faut affecter une somme forfaitaire à chaque enfant, comme c’est le cas actuellement pour les allocations familiales, qui sont attribuées sans conditions de ressources, ou si le montant du chèque doit être d’autant moins important que les revenus des parents sont élevés, à l’inverse du mécanisme du quotient familial.

Il reste qu’à l’origine, notre politique familiale n’était absolument pas axée sur la garde des enfants. Il y a un quart de siècle, ce point de PIB affecté à la garde la petite enfance n’existait pas ; la part des dépenses de politique familiale de la branche Famille de la sécurité sociale affectée à la petite enfance est passée de zéro à la fin des années 60 à un quart au début des années 90 et à un tiers aujourd’hui. À ce sujet, il faut s’interroger sur l’objectif des allocations familiales. Ne peut-on, au-delà du débat sur l’attribution sous conditions de ressources, concentrer les moyens sur les enfants de zéro à trois ans ?

Quant au problème de la gouvernance, je sais que la MECSS s’en est préoccupée à plusieurs reprises. J’ai en particulier noté avec intérêt qu’il était proposé dans un de ses rapports une régionalisation des caisses de sécurité sociale. On entend parler de « droit opposable à la garde d’enfants », mais cela ne peut avoir de contenu tant qu’on ne sait pas quelle est la collectivité publique responsable. Techniquement, ce pourrait être les caisses d’allocations familiales, avec un système de contractualisation avec les collectivités territoriales ; mais pour moi, si l’on ne confère pas cette responsabilité, avec les moyens afférents, aux communes et intercommunalités, on n’avancera pas. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, en outre, envisager la décentralisation de la PMI au niveau des communes et intercommunalités. Enfin, il serait nécessaire d’harmoniser la qualité de l’offre. Si l’on retient comme critères la formation et la supervision des professionnels, nos établissements d’accueil collectif sont de très grande qualité ; la situation est très différente et très hétérogène en ce qui concerne la garde des enfants chez une assistante maternelle ou au domicile des parents.

M. le coprésident Pierre Morange. Si je comprends bien, vous envisagez un système adossé sur le couple communes – caisses d’allocations familiales.

M. Julien Damon. Les CAF ont le très grand avantage de disposer de fichiers. Pour le service de prestations légales, il n’y a pas mieux. La meilleure preuve en est que, lorsqu’on crée une nouvelle prestation – le revenu minimum d’insertion (RMI) il y a vingt ans, maintenant le revenu de solidarité active (RSA) –, on leur demande de la gérer. Même si elles disent ne pas vouloir être les tiroirs-caisses, elles peuvent très bien être les caisses de gestion de politiques qui seraient sous la responsabilité des élus. L’argument selon lequel les caisses de sécurité sociale, elles, seraient neutres me semble très discutable ; les premiers responsables du dossier sont les élus locaux, auxquels les parents viennent réclamer des places.

Vos auditions ont mis en évidence un point très important : en dépit de moyens techniques conséquents, nous avançons très lentement sur le sujet crucial de la mise en cohérence de l’offre et de la demande. Il faut se réjouir que les CAF améliorent les informations fournies par internet sur la petite enfance, en particulier la CAF de Strasbourg, mais il faudrait que cet exemple soit généralisé plus rapidement. La bonne information de parents est en effet essentielle, et on peut même dire que c’est le premier degré d’un service public de la petite enfance, auquel on peut ensuite en ajouter d’autres. Il est incroyable, alors que l’on dispose de l’outil informatique, d’être incapable de dire, par exemple tous les trois mois, à l’échelle d’un territoire, combien il y a de places libres en crèche et combien il y a de places disponibles chez les assistantes maternelles agréées par les PMI.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes conscients de ce problème.

Mme la rapporteure. Quels seraient, selon vous, les modes de garde à développer en priorité ? Et quelles améliorations faudrait-il apporter au dispositif et au statut des assistantes maternelles ? Celles-ci sont très nombreuses, mais beaucoup d’entre elles sont au chômage, et l’offre de garde n’est pas également répartie sur le territoire.

M. Julien Damon. Quand on parle d’accueil de la petite enfance, on pense immédiatement aux crèches, mode de garde qui concerne surtout le milieu urbain. Mais dans bien des endroits, pour des raisons d’organisation territoriale ou d’aspirations des parents, ce n’est pas le meilleur système. Il est heureux d’avoir, pour développer l’offre des assistantes maternelles, donné suite au rapport de Mme Michèle Tabarot en faisant passer de trois à quatre le nombre des enfants qu’elles peuvent garder.

Mais le grand paradoxe est qu’une partie des 400 000 assistantes maternelles agréées, celles qui habitent dans des quartiers où les parents ne veulent pas emmener leurs enfants, se trouvent au chômage. La question est donc de savoir comment les collectivités locales pourraient mettre à disposition des petites maisons ou des appartements pour faire des mini-crèches, permettant à des assistantes maternelles qui ne peuvent pas exercer chez elles de le faire de concert, en étant davantage supervisées et en ayant la possibilité de s’entraider. Vive les mini-crèches, donc !

On parle beaucoup en France de libre choix, tout en citant le modèle scandinave, dans lequel il n’y a pourtant pas de libre choix. Dans les pays du Nord, on accorde un congé parental plus court, rémunéré en proportion du salaire antérieur – avec un plafond ; l’un des deux parents, ou les deux parents, ou les deux parents à temps partiel s’occupent de leur enfant de zéro à dix-huit mois. Par la suite, il y a une offre d’accueil, soit en équipements collectifs, soit auprès d’assistantes maternelles, qui peuvent être directement salariées de la collectivité locale ou employées par ce que nous appelons des relais d’assistantes maternelles.

Il est tout de même aberrant que, chez nous, les crèches ne trouvent pas de personnel parce que les exigences de diplôme sont trop élevées, tandis qu’on ne demande aucun diplôme pour la garde à domicile. La différence de qualification ne correspond pas à une différence de compétence : dans le secteur de la garde à domicile, on trouve des personnes très performantes, mais elles ne sont ni reconnues ni supervisées. Permettez-moi d’ailleurs une proposition provocante : régularisez la situation des personnes sans-papiers qui exercent une activité de garde à domicile, vous ferez œuvre utile ! Bref, le rapprochement entre l’offre et la demande de garde passe à la fois par un développement de l’usage de l’outil informatique et par un rapprochement dans les exigences de qualification.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous une idée du nombre d’assistantes maternelles non déclarées ?

Quel est votre point de vue sur la « préscolarisation » des deux à trois ans ? Le pourcentage d’enfants préscolarisés est passé de 37 % à 21 % en cinq ans ; est-ce une bonne chose, ou faut-il au contraire développer ce système ?

M. Julien Damon. En ce qui concerne le travail au noir, je n’ai aucune idée de la masse financière en jeu et du nombre de personnes concernées. À mon avis, c’est une situation marginale, les prestations servies ayant notamment pour objectif d’éviter le travail non déclaré. C’est néanmoins un problème préoccupant pour les personnes concernées, qu’elles soient ou non en situation régulière.

Concernant votre deuxième question, une « séquence » judicieuse me semble celle-ci : pour les enfants de zéro à un an, proposer un congé parental, réformé par rapport au système actuel – qui a notamment pour inconvénient de faire sortir du marché du travail des femmes peu qualifiées ; pour les enfants de un à deux ans, assurer une offre d’accueil permettant de répondre à toutes les demandes et mieux supervisée ; pour les enfants de deux à trois ans, inverser le mouvement en matière de préscolarisation, celle-ci ayant toujours bien fonctionné. Quand la branche Famille investit dans la petite enfance, c’est en partie là où il y a un désinvestissement de l’éducation nationale : ce sont les vases communicants des finances publiques.

Si l’on considère le taux de couverture par une dépense publique, 1 % des 2,4 millions d’enfants de zéro à trois ans sont « couverts » par la garde à domicile, un quart par le complément de libre choix d’activité (CLCA) rémunérant le congé parental, un autre quart par l’ex-aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée (AFEAMA) ; environ 10 % fréquentent un établissement collectif, autrement dit une crèche – la Cour des comptes ayant bien montré que, grâce à la création de places ayant accompagné la croissance démographique, cette proportion reste stable ; enfin, environ 8 % des enfants sont préscolarisés. La préscolarisation est donc, si l’on considère l’ensemble des enfants de zéro à trois ans, un « mode de garde », ou un mode d’accueil, quasiment aussi important que les crèches ; on a de plus en plus tendance à le séparer des autres, alors qu’il faudrait à mon avis les faire se rejoindre.

Mme la rapporteure. Jusqu’à présent, on a affirmé le principe du libre choix du mode de garde entre zéro et trois ans. Tout le monde reconnaît que le congé parental est trop long, les femmes aux revenus les plus modestes ayant du mal ensuite à se réinsérer dans le marché du travail. Mais s’il faut effectivement s’orienter vers un congé parental plus court, mieux rémunéré et partagé entre le père et la mère, il ne faudrait pas que pour autant la société se désintéresse de l’accueil des enfants de zéro à un an.

M. Julien Damon. On cite souvent en exemple les Scandinaves sur ce sujet. À mon avis, pour avancer il faut un séquençage, et un congé parental raccourci me paraît la meilleure formule, au moins comme principal mode de garde des plus petits. L’idée du libre choix est séduisante, mais la politique de la petite enfance pèche aujourd’hui par le fait qu’elle a des objectifs en termes de moyens, et non en termes de résultats. Il faudrait viser une harmonisation de la qualité de l’offre : par le bas dans les équipements collectifs car je ne vois pas pourquoi on exige une telle durée de formation pour y travailler ; à l’inverse, en renforçant la supervision sur les assistantes maternelles – dont le contrat de travail pourrait être passé par les relais d’assistantes maternelles (RAM) ; et en développant également la supervision sur la qualité de l’offre de garde au domicile, pour laquelle on ne peut continuer à tant dépenser sans contrôle.

M. le coprésident Pierre Morange. Y a-t-il un modèle mathématique permettant d’évaluer le coût du séquençage que vous proposez ?

M. Julien Damon. J’ignore si le calcul a été fait, mais je sais qu’il peut se faire assez aisément, à l’aide des modèles de « microsimulation » qui ont été mis au point par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF).

M. coprésident Pierre Morange. Merci beaucoup pour cet échange.

*

Audition de Mme France Prioux, corédactrice en chef de la revue Population à l’Institut national d’études démographiques (INED), et M. Laurent Toulemon, responsable de l’unité de recherche fécondité, famille, sexualité à l’INED.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous souhaitons, madame, monsieur, la bienvenue et je vous invite, en accord avec Mme la rapporteure, à faire une présentation générale des études que vous avez réalisées avant de répondre à nos questions.

Mme France Prioux, corédactrice en chef de la revue Population à l’Institut national d’études démographiques (INED). Nous allons résumer les résultats de nos études sur la fécondité française et sur les effets possibles de la politique familiale sur la fécondité en France.

Le niveau de la fécondité française est relativement élevé puisque l’indicateur conjoncturel de fécondité en 2008 a dépassé deux enfants par femme : s’il est de 2,00 pour la France métropolitaine, il atteint en effet 2,02 avec les départements d’outre-mer.

L’augmentation récente de la fertilité n’est pas liée à un changement remarquable de comportement. Elle est due à l’évolution de l’âge à la maternité qui se traduit par une baisse de la fécondité aux jeunes âges et une remontée de celle-ci aux âges élevés. C’est la stabilisation récente de la fécondité des jeunes qui a permis à l’indicateur conjoncturel de fécondité de se redresser.

