N° 603

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2022

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
ET À LA DÉCENTRALISATION
 

en conclusion des travaux du groupe de travail sur le suivi de la situation financière des collectivités territoriales et des compensations financières de l’État ([1])

sur le projet de loi de programmation des finances publiques
pour les années 2023 à 2027 (n° 272)

et le projet de loi de finances pour 2023 (première partie) (n° 273)

 

PAR

M. Thomas CAZENAVE et Mme Christine PIRES BEAUNE,

Députés

 


Le groupe de travail est composé de : M. Thomas CAZENAVE, président ; Mme Blandine BROCARD, M. Pierre CORDIER, Mme Stella DUPONT, M. Sébastien JUMEL, M. Andy KERBRAT, M. Philippe LOTTIAUX, M. Paul MOLAC, Mme Christine PIRES BEAUNE, M. Jean-Claude RAUX et M. Frédéric VALLETOUX.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. LE DISPOSITIF DE SUIVI DES DÉPENSES LOCALES ProposÉ DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2023 À 2027

A. LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR 2018 À 2022 A SUBSTITUÉ AU CADRE NON CONTRAIGNANT DE L’odedel UNE LOGIQUE de pilotage des finances locales

1. L’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques locales entre 2018 et 2022

2. L’évolution des concours financiers prévue entre 2018 et 2022

3. Une contractualisation de l’évolution des dépenses de fonctionnement destinée à faire reculer le besoin de financement des collectivités

a. Un dispositif qui a évolué au cours de la navette parlementaire avant d’être substantiellement réécrit en nouvelle lecture

b. Une contractualisation obligatoire pour 321 collectivités

c. L’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement a été globalement respecté pendant mais également après la mise en œuvre des « contrats de Cahors »

B. LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2023-2027

1. Les concours financiers aux collectivités

2. L’objectif de solde et d’évolution des dépenses des administrations publiques locales

3. Les « pactes de confiance » remplacent les « contrats de Cahors »

a. Le suivi de la dépense locale s’opérera par catégories de collectivités territoriales pour les cinq cents plus grandes d’entre elles

b. Une définition des dépenses réelles de fonctionnement qui n’intègre plus le plafonnement des AIS pour les départements

c. La contractualisation s’opèrera a posteriori et ne concernera une collectivité qui dépasse l’objectif de dépenses que si la catégorie à laquelle elle appartient, prise dans son ensemble, dépasse également cet objectif

d. Le dépassement de l’objectif de dépenses fixé par l’accord de retour à la trajectoire ne donnera pas lieu à reprise financière si la catégorie à laquelle appartient la collectivité concernée, prise dans son ensemble, ne dépasse plus l’objectif national

4. Un nouveau dispositif de suivi des dépenses locales réintroduit par amendement en seconde partie du PLF pour 2023

5. Conclusion des rapporteurs sur le « pacte de confiance »

II. LA SUPPRESSION DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES ET SA COMPENSATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LE DROIT EXISTANT

1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises depuis 2021

a. L’assiette de la CVAE

b. Le taux de la CVAE

c. Le paiement et le recouvrement de la CVAE

d. Le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée (PVA)

2. La loi de finances pour 2021 a divisé de moitié la CVAE due par les entreprises…

3. … et a supprimé la part de produit de CVAE affectée aux régions en la remplaçant par une fraction de produit de la TVA

B. LA RÉFORME PROPOSÉE

1. Les entreprises ne paieront plus que la moitié de la CVAE à compter du 1er janvier 2023

2. La CVAE sera intégralement supprimée à partir du 1er janvier 2024

3. Dès 2023, le bloc communal et les départements recevront une fraction de TVA en remplacement du produit de CVAE

a. La CVAE qui aurait dû être versée en 2023 sera intégrée dans la compensation

b. La dynamique de la compensation sera territorialisée pour le bloc communal

c. Le « solde de tout compte » de la CVAE de 2022 qui aurait dû être reversé aux collectivités en 2023 ira abonder le « fonds vert »

d. Le sort du fonds de péréquation de la CVAE, dont l’assiette va disparaître en 2024, reste en suspens

4. Conclusion des rapporteurs sur la suppression de la CVAE et les modalités de sa compensation

III. L’ACCOMPAGNEMENT FINANCIER PAR L’ÉTAT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS UN CONTEXTE D’INFLATION ÉLEVÉE

A. LE DISPOSITIF D’URGENCE INSTITUÉ EN LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 POUR AIDER LES COLLECTIVITÉS DU BLOC COMMUNAL FACE À L’INFLATION

1. Le poids de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement des collectivités : le renchérissement spectaculaire du coût de l’énergie et des produits alimentaires

a. Une inflation qui progresse depuis un an et demi…

b. … et pèse de façon inégale sur les finances des communes et de leurs groupements

2. Un « filet de sécurité » pour les communes et de leurs groupements les plus affectés par la hausse des prix

3. Le « filet de sécurité » a été ajusté au cours de la navette parlementaire mais les conditions d’éligibilité suscitent des interrogations

4. Le décret d’application facilite la demande d’acompte

5. Les demandes d’acomptes, relativement peu nombreuses, ne préjugent pas du montant définitif des dotations qui seront versées en 2023

B. UN NOUVEAU DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS FRAGILISÉES PAR LA HAUSSE DES PRIX DE L’ÉNERGIE EN 2023

1. Les rapporteurs ont déposé des amendements pour reconduire le « filet de sécurité » en 2023

2. Le dispositif retenu par le Gouvernement compensera, pour toutes les catégories de collectivités territoriales, la moitié de l’ « effet de ciseau » entre l’augmentation des dépenses énergétiques et une partie de la croissance des recettes de fonctionnement

3. Conclusion des rapporteurs sur le « filet de sécurité »

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


  1  

   INTRODUCTION

Comme elle l’avait fait à l’automne 2019 à l’occasion de l’examen de l’article 5 du projet de loi de finances pour 2020 – devenu l’article 16 de cette loi de finances – portant sur la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales et le transfert au bloc communal de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a décidé de se saisir pour avis des dispositions du projet de loi de finances pour 2023 relatives à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), compte tenu de l’impact de cette réforme de la fiscalité des entreprises sur le schéma de financement du bloc communal et des départements, et des nombreuses interrogations qu’elle suscite chez les élus locaux.

La délégation ayant installé dès le mois d’août 2022 un groupe de travail ([2]) en charge du suivi de la situation financière des collectivités territoriales et des compensations financières versées par l’État dans le cadre des réformes de la fiscalité locale et des mesures exceptionnelles de soutien, c’est en toute logique qu’elle a confié à ce groupe de travail le soin de procéder à l’évaluation, d’une part, de la réforme portant suppression de la CVAE, d’autre part, des dispositifs de soutien adoptés à l’été 2022 pour protéger les communes et leurs groupements face à la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, et de rendre compte du résultat de ses travaux. Le dépôt du PLF pour 2023 coïncidant avec celui du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, la délégation a également demandé au groupe de travail d’examiner les dispositions de ce projet de loi de programmation qui définissent les modalités d’association des collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des dépenses publiques pour les cinq prochaines années.

Le groupe de travail s’est réuni à sept reprises pour désigner ses rapporteurs, procéder au total à huit auditions et examiner le présent rapport.

Celui-ci comporte trois parties :

La conjoncture internationale est marquée, depuis le début de l’année, par les conséquences économiques de la crise sanitaire et les implications de la guerre en Ukraine qui ont provoqué un renchérissement des produits énergétiques et alimentaires, des perturbations des chaînes d’approvisionnement et une hausse des taux d’intérêt. C’est dans ce contexte d’inflation élevée qu’a été établi le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027. Il prévoit de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2027. Comme la LPFP pour les années 2018 à 2022, il prévoit pour les collectivités territoriales un objectif annuel d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF). Celui-ci n’est pas fixe mais évolutif, fixé chaque année au niveau du taux d’inflation minoré de 0,5 point (article 16). Un suivi de l’objectif des dépenses locales (« pacte de confiance ») est organisé au sein de chaque catégorie de collectivités pour les régions, les départements et pour les communes et intercommunalités dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros, soit environ 500 collectivités (article 23). L’article 13 détermine une trajectoire indicative des concours financiers de l’État.

En première lecture, l’Assemblée nationale a rejeté les articles 13 et 16 et a adopté un amendement de suppression de l’article 23. Elle a ensuite rejeté l’ensemble du texte. Le 2 novembre, le Sénat a adopté le projet de loi de programmation après avoir supprimé l’article 23. Le même jour, la Première ministre a engagé la responsabilité du Gouvernement sur la seconde partie du PLF pour 2023 en retenant un amendement du Gouvernement qui introduit, dans une rédaction légèrement différente, le dispositif de suivi de l’objectif de dépenses locales repoussé par les deux assemblées.

M. Thomas Cazenave, co-rapporteur, considère que le rejet par l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation est regrettable. La France a absolument besoin d’une programmation pluriannuelle de ses finances publiques. Elle définit le cadre de stabilité financière dans lequel s’inscrivent les objectifs du Gouvernement de soutien à la croissance, d’accélération de la transition écologique et d’atteinte du plein emploi. Elle conditionne également notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens. Il est logique et acceptable que les administrations publiques locales puissent participer, comme les administrations centrales et de sécurité sociale, à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et que cette contribution fasse l’objet d’un suivi.

Mme Christine Pires Beaune, co-rapporteure, souligne que les deux chambres du Parlement ont rejeté, sans équivoque, le dispositif proposé par le Gouvernement et contenu notamment à l’article 23 du projet de LPFP. La méthode qui a consisté, sans information préalable et alors qu’elles n’y avaient jamais figuré, à réintégrer ces dispositions dans le PLF pour 2023 constitue un acte de défiance sans précédent vis-à-vis des collectivités territoriales et un mépris de la volonté majoritaire du Parlement, dans sa diversité. Aucun « pacte de confiance » ne peut émerger d’une telle méthode.

L’annonce de la suppression de la CVAE est la traduction de l’engagement pris par le président de la République lors de la campagne présidentielle de 2022 de poursuivre la baisse des impôts qui pèsent sur la production, initiée en 2021 avec la réduction de moitié du taux de CVAE à hauteur de la part affectée à l’échelon régional, l’ajustement du taux de plafonnement de la valeur ajoutée de la contribution économique territoriale (CET) et la diminution de moitié des valeurs locatives des établissements industriels prises en compte dans la détermination de la contribution foncière des entreprises (CFE).

Le 1er juin 2022, le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Bruno Le Maire, a rappelé que la suppression de la CVAE était une priorité du Gouvernement, la baisse des impôts qui alourdissent les coûts de production constituant « un levier de la compétitivité, de l'innovation et de l'investissement dans les technologies nouvelles, et un levier de créations d'emplois ». L’article 5 du PLF pour 2023 prévoit ainsi la suppression, étalée sur deux ans, de la CVAE due par les entreprises redevables et une réduction du taux de plafonnement de la CET.

Concrètement, les entreprises concernées verront leur cotisation réduite de moitié en 2023 – la recette correspondante étant affectée au budget de l’État – et supprimée en totalité en 2024. En compensation de la perte de recettes correspondante (9,3 milliards d’euros), les départements, les communes et les intercommunalités percevront dès 2023 une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) calculée sur la moyenne de la CVAE perçue en 2020, 2021 et 2022, la dynamique de cette fraction de TVA étant affectée dès 2023 à un « fonds national de l’attractivité économique des territoires », selon des modalités restant à définir.

L’annonce par la Première ministre de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur l’ensemble de la première partie du PLF pour 2023 est intervenue mercredi 19 octobre, avant l’examen en séance publique de l’article 5. Le texte retenu par le Gouvernement comprend deux modifications par rapport au texte initial : d’une part, l’inclusion de la CVAE qui aurait été perçue par les collectivités en 2023 dans le calcul de la compensation par une fraction TVA, d’autre part, la nonterritorialisation de la dynamique de la fraction de TVA des départements sous la forme d’une répartition purement proportionnelle, à la demande de l’Assemblée des départements de France (ADF). En outre, l’État reversera aux collectivités la croissance de la CVAE collectée en 2022 qui aurait dû être reversée en 2023 ([3]), de façon à ce qu’elles bénéficient pleinement du rebond économique post-covid constaté en 2021 et sur les premiers mois de 2022. Ce reversement, de 300 à 500 millions d’euros, prendra la forme d’un abondement supplémentaire aux crédits du nouveau fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (« fonds vert ») inscrits dans le présent PLF (1,5 milliard d’euros).

La prise en compte de la CVAE à recevoir sur 2023 – qui se réfère aux acomptes payés par les entreprises en 2022 et au solde de 2021 – en compensation de la baisse de la CVAE perçue au titre des années de crise sanitaire 2020 et 2021, est une demande unanimement formulée par les associations d’élus lors des auditions réalisées par la délégation et le groupe de travail. Pour sa part, l’ADF a soulevé le caractère non pertinent d’une territorialisation de la TVA à la maille départementale.

Si le débat n’a pu avoir lieu en séance publique, les rapporteurs considèrent qu’en retenant les principales demandes des associations d’élus, le dispositif de compensation de la suppression de la CVAE, dans l’état où il se trouve à l’issue de la première lecture, apparaît équitable et va permettre aux départements et au bloc communal de bénéficier en 2023 d’une hausse de ressources au titre de la nouvelle fraction de TVA supérieure de 8 % au produit de CVAE de 2022 et des crédits supplémentaires pour la transition écologique dans les territoires. Les dispositions relatives à la territorialisation de la croissance du produit de TVA du bloc communal, fixées par voie règlementaire, constituent un point de vigilance particulière. Elles doivent faire l’objet d’échanges entre les associations d’élus, le Comité des finances locales, les membres du Parlement et le Gouvernement d’ici la fin de l’année.

Le contexte économique inflationniste ([4]) a des répercussions sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales (éclairage public, chauffage, transports, revalorisation des rémunérations des agents territoriaux, etc.) et affecte négativement les budgets locaux. À l’initiative de la rapporteure, ce constat a conduit le législateur à créer en loi de finances rectificative pour 2022 ([5]) un « filet de sécurité » pour les communes et leurs groupements sous la forme d’une dotation, alimentée par un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État, évalué à 430 millions d’euros, au titre d’un soutien exceptionnel face à la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires et à la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue le 1er juillet 2022. Ce dispositif est semblable, dans son principe, à celui institué en juillet 2020 par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([6]) pour compenser aux communes et à leurs groupements, sous certaines conditions, les pertes fiscales et domaniales liées aux conséquences économiques de la crise sanitaire en 2020 et 2021. Deux autres PSR ont été institués pour 2022, d’une part, au titre d’une compensation aux départements de la revalorisation du revenu de solidarité active (+4 % au 1er juillet 2022) pour un montant évalué à 120 millions d’euros, d’autre part, au titre d’une compensation exceptionnelle aux régions pour la revalorisation des rémunérations versées aux stagiaires de la formation professionnelle pour un montant évalué à 18 millions d’euros ([7]).

Le groupe de travail s’est saisi du projet de décret d’application ([8]) du « filet de sécurité » et a formulé auprès des services de Bercy des remarques qui ont permis d’en corriger, dans la version qui a été transmise pour examen au Comité des finances locales le 5 octobre 2022, certains défauts. Le groupe de travail a également étudié l’opportunité de prolonger ce « filet de sécurité » en 2023, compte tenu de la persistance de fortes tensions sur les prix d’approvisionnement en énergie et plus particulièrement en électricité. Les auditions menées tant par la délégation que par le groupe de travail ont montré qu’il est nécessaire de prévoir la reconduction en 2023 d’un « filet de sécurité » face au renchérissement des prix de l’énergie pour le bloc communal et d’en étendre le bénéfice aux départements et aux régions.

Les rapporteurs et plusieurs membres de la délégation ([9])  ont proposé des amendements pour prolonger en 2023 le « filet de sécurité » de 2022, en le recentrant sur les seules dépenses d’approvisionnement en énergie et en lui apportant les ajustements nécessaires pour en élargir le nombre des bénéficiaires, tout en conservant l’architecture globale originelle du mécanisme.

Deux raisons plaident en faveur du maintien d’une certaine stabilité du dispositif, au moins dans un premier temps. La première est que la qualité du ciblage du dispositif pour 2022 ne sera pas connue tant que les comptes de gestion de l’année ne seront pas arrêtés, c’est-à-dire courant du premier semestre 2023, ce qui suggère de ne pas créer un nouveau dispositif trop différent du premier sans l’avoir évalué. Si nécessaires, des adaptations pourraient être opérées en loi de finances rectificative pour 2023. La seconde raison est que les collectivités territoriales et les élus locaux ont besoin de visibilité par rapport aux dispositifs de soutien que l’État met en place.

Pour la raison déjà mentionnée, l’examen de ces amendements n’a pu avoir lieu en séance publique. Le Gouvernement a cependant retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, l’amendement porté par le groupe Horizons et apparentés ([10]) qui fait reposer la compensation sur une logique différente, basée sur l’ « effet de ciseau », puisque son montant est calculé à partir de la différence entre l’augmentation des dépenses énergétiques et celle des recettes réelles de fonctionnement. Les rapporteurs se félicitent de l’extension du « filet de sécurité » aux départements et aux régions mais considèrent que les critères retenus pour l’éligibilité sont restrictifs et le montant de la dotation pourrait, dans certains cas, s’avérer insuffisant par rapport à l’impact réel de la hausse des dépenses d’énergie sur les budgets locaux. Le dispositif est donc perfectible et le dialogue entre le Gouvernement, le Parlement et les associations d’élus à ce sujet mérite d’être poursuivi.

 

Avant de conclure cette introduction, les rapporteurs souhaitent évoquer deux autres dispositions du PLF pour 2023 importantes pour les finances locales : l’augmentation du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la revalorisation des valeurs locatives cadastrales des impôts fonciers.

 

En raison de la forte inflation actuelle, la question de l’indexation de la DGF – stable en euros courants et à périmètre constant depuis 2017 – sur l’indice des prix à la consommation (IPC), se pose. Pour rappel, la DGF, créée en 1979, était à l’origine indexée sur le montant des recettes nettes de TVA. De 1990 à 2009, elle a été indexée, soit sur l’IPC seul, soit sur l’IPC et tout ou partie de l’évolution du PIB. Depuis 2010, le montant de la DGF est fixé en loi de finances.

