N° 1455

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 juin 2023

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la gestion de l’eau pour les activités économiques

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Patrice PERROT et René PILATO

Députés

——


 


—  1  —

 

 

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos du rapporteur M. Patrice Perrot

Avant-Propos du rapporteur M. René Pilato

Synthèse

introduction

PREMIÈRE PARTIE : La Politique de l’eau en France – état des lieux et perspectives dans le cadre du changement climatique

I. l’eau : bilan de la situation actuelle en France et dans le monde

1. Quelles ressources en eau au niveau mondial ?

2. Quelle ressource et quelle consommation de l’eau en France ?

3. Le cadre juridique et la gouvernance de l’eau en France

a. Un cadre juridique international, européen et national protecteur de la ressource en eau, qui constitue un bien commun, et consacrant un droit à l’eau potable et à l’assainissement

i. Le droit à l’eau : un droit fondamental consacré internationalement

ii. Les principes de la gestion de l’eau fixés par le droit européen

iii. Le droit français

b. Une gouvernance complexe, partagée entre de nombreux acteurs

i. Le rôle de l’État

ii. Les agences de l’eau

iii. Les collectivités locales

iv. Une gouvernance critiquée pour son manque d’efficience

c. Les documents planificateurs

4. La qualité de l’eau en France : un objectif encore loin d’être atteint

a. La pollution des eaux liée aux nitrates et phosphates

i. Les nitrates

ii. Les phosphates

b. Les pesticides

c. Micropolluants et autres pollutions

5. Une prise de conscience générale et une succession de concertations et de plans gouvernementaux

a. Les Assises de l’eau (2017-2019)

b. Le Varenne de l’eau

c. Le plan gouvernemental sur l’Eau

II. Quelles perspectives pour demain ? la gestion de l’eau à l’épreuve du changement climatique

1. Les scénarios d’évolution du climat

2. Quelles conséquences sur le cycle de l’eau et la disponibilité de la ressource ?

3. Les récents épisodes de sécheresse en France : des évènements « extrêmes » appelés à devenir habituels ?

SECONDE PARTIE : ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET GESTION DE L’EAU – QUELS LEVIERS POUR S’ADAPTER ET GARANTIR UN PARTAGE DE LA RESSOURCE EN EAU JUSTE ET DURABLE ?

I. DES SECteurs économiques conFrontés à une évolution rapide de la situation qui doivent être accompagnés

A. L’agriculture au cœur des tensions : sortir du conflit pour faire de la gestion de l’eau un levier de la transition agro-écologique

1. Pas d’agriculture sans eau

a. La consommation d’eau par le secteur agricole

i. L’agriculture, premier consommateur d’eau en France, avec une consommation accrue en été

ii. Des besoins en matière d’irrigation que le changement climatique tend à accroître

b. La gestion de l’eau doit être pensée comme un levier de transformation de l’agriculture française dont l’accompagnement par les pouvoirs publics doit être renforcé

i. Adaptation et transition agro-écologique

ii. Encourager le développement des cultures moins gourmandes en eau

iii. Construire une stratégie pour adapter la géographie des cultures agricoles aux tensions sur la ressource en eau

iv. L’amélioration des techniques d’irrigation

v. Renforcer le déploiement des organismes uniques de gestion collective

vi. Les pistes autour du stockage de l’eau

vii. La nécessité d’une planification plus affirmée autour d’un dialogue à renforcer entre le ministère de la transition écologique (MTE) et le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA)

c. Les retenues de substitution : exemple emblématique des dissensions sur le partage de l’eau en France

i. Qu’est-ce qu’une retenue de substitution, dite « bassine » ou « mégabassine » ?

ii. L’encadrement juridique de ces ouvrages

iii. Le débat sur la légitimité de ces ouvrages

d. Faut-il donner une place particulière à l’agriculture concernant la hiérarchie des usages ?

B. ÉNERGIE : OPTIMISER LES PRÉLÈVEMENTS ET GARANTIR LA SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

1. La sensibilité du parc nucléaire français à la contrainte hydrique s’est accentuée

a. L’eau est une ressource indispensable pour le refroidissement des centrales nucléaires

2. La raréfaction de la ressource en eau et les variations climatiques affectent la disponibilité des centrales nucléaires

3. Renforcer la résilience du parc nucléaire au changement climatique doit être une priorité

4. L’hydroélectricité : concilier production énergétique et partage de la ressource en eau

a. Première source d’énergie renouvelable, l’hydroélectricité est dépendante de la ressource en eau

b. Les retenues hydrauliques : entre partage de la ressource en eau et production énergétique

C. Industrie : DES EFFORTS DE SOBRIÉtÉ À poursuivre pour garantir une rÉindustrialisation durable du territoire

1. Un secteur qui prélève plus qu’il ne consomme

2. Des prélèvements en baisse depuis 20 ans

3. Un secteur inquiet au vu des tensions sur la ressource

4. Des marges de progression qui nécessitent une mobilisation forte des filières et un accompagnement des pouvoirs publics

a. Des feuilles de route par filière avec des objectifs précis de réduction

b. Les plans d’utilisation rationnelle de l’eau : une bonne pratique à généraliser

c. Favoriser la connaissance de la ressource, l’investissement pour des équipements économes en eau et le réemploi

5. La question des embouteilleurs

D. Tourisme et loisirs : tensions, adaptation et rÉinvention

1. L’avenir du golf

2. Quelle réinvention pour le tourisme de montagne en hiver ?

3. Les courses hippiques et les activités équestres

4. Le canoë-kayak : une activité dont l’existence est menacée dans certains territoires

5. Les acteurs du transport fluvial (tourisme et marchandises)

6. La Corse : illustration d’un territoire où le tourisme et la gestion de l’eau peuvent être difficiles à concilier

II. entre sobriété, accompagnement et adaptation : des leviers pour améliorer la gestion quantiTative et qualitative de l’eau pour les activités économiques

A. Améliorer la connaissance de la ressource en eau et des captages

B. favoriser les solutions fondées sur la nature et faire des enjeux relatifS à la qualité de l’eau un axe central

1. Les solutions fondées sur la nature et le rétablissement du grand cycle de l’eau

2. La qualité de l’eau : l’urgence à agir

C. Encourager à la sobriété des usages pour un partage plus juste

1. Le cadre des arrêtés sécheresses

2. Une évolution de la tarification de l’eau souhaitable

3. Une stratégie de contrôle à réaffirmer

4. Généraliser les compteurs

D. eaux non conventionnelles et stockage : enjeux et leviers d’action

1. Les eaux non conventionnelles : un potentiel à davantage exploiter

a. De nombreux enjeux autour de la réutilisation des eaux traités (« REUT »)

i. Le cadre juridique

ii. Un potentiel très peu exploité en France

iii. Les freins au développement de la réutilisation

iv. Développer la REUT en prenant en compte les spécificités locales

b. Simplifier le cadre administratif et juridique

c. Les autres types d’eaux non conventionnelles : aperçu des enjeux

i. Les eaux de pluie

ii. Les eaux grises

iii. Le dessalement

iv. Sortir de l’approche en silo

2. Les enjeux de stockage de l’eau pour un multi-usage : construire des solutions concertées et conditionnées sur le plan écologique

E. une gouvernance à repenser

1. Les enjeux autour du renforcement de la place des citoyens dans la gouvernance de l’eau

2. La gouvernance à l’échelle du sous-bassin versant doit être privilégiée

a. Faire du sous-bassin hydrographique l’échelon de mise en œuvre des politiques publiques de gestion de l’eau

b. Améliorer la planification à l’échelle du sous-bassin

i. Les SAGE

ii. Les PTGE

c. Garantir une expertise de qualité et indépendante aux services des collectivités

3. Se donner les moyens de nos ambitions

Liste des propositions

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXES

Sigles et acronymes

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Personnes entendues lors des dÉplacements de la mission

 


—  1  —

 

   Avant-propos du rapporteur M. Patrice Perrot

Chers Collègues,

C’est avec une ambitieuse et dynamique détermination à agir que je vous invite à vous saisir de ce rapport d'information de la Commission des Affaires Économiques sur la gestion de l'eau.

Ce rapport, intitulé Gestion de l'eau : bilan, perspectives et leviers pour une gestion juste et durable, représente un jalon important dans notre quête commune pour assurer une utilisation équitable et durable de cette ressource vitale.

Permettez-moi, tout d’abord, de souligner l'importance capitale de cette problématique à l'échelle mondiale.

C’est pourquoi, aux côtés de notre collègue Bénédicte Taurine puis René Pilato, je me suis consacré à dresser un bilan lucide de la situation actuelle de l'eau, tant en France que dans le reste du monde. Les constats inévitablement alarmants auxquels nous sommes confrontés sont multiples et complexes. Parmi eux, j’ai observé avec une profonde préoccupation la raréfaction des ressources en eau à l'échelle planétaire, la surconsommation parfois de cette précieuse ressource sur notre territoire, ainsi que les enjeux cruciaux relatifs au cadre juridique régissant sa gestion et la nécessité pressante d'une réforme de sa gouvernance.

De plus, la qualité de l'eau et les mesures prises pour remédier à cette problématique ont également fait l'objet d'une attention soutenue. Face à ces constats incontournables, il est impératif que nous agissions avec détermination et rapidité.

Nous avons pris soin de mettre en évidence les liens étroits qui existent entre les activités économiques et la gestion de l'eau. Toujours avec méthode, nous avons étudié en profondeur les secteurs clés tels que l'agriculture, l'énergie, l'industrie et le tourisme, identifiant ainsi les défis majeurs qui les accompagnent. Toutefois, je reste convaincu que ces défis peuvent être relevés avec audace, en mobilisant tous les leviers disponibles pour garantir une utilisation équitable et durable de cette ressource vitale. C'est dans cet esprit que ce rapport propose des recommandations claires et ambitieuses visant à accompagner ces secteurs dans leur transition vers des pratiques respectueuses de l'environnement.

Cet élan d'engagement et de responsabilité nous pousse à souligner l'importance cruciale de promouvoir la sobriété dans nos usages de l'eau, de privilégier les solutions basées sur la nature et d'améliorer radicalement la gouvernance de cette ressource précieuse. Ces principes essentiels, portés avec conviction, sont développés en détail offrant ainsi des pistes de réflexion stimulantes et des propositions concrètes pour améliorer la gestion quantitative et qualitative de l'eau, au service tant des activités économiques que de l'ensemble de la société.

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour exprimer ma profonde gratitude envers toutes les personnes qui ont accepté de témoigner lors de nos auditions. Leurs contributions précieuses et leurs connaissances éclairées ont grandement enrichi nos travaux. Leur expertise, leur engagement inébranlable et leur détermination à préserver cette ressource vitale qu'est l'eau ont été une source d'inspiration inestimable tout au long de notre mission d'information.

Je souhaite également exprimer ma reconnaissance envers l’ensemble des élus qui ont travaillé en étroite collaboration avec nous sur cet enjeu majeur. Leur implication et leur soutien indéfectible témoignent d'une volonté commune de bâtir un avenir où l'eau est préservée pour les générations à venir.

Chers collègues, élu dans un département connu comme le « vert pays des eaux vives », la Nièvre n’est malheureusement pas épargnée par la raréfaction de cette ressource, les Nivernais comme l’ensemble des Français attendent des solutions claires et une ambition forte de notre part sur ce sujet de plus en plus présent dans notre quotidien. Aujourd’hui, alors que le Président de la République Emmanuel Macron a présenté le Plan Eau gouvernemental en mars dernier, je souhaite que la représentation nationale que nous incarnons se saisisse de cette opportunité politique historique et place la gestion de l'eau au cœur de ses priorités, en transformant les défis en opportunités. Nous possédons, j’en suis persuadé, l'audace et la volonté nécessaire pour imaginer un avenir où l'eau est utilisée de manière responsable et durable, où les pratiques économiques respectent les équilibres naturels et où chaque individu est conscient de la valeur inestimable de cette ressource.

C'est ensemble, en unissant nos forces, que nous serons en mesure d'accomplir de grandes choses. Engageons-nous résolument sur cette voie ambitieuse de la gestion de l'eau, avec confiance en l'avenir. Faisons de cet enjeu une cause qui nous rassemble, en œuvrant pour un monde où l'eau, source de vie et de prospérité, est plus que tout préservée.


—  1  —

 

Avant-Propos du rapporteur M. René Pilato

L'eau est un bien commun de l’humanité, une ressource vitale nécessaire à notre quotidien. Aujourd'hui, ce patrimoine naturel est menacé : la sécheresse sévit, les inondations se multiplient, la pollution gagne du terrain et nos sources d'eau sont mises à mal. La crise de l'eau, mondiale, est une réalité qui touche directement la France et nos voisins européens. Selon le Commissariat Général du Développement Durable, la ressource en eau renouvelable a déjà baissé de 14 % en France métropolitaine, en moyenne annuelle, entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018. Les pratiques de surconsommation, le traitement insuffisant des eaux usées, et les méthodes agricoles non durables épuisent nos réserves. De nombreux phénomènes nous rappellent l'urgence d'agir : ceux qui sont localisés et violents tels que les pluies torrentielles et les coulées de boue ou, au contraire, les pluies insuffisantes ; les sécheresses hivernales, qui laissent plus de la moitié des nappes phréatiques sous les seuils d’inquiétude ; les étés brûlants, rythmés par les canicules et incendies.

L’eau est un « or bleu » sur lequel font main basse des grandes entreprises, sous l’impulsion du modèle économique capitaliste et productiviste en vigueur. Pourtant, la raréfaction de l’eau est un défi majeur pour les êtres humains : trois jours sans eau et nous sommes morts. Sa gestion est fondamentale pour répondre à nos besoins primaires : boire, manger, se loger, assurer son hygiène et se déplacer. Nous devons repenser notre relation à ce bien commun et optimiser ses usages. Il est impératif de légiférer et d'investir dans des infrastructures et pratiques permettant une gestion responsable de cette ressource précieuse, en l’économisant et en la récupérant sans nuire aux milieux naturels. Préserver l’eau impose de préserver et restaurer ces milieux, condition nécessaire mais non suffisante à la survie de l’humanité.

L’implantation d’usines prélevant de l’eau directement dans les nappes phréatiques, telles que celle de Coca-Cola à Grigny, deviennent inacceptables. Un nouveau contrat social doit garantir le non-accaparement de cette ressource au profit de quelques-uns. Les habitants de cette commune boivent l’eau potable traitée de la Seine tandis que l’usine pompe l’eau la plus pure des nappes phréatiques par forage direct. Le raccordement aux réseaux de la ville se négocie en ce moment. Le tarif payé au m³ d’eau prélevé d’un forage privé déclaré aux Agences de l’eau se situe entre 0,05 € et 0,18 € pour les usages industriels. Or, considérer l’eau comme bien commun devrait contraindre un propriétaire de forage à s’acquitter d’un prix à hauteur de la valeur de la ressource – par comparaison, un usager domestique s’acquitte en moyenne de 2 € par m³ prélevé, hors coût de l’assainissement.

Plusieurs mesures du Plan eau du gouvernement alertent le groupe parlementaire LFI-NUPES car elles ne contiennent que des généralités sur les quantités et les délais, alors que nous ne pouvons plus prélever davantage que ce que la nature peut reconstituer. La Cour des Comptes elle-même pointe la nécessité de respecter le renouvellement de la ressource, dans son dernier rapport annuel et son chapitre consacré à la gestion quantitative de l’eau : les résultats obtenus (de l’administration de la politique de l’eau) ne permettent pas de garantir aux citoyens un accès durable à tous les usages pour lesquels l’eau est indispensable, tout en préservant la qualité de la ressource et en limitant les prélèvements à un niveau compatible avec son renouvellement.

Notre groupe LFI-NUPES porte le projet politique de la tarification progressive et différenciée des usages de l’eau.

L'agriculture, pilier économique de notre pays et plus gros consommateur d’eau douce, ne pourra pas continuer durablement si elle s’inscrit dans le modèle intensif dominant en vigueur. Les éléments portés à notre connaissance lors de l’élaboration de ce rapport, notamment lors d’auditions de nombreux acteurs hautement qualifiés, nous poussent à promouvoir urgemment et de façon planifiée sur le temps long des pratiques soutenables, favorisant l'irrigation économe et respectueuse de l'environnement. Il est temps de prendre des mesures audacieuses, en se détachant du vieux modèle basé sur l’agrochimie qui appauvri nos sols et en planifiant l’émergence d’une agriculture écologique et paysanne.

Le Conseil économique, social et environnemental appelle à la nécessité de « réaliser une véritable transition écologique et systémique de l’agriculture ». D’après les chiffres rapportés par la Cour des Comptes, la qualité des eaux sera amenée non pas à s’améliorer mais à se détériorer de plus de dix points pour les eaux superficielles et souterraines à l’aune de 2027. Le constat est donc sans appel : la politique publique de l’eau est déficiente pour enrayer la pollution touchant nos sources naturelles en eau. Nous sommes en droit de nous interroger sur la réutilisation des eaux usées dont les prix seront bien supérieurs et qui souvent permettent l’étiage.

La redevance « pollution domestique » payée par les ménages représente 47 % du total des redevances encaissées par les Agences de l’eau, tandis que les redevances pour pollutions diffuses, modulées selon le niveau de toxicité et de dangerosité des substances utilisées par les exploitants, ne représentent que 8,4 %. Les redevances pour la pollution industrielle s’élèvent quant à elles à 3,2 % et celles imputées à l’élevage à 0,2 %. Or, le nitrate provenant du nombre important d’élevages ultra-intensifs, est à l’origine de la pollution de l’entièreté des sols et des cours d’eau en Bretagne, incarnée par le désastre écologique des algues vertes.

Sur les réserves de substitution, le Cerama (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), établissement public sous tutelle du Ministère de la Transition écologique, qui accompagne l’État et les Collectivités territoriales pour l’élaboration et le déploiement de leurs politiques d’aménagement, pose un postulat éthique et prospectif : « il y a effectivement un risque de préemption de l’eau qui doit rester un bien commun. Dans tous les cas, cette solution présente un risque et n’est pas forcément une mesure opportune d’adaptation au changement climatique ».

L’énergie est nécessaire au fonctionnement de notre société. S’il est impératif de décarboner nos productions, le parc de centrales nucléaire français n’est pour autant pas résilient au dérèglement climatique et à la tension sur les ressources en eau. L’atome est le deuxième plus gros consommateur d’eau douce en France : il en dépend et n’est pas neutre en conséquence sur les milieux aquatiques. À la dépendance géopolitique aux matières fossiles et non-renouvelables importées de l’étranger telles que l’uranium, s’ajoute pour les centrales nucléaires la dépendance jusqu’alors négligée à des ressources en eau douce qui s’amenuisent.

L’industrie joue un rôle majeur dans la chaîne économique de l’offre, bien au-delà des besoins primaires. Si l’objectif de réindustrialisation du pays répond à des besoins sociaux et climatiques, le modèle industriel de demain devra passer par des impératifs de sobriété. Les espoirs mis dans la réutilisation des eaux usées sont le reflet de l’illusion selon laquelle il ne serait pas nécessaire de remettre en cause une consommation déjà dispendieuse. Il nous semble par ailleurs nécessaire d’investir dans des laboratoires spécifiques et de pointe afin d’effectuer des analyses de la qualité de l’eau et des pollutions dans le cadre de contrôles continus dans les zones urbaines, industrielles, naturelles et agricoles.

Le tourisme est incontournable dans l’économie française et certaines activités de loisir sont déjà touchées par la raréfaction de l’eau : du golf au transport fluvial, en passant par les activités hivernales en montagne, les sports équestres ou le canoë-kayak. Il n’est déjà plus possible aujourd’hui de faire comme il y a quelques années, il ne sera donc plus possible d’espérer un retour à un « avant » plein d’excès vis-à-vis de la réalité physique. Nous devrons choisir et choisir c’est renoncer.

Les établissements qui assurent les services les plus essentiels de l’eau, de son contrôle à sa préservation ne voient pas leur dotation financière et leur ressource humaines augmenter. En effet, en sept ans, 285 emplois ont été perdus par les Agences de l’eau, 633 par le Cerema, 91 par l’Office français de la biodiversité qui assure une partie de la police de l’eau. De plus, les recettes des Agences de l’eau ont été réduites de 9 % entre le dernier programme (2013-2018) et l’actuel (2019-2024). Le Plan eau du gouvernement supprime le plafond des dépenses des Agences de l’eau, alors que l’ensemble des personnes auditionnées dans l’élaboration de ce rapport s’accordent sur le fait que ce sont les recettes qu’il faudrait déplafonner. L’augmentation des recettes des Agences de l’eau leur permettrait d’investir plus à la hauteur de ce qui est nécessaire pour faire face aux enjeux grandissants de l’eau. La cure d’austérité imposée aux services de l’eau est incompréhensible et à rebours de l’enjeu de la raréfaction de l’eau qui se profile et qui sera très probablement l’enjeu de ce siècle.

Gérer les conflits d’usage et d’intérêt particulier pour l’eau nécessite de faire des choix au service de l’intérêt général. La constitution d’un véritable « pôle eau » est une piste de réflexion, afin de ne pas traiter l’eau comme une affaire de justice courante mais comme un élément vital et donc de tout premier ordre. La pollution massive des terres, de l’eau et de l’air dans la Vallée de la Chimie est en cours et est catastrophique sur le plan sanitaire. Des collectifs citoyens ont mené leurs propres prélèvements sur l’eau potable, les eaux superficielles et souterraines. Agissons dès maintenant pour garantir un avenir où l'eau sera notre bien commun, saine et accessible à toutes et tous.

Les derniers rapports scientifiques et les observations concrètes des phénomènes d’accélération du changement climatique et de l’épuisement des ressources nous indiquent que la survie de l’humanité et de la civilisation, en harmonie avec la nature, est l’enjeu de notre siècle. L’eau est le reflet de notre civilisation, la ressource de base nécessaire à notre développement : nous devons la protéger et la préserver par une planification écologique. Pour rompre avec le capitalisme financier, nous devons partir des besoins et engager la bifurcation de nos modes de production, d’échanges et de consommation. Continuer avec ce système du profit à court terme, de la compétitivité et de la destruction méthodique de nos services publics, c’est prendre le chemin de l’effondrement et de la barbarie. Un autre monde est possible ! Si le partage des richesses, fruit de la production du travail commun, est une nécessité, alors le partage de l’eau est partie intégrante d’un nouveau contrat social car indispensable à la vie de chaque être humain.


—  1  —

 

   Synthèse

I.   LA POLITIQUE DE L’EAU EN FRANCE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

La première partie du rapport dresse un bilan de la situation actuelle de la ressource et anticipe les conséquences du réchauffement climatique sur la disponibilité et la qualité de la ressource.

Si environ 72 % de la surface terrestre est recouverte d’eau, l’eau douce ne représente que 2,5 % de l’hydrosphère. La France apparaît relativement bien dotée, avec un flux renouvelable moyen d’environ 3 000 m3 par habitant. Les prélèvements annuels d’eau douce en France s’élèvent à 32,8 milliards de m3 d’eau douce pour 4,1 milliards de m3 d’eau consommés. La répartition de ce volume entre les différents usages et les différents consommateurs s’établit de la manière suivante :

– En ce qui concerne les prélèvements d’eau douce : 51 % sont utilisés pour le refroidissement des centrales électriques ; 16 % sont utilisés pour la production d’eau potable ; 16 % pour l’alimentation des canaux ; 9 % pour des usages agricoles et 8 % pour des usages industriels ;

– En ce qui concerne les consommations d’eau douce : 58 % de l’eau consommée l’est pour des usages agricoles ; 26 % pour la production de l’eau potable ; 12 % pour le refroidissement des centrales électriques et 4 % pour les usages industriels.

La question de la gestion de l’eau exige un traitement prospectif, dans le cadre du changement climatique qui modifie le cycle de l’eau et la disponibilité de la ressource. Le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) reposait sur l’hypothèse d'une hausse des températures de 3 °C, conforme à l'accord de Paris de 2015 : dans le cadre de la préparation du nouveau plan, l’hypothèse retenue est celle d’une hausse de 4 °C. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE), dans un avis du 4 mai 2023, rappelle que « le réchauffement climatique en France métropolitaine sera supérieur au réchauffement global d’environ 50 % ». Ce réchauffement climatique a des conséquences sur le cycle de l’eau qui s’accentueront avec lui : évapotranspiration, fonte des glaciers, accroissement de la fréquence des épisodes climatiques jugés extrêmes, modification de la géographie des précipitations et dégradation de la qualité des eaux, via notamment des phénomènes d’eutrophisation des milieux. Les récents épisodes de sécheresse en France, notamment celui de l’été 2022, semblent appelés à se multiplier et à ne plus constituer des exceptions.

Les territoires ultramarins font face à des problématiques spécifiques en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, sur lesquelles les rapporteurs ont souhaité insister. Ces difficultés ont justifié la mise en œuvre d’un plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement (PEDOM), signé en mai 2016.

La première partie du rapport rappelle également le cadre juridique et la gouvernance dans lesquels s’inscrit la politique de l’eau.

Le cadre juridique international, européen et national est protecteur de la ressource en eau, qui constitue un bien commun. Un droit fondamental à l’eau potable et à l’assainissement est consacré internationalement. La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Reconnu par l’Union européenne en 1987, le principe de « pollueur payeur » implique que les atteintes à la ressource en eau fassent l’objet d’une prise en charge par leurs auteurs des mesures de restauration du bon état de celle-ci. Au niveau national, l’article L. 210-1 du code de l’environnement consacre ainsi l’eau comme « patrimoine commun de la nation » et dispose que « sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ». Le droit de propriété sur l’eau est ainsi fortement limité pour faire primer un droit d’usage. Les utilisations de l’eau par les acteurs économiques sont donc strictement encadrées.

La politique de l’eau fait, en outre, l’objet d’une gouvernance particulièrement complexe, répartie entre l’État, qui conserve un rôle majeur ; les six Agences de l’eau et les collectivités territoriales. Cette complexité fait l’objet de critiques, la Cour des comptes l’ayant jugée dans son rapport public annuel 2023 inefficiente et en-deçà des enjeux actuels.

Les politiques de gestion de l’eau s’appuient sur des documents planificateurs élaborés à l’échelle des bassins et des sous-bassins :

– Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) fixe à l’échelle du bassin hydrographique les orientations à mettre en œuvre, pour une période de six ans. Élaboré par l’agence de l’eau, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), qui déclinent le SDAGE, est voté par le comité de bassin et arrêté par le préfet coordinateur de bassin.

– Les documents d’urbanisme (SCoT, PLU, PLUI) doivent être compatibles avec les objectifs du SDAGE.

Les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), plus récents, connaissent un certain succès et sont encouragés par les pouvoirs publics. Ils promeuvent la sobriété dans l’usage des ressources et peuvent aussi servir de support à l’élaboration de solutions de stockage. Les PTGE doivent être cohérents avec les SDAGE et le cas échéant les SAGE.

Les tensions croissantes sur la ressource en eau ne doivent en aucun cas faire passer au second plan les enjeux relatifs à la qualité de l’eau, qui sont mis en exergue dans le présent rapport. Les milieux aquatiques sont ainsi sous tension, du fait des activités domestiques, agricoles, industrielles et énergétiques. L’accroissement des usages a conduit à faire de plus en plus pression sur les capacités d’autoépuration du sol. Les objectifs de qualité sont ainsi de plus en plus difficiles à atteindre.

Les évolutions climatiques et leurs conséquences sur le cycle de l’eau, ainsi que les enjeux de qualité de l’eau ont conduit, au cours des dernières années, à une prise de conscience générale et une succession de concertations et de plans gouvernementaux – Assises de l’eau de 2017 à 2019, Varenne de l’eau en 2021 et plan gouvernemental « Eau » présenté en mars 2023, ce dernier comportant 53 mesures et fixant un objectif de réduction des prélèvements d’eau de 10 % d’ici 2030. 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines ne sont pas en bon état au sens du droit européen. 43,3 % des masses d’eau de surface sont affectées par des pollutions diffuses (nitrates, pesticides notamment), 25,4 % par des pollutions ponctuelles et 19,4 % par des prélèvements d’eau excessifs. 10,7 % des masses d’eau souterraines font l’objet de prélèvements excessifs ([1]) . Comme le souligne la Cour des comptes, « en 2027, 67 % des masses d’eau de surface (7 646 sur 11 407) et 40 % des masses d’eau souterraines risquent de ne pas atteindre le bon état au sens de la directive cadre européenne ».

***

Alors que la gestion quantitative et qualitative de l’eau pose des défis de taille pour notre appareil productif, la deuxième partie du présent rapport tâche d’apporter des réponses aux questions suivantes : comment accompagner les secteurs économiques – l’agriculture, mais aussi l’industrie, le tourisme et l’énergie – vers les transitions nécessaires. Comment, dans les situations de tensions extrêmes que constituent les sécheresses, penser la hiérarchisation des usages de l’eau et le partage de la ressource entre ces différents secteurs après avoir satisfait les besoins vitaux humains ? Vos rapporteurs formulent dans cette deuxième partie un certain nombre de propositions sectorielles, avant d’en venir à une approche transversale.

II.   DES SECteurs économiques confrontés à une évolution rapide de la situation qui doivent être accompagnés

A.   L’AGRICULTURE, UN SECTEUR AU CŒUR DES TENSIONS

Les experts anticipent une aggravation forte à très forte des impacts du changement climatique sur l’agriculture pour la deuxième moitié de ce siècle.

Le recours à l’irrigation varie en fonction des départements et régions, ainsi que des cultures. 32 % des surfaces irriguées concernent des productions de maïs. 20 % des exploitations agricoles sont équipées d’un système d’irrigation, ce qui représente 75 000 irrigants. 6,8 % de la surface agricole est irriguée, soit 1,8 m d’hectares  ([2]) .

Si le progrès technique a permis de diminuer l’eau consommée pour l’irrigation, les besoins croissants liés au changement climatique ont, sur la consommation d’eau, un effet inverse.

Vos rapporteurs appellent à la mobilisation d’une palette d’outils permettant de jouer à la fois sur la demande en eau et l’offre, les solutions fondées sur la nature et les solutions technologiques, pour accompagner les transformations de notre modèle agricole face aux défis immenses posés par le changement climatique.

Ils appellent d’abord à accélérer la transition agroécologique, à travers des mesures d’accompagnement plus poussées. Ils proposent en ce sens d’encourager le développement de l’agriculture de conservation des sols (proposition n° 1), de mieux protéger et développer le linéaire de haies. Cette transition passera également par le développement de cultures moins gourmandes en eau (proposition n° 4). Une réflexion à moyen terme est aussi nécessaire du côté des filières concernant la répartition géographique des types d’agriculture. Vos rapporteurs proposent d’accompagner et encourager l’intégration dans les plans de filière des objectifs de réduction de la consommation d’eau ainsi qu’une planification à moyen et long terme de répartition géographique des productions, afin de favoriser une agriculture résiliente face au changement climatique (proposition n° 5). Enfin, des marges de manœuvre peuvent encore être exploitées pour développer l’irrigation de précision, dans un contexte où 80 % des agriculteurs utilisent des méthodes d’aspersion, alors que des systèmes beaucoup plus performants existent. Vos rapporteurs proposent de mieux accompagner financièrement le monde agricole vers l’acquisition d’agroéquipements performants en matière d’irrigation (microaspersion, goutte-à-goutte de surface ou enterré, outils d’aide à la décision) (proposition n° 6).

Les efforts faits pour réduire ces besoins en eau ne suffiront probablement pas et l’avenir du monde agricole nécessite aussi une réflexion sur les enjeux de stockage de l’eau. Si vos rapporteurs convergent sur la nécessité de ne pas éluder le besoin de stockage et sur la pertinence des retenues collinaires multi-usages, leurs avis divergent nettement concernant les retenues de substitution. M. Pilato demande l’instauration d’un moratoire sur l’ensemble des stockages prélevant dans les nappes phréatiques (proposition personnelle de M. Pilato n° 11). M. Perrot souligne quant à lui le caractère légal de ces installations, qui répondent à des normes et des autorisations strictement encadrées. Il considère que l’adaptation au changement climatique est un enjeu crucial pour l’avenir de l’agriculture et que les retenues de substitution font partie des solutions de stockage nécessaires pour faire face aux bouleversements de la pluviométrie.

Enfin, vos rapporteurs s’associent aux nombreuses voix qui s’élèvent pour demander que les arrêtés de restriction prennent en compte la dimension de la mission d’intérêt général de l’agriculture. Parmi les usages économiques, vos rapporteurs considèrent que les usages agricoles doivent être priorisés, du fait du rôle vital joué par ce secteur pour notre souveraineté alimentaire. Cet accès sécurisé à la ressource doit s’accompagner d’une conditionnalité forte sur les façons d’utiliser l’eau (proposition n° 12) tout en améliorant sa qualité.

B.   L’ÉNERGIE : OPTIMISER LES PRÉLÈVEMENTS ET GARANTIR LA SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

La production d’énergie nucléaire constitue le premier poste de prélèvement de la ressource en eau, principalement en raison des besoins de refroidissement des réacteurs nucléaires. Chaque année, près de 15,3 milliards de m3 d’eau sont ainsi prélevés, soit 50 % des prélèvements totaux en France. L’eau prélevée, en mer ou auprès d’un cours d’eau, est néanmoins restituée au milieu naturel quasi intégralement (98 %). Si les prélèvements sont donc significatifs, la consommation effective de la ressource en eau apparaît plus faible, celle-ci représentant 12 % de la consommation totale, derrière l’agriculture (58 %) et l’eau potable (26 %).

Le présent rapport insiste sur la nécessité de renforcer la résilience du parc nucléaire face aux tensions croissantes sur la ressource en eau du fait du changement climatique, en améliorant les capacités des réservoirs de stockage d’effluents, notamment sur les sites thermosensibles ainsi qu’en accélérant la recherche et développement pour développer la sobriété des systèmes de refroidissement (prélèvement, consommation, réactifs chimiques) (proposition n° 13). Concernant l’hydroélectricité, vos rapporteurs considèrent nécessaire de soutenir le développement de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), afin de concilier l’enjeu de sécurisation de l’approvisionnement énergétique avec celui de partage de la ressource en eau (proposition n° 14).

C.   L’INDUSTRIE : DES EFFORTS À POURSUIVRE POUR GARANTIR UNE RÉINDUSTRALISATION DURABLE DU TERRITOIRE

Le secteur industriel représente un peu moins de 8 % des prélèvements d’eau dans les milieux naturels et 4 % de la consommation totale d’eau en France. L’industrie fait partie des principales activités économiques consommatrices d’eau, dans des proportions toutefois bien moindres que l’agriculture. Le secteur a réussi à réduire sa consommation ces dernières années et à améliorer la qualité des eaux rejetées. La situation reste toutefois critique sur certains territoires au vu des tensions croissantes sur la ressource et nécessite un accroissement des efforts fournis pour économiser la ressource et favoriser la sobriété. Si la situation reste bien moins tendue que celle vécue par le monde agricole (besoins moindres, enjeu saisonnier moins prégnant, etc.), l’eau devient un sujet de préoccupation croissante du monde industriel qui nécessite de poursuivre les efforts sur l’économie et la planification de l’usage de la ressource. Un accompagnement par les pouvoirs publics peut s’envisager afin de soutenir la vitalité du tissu industriel français, dans un contexte où la relocalisation des activités industrielles doit rester une priorité de l’action publique quand elles participent à la souveraineté du pays.

Vos rapporteurs appellent ainsi, dans la continuité des annonces faites par le plan gouvernemental Eau, à mettre en place rapidement des plans de sobriété de la consommation d’eau par filière industrielle, prenant en compte les enjeux de qualité de l’eau et contenant les objectifs chiffrés de réduction de la consommation, avec un suivi par les administrations centrales compétentes.

