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N° 3825

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2021.

 

 

RAPPORT D’INFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

 

 

sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 20202022 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France, ARTE France
et de l’Institut national de l’audiovisuel,

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

Mme Florence PROVENDIER,

 

Députée.

 

——

 

 

 

 


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SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. une Transition vers un audiovisuel public agile et confortÉ

1. Un travail de mise en commun inédit

a. Une feuille de route commune

b. Cinq objectifs communs déclinés en indicateurs

c. Un plan d’affaires exigeant, avec pour objectif une maquette commune de compte de résultat au printemps 2021

2. Des contrats d’objectifs et de moyens de transition

a. Dans les faits, une durée inférieure à deux ans

b. Une ressource pérenne et indépendante jusqu’à quand ?

c. Entre projet de loi et COM

3. Des synergies et des indicateurs communs

a. Rendre les indicateurs communs comparables

b. Adapter les indicateurs d’audience à l’évolution des pratiques

i. La couverture, un bon indicateur à ventiler

ii. Le nombre de lectures, un indicateur parfois flou et peu harmonisé

c. Améliorer les indicateurs sur la formation et les achats

d. Valoriser les initiatives et les synergies grâce aux indicateurs de gestion

e. Des médias exemplaires

f. Mieux suivre le rayonnement des productions françaises à l’international

4. Donner des perspectives et un cadre aux coopérations

a. Attribuer une conduite de projet opérationnelle aux coopérations

b. Mettre en place les outils nécessaires au suivi financier

II. Des objectifs et des moyens propres à chaque entreprise

1. France Télévisions

a. Des objectifs stratégiques ambitieux

i. Consolider la confiance dans l’information

ii. Atteindre tous les publics par la diversité et l’accessibilité

iii. La priorité donnée au financement des programmes, au bénéfice de la création

iv. La régionalisation de France 3 et une plus grande visibilité des  Outre-mer

b. Des défis déterminants pour l’avenir

i. Un environnement financier contraint

ii. Une forte ambition de croissance des audiences

iii. Une volonté de renforcement d’une offre de proximité avec France Bleu  France 3

iv. Améliorer la synergie entre les médias publics sur les marchés européens

2. Radio France

a. Des projets déterminants pour l’avenir de Radio France

i. Réaffirmer la place de l’offre numérique

ii. Renforcer l’offre d’information de proximité par le rapprochement entre France 3 et les réseaux France Bleu

iii. Exposer davantage la culture et la musique dans un contexte économique difficile

iv. Prioriser la diversité

b. Stabiliser l’équilibre financier d’ici à 2022

i. Des prévisions optimistes de rétablissement des ressources propres

ii. La mise en œuvre d’un accord de rupture conventionnelle collective

3. France Médias Monde

a. Lutter contre les fausses informations par l’information et la formation

b. Assurer le rayonnement de la France et de ses valeurs dans un contexte de tensions avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient

c. Préciser les objectifs en matière de langues de diffusion en poursuivant la transformation numérique des médias du groupe

d. Respecter la trajectoire financière et développer des synergies entre France 24 en arabe et MCD

4. ARTE France

a. Poursuivre l’excellence éditoriale et amplifier le déploiement numérique

b. Se déployer en Europe et accroître la nature européenne des programmes

c. Développer des synergies avec France Médias Monde

d. Affirmer son caractère d’entreprise responsable et innovante

5. L’Institut national de l’audiovisuel

a. La stabilisation de l’INA vers un nouveau modèle

i. Une entreprise qui doit se réinventer

ii. Garantir la pérennité du modèle économique de l’INA

b. Le renforcement des synergies, enjeu essentiel réaffirmé dans le COM

i. Poursuivre la transformation de l’INA de la conservation vers l’éditorialisation à l’ère numérique

ii. Créer un nouveau pôle d’excellence dans le domaine de la formation

iii. Renforcer et moderniser la capacité d’archivage des collections audiovisuelles et web de l’INA avec un focus sur les processus de numérisation

Conclusion

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : Liste des personnes entendues par lA rapporteurE


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   introduction

Le service public audiovisuel occupe une place structurante dans le paysage médiatique car il porte une ambition sociétale, citoyenne et culturelle. Plus encore que des chaînes et des programmes, les cinq entreprises – ARTE France, France Médias Monde, France Télévisions, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et Radio France – sont au cœur du fonctionnement de notre démocratie par leur triple rôle d’information juste et indépendante, de divertissement ainsi que de soutien à la création et de rayonnement culturel, sur notre territoire comme à l’étranger. Vecteurs de représentation et d’identification puissants, les médias publics sont pleinement mobilisés, dans leur offre de contenus, pour faire progresser la conscience individuelle et collective des citoyens.

L’article 53 de la loi de septembre 1986 prévoit que des contrats d’objectifs et de moyens (COM) sont conclus entre l’État et chacune des entreprises, sur des périodes pluriannuelles. Les COM déterminent, pour chaque société, plusieurs éléments parmi lesquels les axes prioritaires pour les sociétés, les engagements pris au titre de la diversité et de l’innovation dans la création, le coût prévisionnel des activités pour chaque année, les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix, ou encore, le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.

L’article 53 précité prévoit que les COM, avant leur signature, sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines et au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui formule un avis dans un délai de quatre semaines.

De façon inédite, il a été décidé que les projets de COM des cinq entreprises seraient présentés en même temps, pour la période 2020-2022, avec des objectifs communs, ce dont les députés ont été informés en décembre 2020. Ainsi, la commission des affaires culturelles et de l’éducation est amenée à se prononcer simultanément sur les cinq COM.

Ces COM doivent être examinés à l’aune de la crise sanitaire et de l’environnement de plus en plus compétitif dans lequel évoluent nos médias publics. En effet, le développement des plateformes privées de vidéo à la demande et des réseaux sociaux modifie profondément le paysage concurrentiel.

Ainsi, suite aux confinements décidés sur l’ensemble du globe, Netflix compte désormais plus de 200 millions d’abonnés dans le monde, dont 37 millions acquis en 2020. En l’espace de trois ans, la firme a triplé son audience et enregistre aujourd’hui près de 7 millions d’abonnés en France. La bataille gagne également le terrain des droits sportifs, comme en témoigne l’achat inédit par Amazon de droits pour la diffusion du Tournoi de Roland-Garros. Chez les jeunes, YouTube prend une place de plus en plus importante dans les habitudes de consommation, porté par le succès des influenceurs et autres « streamers ».

Dans ce nouvel univers, le service public de l’audiovisuel doit plus que jamais se réinventer pour préserver sa place dans le quotidien des Français.

Au-delà des seules sociétés audiovisuelles, il en va de l’avenir de la création audiovisuelle et cinématographique dans notre pays, face à la stratégie d’investissement offensive déployée par les GAFAN.

Dans ce contexte, notre pays a besoin d’un audiovisuel public d’autant plus fort. C’était l’objectif de la création de France Médias ‑ holding qui aurait rassemblé France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA ‑ par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Si l’idée initiale a été semble-t-il abandonnée, demeure la nécessité de renforcer notre audiovisuel public grâce à la coopération et aux synergies entre sociétés.

Pour répondre à ce besoin, des contrats avec une feuille de route, cinq objectifs communs, assortis d’indicateurs spécifiques et de plans d’affaires, ont été élaborés entre septembre et décembre 2020, grâce à l’implication des dirigeants des entreprises et de leurs collaborateurs.

Cet exercice inédit a le mérite de synchroniser les ambitions et engagements des cinq entreprises et de donner à l’État un outil de pilotage qui tend vers une harmonisation, lui permettant d’évaluer le respect des contrats sur des temporalités comparables.

Des progrès sont à souligner par rapport aux précédents COM :

– un effort de concision pour des COM plus ramassés, permettant une meilleure lisibilité des objectifs stratégiques fixés par l’État ;

– la valorisation des enjeux de gestion partagés, avec un effort de rapprochement notable des outils de mesure ;

– l’affichage clair, dans la feuille de route, des missions prioritaires de chacun ;

– le respect de la trajectoire financière établie par le Gouvernement en 2018 jusqu’en 2022.

Ces contrats sont établis pour une durée courte de trois ans, dont plus d’une année s’est déjà écoulée. Si l’on peut comprendre les raisons qui ont motivé le Gouvernement et les dirigeants des sociétés à opter pour cette temporalité, du fait d’une part de l’abandon du projet de loi audiovisuel et d’autre part de l’absence de visibilité sur le financement de l’audiovisuel public après 2022, en revanche, cela interroge plus fondamentalement sur la vision que l’État a, à long terme, pour nos grands médias publics.


—  1  —

I.   une Transition vers un audiovisuel public agile et confortÉ

1.   Un travail de mise en commun inédit

L’État et les entreprises de l’audiovisuel public se sont livrés à un exercice inédit de préparation simultanée de cinq contrats d’objectifs et de moyens (COM), pour la même période contractuelle 2020-2022. Alors que l’ambition du projet de loi relatif à l’audiovisuel examiné en première lecture par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale en mars 2020 prévoyait la création d’une maison mère, et que ce projet de loi n’a pu aboutir, cette volonté forte de renforcer les synergies et les coopérations entre les sociétés de l’audiovisuel public et de leur donner un cap commun semble structurer ces COM.

Ces projets de COM sont plus concis, plus stratégiques et mieux harmonisés avec les cahiers des charges que ne l’étaient les précédents COM.

La rapporteure salue la volonté de donner à l’État un outil de pilotage commun permettant d’évaluer le respect des contrats des grands médias publics sur une période comparable et sur la base d’indicateurs communs. Cette vision d’ensemble devrait permettre également de mieux valoriser la progression des entreprises et leurs synergies.

Les administrations de tutelle – la direction générale des médias et des industries culturelles, la direction du budget, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère des outre-mer et l’agence des participations de l’État – ont souhaité que ces documents soient plus synthétiques pour être efficaces. Du fait du format, se pose néanmoins la question de la représentativité des objectifs et des indicateurs retenus.

Les COM s’articulent selon une même logique à l’exception de celui d’ARTE France, qui répond en même temps aux exigences bilatérales du groupement européen d’intérêt économique (GEIE) ARTE, pour la période 2017‑2021.

a.   Une feuille de route commune

Une feuille de route commune au secteur audiovisuel public pour la période 2020-2022 encadre les objectifs des COM. Cette feuille de route rappelle et confirme les arbitrages du Gouvernement rendus en juillet 2018, arbitrages qui ont fixé les perspectives financières pour l’audiovisuel public jusqu’en 2022 et défini des orientations stratégiques communes.

La rapporteure relève une formulation introductive limitante : l’audiovisuel public est « un service qui demeure utile à nos concitoyens et à la société qui évolue ». Convaincue de la place cruciale de celui-ci, a fortiori dans la période de crise sanitaire que nous traversons, elle suggère la formulation suivante : « un service public, pilier de notre démocratie, accessible à tous les citoyens et qui s’adapte à l’évolution de notre société ».

Les priorités communes de l’audiovisuel public sont rappelés dans la feuille de route :

– la culture et la création ;

– la jeunesse et l’éducation ;

– l’information ;

– la proximité ;

– l’Europe et les actions extérieures.

Cette feuille de route fixe, par ailleurs, un objectif général de transformation qui vise à accélérer la transformation des offres et favoriser le pilotage des ambitions communes à travers quatre axes :

– la transformation de l’audiovisuel public doit continuer à anticiper l’évolution des technologies et des usages, à commencer par la consommation croissante de contenus délinéarisés ;

– les synergies au sein de l’audiovisuel public doivent être multipliées et approfondies, dans un univers numérique très concurrentiel ;

– l’ensemble des offres évolue pour garantir la meilleure adéquation entre les missions du secteur audiovisuel d’une part, les usages et attentes des Français d’autre part ;

– cette efficacité accrue permet également d’associer le secteur audiovisuel public à l’effort collectif de réduction des dépenses publiques.

Chacune de ces feuilles de route est complétée par la réaffirmation des enjeux propres à chaque société, ainsi que leur vision, missions et valeurs.

Après cette feuille de route qui donne le cadre stratégique des COM, sont précisés des objectifs communs à toutes les entreprises, puis des objectifs propres à chacune, assortis d’indicateurs de mesure des résultats.

b.   Cinq objectifs communs déclinés en indicateurs

Les cinq objectifs communs aux cinq entreprises sont les suivants :

– Objectif 1 : proposer une offre de service public identifiée qui s’adresse à tous les publics et accélérer la transformation numérique. Cet objectif s’inscrit dans la continuité du rapport Schwartz sur l’avenir de France Télévisions, publié en février 2015, et a été retenu pour tous les COM. Il s’agit, grâce à la complémentarité des offres, de proposer des programmes et des lignes éditoriales à tous les publics en étant un « média global », diffusé non seulement en linéaire sur les chaînes de télévision et les antennes de radio, mais aussi sur les plateformes numériques selon différents modes d’exposition ;

– Objectif 2 : développer des synergies et des partenariats au sein de l’audiovisuel public. Le développement des coopérations entre entreprises est par conséquent un axe incontournable, d’une part au plan éditorial, pour affirmer le rôle singulier de l’audiovisuel public autour de missions communes, d’autre part pour mutualiser les moyens ou activités qui peuvent l’être afin d’être plus efficace.

– Objectif 3 : consacrer prioritairement les moyens disponibles à l’offre au public. Au cours de la période 2020-2022, les entreprises de l’audiovisuel public contribuent à l’effort commun de maitrise des dépenses de la collectivité tout en proposant des offres toujours plus adaptées aux usages et aux attentes des publics. Dans ce contexte, elles s’attachent à réduire leurs coûts de structure pour consacrer une part prépondérante de leurs ressources au développement de programmes et de services pertinents pour un large public et conformes à leurs missions ;

– Objectif 4 : assurer la maîtrise de la masse salariale et optimiser la gestion pour garantir la soutenabilité économique. La trajectoire de baisse des ressources publiques affectées à l’audiovisuel public décidée par le Gouvernement en juillet 2018 nécessite des mesures d’économie de gestion pour assurer l’équilibre d’exploitation des entreprises. En conséquence, celles-ci développent une culture de gestion exemplaire, dans le respect des recommandations de la Cour des comptes, et s’engagent à respecter année après année l’équilibre budgétaire. Dans le respect du cadre réglementaire, elles cherchent à maintenir voire à développer des ressources propres qui contribuent à l’accomplissement de leurs missions et à la consolidation de leur modèle mixte de financement.

– Objectif 5 : être une entreprise de média exemplaire. Vecteurs de représentation et d’identification puissants, les médias publics sont pleinement mobilisés, dans leur offre de contenus, pour faire progresser la conscience individuelle et collective des citoyens dans l’ensemble des champs de la responsabilité sociale et environnementale : égalité entre les femmes et les hommes ; lutte contre les violences, les discriminations et les stéréotypes ; inclusion des personnes handicapées ; protection de l’environnement et lutte contre le réchauffement climatique ; etc. En miroir de leurs offres, leur organisation interne, leur fonctionnement et leurs politiques de ressources humaines reflètent le même souci d’exemplarité.

c.   Un plan d’affaires exigeant, avec pour objectif une maquette commune de compte de résultat au printemps 2021

La rapporteure salue le fait que les engagements gouvernementaux envers les sociétés publiques audiovisuelles soient tenus, ce qui n’a pas toujours été le cas par le passé. Les seuls écarts par rapport à la trajectoire initiale sont liés aux dotations exceptionnelles du plan de relance destinées à compenser les effets de la crise de la Covid-19.

Ces COM s’inscrivent dans la trajectoire d’économies décidée par le Gouvernement en juillet 2018. Cette trajectoire prévoit une réduction de 190 millions d’euros des dotations pour l’ensemble de l’audiovisuel public à l’horizon 2022. La rapporteure tient à féliciter les dirigeants des entreprises et leurs collaborateurs qui ont montré leur volonté de s’adapter afin de participer à l’effort de réduction des dépenses publiques qui leur a été demandé.

Le retour à un résultat d’exploitation à l’équilibre en 2021 et 2022, tout en maintenant un haut niveau d’investissement dans les programmes et la création, est particulièrement ambitieux. Il interroge également sur le juste équilibre entre la baisse des ressources publiques et la compensation par de potentielles recettes publicitaires complémentaires.

Dans un contexte de crise sanitaire où certains opérateurs privés voient leur modèle économique fragilisé, notamment du fait du manque à gagner lié à la publicité, le recours déplafonné à ces recettes complémentaires par les sociétés de l’audiovisuel public pourrait accentuer la vulnérabilité de la concurrence privée (hors plateformes).

La volonté de construire une maquette commune de compte de résultat, qui permettra de mieux comparer les engagements financiers pris dans le respect des objectifs des COM et de valoriser les synergies, mérite d’être saluée.

2.   Des contrats d’objectifs et de moyens de transition

De par leur très courte durée et du fait de l’incertitude pesant sur les ressources de l’audiovisuel public au-delà de 2022, ces COM font figure de contrats de transition, permettant d’aligner les cinq sociétés sur un même calendrier avant de préparer les prochains COM.

a.   Dans les faits, une durée inférieure à deux ans

Ces COM 2020-2022 ont une durée réelle de deux ans, puisque l’année 2020 est déjà écoulée. Ils permettent néanmoins d’ajuster les montants de la programmation financière pour 2020, l’année ne s’étant pas déroulée comme prévu du fait de la crise sanitaire, et d’aligner les calendriers des cinq sociétés, tout en les synchronisant avec le calendrier politique.

Cette durée très courte permet de respecter la trajectoire budgétaire annoncée en 2018, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les COM précédents, et de rester crédible.

En effet, en l’absence de visibilité sur les ressources de l’audiovisuel public au-delà du 1er janvier 2023, date à laquelle la taxe d’habitation sera supprimée, il est impossible en l’état actuel des choses de prolonger les COM au-delà des deux années à venir, ce que tout un chacun ne peut que regretter au regard des enjeux.

b.   Une ressource pérenne et indépendante jusqu’à quand ?

Jusqu’en 2022, les ressources affectées aux sociétés de l’audiovisuel public sont sûres. En effet, le rendement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) reste dynamique car la baisse du nombre d’équipements est plus que compensée par l’augmentation du nombre de foyers.

Cependant, la suppression de la taxe d’habitation prévue en 2023 remet en question le prélèvement de la CAP. La rapporteure souhaite que soit créée une nouvelle ressource pérenne qui garantisse l’indépendance du service public audiovisuel du pouvoir politique – qui ne soit donc pas une dotation budgétaire mais une recette affectée, afin de donner au service audiovisuel public les moyens de son ambition.

La rapporteure rappelle que dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 novembre 2009, le Conseil constitutionnel a indiqué que la garantie de ses ressources constituait un élément de l’indépendance de l’audiovisuel public, et qu’il revient au législateur d’assurer la garantie de ces ressources, en application de l’article 34 de la Constitution.

c.   Entre projet de loi et COM

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique redéfinissait les missions de service public des entreprises de l’audiovisuel public, au sein d’un nouvel article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, autour de cinq grands objectifs : la cohésion sociale, l’information, la culture, l’action extérieure et l’éducation.

Lors de l’examen de ce texte en commission des affaires culturelles et de l’éducation, les députés ont complété ces missions de service public. Certains des ajouts des parlementaires sont bien repris dans les COM – ainsi, la dimension européenne, le rôle particulier du service public en matière de musique, la contribution à l’innovation technologique, l’offre riche et diversifiée de programmes destinés à la jeunesse à la télévision et sur les services à la demande.

Certains autres apports de la commission ne se retrouvent pas dans les présents projets de COM et pourraient y figurer, ainsi que dans le projet de loi annoncé par le ministère de la culture d’ici l’été prochain :

– la commission avait ajouté le divertissement parmi les missions contribuant à l’objectif de cohésion sociale, en axant son contenu sur l’imagination, la découverte et la connaissance. Dans ce cadre, les sociétés audiovisuelles doivent s’attacher à développer des programmes de divertissement originaux ;

– la commission avait spécifié l’obligation d’indépendance et de pluralisme des programmes d’information dans l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public ; cette obligation de pluralisme ne se retrouve pas dans les COM, si ce n’est à propos du « pluralisme local » ; elle pourrait être ajoutée au sein de l’objectif commun n° 1 ;

– la promotion croisée des programmes à des fins d’information (et non de publicité) entre les sociétés audiovisuelles publiques pourrait contribuer aux synergies mais n’apparaît pas clairement ;

– on peut regretter que le sport, programme fédérateur par excellence, fasse figure de grand absent, tandis qu’il glisse progressivement dans l’escarcelle d’opérateurs privés avec des accès payants.

3.   Des synergies et des indicateurs communs

a.   Rendre les indicateurs communs comparables

La construction d’indicateurs solides et fiables est un prérequis indispensable pour le suivi de l’action de chaque société.

Aussi, la rapporteure a souhaité adopter une démarche rigoureuse pour évaluer le choix des indicateurs retenus, en répondant aux questions suivantes : les indicateurs communs retenus sont-ils systématiquement mis en regard d’objectifs ? Les informations qui y figurent sont-elles pertinentes ? D’autres indicateurs pourraient-ils être envisagés ?

Il est particulièrement important de s’assurer que les objectifs poursuivis au moyen des indicateurs soient SMART, à savoir spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis.

Les critères de la loi organique relative aux lois de finances peuvent aussi être mobilisés : selon ces critères, un indicateur doit être pertinent, utile, solide, vérifiable et auditable ([1]) .

Si un réel progrès a été accompli avec les objectifs communs, la nature et le niveau de détail des indicateurs laissent encore entrevoir des marges de progression pour permettre au Parlement d’exercer pleinement sa mission d’évaluation de l’action des sociétés.

De manière générale, le travail d’harmonisation des indicateurs portant sur les objectifs communs mérite d’être poursuivi, afin de mieux comparer les résultats obtenus par chaque société sur chaque objectif.

b.   Adapter les indicateurs d’audience à l’évolution des pratiques

L’évolution des pratiques de consommation de contenus audiovisuels, marquée par la place croissante du numérique, oblige à renouveler les outils utilisés pour mesurer le succès d’une offre.

Traditionnellement, l’indicateur utilisé pour la télévision en linéaire est l’audience, définie le plus souvent comme la part moyenne d’utilisateurs d’un outil de diffusion ayant regardé un programme donné.

Cet indicateur ne peut être utilisé pour les supports numériques, du fait notamment du caractère individuel de la consommation et de la diffusion.

Prenant acte de cette difficulté, les contrats précisent sous l’objectif 1 que « la vocation universelle des offres proposées par les entreprises du secteur audiovisuel public sera mesurée par le biais d’indicateurs d’audience qui agrègent dans la mesure du possible la performance de toutes les offres développées par les entreprises quel que soit leur support ».

Ils s’appuient pour ce faire sur deux types d’indicateurs pour la mesure des audiences numériques, que sont la couverture et le nombre de lectures.

i.   La couverture, un bon indicateur à ventiler

La couverture est définie comme le nombre d’individus exposés à un programme (c’est-à-dire qui ont écouté ou regardé le programme) au cours d’une période déterminée. Ce nombre peut s’exprimer en nombre d’individus ou en pourcentage d’une population donnée (par exemple, une tranche d’âge).

Elle est utilisée par France Télévisions, Radio France et France Médias Monde sous l’objectif 1 (« Proposer une offre de service public identifiée qui s’adresse à tous les publics et accélérer la transformation numérique »), avec un indicateur d’audience 1.1 mesurant l’exposition à un programme du groupe sur une base hebdomadaire, tous supports confondus :

– pour France Télévisions, en part d’individus exposés parmi la population totale ;

– pour Radio France, en part des individus de plus de quinze ans ;

– pour France Médias Monde, le nombre total d’individus exposés calculé selon une méthodologie propre à la société.

France Télévisions mesure également le nombre d’utilisateurs mensuels de ses offres numériques, hors offre d’information.

Des indicateurs de couverture communs à toutes les sociétés sont utilisés sous l’objectif de développement des synergies, avec la mesure du nombre de visiteurs uniques chaque mois sur Lumni et le nombre d’individus exposés à franceinfo chaque semaine, tous supports confondus.

Enfin, France Télévisions emploie deux autres indicateurs de couverture pour ses propres objectifs :

– sous l’objectif 6 (« Consolider la confiance dans l’information »), en nombre d’individus exposés quotidiennement à l’offre d’information de France 2 et France 3, et en nombre d’individus exposés quotidiennement à franceinfo sur le canal 27 ;

– sous l’objectif 7 (« Une offre éducative et divertissante riche pour les jeunes publics »), en part de la population exposée à un programme de France Télévisions, à la fois chez les 4 - 14 ans et chez les 15 - 24 ans.

L’utilisation de ces indicateurs est bienvenue et gagnerait à être généralisée, à la fois pour mesurer le succès général de l’offre de chaque société et le succès des offres spécifiques (jeunesse, éducatif, musique…).

À l’avenir, les indicateurs de couverture pourraient être plus largement ventilés selon le support de diffusion et la tranche d’âge des utilisateurs, afin d’évaluer précisément l’évolution des usages et adapter les offres en conséquences.

ii.   Le nombre de lectures, un indicateur parfois flou et peu harmonisé

Les COM s’appuient également sur la mesure du nombre de lectures, à savoir le nombre de vidéos vues ou nombre de programmes écoutés.

Parmi les objectifs communs, cet outil est utilisé pour l’objectif 2 (« Développer des synergies et des partenariats au sein de l’audiovisuel public »), avec la mesure du nombre de vidéos vues mensuellement pour Culture Prime.

Il est également utilisé pour Radio France, qui mesure le nombre d’écoutes en direct et sur une durée de plus de 30 secondes d’une offre musicale du groupe pour son objectif 9 (« Radio France, pilier de la musique ») et le nombre d’écoutes de podcasts jeunesse sous son objectif 10 (« Accompagner une nouvelle génération d’auditeurs en offrant aux jeunes des contenus de service public »).

La mesure du nombre de lectures présente une utilité indéniable. Elle permet par exemple de mettre en évidence les bons résultats d’ARTE, dont le nombre de vidéos vues en 2020 est déjà largement supérieur à l’objectif fixé pour 2021 dans le précédent COM (120 millions contre 46 millions dans le COM).

On peut toutefois regretter une harmonisation incomplète, qui limite les possibilités de comparaison entre les sociétés, ainsi que l’absence de ventilation systématique selon les supports de diffusion.

Ainsi, si chaque COM comprend un indicateur relatif au nombre de vidéos visionnées pour étayer l’objectif 1, le périmètre de comptabilisation de ces vues n’est pas le même de société en société :

– ARTE, France Médias Monde et l’INA retiennent un nombre de vues global toutes plateformes confondues ;

– a contrario, France Télévisions ne comptabilise que les vues sur ses environnements propriétaires.

Afin de surmonter cet obstacle, un double indicateur intégrant à la fois les plateformes propriétaires et les supports externes gagnerait à être inclus. C’est l’option retenue par Radio France avec l’indicateur 1.2, qui mesure à la fois le nombre de lectures sur les supports internes et sur les supports externes, avec des objectifs différenciés pour chacun.

Le recueil de données de visionnage plus riches paraît indispensable pour la construction des prochains COM, afin de connaître non seulement la quantité mais la « qualité » du visionnage. En effet, la durée moyenne de visionnage, le nombre de visites au cours d’une même période ou encore l’âge moyen des consommateurs seraient des informations indispensables pour évaluer le succès réel des offres et de leurs contenus.

Sur le fond, des obstacles juridiques et techniques ont été soulevés lors des auditions effectuées par la rapporteure, qui mériteraient d’être étudiés plus avant pour être surmontés.

c.   Améliorer les indicateurs sur la formation et les achats

Des indicateurs de suivi, sans cible à atteindre, sont prévus pour l’objectif de développement des synergies en matière de formation et d’achats, intégré à l’objectif 2.

Tout en prenant acte des obstacles d’ordre juridique liés à la fixation d’objectifs précis en la matière, la rapporteure s’interroge sur leurs éventuelles incidences sur la bonne conduite des projets de mutualisation, qui doivent être prioritaires pour les entreprises.

d.   Valoriser les initiatives et les synergies grâce aux indicateurs de gestion

Alors que l’objectif 4 vise la masse salariale et l’optimisation des synergies, il serait nécessaire de disposer d’indicateurs propres au suivi de ces synergies, telles que définies à l’annexe 2.

Dans les faits, s’il y a une volonté affirmée de construire des synergies, les COM ne précisent toutefois pas les stratégies d’enjeux et de moyens, la façon dont elles seront pilotées, mises en œuvre et suivies. Pour autant, compte tenu des spécificités de chaque société, il conviendrait dès à présent de confirmer pour chacune d’entre elles les structures et personnes en responsabilité, ainsi qu’une feuille de route par projet.