Ces mouvements annuels de la fécondité semblent influencés par la conjoncture économique. C’est ainsi que la fécondité a été à son plus bas en 1994-1995, période où le chômage était élevé.

Le bilan de la fécondité des générations montre que la descendance finale des générations nées entre 1950 et 1960 est supérieure à 2,1 enfants par femme. On observe ensuite une légère baisse entre les générations 1960 et les générations 1970 : la descendance se rapproche progressivement de deux enfants par femme. Pour les générations suivantes, on ne prévoit pas de nouvelle baisse. On aura peut-être même une légère hausse.

Parallèlement, l’âge de la maternité a beaucoup augmenté. L’âge moyen tous rangs confondus a augmenté de plus de trois ans entre la génération 1950 – 26,5 ans – et la génération 1970 – 29,6 ans –, l’âge moyen pour le premier enfant étant de 27,6 ans, soit un écart de deux ans.

Ce niveau de fécondité place la France dans les tout premiers rangs des pays européens : elle est au deuxième rang derrière l’Irlande, qui a une fécondité traditionnellement plus élevée, mais qui est en baisse d’une génération à l’autre, et se trouve à un niveau proche, en dehors de l’Union européenne, de celui de la Norvège qui a encore une fécondité supérieure à deux enfants par femme. Tous les autres pays ont une descendance finale légèrement inférieure à ce ratio. Les pays du Nord de l’Europe ont une fécondité comprise entre 1,9 et 2 enfants par femme. C’est en Europe centrale – Allemagne, Suisse, Autriche – et en Europe du Sud – Italie, Espagne – que la fécondité est la plus basse.

Le niveau élevé de la fécondité française des générations 1950 à 1960 est en partie liée à une stabilité de la répartition des familles par taille, qui est assez symétrique : 1-2-4-2-1. Sur 10 femmes, 1 seule n’a pas eu d’enfant, 2 ont eu un seul enfant, 4 ont eu deux enfants, 2 ont eu trois enfants et 1 seule a eu quatre enfants ou plus. La proportion de femmes sans enfant pourrait augmenter très légèrement et les mères de quatre enfants ou plus diminuer un peu dans les générations suivantes.

La répartition des familles par taille présente deux spécificités par rapport à nos voisins : une faible proportion de femmes sans enfant et une proportion relativement élevée de femmes ayant au moins trois enfants, ce qui contribue largement à expliquer notre niveau de fécondité.

Le désir d’enfant reste relativement élevé en France. En Allemagne et en Autriche, par exemple, où le taux de fécondité est bas, de plus en plus de femmes disent ne pas souhaiter d’enfant.

La bonne santé de la fécondité française est sans doute liée au fait que les femmes ne se sentent pas obligées de choisir entre fécondité et activité professionnelle, contrairement à l’Allemagne, par exemple, où avoir des enfants entraîne beaucoup plus souvent un arrêt de l’activité professionnelle.

Les différences sociales de fécondité se sont atténuées en France, mais c’est toujours aux deux extrêmes de la hiérarchie sociale que l’on observe la fécondité la plus forte, avec une courbe en J inversée : fécondité la plus élevée chez les ouvriers, la plus basse dans les catégories intermédiaires, et ensuite un peu plus élevée chez les cadres.

En France comme ailleurs en Europe, les femmes les plus diplômées restent plus souvent sans enfant que les autres, mais la différence est faible lorsqu’elles vivent en couple. Il ne semble pas y avoir alors d’incompatibilité entre la carrière et la maternité tandis qu’au Royaume-Uni on observe, au contraire, une forte polarisation de la fécondité chez les femmes les plus diplômées, certaines se « spécialisant » dans la fécondité, d’autres dans l’activité, et c’est probablement aussi le cas en Allemagne.

Je laisse à mon collègue M. Laurent Toulemon le soin de vous parler de l’impact possible des politiques familiales.

M. Laurent Toulemon, responsable de l’unité de recherche fécondité, famille, sexualité à l’INED. La France est considérée comme la championne de la fécondité et il nous est parfois demandé de dévoiler nos secrets. Nous répondons toujours de manière très prudente – si bien que notre discours peut paraître un peu négatif – car il est important de prendre la mesure des limites de l’évaluation que nous pouvons faire de l’impact des mesures politiques sur la fécondité.

Un premier point à remarquer est que les effets directs que l’on peut mesurer de façon claire sont très faibles. La méthode de mesure repose, dans ce cas, sur des comparaisons internationales. Or, comme il y a relativement peu de pays comparables et énormément de différences entre eux, il est très difficile de faire la part des choses.

La méthode la plus « sûre » pour estimer l’effet d’une politique consiste à comparer, quand il y a un changement de dispositif, les évolutions temporelles observées chez les personnes concernées et les personnes non concernées par ce changement. Dans cette méthode dite des « différences des différences », on regarde si les personnes qui bénéficient d’une mesure nouvelle modifient leur comportement. Les effets directs ainsi estimés sont très faibles, voire négligeables.

L’impact sur la fécondité de la politique familiale française est estimé, selon les auteurs procédant à des comparaisons internationales, entre 0 et 0,2 enfant par femme. C’est peu, mais c’est loin d’être négligeable sur le long terme. Par contre, les mesures directes en « différences des différences » font apparaître des effets vraiment très faibles, voire impossibles à mettre en évidence.

La troisième méthode, que l’on utilise plus souvent à l’INED, consiste à faire ressortir des effets dilués dans le temps. Elle permet de mettre en évidence certains points, mais il est très difficile de remonter des effets à leur cause, du fait, notamment, des nombreux changements intervenus dans la législation.

Il existe des impacts indirects nombreux et importants mais difficiles à mesurer.

Un « effet de halo » s’observe quand une nouvelle mesure modifie le comportement non seulement des personnes concernées, mais également de celles qui ne sont pas touchées directement mais qui soit espèrent pouvoir l’être plus tard, soit sont influencées par le climat nouveau généré par la nouvelle mesure. La méthode des « différences des différences » diminue l’effet mesuré, mais l’effet global est supérieur à celui mesuré uniquement sur les personnes concernées du fait d’un effet d’entraînement.

L’effet de halo n’est qu’un élément d’un effet de contexte plus général, l’ensemble des mesures pouvant entrer en synergie de façon importante. Deux aspects sont importants à ce sujet en France.

Le premier est l’apparition répétée de nouvelles mesures. Comme celles-ci sont en général indexées sur les prix et non sur les salaires, elles viennent compenser l’érosion du montant de chaque mesure. L’effort total reste à peu près constant, mais il y a un effet d’affichage qui crée une confiance dans la pérennité et dans la durée de ces aides : les familles ne sont pas seulement aidées à la naissance comme dans certains pays où est accordé un bonus à ce moment-là. La crédibilité de l’État est très forte sur ce point.

Le second aspect important est la complémentarité de diverses aides. Bien que les objectifs soient parfois très différents et même contradictoires – ce qui rend leur évaluation difficile –, cette complémentarité a entraîné l’idée, très forte en France, de l’universalité des aides et du fait que l’État aide et aime toutes les familles. C’est un aspect auquel la population est très attachée : la remise en cause de l’universalité des aides afin de limiter les aides en direction des ménages les plus aisés a entraîné un tollé général tandis que le plafonnement des avantages liés au quotient familial – ce qui, d’un point de vue macroéconomique comme micro-économique, revient au même – a été mieux accepté. En France, les aides sont considérées comme continues et universelles.

Les politiques familiales n’ont pas pour seul objet aujourd’hui d’augmenter le nombre des naissances. Elles poursuivent de nombreux autres objectifs tels que l’augmentation de l’activité professionnelle des femmes, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, et la lutte contre le chômage, la pauvreté et les inégalités sociales.

Par ailleurs, certaines mesures ont un impact temporaire. La question se pose dès lors de savoir si l’objectif est d’augmenter le nombre de naissances dans les proches années ou la descendance finale, c’est-à-dire le nombre moyen qu’ont les femmes ou les couples à la fin de leur vie féconde. Il en est ainsi des avantages en termes de congé de maternité. En Suède, si les femmes avaient un autre enfant avant la fin de leur congé de maternité, elles pouvaient continuer de bénéficier de leur congé avec leurs anciens revenus, alors que, si elles reprenaient un travail, par exemple à temps partiel avec un revenu plus faible, et qu’elles s’arrêtaient ensuite pour avoir un autre enfant, le deuxième arrêt n’était financé qu’à hauteur du nouveau salaire. Il s’en est suivi un raccourcissement très important des intervalles entre les naissances, donc une augmentation temporaire très importante du nombre de naissances, mais l’impact a été quasiment nul sur la descendance finale.

Des mesures qui ne relèvent pas a priori de la politique familiale mais répondent à des objectifs d’égalité des chances, comme la présence d’une école maternelle ou des politiques du logement ou de lutte contre la pauvreté, ont un impact très important sur la fécondité. On peut se poser la question de savoir s’il faut les intégrer quand on évalue l’impact de la politique sur cette dernière.

Le niveau élevé de la fécondité en France assure une certaine stabilité de sa population. Comme les baby boomers vont remplacer des générations moins nombreuses, le nombre de personnes de plus de soixante ans va augmenter de façon très importante, mais celui des personnes de moins de soixante ans – c’est-à-dire la population active et les enfants – va rester à peu près constant. Cette situation nous différencie d’autres pays d’Europe qui voient le nombre de naissances diminuer et anticipent une poursuite de ce mouvement du fait de la diminution des personnes en âge d’avoir des enfants. Ils recourent donc à des politiques volontaristes pour maintenir la fécondité à son niveau et même l’augmenter.

Le niveau actuel de la fécondité française est probablement dû aux mesures de politique familiale, ce qui peut justifier la continuité des efforts. On peut craindre, si ceux-ci diminuent, de se retrouver dans la situation de nos voisins. Cependant, comme on le voit depuis au moins une dizaine d’années, la politique familiale s’est fixée d’autres objectifs que l’augmentation du nombre de naissances : la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la mise au travail des femmes, la lutte contre la pauvreté des enfants ou des ménages qui ont des enfants. Toutes ces mesures peuvent avoir des impacts indirects sur le niveau de la fécondité, comme la Suède nous en fournit un exemple.

La politique familiale suédoise s’est construite dans les années 1960 avec un double objectif : d’une part, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes en faisant disparaître le quotient conjugal et en instituant l’imposition individuelle et, d’autre part, la facilitation de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Bien que l’enjeu fût de mettre les femmes au travail et non de permettre aux femmes qui travaillaient d’avoir des enfants, la Suède se trouve aujourd’hui dans le groupe des pays où la fécondité est la plus élevée parce que, en permettant aux mères de travailler, on permet aussi aux couples qui se forment d’envisager d’avoir des enfants.

Mme France Prioux a indiqué que, en France, le désir d’enfant reste fort. Ce désir, qui s’exprime dans les enquêtes, est largement contraint. En effet, tout en ayant envie d’avoir des enfants, on peut aussi avoir d’autres objectifs dans la vie. Les choix s’opèrent donc selon que ses aspirations apparaissent comme conciliables ou inconciliables avec le fait d’avoir des enfants. Dans les pays d’Europe du Sud, il y a à la fois moins de femmes qui travaillent et moins d’enfants. Mme Françoise Prioux a également cité l’exemple du Royaume-Uni : quand les femmes sont obligées de choisir entre maternité et carrière, cela fait à la fois moins de femmes qui travaillent et moins de naissances – c’est un peu une réponse de normand que je vous fais.