Localement, vos rapporteurs proposent également de généraliser les plans d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE) - aujourd’hui mis en place dans le Puy-de-Dôme, - afin de favoriser l’identification, site industriel par site industriel, des marges d’amélioration concernant l’usage de la ressource. Le principe de cet outil est que l’État fixe des exigences de réduction de la consommation, dans le cadre d’une planification qui doit permettre aux industriels d’éviter ensuite les coupures lors des périodes les plus à risques. Il est essentiel que ces plans ne reposent pas uniquement sur du déclaratif et fassent l’objet de contrôles réguliers et fréquents (proposition n° 16). De surcroît, vos rapporteurs se prononcent également pour un accompagnement des petites et moyennes entreprises dans l’acquisition d’équipements plus économes en eau (proposition n° 18).

Enfin, le rapport expose également les deux visions des rapporteurs concernant les enjeux particuliers liés aux embouteilleurs. Si la consommation d’eau liée à cette activité représente une proportion faible du total de l’eau consommée pour l’eau potable (moins de 0,2 %), elle reste à l’origine de tensions locales importantes et d’accusation de captation de la ressource. M. Pilato plaide globalement pour que l’eau soit traitée uniquement comme un bien commun et ne puisse faire l’objet d’une marchandisation. Il souhaite le développement des consignes en verre par les industriels pour supprimer les bouteilles en plastique et se prononce à terme pour la fin de toute production d’eau en bouteille afin de tendre vers une qualité maximale de l’eau potable. M. Perrot fait valoir une position différente, en soulignant que la filière des eaux minérales naturelles représente de nombreux emplois dans les territoires qui sont non délocalisables : interdire la captation des eaux minérales par les embouteilleurs pourrait avoir des conséquences graves pour la vie économique de ces territoires.

D.   TOURISME

Les activités du secteur du tourisme et des loisirs sur lesquelles les évolutions en matière de disponibilité de la ressource en eau ont de fortes conséquences sont nombreuses et hétérogènes. Sans prétendre à l’exhaustivité, vos rapporteurs ont concentré leurs travaux sur plusieurs secteurs qui leur ont paru emblématiques, soulevant des problématiques sensiblement différentes :

– Le golf pose avec acuité la question de la hiérarchie des usages et de l’acceptabilité sociale de certaines pratiques d’arrosage, en particulier dans le cadre des épisodes de sécheresse tel que celui de l’été 2022 ;

– Le tourisme en montagne durant la saison hivernale illustre avec force les conséquences du changement climatique, dans un territoire plus particulièrement touché par ce phénomène ;

– Les courses hippiques et les activités équestres permettent d’aborder la question de la disponibilité de l’eau sous l’angle de la sécurité et du bien-être animal ;

– Enfin, le canoë-kayak, tout comme l’important secteur du transport fluvial (tourisme et marchandises), constituent des secteurs qui prélèvent et consomment peu d’eau mais sont fortement dépendants du niveau des cours d’eau et de la régularité de leur débit.

La question de la gestion de l’eau pour les activités touristiques se pose avec une acuité particulière en Corse. Vos rapporteurs, qui ont conduit une table ronde consacrée à ces enjeux, recommandent la création d’un office de l’eau pour la Corse (proposition n° 21).

III.   entre sobriété, accompagnement et adaptation : des leviers pour améliorer la gestion quantiTative et qualitative de l’eau pour les activités économiques

A.   AmÉliorer la connaissance des ressources en eau et des captages

L’amélioration de la connaissance de la ressource en eau est un préalable indispensable aux yeux de vos rapporteurs qui recommandent notamment d’étendre le réseau piézométrique national, pour atteindre 2 000 stations piézométriques d’ici fin 2025 (proposition n° 22).

B.   favoriser les solutions fondées sur la nature et faire des enjeux relatifS à la qualité de l’eau un axe central

Les solutions fondées sur la nature doivent être les premières solutions recherchées pour répondre aux tensions sur l’offre de la ressource en eau. Vos rapporteurs considèrent la lutte contre l’artificialisation des sols, leur désimperméabilisation et la végétalisation des villes et des bassins-versants doivent être des axes centraux des politiques publiques de la gestion de l’eau. Des marges d’amélioration concernant la gestion des eaux pluviales dans les documents d’urbanisme pourraient aussi être davantage exploitées. Le rapport ouvre plusieurs pistes en la matière, concernant notamment les constructions neuves, les prescriptions dans les documents d’urbanisme et l’intégration systématique de ces problématiques dans les programmes d’aménagement du territoire, comme par exemple le programme Petites villes de demain (proposition n° 23).

Concernant l’amélioration de la qualité de l’eau, vos rapporteurs formulent plusieurs propositions. Conformément à la mesure n° 24 du plan « Eau » gouvernemental, ils souhaitent que les projets d’installation de nouveaux agriculteurs s’inscrivant dans une démarche d’agroécologie ou d’agriculture biologique soient favorisés dans les aires d’alimentations des captages et M. René Pilato suggère d’aller plus loin pour n’autoriser que les projets d’agriculture biologique dans ces aires en cas d’installations de nouveaux agriculteurs (proposition n° 24).

Il apparaît, par ailleurs, nécessaire d’améliorer la politique de préservation et de restauration des têtes de bassin-versant, en renforçant les connaissances relatives à ces espaces, en rehaussant leur place dans les documents de planification (en particulier les SAGE) et en garantissant la bonne information des acteurs économiques implantés dans ces espaces quant à la vulnérabilité de ces milieux (proposition n° 25).

M. René Pilato propose, en outre, que soit abrogé l’arrêté du 4 mai 2017 qui permet le déclassement des petits cours d’eau et les expose aux épandages agricoles ou autres produits chimiques et industriels (proposition personnelle n° 26).

Vos rapporteurs souhaitent insister sur les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées et invitent à renforcer le soutien français à une interdiction européenne des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées (PFAS) et mettre rapidement en œuvre un plan de dépollution des sites pollués par les PFAS (proposition n° 27).

M. René Pilato plaide, par ailleurs, pour une interdiction immédiate de tout rejet industriel de ces substances dans l’environnement, l’établissement d’un état des lieux précis associant l’ensemble des parties prenantes concernant les PFAS dans la Vallée du Rhône avec mise à contribution des industriels identifiés comme étant à l’origine de la pollution, un accompagnement de l’État pour permettre le développement des laboratoires de référence en mesure d’analyser ces composés et l’engagement de la France à l’interdiction de leur utilisation pour les applications non essentielles (proposition n° 28). Il prône également un renforcement des contrôles des exploitations d’élevages classées protection de l’environnement (ICPE) par les services d’inspection dont il préconise le renforcement des moyens humains et financiers (proposition personnelle n° 29).

L’enjeu de la qualité de l’eau est particulièrement crucial dans les territoires ultramarins. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité d’assurer l’effectivité d’un droit à l’eau potable dans les Outre-mer et de préserver la qualité de la ressource dans ces territoires (proposition n° 30) notamment via :

– la mise en place des plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’État et les collectivités territoriales, afin de préparer la mise en conformité avec les obligations de la directive européenne « eau » 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

– la création de stations d’épuration aux normes et adaptées dans chaque intercommunalité ;

– la mise en place de filières d’assainissement complètes sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement ;

– le soutien du raccordement des particuliers au service d’assainissement collectif, lorsqu’il existe, afin de limiter les pollutions et les rejets résultant de l’assainissement non-collectif qui repose trop souvent sur des installations inadaptées ou inefficaces ;

– la garantie d’un véritable « droit à l’eau potable » pour l’ensemble des populations.

C.   Encourager à la sobriété des usages pour un partage plus juste

1.   Le cadre des arrêtés sécheresses

Le décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse constitue le nouveau cadre réglementaire pour la gestion de la sécheresse en France, notamment en ce qui concerne l’anticipation et l’harmonisation des mesures de restriction des usages de l’eau. Le guide national sur la sécheresse à destination des services chargés de la prescription des restrictions en métropole et en outre-mer, révisé en 2023, vise à permettre d’assurer le respect des équilibres naturels, des usages prioritaires de santé, sécurité civile et d’approvisionnement en eau potable tout en conciliant les usages sur les territoires. Un arrêté d’orientation au niveau des bassins est pris par le préfet coordinateur de bassin pour garantir une solidarité de l’amont à l’aval, veiller à une cohérence et une équité des usagers de l’eau entre département. Un arrêté cadre de niveau départemental ou interdépartemental, respectueux des orientations prises par le préfet coordinateur de bassin et non limité dans le temps détermine notamment les niveaux de gravité rattachés à des conditions de déclenchement. Les arrêtés de restriction temporaire des usages de l’eau, enfin, sont pris par le préfet du département en application des articles R. 211-66 à R. 211-70 du code de l’environnement.

Vos rapporteurs souhaitent garantir un cadrage plus contraignant du contenu des arrêtés cadre sécheresse afin d’assurer une plus grande uniformité sur l’ensemble du territoire des restrictions imposées à des acteurs comparables placés dans des situations comparables (proposition n° 31).

2.   Une évolution de la tarification de l’eau souhaitable

Le présent rapport formule également un certain nombre de préconisations relatives à la tarification de l’eau. Elle pourrait être davantage mobilisée comme un outil à même d’inciter à la réduction des consommations d’eau, dans un objectif de responsabilisation des consommateurs, qu’il s’agisse des ménages mais aussi des autres utilisateurs de la ressource.

Vos rapporteurs s’accordent sur la nécessité de mettre en place une tarification progressive pour les usages domestiques et saluent les annonces faites dans le cadre du plan Eau en la matière (proposition n° 32).

Concernant la tarification progressive pour les usages liés aux activités industriels et agricoles, leurs avis diffèrent :

– M. Pilato considère que le principe de la tarification progressive et différenciée doit être étendu à l’ensemble des entreprises, afin d’inciter à la réduction des usages. Il considère également qu’une réflexion doit être conduite dans l’objectif d’uniformiser le prix de l’eau payé dans le cadre des prélèvements par forage (proposition n° 33).

– M. Perrot considère qu’une tarification progressive appliquée aux industries et au monde agricole doit être envisagée avec la plus grande prudence, car elle pourrait pénaliser ces secteurs avec des effets très négatifs en termes de compétitivité et de souveraineté alimentaire.

3.   Une stratégie de contrôle à réaffirmer

Au vu des enjeux majeurs concernant la police de l’eau, qui doit gagner en efficacité, le présent rapport souligne la nécessité de renforcer les moyens de terrain pour garantir la fréquence et l’efficacité des contrôles. En effet, de nombreux acteurs – dont la Cour des comptes – soulignent aujourd’hui l’insuffisance des moyens consacrés à ces contrôles. Des questions se posent également sur le nombre de forages agricoles, industriels et domestiques, qui semblent insuffisamment recensés et contrôlés.

Or, l’acceptabilité des prélèvements et consommation réalisée par le secteur économique dépend aussi du contrôle du respect des règles applicables.

Les rapporteurs considèrent ainsi qu’il est nécessaire de renforcer les moyens de l’État dans les territoires pour garantir un contrôle adéquat des règles de polices administratives et sanitaires en matière de gestion de l’eau. Il apparaît à ce titre en particulier nécessaire d’augmenter significativement les moyens de l’office français de la biodiversité (OFB), dans le cadre du prochain projet de loi de finances (proposition n° 35). Le rapport suggère également la mise en place d’un recensement du nombre de forages industriels, agricoles et domestiques (proposition n° 36) ainsi que l’abaissement du seuil à partir duquel les forages sont soumis à la procédure d’autorisation (proposition n° 37).

Le rapport préconise également de généraliser les télécompteurs et de rendre obligatoire leur installation au-delà d’une consommation de 250 m3 annuels, avec un accompagnement financier des petites structures dans l’acquisition de ces petites structures (proposition n° 38).

D.   eaux non conventionnelles et stockage : enjeux et leviers d’action

1.   Les eaux non conventionnelles : un potentiel à davantage exploiter

Les eaux dites non conventionnelles recouvrent l’ensemble des eaux autres que celles issues d’un prélèvement direct dans la ressource naturelle. Il s’agit ainsi des eaux usées traitées, des eaux de pluies récupérées, des eaux grises (douches, lave-linge, lavabo), des eaux d’exhaure et des eaux issues des « process » industriels. Selon le CEREMA, le développement des eaux non conventionnelles pourrait permettre à la France d’économiser plusieurs millions de m3 de prélèvements d’eau chaque année ([3]) .

Vos rapporteurs ont pu observer au cours de leurs auditions la forte mobilisation des acteurs économiques sur ces sujets, les attentes formulées étant nombreuses, notamment concernant la réutilisation des eaux usées. En effet, la réutilisation des eaux usées traitées est peu développée en France, où moins de 1 % des eaux récupérées en sortie des stations d’épuration sont exploitées. Ce chiffre contraste avec les taux atteints ailleurs ; ainsi en l’Italie, en Espagne ou encore Israël, le taux de réutilisation atteint respectivement 8 %, 15 % et 90 %.

Vos rapporteurs appellent au développement de la réutilisation des eaux usées à travers un plan d’action de l’État, qui doit se décliner territorialement en fonction des spécificités locales (proposition n° 39). En effet, si la réutilisation des eaux usées constitue un potentiel important et sous exploité, il ne s’agit pour autant pas d’une « solution miracle » : son développement nécessite une analyse fine du territoire, car elle représente aussi une perte d’apport, sauf lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre de la substitution à un prélèvement préexistant, ou si le rejet s’effectuait en mer, d’où le caractère particulièrement pertinent de la réutilisation des eaux usées dans les zones littorales.

Les freins économiques et juridiques au développement de la réutilisation doivent être levés, en assurant la mise en œuvre du guichet unique annoncé dans le cadre du plan gouvernemental « Eau », en publiant rapidement le décret de simplification très attendu par les acteurs et en accompagnement financièrement les petites et moyennes entreprises (PME) industrielles dans la mise en place de ces projets (proposition n° 40). Le présent rapport dégage également des pistes pour mieux exploiter le potentiel des eaux de pluie et des eaux grises, ce qui passera notamment par une clarification et une simplification du cadre réglementaire actuel, ainsi que par un soutien financier (proposition n° 41). Concernant le dessalement, vos rapporteurs appellent à la prudence en raison du coût économique et environnemental lié aux usines de dessalement : à ce stade, il apparaît souhaitable de limiter cette solution aux cas particulier (territoires insulaires isolés notamment). Enfin, le rapport appelle également à favoriser une approche réglementaire plus transversale regroupant l’ensemble des eaux non conventionnelles pour des multi-usages (proposition n° 42).

2.   Les enjeux de stockage de l’eau pour un multi-usage : construire des solutions concertées et conditionnées sur le plan écologique

Vos rapporteurs s’entendent pour considérer que la question du stockage de l’eau doit faire l’objet d’un dialogue citoyen et local renforcé et sera plus aisément acceptée si l’usage de l’eau stockée n’est pas réservé à une seule activité – évitant ainsi le risque d’être perçue comme une appropriation de la ressource – et, le cas échéant, si son utilisation agricole est conditionnée à un effort d’adaptation ou de transition agro-écologique ambitieux (proposition n° 43). Sur la nature des ouvrages de stockage considérés comme acceptables, l’opinion des rapporteurs diffère, M. Pilato s’opposant fermement aux retenues de substitution puisant dans les eaux souterraines tandis que M. Perrot juge qu’elles sont indispensables à la pérennité. M. Pilato insiste également sur le fait que tous les ouvrages bénéficiant d’une subvention publique doivent faire l’objet d’une gestion collective.

Vos rapporteurs considèrent, par ailleurs, comme très intéressantes les démarches expérimentales consistant, en une forme de changement de paradigme, à organiser la recharge des nappes souterraines. L’exemple de l’opération « R’Garonne », conduite en Haute-Garonne, pour une durée de quatre ans à compter d’avril 2023 est emblématique. La technique, consistant à recharger la nappe alluviale de la Garonne pour soutenir l’étiage du fleuve, est encore rare en Europe. La démarche expérimentale, qui doit faire l’objet d’une évaluation complète, apparaît bienvenue à vos deux rapporteurs.

E.   une gouvernance à repenser

La complexité de la gouvernance actuelle peut nuire à l’efficacité des politiques conduites en matière de gestion de l’eau.

Les superpositions des échelons hydrographiques et administratifs nuisent aujourd’hui à la lisibilité et à l’efficacité de l’action publique ([4]) , notamment en matière de gestion de l’eau pour les activités économiques. Vos rapporteurs s’accordent sur la nécessité de faire du sous-bassin l’échelon central de la mise en œuvre des politiques de gestion de l’eau. Dans cette optique, vos rapporteurs appellent à accélérer le développement des EPTB ou EPAGE dans les territoires et à généraliser la nomination des sous-préfets coordonnateurs de bassin (proposition n° 45). Vos rapporteurs ont pu noter au cours de leurs travaux la pertinence des outils de planification pour construire des solutions partagées et désamorcer les conflits d’usage. Ils préconisent en conséquence le déploiement des SAGE sur l’ensemble des sous-bassins, ainsi que la mise en place de PTGE partout où se posent des conflits d’usage (propositions n° 46 et 47).

Le présent rapport appelle également le Gouvernement à renforcer les moyens consacrés à la politique de l’eau, notamment au travers d’un rehaussement des financements des agences de l’eau avec la suppression du plafond mordant et l’augmentation du budget et des moyens financiers et humains des agences (proposition n° 48).

Enfin, ce rapport appelle aussi à renforcer la place des citoyens dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques de l’eau. La complexité et la technicité de ces politiques peuvent éloigner les citoyens de ces problématiques qui sont pourtant présentes dans le quotidien des Français. Dans ce cadre, M. René Pilato préconise de revoir les règles de représentativité au sein des instances de gouvernance pour renforcer la place des usagers qui finance à 80 % la politique de l’eau (proposition personnelle n° 44) et, plus largement, de renouveler la gouvernance de l’eau en créant un « pôle eau » dont les compétences seraient centrées sur la prévention de la raréfaction de l’eau ainsi que l’instruction et le jugement des écocides (proposition personnelle n° 49). M. Patrice Perrot considère quant à lui que le renforcement de la place des citoyens doit passer par d’autres leviers (pédagogie, campagnes de sensibilisation), dans la mesure où les règles de représentativité présentent selon lui un juste équilibre entre les différentes parties prenantes.


—  1  —

 

   introduction

Trente-deux jours sans pluie entre le 21 janvier et le 21 février 2023, des niveaux de remplissage de 68 % des nappes phréatiques inférieurs à la moyenne ([5]) , une pollution des eaux aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées un projet de recharge artificielle des nappes phréatiques afin de soutenir l’étiage de la Garonne en été : les enjeux liés à la gestion quantitative de l’eau comme à sa qualité n’ont cessé d’être au cœur des préoccupations collectives au cours de l’année écoulée.

Il paraissait, dans ce contexte, essentiel que la représentation nationale s’empare de cette question. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a ainsi créé, le 2 novembre 2022, une mission d'information sur la gestion de l'eau pour les activités économiques et en particulier l'industrie, l'agriculture, le tourisme et l'énergie. M. Patrice Perrot et Mme Bénédicte Taurine – puis M. René Pilato – en ont été nommés rapporteurs.

Les rapporteurs ont mené, dans le cadre de cette mission, l’audition de plus de soixante-dix organisations et conduit deux déplacements qui leur ont permis de rencontrer, sur le terrain, les usagers et les acteurs économiques et administratifs de l’eau.

Leur rapport s’inscrit dans la continuité d’autres travaux parlementaires consacrés à la question de la préservation, la gestion et du partage de l’eau : ils saluent notamment le travail de M. Morenas et M. Loïc Prud’homme ([6]), de Mme Frédérique Tuffnell et M. Loïc Prud’homme ([7]) , celui de Mme Mathilde Panot et Olivier Serva ([8]) et des sénateurs Mmes Catherine Belrhiti, Cécile Cukierman et MM. Alain Richard et Jean Sol ([9]) , ainsi que de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ([10]) .

La présentation du plan gouvernemental « Eau », le 30 mars 2023, invite à poursuivre le travail parlementaire, qui se veut également un dialogue avec les citoyens, les acteurs économiques et le pouvoir exécutif.

Car à l’heure où les tensions autour de la gestion atteignent un paroxysme, vos rapporteurs tiennent à le répéter : le dialogue est essentiel. C’est à cet exercice qu’ils se sont eux-mêmes livrés, bâtissant un dialogue exigeant, entre deux députés engagés, aux visions du monde parfois irréconciliables – un dialogue constructif, continu et respectueux. S’ils n’ont pu se rejoindre sur l’ensemble des points qu’ils ont abordés, les trente-neuf propositions communes qu’ils portent sont la preuve qu’il est possible d’avancer ensemble, par-delà les clivages politiques, sur la question de l’eau – qui est le plus grand défi qui s’offre à l’humanité dans les prochaines années.


—  1  —

 

   PREMIÈRE PARTIE :
La Politique de l’eau en France – état des lieux et perspectives dans le cadre du changement climatique

I.   l’eau : bilan de la situation actuelle en France et dans le monde

1.   Quelles ressources en eau au niveau mondial ?

La Terre est recouverte d’eau à peu près à 72 %. L’eau douce ne représente, néanmoins, que 2,5 % de l’hydrosphère terrestre, dont une part importante constituée sous forme solide (glaciers, calottes polaires et neiges notamment).

L’eau douce sous forme liquide se trouve majoritairement conservée dans les aquifères et ne constitue qu’une très faible part des ressources en eau. La part aisément mobilisable pour les besoins humains représente environ 0,003 % de l’hydrosphère terrestre ([11]).

Chaque année, la quantité d’eau qui s’évapore des océans est supérieure à la quantité d’eau qui s’y précipite, conduisant à un apport d’eau douce annuel d’environ 40 000 km3 sur les terres émergées. Cette quantité est théoriquement très supérieure aux besoins de l’humanité mais elle est inégalement répartie. Une forte variabilité temporelle s’ajoute à cette variabilité spatiale. Enfin, les pollutions touchant les eaux de surface ou souterraines peuvent restreindre cette part d’eau disponible.

Le grand cycle de l’eau

L’eau douce se renouvelle en permanence à travers le grand cycle de l’eau. Sous l’effet du rayonnement solaire, l’eau qui s’évapore des océans mais aussi de la terre (évapotranspiration des sols et des végétaux) monte dans l’atmosphère pour former des nuages qui restituent ensuite l’eau sous forme de précipitations. La quantité d’eau qui s’évapore des océans est supérieure à la quantité d’eau qui s’y précipite (voir supra et schéma infra).

À l’intérieur du grand cycle de l’eau se déroule, à l’échelle d’une région ou d’un bassin-versant, le cycle local de l’eau. Le mécanisme est identique mais concerne une zone géographique plus restreinte.

 

 

Le cycle de l’eau

Figure 1 : Le grand cycle de l’eau - source : CGAAER, La gestion quantitative de l’eau (2023)

Dans son premier rapport sur l’état des ressources en eau dans le monde, publié le 29 novembre 2022, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) évalue les effets des changements climatiques, environnementaux et sociétaux sur les ressources en eau de la planète. Il rend compte de précipitations inférieures à la normale dans de grandes régions du monde en 2021, sous l’influence du changement climatique et d’un épisode de « La Niña » ([12]). Les zones où l’écoulement fluvial a été inférieur à la normale (moyenne hydrologique de trente ans) étaient environ deux fois plus étendues que les zones où cet écoulement était supérieur à la moyenne (voir carte infra).

 

 

Conditions de débit des fleuves en 2021

Figure 2

Source : Rapport sur l’état des ressources en eau dans le monde 2021 de l’Organisation météorologique mondiale (en orange figurent les zones dans lesquelles le débit des fleuves a été inférieur ou très inférieur à la moyenne établie sur la période 1991-2020 ; en bleu les zones dans lesquelles ce débit a été supérieur ou très supérieur à cette moyenne et, enfin, en gris, les zones dans lesquelles le débit des fleuves s’inscrit dans la moyenne)

Le rapport établit également un état des lieux du stockage des eaux terrestres, recensant l’ensemble de l’eau se trouvant à la surface ou sous la surface des terres émergées.

État en 2021 du stockage des eaux terrestres

Figure 3 Source : rapport sur l’état des ressources en eau dans le monde en 2021 de l’Organisation météorologique mondiale

En 2021, ce stockage est inférieur à la moyenne (calculée de 2002 à 2020) sur la côte ouest des États-Unis d’Amérique, dans le centre de l’Amérique du Sud et en Patagonie, en Afrique du Nord et à Madagascar, en Asie centrale et au Moyen‑Orient, au Pakistan et dans le nord de l’Inde (zones figurant en orange sur la carte ci-dessus). Il est, en revanche, supérieur à cette moyenne dans le centre de l’Afrique, dans le nord de l’Amérique du Sud, notamment dans le bassin de l’Amazone, dans le bassin du Murray Darling dans l’est australien et dans le nord de la Chine (zones figurant en bleu sur la carte ci‑dessus). Sur le plus long terme, le rapport met en évidence plusieurs zones sensibles, où le stockage des eaux terrestres suit une tendance négative dont, notamment, le bassin du São Francisco, le Brésil, la Patagonie, les cours supérieurs du Gange et de l’Indus, ainsi que le sud-ouest des États-Unis d’Amérique. Dans l’ensemble, les tendances négatives apparaissent plus marquées que les tendances positives. Le rapport note que, dans certaines zones sensibles, la situation est dégradée par la surexploitation des eaux souterraines pour l’irrigation. La fonte des neiges et des glaces a également eu des répercussions importantes dans plusieurs régions, notamment en Alaska, en Patagonie et dans l’Himalaya.

En novembre 2022, pour la première fois, l’accord d’une Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 27 tenue à Charm El‑Cheikh, en Égypte) comportait une mention de l’eau.

Convoquée, pour la première fois depuis 1977, en mars 2023, la conférence de l’Organisation des Nations Unies sur l’eau a rappelé que 3,6 milliards de personnes ont aujourd’hui un accès insuffisant à l’eau au moins un mois par an et qu’elles seront plus de 5 milliards d’ici à 2050. M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé à cette occasion que « près de trois catastrophes naturelles sur quatre sont liées à l’eau. Une personne sur quatre vit sans services d’eau gérés de manière sûre ou sans eau potable. Plus de 1,7 milliard de personnes ne disposent pas de systèmes d’assainissement de base ».

2.   Quelle ressource et quelle consommation de l’eau en France ?

En l’état actuel de la ressource, la France apparaît relativement bien dotée, avec un flux renouvelable moyen d’environ 3 000 m3 par habitant. L’ensemble des rivières françaises représente une longueur totale de 620 000 kilomètres dont 430 000 kilomètres en France métropolitaine et procure un accès relativement aisé à cette ressource. Le pays dispose d’une capacité de stockage assurée par 623 000 hectares (ha) de plans d’eau (dont 352 000 ha en France métropolitaine) et de 200 aquifères d’importance régionale présents sur le territoire – correspondant respectivement à des stocks de 108 et 2 000 km³ d’eau douce – ainsi que par les montagnes qui constituent des réserves d’eau sous forme de neige et de glace, partiellement restituées lors de la fonte nivale en été ([13]).

Le territoire métropolitain reçoit environ 510 milliards de m3 d’eau chaque année, d’après les éléments publiés en 2020 par le service statistique du ministère de la transition écologique, ce qui correspond à 900 mm de pluie par an ([14]). Seuls 40 % de ce volume constituent des pluies efficaces qui alimentent les nappes souterraines et les cours d’eau – les 60 % restants retournant dans l’atmosphère du fait de l’évapotranspiration.

32,8 milliards de m3 d’eau douce sont prélevés chaque année en France pour 4,1 milliards de m3 d’eau consommés. La répartition de ce volume entre les différents usages et les différents consommateurs s’établit de la manière suivante :

 En ce qui concerne les prélèvements d’eau douce : 51 % sont utilisés pour le refroidissement des centrales électriques ; 16 % sont utilisés pour la production d’eau potable ; 16 % pour l’alimentation des canaux ; 9 % pour des usages agricoles et 8 % pour des usages industriels ;

 En ce qui concerne les consommations d’eau douce : 58 % de l’eau consommée l’est pour des usages agricoles ; 26 % pour la production de l’eau potable ; 12 % pour le refroidissement des centrales électriques et 4 % pour les usages industriels ([15]).

Distinguer les notions de « prélèvements » et de « consommations » d’eau potable

Le prélèvement d’eau désigne le fait de capter l’eau du milieu naturel, en surface ou dans les nappes, pour un usage immédiat, avec rejet dans le milieu naturel après utilisation – parfois les qualités de l’eau ainsi restituée peuvent être altérées, par exemple dans le cas du fonctionnement des condenseurs des centrales électriques qui rejettent une eau plus chaude que celle captée initialement.

La consommation d’eau correspond à la part prélevée qui n’est pas restituée au milieu aquatique au même moment et au même endroit que le prélèvement.

La distinction entre ces deux notions peut faire l’objet de débat – notamment dans le cas des activités agricoles ([16]).

Prélèvements et consommations d’eau en France par secteur économique

Figure 4 Source : Le Monde ([17])

L’accès à l’eau et à l’assainissement dans les territoires ultramarins : des problématiques spécifiques

Les enjeux attachés au partage de l’eau dans le cadre des activités économiques dans les territoires ultramarins sont traités dans la seconde partie de ce rapport, mais il a semblé à vos rapporteurs indispensable de présenter dès cette première partie la situation des territoires ultramarins vis-à-vis de l’accès des populations à l’eau potable et à l’assainissement, qui se pose de manière très spécifique en comparaison avec la situation prévalant en métropole.

Ces difficultés particulières, étayées par un rapport interministériel de 2015, ont justifié la mise en œuvre d’un plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement (PEDOM), signé le 30 mai 2016 par le ministère des outre mers (MOM), le ministère de la transition écologique, le ministère des solidarités et de la santé (MSS), l’Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), comme cadre d’intervention des acteurs de l’eau en outre-mer. Ce plan est piloté par l’État et coordonné par un coordonnateur interministériel, M. Najib Mahfoudhi, interrogé par écrit par vos rapporteurs dans le cadre de la présente mission.

Les différents territoires ultramarins sont inégalement dotés en eau :

 En Martinique, l’eau est abondante mais sa répartition inégale : elle provient principalement du nord et du centre de l’île tandis que le sud est dépourvu de captages d’eau potable. Si la qualité de l’eau a connu une amélioration au cours des dernières années, en 2019 seules 48 des stations de traitement sur 112 étaient conformes en matière de performance (43 % contre 93 % en moyenne au niveau national en 2013) ;

– La Guadeloupe connaît une crise de la gestion de l’eau depuis plusieurs années, avec des coupures fréquentes touchant 25 % de la population. Malgré des ressources en eau suffisantes, les mauvais rendements des réseaux et les difficultés de stockage entraînent des difficultés chroniques : 60 % de pertes en raison des fuites et un rendement de seulement 39 %. Un plan eau Guadeloupe 2022 prévoit la suppression des « tours d’eau » - une rotation de l’accès à l’eau potable mise en place, dans le cadre d’un planning mensuel, afin d’améliorer le débit sur le réseau – dans un délai de 24 mois, avec un financement de 50 millions d’euros issus du Plan de relance.

– La Guyane dispose d’une grande quantité de ressources en eau douce (800 000 m³ par an et par habitant) et d’un réseau dense. Toutefois, la faible densité de population dans les communes isolées de l’intérieur et les retards de raccordement dans les habitats précaires des zones urbaines nécessitent d’importants investissements pour mettre à niveau le réseau. Le projet de SDAGE 2022-2027 prévoit des actions pour améliorer la qualité de l’eau et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Les contrats de progrès établis en application du Plan Eau‑DOM doivent contribuer à cette amélioration.

– La situation à Mayotte est particulièrement critique. Seule 68,3 % de la population a accès à l’eau potable, d’après les informations transmises par le coordonnateur du PEDOM à vos rapporteurs. Le réseau hydrographique naturel est réduit et l’approvisionnement en eau est contraint par la pression démographique et les épisodes de sécheresse qui pèsent sur la ressource utilisable. Les capacités de stockage en eau potable sont encore insuffisantes pour assurer un approvisionnement optimal. Un plan d’urgence a été mis en place en février 2017 comprenant la réhabilitation de forages. Toutefois, aucune des mesures ne pourra être menée à bien tant que le sujet de la gouvernance du Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM) n’aura pas été traitée – celui-ci présente des dettes très lourdes et n’est plus en capacité de mener la moindre opération. Il faut noter, par ailleurs, que Mayotte, contrairement aux autres départements d’outre-mer, ne dispose pas d’un office de l’eau.

– À La Réunion, entre 75 et 100 % de la population ont accès à l’eau, d’après les éléments transmis par le coordonnateur à vos rapporteurs. Les services sont globalement gérés de façon performante, mais le renouvellement des réseaux a été négligé. Les taux de fuite sont élevés et des actions de rattrapage apparaissent nécessaires.

– Si l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon dispose d’une ressource en eau suffisante avec des précipitations réparties régulièrement sur l’année, le système d’assainissement collectif pose des difficultés dans les deux îles, avec de nombreux rejets d’eaux usées non traitées dans le port ou le milieu naturel.

– Les territoires insulaires de la Polynésie française sont exposés aux risques de pénurie et de pollution de l’eau, car les principales ressources sont les nappes souterraines et les lentilles d’eau douce, qui sont vulnérables aux contaminations liées à l’activité humaine.

– La ressource en eau douce, très abondante en Nouvelle-Calédonie, est en partie affectée par la présence de métaux, présents parfois en concentration élevée dans le milieu naturel. Des risques de pollution des rivières existent également lors des crues, la qualité des eaux pouvant être affectée par des matériaux issus des anciennes exploitations minières.

– L’archipel de Wallis-et-Futuna dispose de ressources en eau fragiles, qui sont menacées par le changement climatique. Wallis dépend pour son alimentation d’une lentille souterraine d’eau douce menacée par la remontée d’eau salée en surface. Futuna possède des cours d’eau alimentés par l’eau de pluie fréquemment affectés par les cyclones, les glissements de terrain et les crues.

– Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont des îles sèches sans sources naturelles d’eau. douce, la seule ressource disponible en continu est l’eau de mer désalinisée.

L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est donc problématique dans la plupart de ces territoires, comme le souligne un récent avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) consacré à la Gestion de l’eau et l’assainissement dans les Outre-mer (octobre 2022) ([18]). La garantie effective du droit à l’accès à l’eau constitue, dans ces territoires, une priorité tandis que l’assainissement doit faire l’objet d’investissements massifs afin d’éviter la dégradation de la qualité des eaux et de l’environnement. Le rapport du CESE note ainsi que « tous les territoires présentent des retards importants dans la mise en place de systèmes d’assainissement performants ». L’assainissement non collectif pose également de graves difficultés, avec 90 % des systèmes d’assainissement autonome en Martinique qui ne sont pas aux normes, 85 % en Guadeloupe et 95 % en Guyane. Auditionnés par vos rapporteurs le 4 mai 2023, les représentants des Offices de l’eau et du Conseil économique et social de Mayotte ont particulièrement mis l’accent sur cet enjeu essentiel tant d’un point de vue sanitaire et social qu’environnemental.