Les associations d’élus sont bien entendu favorables à une réindexation de la DGF sur l’IPC et plusieurs amendements ont été déposés sur l’article 12 du PLF pour indexer la DGF ou pour augmenter la DGF à hauteur de l’hypothèse d’inflation retenue dans le PLF pour 2023 (+ 4,2 %), soit environ 1,1 milliard d’euros. Dans un premier temps, le Gouvernement a annoncé une revalorisation de la DGF à hauteur de 210 millions d’euros ([11]) par rapport au projet initial, afin de financer la péréquation verticale du bloc communal – 90 millions d’euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), le même montant pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et 30 millions d’euros pour la dotation d’intercommunalité – portée ensuite à 320 millions d’euros ([12]) (dont 110 millions d’euros supplémentaires pour la DSR), montant qui a été intégré à la DGF dans le texte retenu par le Gouvernement ([13]).

Mme Christine Pires Beaune salue l’effort du gouvernement qui a décidé d’abonder de 320 millions d’euros la DGF pour 2023. Elle considère toutefois que cet effort, rapporté à l’inflation très élevée en 2022 et qui risque malheureusement de le rester en 2023, ne permettra pas à l’ensemble des collectivités du bloc communal de faire face à l’augmentation des charges de fonctionnement. Par ailleurs, cet abondement était indispensable, en dehors même de toute inflation, compte tenu du système à bout de souffle de la DGF. En effet, de plus en plus de communes n’ont plus de DGF, à l’image de la ville de Paris qui en 2023 n’a quasi plus rien. En conséquence, le financement de l’accroissement de l’enveloppe péréquation repose sur un nombre de communes de plus en plus restreint qui de surcroît ne sont pas les plus aisées !

La réalimentation de la DGF pour 2023 est absolument nécessaire mais il s’agit avant tout d’un pis-aller pour un système à bout de souffle. L’augmentation de la DGF doit s’accompagner de la suppression du mécanisme d’écrêtement : tel est le sens de l’amendement déposé par la rapporteure ([14]). Une réflexion globale sur l’évolution de la DGF est plus que jamais nécessaire.

M. Thomas Cazenave salue une augmentation significative de la DGF pour 2023, après une période de baisse entre 2014 et 2017 et de stabilité depuis 2017. Il considère cependant qu’il faut apporter un traitement différencié, pluriel et ciblé à des situations individuelles hétérogènes. Au demeurant, ce point de vue est partagé par la Cour des comptes qui fait le constat de « situations financières locales de plus en plus divergentes » ([15]). Augmenter les crédits de la DGF est une bonne chose mais ne suffit pas à apporter un soutien particulier aux collectivités les plus fragilisées par l’inflation et ne remplace pas des dispositifs de soutien spécifiques. Ainsi, le « bouclier tarifaire » ([16]), reconduit dans le PLF pour 2023, protège 28 000 communes, soit 80 % d’entre elles, les plus petites, en leur permettant de continuer de bénéficier du tarif réglementé de vente d’électricité (TRVe). Le « filet de sécurité » de 2023 viendra protéger les collectivités qui ne bénéficient pas du tarif réglementé et, plus encore, celles qui sont en phase de renégociation de leurs contrats d’approvisionnement en énergie.

La majoration de la DGF permettra à 95 % du bloc communal de bénéficier d’un maintien ou d’une progression des attributions, mais elle a l’inconvénient de ne pas cibler les départements et les régions qui, eux aussi, sont impactés par la hausse des prix de l’énergie, notamment pour l’exercice de la compétence transport. Pour ces raisons, le rapporteur estime qu’il faut plutôt privilégier des dispositifs de soutien spécifiques et ponctuels selon le type de difficultés (économiques, sanitaires, etc.) auquel les collectivités sont confrontées, par exemple par le biais de PSR, en ciblant celles qui sont le plus fragilisées selon des critères objectifs. S’il estime que l’indexation de la DGF n’est pas la bonne réponse à la conjoncture, le rapporteur partage l’avis de la rapporteure sur la nécessité de repenser globalement la DGF.

 

S’agissant des valeurs locatives, une revalorisation automatique de celles‑ci, égale au glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé constaté au mois de novembre, est applicable depuis 2018 ([17]). Les valeurs locatives ont ainsi été revalorisées de 3,4 % pour 2022 et pourraient l’être, compte tenu de l’inflation, de 7 % environ pour 2023.

Plusieurs amendements ont été déposés en commission ([18]) et en séance publique pour plafonner la hausse des valeurs locatives à 3,5 % l’année prochaine.

Les rapporteurs sont opposés à un tel plafonnement qui viendrait priver les collectivités territoriales de plus d’un milliard et demi d’euros de ressources en 2023. Les associations d’élus, interrogées à ce sujet par le groupe de travail, ont fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas un tel plafonnement. Les rapporteurs estiment que les collectivités doivent assumer le pouvoir de taux qu’elles conservent sur leurs impôts fonciers : si elles souhaitent compenser l’effet de la revalorisation des bases sur les impôts payés par les contribuables locaux, elles peuvent tout à fait en diminuer les taux. Les rapporteurs relèvent avec satisfaction que le Gouvernement partage cet avis et n’a retenu aucun de ces amendements dans le texte final de la première partie du PLF pour 2023.


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I.   LE DISPOSITIF DE SUIVI DES DÉPENSES LOCALES ProposÉ DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2023 À 2027

Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) appartiennent à une catégorie de loi expressément visée par la Constitution. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution dispose que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation » et qu’ « elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([19]) a prévu que « la loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par soussecteur des administrations publiques » et « peut comporter des orientations pluriannuelles relatives à l'encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques ». Ces dispositions ont permis la fixation d’un objectif de la dépense des administrations publiques locales (ODEDEL) pour la première fois avec la LPFP pour les années 2014 à 2019 : « Il est institué un objectif d'évolution de la dépense publique locale, exprimé en pourcentage d'évolution annuelle et à périmètre constant » ([20]). Quoiqu’indicatif et portant sur les dépenses dans leur ensemble, l’ODEDEL a été respecté sur la période de programmation 2014-2017, principalement en raison de la baisse massive des dotations de l’État et de son impact sur les dépenses d’investissement.

La LPFP pour les années 2018 à 2022 ([21]) a fixé deux objectifs, l’un portant sur l’évolution sur les dépenses de fonctionnement, l’autre sur la réduction du besoin de financement, et a institué un instrument contractuel de suivi de ces objectifs pour les plus grandes collectivités territoriales (« contrats de Cahors »).

Les rapporteurs ont choisi de comparer les dispositions intéressant les collectivités territoriales contenues dans cette dernière loi de programmation avec celles proposées par le projet de LPFP pour les années 2023 à 2027, en mettant en évidence la logique différente qui sous-tend l’un et l’autre texte mais également les éléments de ressemblance.

Pour les deux lois de programmation, la comparaison porte sur :

– le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales (APUL) : article 13 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 et article 16 du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 ;

– l’évolution des concours financiers de l’État : article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 et article 13 du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 ;

– l’instrument d’encadrement de la dépense locale : article 29 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 et article 23 du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027.

A.   LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR 2018 À 2022 A SUBSTITUÉ AU CADRE NON CONTRAIGNANT DE L’odedel UNE LOGIQUE de pilotage des finances locales

Depuis 1996, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales font l’objet d’un encadrement. Entre 2014 et 2017, ils ont diminué d’environ 11,2 milliards d’euros (– 19%) selon la Cour des comptes ([22]), principalement du fait de la baisse de la DGF. Lors de la Conférence nationale des territoires (CNT) tenue à Cahors le 14 décembre 2017, une démarche de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales a été initiée en vue d’associer celles-ci à la maîtrise des dépenses publiques.

La trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités définie par la LPFP pour les années 2018 à 2022 a marqué une rupture avec la précédente en ce qu’elle a prévu une quasi-stabilité des concours financiers sur la durée du quinquennat (+ 0,8 % de 2018 à 2022) et s’est accompagnée de la suppression de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP). En contrepartie, il a été demandé aux collectivités territoriales de contribuer à la maîtrise des finances publiques à hauteur de 13 milliards d’euros d’économies sur la période de programmation, soit 2,6 milliards d’euros par an. Pour garantir cette trajectoire, une contractualisation a été mise en œuvre entre l’État et les plus grandes collectivités territoriales.

1.   L’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques locales entre 2018 et 2022

L’article 8 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 fait une prévision de réduction des dépenses des APUL en volume à partir de 2020, « en raison du cycle électoral communal qui affecte habituellement leurs dépenses d'investissement » selon le rapport annexé au projet de loi.

taux de croissance des dÉpenses publiques en volume
prÉvus en loi de programmation des finances publiques (2014 À 2022)

(en %)

 

LPFP 2014-2019

LPFP 2018-2022

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Administrations publiques *

1,4

1,1

1,9

1,9

0,6

0,7

0,3

0,2

0,1

dont

administrations publiques centrales

0,4

0,1

0,7

0,4

0,3

0,8

1,2

0,7

0,2

administrations publiques locales

1,2

0,5

1,9

2,0

0,2

0,9

 0,4

 1,6

 0,6

administrations de sécurité sociale

2,3

0,8

2,1

2,3

0,9

0,4

0,1

0,6

0,4

* hors crédits d’impôt.

Source : LPFP pour 2014-2019 et LPFP pour 2018-2022.

Pour les collectivités territoriales, l’article 13 de la loi de programmation fixe deux objectifs nationaux :

– une évolution annuelle des DRF des collectivités territoriales et des groupements à fiscalité propre limitée à 1,2 % en valeur et à périmètre constant sur la période de 2018 à 2022 ;

– une réduction du besoin de financement de ces collectivités de 2,6 milliards d’euros par an, soit 13 milliards d’euros au total sur la même période.

Par rapport à la loi de programmation précédente, la LPFP pour les années 2018 à 2022 s’est appuyé sur un objectif d’évolution des DRF et non plus de la dépense publique locale, de façon à ne pas ne pas contraindre a priori les dépenses d’investissement.

L’objectif d’évolution de DRF, limité à 1,2 % par an, a été fixé par rapport à la tendance des dépenses des collectivités territoriales observée sur les années 2014 à 2016, marquée par une diminution de celles-ci.

Cependant, si l’exécution de la dépense publique locale a été de – 0,2 % en 2014, – 0,3 % en 2015 et – 0,8 % en 2016, ce recul, modéré en apparence, masque une chute des dépenses d’investissement des collectivités territoriales (– 11 % sur ces trois années) résultant, pour une large part, de la baisse des dotations de l’État, et plus marginalement, de la suppression de la réserve parlementaire.

Cet objectif a également été fixé en valeur en tenant compte du très faible niveau d’inflation observé sur ces trois années, soit + 0,5 % en 2014, 0 % en 2015 et + 0,2 % en 2016.

Suite à un amendement sénatorial accepté par le Gouvernement, l’objectif a été fixé à 1,2 % par an déterminé par rapport à une base 100 pour l’année 2017, ce qui signifie que le suivi de l’objectif devait être réalisé pluri-annuellement et non année par année.

2.   L’évolution des concours financiers prévue entre 2018 et 2022

Conformément au programme de stabilité de 2014 à 2017, la précédente loi de programmation avait prévu pour la même période une réduction des concours financiers de l’État de 10,75 milliards d’euros (- 18,9 %) à l’horizon 2017, soit 3,58 milliards d’euros par an.

L’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 a en revanche prévu une légère progression des concours financiers de 0,8 % sur l’ensemble de la programmation, traduisant l’engagement du président de la République de stabiliser en volume les dotations de l’État, en particulier la DGF.

ÉVOLUTION DES CONCOURS FINANCIERS DE L’ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN LOIS DE PROGRAMMATION (2014 À 2022)

(en milliards d’euros)

 

LPFP 2014-2019

LPFP 2018-2022

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

56,87

53,45

49,79

46,12

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Source : LPFP pour 2014-2019 et LPFP pour 2018-2022.

3.   Une contractualisation de l’évolution des dépenses de fonctionnement destinée à faire reculer le besoin de financement des collectivités

En contrepartie de la prévisibilité et de la stabilité des concours financiers de l’État, l’article 29 de la loi de programmation a organisé une contractualisation de l’effort des collectivités territoriales pour la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.

a.   Un dispositif qui a évolué au cours de la navette parlementaire avant d’être substantiellement réécrit en nouvelle lecture

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait :

– une présentation par chaque collectivité ou groupement de ses objectifs d’évolution de DRF et de besoin de financement à l’occasion du débat sur les orientations budgétaires ;

– la conclusion de contrats entre le représentant de l’État et les régions, les départements, ainsi que les communes de plus de 50 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 150 000 habitants (soit 317 collectivités couvrant les deux-tiers des dépenses de fonctionnement au niveau national), afin de déterminer les objectifs de dépenses de fonctionnement et de besoin de financement et les modalités garantissant leur respect ;

– la détermination par la loi d’un mécanisme de correction (réduction des concours financiers ou des ressources fiscales affectées) en cas de constatation d’un écart entre l’exécution des DRF et du besoin de financement, et les objectifs nationaux.

Lors de la navette, un certain nombre d’amendements ont été adoptés avec l’accord du Gouvernement : la déclinaison des deux objectifs par catégorie de collectivités et EPCI, l’exclusion des petites communes du mécanisme de correction, la mise en place d’un volet incitatif sous la forme bonification liée au respect des objectifs, et la possibilité de contractualiser sur une base volontaire pour les collectivités non concernées par le dispositif. En revanche, un amendement sénatorial prévoyant l’exclusion des dépenses des conseils départementaux liées au financement des allocations individuelles de solidarité (AIS) et à l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) a été adopté contre l’avis du Gouvernement.

En nouvelle lecture, le dispositif a été entièrement réécrit pour intégrer la nouvelle rédaction issue des travaux de la mission confiée par le Premier ministre à MM. Alain Richard et Dominique Bur, présentés lors de la CNT du 14 décembre 2017 à Cahors.

b.   Une contractualisation obligatoire pour 321 collectivités

Dans sa rédaction finale, l’article 29 précité a assorti l’objectif annuel de progression des DRF de 1,2 % d’un mécanisme de contractualisation sur trois ans (2018-2020) entre l’État et les 321 plus grandes collectivités, celles dont le budget principal excède 60 millions d’euros (au titre de 2016).

Le Conseil constitutionnel a estimé que l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques justifiait ces mesures d’encadrement et que ce dispositif contractuel « ne portait pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution » ([23]).

Afin de tenir compte des spécificités locales (dynamisme démographique, revenu moyen par habitant et efforts passés de maîtrise des dépenses de fonctionnement), l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement de + 1,2% pouvait faire l’objet d’une modulation et varier entre + 0,75 % et + 1,65 %. En outre, les contrats comprenaient également un objectif non contraignant d’amélioration du besoin de financement et, le cas échéant, une trajectoire indicative d’amélioration de la capacité de désendettement.

Les préfets ont négocié la signature des contrats avant le 30 juin 2018. Ils ont également notifié aux collectivités concernées qui ont refusé de s’engager dans la contractualisation un taux annuel d’évolution des DRF éventuellement modulé.

Les collectivités qui ne respectaient pas leur objectif de dépenses fixé dans le contrat se voyaient appliquer une reprise financière dont le montant était égal à 75 % de l’écart constaté (ou à 100 % de l’écart pour les collectivités qui, entrant dans le champ du dispositif, avaient refusé de signer un contrat). Cette reprise devait être réalisée par un prélèvement sur les douzièmes de fiscalité (ou sur les versements de la fraction de TVA affectée aux régions). Le montant de cette reprise était plafonné à 2 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF) du budget principal de l’année.

TAUX DE SIGNATURE DES « CONTRATS DE CAHORS »
par catÉgorie de collectivitÉs

 

Communes

EPCI

Départements

Régions

Total

Nombre de contrats signés

120

54

45

9

228

Part des collectivités signataires dans le total de collectivités concernées

83 %

87 %

46 %

53 %

71 %

Source : jaune Transferts financiers de l’État aux collectivités 2023.

Au total, 71 % des 321 collectivités et EPCI concernés ont signé un contrat. Les régions et les départements ont été les plus réticences à s’engager volontairement sur leur niveau de dépenses. 92 collectivités non‑signataires se sont vu notifier par arrêté préfectoral une trajectoire d’évolution maximale de leurs dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, 17 collectivités non concernées ont signé volontairement un contrat.

Le taux moyen d’évolution des DRF dans les contrats ressort à 1,25 %, ce qui montre une prise en compte limitée des spécificités locales.

c.   L’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement a été globalement respecté pendant mais également après la mise en œuvre des « contrats de Cahors »

La crise sanitaire a conduit le Gouvernement à mettre en œuvre des mesures exceptionnelles de soutien aux collectivités territoriales et de relance de l’activité dans les territoires. La loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19 ([24]), adoptée en même temps que la première loi de finances rectificative pour 2020 ([25]), a suspendu la mise en œuvre de la reprise financière en cas de dépassement de l’objectif annuel de dépenses au titre de l’exercice 2020 qui était le dernier exercice de la contractualisation triennale.

Les « contrats de Cahors » n’ont donc été actifs qu’en 2018 et 2019.

Au cours de ces deux années, l’investissement public local a progressé respectivement de 5,2 % et 13,7 %, contrairement à la période de mise en œuvre de la CRFP. La baisse de 5,6 % des investissements en 2020 s’explique par les conséquences des confinements sur les projets alors en cours et par le cycle électoral.

Sur la période 2017-2019, les collectivités territoriales ont globalement respecté l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement, celles-ci n’ayant progressé que de 1,6 % pour un objectif cumulé de 2,4 %.

exÉcution de l’objectif
de dÉpenses de fonctionnement en 2018 et 2019

 

2018

2019

Objectif de dépenses de fonctionnement

+ 1,2 %

+ 1,2 %

Ensemble des collectivités territoriales

+ 0,3 %

+ 1,3 %

dont collectivités couvertes par les « contrats de Cahors »

– 0,2 %

+ 0,8 %

Source : jaune Transferts financiers de l’État aux collectivités 2023.