En résumé, si l’on essaie de mesurer précisément l’impact de chacune des mesures, on obtient des résultats assez décevants. Par ailleurs, on observe un effet de contexte qui doit être très important mais qui, par construction, est très difficile à mesurer. L’affichage des politiques familiales, leur visibilité, a, à mon avis, un impact très important : il nourrit l’idée, d’une part, que l’État est légitime en aidant les familles et, d’autre part, qu’il le fait de façon crédible sur le long terme.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Les familles modestes ont un taux à charge plus élevé que les autres familles pour la garde d’enfant. Quelles améliorations pourraient être apportées à la PAJE pour établir une réelle égalité des chances ?

M. Laurent Toulemon. Je ne suis pas sûr qu’il nous appartienne de donner des conseils aux politiques sur ces questions.

L’important est de préciser les objectifs. Celui du libre choix, qui a été beaucoup mis en avant, conduit, en pratique, à inciter les femmes qui ont des faibles revenus à s’arrêter de travailler et à inciter les femmes qui ont des hauts salaires à continuer à travailler. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Je ne saurais le dire, mais il faut être conscient du fait que les mesures ont des impacts indirects.

Les réductions d’impôt font référence à des notions d’équité très difficiles à manier. La notion de juste contribution des ménages, qui conduit en France à la prise en compte d’un quotient conjugal et d’un quotient familial – qui a été renforcé par l’attribution d’une part supplémentaire pour le troisième enfant – s’appuie sur une notion d’équité très différente de celle de la plupart des pays d’Europe, hormis l’Allemagne et la Belgique ; dans ces pays, les personnes sont imposées individuellement parce qu’on considère qu’il vaut mieux favoriser les ménages où les revenus sont apportés de manière plus ou moins équitable par les deux conjoints par rapport aux ménages où il y un seul pourvoyeur de revenu, qui est le plus souvent l’homme.

De même, les enfants dont les parents ont des hauts revenus coûtent plus cher à élever : il faut qu’ils partent en vacances, qu’ils aient des chambres seules. Dans certains pays, les interruptions d’activité des femmes sont rémunérées proportionnellement aux salaires parce que les aides sont construites sur le mode de l’assurance, de la même manière que les allocations de chômage.

Faut-il, comme en France, donner des allocations constantes, plus intéressantes en bas de la hiérarchie des salaires, ou préférer des aides proportionnelles aux revenus ? Cela pose la question de l’égalité à la fois entre les hommes et les femmes et entre les femmes ou les couples. Le bon critère pour évaluer ces choix ne me semble pas être leur impact sur les naissances. Ce sont des choix véritablement politiques sur lesquels je me sens totalement désarmé pour donner des conseils à la MECSS.

M. le coprésident Pierre Morange. Existe-t-il un gradient de facteurs – à la fois exogènes, c’est-à-dire relevant des politiques mises en place par la collectivité, et endogènes, c’est-à-dire relevant de la culture, voire de la religion – qui influent sur la démographie ?

Mme France Prioux. Comme l’a souligné M. Laurent Toulemon, il est très difficile d’individualiser l’effet de chaque mesure. C’est en comparant les pays d’Europe et en dressant un bilan que l’on arrive à mettre en évidence des tendances. En France, par exemple, la politique familiale est née très tôt et avec des objectifs très natalistes. Ceux-ci se sont ensuite de plus en plus diversifiés et mettent l’accent aujourd’hui sur le libre choix après la naissance.

C’est en comparant les pays où la fécondité est la plus forte que l’on est arrivé au constat que ce sont les pays qui ont mis les premiers en place des dispositifs d’aide à la conciliation et de soutien aux familles que la fécondité s’est le mieux maintenue. Certains pays ne voulaient pas intervenir sur un choix aussi privé que la fécondité. La Suède n’a jamais dit qu’elle voulait intervenir sur ce choix : sa politique était menée au nom de l’égalité des sexes. Il y a encore quelques années, l’expression « politique familiale » y était presque un gros mot. Seule la France avouait en avoir une.

En Allemagne, en Italie et en Espagne, où la fécondité est très basse, les femmes sont obligées de choisir entre activité et maternité. C’est probablement le virage, dans les années 1980, de la politique familiale vers une politique de libre choix qui a permis à la France de continuer à soutenir un peu la fécondité à une période où les femmes sont rentrées massivement sur le marché du travail.

M. Laurent Toulemon. Le fait que la politique familiale ait une histoire ancienne en France est certainement un élément important.

Vous demandez, monsieur le président, d’établir une hiérarchie des facteurs. Je vais m’y risquer. Il en est deux qui me semblent ressortir : le système éducatif et la conciliation vie familiale et vie professionnelle.

Le fait qu’il y ait, en France, un système éducatif gratuit, de bonne qualité, avec une école maternelle qui commence très tôt et des horaires longs au cours de la journée, conduit à considérer comme normal, bien que la scolarité ne soit obligatoire qu’à partir de six ans, que les enfants aillent à l’école au plus tard à trois ans. Une femme qui garderait ses enfants jusqu’à six ans serait un peu hors norme.

En ce qui concerne la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, on observe, en dehors de la discontinuité introduite par la généralisation de l’allocation parentale d’éducation (APE) aux mères de deux enfants, une tendance de long terme, dans tous les sous-groupes de population, à l’augmentation de l’activité féminine. Est-ce parce que le travail libère les femmes ou parce qu’il faut avoir deux salaires pour avoir un niveau de vie suffisant ? Je ne me prononcerai pas sur cette question. Tout n’est pas rose.

Les problèmes de conciliation ne sont pas tous réglés en France, mais les mères françaises n’éprouvent aucune culpabilité à mettre leurs enfants dans un système collectif. Dans les pays germaniques, une bonne mère est celle qui garde son enfant pendant longtemps. En Suède, la période d’allaitement est beaucoup plus longue qu’en France mais on considère que, au bout d’un an, la femme doit retourner au travail et l’enfant être mis dans un système plus ou moins collectif.

S’agissant de l’influence de la culture, il faut être très prudent. Quand la fécondité a brutalement baissé dans de nombreux pays à la fin du baby-boom, c’est-à-dire au milieu des années 1960, elle s’est maintenue dans les pays d’Europe du Sud. On a alors avancé comme raison que c’étaient des pays de tradition catholique. Dans les années 1970, la fécondité dans ces pays du Sud s’est effondrée et est tombée beaucoup plus bas que dans les autres pays. On parle maintenant de situation pathologique, personne ne comprenant pourquoi les gens arrêtent de faire des enfants.

La réponse semble être, en Espagne, l’obligation pour les couples de choisir entre avoir deux salaires et avoir des enfants. En Italie, beaucoup de couples considèrent avoir rempli leur « devoir familial » en ayant un enfant. Ils n’ont pas un discours négatif sur les enfants uniques, contrairement à la France et à l’Angleterre où ceux-ci sont à la fois plaints d’être tout seuls face à leurs deux parents et considérés comme égoïstes. Mais ce discours peut changer très vite. De même, il est tout à fait possible que l’image très négative qu’ont aujourd’hui les femmes allemandes qui continuent à travailler et mettent leur enfant dans un système de garde collective disparaisse complètement d’ici à quatre ou cinq ans grâce à la mise en place de politiques de congé parental : l’offre aura créé la demande et la demande aura créé la justification.

Les explications culturalistes supposent une certaine permanence des facteurs. Or les évolutions sont parfois très brutales. L’effondrement de la fécondité dans les pays d’Europe du Sud n’avait été prévu par personne.

Mme la rapporteure. Un raccourcissement du congé parental – dans l’optique d’un partage entre le père et la mère et d’une meilleure rémunération – entraînerait une logique selon laquelle les familles s’occuperaient des enfants de zéro à un an et la collectivité de un à trois ans avec différentes mesures dont les jardins d’éveil, actuellement à l’étude. Pensez-vous que le fait d’inciter les parents à s’occuper de leurs enfants de zéro à un an pourrait avoir un effet sur le taux de fécondité ?

Mme France Prioux. Beaucoup de femmes qui ne s’arrêtent pas aujourd’hui seraient certainement très heureuses de s’occuper de leurs enfants pendant un an, mais l’on ne peut être certain que ce soit le cas général. Inversement, les femmes qui auraient préféré s’arrêter trois ans seront déçues de ne s’arrêter qu’un an.

Les intervalles entre les naissances sont au minimum de deux ans aujourd’hui. De retour au travail, après une coupure d’un an, les femmes ne vont peut-être pas vouloir avoir un deuxième enfant tout de suite. Je ne suis pas certaine que cela puisse avoir un effet positif sur la fécondité. C’est très difficile à dire aujourd’hui.

La législation suédoise a incité les femmes à raccourcir les intervalles entre les naissances. Si la descendance finale a été peu changée, la pyramide des âges s’en est trouvée affectée : après une période de forte natalité, la fécondité annuelle est tombée avant de se redresser. Or une pyramide des âges irrégulière n’est pas souhaitable car les infrastructures risquent de manquer à certains moments.

Si le congé parental plus court est rémunéré en fonction du salaire antérieur, il faudra l’expliquer car l’ensemble des aides répond en France à une logique égalitaire. Le fait de passer à une logique assurancielle pourrait être considéré comme une injustice par ceux qui gagnent moins.

Mme la rapporteure. Il faudrait améliorer l’offre de garde en parallèle.

Mme France Prioux. Éventuellement.

En pratique, les aides actuelles incitent les mères les mieux rémunérées à poursuivre leur travail et les mères les moins bien rémunérées à s’arrêter pendant trois ans. D’un autre côté, certaines femmes décident de s’arrêter pour profiter de leurs enfants en bas âge. Si certaines femmes sont contraintes, d’autres le sont moins. Cela étant, il n’est pas impossible que l’extension de l’allocation parentale au deuxième enfant décidée en 1994 ait favorisé la naissance d’un certain nombre de deuxièmes enfants en permettant aux femmes de s’arrêter de travailler.

Mme la rapporteure. Je ne suis pas sûre que les femmes aient toujours le choix parce que, pour les familles les plus modestes, le reste à charge reste élevé.

Mme France Prioux. Il est vrai que cela coûterait beaucoup trop cher aux mères aux revenus modestes de faire garder leurs enfants. C’est la raison pour laquelle elles s’arrêtent.

Mme la rapporteure. Donc, elles n’ont pas la liberté de choix.

Mme France Prioux. Il est impossible de savoir combien de femmes ont eu un deuxième enfant pour pouvoir s’arrêter. Mais, la mesure a certainement eu un impact.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. La scolarisation des enfants à deux ans offre un accueil gratuit et de qualité. Que pensez-vous de la diminution du nombre d’enfants de deux ans scolarisés ? Cela peut-il avoir une incidence sur la natalité ?

M. Laurent Toulemon. Là encore, il faut savoir quel est l’objectif poursuivi.

S’il est de favoriser la scolarité future, les études semblent montrer que les enfants scolarisés très tôt ont un avantage dans le primaire, mais que celui-ci diminue pendant le secondaire et qu’on n’en voit plus vraiment de traces à long terme.

Si l’objectif est celui explicitement affiché, quand a été mise en place l’école gratuite, laïque et obligatoire, de promouvoir l’égalité des chances, le fait d’avoir une école maternelle précoce générale est un élément important de lutte contre les inégalités.

Chercher à savoir si la scolarisation à deux ans a ou non une incidence sur le nombre de naissances n’est pas une bonne façon de poser le problème.