3.   Le cadre juridique et la gouvernance de l’eau en France

Le cadre juridique international et français, qui fait de l’eau un bien commun, établit une hiérarchie des usages de l’eau fondée sur la prééminence du droit à l’eau potable destinée à satisfaire les besoins humains primaires. Il consacre également un objectif de maintien et de restauration du bon état écologique des eaux souterraines et superficielles.

a.   Un cadre juridique international, européen et national protecteur de la ressource en eau, qui constitue un bien commun, et consacrant un droit à l’eau potable et à l’assainissement

i.   Le droit à l’eau : un droit fondamental consacré internationalement

Le droit à l’eau potable et à l’assainissement constitue un droit fondamental internationalement consacré. La résolution 64/292, adoptée le 28 juillet 2010 par l’Assemblée générale des Nations Unies « reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Elle demande aux États et aux organisations internationales, afin de garantir le plein respect de ce droit, de fournir des ressources financières, de renforcer les capacités et de procéder à des transferts de technologies, en particulier en faveur des pays en développement.

ii.   Les principes de la gestion de l’eau fixés par le droit européen

Afin d’améliorer et de rendre plus lisible sa politique dans le domaine de l’eau, l’Union européenne a adopté le 23 octobre 2000 la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ([19]). La directive impose aux États membres d’atteindre, dans un délai de quinze ans et au plus tard d’ici 2027, un bon état écologique ([20]) des eaux souterraines et superficielles (eaux douces et côtières), en poursuivant les objectifs suivants :

– la non-dégradation des ressources et des milieux ;

– le bon état des masses d’eau, sauf dérogation motivée ;

– la réduction des pollutions liées aux substances dangereuses ([21]).

Elle fixe une méthode de travail commune aux États membres, qui repose sur quatre documents essentiels :

– l’état des lieux, qui permet d’identifier les problématiques à traiter ;

– le plan de gestion, qui correspond au schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) qui fixe les objectifs environnementaux (développé infra) ;

– le programme de mesure, qui définit les actions qui vont permettre d’atteindre les objectifs ;

– le programme de surveillance, qui assure le suivi de l’atteinte des objectifs fixés.

En France, la transposition de ce texte a été permise par la loi n° 2004338 du 21 avril 2004 ([22]).

Plusieurs directives ont été adoptées pour la mise en œuvre de la directive‑cadre : la directive n° 2006/118/CE du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, ainsi que la directive n° 2008/105/CE du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau. Par ailleurs, la directive « inondations » 2007/60/CE et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) 2008/56/CE sont construites sur le même schéma que la directive-cadre de 2000. En outre, la directive n° 91/271/CEE du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires impose des obligations de collecte et de traitement des eaux usées.

Reconnu par l’Union européenne en 1987, le principe de « pollueurpayeur » implique que les atteintes à la ressource en eau fassent l’objet d’une prise en charge par leurs auteurs des mesures de restauration du bon état de celle-ci.

Enfin, la directive de l’Union européenne 2020/2184 du 15 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine complète ce dispositif réglementaire.

iii.   Le droit français

L’eau constitue un bien commun, qui doit faire l’objet d’une gestion collective conciliant les besoins des différents acteurs. L’article L. 210-1 du code de l’environnement consacre ainsi l’eau comme « patrimoine commun de la Nation » et dispose que « sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».

L’accent est mis sur la préservation de la ressource naturelle, le même article disposant que « le respect des équilibres naturels implique la préservation et, le cas échéant, la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques ». La loi insiste également sur la mise à disposition de l’eau pour satisfaire les besoins humains primaires : « toute personne bénéficie d’un accès au moins quotidien à son domicile, dans son lieu de vie ou, à défaut, à proximité de ces derniers, à une quantité d’eau destinée à la consommation humaine suffisante pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie » ([23]).

Le droit de propriété sur l’eau est ainsi fortement limité en droit français, pour faire primer un droit d’usage. À proprement parler, le droit de propriété ne s’exerce que sur les eaux non courantes – eau de pluie, sources et eaux souterraines ne s’écoulant pas hors de la parcelle du propriétaire ou étangs privés. L’utilisation d’eau provenant d’une source ou d’un puits situé sur un terrain privé est soumise à une déclaration en mairie, conformément à l’article R. 2224-22 du code général des collectivités territoriales et dans la limite d’un usage domestique de l’eau (avec un volume limité à 1 000 m3 par an).

S’agissant d’eau courante, le régime de propriété privée ne s’applique pas dans son acception habituelle. Les cours d’eau domaniaux que sont les voies navigables et flottables sont la propriété de l’État. Les propriétaires riverains ne peuvent y prélever librement l’eau et les activités qui y sont développées sont soumises à des procédures d’autorisation d’occupation du domaine public. Le réseau hydrographique est, néanmoins, constitué essentiellement de cours d’eau non domaniaux. Dans ce cadre, le propriétaire des parcelles riveraines est propriétaire de la berge et du lit jusqu’à la moitié du cours d’eau. Il dispose de droits exclusifs tel que le droit de pêche mais est tenu, conformément aux dispositions de l’article L. 215-14 du code de l’environnement, d’assurer l’entretien des berges. L’eau passant sur la parcelle n’est susceptible d’une appropriation privée que dans des conditions très restrictives. La libre modification de l’écoulement des eaux sur son terrain est, par exemple, proscrite par les articles 640 à 645 du code civil.

Les utilisations de l’eau par les acteurs économiques sont donc strictement encadrées par la législation. Les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) réalisés à des fins non domestiques, entraînant des prélèvements sur la ressource en eau, modifiant l’écoulement des eaux, détruisant des frayères ou des zones de reproduction des poissons ou conduisant à des rejets même non polluants, doivent, en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement, faire l’objet soit d’une autorisation, soit d’une déclaration auprès des autorités. Tous les porteurs de projet sont concernés, y compris les collectivités publiques.

Les projets entraînant des prélèvements d’eau sont soumis à une procédure d’autorisation, à partir de 200 000 m3 par an pour les prélèvements souterrains dans les nappes, et à partir de 1 000 m3 par heure ou 5 % du débit du cours d’eau pour les prélèvements de surface. Les prélèvements plus modestes – 10 000 à 200 000 m3 pour les prélèvements souterrains et de 400 à 1 000 m3 par heure pour les prélèvements de surface – ou les petits travaux doivent faire l’objet d’une procédure de déclaration.

Les porteurs de projets doivent également, dans un certain nombre de cas, présenter un dossier au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Une procédure d’autorisation environnementale unique a été mise en place en 2017. Les procédures d’autorisation comportent une évaluation environnementale sur la base d’une étude d’impact et sont instruites par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Les projets touchant à l’eau doivent respecter les prescriptions des documents planifiant la gestion des eaux que sont les SDAGE et SAGE lorsque ces derniers existent.

b.   Une gouvernance complexe, partagée entre de nombreux acteurs

La politique de l’eau fait l’objet d’une gouvernance particulièrement complexe. Cette complexité découle de trois principaux facteurs : un rôle central joué par l’État, malgré des compétences fortement décentralisées, la multiplicité des strates de collectivités territoriales compétentes, sans qu’une collectivité n’ait été désignée chef de file, sauf si les régions en font la demande, et les spécificités du découpage hydrographique, qui ne recoupe pas le découpage administratif.

i.   Le rôle de l’État

Si les politiques de l’eau s’accompagnent d’une place importante occupée par les collectivités, l’État conserve un rôle majeur, à travers les normes édictées au niveau national, les décisions qui relèvent du préfet au niveau local, mais aussi via les agences de l’eau, « bras armé » financier des politiques de l’eau dans les territoires, placées sous tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de l’économie.

Au niveau de l’administration centrale, de nombreux ministères interviennent en matière de gestion de l’eau. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est compétent au premier chef. Le ministère de l’agriculture intervient également, au vu des interactions très fortes entre les enjeux agricoles et la gestion de l’eau. Le ministère de la santé agit au titre de ses prérogatives en matière de santé publique. En outre, le ministère de l’économie est également concerné par cette politique publique très transversale, au vu des enjeux que représente l’eau pour l’ensemble des secteurs économiques. D’autres champs des politiques publiques, comme le sport et le tourisme par exemple, viennent s’ajouter à cette liste.

Cette transversalité peut rendre difficile le portage des politiques publiques en la matière, des tensions en matière de priorisation des objectifs poursuivis par ces politiques pouvant survenir. Cette difficulté est soulignée dans le rapport annuel de la Cour des comptes qui pose un regard critique sur la gouvernance publique actuelle et résume les tensions de façon schématique : « Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires privilégie l’atteinte des objectifs de bon état des masses d’eau fixés par la directive-cadre sur l’eau à l’échéance 2027. Le ministère chargé de l’agriculture entend pour sa part préserver les possibilités de prélèvement d’une agriculture confrontée à des épisodes de sécheresse plus fréquents et prolongés. Le ministère de la santé veille d’abord à la qualité sanitaire de l’eau potable ». L’implication du secrétariat à la planification écologique, placé directement auprès de la Première ministre, constitue une complexité supplémentaire pour identifier les administrations pilotes sur ces questions. Au côté des administrations centrales, plusieurs établissements publics jouent également un rôle important en matière de suivi de la ressource, dont notamment Météo France et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Au niveau des services déconcentrés de l’État, le préfet de région pilote la politique territoriale de contrôle des services et établissements chargés des missions de police de l’eau et de la nature.

Le préfet délivre les autorisations et reçoit les déclarations relatives aux consommations et prélèvement d’eau, au titre du régime des installations classées protection de l’environnement (ICPE) et installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA). Le préfet fixe également par arrêté les débits autorisés et met en œuvre les politiques de contrôle. Il arrête, le cas échéant, le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), prend les arrêtés de limitation de prélèvement, détermine les communes faisant partie des zones de répartition et délivre les autorisations de prélèvement des organismes uniques de gestion collective (OUGC) dans ces zones. Il exerce les missions relatives à la police de l’eau ([24]), qui consistent notamment à vérifier les rejets des stations d’épuration, la conformité des pratiques de stockage des effluents d’élevage ou encore le respect par les dispositifs de pompage.

Les zones de répartition des eaux

Les zones de répartition des eaux arrêtées par le préfet sont les zones identifiées comme les plus critiques concernant la ressource en eau. Ce zonage permet de prendre des mesures particulières au sein de ces territoires. En particulier, le préfet peut constituer d’office un organisme unique de gestion collective de l’eau.

Des missions interservices de l’eau et de la nature sont mises en place pour associer au niveau local l’ensemble des services de l’État ayant des missions de gestion et de police de l’eau et de la pêche ainsi que les établissements publics compétents ([25]).

 

En cas de sécheresse, un cadre restrictif posé par l’État déconcentré

En cas de tensions sur la ressource en eau, les préfets prennent les mesures de restriction nécessaires. Quatre niveaux d’alerte sont prévus par le droit : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise.

Une instruction ministérielle du 27 juillet 2021 rappelle les trois types d’arrêtés pouvant être pris :

– Les arrêtés d’orientation, qui relèvent des préfets coordonnateurs de bassins ;

– Les arrêtés cadres départementaux ou interdépartementaux, pris après consultation des comités ressource en eau, ou « comités sécheresse » ;

– Les arrêtés individuels de restriction temporaire.

     Voir aussi la sous-partie « Les décisions à prendre en cas de sécheresse : faut-il revoir le cadre des arrêtés de restriction ? » au sein du A du 2 de la seconde partie

Afin de garantir la cohérence de l’action de l’État à l’échelle du bassin hydrographique, des préfets coordinateurs de bassin ont été institués depuis la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA). Le préfet coordinateur de bassin arrête le schéma directeur de gestion des eaux (SDAGE) élaboré à l’échelle du bassin et signe les arrêtés cadres prévalant sur le périmètre du bassin.

Depuis 2019, des préfets coordinateurs de sous-bassins versants interdépartementaux peuvent également être nommés.

ii.   Les agences de l’eau

La France métropolitaine compte 6 agences de l’eau. Créées par la loi n° 64-1465 du 16 décembre 1964, les agences de l’eau sont des établissements publics d’État placées sous la double tutelle du ministère chargé de l’environnement et du ministère chargé de l’économie. Chaque agence exerce ses compétences sur l’un des sept bassins hydrographiques que compte la France métropolitaine, à l’exception de l’agence Rhône Méditerranée, compétente à la fois sur le bassin Rhône Méditerranée et le bassin Corse.

 

Les bassins hydrographiques en France

 

Une image contenant texte, carte, atlas, diagramme

Description générée automatiquement

Un bassin hydrographique correspond à la zone géographique recevant les eaux de pluies circulant naturellement vers un cours d’eau et ses affluents, ainsi que vers les nappes du sous-sol de cette zone. Il existe sept bassins hydrographiques métropolitains et cinq bassins ultramarins.

Dans les territoires ultramarins, des offices de l’eau rattachés au département perçoivent les redevances et distribuent les aides.

Les agences de l’eau ont pour mission la gestion et la préservation de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Elles exercent plusieurs rôles, de la connaissance des spécificités de chaque bassin, à des actions opérationnelles et de financement. En charge de la collecte des redevances eau, elles construisent des programmes d’intervention et définissent le niveau de subvention publique des projets prévus sur le bassin. Elles élaborent le SDAGE, voté par le comité de bassin, qui sert de guide à l’ensemble des décisions prises en matière de gestion de l’eau à l’échelle du bassin (voir infra).

Les principales lignes d’intervention
de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse
(11ème programme 2019-2024)

Une image contenant texte, capture d’écran, cercle, Police

Description générée automatiquement

Figure 5 : Source : contribution écrite de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse adressée aux rapporteurs

À chaque agence de l’eau correspond un comité de bassin, organe délibératif, sorte de « Parlement de l’eau », qui regroupe les différentes parties prenantes. Les comités de bassin sont eux-mêmes réunis au niveau national dans le cadre du Comité national de l’eau, organe consultatif. La loi sur la biodiversité de 2016 a modifié les règles de quorum du comité de bassin, dans l’objectif de renforcer la place donnée aux usagers non économiques, par rapport aux usagers économiques. Les élus représentent 40 % des membres du comité de bassin, les usagers économiques 20 %, les usagers non économiques 20 % et les représentants de l’État 20 % également. Notons que ces modifications des représentations sont fortement critiquées par les acteurs économiques entendus par vos rapporteurs. Irrigants de France demande un renforcement de la représentativité des acteurs agricoles dans les différentes instances de l’eau à l’échelle locale (CLE, Comités de bassins) et nationale (CNE) ainsi que dans les instances de planification territoriale. La FNSEA exprime des demandes similaires ainsi que la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l’eau (FENARIVE) pour ce qui concerne les industriels. M. Pilato et certains acteurs soulignent à l’inverse que les usagers domestiques ne sont pas représentés à hauteur de leur participation au budget des agences (environ 80 %).

Malgré ces critiques, les agences de l’eau considèrent globalement que les comités de bassin fonctionnent de façon satisfaisante, dans un esprit constructif.

iii.   Les collectivités locales

Chaque niveau de collectivités territoriales est susceptible d’intervenir en matière de gestion de l’eau.

Les communes disposent d’une compétence obligatoire concernant la distribution d’eau potable et l’assainissement (articles L. 2224-7-1 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales). Cette compétence doit toutefois être transférée aux intercommunalités d’ici 2026.

Les intercommunalités se sont vues doter depuis 2014 de compétences essentielles en matière de gestion de l’eau. Les intercommunalités doivent ainsi récupérer l’ensemble des compétences relatives à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Les intercommunalités ont la compétence exclusive sur les quatre grandes missions suivantes :

– la défense contre les inondations et la mer ;

– l’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin ;

– l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs ou plans d’eau ;

– la protection et la restauration des sites, écosystèmes aquatiques, zones humides et formations boisées riveraines.

Le transfert des compétences GEMAPI des communes aux intercommunalités a pris du retard et se heurte dans certains territoires à d’importantes résistances, de même que les transferts relatifs à l’eau potable et l’assainissement.

Les limites de la taxe GEMAPI

Pour permettre l’exercice de la compétence GEMAPI, les intercommunalités peuvent instaurer une taxe, dont le produit global doit correspondre au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de cette compétence, sans excéder un plafond de 40 € par habitant.

En 2020, 55 % des intercommunalités avaient mis en place la taxe GEMAPI ([26]) , avec un mobilisation des ressources croissantes (25 millions d’euros en 2017, 154 en 2018, 190 en 2019, 204 en 2020 et 275 en 2021), pour un prélèvement moyen de 6 € par habitant.

Si la taxe GEMAPI se développe, elle est aujourd’hui insuffisante pour répondre aux enjeux de la GEMAPI (travaux de génie civil nécessaires) et ne finance, dans la majorité des cas, que des dépenses d’études ([27]). Si elle était pleinement mobilisée, la taxe GEMAPI permettrait d’atteindre un rendement maximal de 2,5 milliards d’euros : c’est donc un outil dont les intercommunalités doivent davantage s’emparer.

Les intercommunalités peuvent choisir de confier tout ou partie de ce bloc de compétences à un organe regroupant plusieurs collectivités, dont le périmètre d’intervention est plus large. Il peut s’agir de syndicats mixtes. La loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la GEMAPI permet aux EPCI de déléguer tout ou partie de leur compétence concernant la GEMAPI aux établissements publics de bassin (EPTB) ou aux établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE).

Les établissements publics de bassin (EPTB) et les établissements publics d’aménagement de l’eau (EPAGE)

Leur rôle et leurs modalités de fonctionnement sont fixés par le code de l’environnement (article L. 213-12).

Les établissements publics de bassin (42 sur le territoire) peuvent se voir confier des missions relatives à la prévention des inondations, la gestion de la ressource en eau, la préservation des zones humides le suivi des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), dont ils sont alors la structure porteuse. Ils peuvent aussi être en charge de la maîtrise d’ouvrage de certains équipements.

Les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (29 sur le territoire) assurent sur le périmètre d’un fleuve côtier ou du sous-bassin d’un fleuve la mission de prévention des inondations ou submersions marines et la mission de gestion des cours d’eau non domaniaux.

Alors qu’ils constituaient un acteur historique dans ce domaine, le champ d’action des départements en matière de politique de l’eau s’est amoindri, notamment avec la suppression de la clause générale de compétences. Ils continuent d’intervenir en soutien financier aux maîtres d’ouvrage ou en tant que gestionnaire de barrage. Toutefois, en l’état actuel du droit, l’intervention des départements dans la gestion quantitative de l’eau n’est pas toujours sécurisée juridiquement. Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes souligne cette insécurité juridique, qui peut fragiliser certains territoires. Ces difficultés ont également été soulignées par les agences de l’eau entendues par vos rapporteurs. Le plan gouvernemental « Eau » semble en prendre acte, puisque le Gouvernement annonce des mesures visant à faciliter les conditions d’une intervention efficace des conseils départementaux en matière d’assistance technique et financière.

Enfin, les régions peuvent exercer des missions d’animation et de concertation dans le domaine de la gestion de l’eau.

Cette multitude d’acteurs susceptibles d’intervenir dans les politiques de l’eau peut rendre difficile l’identification des responsabilités de chacun et le portage des politiques publiques, notamment du point de vue des activités économiques. Des clarifications sont nécessaires pour améliorer l’efficacité de la gestion de l’eau face aux enjeux actuels qui sont majeurs.

iv.   Une gouvernance critiquée pour son manque d’efficience

La Cour des comptes pose un regard sévère sur cette gouvernance qu’elle juge inefficiente et en deçà des enjeux actuels. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Commissariat général au développement durable (CGDD), dans leur rapport commun rendu sur l’avenir de l’agriculture, dressent un constat assez proche : « Les lois MAPTAM (2014), confiant aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) la compétence " GEMAPI ", et la loi NOTRe (2015), supprimant la clause de compétence générale, ont profondément modifié le paysage institutionnel de l’eau. Elles ont conduit un certain nombre de collectivités (de nombreux conseils départementaux notamment) à remettre en cause leur implication financière et leur rôle d’impulsion stratégique et opérationnelle ou de maîtrise d’ouvrage. Dans ce système en mouvement, les opérateurs " historiques " en milieu rural (compagnies d’aménagement et associations syndicales autorisées) sont par ailleurs fragilisés ». D’autre part, « la maîtrise d’ouvrage (éventuelle) d’infrastructures liées à l’eau (tous types d’usages confondus), lorsqu’elles sont nécessaires, est un sujet couramment orphelin (faute de pilotes, d’outils opérationnels adaptés et de moyens financiers associés) (…)  De plus, malgré́ cette multitude d’acteurs, aucun d’entre eux ne s’est vu attribuer de compétence explicite en matière de gestion quantitative de l’eau. Aussi, les projets les plus récents sont-ils portés par des organisations très diverses, au gré́ des dynamiques locales, mais souvent peu ou mal armées pour ce faire ».

c.   Les documents planificateurs

Les politiques de gestion de l’eau s’appuient sur des documents planificateurs élaborés à l’échelle des bassins et des sous-bassins : les SDAGE, les SAGE, mais aussi les PTGE.

Créés par la première grande loi sur l’eau de 1992 et renforcés par la loi dite « LEMA » de 2006, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui déclinent le SDAGE sont des documents visant à planifier à l’échelle des bassins et sous bassins les actions de gestion durable de la ressource en eau.

Le SDAGE fixe à l’échelle du bassin hydrographique les orientations à mettre en œuvre, pour une période de six ans. Élaboré par l’agence de l’eau, le SDAGE est voté par le comité de bassin et arrêté par le préfet coordinateur de bassin.

Les documents d’urbanisme (ScoT, PLU, PLUi) doivent être compatibles avec les objectifs du SDAGE. Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), doit également prendre en compte les orientations de gestion équilibrée de la ressource en eau.

À l’inverse du SDAGE, l’élaboration du SAGE n’est pas obligatoire sur l’ensemble des territoires. Il peut résulter du volontarisme local ou du SDAGE, qui peut prescrire, pour un ou plusieurs sous-bassins, l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Le SAGE est élaboré par les commissions locales de l’eau (CLE), qui se composent, à l’image de la gouvernance des comités de bassin, de trois collèges : le collège des collectivités territoriales, le collège des usagers et celui de l’État. Les SAGE sont généralement élaborés à l’échelle du sous-bassin versant. Ils sont arrêtés par le préfet de département.

Si les SDAGE pour la période 2022-2027 ont été adoptés dans tous les bassins hydrographiques, il en va autrement pour ce qui concerne les SAGE. Selon le rapport de la Cour des comptes précité, en 2022, 54,3 % du territoire était couvert par un SAGE ; « si les bassins du Nord et de l’Ouest atteignent des taux de couverture encourageants (100 % pour le bassin Artois-Picardie, 87 % pour le bassin Loire-Bretagne et 78 % pour le bassin Adour-Garonne), les résultats des autres bassins sont insuffisants : le taux de couverture par un SAGE atteint 41 % pour le bassin Seine-Normandie, 44 % en Rhône-Méditerranée, 31 % pour le bassin Rhin-Meuse ».

L’ensemble des prélèvements réalisé dans les eaux souterraines ou les cours d’eau doivent être compatibles avec les orientations du SDAGE, et le cas échéant, du SAGE.

D’autres outils de planification de gestion de la ressource peuvent être déployés localement. En particulier, les projets territoriaux pour la gestion de l’eau (PTGE) connaissent un certain succès et sont encouragés par les pouvoirs publics : plus souple que le SAGE, le PTGE peut permettre de trouver plus rapidement des solutions en cas de conflits d’usage important. S’ils sont plus souples, les PTGE sont également moins contraignants juridiquement, n’ayant pas d’existence réglementaire. Seule une instruction ministérielle prévoit leurs modalités de fonctionnement ([28]) . Celle-ci indique que l’objectif des PTGE est de réduire les déficits hydriques sur les territoires, à travers une gestion et une réflexion concertée. Les PTGE promeuvent la sobriété dans l’usage des ressources et peuvent aussi servir de support à l’élaboration de solutions de stockage. Ils doivent être cohérents avec les SDAGE et, le cas échéant, les SAGE.

Présentation simplifiée de la gouvernance de l’eau

Figure 6 : Source : rapport annuel de la Cour des comptes 2023, page 477

4.   La qualité de l’eau en France : un objectif encore loin d’être atteint

Les tensions croissantes sur la ressource en eau ne doivent en aucun cas faire passer au second plan les enjeux relatifs à la qualité de l’eau. Phénomène ancien, la pollution des eaux du fait des activités humaines s’est accélérée depuis la Révolution industrielle. La qualité de l’eau se détériore sous l’effet de polluants multiples aux origines diverses. Il apparaît nécessaire à vos rapporteurs de renforcer la recherche et les capacités d’analyse permettant de détecter la présence de ces polluants de la manière la plus complète possible. M. Pilato souligne cette absolue nécessitée au vu des dernières révélations concernant la présence de substances telles que le Smétalochlore et le chlorothalonil – toutes deux interdites depuis plusieurs années – dans l’eau potable.

Les milieux aquatiques sont sous tension, du fait des activités domestiques, agricoles, industrielles et énergétiques. L’accroissement des usages a conduit à faire de plus en plus pression sur les capacités d’auto-épuration ([29]). Les objectifs de qualité sont de plus en plus difficiles à atteindre. Sur la question de l’auto-épuration, on peut noter que les récentes évolutions législatives en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des terres et de l’objectif, en 2050, d’atteindre une artificialisation nette de 0 % résultant de la loi dite « Climat et résilience » ([30])  et poursuivies dans le cadre de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires ([31]), vont dans le bon sens. M. Pilato émet toutefois une réserve concernant cette dernière initiative législative, qui à ses yeux autorise une forme d’étalement plutôt que de privilégier la densification et constitue ainsi un affaiblissement des dispositions votées sur le ZAN dans la loi « climat et résilience ».

En France, 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines ne sont pas en bon état au sens du droit européen. Selon eauFrance, service public d’information de l’eau, « 43,3 % des masses d’eau de surface sont affectées par des pollutions diffuses (nitrates, pesticides notamment), 25,4 % par des pollutions ponctuelles et 19,4 % par des prélèvements d’eau excessifs ». 10,7 % des masses d’eau souterraines font l’objet de prélèvements excessifs ([32]). Comme le rappelle la Cour des comptes, « en 2027, 67 % des masses d’eau de surface (7 646 sur 11 407) et 40 % des masses d’eau souterraines risquent de ne pas atteindre le bon état au sens de la directive cadre européenne ».

La directive-cadre sur l’eau et le bon état des masses d’eau

La directive-cadre sur l’eau (DCE), adoptée au niveau européen en 2000, prévoit une évaluation de l’état chimique des masses d’eau de surface au moins tous les six ans. Sont examinées 41 substances dangereuses définies au niveau européen. Le cadre européen fixe les seuils de concentration des substances à partir desquels une masse d’eau est considérée comme n’étant pas en bon état chimique.

Si la situation s’est améliorée lors des dix dernières années ([33]), la pollution des eaux de surface et souterraine reste un problème majeur de politique publique qui concerne au premier rang les activités économiques. Elle est à l’origine de dépenses publiques importantes, destinées à garantir la production d’eau pour la consommation humaine ([34]).

Les dépenses liées à la dépollution des eaux

L’assainissement des eaux usées, la prévention et la surveillance des pollutions des sols et des masses d’eaux et la dépollution des sites et sols pollués font partie des actions engagées par les pouvoirs publics pour éviter ou réduire la pollution de l’eau. En 2020, ce sont 15,1 milliards d’euros qui ont été consacrés à ces objectifs (hors eaux marines). L’assainissement des eaux usées constitue le principal poste de dépenses (85 % du total).

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2022-12/graph4_fichepollution.png

Source : Statistiques du ministère du développement durable ([35])

La pollution de l’eau se caractérise par la présence de microorganismes, de substances chimiques ou encore de déchets industriels dans les milieux aquatiques. Elle est de plusieurs natures : on distingue ainsi généralement les pollutions ponctuelles, liées à un accident (comme par exemple une fuite d’hydrocarbure), des pollutions diffuses, qui peuvent être directes (rejet dans une rivière) ou indirectes (ruissellement de substances présentes dans les sols vers les rivières et les fleuves ou pénétration par le sol des eaux souterraines). Les pollutions peuvent être d’origine organique ou chimique, et se caractériser par la présence de macropolluants comme les nitrates et les phosphates ou des micropolluants comme les pesticides, les per- et polyfluoroalkylées, les résidus de médicaments, des produits d’entretien, etc.

En France, les normes sanitaires et les nombreux contrôles appliqués garantissent la qualité de l’eau potable, avec des taux de non-conformité globalement faibles. Néanmoins, les polluants modifient l’équilibre biologique des milieux aquatiques par eutrophisation, affectent la vie aquatique et peuvent avoir un impact sur la santé humaine. Chaque année, une centaine de captages ferment du fait de la pollution de la ressource.

Les fermetures de captage d’eau du fait de la dégradation de la qualité des eaux

La dégradation de la qualité de l’eau est la première cause de la fermeture de captage d’eau potable. En 2022, 37 700 captages ou ouvrages de prélèvement dans les eaux souterraines assurent l’alimentation en eau potable des Français. Entre 1980 et 2021, 12 600 captages d’eau potable ont été fermés. La première de fermeture est liée à la dégradation de la qualité de la ressource en eau (32,9 % des situations) ([36]). Selon le ministère chargé de l’environnement, « Parmi les captages abandonnés en raison de la dégradation de la qualité de la ressource, 40,7 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides, 24,1 % pour des raisons de microbiologie, 7,6 % du fait de présence d’arsenic, 6,6 % pour des excès de turbidité de l’eau et 20,2 % à cause d’autres paramètres en excès (hydrocarbures, sulfates, solvants, fer, manganèse, sélénium, fluorures et fluor, etc.)  ([37]) ».

Source : données et études statistiques du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ([38])

Au côté des usages domestiques, les activités économiques impactent fortement la qualité de l’eau :

– les activités industrielles, du fait des rejets produits chimiques comme les hydrocarbures, le PCB et les polluants éternels comme l’illustrent les dernières découvertes relatives aux pollutions aux substances per- et polyfluoroalkylées, notamment dans la vallée du Rhône ;

– les activités agricoles, du fait des engrais et des produits phytosanitaires, engrais et produits phytosanitaires ;

– les activités énergétiques, qui participent au réchauffement de la température de l’eau impactant la biodiversité des milieux aquatiques et pouvant également être propice au développement des herbes envahissantes.

La pollution aux substances per- et polyfluoroalkylées

Peu étudiées avant les années 2000, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), sont très présentes dans les produits quotidiens et dans nos organismes. Il s’agit d’une famille de plus de 4 000 composés chimiques aux propriétés diverses (antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs) ([39]). Les PFAS sont utilisés dans le cadre de procédés industriels et dans des produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements anti-adhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc.

Leur dégradation dans l’environnement est très faible. Les PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane) font partie des deux sous‑familles les plus connues et les plus persistantes dans l’environnement.

Ces substances peuvent avoir des conséquences graves pour les milieux (air, eau, sol) et la santé humaine.

Le programme de biosurveillance Esteban mené en 2020 a montré qu’en France, des PFAS (en particulier le PFOS et PFOA, des PFAS « historiques », interdits depuis 2009 et 2019) sont présentes dans le sang de la totalité de la population, adultes et enfants.

Selon une enquête conduite par le journal Le Monde et dix-sept autres médias, 900 sites sont contaminés en France, dont « 108, sont des « hot spots de contamination », c’estàdire des échantillons où les concentrations de PFAS sont si élevées (plus de 100 nanogrammes par litre [ng/l]) qu’elles sont jugées dangereuses pour la santé par les experts compétents ([40]) ».

La contamination des environs du parc chimique de Pierre-Bénite a été particulièrement médiatisée. Une enquête journalistique diffusée en mai 2022 a ainsi révélé des taux élevés de certains PFAS dans les milieux (eau, air, sol) autour de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite. Cette enquête attribue ces résultats aux rejets industriels. Des PFAS ont également été relevés dans des échantillons de lait maternel de femmes vivant sur l’agglomération lyonnaise ainsi que dans l’eau de consommation ([41]).

Le droit européen réglemente en partie les PFAS mais de façon encore insuffisante ([42]).

Un plan d’action PFAS 2023-2027 a été annoncé par le Gouvernement avec pour objectif de renforcer la protection des Français et de l’environnement contre les risques liés à ces substances ([43]). Une campagne de prélèvement dans les rejets aqueux est prévue pour l’été 2023, avec pour cible la teinturerie, l’impression et l’imperméabilisation textiles ; la papeterie ; la production et l’utilisation de Teflon ; la production, l’utilisation d’agents extincteurs d’incendie ; le traitement de déchets ; la fabrication de produits chimiques ([44]).

Votre rapporteur M. René Pilato souhaite relayer l’action du collectif Ozon l’eau saine, qui a attiré l’attention des pouvoirs publics sur cette problématique. Le collectif a notamment entrepris sa propre campagne de prélèvement, dont les résultats seront annoncés lors d’une réunion publique le 12 juillet 2023.

Si les activités économiques participent à la détérioration de la qualité des eaux, elles en subissent également les conséquences. Ainsi, une eau chargée en métaux lourds rend les productions agricoles concernées impropres à la consommation. Les activités de pêche sont aussi directement touchées. La mauvaise qualité de l’eau touche également les activités touristiques, en cas d’interdiction de baignade par exemple.

Qualité des eaux de baignade

Selon la dernière étude globale sur la qualité de l’eau conduite par le ministère de la transition écologique, 79 % sont classés « d’excellente » qualité, 14 % de « bonne » qualité, 3,5 % de qualité « suffisante », 1,6 % de qualité « insuffisante » et 1,7 % est regroupé dans la catégorie « non classée » qui intègre les nouvelles zones de baignade, les zones de changement de qualité et les zones où il y a eu un déficit de surveillance. Entre 2016 et 2018, cette qualité s’est légèrement améliorée pour l’ensemble des sites contrôlés et classés.

L’enjeu est particulièrement sensible dans les territoires ultramarins, le rapport du CESE précité ([45]) insistant sur « les graves risques de pollution engendrés par les rejets en mer » et soulignant que « certaines eaux usées domestiques continuent à se déverser directement dans la mer et engendrent des nuisances et des pollutions extrêmement dommageables pour l’environnement. Celles-ci représentent aussi un risque pour l’activité touristique comme c’est déjà le cas en Guadeloupe, en Guyane et en NouvelleCalédonie, avec des interdictions de baignade ».

a.   La pollution des eaux liée aux nitrates et phosphates

i.   Les nitrates

La pollution par les nitrates constitue la première cause de déclassement des masses d’eau souterraines françaises. Les concentrations les plus élevées se situent dans le centre-nord de la France, entre les régions CentreValde Loire et Nouvelle-Aquitaine, dans le secteur nord-est de la Bretagne, ainsi que dans le centre de l’Occitanie et la Camargue.

D’après le ministère de la transition écologique et de la transition des territoires, « après avoir beaucoup augmenté entre les années 1970 et 1990, la quantité totale d’azote vendue, ramenée à l’ensemble des surfaces fertilisables, a fluctué autour de 85 kg par hectare de surface fertilisable entre le début des années 1990 et la fin des années 2010 (contre 57 kg pour la campagne 1972-1973). Depuis la campagne 2018/2019, la tendance est à la baisse avec une quantité qui passe en dessous des 70 kg par ha (kg/ha) fertilisable (69 kg lors de la campagne 20202021)  ([46]) ».

Les mesures pour aider les agriculteurs et mieux valoriser le lessivage des nitrates, notamment celles mises en œuvre dans le cadre de la directive « Nitrates », vont dans le bon sens. Toutefois, les teneurs en nitrates connaissent une légère hausse de 8 % dans les eaux de surface entre 2000 et 2020 ([47]) .

Ces chiffres témoignent d’évolutions encore trop insuffisantes en ce domaine.