Selon la direction du Budget, la progression des dépenses de fonctionnement des 321 collectivités entrant dans le champ des « contrat de Cahors » a été inférieure de 0,5 point à celle de l’ensemble des collectivités.

Sur les 338 collectivités sous « contrats de Cahors » (y compris les 17 ayant volontairement contracté), 327 ont respecté l’objectif de dépenses de fonctionnement négocié ou notifié en 2018, soit 96,7 %, et 319 en 2019, soit 94,4 %. À l’issue des procédures contradictoires engagées par les préfets sur la base des dépassements constatés, seules 12 collectivités se sont trouvées en situation de dépassement en 2018, donnant lieu à une reprise financière de 25,3 millions d’euros. En 2019, 14 collectivités ont été en dépassement d’objectif, entraînant une reprise financière de 75,8 millions d’euros.

Si l’on étend la période d’évaluation aux années 2020 et 2021 au cours desquelles les « contrats de Cahors » ont été inactifs, on constate que les 321 collectivités ont respecté l’objectif de dépenses de fonctionnement sur l’ensemble de la période 2017-2021.

Écart entre AUGMENTATION CIBLE ET AUGMENTATION EXÉCUTÉE
DES dÉpenses De FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉES PAR LA CONTRACTUALISATION entre 2017 et 2021 *

(en milliards d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

DRF cible

116,5

117,9

119,3

120,7

Évolution DRF cible par rapport à 2017

+ 1,2 %

+ 2,4 %

+ 3,6 %

+ 4,8 %

DRF exécutés

114,9

116

116,6

118,9

Évolution annuelle DRF exécutées

– 0,2 %

+ 0,9 %

+ 0,6 %

+ 1,9 %

Évolution DRF exécutées par rapport à 2017

– 0,2 %

+ 0,8 %

+ 1,3 %

+ 3,3 %

* À périmètre courant et sans retraitement des transferts de compétence.

Source : jaune Transferts financiers de l’État aux collectivités 2023.

La progression des DRF a été plus importante en 2021 (+ 1,9 %) que l’objectif annuel, après une année 2020 marquée par les confinements et la mise en veille ponctuelle de certains services publics locaux. Pour autant, les DRF exécutées en 2021 ne sont supérieurs que de 3,3 % à celles de 2017, pour un objectif de 4,8 %. Par catégorie de collectivités, seuls les EPCI à fiscalité propre ont dépassé (de 0,5 % seulement) l’objectif de progression de DRF sur la période 2017‑2021.

Si les « contrats de Cahors » ont été suspendus en mars 2020, les budgets pour 2020 ont été établis avant cette suspension en intégrant l’objectif contractuel de dépenses.

S’agissant du deuxième objectif contractuel, la réduction du besoin de financement, les objectifs n’ont pas été atteints : malgré la diminution des DRF, le besoin de financement des 321 collectivités concernées a progressé de 4,3 milliards d’euros entre 2017 à 2020 alors que l’objectif était une réduction annuelle du besoin de financement de 2,6 milliards d’euros ([26]). Cela s’explique principalement par l’augmentation des investissements et le recours à l’emprunt pour compenser la baisse de l’épargne brute en 2020.

Le troisième objectif – non contraignant comme le précédent – portant sur une trajectoire de désendettement, ne concernait que les collectivités dépassant un plafond national de référence (12 ans pour les communes et les EPCI, 10 ans pour les départements et 9 ans pour les régions) pour les comptes de 2016, soit 39 des 321 collectivités. Selon la direction du Budget, au terme de l’exercice 2020, 27 collectivités sur les 39 concernées présentaient une capacité de désendettement en amélioration par rapport à 2017 mais 21 restaient au-delà des plafonds, contre 14 en 2019. La capacité de désendettement des 39 collectivités, qui s’était améliorée entre 2017 et 2019, s’est en effet dégradée en 2020.

Si, à l’échelle de l’ensemble des collectivités, l’évolution des dépenses de fonctionnement peut apparaître comme un objectif pilotable dans le cadre d’une programmation pluriannuelle, tel ne semble pas être le cas de la réduction du besoin de financement. Faire de la réduction du besoin de financement un objectif peut constituer un signal négatif pour l’investissement public local alors que celui-ci sera décisif pour réussir la transition écologique et énergétique dans les années à venir.

La règle prudentielle du plafond de désendettement, établie par catégorie de collectivités territoriales, paraît, quant à elle, trop rigide et a l’inconvénient de ne pas tenir compte des caractéristiques propres à l’investissement de chaque collectivité (nature des équipements financés, dépenses de fonctionnement induites, structure de la dette existante, etc.) et des facteurs exogènes (niveau des taux d’intérêt, cycle électoral, etc.) qui peuvent avoir un impact sur la soutenabilité de la dette à long terme. Il apparaît plus pertinent de s’intéresser à la soutenabilité de l’endettement de chaque collectivité plutôt que de plafonner celui-ci de façon uniforme en risquant de susciter un frein injustifié à l’investissement.

B.   LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2023-2027

L’article 3 du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 établit une trajectoire pour les dépenses publiques des trois sous-secteurs des administrations publiques (administrations centrales, administrations locales, administrations de la sécurité sociale). Les modifications de la LOLF intervenues avec l’adoption de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques sont prises en compte, l’orientation pluriannuelle des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (article 13) étant présentée avant l’objectif annuel d’évolution de la dépense locale (article 16([27]). Pour le suivi de cet objectif, le projet de loi prévoit un dispositif qui, à la différence des « contrats de Cahors », fait intervenir une contractualisation a posteriori pour les seules collectivités territoriales qui dépassent l’objectif annuel de dépenses fixé pour la catégorie de collectivités à laquelle elle appartient, lorsque cette catégorie de collectivités prise dans son ensemble dépasse elle-même cet objectif (article 23).

1.   Les concours financiers aux collectivités

L’article 13 du projet de loi évalue pour les années 2023 à 2027 le montant des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales et délimite le périmètre soumis à plafonnement.

Les concours financiers englobent les mêmes composantes que celles énumérées à l’article 16 de la précédente loi de programmation, mais les crédits de paiements de la DSIL « exceptionnelle » de la mission Relations avec les collectivités territoriales en sont toutefois exclus ([28]) (alinéa 5 de l’article). Les restes à payer de 2023 à 2027 sur cette dotation représenteraient environ 574 millions d’euros, compte tenu des CP inscrits en lois de finances initiales pour 2021 (100 millions d’euros) et pour 2022 (276,1 millions d’euros). Ces restes à payer ne seront donc pas compris dans l’enveloppe normée des concours financiers, ce qui est favorable aux collectivités territoriales.

En revanche, à la différence de la précédente loi de programmation, la fraction de TVA transférée aux régions au titre de la suppression de la DGF à compter de 2018 (4,7 milliards d’euros) est intégrée dans l’enveloppe normée des concours financiers. Seul le FCTVA échappe au plafonnement (alinéa 7). L’inclusion de la fraction de TVA des régions, ressource dynamique, dans l’enveloppe normée peut avoir pour conséquence une réduction des autres concours financiers à montant de l’enveloppe inchangé, comme le soulignait déjà le rapporteur général en 2018 ([29]).

MONTANT des concours financiers de l’État
en loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2018 À 2027,
EXÉCUTION pour 2018 À 2021 et prÉvision en LFI pour 2022

(en milliards d’euros)

 

LPFP 2018-2022

PLPFP 2023-2027

 

2018

2019

2020

2021

2022e

2023

2024

2025

2026

2027

Total des concours financiers de l’État aux collectivités

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

53,15

53,31

53,89

54,37

54,57

Exécution

48,26

48,89

50,58

52,10

52,69

-

-

-

-

-

dont FCTVA *

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

6,70

7,00

7,30

7,50

7,40

Exécution

5,52

5,61

5,65

6,00

6,55

-

-

-

-

-

dont TVA des régions **

4,12

4,23

4,36

4,50

4,66

 

Exécution

4,12

4,30

4,43

4,29

4,68

dont autres concours
(enveloppe normée)

38,37

38,14

38,12

38,10

38,10

46,45

46,31

46,59

46,87

47,17

Exécution

38,53

38,94

40,15

41,26

41,51

-

-

-

-

-

* Compte tenu des modalités de versement du FCTVA, l’exécution pour 2021 est une estimation.

** Le projet de LPFP 2023-2027 inclut la TVA transférée aux régions dans les autres concours.

Sources : rapport de l’OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022, LPFP 2018-2022 et projet de LPFP 2023-2027.

Les concours financiers de l’État aux collectivités au sens de l’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ont progressé de 9,2 % sur la période de programmation, au lieu de la quasi-stabilité (+ 0,8 %) prévue initialement.

Hors enveloppe normée, le FCTVA et la TVA des régions ont été particulièrement dynamiques (respectivement + 18,6 % et + 13,6 %). Au sein de l’enveloppe normée, comme rappelé précédemment, la crise sanitaire a conduit le législateur à adopter des mesures massives de soutien qui se sont traduites par la création de PSR, en particulier celui au bénéfice des communes et de leurs groupements pour compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales ([30]) instauré en 2020 et reconduit en 2021 ([31]), et par la majoration de certaines dotations comme la DSIL. Ces mesures exceptionnelles ont contribué au dépassement du plafond fixé par la loi de programmation. On relève cependant que la trajectoire prévue et l’exécution ont commencé à diverger avant la crise sanitaire (0,8 milliard d’euros d’écart en 2019).

 

2.   L’objectif de solde et d’évolution des dépenses des administrations publiques locales

Suite à l’adoption de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, l’objectif annuel de taux de croissance des dépenses publiques en volume des sous-secteurs des administrations publiques est complété, dans le projet de LPFP pour les années 2023 à 2027, par deux objectifs :

 le solde effectif en pourcentage du PIB ([32]) ;

 le montant en valeur de la dépense publique en euros courants.

Ainsi, l’article 3 du projet fixe pour les APUL un objectif de solde effectif positif égal à 0,5 point du PIB et de dépenses en valeur de 326 milliards d’euros en 2027.

TRAJECTOIRE DES FINANCES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES
SUR LA PÉRIODE DE PROGRAMMATION 2022-2027

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde effectif (en % du PIB)

0,0

– 0,1

– 0,1

0,0

0,2

0,5

Dépense publique en valeur
(en milliard d’euros)

295

305

314

322

323

326

Évolution de la dépense publique en volume (en %)

0,1

– 0,6

0,1

0,4

– 1,3

– 1,1

Hypothèse d’évolution de l’IPC retenue par le projet de LPFP

5,4

4,3

3,0

2,1

1,75

1,75

Source : projet de LPFP 2023-2027.

En 2021, les APUL ont présenté un déficit contenu de 0,6 milliard d’euros (moins de 0,1 % du PIB) et leurs dépenses ont atteint 280 milliards d’euros (+ 4,1 % par rapport à 2020 après une baisse de 1,1 % en 2020) ([33]).

Depuis le milieu des années 90, le solde des APUL s’est nettement amélioré et varie entre plus ou moins 0,5 % du PIB en fonction de la conjoncture économique.

ÉVOLUTION DU SOLDE DES APUL (1980-2020)

(en points de PIB)

Source : Insee.

Le déficit des APUL est en fait attribuable aux organismes divers d’administration locale (ODAL) ([34]) puisque, pour leur part, les collectivités locales ont dégagé un excédent de 4,6 milliards d’euros en 2021 (3,1 milliards d’euros en 2020) ([35]). Lors de son audition commune par la délégation et la commission des finances le 9 novembre 2022, la Cour des Comptes a toutefois nuancé la progression de l’excédent des collectivités locales en 2021 par rapport à 2020 en l’expliquant, pour l’essentiel, par les différentes mesures exceptionnelles de soutien de l’État.

Si la contribution des collectivités à la maîtrise des comptes publics est légitime, les rapporteurs relèvent que l’effort induit par la programmation pour les années 2023 à 2027 est important.

En effet, même si cette trajectoire est indicative, elle est construite, selon le rapport annexé au projet de loi de programmation, sur une hypothèse de recul de près d’un point de la part des dépenses totales des APUL dans le PIB sur la période 20232027. Parallèlement, les recettes totales reculeraient de 0,3 point sur la même période, générant une capacité de financement de + 0,5 point de PIB à l’horizon 2027.

Cette trajectoire implique une diminution de l’endettement des APUL (245 milliards d’euros à fin 2021, soit 9,9 % du PIB et 8,7 % de la dette publique totale).

part dans le pib des Dépenses, des recettes et du solde des APUL prÉvue par le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027

(en points de PIB)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dépenses totales

11,2

11,0

10,9

10,8

10,5

10,2

Recettes totales

11,1

10,9

10,8

10,8

10,7

10,7

Solde (au sens de Maastricht)

0,0

– 0,1

– 0,1

0,0

+ 0,2

+ 0,5

Source : rapport annexé au projet de LPFP 2023-2027.

Le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit « un fort ralentissement de l’investissement en 2026 et en 2027 » après un pic en 2025 en raison du cycle électoral.

Cependant, les APUL – collectivités locales et ODAL – devront consentir dans les prochaines années d’importants investissements pour adapter les infrastructures (bâtiments publics, réseaux de mobilités, etc.) à la transition écologique et énergétique. Lors de son audition par la délégation, la présidente de Régions de France, Mme Carole Delga, a souligné les investissements considérables nécessaires sur les dix prochaines années pour remettre à niveau le réseau ferroviaire et le matériel roulant dans les territoires. Les investissements d’IDFM et de la société du Grand Paris vont se poursuivre ce qui pourrait contribuer à une dégradation du solde des ODAL. La trajectoire définie par l’article 3 pour l’ensemble des APUL suppose par conséquent que les collectivités locales dégageront globalement une capacité de financement croissante jusqu’en 2027.

Comme exprimé supra, Mme Christine Pires Beaune considère que la trajectoire d’évolution des finances locales définie par le projet de LPFP est inadaptée à la réalité budgétaire des collectivités, aux besoins de financement des services publics locaux et aux enjeux induits par la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique. D’autant plus que le dispositif de suivi des dépenses proposé par le Gouvernement ne distingue pas les dépenses en fonction de leurs mérites relatifs, ce qui n’est pas incohérent dès lors que l’autonomie des collectivités territoriales est respectée mais puisque le dispositif repose sur un principe inverse, il faut définir ce qui est ou n’est pas de la bonne dépense. À défaut, il s’agit d’une simple mesure de plafonnement comptable. La rapporteure s'associe aux propos du rapporteur concernant l'opportunité d'étudier les freins à l'investissement en 2023 en raison du contexte inflationniste qui pourraient conduire les élus à une prudence excessive.

M. Thomas Cazenave fait observer que la trajectoire programmatique des finances publiques proposée par le Gouvernement pour les cinq prochaines années est volontariste, en lien avec les engagements européens de la France et la nécessité de rétablir nos comptes publics. Elle vise à associer les collectivités à cet effort sans pour autant générer des contraintes directes ou indirectes sur l’investissement public local. Il est important de distinguer dans les dépenses celles qui contribuent à préparer l’avenir – notamment l’investissement dans la transition écologique et énergétique – de celles qui sont moins efficientes. Le rapporteur souligne que les collectivités, notamment les communes et leurs groupements, disposent de moyens pour investir et accumulent, depuis plusieurs années, d’importantes réserves de trésorerie (60,7 milliards d’euros à fin août 2022 contre 53,8 milliards d’euros à fin août 2021 et 43,2 milliards d’euros à fin août 2019 – cf. graphique infra), ce qui, par ailleurs, témoigne de leur bonne santé financière, à date et prises dans leur ensemble. Cette thésaurisation interroge car, au-delà des décalages liés à la crise sanitaire et du recours à l’emprunt afin de tirer parti des taux d’intérêt encore très bas, elle semble refléter une prudence sans doute excessive des élus locaux dans le passage à la décision d’investissement. Il y a là matière à réflexion et une étude portant sur les freins à l’investissement local paraît opportune.

ÉVOLUTION de la trÉsorerie des collectivités territoriales (2009-2021)

(en milliards d’euros)

Source : DGFiP.

3.   Les « pactes de confiance » remplacent les « contrats de Cahors »

L’article 23 décrit les modalités de participation des collectivités territoriales au respect de l’objectif national des dépenses locales (ODEDEL).

a.   Le suivi de la dépense locale s’opérera par catégories de collectivités territoriales pour les cinq cents plus grandes d’entre elles

Les alinéas 1er à 4 (I de l’article) définissent le périmètre des collectivités qui font l’objet d’un suivi national de leurs DRF de 2023 à 2027 ([36]).

Il s’agit :

 des régions, de la collectivité de Corse, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte ;

 des départements et de la métropole de Lyon ;

 des communes, des EPCI à fiscalité propre et des établissements publics territoriaux (EPT) dont les DRF sont supérieures à 40 millions d’euros, et de la ville de Paris.

Par rapport à la précédente loi de programmation des finances publiques, le seuil de DRF à partir duquel une commune ou un groupement à fiscalité propre intègre le dispositif de suivi des dépenses est abaissé de 20 millions d’euros, ce qui aura pour effet d’augmenter le nombre de collectivités concernées de 322 pour les « contrats de Cahors », à environ 500 pour les « pactes de confiance », selon la DGCL.

L’alinéa 4 du projet de loi prévoit également que le seuil précité est apprécié à partir des DRF constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2022. Les budgets annexes demeurent donc exclus pour la détermination du seuil.

En revanche, s’agissant de l’année de référence, le projet de loi diffère de la précédente loi de programmation en ce qu’il tient compte des DRF de 2022, qui ne seront connues qu’à la fin du premier trimestre 2023, alors que le seuil de 60 millions d’euros des « contrats de Cahors » était établi sur l’année 2016, c’est-à-dire l’année précédant leur mise en œuvre, les DRF étant par conséquent déjà connues. Ce choix de retenir l’année 2022 comme année de référence, destiné à éviter les surattachements, créée toutefois de l’incertitude pour les collectivités qui sont « tangentes » par rapport au seuil puisqu’elles ne sauront si elles intègrent ou non le dispositif de suivi des dépenses qu’après la mise en œuvre de celui-ci.