Par ailleurs, l’objectif de soutenabilité économique mériterait d’être également précisé dans les attendus qui ne sont pas véritablement formalisés au travers d’indicateurs, à l’exception de France Médias Monde.

La gestion des ressources humaines figure dans les objectifs communs sous deux prismes, à savoir la maîtrise de la masse salariale et la responsabilité sociale et environnementale.

Cette dernière inclut essentiellement l’index d’égalité femmes-hommes résultant de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et l’action en faveur des personnes handicapées.

Tout en saluant ce dernier indicateur, la rapporteure souhaite qu’une réflexion soit menée pour enrichir les contrats de données relatives à la qualité de vie dans l’entreprise et au climat social.

L’absence de prise en compte des risques psycho-sociaux a été relevée par plusieurs personnes auditionnés. L’intégration de ces risques paraît en effet particulièrement importante dans le contexte actuel d’évolution rapide du secteur due à la transition numérique et à la crise sanitaire, qui se traduit chez certaines sociétés par le basculement de contenus et d’antennes linéaires vers des offres exclusivement numériques. Il en va de même pour les synergies et projets communs, qui imposent des restructurations dont les effets sont significatifs. La Cour des comptes a déjà relevé le caractère stratégique de cette dimension, s’agissant de France Télévisions et Radio France ([2]) .

Outre les risques psycho-sociaux, un certain nombre d’indicateurs objectifs peuvent être envisagés, tels que la proportion de contrats précaires, le taux de rotation du personnel, le taux de promotion interne, voire la diversité qui figure dans l’objectif 5 (mais uniquement à l’antenne).

e.   Des médias exemplaires

Outre l’égalité femme-homme et le pourcentage de femmes expertes, la volonté de faire vivre la responsabilité sociale et environnementale des entreprises est affirmée par toutes les sociétés. Chaque dirigeant a confirmé son ambition de placer la diversité et l’égalité des chances au cœur de son organisation et de veiller à l’impact environnemental de sa gestion.

La rapporteure se réjouit des nouveaux objectifs en matière de présence de femmes expertes sur les antennes. Un objectif de plus de 50 % de femmes expertes est ainsi fixé pour France Télévisions et Radio France, tandis qu’ARTE informe que la chaîne va mettre en place un suivi de la participation des femmes expertes dans l’émission « 28 minutes ».

La construction d’un indicateur relatif à l’empreinte carbone de chaque société doit être saluée, avec des objectifs ambitieux de diminution des émissions de plus de 10 % pour France Télévisions et de 6 % pour Radio France entre 2019 et 2022. La rapporteure recommande que, pour une parfaite transparence, ces évaluations soient faites par un organisme extérieur.

Le travail d’audit global de ses émissions de gaz à effet de serre mené par ARTE pourrait aussi servir d’exemple aux autres sociétés, afin de faire des acteurs de l’audiovisuel public le moteur de la transition écologique du secteur au-delà de leurs seules productions internes.

La Charte de développement durable des établissements publics et entreprises publiques, qui incite les signataires, dont France Télévisions fait partie, à mettre en œuvre les stratégies européenne et nationale de développement durable dans le cadre de l’article 6 de la Charte de l’environnement, inscrite dans la Constitution le 28 février 2005, pourrait être généralisée aux cinq entreprises lors des prochains COM. L’article 6 de la Charte de l’environnement dispose en effet : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

La rapporteure recommande vivement l’adhésion à cette charte partagée par de nombreux établissements publics, qui s’inscrit de surcroît dans la dynamique des Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030, dont la France est signataire.

Parmi les indicateurs liés à l’exemplarité, on peut s’interroger, comme l’a relevé le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lors de son audition, sur l’absence d’objectifs ou d’indicateurs relatifs à la diversité des programmes et au pluralisme sur les antennes. Il s’agit là en effet d’un enjeu essentiel pour que l’audiovisuel public continue à s’adresser à tous les publics. La rapporteure regrette que les enjeux de transparence et de déontologie, indispensables à un contrat de confiance, ne figurent nulle part.

f.   Mieux suivre le rayonnement des productions françaises à l’international

Un temps envisagée selon les informations recueillies par la rapporteure, la construction d’indicateurs relatifs à l’export de programmes et aux audiences des sociétés à l’international n’a finalement pas été retenue ([3]) .

Cette priorité paraît devoir être affirmée plus clairement dans les contrats d’objectifs et de moyens. Les bonnes performances de l’audiovisuel français à l’export lors des années récentes, notamment en animation ([4]), justifient de mieux rendre visible les efforts réalisés et les résultats obtenus en matière de diffusion à l’étranger.

Naturellement, cet objectif devrait être décliné différemment de société en société, pour s’adapter à la spécificité des missions de chacune et en fonction de leur propension à produire des programmes.

4.   Donner des perspectives et un cadre aux coopérations

a.   Attribuer une conduite de projet opérationnelle aux coopérations

L’énumération, en annexe aux contrats, des coopérations prioritaires est un signal encourageant, qui, de façon indéniable, engage les cinq sociétés et l’administration sur ces projets. Il devrait logiquement donner lieu, lors de la conception puis de l’examen par le Parlement du prochain COM, à un bilan sur l’état d’avancement des différents chantiers, que ce soit pour les 4 pactes, les 7 coopérations éditoriales et les 6 autres chantiers.

Néanmoins, l’absence d’ambition mesurable, de stratégie d’enjeux et de moyens clairement définis, ainsi que d’outils de pilotage dédiés suscite des interrogations quant à la bonne réussite de ces projets. Cela vaut tout particulièrement pour le rapprochement des plateformes numériques de France 3 et de France Bleu. La désignation de chefs de projet issus des sociétés apparaît donc comme une priorité.

À cet égard, la rapporteure note les avancées réelles obtenues grâce à l’engagement des équipes volontaires qui participent aux groupes « cyber », « achat », « sécurité » notamment. Cependant, compte tenu des enjeux, il est urgent de préciser les ambitions pour toutes les coopérations prioritaires telles que mentionnées dans les COM, de sorte que dès 2021, les 17 projets spécifiés puissent avancer et être suivis, dans un souci d’efficacité et de transparence.

Le positionnement de ces chantiers stratégiques en annexe aux contrats et non parmi les objectifs communs est une autre source de questionnement. Cela conduit en effet à ne pas associer d’indicateurs à ces chantiers, pourtant affichés dans les contrats comme prioritaires.

b.   Mettre en place les outils nécessaires au suivi financier

Si un effort notable a été réalisé en matière de suivi financier au moyen des objectifs communs, les plans d’affaires demeurent structurés de façon très différente selon l’entreprise.

Au-delà des différences de modèle entre les sociétés, qui rendent sans fondement toute tentative de comparaison complète, la construction d’outils comptables harmonisés paraît indispensable, pour mieux évaluer les différents postes de dépenses et les investissements dans chaque catégorie de programmes.

Plusieurs fois évoquée lors des auditions, l’élaboration d’une maquette commune de compte de résultat est un chantier prioritaire qui, conformément aux COM, sera mise en œuvre dans les prochains mois.


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II.   Des objectifs et des moyens propres à chaque entreprise

1.   France Télévisions

« En 2021, nous continuerons de renforcer notre utilité auprès de tous les publics afin qu’ils se sentent chez eux sur les programmes de France TV ».

Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

 

Acteur incontournable du paysage audiovisuel français, France Télévisions fait l’objet, outre les objectifs communs, de cinq objectifs spécifiques dans le présent COM :

1. la consolidation de la confiance dans l’information ;

2. la diffusion d’une offre éducative et divertissante riche pour la jeunesse,

3. l’engagement en faveur de l’égalité, l’inclusion et la diversité,

4. le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique et au secteur culturel ;

5. la régionalisation au moyen de synergies et le rayonnement accru des Outre-mer.

La satisfaction de ces objectifs, en particulier de croissance de ses audiences, constitue un défi majeur pour le groupe, alors que ses moyens financiers sont en baisse et que la fermeture de France 4 demeure programmée pour août 2021.

a.   Des objectifs stratégiques ambitieux

i.   Consolider la confiance dans l’information

Renforcée depuis 2015 avec le lancement de franceinfo sur le canal 27, l’offre d’information est placée au cœur des priorités de France Télévisions pour les années 2020-2022 avec l’objectif 6 (« Consolider la confiance dans l’information »).

Compte tenu des enjeux autour de l’information qui est la meilleure arme contre les fausses informations, la rapporteure soutient pleinement cette priorité.

Dans l’objectif de restaurer la confiance du public en l’information dans un climat de défiance envers les médias, France Télévisions construit son projet autour de trois axes de développement :

– la lutte contre les fausses informations, notamment grâce à des
rendez-vous dédiés (L’œil du 20 heures, Vrai ou Fake, Faux et Usage de Faux...) ;

 l’exemplarité par le rappel des bonnes pratiques, la réalisation d’une charte de l’image et une transparence accrue sur la fabrique de l’information ;

– le développement des liens de proximité avec les citoyens, à l’instar du label #OnVousRépond, créé pendant le confinement et relayé depuis, permettant aux téléspectateurs de poser des questions par le biais de la plateforme franceinfo.fr, relayées par la suite dans les éditions nationales de France 2.

Mais le COM comprend également des objectifs d’accroissement de l’audience des programmes d’information avec :

– la hausse de la couverture de franceinfo à la télévision (canal 27), avec une cible de 10 % de personnes atteintes supplémentaires en 2022 par rapport à 2019, soit au moins 4 millions de personnes au total ;

– la hausse de la couverture quotidienne de l’information sur France 2 et France 3, avec un objectif de croissance par rapport aux 16,6 millions de personnes atteintes en 2019 ;

– un objectif de croissance, sans cible précise, est également fixé pour la couverture de franceinfo sur tous les supports (télévision – radio – web).

ii.   Atteindre tous les publics par la diversité et l’accessibilité

Les efforts menés par France Télévisions pour refléter la société dans son ensemble se retrouvent dans l’objectif 8 (« Un engagement en faveur de l’égalité, de l’inclusion et de la représentation de la diversité ») qui fixe des objectifs en matière d’égalité hommes-femmes, de diversité des programmes et d’accessibilité.

S’agissant de l’égalité hommes-femmes, et outre l’index d’égalité
femmes-hommes dont la mesure figure dans l’ensemble des COM, France Télévisions s’engage à renforcer la place des femmes :

– à l’antenne, en portant la part des femmes expertes sur les plateaux à 50 % en 2021 contre 40,5 % en 2019, dans la lignée des propositions du rapport de Mme Céline Calvez sur la place des femmes dans les médias en période de crise ;

– parmi les réalisatrices, avec un objectif de 30 % de femmes en 2021 contre 20 % en 2019.

Il s’agit d’un effort notable, qui s’inscrit dans une dynamique positive dont le principe est consacré dans l’Objectif de développement durable n°5 des Nations Unies, qui souligne que l’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable.

La généralisation de ces indicateurs à l’ensemble des fonctions-clé du groupe pourrait s’inscrire dans une prochaine étape et être étendue à des indicateurs visant une plus grande inclusion, représentative de notre société dans sa globalité.

La diversité dans les programmes fait également l’objet d’un indicateur spécifique, établi à partir des résultats du baromètre de la diversité du CSA. L’objectif est notamment d’améliorer la représentation des personnes « perçues comme non-blanches ».

Tout en saluant ces efforts, la rapporteure s’interroge sur la méthodologie employée pour construire cet indicateur, compte tenu du grand nombre de critères pris en compte (« égalité hommes-femmes », « moins de 20 ans », « plus de 65 ans », « CSP- », « inactifs », « vu comme non-blanc », « handicap », « situation précaire », « banlieues », « villages », « Outre-mer » et « quartiers périphériques »).

Elle sera également attentive à la mise en œuvre par France Télévisions de la ligne directrice « pas de diversité, pas de commission » (« no diversity, no commission ») annoncée par Mme Delphine Ernotte-Cunci en novembre 2020 mais ne figurant pas dans le COM.

La loi de 1986 fixe un objectif d’accessibilité des programmes aux personnes handicapées sur les antennes du service public, qui « favorisent, par des dispositifs adaptés, l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu’elles diffusent ». Le COM témoigne du volontarisme de France Télévisions en la matière, avec un objectif ambitieux de quadruplement du volume horaire sous-titré en temps réel sur franceinfo, de 1 heure et 20 minutes en 2019 à 6 heures en 2022.

Cette progression sera rendue possible par un effort technique et financier significatif d’investissement dans une solution de sous-titrage utilisant l’intelligence artificielle, indispensable pour accomplir un travail habituellement très coûteux en moyens humains (8 millions d’euros pour le sous-titrage intégral de la chaîne).

La rapporteure, qui est particulièrement attentive aux enjeux d’accès aux contenus, se réjouit que cet objectif figure dans le COM, et invite France Télévisions à poursuivre dans cette direction.

iii.   La priorité donnée au financement des programmes, au bénéfice de la création

Le COM réaffirme la place centrale de France Télévisions dans l’écosystème français de la création audiovisuelle et cinématographique.

L’objectif spécifique 9 (« Un plan de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique et au secteur culturel ») prévoit ainsi un soutien à la création de deux façons :

– par l’investissement, avec une cible de 500 millions d’euros en 2021 soit 20 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2019, répartis à raison de 440 millions d’euros pour l’audiovisuel et 60 millions pour le cinéma ;

– par la diffusion, avec la sanctuarisation de la case du vendredi soir pour le spectacle vivant : le nombre de représentations diffusées en première partie de soirée doit passer de 11 en 2019 à 52 en 2021 et 2022.

La rapporteure salue l’inscription de ces objectifs dans le COM, qui témoigne du rôle indispensable de soutien au secteur par France Télévisions. Le double engagement d’investissement et de diffusion est particulièrement bienvenu, en ce qu’il apporte à la fois un soutien financier et une visibilité à une filière lourdement touchée par la crise.

Cependant, à l’heure où les acteurs privés mondiaux ont des moyens tout autres, la question de doter France Télévisions et les autres médias publics de moyens pour préserver notre souveraineté et protéger les industries culturelles devra être réinterrogée lors de la formalisation des prochains COM.

Le COM précise par ailleurs qu’« un effort parallèle d’innovation et d’élargissement des gammes créatives, des univers et des écritures sera conduit ». Saluant cet engagement, la rapporteure souhaite qu’il soit tenu afin de respecter le principe de diversité des programmes consacré dans la loi de 1986.

La rapporteure se réjouit également du lancement sur la TNT de la chaîne éphémère « Culturebox », non mentionné dans le COM.

iv.   La régionalisation de France 3 et une plus grande visibilité des
Outre-mer

L’engagement de longue date de France Télévisions pour développer une offre régionale est consacré dans le COM avec l’objectif 10 (« Une régionalisation portée par les synergies et un rayonnement accru des Outre-mer »).

Au cœur de cet engagement, le projet de régionalisation de France 3 est réaffirmé avec un objectif de 6 heures quotidiennes de programme régional sur l’ensemble du territoire en 2022, soit un triplement par rapport à 2018.

Cet objectif s’inscrit dans la continuité des annonces du Gouvernement de juin 2018 de renforcement de l’offre de proximité du service public, et du projet de la présidente de France Télévisions de transformation de France 3 de chaîne nationale à décrochages régionaux en 13 chaînes régionales à décrochages nationaux.

Ce projet s’appuie notamment sur le rapprochement des réseaux de proximité et le développement de nouvelles synergies entre France Télévisions et Radio France. Le déploiement des matinales communes à France 3 et France Bleu sur l’ensemble du territoire en est le fer de lance, avec un objectif de 36 matinales communes en 2022 contre 12 en 2020. Après une phase d’expérimentation, six matinales communes ont été lancées en 2019 pour un volume horaire global de près de 640 heures de diffusion, puis cinq matinales en 2020. L’année 2021 doit être marquée par une nette accélération du projet, avec 13 nouvelles matinales. Plusieurs personnes auditionnées ont alerté la rapporteure sur la nécessité de s’assurer que les programmes régionaux de France 3 soient aisément accessibles chez tous les fournisseurs d’accès – comme la commission des affaires culturelles et de l’éducation l’avait précisé dans le projet de loi sur la communication audiovisuelle.

Le projet doit aboutir à l’horizon 2023, avec la retransmission sur France 3 des 44 matinales de France Bleu, auxquelles s’ajouteront chaque jour les 24 journaux télévisés régionaux.

La rapporteure salue cet effort de renforcement de l’offre de proximité, qui répond à une demande forte de nos concitoyens et s’avère indispensable pour restaurer le lien unissant les Français à leurs médias publics.

En revanche, elle souhaite alerter sur les enjeux humains liés à ces rapprochements. À cet égard, les précédentes recommandations faites sur la mise en place d’une feuille de route par projet, avec des objectifs clairs et partagés, est urgente concernant le rapprochement de France 3 et France Bleu. Il s’agit bien là d’exercer un effet de levier pour réaffirmer le lien avec les territoires, sans précariser les deux antennes concernées.

Le COM réaffirme également l’ambition de France Télévisions pour les Outre-mer, dans la continuité des 25 engagements du Pacte pour la visibilité des Outre-mer conclu en juillet 2019.

Il est ainsi prévu une augmentation significative du nombre de programmes ultramarins en première partie de soirée, avec au moins 12 programmes par an. Pour mémoire, 22 programmes ont été diffusés en 2019.

La rapporteure note avec satisfaction la mention de ces engagements dans les COM, qui mettent fin à plusieurs années de « ghettoïsation » des programmes ultramarins sur France Ô et assureront une meilleure visibilité pour les Outre-mer sur le service public.

b.   Des défis déterminants pour l’avenir

Les objectifs de développement des audiences inscrits dans le COM de France Télévisions sont particulièrement ambitieux, dans un contexte de réduction de ses moyens depuis 2018 et de fermeture de la chaîne France 4 à l’échéance d’août 2021.

La rapporteure souligne ce qui semble être une forme de paradoxe entre l’objectif d’offrir aux enfants des offres ludo-éducatives de référence, adaptées à tous les âges et de proposer des contenus innovants adaptés aux usages des adolescents et des jeunes adultes et la décision de supprimer un canal de diffusion linéaire. D’autant que les COM prévoient, conformément aux axes prioritaires de développement des coopérations éditoriales, de conclure un pacte de l’audiovisuel public pour la jeunesse avant l’été 2021.

Pour pallier cette suppression, et afin de s’adapter à l’évolution des usages dans un contexte de vieillissement rapide de ses audiences, France Télévisions a récemment déployé trois nouvelles offres numériques ; Slash qui s’adresse aux adolescents et jeunes adultes, Lumni qui remplace le site Francetv éducation et Okoo pour les 3-12 ans. Or, la mission flash sur l’offre jeunesse de l’audiovisuel public menée par les députés Mme Béatrice Piron et M. Maxime Minot rappelle que « la télévision en linéaire demeure, de loin, le média préféré des jeunes publics »[5].

En l’état actuel des choses, alors que tous les territoires n’ont pas un accès égal au numérique, que les programmes de flux restent le moyen le plus démocratique pour accéder à notre audiovisuel public et que l’économie attendue de l’arrêt de France 4 devrait s’élever à seulement 10 millions d’euros, il paraît inconcevable de ne pas conserver une chaîne linéaire dédiée à la jeunesse. C’est, d’ailleurs, une recommandation précédemment citée de la mission flash qui souligne que « France Télévisions estime que l’arrêt de la chaîne réduira de 400 000 le nombre d’enfants en contact avec un programme du groupe à l’échelle d’une année ».

i.   Un environnement financier contraint

La trajectoire financière décidée par le Gouvernement en juin 2018 prévoyait une diminution des ressources de la chaîne à hauteur de 160 millions d’euros sur l’ensemble du quinquennat. Exception faite des 45 millions d’euros supplémentaires issus du plan de relance, le COM reprend exactement cette trajectoire et prévoit une dotation de 2 357,3 millions d’euros pour France Télévisions en 2022.

À la demande du Gouvernement et afin de participer à l’effort de redressement des finances publiques, France Télévisions a accompli un travail significatif de réduction de ses dépenses au cours des dernières années, en particulier sur la masse salariale. Avec une réduction de 1 000 ETP entre 2012 et 2022, le groupe a ainsi vu des effectifs diminuer de 20 % en dix ans.

Si ces départs ont permis de réallouer des ressources, le groupe demeure confronté à des facteurs de hausse incompressibles sur certains postes de dépenses tels que les droits de diffusion sur le sport, dont le prix ne cesse d’augmenter, ainsi que le budget de programmes qui ne peut être revu à la baisse du fait des engagements contenus dans les trois pactes mentionnés en annexe du COM (Outre-mer, jeunesse, création culturelle et musicale).

Le plan d’affaires inclus dans le COM prévoit un rétablissement rapide des ressources publicitaires de France Télévisions, dont le montant budgété est de 352,4 millions d’euros en 2021 contre 320,7 millions d’euros en 2020. Si cette prévision demeure inférieure au niveau des ressources publicitaires avant-crise (364,8 millions), elle n’en demeure pas moins optimiste compte tenu des fortes incertitudes qui pèsent actuellement sur le marché publicitaire, alors que nous n’avons pas de visibilité sur la sortie de la crise sanitaire actuelle et son impact pour les annonceurs. De ce fait, la rapporteure invite à la prudence sur les estimations inscrites dans le COM, qui semblent optimistes.

Dès à présent et au même titre que les autres sociétés, le groupe se voit contraint de piloter à vue du fait des incertitudes entourant l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public dès la fin de l’année prochaine.

Enfin, alors que Salto ne figure pas dans le COM au motif que c’est un partenariat privé/public, à l’exception de la ligne inscrite dans le compte de charges eu égard aux investissements, une annexe dédiée aux projets hybrides qui pourraient potentiellement se multiplier à l’avenir, mérite d’être prévue dans le futur, ne serait-ce qu’à titre informatif.

ii.   Une forte ambition de croissance des audiences

Le COM fixe des objectifs de couverture particulièrement ambitieux, aussi bien pour l’ensemble des publics que pour les jeunes.

Pour l’ensemble des publics, France Télévisions devra accroître sa couverture pour atteindre au moins 80 % de la population chaque semaine avec un de ses programmes, contre 74 % en 2019.

S’agissant de la jeunesse, l’objectif de couverture à partir de 2020 est de 60 % au moins pour les 4-14 ans, soit un niveau légèrement en-deçà du niveau de 2019 (61 %), et de 50 % chez les 15-24 ans soit une progression notable par rapport au niveau de 2019 (46 %).

L’objectif chez les 4-14 ans est peu ambitieux, et consiste essentiellement en un objectif de préservation des audiences qui demeure difficile à atteindre du fait de l’arrêt de France 4.

De manière générale, le COM témoigne d’un paradoxe, entre d’une part un objectif de croissance des audiences de France Télévisions, et d’autre part la réduction des moyens et du nombre de chaînes du groupe.

À cet égard, si le gouvernement maintenait sa décision de fermer France 4, et ce malgré les avis convergents des deux assemblées et du CSA à ce sujet, la rapporteure s’interroge sur le succès que rencontrera l’offre numérique pour la jeunesse de France Télévisions, en l’absence de chaîne linéaire capable de la promouvoir.

Dans les conclusions de son rapport d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique[6], Mme Aurore Bergé proposait de sanctuariser les crédits dédiés à l’animation afin de maintenir la qualité de l’offre jeunesse du service public. Dans son projet stratégique pour son deuxième mandat, Mme Delphine Ernotte-Cunci a repris cette proposition en s’engageant à porter l’investissement de France Télévisions dans l’animation à 33 millions d’euros par an en 2022. La rapporteure salue cet engagement.

iii.   Une volonté de renforcement d’une offre de proximité avec France Bleu  France 3

Depuis 2018, Radio France et France Télévisions ont été chargées par le Gouvernement de construire l’offre numérique commune France Bleu  France 3 afin de renforcer leur d’offre de proximité.

Des précédents ont été mis en place avec succès, notamment pour les élections municipales de 2020 à l’occasion desquelles les deux réseaux ont partagé certains de leurs contenus numériques pour une double exposition sur leurs environnements numériques respectifs.

Dans la lignée de ses recommandations relatives à la mise en œuvre des synergies, la rapporteure rappelle la nécessité de faire entrer le projet dans l’organigramme des deux entreprises par la désignation de structures et responsables dédiés, de façon à éviter des conflits d’agenda et de priorités propres aux deux entreprises.

iv.   Améliorer la synergie entre les médias publics sur les marchés européens

L’annonce par Mme Delphine Ernotte-Cunci du lancement de « Phénix », nouvelle plateforme à destination des jeunes européens, suscite des interrogations quant à une éventuelle concurrence des offres de France Télévisions et de France Médias Monde en Europe.

Présenté comme un nouveau support à mi-chemin entre un réseau social et un média traditionnel, Phénix semble viser le même public que l’offre « ENTER » développée par France Médias Monde en partenariat avec la Deutsche Welle.

Un travail de réflexion doit donc être mené pour clarifier le positionnement de chaque société sur les marchés européens, et s’assurer que les efforts des sociétés s’inscrivent bien dans une démarche de synergie.

2.   Radio France

« Les médias locaux sont déterminants pour la démocratie, car ils tissent un lien authentique avec les gens. Ils sont par ailleurs une loupe sur le plan économique, associatif et culturel. Nous voulons également continuer à valoriser et soutenir la création »

Mme Sibyle Veil, présidente de Radio France

 

Premier groupe radiophonique en France, Radio France affiche l’ambition de devenir le leader de l’audio, en linéaire comme sur le numérique, au service de tous les Français.

Outre les objectifs communs, Radio France doit répondre à six objectifs spécifiques :

  1. Proposer une offre audio de service public à la pointe des nouveaux usages de la radio et de l’audio ;
  2. Informer et faire vivre le débat public en proximité avec les Français ;
  3. Faire rayonner la culture auprès du plus large public ;  
  4. Faire de l’entreprise un pilier de la musique ;  
  5. Accompagner une nouvelle génération d’auditeurs en offrants à la jeunesse des contenus de service public ;  
  6. Construire une entreprise modernisée qui sera le pôle d’excellence du son de demain.

Radio France a su adapter ses offres éditoriales tout au long de l’année 2020, malgré la crise sanitaire et les pertes de ressources propres associées. Les antennes du groupe se sont engagés, plus que jamais, à diffuser une information vérifiée et équilibrée, à maintenir une offre de proximité à même de garantir un lien de confiance avec les auditeurs et à renforcer la place de la culture et de la musique dans leurs programmes, autant d’engagements qui figurent clairement dans le COM.

a.   Des projets déterminants pour l’avenir de Radio France

i.   Réaffirmer la place de l’offre numérique

La transition numérique de l’entreprise est une priorité du groupe Radio France depuis plusieurs années. De fait, elle est primordiale pour continuer à capter une audience toujours plus large et à garder une longueur d’avance sur le marché numérique qui s’est développé très rapidement, en particulier durant l’année qui vient de s’écouler. Ainsi, le COM réaffirme l’ambition de croissance de l’offre de podcasts, qui répond aux nouvelles formes de consommation des contenus audio et au double objectif de diversification des supports de diffusion et de valorisation de la plateforme propriétaire.

L’objectif 6 du projet de COM consacre l’ambition de « proposer une offre audio de service public à la pointe des nouveaux usages de la radio et de l’audio ».

Le groupe souhaite développer la diffusion de ses chaînes en radio numérique terrestre – norme DAB+ – afin d’améliorer la qualité de l’écoute linéaire qui devrait rester importante dans les années à venir. Cette ambition est soutenue financièrement par l’État. Ces investissements permettront également d’adapter la consommation linéaire de radio aux nouveaux usages numériques. Chaque année, Radio France s’engage à rendre compte du taux de couverture de la population et des autoroutes en DAB+ en fournissant une cartographie de son déploiement.

Radio France s’engage également à poursuivre le développement des formats spécifiques adaptés aux usages numériques que sont les podcasts. Cet axe stratégique renforcera la place de leader de la société parmi les différents groupes radiophoniques et répond à une demande croissante des auditeurs.

Un tel développement permettra également de proposer des offres ambitieuses à destination de la jeunesse, historiquement éloignée de la radio en linéaire, pour accompagner des nouvelles générations d’auditeurs vers le service public radiophonique. Ce point se retrouve dans l’objectif 10 du COM (« Accompagner une nouvelle génération d’auditeurs en offrant aux jeunes des contenus de service public »).

À ce titre, la société souhaite développer une nouvelle gamme de contenus audio pour les enfants sur le modèle du programme « Une histoire et … Oli » de France Inter, avec l’ambition de proposer un substitut à la consommation excessive d’écrans et de contenus vidéo par les enfants. Un catalogue de programmes audio à destination des lycéens et des étudiants sera également constitué et l’offre éditoriale de Mouv’ sera renforcée. De plus, l’ensemble des champs offerts par le numérique, notamment les réseaux sociaux, seront utilisés pour attirer les jeunes vers les contenus de Radio France.