Sources : Données et études statistiques du ministère de la transition écologique

ii.   Les phosphates

Le ministère de la transition écologique indique qu’« entre les campagnes 1972-1973 et 2020-2021, l’utilisation des engrais phosphatés a été divisée par 4, pour atteindre 7,2 kg/ha lors de la campagne 2020/2021 ». Des mises aux normes dans les stations d’épuration urbaines ainsi que l’interdiction des phosphates dans les lessives ont permis d’améliorer très sensiblement la qualité de l’eau concernant sa teneur en phosphate. En quinze ans, les teneurs en phosphates dans les eaux de surface ont été divisées par 2. On note ainsi une baisse de la concentration moyenne de 50 % en 20 ans ([48]).

b.   Les pesticides

La plupart des sous bassins sont concernés par la présence de pesticides, comme le montre la surveillance de la qualité des eaux de surface. Les zones de grande culture font partie des plus concernées (Beauce, Bassin parisien, Nord, Pas-de-Calais, etc.), de même que les zones viticoles. Les Antilles sont aussi fortement touchées, en raison de la pollution historique liée à la chlordécone ([49]). Les territoires montagneux sont davantage épargnés.

La non-conformité des eaux de surface est principalement liée aux résidus de pesticides. L’indice « pesticides » ([50]) dans les cours d’eau a baissé d’environ 20 % entre 2008 et 2020 ([51]).

Source : Eau et milieux aquatiques, les chiffres clés édition 2020

En revanche, la concentration de la présence de pesticides au sein des eaux souterraines s’est accentuée entre 2010 et 2018, comme l’illustre la carte cidessous.

Évolutions de la concentration moyenne en pesticides
dans les eaux souterraines

Les données du ministère de la transition écologique indiquent qu’« en 2018, sur les 760 substances phytopharmaceutiques recherchées dans les eaux souterraines, 46 % ont été quantifiées (contre 40 % des 660 étudiées en 2010) : 48 % d’entre elles sont autorisées, 5 % sont des produits de dégradation (métabolites) de substances autorisées, 37 % sont des substances interdites et 9 % sont des métabolites de substances interdites ». Au total, « sur les 2340 points de mesures des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines, près de 80 % sont concernés par la présence d’au moins un pesticide » ([52]).

Les achats de produits phytopharmaceutiques depuis 2015

Les achats de produits phytopharmaceutiques ont augmenté de 9 % entre 2015-2017 et 2016-2018, avec des évolutions différenciées en fonction des territoires. La période 20182020 se caractérise par des ventes davantage en baisse.

Des objectifs de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques sont fixés depuis plusieurs années par les pouvoirs publics. En 2008-2009, le Grenelle de l’Environnement avait prévu un objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2020. En 2016, les objectifs ont été modifiés avec une cible de réduction de 25 % en 2020 et 50 % en 2025. Les produits phytopharmaceutiques ont été progressivement interdits pour les usages des particuliers et des collectivités (cas du glyphosate notamment).

Si la nécessité de réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques est reconnue par tous, le manque de solutions alternatives concernant certains produits pour le monde agricole rend le pilotage de ces politiques publiques particulièrement complexes. M. Pilato estime sur ce point que le problème est surtout celui d’un financement insuffisant des solutions alternatives : en l’absence de financement à la hauteur des enjeux, ces pratiques ne peuvent passer de minoritaires à majoritaires.

 

S-métolachlore : une interdiction des principaux usages
pour préserver la qualité des eaux souterraines

Le S-métolachlore constitue l’une des substances herbicides les plus utilisées en France, en particulier pour les grandes cultures. Elle connaît une dégradation en métabolites (métolachlore-ESA, métolachlore-OXA et métolachlore-NOA) qui migrent dans les sols ainsi que les eaux, tant de surface que souterraines.

Lors des contrôles des eaux destinées à la consommation humaine, ces métabolites ont été fréquemment détectés à des concentrations excédant les normes de qualité.

Dans ce contexte, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), au terme d’analyses menées grâce à son dispositif de phytopharmacovigilance, a publié un rapport en septembre 2021 ([53]). Dans le prolongement de ce rapport, l’Agence a introduit des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d’emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho.

Ces modifications d’emploi n’ont pas été suffisantes : l’Anses a conclu que les concentrations estimées des trois métabolites du S-métolachlore (ESA, OXA, NOA) dans les eaux souterraines sont supérieures à la valeur seuil définie dans le règlement (UE) n° 546/2011. Ainsi, malgré la réduction des doses maximales d’application des produits, l’Anses a estimé qu’il existait un risque de contamination des eaux souterraines par les métabolites du S-métolachlore.

L’Anses a confirmé le 20 avril 2023 le retrait de plusieurs autorisations de mises sur le marché (AMM) concernant des herbicides à base de S-métolachlore. La vente et la distribution de produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore resteront néanmoins autorisées jusqu’au 20 octobre 2023.

Cette décision a suscité de fortes réactions, notamment de la part de la FNSEA qui réclamait son maintien « faute d’alternatives » et du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, M. Marc Fesneau, qui avait demandé à l’Anses une « réévaluation de sa décision ».

Certaines substances pourtant interdites depuis des décennies restent largement présentes dans les milieux, sous leur forme d’origine ou en tant que métabolites. C’est notamment le cas de l’atrazine, du chlorate de sodium, de la simazine, de l’alachlore, du oxadixyle et du chloridazone. Le chlordécone est l’un des exemples emblématiques de cette problématique, puisque les Antilles restent affectées par la pollution de cet insecticide, interdit depuis 1993 ([54]).

c.   Micropolluants et autres pollutions

Les micropolluants regroupent de nombreuses substances liées aux activités industrielles, agricoles ou domestiques, qui ont pour particularité de présenter des effets toxicologiques importants de nature à nuire aux écosystèmes, même à très faible concentration. On retrouve des micropolluants dans les cours d’eaux et les eaux souterraines.

Les cours d’eaux sont particulièrement touchés par la présence des hydrocarbures aromatiques polycycliques (deux tiers des micropolluants retrouvés dans les cours d’eaux). Ces substances sont issues d’activités telles que l’incinération des déchets, les suies de fumées des véhicules roulant au diesel et à l’essence, les feux de forêt, les chaudières ou fioul ou au bois ([55]).

Source : Eau et milieux aquatiques, les chiffres clés édition 2020

Le trichloréthylène, le perchloréthylène ou le tétrachloréthylène, sont, après les nitrates et les pesticides, la troisième source de dégradation des eaux souterraines. On les retrouve comme solvants utilisés par les industries chimiques et mécaniques et pour le nettoyage à sec des textiles. 80 % des micropolluants retrouvés dans les eaux souterraines sont issus de produits du quotidien (médicaments, plastifiants, HAP, solvants, détergents. ([56])).

 

Le ministère de la transition écologique indique que sur la période 2006-2018, les moyens relatifs au suivi des micropolluants dans les eaux superficielles ont augmenté, avec une multiplication par 8 du nombre total d’échantillons prélevés ainsi qu’une multiplication par 25 du nombre d’analyses pour lesquelles la concentration d’un micropolluant a pu être mesurée. La situation n’en demeure pas moins préoccupante, d’autant plus que les interactions entre les différents micropolluants restent encore trop peu documentées, avec des inquiétudes pour la vie aquatique et la santé humaine.

La directive cadre « eau » prise en 2000 a fixé des objectifs de préservation de la ressource, en identifiant des cibles à atteindre sur le plan quantitatif et qualitatif de la ressource en eau, ce « bon état » des masses d’eau devant être obtenu au plus tard pour 2027. D’après le CGAAER, il est peu probable que ce bon état soit atteint d’ici 2027. Comme le note le rapport du Sénat déjà cité, « tous les SDAGE, à l’exception du SDAGE de Corse, dont une grande partie des masses d’eau est déjà dans un état jugé bon, prévoient de ne pas atteindre l’objectif de bon état de la totalité des masses d’eaux en 2027. Si cette non-atteinte peut être tolérée du point de vue du droit européen, puisque des dérogations sont prévues, elle n’en reste pas moins préoccupante. Entre 2013 et 2019, la situation a peu évolué et les SDAGE de nouvelle génération fixent un objectif modeste d’amélioration d’environ 20 % de la qualité des eaux ([57]) ».

 

5.   Une prise de conscience générale et une succession de concertations et de plans gouvernementaux

a.   Les Assises de l’eau (2017-2019)

Annoncées en novembre 2017 par le Président de la République, M. Emmanuel Macron, les Assises de l’eau sont une instance de concertation réunissant élus locaux, acteurs de l’eau au niveau national et, à travers les comités de bassins, au niveau local.

Leurs travaux se sont déroulés en deux phases :

– d’avril à août 2018, la première séquence des Assises de l’eau était consacrée aux services publics d’eau et d’assainissement (petit cycle de l’eau). Dix-sept mesures ont été avancées pour relancer l’investissement structurées autour de trois thèmes principaux :

– de novembre 2018 à juillet 2019, le thème du deuxième volet des Assises de l’eau était consacré à l’adaptation des écosystèmes et de l’ensemble des acteurs au changement climatique. Les préconisations issues de cette concertation visent à :

b.   Le Varenne de l’eau

Lancé le 28 mai 2021, le Varenne de l’eau avait pour objectif de construire, avec l’ensemble des parties prenantes, une feuille de route opérationnelle pour répondre aux enjeux de gestion de l’eau et d’adaptation au changement climatique auquel est confrontée l’activité agricole.

Les conclusions du Varenne ont excédé la seule question de l’eau pour embrasser des problématiques plus larges liées à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique. Les vingt-quatre propositions annoncées dans le cadre de ce plan portent notamment sur la création d’outils d’anticipation et de protection de l’agriculture dans le cadre de la politique globale de gestion des aléas climatiques et sur le renforcement de la résilience de l’agriculture (travail sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et d’élevage, les infrastructures agroécologiques et l’efficience de l’eau d’irrigation). Le Varenne de l’eau cherchait également à établir une vision partagée des besoins et de l’accès aux ressources en eau mobilisables pour l’agriculture sur le long terme.

Dans le prolongement des engagements pris dans ce cadre, un guide sécheresse a été publié par le ministère de la transition écologique afin de préciser les modalités de gestion par les préfètes et préfets de ces crises ([58]). L’information relative aux mesures de restriction d’eau en vigueur à destination du grand public a été, par ailleurs, améliorée par la refonte du site internet Propluvia du ministère de la transition écologique.

Le Varenne a également conclu à la nécessité de consolider et améliorer les plans territoriaux de gestion de l’eau (PTGE). Le rôle du préfet coordinateur de bassin en la matière a été renforcé. Les Assises de l’eau et le Varenne agricole ont également encouragé l’élaboration de feuilles de route pilotées par différents organismes et comportant des mesures techniques, organisationnelles et réglementaires. Le préfet Frédéric Veau a été nommé délégué interministériel en charge du suivi des conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation du changement climatique.

Le Varenne a suscité des réactions opposées, que reflètent les positions de vos rapporteurs exposées ci-après.

 

 

 

 

Regards croisés sur le Varenne de l’eau

 

 

Le regard de M. Pilato sur le Varenne de l’eau

 

Le Varenne de l’eau a suscité des réactions dans la société civile et fait l’objet de critiques notamment de la part de la Confédération paysanne, de la Fédération nationale d’agriculture biologique, d’UFC-Que choisir et du Réseau Action Climat qui estimaient difficilement justifiable la tenue d’une nouvelle concertation si peu de temps après les Assises de l’eau Les Assises avaient en effet été l’occasion d’un débat très ouvert avec l’ensemble des acteurs ([59]) . « Elles ont été un moment de démocratie extraordinaire dont les conclusions paraissaient faire l’unanimité », avait témoigné Hamid Oumoussa, directeur de la Fédération nationale de la pêche en France ([60]) . Les Assises avaient été saluées dans leurs conclusions arrêtant des principes de partage et d’économie de la ressource.

L’ensemble des associations ont déploré que de nombreuses parties prenantes aient été délibérément écartées des groupes de travail du Varenne, notamment les syndicats professionnels représentant l’agriculture biologique, plusieurs organisations environnementales et les associations de consommateurs. Au sujet du Varenne, ces mêmes associations ont dénoncé la mise en avant de « fausses solutions en matière d’accès à l’eau » contribuant au « maintien sous perfusion de systèmes de production dépendant de l’irrigation [qui continueront] d’accroître la vulnérabilité aux aléas climatiques des agriculteurs et des citoyens ». M. René Pilato partage ces réserves.

Il estime que la concertation visait à répondre à un impératif de maintien du niveau de la production agricole mais sans questionner l’usage des productions. Pourtant ce préalable est nécessaire avant d’appréhender l’autre réel enjeu qui est l’adaptation du modèle agricole aux volumes prélevables, et non l’inverse.

En outre, le Varenne fait fi des pratiques agricoles participant déjà à l’adaptation au changement climatique. Bien que la littérature scientifique montre que les systèmes d’agriculture biologique et paysanne présentent une meilleure adaptation et résistance aux situations de stress hydrique ainsi qu’un impact moindre sur la ressource en eau, aucune mention n’en a été faite durant les conclusions du Varenne.

 

Le regard de M. Perrot sur le Varenne de l’eau

 

M. Patrice Perrot estime que la tenue du Varenne de l’eau répondait à un besoin de concertation continue, justifié par la complexité des problématiques liées à l’eau et à l’irrigation.

La prise en compte de la diversité des opinions est nécessaire pour parvenir à des solutions durables et de nombreux acteurs ont soutenu cette initiative. Des parties prenantes telles que les agriculteurs, les chercheurs en gestion des ressources en eau et les représentants du gouvernement peuvent apporter des perspectives complémentaires qui permettent de trouver un équilibre entre les différents besoins et intérêts.

Par ailleurs, la mise en avant de nouvelles approches et technologies ne doit pas automatiquement être considérée comme des « fausses solutions ». La recherche de solutions innovantes peut contribuer à améliorer l’efficacité de l’utilisation de l'eau, à réduire les impacts environnementaux et à soutenir le développement durable de l'agriculture. Il est important de continuer à explorer différentes options et à encourager l'innovation pour faire face aux défis liés à l’accès à l'eau.

Les agriculteurs et les citoyens sont confrontés à des défis croissants en raison du changement climatique, notamment des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les sécheresses. La mise en place de systèmes d'irrigation plus efficaces et durables peut aider à réduire la vulnérabilité des agriculteurs face à ces aléas climatiques. Plutôt que de maintenir une dépendance excessive à l'irrigation, il est essentiel de développer des pratiques agricoles résilientes qui s'adaptent aux conditions changeantes.

Enfin, l'accès à l'eau est essentiel pour assurer la sécurité alimentaire, en particulier dans un contexte de croissance démographique et de pressions sur les ressources naturelles. Le Varenne de l'eau peut contribuer à trouver des moyens plus durables et équitables d'utiliser cette ressource vitale, en garantissant que les besoins en eau de l'agriculture ne compromettent pas la disponibilité d'eau potable pour les populations locales.

 

 

c.   Le plan gouvernemental sur l’Eau

Enfin, le 30 mars 2023, le Président de la République, M. Emmanuel Macron a présenté un plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, s’inscrivant dans le prolongement des Assises de l’eau et du Varenne de l’eau et dans le cadre de la planification écologique.

Le plan comporte 53 mesures destinées à répondre à trois enjeux majeurs : a) la sobriété des usages, b) la qualité et c) la disponibilité de la ressource. Le plan a également pour ambition d’améliorer la réponse face aux crises de sécheresse.

Ce plan fixe, pour tous les acteurs, un objectif de réduction de 10 % d’eau prélevée d’ici 2030. Il vise également à permettre une meilleure planification en déclinant cet objectif territoire par territoire et à améliorer la mesure des volumes prélevés.

L’optimisation de la disponibilité de la ressource doit, dans le cadre de ce plan, passer par :

– une réduction des fuites destinée à permettre la sécurisation de l’eau potable (1 litre sur 5 est perdu sur le réseau potable en raison des fuites, 170 collectivités ont des taux de fuite supérieurs à 70 %) ;

– la valorisation des eaux non conventionnelles (réutilisation des eaux usées traitées, eau de pluie et eaux grises notamment), en développant 1 000 projets de réutilisation sur le territoire, d’ici 2027 ;

 l’amélioration du stockage dans les sols, les nappes, les ouvrages en remobilisant les ressources existantes, et en apportant une réponse au besoin de développer l’hydraulique agricole, dans le respect de la réglementation.

La préservation de la qualité de l’eau doit être garantie notamment par la prévention des pollutions des milieux aquatiques et, en particulier, le renforcement de la protection des aires d’alimentation de captage. Une attention particulière doit être portée à la restauration du grand cycle de l’eau avec un objectif de développement de solutions fondées sur la nature dans la gestion de l’eau.

Le Gouvernement affirme sa détermination à mettre en place les moyens d’atteindre ces ambitions, notamment en améliorant la gouvernance de la gestion de l’eau, qui doit devenir plus ouverte, plus efficace et plus lisible, en assurant une tarification et un niveau de financement de la gestion de la ressource adéquats et en procédant à des investissements massifs dans la recherche et l’innovation sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la gestion de l’eau, afin de franchir des paliers d’innovation.

Les 53 mesures du plan gouvernemental sur l’eau présenté en mars 2023

Objectif : économiser 10 % d’eau prélevée d’ici 2030

1. Pour toutes les filières économiques : établissement d’un plan de sobriété pour l’eau pour contribuer à l’atteinte de cet objectif Dès 2023

2. Pour les industries : accompagnement d’au moins 50 sites industriels avec le plus fort potentiel de réduction Dès 2023, démarrage immédiat des travaux.

3. Pour le bâtiment : Des travaux sont engagés afin de réduire la consommation d’eau dans les bâtiments neufs 2024

4. Pour les agriculteurs : 30 millions d’euros supplémentaires par an seront consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d’eau, irrigation au goutte-à-goutte, etc.) À partir de 2024

5. Pour l’État : une démarche État exemplaire de sobriété et de lutte contre le gaspillage sera engagée au sein des administrations publiques Dès 2023

6. Pour les citoyens : les particuliers seront accompagnés pour l’installation de kits hydro‑économes et de récupérateurs d’eau de pluie en fonction des besoins sur les territoires Dès 2024

7. Pour tous : une campagne de communication grand public sera lancée pour inciter tous les acteurs à la sobriété D’ici l’été 2023

8. Pour sensibiliser dès le plus jeune âge : les enjeux de l’eau (cycle de l’eau, éducation à la sobriété, préservation des écosystèmes aquatiques) seront renforcés dans le cadre de l’éducation à l’environnement et au développement durable auprès des scolaires Dès 2023

« Territoire par territoire »

9. Chaque grand bassin-versant sera doté d’un plan d’adaptation au changement climatique Dès 2023

10. Des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements seront définis dans les documents de gestion de l’eau à l’échelle des 1 100 sous-bassins du pays Dès 2027

11. Fin progressive des autorisations de prélèvement au-delà de ce qui est soutenable dans les bassins-versants Jusqu’en 2027

« Mieux piloter la ressource »

12. L’installation de compteurs avec télétransmission des volumes prélevés sera rendue obligatoire pour tous les prélèvements importants Expérimentation dans 10 territoires dès 2024, généralisation d’ici 2027

13. L’encadrement des petits prélèvements sera renforcé, en abaissant le seuil de déclaration des forages domestiques. Dès 2024

Réduire les fuites

14. Face aux investissements importants à faire pour réduire les fuites (notamment dans 170 collectivités qui ont des taux de fuites supérieurs à 50 %), 180 millions d’euros par an d’aides supplémentaires seront versés aux agences de l’eau Dès 2024

Valoriser les eaux usées

15. Les freins réglementaires à la valorisation des eaux non conventionnelles seront levés à la fois dans l’industrie agroalimentaire, dans d’autres secteurs industriels et pour certains usages domestiques Dès 2023

16. Accompagner les porteurs de projets de réutilisation des eaux usées traitées Dès 2023

17. Un observatoire sur la réutilisation des eaux usées traitées sera mis en place Dès 2023

18. Un appel à manifestation d’intérêt spécifique à destination des collectivités littorales pour étudier la faisabilité de projets de REUT sera lancé par l’État en partenariat avec l’Association nationale des élus du littoral (Anel) et le Cerema 2024

19. La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles (notamment bâtiments d’élevage, pour l’abreuvement des animaux) sera largement soutenue en vue de sa généralisation via des aides des agences de l’eau Dès 2024

Améliorer le stockage dans les sols, les nappes

20. La préservation des zones humides sera renforcée avec 50 millions d’euros par an en plus Dès 2024

21. Un fonds d’investissement hydraulique agricole sera abondé à hauteur de 30 millions d’euros par an Dès 2024

22. Une stratégie nationale et un guide technique relatifs à la mise en place de systèmes de recharge maîtrisé des aquifères seront élaborés 2024

Prévenir la pollution des milieux aquatiques

23. Tous les captages seront dotés d’un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) D’ici juillet 2027

24. Les projets s’inscrivant dans une démarche agro-écologique, d’agriculture biologique seront favorisés 2023

25. La France adaptera ses usages de produits phytopharmaceutiques au regard des forts enjeux de santé-environnement sur les aires d’alimentation de captages 2023

26. La planification concernant la réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques (Ecophyto2030) déclinera en France cette même approche relative à la limitation de l’usage des intrants dans les aires d’alimentation des captages 2023

27. Le soutien aux pratiques agricoles à bas niveau d’intrants sur les aires d’alimentation de captage sera renforcé Dès 2024

28. En cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, des mesures de gestion permettant de juguler le risque seront mises en place automatiquement par le préfet, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité 2024

29. 50 millions d’euros par an d’aides supplémentaires des agences de l’eau seront consacrés à la mise aux normes des stations d’épuration prioritaires Dès 2024

« Développer les solutions fondées sur la nature dans la gestion de l’eau »

30. 70 projets d’opérations phares (10 par grand bassin hydrographique) labellisées « Solutions fondées sur la nature » seront lancées à des fins de démonstrateurs de lutte contre les sécheresses en particulier pour la restauration des zones humides, la renaturation ou encore la restauration des cours d’eau. Dans les outre-mer, 10 projets de solutions fondées sur la nature portant sur le petit cycle et le grand cycle de l’eau seront mis en œuvre. Dès 2023

31. 100 millions d’euros seront injectés pour financer des projets de renaturation et de désimpermabilisation des collectivités dans le cadre du Fonds vert Dès 2023

32. Un travail de fond sera engagé avec les acteurs pour actualiser et redynamiser la filière de génie écologique Dès 2023

Meilleure gouvernance

33. Chaque sous-bassin versant sera doté d’une instance de dialogue et d’un projet politique de territoire organisant le partage de la ressource D’ici 2027

34 Les SAGE seront modernisés Dès 2023

35. Les conditions d’une intervention efficace des Conseils départementaux en matière d’assistance technique et financière seront facilitées 2024

36. Un territoire ultramarin pilote sera accompagné pour intégrer la compétence GEMAPI dans le Plan eau DOM 2024

37. La participation au Comité national de l’eau sera élargie pour intégrer de nouveaux représentants des usagers de l’eau et la jeunesse 2023

Quel financement ?

38. Les moyens des agences de l’eau seront rehaussés de 475 millions d’euros par an Dès 2024

39. Le plafond de dépenses des agences de l’eau sera supprimé dès le prochain programme d’intervention Dès 2025

40. 35 millions d’euros par an supplémentaires seront mobilisés pour la politique de l’eau dans les Outre-mer Dès 2023

41. La Banque des territoires mettra en place une nouvelle génération d’Aquaprêts à taux bonifié pour les collectivités territoriales 2023

42. La mise en place par les collectivités d’une politique tarifaire adaptée aux enjeux des territoires sera facilitée 2023

43. Le Conseil économique social et environnemental sera saisi d’une mission sur les évolutions nécessaires pour faire des recommandations sur la tarification progressive de l’eau 2023

44. Dans le cadre du Plan eau DOM, l’État mènera avec les acteurs locaux les travaux requis pour sécuriser la perception des redevances des offices de l’eau et leurs missions À partir de 2023

45. La protection et la restauration du patrimoine naturel seront inscrites dans les programmes pluriannuels d’investissements des collectivités. Elles pourront inscrire ces projets dans les travaux éligibles aux dotations de l’État, sans contrainte de plafond 2024

Recherche et innovation

46. L’étude Explore 2, qui actualisera les projections hydrologiques à partir des dernières publications du GIEC, sera complétée par une prospective sur l’évolution de la demande en eau en France D’ici 2024

47. L’« empreinte eau » sera intégré à l’affichage environnemental Dès 2024

48. Un volet eau de France 2030 couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur et des usages liés à l’eau (gestion de la ressource brute, usages de l’eau, maîtrise de la donnée et de son analyse, traitement des eaux), comme soutien transversal aux innovations des entreprises françaises À partir de 2023

49. Les programmes de recherche majeurs sur l’eau concourront à projeter les évolutions futures et améliorer les outils pour mettre en œuvre une politique intégrée de l’eau dans leur aménagement du territoire à l’heure du changement climatique 2023-2027

Répondre aux crises de sécheresse

50. Un outil simple d’accès et d’utilisation sera déployé afin que chacun puisse connaître les restrictions qui s’appliquent en fonction de sa géolocalisation et de sa catégorie d’usager, et les éco-gestes recommandés au regard de la situation hydrologique locale Lancement de la version bêta d’ici l’été 2023

51. Le guide national des restrictions sécheresse sera mis à jour pour une meilleure efficacité et adaptation des mesures au plus près des réalités du terrain Avant l’été 2023

52. Afin d’accompagner la prise de décision au niveau national et local, des outils seront développés pour améliorer l’anticipation des années sèches, l’identification des territoires les plus à risque, la détection des inadéquations entre prélèvements et ressources en période d’étiage et de suivi des impacts dans le temps 2023-2027

53. Il sera régulièrement rendu compte aux parties prenantes, a minima deux fois par an, de la mise en œuvre des mesures du plan dans le cadre du Comité national de l’eau.

 

Les rapporteurs portent sur ce plan gouvernemental, qui fera l’objet de développements dans la seconde partie de ce rapport, des regards qui divergent.

 

Regards croisés sur le plan gouvernemental « Eau » de 2023

 

Le point de vue de M. Pilato sur le Plan « eau »

M. René Pilato note que les objectifs du Plan eau présentent un recul par rapport aux objectifs édictés avec une base élargi d’acteurs lors des Assises, celles-ci visant 10 % de réduction d’ici 2025 et 25 % d’ici 2035. Le plan « Eau » repousse à 2030 l’atteinte de cet objectif. Il estime que la place faite à l’évolution des pratiques agricoles dans le cadre du plan est très nettement insuffisante.

L’installation de compteurs avec télétransmission des volumes prélevés sera rendue obligatoire pour tous les prélèvements importants (visant en particulier les agriculteurs) : la nécessité de connaître exactement les volumes utilisés par les activités économiques avait déjà été relevée dans le cadre du rapport parlementaire sur les conflits d’usage de la ressource en eau conduit notamment par Loïc Prudhomme et dans le cadre de la mission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences dont la présidente était Mathilde Panot.

En cas de dépassement des exigences de qualité́ fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, des mesures de gestion permettant de juguler le risque seront mises en place automatiquement par le préfet sans pourtant prévoir l’interdiction du pesticide en question. Le Sénat, dans son rapport sur l’Avenir de l’eau (2022) est, sur ce point, catégorique : la meilleure façon de ne pas polluer et de ne pas produire de polluant.

Le plan « Eau » mise essentiellement sur une fuite en avant technologique au bénéfice des grandes multinationales qui captent ces investissements (la REUT est demandée depuis une vingtaine d’années par Veolia, Suez et la Saur) et pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

Alors que la Cour des comptes dénonce également le manque de moyens de la police et de contrôle de l’eau, dans son rapport annuel, aucune mesure ne vient renforcer les équipes de police de l’eau pour contrôler les rejets industriels et agricoles alors que les enjeux de la quantité et de la qualité de l’eau sont primordiaux.

Il est à noter que le financement du Plan eau reste à ce jour indéfini. La plupart des mesures verront leur financement précisé dans le prochain projet de loi de finances 2024.

Il est à craindre que l’addition soit intégralement acquittée par la facture d’eau des usagers domestiques.

Le point de vue de M. Perrot sur le Plan « eau »

M. Patrice Perrot salue cet effort de planification, nécessaire et exigeant, qui permet d’embrasser de manière cohérente l’ensemble des problématiques liées à la gestion de la ressource en eau et d’y consacrer les moyens financiers nécessaires.

Le plan gouvernemental « Eau » aborde ainsi, avec méthode, un large éventail de problématiques liées à l’eau, telles que l’approvisionnement en eau potable, la préservation des écosystèmes aquatiques, la prévention des inondations, et la gestion durable des ressources hydriques. En englobant ces différents aspects, le plan gouvernemental prend en compte l’ensemble des enjeux relatifs à l’eau, y compris ceux qui touchent l’agriculture.

De plus, bien que l’agriculture soit un secteur crucial qui dépend de l’eau, elle est déjà réglementée et encadrée par d’autres politiques et programmes spécifiques. Les plans gouvernementaux axés sur l’agriculture, tels que les politiques agricoles et environnementales, sont conçus pour aborder les questions spécifiques auxquelles ce secteur est confronté, y compris celles liés à l’utilisation de l’eau. Ainsi, l’absence d’une mention directe de l’agriculture dans le plan « Eau » ne signifie pas que ce secteur est négligé ou exclu des considérations globales.

La succession des concertations et des plans depuis 2017 peut être perçue comme une volonté du gouvernement d’adopter une approche itérative et progressive pour résoudre les problèmes liés à l’eau. Les défis complexes nécessitent souvent des ajustements et des améliorations au fil du temps. Les nouvelles concertations et plans peuvent permettre de prendre en compte les retours d’expérience, les nouvelles données scientifiques et les évolutions de la société pour affiner les mesures proposées.

Il est important d’établir des objectifs réalistes et réalisables pour garantir leur mise en œuvre efficace. Si les objectifs initiaux semblent être repoussés, cela peut être dû à une reconnaissance des défis plus importants que prévu ou à des contraints pratiques qui nécessitent un délai supplémentaire. Il est essentiel d’adopter une approche flexible pour s’adapter aux réalités et trouver des solutions appropriées.

Bien que M. Pilato critique l’insuffisance de l’évolution des pratiques agricoles dans le plan, il est important de noter que de nombreuses initiatives et programmes visent déjà à promouvoir des pratiques agricoles durables et agroécologiques. La transition vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement peut prendre du temps en raison des contraintes économiques, techniques et de la nécessité de former les agriculteurs. Il est possible que d’autres mesures spécifiques visant à soutenir cette transition soient élaborées ultérieurement.

Il est compréhensible que l’imprécision de certaines mesures puisse susciter des interrogations. Cependant, cela peut également être une conséquence de la complexité des enjeux liés à l’eau et à l’agriculture. Les détails opérationnels peuvent nécessiter une étude plus approfondie et une consultation supplémentaire avec des experts du domaine pour définir les mesures spécifiques. L’imprécision initiale ne doit pas nécessairement être interprétée comme une intention de négliger ces mesures, mais plutôt comme une étape préliminaire dans le processus de mise en œuvre.

Bien que les moyens financiers ne soient peut-être pas explicitement précisés dans certaines propositions, il est courant que les détails budgétaires soient affinés ultérieurement dans le cadre du processus législatif ou de la planification budgétaire. Les besoins financiers peuvent également évoluer en fonction des priorités nationales et des contraintes budgétaires. Il est donc possible que des ajustements soient apportés pour garantir un financement adéquat à mesure que les plans se concrétisent.

 

 

II.   Quelles perspectives pour demain ? la gestion de l’eau à l’épreuve du changement climatique

Vos rapporteurs, ce premier état des lieux dressés, tiennent à inscrire leur réflexion dans le temps long et à adopter une démarche prospective sans laquelle perdurera le sentiment que les politiques publiques sont prises de vitesse par les évènements et que l’action publique se limite à la gestion de crise. Ils souhaitent donc rappeler les principaux scénarios d’évolution du climat faisant autorité et les effets du changement climatique sur le grand cycle de l’eau et la disponibilité de la ressource.

1.   Les scénarios d’évolution du climat

Le dernier rapport de synthèse du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), paru en mars 2023 indique que le réchauffement global a atteint 1,1 °C par rapport à la période préindustrielle, qu’il atteindra 1,5 °C dès les années 2030 quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2).

Cinq scénarios de trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (GES) fondés sur les trajectoires socioéconomiques partagées (SSP) servent de fondements aux travaux menés par le GIEC :

–  Les SSP1 et SSP5 envisagent des tendances relativement optimistes pour le développement humain, avec des investissements substantiels dans l’éducation et la santé, une croissance économique rapide et des institutions qui fonctionnent de manière optimale. Le SSP5 repose sur une économie à forte intensité énergétique et basée sur les combustibles fossiles, alors que le SSP1 prévoit une évolution croissante vers des pratiques durables ;

–  Les SSP3 et SSP4 envisagent des tendances de développement plus pessimistes, avec peu d’investissements dans les domaines de l’éducation ou la santé, une croissance démographique rapide et des inégalités croissantes. Dans le SSP3, les pays donnent la priorité à la sécurité régionale, tandis que dans le SSP4, les grandes inégalités au sein des pays et entre pays dominent, conduisant dans les deux cas à des sociétés qui sont hautement vulnérables au changement climatique ;

–  Le scénario SSP2 envisage une trajectoire dite « intermédiaire » dans laquelle les tendances se poursuivent sans déviations substantielles.

Les trajectoires d’émissions de GES, d’aérosols et d’utilisation des sols résultant de ces scénarios ont ensuite été retravaillées par la communauté scientifique pour les harmoniser et les compléter par d’autres jeux de données – en particulier un maillage géographique des émissions. Au total, neuf scénarios d’émissions ont été obtenus.

Le sixième rapport du GIEC évalue plus précisément les cinq scénarios suivants :

–  SSP1-1.9 : scénario très ambitieux correspondant à l’objectif d’une hausse des températures de 1,5 °C telle que définie dans le cadre de l’accord de Paris de décembre 2015 ;

–  SSP1-2.6 : scénario de développement durable ;

–  SSP2-4.5 : scénario intermédiaire ;

–  SSP3-7.0 : scénario de rivalités régionales ;

–  SSP5-8.5 : scénario envisageant un développement basé sur les énergies fossiles.

Projections des émissions de gaz à effet de serre
suivant les cinq scénarios SSP du GIEC

Figure 7 : Source : GIEC, sixième rapport (2021)

La hausse des températures dans le cadre
des différents scénarios envisagés par le GIEC

Figure 8 : Source : GIEC, sixième rapport (2021)

La hausse des températures dans le cadre des différents scénarios envisagés par le giec (à court, moyen et long terme)

Figure 9 : Source : GIEC, sixième rapport (2021). Traduction des titres des colonnes : « Near term 20212040 » : à court terme pour la période 2021 (2040) ; « best estimate (°C) » : estimation la plus satisfaisante de la hausse des températures en de degrés Celsius (°C) ; « very likely range (°C) » : « fourchette très probable de températures en °C » ; « Mid-term, 20412060 » : « moyen-terme 2041-2060 ».

Comme le soulignait Mme Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe n° 1 du GIEC, lors de son audition par vos rapporteurs, les effets du réchauffement climatique sont déjà amplifiés en France avec une hausse des températures de 1,8 degré contre 1,2 degré en moyenne dans le monde.