L’alinéa 5 prévoit qu’un objectif d’évolution des DRF pour chaque catégorie de collectivités territoriales et EPCI est fixé annuellement sur le fondement de l’hypothèse des prix à la consommation hors tabac sur laquelle est établi le projet de loi de finances de l’année concernée, minoré de 0,5 point.

ODEDEL PRÉVU PAR LE projet DE
loi de programmation des finances publiques 2023-2027

(en pourcentages)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Hypothèse d’évolution de l’IPC retenue par le projet de LPFP 2023-2027 (a)

4,3

3,0

2,1

1,75

1,75

Taux d’évolution des DRF en valeur fixé par le III de l’article 16 du PLPFP 2023-2027 (b)

3,8

2,5

1,6

1,3

1,3

Taux d’évolution des DRF en volume (a-b)

– 0,5

– 0,5

– 0,5

– 0,5

– 0,5

Source : projet de LPFP 2023-2027 et rapport annexé.

L’objectif peut être révisé en cours d’année si la prévision de prix à la consommation (IPC) est réévaluée de plus de 0,5 point à l’occasion d’une nouvelle loi de finances ou du programme de stabilité transmis à la Commission européenne, et au moins tous les six mois. Le nouvel objectif correspond à la nouvelle prévision d’IPC minorée de 0,5 point.

La révision de l’objectif n’est qu’une faculté ouverte aux ministres chargés des collectivités territoriales et du budget. Une révision trimestrielle plutôt que semestrielle de l’objectif paraît mieux adaptée à la forte volatilité de l’IPC constatée depuis plusieurs mois.

b.   Une définition des dépenses réelles de fonctionnement qui n’intègre plus le plafonnement des AIS pour les départements

Les alinéas 6 à 8 (II de l’article) définissent les DRF qui font l’objet d’un suivi. Il est prévu qu’en cas de modification de périmètre d’une collectivité, les comparaisons sont réalisées sur le périmètre de la collectivité au 1er janvier de l’année concernée.

Ces alinéas sont identiques à ceux du III de l’article 29 de la précédente loi de programmation.

Les rapporteurs relèvent cependant que la précédente loi de programmation prévoyait, pour les départements, un plafonnement de la prise en compte dans les DRF de la part supérieure à 2 % de l’augmentation des dépenses d’allocations individuelles de solidarité (AIS). Une telle mesure de plafonnement n’existe pas dans le présent projet de loi. Les rapporteurs ne sont pas favorables à ce que les AIS – qui représentent 35 % des DRF des départements – ou d’autres dépenses de fonctionnement comme l’approvisionnement en énergie et en électricité, soient exclues de la définition des DRF, car cela n’aurait pas grand sens. Cependant, il ne semble pas illégitime que les dépenses dites « de guichet », comme les AIS ou les dépenses induites par une décision gouvernementale à portée nationale, comme la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, puissent faire l’objet, soit d’un plafonnement, soit d’un retraitement particulier au sein des DRF.

c.   La contractualisation s’opèrera a posteriori et ne concernera une collectivité qui dépasse l’objectif de dépenses que si la catégorie à laquelle elle appartient, prise dans son ensemble, dépasse également cet objectif

Le mécanisme institué par le III de l’article consiste à déterminer, chaque année à partir de 2023, pour chaque catégorie de collectivités territoriales et d’EPCI, la différence, d’une part, entre le niveau des DRF exécuté au niveau national et, d’autre part, l’objectif annuel de DRF fixé pour chacune de ces catégories, cette différence étant appréciée à partir des derniers comptes de gestion disponibles, donc l’année suivant l’exercice considéré (alinéa 9).

Les rapporteurs relèvent que cette rédaction est imprécise puisqu’elle consiste à mesurer la différence entre un « niveau », donc un montant, et un objectif d’évolution fixé en pourcentage, selon la rédaction retenue pour l’alinéa 5.

Si l’objectif annuel de DRF d’une catégorie est dépassé, les collectivités de cette catégorie pour lesquelles un dépassement est individuellement constaté sont exclues, dans les conditions fixées par un décret, de l’octroi de certaines dotations d’investissement de l’État (alinéa 10) :

 la dotation politique de la ville (DPV) ;

 la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ;

 la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) ;

 les crédits du nouveau fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (« fonds vert ») inscrits dans le présent projet de loi de finances.

Les rapporteurs font observer que la précédente loi de programmation ne prévoyait pas une interdiction d’accès aux dotations d’investissement de l’État. La sanction du non-respect des « contrats de Cahors » était la reprise financière, partielle ou non, du dépassement (voir infra). Au contraire, le VII de l’article 29 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 permettait, dans une logique incitative, au représentant de l’État de majorer le taux de subvention de la DSIL des communes et EPCI respectant la trajectoire contractuelle, quand bien même cette faculté n’a été que très rarement mise en œuvre ([37]).

Les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité d’un tel mécanisme. Par exemple, dans le cas de la DPV, la répartition départementale et l’éligibilité reposent sur un indice synthétique de fragilité (potentiel fiscal par habitant, proportion de bénéficiaires d’aides au logement, revenu moyen par habitant) et sur des critères cumulatifs propres aux communes urbanisées (éligibilité à la DSU, périmètre ANRU, population vivant en quartiers prioritaires de la politique de la ville), ce qui confère à la DPV une forte intensité péréquatrice. L’exclusion d’accès à la DPV est susceptible de pénaliser les projets de ville, ce qui est contre-productif et va à l’encontre de l’objectif de rétablissement de la trajectoire.

La DETR et la dotation « biodiversité » ne figurent logiquement pas au nombre des dotations susceptibles de faire l’objet d’une exclusion d’octroi, les communes rurales et EPCI ruraux n’étant pas concernés par le dispositif de suivi.

L’alinéa 11 précise toutefois qu’il n’y a pas d’exclusion d’octroi si, au niveau national, l’évolution des DRF de chacune des catégories de collectivités territoriales et d’EPCI est restée inférieure à celle de l’IPC effectivement constaté sur l’exercice, minoré de 0,5 point.

Le même alinéa prévoit que lorsque l’exclusion d’octroi s’applique, c’est-à-dire lorsqu’au moins une catégorie est en dépassement de son objectif, un accord de retour à la trajectoire est conclu à l’issue d’un dialogue entre le représentant de l’État et les seules collectivités et EPCI concernée par cette exclusion (alinéa 12).

Il n’apparaît pas logique de lier l’accord de retour à la trajectoire à l’exclusion d’octroi de dotations plutôt qu’au dépassement de l’objectif : en effet, les régions ne sont pas éligibles aux dotations précitées ; par conséquent, un dépassement de l’objectif par une région ne donnerait pas lieu à un accord de retour à la trajectoire. Il s’agit là d’un défaut rédactionnel.

Les alinéas 13 à 19 définissent le contenu de l’accord de retour à la trajectoire. Comme les « contrats de Cahors », il comprend :

 un objectif annuel d’évolution des DRF déterminé sur la base de l’objectif annuel de dépenses fixé pour la catégorie à laquelle appartient la collectivité concernée ;

 un objectif d’amélioration du besoin de financement ;

 un objectif d’amélioration de la durée de désendettement, lorsque celle-ci dépasse neuf ans pour les régions, la collectivité de Corse, les collectivités territoriales de Guyane et le département de Mayotte, dix ans pour les départements et la métropole de Lyon, douze ans pour les communes, les EPCI à fiscalité, les EPT et la ville de Paris.

Les associations d’élus locaux consultées par le groupe de travail ont été réservées sur le critère de durée de désendettement et les seuils retenus. M. Pierre Breteau, président de la commission finances de l’AMF, souligne que la durée de désendettement est liée à la nature de l’équipement financé par l’emprunt et à sa durée d’amortissement, et non à l’appartenance à telle ou telle catégorie de collectivités : « se désendetter sur sept ans après avoir financé un réseau de transport par l’emprunt n’a pas de sens ».

L’objectif annuel d’évolution des DRF de l’accord de retour à la trajectoire peut être modulé à la hausse ou à la baisse en tenant compte des trois mêmes critères que ceux retenus pour les « contrats de Cahors » (alinéas 21 à 24) : évolution de la population de la collectivité concernée sur les cinq années précédant la mise en œuvre de la loi de programmation, revenu moyen par habitant et évolution des DRF sur les trois dernières années connues. Un critère alternatif à celui du revenu moyen par habitant est introduit par le présent projet de loi pour les communes et les EPCI : il s’agit de la proportion de population résidant dans les quartiers prioritaires de la ville. À l’instar des « contrats de Cahors », une modulation maximale de plus ou moins 0,15 % est permise pour chacun des trois critères, soit une variation maximale de plus ou moins 0,45 % par rapport à l’objectif.

Les associations d’élus locaux considèrent cette modulation insuffisante eu égard aux situations différentes, individuelles et par catégorie, des collectivités participant au mécanisme de suivi.

L’alinéa 20 prévoit que l’accord de retour à la trajectoire est conclu avant le 1er octobre de l’exercice suivant le dépassement constaté des DRF pour une durée courant jusqu’à la fin de l’exercice 2027.

d.   Le dépassement de l’objectif de dépenses fixé par l’accord de retour à la trajectoire ne donnera pas lieu à reprise financière si la catégorie à laquelle appartient la collectivité concernée, prise dans son ensemble, ne dépasse plus l’objectif national

Chaque année de mise en œuvre de l’accord de retour à la trajectoire, la différence entre le niveau des DRF exécuté par la collectivité concernée et l’objectif annuel de dépenses fixé dans l’accord de retour à la trajectoire est calculée (alinéa 25).

Si l’objectif contractuel est dépassé, une reprise financière est appliquée sur le dépassement, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les « contrats de Cahors », soit 75 % du dépassement à concurrence de 2 % des recettes réelles de fonctionnement (alinéa 26).

L’alinéa 27 renvoie à un décret la définition des éléments qui, pouvant affecter la comparaison entre exercice, notamment les changements de périmètre, les transferts de charge et les événements exceptionnels, sont pris en compte dans le suivi du respect de la trajectoire contractuelle.

Les auditions menées par le groupe de travail ont montré que ce point est crucial pour les associations d’élus, en particulier s’agissant des intercommunalités en forte croissance dont les DRF progressent en même temps que leur périmètre évolue et que leurs recettes augmentent, comme le souligne M. Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France. M. Michel Klopfer pointe les difficultés qu’ont rencontrées certaines communes et leurs groupements qui ont mutualisé leurs services, citant le cas d’Agen, dont l’EPCI a eu une forte croissance de ses DRF du fait de la mutualisation. Les rapporteurs seront donc attentifs à ce que la rédaction du décret facilite le dialogue avec le représentant de l’État sur les questions de périmètre et de transferts de charges entre collectivités.

Les alinéas 28 et 29 précisent les modalités de la procédure contradictoire aboutissant à la reprise financière.

L’alinéa 30 prévoit que la reprise financière ne s’applique pas si, pour l’exercice considéré, « les collectivités territoriales de la catégorie » à laquelle appartient la collectivité concernée ont respecté « le niveau maximal des DRF prévu au I. du présent article ».

Les rapporteurs considèrent que cet alinéa comporte une imprécision rédactionnelle. Dans cette rédaction, il suffit qu’une seule collectivité de la catégorie ne respecte pas l’objectif de DRF de la catégorie pour que la reprise financière soit opérée, ce qui rompt avec la solidarité intra-catégorielle voulue par le projet de loi. Les rapporteurs proposent de préciser que la reprise financière ne s’applique pas si « les DRF » des collectivités territoriales ou d’établissements publics de coopération intercommunale à laquelle appartient la collectivité concernée ont respecté l’objectif annuel d’évolution des DRF.

Les alinéas 31 à 33 règlent le cas des collectivités territoriales et EPCI qui, bien que privés d’accès aux dotations, n’ont pas signé d’accord de retour à la trajectoire. Les mêmes dispositions que celles prévues dans la précédente loi de programmation s’appliquent : d’une part, l’objectif annuel de dépenses est fixé unilatéralement par le représentant de l’État au lieu de faire l’objet d’un dialogue. D’autre part, la reprise financière en cas de dépassement de cet objectif est portée à 100 % du dépassement dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement.

Enfin, l’alinéa 34 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er septembre 2027 ; un rapport sur le bilan et l’application du présent article. Un rapport intermédiaire est remis au Parlement au plus tard le 1er septembre 2025.

4.   Un nouveau dispositif de suivi des dépenses locales réintroduit par amendement en seconde partie du PLF pour 2023

Suite au rejet en première lecture du projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 par l’Assemblée nationale et à son adoption par le Sénat après suppression de l’article 23, le Gouvernement a réintroduit le dispositif du « pacte confiance » en seconde partie du PLF pour 2023 par le biais d’un amendement ([38]) qu’il a retenu dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l’article 49-3 de la Constitution.

La principale différence avec le dispositif originel est la suppression des dispositions excluant l’accès aux dotations d’investissement de l’État pour les collectivités ne respectant l’objectif de dépenses. Les rapporteurs se félicitent de cette évolution.

5.   Conclusion des rapporteurs sur le « pacte de confiance »

Mme Christine Pires Beaune rappelle que le Parlement a clairement exprimé son opposition au dispositif proposé par le Gouvernement, qui ne peut être adopté que par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Il ressort du bilan des « contrats de Cahors » qu’aucune plus-value évidente ne peut être retirée d’un tel dispositif sur la maîtrise des dépenses publiques locales, et ce d’autant plus que le solde des collectivités locales hors organismes divers d’administration locale (ODAL) était excédentaire en 2021.

À cet égard, ce dispositif semble vouloir s’attaquer à un problème qui n’existe pas : des collectivités dont les dépenses excessives génèreraient des déficits insoutenables. À l’inverse, le Gouvernement, malgré le niveau du déficit public national et la crise énergétique semble vouloir réduire toujours plus les recettes de l’État, ce qui aux yeux de la rapporteure constitue une faute majeure, compte tenu notamment des investissements indispensables dont certains ne peuvent être retardés si nous voulons relever les enjeux climatique et énergétique : production d’énergies décarbonnées, développement des transports du quotidien, rénovation thermique des bâtiments publics, protection des zones naturelles et de la ressource en eau, etc.

La trajectoire retenue, inférieure à l’inflation prévisionnelle, impose de fait aux collectivités de réaliser des économies alors même que le besoin de service public local est toujours plus fort, pour préparer l’adaptation au changement climatique et la transition énergétique, pour compenser le recul constant de l’État et pour accompagner les évolutions démographiques de notre pays. Les mérites relatifs de ces dépenses ne sont pas évalués induisant une approche purement comptable qui rappelle la revue générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 dont les effets ont été dévastateurs sur l’organisation et la cohérence entre missions et moyens de certaines administrations (Police nationale, Éducation nationale).

M. Thomas Cazenave rappelle que les dépenses des collectivités locales ont augmenté plus vite que le PIB et que celles des autres administrations sur les deux dernières décennies, « essentiellement en raison du dynamisme des charges de fonctionnement » ([39]). En face, elles ont vu leurs ressources progressées régulièrement grâce au dynamisme de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée, grâce au recours à l’emprunt et surtout, grâce à la hausse – sauf entre 2014 et 2017 – des transferts financiers de l’État (105,8 milliards d’euros en 2021, 107,3 milliards d’euros dans le PLF pour 2023, soit 44 % de leurs ressources), leur permettant de dégager un solde le plus souvent positif voire très positif comme en 2021, avec les mesures exceptionnelles de soutien de l’État. L’existence d’un solde positif en 2021 ne doit donc pas servir de prétexte pour s’affranchir du suivi de la dépense locale.

La philosophie des « pactes de confiance » est différente de celle des « contrats de Cahors » puisque la contractualisation n’intervient qu’a posteriori, en cas de dépassement de l’objectif national de dépenses par l’ensemble de la catégorie à laquelle appartient la collectivité concernée. Le rapporteur reconnaît qu’il n’existe pas de dispositif de suivi « parfait » des finances locales, du fait de la grande hétérogénéité des collectivités au sein d’une même catégorie. Le dispositif pourrait être amélioré en élargissant les possibilités de modulation de l’objectif fixé dans l’accord de retour à la trajectoire ou en mettant en place un ou des bonus – et non seulement un malus avec la reprise financière – pour inciter les collectivités à respecter l’objectif.


II.   LA SUPPRESSION DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES ET SA COMPENSATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L’article 5 du PLF pour 2023 prévoit la suppression, sur deux années, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) actuellement perçue par le bloc communal et les départements.

A.   LE DROIT EXISTANT

La suppression de la CVAE s’inscrit dans la réforme de baisse des impôts de production engagée en loi de finances pour 2021, qui a conduit à la suppression de la part affectée aux régions, soit 50 % et, corrélativement, pour les entreprises redevables, à la division par deux de la CVAE (15 milliards d’euros en 2020, 7,5 milliards d’euros en 2021 pour les entreprises, 19,5 milliards d’euros en 2020, 9,6 milliards d’euros en 2021 pour les collectivités, compte tenu des dégrèvements pris en charge par l’État).

1.   La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises depuis 2021

La CVAE est un impôt local institué par la loi de finances pour 2010 ([40]). Elle est définie aux articles 1586 ter et suivants du code général des impôts (CGI). Avec la cotisation foncière des entreprises (CFE), créée par la même loi, elle forme la contribution économique territoriale (CET) définie à l’article 1447‑0 du CGI, qui s’est substituée à la taxe professionnelle au 1er janvier 2010.

Sont redevables de la CVAE l’ensemble des entreprises, personnes physiques ou morales, exerçant une activité au 1er janvier de l’année d’imposition, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros hors taxes sur la période de référence (exercice clos de douze mois).

a.   L’assiette de la CVAE

L’assiette de la CVAE, définie à l’article 1586 sexies du CGI, consiste en la valeur ajoutée produite par une entreprise redevable. Il s’agit de la valeur ajoutée fiscale qui se distingue de la valeur ajoutée comptable tant s’agissant des produits retenus en sus (production immobilisée, subventions d’exploitation, etc.) que des charges exclues (abandons de créances à caractère financier, dotations aux amortissements pour dépréciation des biens donnés à bail plus de six mois ou en crédit-bail, etc.), notamment afin de neutraliser certains transferts intra-groupes.