Un indicateur spécifique à chaque sous-groupe de la jeunesse, soit les enfants, d’une part, et les adolescents et les jeunes adultes, d’autre part, mesurera les audiences réalisées par ces différentes offres.

En outre, le développement de podcasts renforcera l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de soutien à la création. En effet, il est à noter qu’un grand nombre de femmes entrepreneures produisent ce type de contenus.

Leur production et leur diffusion comportent des enjeux en termes de droits d’auteurs, notamment lorsque leur consommation est réalisée sur une plateforme tierce. Or, en 2018, 85 % des podcasts de Radio France étaient consommés sur ce type de plateformes. C’est pourquoi le groupe engagera une stratégie offensive de maîtrise de la diffusion de ses contenus et de valorisation de son environnement propriétaire sur la durée du projet de COM. Cette stratégie s’illustrera principalement par la construction d’une plateforme numérique de référence où seront proposées toutes les offres audio des sociétés de l’audiovisuel public.

Le groupe souhaite dès lors établir une relation équilibrée avec elles de manière à mieux maîtriser la distribution de ses contenus et à conserver la chronologie des médias. Les accords signés au cours de l’année 2020 avec Deezer et Spotify constituent un premier pas dans cette direction.

Les indicateurs de l’objectif 6 serviront à évaluer le développement de cette stratégie numérique. L’indicateur 6.1 mesurera ainsi l’évolution des écoutes de podcasts sur la plateforme numérique propriétaire par rapport aux écoutes totales des podcasts produits par le groupe. Il fixe des objectifs ambitieux en cette matière : alors que seulement 22 % des écoutes des podcasts produits par Radio France avaient lieu sur sa plateforme en 2019, ce taux devra atteindre 45 % en 2022. L’indicateur 6.2 détermine, quant à lui, les échéances du déploiement de la plateforme Radio France.

La rapporteure salue cette stratégie audacieuse et pertinente de développement numérique. Elle sera particulièrement attentive à l’évolution de l’écoute de podcasts sur la plateforme de Radio France ainsi qu’à la protection des éditeurs de contenus.

ii.   Renforcer l’offre d’information de proximité par le rapprochement entre France 3 et les réseaux France Bleu

L’objectif 7 concrétise l’engagement de Radio France à fournir à ses auditeurs une information fiable au plus près du terrain (« Informer et faire vivre le débat public en proximité avec les Français »). Alors que l’information est d’autant plus nécessaire dans le contexte sanitaire actuel, disposer de médias locaux forts, implantés dans les bassins de vie, est en effet crucial pour la démocratie.

Radio France propose aujourd’hui 500 heures de programmes locaux sur ses antennes à travers 44 radios locales des réseaux France Bleu. Ces émissions, exprimant le quotidien des Français, constituent une loupe sur le plan économique, associatif et culturel des territoires.

L’entreprise s’engage à retrouver une dynamique d’audience en FM pour les offres de France Bleu d’ici à 2022, associée à un développement de l’interactivité avec les publics sur ses antennes.

Le déploiement progressif des matinales communes à France Bleu et France 3 sur l’ensemble du territoire doit aboutir à l’horizon 2022. Si la volonté est de renforcer l’engagement de France Bleu sur les territoires grâce à sa collaboration avec sa consœur, les « tests » grandeur nature en cours devront servir de référence au moment du plan de déploiement général.

Les synergies entre les deux entreprises de l’audiovisuel public prendront également la forme de plateformes numériques partagées qui mettront en avant des enjeux locaux. À ce titre, une expérimentation avec France Télévisions sera réalisée au cours de l’année 2021.

L’indicateur 7.1 vise à évaluer la perception de la qualité de l’information de l’ensemble des médias de Radio France, de leur engagement dans la vie locale ainsi que la représentation de la diversité dans les offres des différentes antennes.

La rapporteure salue l’inclusion de deux indicateurs de confiance spécifiques, portant sur la fiabilité des informations sur les antennes de Radio France, et sur l’engagement de France Bleu dans la vie locale, qui reflète fidèlement la priorité affichée avec le COM sur ces deux enjeux.

iii.   Exposer davantage la culture et la musique dans un contexte économique difficile

Le projet de COM réaffirme les missions de l’entreprise en matière d’exposition de la culture et de la musique. Alors que ces secteurs sont durement affectés par la crise sanitaire, Radio France s’engage à les soutenir pleinement, comme elle l’a fait tout au long de l’année 2020, et à assurer son rôle de média prescripteur auprès de ses publics. L’entreprise renforcera aussi ses moyens éditoriaux en faveur de la création.

La décision de la présidente directrice générale de Radio France, Sibyle Veil, annoncée il y a quelques semaines, de renommer la Maison de la radio la « Maison de la radio et de la musique » symbolise le soutien du groupe au secteur culturel.

Ces engagements sont concrétisés par les objectifs 8 (« Faire rayonner la culture auprès du plus large public ») et 9 (« Radio France, pilier de la musique »).

Le soutien du groupe aux acteurs de la culture, tel qu’il figure dans le COM à l’objectif 8, se matérialisera par la construction d’une grande bibliothèque numérique des savoirs et de la connaissance ainsi que par le renouvellement de l’ambition du groupe en matière de création et de fiction radiophoniques.

Si l’indicateur 8.1 relatif au soutien au secteur culturel comporte deux sous‑indicateurs ‑ le nombre de commandes d’œuvres réalisées et le nombre d’heures dédiées à l’offre culturelle sur les antennes du groupe, il pourrait être complété par un indicateur relatif au nombre d’heures quotidiennes dédiées à l’offre culturelle, détaillé en fonction des heures de diffusion.

Le soutien au secteur musical sera mis en œuvre par une diffusion accrue de nouveautés ainsi que par une exposition approfondie de jeunes talents et de titres francophones. Radio France assumera également ses missions de média prescripteur en se fixant pour objectif de rendre la musique symphonique accessible à tous. 

La rapporteure salue l’engagement du groupe à soutenir le secteur musical dans toute sa diversité dans un contexte extrêmement difficile pour lui, respectant pleinement l’ensemble des critères fixés dans le précédent COM et par son cahier des charges.

Cependant, elle s’interroge sur la possibilité de compléter l’indicateur 9.1 par des sous-indicateurs évaluant la part de titres francophones diffusés par France Inter et FIP ainsi que la part de nouvelles productions et de nouveaux talents parmi les titres diffusés par France Bleu.

Bien que le régime qui s’impose aujourd’hui aux chaînes de Radio France soit déjà exigeant, la rapporteure recommande une harmonisation de certains indicateurs avec ceux applicables aux éditeurs privés au titre du régime des quotas de chansons francophones. Ce rapprochement permettrait de réaliser des comparaisons pertinentes des différentes offres ainsi que d’inclure la dimension « d’heures d’écoute significative » dans l’objectif de diffusion de titres francophones.

iv.   Prioriser la diversité

Début janvier 2021, Radio France a présenté son plan « Égalité 360° », afin de favoriser la diversité sur ses antennes et dans ses métiers pour « ressembler davantage » à la société française. Ce plan, qui trouve toute sa place dans le COM, sera conduit par le directeur de Mouv’ et président du comité diversité de Radio France.

L’entreprise s’engage ainsi à intégrer la diversité dans toutes ses dimensions à l’intérieur du groupe. Une attention renforcée sera portée à la parité audible et salariale, à l’inclusion des personnes en situation de handicap et à l’amélioration des offres de Radio France sur l’ensemble des territoires – principalement dans les quartiers populaires et les territoires ruraux.

Le groupe a décidé d’intensifier la lutte contre le harcèlement sexuel, les agissements sexistes et l’ensemble des discriminations. Le dispositif de traitement sera renforcé et un reporting systématique sera mis en œuvre.

Le groupe s’engage également à accompagner l’évolution des compétences vers le numérique de ses collaborateurs en déployant un plan de formation adapté. Un nouveau système d’information de ressources humaines sera mis en place afin d’améliorer le travail des équipes et le pilotage des ressources humaines de l’entreprise. Les engagements en cette matière sont retranscrits par l’indicateur 11.2.

La jeunesse constitue également un axe stratégique de ce plan. Outre le renforcement de l’accessibilité de ses offres – conformément à l’objet 10 du projet de COM, le groupe souhaite amplifier ses politiques de médiation culturelle et favoriser l’attractivité de ses métiers chez les jeunes.

Enfin, en matière d’impact environnemental, outre un engagement à réduire son empreinte carbone, Radio France a décidé de « verdir » ses espaces publicitaires. Cette décision se traduira par la valorisation d’acteurs engagés dans la transition écologique en proposant de diffuser leurs publicités à prix réduit, voire gratuitement.

Ces engagements vont dans le bon sens et comme indiqué précédemment, Radio France pourrait tout à fait s’inscrire dans la même dynamique que les entreprises publiques signataires de la charte de développement durable.

b.   Stabiliser l’équilibre financier d’ici à 2022

i.   Des prévisions optimistes de rétablissement des ressources propres

L’année 2020 a été marquée par une contraction importante du marché publicitaire et par l’impossibilité de proposer des concerts, venant percuter une hausse ininterrompue et importante des ressources propres de Radio France ces dernières années. Les ressources propres ont ainsi baissé de 8 millions d’euros en 2020.

Néanmoins, il semblerait que les ressources publicitaires aient été moins impactées que celles des groupes radiophoniques privés, notamment grâce à une hausse des publicités numériques.

Malgré cela, le projet de COM confirme les efforts budgétaires inscrits dans la trajectoire financière fixée en 2018. Ceux-ci correspondent à une baisse de 20 millions d’euros de la contribution à l’audiovisuel public affectée à Radio France pour la période 2018-2020 et à une baisse de 16 millions d’euros pour la seule période couverte par le présent projet de COM. Cette trajectoire budgétaire apparaît d’autant plus exigeante compte tenu de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques.

La rapporteure souhaite par ailleurs alerter sur les conséquences que pourrait avoir le déplafonnement du chiffre d’affaires des ressources publicitaires. L’absence d’un plafonnement des ressources publicitaires en fonction des supports, contrairement aux précédents COM, pourrait accentuer un déséquilibre concurrentiel vis-à-vis des radios privées, dont les modèles économiques ont été ébranlés par les conséquences économiques de la crise liée à la Covid-19.

ii.   La mise en œuvre d’un accord de rupture conventionnelle collective

Afin de respecter la trajectoire financière citée précédemment et de restaurer l’équilibre du résultat d’exploitation, la société s’engage à une réduction conséquente de ses charges d’exploitation, notamment des charges de personnel.

La période du projet de COM sera ainsi marquée par la mise en œuvre d’une rupture conventionnelle collective ayant bénéficié de l’accord de l’ensemble des syndicats, à l’exception de la CGT.

Elle prévoit le départ volontaire de 340 collaborateurs de Radio France d’ici à 2022, avec une priorité accordée aux départs anticipés en retraite, et acte également le non-remplacement de 75 postes actuellement vacants.

L’accord approuve le remplacement d’un poste sur deux, équivalent à 183 recrutements. Réalisés sous la forme de contrats à durée indéterminée, ils intégreront les salariés employés en contrats à durée déterminée ou en contrats à durée déterminée d’usage. Ils permettront également de renouveler les équipes en vue d’adapter l’offre éditoriale aux nouveaux usages des auditeurs.

La rapporteure rappelle que si la réussite de la rupture conventionnelle collective est vitale pour le respect de la trajectoire financière, sa forme et les recrutements prévus seront tout aussi déterminants pour construire le futur de l’entreprise dans un climat social serein.

3.   France Médias Monde

« La meilleure façon de combattre les fausses informations,
c’est l’information »

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

 

Au cours de l’année 2020, la crise sanitaire et les déferlantes de fausses informations, notamment liées à la radicalisation de certaines communautés, ont constitué des défis considérables pour l’audiovisuel public tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Les médias de France Médias Monde ont alors démontré toute la pertinence de leur offre éditoriale en proposant aux auditeurs et aux téléspectateurs des informations vérifiées et objectives tout en promouvant des valeurs humanistes et démocratiques dans le monde.

Dans ce contexte, le COM 2020-2022 s’inscrit dans le prolongement des actions menées par le groupe depuis plusieurs années et fixe les objectifs suivants à France Médias Monde :

  1. Assurer des missions internationales plus essentielles que jamais, en particulier en matière d’information, et porter les valeurs démocratiques dans le monde ;
  2. Promouvoir la francophonie dans un monde plurilingue ;
  3. Développer l’innovation numérique au service d’une offre éditoriale ambitieuse ;
  4. Assurer la présence mondiale des offres éditoriales de France Médias Monde tout en développant une stratégie régionalisée ;
  5. Optimiser la gestion de l’entreprise.

a.   Lutter contre les fausses informations par l’information et la formation

Alors que les fausses informations prolifèrent et que la concurrence en matière d’information s’intensifie, les médias de France Médias Monde – France 24, Monte Carlo Doualiya (MCD) et RFI – ont une responsabilité accrue en raison de leur statut singulier au sein de l’audiovisuel public et de leurs zones de diffusion, ambition clairement affirmée dans l’objectif 6 de son COM.

Ces médias offrent chaque jour à leurs publics une information équilibrée et indépendante. Ils constituent, à ce titre, des outils pertinents et efficaces dans la lutte contre la désinformation face à des acteurs puissants porteurs de la stratégie d’influence de grands pays, tels que Russia Today. La garantie d’indépendance, y compris en termes de financement, est essentielle pour leur crédibilité internationale.

La rapporteure salue l’engagement sans faille des médias du groupe et de leurs équipes en faveur de la production et de la diffusion d’une information de qualité non-biaisée, comme en témoigne le classement de RFI et de France 24 parmi les sources d’informations fiables francophones par NewsGuard.

La capacité des médias du groupe à produire une information adaptée aux cultures et contextes locaux, grâce à des rédactions situées dans leurs zones géographiques de diffusion et à un vaste réseau de correspondants, assure également un lien de confiance avec leurs téléspectateurs et leurs auditeurs. Si parfois il y a pu y avoir un décrochage de la confiance dans les médias en général, ceux de France Médias Monde ont conservé la confiance de leurs publics.

L’indicateur 6.1 du présent projet de COM propose une mesure de la confiance des téléspectateurs et des auditeurs dans les médias du groupe. Elle est évaluée par la capacité de RFI, de France 24 et de MCD à porter les valeurs d’expertise, d’objectivité et de référence – associées à une information de
qualité – dans leurs zones traditionnelles d’influence. Le projet de COM fixe des objectifs de stabilité à un haut niveau d’opinions favorables.

La rapporteure souligne la pertinence de cet indicateur que seule France Médias Monde utilise, et qui permet de saisir la perception de la qualité des informations diffusées.

Les médias de France Médias Monde proposent également des programmes et projets spécifiques à la lutte contre la désinformation. Ils produisent ainsi des émissions consacrées à la lutte contre les fausses informations, telles que « Les dessous de l’infox » diffusée sur RFI et « Info ou intox » développée par France 24.

France Médias Monde collabore avec la Deutsche Welle sur le projet « ENTER » visant à instituer une plateforme numérique multilingue à destination des jeunes Européens. À ce titre, elle participera à la lutte contre les fausses informations alors que la jeunesse est la cible de nombreuses manipulations politiques, patriotiques ou religieuses.

Grâce au site « InfoMigrants », France Médias Monde, en partenariat avec d’autres sociétés audiovisuelles publiques européennes, lutte contre la désinformation dont les migrants sont victimes. L’offre a convaincu un large public, ayant reçu plus de 76 millions de contacts en 2019, et son financement a été renouvelé pour deux années supplémentaires par l’Union européenne. Jusqu’alors disponible en français, en arabe et en anglais, la Commission européenne a souhaité que l’offre soit également déclinée en bengali, ce qui témoigne de sa pertinence.

La rapporteure salue la mission du site, sa qualité et son succès qui permettent de lutter contre les théories du complot et de partager des clefs de compréhension des sociétés européennes avec les migrants, souvent pris pour proie.

Enfin, France Médias Monde participe également à la mise en œuvre de formations de journalistes et de techniciens en partenariat avec l’Agence française de développement médias (CFI) et l’Agence française de
développement (AFD). Ces actions de formation permettent de renforcer les compétences des médias partenaires dans les zones de diffusion et de les accompagner dans leur lutte contre les fausses informations tout en renforçant les liens avec ces derniers.

b.   Assurer le rayonnement de la France et de ses valeurs dans un contexte de tensions avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient

L’année 2020 a été marquée par une hausse des tensions entre la France et certains pays musulmans, notamment la Turquie, alors que les appels au boycott contre les produits français se sont multipliés. De plus, les critiques contre l’opération Barkhane dans la bande sahélienne se sont intensifiées.

Dans ce contexte, le projet de COM réaffirme, par les objectifs 6 et 9, l’importance de France Médias Monde en tant que groupe de médias d’influence positive. Celui-ci promeut également une vision singulière de l’actualité, conforme aux valeurs et à la culture de la France et assurant ainsi son rayonnement.

La stratégie de déploiement régional et linguistique du groupe est différenciée en fonction des équilibres géopolitiques et a pour priorité la diffusion de contenus dans les zones géographiques les plus en tension où la propagande est forte. Les priorités du groupe se situent principalement en Afrique et dans le monde arabe.

France Médias Monde a décidé, par conséquent, un redéploiement de ses moyens vers l’Afrique. La société s’engage à enrichir l’offre éditoriale de ses médias, notamment en termes de contenus à destination de la jeunesse, et à accroître sa présence sur l’ensemble du continent. 

Grâce à un partenariat avec l’AFD et CFI, le projet « Afri’Kibaaru » vise ainsi à lutter contre la manipulation des médias au Sahel et à renforcer l’accès à une information fiable et indépendante dans la zone. L’offre radiophonique en langues africaines sera consolidée par l’émission de programmes quotidiens en fulfulde et l’augmentation de la production de contenus en mandenkan et en haoussa. Leurs locuteurs sont particulièrement ciblés par les manipulations de l’information. 

Cette offre éditoriale proposera également deux heures d’informations quotidiennes à destination de la jeunesse, incluant une défense active de l’égalité entre les femmes et les hommes. 

Le groupe s’engage également à renforcer son offre pluri-média arabophone au Maghreb et au Moyen-Orient en s’appuyant sur les complémentarités entre les offres de France 24 en arabe et de MCD.

Cet axe stratégique de développement s’inscrit pleinement dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et de la mission du groupe concernant la diffusion des valeurs humanistes, démocratiques et républicaines que la France promeut. La jeunesse apparaît, dans ce cadre, un enjeu central pour l’avenir. À cet égard, la rapporteure salue l’émission quotidienne « Dans la sphère des tabous » qui s’adresse aux jeunes sur des thématiques insuffisamment abordées par d’autres médias, telles que les droits humains ou les droits des femmes.

Le projet de COM comporte l’indicateur 9.1 relatif à la présence internationale des médias de France Médias Monde. Il mesure la pénétration de France 24 au sein des foyers et des hôtels et évalue la diffusion sur les réseaux FM et sur les radios partenaires des offres éditoriales de RFI et de MCD

Si l’entreprise s’est engagée à fournir le détail de la répartition géographique des foyers couverts par France 24, la rapporteure s’interroge quant à l’opportunité de transmettre des informations équivalentes pour les offres radiophoniques.

Le rayonnement de la France est aussi assuré par la diffusion de la langue française à travers le monde. L’objectif 7 du projet de COM prévoit ainsi un engagement de France Médias Monde en matière de promotion de la francophonie.

Le plurilinguisme de l’offre se conjugue pleinement avec la promotion de la langue française. Les médias du groupe racontent ainsi la francophonie dans des langues multiples et sensibilisent à ses cultures et à ses valeurs. De plus, à travers leurs antennes en langue française, RFI et France 24 contribuent à la promotion de la francophonie sur tous les continents.

Enfin, le groupe propose des offres innovantes permettant l’apprentissage du français à partir de plus d’une vingtaine de langues. RFI-Savoirs propose également des programmes d’un niveau de langue française adapté afin de favoriser son apprentissage, tels le « Journal en français facile ».

La rapporteure s’interroge sur la possibilité d’ajouter un indicateur évaluant l’impact des offres destinées spécifiquement à l’apprentissage du français, qui viendrait en complément des mesures d’audience des offres généralistes présentées à l’indicateur 7.1.

c.   Préciser les objectifs en matière de langues de diffusion en poursuivant la transformation numérique des médias du groupe

Outre les offres éditoriales en arabe et en langues africaines, les médias de France Médias Monde proposent des offres dans de nombreuses autres langues.

Ainsi, le groupe attache une attention particulière à la montée en puissance de l’offre hispanophone de France 24, correspondant à une demande forte des populations d’Amérique du Sud. Il s’est engagé à diffuser la chaine durant 17 heures quotidiennement au lieu de 12 heures à la fin de l’année 2019.

France Médias Monde entend par ailleurs renforcer la présence de ses médias en Asie via un élargissement de la diffusion de France 24 et d’un approfondissement de l’offre éditoriale de RFI en langues asiatiques.

Enfin, France Médias Monde s’engage également à porter la conscience européenne par le développement de projets en partenariat avec d’autres médias européens et par le renforcement de son ancrage en Europe centrale et orientale.

En revanche, les médias du groupe, notamment RFI, ne disposent pas, à l’heure actuelle, des moyens financiers suffisants pour développer à nouveau une offre éditoriale en turc, arrêtée en 2009 dans le cadre d’un plan de réduction des dépenses. La rapporteure partage le constat de l’importance d’une telle offre dans le contexte géopolitique et diplomatique actuel, d’une part à l’international, d’autre part éventuellement sur le territoire métropolitain, qui compte de nombreux ressortissants turcophones (de même que, pour la langue arabe, France Médias Monde travaille actuellement au déploiement de MCD en France).

Le projet de COM comporte l’indicateur 7.1 relatif à l’audience linéaire et numérique des offres du groupe en langue française et en langues étrangères. La rapporteure sera particulièrement attentive aux résultats d’audience enregistrés par les offres de France Médias Monde en arabe et en espagnol

La rapporteure s’interroge cependant sur l’ajout d’objectifs de suivi pour évaluer le développement de l’offre multilingue de France Médias Monde dans ces deux langues, compte tenu de leur caractère indispensable dans la stratégie de l’entreprise.

France Médias Monde s’engage à poursuivre sa transformation numérique sur la période couverte par le projet de COM, qui facilite le renforcement de l’offre multilingue des médias du groupe et la mise en adéquation de celle-ci avec les usages des publics.

Elle autorise également la rationalisation des moyens consacrés à chaque rédaction linguistique afin de les redéployer vers de nouvelles offres éditoriales en lien avec les priorités stratégiques du groupe. France Médias Monde s’engage dès lors à basculer intégralement les antennes de RFI en anglais, en persan et en russe en numérique ainsi qu’à continuer le retrait de la distribution payante de France 24 en anglais aux États-Unis au profit d’un passage progressif en numérique. 

L’indicateur 8.1 recense, à cet égard, les objectifs du groupe en matière de déploiement de projets numériques ambitieux, tels que la virtualisation des moyens de productions vidéo d’ici à 2022.

d.   Respecter la trajectoire financière et développer des synergies entre France 24 en arabe et MCD

Si le résultat de l’exercice financier 2020 est positif en raison du report de certains événements, comme les Jeux olympiques de Tokyo, de la baisse durable d’activité (notamment des reportages) et d’une gestion parfaitement maîtrisée, la trajectoire financière, intégrant la baisse des dotations publiques fixée en 2018, peut amener France Médias Monde à faire des arbitrages qui, s’ils devaient se multiplier, nuiraient à son ambition et à sa contribution à la diffusion d’une information juste et multilingue à travers le monde.

Compte tenu des sommes engagées dans les programmes, le respect de la trajectoire financière devient de plus en plus difficile. Cependant, l’entreprise s’est engagée à maintenir les équilibres financiers grâce à un engagement fort d’optimisation des process et des outils de gestion.

Cet engagement se traduira par la poursuite de la mise en conformité de la politique d’achats ainsi que de l’amélioration de la transparence de l’information transmise aux instances dirigeantes en matière de suivi financier et de ressources humaines. L’indicateur 10.1 comporte un échéancier des différentes mesures à mettre en œuvre afin d’atteindre ces objectifs.

De plus, la période de ce COM sera marquée par un effort important de l’entreprise afin de réduire sa masse salariale. Un plan de départs volontaires est ainsi actuellement mis en œuvre et concerne 30 salariés, dont 10 postes de journalistes anglophones et lusophones chez RFI et 20 postes de journalistes arabophones chez MCD.

Le renforcement des synergies et des mutualisations entre MCD et France 24 devraient cependant permettre d’absorber les suppressions de postes et de maintenir la richesse éditoriale de l’offre pluri-média arabophone de France Médias Monde.

 

 

4.   ARTE France

« Mon souhait est de poursuivre l’impression de la marque ARTE auprès de la jeunesse et de renforcer notre place au cœur du projet européen »

Bruno Patino, président d’ARTE France.

 

Ce qui caractérise ARTE, c’est bien sûr sa binationalité, mais aussi, comme le précise son président, le fait que ce soit « une chaîne de récit et de non de flux qui utilise le principe de rémanence rétinienne ».

Ce projet de COM arrive alors qu’ARTE France a toujours un COM en cours, auquel le nouveau COM se substituera dès cette année 2021.

L’élément structurant des politiques d’ARTE est le projet de groupe, négocié de façon bilatérale entre les parties française et allemande et voté en assemblée générale. ARTE France tente d’assurer la cohérence entre ce COM et le projet de groupe. Le prochain projet de groupe est déjà en cours de préparation et sera soumis à l’approbation de l’assemblée générale à l’été 2021.

Le nouveau COM s’inscrit dans une forme de continuité pour : le positionnement éditorial d’ARTE, l’ambition numérique qui est même renforcée, le projet européen. Il comporte aussi les changements suivants :

– la trajectoire financière a été actualisée afin de prendre en compte les objectifs de réduction de la dépense publique ; cela rend le positionnement d’ARTE France difficile par rapport au groupe ARTE car, de son côté, l’Allemagne apporte toujours la même somme ;

– un certain nombre de valeurs-cibles dans les indicateurs ont été actualisées afin de traduire les succès d’audience d’ARTE ou de prendre en compte des nouvelles contraintes pour la réalisation de ces objectifs ;

– l’attention accordée à la responsabilité sociale de l’entreprise et à la coopération entre les sociétés de l’audiovisuel public a été renforcée.

La présentation du COM d’ARTE est différente de celle des quatre autres entreprises du fait de ces engagements bilatéraux. L’introduction commune est présentée en annexe et les objectifs communs à l’ensemble de l’audiovisuel public et ceux spécifiques à ARTE sont fondus dans trois orientations stratégiques :

– poursuivre l’excellence éditoriale et amplifier le déploiement numérique ;

– se déployer en Europe et accroître la nature européenne des programmes ;

– être une entreprise responsable et innovante.

Ces trois orientations stratégiques sont elles-mêmes déclinées en trois objectifs.

a.   Poursuivre l’excellence éditoriale et amplifier le déploiement numérique

ARTE a la volonté de continuer dans l’excellence éditoriale en étant avant tout une chaine du temps long. Elle souhaite être une fenêtre ouverte sur la culture et la création mais aussi sur les débats du moment.

Cet objectif se traduit par une priorité donnée aux programmes dans les budgets.

ARTE a vu son audience atteindre des niveaux historiques ces quatre dernières années. Elle a notamment beaucoup progressé chez les jeunes en France et en Allemagne. L’âge moyen de l’audience de la plateforme en ligne est passé de 52 à 50 ans en deux ans et demi, contre 64 ans sur la chaîne de télévision. ARTE a également gagné 600 000 téléspectateurs sur la chaîne linéaire.

ARTE récolte les fruits d’une stratégie de bouquet éditorial visant à être présente sur tous les usages et de façon diversifiée (chaine linéaire, plateforme ARTE.tv, YouTube…). Sur ARTE.tv, deux tiers des programmes proposés ne sont pas des programmes de rattrapage. Les chaines thématiques YouTube que développe ARTE proposent une offre riche (documentaires, grands récits, œuvres culturelles…) dont la durée de visionnage est comparable à celle du public de la télévision.

Cette réussite est aussi liée à un accord financier entre l’actionnaire et ARTE : les efforts d’économies de la chaîne permettaient d’abonder les moyens consacrés aux programmes et la dotation de l’État était augmentée. Maintenir la priorité à l’investissement dans les programmes malgré la baisse des dotations en provenance de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) sera un vrai défi.