Le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) reposait sur l’hypothèse d'une hausse des températures de 3 °C, conforme à l'accord de Paris de 2015 : dans le cadre de la préparation du nouveau plan, l’hypothèse retenue est celle d’une hausse de 4 °C. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE), dans un avis du 4 mai 2023, rappelle que « le réchauffement climatique en France métropolitaine sera supérieur au réchauffement global d’environ 50 % ».

2.   Quelles conséquences sur le cycle de l’eau et la disponibilité de la ressource ?

Le GIEC rappelle que « le changement climatique a déjà impacté l’accès à l’eau et à l’alimentation (réduction de la croissance de la productivité agricole au cours des cinquante dernières années) » ([61]).

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) souligne, par ailleurs, dans son rapport précité que « le cycle de l’eau est un mécanisme hautement thermosensible, puisque directement lié à l’équilibre entre les différents états de l’eau ». Néanmoins, comme l’indiquait Mme Valérie Masson-Delmotte lors de son audition, les effets du changement climatique sur le cycle de l’eau ont été retardés par « l’effet parasol » de la pollution atmosphérique, qui favorise un phénomène de refroidissement. Paradoxalement, l’amélioration de la qualité de l’air devrait accroître les effets du réchauffement climatique.

Le chapitre IV de la deuxième partie du 6e rapport du GIEC ([62]) est consacré aux effets du changement climatique sur l’eau et identifie plusieurs effets déjà à l’œuvre et susceptibles de s’accentuer :

 L’évapotranspiration a augmenté en moyenne et haute altitude. L’humidité des sols superficiels tend à se réduire, accentuant la sensibilité des systèmes agricoles aux sécheresses ;

 La fonte des glaciers connaît une accélération, avec une disparition de la plupart des glaciers européens à l’horizon 2100. Leur effet sur le cycle de l’eau, constituant à stocker l’eau douce sous forme solide pour la restituer sous forme liquide et soutenir les étiages des cours d’eau pourrait être fortement atténué, voire supprimé ;

 Les épisodes climatiques aujourd’hui considérés comme extrêmes devraient devenir plus fréquents. Ainsi, l’humidité atmosphérique et l’intensité des précipitations sont en hausse, de l’ordre de 2 à 3 % pour 1 °C de hausse de température. Les périodes sèches devraient s’intensifier, en particulier dans le Sud de l’Europe. Le régime des précipitations pourrait être fortement modifié, avec des épisodes plus violents, conduisant à une alternance de pluies fortes et de sécheresses longues pouvant entraîner une augmentation du phénomène d’inondations et à un accroissement de l’érosion des sols. La variabilité des précipitations d’une année sur l’autre devrait également s’accentuer, ce qui pourrait rendre plus difficile l’anticipation en matière de gestion de l’eau.

 La géographie des précipitations subira des modifications, avec une tendance haussière sur les océans à la latitude des tropiques, aux latitudes élevées et dans les régions affectées traditionnellement par les moussons, tandis que les précipitations devraient se réduire dans le Pacifique-Sud, en centre-Atlantique, ou encore dans la zone méditerranéenne. Le Sud de l’Europe devrait devenir plus aride.

Le réchauffement climatique n’a pas pour seul effet d’affecter les quantités d’eau disponible : il a également des conséquences, qui tendront à s’accroître, sur la qualité de l’eau. En modifiant les propriétés chimiques et biologiques des lacs et des rivières, il tend à dégrader la qualité des eaux, en accélérant notamment le phénomène d’eutrophisation.

Ces effets seront amplifiés si le réchauffement réel se révélait être de plus grande ampleur que ce que prévoit le scénario central du GIEC. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) notait, en 2022, que l’Europe « [connaissait] un réchauffement climatique plus de deux fois plus élevé que la moyenne mondiale », soulignant par la voix de son secrétaire général, Petteri Taalas, que « L’Europe offre l’image vivante d’une planète qui se réchauffe. Elle nous rappelle que même les sociétés bien préparées ne sont pas à l’abri des conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes. Cette année, comme en 2021, de grandes parties du continent ont subi des vagues de chaleur et de sécheresse prolongées, favorisant les feux de forêt. En 2021, des inondations exceptionnelles ont semé la mort et la dévastation. » ([63]).

3.   Les récents épisodes de sécheresse en France : des évènements « extrêmes » appelés à devenir habituels ?

Conjuguant déficit de précipitation et températures records, la sécheresse qu’a connue l’Europe et, en particulier, la France au cours de l’été 2022 est probablement la plus sévère depuis au moins cinquante ans. Elle s’inscrit dans le prolongement de plusieurs sécheresses, devenues récurrentes depuis 2018 – avec une seule exception en 2021.

Ce phénomène, perçu aujourd’hui comme extrême, pourrait n’être qu’un épisode moyen d’ici la fin du XXIème siècle, comme le souligne un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’administration (IGA), de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) présenté en mars 2023 ([64]).

Cet épisode de sécheresse s’est distingué par son intensité et sa durée dans l’ensemble de l’Europe (voir carte ci-dessous).

La sécheresse en Europe au cours de l’été 2022

Figure 10 : Source : Commission européenne centre commun de recherche. Les couleurs reflètent l’intensité de la sécheresse, selon un ensemble d’indicateurs élaborés par la Commission européenne, combinant précipitations et sécheresse des sols.

La sécheresse a débuté en France dès le printemps et a été suivie d’une sécheresse hivernale. Jusqu’à quatre-vingt-treize départements ont fait l’objet de mesures de restriction de l’usage de l’eau, au plus fort de la crise. Elle s’est d’abord caractérisée par un déficit pluviométrique de 25 % par rapport à la moyenne 1991-2020, faisant de l’année 2022 la deuxième année la moins pluvieuse depuis 1959. Les effets de ce déficit ont été renforcés par des températures élevées tout au long de l’année : 1 à 3 °C au-dessus des normales en moyenne sur l’ensemble du territoire et trois épisodes caniculaires au cours de l’été.

La température de l’eau des cours d’eau en a été affectée, tandis que la majorité des nappes a connu un étiage sévère en 2021 et 2022. L’état des nappes d’eau souterraine demeure d’ailleurs préoccupant, à l’heure où ce rapport est publié : le BRGM indique qu’en avril 2023, 68 % des niveaux des nappes phréatiques restent sous les normales mensuelles en avril 2023 (75 % en mars 2023, 58 % en mars 2022).

L’absence de précipitation et les épisodes caniculaires ont entraîné un assèchement des sols, déjà déshydratés à la sortie de l’hiver 2021-2022. Malgré les orages de juin et fin août, cette sécheresse des sols a perduré tout au long de l’année malgré les orages de juin et de fin août. Elle s’est accentuée jusqu’à une sécheresse record à l’échelle de la France (48 jours) entre mi-juillet et fin septembre.

Les conséquences de la sécheresse ont été nombreuses, tant sur l’alimentation en eau potable des populations, le secteur agricole, la biodiversité et la production énergétiques.

La persistante vulnérabilité de notre système de production et de distribution d’eau potable dans le cadre du changement climatique. Ainsi, plus d’un millier de communes ont dû mettre en œuvre des mesures de gestion exceptionnelles pour garantir l’approvisionnement de leurs habitants : 343 d’entre elles ont dû transporter de l’eau par camion et 196 distribuer des bouteilles d’eau, à défaut de pouvoir fournir de l’eau au robinet – 2 communes ayant même dû recourir au dessalement d’eau de mer et, plus grave, 7 communes ayant été contraintes à une interruption totale du service pendant plusieurs jours, sans solution à proposer.

Les conséquences sur la biodiversité ont également été importantes. Plus de 1 200 cours d’eau étaient totalement asséchés au 1er août 2022 et de nombreuses mortalités piscicoles et destructions d’habitats, pour certaines irréversibles, ont été recensées. Plus généralement, de nombreuses collectivités ont été confrontées à des difficultés en matière de qualité de l’eau, résultant directement ou indirectement de la hausse des températures – présence de cyanobactéries, par exemple.

Le secteur agricole a connu, pour certaines filières, des baisses de rendement importantes, comprises entre 10 et 30 %. La situation des prairies a été particulièrement affectée par la sécheresse, avec une production cumulée inférieure de 33 % à la moyenne des vingt dernières années.

De même, la production d’électricité d’origine hydraulique a été inférieure de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019 ([65]).

Ainsi, cet épisode et ses conséquences multiformes, constituent une forme de condensé des effets du réchauffement climatique sur la ressource en eau dans les années à venir. La mission d’inspection souligne ainsi « combien ce conjoncturel est rapidement rejoint, voire conditionné, par le structurel. Seules des mesures plus structurelles, dans tous les domaines, qui réduiront effectivement notre t, nous permettront de faire face aux enjeux en eau posés par le changement climatique ». Elle souligne, dans une plus large perspective que « parallèlement aux dispositifs de gestion de crise, seules des politiques de transformation de nos usages de l’eau dans la durée permettront d’éviter les ruptures brutales » et ajoute que « de nombreux chantiers restent souvent à construire ou à accélérer, tant l’eau, malgré les avertissements à répétition que constituent les sécheresses récurrentes, est encore trop fréquemment considérée comme une ressource inépuisable et gratuite : identification des vulnérabilités des territoires les plus exposés et plans d’actions pour les réduire, trajectoires de sobriété pour les principales filières, diffusion de technologies innovantes pour optimiser l’usage de chaque goutte d’eau, stockage lorsque c’est techniquement et économiquement pertinent, communication et pédagogie visà-vis du public... ».


—  1  —

   SECONDE PARTIE :
ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET GESTION DE L’EAU – QUELS LEVIERS POUR S’ADAPTER ET GARANTIR UN PARTAGE DE LA RESSOURCE EN EAU JUSTE ET DURABLE ?

Alors que la gestion quantitative et qualitative de l’eau pose des défis de taille pour notre appareil productif, comment accompagner les secteurs économiques – l’agriculture, mais aussi l’industrie, le tourisme et l’énergie – vers les transitions nécessaires sans obérer leur compétitivité ? Comment, dans les situations de tensions extrêmes que constituent les sécheresses, penser la hiérarchisation des usages de l’eau et le partage de la ressource entre ces différents secteurs ?

I.   DES SECteurs économiques conFrontés à une évolution rapide de la situation qui doivent être accompagnés

A.   L’agriculture au cœur des tensions : sortir du conflit pour faire de la gestion de l’eau un levier de la transition agro-écologique

1.   Pas d’agriculture sans eau

a.   La consommation d’eau par le secteur agricole

i.   L’agriculture, premier consommateur d’eau en France, avec une consommation accrue en été

L’agriculture française représente environ 9 % des prélèvements totaux d’eau – soit 3 à 3,5 milliards de mètres cubes (m3) par an et 58 % de la consommation totale d’eau (moyenne 2010-2019) ([66]). L’eau consommée n’est, en effet, pas restituée au milieu localement : elle est absorbée par les végétaux et le surplus fait l’objet d’une évapotranspiration. En été, la consommation du secteur agricole est majorée et peut représenter jusqu’à 80 % de la consommation totale d’eau ([67]). L’utilisation de l’eau en agriculture concerne essentiellement l’irrigation, mais également dans des proportions moindres l’accès à l’eau pour l’abreuvement des animaux, le lavage des locaux, la lutte contre le gel etc.

 

 

Contrepoint du rapporteur M. René Pilato

M. Pilato estime nécessaire de s’interroger sur le type d’agriculture que nous souhaitons privilégier. Quelle est la priorité : se nourrir, nourrir les animaux, comment, lesquels, pour l’exportation ou pour une consommation nationale ? Il s’agit de répondre, en même temps, à une interrogation corrélée : qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ?

ii.   Des besoins en matière d’irrigation que le changement climatique tend à accroître

Historiquement développée en France en zone Méditerranéenne, l’irrigation s’est progressivement étendue aux autres régions, entre les années 1970 et 2000, « grâce notamment aux aides européennes », avant de connaître une inflexion entre 2000 et 2010, puis une remontée entre 2010 et 2020 ([68]). Selon le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la part des surfaces irriguées a augmenté de 15 % en 10 ans. Cette hausse est particulièrement marquée dans certaines régions comme les Hauts-de-France où l’irrigation a connu, sur la période, une augmentation de 77,7 % ([69]).

D’après les chiffres de 2016, 20 % des exploitations agricoles sont équipées d’un système d’irrigation, ce qui représente 75 000 irrigants. 6,8 % de la surface agricole est irriguée, soit 1,8 million d’hectares ([70]).

Le recours à l’irrigation varie fortement en fonction des départements et régions, ainsi que des cultures. 15 % des surfaces sont irriguées dans le Sud, l’Ouest, l’Alsace, la Beauce contre 1 % des surfaces dans le Nord et l’Est ([71]). En outre-mer, 15 % de la surface agricole utilisée était irriguée en 2016, principalement pour les cultures de canne à sucre, de bananes, d’agrumes et de fruits frais ([72]).

D’après l’INRAe, les principales cultures irriguées en France (en % de la surface totale irriguée) sont les suivantes :

– 41 % maïs (grain et production de semence) ;

– 18 % céréales (blé tendre, blé dur, etc.) ;

– 7 % maïs fourrager ;

– 6 % vergers et petits fruits ;

– 2 % vignes ;

– 2 à 4 % autres cultures (betteraves, tournesols, soja, protéagineux, pommes de terre).

De récents chiffres du CGAAER donnent des résultats qui diffèrent légèrement et indiquent que 32 % des surfaces irriguées concernent des productions de maïs, mais seulement 34 % des surfaces de maïs sont irriguées ([73]).

Si le progrès technique a permis de diminuer l’eau consommée pour l’irrigation, les besoins croissants liés au changement climatique ont, sur la consommation d’eau, un effet inverse.

Contrepoint du rapporteur M. René Pilato : quelle irrigation dans le cadre du réchauffement climatique ?

Maintenir la même proportion de cultures irriguées paraît à contre-courant de l’urgence climatique. En dépit des innovations, ces cultures sont donc toujours très consommatrices d’eau.

Il convient de rappeler que le maïs a, par exemple, été implanté en Gascogne dans la France d’après-guerre. Le pays souhaitait alors développer l’agriculture « moderne » et plus particulièrement le maïs hybride qui venait d’être inventé par l’Inra (l’Institut national de recherche pour l’agriculture). Son implantation s’est faite contre l’avis des agriculteurs de l’époque et entame ainsi le principe de l’agriculture paysanne.

Ces pratiques agricoles posent, par ailleurs, la question de leur non-viabilité économique en étant surfinancées par de multiples canaux de subventions.

Soixante ans plus tard, 28 % du maïs français pousse en Occitanie. En été, le millier d’irrigants qui profitent du système de la Neste – un ensemble d’aménagements de l’eau géré par la CACG (Compagnie d’aménagement des coteaux en Gascogne) – consomment 95 % de l’eau disponible, 105 millions de m3 en 2022, plus 50 % par rapport à 2018 selon les chiffres de France Nature Environnement ([74]) .

Le 14 mars 2023, le préfet du Gers a décidé de placer le bassin de la Neste en « vigilance sécheresse, soit, selon ses mots, « trois mois plus tôt que l’année précédente ».

https://www.static.inrae.fr/cdn/ff/5QRDM5DZ_BTQmTkcEzBqW6nvsF9rrG84fGJIbCJrwv8/1655288736/public/png/2_EAU_BAT2-13.png

Source : INRAe, dossier revue " Irriguer autrement ", 3 juin 2022 (consultable en ligne ([75]))

L’agriculture est le secteur économique le plus touché par les tensions sur la ressource en eau. Les changements climatiques posent des questions majeures pour l’avenir de ce secteur.

Le CGAAER ([76]) résume ainsi les lourds défis auxquels fait face le monde agricole :

 l’accentuation des déficits hydriques en été, à l’origine d’un effet ciseau entre offre et demande, rendant « difficiles, voire impossibles dans certaines régions (notamment méridionales), beaucoup de cultures d’été actuellement pratiquées sans irrigation, avec des baisses de rendements importantes ». Ce phénomène s’illustre déjà avec force avec un enjeu de plus en plus prégnant concernant l’irrigation des vignes dans le Sud de la France ;

 l’augmentation possible des précipitations hivernales, qui risque d’entraîner « des excès d’eau produisant des stress aussi pénalisants que les sécheresses estivales, avec des anoxies racinaires et des baisses de rendements induites » ;

 la hausse des températures augmente la demande en eau des végétaux. Ces risques peuvent aussi offrir des opportunités, avec une extension géographique de certaines cultures (ex : vigne ou maïs vers le nord), développement de nouvelles cultures (sorgho, miscanthus, silphie, etc.) ;

 la fragilisation des sols du fait des phénomènes extrêmes, de leur imperméabilisation, et de la détérioration des zones humides.

Au total, on peut anticiper selon le CGAAER une aggravation forte à très forte des impacts du changement climatique sur l’agriculture pour la période 2050-2100.

Garantir la souveraineté alimentaire de la France exige une réflexion de fond sur la question de la consommation de l’eau par le secteur agricole. Le raisonnement autour de l’avenir de l’agriculture en France au vu des enjeux d’irrigation et des tensions sur la ressource en eau nécessite de bien avoir à l’esprit les enjeux relatifs à « l’eau importée » ou « eau virtuelle », c’est-à-dire de produits agricoles issus de cultures irriguées à l’étranger, qui représente aujourd’hui selon le CGAAER 3 000 milliards de m3 d’eau virtuelle ([77]). Des interdictions qui se traduiraient par une augmentation du volume des produits importés n’ont pas de sens, que l’on se place sur le plan économique ou écologique. L’équation n’est pas évidente à résoudre et nécessite une vision politique forte, qui doit combiner exigence et transformation d’un côté, avec accompagnement et soutien de l’autre.

Vos rapporteurs appellent à la mobilisation d’une palette d’outils permettant de jouer à la fois sur la demande en eau et l’offre, les solutions fondées sur la nature et les solutions technologiques, pour accompagner les transformations de notre modèle agricole face aux défis immenses posés par le changement climatique.

 

Développements des rapporteurs sur l’accompagnement des transformations du modèle agricole français

 

 

Éléments complémentaires apportés par M. Perrot

M. Perrot souhaite rappeler, concernant ce sujet, les mesures annoncées dans le cadre du plan Eau gouvernemental :

– 30 M€ supplémentaires par an seront consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d’eau, irrigation au goutte-à-goutte, etc).

– La récupération des eaux de pluie de toiture des bâtiments agricoles (notamment bâtiments d’élevage, pour l’abreuvement des animaux) sera largement soutenue en vue de sa généralisation via des aides des agences de l’eau.

Un fonds d’investissement hydraulique agricole sera abondé à hauteur de 30 M€/ an pour remobiliser et moderniser les ouvrages existants (curages de retenues, entretien de canaux...) et développer de nouveaux projets dans le respect des équilibres des usages et des écosystèmes.

– En phase d’installation de nouveaux agriculteurs sur des aires d’alimentation de captage, les projets s’inscrivant dans une démarche agro-écologique, d’agriculture biologique seront favorisés. Cette ambition sera portée dans le cadre de la concertation du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Le soutien aux pratiques agricoles à bas niveau d’intrants sur les aires d’alimentation de captage sera renforcé via les agences de l’eau avec notamment la revalorisation des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et celle des aides à l’agriculture biologique sur les aires alimentation de captage à hauteur de 50 M€/an, la prolongation de l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) jusqu’à la fin de la programmation PAC à hauteur de 30 M€/an et la revalorisation de l’aide à l’acquisition foncière par les collectivités à hauteur de 20 M€/an

Éléments complémentaires apportés par M. Pilato

 

La mesure de soutien pour les agriculteurs de 30 millions d’euros supplémentaires par an consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau (émergence de filières peu consommatrices d’eau, irrigation au gouttes à gouttes, etc.) à partir de 2024 représente moins de la moitié du programme d’équipement de retenues de substitution dans le département des Deux-Sèvres (où se trouve celle de Sainte-Soline), ou bien de celui de la Vienne.

 

Face aux sécheresses, les exploitations non irriguées doivent se tourner vers l’agroécologie, estiment les inspecteurs généraux du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux rattachés au ministère de l’agriculture ([78]).

 

De plus, l’INRAE appelle à une révolution agricole. Très sceptiques sur les dernières annonces de l’exécutif relatives à la gestion de l’eau, « les chercheurs préconisent de revoir en profondeur les pratiques agricoles au profit de l’agroécologie » ([79]) .

Les solutions mises en œuvre en priorité doivent être celles fondées sur la nature. Les solutions technologiques ne peuvent venir qu’ensuite. Le secteur ne peut être encouragé à consommer autant sans un changement de pratiques.

Face à une canicule précoce et une sécheresse majeure, le ministère de la Transition écologique espagnol reconnaît : « il est probable qu’il faille donc réduire dans certaines zones la superficie irriguée, car nous avons déjà modernisé 70 % des exploitations avec des systèmes de goutte-à-goutte et d’aspersion, et il reste peu de marge d’amélioration ([80]) » Le pays confronté à une sécheresse sur une grande partie de son territoire à la fin du mois d’avril 2023, n’a pas pu sauver 3,5 millions d’hectares de pomme de terre avec le goutte-à-goutte.

L’hydrogéologue Florence Habets souligne que « l’enthousiasme à l’égard des solutions technophiles est souvent porté par les premiers bénéficiaires, les maîtres d’œuvre et d’ouvrage, sachant que les coûts induits, directs ou indirects, sur le climat ou la biodiversité, seront payés par d’autres » ([81]). Cette réflexion s’impose pour l’émergence de la réutilisation des eaux usées sachant que l’eau au m3 sera plus chère, qui assumera le relèvement du montant des factures ? L’ensemble des secteurs qu’ils aient ou non intégré des modes d’économie d’eau ?

Il est à déplorer que le Plan Stratégique National (PSN) ne soit pas tourné vers le soutien résolu à la transition agroécologique.

Rien ne pourra se faire sans inclinaison forte de la PAC, au niveau européen, laquelle actuellement subventionne massivement une agriculture peu résiliente. Dans la même optique, il est essentiel de mettre en place des filières afin de « passer l’hiver » avec le développement des légumineuses et une forte sensibilisation de la population à consommer en fonction des cycles naturels. La PAC doit inciter au respect de la saison des pousses des fruits et légumes.

Une plus grande consommation de ces légumineuses participerait à la réduction de la problématique sur la conservation des aliments en hiver et à la moindre importation de légumes non produits sous nos latitudes à certaines saisons.

Les prairies semées pourraient se voir recouvertes d’un mélange associant des légumineuses, luzerne ou trèfle, à des graminées qui présente également un avantage puisque les légumineuses, qui fixent l’azote de l’air, évitent l’apport d’engrais azoté.

      Proposition : prioriser la production de légumes secs et viandes séchées.

      Proposition : plaider pour une évolution de la PAC soutenant davantage la production de légumineuses afin d’atteindre la souveraineté alimentaire pour pouvoir « passer l’hiver ».

 

 

b.   La gestion de l’eau doit être pensée comme un levier de transformation de l’agriculture française dont l’accompagnement par les pouvoirs publics doit être renforcé

Vos rapporteurs plaident pour que la question de la gestion de l’eau pour les activités agricoles soit pensée non comme un objet clivant ou un marqueur politique mais comme un levier de transformation de l’agriculture française. Réaffirmée au cours du dernier quinquennat, au travers notamment de l’adoption de la loi dite « EGALIM » ([82]) et par le Président de la République, M. Emmanuel Macron, dans le contexte du premier confinement ([83]), l’objectif de souveraineté alimentaire apparaît comme un objectif partagé. L’alimentation « saine, sûre et durable » et « accessible à tous », fondée sur une agriculture résiliente, respectueuse de l’environnement et rémunératrice pour les producteurs, doit être pensée dans le cadre du bouleversement climatique que nous vivons.

Les contraintes pesant sur l’accès à l’eau doivent constituer un accélérateur de la transformation de notre agriculture et un « cas pratique » de mise en œuvre d’une véritable « démocratie alimentaire » ([84]).

La réflexion doit s’inscrire dans un cadre de long terme tenant compte des projections en matière climatique (voir supra). Elle ne peut se limiter à la seule question de l’irrigation, qui doit être pensée dans un cadre plus général, celui de la transition agro-écologique de l’agriculture française.

Plusieurs rapports du CGAAER, du CGDD et de l’INRAE donnent des pistes pour adapter notre agriculture face aux tensions sur la ressource en eau. Vos rapporteurs ont souhaité insister particulièrement sur les points détaillés ci-dessous :

i.   Adaptation et transition agro-écologique

Des évolutions des pratiques agricoles sont nécessaires et la transition agro-écologique doit s’accélérer au vu des tensions sur la ressource en eau. Comme le souligne le rapport sénatorial précité ([85])  : « l’adaptation de pratiques (en agriculture) au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agroécologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). »

Doivent ainsi être encouragées, du fait de leur faible consommation d’eau et de leurs effets bénéfiques en matière d’infiltration, de bonnes pratiques agronomiques. Vos rapporteurs souhaitent en particulier insister sur trois types de pratiques agroécologiques à développer :

– l’agriculture de conservation des sols

Qu’est-ce que l’agriculture de conservation des sols ?

L’agriculture de conservation des sols se définit par trois principes : la réduction voire la suppression du travail du sol, la diversification des espèces végétales avec l’allongement des rotations, et enfin, une couverture permanente du sol par les cultures. Cette technique permet de produire de la biomasse qui régénère les sols. Elle conduit à une diminution significative du temps de travail et des charges liées à la mécanisation et aux intrants. La transition est toutefois longue et présente des risques qui demandent un accompagnement et des échanges avec les pairs pour stabiliser les bonnes pratiques. Elle peut également conduire à l’utilisation de pesticides (glyphosate) qui vient diminuer son impact positif sur le plan environnemental.

Le CGAAER et le CGDD identifient quelques pistes pour développer l’agriculture de conservation des sols que vos rapporteurs souhaitent relayer : envisager un conseiller agriculture de conservation dans chaque chambre d’agriculture, se doter d’un objectif de massification de l’agriculture de conservation dans les territoires, et mettre en place des contrats de transition pour les agriculteurs qui s’engagent dans cette voie. Vos rapporteurs soulignent en outre que la promotion de l’agriculture de conservation est indissociable d’avancées en matière de recherche et développement pour permettre le développement d’une agriculture de conservation sans pesticide. Il faut à ce titre également relever que l’agriculture de conservation des sols et l’agriculture biologique doivent être non pas opposées, mais pensées de façon complémentaire comme des types d’agricultures à développer et faire converger dans le cadre de la transition agro-écologique.

Proposition  1 : Développer l’agriculture de conservation des sols.

Envisager l’installation d’un conseiller « agriculture de conservation » dans chaque chambre d’agriculture, fixer un objectif de massification de l’agriculture de conservation dans les territoires et mettre en place des contrats de transition pour les agriculteurs qui s’engagent dans cette voie, comme le suggèrent le CGAAER et le CGDD. Accélérer la recherche et le développement pour promouvoir une agriculture de conservation des sols sans pesticides.

– la bonne gestion du couvert des sols, avec l’allongement et diversification des rotations des assolements, la couverture permanente, l’agroforesterie, le rétablissement des haies et bandes enherbées, susceptibles de ralentir l’infiltration de l’eau dans les sols ;

La disparition des haies

Un constat sévère dressé par le CGAAER,
dans son rapport « la haie, levier de la planification écologique » ([86])

Dans un récent rapport intitulé « la haie, levier de la planification écologique », le CGAAER indique que 70 % des haies ont disparu depuis 1950. Cette diminution constante s’explique tant par le remembrement agricole que par le déclin de l’élevage. Malgré les programmes de plantation, la perte est estimée à 10 400 kilomètres par an entre 2006 et 2014, la dynamique s’aggravant entre 2017 et 2021, avec une perte annuelle de 23 500 km.

Si les haies bénéficient de protection contre la destruction depuis la réforme de la PAC de 2013 (entrée en vigueur en 2015), cette protection est loin d’être complète, notamment en raison des dérogations pour l’arrachage de haies qui peuvent être obtenues dans un certain nombre de cas (chemin d’accès, permis de construire, gestion sanitaire, etc.) La coupe à blanc est quant à elle autorisée pour des opérations ponctuelles, à condition de ne pas être reproduite chaque année.

Certaines associations se sont saisies de la question. À titre d’exemple, en 2021, l’association naturaliste Manche nature a développé une plateforme numérique de signalement des destructions de haies ([87]) .

M. Pilato estime que la police de l’environnement doit pouvoir être renforcée notamment pour prévenir ces arrachages.

Les bienfaits des haies, notamment du point de vue de la bonne gestion de l’eau, sont pourtant reconnus. Le CGAAER formule dans son rapport plusieurs propositions pour faire des haies un levier de planification écologique et de transition agro-écologique. Le CGAAER invite notamment les pouvoirs publics à mieux protéger le linéaire existant, « en assurant le déploiement du plan de gestion durable des haies et en renforçant le dispositif spécifique d’éco-conditionnalité du plan stratégique national (PSN) de la PAC, sous l’angle de la simplification et des contrôles ».

 la polyculture élevage, qui permet d’associer culture et élevage pour apporter de la matière organique au sol.

Le développement de bonnes pratiques agroécologiques nécessite de créer les débouchés dans les filières aval. Il est donc indispensable d’accompagner les agriculteurs lors de la transition vers l’agroécologie. Le CGAAER propose d’élaborer des mécanismes de couverture de la prise de risque technique et financière. Les leviers économiques incitatifs doivent également gagner en efficacité, à travers la politique agricole commune (PAC) et les paiements pour services environnementaux (PSE). Les paiements pour services environnementaux par des partenaires privés ou publics constituent un outil pertinent qui permet de rémunérer les externalités positives des agriculteurs en vue d’améliorer la qualité et la gestion de l’eau. Les PSE sont autorisés par la Commission européenne mais insuffisamment mobilisés en pratique.

L’INRAe insiste de son côté sur la nécessité d’instaurer des subventions et paiements (MAEC, PSE) avec le passage à des obligations de résultat plutôt que de moyens. Le rapport du CGAAER et du CGEDD « Changement climatique, eau et agriculture » insiste sur le besoin de consacrer une partie importante des soutiens de la nouvelle PAC à la transformation des systèmes imposés par les changements climatiques.

Proposition personnelle de M. Pilato n° 2 : afin d’atteindre le bon état écologique des eaux d’ici 2027, le prochain plan stratégique national (PSN) doit résolument soutenir la conversion et le maintien de l’agriculture agro-écologique. Dans cet objectif, il importe d’augmenter les enveloppes des premier et second piliers destinées à favoriser l’agriculture biologique afin de diminuer les intrants.

 

Proposition n° 3 : conformément aux mesures prévues dans le cadre du Varenne de l’eau, encourager les chambres d’agriculture à produire des plans d’adaptation fondés sur une ambition réelle en matière de changement des pratiques et de sobriété d’ici le 31 décembre 2023.

ii.   Encourager le développement des cultures moins gourmandes en eau

Le développement de nouvelles cultures ou de nouvelles variétés, moins gourmandes en eau ou nécessitant un apport en eau à des périodes de l’année où celle-ci est abondante, est un impératif. L’effort de recherche variétale doit donc être renforcé. La diversification des rotations en incluant plus de cultures d’hiver et des espèces plus tolérantes à la sécheresse doit également être encouragée, en valorisant des espèces telles que blé dur, tournesol, sorgho, colza, légumineuses comme le pois, le pois chiche, le soja, voire des espèces de zones arides comme le niébé, le quinoa ou le sarrasin.

Ces évolutions doivent s’accompagner de stratégies de filières construites avec les pouvoirs publics pour assurer la viabilité économique de ces transformations. Ces stratégies nécessitent de bien prendre en compte les enjeux « aval » et les habitudes alimentaires des Français, dans un contexte où, comme le souligne le rapport précité du CGAAER et du CGDD, beaucoup de territoires qui s’engagent dans un allongement de leurs rotations (facteur de la restauration biologique des sols) et donc d’une diversification de leurs productions sont confrontés au manque de structuration pour écouler leurs nouveaux produits.

La recherche, notamment génétique, et le développement doivent permettre de promouvoir des cultures et des variétés mieux adaptées à la sécheresse et aux stress thermiques.

Proposition n° 4 : Favoriser le développement de cultures et variétés moins gourmandes en eau.

– Valoriser des espèces moins consommatrices telles que blé dur, tournesol, sorgho, colza, légumineuses comme le pois, le pois chiche, le soja, voire des espèces adaptées aux zones arides comme le niébé, le quinoa ou le sarrasin. Pour cela, mettre en place des stratégies de filières qui assurent les débouchés nécessaires à ces productions.

– À l’instar de ce qui a été fait sur la nécessité de consommer « cinq fruits et légumes par jour », une campagne de communication doit être menée pour encourager la consommation de légumineuses.

– Poursuivre les recherches génétiques permettant le développement de variétés moins consommatrices d’eau.

iii.   Construire une stratégie pour adapter la géographie des cultures agricoles aux tensions sur la ressource en eau

Le changement climatique va, dans une plus large perspective, impliquer une recomposition des zones agro-climatiques. Sur un territoire donné, certaines cultures deviendront impossibles à cultiver alors que d’autres seront envisageables. Ces bouleversements nécessitent d’être davantage anticipés pour accompagner les agriculteurs et les filières dans ces transitions. Il apparaît nécessaire à vos rapporteurs d’encourager et d’accompagner les filières dans une réflexion sur une meilleure répartition géographique des cultures.

Adaptation de l’agriculture
l’analyse du professeur de droit M. Benoît Grimonprez

Le changement climatique contraindra l agriculture à l’adaptation. À l’échelle des prochaines années, une « adaptation incrémentielle », c’est-à-dire à la marge, sera nécessaire pour « faire face » au manque d’eau : on parle de dates de semis décalées, de variétés sélectionnées, et de matériel plus performant.

Mais plus le climat va changer, plus l’adaptation devra être systémique, avec de l’agriculture de précision, de la diversification et de l’agroforesterie.

Enfin, il n’est pas exclu qu’on doive en passer par une adaptation de rupture, dite « transformante », avec de nouvelles cultures, voire des migrations de bassins de productions.

Proposition n° 5 : Accompagner et encourager l’intégration dans les plans de filière des objectifs de réduction de la consommation d’eau et des objectifs, à moyen et long terme, de meilleure répartition géographique des productions, afin de favoriser une agriculture résiliente face au changement climatique.

iv.   L’amélioration des techniques d’irrigation

L’irrigation de précision permet de diminuer la consommation d’eau pour un rendement équivalent. Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années, avec un gain d’efficience de 30 % en 20 ans ([88]).

Les marges d’économie d’eau apparaissent encore bien réelles. L’aspersion, parfois avec un matériel ancien, demeure la méthode d’irrigation la plus répandue en France ([89]) – 80 % des agriculteurs utilisent des méthodes d’aspersion - alors que des systèmes beaucoup plus performants existent. Doit ainsi être privilégié le matériel équipé de contrôleurs électroniques ou les systèmes localisés, notamment fondé sur la micro-aspersion ou le goutte-à-goutte de surface ou enterré. Des outils d’aide à la décision peuvent aussi permettre d’optimiser l’irrigation (outils de mesures de l’état hydrique des plantes et des sols, via des capteurs au sol ou via les outils de télédétection).

Les pouvoirs publics doivent accompagner le monde agricole vers l’acquisition d’agroéquipements plus performants en matière d’irrigation. Le CGAAER et le CGDD estiment essentiel de mettre en place des aides publiques pour généraliser l’irrigation sous pilotage technique. Comme l’a suggéré la FNSEA au cours de son audition, le programme d’aide à l’investissement « Équipements pour la troisième révolution agricole » de France 2030 pourrait contribuer à soutenir l’installation de matériels d’optimisation de l’irrigation. En parallèle, les diagnostics de vulnérabilité et les campagnes de conseils et de formation doivent être plus nombreux, les chambres d’agriculture pouvant faire figure d’interlocuteur « naturel » sur ces sujets.