La question principale concerne le retour à l’emploi après l’interruption, que celle-ci soit d’un an, de deux ans ou de trois ans. Les femmes les plus fragiles vis-à-vis du marché du travail, qui sont celles qui s’arrêtent, craignent, en le faisant, de fragiliser encore plus leur situation et de se retrouver dans une sorte de trappe à pauvreté. La situation est, cependant, moins noire que ce qu’on craignait après l’effet d’aubaine de l’APE qui a entraîné une baisse des taux d’activité féminine sans augmentation de la fécondité.

Concernant les pères, je ferai deux observations.

Les hommes ont une très forte réticence à s’occuper des enfants et ils se sentent obligés de travailler afin de nourrir la famille. D’ailleurs, leurs carrières professionnelles ont tendance à s’améliorer quand ils ont des enfants. Ils s’investissent plus dans le travail et moins dans les tâches ménagères alors que le fardeau de celles-ci augmente. Quand les couples ont un enfant et, encore plus quand ils en ont deux, l’homme s’éloigne de la maison pour travailler davantage. Est-ce parce qu’il fuit les contraintes ou parce qu’il prend ses responsabilités de père plus à cœur ? C’est difficile à dire.

La Suède mène en ce domaine une politique volontariste par le biais de l’imposition individuelle. Quand il s’est agi de discuter du congé parental, les hommes se sont débrouillés pour affaiblir les mesures proposées. Le congé qui n’est pas pris par le père est perdu, mais ce qui est pris par le père soit est pris tout de suite et intégralement, soit est pris par petits morceaux sur une longue durée, ce qui est beaucoup moins douloureux sur le plan de l’activité professionnelle.

Des discussions ont eu lieu en Allemagne. L’idée que l’État pouvait obliger les hommes à s’arrêter de travailler a vraiment été perçue comme une atteinte aux libertés individuelles. Les Allemands considèrent que c’est au couple de décider qui doit s’arrêter de travailler. Ils ne reconnaissent aucune légitimité à l’État à décider de mettre les hommes à la maison pour pouvoir mettre les femmes au travail.

En France, le congé de paternité a eu un succès beaucoup plus fort que prévu, mais ce n’est pas la même chose de s’arrêter pendant quinze jours ou de s’arrêter pendant un an.

En Suède, les hommes étaient assez nombreux à prendre leur congé de paternité mais, quand la crise est arrivée dans les années 1990, ils sont très vite retournés au travail car ils avaient peur que les conditions de retour à l’emploi soient difficiles. Était-ce une décision des couples, qui mettaient en avant le salaire de l’homme, ou était-ce une décision des hommes ? C’est difficile à savoir. Ce sur quoi je veux insister, c’est que, si l’on veut mettre les hommes à la maison, il faut engager une politique très volontariste parce que, en amont comme en aval, les réticences sont extrêmement importantes.

En Italie, les hommes politiques un peu âgés et conservateurs font reposer la responsabilité de la situation sur les jeunes qu’ils traitent de génération parasite qui veut rester tranquillement chez papa et maman et profiter du beurre et de l’argent du beurre. De leur côté, les jeunes font valoir qu’il y a des contraintes de logement et d’emploi qui ne leur permettent pas de travailler dans des conditions satisfaisantes pour faire des enfants. Là encore, il est difficile de faire la part des choses.

Les problèmes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle se posent surtout pour les femmes. Un élément de réponse est certainement d’imposer aux hommes de participer davantage aux tâches ménagères mais, d’une part, c’est un travail de longue haleine et, d’autre part, il ne faut pas espérer que cela ait un impact sur la fécondité.

M. le coprésident Pierre Morange. Compte tenu des prospectives démographiques que vous avez indiquées, quels sont, selon vous, les besoins en offres de garde sur les vingt prochaines années ?

Mme France Prioux. Nous n’avons pas, à proprement parler, fait d’estimations mais, si les tendances démographiques actuelles se maintiennent, il est évident qu’il y aura de plus en plus besoin de modes de garde. On en manque déjà aujourd’hui dans certains endroits du territoire.

Mme la rapporteure. Quels seraient, selon vous, les modes de garde à privilégier ?

Mme France Prioux. Notre travail à l’INED porte sur la fécondité. Nous n’avons jamais évalué les modes de garde.

M. Laurent Toulemon. Les projections centrales réalisées par l’INSEE laissent espérer un nombre constant de naissances à l’avenir. D’un côté, cela montre le succès des politiques menées ; d’un autre côté, comme il n’y a pas péril en la demeure, on pourrait juger inutile de placer au premier plan les motivations démographiques.

Les politiques des différents pays concernant les modes de garde sont fondées sur un certain consensus. Dans ce sens, on peut dire que l’offre crée la demande. Cependant, on peut dire aussi qu’il y a des choses acceptables aujourd’hui et d’autres qui ne le sont pas. La diminution de la scolarisation à deux ans, par exemple, soulève des questions.

En France, la diversité de l’offre comme des aides est un élément important. On considère qu’il faut qu’il y en ait un peu pour tout le monde alors que dans d’autres pays, qui mènent des politiques beaucoup plus volontaristes, on estime plutôt qu’il faut que tout le monde fasse pareil. Soit on est pragmatique et on essaie de faire avec les contraintes qu’on a, soit on est volontariste et on oriente la politique dans un sens. Mais, il faut, dans ce cas, avoir un objectif clair.

Les objectifs peuvent être aussi variés que la diminution des inégalités sociales, la bonne socialisation des enfants, la diminution des inégalités entre les hommes et les femmes ou l’augmentation du nombre de personnes qui travaillent en prévision du vieillissement. S’ils ne sont pas incompatibles, ils ne sont pas non plus en congruence. Il faut donc choisir entre mener une action volontariste et lancer des actions tous azimuts, c’est-à-dire du saupoudrage pour que tout le monde soit content.

En résumé, c’est à partir de leurs objectifs que l’on peut évaluer les politiques. En disant cela, j’ai conscience de vous faire, encore une fois, une réponse de Normand.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions.

*

Audition de Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Isabelle Robert-Bobée, chef du bureau famille, handicap et dépendance.

M. le coprésident Pierre Morange. La Mission accueille à présent Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Isabelle Robert-Bobée, chef du bureau famille, handicap et dépendance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Nous vous donnons la parole pour nous présenter les résultats de l’enquête sur les modes de garde et d’accueil des jeunes enfants que vous n’aviez pu nous présenter lors de notre précédente rencontre.

Mme Anne-Marie Brocas, directrice de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. En effet. L’enquête était alors en cours et nous n’avions pu en comparer les résultats avec ceux obtenus lors d’une enquête similaire en 2002. Je dispose à présent d’éléments nouveaux.

Nous avions également évoqué le retour à l’emploi des femmes qui utilisent le congé de libre choix, mais les travaux en cours ne sont pas suffisamment avancés pour que je puisse les commenter.

Je vous présenterai donc les résultats provisoires de l’enquête relative aux modes de garde des jeunes enfants et aux dépenses engagées par les parents, sachant qu’ils ne seront définitifs qu’après l’achèvement de travaux ultérieurs menés en collaboration avec la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF).

Cette enquête, réalisée auprès de familles d’enfants de moins de sept ans et demi, vivant en France métropolitaine, recense les modes de garde et d’accueil utilisés sur une semaine de référence, leur coût à la charge des parents et le montant des allocations qu’ils perçoivent. Elle tient compte essentiellement du mode de garde principal, c’est-à-dire du lieu où l’enfant passe le plus d’heures entre huit et dix-neuf heures, du lundi au vendredi.

Les principaux enseignements que nous pouvons en tirer sont les suivants : en 2007, la garde des enfants de moins de trois ans est assurée par les parents dans 63 % des cas – ils étaient 70 % en 2002 – et exclusivement par leurs parents dans 33 % des cas, alors même qu’ils travaillent à temps complet dans 27 % des cas, qu’il s’agisse de familles monoparentales ou que les deux parents travaillent. En réalité, ce sont des personnes qui travaillent à horaires décalés ou qui exercent une activité non salariée.

Les enfants de moins de trois ans qui ne sont pas gardés par leurs parents le sont, pour 4 % d’entre eux, par leurs grands-parents ou un autre membre de la famille ; 18 % sont gardés essentiellement par une assistante maternelle agréée – mode de garde en progression de cinq points depuis 2002 – et 10 % des enfants sont gardés à la crèche ou à la halte-garderie. Enfin, 2 % des enfants sont accueillis à l’école, dont 6 % d’enfants de deux ans.

S’ils ne nous surprennent pas, ces résultats indiquent toutefois une certaine évolution et l’existence de différences sociales et territoriales, que malheureusement notre enquête, trop globale, ne permet pas de détailler. Il apparaît très clairement que les modes de garde diffèrent selon le niveau de vie des familles. Sur ce point le constat que nous avions fait il y a cinq ans n’a guère évolué. Ainsi, 90 % des enfants des 20 % des ménages les moins fortunés sont gardés par leurs parents, dont on peut penser qu’ils traversent des périodes d’inactivité ou de chômage.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces résultats s’appliquent-ils aux enfants de trois ans ?

Mme Isabelle Robert-Bobée, chef du bureau famille, handicap et dépendance à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. L’enquête de 2007 ne prévoit pas de ventiler les résultats, mais celle de 2002 montrait que la répartition des différents modes de garde différait selon l’âge des enfants, mis à part les très jeunes enfants, du fait du congé de maternité.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans 80 % des cas, les enfants de moins de trois ans sont donc gardés par leurs parents !

Mme Anne-Marie Brocas. Probablement, mais l’enquête révèle un contraste très marqué entre les différents milieux sociaux. Si, au bas de l’échelle des revenus, les enfants sont quasiment tous gardés par leurs parents, les autres, dont les parents ont des revenus plus élevés, sont accueillis pour moitié en crèche ou, pour le quart d’entre eux, chez une assistante maternelle, et très peu d’enfants sont accueillis à l’école. Ces résultats nous amènent à nous interroger sur la politique qu’il convient de mener en faveur des familles…

En haut de l’échelle des revenus, 31 % des enfants des 20 % des ménages les plus aisés sont gardés par leurs parents et 70 % sont accueillis à l’extérieur du foyer – la moitié par une assistante maternelle, le quart en crèche. Les proportions sont donc inversées selon le niveau des revenus. Si, au bas de l’échelle sociale, les parents ont recours à la crèche plus qu’à l’assistante maternelle, les ménages dont les revenus se situent à un niveau intermédiaire préfèrent recourir à une assistante maternelle, et ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale utilisent davantage la garde à domicile et, de plus en plus, l’accueil à l’école.

Mme la rapporteure. Ces tendances ont-elles évolué depuis 2002 ?

Mme Anne-Marie Brocas. Très peu. Les modes de garde des ménages à faibles revenus ont très peu évolué, puisque la proportion des enfants gardés par leurs parents a diminué d’un point ; pour les ménages à revenus moyens ou élevés, en revanche, elle est passée de 13 à 15 points.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous expliquer les raisons d’une telle évolution ?

Mme Anne-Marie Brocas. Hélas, non. Ce que nous révèle cette enquête, c’est ce que serait, pour les parents, le mode de garde idéal.

En bas de l’échelle des revenus, plus que le coût des frais de garde, les parents nous ont fait part de leur souci de s’occuper eux-mêmes de leurs enfants. Leur réponse ne nous semble pas explicite, ce qui nous conduit à nous interroger sur les freins au recours à une assistante maternelle : s’agit-il de problèmes d’avance de frais, d’une réticence à devenir employeur ou de difficultés à régler les frais annexes, comme les repas et l’entretien ? S’agit-il de freins culturels ?