En 2021, l’apport du plan de relance permet de maintenir l’investissement dans les programmes. En 2022, ARTE ne pourra plus puiser dans le fond de roulement et arrivera au bout des économies possibles (après avoir réalisé environ 30 % d’économies ces six dernières années). Le prochain COM devra consacrer un niveau de financement adapté à la stratégie définie pour ARTE.

b.    Se déployer en Europe et accroître la nature européenne des programmes

Le COM prévoit d’accroître le déploiement d’ARTE en Europe et d’accentuer la nature européenne de ses programmes.

Il fixe notamment à la chaîne l’objectif de parler d’Europe et de montrer le projet européen sous un jour créatif.

Actuellement, 20 % des 135 millions de vidéos vues chaque mois le sont hors de France et d’Allemagne. ARTE France souhaite s’appuyer sur cette base pour se déployer dans d’autres pays européens en développant une offre multilingue qui permettrait de toucher 70 % de la population européenne dans sa langue maternelle (à travers l’allemand et le français, l’anglais, l’espagnol, l’italien et le polonais). C’est un projet ambitieux mais accessible en termes de moyens. ARTE a déjà réalisé un travail important pour rendre ses programmes disponibles en Europe, à travers l’acquisition de droits et le sous-titrage.

Le COM fixe également l’objectif de gagner en visibilité et en notoriété en Europe à travers la promotion et le développement de l’offre numérique.

c.   Développer des synergies avec France Médias Monde

Si France Médias Monde a aussi l’ambition de se déployer en Europe, en particulier en Europe de l’Est, son offre propose avant tout de l’information de court terme, tandis qu’ARTE s’inscrit plutôt dans le temps long. Cependant, les deux médias coopèrent au niveau opérationnel en réalisant des reportages en commun sur le terrain ainsi qu’au niveau linguistique sur les contenus en espagnol.

ARTE France souhaite aussi conserver une part très importante de productions et d’œuvres européennes. Le COM fixe comme objectif de participer à davantage de coproductions européennes, à se lancer dans des séries ambitieuses en documentaire et en fiction.

d.   Affirmer son caractère d’entreprise responsable et innovante

Cet objectif correspond au souhait, fortement ancré chez ARTE, d’être une chaîne exemplaire à travers l’ouverture de ses programmes, l’émancipation culturelle, l’accessibilité, la promotion d’un espace public fondé sur la raison et la réflexion, ainsi qu’une entreprise exemplaire à travers les valeurs défendues (écologie, inclusion sociale, parité, …). ARTE souhaite conserver sa liberté de ton et son point de vue sur l’actualité qui dépasse les réflexes nationaux.

L’accessibilité de ses programmes aux personnes malentendantes et malvoyantes est une marque forte d’ARTE et un souci constant, avec une augmentation régulière du nombre de programmes accessibles.

S’agissant de l’écologie, ARTE tâche d’appliquer à elle-même les valeurs qu’elle défend, en cherchant à réduire l’empreinte environnementale de ses activités.

La rapporteure encourage ARTE, ainsi que les autres médias, à signer la charte environnementale spécialement conçue pour les entreprises publiques, mais également à s’approprier la feuille de route des Objectifs de développement durable (ODD) dont nos cousins germains se sont emparés, notamment au Parlement.

5.   L’Institut national de l’audiovisuel

« Nous pouvons jouer un rôle d’accompagnement de la société dans la compréhension de l’histoire »

M. Laurent Vallet, président de l’INA

 

En application de l’article 3 de la loi du 7 août 1974, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) est chargé de la conservation des archives, des recherches de création audiovisuelle et de la formation professionnelle. Cette triple mission est reprise dans le COM.

Outre les objectifs communs, 5 objectifs spécifiques figurent dans le COM de l’INA :

  1. Garantir la sauvegarde pérenne, l’enrichissement et la modernisation de la gestion des collections audiovisuelles et web de l’INA, au service du renforcement de ses offres et services ;
  2. Développer un pôle d’excellence dédié aux métiers de l’audiovisuel et du numérique favorisant l’émergence d’un outil de formation mutualisé au sein de l’audiovisuel public ;
  3. Restaurer dès que possible l’équilibre budgétaire et la capacité d’investissement de l’INA ;
  4. Adapter l’organisation et les modes de travail de l’INA à la transformation de ses missions à l’ère numérique pour mieux affirmer l’ambition renouvelée de sa politique de ressources humaines ;
  5. Poursuivre une politique immobilière et foncière ambitieuse et collaborative au service de la modernisation et de la mise aux normes environnementales des sites d’activité de l’INA.

Au service des autres sociétés de l’audiovisuel public par ses activités d’archivage et de formation, l’INA est aujourd’hui engagé dans une démarche de diversification de ses ressources, fondée principalement sur l’éditorialisation de ses contenus. Fort de son fonds d’archives, l’INA assure une mission d’enrichissement des programmes des médias publics et privés, à laquelle s’ajoutent ses offres commerciales pour le grand public.

Le principal défi pour l’INA d’ici à 2022 est le rétablissement de son équilibre financier, fortement affecté par la crise.

a.   La stabilisation de l’INA vers un nouveau modèle

Le modèle économique de l’INA repose sur 3 piliers qui conditionnent sa pérennité :

– ses activités de formation, destinées entre autres à l’ensemble des 15 000 collaborateurs de l’audiovisuel public ;

– son rôle d’archivage, conformément à sa mission de dépôt légal de l’audiovisuel public ;

– l’exploitation de son fonds historique, qui lui permet de prendre toute sa part aux priorités mentionnées dans la feuille de route.

i.   Une entreprise qui doit se réinventer

L’article 49 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que l’Institut assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et contribue à leur exploitation. En 2019, ces prestations représentaient un chiffre d’affaires de près de 12 millions d’euros, provenant pour l’essentiel des prestations réalisées pour le compte de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

Seconde source de revenus historique de l’INA, l’activité de formation professionnelle est en cours de reconfiguration depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Du fait de leur positionnement sur le haut de gamme, les formations de l’INA ont en effet davantage de difficultés à trouver leur marché dans l’univers de la formation issu de la réforme.

ii.   Garantir la pérennité du modèle économique de l’INA

Les dotations publiques ne couvrent que 75% des ressources totale de l’INA ce qui rend d’autant plus cruciale pour l’entreprise la recherche de ressources propres. Le chiffre d’affaires a été particulièrement impacté en 2020, notamment en raison de la baisse des activités de formation et de vente d’extraits.

Des économies de fonctionnement ont néanmoins été réalisées pour s’adapter à la crise pour un montant de 5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les 2 millions d’euros apportés par le plan de relance en 2021.

L’Institut devait trouver 6 millions d’euros supplémentaires pour compléter son plan de financement d’ici 2022. Cette somme devrait pouvoir être couverte pour moitié par un financement à court terme auprès du Trésor, l’autre moitié étant fournie par une créance détenue sur ARTE France.

Cette situation met en évidence la nécessité pour l’INA de faire évoluer son modèle économique en diversifiant davantage ses sources de revenus commerciaux.

La rapporteure salue à cet égard l’inclusion dans le COM de l’objectif spécifique 8 (« Restaurer dès que possible l’équilibre budgétaire et la capacité d’investissement de l’INA »).

b.   Le renforcement des synergies, enjeu essentiel réaffirmé dans le COM

L’INA doit trouver sa place parmi les nouvelles synergies entre les acteurs de l’audiovisuel public, par la valorisation de ses contenus auprès de ses partenaires, un rôle renforcé en matière éducative et la création d’un nouveau pôle d’excellence en matière de formation.

De manière générale, la rapporteure salue l’association de l’INA au travail d’élaboration des COM, qui offre un cadre de gestion et de réflexion harmonisé pour le développement des synergies.

i.   Poursuivre la transformation de l’INA de la conservation vers l’éditorialisation à l’ère numérique

Le passage à l’ère d’internet et des plateformes, marqué par la massification de la production de contenus audiovisuels, oblige l’INA à reconstruire son modèle économique et sa vocation première. D’acteur de la conservation, l’INA doit aujourd’hui s’affirmer comme média patrimonial à part entière, dans un objectif de valorisation de ses 20 millions d’heures d’archives audiovisuelles.

L’objectif 6 (« Garantir la sauvegarde pérenne, l’enrichissement et la modernisation de la gestion des collections audiovisuelles et web de l’INA, au service du renforcement de ses offres et services ») reflète cette ambition.

L’indicateur 6.1, assis sur le nombre de nouvelles heures de contenus conservés par l’INA rendus disponibles pour des offres numériques de l’INA, est particulièrement utile, de même que l’indicateur relatif aux offres madelen et médiaclip.

La rapporteure s’interroge toutefois sur les perspectives de médiaclip comme source pérenne de revenus pour l’INA. Après une perte brute de – 240 000 euros en 2020, celle-ci devrait encore afficher un résultat négatif en 2022, certes ramené à – 80 000 euros.

Le COM inclut également une dimension de responsabilité sociale et environnementale, avec les objectifs 9 (« Adapter l’organisation et les modes de travail de l’INA à la transformation de ses missions à l’ère numérique pour mieux affirmer l’ambition renouvelée de sa politique de ressources humaines ») et 10 (« Poursuivre une politique immobilière et foncière ambitieuse et collaborative au service de la modernisation et de la mise aux normes environnementales des sites d’activité de l’INA »).

ii.   Créer un nouveau pôle d’excellence dans le domaine de la formation

La création de France Médias, initialement prévue dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique, devait permettre la constitution d’une nouvelle entité dédiée à la formation professionnelle dans le paysage de l’audiovisuel public.

Ce projet fait désormais place à la création d’un nouveau pôle, principalement rattaché à l’INA tout en accueillant les sociétés de l’audiovisuel public intéressées à son capital. L’objectif affiché est ainsi de mettre à profit les compétences internes de l’INA et de chaque société en matière de formation, dans le respect des règles de la commande publique.

La rapporteure salue ce nouveau projet, repris par le COM avec l’objectif 7 (« Développer un pôle d’excellence dédié aux métiers de l’audiovisuel et du numérique favorisant l’émergence d’un outil de formation mutualisé au sein de l’audiovisuel public »).

Un travail de clarification demeure toutefois nécessaire concernant ce projet, du fait des formulations différentes employées sous l’objectif 6 et dans l’annexe relative aux projets prioritaires. Cette dernière fait en effet état d’une réflexion sur « l’opportunité » de créer un tel pôle, à rebours de la formulation plus ambitieuse employée sous l’objectif 6.

La rapporteure salue également le projet « Classe Alpha », visant à offrir une formation aux métiers de l’audiovisuel à des jeunes âgés de 17 à 25 ans, sans condition de diplôme. Une première promotion a été accueillie en octobre 2020. Il est essentiel que l’INA poursuive dans cette direction, en concrétisant son ambition d’accueillir une seconde promotion à l’automne 2021.

iii.   Renforcer et moderniser la capacité d’archivage des collections audiovisuelles et web de l’INA avec un focus sur les processus de numérisation

À l’heure du renforcement des capacités d’archivage internes de chacune des sociétés grâce aux progrès réalisés en matière de stockage des données, il est essentiel de réaffirmer la mission de l’INA d’archivage de l’ensemble des contenus audiovisuels. Il ressort en effet des auditions réalisées par la rapporteure un risque de superposition entre les sociétés, du fait d’un archivage avec indexation parfois réalisé en interne chez les sociétés partenaires de l’INA.

L’archivage est la mission première de l’INA. Aussi, le travail doit être rationalisé entre les sociétés au bénéfice de l’Institut, compte tenu notamment de l’impact environnemental de l’activité d’archivage et de stockage sur les serveurs.


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   Conclusion

Au-delà de l’horizon 2022, plusieurs questions peuvent être posées pour l’avenir de l’audiovisuel public.

La première tient à la capacité de nos médias à protéger notre propriété intellectuelle et notre savoir-faire. Face à la stratégie offensive des nouveaux acteurs internationaux, il est essentiel de préserver notre écosystème de la création. L’adoption de l’ordonnance transposant la directive dite « SMA » est une première étape. Il reviendra à l’État de poursuivre la réflexion stratégique à l’occasion des prochains COM.

C’est ensuite la vision et l’ambition de notre audiovisuel public à échéance 2030 que nous nous devons d’interroger, alors que le monde de la culture est fortement affecté par la crise sanitaire, que l’information est mise en danger du fait de la diffusion massive d’infox, que l’évolution des usages fragilise notre identité et remet en cause nos schémas d’identification, que la diversité et la proximité sont plébiscitées par les citoyens, etc.

Pour ce faire, il appartient au Gouvernement et au Parlement de travailler de concert et sans attendre, afin de clarifier dès 2021 d’une part, la traduction de la volonté qui était portée dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, et d’autre part, de dégager une ressource pérenne et indépendante, qui donne à l’audiovisuel public les moyens de son ambition.

Alors que les cinq COM 2020-2022 engagent le service public dans une direction commune, le pilotage des synergies doit faire l’objet d’instructions claires qui doivent s’incarner dans les COM au travers de stratégies d’enjeux et de moyens précisément définis, et d’outils de pilotage dédiés.

Au sujet des COM plusieurs questions peuvent se poser. Les COM sont-ils les meilleurs outils pour comparer les engagements des sociétés ? Comment les COM peuvent-ils engager l’État ? Les COM permettent-ils au Parlement d’exercer pleinement son action de contrôle ? Quel accès devons-nous donner au COM, pour informer en toute transparence le contribuable ?

De manière générale, le travail d’harmonisation de ces « COM de transition » portant sur des objectifs communs mérite d’être poursuivi, afin de mieux comparer les résultats obtenus par chaque société sur chaque objectif. Néanmoins, il importe dans le futur d’enrichir ces indicateurs, afin qu’ils soient parfaitement comparables, mesurables et renseignés.

Sous réserve que soient pris en compte à l’avenir les points énoncés ci‑dessus et les remarques qui figurent dans ce rapport pour avis, la rapporteure émet un avis favorable pour les cinq contrats d’objectifs et de moyens, pour ce qu’ils sont, à savoir des COM de transition qui incarnent une volonté réelle de collaboration et de dépassement.

 


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   SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE

1. Dans la feuille de route, remplacer « un service qui demeure utile à nos concitoyens et à la société qui évolue » par : « un service public, pilier de notre démocratie, accessible à tous les citoyens et qui s’adapte à l’évolution de notre société ».

2. Créer une nouvelle ressource pérenne qui garantisse l’indépendance du service public audiovisuel du pouvoir politique – qui ne soit donc pas une dotation budgétaire mais une ressource affectée.

3. Prendre en compte le travail des députés lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique en intégrant aux missions des cinq sociétés : le divertissement, le pluralisme des programmes d’information, la promotion croisée à des fins d’information, la diffusion des compétitions sportives.

4. Concernant les indicateurs :

– Généraliser et ventiler selon le support de diffusion et la tranche d’âge des utilisateurs, l’indicateur de couverture ;

– Envisager un double indicateur d’audience intégrant à la fois la plateforme propriétaire et les supports externes à l’instar de Radio France ;

– Ajouter un indicateur de « qualité » du visionnage ;

– Généraliser l’indicateur de soutenabilité économique à l’instar de celui de France Médias Monde ;

– Rétablir un indicateur de transparence et de déontologie ;

– S’assurer, de l’élaboration de la maquette commune de compte de résultat ;

– Enrichir les contrats d’objectifs et de moyens de données relatives à la qualité de vie dans l’entreprise et au climat social ;

– Ajouter un sous-indicateur relatif à la part de titres francophones et la part de nouvelles productions et de nouveaux talents diffusés par Radio France voire une harmonisation de certains indicateurs du COM avec ceux applicables aux éditeurs privés.

5. Prévoir dans les COM l’adhésion des sociétés à la charte de développement durable des établissements publics et entreprises publiques.

6. Globalement, poursuivre le travail d’harmonisation des indicateurs communs afin qu’ils soient parfaitement comparables, mesurables et renseignés.

7. Pour tous les projets de coopération détaillés en annexe des COM, préciser les stratégies d’enjeux et de moyens, la façon dont elles seront pilotées, mises en œuvre et suivies.

8. Affirmer plus clairement l’objectif de rayonnement des programmes français à l’international.

9. Conserver une chaîne linéaire dédiée à la jeunesse, alors que tous les territoires n’ont pas un accès égal au numérique et que les programmes de flux restent le moyen le plus démocratique pour accéder à notre audiovisuel public.

10. Faire entrer le projet d’offre de proximité commune France 3/France Bleu dans les organigrammes de France Télévisions et de Radio France par la désignation de structures et de responsables dédiés.

11. Clarifier le positionnement de chaque société sur les marchés européens et s’assurer que les efforts des sociétés s’inscrivent bien dans une démarche de synergie.

12. Maintenir un plafond des ressources publicitaires de Radio France afin de ne pas accentuer le déséquilibre concurrentiel vis-à-vis des radios privées.

13. Ajouter au COM de France Médias Monde un indicateur évaluant l’impact des offres destinées spécifiquement à l’apprentissage du français.

14. Fixer des objectifs de suivi du développement de l’offre multilingue de France Médias Monde en arabe et en espagnol.

 

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission procède à l’audition conjointe de Mmes Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions, Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, MarieChristine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, et MM. Bruno Patino, président d’Arte-France et Laurent Vallet, présidentdirecteur général de l’Institut national de l’audiovisuel, sur leurs projets de contrats d’objectifs et de moyens 20202022 et se prononce pour avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens, sur le rapport de Mme Florence Provendier.

M. le président Bruno Studer. La réunion de ce matin est une première pour notre commission : nous accueillons les cinq présidentes et présidents des sociétés de l’audiovisuel public, afin de débattre de leurs projets de contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2020-2022. Pour la première fois, ces cinq COM font l’objet d’une élaboration conjointe, comportant des objectifs communs, et sont alignés sur une même période d’exécution. Ces documents nous ont été adressés quelques jours avant Noël par le Gouvernement. L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 donne six semaines aux assemblées parlementaires pour formuler leur avis sur les projets de COM. Nous sommes donc tout juste dans les temps pour nous prononcer. Je remercie Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente‑directrice générale de France Télévisions, Mme Sibyle Veil, présidente‑directrice générale de Radio France, Mme Marie-Christine Saragosse, présidente‑directrice générale de France Médias Monde, M. Bruno Patino, président d’ARTE France, et M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), d’avoir répondu favorablement à notre invitation.

Mesdames, messieurs, nous sommes très heureux de vous accueillir ensemble pour cette réunion, dont le format consacre la volonté de synergie et de collaboration qui traverse ces cinq COM. Elle témoigne aussi de l’intérêt de notre commission pour l’audiovisuel public, et de son attachement à soutenir et à conforter son ambition, ainsi que son indépendance, ce qui suppose notamment l’adoption rapide d’une solution de continuité pour le financement de l’audiovisuel public au-delà de 2022. Mme la ministre de la culture nous a assuré qu’aucune budgétisation de la contribution à l’audiovisuel public n’aurait lieu. Vous pouvez compter sur ma détermination à ce sujet, et sur la capacité des députés à prendre l’initiative si nécessaire.

Je remercie également notre rapporteure, Mme Florence Provendier, qui a mené un travail complexe d’analyse des cinq projets de COM, nourri par un grand nombre d’auditions. Son projet de rapport, destiné à éclairer les avis que notre commission rendra tout à l’heure, a été transmis hier aux membres de la commission.

Mesdames, messieurs, je vous cède la parole pour vos présentations liminaires, que je vous demanderai de bien vouloir limiter à cinq minutes chacune. Ensuite, Mme la rapporteure fera part de ses observations sur les projets de COM et vous interrogera pour obtenir certaines précisions. Enfin, je donnerai la parole aux membres de la commission, en commençant par les représentants des groupes.

Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions. Mesdames et messieurs les membres de la commission, j’aimerais vous faire part de trois observations sur le projet de COM de France Télévisions.

Première observation : il confirme les arbitrages arrêtés à l’été 2018, ce qui est appréciable. La trajectoire budgétaire prévue a été respectée, même si je tiens à dire ici que nos ressources publiques diminuent fortement – notre budget est inférieur de 160 millions d’euros à celui de l’année 2018. Il n’en reste pas moins que les arbitrages n’évoluent pas au gré des lois de finances, ce qui est assez rare pour être signalé. Disposer d’une visibilité sur l’évolution de nos ressources est primordial pour piloter le groupe. Il s’agit donc d’une bonne nouvelle. Comme précédemment, nous cherchons à préserver au maximum notre offre. L’accord conclu avec les organisations syndicales en 2019 nous permet notamment de poursuivre la baisse de la masse salariale de France Télévisions. En dix ans, les effectifs du groupe auront diminué de plus de 20 %, ce qui représente un effort de productivité assez considérable. Maintenir cette trajectoire sera difficile, d’autant plus que nous projetons de maintenir les comptes de France Télévisions à l’équilibre, comme c’est le cas depuis cinq ans.

Par ailleurs, le COM confirme l’accélération des coopérations entre nos sociétés. Je suis convaincue qu’il faut suivre cette voie. Les récents exemples de mise en commun de contenus démontrent que nous sommes plus forts et que nous offrons un meilleur service à nos publics si nous sommes tous rassemblés. La chaîne franceinfo, lancée en 2016 et devenue depuis lors la première plateforme d’actualité en ligne de France, est un bon exemple de l’intérêt que présente la mise en commun de nos forces. De même, la plateforme Lumni est connue de 50 % des parents et des enfants, un an seulement après son lancement. Ces coopérations sont fructueuses. Nous devons les poursuivre.

Deuxième observation : le COM réaffirme les missions de service public de France Télévisions. La crise que nous vivons démontre que la télévision demeure un média puissant. L’année dernière, chaque Français l’a regardée en moyenne quatre heures par jour. Chaque semaine, nous touchons plus de quatre Français sur cinq. Nous avons donc pour responsabilité particulière de continuer à proposer des programmes utiles et accentuant notre différenciation. Pour ce faire, nous suivons trois axes.

Le premier axe est l’exposition de la culture et du spectacle vivant. Nous avons lancé lundi soir à 20 heures 35 Culturebox, une chaîne éphémère diffusée sur le canal 19 de la télévision numérique terrestre (TNT), pour exposer, dans cette période où les salles de spectacle sont fermées, la culture sous toutes ses formes
– musique, théâtre, opéra, danse, arts plastiques. Toute la maison est sur le pont depuis quinze jours et je salue la mobilisation absolument exceptionnelle des équipes, qui a permis de lancer une chaîne en quinze jours, ce qui est assez remarquable. Nous ne disposons pas encore des chiffres d’audience, mais notre offre précédente, France.tv/culturebox, était la deuxième chaîne la plus regardée du groupe le lundi soir, derrière France 2 mais devant France 3 et France 5, ce qui constitue une première indication. Bien entendu, cette chaîne éphémère ne résume pas à elle seule l’engagement de France Télévisions dans la culture. Le COM prévoit de multiplier par cinq l’exposition du spectacle vivant en première partie de soirée, ce que nous ferons dès cette année. Nous franchissons donc un grand pas.

Notre deuxième axe d’action est la régionalisation de France 3. Ce projet global et de longue haleine, qui me tient à cœur, consiste à inverser le modèle de France 3 pour créer treize chaînes régionales dotées de décrochages nationaux. Nous avons d’ores et déjà élargi la tranche régionale du 19/20, qui commence dès 18 heures 30 depuis le 25 janvier. Nous poursuivrons ce mouvement pour exposer davantage le sport, la culture, les documentaires et l’information locaux. Ce projet de développement régional a été présenté aux instances représentatives du personnel, qui en débattent.

Notre troisième axe est de faire de France Télévisions un média exemplaire en matière de représentation de tous. Je promeus avec force l’amélioration de l’exposition des femmes. Sur ce point, nous avons vraiment progressé ; nous visons la parité entre experts et expertes dès cette année – nous étions à 25 % en 2015, nous aurons donc quasiment multiplié par deux la visibilité des femmes. Cet effort doit aussi être visible derrière la caméra ; nous nous sommes fixé des objectifs en matière de séries réalisées par des femmes. Plus généralement, nous allons nous atteler à faire progresser la représentation de toutes les formes de diversité, dans une visée de normalisation de la représentation de tous sur nos antennes.

Troisième et dernière observation : il existe une contradiction, au sein du COM, entre la contraction de nos moyens – la diminution de 160 millions d’euros de notre budget et la réduction de notre bouquet en raison de la fermeture de France Ô et France 4 – et la hausse généralisée de nos objectifs de couverture d’audience. Cette contradiction est particulièrement nette en matière de couverture des jeunes publics : continuer à en couvrir plus de 60 % en fermant France 4 est un challenge dur à relever. Je ne peux m’empêcher de remarquer cette contradiction. Je rappelle que France 4 est la seule chaîne publique à dimension éducative du paysage audiovisuel français, et que la télévision représente 80 % de la consommation vidéo des enfants, loin devant YouTube et Netflix. Nous n’avons pas intérêt à désarmer le service public si nous voulons maintenir une offre sans publicité, sans contenu dangereux ou pornographique, et dotée de visées ludo‑éducatives.

Plus généralement, la question des ressources de l’audiovisuel public pour l’après‑2022 se posera assez vite. Les moyens de nos concurrents que sont les médias globaux sont en hausse permanente, et les nôtres en contraction. Cet état de fait justifie de conclure toutes les alliances possibles, non seulement entre nous, sociétés de l’audiovisuel public français, mais aussi avec nos partenaires européens. Face à des médias globaux déjà ultra-dominants et ultra-puissants, dont les ressources augmentent, nous sommes encore puissants, mais nos ressources diminuent. Nous devons, autant que possible, déployer des moyens dans les domaines de l’information et de la création, afin de contenter nos téléspectateurs.

Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France. Tout d’abord, je rappelle que le présent COM a été négocié en 2020, dans le contexte d’une crise inédite. Tout au long de cette année, le groupe Radio France s’est efforcé de s’adapter aux demandes de la société et à ce que les Français vivaient. Même s’il a été négocié dans un contexte inédit, le COM présente un avantage qu’il importe de rappeler : la continuité des orientations financières et stratégiques. Cette stabilité est primordiale. Chacun ici sait à quel point l’interruption des trajectoires prévues par les précédents COM a eu des effets déstabilisateurs.

La diminution du montant de la contribution à l’audiovisuel public rend la trajectoire du COM particulièrement exigeante, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte de crise. Cela ne nous a pas empêchés, grâce à un dialogue social au long cours, de négocier un accord social prévoyant une rupture conventionnelle collective, grâce auquel nous respecterons la trajectoire d’économies prévue, notamment en matière de maîtrise de la masse salariale. Nous procédons à des redéploiements, ainsi qu’à des transformations de métiers et à des réorganisations. Leur mise en œuvre en période de crise est très exigeante, car le travail à distance est la règle, ce qui rend la transformation de l’entreprise bien plus complexe. Nous ne nous y attachons pas moins avec l’énergie de toutes nos équipes.

J’aimerais évoquer la suppression du plafond des recettes publicitaires, introduit à titre transitoire en 2015 et fixé à 42 millions d’euros. Cinq ans plus tard, il ne permet plus d’ajuster les prix des spots publicitaires à l’envol significatif et ininterrompu des audiences que nous avons connu au cours des dernières années.

Sur le fond, le COM est à l’image des missions de service public qui font partie des priorités stratégiques de Radio France, ce dont je me réjouis. En matière d’information, nous avons constaté depuis un an, plus que jamais, à quel point il importe de disposer d’un service public d’information neutre et animé par une forte exigence déontologique, compte tenu des controverses scientifiques, de l’épidémie de fausses informations et des événements des dernières semaines aux États-Unis. Nous avons mesuré à quel point laisser circuler toutes sortes de fausses informations met en danger la démocratie. Il s’agit du premier enjeu autour duquel les équipes de Radio France sont mobilisées.

Deuxième enjeu : la proximité. Disposer de médias locaux forts – je ne doute pas que la plupart d’entre vous seront d’accord avec moi – est également un enjeu de démocratie, car cela permet d’entretenir un lien authentique avec les gens. Ce besoin de proximité a été mis en lumière lors d’une grande consultation menée au mois de septembre 2020 auprès des Français, aux côtés de nos partenaires que sont France Télévisions, Radio France Internationale (RFI) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), destinée à déterminer ce qu’ils attendent des médias publics. L’une de leurs principales attentes est la représentation de la diversité des territoires, ainsi que de la diversité économique et sociale, qu’ils souhaitent entendre et voir dans nos offres. Je me réjouis que le COM place la proximité au cœur de nos priorités. Nous procéderons notamment au développement d’offres numériques partagées entre France 3 et France Bleu, ainsi qu’au déploiement de la diffusion des matinales de France Bleu sur les antennes de France 3, dans le cadre d’une coopération entre services publics au service d’un objectif important pour nos médias.