Proposition n° 6 : Accompagner financièrement le monde agricole vers l’acquisition d’agroéquipements plus performants en matière d’irrigation (micro-aspersion, goutte-à-goutte de surface ou enterré, outils d’aide à la décision).

En outre, vos rapporteurs considèrent que la notion d’ « irrigation de résilience », développée notamment par M. Sami Bouarfa (INRAe), doit servir de trame de fond aux réflexions des politiques publiques sur l’avenir de l’irrigation agricole. Celle-ci peut être définie comme « une irrigation de sécurité, à la différence d’une irrigation qui vise à maximiser les rendements qui exige une consommation importante en eau et en intrants. S’orienter vers une irrigation de résilience, c’est chercher à éviter les pertes économiques les années sèches plutôt qu’à atteindre chaque année des valeurs maximales. Dans un contexte où l’eau sera rationnée, il est important d’aller vers une gestion de l’irrigation qui minimise la vulnérabilité des territoires et des agriculteurs à la sécheresse » ([90]).

Les trois composantes de l’irrigation de résilience

– Une irrigation plus économe, centrée sur la sécurisation de la production agricole, contribuant a une plus grande sobriété et résilience de l’agriculture et visant une stabilité des performances dans un contexte climatique plus fluctuant.

– Une irrigation qui doit s’accompagner d’une évolution des assolements, des variétés et des pratiques culturales (travail du sol en particulier) pour rendre plus efficients les apports réduits en eau ;

– Cette irrigation vise une conduite des cultures non à l’objectif maximum de production mais vers un optimum faisant converger rentabilité́ agricole et économie de la ressource en eau.

Source : CGAAER et CGDD ([91])

v.   Renforcer le déploiement des organismes uniques de gestion collective

Les agriculteurs peuvent d’ores et déjà s’organiser collectivement pour gérer les prélèvements d’eau destinés à l’irrigation au sein d’organismes uniques de gestion collective (OUGC), dont la mise en place a été actée par la loi dite « LEMA » (voir encadré ci-dessous). Le décret n° 2007-1381 du 24 septembre 2007, pris en application de l’article L. 211-3 du code de l’environnement issu de la loi dite « LEMA », affirme l’indissociabilité entre l’OUGC et son périmètre et définit les missions de l’OUGC, ainsi que les modalités de sa désignation et de son fonctionnement ([92]).

Les organismes uniques de gestion collective (OUGC)

Pour les prélèvements d’eau destinés à l’irrigation agricole, les agriculteurs peuvent s’organiser collectivement au sein d’organismes uniques de gestion collective (OUGC). Dans les zones de répartition des eaux (ZRE), qui sont structurellement déficitaires en eau, les OUGC peuvent être constitués d’office par l’autorité administrative conformément aux dispositions de l’article L.211-3 du code de l’environnement. Ces organismes détiennent une autorisation unique de prélèvement (AUP) pluriannuelle pour l’ensemble de leurs membres, répartissent annuellement les volumes entre agricultFrancerrigants et mettent en place d’éventuelles restrictions temporaires.

Dans les territoires affectés par un déficit structurel d’eaux superficielles – le Centre et le Sud-Ouest de la France en particulier – des OUGC ont été mis en place, ainsi que dans des zones n’étant pas classées en ZRE mais confrontées à de fortes tensions.

Les OUGC n’ont pas de personnalité juridique et leurs missions sont assurées par une structure porteuse, généralement des chambres d’agriculture.

Un rapport interministériel ([93]) paru en octobre 2020 conclut à la « pertinence de l’OUGC pour assurer la gestion collective de l’eau sur un territoire hydrologique cohérent » et souligne « [qu’à] condition d’être consolidé par une meilleure assise juridique et une formalisation des liens avec l’irrigant, l’OUGC doit être un dispositif à promouvoir, y compris hors des ZRE, pour préparer l’agriculture irriguée de demain aux défis du changement climatique ».

De même, dans le cadre de son rapport précité sur le retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse de 2022 ([94]), la mission des inspections indique qu’un « certain nombre de mesures, prises en anticipation, permettent de lisser les effets de la crise », citant notamment le cas des trois organismes uniques de gestion collective (OUGC) de Charente qui ont efficacement pratiqué la modulation précoce des volumes alloués hebdomadairement ou par quinzaine aux exploitants agricoles, avant même l’entrée en phase d’alerte, pour lisser sur la durée les effets de la crise et apporter très précisément les volumes nécessaires à chaque parcelle selon l’état de croissance des cultures. Dans ce cadre, une plateforme appelée HYDRIM a permis un pilotage fin des besoins d’irrigation des différents membres, grâce à une collecte des données relatives aux besoins en eau effectuée à différents moments de l’année.

Il apparaît donc important aux yeux de vos rapporteurs d’encourager le déploiement de ces organismes et d’en renforcer l’assise juridique.

Proposition n° 7 : Encourager le déploiement des organismes uniques de gestion collective (OUGC), y compris en dehors des zones de répartition des eaux (ZRE), et conforter leur assise juridique.

vi.   Les pistes autour du stockage de l’eau

    Voir aussi la proposition n° 42 sur le stockage de l’eau multiusage

Les efforts faits pour réduire les besoins en eau du monde agricole ne suffiront probablement pas et l’avenir du monde agricole nécessite aussi une réflexion sur les enjeux de stockage de l’eau. Ces sujets souvent peu consensuels ne peuvent être éludés et vos rapporteurs souhaitent évoquer les différentes options possibles :

– Vos rapporteurs souhaitent relayer la remarque du CGAAER concernant les capacités de stockage des barrages hydroélectriques : la capacité de stockage maximale théorique des grands barrages hydroélectriques est de 7 milliards de mètres cube (Md m3), dont au maximum 20 % (1,4 Md m3) peuvent être affectés au soutien d’étiage. Une réflexion pourrait être conduite pour étudier l’opportunité d’accroître ce potentiel dans le cadre du renouvellement des concessions ;

– la modernisation du réseau VNF est aussi une piste. Les retards de maintenance et de modernisation entraînent une dégradation des ouvrages et leur sous-utilisation. Vos rapporteurs font leur la proposition formulée dans le rapport précité du CGAAER et du CGDD, qui juge prioritaire la rénovation et l’entretien du réseau VNF, pour sécuriser les volumes d’eau conventionnés pour les usages agricoles et dégager des capacités supplémentaires.

Proposition n° 8 : Rénover les réseaux VNF pour sécuriser les volumes d’eau conventionnés pour les usages agricoles.

– un inventaire paraît nécessaire pour identifier les retenues individuelles de petites tailles et étudier l’opportunité de leur mobilisation. La FNSEA suggère un travail sur les possibilités de remobilisation et de gestion des plans d’eau privés et d’étudier la possibilité d’un accompagnement financier de ce type d’actions.

Le recensement pourrait également concerner les retenues collectives, telles que des mares d’abreuvement. À titre d’exemple, l’Agence Rhin Meuse soutient des alternatives pertinentes aux stockages de substitution, avec la réutilisation de retenues d’eau existantes, notamment via l’acquisition des étangs de la Reine.

Proposition n° 9 : Réaliser un inventaire des retenues individuelles de petites tailles et étudier l’opportunité de leur mobilisation pour un usage collectif.

– enfin, la création de nouvelles retenues de substitution et/ou collinaire n’est pas consensuelle et fait l’objet d’un développement présenté ci-après dans le rapport.

Notons qu’aux côtés des solutions de stockage, d’autres sont évoquées pour jouer sur l’offre de la ressource en eau :

– la réutilisation des eaux usées traitées constitue une solution prometteuse et encore peu développée en France. Elle permet tout à la fois de valoriser comme engrais les nutriments présents dans ces eaux et d’économiser la ressource (développé infra dans le II de la seconde partie du présent rapport).

 les transferts entre bassins, bien que cette solution paraisse rencontrer assez rapidement ses limites (il faut une forte disponibilité de la ressource en période d’étiage, ce qui est rare en France, même si c’est le cas du Rhône ou de la Durance).

–  les liens à développer entre stockage de l’eau et agrivoltaïsme, certaines installations pouvant permettre de récupérer les eaux de pluies sur tout ou partie des panneaux.

– la recharge artificielle des nappes (développée infra dans le II de la seconde partie du présent rapport).

vii.   La nécessité d’une planification plus affirmée autour d’un dialogue à renforcer entre le ministère de la transition écologique (MTE) et le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA)

Le rapport du CGAAER et du CGDD précité insiste sur la nécessité de construire une doctrine partagée entre le MASA et le MTE sur l’eau et agriculture. Vos rapporteurs ne peuvent que relayer avec force cette nécessité de renforcer le dialogue pour construire une vision partagée et porter une stratégie politique claire concernant la gestion de l’eau pour les activités agricoles. Malgré les démarches mises en œuvre, il apparaît que ce dialogue est encore insuffisant, ce qui freine l’élaboration d’une stratégie publique cohérente et claire en la matière.

Proposition n° 10 : Construire une doctrine partagée entre le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et le ministère de la transition écologique sur les questions d’agriculture et de gestion de l’eau.

c.   Les retenues de substitution : exemple emblématique des dissensions sur le partage de l’eau en France

i.   Qu’est-ce qu’une retenue de substitution, dite « bassine » ou « méga‑bassine » ?

Les retenues de substitution sont des ouvrages artificiels, généralement construits en plaine. Ils sont destinés à stocker l’eau prélevée en hiver afin d’irriguer les cultures en période de sécheresse.

L’eau ainsi retenue est puisée dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau entre novembre et mars pour être utilisée l’été.

Ces ouvrages, plastifiés et imperméables, ceints de digues de plusieurs mètres de haut, s’étendent en moyenne sur une superficie de huit hectares et peuvent couvrir jusqu’à 18 hectares. Apparues dans les années 1990, les réserves d’eau se multiplient : une centaine de projets existent en France, notamment dans les Deux-Sèvres, la Vienne et la Vendée.

 

Les différentes retenues d’eau

Les différentes retenues d’eau que sont, notamment, les barrages, les plans d’eau, les retenues collinaires et les retenues de substitution poursuivent un même objectif : stocker l’eau pour l’utiliser en fonction des besoins (agricoles ou multiusages).

Les barrages retiennent une quantité d’eau destinée à différents usages dont notamment l’alimentation en eau potable, et l’irrigation. Ils sont construits, le plus fréquemment, sur un cours d’eau ou, plus rarement, en dehors – le cours d’eau étant, dans ce cas, dérivé pour l’alimenter. Il existe différentes catégories de barrages en fonction de la hauteur de l’ouvrage et du volume d’eau retenu.

Les retenues collinaires sont alimentées, le plus souvent, par le ruissellement. Les « petites » retenues d’eau individuelles utilisées par les agriculteurs captent l’eau des sources et cours d’eau. Elles se sont multipliées dans les zones où l’eau se fait rare, notamment en Ardèche.

Contrairement aux retenues de substitution, les barrages et les retenues collinaires ne remplacent pas un prélèvement estival.

Source : site « Vie Publique »

Les tensions autour de la question des retenues de substitution sont illustrées avec une particulière acuité par les affrontements violents dans les Deux-Sèvres, qui se sont plus particulièrement déroulés le 25 mars 2023, à Sainte-Soline.

ii.   L’encadrement juridique de ces ouvrages

Les retenues d’eau sont soumises au régime juridique des installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) prévu par le code de l’environnement. Elles font l’objet de déclaration ou d’autorisation auprès du préfet, conformément aux articles R. 214-1 à R. 214-56 du code de l’environnement, délivrée après enquête publique suivant les dangers et la gravité des opérations sur l’eau et les milieux aquatiques. La procédure dépend notamment :

– de la superficie du plan d’eau : l’autorisation est obligatoire pour un plan d’eau supérieur à trois hectares ;

– du lieu du prélèvement : dans une zone de répartition des eaux (ZRE), l’autorisation est exigée à partir de 8 m3/heure ;

– de la méthode de prélèvement de l’eau : sondage, forage, dérivation, etc. ;

– de la situation de la retenue : installée dans un lit mineur de cours d’eau, par exemple, elle est un obstacle à l’écoulement des crues et nécessite une autorisation du préfet.

 

Étude de cas :
le processus d’autorisation des réserves de substitution dans les Deux-Sèvres

Le projet de création de 19 réserves collectives de substitution (pour un stockage total projeté de 6,9 millions de m3) sur la Sèvre Niortaise et le Marais Poitevin, lancé en 2016, est porté par la société coopérative anonyme de l’Eau des Deux-Sèvres (SCAEDS), qui regroupe un peu plus de 300 agriculteurs.

Le projet de la SCAEDS prévoit la suppression du pompage dans les cours d’eau et un pompage exclusivement dans la nappe entre novembre et mars pour alimenter les retenues. Il s’appuie sur une étude d’impact (de 1 600 pages) et a fait l’objet, dans le prolongement d’une enquête publique menée début 2017, d’une autorisation le 23 octobre 2017 par un arrêté préfectoral interdépartemental (suivi de plusieurs arrêtés préfectoraux contenant des prescriptions complémentaires), attaqué sans succès devant la juridiction administrative.

Après un mouvement d’opposition à l’arrêté du préfet, un accord entre les acteurs locaux est conclu le 18 décembre 2018. L’accord modifie le projet initial en s’appuyant sur une expertise du CGAAER et le CGEDD. Il comprend une irrigation réduite, un réexamen des retenues en fonction de leur impact, un objectif de développement d’une agriculture durable, notamment. Le nombre de réserves est ramené à 16. Le volume global d’eau destiné à l’irrigation est fixé à 12,7 millions m3. Saisi dans le cadre d’un recours, le tribunal administratif a jugé les volumes de prélèvements trop élevés en mai 2021. Plusieurs recours sont ensuite déposés.

Les simulations du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) mesurant l’impact des réserves sur les nappes souterraines et les rivières ont conclu en juillet 2022 à un « impact positif ». Cette expertise a été contestée par un certain nombre d’acteurs.

iii.   Le débat sur la légitimité de ces ouvrages

Sur la question de la légitimité des réserves de substitution, les avis des deux rapporteurs divergent fortement, reflétant le débat sociétal qu’elles suscitent.

Les tenants de ces ouvrages, dont M. Patrice Perrot fait partie, soulignent le caractère légal de ces installations, qui répondent à des normes et des autorisations strictement encadrées sur le plan législatif et réglementaire. Ils considèrent que l’adaptation au changement climatique est un enjeu crucial pour l’avenir de l’agriculture et que les retenues de substitution font partie des solutions de stockage nécessaires pour faire face aux bouleversements de la pluviométrie.

Votre rapporteur M. Patrice Perrot souhaite insister sur la diversité des situations locales et de la nature des ouvrages, qui rend nécessaire un examen au cas par cas et ne peut faire l’objet d’une condamnation générale. Ces solutions sont, à ses yeux, essentielles pour l’avenir de l’agriculture française : elles permettent de stocker l’eau pendant les périodes de pluie ou d’abondance, puis de l’utiliser pendant les périodes de sécheresse, ce qui contribue à maintenir la productivité des cultures, à sécuriser les approvisionnements alimentaires et surtout à améliorer les niveaux d’étiage. Il s’agit donc d’un enjeu de souveraineté alimentaire majeur. Les retenues de substitution peuvent aussi jouer un rôle important pour la production d’énergie renouvelable. En outre, elles peuvent être utilisées pour retenir temporairement de grandes quantités d’eau pendant les périodes de fortes pluies, réduisant ainsi le risque d’inondations dans les zones résidentielles et les terres agricoles environnantes. Elles agissent comme des réservoirs tampons pour atténuer les pics de crues et libèrent ensuite l’eau progressivement. Au regard des pics de stress hydriques cet aspect ne peut être décemment ignoré. Enfin, pour votre rapporteur Patrice Perrot, des projets ayant localement fait l’objet d’une concertation longue et exigeante ne peuvent faire l’objet de dégradations de la part d’organisations opposées par principe aux retenues de substitution. À ses yeux, les affrontements violents de Sainte-Soline furent aussi honteux que déplorables et ce pour plusieurs raisons : le dialogue et la médiation n’a jamais été une option envisagée par des groupements d’individus venus pour casser des biens, et porter atteinte à des individus – et notamment des membres des forces de l’ordre ; sans respect des lois et des réglementations en vigueur il ne peut avoir aucune concertation ni aucune solution durable et, enfin, car il faut le rappeler, une évaluation environnementale approfondie ne peut être réalisée que par un panel d’experts reconnus pour leur expertise.

Les opposants aux retenues de substitution, dont fait partie le rapporteur M. René Pilato, avancent les arguments suivants :

– le principe selon lequel l’eau est un bien commun appartenant à tous et ne pouvant être « accaparé » par une catégorie d’usagers aux dépends des autres ;

– le coût élevé tant de la construction que du fonctionnement de ces ouvrages, qui mobilisent d’importantes subventions publiques (taux de subvention à 70 %) ([95]) ;

– les bassines contribuent à la détérioration et à l’évaporation d’une eau de qualité puisée en profondeur. Sur ce point, une expertise scientifique collective avait été sollicitée par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM) en 2016 sur « l’impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique » ([96]). Or, elle soulignait la faiblesse de la recherche en matière d’effet cumulé des retenues et indiquait notamment que « la présence de retenues peut avoir un impact sur l’ensemble du réseau trophique et des habitats, du fait de modifications des conditions environnementales, de la connectivité et des processus de dispersion des organismes eux-mêmes. L’ampleur et la nature de ces impacts dépendent fortement du contexte dans lequel ils s’inscrivent ». Le CEREMA souligne que les implications des pertes par évaporation diffèrent selon que l’eau vient d’une nappe souterraine (risque de perte sèche de 7 à 30 % du volume annuel), d’eau de surface (pertes à évaluer selon la configuration de la bassine par rapport à son ratio surface miroir d’eau / volume et relativement au mode d’amenée d’eau et de gestion – période de remplissage/ étiage).

– elles alimentent un modèle agricole jugé « productiviste » et non durable dans le cadre du dérèglement climatique actuellement à l’œuvre ;

– leurs effets pervers sur le long terme sont redoutés, Mme Florence Habets, directrice de recherche au CNRS en hydrométéorologie, dénonçant « les effets pervers des barrages et réservoirs en cas de sécheresses longues » ([97]). Ces sécheresses, affectant les nappes phréatiques, rendraient inopérants ces ouvrages, qui seraient rapidement inutiles dans les régions les plus touchées par le réchauffement climatique.

M. René Pilato souligne, par ailleurs, que la pluie s’étant décalée dans les saisons, la recharge des nappes ne se fait plus correctement car l’eau est captée par les végétaux pour leur croissance. L’argument selon lequel le stockage d’eau résultant de fortes précipitations ne permettant pas l’infiltration dans les sols puis dans les nappes serait légitime est acceptable pour votre rapporteur. Des bassines remplies d’eau usée traitée, comme dans le cadre d’un projet à Mont-de-Marsan ([98]), peuvent également s’envisager mais en aucun cas le cas les retenues pompant dans les nappes phréatiques.

Par ailleurs, le développement d’une logique de retenues collinaires ou de bassines a montré ses limites – les modèles espagnols et autrichiens en font foi – notamment en termes d’absence de changement des usages ou d’effet rebond. Les stockages par pompage de la nappe phréatique sont fortement contestés par le monde scientifique : prélever en hiver de l’eau de la nappe phréatique pour la stocker alors que la recharge en hiver est primordiale pour les différents usages à venir et ce, pour l’année en cours et les suivantes (des difficultés devraient survenir cet été du fait d’une recharge hivernale qui ne se fait pas correctement depuis deux hivers) durant les périodes d’étiages apparaît illogique à votre rapporteur M. René Pilato, d’autant que les connaissances actuelles de la nappe phréatique sont insuffisantes. Comment donner l’autorisation de prélever dans un territoire dont l’état global ou même partiel des nappes n’est pas connu ? L’ensemble des acteurs ont souligné les limites des connaissances sur l’étendue de la ressource s’agissant des nappes phréatiques.

M. René Pilato insiste sur le fait que la nature est en mesure de stocker l’eau – et ce gratuitement. L’intérêt pour un secteur de créer son propre stockage n’apparaît donc nullement évident. Et son utilisation, par la suite, sans concertation collective de l’ensemble de la population du territoire dans une période de sécheresse peut le paraître encore moins.

M. Pilato souligne que le développement massif de telles réponses, s’il ne s’accompagne pas d’un changement de comportement vis-à-vis de l’accès aux ressources en eau, conduit à terme à des sécheresses plus prononcées du fait de la progression de la demande en eau (induite par la nécessité se rentabiliser le stockage), du retard pris en matière de sobriété, de l’artificialisation de la gestion de l’eau ou encore de l’augmentation de l’évapotranspiration. M. Pilato souhaite souligner la remarque faite par le CEREMA dans la contribution écrite rendue aux rapporteurs : « avec ces bassines, il y a effectivement un risque de préemption de l’eau qui doit rester un bien commun, dont le partage est à concerter collectivement ». M. Pilato adhère à ce postulat éthique et prospectif.

Dans un avis adopté le 11 avril 2023, le Conseil économique social et environnemental (CESE) appelle à « interdire la subvention par des fonds publics de tout projet de création de méga-bassine, notamment celles alimentées par pompage dans la nappe phréatique aux impacts multiples (accaparement de la ressource en eau, dégradation de l’environnement et de la biodiversité, risque pour la santé humaine) » ([99]).

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 11 : Instaurer un moratoire sur l’ensemble des stockages prélevant dans les nappes phréatiques.

M. Pilato souhaite insister sur le fait que le CEREMA concentre ses actions sur les solutions fondées sur la nature (gestion à la source des eaux pluviales, régulation du flux d’eau de pluie par des toitures végétalisées, renaturation ou restauration hydromorphologique des cours d’eau), qui présentent de multiples bénéfices, dont celui d’être moins coûteuses, d’améliorer le cadre de vie, et de favoriser à la fois le maintien de la nature en ville, le bon fonctionnement des sols et/ou les échanges entre nappes et rivières. Par suite, ces solutions contribuent à améliorer la recharge naturelle des nappes.

Il convient, de son point de vue, de s’interroger sur un contrat social sur l’eau altéré et dont les résistances virulentes au sujet des retenues de substitution seraient révélatrices.

d.   Faut-il donner une place particulière à l’agriculture concernant la hiérarchie des usages ?

De nombreuses voix s’élèvent pour demander que les arrêtés de restriction prennent en compte la dimension de la mission d’intérêt général de l’agriculture, voire que la législation française lui confère une place prééminente parmi les usages économiques.

Cette position est notamment celle défendue par M. Benoît Grimonprez, chercheur spécialisé en droit de l’agroécologie, entendu par vos rapporteurs. « Jugée prioritaire, l’alimentation en eau potable, qui passe par un seul circuit de distribution, couvre en réalité de multiples usages y compris d’agréments : jardins, piscines... Or, ces derniers augmentent à mesure que les températures se font plus caniculaires l’été. Seuls aujourd’hui les arrêtés de crise pris par les préfets osent discriminer entre les usages domestiques (…). Quant aux usages économiques, la loi les met tout simplement à égalité (C. env., art. L.211-1). Pourtant, à la différence du canoé-kayak ou de la pêche en eau douce, la production agricole semble vitale pour notre souveraineté alimentaire. À ce titre, elle devrait se voir réserver un accès sécurisé à la ressource disponible, moyennant, on y reviendra, une conditionnalité plus forte quant aux manières d’user du patrimoine commun aquatique ». Vos rapporteurs partagent cette position.

Proposition n° 12 : Parmi les usages économiques, donner une place particulière à l’agriculture dans le cadre de la hiérarchie des usages, du fait du rôle vital joué par ce secteur pour notre souveraineté alimentaire. Cet accès sécurisé à la ressource doit s’accompagner d’une conditionnalité forte sur les façons d’utiliser l’eau.

B.   ÉNERGIE : OPTIMISER LES PRÉLÈVEMENTS ET GARANTIR LA SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

1.   La sensibilité du parc nucléaire français à la contrainte hydrique s’est accentuée

a.   L’eau est une ressource indispensable pour le refroidissement des centrales nucléaires

La production d’énergie nucléaire constitue le premier poste de prélèvement de la ressource en eau, principalement en raison des besoins de refroidissement des réacteurs nucléaires. Chaque année, près de 15,3 milliards de m3 d’eau sont ainsi prélevés, soit 50 % des prélèvements totaux en France. L’eau prélevée, en mer ou auprès d’un cours d’eau, est néanmoins restituée au milieu naturel quasi intégralement (98 %). Si les prélèvements sont donc significatifs, la consommation effective de la ressource en eau apparaît plus faible, celle-ci représentant 12 % de la consommation totale, derrière l’agriculture (58 %) et l’eau potable (26 %) ([100]).

Les prélèvements et consommations associés à la production d’électricité, ainsi qu’à la sûreté des installations nucléaires, diffèrent sensiblement selon le système de refroidissement retenu par l’exploitant [voir schéma ci-dessous] :

Une image contenant texte, diagramme, capture d’écran, Police

Description générée automatiquement
Fonctionnement d’une centrale nucléaire
en circuit ouvert (droite) et fermé (gauche)

 

en circuit ouvert, l’eau froide est pompée dans la mer ou le cours d’eau, puis vient refroidir le réacteur via le condenseur, avant d’être rejetée avec un réchauffement de l’ordre de 10 à 15 de degrés. Ce système de refroidissement nécessite d’importants prélèvements en eau (38 à 61 m3 par seconde), ce qui implique que la centrale soit située en bord de mer (14 réacteurs) ou à proximité d’un grand fleuve (12 réacteurs) ;

en circuit fermé, l’eau prélevée, faisant l’objet d’un échauffement via le condenseur, est ensuite refroidie dans une tour aéroréfrigérante, avant d’être partiellement restituée. Contrairement au circuit ouvert, cette configuration prélève nettement moins (quelques m3 par seconde), mais 40 % de l’eau prélevée est consommée par évaporation dans la tour aéroréfrigérante. À l’échelle du parc nucléaire, cela concerne trente réacteurs implantés en bord de fleuve.

 

 

 

L’exemple de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire

Vos rapporteurs ont pu visiter, lors de leur déplacement dans la Nièvre des 15 et 16 mai 2023, la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. La centrale possède 2 réacteurs à eau pressurisée de 1 300 Méga watt électrique (MWe). En 2022, elle a produit 16,4 TWh d’électricité faible en CO2, ce qui représente un peu plus de 4 % de la production nucléaire français et 100 % des besoins en électricité de la région. Elle compte 1 142 salariés d’EDF et d’entreprises partenaires.

Les prélèvements et consommations d’eau y sont ainsi répartis :

Le refroidissement nécessite un prélèvement d’eau dans la Loire de 2,5 m3 par seconde (m3/s) en moyenne. En 2021, 169,3 millions de m3 ont été prélevés dans la Loire contre 166,38 millions de m3 en 2022. Ces prélèvements sont très inférieurs à l’autorisation annuelle qui s’élève à 280 millions de m3.

Le débit évaporé moyen est d’environ 1,5 m3/s pour les deux écoréfrigérants, ce qui représente 0,5 % du débit moyen de la Loire.

Chaque réacteur nécessite environ 180 000 m3/an d’eau déminéralisée en moyenne.

La restitution d’eau au milieu aquatique par rapport au prélèvement a été de :

 130,36 millions de m3 en 2021, avec une évaporation d’environ 23 % ;

– 130,30 millions de m3 en 2022, avec une évaporation d’ environ 22 %.

La surveillance de l’eau et de l’environnement est assurée notamment via 20 000 prélèvements, mesures et analyses par an qui font l’objet d’une publication (https://www.mesure-radioactivite.fr) ainsi que quatre inspections par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) par an consacrées à l’environnement et des audits internes.

Une pré-coordination étiage pour les rejets avec les autres centrales dès que le débit de la Loire est inférieur à 100 m3/s et un passage en coordination étiage assuré dès que le débit de la Loire est inférieur à 60 m3/s sont prévus.

En cas de débit insuffisant, l’arrêt de fonctionnement des aéroréfrigérants, l’arrêt des prélèvements en Loire et l’arrêt de la production électrique sont possibles. De même, l’arrêt des rejets est impératif en dessous de 30 m3/s.

Au cours de l’été 2022, le débit minimal de la Loire à Gien était de 44 m3/s en août (débit historique), mais n’a pas eu de conséquences sur la production et le fonctionnement de la centrale. L’échauffement moyen le plus élevé amont/aval a été de 0,35 °C (pour une limite à 1 °C ou 1,5 °C si la température de la Loire est supérieure à 15 °C et si le débit de la Loire est inférieur à 100 m/s conformément aux décisions de l’ASN). Cet échauffement serait de 4 à 6 °C pour une centrale en circuit ouvert sans aéroréfrigérant.

2.   La raréfaction de la ressource en eau et les variations climatiques affectent la disponibilité des centrales nucléaires

Dans un contexte de réchauffement climatique, l’intensification des épisodes de canicule et de sécheresse pèse sur la production des installations nucléaires, en particulier pour les sites situés en bord de fleuve et soumis à des situations d’étiage exceptionnel. L’indisponibilité climatique du parc nucléaire peut être causée par un débit d’étiage insuffisant, une température élevée du cours d’eau, ou les deux simultanément. Ces cas de figure peuvent conduire l’exploitant à mettre à l’arrêt son installation, ou en réduire la puissance, lorsqu’un risque environnemental ou relatif à la sûreté nucléaire est identifié.

La récurrence des épisodes de sécheresse fait donc apparaître une problématique majeure pour le fonctionnement des installations nucléaires : l’accès à une source d’eau froide et abondante permettant d’assurer le refroidissement du réacteur. Cette problématique doit, en particulier, être pensée au regard du contexte réglementaire en matière de prélèvements d’eau et de rejets thermiques qui a pour vocation de garantir le partage de la ressource en eau entre les différents usages et limiter l’impact environnemental sur les milieux aquatiques (voir encadré ci-dessous).

Normes de prélèvements et de rejets applicables aux installations nucléaires

Les installations nucléaires sont soumises à des règles strictes portant sur les prélèvements d’eau et de rejets, notamment en matière d’échauffement de l’eau et d’effluents radioactifs. Celles-ci sont définies par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles relatives aux installations nucléaires de base, et peuvent faire l’objet de décisions réglementaires ou individuelles par site.

En période de sécheresse et de canicule, l’application de ces normes peut contraindre l’exploitant de trois façons :

 un débit minimal du cours d’eau doit être respecté afin de limiter l’impact des centrales nucléaires sur l’environnement. Les quantités d’eau pouvant être prélevées par l’exploitant sont fixées par l’ASN (volume maximal annuel, volume maximal journalier et débit maximal en m3 par seconde) ;

 l’échauffement des cours d’eau, après rejets thermiques des centrales, ne doit pas dépasser le seuil de référence en aval (28 degrés maximum) et un écart de 1 à 3 degrés par rapport à la température en amont. Lorsque le cours d’eau atteint cette température, l’exploitant est tenu de réduire la puissance de son installation ;

 enfin, il est fixé un débit minimal du cours d’eau pour lequel les rejets d’effluents radioactifs et chimiques sont autorisés. En situation d’étiage, lorsque la concentration des effluents peut avoir un impact sur l’environnement, les rejets sont interdits et l’exploitant doit entreposer ses effluents dans des réservoirs de stockage ou, lorsque ces derniers sont saturés, réduire la production de son installation.

Source : Autorité de sûreté nucléaire

En période d’étiage, l’application de ces normes conduit donc l’exploitant à réduire – voire mettre à l’arrêt - la production d’un ou plusieurs réacteurs. Comme le souligne le rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE, l’indisponibilité climatique des centrales est amenée à s’intensifier, mais celle-ci demeure limitée à l’échelle du parc : 90 % des indisponibilités sont concentrées sur six sites (Chooz, Saint-Alban, Tricastin, Bugey, Blayais et Golfech) ; les pertes de production demeurent inférieures à 1 % de la production annuelle ([101]). Si ces indisponibilités peuvent paraître faibles, elles peuvent être ponctuellement critiques (par exemple, en représentant 10 % de la capacité installée en juillet 2019) et de nature à accroître les risques de tensions sur le réseau électrique (notamment, en automne).

Afin de sécuriser l’approvisionnement en électricité, l’article R. 593-40 du code de l’environnement permet en cas de sécheresse ou de canicule de déroger au cadre réglementaire en matière de prélèvements et de rejets. Lors de la sécheresse de l’été 2022, l’ASN et le ministère de la transition énergétique ont donc modifié temporairement les limites de rejets thermiques des centrales pour maintenir la production sur les sites de Bugey ([102]), Golfech, Saint-Alban et Tricastin. Ces dérogations, qui sont amenées à se reproduire, interrogent quant à leur impact environnemental : « l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de sécheresse et de canicule est de nature à augmenter l’occurrence de situations d’arbitrage entre une nécessité publique de production d’électricité et la protection de la faune et de la flore des fleuves. » ([103])

3.   Renforcer la résilience du parc nucléaire au changement climatique doit être une priorité

L’évolution quantitative et qualitative de la ressource en eau pose un véritable défi aux installations nucléaires et pourrait, à moyen et long terme, contraindre l’approvisionnement en électricité de la France. Il apparaît donc indispensable de renforcer la résilience du parc nucléaire, en particulier des sites thermosensibles en bord de fleuve. À cet égard, vos rapporteurs partagent les conclusions du rapport portant sur « l’adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires » de la Cour des comptes, préconisant de :

 mettre à jour les fondements scientifiques justifiant les limites réglementaires de rejets thermiques ;

 renforcer les réservoirs de stockage d’effluents, notamment sur les sites thermosensibles, les épisodes de sécheresse ayant démontré que les capacités d’entreposage « risquaient d’être insuffisantes pour faire face aux évolutions de la ressource en eau en termes de débit dans un contexte de changement climatique » ;

 accélérer la recherche et développement de systèmes de refroidissement sobres en eau, tant pour les prélèvements que pour la consommation des centrales, mais également de systèmes de refroidissement plus sobres en réactifs chimiques. Sur ce point, il est intéressant de souligner que le développement de systèmes de refroidissement en circuit fermé, avec des tours aéroréfrigérantes, permet de réduire les prélèvements en eau et limiter le risque d’indisponibilité lié à la température, mais peut s’avérer problématique en cas de sécheresse puisqu’une partie de l’eau prélevée n’est pas restituée au fleuve, modifiant de fait ses caractéristiques hydrologiques.

Par ailleurs, vos rapporteurs soulignent la nécessité de mieux appréhender la contrainte hydrique dans le cadre du programme nouveau nucléaire, qui prévoit la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2. Interrogé à ce sujet, EDF soutient que les critères climatiques, notamment en matière de gestion de la ressource en eau, sont intégrés et déterminent la conception et choix d’implantation des futurs réacteurs EPR2 :

– les quatre sites identifiés pour recevoir les six premiers EPR2 sont des sites littoraux (Penly et Gravelines) ou en bord de Rhône (Bugey et Tricastin), dont les contraintes hydriques sont les moins vives à moyen terme ;

– les systèmes de prélèvement d’eau sont conçus sur la base d’une évaluation du niveau d’étiage ([104]) pour chaque site en bord de fleuve ;

– la conception de systèmes de refroidissement limitant l’échauffement thermique des cours d’eau est actuellement en cours, afin de limiter l’impact environnemental des réacteurs en cas de sécheresse.