Mme la rapporteure. Est-ce à dire que la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a favorisé les familles aisées plus que les familles modestes ?

Mme Anne-Marie Brocas. C’est une question que nous nous sommes posé. Il est certain que tant que les familles à faibles revenus garderont leurs enfants à la maison, les dispositifs que nous mettrons en place pour la garde des enfants ne leur bénéficieront pas. De quelle manière pouvons-nous les aider à conserver leur activité et à recourir à un mode d’accueil qui leur convienne ?

Il est certain que la PAJE a amélioré la situation des familles qui utilisaient déjà un mode de garde extérieur aux parents – qui disposent donc de revenus moyens et élevés.

En revanche, par rapport aux coûts engagés pour la garde des enfants, la PAJE a davantage amélioré la situation des familles à faibles revenus, même si les personnes qui se trouvent dans une situation d’inactivité et de chômage gardent elles-mêmes leurs enfants.

Un chiffre me paraît frappant : 71 % des enfants de familles monoparentales sont gardés par leur parent – contre 67 % des enfants dont les parents vivent en couple – et 64 % de ces personnes qui élèvent seules leurs enfants – essentiellement des femmes – sont inactives ou au chômage, contre 38 % des femmes vivant en couple. Il existe une réelle intrication des problèmes économiques et sociaux, que nous ne pouvons ignorer.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces chiffres nous permettent d’affiner la répartition des modes de garde en fonction des revenus des familles.

Vous avez évoqué la multiplicité des facteurs. Mon collègue Jean Mallot et moi-même souhaiterions que vous réalisiez une évaluation du mode d’organisation de la garde des enfants âgés de moins de trois ans, ce qui nous permettrait de proposer le système suivant : de la naissance à un an, la garde serait assurée par les parents, ce qui suppose d’augmenter l’indemnisation du congé parental ; de un à deux ans, ils pourraient recourir à un mode d’accueil extérieur – crèche, micro-crèche ou structure collective – ou à une assistante maternelle ; enfin, de deux à trois ans, les enfants pourraient être accueillis par l’éducation nationale en pré-maternelle. Je rappelle que le nombre de ces enfants scolarisés dans les zones sensibles est passé de 37 % à 21 % en cinq ans.

Vous serait-il possible de nous présenter l’estimation financière de ce dispositif qui aurait l’avantage d’être cohérent, de correspondre à des réalités démographiques, de combler les inégalités culturelles et de favoriser le retour à l’emploi, étant entendu que l’objet de la MECSS est d’optimiser et de rationaliser les dépenses publiques ?

Mme Anne-Marie Brocas. Je vous propose d’en étudier la possibilité, en liaison avec la CNAF et les organismes de sécurité sociale. Dans le système que vous préconisez, le congé attribué au parent jusqu’au premier anniversaire de l’enfant supprime-t-il toute possibilité de recours à la crèche ?

M. le coprésident Pierre Morange. Absolument pas ! En tout état de cause, nous aimerions connaître le coût à pleine charge du dispositif pour le ministère des affaires sociales, les caisses d’allocations familiales, l’éducation nationale et les collectivités territoriales.

Mme Anne-Marie Brocas. Je ne peux vous promettre un chiffrage dans un délai par trop rapide.

Mme la rapporteure. Dans son rapport, Mme Michèle Tabarot propose de rémunérer le congé à 67 % du salaire brut, mais si nous pouvions le porter à 80 %, le dispositif serait plus incitatif.

M. le coprésident Pierre Morange. Il est indispensable d’évaluer le coût de chacun de ces choix.

Mme la rapporteure. Le plafond de salaire proposé par Mme Tabarot me semble trop bas pour être incitatif, notamment pour les pères.

Mme Anne-Marie Brocas. Le directeur de l’OCDE, que vous avez auditionné, vous a certainement indiqué qu’en Suède, où le congé maternel n’existe pas, les femmes cessent de travailler pendant un an pour s’occuper de leur enfant.

Mme la rapporteure. Les femmes doivent pouvoir choisir librement le mode de garde de leur enfant. Cela dit, un chiffrage nous permettrait d’évaluer les contraintes qui les conduisent à utiliser le congé parental.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS, je le répète, a pour vocation de rationaliser les dépenses publiques, certes dans le respect d’un certain nombre d’objectifs.

Mme Anne-Marie Brocas. Nous pourrions envisager de permettre aux parents d’utiliser ce congé avant les trois ans de l’enfant, en mettant à part la période de prématernelle.

Mme Isabelle Robert-Bobée. Ce congé d’un an serait-il destiné à tous les parents – pères et mères – dès leur premier enfant ?

M. le coprésident Pierre Morange. Absolument !

Mme Isabelle Robert-Bobée. J’attire votre attention sur le fait que la scolarisation à deux ans n’est prévue que le matin : elle ne dispense donc pas les parents de recourir à un mode de garde l’après-midi.

Mme la rapporteure. De toute façon, les enfants de moins de trois ans ne peuvent passer la journée entière à l’école.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est tout à fait juste, pourtant un grand nombre d’enfants en bas âge, qui ne sont pas encore scolarisés en maternelle, passent la deuxième partie de la journée dans une autre structure collective. Le système que nous mettrons en place, tout en étant lié aux objectifs démographiques et de réduction des inégalités culturelles de la politique familiale et respectant la demande des familles, devra être adapté aux exigences du développement psychomoteur des enfants.

Mme Anne-Marie Brocas. Dans un domaine aussi complexe, il nous sera difficile d’établir un chiffrage, car le comportement des ménages face à la garde de leurs enfants peut évoluer de diverses façons.

Mme la rapporteure. Il y a quelques mois encore, nous parlions beaucoup des jardins d’éveil. Que pouvez-vous nous dire de ce mode d’accueil ?

Mme Anne-Marie Brocas. Je ne dispose d’aucun élément.

J’en reviens à l’enquête. Bien qu’elle ait été menée dans le cadre assez large du département, nous constatons des disparités importantes selon le territoire. Ainsi, à Paris, 50 % seulement des enfants sont gardés par leurs parents, mais ce taux passe à 70 % dans les villes moyennes et à 65 % dans les zones rurales et les grandes villes autres que Paris. En milieu urbain et périurbain, les modes d’accueil les plus répandus sont la crèche et la structure collective, tandis que le recours à une assistante maternelle est plus fréquent en milieu rural.

J’en viens aux aspects financiers de ces mesures. Les chiffres n’étant pas définitifs, je vous les présente avec une certaine prudence. Je précise tout d’abord que dans cette enquête, le coût de la garde ne représente pas, comme dans les programmes de qualité et d’efficience, le coût total pour la collectivité, mais uniquement la dépense engagée par les parents. Le coût de la crèche, par exemple, ne tient pas compte des subventions et des frais supportés par les collectivités territoriales, comme le coût d’une assistante maternelle ne tient pas compte des repas et de l’entretien de l’enfant.

Les familles nous ont communiqué le montant de leur reste à charge après déduction des allocations et des réductions d’impôt et celles qui ont recours à une assistante maternelle n’ont pas déclaré la part des cotisations sociales prises en charge par la collectivité. Le coût de la garde d’enfant avoisine en général 400 euros mensuels ; plus précisément, le recours à une assistante maternelle s’élève à 430 euros, avec un reste à charge de 120 euros, et le recours à la crèche s’élève à 220 euros, avec un reste à charge de 150 euros.

Le coût de la garde à domicile est plus élevé, puisqu’il atteint 1 210 euros pour une garde simple, avec un reste à charge de 650 euros ; quant à la garde partagée – une seule assistante maternelle assurant la garde des enfants de plusieurs familles – son coût s’élève à 1 080 euros, avec un reste à charge de 460 euros.

Il est évident que les coûts totaux de ces dispositifs pour la collectivité doivent être établis avec précision. Je précise que le coût déclaré par les familles vaut pour un seul comme pour plusieurs enfants, s’ils sont gardés ensemble, et il ne tient pas compte de la durée de la garde.

Si les coûts horaires, avant allocations et aides fiscales, varient peu selon le niveau de vie si l’enfant est gardé chez une assistante maternelle, le tarif de la crèche, lui, est dégressif. Après déduction des allocations et des aides fiscales, le constat est différent : les coûts de deux dispositifs se rejoignent.

Mme la rapporteure. Si l’enfant est gardé par une assistante maternelle, pourquoi le reste à charge est-il plus important pour les familles modestes que le reste à charge qui résulte de l’accueil à la crèche ?

Mme Anne-Marie Brocas. Il s’agit dans ce cas d’un coût horaire, qui ne tient pas compte des revenus des parents.

Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous présenter la part respective des restes à charge, qui représentent le taux d’effort des familles en fonction de leurs revenus, mais il semble que l’effort engagé pour la garde chez une assistante maternelle, avant allocations et aides fiscales, soit quatre fois plus élevé pour les familles à faibles revenus que pour les autres. En revanche, après allocations et réductions d’impôt, le taux d’effort est plus faible pour les familles dont les revenus sont inférieurs à 1 500 euros et à peu près identique pour les revenus supérieurs.

Quant au taux d’effort engagé pour la garde en crèche, s’il est très élevé pour les revenus inférieurs à 1 000 euros, il est à peu près le même pour tous les autres revenus.

Mme Isabelle Robert-Bobée. Je précise que les barèmes des crèches sont établis par rapport aux revenus fiscaux des personnes. Or, l’enquête repose sur les revenus qu’elles ont déclarés.

Mme Anne-Marie Brocas. En effet, il s’agit d’une enquête déclarative, non d’une enquête administrative.

Quant aux évolutions qui se sont produites entre 2002 et 2007, l’enquête montre qu’en euros constants, le reste à charge a diminué pour l’ensemble des modes de garde de 6,5 %, plus précisément de 7,4 % pour le recours à une assistante maternelle, de 5,6 % pour l’accueil dans une crèche collective, et de 3,6 % pour la garde à domicile.

Nous avons par ailleurs étudié l’évolution, de 2002 à 2007, du reste à charge pour chaque mode de garde en fonction des revenus des parents. Il apparaît que le reste à charge lié à la garde par une assistante maternelle a baissé de 13 % pour les revenus inférieurs à 1 100 euros, et de 8 % pour les revenus compris entre 1 700 et 2 300 euros ; pour les revenus supérieurs à 2 300 euros, son montant s’est stabilisé. Quant au reste à charge lié à l’accueil en crèche, il a également évolué en fonction des revenus des ménages, mais les écarts sont moins importants puisque pour les ménages aux revenus inférieurs à 1 100 euros, le coût horaire net de la crèche a baissé de 5,3 % ; pour les revenus situés entre 1 700 et 2 300 euros, il a baissé de 5,4 %, et il n’a quasiment pas évolué pour les revenus supérieurs à 2 300 euros.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, mesdames, pour votre collaboration.

*

AUDITIONS DU 19 MAI 2009

Audition de Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame la ministre, bienvenue au sein de notre Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

Nous vous remercions de nous présenter votre analyse de la prestation d’accueil du jeune enfant et les perspectives envisagées pour la politique d’accueil du jeune enfant.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Je vous remercie de m’avoir invitée à m’exprimer devant vous sur un des fleurons de notre modèle social et économique : notre politique familiale.