Cette valeur ajoutée fait l’objet d’un plafonnement en fonction du chiffre d’affaires, prévu au 7 du I du même article.

PLAFONNEMENT DE LA VALEUR AJOUTÉE par rapport au CHIFFRE D’AFFAIRES

Chiffre d’affaires

Plafonnement de la valeur ajoutée
(en % du chiffre d’affaires)

Inférieur ou égal à 7,6 millions d’euros

80 %

Supérieur à 7,6 millions d’euros

85 %

Source : article 1586 sexies du CGI.

En application des dispositions de l’article 1586 nonies du CGI, les exonérations applicables à la CFE sont également susceptibles de s’appliquer à la CVAE. S’agissant d'exonérations facultatives, la valeur ajoutée des établissements exonérés de CFE en application de la délibération d’une commune ou d’un EPCI est, à la demande de l’entreprise, exonérée de CVAE pour sa fraction taxée au profit de la commune ou de l’EPCI. Les départements peuvent délibérer pour prévoir la même exonération sur leur part de CVAE, indépendamment de la décision prise par la commune ou l’EPCI.

b.   Le taux de la CVAE

La CVAE est calculée par application d’un taux fixe, dit théorique, sur la valeur ajoutée. Ce taux théorique est fixé depuis le 1er janvier 2021 à 0,75 % ([41]), mais les entreprises acquittent en réalité un montant de CVAE déterminé à partir d’un barème progressif fonction de leur chiffre d’affaires. Il en résulte un taux effectif d’imposition.

BARÈME DU TAUX EFFECTIF DE CVAE

(en euros hors taxes et en pourcentage)

Chiffre d’affaires hors taxe

Taux effectif d’imposition

CA < 500 000

0 %

500 000 ≤ CA ≤ 3 000 000

0,25 % × (CA – 500 000) / 2 500 000

3 000 000 < CA ≤ 10 000 000

0,25 % + 0,45 % × (CA – 3 000 000) / 7 000 000

10 000 000 < CA ≤ 50 000 000

0,7 % + 0,05 % × (CA – 10 000 000) / 40 000 000

CA > 50 000 000

0,75 %

Source : article 1586 quater du CGI.

Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros et inférieur à 500 000 euros sont juridiquement assujetties à la CVAE mais le montant dû est nul. Celles dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’euros acquittent une CVAE calculée à partir d’un taux effectif égal au taux théorique de 0,75 %. Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros sont redevables d’un montant minimum de CVAE de 125 euros (article 1586 septies du CGI).

Pour la détermination du taux effectif, le chiffre d’affaires des entreprises appartenant à un groupe est consolidé au niveau du groupe. Le barème est appliqué sur la somme des chiffres d’affaires des entreprises du groupe qui satisfont aux conditions de détention du régime de l’intégration fiscale (au moins 95 % du capital détenu par l’entreprise mère du groupe). Cette consolidation n’est cependant pas mise en œuvre lorsque la somme des chiffres d’affaires est inférieure à 7,63 millions d’euros ([42]).

Le produit de CVAE, qui repose sur le taux théorique, est donc supérieur au montant total acquitté par les entreprises, qui repose sur le taux effectif. Mais la différence entre le montant qui résulte du taux théorique et le montant qui résulte du taux effectif lié au barème fait l’objet d’un dégrèvement pris en charge par l’État (dégrèvement « barémique »). L’application du taux effectif lié au barème n’a donc pas d’effet sur le produit perçu par les collectivités territoriales.

ÉVOLUTION DU DÉGRÈVEMENT BARÉMIQUE de cvae accordÉ PAR L’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

CVAE dégrèvement barémique

4 033

4 192

4 352

4 881

4 501

2 247

Source : rapport de l’OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022.

Les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros bénéficient d’un dégrèvement complémentaire de 500 euros (article 1586 quater du CGI).

c.   Le paiement et le recouvrement de la CVAE

La CVAE est due par les entreprises exerçant leur activité au 1er janvier de l’année d’imposition. Celles-ci doivent déposer une déclaration de valeur ajoutée au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année suivant celle au titre de laquelle la CVAE est due ou, en cas de cession ou cessation d’entreprise, de décès ou d’ouverture d’une procédure collective, dans les 60 jours qui suivent l’événement (article 1586 octies du CGI).

Aux termes de l’article 1679 septies du CGI, le paiement de la CVAE due au titre d’une année N fait l’objet la même année N du versement de deux acomptes correspondant chacun à la moitié de la CVAE due au titre de cette année N, à verser au plus tard les 15 juin et 15 septembre.

Les acomptes sont assis sur la dernière valeur ajoutée connue, c’est-à-dire sur la valeur ajoutée déclarée au titre de l’année N-1. Ainsi, à taux constant, chaque acompte est égal à la moitié de la CVAE payée l’année précédente. Les entreprises peuvent néanmoins moduler, sous leur responsabilité, le montant des acomptes si elles anticipent une diminution du montant final de leur CVAE.

Les entreprises dont la CVAE due au titre de l’année précédente n’excède pas 1 500 euros sont dispensées du paiement des acomptes.

La liquidation définitive et la régularisation du solde interviennent en même temps que la déclaration, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année N+1.

Les acomptes versés en 2022 représentent 7,5 milliards d’euros, soit 90 % de la CVAE payée par les entreprises pour le millésime 2022 ([43]). Ils proviennent de 160 000 entreprises, représentant 30 % des redevables à la CVAE.

d.   Le plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée (PVA)

La CET fait l’objet d’un plafonnement, dont l’objectif est d’éviter que le montant global des deux impositions qui la compose, la CVAE et la CFE, pèse excessivement sur les entreprises, notamment celles à faible valeur ajoutée mais exploitant un parc immobilier à forte valeur locative.

Ce plafonnement, défini à l’article 1647 B sexies du CGI, limite à 2 % de la valeur ajouté fiscale le montant de la CFE et de la CVAE dues, après prise en compte des réductions et dégrèvements éventuels, et s’impute sur la CFE. Le PVA prend la forme d’un dégrèvement, accordé sur demande du redevable avant le 31 décembre de l’année qui suit la mise en recouvrement de la CFE, correspondant à la différence entre, d’une part, la somme de CFE et de CVAE dues et, d’autre part, 2 % de la valeur ajoutée fiscale. Le plafonnement ne peut avoir pour effet de ramener la CET à un montant inférieur à la cotisation minimale de CFE prévue à l’article 1647 D du CGI.

ÉVOLUTION DU DÉGRÈVEMENT rÉsultant DU PLAFONNEMENT
de la cet EN FONCTION DE LA VALEUR AJOUTÉE

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

CET plafonnement de la VA

1 171

1 024

1 194

1 111

1 175

1 466

Source : rapport de l’OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022.

L’augmentation de 25 % des montants dégrevés en 2021 au titre du plafonnement de la CET s’explique par l’abaissement du taux du plafonnement de 3 à 2 % de la valeur ajoutée dans le cadre de la réforme des impôts de production votée en loi de finances pour 2021.

2.   La loi de finances pour 2021 a divisé de moitié la CVAE due par les entreprises…

Adopté dans le cadre du volet compétitivité du Plan de relance, l’article 8 de la loi de finances pour 2021 a prévu une baisse de la CVAE à hauteur de la part affectée aux régions, soit 50 %, et un ajustement du taux du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée de façon à ne pas neutraliser la réduction de moitié de la CVAE pour les entreprises déjà plafonnées du fait d’une CFE élevée.

Concrètement, cette réforme s’est traduite par une division par deux des taux et des seuils prévus aux articles 1586 ter et quater du CGI :

– l’abaissement du taux théorique de 1,5 % à 0,75 % ;

– la division par deux du barème du taux effectif ;

– l’abaissement de 1 000 à 500 euros du dégrèvement complémentaire ;

– l’abaissement de 250 à 125 euros de la CVAE minimale ;

– l’abaissement de 3 000 à 1 500 euros du seuil d’assujettissement aux acomptes ;

– enfin, l’abaissement du taux du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée de 3 % à 2 %.

En revanche, le taux de la taxe additionnelle à la CVAE double de 1,73 % à 3,46 %, de façon à maintenir les ressources des chambres consulaires (CCI).

3.   … et a supprimé la part de produit de CVAE affectée aux régions en la remplaçant par une fraction de produit de la TVA

L’article 8 précité a opéré une nouvelle répartition du produit de la CVAE entre collectivités territoriales.

CLÉ DE RÉPARTITION DU PRODUIT NATIONAL DE CVAE

 

Bloc communal

Départements

Régions

Avant le 1er janvier 2021

26,5 %

23,5 %

50 %

Après le 1er janvier 2021

53 %

47 %

0 %

Source : articles 1379, 1379-0 bis et 1586 du CGI.

Les régions, qui bénéficiaient depuis 2017 d’une part additionnelle égale à 25 % du produit de CVAE provenant des départements, en conséquence des transferts de compétences (transports) opérées par la loi NOTRe ([44]), ne perçoivent plus la CVAE depuis 2021.

Le tableau ci-dessous récapitule l’évolution de la répartition du produit de la CVAE entre catégories de collectivités territoriales.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DU PRODUIT DE CVAE
ENTRE CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (2017-2021)

(en millions d’euros)

 

2017

2018

2019

2020

2021

Bloc communal

4 787

4 826

5 657

5 847

5 785

dont communes

140

126

624

654

650

dont intercommunalité)

4 647

4 701

5 033

5 193

5 135

Départements

3 987

4 008

3 776

3 867

3 823

Régions et CTU

8 807

8 890

9 492

9 776

32

Total collectivités

17 581

17 725

18 925

19 490

9 639

Source : rapport de l’OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022.

Au sein du bloc communal, le produit est affecté à l’EPCI si celui‑ci est à fiscalité professionnelle unique. Il est réparti entre les communes et l’EPCI si celui‑ci est à fiscalité additionnelle. ([45])

Les régions ont bénéficié en 2021 d’une fraction de TVA égale au produit de CVAE qu’elles avaient perçu en 2020, majoré ou minoré des attributions ou prélèvements au titre du fonds de péréquation des ressources régionales prévu à l’article L. 4332-9 du CGCT, soit 9,8 milliards d’euros. À compter de 2022, cette fraction de TVA est complétée par sa propre dynamique.

Hors suppression de la part régionale, le produit national de CVAE a baissé de 1,2 % en 2021 à 9,6 milliards d’euros (dont 7,4 milliards d’euros payés par les entreprises et 2,2 milliards d’euros payés par l’État au titre du dégrèvement barémique). Pour 2022, le montant de CVAE à répartir entre le bloc communal et les départements serait de 9,32 milliards d’euros. ([46])

La répartition du produit de la CVAE entre les collectivités d’une même catégorie est territorialisée selon le lieu d’implantation des établissements de l’entreprise redevable. Les entreprises monoétablissements sont imposées dans leur commune d’implantation, c’est-à-dire celle où le redevable possède ses locaux et emploie ses salariés pendant plus de trois mois. Les entreprises multi-établissements sont imposées dans chacune des communes d’implantation, selon une clé de répartition spécifique : pour un tiers en fonction de la valeur locative foncière des immobilisations et pour deux-tiers en fonction de l’effectif employé (III de l’article 1586 octies du CGI). Cette clé de répartition s’explique par l’absence d’appréciation comptable de la valeur ajoutée au niveau local pour une même entreprise.

La CVAE due au titre de l’année N est reversée par l’État aux collectivités en année N+1, puisqu’il faut que les entreprises redevables aient régularisé le solde de CVAE pour laquelle elles ont versé les acomptes l’année précédente.

Ce décalage entraîne généralement un effet de trésorerie positif pour l’État dans la mesure où, en période de croissance de l’économie, les acomptes de CVAE sont en hausse d’une année sur l’autre, alors que les reversements aux collectivités correspondent aux encaissements de l’année précédente.

Ces reversements sont opérés via le compte de concours financiers Avances aux collectivités territoriales selon un principe de caisse, c’est-à-dire que l’État verse aux collectivités en année N les impositions perçues en année N-1 :

– les acomptes payés en N‑1, calculés sur la valeur ajoutée de l’année N‑2 ;

– le solde de la CVAE due au titre de l’année N‑2, calculé sur la valeur ajoutée de l’année N‑2 ;

– les impositions et paiements tardifs de CVAE acquittés en année N‑1 dus au titre des années précédentes.

L’État verse également en année N le montant du dégrèvement barémique lié à la CVAE due au titre de l’année N‑2. En effet, le montant du dégrèvement barémique n’est connu qu’au moment du solde ; il est donc reversé aux collectivités en même temps que ce dernier.

Concrètement, les collectivités perçoivent donc en année N la CVAE qui correspond à la valeur ajoutée de l’année N2.

B.   LA RÉFORME PROPOSÉE

L’article 5 du projet de loi poursuit la baisse des impôts de production.

Selon l’évaluation préalable, la suppression de la CVAE (9,3 milliards d’euros) bénéficiera à 530 000 entreprises.

1.   Les entreprises ne paieront plus que la moitié de la CVAE à compter du 1er janvier 2023

Les alinéas 12 à 21 (H du I) procèdent, pour 2023, à une nouvelle division par deux du taux effectif d’imposition à la CVAE, tant s’agissant du taux théorique qui passe à 0,375 % que du taux effectif résultant des différentes tranches du barème.

BARÈME DU TAUX EFFECTIF DE CVAE pour 2023

(en euros hors taxe et en pourcentage)

Chiffre d’affaires hors taxe

Taux effectif d’imposition

CA < 500 000

0 %

500 000 ≤ CA ≤ 3 000 000

0,125 % × (CA – 500 000) / 2 500 000

3 000 000 < CA ≤ 10 000 000

0,125 % + 0,225 % × (CA – 3 000 000) / 7 000 000

10 000 000 < CA ≤ 50 000 000

0,35 % + 0,025 % × (CA – 10 000 000) / 40 000 000

CA > 50 000 000

0,375 %

Le dégrèvement complémentaire pour les entreprises réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffres d’affaires est également divisé par deux et passe de 500 euros à 250 euros.

Le montant minimum de CVAE pour les entreprises redevables est ramené de 125 euros à 63 euros (alinéa 22).

Afin de maintenir les ressources des CCI, les alinéas 24 à 27 (K du I) procèdent à un doublement du taux de la taxe additionnelle sur la CVAE, porté de 3,46 % à 6,92 %.

Les alinéas 33 à 56 (Q du I) modifient le mécanisme du PVA pour tenir compte de la réduction de moitié en 2023 puis de la suppression en 2024 de la CVAE comme composante de la CET. Celle-ci n’intègre plus que la CFE et ses taxes additionnelles (alinéa 8) (D du I). Parallèlement, le taux du plafonnement est abaissé de 2 % à 1,625 % en 2023 puis à 1,25 % en 2024.

Pour permettre l’établissement du nouveau PVA sans la CVAE, les alinéas 57 à 141 (R du I) ajoutent un nouvel article 1647 B sexies A du CGI qui reprend la définition de la valeur ajoutée fiscale de la CVAE actuellement portée par l’article 1586 quater du CGI qui sera abrogé le 1er janvier 2024 (voir infra).

2.   La CVAE sera intégralement supprimée à partir du 1er janvier 2024

L’alinéa 23 (J du I) procède à la suppression de la CVAE à compter du 1er janvier 2024 en abrogeant les articles 1586 ter à 1586 nonies du CGI.

À titre de coordination, l’article 5 du PLF abroge dans le CGI :

– les dispositions qui régissent la répartition du produit de CVAE entre un EPCI à fiscalité additionnelle et ses communes membres (alinéa 28) (L du I) ;

– la référence à la CVAE pour les recettes que perçoivent les EPCI à fiscalité professionnelle unique ou de zone à la place de leurs communes membres (alinéas 29 et 30) (M et N du I) et pour les recettes que perçoivent les communes nouvelles (alinéa 31) (O du I) ;

– les frais de gestion de la CVAE prélevés par l’État et rétrocédés aux régions (alinéa 31) (P du I) ;

– les dispositions relatives aux modalités de déclaration (S, T, U et V du I) et de paiement de la CVAE (W, X, Y et Z du I) (alinéas 142 à 152).

À titre de coordination, l’article 5 du PLF abroge également les références à la CVAE figurant dans d’autres codes : en matière de procédures fiscales (II), dans les codes du cinéma et de l’image animée (III), de l’énergie (IV), de l’environnement (V), rural et de la pêche maritime (VII), de la sécurité sociale (VIII) et des transports (IX) (alinéas 153 à 193).

À titre de coordination, l’article 5 du PLF procède à l’abrogation des références à la CVAE figurant dans diverses lois, s’agissant :

– du partage des ressources de fiscalité économique des départements et régions en cas de contribution à une zone d’activité économique (alinéa 194) (X) ;

– des compensations perçues par les EPCI à fiscalité additionnelle issus d’une fusion (alinéas 195 à 197) (XI) ;

– de certaines exonérations et compensations transitoires de CVAE prévues lors de la suppression de la taxe professionnelle en 2010 et 2011 (alinéas 202 à 262) (XIII et XIV) ;

– des exonérations sur la CVAE perçue par la métropole du Grand Paris jusqu’en 2022 (alinéa 270) (XVII) ;

– du rapport annuel remis par le Gouvernement au Parlement ayant pour objet l’analyse de la variation du produit de CVAE et de sa répartition entre régions et départements (alinéa 271) (XVIII) ;

– de la compensation par l’État aux collectivités et EPCI de certaines exonérations de CVAE notamment en zones de revitalisation (alinéas 272 à 294) (XIX à XXII) ;

– de la CVAE perçue par la Ville de Paris (alinéa 295) (XXIII).

3.   Dès 2023, le bloc communal et les départements recevront une fraction de TVA en remplacement du produit de CVAE

Les alinéas 3 à 7 (B et C du I) tirent les conséquences de la suppression de la CVAE en supprimant la référence à la fraction de 53 % du produit de celle-ci dont bénéficient les collectivités et établissements du bloc communal. L’alinéa 10 (F du I) fait de même s’agissant de la référence à la fraction de 47 % du produit de CVAE des départements.