 

Contrepoint du rapporteur M. René Pilato

M. René Pilato émet des réserves tant sur les circuits fermés qu’ouverts. Les centrales construites sur le littoral ne peuvent présenter un risque zéro en cas de submersion marine. Aussi, l’échauffement de l’eau en circuit ouvert implique des rejets à + 6 °C. Les cinq centrales concernées par les dérogations concernant la température des rejets de l’été dernier étaient des centrales à circuit ouvert en bord de fleuve (hormis l’une dans l’Estuaire de la Gironde). Les conséquences de ces rejets hautement plus chauds en bord de mer, même si les flux de masses d’eau sont plus conséquents, ne sont pas suffisamment connus sur la faune et la flore.

Que deux des nouvelles centrales soient envisagées sur les bords du Rhône interroge fortement M. Pilato. Avec le rehaussement exponentiel des températures que nous connaissons, ces deux centrales à circuit fermé seront confrontées à la baisse du débit du Rhône envisagé entre 20 et 40 % d’ici 2030 selon la Compagnie Nationale du Rhône ([105])  dans les trente prochaines années. Par ailleurs, le réchauffement de l’eau des fleuves va rendre plus difficile le refroidissement des réacteurs. Les centrales nucléaires se retrouvent précisément confrontées à leurs propres limites face au réchauffement climatique. M. Pilato réaffirme la nécessité d’augmenter fortement la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Proposition n° 13 : Renforcer la résilience du parc nucléaire face aux tensions croissantes sur la ressource en eau du fait du changement climatique.

Améliorer les capacités des réservoirs de stockage d’effluents, notamment sur les sites thermosensibles.

Accélérer la recherche et développement pour développer la sobriété des systèmes de refroidissement (prélèvement, consommation, réactifs chimiques).

4.   L’hydroélectricité : concilier production énergétique et partage de la ressource en eau

a.   Première source d’énergie renouvelable, l’hydroélectricité est dépendante de la ressource en eau

La ressource en eau est indispensable pour la production hydroélectrique, qui constitue la première source d’électricité renouvelable en France avec une capacité installée de 25,7 GW (soit 20 % de la puissance électrique totale). Si l’hydroélectricité a pour avantage de ne pas consommer d’eau, celle-ci transforme l’énergie gravitaire des cours d’eau ou des lacs en électricité.

Le parc hydroélectrique se caractérise par plusieurs types d’installations, plus ou moins sensibles à la variation du débit des cours d’eau ([106]) :

– les installations « au fil de l’eau », qui turbinent tout ou partie du débit du cours d’eau en continu, dépendent intégralement du débit disponible ;

– les installations « éclusées », qui ont une capacité de stockage permettant la modulation journalière ou hebdomadaire de la production, dépendent également du débit d’eau disponible ;

– les installations « centrales de lac », qui disposent d’importantes retenues d’eau et de capacités de pilotage, sont moins sensibles aux conditions hydrologiques. Leurs capacités de production dépendent néanmoins du niveau de remplissage des retenues ;

– les stations de transfert d’énergie par pompage sont utilisées pour le stockage électrique et les besoins d’équilibre « offre-demande » sur le réseau électrique (voir infra).

Dans un contexte de réchauffement climatique, la raréfaction de la ressource en eau constitue un facteur de risque pour la production hydroélectrique, et a fortiori pour l’approvisionnement en électricité de la France. L’intensification des épisodes de sécheresse est de nature à restreindre les capacités de production : entre 2021 et 2022, le niveau de production hydroélectrique a ainsi baissé de 22 % ([107]). Par ailleurs, le rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE relève que : « l’évolution du climat conduira très probablement à un moindre remplissage des réservoirs hydrauliques à la fin de l’automne et au début de l’hiver, pouvant occasionner des situations de sécheresse tardives qui pourraient accroître la tension sur l’équilibre offre-demande si elles se combinaient à des périodes froides et/ou sans vent. »

b.   Les retenues hydrauliques : entre partage de la ressource en eau et production énergétique

Si les retenues hydrauliques ont une vocation énergétique via la production d’hydroélectricité, celles-ci servent également d’autres usages, en particulier l’alimentation en eau potable, le partage de la ressource en eau entre les différentes activités économiques (irrigation, industrie, loisirs, tourisme, etc.), et la préservation de l’environnement. En période d’étiage et d’accroissement des tensions sur le système hydrique, les barrages hydroélectriques peuvent réaliser un soutien d’étiage ou des lâchers d’eau. À titre d’exemple, lors de la sécheresse de l’été 2022, EDF avait arrêté de produire de l’électricité afin de préserver le stock d’eau de la retenue de Serre-Ponçon dans l’objectif de répondre aux besoins en eau des cultures irriguées de la vallée de la Durance. Ainsi, en constituant des réserves d’eau, les barrages hydroélectriques permettent de lisser les variations des débits, et en particulier de surmonter les périodes de sécheresse.

Toutefois, d’un point de vue énergétique, les opérations de soutien d’étiage sont de nature à réduire la flexibilité du parc hydroélectrique, en contraignant les capacités de production (surtout si le remplissage des barrages est d’ores et déjà plus faible). Afin de concilier l’enjeu de la sécurisation de l’approvisionnement énergétique avec celui du partage de la ressource en eau, vos rapporteurs soutiennent donc le développement de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Comme le soulignent le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAEER), les STEP constituent, en effet, un véritable levier énergétique, permettant de compenser les pertes de flexibilité du système électrique résultant des tensions croissantes sur la ressource en eau et, par conséquent, du soutien d’étiage réalisé par les installations hydroélectriques.

 

Les stations de transfert d’énergie par pompage

Les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont des installations hydroélectriques composées de deux bassins reliés entre eux, servant deux fonctions :

– lorsque la production hydroélectrique est importante, voire supérieure à la demande, l’eau du bassin inférieure est pompée vers le bassin supérieur, à des fins de stockage ;

– lorsque la production hydroélectrique est en tension, lors des pics de consommation, l’eau du bassin supérieur est turbinée vers le bassin inférieur, à des fins de production d’électricité.

Face au besoin de flexibilité et de stockage, résultant du développement croissant des énergies renouvelables dans le mix énergétique, les STEP apparaissent comme un véritable levier pour augmenter la capacité de production hydroélectrique, tout en garantissant l’équilibre sur le réseau électrique. À cet égard, la programmation pluriannuelle de l énergie identifie un potentiel de 1,5 GW de nouvelles STEP entre 2030 et 2035, alors que l’étude de RTE « Futurs énergétiques 2050 » envisage un développement de l’ordre de 3 GW d’ici 2050.

Source : éléments transmis par EDF

Proposition n° 14 : Soutenir le développement de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), afin de concilier l’enjeu de sécurisation de l’approvisionnement énergétique avec celui de partage de la ressource en eau.

C.   Industrie : DES EFFORTS DE SOBRIÉtÉ À poursuivre pour garantir une rÉindustrialisation durable du territoire

Le secteur industriel représente un peu moins de 8 % des prélèvements d’eau dans les milieux naturels et 4 % de la consommation totale. Les prélèvements des industriels hors production d’électricité sont estimés à 2,3 milliards de mètres cubes par an ([108]). L’industrie fait partie des principales activités économiques consommatrices d’eau, dans des proportions toutefois bien moindres que l’agriculture. Le secteur a réussi à réduire sa consommation ces dernières années et à améliorer la qualité des eaux rejetées. La situation reste toutefois critique sur certains territoires au vu des tensions croissantes sur la ressource et nécessite un accroissement des efforts fournis pour économiser la ressource et favoriser la sobriété. Un accompagnement par les pouvoirs publics est essentiel afin de soutenir la vitalité du tissu industriel français, dans un contexte où la relocalisation des activités industrielles doit rester une priorité de l’action publique. Cet accompagnement des pouvoirs publics doit également être guidé par le principe simple selon lequel l’eau fait partie de notre patrimoine commun et ne saurait être accaparée par quelques-uns.

1.   Un secteur qui prélève plus qu’il ne consomme

L’eau est utilisée pour les activités industrielles à différentes étapes du processus de production, avec une intensité variée en fonction des filières. Elle sert d’ingrédient primaire dans le cadre de l’industrie agroalimentaire (eau potable), et constitue également un élément essentiel du processus de production : solvant, agent de fabrication, refroidissement ou chauffage, nettoyage, etc. Selon les données transmises par le ministère chargé de l’industrie, Le secteur de la chimie représente 50 % des prélèvements de l’industrie manufacturière. Il est suivi de la fabrication des papiers et cartons et de la fabrication des produits alimentaires (15 % chacun). Les chiffres transmis par la filière sont quant à eux présentés dans le graphique ci-dessous.

Prélèvement des eaux par le secteur industriel (2005 – 2015)

Une image contenant texte, capture d’écran, nombre, Police

Description générée automatiquement

Figure 11 : Source : contribution écrite de la FENARIV

Contrairement à l’approvisionnement en eau potable, les deux tiers environ des prélèvements réalisés par les industriels proviennent des eaux de surface. L’eau prélevée fait généralement l’objet d’un traitement en fonction de l’usage souhaité : clarification, désinfection, potabilisation, déminéralisation, etc.

Les captations réalisées par les industries sont soumises au régime des IOTA. Les rejets entrent dans le cadre du régime des ICPE et sont donc très encadrés. Les eaux trop polluantes pour être rejetées, même après traitement, entrent dans la catégorie des déchets dangereux.

2.   Des prélèvements en baisse depuis 20 ans

Les prélèvements d’eau réalisés par le secteur industriel sont globalement en baisse depuis plusieurs années. Selon le CGDD, les prélèvements utilisés directement par les activités principalement industrielles baissent tendanciellement depuis 1994 (- 1,6 % par an en moyenne). En 2020, les prélèvements industriels sont inférieurs de 42 % à ceux enregistrés en 1994.

Le graphique ci-après montre l’évolution des prélèvements en eau douce : les captations ont commencé à reculer autour de 2010, principalement avec la réduction des prélèvements dans les eaux de surface.

Évolution de la répartition des volumes des prélèvements d’eau douce des sites icpe

C:\Users\ccastello\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\56A3C88F.tmp

Figure 12 : Source : contribution écrite de la FENARIVE

Cette baisse résulte certes d’efforts fournis par les filières (procédés plus économes, recyclage), mais aussi de la désindustrialisation, qui réduit mécaniquement les besoins en eau, d’où la nécessité d’adopter une approche de mesure de la quantité d’eau par unité de production. Le tableau ci-dessous donne ainsi un aperçu des évolutions des quantités d’eau nécessaires par unité de production industrielle ; à titre d’exemple, l’entreprise PSA prélève en 2017 quasiment 5 fois moins d’eau qu’en 1995 pour produire une voiture.

Évolution de l’utilisation de la ressource en eau
pour la production d’unités industrielles produites

Unité produite

source

avant

en 2017

1 voiture

PSA

15 m3

En 1995

3,5 m3

1 tonne de linge lavé

GEIST

Fédération pro

11,3 m3

En 2013

10,2 m3

1 tonne d’EC (équivalent carcasse de viande bovine)

CELENE

Fédération pro

7 litres = 0,007 m3

En 1995

4 litres

= 0,004 m3

1 tonne de papier non recyclé fabriquée sur un site intégré (pâte + papier)

COPACEL

Fédération pro

40 m3

En 1990

 

23 m3

1 tonne de pneus

MICHELIN

15,3 m3

En 2005

9,3 m3

1 tonne de granulats lavés prêts pour fabriquer du béton

CMCA Saint-Loup

Groupe COLAS

5 m3 par tonne

En 2015

0,134 m3 par tonne

1 tonne de matière première traitée / produits distillés à base de betterave à sucre

Distillerie GOYARD

Groupe Cristal Union

15 m3

En 2007

1,5 m3

Source : Tableau transmis par la fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l’eau (FENARIVE)

Sur le plan qualitatif, les rejets de polluants sont également en baisse selon les données fournies par la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l’eau (FENARIVE) lors de son audition, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Les évolutions de six rejets de substances issues des usages industriels

Une image contenant texte, capture d’écran, nombre, diagramme

Description générée automatiquement

Figure 13 : Source : contribution écrite de la FENARIVE

3.   Un secteur inquiet au vu des tensions sur la ressource

Les tensions croissantes sur la ressource en eau sont sources d’inquiétudes pour le monde industriel. L’été dernier, plusieurs arrêtés sécheresses se sont accompagnés de restriction d’usage : à titre d’exemple, 30 % des sites papetiers ont été sous restrictions (en majorité des sites situés dans le Nord et le NordEst). Quelques centrales à béton ont été fermées temporairement en Ardèche. Selon Copacel, représentant des professionnels de la papeterie, sur 80 sites en France, 14 ont été marqués par des restrictions, et 3 ont dû réduire leur activité.

La FENARIVE considère que les économies de prélèvement se heurtent aujourd’hui à plusieurs limites :

– la filière estime qu’il est parfois difficile d’aller plus loin dans la sobriété ;

– plus les utilisations d’eau sont faibles, plus la concentration des effluents rejetés est forte, ce qui n’est pas sans conséquence sur les enjeux de qualité des eaux ;

– les coûts nécessaires, qui jouent sur la rentabilité et peuvent menacer la compétitivité des entreprises. La FENARIVE déplore ainsi : « Nous n’en sommes pas encore là, mais il est hélas possible de voir à terme des délocalisations du fait du manque d’eau ».

Si la situation reste bien moins tendue que celle vécue par le monde agricole (besoins moindres, enjeu saisonnier moins prégnant, etc.), l’eau devient un sujet de préoccupation croissante du monde industriel qui nécessite de poursuivre les efforts sur l’économie et la planification de l’usage de la ressource.

De surcroît, localement, certains projets suscitent des conflits d’usages forts entre enjeux industriels et critiques concernant l’usage de la ressource.

L’actualité est ainsi marquée par les tensions suscitées autour de l’agrandissement de STMicroelectronics, industriel fabricant des semi‑conducteurs, cet agrandissement ayant bénéficié de subventions publiques dans l’objectif de réindustrialisation du territoire. Cet exemple illustre bien la complexité des tensions à résoudre : d’un côté, la réindustrialisation de la France nécessite des usines fabricantes de semi-conducteurs, composant essentiel de nombreux secteurs stratégiques (aéronautique, automobile, télécommunications) et, de l’autre, cette industrie est particulièrement consommatrice d’eau et génère aussi des rejets qui peuvent susciter l’inquiétude voire la colère des populations locales.

STMicroélectronics –
une illustration des conflits d’usage en lien avec les activités industrielles

Dans la région de Grenoble (Crolle) le projet d’agrandissement du site industriel de l’entreprise STMicroélectronics, qui produit des semi-conducteurs est à l’origine de tensions importantes relatives à l’usage de la ressource en eau, d’autant plus que le projet bénéficie d’une subvention publique de 2,9 milliards d’euros ([109]). Ce projet d’agrandissement s’inscrit dans le cadre de la stratégie européenne « Chips Act », qui fixe comme objectif le doublement des parts de l’Union européenne sur le marché des semi-conducteurs d’ici 2030. D’ici 2026-2027, le site devrait atteindre une capacité de production de 20 000 à 22 000 plaquettes par semaine ([110]).

Or, la production de semi-conducteurs est particulièrement consommatrice d’eau, en raison du process industriel et des traitements par produits chimiques.

Selon un article paru dans le journal Le Monde, « Alimentée par la métropole de Grenoble, l’usine de STMicroelectronics avait à elle seule utilisé 6,8 millions de mètres cubes d’eau potable en 2022, soit 20 % de la ressource fournie par la métropole grenobloise, la quasi-totalité de ce volume étant ensuite rejeté dans l’Isère après traitement ».

Si le groupe met en avant l’adaptation des processus de fabrication, « qui a permis de réduire de 41 % l’eau utilisée par plaquette produite entre 2016 et 2022 », ces besoins en eau sont très importants. Le groupe a obtenu en mars 2022 une autorisation de prélever par deux forages souterrains sur son site, selon les informations divulguées dans la presse, En 2035, l’entreprise prévoit un besoin de 33 600 m3 par jour, soit une augmentation d’environ 190 % par rapport à la consommation de 2021.

Ce projet suscite l’inquiétude des citoyens, agriculteurs et militants écologiques. Certains critiquent le manque de conditionnalité des aides publiques versées.

L’exemple des tensions récentes autour de l’usine Coca-Cola à Grigny illustre aussi ces problématiques (voir encadré ci-dessous).

Coca-Cola à Grigny – une captation par pompage dans une nappe phréatique remise en question

Depuis 35 ans est installée à Grigny, dans l’Essonne, l’une des six usines du groupe Coca‑Cola. Cette usine produit annuellement 600 millions de litres de sodas, composés à 90 % d’eau ([111]) captée jusqu’à récemment l’eau d’une nappe phréatique de l’Yprésien.

Selon un article du journal Libération, « l’usine, qui produit aussi bien des bouteilles de Coca-Cola que de Sprite ou de Fanta, puise près de 780 000 mètres cube d’eau par an. Soit la consommation d’une ville de 15 000 habitants » ([112]).

Dans ce contexte de sécheresse, la consommation en eau de l’usine a suscité l’opposition de la mairie communiste.

À la suite des négociations menées entre la mairie et le groupe Coca-Cola, « un accord de principe » a été trouvé afin d’adapter le réseau d’approvisionnement en eau pour permettre à l’usine de se raccorder à l’eau de la ville, qui pompe sur la Seine. Toutefois, pour que l’accord aboutisse, il reste nécessaire de négocier le prix du mètre cube d’eau, qui pourrait induire un surcoût éventuel pour la firme américaine. Il paraît dans ce cadre important de garantir la transparence des prix payés à la collectivité.

4.   Des marges de progression qui nécessitent une mobilisation forte des filières et un accompagnement des pouvoirs publics

a.   Des feuilles de route par filière avec des objectifs précis de réduction

Des efforts de sobriété doivent encore être conduits par les acteurs industriels. Avant toute chose, la réflexion qui doit primer est celle relative à la réduction « à la source » des besoins en eau, en améliorant les processus de production. Vos rapporteurs considèrent que l’effort de planification en la matière est aujourd’hui insuffisant, malgré la réduction globale des prélèvements ces dernières années qu’il faut saluer et qui a d’ailleurs été soulignée lors des auditions, y compris par certaines associations environnementales. Il reste regrettable, comme le souligne le rapport inter-inspections précité ([113]), que les objectifs globaux de réduction des prélèvements d’eau fixés par les pouvoirs publics soient peu connus des acteurs et n’aient pas fait l’objet de déclinaison territoriale ou sectorielle. Ce rapport recommande aux ministères en charge de chaque filière d’inviter les acteurs à élaborer des feuilles de route nationales d’économies d’eau, en fonction des références de bonnes pratiques lorsqu’elles existent. Vos rapporteurs souhaitent reprendre cette préconisation. La mise en œuvre du plan eau doit être l’occasion d’avancer sur ce point.

Vos rapporteurs se prononcent pour des plans de sobriété par filière industrielle, avec des objectifs chiffrés et un suivi adéquat. Cette planification compléterait utilement les annonces faites dans le cadre du plan eau, qui prévoit « pour les industries un accompagnement d’au moins 50 sites industriels ayant un fort potentiel de réduction » ainsi que l’élaboration de plan de sobriété pour toutes les filières économiques. Il faut noter que certaines filières se mobilisent déjà en la matière : à titre d’exemple, France chimie travaille ainsi sur un logiciel d’auto‑diagnostic et prévoit la publication d’un guide pratique de 25 fiches pour rassembler les technologies disponibles, et les mesures à prendre à court, moyen ou long terme, d’ici cet été ([114]) .

Ce type de démarches doit se développer dans d’autres filières et faire l’objet d’un suivi ministériel pour s’assurer de leur ambition et de leur efficacité. Cette réflexion et les plans de sobriété doivent impérativement intégrer les enjeux relatifs à la qualité de l’eau : malgré les progrès réalisés, l’industrie reste responsable de rejets qui détériorent la qualité des eaux.

Cette approche planificatrice pourrait également permettre une meilleure projection géographique des implantations de sites industriels, en fonction des tensions croissantes à venir sur la ressource. Vos rapporteurs saluent la mise en place des plans de sobriété hydrique mis en place à l’échelle des comités stratégiques de filières, qui s’inscrivent dans cette perspective. Selon les informations communiquées par le Gouvernement, ces plans seront lancés d’ici l’été pour un rendu à l’automne 2023, avec un calendrier accéléré pour les filières les plus consommatrices.

Proposition n° 15 : Mettre en place des plans de sobriété de la consommation d’eau par filière industrielle, contenant les objectifs chiffrés de réduction de la consommation, avec un suivi des administrations centrales compétentes. Intégrer dans ce cadre des objectifs en matière de qualité de l’eau.

b.   Les plans d’utilisation rationnelle de l’eau : une bonne pratique à généraliser

Localement, un dialogue entre les pouvoirs publics et les principaux sites industriels peut permettre d’identifier les pistes d’amélioration en matière de gestion de la ressource.

Auditionné par vos rapporteurs, le préfet du Puy-de-Dôme a détaillé le fonctionnement des plans d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE) déployés à l’échelle des principaux sites industriels du département. Le département du Puy-de-Dôme, au sein duquel le secteur industriel représente environ 17 % des prélèvements, met ainsi en place ces plans qui reposent sur une logique de contractualisation entre les pouvoirs publics et les industriels les plus consommateurs d’eau du département (plus de 40 000 m3).

Ces plans ont été mis en œuvre à la suite de la sécheresse de 2003 : les treize plus gros préleveurs industriels du département se sont engagés dans ces plans élaborés à partir de 2006 et ont pris des mesures effectives pour diminuer leurs consommations. Une baisse d’environ 30 % des prélèvements industriels (hors embouteilleurs) a été observée depuis 2009. Ces efforts visent à rendre l’outil industriel moins dépendant des situations de pénurie d’eau. L’arrêté cadre sécheresse révisé le 4 avril 2023 prévoit des possibilités d’exemption aux mesures générales de restrictions pour les ICPE engagées dans un plan d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE) pour les entreprises consommant plus de 40 000 m3 d’eau/an ou un plan de sobriété hydrique (PSH) pour celles consommant entre 7 000 et 40 000 m3/an.

À travers cet outil, l’État fixe des exigences de réduction de la consommation, dans le cadre d’une planification qui doit permettre aux industriels d’éviter ensuite les coupures lors des périodes les plus à risques. Cette logique contractuelle peut donc permettre d’établir un lien entre performance en matière de sobriété et adaptation aux mesures de restriction en période de crise.

Comme le préfet l’a indiqué à vos rapporteurs, 15 PURE sur 30 ont été signés et les autres sont en cours d’instruction. Le système repose sur du déclaratif, avec des éventuels contrôles des services de l’État qui pourront être réalisés pour vérifier que les engagements sont bien respectés.

Vos rapporteurs considèrent que les plans d’utilisation rationnelle de l’eau pourraient être déployés par l’ensemble des préfets, à condition d’être assortis de moyens de suivi adéquats.

Proposition n° 16 : Généraliser les plans d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE) à l’ensemble des départements, afin de favoriser l’identification, site industriel par site industriel, des marges d’amélioration concernant l’usage de la ressource, ces économies d’eau devant permettre aux industriels d’éviter les coupures en période de crise. Il est essentiel que ces plans ne reposent pas uniquement sur du déclaratif et fassent l’objet de contrôles réguliers et fréquents.

c.   Favoriser la connaissance de la ressource, l’investissement pour des équipements économes en eau et le réemploi

Ces efforts de sobriété passeront également par une meilleure connaissance des consommations et prélèvements à chaque étape du processus de production.

Certaines régions ont lancé des initiatives en ce sens, comme la Bretagne, dont la préfecture a mandaté la chambre de commerce et d’industrie pour sensibiliser et accompagner les entreprises dans les secteurs de l’industrie et du tourisme. Le dispositif prévoit un pré-diagnostic gratuit fourni aux entreprises. La région Occitanie et Pays de la Loire travaillent sur des dispositifs similaires. Vos rapporteurs saluent ces initiatives qui pourraient utilement se généraliser sur l’ensemble du territoire. L’installation de compteurs intelligents doit être favorisée : elle permet de suivre les consommations et d’identifier les marges d’économie.

Au-delà des outils permettant aux entreprises de mieux connaître leur consommation, il apparaît souhaitable de soutenir l’investissement dans les équipements économes en eau. L’ADEPALE, fédération qui représente les PME et les ETI du secteur agroalimentaire, a insisté, lors de son audition, sur les coûts que ces équipements peuvent nécessiter pour les petites entreprises. La fédération souligne également l’intérêt des projets de recherche et développement visant à minimiser la consommation d’eau mis en place par les Instituts techniques agro-industriels (ITAI) (ex. projet MINIMEAU) et l’intérêt de les soutenir. Vos rapporteurs souhaitent relayer ces points d’attention, et plaident pour la mise en place de soutiens financiers visant à favoriser l’investissement pour les équipements les plus économes en eau. Ces financements pourraient cibler les petites et moyennes entreprises.

Proposition n° 17 : Mobiliser les chambres de commerce et d’industrie pour accompagner les acteurs industriels dans le diagnostic de leur consommation en eau et mettre en place des mécanismes d’économie circulaire.

 

Proposition n° 18 : Soutenir l’investissement pour les équipements les plus économes en eau en matière industrielle.

Étude de cas des économies d’eau pouvant être réalisées sur un site industriel, l’exemple SNGC Béton Charentes

Lors de leur déplacement en Charente, les 22 et 23 mai 2023, vos rapporteurs ont pu visiter le site de SNCG Béton Charentes, qui possède quatre centrales de béton prêt à emploi. L’eau fait partie des composantes du béton, fabriqué à partir de sable, de cailloux, de ciment et d’eau. Depuis 2013, la norme autorise la possibilité d’utiliser de l’eau recyclée pour la production de béton.

Dans le cadre de la construction d’une nouvelle centrale à béton sur le site de Ruelle-sur-Touvre, le groupe SNGC a missionné un bureau d’études spécialisé pour analyser sa consommation d’eau et proposer des solutions qui lui permettront d’économiser 50 % de la ressource. L’étude a permis à l’entreprise de faire le point sur les principaux postes de consommation. Des compteurs connectés ont été déployés au sein de l’entreprise. L’objectif est d’augmenter la production de 20 % en divisant par deux la consommation d’eau. Le projet pourrait être soutenu par l’agence de l’eau Adour Garonne.

Concernant le réemploi des eaux, les acteurs entendus en audition ont exprimé des attentes fortes concernant le développement des eaux de réutilisation, en particulier le secteur agroalimentaire (voir ci-après les développements relatifs aux eaux non conventionnelles). Les règles relatives à l’usage des eaux recyclées se posent également de façon prégnante pour les stations de lavage automobile (voir l’encadré ci-dessous).

Les attentes de la filière du lavage automobile concernant le recyclage de l’eau

La filière souhaite inciter les professionnels à l’installation d’un système de recyclage d’eau pour le lavage, avec des normes de recyclage (taux global de recyclage d’eau à 70 % minimum), combiné à un système de monitoring (données connectées) permettant de garantir dans la durée, une qualité d’eau pouvant satisfaire, d’une part le bon fonctionnement des systèmes de lavage, et d’autre part une économie d’eau optimale.

Cette démarche nécessite l’aval des pouvoirs publics concernant le taux d’eau recyclée pouvant être utilisée, et des subventions versées par les agences de l’eau pour procéder aux équipements nécessaires. La filière lavage automobile indique pouvoir s’adapter avec un soutien financier des pouvoirs publics, et un délai de transition adapté en fonction de la taille des entreprises, à condition de ne pas subir des fermetures trop contraignantes. L’investissement dans le recyclage est estimé à 120 000 euros en moyenne par exploitant.

Source : contribution écrite de Mobilians

5.   La question des embouteilleurs

La question de l’usage de l’eau par les acteurs industriels peut également se poser sous l’angle du risque d’accaparement des ressources. La question des eaux minérales est particulièrement emblématique de ces tensions.

Vos rapporteurs ont auditionné les acteurs de la filière des eaux embouteillées. Si la consommation d’eau liée à cette activité représente une proportion faible du total de l’eau consommée pour l’eau potable (moins de 0,2 %), elle reste à l’origine de tensions locales importantes et d’accusations de captation de la ressource. Les tensions sur la ressource en eau sont également une source de préoccupation pour l’avenir de la filière, comme le montre la suspension récente par le groupe NestléWaters de deux sites de forages de la marque Hépar, dans les Vosges. Néanmoins, la plupart des puits des producteurs d’eau minérale sont suffisamment profonds pour ne pas être immédiatement concernés. Certaines entreprises anticipent, à l’image du Groupe Watwiller, qui plafonne sa production d’eau pour préserver sa source ([115]).

Selon le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales, les prélèvements annuels pour l’embouteillage des eaux minérales naturelles et de source ont tendance à augmenter, s’expliquant par une baisse de confiance des concitoyens au regard de la qualité de l’eau du robinet, sujette à des indisponibilités quotidiennes de différentes origines. Le syndicat des eaux minérales naturelles indique ainsi : « Notre activité sera amenée à croître dans les prochaines années en raison des canicules estivales de plus en plus fréquentes et la perte de confiance des consommateurs envers l’eau du robinet pour diverses raisons (indisponibilités chroniques). Les problèmes d’alimentation en eau potable par les fournisseurs (Veolia, Saur, Suez, régies autonomes, etc.), de plus en plus fréquents, devront être compensés par une distribution d’eau en bouteille de qualité, saine et sûre, à l’abri de tout risque de pollution ».

Les rapporteurs souhaitent à ce stade formuler chacun leur analyse sur la question des eaux minérales en bouteille :

Votre rapporteur M. René Pilato plaide globalement pour que l’eau soit traitée uniquement comme un bien commun et ne puisse faire l’objet de marchandisation. Il lui paraît essentiel de faire reculer l’usage de l’eau en bouteille, qui pose le double problème de la captation de la ressource et du plastique à usage unique. Votre rapporteur M. Pilato souhaite également la mise en œuvre d’une taxe spécifique pour les bouteilles en plastique, qui pourrait venir alimenter le financement de la politique de l’eau et plus particulièrement la dépollution des eaux. Votre rapporteur regrette que la canette ou la bouteille en plastique ait supplanté les mécanismes de consigne qui prévalaient autrefois. Avec la consigne, l’industriel prend en charge les coûts de collecte et de reconditionnement, c’est donc une forme d’application du principe de « pollueur payeur », contrairement à ce qu’il se passe aujourd’hui où ces externalités négatives sont prises en charge financièrement par la collectivité. En n’assumant pas le coût de traitement, les embouteilleurs ne subissent pas l’incitation à produire moins d’emballage. Tandis qu’ils s’exonèrent des coûts de retraitement, ils en appellent à la responsabilisation écologique des consommateurs. Votre rapporteur considère que la question des déchets ne peut être seulement une affaire de responsabilité individuelle, déconnectée du processus de production.

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 19 : Les embouteilleurs doivent mettre en place aussi rapidement que possible l’embouteillage en verre à leur charge, à la place des bouteilles en plastique.

Il doit être mis fin à toute production d’eau en bouteille et il faut en parallèle tendre vers une qualité maximale de l’eau potable. Dit autrement, les courbes entre la baisse de production de bouteilles d’eau et l’amélioration de la qualité de l’eau au robinet doivent se croiser au plus vite.

Le contrepoint du rapporteur M. Patrice Perrot

Votre rapporteur M. Perrot souhaite rappeler que la captation des eaux minérales naturelles s’inscrit dans un cadre juridique strict contrôlé par le préfet, qui délivre les autorisations de captation aux entreprises concernées et qui prévoit quand cela est nécessaire des interdictions ou diminution de prélèvement en cas de tensions sur la ressource. La filière des eaux minérales naturelles représente de nombreux emplois dans les territoires qui sont non délocalisables. Interdire la captation des eaux minérales par les embouteilleurs pourrait avoir des conséquences graves pour la vie économique de ces territoires. Cela n’empêche pas les actions nécessaires à mettre en place pour garantir la qualité de l’eau du robinet et encourager sa consommation. De même la filière doit poursuivre ses efforts pour s’inscrire dans un usage raisonné de la ressource (l’exemple de Watwiller précité paraît à ce titre pertinent) et pour réduire la consommation de plastiques.

Dans ce cadre, M. Patrice Perrot souhaite rappeler les nombreuses évolutions conduites ces dernières années pour réduire la consommation de plastique : évolutions législatives pour interdire les plastiques à usage unique, développement de l’économie circulaire avec le renforcement des normes en matière de recyclage et l’encouragement de la valorisation, campagnes de sensibilisation et éducation, coopération internationale, etc.

D.   Tourisme et loisirs : tensions, adaptation et rÉinvention

Les activités du secteur du tourisme et des loisirs sur lesquelles les évolutions en matière de disponibilité de la ressource en eau ont de fortes conséquences sont nombreuses et hétérogènes. Sans prétendre à l’exhaustivité, vos rapporteurs ont concentré leurs travaux sur plusieurs secteurs qui leur ont paru emblématiques, soulevant des problématiques sensiblement différentes :

 Le golf pose avec acuité la question de la hiérarchie des usages et de l’acceptabilité sociale de certaines pratiques d’arrosage, en particulier dans le cadre des épisodes de sécheresse tel que celui de l’été 2022 ;

 Le tourisme en montagne durant la saison hivernale illustre avec force les conséquences du changement climatique, dans un territoire plus particulièrement touché par ce phénomène ;

 Les courses hippiques et les activités équestres permettent d’aborder la question de la disponibilité de l’eau sous l’angle de la sécurité et du bien-être animal ;

– Enfin, le canoë-kayak, tout comme l’important secteur du transport fluvial (tourisme et marchandises), constituent des secteurs qui prélèvent et consomment peu d’eau mais sont fortement dépendants du niveau des cours d’eau et de la régularité de leur débit.

Ces analyses n’épuisent évidemment pas l’ensemble des problématiques auxquelles est confronté le secteur des loisirs et du tourisme, qui assure environ 10 % du produit intérieur brut (PIB). La pêche de loisir, pratiquée par environ 1,5 million de personnes ou le tourisme de plans d’eaux ou de rivière sont également très dépendants de la ressource en eau, pour ne citer que ces deux exemples.

Plus largement, c’est l’ensemble du tourisme français qui doit aujourd’hui s’adapter à la contrainte hydrique. Dans un courrier adressé au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, transmis à vos rapporteurs, la confédération des acteurs du tourisme (CAT) ([116])  souligne les efforts consentis par le secteur pour accroître sa sobriété et plaide pour « un juste équilibre entre l’objectif de préserver la ressource en eau et la nécessité de ne pas fragiliser ni remettre en cause les prestations fondamentales exigées par les clients dans le cadre de leur séjour touristique (piscines, douches, espace bien-être...) ou des prestations touristiques, par nature, " aquatiques " (tourisme fluvial et fluvestre, baignade en cours d’eau, loisirs nautiques) » ([117]). La CAT insiste également sur « le fait qu’une exécution imparfaite de la prestation de service par le professionnel du tourisme pourrait permettre aux clients d’exiger des réductions de prix ou des annulations de contrat, ce qui pourrait occasionner un grand nombre de défaillances d’entreprises ».

Les secteurs du tourisme et du loisir invitent ainsi à s’interroger sur l’adaptation de ces activités aux conditions de disponibilité de la ressource en eau, mais aussi sur le juste partage de cette ressource, sur la hiérarchisation des usages, la prévisibilité des restrictions nécessaire à l’adaptation des professionnels, l’anticipation des sécheresses et des conditions hydriques à moyen et long terme ainsi que de l’acceptabilité sociale des différents usages. Tourisme et loisirs sont donc au cœur des problématiques auxquelles vos rapporteurs ont souhaité s’attaquer dans le cadre de leurs travaux.