En France, 834 000 bébés ont vu le jour l’année dernière et le taux de fécondité s’est élevé à 2,018 enfants par femme. Même si le renouvellement des générations, qui nécessiterait un taux de fécondité de 2,06 enfants, n’est pas encore assuré, notre pays est champion d’Europe des naissances, ce taux n’étant que de 1,36 en Allemagne, 1,28 en Italie et 1,66 en Suède. C’est un enjeu important.

Les analyses nationale et européenne – j’ai reçu mes homologues européens à Paris le 18 septembre dernier au cours de la présidence française de l’Union européenne et je me suis rendue à Prague il y a quelques semaines pour poursuivre nos travaux sur la politique familiale – font apparaître que le dynamisme de la fécondité suppose d’augmenter, en même temps, le taux d’activité des femmes et l’offre de garde.

Dans les pays où le taux d’activité des femmes est élevé et l’offre de garde est insuffisante, le taux de natalité est bas. Les femmes sont obligées de choisir entre avoir des enfants ou exercer une activité professionnelle. En France, nous avons fait le choix, à travers notre politique familiale, de nous doter d’instruments qui reposent sur trois piliers, très observés au niveau international : la fiscalité et notamment le quotient familial, les prestations familiales et l’accompagnement de la maternité, le taux d’équipement en structures d’accueil. Notre taux de natalité est donc le résultat d’une politique familiale volontariste.

Depuis sa création en 2004, la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a accompagné et même suscité le dynamisme de notre fécondité et nous pouvons présenter un excellent bilan. La PAJE n’explique évidemment pas à elle seule le dynamisme de notre natalité, mais elle y participe incontestablement. Je vous rappelle que nous consacrons à notre politique familiale 88 milliards d’euros, soit 4,7 points de notre produit intérieur brut, c’est-à-dire deux fois plus que la moyenne des pays européens.

Quelques chiffres témoignent de la mobilisation du Gouvernement en faveur des familles. En 2008, près de 2,2 millions de familles ont bénéficié de la PAJE ce qui représente 11,2 milliards d’euros de prestations versées. Cette somme permet de financer la réponse globale aux besoins liés à l’arrivée d’un enfant que constituent la PAJE et ses composantes : prime à la naissance, allocation de base, complément de libre choix d’activité, complément de libre choix du mode de garde.

Quels étaient les objectifs du Gouvernement et de mon prédécesseur au moment de la création de la PAJE ?

Christian Jacob a souhaité simplifier et rendre plus lisible l’aide à l’accueil du jeune enfant en fondant les cinq prestations existantes en une prestation unique versée jusqu’aux trois ou six ans de l’enfant. Il a permis à 10 % de familles supplémentaires de disposer d’une prestation grâce à un relèvement du plafond de ressources de 37 %. Il a créé une nouvelle prestation, le complément mode de garde, qui permet, sans plafond de ressources, à l’ensemble de nos concitoyens de choisir entre l’accueil chez une assistante maternelle, la garde à domicile et l’accueil collectif. Le but était clair : diminuer les « restes à charge » des accueils individuel et collectif pour créer, à terme, une convergence garantissant, dans les actes, la liberté de choix du mode de garde.

La PAJE a parfaitement répondu aux trois missions qui lui étaient assignées et a permis de mieux accompagner plus de familles. Ainsi, l’objectif posé en 2003 de 200 000 bénéficiaires supplémentaires d’allocations d’accueil du jeune enfant est largement dépassé. Au 1er janvier 2008, environ 285 000 familles de plus qu’en 2003 bénéficiaient d’une aide. Aujourd’hui, plus de 90 % des familles ayant un enfant en bas âge accèdent à ce dispositif. C’est dire l’importance de la PAJE pour les familles de notre pays.

En outre, la mise en œuvre de la PAJE a contribué à la concrétisation d’un des fondements de notre politique familiale : garantir et aider le libre choix des familles. Liberté de travailler ou de cesser de travailler pour s’occuper de son enfant, liberté de choisir tel ou tel mode d’accueil sans qu’aucun obstacle financier ne puisse se présenter, ces principes font certainement le succès de notre politique familiale et nous sont d’ailleurs enviés par de nombreux pays, nos partenaires européens étant très intéressés par l’ensemble de nos dispositifs, que ce soit la PAJE ou les modes de garde diversifiés que nous sommes en train de développer.

De très nombreux indicateurs témoignent que cet objectif est atteint et, surtout, montrent l’effort du Gouvernement en faveur des familles les plus modestes. Ainsi, le « reste à charge » pour une famille disposant d’un revenu égal au SMIC après crédit d’impôt est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 en cas de recours à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si la famille s’adresse à une crèche. Une étude à paraître fin mai de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), intitulée « Les dépenses pour la garde des jeunes enfants », montre même que le coût de la garde d’un enfant est identique une fois déduites les différentes prestations financières et aides fiscales, que l’on ait recours à une assistante maternelle ou à l’accueil en crèche. Un tel résultat est sans nul doute une des réussites les plus marquantes de la PAJE.

La PAJE est aussi un dispositif lisible qui a considérablement simplifié la vie des familles. C’est fondamental car trop de parents ont souvent l’impression de devoir affronter un véritable parcours du combattant pour accéder à leurs droits. Lorsque l’on compare l’empilement des dispositifs qui existaient avant la création de la PAJE et la qualité du service rendu aujourd’hui aux familles, l’effort des gouvernements saute aux yeux ! Le dispositif « Pajemploi » qui permet de gérer le recrutement d’une garde à domicile ou d’une assistante maternelle en ligne contribue aussi à la satisfaction des familles, 85 % des déclarations étant aujourd’hui dématérialisées.

Certes, le coût budgétaire de la PAJE a été plus élevé que prévu : 1,1 milliard d’euros de plus entre 2004 et aujourd’hui, ce n’est pas rien. Mais les trois logiques – budgétaire, économique et sociale – sont liées, l’objectif étant de favoriser, d’accompagner la natalité, mais également de mettre en œuvre une politique visant à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même si nous avons encore beaucoup d’efforts à faire en la matière.

La PAJE a connu un véritable succès. Les gouvernements antérieurs avaient estimé son coût en tablant sur un comportement identique. Or, la natalité a très fortement augmenté, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Surtout, la PAJE a eu un effet très bénéfique puisque les familles ont eu bien plus recours à l’accueil chez l’assistante maternelle, phénomène qui a coûté à lui seul 750 millions d’euros.

Je redis en outre que cette ambition a permis de soutenir notre natalité. Elle nous a aussi permis de parvenir à un taux d’emploi de 82 % des femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans et de consentir des efforts budgétaires à destination des assistantes maternelles, même si un recrutement massif est nécessaire, puisque nous avons besoin de créer 60 000 emplois supplémentaires à destination de la petite enfance pour accompagner les nouveaux modes de garde.

Tout ceci ne doit pas nous empêcher de réfléchir à certaines évolutions de la PAJE, notamment pour rendre le congé parental plus favorable à l’égalité homme - femme. C’est une priorité essentielle pour le Gouvernement.

Nicolas Sarkozy l’a souligné dans le discours qu’il a adressé aux familles le 13 février 2009 : le congé parental peut être à l’origine de nombreuses difficultés professionnelles, principalement bien sûr pour les mères. Un congé parental de longue durée, c’est une rupture dans un parcours professionnel, qui peut se traduire par une diminution des chances d’obtenir un meilleur salaire ou de retrouver un emploi, c’est parfois aussi une « trappe à inactivité ».

Deuxième constat marquant : sur les 586 000 congés parentaux pris dans le cadre du complément de libre choix d’activité (CLCA), seulement 1 % sont pris par des pères. Cela signifie que, encore aujourd’hui, malgré les immenses progrès réalisés en la matière, c’est toujours la femme qui est responsable des tâches ménagères – bien plus que les hommes –, c’est toujours la mère qui est considérée comme la principale responsable de l’éducation des enfants. Nous devons favoriser un meilleur équilibre au sein de la famille, pour aider les femmes dans leur carrière professionnelle.

Troisième et dernier constat : une femme sur deux qui a pris un congé parental dit l’avoir fait faute d’avoir trouvé un mode d’accueil adapté. Cela implique de continuer nos efforts pour développer l’offre de modes de garde diversifiés, comme s’y est engagé le Président de la République.

Vous comprendrez que ce sujet du congé parental est extrêmement complexe et nécessite un diagnostic clair quant aux motivations réelles du retrait du marché du travail et aux conséquences tant économiques que sociales d’un tel retrait. C’est pourquoi nous souhaitons confier au Haut conseil de la famille (HCF), qui se réunira dans les prochaines semaines, une réflexion sur l’évolution du congé parental.

Deux questions principales semblent devoir être examinées. Premièrement, le problème du retour à l’emploi pour les femmes qui viennent de prendre un congé parental. Comment faire concrètement pour qu’un congé parental ne soit pas un frein à leur promotion ? Le Président de la République l’a souligné, l’aménagement des horaires de travail et le recours au temps partiel sont certainement des évolutions souhaitables, que le Haut conseil à la famille examinera avec attention. Deuxièmement, l’objectif d’un meilleur partage du congé parental entre parents me semble être essentiel. En particulier, je souhaite que la possibilité de créer une période de congé réservée à chacun des parents soit étudiée, comme dans les pays du Nord. C’est la meilleure manière d’agir si l’on veut ancrer dans les faits l’égalité hommes-femmes.

Aujourd’hui, 70 % des Français attendent le développement des équipements et 30 % seulement des prestations familiales supplémentaires. Une étude récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) est formelle sur ce point.

200 000 places de garde supplémentaires seront offertes, conformément à l’engagement du Président de la République. Il est nécessaire de développer des modes de garde adaptés aux territoires, aux contraintes professionnelles des parents et aux attentes des collectivités locales, tout en tenant compte de notre souci budgétaire. À cet égard, il est possible d’imaginer des modes de garde à la fois de très bonne qualité et beaucoup plus simples dans leur mise en œuvre.

Pour atteindre ces 200 000 offres supplémentaires, le Parlement a adopté trois mesures législatives.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet aux assistantes maternelles d’accueillir chez elles quatre enfants au lieu de trois. Je vous rappelle que dans les pays du Nord de l’Europe, elles peuvent en accueillir jusqu’à six. Grâce à cette possibilité supplémentaire, nous pouvons créer jusqu’à 50 000 places supplémentaires.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet également aux assistantes maternelles de travailler ensemble, à quatre au maximum, à l’extérieur de chez elles. Ce regroupement, qui permet d’offrir un accueil à horaires atypiques – tôt le matin, tard le soir –, est très demandé par les élus locaux, notamment en milieu rural. Il est expérimenté en Mayenne depuis 2006 et j’y ai vu – pour une fois – un maire de gauche, un député UMP et un président de conseil général centriste contents, des parents et des assistantes maternelles heureux et des bébés qui gazouillaient !

Dans le cadre du projet de loi de finances, le Parlement a relevé le crédit d’impôt famille destiné aux entreprises à 50 %, sur un plafond de dépenses de 2 millions d’euros, pour « booster » le dispositif des crèches en entreprise. Notre pays compte moins de 4 000 places dans les entreprises, notre objectif est d’en créer au moins 10 000 d’ici à la fin du quinquennat.

L’État a signé le 9 avril dernier la nouvelle convention d’objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Après plusieurs mois de travail et de préparation, nous faisons un effort budgétaire de près de 1,3 milliard d’euros qui nous permettra de créer 100 000 places de crèches supplémentaires.