S’agissant de la culture, elle irrigue toutes nos stratégies. Notre offre inclut une chaîne 100 % culturelle, France Culture. Nous sommes fortement engagés auprès des acteurs du monde culturel, notamment par le biais de notre exigence éditoriale. Nous diffusons et produisons des contenus culturels, et en sommes l’un des premiers prescripteurs. Nous continuerons à renforcer nos moyens éditoriaux consacrés à la création culturelle. Nous sommes aussi très engagés en faveur de la protection des droits d’auteur. Leur respect est l’une des conditions du maintien de la diversité de la création dans notre pays, dont elle est l’une des richesses. Nous y sommes très attachés et la défendons de notre mieux, notamment en luttant contre le piratage des contenus.

Par ailleurs, le COM met l’accent sur l’accélération de la transition numérique, entamée il y a plusieurs années. Nous vivons dans le monde de la radio une révolution comparable à la libéralisation de la bande FM dans les années 1980. Nous avons réalisé un investissement inédit dans le développement numérique au cours des dernières années. Nous continuerons en 2021 et en 2022, comme le prévoit le COM. Si nous n’avions pas pris de l’avance en la matière, nous n’aurions sans doute pas relevé le défi de la crise comme nous l’avons fait tout au long de l’année 2020. Le COM fixe plusieurs objectifs, notamment l’investissement dans une écoute en direct modernisée, grâce au déploiement de notre plateforme RadioPlayerFrance, constituée d’une application et d’un site internet. Elle verra le jour cette année et rassemblera nos offres. En nous donnant les moyens d’en faire un véritable média, nous réduirons notre dépendance envers les plateformes des GAFAN. En 2018, 85 % de nos podcasts étaient écoutés sur des plateformes tierces, dont plus de la moitié sur Apple. Retrouver la maîtrise de la distribution de nos contenus nous permettra de jouer notre rôle de média de service public. Nous travaillons avec nos partenaires de l’audiovisuel public, que je remercie, afin que certains de leurs contenus soient diffusés sur nos plateformes, ce qui constitue l’une des nombreuses illustrations des coopérations que nous menons. Le COM en rappelle le principe, ce dont je me réjouis.

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde. Monsieur le président, vous avez rappelé que l’élaboration des cinq COM est une première. J’aimerais revenir sur ce point en préambule, avant de détailler les axes stratégiques que suivra France Médias Monde.

En très peu de temps et en pleine pandémie, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), que je salue, est parvenue à élaborer un volet commun aux cinq COM. Une feuille de route commune, des objectifs communs, des projets et des chantiers communs sont ainsi définis pour le secteur audiovisuel public dans son ensemble, ce qui en rend plus visible encore l’essence même, et son importance en cette période de pandémie. Il a démontré, aux échelles nationale et internationale, à quel point il importe – Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil l’ont rappelé – de disposer de médias de confiance, tandis que circulent sur les réseaux sociaux des fausses informations, des théories du complot et des informations susceptibles de mettre en danger la santé de nos concitoyens. Il n’est pas inutile de rappeler que nos sociétés procèdent toutes de l’essence du service public, sans pour autant nier leurs spécificités respectives, qui découlent de leurs missions particulières.

Du point de vue de France Médias Monde, il est particulièrement intéressant que les objectifs communs et les valeurs communes du service public englobent les enjeux internationaux à part entière. Le COM se distingue également, comme l’ont rappelé Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil, par le maintien de la trajectoire budgétaire arrêtée en 2018. Les budgets régulièrement adoptés depuis lors, dans le cadre des lois de finances, sont cohérents avec les objectifs fixés et avec la durée du COM. S’agissant de l’après-2022, je suis heureuse que Mme la ministre de la culture ait exclu toute budgétisation de la contribution à l’audiovisuel public, et que vous vous soyez déclaré prêt à prendre des initiatives visant à la pérenniser après la disparition de son véhicule de collecte qu’est la taxe d’habitation, monsieur le président. Le service public de l’audiovisuel en général et ses salariés en particulier éprouvent un immense soulagement à l’idée de disposer d’une recette affectée, ce qui leur permet de se projeter dans l’avenir et constitue le gage de notre crédibilité, à un moment où la confiance dont nous jouissons n’est pas toujours stabilisée, même si elle a beaucoup augmenté après une année de pandémie. Nous avons vérifié, grâce à des enquêtes qualitatives, que le service public de l’audiovisuel constitue bien souvent une valeur refuge en cas de crise. Il importe qu’une recette affectée garantisse notre indépendance et notre crédibilité, notamment à l’échelle internationale : YouTube, par exemple, distingue les chaînes gouvernementales des chaînes de service public. Mes homologues et moi-même tenons à être référencés en qualité de chaînes de service public.

Quant à nos axes stratégiques, ils mettent en musique la feuille de route arrêtée sur la base de notre trajectoire budgétaire. Outre la réalisation d’économies, ils placent au cœur de nos enjeux notre mission d’information vérifiée, honnête, équilibrée et indépendante, en français et en dix-huit langues étrangères. Nous faisons la promotion des valeurs démocratiques et humanistes. Nous faisons aussi œuvre de pédagogie s’agissant de valeurs mal comprises, telles que la laïcité, dans toutes nos langues.

Par ailleurs, nous sommes un outil de la francophonie, dont la promotion constitue notre deuxième axe stratégique. Toutefois, un grand média international se doit de diffuser ses contenus en plusieurs langues. Outre la défense de la francophonie et la promotion de l’apprentissage du français, nous renforçons nos émissions en langue étrangère dans trois directions. En matière de langues africaines, nous développons le projet « Afri’kibaaru », basé à Dakar, grâce à notre filiale CFI-TV et, pour la première fois, à un financement de l’Agence française de développement (AFD). Dans ce cadre, nous diffuserons nos émissions en peul, en mandenkan et en haoussa. Par ailleurs, nous poursuivons la montée en puissance de France 24 en espagnol. Le passage à douze heures d’émission quotidiennes, en 2020, a permis d’augmenter notre distribution de 55 % et nos audiences de 50 %, et de multiplier par trois notre impact numérique, sans compter celui de RFI. Pour la première fois, nous mesurons l’audience des radios partenaires de RFI. Nous sommes sur le point d’arrêter les résultats ; les premiers chiffres sont très prometteurs. Enfin, nous développons nos contenus en langue arabe, qui a toujours été fondamentale pour nous. Certes, un plan de départs volontaires est en cours à Monte Carlo Doualiya, car notre trajectoire budgétaire est contraignante, mais nous n’y voyons aucune contradiction avec le renforcement de nos émissions en arabe, notamment grâce aux synergies que nous envisageons entre France 24, très connue au Maghreb, et MonteCarlo Doualiya, très connue au Proche-Orient et au MoyenOrient.

Notre troisième axe stratégique est la transformation numérique. En 2020, nous avons atteint le chiffre de 2,4 milliards de vidéos vues, contre 1,5 milliard l’année précédente. Nous sommes donc en pleine expansion, grâce à notre stratégie du coucou consistant à nous installer aux carrefours d’audience et à y développer de nouveaux formats. Par ailleurs, nous travaillons beaucoup sur l’intelligence artificielle et sur les data.

Notre quatrième axe stratégique est le développement de notre présence mondiale. Le COM réaffirme à juste titre qu’aucun continent n’est interdit à France Médias Monde. J’ai décrit tout à l’heure notre stratégie pour l’Afrique et le monde arabe. En Europe, nous lancerons à la fin du mois de mars un grand projet plurilingue destiné aux jeunes Européens en partenariat avec la Deutsche Welle, « ENTR ». En France, Monte Carlo Doualiya sera diffusée en DAB+ en Île-de-France et à Marseille à compter du 9 février prochain. En Asie, nous obtenons des résultats stupéfiants. France 24 réalise ses meilleures audiences en Inde, en anglais. Cette langue occupe une place croissante au sein de ses programmes, aux côtés de l’arabe et de l’espagnol, ainsi que du français, qui obtient les meilleures audiences.

Nous poursuivrons notre coopération avec les autres sociétés de l’audiovisuel public, ce dont nous nous réjouissons, notamment en matière de mutualisation des moyens et d’achats communs d’informations. Au cours de la période couverte par le COM, nous pâtirons comme eux de la diminution de la contribution à l’audiovisuel public, à hauteur de 3,5 millions d’euros. Tout compris, nous devrons procéder à un plan d’économies de 16 millions d’euros, ce qui nous contraindra à réduire notre distribution. Nous avons dû le faire aux États-Unis, et nous le regrettons, car nous avons abandonné 4 millions de téléspectateurs qui nous notaient à l’égal de BBC World. Nous avons renégocié notre contrat et procédons à un plan de départs volontaires. Par ailleurs, nous maintenons nos efforts en matière de ressources propres et de financements relevés.

Enfin, le COM rappelle l’exemplarité du secteur public, notamment en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, dont Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil ont rappelé qu’elle est fondamentale, sur nos antennes comme en interne. Nous sommes heureux d’avoir obtenu quatre-vingt-dix-neuf points sur cent à l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Je conclurai en me réjouissant de l’élan donné à nos sociétés, non sans rappeler que Deutsche Welle, notre concurrent et ami allemand, et BBC World, notre concurrent et ami britannique, disposent de budgets supérieurs de 100 millions d’euros à celui de France Médias Monde. La bataille pour faire entendre la voix de la France dans le monde est rude.

M. Bruno Patino, président d’ARTE France. Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil. Le COM m’inspire trois observations.

La première est qu’il est fidèle à la double nature d’ARTE. Notre chaîne est membre du secteur de l’audiovisuel public, comme l’indique ma participation à cette réunion, ainsi que le travail que nous menons en commun avec les autres sociétés de ce secteur, notamment avec Radio France, dans le domaine de la musique, et avec France 24, dans le domaine des reportages internationaux. Nous sommes aussi une chaîne binationale, dont la gouvernance est décidée dans le cadre du projet de groupe du groupement européen d’intérêt économique (GEIE), qui est en cours d’élaboration. Je remercie la DGMIC, qui a tenu compte de cette double logique en prenant en considération notre appartenance à l’audiovisuel public français, en identifiant les coopérations possibles et souhaitables, ainsi que les passerelles qu’il serait souhaitable d’emprunter, sans perdre de vue la spécificité binationale d’ARTE ni le fait que le GEIE résulte d’un consensus naturel entre actionnaires français et allemands sur la nature d’ARTE.

La deuxième observation porte sur la trajectoire budgétaire. Je ne peux qu’être d’accord avec Delphine Ernotte Cunci, Sibyle Veil et Marie-Christine Saragosse au sujet de la lisibilité des ressources financières. Toutefois, cette trajectoire financière est assez nettement en décalage avec les prévisions initiales du COM d’ARTE pour la période 2017-2021, au cours de laquelle notre dotation aura été inférieure de 56 millions d’euros aux prévisions. Par ailleurs, ARTE a fait preuve d’une véritable rigueur de gestion, ce qui nous a permis d’abonder les programmes sans discontinuer. De 2011 à 2019, nos frais généraux ont diminué de 25 %, et nos investissements dans les programmes ont augmenté de 33 %. S’agissant de l’après-2022, je me réjouis que la budgétisation de la contribution à l’audiovisuel public soit exclue, ainsi que de votre engagement à y veiller, monsieur le président.

Le COM et ses axes stratégiques sont totalement fidèles à la nature d’ARTE, qui est une chaîne culturelle rendant accessible la complexité du monde et la beauté de la création européenne. C’est une chaîne de création qui parie sur la production plus que sur l’achat et qui souhaite être exemplaire sur le plan de la responsabilité sociale.

S’agissant des exigences en matière de production, je rappelle que 85 % des œuvres proposées proviennent d’Europe et que 71 % du budget d’ARTE-France, hors dotation au GEIE, sont consacrés aux programmes. Nous allons continuer cet investissement assez fort pour élargir de plus en plus notre couverture.

Depuis 2017, nos audiences ont augmenté de 32 % en ce qui concerne la télévision et de 270 % pour le numérique. Ce sont des chiffres plutôt exceptionnels qui traduisent, me semble-t-il, la bonne adéquation entre l’offre d’ARTE et les exigences du temps présent, tant en Europe que dans la culture. Je pense en particulier à la nécessité d’un rapprochement entre les différents pays par la culture, les documentaires et les récits. Nous parions, à cet effet, sur notre chaîne, sur notre plateforme arte.tv et sur ce que nous pouvons faire sur les réseaux sociaux.

J’en termine, puisque j’arrive au bout de mon temps de parole, par la place accrue de l’Europe dans notre stratégie de développement et par notre souhait, comme le prévoit le COM, de passer d’une logique de disponibilité de nos programmes à une logique de conquête territoriale.

M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). L’INA est le fruit d’une histoire un peu particulière.

L’éclatement de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) a fait de l’INA un être pluriel, hybride, à la fois centre d’archives, centre de formation, centre de recherche et d’innovation et centre de production. La diversité des missions de l’INA a souvent été mise en avant et louée mais elle a pu contribuer, aussi, à brouiller son identité auprès de ses publics.

La révolution numérique est ensuite arrivée. Elle a donné à l’INA, dans un premier temps, la capacité de rendre ses archives plus facilement utilisables et diffusables, dans le cadre de ce qu’on a appelé le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN), qui a été mené au prix d’un effort très important en matière de contributions publiques – un investissement de près de 200 millions d’euros a été réalisé depuis le milieu des années 1990. La deuxième révolution numérique, celle des usages, a ensuite permis à l’INA de commencer à s’adresser directement à tous ses publics – le grand public, les chercheurs et les professionnels –, à travers des sites qui ont été créés au fil du temps – ina.fr, inamediapro.com, inaglobal.fr, ina‑expert.com ou inatheque.fr, pour les chercheurs. Cela lui a permis de communiquer et d’interagir avec les publics, c’est-à-dire de devenir un média patrimonial qui diffuse des contenus – de l’information, de la création, des documents écrits et audiovisuels –, et qui transmet des savoirs et des savoir-faire, en s’inscrivant dans une démarche de responsabilité sociale. Je pense, par exemple, à la « Classe Alpha » qui a été créée récemment pour des jeunes sans prérequis de diplôme.

Cette stratégie de transformation en média patrimonial, qui est menée depuis 2015, a conduit à donner une cohérence aux missions de l’INA, dont la superposition et la variété étaient parfois à l’origine d’un trouble de l’identité. En assumant son rôle de média patrimonial, dont l’audience a été multipliée par plus de 12 – le nombre de vidéos vues est passé de 80 millions à un milliard depuis 2014 –, l’INA a vu toutes ses missions se rapprocher et se renforcer au quotidien.

Qu’il s’agisse des objectifs communs aux cinq entreprises de l’audiovisuel public, dont je salue, à mon tour, le caractère novateur, ou des cinq objectifs propres à l’INA, notre cinquième COM confirme la stratégie que je viens de présenter. Il embrasse l’ensemble des missions de l’INA et conforte leur alignement par le biais de notre stratégie d’éditorialisation et d’adaptation aux usages.

Dans le cadre des objectifs communs, le COM réserve à la formation professionnelle, qui est une des activités historiques de l’INA, un traitement distinct de celui des autres champs de coopération et de synergies : un indicateur dédié permettra de mesurer les progrès accomplis en matière de mutualisation interne, au sein de l’audiovisuel public, pour les prestations de formation professionnelle. Par ailleurs, le volet spécifique à l’INA comporte des pistes très claires pour favoriser la mise en place d’un outil mutualisé.

Le cadre financier, cela a déjà été rappelé, est extrêmement contraint. À moyen terme et sur le plan macroéconomique, il existe encore une incertitude sur le maintien d’une ressource affectée au secteur, ce qui est évidemment essentiel. À plus court terme, s’agissant des deux dernières années de la trajectoire budgétaire 2018-2022, il existe une contrainte forte. L’INA a fait sa part, proportionnellement ou un peu plus, peu importe, de l’effort demandé dans le cadre de la trajectoire définie en 2018. L’INA, qui est la seule des cinq entreprises concernées à devoir aller chercher 30 % de ses ressources sur des marchés concurrentiels – de vente de formations et d’images –, a été plus durement touché par les effets économiques de la crise. Malgré tous les efforts réalisés pour poursuivre la maîtrise des charges, pour accompagner les départs en retraite et pour réviser notre accord d’entreprise, ce qui a été fait tout récemment, nous nous trouvons encore dans une situation financière périlleuse. Le dernier point qui reste à stabiliser dans le COM est le bouclage plein et entier de notre plan de financement à l’horizon 2022. Des arbitrages devraient être rendus dans les jours qui viennent.

Le COM nous donne confiance, en tout cas, dans la possibilité de consolider notre nouvelle identité de média patrimonial de service public dans le cadre de coopérations renforcées, notamment en matière de formation professionnelle, y compris initiale.

Mme Florence Provendier, rapporteure. Le service public de l’audiovisuel joue un rôle structurant dans le paysage médiatique en raison de son ambition sociétale, citoyenne et culturelle.

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que des COM sont conclus entre l’État et chacune des entreprises audiovisuelles publiques que sont France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE France et l’INA. Les COM déterminent plusieurs éléments pour chaque société, notamment les priorités suivies, les engagements et les évolutions économiques.

Il a été décidé, d’une façon inédite, que les projets de COM concernant les différentes entreprises de ce secteur seraient présentés en même temps pour la période 2020-2022 et qu’ils comporteraient des objectifs communs. Notre commission est donc saisie aujourd’hui de cinq projets de COM.

Il nous appartient de les examiner à l’aune de la crise sanitaire actuelle et de l’environnement de plus en plus compétitif dans lequel évoluent nos médias publics. Le développement des plateformes privées de vidéo à la demande et des réseaux sociaux modifie profondément le paysage concurrentiel. Netflix a gagné un grand nombre d’abonnés à la faveur des confinements, et la bataille se porte également sur le terrain des droits sportifs. Dans ce nouvel univers, le service public de l’audiovisuel doit se réinventer pour préserver sa place dans le quotidien des Français. Au-delà des sociétés concernées, il y va de l’avenir de la création audiovisuelle et cinématographique dans notre pays, face à la stratégie d’investissement offensive des GAFAN.

Notre pays a besoin, dans ce contexte, d’un audiovisuel public d’autant plus fort. C’était l’objectif de la création de France Médias, qui aurait rassemblé France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique que nous avons examiné en commission en mars dernier. Si l’idée initiale a été abandonnée, à ce jour, la nécessité de renforcer notre audiovisuel public grâce à des coopérations et à des synergies demeure.

Pour répondre à ce besoin, des contrats assortis d’une feuille de route, de cinq objectifs communs, d’indicateurs spécifiques et de plans d’affaires, ont été préparés de septembre à décembre 2020, grâce à l’implication des dirigeants des entreprises et de leurs collaborateurs. Cet exercice inédit a le mérite de synchroniser les ambitions et les engagements des cinq entreprises et de donner à l’État un outil de pilotage, qui tend à assurer une harmonisation et permettra d’évaluer le respect des contrats sur des temporalités comparables.

Des progrès par rapport aux précédents COM méritent d’être soulignés, notamment la réalisation d’un effort de concision, qui améliore la lisibilité des objectifs stratégiques fixés par l’État, la valorisation d’enjeux de gestion partagés, qui s’accompagne d’un effort de rapprochement notable des outils de mesure, l’affichage clair, dans la feuille de route, des missions prioritaires de chacun et le respect, jusqu’en 2022, de la trajectoire financière établie par le Gouvernement en 2018.

Les contrats ont été établis pour une durée courte, de trois ans, dont plus d’une année s’est déjà écoulée. On peut comprendre les raisons ayant amené le Gouvernement et les dirigeants des sociétés à opter pour cette temporalité, au premier rang desquelles l’abandon du projet de loi relatif à l’audiovisuel et l’absence de visibilité sur les financements après 2022. Ce choix conduit, néanmoins, à s’interroger sur la vision de l’État à long terme pour nos grands médias publics.

Permettez-moi de formuler quelques remarques au sujet de l’ensemble des COM et de leurs objectifs communs avant de revenir, dans le détail, sur chaque société.

Les objectifs des COM sont encadrés par une feuille de route identique, qui concerne l’ensemble de l’audiovisuel public. Celui-ci est qualifié de « service qui demeure utile à nos concitoyens et à la société qui évolue ». Je préférerais, pour ma part, que l’on parle de « service public, pilier de notre démocratie, accessible à tous les citoyens et qui s’adapte à l’évolution de notre société ».

La feuille de route réaffirme les priorités communes de l’audiovisuel public – la culture et la création, la jeunesse et l’éducation, l’information, la proximité, l’Europe et les actions extérieures –, puis elle fixe des objectifs communs à toutes les entreprises et des objectifs propres à chacune d’entre elles, l’ensemble étant assorti d’indicateurs de mesure.

Les cinq objectifs communs sont les suivants : proposer une offre de service public identifiée qui s’adresse à tous les publics et accélérer la transformation numérique ; développer les synergies et partenariats entre entreprises de l’audiovisuel public ; consacrer prioritairement les moyens disponibles à l’offre au public ; assurer la maîtrise de la masse salariale et optimiser la gestion pour garantir la soutenabilité économique ; être une entreprise de média exemplaire.

Les COM sont complétés par des plans d’affaires exigeants, qui s’inscrivent dans le cadre des 190 millions d’euros d’économies décidées par le Gouvernement en 2018 – c’est un effort très important. Je prends note, comme les dirigeants des sociétés que nous entendons ce matin, du respect des engagements financiers de l’État.

Les COM fixent des objectifs ambitieux en ce qui concerne la croissance des audiences et le rétablissement de l’équilibre financier des sociétés, tout en maintenant à un haut niveau l’investissement dans la création. Ces objectifs sont vertueux, mais il conviendra d’être vigilant à l’égard des recettes publicitaires. Les prévisions de croissance en la matière semblent optimistes, ce qui conduit à s’interroger sur le financement des médias publics et privés.

En raison de leur courte durée et de l’incertitude pesant sur les ressources publiques de l’audiovisuel au-delà de 2022, ces COM font figure de contrats de transition. Dans les faits, leur durée sera inférieure à deux ans, puisque l’année 2020 est déjà écoulée. Pour mémoire, la loi de 1986 prévoit que les COM ont une durée d’au moins trois ans.

La question de l’avenir et du montant des ressources publiques affectées à l’audiovisuel public au-delà de 2022 se pose, la taxe d’habitation devant être supprimée au 1er janvier 2023. Nous avons bien noté l’engagement pris par Mme la ministre de la culture lors de son audition : comme l’a affirmé le Président de la République, une nouvelle ressource pérenne et indépendante doit donner au service public de l’audiovisuel les moyens de réaliser ses ambitions.

Le projet de loi que nous avons examiné réécrivait les missions de service public des entreprises. Je note, à regret, que certains apports de notre commission ne figurent pas dans les COM, notamment en ce qui concerne l’incitation à faire une promotion croisée des programmes, l’obligation d’indépendance et de pluralisme en matière d’information ou encore le sport.

J’ai étudié les COM à la lumière des critères dits SMART, selon lesquels les indicateurs retenus doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis. Un travail important a été fait, indéniablement. Néanmoins, je relève des marges de progrès, principalement quant à l’harmonisation des indicateurs relatifs aux objectifs communs. Cela vaut en particulier pour l’audience numérique : les périmètres de mesure ne sont pas toujours comparables. Il serait utile, en vue de la préparation des prochains COM, de mener un travail plus poussé de mise en commun des indicateurs et de prévoir une déclinaison systématique selon les supports de visionnage afin de permettre une évaluation de la stratégie de chaque société.

Je m’interroge également sur les indicateurs humains. Je note en particulier qu’il n’y en a pas au sujet de la qualité de vie dans les entreprises et de la prise en compte des risques psychosociaux.

Par ailleurs, il me semble important de « challenger » les COM au regard des objectifs de développement durable prévus dans le cadre de l’Agenda 2030 des Nations unies. Je recommande vivement l’adhésion de toutes les sociétés à la charte de développement durable des établissements et entreprises publics – France Télévisions l’a déjà fait.

Je regrette aussi que les enjeux de transparence et de déontologie ne soient pas évoqués, alors qu’ils étaient pris en compte dans les COM précédents – c’est indispensable pour qu’il y ait un contrat de confiance.

Les COM mettent en avant des projets de synergies et de coopérations entre les sociétés. Je ferai deux remarques à ce propos.

Je m’interroge, tout d’abord, sur le positionnement des projets prioritaires : ils figurent dans une annexe au lieu d’être inscrits au sein des objectifs communs. Il est indispensable de donner des perspectives et un cadre à ces projets en les faisant figurer dans les objectifs. Il faut, surtout, qu’il y ait une véritable conduite de projet, grâce à des responsables dédiés qui pourraient être issus des sociétés.

Je m’interroge ensuite sur le suivi financier. Les plans d’affaires demeurent structurés très différemment selon les entreprises. L’élaboration d’une maquette commune pour les comptes de résultat est un chantier prioritaire qui doit être mené à bien, conformément aux COM, dans les prochains mois – « d’ici au printemps 2021 ».

Permettez-moi de consacrer maintenant quelques mots à chacune des sociétés.

Le COM de France Télévisions comporte des objectifs particulièrement ambitieux. Notons, en particulier, le développement de l’offre d’information et la croissance des audiences de franceinfo sur tous les supports. Un objectif ambitieux est également fixé en matière de soutien à la création, par une double action concernant les investissements et la diffusion. C’est une excellente initiative, qu’illustre également le lancement de Culturebox.

Afin d’aller plus loin, je crois qu’il faudrait s’interroger sur les moyens dont nous disposons pour protéger notre souveraineté culturelle contre les stratégies offensives des GAFAN.

Le COM reprend le projet de renforcement de l’offre régionale, en lien avec l’objectif d’engagement des chaînes de France Télévisions dans la vie locale. Il s’agit d’une bonne initiative, qui répond à une demande forte de nos concitoyens et me semble indispensable pour restaurer le lien entre les Français et leurs médias publics. Localement, toutefois, cette évolution peut susciter des interrogations et des réactions.

Je souhaite également revenir sur l’existence d’une contradiction, qui a été relevée par beaucoup de membres de la commission et que Mme la présidente Ernotte a également soulignée, entre l’objectif consistant à proposer aux enfants des offres ludo-éducatives de référence et la suppression d’un canal de diffusion en linéaire du fait de l’arrêt de France 4.

En l’état actuel des choses, tous les territoires n’ont pas un accès égal au numérique et les programmes de flux restent le moyen le plus démocratique d’accéder à notre audiovisuel public. L’économie attendue de l’arrêt de France 4 s’élève, par ailleurs, à 10 millions d’euros. Il me paraît inconcevable, dans ces conditions, de ne pas conserver une chaîne linéaire consacrée à la jeunesse. Nos collègues Béatrice Piron et Maxime Minot ont formulé une recommandation allant en ce sens à l’issue de leur mission flash sur l’offre jeunesse de l’audiovisuel public.

Pour ce qui est des ressources, France Télévisions fait face à des incertitudes du fait de la crise sanitaire. J’invite donc à la prudence au sujet des estimations financières qui figurent dans le COM, en particulier pour le développement des ressources publicitaires, qui me semblent optimistes.

S’agissant de Radio France, je tiens à saluer son adaptation, tout au long de l’année passée, pour maintenir un lien de confiance avec tous les Français.

Il faut noter l’ambition numérique du groupe, qui se traduit notamment par le déploiement du DAB+, par son leadership en matière de podcasts et par le développement de la plateforme propriétaire.

Je me réjouis aussi de la stratégie offensive de Radio France, qui vise à mieux maîtriser la diffusion des contenus. Une telle volonté est essentielle pour assurer la protection de notre souveraineté culturelle.

Radio France s’engage également à renforcer l’offre d’information de proximité. Le déploiement progressif des matinales communes de France Bleu et de France 3 dans l’ensemble du territoire, qui doit aboutir à l’horizon 2022, s’inscrit dans cette ambition. Il s’agit de renforcer l’engagement de France Bleu en région grâce à une collaboration avec sa consœur. Les tests grandeur nature qui sont en cours devront servir de référence pour le plan de déploiement général.

Le soutien apporté par Radio France à la culture et à la musique dans le contexte de la crise sanitaire est très important. Je me demande si l’on ne pourrait pas compléter les indicateurs d’exposition musicale par des sous-indicateurs portant sur la part des titres francophones diffusés par France Inter et par FIP et sur la part des nouvelles productions et des nouveaux talents.

J’appelle également votre attention sur les lourdes conséquences que pourrait avoir le déplafonnement du chiffre d’affaires des ressources publicitaires de Radio France. Cette mesure, qui ne figurait pas dans le COM précédent, pourrait accentuer le déséquilibre concurrentiel avec les radios privées, dont les modèles économiques ont été particulièrement affectés par les conséquences de la crise sanitaire de la covid-19.