Les alinéas 308 à 311 (XXV) prévoient que les deux fractions du produit de la CVAE, ainsi que les frais de gestion afférents, seront perçus, à titre exceptionnel en 2023, au profit du budget général de l’État. Les régions recevront à la place des frais de gestion de la CVAE une dotation de compensation d’un montant égal au produit perçu en 2022 ([47]) (alinéas 264 à 269) (XVI).

a.   La CVAE qui aurait dû être versée en 2023 sera intégrée dans la compensation

Les alinéas 296 à 302 (A du XXIV) prévoient qu’à compter de 2023, le bloc communal et les départements se voient affecter une fraction du produit net de la TVA en remplacement du produit de la CVAE.

Cette fraction est déterminée en appliquant chaque année au produit net national de TVA un ratio R ainsi calculé :

R =

Pour chaque collectivité ou EPCI, la fraction de TVA sera calculée sur la base de la moyenne du produit de la CVAE et des compensations d’exonérations perçus par la collectivité ou l’EPCI concerné en 2020, 2021 et 2022.

Compte tenu du décalage lié au mécanisme de recouvrement de la CVAE et de son reversement par l’État, l’État a reversé aux collectivités en 2022 le produit collecté en 2021, c’est-à-dire les deux acomptes de 2021 et le solde de 2020. Ce solde 2020 acquitté par les entreprises a intégré la régularisation de la CVAE de 2020, année de fort recul de la valeur ajoutée et du PIB (- 7,9 %). Le produit de CVAE a donc été en baisse (- 1,2 %). A contrario, la valeur ajoutée et le PIB ont rebondi en 2021 (+ 6,8 %). Le solde de 2021 et les deux acomptes qui ont déjà été perçus par l’État en juin et en septembre 2022 et qui auraient dû être reversés aux collectivités en 2023, intègrent les effets du rebond de l’économie intervenu en sortie de crise sanitaire et qui s’est poursuivi jusqu’au premier semestre 2022. Ce produit de CVAE, d’ores et déjà pratiquement perçu en quasi-totalité par l’État, pourrait être reversé aux collectivités en 2023. Or le PLF ne prévoyait ni son reversement ni sa prise en compte dans la base servant au calcul de la compensation, ce qui revenait à créer une « année blanche » et à diminuer la base de la compensation.

Les associations d’élus locaux (AMF, France Urbaine, Intercommunalités de France, Assemblée des départements de France) auditionnées par le groupe de travail et par la délégation ont été unanimes pour demander l’intégration de l’année 2023 dans la base de la compensation, soit en calculant la moyenne sur les trois années 2021, 2022 et 2023, soit en la calculant sur quatre années en incluant l’année 2023. La prise en compte de l’année 2023 a pour effet de majorer d’environ 8 % la moyenne sans l’année 2023.

Les rapporteurs soutiennent cette position pour d’évidentes raisons d’équité. Plusieurs membres du groupe de travail ont déposé ou cosigné des amendements pour lisser sur une période quadriennale incluant l’année 2023 le calcul de la compensation ([48]).

En raison de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur l’ensemble de la première partie du PLF pour 2023, ces amendements n’ont pu être examinés en séance publique. Dans le texte retenu en première lecture, le Gouvernement a élargi la période de référence servant au calcul de la fraction de TVA à l’année 2023 ([49]), reprenant les amendements parlementaires et satisfaisant ainsi la demande des associations d’élus.

b.   La dynamique de la compensation sera territorialisée pour le bloc communal

Les alinéas 303 à 307 (B du XXIV) prévoient que la fraction de TVA est divisée en deux parts :

– une première part fixe correspondant à la compensation de la suppression de la CVAE calculée sur le produit de la TVA de 2022 ;

– une seconde part correspondant à la différence, lorsqu’elle est positive, entre la fraction de TVA et la première part. La dynamique de la fraction de TVA sera ainsi affectée dès 2023 à un fonds national de l’attractivité économique des territoires. Les modalités de fonctionnement de ce fonds et de répartition de ses crédits sont renvoyées à un décret dont le contenu fera l’objet d’échanges préalables avec les associations d’élus et le CFL.

L’Assemblée des départements de France (ADF) a souhaité que la territorialisation de la croissance de la TVA ne lui soit pas applicable, puisque non pertinente pour les départements.

En revanche, les associations du bloc communal ont exprimé leur souhait de conserver une recette suffisamment territorialisée pour maintenir l’incitation à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire. Elles ont souligné le fait qu’elles n’étaient pas, à la base, favorables à la suppression de la CVAE dans la mesure où celle-ci, du fait de la territorialisation de son assiette, contribue, avec les impôts fonciers, au rattachement de l’activité économique à un territoire. M. Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, a souligné que « l’absence de tout lien entre dynamique économique des territoires et fiscalité locale conduirait à une fragilisation des écosystèmes ».

Dans la nouvelle rédaction de l’article sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité, la fraction de TVA du bloc communal fait l’objet du paragraphe XXIV tandis que la fraction de TVA des départements, sans territorialisation de la dynamique, fait l’objet d’un nouveau paragraphe XXIV bis. Cette distinction permet de respecter le souhait de l’ADF.

c.   Le « solde de tout compte » de la CVAE de 2022 qui aurait dû être reversé aux collectivités en 2023 ira abonder le « fonds vert »

En 2023, à législation inchangée, l’État devrait reverser aux collectivités territoriales les soldes collectés en 2022 de la CVAE de 2021 et les acomptes de 2022, calculés sur la base de la CVAE perçue en 2021. Compte tenu du rebond économique constaté en 2021 (+ 6,8 %) par rapport à 2020, année de récession (– 7,9 %), le total de CVAE perçu par l’État en 2022 serait significativement supérieur à la fraction de TVA, calculée sur la moyenne quadriennale 2020-2023, qu’il versera en 2023 aux collectivités. Il en résulterait pour l’État un « gain » constitué par l’écart entre la CVAE de 2022 incluant le solde définitif constaté en 2023 et la fraction de compensation de TVA de 2023, au détriment des collectivités.

Comme l’a précisé M. Eric Julla, directeur général de Ressources consultants finances, au groupe de travail, « en 2023, rien n’interdit à l’État de reverser aux collectivités territoriales des ressources qu’il a en caisse. Procéder autrement serait baser le système de compensation sur des valeurs ajoutées taxées en 2020 et 2021 et non en 2022 ».

La Première ministre a annoncé le 7 octobre 2022 à Bordeaux que « la compensation l’année prochaine correspondra aux sommes que l’État aurait dû reverser aux collectivités en 2023 au titre de la CVAE. Rien ne sera conservé par l’État. Il n’y aura donc pas d’année blanche pour elles ». Le solde de CVAE qui aurait dû être reversé en 2023 devrait représenter 300 à 500 millions d’euros supplémentaires par rapport au montant de la fraction de TVA. Ce montant, une fois le solde définitif de la CVAE de 2022 connu, sera reversé au « fonds vert » qui sera ainsi porté à près de 2 milliards d’euros en 2023.

d.   Le sort du fonds de péréquation de la CVAE, dont l’assiette va disparaître en 2024, reste en suspens

Le fonds de péréquation de la CVAE des départements se verra priver de son assiette à compter du 1er janvier 2024. Ce fonds de péréquation, défini à l’article L. 3335-1 du CGCT et doté d’un faible montant (58,3 millions d’euros en 2022), servait surtout à financer la garantie en cas de baisse de plus de 5 % du produit de la CVAE pour un département. Avec la TVA, une garantie ne présente plus d’intérêt. Une réflexion doit donc s’engager en 2023 avec l’ADF sur la pertinence de son remplacement éventuel par un autre dispositif de péréquation horizontale entre départements.

4.   Conclusion des rapporteurs sur la suppression de la CVAE et les modalités de sa compensation

La TVA est une recette moins volatile et plus dynamique à long terme que la CVAE puisque la consommation, sur laquelle est assise la TVA, se caractérise par une sensibilité moins élevée à la conjoncture et plus forte à l’effet prix des biens et services. Le produit national de TVA n’a baissé qu’une seule année depuis 1995 : c’était en 2009, année de récession suite à la crise financière de 2008. Il est attendu en hausse de 9,6 % en 2022 et de 5,1 % en 2023 alors que le produit de CVAE perçu par les collectivités locales (bloc communal et départements) a baissé de 3,3 % en 2022, « ce taux moyen s’accompagnant toutefois d’évolutions erratiques d’une collectivité à l’autre » comme le souligne la Cour des Comptes ([50]).

M. Thomas Cazenave relève tout d’abord que, dans son principe, la suppression de la CVAE ne réduit pas l’autonomie fiscale des collectivités puisque celles-ci n’ont ni pouvoir de taux ni pouvoir d’assiette sur la CVAE. Sa suppression profitera à 530 000 entreprises dont neuf sur dix sont des TPE, des PME et des ETI, et un quart opère dans le secteur industriel ([51]).

Le rapporteur fait observer que, depuis 2021, plus de la moitié (51,6 %) des recettes de gestion des régions proviennent de la TVA. Le remplacement de la part régionale de la CVAE par de la TVA a permis aux régions de ne pas subir la baisse conjoncturelle de la CVAE en 2022 et d’améliorer structurellement la prévisibilité de leurs recettes. Il a notamment bénéficié aux régions dont la croissance économique est inférieure à la moyenne nationale en contribuant à atténuer l’hétérogénéité des recettes régionales. Par exemple, sur la période 2015 à 2019, les recettes de CVAE ont crû de 4 % en moyenne par an pour la région Bretagne, mais de 2,2 % seulement pour les Pays-de-la-Loire ([52]). La modification du panier des ressources des régions avec le remplacement du produit de la CVAE par une fraction de TVA n’a pas remis en cause le potentiel de croissance à long terme des recettes régionales puisque celles-ci ont progressé de 5,4 % en 2021 soit un taux de progression supérieur à la moyenne annuelle des cinq précédentes années (3,3 %). Après le remplacement de la DGF des régions par une fraction de TVA en 2017, le remplacement de la part régionale de la CVAE n’est plus un sujet en soi pour les régions et ne les a pas empêchées de poursuivre la territorialisation de leurs actions.

Le rapporteur considère par conséquent que le choix d’une compensation de la CVAE par de la TVA pour les autres collectivités permettra à celles-ci de bénéficier des mêmes avantages en termes de visibilité et de pérennité de dynamique de recettes. En prenant en compte l’année 2023, en territorialisant la partie dynamique du produit de TVA afin de conserver un lien incitatif indispensable entre les recettes et le développement de l’activité locale, et en majorant significativement le « fonds vert », la réforme apparaît favorable aux collectivités locales. Les modalités de cette territorialisation du produit de la TVA, qui seront fixées à l’issue d’un dialogue avec les associations d’élus du bloc communal, devront faire l’objet d’une attention particulière.

M. Christine Pires Beaune relève que depuis plus de dix ans, les communes connaissent un rétrécissement progressif de leur autonomie fiscale, principe non constitutionnalisé malheureusement. La suppression de la taxe professionnelle en 2010, remplacée par les deux composantes formant la contribution économique territoriale (CVAE et CFE) a transféré la dernière part de fiscalité professionnelle des communes vers leur EPCI.

La suppression de la CVAE fait peser un risque sur l’acceptabilité de l’implantation de certaines activités économiques, notamment industrielles, dès lors qu’elles ne génèrent plus ou quasiment plus de recettes fiscales spécifiques. Cette suppression rompt définitivement le lien entre l’économie et le territoire. Il n’y aura plus de retour sur investissement de l’action économique des EPCI sous forme de fiscalité.

Par ailleurs, la fiscalité des entreprises a connu des baisses importantes ces dernières années (baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité – CICE – transformé en baisse de cotisations patronales, diminution de la CVAE et de la CFE) modifiant la répartition de la fiscalité entre ménages et entreprises au détriment des ménages qui assurent aujourd’hui 60 % des prélèvements, les entreprises n’assurant plus que 40 %. Or la décision du Gouvernement de diminuer encore les impôts des entreprises va accentuer ce déséquilibre puisque les compensations versées par l’État aux collectivités sont financées par la hausse mécanique des taxes indirectes sur la consommation (TVA, TICPE).

Enfin, cette suppression de CVAE ne profitera pas ou très peu aux artisans et commerçants, très majoritairement soumis à l’impôt sur le revenu et non à l’impôt sur les sociétés, qui de plus s’acquittent d’une CFE forfaitaire non impactée par les mesures fiscales de réduction des bases de CFE.

Pour toutes ces raisons, la rapporteure a déposé un amendement de suppression de l’article 5 ([53]).


III.   L’ACCOMPAGNEMENT FINANCIER PAR L’ÉTAT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS UN CONTEXTE D’INFLATION ÉLEVÉE

Le Parlement a adopté en août 2022 un dispositif qui vise à aider les communes et les intercommunalités les plus fragiles financièrement dont la situation se serait encore détériorée du fait de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ou de la hausse des prix de l’énergie et alimentaires.

La persistance d’un contexte inflationniste au second semestre 2022, qui devrait vraisemblablement durer encore plusieurs mois, justifie la prolongation en 2023 de cette mesure exceptionnelle de soutien, étendue à toutes les catégories de collectivités.

A.   LE DISPOSITIF D’URGENCE INSTITUÉ EN LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 POUR AIDER LES COLLECTIVITÉS DU BLOC COMMUNAL FACE À L’INFLATION

1.   Le poids de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement des collectivités : le renchérissement spectaculaire du coût de l’énergie et des produits alimentaires

L’inflation grève les budgets des collectivités territoriales mais de façon différenciée. Le bloc communal semble le plus impacté du fait de la structure de ses dépenses.

a.   Une inflation qui progresse depuis un an et demi…

L’inflation actuelle, qui est un phénomène mondial, a plusieurs explications selon les économistes :

– après deux années de confinements successifs en 2020 et 2021 au cours desquels certains ménages ont accumulé un niveau d’épargne considérable et les banques centrales ont accru leurs politiques monétaires accommodantes de taux bas ou négatifs pour permettre aux États de soutenir l’activité économique, le pouvoir d’achat des ménages et éviter des licenciements massifs, la demande est repartie très fortement dès le 1er trimestre 2021 sans que l’offre ne puisse suivre du fait des restrictions sanitaires encore en place dans de nombreux centres de production et dans les maillons des chaînes d’acheminement des matières premières, marchandises et produits manufacturés, ce qui a provoqué des tensions sur les prix qui se sont étendues à l’ensemble de l’économie mondiale ;

– la guerre en Ukraine en février 2022 a accentué ces tensions, particulièrement dans le secteur primaire (énergie, métaux non ferreux, produits agricoles) avec des répercussions rapides sur les prix des biens de consommation et d’équipement ;

– les reconfinements à répétition dans certaines régions de Chine à partir de mars 2022 ont contribué à perturber les exportations venant de l’ « usine du monde » et à générer des pénuries sur certains produits manufacturés ;

– la dépréciation de l’euro face au dollar sur le marché des changes (près de 15 % de baisse depuis le début de l’année 2022) a renchéri le coût de l’énergie et des matières premières dans les pays de la zone euro.

glissements annuels de l’indice des prix À la consommation (IPC),
de l’inflation sous-jacente (ISJ) et de l’INDICE DES PRIX
À LA CONSOMMATION HARMONISÉE (IPCH)

Source : INSEE.

En France, l’indice des prix à la consommation (IPC), qui était de 1,5 % sur un an en juin 2021, a atteint 2,8 % en décembre 2021, 5,8 % en juin 2022 et 6,2 % en octobre 2022, son plus haut niveau depuis 1985.

Les prix alimentaires, qui entrent pour 16,5 % dans la composition de l’IPC, ont augmenté de 12 % sur un an glissant et les prix de l’énergie (8,9 % de l’IPC) ont progressé de 19,1 % ([54]).

Selon Eurostat, en octobre 2022, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) s’est élevée à 10,7 % sur un an dans la zone euro et à 7,1 % en France qui a l’IPCH le plus faible de la zone euro.

b.   … et pèse de façon inégale sur les finances des communes et de leurs groupements

L'inflation a des effets de sens contraires sur les finances des communes et des EPCI : si elle améliore leurs recettes fiscales, elle alourdit leurs charges dans une proportion accrue.

Elle permet une hausse des recettes par deux leviers :

– la réévaluation automatique des valeurs locatives, qui est calculée par rapport à l’IPCH mesuré sur un an glissant en novembre de l’année précédente ([55]), conduit pour 2022 à une revalorisation des bases locatives de 3,4 % (soit la plus forte progression depuis 1989), ce qui aura pour effet une augmentation des produits issus de la taxe foncière et de la CFE à taux de fiscalité constants. À titre estimatif, cette réévaluation pourrait générer des recettes supplémentaires de l'ordre de 1,3 milliard d'euros pour le bloc communal. Pour 2023, les valeurs locatives pourraient être revalorisées d’environ 7 %, ce qui représenterait environ 2,8 milliards d’euros supplémentaires pour les collectivités concernées ;

– une hausse de la fraction de TVA perçue par les EPCI à fiscalité propre et la ville de Paris en remplacement de la THRP supprimée. Les progressions attendues de 9,6 % pour 2022 et 5,1 % du produit national de TVA pour 2022 et 2023 représenteraient respectivement environ 0,8 et 0,4 million d’euros supplémentaires pour ces intercommunalités et la ville de Paris.

A contrario, l'inflation pèse directement ou indirectement sur leurs dépenses :

– les collectivités doivent faire face à la hausse de leurs dépenses énergétiques et de leurs achats alimentaires, en particulier celles dont les contrats arrivent à échéance en 2022.

POIDS DES DÉPENSES D’approvisionnement en Énergie *
par rapport aux dÉpenses et aux recettes rÉelles de fonctionnement (2021)

 

Dépenses d’énergie

 

en % des DRF

en % des RRF

Communes

4,0 %

3,4 %

EPCI

2,2 %

1,8 %

Départements

0,5 %

0,4 %

Régions

0,5 %

0,4 %

Total

2,2 %

1,8 %

* Y compris électricité, chauffage urbain, combustibles et carburants.