À travers ce dispositif, nous fléchons des places par le biais de l’expérimentation de 8 000 places en jardins d’éveil, qui seront des structures souples, reposant surtout sur le principe de mutualisation des moyens, avec un encadrement beaucoup plus important qu’en préscolarisation, car un enfant de deux ans est encore un bébé.

Nous souhaitons également flécher 1 800 places à destination des 215 quartiers prioritaires, dans le cadre du plan « Espoir banlieue ». Dans ces quartiers, le taux d’activité des femmes est nettement inférieur à la moyenne nationale et deux demandes récurrentes s’expriment : le désenclavement par le biais des transports et le développement des modes de garde. Ne pas pouvoir faire garder ses enfants à proximité est un handicap pour ces femmes si elles veulent aller travailler ou se rendre à un entretien d’embauche. Nous avons signé une convention avec Fadela Amara, et ces 1 800 places seront créées directement au cœur des quartiers, avec les offices publics de l’habitat. Les structures seront simples à mettre en œuvre, par le biais de regroupements d’assistantes maternelles ou de microcrèches dans des appartements aménagés.

En outre, j’ai signé un accord avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et la Caisse d’allocations familiales pour pouvoir ouvrir les crèches hospitalières de Paris et de l’Île-de-France, dont le taux d’occupation est d’à peine 70 %, aux familles habitant à proximité des hôpitaux mais n’y travaillant pas. Ce dispositif permettant d’optimiser les moyens et d’économiser 13 millions d’euros, j’ai signé le même accord avec les hôpitaux de Lyon, le directeur du centre hospitalier Le Vinatier m’ayant dit qu’il était à deux doigts de fermer sa crèche, occupée à 40 % ! Du coup, j’ai généralisé l’accord au niveau national avec Claude Evin, président de la Fédération hospitalière de France, mais aussi avec les hôpitaux et les cliniques privées.

À total, les financements du Fonds national d’action sociale de la CNAF affectés à l’ensemble de ces moyens de garde supplémentaires augmenteront de 7,5 % par an.

Enfin, je suis allée inaugurer à la CNAF un nouveau dispositif : le site internet www.mon-enfant.fr qui permettra aux parents d’être mieux guidés dans leur parcours, souvent compliqué, de recherche de places. Nous optimiserons ce dispositif d’ici à 2010 : les familles pourront alors connaître en temps réel les places disponibles là où elles souhaitent faire garder leur enfant.

Une politique familiale performante en termes d’enjeu démographique au sein de l’Union européenne ; des outils performants, en particulier la PAJE ; des objectifs clairs en matière de développement des modes de garde diversifiés pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle des parents, tout en les guidant dans leur parcours. Telles sont l’analyse et les perspectives de la politique d’accueil du jeune enfant en France que je tenais à vous présenter aujourd’hui.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La France compte environ 2,5 millions d’enfants de moins de trois ans. En sus des 330 000 places en structures collectives, des 700 000 places chez les assistantes maternelles et de l’accueil de 40 000 tout-petits à l’école maternelle, la CNAF a évalué les besoins de garde à 350 000 places.

Comment comptez-vous atteindre l’objectif de 200 000 places d’accueil nouvelles d’ici 2012 ? Alors que les annonces se sont succédées, 30 000 places en équipements collectifs seulement ont été créées depuis cinq ans. Par ailleurs, les assistantes maternelles – dont un grand nombre partira prochainement à la retraite – sont parfois réticentes à l’idée d’accueillir un quatrième enfant. La même réticence se faisant jour chez certains parents, comment parviendrez-vous à créer les 50 000 places supplémentaires ?

Les personnes que nous avons auditionnées nous ont expliqué que le reste à charge des familles était plus important pour les familles modestes lorsqu’elles confiaient leur enfant à une assistante maternelle. Or vous faites état d’une étude de la DREES selon laquelle la charge serait aujourd’hui la même que lorsque l’enfant est accueilli en crèche. Comment expliquez-vous une telle évolution ? De manière générale, est-il possible d’aider davantage les familles modestes et plus particulièrement les familles monoparentales ?

Concernant les jardins d’éveil, la PAJE permettra-t-elle de financer la participation des familles ? Vous avez privilégié le maintien de classes maternelles destinées aux enfants de moins de trois ans dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP). L’accueil gratuit et prioritaire dans les ZEP des enfants de deux ans en maternelles sera-t-il pérennisé ? Dans ce cas, comment garantira-t-on l’équité territoriale, alors que certaines familles devront payer pour l’accueil de leur enfant en jardin d’éveil ? Par ailleurs, pensez-vous qu’il soit bénéfique pour l’enfant de connaître, avant ses six ans, trois lieux différents – la crèche, le jardin d’éveil, la maternelle ?

Je me réjouis d’apprendre que le Haut conseil de la famille, créé en octobre 2008, va enfin être constitué pour se voir confier une mission sur le congé parental. Sur ce même sujet, les concertations menées avec les partenaires sociaux dans le cadre de l’Union européenne ont-elles abouti ?

Mme la secrétaire d’État. Il faut cesser de raisonner selon le schéma « tout accueil collectif ». La création d’une place de crèche est onéreuse – coûts de construction et de fonctionnement – et prend du temps. La diversification des modes de garde permet d’aller plus vite.

Les assistantes maternelles ne sont pas obligées d’accueillir quatre enfants. C’est une possibilité qui leur est offerte, sous le contrôle de la protection maternelle et infantile – PMI – qui délivre l’agrément, et une solution supplémentaire pour les parents, qui y verront peut-être un avantage en termes éducatifs.

Ce dispositif s’accompagne d’un plan métier, lancé avec Valérie Létard. L’un des objectifs est d’attirer de nouvelles recrues – femmes et hommes – auprès du Pôle emploi et de convaincre les jeunes d’embrasser la carrière de la petite enfance lors de leur orientation scolaire.

Depuis peu, les assistantes maternelles qui s’installent dans des secteurs déficients en modes de garde reçoivent une prime allant de 300 à 500 euros. Par ailleurs, nous créerons des modules de formation dans le cadre des relais d’assistantes maternelles.

M. le coprésident Pierre Morange. Tout projet ambitieux s’inscrit dans le temps : il faut environ cinq ans pour créer une place de crèche. La réponse de court terme, qui vise à rationaliser et à optimiser l’existant, s’inscrit dans un dispositif global.

Il semble que la solution consistant à réunir plusieurs assistantes maternelles sur un même lieu – les microcrèches – ne bénéficie pas encore d’un cadre juridique et réglementaire stable. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, alors que l’enveloppe financière consacrée à la PAJE est importante, la part des enfants accueillis en maternelles dans les zones sensibles est passée de 23 à 17 % ; les places de crèches qui seront créées seront absorbées par la réduction importante des capacités d’accueil en maternelles.

Enfin, nos auditions ont montré combien il était nécessaire de mettre en adéquation l’offre et la demande. Cela signifie, surtout au regard de l’effort budgétaire consenti par nos concitoyens, que l’information concernant l’offre disponible doit être maîtrisée, réactualisée en permanence et surtout centralisée.

Mme la secrétaire d’État. C’est l’objectif du site www.mon-enfant.fr, dont la nouvelle formule permet aux parents, grâce aux liens avec chaque département, d’obtenir une information précise quant aux places disponibles.

C’est vrai, cinq ans peuvent s’écouler entre la décision de construire une crèche et son ouverture. Mais lorsque les places sont réalisées par des fédérations de crèches privées, cela va beaucoup plus vite ! J’ai inauguré des crèches conçues et réalisées en six mois…

Les élus locaux et les parlementaires – de tous bords – se montrent très intéressés par le regroupement d’assistantes maternelles. Une convention type, rédigée avec la direction générale de l’action sociale (DGAS), sera prochainement accessible sur le site de la CNAF. C’est une solution qui peut ne pas être onéreuse pour la commune – la mairie pouvant par exemple prendre en charge la location du lieu – et être souple, puisqu’elle ne nécessite pas d’engagement à long terme de la collectivité et ne crée pas de charges de fonctionnement.

Les jardins d’éveil sont en phase expérimentale et chaque année un bilan sera fait. Le dispositif a été lancé depuis un village de la Marne, où un jardin d’éveil est installé dans l’ancien bureau de poste.

Quasiment toutes les études pédo-psychologiques ont montré que la préscolarisation n’était pas souhaitable pour les moins de trois ans. L’encadrement des jardins d’éveil – trois personnes en permanence et deux personnels d’encadrement mutualisés pour douze enfants – est mieux adapté aux enfants, qui, par ailleurs, n’auront pas l’obligation d’être « propres ».

Les syndicats scolaires m’ont fait part de leurs craintes. Je répète que le Gouvernement est viscéralement attaché à l’école maternelle, dispositif unique au monde. Les jardins d’éveil ne signent pas la disparition de la maternelle, ils représentent un autre mode de garde, que Ségolène Royal avait en son temps appelé « jardin d’enfants ».

Mme la rapporteure. Que les deux-trois ans bénéficient d’un accueil personnalisé me paraît être une bonne chose. Cela dit, Ségolène Royal proposait de créer des jardins d’enfants – gratuits – dans le cadre de l’Éducation nationale.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Si j’ai bien compris, 8 000 places de jardins d’éveil seront réparties sur le territoire à titre expérimental.

Mme la secrétaire d’État. En fonction des projets présentés par les caisses d’allocations familiales (CAF).

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les auditions nous ont montré combien les Français étaient attachés à leur école maternelle. Pour ma part, j’estime que l’accueil des deux-trois ans qu’elle assurait était de qualité et, de surcroît, gratuit. Celui-ci a été maintenu à titre prioritaire dans les ZEP parce qu’il est bien adapté aux besoins de populations fragiles. Qu’en sera-t-il demain ?

La mission menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les jardins d’éveil est-elle terminée ? Quelles propositions pensez-vous retenir ?

M. Georges Colombier. Les communes rurales défavorisées pourront-elles bénéficier de financements pour la mise en place des jardins d’éveil ?

Mme la secrétaire d’État. Nous sommes tous attachés à l’école maternelle. Mais en tant que secrétaire d’État à la famille, j’ai pour objectif de développer des modes de garde. L’Éducation nationale et la préscolarisation ne sont pas de ma compétence.

Que veut-on ? Des modes de garde adaptés aux deux-trois ans ou des modes de garde gratuits – encore qu’il soit faux de dire que l’école est gratuite, puisqu’elle est financée par l’impôt des contribuables ? Ce qui nous importe, c’est la qualité, non la gratuité : le jardin d’éveil, qui offre un meilleur encadrement, vient en complément, il ne nuit pas aux dispositifs qui continuent d’exister en ZEP.

Les financements sont croisés : l’entreprise, au titre de sa politique familiale, peut financer une place en jardin d’éveil. J’ai veillé à ce qu’en milieu rural, l’aide versée par la CAF – 3 200 euros par place – soit abondée de 25 % lorsqu’il n’existe pas d’autre mode de garde à proximité. Le coût pour la famille est calculé en fonction de son revenu mensuel – 27 euros pour un SMIC, 42,50 euros pour trois SMIC – et il est inférieur de 33 % au prix d’une place de crèche. Les jardins d’éveil sont ouverts au moins 200 jours par an et l’amplitude est au minimum de 8 heures.

S’agissant du reste à charge pour les familles selon les modes de garde, le coût horaire pour une famille percevant moins de 1 100 euros est de 0,60 euro pour une place en crèche et de 0,70 euro pour une place chez une assistante maternelle. Cette absence d’écart s’explique par l’augmentation de 50 euros du complément de libre choix du mode de garde décidée en 2008.