Par ailleurs, si la réussite de la rupture conventionnelle collective est vitale pour le respect de la trajectoire financière, la forme qu’elle prendra – en particulier les recrutements qui sont prévus – est tout aussi déterminante pour la construction de l’avenir de l’entreprise dans un climat social serein.

La crise sanitaire et les déferlantes de fausses informations ont constitué des défis considérables pour France Médias Monde. Ils ont été relevés avec succès grâce à la richesse des offres éditoriales du groupe. Je tiens à saluer l’action menée en faveur d’une information juste et indépendante hors de nos frontières, alors que la voix de la France a été particulièrement remise en cause au cours des derniers mois.

Le renforcement de l’offre plurimédia arabophone au Maghreb et au Moyen-Orient, ainsi que la montée en puissance de l’offre hispanophone en Amérique du Sud, méritent d’être salués.

J’observe néanmoins que la trajectoire financière, qui intègre la baisse des dotations publiques prévue en 2018, pourrait amener France Médias Monde à faire des arbitrages qui, s’ils devaient se multiplier, nuiraient à la réalisation de ses ambitions, en particulier sa contribution à la diffusion d’une information juste et multilingue à travers le monde.

Je pense, par exemple, à la suppression de vingt postes au sein de Monte Carlo Doualiya (MCD), alors que la direction de France Médias Monde souhaite rendre accessible cette radio sur les ondes de plusieurs grandes villes françaises.

Par ailleurs, les médias du groupe ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour développer une offre éditoriale en turc. Or cela me semble important, y compris sur le territoire métropolitain, compte tenu du contexte géopolitique et diplomatique que nous connaissons.

J’en viens à ARTE. Ce qui caractérise cette chaîne, comme son président l’a rappelé, c’est sa binationalité. L’élément structurant de ses politiques est son projet de groupe, négocié entre les sociétés française et allemande et approuvé par l’assemblée générale. ARTE-France tente d’assurer une cohérence entre le COM et le projet de groupe – les objectifs déclinés par Arte-France ne sont pas exactement identiques à ceux des autres parties prenantes. Je précise que le prochain projet de groupe est déjà en cours de préparation. Il sera soumis à l’approbation de l’assemblée générale à l’été 2021.

L’excellence éditoriale d’ARTE est reconnue. Son audience a atteint des niveaux historiques au cours des quatre dernières années, notamment parmi les jeunes. La chaîne récolte les fruits d’une stratégie de bouquet éditorial visant à assurer une présence pour tous les usages, de façon diversifiée.

ARTE investit prioritairement, depuis des années, dans la création, les programmes et le déploiement numérique. Or elle ne pourra plus puiser dans son fonds de roulement en 2022, et arrivera au bout des économies possibles – environ 30 % d’économies ont été réalisées pendant les six dernières années.

Le COM prévoit d’accroître le déploiement d’ARTE en Europe et de renforcer la nature européenne des programmes. Il fixe l’objectif de parler d’Europe et de montrer le projet européen sous un jour créatif. Il existe, à ce titre, une vraie complémentarité entre ARTE et France Médias Monde.

L’INA, qui est financé à hauteur de 25 % par des ressources propres, est très affecté par la chute des recettes tirées des formations et des ventes d’extraits, en raison de la crise sanitaire.

L’INA doit trouver sa place dans le cadre des nouvelles synergies prévues entre les acteurs de l’audiovisuel public, par la valorisation de ses contenus, par un rôle renforcé en matière éducative et par la création d’un nouveau pôle d’excellence en matière de formation.

Le passage à l’ère d’internet et des plateformes, caractérisé par une massification de la production de contenus audiovisuels, oblige l’INA à reconstruire son modèle économique et à changer de vocation première. Hier acteur de la conservation, l’INA doit désormais s’affirmer comme un média patrimonial à part entière.

Son modèle économique repose sur trois piliers, qui conditionnent sa pérennité. Il y a, tout d’abord, les activités de formation, qui figurent dans la liste des projets de coopération prioritaires des COM – il est prévu de créer une entité de formation professionnelle commune à l’ensemble de l’audiovisuel public et de développer une offre de formation initiale aux métiers de l’audiovisuel, sans condition de diplôme, pilotée par l’INA et France Télévisions. En la matière, je salue tout particulièrement le projet « Classe Alpha » qui vise à offrir une formation à des jeunes âgés de 17 à 25 ans. Le deuxième pilier est le rôle d’archivage joué par l’INA, conformément à sa mission de dépôt légal pour l’audiovisuel public. Enfin, l’exploitation de son fonds historique permettra à l’INA de prendre toute sa part dans les priorités mentionnées par la feuille de route.

Je souhaite insister sur la nécessité d’avoir une vision et une ambition fortes pour l’audiovisuel de demain. À cet égard, il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de travailler de concert pour clarifier, dès 2021, la façon dont se traduira la volonté qui inspirait le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, et pour allouer à ce secteur une ressource pérenne et indépendante.

Par ailleurs, alors que les cinq projets de COM engagent le service public dans une direction commune, les synergies doivent faire l’objet d’instructions claires, s’inscrivant dans des stratégies précisément définies en ce qui concerne les enjeux et les moyens et faisant l’objet d’outils de pilotage dédiés.

D’une manière générale, le travail d’harmonisation réalisé par ces COM de transition, au moyen d’objectifs communs, mérite d’être poursuivi afin que l’on puisse mieux comparer les résultats obtenus par chaque société, pour chaque objectif. Il faudra, à l’avenir, enrichir les indicateurs pour qu’ils soient parfaitement comparables, mesurables et renseignés.

Sous les réserves que j’ai énoncées, je propose d’émettre un avis favorable aux contrats d’objectifs et de moyens pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des COM de transition qui incarnent une volonté réelle de collaboration et de dépassement.

Pour conclure, je tiens à remercier toutes les personnes auditionnées, notamment les dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public et leurs collaborateurs, mais aussi nos interlocuteurs au sein de la DGMIC, de Médiamétrie et de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), qui nous ont accordé un temps précieux, les services de l’Assemblée nationale, qui ont permis à ma mission de se dérouler dans les meilleures conditions, mon collaborateur et le président de notre commission. Je vous remercie également, chers collègues, pour la confiance que vous m’avez témoignée.

M. Pascal Bois. Merci, mesdames et messieurs les présidents, pour votre éclairage, intéressant et pertinent, sur la situation et l’avenir de notre grand service public de l’audiovisuel. Je voudrais aussi avoir un mot pour l’ensemble des salariés, qui montrent pleinement ce que veut dire la « résilience » en cette période toute particulière. Merci également, au nom du groupe La République en Marche, à notre collègue Florence Provendier pour le travail qu’elle a accompli à l’occasion de ce premier exercice global de contrats d’objectifs et de moyens.

Il faut saluer le fait que la conception de ces COM a été coordonnée : ils sont désormais alignés sous l’angle de leur durée et celui de leur contenu. Des objectifs communs favorisent inévitablement les synergies escomptées. Un premier jalon est ainsi posé, même si ces COM n’assurent qu’une transition. La feuille de route portant sur les transformations stratégiques à mener en matière de numérisation, de mutualisation et de gestion, sur les moyens et sur les priorités concernant les contenus et la qualité de l’information, vise à conforter le service public pour tous, sur tous les supports.

Calendrier aligné, objectifs communs, ambition de transformation : telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe suivra l’avis favorable de la rapporteure.

À titre personnel, je tiens à faire part de ma satisfaction de voir que l’annexe des COM prévoit la conclusion d’un pacte pour le soutien et l’exposition de la culture et de la musique. Je salue au passage la nouvelle chaîne Culturebox, diffusée sur le canal 19.

Pour terminer, j’ai une question relative à l’équilibre du marché publicitaire. Il est certes nécessaire de dynamiser les ressources, mais il faut éviter de déstabiliser les acteurs privés de l’audiovisuel, notamment dans la conjoncture actuelle. Quel regard portez-vous sur l’écosystème publicitaire ?

M. Jean-Jacques Gaultier. La présentation conjointe de ces COM viserait à promouvoir une coordination, à définir des objectifs et un calendrier communs, à favoriser les mutualisations entre les sociétés de l’audiovisuel public. Certes, mais reconnaissez que leurs conditions d’examen, au pas de charge et à la hussarde, sont hallucinantes. Plusieurs milliards d’euros de ressources publiques sont tout de même en jeu ! C’est une gageure pour les présidents de société qui sont auditionnés mais aussi pour les députés. En tout cas, le Parlement ne travaille pas dans de bonnes conditions. L’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique a été arrêté au printemps 2020 en raison de la crise sanitaire, tout comme la réforme de la contribution à l’audiovisuel public. Finalement, que reste-t-il ? Une trajectoire budgétaire 2018-2022 à la baisse puisque la contribution à l’audiovisuel public devrait diminuer de 190 millions entre 2018 et 2022. Une trajectoire budgétaire ne fait pas une stratégie.

Par ailleurs, nous sommes en février 2021 : les projets de contrats d’objectifs et de moyens concernent donc les deux années 2021 et 2022. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a exclu la possibilité de rendre les COM rétroactifs : ne me dites donc pas que les COM concerneront l’année 2020, qui est derrière nous ! À nouveau, nous ne respectons pas la loi de 1986 qui prévoit que les COM durent entre trois et cinq ans. Une durée de deux ans ne correspond pas à une vision stratégique pour l’audiovisuel public, ce qui nous inquiète pour 2023. Rien ne nous empêchait de nous projeter au-delà de 2022, comme nous l’avons fait pour la loi de programmation militaire ou la loi de programmation de la recherche.

Puisque mon temps est compté, je laisserai mes collègues évoquer la suppression de la chaîne France 4, le manque de précision autour du renforcement de l’offre de proximité régionale amorcé par le rapprochement entre France 3 et France Bleu, les inquiétants dépassements du plafond autorisé de recettes publicitaires – 53 millions en 2021 et 55 millions en 2022 pour Radio France –, les préoccupations concernant la diversité et le pluralisme du paysage radiophonique et, enfin, le pôle de formation de l’INA qui « pourrait être bâti », ce qui revient à dire que nous serions encore loin d’une reconnaissance officielle du rôle de l’INA comme pôle de formation à destination des 15 000 personnels de l’audiovisuel public.

Mme Maud Petit. Je remercie les présidents pour leur propos liminaire et la rapporteure, Mme Florence Provendier, pour la qualité de son travail.

Madame Ernotte, pourriez-vous nous donner quelques informations au sujet du reclassement des salariés de France Ô, la chaîne du canal 19, depuis sa fermeture en août 2020 ? À propos du canal 19, je salue le lancement, lundi dernier, de la chaîne éphémère et culturelle Culturebox, qui a mis à l’honneur la nouvelle génération de la scène française pour sa première soirée. C’est un plaidoyer important pour la culture, en cette période difficile. J’espère que nous pourrons bientôt y découvrir des artistes ultramarins.

Mme Sylvie Tolmont. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je salue tous les acteurs de l’audiovisuel public qui accomplissent un remarquable travail pour faire vivre la culture, l’information et le divertissement dans notre pays. L’investissement de vos équipes, mesdames et messieurs les présidents, a porté ses fruits puisque les résultats sont excellents.

Cependant, les contrats d’objectifs et de moyens qui dessinent votre feuille de route durant la période 2020-2022, ne fixent qu’un horizon de quelques mois et ne nous offrent aucune perspective pour l’après-2022, sous le prétexte des prochaines échéances électorales, alors même que la crise sanitaire et les restrictions budgétaires décidées par le Gouvernement n’ont pas épargné l’audiovisuel public.

Ainsi, le budget de France Médias Monde baisse de 0,5 million d’euros pour se fixer à 254 millions, ce qui est bien loin du budget de 373 millions d’euros alloué à BBC World. Le budget d’ARTE a baissé de 2 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021. La dotation de France Télévisions a chuté de près de 60 millions d’euros alors qu’elle fut un outil essentiel de soutien pédagogique durant la crise sanitaire, notamment grâce à France 4 – j’en profite pour réitérer notre opposition à la suppression de France 4. Le budget de Radio France diminue de 8 millions d’euros alors que les personnels dénoncent, depuis plusieurs années, la réduction des effectifs du groupe en dépit de ses très bons résultats. Seul l’INA aura bénéficié d’une meilleure dotation, néanmoins soumise à des efforts financiers supplémentaires. Son rôle de pôle de formation pour les 15 000 personnels de l’audiovisuel public n’est toujours pas officialisé, ce que nous regrettons.

La trajectoire est donc à la baisse puisque les ressources de l’audiovisuel public diminueront de 190 millions d’euros, au détriment de la masse salariale, alors que l’audiovisuel est une industrie de main-d’œuvre et que le déploiement numérique n’a de sens qu’à condition de mobiliser de nouveaux publics et de servir des objectifs de qualité et de proximité, pour faire rayonner la culture et délivrer une information intéressante.

M. Pierre-Yves Bournazel. Mesdames et messieurs les présidents, je voulais tout d’abord vous remercier pour votre engagement en faveur de l’audiovisuel public qui demeure, pour nous, une priorité.

Depuis le début de la crise inédite que nous traversons, notre audiovisuel public a su être au rendez-vous pour délivrer les informations, offrir des divertissements, diversifier les programmes, favoriser l’accès de tous à la culture. Depuis 2018, le Gouvernement a voulu amplifier et accélérer la transformation des offres, faire évoluer le pilotage du secteur de l’audiovisuel public. Face au poids croissant des médias numériques et à l’évolution des pratiques, ces réformes apparaissent nécessaires pour que le service public de l’audiovisuel continue à proposer des contenus diversifiés, de très grande qualité, accessibles et d’intérêt général.

Les contrats d’objectifs et de moyens pour 2020-2022 s’inscrivent dans une forte ambition de transformation, se traduisant par des objectifs communs et ambitieux, des calendriers alignés et la poursuite de la transformation numérique. Beaucoup reste à faire. Sans entrer dans le détail, je rappellerai que nous restons attentifs à la situation de France Médias Monde. Si nous voulons renforcer notre influence à l’étranger, nous devons donner les moyens à cette société de réaliser sa part.

Plus précisément, je voudrais vous interroger sur l’engagement des médias publics en matière de responsabilité sociale et environnementale, qu’il s’agisse de la lutte contre les discriminations, de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’inclusion des personnes handicapées ou de la protection de l’environnement. Le rôle des médias publics est important car ils sont de puissants vecteurs de transmission dans notre société. Quelles actions menez-vous pour pérenniser vos projets dans ce domaine ? Les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens sont-ils suffisamment ambitieux ? Comptez-vous travailler en équipe pour dresser le bilan des démarches qui ont porté leurs fruits, afin d’améliorer vos stratégies ?

Mme Béatrice Descamps. Je remercie à mon tour Mme la rapporteure ainsi que Mmes et MM. les présidents pour leur engagement et leurs propos. Je salue également le lancement de la chaîne éphémère dédiée à la culture. Comme je suis particulièrement sensible à la transmission de la culture à nos enfants, je ne peux que louer la plateforme Lumni. Sa complétude audiovisuelle et l’autonomie qu’elle permet ouvrent des portes vers le savoir et la connaissance pour tous les enfants qui peuvent ainsi comprendre le monde en apprenant autrement et devenir des citoyens éclairés, capables de décrypter l’actualité. Je suis très attentive à la valeur éducative de ces supports. J’ai ainsi découvert Alma Studio, application d’histoires audio sans images pour les enfants, qui représente un excellent garde-fou contre l’addiction aux écrans des plus jeunes. J’aime à penser que notre service audiovisuel public de demain pourrait s’inspirer de ce genre de création. Son modèle pourrait-il être renouvelé pour être mis au service de l’éveil à la culture, à la musique, aux émissions documentaires, ce qui donnerait à l’audiovisuel un véritable rôle de facilitateur d’attention, de concentration et d’écoute ?

Par ailleurs, je suis très sensible aux effets néfastes de la publicité pour nos enfants, en particulier les enfants malades dont l’état pourrait être aggravé par un sentiment de frustration. Serait-il possible d’engager une réflexion à ce sujet ?

M. Michel Larive. Tout d’abord, je tiens à exprimer mon regret de devoir vous interroger collégialement en seulement deux minutes. Jusqu’à présent, les commissions permanentes des deux chambres organisaient une audition annuelle autour des contrats d’objectifs et de moyens de chacune des entités que vous représentez, ce qui était logique au regard des différences qui séparent vos métiers. On voit bien les limites démocratiques que représentera la fusion de l’audiovisuel public dans le cadre de France Médias. Je vous préviens également que nous n’avons reçu le rapport relatif à vos contrats d’objectifs et de moyens qu’en fin de journée, lundi, ce qui a encore compliqué la mission de contrôle de votre action, dévolue aux parlementaires.

Cela étant, je profite de votre présence pour vous interroger sur les moyens concrets accordés à ces COM. La trajectoire budgétaire pour la période 2018-2022 prévoit une baisse de 190 millions d’euros des ressources publiques, dont 160 millions d’euros chez France Télévisions, 20 millions chez Radio France et 10 millions chez les autres sociétés. Les effectifs devront être réduits de 3,8 % entre 2015 et 2022 chez France Télévisions, sans parler de la chute des recettes publicitaires, soulignée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans son avis. Il semble que ces contrats vous assignent des objectifs sans les moyens qui devraient les accompagner.

En 2017, le Président de la République aurait déclaré, comme l’a affirmé le magazine Télérama, que l’audiovisuel public était une honte pour nos concitoyens. Trois ans plus tard, le bilan de la majorité pour l’audiovisuel public se résume en quelques mots : une cure d’austérité, des postes supprimés, la disparition de France Ô et sans doute celle de France 4, comme le laisse supposer la lecture des COM, en contradiction avec la position de Mme Ernotte. Dans ces conditions, mesdames et messieurs les présidents, doit-on avoir honte de notre audiovisuel public ?

Mme Elsa Faucillon. Chacun ici, depuis quelques mois, félicite et encourage à juste titre les agents et les directions des services publics de l’audiovisuel. Le secteur public n’est pas seulement un précieux outil démocratique, c’est aussi notre bien commun. N’avez-vous pas le sentiment que les contrats d’objectifs et de moyens sont en contradiction avec ce concert de félicitations ?

Madame Ernotte, nous avons tous pu mesurer l’importance du rôle joué par France 4 dans le cadre de l’opération « Nation apprenante ». La semaine dernière, l’un de nos collègues a présenté un rapport démontrant l’intérêt de maintenir cette chaîne dédiée à la jeunesse, afin de ne pas laisser les enfants aux mains des chaînes privées. En outre, une telle suppression ne correspond à aucun effort budgétaire utile. Soutenez-vous notre position ? Par ailleurs, si cette suppression était confirmée, qu’adviendrait-il du canal 14 ? Que proposeriez-vous au CSA ?

Enfin, la publicité a été interdite sur les antennes de Radio France durant de nombreuses années. En 2016, elle a été autorisée mais dans une certaine proportion. Madame Veil, ne pensez-vous pas que la particularité de Radio France par rapport aux radios privées imposerait de la préserver davantage de la publicité ?

M. le président Bruno Studer. Avant de donner la parole aux présidentes et présidents des sociétés de l’audiovisuel public, je voudrais rappeler dans quel cadre nous travaillons. Pour la première fois, les COM ont une partie en commun et personne ne s’est opposé, au sein du bureau de la commission, à ce que nous les examinions simultanément. C’est un exercice différent de celui qui consiste à entendre chaque président présenter individuellement l’exécution annuelle du COM en cours.

L’exercice est nouveau et nous pourrons toujours l’améliorer mais je tiens à saluer le travail mené depuis plusieurs semaines par Mme Provendier, qui a conduit de nombreuses auditions auxquelles tout le monde pouvait assister. J’ai bien compris que vous souhaitiez approfondir l’analyse de ces COM, aussi ne puis-je qu’espérer que nous resterons ensemble jusqu’à la fin de la matinée.

M. Laurent Vallet. Pour ce qui est des propos que le Président de la République aurait tenus en 2017, peu importe la genèse et la réalité de cette appréciation. L’ensemble des personnels concernés ont apporté la preuve, par leur travail, qu’ils étaient tout le contraire d’une « honte pour la République » : il faut saluer le rôle remarquable qu’ils ont joué pour offrir, dans cette période difficile, à nos concitoyens frappés par la crise sanitaire, des programmes adaptés. Ce débat n’a pas vraiment lieu d’être.

Pour ce qui est de la responsabilité sociale et environnementale, je citerai trois exemples de l’action de l’INA.

Tout d’abord, l’INA est la seule entreprise audiovisuelle publique à disposer d’un département de recherche, ce qui est l’une des richesses de son héritage, qui comprend notamment le fonds historique des émissions diffusées par l’ORTF. Elle est également responsable, depuis vingt-cinq ans, de la gestion du dépôt légal pour les documents audiovisuels. La combinaison de ces deux atouts lui a permis d’apporter une contribution remarquée, grâce à des données précises et irréfutables ainsi que des travaux de recherche d’une grande qualité. Des parlementaires s’en sont d’ailleurs servis pour nourrir leur réflexion, tant pour ce qui concerne la place ou la parole des femmes dans les médias, en temps de crise, que le traitement de la crise sanitaire dans les journaux télévisés.

Le deuxième exemple est celui de la création de la « Classe Alpha », à la rentrée dernière. Ce cursus accueille une centaine de jeunes entre 17 et 25 ans pour un parcours de pré‑qualification à l’emploi, sans condition de diplôme. Ce projet a suscité l’intérêt de nos partenaires de l’audiovisuel public, en particulier France Télévisions. Delphine Ernotte a pris le temps de consacrer une journée entière, en décembre dernier, à la découverte de cette classe et je me réjouis des perspectives de développement de cette initiative, pourquoi pas dans le cadre d’une coopération renforcée avec les entreprises dont vous auditionnez les présidents aujourd’hui.

Enfin, dernier exemple, dans le cadre du plan de relance, un vaste appel à projets a été lancé pour la rénovation énergétique des bâtiments de l’État et de ses établissements publics. Le projet de rénovation énergétique du site de Bry-sur-Marne – notre principale implantation – a été retenu. Ce programme qui permettra d’économiser, à l’horizon 2023, plus de 5 millions de kilowattheures a été jugé exemplaire et a reçu la meilleure note technique parmi tous les dossiers examinés par la Direction de l’immobilier de l’État.

Au travers de ces trois exemples, choisis parmi tant d’autres, j’ai voulu vous montrer que nous essayons de nous montrer à la hauteur du rôle que doit jouer l’audiovisuel public en matière de responsabilité sociale et environnementale.

M. Bruno Patino. Bien évidemment, nous sommes tous d’accord pour favoriser la diffusion de la culture, en particulier auprès de notre jeunesse, et nous pouvons tous nous réjouir, me semble-t-il, de la multiplicité des initiatives prises par l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public.

Pour ce qui concerne ARTE, le compagnonnage que nous avons instauré depuis longtemps et à l’échelle européenne, avec les artistes, les institutions, les producteurs et les réalisateurs a porté ses fruits. La très forte complémentarité de l’ensemble des sociétés a permis de toucher un très large public, aux diverses sensibilités. Je ne vous donnerai qu’un seul exemple. Le 18 février, nous créerons avec l’Opéra de Paris, Aida, que nous sous‑titrerons en six langues pour faire rayonner la culture en Europe, en particulier la création française pour ce qui concerne la mise en scène. Nous ne pouvons qu’approuver la volonté d’étendre toujours davantage l’exposition de la culture et le rôle de l’audiovisuel public dans la production de créations originales, surtout en cette période de crise sanitaire.

Pour ce qui concerne les actions menées en direction de la jeunesse, là encore, chacun agit de manière complémentaire, selon sa sensibilité. Nous jouons un rôle particulier dans le domaine éducatif et le programme Educ’ARTE nous permet d’être présents à l’échelle européenne.

Enfin, s’agissant de l’attrition des ressources budgétaires, je ferai une remarque qui ne vaut pas seulement pour ARTE. Nous devons aujourd’hui nous adresser à tous les publics, dans ce temps si particulier de fragmentation sociale, mais aussi de fragmentation des usages. L’attrition des moyens fragilise non seulement notre capacité de production mais aussi la possibilité de faire découvrir au public des productions, notamment grâce à l’univers du numérique. Je l’ai souvent répété : faire œuvre culturelle, ce n’est pas seulement produire et relayer la création culturelle, c’est aussi disposer des compétences technologiques suffisantes pour qu’elle soit découverte. Or tout cela a un coût. Si nous soutenons la comparaison sur le plan qualitatif avec les grandes plateformes, nos compétences technologiques sont très inférieures aux leurs, ce qui représente un handicap pour faire émerger nos productions dans l’univers numérique et les présenter au public. L’enjeu est essentiel pour l’audiovisuel public : il ne faut pas l’oublier quand il est question de trajectoires budgétaires.

Mme Marie-Christine Saragosse. J’ai bien entendu les inquiétudes exprimées par les uns et les autres, quel que soit leur bord politique, tant pour ce qui est de la trajectoire descendante des moyens accordés à l’audiovisuel public que de la pérennité de ces moyens au-delà de 2023.

Concernant la trajectoire budgétaire, il est peut-être un peu tard pour agir : ces arbitrages ont été décidés en 2018, et des lois de finance ont été adoptées – certes, il nous reste 2022... Nous traversons une crise majeure et il me semble que nous devrions plutôt nous réjouir que le secteur public, malgré tout, continue de bénéficier de ressources, contrairement à d’autres entreprises. Nous avons commencé à faire des efforts et il faudra poursuivre sur cette lancée, même si certains choix sont douloureux et pourraient menacer notre avenir.

En revanche, le sort de l’audiovisuel public à partir de 2023 est entre nos mains, en particulier entre celles des membres de votre commission. Des initiatives nouvelles pourraient être adoptées, par exemple pour pérenniser la redevance, comme l’évoquait Bruno Studer, et pour faire aboutir la réforme de l’audiovisuel que nous attendons depuis dix ans afin d’adapter la taxation – les usages n’ont plus de rapport avec la détention d’un téléviseur. Nos amis allemands ont déjà lancé des réformes et votre commission y a réfléchi. En tout cas, il y aurait des solutions à trouver, en dehors des COM.

Concernant France Médias Monde, nous sommes attachés à faire respecter l’égalité et la parité salariale, à tous les niveaux. Nous regardons qui passe à l’antenne en nous intéressant à diverses catégories et nous nous assurons, pour les promotions, qu’il y a toujours un homme et une femme candidats. S’agissant de l’indicateur relatif aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes à poste et âge comparables, France Médias Monde a obtenu un score de 39/40. Nous continuons à nous montrer vigilants.

Pour ce qui est de la diversité, elle est constitutive de l’identité même de notre groupe puisqu’il rassemble des agents de soixante nationalités. Nous portons une attention particulière aux personnes en situation de handicap. Un plan d’action est mis en œuvre et nous en bâtirons un nouveau dans le cadre du prochain COM. Nous prenons également soin, par des mesures ciblées, de garantir la diversité des origines sociales. Quant à l’environnement, pour la première fois, le COM a prévu des indicateurs. Un plan d’action est à l’étude et nous avons l’intention de renforcer notre force de frappe dans ce domaine en mobilisant des savoir‑faire dont nous ne disposions pas nécessairement à temps plein dans le groupe. C’est une préoccupation de nos tutelles et nous y adhérons.

Mme Provendier a rappelé que France Médias Monde avait engagé un plan de départs. Nous le regrettons et nous nous en serions bien passés mais comment faire autrement quand on doit trouver 16 millions d’euros d’économies et que la masse salariale représente au moins 55 % des dépenses ? Cela étant, nous avons essayé de réduire au maximum les conséquences pour la masse salariale. L’enjeu de ce plan était essentiellement de conserver toutes nos langues, tous nos médias, afin de préserver notre vocation internationale. Nous y sommes parvenus, tout en réalisant des économies. Certes, il a fallu prendre de lourdes décisions et nous n’avons pas quitté les États-Unis de gaîté de cœur mais s’il n’y a plus d’argent, on est bien obligé de faire des choix. On aurait pu en faire d’autres mais, de toute manière, le choix n’est jamais bon lorsqu’il est guidé par le manque d’argent.

Mme la rapporteure a regretté que nous n’ayons pas les moyens de développer une nouvelle offre éditoriale en turc. Figurez‑vous que RFI comptait une toute petite rédaction turque : elle a été supprimée lors d’un précédent plan d’économies. Nous avons également vu disparaître la langue polonaise ainsi que d’autres langues de l’Europe centrale et orientale, ce qui est particulièrement regrettable par les temps qui courent. À défaut de pouvoir s’entendre au sein de l’Union européenne, nous pourrions au moins essayer de nous parler. La langue turque a donc, elle aussi, disparu, pour des raisons financières qui dépassent la portée de ce COM.