Source : Cour des comptes, données DGFiP.

L’augmentation des dépenses d’alimentation concerne en premier lieu les communes : 0,9 % des DRF contre 0 à 0,2 % pour les autres catégories de collectivités. Celle des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage impacte directement ou indirectement toutes les collectivités (y compris le financement des transports), avec des effets à long terme (contrats de fournitures, marchés publics) ([56]). L’AMF et Intercommunalités de France ont indiqué au groupe de travail qu’elles estimaient le surcoût pour le bloc communal lié à la hausse des prix de l’énergie entre 2 à 2,5 milliards d’euros en année pleine sur la base d’une augmentation de 50 % des prix de l’énergie, en l’absence de « bouclier énergétique ».

– la majoration du point d’indice de la fonction publique ([57]) intervenue au 1er juillet 2022 concerne également la fonction publique territoriale qui regroupe environ 1,95 million d’agents (35 % de l’emploi public). Pour les six derniers mois de l’année 2022, la revalorisation de 3,5 % des traitements de la fonction publique territoriale représente une dépense supplémentaire pour les collectivités estimée à 1,14 milliard d’euros et 2,3 milliards d’euros en année pleine.

POIDS DES DÉPENSES DE PERSONNEL
DANS LES dÉpenses rÉelles de fonctionnement en 2021

 

en % des DRF

Communes

53,8 %

EPCI

32,0 %

Départements

21,7 %

Régions

19,0 %

Total

30,9 %

Source : Cour des comptes, données DGFiP.

À la même date est intervenue une revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA) de 4 % ([58]), représentant un coût estimé pour les départements de 120 millions d’euros.

– l’inflation a pour effet de réduire le niveau en volume des concours financiers (notamment la DGF) versés par l’État aux communes et aux EPCI à dotations constantes en valeur.

Le coût net de l’inflation pour les collectivités est difficile à quantifier dans sa globalité et dépend de la situation particulière de chacune d’elle au regard des équipements publics qu’elle exploite, entretient et doit rénover, de l’état et de la performance énergétique de son parc immobilier, des contrats en cours de renouvellement et des investissements programmés. Ce constat se trouve à l’origine du « filet de sécurité » adopté dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022.

2.   Un « filet de sécurité » pour les communes et de leurs groupements les plus affectés par la hausse des prix

L’article 14 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 instituant une dotation pour les communes et les EPCI les plus fragilisées par la hausse des prix est issu d’une initiative parlementaire portée par la rapporteure et adopté à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale avec l’avis favorable du Gouvernement ([59]).

Cet amendement prévoyait la création, par PSR, d’une dotation au bénéfice des collectivités territoriales et des EPCI ayant une épargne brute inférieure à un certain seuil à fin 2021 et confrontées à la baisse de leur épargne brute en 2022 en raison de la conjonction de trois surcoûts exceptionnels :

– la revalorisation du point de la fonction publique, y compris territoriale ;

– la revalorisation du RSA ;

– la hausse de l’inflation, en particulier les prix de l’énergie.

La rapporteure a proposé que les modalités précises du dispositif (seuils d’éligibilité, montant de la compensation) soient « ajustées dans la navette et en lien avec les associations d’élus locaux ». Le rapporteur général et le Gouvernement ont accepté la base de travail et la démarche proposées par la rapporteure et retiré leurs amendements concurrents ([60]). La concertation fructueuse entre les groupes politiques, les associations d’élus locaux et le Gouvernement a permis l’adoption en seconde délibération d’un nouvel amendement ([61]).

Seules les communes et leurs groupements (EPCI à fiscalité propre et syndicats intercommunaux) sont éligibles à la dotation ([62]), sous réserve qu’elles satisfassent à deux critères cumulatifs (I de l’article additionnel 4 ter) :

– une épargne brute inférieure à 10 % des RRF au 31 décembre 2021 ;

– une baisse de l’épargne brute constatée en 2022 par rapport à 2021 supérieure à 25 %, principalement du fait de la revalorisation du point de la fonction publique et des effets de l’inflation sur les dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain.

La dotation est versée sous condition de richesse par habitant (potentiel fiscal ou financier par habitant inférieur au double du potentiel fiscal ou financier par habitant moyen de la commune ou de l’EPCI du même groupe démographique ou de la même catégorie).

La dotation est égale à la moitié de la hausse des dépenses liées à la revalorisation du point de la fonction publique et celles d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain (II de l’article additionnel).

Un acompte sur la dotation peut être versé aux communes et à leurs groupements qui anticipent une baisse de plus de 25 % de leur épargne brute en 2022 (III de l’article additionnel).

Le coût du PSR était estimé par le Gouvernement à 180 millions d’euros.

3.   Le « filet de sécurité » a été ajusté au cours de la navette parlementaire mais les conditions d’éligibilité suscitent des interrogations

Le Sénat a modifié le dispositif sur trois points ([63]) :

– le niveau d’épargne brute exigé à fin 2021 pour être éligible est relevé à 20 % des RRF ;

– les produits alimentaires sont ajoutés à l’assiette des dépenses qui font l’objet de la compensation ;

– la fraction de la hausse des dépenses compensées est relevée de 50 % à 70 % s’agissant des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achats de produits alimentaires.

Ces évolutions permettent de tripler le nombre de communes et d’EPCI éligibles. Elles permettent aussi de tenir compte des charges accrues auxquelles doivent faire face les cantines scolaires et administratives.

La CMP conclusive a adopté le texte en y apportant une modification consistant à rehausser une nouvelle fois – de 20 à 22 % - le niveau d’épargne brute à fin 2021 que ne doit pas dépasser une collectivité du bloc communal pour être éligible.

Avec ces paramètres, le coût du PSR est estimé à 430 millions d’euros. M. Richard Bordignon, conseiller budgétaire du ministre des Comptes publics a indiqué au groupe de travail que le PSR avait été chiffré en retenant comme hypothèses une hausse de 3,65 % des RRF et de 7,6 % des DRF du bloc communal, avec un quart des communes supportant une baisse de plus de 25 % de leur épargne brute en raison d’une hausse des prix de l’énergie de 50 %.

nombre de communes et epci À fiscalitÉ propre Éligibles au dispositif de l’article 14 de la lfr 1 pour 2022 sur la base des donnÉes À fin 2021

 

Nombre

Épargne brute / RRF 2021

Éligibles

%

Communes

34 954

15 %

18 521

53 %

< 500 habitants

18 137

24 %

8 146

45 %

500 à 3 500 habitants

13 595

21 %

7 973

59 %

3 500 à 10 000 habitants

2 190

18 %

1 503

69 %

10 000 à 50 000 habitants

900

14 %

774

86 %

50 000 à 100 000 habitants

90

14 %

83

92 %

> 100 000 habitants

42

10 %

42

100 %

EPCI à fiscalité propre

1 264

18 %

944

75 %

3 500 à 10 000 habitants

211

15 %

154

73 %

10 000 à 50 000 habitants

759

16 %

585

77 %

50 000 à 100 000 habitants

155

16 %

120

77 %

> 100 000 habitants

139

20 %

85

61 %

Source : ministère des Comptes publics.

L’épargne brute et les indicateurs financiers de 2022 ne seront connus qu’à la clôture des comptes au printemps 2023. Les simulations d’éligibilité communiquées par Bercy, dont rend compte le tableau ci-dessus, s’appuient sur les données de 2021. Compte tenu des incertitudes liées au contexte économique, il n’est pas possible de connaître à date les communes et leurs groupements qui connaîtront une baisse de plus de 25 % de leur épargne brute ni même de faire une estimation précise du nombre de collectivités qui seront en fin de compte éligibles.

Les associations d’élus locaux ont indiqué au groupe de travail que les remontées récentes reçues des communes et de leurs groupements semblaient suggérer qu’un nombre relativement réduit d’entre eux pourrait être éligible au final.

Pris individuellement, les critères d’éligibilité paraissent trop restrictifs pour certains et peu opérants pour d’autres.

Le critère d’épargne brute de 22 % des RRF à fin 2021 est très large et peu discriminant. Comme le souligne M. Eric Julla, directeur de Ressources consultants finances, si l’on considère par exemple les communes de 100 000 habitants et plus (hors Paris), une seule (Cannes) à une épargne brute supérieure à 22 % en 2021 et ne serait pas éligible au dispositif. En revanche, fixé à 10 % des RRF, ce critère écarterait 85 % des communes, selon les simulations effectuées par Bercy pendant la discussion du PLFR, ce qui suggère que ce critère n’est sans doute pas pertinent.

Un constat similaire peut être fait s’agissant du critère portant sur le potentiel financier (ou fiscal pour les EPCI) par habitant. À titre d’exemple, la totalité des communes 100 000 habitants et plus (hors Paris) ont un potentiel financier par habitant inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant de leur strate.

A contrario, l’exigence d’une baisse de 25 % de l’épargne brute en 2022 paraît sévère. Elle pose également des problèmes d’équité puisqu’elle ne prend pas en compte le niveau de l’épargne brute : une baisse d’un quart de l’épargne brute n’a pas les mêmes conséquences pour une commune dont l’épargne brute représente 20 % de ses RRF que pour celle dont l’épargne brute n’est que de 4 % des RRF. Un haut niveau d’épargne brute peut aussi correspondre à la préparation d’un cycle d’investissement : parce qu’elle investit, la commune concernée serait exclue de la compensation quand bien même ses dépenses d’énergie seraient en forte augmentation, ce qui serait contraire à l’esprit du dispositif.

La superposition de ces critères d’éligibilité qui sont cumulatifs pourrait aboutir paradoxalement à ne retenir dans les « filets » du dispositif qu’un faible nombre de collectivités.

L’évolution de l’épargne brute n’est sans doute pas le seul critère à prendre en compte. D’autres critères permettraient peut-être un ciblage mieux ajusté de la mesure sans la complexifier excessivement.

4.   Le décret d’application facilite la demande d’acompte

Le décret d’application ([64]) fixe les modalités de calcul et de versement de la dotation. Le groupe de travail a pris connaissance du projet de décret avant sa publication, ce qui a permis à ses membres de transmettre des observations à Bercy (budgets annexes, délégations de services publics) qui ont été prises en compte dans le décret publié.

L’article premier fixe au plus tard au 31 octobre 2023 la date de versement de la dotation.

Les articles 2 à 4 définissent les indicateurs financiers pris en compte dans les critères d’éligibilité et le calcul des montants de la compensation (épargne brute, dépenses et recettes réelles de fonctionnement) et précisent les retraitements qui s’appliquent sur les recettes réelles de fonctionnement.

Le décret liste les comptes des dépenses liées à la revalorisation du point de la fonction publique intervenue au 1er juillet 2022 (article 5) et celles d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achats de produits alimentaires (article 6) retenus pour le calcul de la compensation.

Par rapport au projet de décret présenté au groupe de travail, les indemnités d’élus ont été exclues de l’assiette de la compensation. Les rapporteurs étaient favorables à cette exclusion. Une précision est apportée concernant les dépenses retenues qui sont celles enregistrées tant sur les budgets principaux qu’annexes. Cette précision était souhaitée par les rapporteurs.

Les articles 7 et 8 explicitent les modalités de calcul de la compensation en prévoyant que celle-ci correspond à la différence entre les dépenses nettes enregistrées en 2022 sur les comptes listés aux articles 5 et 6 et celles enregistrées sur les mêmes comptes en 2021. Un coefficient de majoration est appliqué aux dépenses liées à la revalorisation du point de la fonction publique afin de tenir compte forfaitairement du poids moyen des primes par rapport au traitement de base.

S’agissant des critères d’éligibilité, l’article 9 précise qu’une perte d’épargne brute d’au moins 25 % entre 2021 et 2022 est considérée comme principalement due à la hausse des dépenses faisant l’objet de la compensation lorsque celles-ci représentent au moins la moitié de la baisse d’épargne brute sur le budget principal.

Cela signifie que l’augmentation de ces dépenses doit représenter plus de 12,5 % de l’épargne brute pour ouvrir le droit à la dotation. Ce critère a un effet non désiré puisqu’il avantage les collectivités qui ont un niveau d’épargne brute faible. À progression de dépenses identique, une collectivité se trouvera ou non exclue de la compensation selon le niveau initial de son épargne brute.

L’article 10 précise la référence retenue pour le potentiel financier par habitant des communes et le potentiel fiscal par habitant des EPCI à fiscalité propre.

Les articles 11 à 14 prévoient les conditions dans lesquelles les collectivités éligibles à la dotation peuvent prétendre à un acompte, définissent la procédure permettant de formaliser une demande et les modalités de versement.

La date-butoir pour solliciter un acompte est fixée au 15 novembre 2022. La demande doit être formée auprès du préfet et du directeur départemental des finances publiques. Le directeur général des finances publiques a indiqué au groupe de travail qu’à la demande du ministre délégué chargé des comptes publics, la DGFiP communiquerait à ses directeurs départementaux une liste des collectivités potentiellement éligibles ou en tension de trésorerie, à charge pour ceux-ci de prendre contact avec ces collectivités pour leur proposer un acompte avant la date‑butoir. Pour faciliter le processus, les documents budgétaires à renseigner (prévision d’exécution pour 2022, écart prévisionnel des dépenses concernées par la compensation entre 2022 et 2021) seront intégrés dans les formulaires de demande.

L’acompte, qui ne peut être inférieur à mille euros, correspond à 30 % de la dotation finale prévisionnelle et fait l’objet d’une notification au plus tard le 15 décembre 2022. L’acompte peut être porté à 50 % sur demande de la collectivité. Cette dernière disposition, qui ne figurait pas dans le projet de décret, permet de mieux adapter le niveau de l’acompte aux besoins en trésorerie des collectivités les plus fragilisées, compte tenu du versement du solde à l’échéance du 31 octobre 2023 (article premier), soit plus de dix mois plus tard. Cette date éloignée s’explique par le fait que les dotations définitives ne peuvent être calculées qu’après la clôture des comptes de l’exercice 2022, matérialisée par le vote du compte administratif, fixée au plus tard au 30 juin 2023 pour une transmission au préfet au plus tard le 15 juillet 2023 ([65]).

Lorsqu’il est sollicité et obtenu, l’acompte est enregistré dans les comptes en recettes de fonctionnement, ce qui a pour effet d’accroître l’épargne brute et, potentiellement, de faire sortir du dispositif la collectivité pourtant éligible. Saisie de ce problème, la DGCL a indiqué que l’acompte sera neutralisé.

L’article 16 prévoit la faculté pour le préfet et le directeur départemental des finances publiques de solliciter des pièces justificatives auprès des collectivités éligibles, en vue de s’assurer que la part de la dotation résultant des éventuelles contributions des collectivités versées à des concessionnaires en charge de services publics découle bien des hausses des prix d'approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et des produits alimentaires constatées en 2022.

Enfin, l’article 17 prévoit que la liste des bénéficiaires de la dotation sera arrêtée par arrêté des ministres en charge des comptes publics et des collectivités.

5.   Les demandes d’acomptes, relativement peu nombreuses, ne préjugent pas du montant définitif des dotations qui seront versées en 2023

Une liste des acomptes demandés et validés par la DGFiP a été publiée par le ministère chargé des comptes publics quelques jours après la date-butoir du 15 novembre 2022 ([66]).

2 123 communes ou groupements ([67]) ont demandé et obtenu un acompte pour un montant total de 42,5 millions d’euros, soit environ 10 % du montant prévisionnel du PSR (430 millions d’euros). Le montant moyen de l’acompte s’élève à 20 000 euros mais le montant médian n’excède pas 3 650 euros. Seuls 72 acomptes (3,3 %) dépassent 100 000 euros. Les deux acomptes les plus élevés seront versés à la métropole de Nice-Côte d’Azur (3,86 millions d’euros) et à la commune de Nice (2,8 millions d’euros). 29 communes ou groupements des Alpes‑Maritimes recevront 7,8 millions d’euros soit 18,3 % du total des acomptes. Les communes de Nancy, Sarcelles, Drancy et Bobigny percevront un acompte sur la compensation compris entre 0,7 et 1,1 million d’euros.

Bercy indique que 11 000 communes ou groupements avaient été identifiés comme susceptibles de bénéficier d’un acompte, donc de satisfaire aux critères du dispositif.

Les dernières informations communiquées par la DGCL aux rapporteurs font état de 4 000 demandes d’acomptes au 1er décembre pour un montant d’environ 100 millions d’euros. Un décompte définitif doit être fait après le 15 décembre.

Sur la base du décompte provisoire, on déduit qu’un tiers des communes et groupements éligibles ont souhaité obtenir un acompte. Ce taux relativement faible peut s’expliquer par la volonté de ne pas avoir à procéder à un reversement en octobre 2023 en cas de trop-perçu, ou par une estimation de baisse d’épargne brute inférieure à 25 % en 2022, et par conséquent, dans l’un et l’autre cas, par le souhait d’établir une demande de compensation sur la base des comptes définitifs de 2023.

Aussi, à ce stade, il paraît difficile, à partir des acomptes demandés en novembre 2022, de faire une estimation du coût final du PSR et du montant des dotations qui seront versées aux communes et groupements en 2023. Une évaluation devra être menée au cours du premier semestre 2023 sur la base des comptes définitifs.

B.   UN NOUVEAU DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS FRAGILISÉES PAR LA HAUSSE DES PRIX DE L’ÉNERGIE EN 2023

Le PLF pour 2023 prévoit la reconduction du « bouclier tarifaire » permettant aux petites communes de continuer à bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz et d’électricité dont la hausse est plafonnée à 15 % en 2023 mais pas la prorogation du « filet de sécurité ».

1.   Les rapporteurs ont déposé des amendements pour reconduire le « filet de sécurité » en 2023

La poursuite de l’inflation et de la volatilité des prix de l’énergie dans un contexte économique incertain plaide toutefois pour une prolongation du soutien aux collectivités les plus fragilisées en 2023. Tel est le sens des amendements déposés par les rapporteurs et plusieurs membres de la délégation ([68]).

L’amendement proposé par le rapporteur reprend, dans un souci de simplification, l’architecture du dispositif du « filet de sécurité » pour 2022, en abaissant à 20 % des RRF le taux d’épargne brute maximum pour être éligible et en réduisant la compensation de 70 % à 50 % de l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain en 2023 par rapport à 2022.