Mme la rapporteure. Le montant de la participation des familles modestes au jardin d’éveil peut demeurer dissuasif pour certaines, qui feront alors le choix de garder l’enfant à leur domicile. Pensez-vous pouvoir atténuer cette charge ?

Des échanges ont lieu au niveau européen sur le congé parental. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?

Mme la secrétaire d’État. S’agissant du congé maternité, les dix-huit semaines en vigueur en France – si l’on ajoute aux seize semaines de congé normal les deux semaines de congé pathologique, placent notre pays au-dessus de la moyenne des pays européens. Nous confierons au Haut conseil de la famille – qui sera installé le 5 juin – le soin de réfléchir au congé parental et d’analyser un certain nombre d’éléments, comme les conditions de retour à l’activité.

M. le coprésident Jean Mallot. Comme nos différentes auditions nous l’ont montré, le système a plutôt bénéficié aux classes moyennes et aisées, ce que confirme la Cour des comptes. Doit-on alors moduler certaines prestations qui composent la PAJE en fonction du revenu des familles ? Ou doit-on s’en remettre à la fiscalité pour établir plus de justice sociale entre les familles ?

Nous sommes d’accord avec vous pour dire qu’il faut diversifier les modes de garde en fonction des situations familiales, des territoires et des situations sociales. Or l’adéquation entre la situation de la famille, notamment au regard de son revenu, et l’offre à laquelle elle peut prétendre ne peut pas être totale. Comment peut-on alors concilier une prise en compte du revenu des familles pour qu’elles ne pâtissent pas du système et le bénéfice du mode de garde le mieux adapté à leurs caractéristiques ?

Mme la secrétaire d’État. Il est vrai que l’on peut se dire que les familles modestes ne sont pas suffisamment aidées par ce dispositif et que trop de familles des classes moyennes le sont. Faut-il pour autant ne pas aider les classes moyennes ?

M. le coprésident Jean Mallot. Ce n’est pas la question que j’ai posée.

Mme la secrétaire d’État. La PAJE concerne 90 % des familles, ce qui me semble être un bon résultat.

Mon « ministère de la vie », comme j’ai l’habitude de l’appeler car il est le plus transversal qui soit, s’occupe de la politique familiale sous l’angle des prestations, mais aussi de toutes les autres formes d’aides. À cet égard, je pense aux familles monoparentales et aux familles modestes, que le revenu de solidarité active va aider de manière supplémentaire dans leur vie quotidienne en majorant leurs revenus.

Faut-il aller plus loin en matière d’aides aux familles modestes ? C’est une de mes réflexions s’agissant des modes de garde dans les secteurs les plus défavorisés.

J’ai reçu M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi avec lequel je travaille afin d’aboutir à la signature d’une convention avec l’ensemble des CAF et des collectivités locales, dans le but de définir des modes d’accueil d’urgence en direction des familles modestes qui veulent faire garder leurs enfants lorsqu’elles se rendent à un entretien d’embauche ou sont en recherche d’emploi, et qui bénéficieraient par exemple de tarifs nettement inférieurs. La politique familiale, c’est aussi cela.

Plutôt que la modification de la PAJE stricto sensu, je vous propose donc des dispositifs multiples et complémentaires.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous avez parlé de 88 milliards d’euros pour la politique familiale – dans son ensemble –, périmètre de l’Éducation nationale compris, je suppose. Pour notre part, nous considérons la politique familiale au sens large.

Mme la secrétaire d’État. Ce montant inclut les aides fiscales, donc le quotient familial, mais pas l’Éducation nationale.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous ne doutons pas de votre volonté d’aider aussi les familles modestes. Mais je le répète : tout le monde constate, y compris la Cour des comptes, que le système a plutôt creusé les inégalités, même si toutes les familles en ont bénéficié.

La méthode que vous préconisez pour aider les familles modestes va-t-elle contribuer à résorber ces inégalités ?

Mme la secrétaire d’État. Les indicateurs de performance montrent que le reste à charge pour les plus pauvres a baissé. Pour une famille disposant d’un SMIC, le reste à charge pour une assistante maternelle est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros aujourd’hui. Pour les crèches, il est passé de 89 à 52 euros. Le dispositif a donc favorisé les personnes les plus modestes. Évidemment, on peut toujours faire mieux.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous ne disons pas des choses différentes, mais nous n’en tirons pas les mêmes conclusions. Si vous versez beaucoup plus d’argent à toutes les familles, le dispositif bénéficie plus – en proportion – aux familles aisées qu’aux familles modestes. L’inégalité est là.

Mme la secrétaire d’État. Le complément mode de garde est un des éléments moteurs qui favorise l’activité des femmes, des plus modestes aux moins modestes. En ce sens, on peut se réjouir de l’efficacité du dispositif.

Je vous remets le dossier concernant l’expérimentation des jardins d’éveil, d’ores et déjà téléchargeable sur le site Internet du ministère, et que je vais faire parvenir à tous les élus avec un « kit » juridique et pratique sur les différents modes de garde et leurs conditions de mise en œuvre.

M. le coprésident Pierre Morange. Les normes exigées pour le nombre de mètres carrés de ces structures de garde alternatives que sont les jardins d’éveil, ainsi que pour le ratio et la composition du personnel d’encadrement devraient être, d’après ce que j’ai lu, moins rigoureuses que pour les crèches et haltes-garderies. Toutes les dispositions réglementaires sur ces sujets sont-elles précisées dans le kit ?

Mme la secrétaire d’État. Tout est précisé quant au personnel encadrant qui peut être recruté, mais pas aux mètres carrés pour lesquels les services de la protection maternelle et infantile (PMI) sont compétents.

Il y a d’importantes disparités entre les critères définis par les services de PMI. Des candidats se voient refuser l’agrément d’assistant maternel au prétexte que des rosiers sont ici, que deux marches sont là… En outre, la réglementation est trop stricte pour les crèches et l’accueil collectif.

Nous sommes donc en train de travailler à un référentiel national pour les PMI.

Le référentiel pour les assistantes maternelles est prêt ; nous le présenterons d’ici peu.

Le référentiel pour les crèches et l’accueil collectif est sur le point d’aboutir, grâce au groupe de travail sur la réglementation que j’ai mis en place.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour terminer, j’insiste lourdement sur le fait que tant qu’on n’aura pas une obligation et un partage des données dématérialisées entre les conseils généraux, les services de PMI, les communes, les caisses d’allocations familiales et les parents on n’avancera pas. C’est aussi de bonne gestion des deniers publics qu’il s’agit !

Mme la secrétaire d’État. Ce point est fondamental.

6 millions d’euros seront consacrés à la généralisation de l’information, pour aboutir à la mise place du site « mon-enfant.fr » de deuxième génération. Je précise que la prime à l’installation des assistantes maternelles ne leur sera versée qui si les informations les concernant sont mises en ligne sur ce site.

Je vais plus loin. Beaucoup de chiffres circulent, et vous avez vous-même dit tout à l’heure, madame la rapporteure, que la CNAF avait estimé les besoins à 350 000 places supplémentaires. Or la plateforme nationale, créée par la CNAF, dont j’ai lancé la première génération, permet d’accéder – grâce à des liens entre les sites, à l’information en cliquant sur le nom de sa région ou son département. Le site de deuxième génération sera opérationnel au premier trimestre 2010 et indiquera l’occupation des places d’accueil en temps réel pour l’ensemble du territoire.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci, madame la secrétaire d’État.

Nous serons très attentifs aux conclusions du Haut conseil de la famille, à qui vous allez proposer une réflexion sur le congé parental.

*

ANNEXE 4 : SIGLES UTILISÉS

ADF : Assemblée des départements de France

AFEAMA : Aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée

AGED : Allocation de garde d’enfant à domicile

AMF : Association des maires de France

AMGVF : Association des maires des grandes villes de France

ANDPE : Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes

ANPE : Agence nationale pour l’emploi

ANSA : Agence nationale des solidarités actives

ANSP : Agence nationale des services à la personne

APE : Allocation parentale d’éducation

AP-HP : Assistance publique-Hôpitaux de Paris

API : Allocation de parent isolé

APJE : Allocation pour jeune enfant

ASF : Allocation de soutien familial

ASSEDIC : Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

ATSEM : Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles

CAF : Caisses d’allocations familiales

CARENE : Communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire

CAS : Centre d’analyse stratégique

CDD : Contrat à durée déterminée

CEJ : Contrat enfance et jeunesse

CESU : Chèque emploi service universel

CFDT : Confédération française démocratique du travail

CFE-CGC : Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres

CFTC : Confédération française des travailleurs chrétiens

CGPME : Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises

CGT : Confédération générale du travail

CIF : Crédit d’impôt famille

CLCA : Complément de libre choix d’activité

CMG : Complément de libre choix du mode de garde

CMG-AM : Complément de libre choix du mode de garde – assistante maternelle

CMG-GAD : Complément de libre choix du mode de garde – garde à domicile

CNAF : Caisse nationale des allocations familiales

CNIL : Commission nationale de l’informatique et des libertés

CODAJE : Commission départementale de l’accueil des jeunes enfants

COG : Convention d’objectif et de gestion

COLCA : Complément optionnel de libre choix d’activité

CREDOC : Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie

CSF : Confédération syndicale des familles

CSG : Contribution sociale généralisée

CSP : Catégories socioprofessionnelles

DGAS : Direction générale de l’action sociale au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

DGF : Dotation globale de fonctionnement

DIF : Délégation interministérielle à la famille au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

DOM : Départements d’outre-mer

DREES : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

DSS : Direction de la sécurité sociale au ministère de la santé et des sports

EUROSTAT : Office statistique des Communautés européennes

FFEC : Fédération française des entreprises de crèches

FNAS : Fonds national d’action sociale

FNASS : Fonds national d’action sanitaire et sociale

FSM : Fédération syndicale des familles monoparentales

HACCP : Système d’analyse des dangers - points critiques pour leur maîtrise (Hazard analysis critical control point)

HCF : Haut conseil de la famille

IGAS : Inspection générale des affaires sociales

INED : Institut national des études démographiques

INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

IRCEM : Institution de retraite complémentaire des employés de particuliers

IUFM : Instituts universitaires de formation des maîtres

LEADER : Programme européen en faveur des zones rurales

MECSS : Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

MSA : Mutualité sociale agricole

OCDE : Organisation de coopération et de développement économique

PAJE : Prestation d’accueil du jeune enfant

PAJEMPLOI : Dispositif simplifié de gestion administrative de l’emploi d’une garde à domicile ou d’une assistante maternelle

PERCO : Plan d’épargne retraite collectif

PERP : Plan d’épargne retraite populaire

PMI : Protection maternelle et infantile

PQE : Programmes de qualité et d’efficience

PSU : Prestation de service unique

RAM : Relais d’assistantes maternelles

RGPP : Révision générale des politiques publiques

RMI : Revenu minimum d’insertion

RSA : Revenu de solidarité active

SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SPAMAF : Syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux

UFNAFAAM : Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles

UNAF : Union nationale des associations familiales

UNEDIC : Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

UNICEF : Fonds des Nations unies pour l’enfance

UNIOPSS : Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux

UPA : Union professionnelle artisanale

URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales

ZEP : Zones d’éducation prioritaires

ZUS : Zones urbaines sensibles

1 () Jusqu’au 30 juin 2009.

2 () À partir du 7 juillet 2009.


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