Mme Sibyle Veil. En ce qui concerne la publicité, le COM qui vous est présenté supprime un plafond transitoirement introduit par le précédent COM – couvrant la période 2015-2019 –, au moment où nos antennes ont été ouvertes à de nouveaux annonceurs, et rendu obsolète par l’évolution de nos audiences au cours des cinq dernières années. Cela permet d’adapter le prix des spots publicitaires au niveau des audiences.

Sur ce point, je tiens à rappeler quelques faits importants. D’abord, la publicité sur nos antennes est et demeure triplement limitée par notre cahier des missions et des charges. Premièrement, elle est limitée à trois antennes – France Inter, France Info et France Bleu – sur les sept que compte Radio France. Ensuite, et surtout, elle est strictement limitée en volume, ses temps de diffusion étant très encadrés et définis selon la tranche horaire. Enfin, son contenu – la nature des annonceurs et des annonces – est également encadré : les annonceurs du commerce et de la grande distribution, soit 44 % des annonces du marché de la radio, sont interdits de campagnes promotionnelles. Le COM ne revient sur aucune de ces limitations.

Le chiffre publicitaire de Radio France ne représente que 3 % du chiffre d’affaires total du secteur, selon les données officielles établies par Kantar, alors que Radio France représente plus de 30 % de l’audience globale de la radio.

La place de la publicité est donc très modérée et le restera. Ni son volume ni son positionnement ne sont ni ne seront de nature à ponctionner les ressources publicitaires des radios commerciales. J’en veux pour preuve le fait que nous ayons volontairement consacré une partie de nos espaces publicitaires à la publicité verte, à des acteurs et produits écoresponsables. Cela implique un renoncement et un manque à gagner.

Dans ces conditions, je doute que retirer Radio France du marché publicitaire puisse résoudre les difficultés économiques des radios privées. Je crains au contraire que les annonceurs qui viennent aujourd’hui chez nous ne choisissent à l’avenir d’aller vers d’autres médias, numériques, et, plus vraisemblablement encore, vers les GAFAN.

La suppression de ce plafond, qui, je le répète, vise simplement à tirer les conséquences de l’évolution de nos audiences, ne saurait porter atteinte à l’équilibre économique du marché publicitaire de la radio.

Un autre sujet important pour Radio France est la musique. Sa diffusion fait partie de nos engagements tels que les rappelle le projet de COM, et Mme la rapporteure a posé plusieurs questions relatives aux objectifs et indicateurs assignés à nos antennes en la matière.

Le niveau d’exigence fixé par le COM reste très élevé. Il correspond aux obligations inscrites dans notre cahier des missions et des charges. La priorité est le soutien à la diversité de la création française, ce qui explique l’énoncé des objectifs et indicateurs. L’ensemble des actions engagées par les différentes chaînes et par le groupe depuis le début de la crise témoigne de la force de notre engagement destiné à préserver la scène musicale française et sa diversité.

En avril 2020, nous avons lancé une opération qui se traduit par l’augmentation de 25 % de la diffusion de musique sur nos chaînes. Nous le faisons pour jouer un rôle de stabilisateur du secteur de la musique grâce aux droits d’auteur que nous versons en contrepartie de ces diffusions. Nous continuons par ailleurs de diffuser de la musique live, ce qui est indispensable pour soutenir les nouveaux talents que l’on ne peut écouter ailleurs, notamment sur les sites de streaming musical. Le 23 janvier, nous avons ainsi organisé – c’était inédit – un concert live de six heures, diffusé simultanément sur cinq de nos antennes et réunissant une centaine d’artistes de la scène française.

Cet engagement très fort fait partie de notre identité éditoriale et de celle de chacune de nos chaînes. Le fait de donner à la Maison de la radio le nouveau nom de Maison de la radio et de la musique en 2021 en est la traduction. Je m’engage à montrer, dans le cadre du rapport d’exécution du COM, l’ensemble de nos actions de soutien à la filière musicale française.

Mme Delphine Ernotte Cunci. En ce qui concerne France 4, aucune ambiguïté de ma part : le projet que j’ai présenté au CSA lors de l’élection du président de France Télévisions indiquait clairement que j’estimais nécessaire le maintien de la chaîne dans son format actuel, celui d’une chaîne ludo-éducative et sans publicité.

En effet, l’offre de France 4 est unique dans le paysage audiovisuel. Presque entièrement éducative pendant le premier confinement, elle reste aujourd’hui ludo‑éducative par le choix des films et des dessins animés diffusés : la liste est longue des programmes qui éduquent tout en distrayant.

Pourquoi était-il prématuré de décider l’arrêt de sa diffusion ? Les jeunes, dit-on, ne regardent plus la télévision ; c’est vrai, mais les enfants si. Chez les moins de 14 ans, la télévision représente ainsi 80 % de la consommation à raison d’une heure trente par jour, loin devant YouTube. Dans ces conditions, l’existence d’une chaîne gratuite, disponible partout, y compris sur la TNT, n’est pas rien ; on l’a vérifié pendant la crise sanitaire. En effet, tout le monde ne dispose pas d’une connexion internet suffisante pour accéder au numérique : malgré de gros progrès, 9 % des gens ne le peuvent toujours pas. À cette rupture technologique s’ajoute la rupture économique : dans une famille qui n’est équipée que d’un seul ordinateur, les plus jeunes n’ont pas la priorité sur leurs aînés, qui en ont besoin pour suivre un cours ou préparer un exposé.

Madame Descamps, l’ensemble des programmes de France Télévisions destinés aux enfants sont sans publicité, que ce soit sur France 3, sur France 5 ou, évidemment, sur France 4.

En outre, comme vous l’avez dit, madame Faucillon, l’économie induite par l’arrêt de la diffusion de France 4 représente moins de 1 % du budget de France Télévisions.

Plus généralement, le fait que, tout en accroissant notre investissement dans la production de contenus – ce qui nous paraît légitime et dont nous sommes fiers –, nous supprimions des chaînes – après France Ô, France 4 – crée un embouteillage sur les chaînes restantes. Ainsi, à la suite de la fermeture de France 4, nous envisageons de transférer des programmes ludo-éducatifs notamment sur France 5, qui en diffuse déjà. Au total, cela crée une sorte de jeu de taquin qui fait rejaillir la fermeture de France 4 sur l’ensemble des grilles, bien au-delà de la seule animation française.

Si nous avons réussi à lancer Culturebox si vite et avec un budget si réduit, c’est bien parce que nous captions déjà un nombre considérable de concerts, d’opéras, de festivals et autres événements culturels : une chaîne n’est qu’une façon d’exposer des contenus que nous possédons, et son coût technique est sans commune mesure avec le coût de production de ces contenus.

Madame Petit, quand la date de fermeture de France Ô a été arrêtée, nous avons reçu l’ensemble des personnels de la chaîne et une solution a été trouvée pour chacun d’entre eux. Cela a été rendu possible par l’enrichissement de l’offre de programmes ultramarins sur l’ensemble de nos chaînes auquel nous avons œuvré en parallèle et qui sollicite beaucoup les équipes dites de Malakoff – la direction des outre-mer, où était logée France Ô. De plus, nous avons relancé le portail Outre‑mer La Première, avec succès. Nous avons d’ailleurs ce soir même un comité de suivi destiné à faire le point sur le pacte de visibilité.

En ce qui concerne la diversité, monsieur Bournazel, le COM inclut plusieurs indicateurs, dont la part de femmes expertes à l’antenne et le nombre d’heures de sous-titrage sur franceinfo, qui va passer d’une et demie à six. L’entreprise s’est donné des objectifs – et des méthodes pour les atteindre – encore bien plus ambitieux. Nous sommes en phase d’audit de notre label Diversité, que nous espérons bien conserver. En outre, mon prédécesseur avait engagé en 2013 une démarche en matière de RSE (responsabilité sociale des entreprises) qui a irrigué toute l’entreprise. Bref, nous allons bien au-delà des objectifs que nous assigne le COM.

Mme Béatrice Piron. Merci à tous, notamment à Florence Provendier pour son excellent travail.

Madame Ernotte, vous avez répondu par anticipation à ma question : je m’inquiétais au sujet de votre capacité à respecter l’ensemble des objectifs sur trois chaînes seulement ; vous confirmez que vous aimeriez que France 4 soit préservée.

Est-il encore possible de faire revenir les 14-25 ans – dont on parle assez peu – vers les programmes télévisés, et si oui, comment ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Pour mettre en avant des contenus spécifiquement destinés à ces jeunes publics, le meilleur moyen n’est pas les chaînes traditionnelles puisqu’ils regardent de moins en moins la télévision. En revanche, on sait les atteindre par l’intermédiaire des réseaux sociaux et des plateformes numériques. Nous avons donc décidé d’investir dans la création documentaire ou de fiction à leur intention ; vous retrouverez ces programmes sur notre plateforme france.tv.

Cela dit, ces jeunes regardent parfois la télévision avec leurs parents, leurs grands‑parents, leurs frères et sœurs. Nous n’avons donc pas abandonné l’idée de réunir la famille devant l’écran, par exemple lors des émissions de divertissement musical – nous le faisons d’ailleurs tous les jours grâce à « N’oubliez pas les paroles », à dix-neuf heures sur France 2.

Mme Constance Le Grip. Madame Ernotte, bravo pour Culturebox – dont nous espérons, paradoxalement, qu’elle durera le moins longtemps possible !

Vous avez dit que la diversité serait le fil rouge de votre mandat et repris l’expression, employée par le CSA, de « personnes perçues comme non blanches », ces personnes qui seraient beaucoup moins présentes à la télévision française que dans notre société. Vous avez également fait référence aux États-Unis d’Amérique en citant la formule « no diversity, no commission » pour affirmer que les projets qui ne tiendraient pas compte de l’obligation de diversité ne seraient plus financés par France Télévisions.

Comment allez-vous appréhender concrètement cette diversité ? Allez-vous appliquer des critères de différenciation ethnique ? Vers quelles dérives à l’américaine sommes-nous susceptibles d’aller ? La diversité, c’est aussi celle des opinions, et cela nous importe !

Mme Delphine Ernotte Cunci. Le souhait d’une plus grande diversité s’est très fortement exprimé lors des différentes consultations citoyennes que nous avons menées aux côtés de Radio France. La demande vient donc des publics, qui ne se voient pas tous représentés à l’écran.

J’aimerais définir ce que l’on appelle « diversité », notion plurielle. Pour nos téléspectateurs, elle est d’abord géographique : les campagnes et les petites villes ne se sentent pas assez représentées par rapport à Paris et aux métropoles ; c’est ce qui irrigue le projet de régionalisation de France 3. La diversité, c’est également la mixité, sur laquelle portent certains objectifs du COM ; c’est aussi une représentation du handicap qui rompe avec l’idée que l’on peut s’en faire, et qui est très attendue ; c’est enfin la diversité perçue, la diversité d’origine.

Sur ce dernier point, nous sommes incités à progresser par le rapport que le CSA a récemment consacré à la réalité de la diversité perçue sur les différentes chaînes de télévision. Parce qu’il a à jouer un rôle de cohésion nationale et sociale, le service public doit faire en sorte que tous les Français, quel que soit leur âge, leur genre, leur couleur de peau, leur origine sociale, leur lieu d’habitation ou leur revenu, se sentent chez eux quand ils regardent la télévision publique.

Je n’aime pas beaucoup le terme de diversité ; je dirais plutôt que nous devons normaliser la représentation de tous sur nos antennes. C’est ce que nous faisons pour les outre-mer dans le cadre du pacte de visibilité. De même, il faut donner à tous les Français leur juste place sur nos antennes.

Mme Céline Calvez. Je félicite la rapporteure pour son travail.

Vous avez toutes et tous évoqué les synergies existantes entre les différentes entreprises de l’audiovisuel public. Elles permettent de lui donner plus de place, de compétitivité, de réaliser des économies d’échelle, mais surtout d’adapter les contenus aux usages et aux attentes des Français. Concernant l’objectif n° 2, je me réjouis donc des nombreuses initiatives auxquelles se réfère Florence Provendier dans son rapport et qui sont annexées aux COM.

Comment objectiver et développer les coopérations existantes dans l’audiovisuel public ? Comment avoir plus de visibilité quant aux synergies potentielles en recherche et développement ?

Concernant l’ensemble des objectifs – communs et spécifiques –, comment associer le public à l’évaluation ? En effet, une évaluation participative de la mise en œuvre des COM pourrait susciter une plus grande adhésion des citoyens à leurs médias publics.

Mme Delphine Ernotte Cunci. Nous n’avons attendu ni le projet de loi relatif à l’audiovisuel ni les COM pour mettre sur pied un grand nombre de coopérations, qui se traduisent sur nos antennes. En témoigne notamment franceinfo, qui réunit Radio France, l’INA, France Médias Monde et France Télévisions, rencontre le succès que l’on sait et suscite l’intérêt de nos homologues européens. La marque franceinfo est leader de l’information numérique en France.

Il faut tabler sur ce qui nous a animés jusqu’à présent, sur le collectif que nous représentons, sur l’amitié née entre nous, et nous faire confiance pour développer des projets pertinents. Ainsi, on a envie de suivre Laurent Vallet quand il lance la « Classe Alpha », parce que c’est un projet remarquable : cela se fait tout naturellement, parce que c’est notre intérêt et notre plaisir de travailler ensemble.

Mme Marie-Christine Saragosse. De même, nous travaillons pour France 24 sur une émission consacrée à l’outre-mer, en lien avec le réseau La Première de France Télévisions ; nous allons ainsi pouvoir ouvrir sur l’ensemble du réseau de diffusion et de distribution de France 24 une fenêtre sur l’outre-mer en partenariat avec France Télévisions. C’est une sorte de prolongement de franceinfo pour l’outre-mer.

Je salue aussi la plateforme de podcasts de Radio France où RFI est très heureuse de côtoyer ses sœurs France Culture, France Inter ou France Info. Et, avec l’INA, nous venons de conclure un bel accord permettant d’offrir sur France 24 un regard sur la France grâce aux archives de l’INA, et nous faisons de plus en plus de formations communes.

Dans ce secteur très vivant, on ne peut pas tout mesurer sans cesse ni tout prévoir. Peut-être diffuserons-nous Culture Prime sur la chaîne éphémère Culturebox. Nous avons l’envie permanente de travailler ensemble. Mais nous avons aussi des missions spécifiques. Ainsi, chez France Médias Monde, nous travaillons souvent dans des langues qui ne sont pas parlées au sein des autres sociétés. Ne nous trompons donc pas d’objectif.

Mme Sibyle Veil. En effet, les coopérations se développent au jour le jour. Bien sûr, quand Delphine Ernotte lance Culturebox, nous avons tous envie de soutenir l’initiative, en la prescrivant sur nos antennes, par exemple : ce matin, nous avons beaucoup parlé du concert de Mika prévu ce soir à Versailles. Nous allons aussi voir comment contribuer sur le fond à cette offre. Les coopérations sont mouvantes, comme le sont nos programmes, qui s’adaptent à la situation.

L’indicateur essentiel est la satisfaction du public : c’est pour celui-ci que nous agissons. Les objectifs et indicateurs inscrits dans nos COM reflètent cette attention au public. En 2018, puis en 2020, nous avons consulté tous les citoyens – auditeurs, spectateurs ou non – pour connaître leurs attentes et mieux y répondre. C’est ainsi que nous serons des médias utiles à la société.

M. Laurent Vallet. Les coopérations et les synergies permises par le COM sont bien réelles, même si leur structuration diffère de celle qu’aurait permise la constitution du groupe France Médias.

C’est le cas en matière de formation initiale – merci à Delphine Ernotte de ses propos sur la « Classe Alpha », dont nous nous réjouissons qu’elle puisse se développer avec France Télévisions, puis, je l’espère, avec nos autres partenaires. C’est aussi le cas en matière de formation professionnelle : même si le volet commun du COM ne fixe dans ce domaine qu’un indicateur de suivi, l’INA va proposer sur ce fondement, sans que la démarche ne soit imposée par l’actionnaire commun ou la tutelle, des solutions nouvelles pour faire progresser la mutualisation de la formation au sein de l’audiovisuel public, au moindre coût et au plus près des besoins des directions des ressources humaines de ses différentes entreprises, afin d’accompagner leur transformation.

Dans le domaine de la recherche et développement, enfin, des rencontres régulières ont eu lieu ces dernières années entre les directeurs et directrices des systèmes d’information des différentes entreprises, et c’est dans ce cadre que l’INA, rompu par nature à la gestion en masse des contenus audiovisuels et des data associées, a communiqué à ses partenaires la manière dont il a conçu son lac de données.

M. Bruno Patino. Ce que nous faisons ensemble ne se mesure peut-être pas, mais se constate. Laurent Vallet vient d’en parler, 47 % des formations en matière audiovisuelle pour les équipes d’ARTE sont faites à l’INA. Nous participons aussi à la plateforme de podcast de Radio France. Dans les pays les plus inhospitaliers du monde, nous travaillons avec France 24 pour réaliser des reportages qui seront utilisés par France Médias Monde et ARTE. Les coopérations sont également nombreuses avec Radio France, notamment avec France Musique, par exemple l’opération Open Stage. Enfin, nous entretenons un dialogue permanent et des coopérations avec l’ensemble des sociétés au sein de Culture Prime, et avec France Télévisions s’agissant de leur offre numérique destinée à la jeunesse.

Mme Frédérique Meunier. « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » J’ai la sensation que tel est l’objectif des COM, mais quelle est la vision de l’État ? Il vous fixe l’objectif vertueux d’être exemplaires, de maîtriser la masse salariale, de favoriser le travail en commun en cherchant les complémentarités. Mais surtout, on réduit vos moyens financiers depuis plusieurs années, et en contrepartie, on vous fait miroiter des COM avec un budget pérenne.

Ne craignez-vous pas de perdre votre originalité et les bénéfices de stratégies menées depuis plusieurs années en fonction de la sensibilité de chaque entreprise ? Ne craignez-vous pas de perdre votre âme au profit d’une coopération du secteur audiovisuel public considéré dans sa globalité ?

Mme Marie-Christine Saragosse. Je comprends tout à fait cette remarque, et je retiens la phrase « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Mais il est important d’aller vite et loin, et d’être ensemble, comme c’est le cas dans la première partie des COM, tout en respectant l’identité des parties – vous parlez d’âme, l’expression me convient. C’est l’objet de la partie du COM spécifique à chaque média, qui rappelle la trajectoire de chacun.

Je crois que nous tentons de préserver les deux éléments : la force du service public dans sa complémentarité et sa capacité à capitaliser, et le respect des spécificités de chacun. Il est toujours plus compliqué d’y parvenir sous contrainte financière ; s’il existe une recette miracle pour augmenter nos moyens en 2023, tout le monde sera d’accord !

Mme Sandrine Mörch. En cette période de crise, les messages véhiculés par les médias sont essentiels pour la population, en particulier les jeunes. J’ai toujours été très choquée, en tant qu’ancienne journaliste, par le parti pris de la sinistrose et l’emballement médiatique de certaines chaînes télévisées, nuisible à la santé mentale des Français. La commission d’enquête que j’ai présidée a fait apparaître les effets négatifs de messages qui ont pu culpabiliser notre jeunesse, dont certains sont de notre fait.

Au milieu de son lot de mauvaises nouvelles et de difficultés majeures pour les Français, cette crise a aussi permis de révéler de très nombreuses et très belles initiatives, et elles se multiplient. Pour beaucoup de jeunes, la réponse à la crise passe par un engagement associatif qui leur permet de se rendre utiles auprès des plus démunis et de sortir de leur propre condition difficile en attendant des jours meilleurs. En pleine crise, des étudiants toulousains se sont lancés dans du soutien scolaire dans les bidonvilles et les hôtels sociaux. Pour les étudiants en santé ou en sciences politiques, cette expérience va marquer toute leur vie.

Le rôle des médias est aussi de mettre en avant ces initiatives, de leur donner de la visibilité pour les rendre virales et en augmenter l’impact. Comment intégrer cet objectif aux COM ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Je souhaite revenir sur le sujet du handicap. Les COM contiennent des engagements sur l’insertion des travailleurs handicapés au sein des sociétés de l’audiovisuel public. Pourtant, trop peu d’obligations portent sur la visibilité à l’antenne du handicap dans les médias de l’audiovisuel public. Aucun objectif n’est fixé au sujet de l’accessibilité des programmes aux personnes malvoyantes ou malentendantes. Le volume horaire quotidien de sous-titrage de la chaîne franceinfo ne suffit pas à assurer l’accessibilité à tous les publics, enjeu majeur pour notre audiovisuel public.

Mme Ernotte a parlé de normaliser la représentation de tous, qu’en est-il concrètement ? Ne peut-on envisager de fixer davantage d’indicateurs et d’objectifs ambitieux sur l’accessibilité des contenus et la visibilité du handicap dans les programmes ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. C’est un sujet très important pour nous. Ce qui nous mobilise, les uns comme les autres, ce n’est pas la tenue des indicateurs du COM. Bien sûr, ils nous guident, mais notre légitimité nous vient de l’adhésion des publics, comme le rappelait très justement Sibyle Veil.

De ce point de vue, la question de la diversité est centrale pour nos publics, et en particulier celle du handicap. Certes, les contrats d’objectifs et de moyens contiennent une batterie d’indicateurs, mais dans notre propre politique, dans les objectifs que nous nous fixons, en particulier la mise à l’antenne des personnes en situation de handicap, nous allons beaucoup plus loin, pour la simple raison qu’il s’agit d’une attente extrêmement forte de nos publics.

Ce contrat d’objectifs et de moyens contient déjà beaucoup d’indicateurs, bien plus que le précédent, alors que nous savons que la multiplication des indicateurs nuit à leur lisibilité et même à leur respect. Je tiens à rappeler que l’engagement pour nos missions de service public va bien au-delà de quelques indicateurs chiffrés.

M. Cédric Roussel. Depuis l’année 2002, et que la Ligue 1 porte ce nom, notre championnat de football professionnel n’a jamais été diffusé en clair. Le football est un sport populaire qui ne peut rencontrer son public que si ce dernier paie.

Un équilibre semblait avoir été trouvé avec Canal Plus, qui a longtemps détenu l’ensemble des droits. Depuis plusieurs années, ces droits se répartissent entre différents acteurs payants, qui se partagent une offre devenue incompréhensible et excessivement onéreuse. L’affaire Mediapro révèle ces excès. Le streaming illégal de spectacles sportifs a progressé de 75 % entre 2019 et 2020, comme le souligne la HADOPI. Dans une tribune publiée par Le Monde, j’ai proposé qu’un match par semaine au moins revienne à nos chaînes publiques. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre l’accès des Français à leur sport préféré et la rémunération des acteurs ; entre valeurs du sport, passion, et financiarisation à l’extrême.

Le groupe France Télévisions a-t-il proposé de se porter candidat pour accueillir sur ses chaînes publiques la diffusion de matches en cas de risque d’écran noir ? Seriez-vous favorable à l’attribution de plusieurs matchs au titre d’un service public minimum de diffusion de la Ligue 1 sur nos chaînes publiques ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Vous avez totalement raison de pointer la dérive des coûts des droits sportifs, qui va à l’encontre de la baisse des moyens des différents services publics. Ce n’est pas propre à la France, c’est le cas partout en Europe. Je suis très favorable à ce que le service public ait les moyens – réglementaires ou financiers – de diffuser les matches de Ligue 1. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Nous n’avons pas répondu à l’appel d’offres de la Ligue de football professionnel, qui s’est révélé infructueux. Nous ne sommes pas opposés à la possibilité d’aider à la diffusion de certains matchs de Ligue 2. Mais je reprends votre proposition : prévoir l’obligation de diffuser en clair et gratuitement pour tous un certain nombre de matches serait vraiment important pour le sport en général.

M. Frédéric Reiss. Ma collègue Constance Le Grip souhaitait poser une seconde question, à Mme Ernotte. Il semble qu’une part variable de la rémunération des rédacteurs en chef de France Télévisions dépende d’objectifs, parmi lesquels on trouve le traitement de sujets européens. Cet intéressement financier semble assez surprenant, même pour l’ardent défenseur de l’Europe que je suis.

Mme Delphine Ernotte Cunci. Comme c’est le cas partout, les parts variables portent sur les principaux enjeux de l’entreprise. Parler de l’Europe fait partie des principaux enjeux pour France Télévisions, avec la représentation des outre-mer et la diversité. Tout cela figure d’ailleurs dans notre contrat d’objectifs et de moyens.

Heureusement que les parts variables des différents cadres de France Télévisions reprennent les principaux enjeux inscrits dans notre contrat d’objectifs et de moyens. Et heureusement qu’une stratégie éditoriale se déploie. Nous ne remettons pas en question l’indépendance de qui que ce soit, et nous n’indiquons pas comment traiter les sujets et sous quel angle. Mais nous avons bien sûr des parts variables, comme toute entreprise.

Mme Anne Brugnera. Madame Ernotte, le réseau régional de France 3, en particulier en Auvergne-Rhône-Alpes, vient de vivre près de deux semaines de grève. En cause, la nouvelle tranche de 18 h 30, une prise d’antenne de treize à vingt minutes supplémentaires, premières étapes du projet de régionalisation qui a pour objectif de diffuser six heures quotidiennes de programmes régionaux en 2022, avec treize chaînes régionales à décrochages nationaux.

La stratégie de régionalisation est saluée par tous. Elle répond à un réel besoin : nous avons bien vu depuis le début de la crise sanitaire que les Français ont besoin d’informations de qualité et de proximité, mais aussi de ne pas voir la même chose sur toutes les chaînes. Cependant, sa mise en place à moyens constants a été dénoncée par les salariés, qui parlent d’un temps d’antenne dégradé.

Le préavis de grève a été levé dimanche soir, des avancées ayant été obtenues sur la possibilité de revoir les moyens dédiés à cette nouvelle tranche. Il faut une feuille de route dédiée, avec des objectifs clairs et partagés. Comment trouver ces moyens autrement que sur le budget du réseau France 3 ? Ne peut-on les puiser dans le budget précédemment dédié à cette tranche horaire ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Madame Brugnera, je vous renvoie la question ! En tant que membre de la représentation nationale, vous demandez à France Télévisions de faire plus avec moins… Effectivement, nous allons arbitrer différemment les moyens de France 3 dans le contexte de baisse générale des moyens de France Télévisions. On peut comprendre l’interrogation des salariés qui s’étonnent qu’on leur demande de faire plus avec moins. Mais après tout, c’est le Parlement qui vote le budget de France Télévisions : s’il vous semble qu’il faut répondre à cette interrogation, n’hésitez surtout pas !

M. Alexandre Freschi. Ma question était identique à celle de M. Reiss, je remercie Mme Ernotte d’y avoir répondu.

Mme Aurore Bergé. Je souhaite demander à chacun d’entre vous si vous considérez que les COM restent un outil de pilotage pertinent. Pour les parlementaires, ce n’est pas forcément le meilleur outil de contrôle. Pensez-vous que certains indicateurs mériteraient d’être refondés, et lesquels ?

À propos de la culture, vous avez tous pris des engagements de diffusion renforcés pour la période de crise – Hypernuit, Culturebox, Culture Prime – ainsi que dans le domaine de la création. Seront-ils maintenus dans la durée, au-delà de cette crise, dont les conséquences pour le secteur de la culture vont se faire sentir pendant plusieurs années ?

Mme Marie-Christine Saragosse. Je partage l’avis de Mme Ernotte sur les indicateurs : il y en a beaucoup, parfois au détriment des objectifs principaux. Il faut qu’ils convergent sur certains points, mais aussi qu’ils respectent les spécificités de chacun.

Par exemple, les objectifs 3 et 4 consistent à nous demander d’augmenter la part des dépenses consacrées aux programmes, mais aussi de réduire la masse salariale. Or les dépenses de programmes de France Médias Monde sont de la masse salariale – la rémunération des journalistes –, car nous n’achetons pas de programmes. Si nous devions nous aligner sur l’indicateur prévu pour France Télévisions ou ARTE, ces deux objectifs constitueraient une injonction contradictoire.

Le travail de rapprochement tout en préservant les spécificités me semble de bon sens, et il a fait l’objet d’un long dialogue avec nos autorités de tutelle.

Au sujet de la culture, à la différence de France Télévisions, ARTE ou Radio France, notre rôle se limite à la visibilité. Nous avons commencé à faire des journées de solidarité avec les secteurs les plus touchés par la crise, et nous avons l’intention de continuer à donner le plus de visibilité possible à nos auteurs, nos acteurs, nos musiciens et tous ceux qui forment le tissu créatif. C’est notre signature à l’international : le mot France est associé à la culture, et nous sommes plus que jamais mobilisés sur ce sujet. Un pacte culture est également prévu, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Mme Delphine Ernotte Cunci. Nous avons intérêt à définir des indicateurs de pilotage les plus ramassés possible pour nous inciter à respecter l’esprit des COM, plutôt que leur lettre.