L’amendement proposé par la rapporteure étend la compensation aux départements. La dotation pour chaque collectivité ou établissements éligibles est égale à la différence entre, d’une part, l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain en 2023 par rapport à 2022 et, d’autre part, 1,15 fois ces mêmes dépenses en 2022. Les dépenses énergétiques sont donc compensées pour la fraction correspondant à une hausse des prix supérieure à 15 %, ce afin de retenir le même niveau d’effort que les ménages et les petites communes bénéficiant du « bouclier tarifaire » en 2023. Le critère lié à la baisse d’épargne brute est supprimé.

Ces amendements n’ont pas pu être discutés en séance publique.

2.   Le dispositif retenu par le Gouvernement compensera, pour toutes les catégories de collectivités territoriales, la moitié de l’ « effet de ciseau » entre l’augmentation des dépenses énergétiques et une partie de la croissance des recettes de fonctionnement

Le texte de la première partie du PLF pour 2023 sur lequel le Gouvernement a décidé d’engager sa responsabilité comporte un nouvel article 14 ter issu d’un amendement porté par le groupe Horizons et apparentés.

L’alinéa premier (I de l’article) définit le périmètre des collectivités susceptibles de bénéficier d’une dotation. Il s’agit des collectivités et établissements du bloc communal, mais également des départements et des régions. Il est précisé que la dotation est instituée au titre de l’année 2023.

Les rapporteurs estiment que l’extension en 2023 du « filet de sécurité » aux départements et aux régions est une mesure d’équité nécessaire.

Les alinéas 2 et 3 déterminent les deux critères cumulatifs conditionnant l’éligibilité au dispositif de compensation.

Le critère lié à la baisse de plus de 25 % de l’épargne brute constatée entre l’année de la compensation et l’année précédente est maintenu mais il n’est plus nécessaire de justifier l’origine de cette baisse. Cette simplification apparaît opportune et évite d’avantager de manière injustifiée les collectivités qui ont un faible niveau d’épargne brute et, au contraire, d’écarter celles qui maintiendraient un niveau élevé d’épargne brute, par exemple en vue d’accroître leurs investissements.

Le critère relatif au niveau de l’épargne brute de la fin de l’année précédente est remplacé par un critère conditionnant l’éligibilité à la survenance d’un « effet de ciseau » entre l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et 60 % de celle des RRF.

Les dépenses d’achats de produits alimentaires et celles liées à la revalorisation du point de la fonction publique sont exclues de l’assiette de la compensation. Ce resserrement de l’assiette est plutôt défavorable aux communes puisque ces dépenses pèsent plus lourdement dans les DRF comparativement aux autres collectivités (voir supra).

L’alinéa 4 précise que les subventions consenties aux fermiers et concessionnaires au titre des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain, entrent dans l’assiette de la compensation. Cette disposition nouvelle permet d’intégrer les surcoûts engendrés par l’imprévision dans les contrats de concession.

L’éligibilité des communes et intercommunalités (II de l’article) est subordonnée au respect du même critère de richesse par habitant que celui prévu dans le dispositif pour 2022 (alinéa 5). Elle est complétée par une disposition identique s’agissant des départements (alinéa 6). En revanche, l’éligibilité des régions n’est pas soumise à un critère de richesse.

Enfin, l’alinéa 7 (III de l’article) prévoit que la dotation attribuée aux collectivités bénéficiaires est égale à 50 % (au lieu de 70 % pour la compensation au titre de 2022) de la différence entre l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et 60 % de celle des RRF. Autrement dit, la dotation compense la moitié de l’ « effet de ciseau ».

Le coût de ce PSR est évalué à 1,5 milliard d’euros.

Le concours exceptionnel de l’État au titre de ce PSR pour 2022 et 2023 atteindrait au total 1,93 milliard d’euros.

3.   Conclusion des rapporteurs sur le « filet de sécurité »

Les rapporteurs se félicitent de l’extension en 2023 du « filet de sécurité » aux départements et aux régions.

Aucune simulation n’a été communiquée au Parlement pour évaluer les critères d’éligibilité et le nombre de collectivités susceptibles d’être concernées et, bien entendu, les montants des dotations.

Les premières demandes d’acomptes à la date de ce rapport ne permettent pas de tirer des conclusions sur l’efficacité du dispositif.

Le groupe de travail et les rapporteurs souhaitent pouvoir obtenir de la part de la DGCL et de la DGFiP, à la fin du premier trimestre 2023, un échantillon de comptes de gestion provenant de quelques territoires, afin de pouvoir faire une première évaluation du dispositif et, le cas échéant, « corriger le tir » avec le « filet de sécurité » pour 2023 à l’occasion du PLFR suivant.

Le dialogue entre le Gouvernement, le Parlement et les associations d’élus à ce sujet doit être poursuivi.

Mme Christine Pires Beaune remercie le président de la délégation, M. Thomas Cazenave, d’avoir initié une réunion avec les services de Bercy et de la DGCL avant la parution du décret. En effet, cette réunion a permis notamment d’enrichir le décret en prenant en compte, dans la compensation, les surcoûts liés aux délégations de service public, aux syndicats et aux budgets annexes.

Sur le « filet de sécurité » de 2022, la rapporteure tient à préciser que si les critères cumulatifs retenus sont bien issus de son amendement, les paramètres retenus par la CMP lui semblent inadaptés, ce qu’elle a signalé à Bercy à plusieurs reprises. En effet, le critère d’éligibilité – une épargne brute inférieure à 22 % – est trop large alors que le taux moyen d’épargne brute est de 15 %, laissant penser à quasiment toutes les collectivités qu’elles pourraient être éligibles. À l’inverse, le second critère d’éligibilité, les deux étant cumulatifs, fixant la baisse de l’épargne brute en 2022 à au moins 25 % est beaucoup trop restrictif du fait des dépenses visées, laissant craindre, in fine, un faible nombre de collectivités bénéficiaires.

Concernant le « filet de sécurité » de 2023, le dispositif prévoit un troisième critère d’éligibilité le rendant beaucoup trop restrictif. La nature et le caractère cumulatif des trois critères d’éligibilité génèrent un entonnoir beaucoup trop dur et la comparaison entre évolution des dépenses énergétiques et progression des recettes fiscales ne parait pas pertinente à la rapporteure, considérant les autres charges auxquelles les collectivités devront faire face en 2023 (inflation sur les denrées alimentaires et revalorisation du point d’indice en années pleine). Par ailleurs, la comparaison de 2023 par rapport à 2022 crée, selon la rapporteure, une inégalité entre les collectivités, selon la nature de leur contrat de fourniture énergétique et la date de révision/renouvellement. La rapporteure suggère de réaliser une comparaison de 2023 sur 2021.

Plus que jamais, il semble souhaitable à la rapporteure d’évaluer, le plus tôt possible, sur la base des comptes de gestion 2022 (connus plus précocement que les comptes administratifs) le « filet de sécurité » de 2022 pour permettre d’éventuels ajustements.

M. Thomas Cazenave considère qu’il est encore trop tôt pour évaluer la qualité des paramètres retenus pour les critères d’éligibilité au « filet de sécurité » de 2022. Les premières demandes d’acompte ne permettent pas encore de mesurer la qualité du ciblage mais la grande hétérogénéité des montants octroyés à des communes et groupements de taille et de budget pourtant comparables interrogent. Il est donc important de réaliser une évaluation sur la base des comptes de gestion 2022 lorsqu’ils seront disponibles.

Le rapporteur insiste également sur l’importance de mettre en place, à destination des collectivités, des dispositifs simples, compréhensibles par les élus locaux et stables dans le temps, quitte à en ajuster les paramètres pour en corriger les défauts et les adapter aux besoins conjoncturels.


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   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du mercredi 7 décembre 2022 à 14 heures, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a examiné le présent rapport et en a autorisé la publication.

Le compte rendu de cette réunion peut être consulté en ligne, sur le site de l’Assemblée nationale :

https://assnat.fr/AaKR4L

 

 

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Audition par la Délégation :

Ministère des Collectivités territoriales

– Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

– M. David Lisnard, président, maire de Cannes

Intercommunalités de France

– M. Sébastien Martin, président délégué, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon

– M. Sébastien Miossec, président délégué, président de la communauté d’agglomération Quimperlé Communauté

Villes de France

– M. Gil Avérous, président, maire de Châteauroux et président de la communauté d’agglomération de Châteauroux Métropole

– M. Jean-François Debat, président délégué, maire de Bourg-en-Bresse et président de la communauté d’agglomération du Bassin de Bourg-en-Bresse

Assemblée des départements de France (ADF)

 M. Jean-Léonce Dupont, vice-président et président de la commission finances de l’Assemblée des départements de France, président du département du Calvados

 M. Jean-Luc Gleize, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France, président du département de la Gironde

Régions de France

 Mme Carole Delga, présidente de Régions de France et présidente de la région Occitanie

 M. Jean Rottner, président de la région Grand Est


Direction générale des collectivités locales (DGCL)

– M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

– M. Sébastien Simoes, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l’action économique

– M. Adrien Méo, chef du bureau des concours financiers de l’État

 

Audition par le groupe de travail :

Ministère des Comptes publics

– M. Richard Bordignon, conseiller budgétaire auprès du ministre

– M. Jérôme Dupuy, conseiller parlementaire

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

– M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques

– Mme Véronique Rigal, sous-directrice au service de la gestion fiscale

– M. Jean-Philippe Espic, sous-directeur au service des collectivités locales

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

– M. Pierre Breteau, co-président de la commission finances, maire de Saint-Grégoire

– Mme Nathalie Brodin, responsable du service finances

– M. Alexandre Huot, conseiller finances intercommunales

– Mme Claire Gékas, conseillère finances

– M. Aurélien Philippot, conseiller finances

– Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Intercommunalités de France

– M. Sébastien Miossec, président délégué

– Mme Montaine Blonsard, responsable des relations parlementaires

France Urbaine

– M. Franck Claeys, délégué adjoint

– M. Anselmo Jalabert, conseiller finances locales

– Mme Sarah Bou Sader, conseillère relations parlementaires


Assemblée des départements de France (ADF)

– Mme Carine Riou, conseillère finances

– M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

Ressources consultants finances

– M. Eric Julla, directeur général

Cabinet Michel Klopfer

– M. Michel Klopfer, directeur

– M. Christian Escallier, directeur

– Mme Céline Bacharan, consultante finances locales

– M. Vivien Groud, consultant finances locales.

 


([1]) La composition du groupe de travail figure au verso de la présente page.

([2]) Ce groupe de travail, dont la composition figure au verso de la page de titre, comprend le président de la délégation et un membre de la délégation de chaque groupe politique, soit onze membres.

([3]) Discours de la Première ministre Élisabeth Borne à la 32ème Convention des Intercommunalités de France le 7 octobre 2022.

([4]) L’indice des prix à la consommation (IPC) en France était en hausse de 5,9 % en août 2022, de 5,6 % en septembre 2022 et de 6,2 % en octobre 2022 sur un an glissant selon l’Insee. L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) dans l’Union européenne était en hausse de 10,3 % en août 2022, de 10,9 % en septembre 2022 et de 10,7 % en octobre 2022 sur un an glissant selon Eurostat.

([5]) Article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([6]) I de l’article 21 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([7]) Articles 12 et 13 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([8]) Décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 pris en application de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([9]) Amendements n° 2323 de M. Thomas Cazenave et n° 945 et 2932 de Mme Christine Pires Beaune.

([10]) Amendement n° 3627 de Mme Lise Magnier et des membres du groupe Horizons et apparentés.

([11]) Annonce de la ministre déléguée aux collectivités territoriales, Mme Caroline Cayeux, au Comité des finances locales le 26 septembre 2022.

([12]) Annonce de la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, dans son discours au congrès d’Intercommunalités de France le 7 octobre 2022.

([13]) Amendement n° 3536 de M. Thomas Cazenave, M. Mathieu Lefèvre, Mme Aurore Bergé et des membres du groupe Renaissance.

([14]) Amendement n° 943 de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés.

([15]) Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 2, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et leurs établissements, octobre 2022, pp. 37-38.

([16]) Articles 29 et 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([17]) Article 30 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([18]) Amendement CF4 de M. Charles de Courson, adopté par la commission contre l’avis du rapporteur général.

([19]) Articles 1er et 2 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([20]) Article 11 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. L’article premier de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a consacré les dispositions relatives aux lois de programmation des finances publiques, notamment celles relatives aux administrations publiques locales, en les transférant dans la LOLF.

([21]) Articles 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation pour les finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([22]) Cour des comptes, Les finances publiques locales 2018, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2018, pp. 69 et suivantes.

([23]) Décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018.

([24]) Article 12 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([25]) Loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.

([26]) voir annexe au PLF pour 2023 « Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales », p. 33.

([27]) L’article 1 F de la LOLF prévoit que la loi de programmation des finances publiques comporte quatre parties distinctes relatives au cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques, des administrations publiques centrales, des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale.

([28]) La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ouvert un milliard d’euros de crédits en AE au titre d’une DSIL « exceptionnelle » dans le cadre du Plan de relance, montant ramené à 950 millions d’euros par un décret de transfert de crédits du 28 janvier 2021. La totalité des AE a été engagée au 31 décembre 2021.

([29]) Rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, n° 268, par Joël Giraud, rapporteur général, p. 100.

([30]) I de l’article 21 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([31]) Article 74 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([32]) Par solde, il faut entendre la capacité ou le besoin de financement au sens de la comptabilité publique, c’est-à-dire la différence entre recettes et des dépenses y compris d’investissement.

([33]) Rapport de l’OFGL sur les finances des collectivités locales en 2022 et note de l’Insee sur le compte des administrations publiques en 2021, Insee Première, mai 2022, n° 1903.

([34]) Les organismes divers d’administration locale regroupent notamment les établissements publics locaux (CCAS, SDIS, AOM, etc.) et les établissements publics locaux d’enseignement. Leur solde est passé d’un déficit de 3,6 milliards d’euros en 2020 à un déficit de 5,3 milliards d’euros en 2021, principalement en raison d’une dégradation du solde de la société du Grand Paris et d’Ile-de-France Mobilité (IDFM).

([35]) Si le bloc communal et les départements dégagent une capacité de financement en 2021, tel n’est pas le cas des régions qui ont un besoin de financement d’environ 2 milliards d’euros.

([36]) La référence au 1° du III de l’article 14 à la fin du premier alinéa est erronée : la référence correcte devrait être le III de l’article 16.

([37]) Voir le rapport d’information sur les dotations de soutien à l’investissement du bloc communal, tome I1 : la DSIL, n° 3484, pp. 47, par Mme Christine Pires-Beaune et M. François Jolivet, rapporteurs, et M. Jean-René Cazeneuve, président.

([38]) Amendement n° 3236 du Gouvernement portant l’article additionnel 40 quater.

([39]) Jaune 2023 « Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales », pp. 9 et suivantes.

([40]) Article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

([41]) 2 du II de l’article 1586 ter du CGI dans sa rédaction résultant de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([42]) Ces dispositions, introduites à l’article 1586 quater du CGI par l’article 15 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, visent à prévenir les schémas d’optimisation fiscale au niveau de la structuration d’un groupe de sociétés.

([43]) Selon l’évaluation préalable de l’article 5 jointe au PLF pour 2023. À titre de comparaison, en 2020, avant la réforme intervenue en loi de finances pour 2021, le montant des acomptes versés par les entreprises s’élevait à 13,6 milliards d’euros.

([44]) Article 89 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([45]) Pour mémoire, seuls 178 des 1254 EPCI à fiscalité propre ont une fiscalité additionnelle. Il s’agit pour la quasi-totalité de communautés de communes.

([46]) Selon le rapport annuel au Parlement relatif à la CVAE pour 2022, remis en application de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016.

([47]) soit 91 millions d’euros, inscrits sur l’action n° 5 Dotation générale de décentralisation des régions du programme 119 de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

([48]) Notamment amendement n° 3239 de Mme Stella Dupont.

([49]) Amendement n° 3283 (rect) du Gouvernement.

([50]) Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 2, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et leurs établissements, octobre 2022, pp. 31.

([51]) Note thématique de la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, n° 3, septembre 2022.

([52]) Rapport annuel au Parlement relatif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) remis en application de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016, années 2017 à 2020.

([53]) Amendement n° 937 de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés.

([54]) Informations rapides, Insee, 15 novembre 2022.

([55]) Article 1518 bis du code général des impôts.

([56]) Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 2, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et leurs établissements, octobre 2022, pp. 24 et 25.

([57]) Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de 3,5 % de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

([58]) Article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([59]) Amendement n° 936 de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés.

([60]) Amendements identiques n° 920 (rect) de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, et n° 1080 du Gouvernement. Ces deux amendements conditionnaient l’éligibilité à la dotation à une baisse de 30 % de l’épargne brute en 2022.

([61]) Amendements identiques n° 1 de M. Jean-René Cazeneuve et n° 3 de Mme Christine Pires Beaune.

([62]) Les départements n’ont pas été inclus dans ce dispositif dans la mesure où le Parlement a adopté un PSR de 120 millions d’euros pour compenser la revalorisation du RSA (article 12 de la loi de finances rectificative pour 2022).

([63]) Amendement n° 188 (rect.) de M. Jean-François Husson, rapporteur général.

([64]) Décret n° 2022-1314 du 13 octobre 2022 pris en application de l'article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([65]) Articles L. 1612-12 et L. 1612-13 du CGCT.

([66]) Communiqué de presse de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, du 17 novembre 2022.

([67]) Pour mémoire, on comptait 34 961 communes et 10 318 intercommunalités dont 1 254 EPCI à fiscalité propre au 1er janvier 2021, soit environ 45 000 communes ou établissements susceptibles de bénéficier du dispositif.

([68]) Amendements n° 2323 de M. Thomas Cazenave, Mme Anne Brugnera, M. Emmanuel Mandon, Mme Stella Dupont, M. Didier Le Gac et M. Robin Reda et n° 945 de Mme Christine Pires Beaune et des membres du groupe Socialistes et apparentés.