Nous rendons compte tous les ans devant le Parlement, devant le CSA et devant nos conseils d’administration. Le pilotage fin se fait aussi au niveau de chaque entreprise, notamment lors de ces auditions régulières et des conseils d’administration. Il ne faut pas chercher à prévoir dans les COM la totalité du pilotage de l’entreprise. Les autres moyens de pilotage sont tout aussi importants, et dans nos discussions, il n’est pas simplement question de chiffres et d’indicateurs, mais aussi d’esprit, et c’est peut-être le plus important dans nos missions de service public.

Sur la culture, nos engagements vont bien au-delà de la chaîne éphémère Culturebox : l’exposition de spectacles vivants en première partie de soirée va être multipliée par cinq ; nous avons également pris des engagements très forts s’agissant du cinéma et des livres. Nous allons continuer à renforcer la place de la culture après la période critique de pandémie que nous connaissons.

Mme Sibyle Veil. Ce qui sous-tend les COM, c’est l’adéquation entre une trajectoire financière – donc des moyens – et les missions de service public en regard. Les négociations que nous menons avec l’État portent sur cette adéquation, et c’est sur cet aspect que nous souhaitons concentrer la lisibilité des COM.

À propos des indicateurs, je rappelle que nos médias sont spécifiques. La mesure de l’audience des radios et de l’audio est différente de celle des télévisions et des vidéos, ce qui justifie que l’institut Médiamétrie mesure ces audiences selon des procédures distinctes. Les possibilités de rapprochement de certains indicateurs sont limitées de fait par la nature de nos activités.

Nous avons tous des cahiers des missions et des charges très remplis et dont l’exécution fait l’objet d’un rapport annuel. Nous avons aussi des objectifs éditoriaux portant sur les commandes d’œuvres et le nombre d’heures d’offre culturelle, qui nous permettent de mettre en valeur la spécificité de nos missions et de nos contenus.

M. Bruno Patino. Je partage ce qui vient d’être dit sur les indicateurs. Nous avons neuf indicateurs ramassés, et c’est une bonne chose. Il ne faut pas exiger des indicateurs d’en dire plus qu’ils ne peuvent. Ils montrent ce qui se passe dans une entreprise, mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga du pilotage stratégique. Certains éléments, comme la rémanence rétinienne ou l’impact d’un programme, ne font pas l’objet d’indicateurs. Un nombre d’indicateurs réduit nous permet de savoir où en est l’entreprise. Trop nombreux, ils feraient perdre à chacun sa spécificité. Pour ARTE, le document central reste le projet de groupe.

Historiquement, la culture fait partie de l’ADN d’ARTE. Leur relation a été différente du fait de la pandémie, mais pas plus profonde. La culture était déjà au cœur de notre offre, et ce compagnonnage perdurera évidemment bien au-delà de la crise sanitaire.

Mme Fabienne Colboc. Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre engagement et celui de vos équipes, et pour votre capacité d’adaptation afin de toujours informer, divertir, préserver l’ambition culturelle et garder la proximité avec tous les publics, suivant vos spécificités, en préservant des programmes de qualité, diversifiés et pluralistes. En cette période, le lien et l’accès aux vraies informations sont indispensables.

Le sujet sur lequel je souhaite vous interroger pourrait paraître subsidiaire, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit de la place des enjeux environnementaux au sein de vos stratégies. C’est l’un des volets de l’objectif 5 du COM, « Être une entreprise de média exemplaire », qui contient un indicateur commun : l’empreinte carbone directe ou indirecte.

Les possibilités d’action sont nombreuses pour améliorer l’impact de l’audiovisuel en matière environnementale. Je souscris d’ailleurs à la proposition de ma collègue Florence Provendier de généraliser à l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel la Charte développement durable des établissements publics et entreprises publiques, déjà signée par France Télévisions. Comment seront pris en compte les objectifs de développement durable dans vos orientations stratégiques ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Ce sujet est pris en compte au sein de France Télévisions depuis 2013. Nous allons chercher à aller plus loin sur deux sujets. L’écoproduction tend à réduire l’empreinte carbone des producteurs extérieurs qui travaillent pour France Télévisions. Une équipe au sein de l’entreprise s’y attache depuis de longues années et irrigue notre production interne et celle du feuilleton quotidien, et nous souhaitons étendre ces méthodes de travail.

Par ailleurs, nous avons lancé un plan vélo sous l’égide du secrétaire général, pour faciliter l’adoption de ce mode de transport par l’ensemble de nos salariés, en particulier sur les emprises parisiennes.

Mme Marie-Christine Saragosse. La question concerne nos entreprises, mais, en tant qu’entreprise de média, nous avons la double casquette d’entreprise et d’antenne, et les deux doivent être cohérents.

Nous avons depuis longtemps beaucoup d’émissions à destination d’un public jeune. Avec la Deutsche Welle, nous allons lancer un projet plurilingue pour les jeunes européens, baptisé « ENTR ». L’un de ses axes importants sera la sensibilisation aux enjeux climatiques, qui préoccupent la jeunesse en France, en Europe, et probablement partout dans le monde. C’est une façon de maintenir le lien avec la génération des 14-25 ans dont nous parlions précédemment.

En interne, nous allons nous inspirer de ce qui a été fait par nos confrères, notamment France Télévisions. Pour une chaîne internationale, il est difficile de ne pas voyager. Nous avons du mal à couvrir les zones de guerre, et même notre zone de distribution mondiale. J’appelle à l’indulgence sur cet aspect : même si nous faisons très attention, nous sommes obligés de prendre des avions, ce qui affecte notre bilan carbone.

Mme Danièle Cazarian. À l’heure où les plateformes de streaming connaissent un grand succès, les chaînes de télévision publiques ont pris la décision de s’adapter et de riposter, comme en atteste l’engagement qui figure dans les contrats d’objectifs et de moyens.

Pour mieux préparer l’avenir, vous réinventez sans cesse les bases de l’audiovisuel public en adaptant une offre de contenus de qualité et diversifiée. Vous développez des pistes prometteuses pour continuer à concurrencer les GAFAN.

Parmi celles-ci, Mme Ernotte a évoqué le déploiement d’une tranche régionale. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet axe de développement qui permettra de maintenir la proximité avec le grand public tout en mettant en lumière la richesse et la diversité de nos territoires ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Le projet de régionalisation de France 3 vise à inverser le rapport actuel entre les programmes régionaux et nationaux. Dans le cahier des charges actuel, France 3 est une chaîne nationale à décrochages régionaux. Nous voulons la scinder en treize chaînes régionales à décrochage national. Aux heures importantes pour nos téléspectateurs, nous pourrons mieux exposer ce qui se passe autour de chez eux.

Nous le faisons déjà pour l’information, nous souhaitons aussi le faire pour le sport. Par exemple, sur la chaîne régionale de Nouvelle-Aquitaine NoA, la pelote basque est très regardée, mais je ne suis pas sûre que ce serait le cas partout dans l’Hexagone. Nous ferons de même pour les manifestations culturelles ; ainsi, l’année Flaubert sera un événement national, mais elle sera relayée de manière plus particulière en Normandie.

Nous souhaitons mettre à disposition de nos publics régionaux tous ces sujets – sportif, culturel, économique, et plus largement l’information – à des heures de grande écoute. Ce projet est en cours de présentation aux instances représentatives du personnel, le dialogue s’ouvre avec les salariés, nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Raphaël Gérard. Je souhaite revenir sur la diversité au sein des équipes de programmation et de production et sur les politiques de RSE des différentes sociétés.

Dans le cadre du label Diversité délivré par l’Afnor, avez-vous mis en place des indicateurs pour mesurer la diversité de vos équipes, y compris des équipes support et administratives ? Travaillez-vous ensemble sur la convergence de ces différents indicateurs ? Entendez-vous instaurer un index de la diversité comme celui qui a été proposé par Élisabeth Moreno la semaine dernière ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. Sur la question de la diversité, nous créons des indicateurs de suivi, parce qu’on ne progresse que sur ce qu’on arrive à objectiver. Nous l’avons constaté avec la mixité, c’est lorsque nous avons commencé à compter le nombre d’expertes sur les plateaux que des étapes ont été franchies.

Sur ce sujet complexe, nous sommes placés sous la vigilance du CSA, qui établit un baromètre de la diversité de la société française. Nous travaillons ardemment pour que, chaque année, la progression soit réelle. C’est la perception d’une juste représentation de tous qui constitue notre indicateur final.

L’index sur la féminisation des entreprises, dit « index Pénicaud », est assez efficace. Je souscris à la proposition d’Élisabeth Moreno de créer un index portant sur la diversité.

Mme Sibyle Veil. Ce sujet est important pour nous, tout comme les sujets de responsabilité sociale et environnementale. Je rappelle que nous sommes aussi signataires de la Charte développement durable des établissements publics et entreprises publiques depuis avril 2018.

Sur la diversité, nous avons annoncé un programme « Égalité 360° », qui est assorti d’un véritable projet de transformation de l’entreprise. On pourra l’entendre dès la prochaine rentrée 2021 sur nos antennes, et il s’inscrit dans le temps long. Nous pensons que nous devons ressembler aux Français pour pouvoir les rassembler. Nous avons défini un index de la diversité à Radio France, qui réunit un ensemble d’indicateurs pour mesurer le suivi de nos engagements sur la parité, le handicap, la diversité des origines, la mise en valeur éditoriale des thèmes de diversité et de lutte contre les discriminations, ainsi que la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, non seulement à l’antenne, mais aussi dans toutes les politiques que nous menons en interne.

Nous menons donc un ensemble d’actions ambitieuses. Nous adhérons déjà au label Diversité, mais nous comptons aller beaucoup plus vite s’agissant tant de ce qui s’entend à l’antenne que de la culture d’entreprise, la politique de ressources humaines, le recrutement et toutes les filières permettant de nous mettre en adéquation avec cet objectif. Cela doit devenir la normalité dans nos entreprises.

Mme Marie-Christine Saragosse. S’il faut ressembler au public français pour le rassembler, France Médias Monde doit ressembler à la population mondiale. S’agissant de diversité des origines, nos équipes rassemblent soixante nationalités et dix-huit langues dans ce que j’appelle la tour de Babel d’Issy-les-Moulineaux.

Il ne faut pas oublier les autres aspects de la diversité : le handicap, les différences sociales et d’âge, et les orientations sexuelles. L’égalité entre hommes et femmes tient une place à part : l’humanité est composée de 52 % de femmes ; quand cette inégalité est vaincue, toutes les formes de discrimination suivent, le plafond de verre est brisé.

Comme Mme Ernotte, je pense que l’indice Pénicaud est très utile. S’il en existait un autre sur la diversité, nous serions très intéressés. Et nous sommes signataires de la charte de la diversité élaborée par le CSA.

M. Julien Ravier. La crise sanitaire affecte le secteur de l’audiovisuel public, elle est aussi une formidable source d’opportunités pour vos métiers. Pourriez-vous indiquer, chacun pour votre média, la principale menace qui pèse sur votre activité, ainsi que la principale opportunité ? Lorsque ces opportunités ou menaces vous sont communes, génèrent-elles des solidarités, et lesquelles ?

Mme Delphine Ernotte Cunci. La principale menace, dans les années qui viennent, serait d’être coupés de notre public et de ne pas faire le lien entre notre rôle d’éditeur de contenus et nos publics. De ce point de vue, les textes en cours de discussion au sein de la Commission européenne sont essentiels, et il faut un mouvement européen – au sens institutionnel et continental – pour faire droit à la visibilité des contenus d’intérêt général, et notamment des contenus de service public.

La principale opportunité, c’est que la crise nous rappelle le besoin de chaque individu de retrouver des visages familiers tous les jours, ce rendez-vous qu’offre la télévision, et le sentiment de faire partir d’une communauté parce que nous regardons la même chose au même moment, et que nous ressentons les mêmes émotions. C’est une opportunité car la télévision a beaucoup renforcé sa puissance pendant la pandémie, mais il ne faut pas oublier que, dans le même temps, Netflix, Disney et Amazon ont énormément crû. Cette embellie passagère ne doit pas masquer la concurrence très importante de ces géants.

Cela induit forcément une très grande solidarité, parce que la question de la puissance des marques est essentielle dans ce monde où Netflix s’est imposé. C’est ce que nous avons fait avec franceinfo, en nous unissant sous un même pavillon. Ces réflexions doivent continuer à nous guider, en France mais aussi en Europe. J’ai pris la présidence de l’Union européenne de radio-télévision (UER) parce que je pense que des alliances sont nécessaires au-delà de l’échelle nationale, et je compte bien m’investir dans cette bataille.

M. Laurent Vallet. La principale menace, c’est la fragmentation des audiences et la multiplication des supports de diffusion : antennes télévision ou radio ; plateformes propriétaires et réseaux sociaux.

L’opportunité est que ce monde en crise – pas uniquement du point de vue sanitaire – a plus que jamais besoin d’ancrage dans le temps long et de recul. La mémoire audiovisuelle et les savoirs que l’INA a la charge de transmettre et d’éditorialiser répondent plus que jamais à un besoin et une attente. Il faut faire en sorte que cette opportunité permette de surmonter cette menace.

M. Bruno Patino. La principale menace pesant sur nos activités, dans le contexte de la révolution numérique et de la fragmentation des usages, est à mes yeux de ne pas être découvert. Pour l’éviter, il ne suffit pas d’être distribué. Je considère, comme Delphine Ernotte, que des stratégies d’alliances sont nécessaires, afin que chacun d’entre nous fasse découvrir aux autres ses contenus, tant les plateformes disposent de moyens technologiques inégalés pour faire découvrir les leurs.

La principale opportunité, en ce qui concerne ARTE, dont le socle repose sur ce qui rapproche les peuples à l’échelle européenne, notamment la musique et la culture, est que la crise nous a permis de nous adresser à tous. Si je puis me permettre de dire les choses de façon un peu directe, il ne nous manque pas grand‑chose. Au cours des années à venir, nous souhaitons passer d’une disponibilité européenne à une logique de réelle présence européenne. Le travail est fait à 70 %.

Mme Sibyle Veil. Pour nous, la gestion de la crise est d’abord un défi humain. Radio France présente la particularité de produire tous ses contenus en interne, dans le cadre de ses chaînes. Notre principal défi, comparable à celui que doit relever RFI, est donc de faire en sorte que nos équipes continuent à remplir leur mission le mieux possible, dans le contexte très compliqué que nous connaissons et connaîtrons pour quelque temps encore. En dépit des difficultés et de la généralisation du travail à distance, nous devons préparer l’avenir. La digitalisation des usages de nos publics s’est accélérée depuis le début de la crise. Il s’agit pour Radio France d’un défi, mais aussi d’une formidable opportunité, car la révolution digitale est aussi la révolution du son. L’écoute des podcasts est en plein boom ; le développement des assistants vocaux offre un nouveau moyen de chercher des informations. L’enjeu, pour nous, est d’occuper ce terrain et d’y investir, et pour ce faire de continuer à innover, afin de résister à la concurrence des acteurs mondiaux du streaming.

Mme Marie-Christine Saragosse. La principale menace, à mes yeux, est le décrochage de la France par rapport aux autres grands pays, qu’ils soient alliés ou non, sur le plan des moyens alloués à l’audiovisuel extérieur. J’ai cité tout à l’heure la BBC World et la Deutsche Welle, qui sont nos amis ; je pourrais aussi citer, aux États-Unis, le World Media Group, qui dispose de sommes astronomiques. D’autres pays, moins amicaux à notre égard, concentrent leurs moyens sur leur action audiovisuelle extérieure, notamment au format numérique. La guerre de l’information et le renforcement du complotisme qui en résultent sur les réseaux sociaux constituent à mes yeux la principale menace à laquelle nous sommes confrontés. Qui ne progresse pas régresse. Or nous sommes en décrochage de moyens par rapport à la concurrence internationale.

La principale opportunité offerte par la crise, pour nous, a été de permettre la prise de conscience absolue de l’importance de notre mission, et du succès que nous rencontrons en la remplissant. Notre bien le plus précieux est la confiance renforcée en nos médias, dans toutes les langues qu’ils utilisent, et dans tous les pays. Il est un peu frustrant de constater que nous touchons des publics, qu’ils nous écoutent et que nous bénéficions de l’image positive de la France dans le monde en matière de liberté et de culture, mais que nous ne pouvons pas satisfaire complètement l’attente que nous suscitons, faute de moyens.

M. Alexandre Freschi. Madame Ernotte, je souhaitais vous interroger sur l’incitation financière accordée à vos équipes éditoriales pour évoquer les questions européennes. Vous avez déjà répondu à cette question, ce dont je vous remercie. Je ne doute pas qu’un tel dispositif aurait permis de faire en sorte que l’élection d’Ursula von der Leyen à la tête de l’Union européenne, au mois de juillet 2019, ne soit pas traitée en quinze secondes.

Madame Sibyle Veil, vous avez manifesté la volonté de promouvoir la musique, notamment la scène française, ce que nous soutenons pleinement. Dans ce cadre, j’appelle votre attention sur le soutien de Radio France à certains artistes, notamment Freeze Corleone, qui a fait l’objet d’articles dithyrambiques sur le site internet de la chaîne Mouv’ du 11 au 14 septembre 2020, avant d’être visé le 17 par une enquête pour provocation à la haine raciale. Sans être un dévot ni un fervent adepte de la cancel culture, j’aimerais savoir comment vous pouvez garantir qu’aucune promotion d’artistes aux propos clairement racistes et antisémites ne soit menée sur vos ondes.

Mme Sibyle Veil. Monsieur le député, votre question me permet de rétablir la vérité des faits, ce qui est aussi notre marque de fabrique. Cette affaire a suscité un emballement des réseaux sociaux autour de ce que l’on peut appeler une fake news. La réalité des faits est la suivante : le site internet de la chaîne Mouv’ a publié en 2019 un unique article au sujet de ce rappeur, invitant à appréhender ses textes avec circonspection. Un an plus tard, cet article a été extrait de son contexte et réutilisé pour alimenter la polémique suscitée par un clip de Freeze Corleone et accuser la radio publique de lui apporter son soutien, ce qui est complètement faux, comme je l’ai indiqué lorsque cette question m’a été posée dans le cadre de mon audition par votre commission sur l’exécution du COM pour 2019.

M. le président Bruno Studer. Monsieur Freschi, je suggère que nous nous en tenions à l’examen des COM. Nous aurons régulièrement l’occasion d’auditionner les présidentes et les présidents des sociétés de l’audiovisuel public pour examiner en profondeur le fonctionnement de leurs entreprises respectives.

Mme Florence Provendier, rapporteure. J’aimerais poser une question et apporter une confirmation. Ma question porte sur le déploiement progressif des matinales conjointes de France Bleu et de France 3. Une fois réalisés les tests grandeur nature, comment envisagez‑vous l’accompagnement des femmes et des hommes concernés par ce rapprochement ? Comment envisagez-vous le pilotage de cette formule lors de son déploiement général – qui pilotera le navire, en somme ? Quant à l’avis positif que j’ai donné sur les COM, il porte sur ce qu’ils sont, mais je confirme qu’il nous incombera de les réexaminer, à l’avenir, sous l’angle de leur efficacité.

Mme Delphine Ernotte Cunci. S’agissant des matinales conjointes, Radio France et France Télévisions ont conclu un contrat écrit détaillant explicitement qui fait quoi et qui paye quoi lors de leur déploiement. Les choses sont assez claires. Un programme de croissance a été établi. Pour aller au-delà, Sibyle Veil et moi-même cherchons à savoir s’il est possible, en faisant travailler les équipes entre elles dans deux régions à titre expérimental, de faire naître d’autres projets de coopération. Il nous semble important – je parle en notre nom à toutes les deux – de commencer par définir des projets éditoriaux, pour en déduire qui fait quoi et avec quels moyens. Dans la régionalisation de nos antennes, c’est bien l’aspect éditorial de notre métier qui nous guide. Nous procéderons par expérimentation, en encourageant les salariés de nos équipes de terrain à expérimenter de nouvelles propositions éditoriales.

Mme Sibyle Veil. France Bleu et France 3 mènent une coopération main dans la main pour assurer le succès de ces matinales, en commençant par une expérimentation. La première matinale a eu lieu sur les ondes de France Bleu azur il y a deux ans, au mois de janvier 2019. Le bilan très favorable de ces expérimentations nous a incités à les généraliser. Leur déploiement est en cours : nous en avons réalisé douze en 2020 et nous en prévoyons douze en 2021. Si, comme nous l’espérons, la crise sanitaire s’est atténuée en 2022, nous irons encore plus vite. L’expérience acquise par les salariés du réseau de France Bleu, qui disposent de l’autonomie éditoriale, associée à l’expertise de France 3, dont les images illustrent ces matinales d’information, permet de proposer une offre qui rencontre un certain succès. Compte tenu des résultats, nous nous sommes donné pour objectif d’accroître notre audience de 1 million de personnes, ce qui démontre qu’il est possible de créer de cette façon une offre qui réussit et trouve son public. Nous avons engagé une démarche similaire en matière d’offre numérique, qui consiste en une expérimentation à l’échelle de deux grands territoires, confiée à un comité de pilotage conjoint réunissant notamment les directeurs de France Bleu et de France 3. Nous progressons de façon pragmatique. Notre meilleur indicateur réside dans les résultats obtenus par les offres communes que nous déployons.

Mme Marie-Christine Saragosse. S’agissant des jeunes, je pensais que Delphine Ernotte parlerait de la fondation que France Télévisions a pris l’initiative de lancer et qui rassemble également l’INA, France Médias Monde et TV5 Monde, mais peut-être pas Radio France, qui a une fondation de son côté pour financer des formations. Je n’ai donc pas parlé de ce sujet tout à l’heure.

Nous nous sommes réunis, malgré la pandémie, pour sélectionner une quarantaine de projets pour des étudiants mais aussi de jeunes handicapés – il y avait un très beau projet concernant les sourds et les malentendants. Je voulais aussi mentionner ce travail : même si cela ne passe pas directement sur nos antennes, tout le service public se mobilise pour soutenir des projets de développement tournant autour du langage et de la communication.

Il faudra peut-être réfléchir à un ajustement compte tenu de la pandémie. Un prochain conseil de la fondation devrait se tenir, me semble-t-il, au printemps.

 

M. le président Bruno Studer. Mesdames et messieurs, je vous remercie des réponses que vous nous avez apportées dans le cadre de cet exercice innovant, sur lequel nous pourrons revenir par la suite.

Une fois que vous vous serez déconnectés, la commission se prononcera sur chaque projet de COM. Nous vous tiendrons rapidement informés du sens de ces votes.

(Les personnalités auditionnées quittent la visioconférence)

Madame la rapporteure, souhaitez-vous rappeler brièvement votre position ?

Mme Florence Provendier, rapporteure. Je salue l’exercice inédit
– presque un galop d’essai – qui a été réalisé. Il a notamment permis de dégager cinq objectifs communs.

Les principales inconnues concernent l’allocation des ressources après 2022 et la vision, l’ambition qui prévaudra pour l’audiovisuel public au-delà des priorités inscrites dans la feuille de route.

J’observe également que les indicateurs retenus ne sont pas exactement les mêmes pour toutes les sociétés, en raison de différences entre les outils de mesure au moment du rapprochement des COM.

Nous pourrons avoir une vision comparative sur certains objectifs prioritaires, mais il est permis de s’interroger sur leur choix. Nous n’avons pas été associés à la démarche : on nous demande notre avis sur des documents conçus sans nous, en amont – c’est une des questions qui peuvent se poser.

Je trouve, néanmoins, qu’un effort significatif a été réalisé par les chaînes pour respecter la contrainte qui leur a été fixée dans le cadre de l’élaboration de ces COM, que je considère comme étant de transition. Je salue une fois encore l’exercice inédit réalisé à cette occasion.

J’émets un avis favorable aux cinq projets de COM, non sans rappeler qu’il serait intéressant de travailler, pour l’après 2022, sur la pertinence de ces outils.

 

La commission émet successivement un avis favorable sur les contrats d’objectifs et de moyens 2020-2022 de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde, d’ARTE-France et de l’INA.

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*     *

 


—  1  —

   Annexe :
Liste des personnes entendues par
lA rapporteurE

(par ordre chronologique)

 

     ARTE-France* – M. Bruno Patino, président, Mme Domitille Desforges, secrétaire générale et M. Frédéric Bereyziat, directeur général délégué en charge des ressources

     Ministère de la culture – Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – MM. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général, Ludovic Berthelot, directeur de projet, Mmes Julie Ghibellini, sous-directrice de l’audiovisuel et Marie de La Taille, cheffe du bureau du secteur de l’audiovisuel public

     Table ronde des syndicats de France Médias Monde (FMM) :

– CFTC – MM. Maximilien de Libera et Soufiane Errami, délégués syndicaux, Mme Fatima Bekkar, membre élue au conseil social et économique

 FO – Mmes Dalila Gomri et Maria Afonso, déléguées syndicales

     Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM)* MM. David El Sayegh, secrétaire général, Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles et Mme Juliette Poiret, chargée de mission à la direction des relations extérieures

     France Médias Monde (FMM) – Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale, M. Victor Rocaries, directeur général, M. Thomas Legrand Hedel, directeur de la communication et des relations institutionnelles et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur des relations institutionnelles

     Syndicat des producteurs et créateurs de programmes audiovisuels (SPECT)* M. Vincent Gisbert, délégué général

     Ministère de l’Action et des Comptes publics – Direction du Budget  8e sous-direction  M. Jean-Marc Oléron, sous-directeur

     France Télévisions* – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale, M. Francis Donnat, secrétaire général

     Radio France*  Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale, M. Xavier Domino, secrétaire général et Mme Marie Message, directrice générale adjointe, en charge des moyens et des organisations

     Table ronde des syndicats de France télévisions :

– SNJ MM. Jean-Manuel Bertrand, délégué syndical et membre du bureau national et Antoine Chuzeville, délégué syndical central, membre du bureau national

– CFDT M. Christophe Pauly, délégué syndical siège

 FO – M. Claude Lauret, délégué syndical central, Mme Marie-Pierre Samitier, déléguée syndicale centrale et M. François Ormain, délégué syndical central

– CGT – MM. Pierre Mouchel, secrétaire général SNRT, délégué syndical central, Marc Chauvelot, délégué syndical central, secrétaire du CSE et Danilo Commodi, délégué syndical central

     Table ronde des syndicats de Radio France :

– CFDT – M. Renaud Dalmar, délégué syndical central

 CGT – M. Lionel Thompson, rédacteur en chef à France Inter

 FO Radio France – MM. Olivier Martocq, délégué syndical central, et Guillaume Baldy, délégué syndical

 SUD – MM. Benoit Gaspard, représentant syndical central et Thierry Chareyre, délégué syndical

 UNSA – M. Philippe Ballet, délégué syndical central

     Institut national de l’audiovisuel (INA) MM. Laurent Vallet, président-directeur général et Mathieu de Seauve, secrétaire général administratif et finances

     Contrôle général, économique et financier  Mme Hélène Crocquevieille, cheffe du Contrôle général

     Table ronde des syndicats de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) :

 CFDT  MM. Christophe Barbier et Stéphane Baron, délégués syndicaux

– FO – MM. Pierre Cortese et Hervé Hubert, délégués syndicaux

 CGT INA – Mme Isabelle Pantic-Guillet, MM. Renaud Huerta et Jean-Marc Pican, délégués syndicaux

     Médiamétrie  M. Yannick Carriou, président-directeur général, M. Julien Rosanvallon, directeur général adjoint à la direction des mesures d’audience et data, et Mme Emmanuelle Le Goff, directrice du département Radio Outremer

     Conseil supérieur de l’audiovisuel MM. Roch-Olivier Maistre, président, Yannick Faure, directeur de cabinet et Guillaume Blanchot, directeur général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

 


([1]) Direction de la réforme budgétaire, Commission des finances de l’Assemblée nationale, Commission des finances du Sénat, Cour des comptes, Comité interministériel d’audit des programmes, La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs, Guide méthodologique pour l’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, juin 2004.

([2])  Cour des comptes, Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme, rapport public thématique, avril 2015 ; France Télévisions : mieux gérer l’entreprise, accélérer les réformes, rapport public thématique, octobre 2016.

([3]) Exception étant faite de France Médias Monde, dont la mission spécifique est reflétée dans l’objectif 7 et l’indicateur 7.1, assis sur les audiences de ses antennes à l’étranger, en français et en langues étrangères.

([4]) CNC, L’exportation des programmes audiovisuels français en 2019, Les études du CNC, septembre 2020.

[5] https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-affaires-culturelles/(block)/44526

[6] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/nouvelle_regulation_communication_audiovisuelle_numerique_rap-info