1.   L’avenir du golf

Le golf incarne les tensions autour de la hiérarchie des usages de l’eau dans le cadre d’un accès raréfié à la ressource – et, plus particulièrement, lors des épisodes de sécheresse.

Au cours de l’été 2022, alors que la sécheresse était particulièrement sévère, des actions militantes se sont multipliées pour dénoncer l’arrosage des golfs et plusieurs responsables politiques, dont M. Éric Piolle, le maire de Grenoble, ont remis en cause le traitement réservé aux terrains de golf.

Le Guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse à destination des services chargés de leurs prescriptions en métropole et outre-mer, publié en juin 2022 par le ministère de la transition écologique, prévoyait en effet, lorsque l’état de « crise » due à la sécheresse est constaté, une interdiction de principe d’arroser les golfs, mais précise que les greens pourront toutefois être préservés, sauf en cas de pénurie d’eau potable, par un arrosage « réduit au strict nécessaire » entre 20 heures et 8 heures, et qui ne pourra représenter plus de 30 % des volumes habituels. Cette mesure était présentée comme conforme à l’accord-cadre golf et environnement 2019-2024 (voir tableau et encadré ci-après).

Les mesures prévues par le guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse
concernant les golfs (2022)

Figure 14 : Source : Ministère de la transition écologique, guide sécheresse 2022 précité

Ce guide a fait l’objet d’une actualisation en mai 2023 ([118]) et prévoit des dispositions plus strictes en matière d’arrosage des golfs, notamment en cas de crise sécheresse. Dans ce dernier cas, l’arrosage est « interdit, à l’exception des greens, par un arrosage réduit à 350 m3/semaine maximum par tranche de 9 trous (entre 20 heures et 8 heures), sauf en cas de pénurie d’eau potable. Réduction d’au moins 80 % des volumes habituels » (voir tableau ci-après).

Les mesures prévues par le guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse
concernant les golfs (2023)

Figure 15 : Source : Ministère de la transition écologique, guide sécheresse 2023 précité

L’accord-cadre « golf et environnement » 2019-2024

En 2019, un accord-cadre a été conclu pour la période 2019-2024, entre le ministère de la transition écologique, le ministère de l’agriculture et le ministère des sports, d’une part, et la fédération française de golf (FFG), le groupement français des golfs associatifs et le groupement des entrepreneurs de golf français. Il organise les relations entre les parties, notamment en ce qui concerne la gestion durable de la ressource en eau, la réduction progressive de l’impact sur la ressource des prélèvements pour l’arrosage des golfs, la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et la préservation de la biodiversité.

Le secteur du golf représente, d’après les éléments transmis par la FFG à vos rapporteurs, plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France et 15 000 emplois dont 7 500 emplois directs. La FFG insiste sur le fait que le « parcours étant l’élément numéro 1 de l’outil économique, il est nécessaire de le préserver en passant par un arrosage minimal vital ».

La FFG justifie la nécessité d’un arrosage minimal en mettant également l’accent sur les conséquences et les coûts d’une dégradation des pelouses, indiquant qu’« un green de golf [est] du gazon planté sur un sol sableux et drainant. Pas d’arrosage pendant plusieurs jours conduit à la mort de toutes les graminées présentes sur les greens car ces plantes ont de faibles enracinements ce qui les rend extrêmement sensibles à la sécheresse et oblige à des arrosages fréquents. La mort des greens en période estivale conduit à une fermeture de la structure et à une perte d’exploitation pendant six mois jusqu’au printemps de l’année suivante […] À cette perte d’exploitation de six mois, s’ajoutera le coût de la remise en état : [soit] par semis le coût moyen de rénovation est de l’ordre 3 € hors taxe (HT) le mètre carré (m²), soit 30 000 € pour un hectare de green, [soit] par placage, le coût moyen [étant] de l’ordre de 30 € HT le m², soit 300 000 € pour un 1 hectare de green…».

Sur la question du bien-fondé d’un arrosage minimal en période de crise due à la sécheresse, les avis des rapporteurs de la mission diffèrent.

M. René Pilato fait siennes les conclusions du rapport d’inspection précité qui soulignent que « cette dérogation n’est pas compréhensible, et ne peut se justifier par la seule existence de cet accord, dont le bilan à ce jour est modeste (d’après la fédération française des golfs, la consommation d’eau totale de ces installations a augmenté de 2 % depuis 2010). Le maintien de ce type d’aménagement ne pourrait se justifier qu’en contrepartie d’un engagement a minima cohérent avec la trajectoire de réduction des prélèvements fixée par les Assises de l’eau dont les résultats feraient l’objet d’un suivi régulier, et par l’installation systématique de capacités de stockage des eaux de pluie voire de réutilisation d’eaux usées » ([119]). Il estime que, dans le contexte de changement climatique, la légitimité de certaines activités de loisirs, notamment, celles qui sont fortement consommatrices d’eau, doit être reconsidérée.

Devant les demandes du secteur à être accompagné par des moyens financiers de la part de l’État, M. Pilato insiste sur le fait que le secteur doit être autonome dans sa résilience. Si le secteur n’est pas en mesure d’incorporer les coûts de sa résilience, le secteur ne peut apparaître comme viable face au changement climatique.

M. Patrice Perrot rappelle, quant à lui, que les préfets et les maires peuvent prescrire des mesures plus contraignantes, ce qui a été le cas dans de nombreux départements qui ont interdit totalement l’arrosage des greens. Il insiste sur l’importance de la mesure en la matière et d’une juste répartition de l’effort qui évite toute stigmatisation.

Les tensions relatives à l’arrosage des greens en période de sécheresse ne sauraient épuiser la question de l’adaptation de ce sport au changement climatique. Les rapporteurs notent que le secteur du golf se distingue par son avance en matière de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et de développement de solutions innovantes. La filière a notamment entamé des travaux avec Véolia et Suez et établi une cartographie superposant les positions géographiques des golfs et des stations d’épuration, identifiant ainsi soixante-deux golfs au sein desquels la réutilisation des eaux usées traitées pourrait facilement être mise en place. Des expérimentations sont d’ores et déjà lancées, notamment dans le golf de Cannes-Mandelieu, qui a obtenu une dérogation de la part de la police de l’eau et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour mettre en place la réutilisation d’eaux usées traitées pour l’arrosage de son parcours. Des expérimentations de solutions alternatives innovantes sont également à l’œuvre, concernant la phytoépuration ([120]) et la sélection de nouvelles collections variétales de gazon. Un projet de gazonnière installée en Ȋle-de-France est en cours d’étude par la FFG, afin de produire des gazons adaptés aux conditions climatiques futures à destination des golfs. Enfin, concernant les consommations d’eau, la FFG a développé une plateforme (Platform.Golf) qui permet d’assurer un suivi des consommations.

2.   Quelle réinvention pour le tourisme de montagne en hiver ?

Plusieurs problématiques en matière de gestion de l’eau se cumulent en montagne, en particulier lors des saisons touristiques hivernales :

– Sous l’effet des pics de fréquentation touristique, la satisfaction des besoins quotidiens des populations se cumule à la demande des touristes ;

– La baisse tendancielle de l’enneigement naturel résultant du changement climatique entraîne un recours croissant à l’enneigement artificiel ;

– L’assainissement des eaux usées peut également s’avérer délicat en zone de montagne, les variations de population résultant des flux touristiques entraînant un accroissement ponctuel des volumes d’eaux usées à traiter.

La pratique du ski est dépendante de la disponibilité de l’eau sous forme de neige. L’activité revêt une importance économique majeure dans certains territoires de montagne, dont notamment la Savoie ou la Haute-Savoie, générant au total 10 millions de visites par an en France.

Les enjeux attachés à la pérennité et de la sécurisation de cette activité peuvent être abordés au travers de la question de la neige de culture, fabriquée à partir de retenues d’eau d’altitude. Actuellement, près de 30 % des pistes en France sont équipées pour permettre le recours à la neige de culture, assurant ainsi 10 % de l’enneigement total des pistes sur une saison. Cette proportion est faible, comparée à l’Autriche ou l’Italie dont 60 à 70 % des pistes de ski sont équipées. Comme le rappelle le rapport du Sénat précité ([121]), la fabrication de neige de culture nécessite environ 25 millions de m3 d’eau prélevés par an, restituée au milieu naturel au moment de la fonte des neiges.

La contrainte sur la ressource en eau conduit les acteurs du ski à anticiper l’évolution de leur activité dans les prochaines années. Comme l’a souligné M. Alexandre Maulin, président des Domaines Skiables de France ([122]), augmenter le recours à la neige de culture, sur le modèle de l’Italie ou de l’Autriche n’est pas l’option privilégiée par la profession. L’enneigement artificiel n’a pour vocation que de sécuriser les pistes principales ([123]) .

En 2020, Domaines skiables de France a adopté une feuille de route environnementale comportant seize engagements en matière de neutralité carbone, d’eau et d’agriculture, la biodiversité, les paysages et la gestion des déchets. Les engagements pris en matière de gestion de l’eau concernent plus particulièrement son stockage – 84 % des domaines skiables utilisant au 100 000 m3 disposent d’une retenue d’altitude afin de lisser leurs prélèvements dans le
temps–, l’optimisation de la production de neige via une mesure précise des hauteurs de neige en différents points du domaine afin d’éviter une surproduction de neige artificielle et un effort de mise à disposition de l’eau des retenues pour les activités pastorales en été.

M. Alexandre Maulin a souhaité, lors de son audition, insister sur la capacité des stations de ski à se réinventer : « Les petites stations ne pourront plus compter sur le ski comme moteur économique du territoire et les grandes stations auront une saison sur sept difficile contre une sur dix aujourd’hui. J’anticipe votre question suivante : que ferez-vous s’il n’y a plus de ski possible ? Il y aura 250 réponses différentes, de la part des 250 stations françaises qui ont chacune leurs atouts, leur topographie » ([124]).

 

Aux yeux des rapporteurs de la mission, le ski est un exemple topique des problématiques que suscitent les usages de l’eau dans un contexte d’accélération du changement climatique.

 

L’avenir du ski : regards croisés entre rapporteurs sur l’avenir du ski

 

 

M. René Pilato considère que l’avenir du ski est compromis et que le stockage de l’eau dans cette perspective est un non-sens. Il souligne également que la population locale est très souvent déjà sensibilisée à la réorientation des activités de son territoire et est souvent la première à y trouver sens.

Certains habitants font le souhait que les loyers de leurs communes redeviennent abordables pour capter une population plus jeune et pérenne. Certains habitants formulent également leur insatisfaction s’agissant de l’ensemble des moyens financiers concentrés sur la saison hivernale quand la population pâtit parfois de
sous-dotations en équipement pour les habitants à l’année.

M. Patrice Perrot souhaite saluer les efforts d’anticipation du secteur que les pouvoirs publics doivent, de son point de vue, accompagner davantage dans trois directions :

– adaptation et diversification des activités : Pour faire face aux défis actuels, les stations de ski peuvent envisager des mesures d’adaptation telles que la réduction de leur dépendance à la neige artificielle en diversifiant leurs activités. Par exemple, certaines stations se tournent vers le tourisme estival en proposant des activités de plein air et de loisirs non liées à la neige, comme la randonnée, le VTT, les parcs d’aventure, etc. Cela leur permet de maintenir leur attractivité touristique et de diversifier leurs sources de revenus.

 efforts de durabilité : les stations de ski peuvent également prendre des mesures pour atténuer leur impact sur les ressources en eau et contribuer à la durabilité environnementale. Cela peut inclure des initiatives de gestion de l’eau plus efficaces, la réutilisation des eaux usées traitées, la promotion de pratiques de conservation de l’eau et l’adoption de technologies plus respectueuses de l’environnement.

– collaboration et planification : une approche collaborative impliquant les acteurs locaux, les gouvernements, les scientifiques et les experts de l’industrie est essentielle pour anticiper et gérer les risques liés à la raréfaction de l’eau dans les régions de ski. Une planification à long terme, basée sur des données scientifiques et des modèles climatiques, peut aider à identifier les mesures d’adaptation appropriées et à élaborer des stratégies de développement durable.

 

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 20 : instaurer un moratoire sur l’autorisation de nouvelles retenues d’eau en vue de la production de neige artificielle afin d’inciter dès maintenant les stations à se réorienter face à l’augmentation des températures et la baisse des chutes de neige.

3.   Les courses hippiques et les activités équestres

Vos rapporteurs ont entendu dans le cadre de leurs auditions les représentants de la Fédération nationale des courses hippiques et de la Fédération française d’équitation ([125]).

La Fédération nationale des courses hippiques supervise dix fédérations régionales et rassemble 221 sociétés de courses en France, métropole et outre-mer. Les deux sociétés mères de la filière que sont France Galop et le TROT organisent chaque année 18 000 courses, regroupées en plus de 2 300 réunions de course pour lesquelles 2 700 chevaux s’entraînent quotidiennement dans des centres d’entraînement privés et publics. Ainsi, 234 hippodromes et plus de 30 centres d’entraînement disposent de près de 420 pistes de courses et pistes d’entraînement, représentant une surface totale de plus de 1 100 hectares (ha). Comme dans le cadre des activités des golfs, l’entretien des pistes exige un arrosage. La fédération estime que la consommation d’eau par les hippodromes correspond à environ 2 millions de m3 par an, très majoritairement affectée à l’arrosage des pistes. La filière affiche des objectifs de sobriété cohérents avec ceux du plan gouvernemental « Eau », qui sont formalisés dans le cadre d’une Charte nationale des hippodromes pour la préservation de la ressource en eau. La filière a indiqué à vos rapporteurs investir dans la recherche de solutions innovantes. L’hippodrome de Vincennes constitue ainsi l’exemple le plus abouti avec une récupération intégrale des eaux pluviales et de drainage du site et un stockage dans des bassins.

La Fédération française regroupe 6 000 poney-clubs et centres équestres. Ses représentants soulignent que leurs activités sont dépendantes de la ressource en eau tant pour l’abreuvement et le bien-être des animaux – en moyenne un cheval consomme 5,2 litres d’eau par jour pour 100 kilogrammes de poids vif – que pour assurer la sécurité des installations car les aires recouvertes de sable doivent être régulièrement arrosées pour garantir la sécurité des cavaliers et des chevaux et éviter les réactions liées à l’inhalation de poussière. En moyenne, un centre équestre utilise environ 3 000 m3 d’eau par an, tout usage compris. La filière constate, sur le long terme, une consommation moindre de la ressource en eau, résultant essentiellement de l’amélioration de la technicité des sols et sous-sols, et des techniques d’arrosage ainsi que du développement d’équipements couverts, dont les sols sportifs sont notamment moins sujets à l’évaporation et nécessite par conséquent moins d’arrosage. La filière cherche également à optimiser sa gestion de la ressource en eau. Elle indique ainsi que des équipements permettant la récupération d’eau de pluie sont présents dans la plupart des projets neufs – bassin ou poche – et que de nombreuses rénovations ont été initiées avec notamment pour objectif la récupération de volumes d’eau supplémentaires. La filière cherche également des solutions permettant d’aboutir à une réduction de l’arrosage, via notamment le développement de nouveaux sols tels que des sols fibrés dans lesquels est incorporé du tissu non tissé déchiqueté, qui conserve l’humidité et confère de la structure au sable ou des travaux portant sur la granulométrie ([126]) des sols.

4.   Le canoë-kayak : une activité dont l’existence est menacée dans certains territoires

Les enjeux liés à la ressource en eau sont sensiblement différents pour les acteurs du canoë-kayak. Vos rapporteurs ont entendu les représentants de la Fédération nationale professionnelle des loueurs de canoë-kayak (FNPLCK) ([127]) , qui compte 150 adhérents, soit la moitié des professionnels.

En France, on estime qu’environ 3 millions de personnes pratiquent occasionnellement ou régulièrement cette activité.

Le secteur n’est ni préleveur, ni consommateur d’eau, sauf pour les aménités touristiques (toilettes, points d’eau) et le nettoyage du matériel. Les volumes d’eau utilisés sont évalués, en moyenne, à 70 000 litres d’eau par prestataire.

En revanche, leur activité est dépendante des volumes des cours d’eau sur lesquels se déroulent les parcours. Ainsi, les conséquences du changement climatique – notamment les épisodes de sécheresse – et la gestion des prélèvements par les autres acteurs ont une incidence directe sur cette activité.

Au cours de l’été 2022, la sécheresse a eu des conséquences sur l’activité de 50 % des loueurs de canoë-kayak entraînant une baisse d’activité estimée à 21 % en moyenne ([128]). Le manque d’eau a ainsi contraint 62,5 % des loueurs touchés par les conséquences de la sécheresse à renoncer à leur activité de leur propre initiative. Des arrêtés préfectoraux ont exigé la fermeture d’autres loueurs du fait du risque d’incendie, du niveau 2 d’alerte sécheresse ou d’autres motifs de sécurité. Lors de leur déplacement en Charente, vos rapporteurs ont pu rencontrer M. Corentin Beaussant, chargé de mission sports de nature pour le département, qui a pu témoigner de ces difficultés : plusieurs bases ont dû être fermées à l’été dernier sur la Tardoire en raison d’un manque d’eau. Les fermetures arrivent de plus en plus tôt dans la saison, ce qui suscite des inquiétudes importantes chez les membres du club.

Le secteur avance plusieurs propositions destinées à garantir sa pérennité dans le contexte actuel :

– une amélioration du dispositif Vigicrues ([129]) qui pourrait être permise par une augmentation du nombre de capteurs de mesure pour les stations de mesures hydrométriques ;

– le développement d’un observatoire des niveaux d’eau accessible aux gestionnaires des cours d’eau comme au grand public pourrait permettre une connaissance plus fine de la situation ;

– L’adaptation ponctuelle des professionnels en cas de variation des débits pourrait être favorisée par un soutien à l’aménagement des bords des cours d’eau – avec le développement d’embarcadère et de débarcadères. De même, le développement d’ouvrages permettant le franchissement par les poissons comme les embarcations pourrait être salutaire.

5.    Les acteurs du transport fluvial (tourisme et marchandises)

Le transport fluvial recouvre différentes professions agissant dans les champs du tourisme et du commerce : artisans bateliers, armateurs, opérateurs en compte propre, transporteurs de passagers, croisiéristes, péniches-hôtels.

Le transport de marchandises par voie fluviale ne représente que 2 % du total des marchandises transportées, mais il joue un rôle important pour certaines catégories de bien comme les pondéreux, évitant le recours à des modes de transport plus polluants et plus coûteux. Dans le cadre de la transition écologique, le transport de marchandises par voie fluviale constitue un secteur appelé à se développer et qui doit être encouragé ([130]).

Le transport de marchandises par voie fluviale :
quelles prévisions de trafic en 2035 ?

En 2022, l’activité fluviale totalise 49 mégatonnes (Mt) et 6.3 milliards de tonnes‑kilomètres (t-km) ([131]). Si l’activité est en baisse par rapport à 2021 (- 8.9 % en t‑km), cela résulte à 80 % de la consolidation du marché des matériaux de construction. Hors ce secteur, l’activité est globalement stable, voire en hausse pour certains secteurs importants, notamment le transport de céréales (+ 5 % en t-km) et de conteneurs (+ 10 % en t-km).

Les dernières prévisions de trafic à l’horizon 2035, qui intègrent la mise en service de SeineEscaut ([132]) en 2030, prévoient une forte hausse de l’activité avec 87 Mt et de 15 milliards de t-km.

Le tourisme fluvial représentait, en 2019, 11,3 millions de passagers transportés et un chiffre d’affaires total d’1,4 milliard d’euros ([133]). Il constitue un élément important de la vie économique de communes situées le long de cours d’eau ou de canaux fréquentés – le canal du Midi étant, à cet égard, emblématique.

Le transport fluvial est dépendant du volume d’eau des cours d’eau et de la régularité des débits. Sur les 8 500 kilomètres de voies navigables françaises, la gestion de 6 700 kilomètres du réseau fluvial (fleuves, rivières et canaux) et de 4 000 ouvrages d’art (écluses et barrages) est confiée à l’établissement public Voies navigables de France (VNF) qui compte 4 000 agents. Le reste du réseau relève d’une gestion directe par l’État ou des régions.

La navigabilité du réseau est assurée par l’entretien du lit et des berges des cours d’eau mais aussi par une maîtrise du niveau d’eau, destinée à garantir la sécurité des bateaux. VNF met ainsi en réserve 165 millions de m3 d’eau dans des barrages, afin d’alimenter les cours d’eau en cas de tension hydrique.

La sécheresse de l’été 2022 a eu des conséquences sur le transport fluvial qui ont pu être relativement maîtrisées. Concernant le réseau à grand gabarit, ses effets ont ainsi été très limités sur le transport de marchandises. Seul le bassin international du Rhin a subi un étiage sévère, avec une incidence corrélative sur la Moselle, entraînant une baisse estimée à 100 m de tonneskilomètres (t-km), ce qui ne représente qu’1,5 % du trafic national mais environ 7 % du trafic réalisé au sein de ces deux bassins.

Prolifération des plantes exotiques envahissantes et conséquences
sur le transport fluvial

Vos rapporteurs ont pu constater, en particulier à Decize lors de leur déplacement dans la Nièvre des 15 et 16 mai 2023, combien la prolifération de plantes exotiques envahissantes dans la Loire était devenue un péril pour la biodiversité et une entrave au transport fluvial ([134]).

Le réseau navigable comme les autres réseaux en Europe, fait face depuis plusieurs années à la prolifération de plantes envahissantes locales ou exotiques, dont le développement est favorisé par le changement climatique, le déséquilibre des milieux naturels et les introductions accidentelles. Les myriophylles, les élodées ou encore les jussies menacent la biodiversité, l’équilibre des écosystèmes, perturbent le fonctionnement des écluses et gênent fortement la navigation des bateaux. Voies navigables de France (VNF) mène toute l’année des opérations d’arrachage et de faucardage ([135]) pour limiter autant que possible la dispersion de ces plantes. Aucune solution n’existe actuellement pour maîtriser la prolifération et les coûts de traitement augmentent constamment. En l’état actuel de l’envahissement, pour traiter l’intégralité du linéaire envahi par le seul Myriophylle Hétérophylle, 9 M€ seraient par exemple nécessaires pour assurer le faucardage annuel.

Devant l’ampleur du phénomène, une intervention publique est nécessaire pour définir et financer des actions de gestion, mener des programmes de recherche et innovation, faire de la détection précoce et mobiliser des experts pour construire des solutions pérennes.

Pour améliorer l’état du réseau fluvial, que le Conseil d’orientations des infrastructures, dans un rapport remis en 2018, jugeait particulièrement dégradé, un programme de modernisation de 330 M€ sur 10 ans a été lancé pour favoriser l’automatisation et la télégestion des ouvrages du réseau, afin de permettre une gestion plus fine des masses d’eau, en optimisant les différents flux.

Voie navigable de France s’est, en parallèle, engagé dans le cadre de son contrat d’objectif et de performance (COP) pour la période 2020-2029, à la remise en état du réseau en prévoyant un investissement de 150 M€ par an.

Gestion de l’eau : données publiques aGHyre

La question de l’amélioration de la connaissance de la ressource est essentielle aux yeux de vos rapporteurs (voir propositions infra). La base de données publiques aGHyre constitue un exemple intéressant à cet égard.

AGHyre est un outil de supervision globale permettant l’analyse fine des données de la gestion hydraulique issues des capteurs ou relevés manuels sur le réseau fluvial. Il permet la visualisation des niveaux d’eau et des débits. L’objectif est de permettre un suivi en temps réel de ces informations afin de favoriser l’anticipation des crues et des étiages, de permettre une précision de la tenue de la ligne d’eau et une meilleure réactivité des ouvrages face aux éléments extérieurs.

Depuis 2019, plus de 300 stations hydrométriques gérées par la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIAET) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ont été intégrées dans l’application aGHyre. L’intégration des données transmises par des partenaires se poursuit toujours (2022 : SHOM, BRL, Institution Intercommunale des Wateringues ; 2023 : EPTB (Seine Grands Lacs, Entente Oise Aisne), Énergie maintenance).

D’après les informations transmises par VNF, l’usage d’aGHyre n’est pas encore pleinement généralisé au sein de l’établissement et doit se développer.

VNF a engagé par ailleurs une importante démarche de modernisation de sa gestion hydraulique, s’appuyant sur des standards opérationnels en termes d’instrumentation et de supervision et de renforcement de son organisation (montée en compétence sur la GH).

6.   La Corse : illustration d’un territoire où le tourisme et la gestion de l’eau peuvent être difficiles à concilier

Le bassin hydrographique corse présente des caractéristiques hydriques remarquables. Avec une étendue de 8 722 km2 il se compose d’une quarantaine de bassins-versants, comprenant 210 cours d’eau et plus de 200 masses d’eau superficielles (lacs et retenues) et souterraines (nappes phréatiques) ([136]). La pluviométrie en Corse est généralement abondante, avec une moyenne annuelle de plus de 900 mm ([137]), ce qui correspond à un potentiel théorique de 8 milliards de m3 d’eau ([138]). Cependant, cette pluviométrie présente une discontinuité spatiale et temporelle marquée. La Corse se distingue également par la forte variabilité des débits de ses cours d’eau, oscillant entre des périodes de crues intenses à la suite à des précipitations soutenues et des périodes d’étiage prolongées ([139]), qui peuvent s’étendre au-delà de la saison estivale. Le caractère montagneux de la Corse, avec ses altitudes élevées et ses fortes pentes, favorise l’existence de régimes hydrauliques torrentiels ([140]), marqués par des crues violentes et soudaines lors d’épisodes pluvieux intenses.

La région bénéficie d’un climat méditerranéen avec plus de 2 600 heures d’ensoleillement par an ([141]), mais souffre d’une forte sécheresse estivale, en particulier sur le littoral (1 000 km). La Corse compte actuellement environ 343 000 habitants ([142]), ce qui équivaut à une densité de population de 37 habitants par kilomètre carré. Le tourisme balnéaire est une attraction majeure, notamment autour d’Ajaccio et de Porto-Vecchio, ce qui n’est pas sans poser une contrainte forte sur la ressource en eau en période estivale. Dans la plaine d’Aléria, qui s’étend sur environ 10 000 hectares, des cultures spécialisées telles que les vignes, les kiwis et les clémentines sont promues dans le cadre de projets d’aménagement et mobilisent des quantités importantes d’eau ([143]).

Le secteur touristique joue un rôle essentiel dans l’économie corse, avec chaque année environ 3 millions de visiteurs qui génèrent 35 millions de nuitées annuelles. L’île dispose d’une capacité d’accueil d’environ 440 000 personnes concentrées le long du littoral : les zones côtières de la Corse sont confrontées à d’importantes variations saisonnières de population, surtout en été où la fréquentation touristique est à son maximum. Or, cette poussée démographique soudaine de population coïncide avec une période de faibles précipitations, ce qui entraîne une diminution des ressources en eau disponibles, tant en surface que souterraines. Les régions littorales sont donc plus vulnérables que les régions intérieures en termes d’approvisionnement en eau. Des mesures d’adaptation et de gestion de l’eau sont nécessaires afin de faire face à cette situation et de garantir un approvisionnement suffisant en eau pour l’ensemble des territoires concernés.

En Corse, le développement des activités nautiques et de plaisance a connu une forte hausse au cours des dix dernières années. La navigation, englobant la plaisance maritime, le transport des passagers à bord de ferries et les croisiéristes, joue un rôle significatif dans l’économie de la Corse. Cette activité représente plus de 36 % du poids économique total de la région pour les bassins Rhône‑Méditerranée et Corse, ce qui équivaut à une valeur estimée à plus de 463 millions d’euros ([144]). 20 % de la flotte mondiale ([145]) passe en Corse durant les trois mois d’été : l’île dispose de plusieurs ports d’une grande capacité, offrant des infrastructures adaptées pour accueillir les bateaux de plaisance privés, les ferries ainsi que les navires de croisière. Ces installations portuaires contribuent ainsi au développement du tourisme et à l’essor économique de la Corse.

Cependant, cette activité exerce une pression sur les écosystèmes marins de la région. Les mouillages forains, les pratiques de pêche, les usages balnéaires et les trafics commerciaux représentent autant de pressions environnementales sur le milieu marin (par exemple, les mouillages peuvent causer des dommages irréversibles aux herbiers de posidonies). Les mesures de protection pour préserver la biodiversité marine de la Corse sont donc essentielles.

Le mouillage et l’arrêt des navires sont au cœur de multiples enjeux (économiques, environnementaux, sécuritaires) : en Corse du Sud, l’arrêté préfectoral n° 123/2019 ([146]) définit le mouillage et l’arrêt des navires dans les eaux intérieures et territoriales françaises en Méditerranée, afin que les usagers de la mer bénéficient d’un cadre juridique clair permettant à la fois la libre utilisation de l’espace maritime et la préservation de l’environnement marin.

Vos rapporteurs souhaitent également formuler une proposition relative à la gouvernance de l’eau en Corse.

La loi du 22 janvier 2002 fonde le cadre juridique et institutionnel de la gestion de la ressource en eau de la collectivité de Corse. Si la loi fait de la Corse un bassin hydrographique à part, doté d’une instance de concertation (Comité de Bassin de Corse), l’île est rattachée à l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. En outre, la collectivité de Corse exerce en lieu et place des agences de l’eau et des préfets coordonnateurs de bassin une part importante de la politique de l’eau ([147]) en Corse.

Comme rappelé́ par l’Assemblée de Corse ([148]) et par la chambre régionale des comptes de Corse (CRC) ([149]), le partage actuel des compétences entre l’État et la collectivité́ de Corse est jugé par beaucoup comme inefficace. Les deux instances, ainsi que les acteurs corses auditionnés par vos rapporteurs recommandent de réformer le mode de gouvernance actuel pour une meilleure maîtrise de la ressource en eau.

Vos rapporteurs plaident ainsi pour la création d’un office de l’eau spécifique à la Corse, pour mieux prendre en compte les particularités locales du territoire et traiter de façon plus ciblée les enjeux de préservation de l’environnement. La création d’un office de l’eau spécifique à la Corse pourrait favoriser une plus grande participation et implication des acteurs locaux, tels que les collectivités territoriales, les associations environnementales, les agriculteurs et les résidents. Vos rapporteurs considèrent que cette organisation permettrait une meilleure prise en compte des besoins et des préoccupations de la Corse en matière d’eau, ainsi qu’une plus grande transparence et responsabilité dans la gestion des ressources hydriques.

Proposition  21 : Créer un office de l’eau pour la Corse.

II.   entre sobriété, accompagnement et adaptation : des leviers pour améliorer la gestion quantiTative et qualitative de l’eau pour les activités économiques

A.   Améliorer la connaissance de la ressource en eau et des captages

L’amélioration de la connaissance de la ressource en eau constitue le préalable indispensable à toute amélioration de la gestion de l’eau en France et, tout particulièrement, dans les territoires ultramarins.

Le rapport du Sénat précité souligne que malgré la multiplicité des données disponibles sur l’eau, d’importantes failles demeurent en matière de connaissance de la ressource : « La recherche d’une information plus précise et plus complète est nécessaire, tant pour les données relevant du grand cycle de l’eau que pour celles relevant du petit cycle. Concernant les nappes, le maillage du réseau piézométrique devrait être renforcé. Le rapport d’information Prud’homme-Tuffnell de 2020 ([150]) préconisait de passer de 1 600 à 2 000 stations piézométriques gérées par le BRGM à l’horizon 2024, soulignant que l’absence de données piézométriques publiques pouvait conduire à des tensions croissantes dans le cadre de conflits d’usage. Le rapport de la commission d’enquête Panot-Serva de 2021 ([151])  aboutissait à la même préconisation. Une autre faiblesse porte sur la connaissance des quantités d’eau effectivement prélevées dans le milieu » ([152]).

Cette meilleure connaissance de la ressource disponible est également un impératif dans les territoires ultramarins, comme l’ont souligné les représentants des Offices de l’eau et le président du CESER de Mayotte lors de leur audition par vos rapporteurs.

Proposition n° 22 : Améliorer la connaissance de la ressource en eau, notamment en étendant le réseau piézométrique national, atteindre 2 000 stations piézométriques d’ici fin 2025.

B.   favoriser les solutions fondées sur la nature et faire des enjeux relatifS à la qualité de l’eau un axe central

1.   Les solutions fondées sur la nature et le rétablissement du grand cycle de l’eau

Les solutions fondées sur la nature doivent être les premières solutions recherchées pour répondre aux tensions sur l’offre de la ressource en eau. L’action publique ne saurait se limiter à une réflexion sur le petit cycle de l’eau : une prise en compte du grand cycle de l’eau, de son évaporation jusqu’au retour aux sols est nécessaire, ce qui implique des réflexions concernant l’état des cours d’eau et les nappes souterraines, la perméabilisation des sols.

Les solutions fondées sur la nature sont évoquées tout au long de ce rapport, par leur caractère à la fois transversal et primordial : la recharge des sols et des nappes nécessite en premier lieu des solutions fondées sur la nature, à travail la restauration de la qualité des sols et de leur capacité d’infiltration. La récupération des eaux de pluies et le soin apporté aux aires de captage et tête de bassin sont ainsi des axes prioritaires (développés infra), de même que les enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols, leur désimperméabilisation et la végétalisation des villes et des bassins-versants.

Des marges d’amélioration concernant la gestion des eaux pluviales dans les documents d’urbanisme pourraient aussi être davantage exploitées.

Proposition n° 23 : Prioriser les solutions fondées sur la nature

– faire de la végétalisation et de la gestion intégrée des eaux pluviales un standard d’aménagement des villes de demain ;

– imposer aux constructions neuves et aux opérations de renouvellement de disposer d’un système de captage de l’eau de pluie pour satisfaire les besoins en eau non potable ;

– renforcer la formation des acteurs de la construction ;

– établir un rapport sur l’état des lieux des ruissellements existants et sur les moyens de ralentir les eaux de ruissellement pour renforcer la planification en matière d’aménagement du territoire ;

– en lien avec la proposition n° 47, systématiser dans le cadre des pôles territoriaux d’ingénierie et d’expertise la mise en place de relevés de ruissellement ;

– renforcer les prescriptions relatives à la gestion parcellaire des eaux pluviales dans les documents d’urbanisme ;

– promouvoir ces techniques dans le cadre des programmes gouvernementaux d’aménagement du territoire (ex : programme Petites Villes de demain) ;

– financer ces politiques sur un segment d’une fiscalité́ d’urbanisme existante consistant à taxer les opérations immobilières nouvelles situées sur des terrains classés précédemment en zone naturelle ou agricole ;

– modifier la réglementation pour mieux lutter contre l’effondrement des surfaces en herbe.

2.   La qualité de l’eau : l’urgence à agir

Les tensions actuelles, amenées à s’accroître du fait du changement climatique, ne doivent pas cantonner les politiques publiques à la seule gestion quantitative de l’eau, qui conduirait à placer au second plan la question de la qualité de l’eau. Vos rapporteurs souhaitent insister sur l’absolue nécessité de ne pas dissocier ces deux enjeux, la préservation et l’amélioration de la qualité de l’eau étant essentielles. Aux yeux de M. René Pilato, le fait que l’enjeu de la qualité de l’eau ne soit abordé qu’en troisième partie du plan « Eau » gouvernemental, derrière les enjeux de sobriété et d’optimisation de la ressource, témoigne de la relégation de cette question au second plan.

Neuf mesures du plan « Eau » gouvernemental sont destinées à prévenir les pollutions et à favoriser la restauration du grand cycle de l’eau, en s’appuyant sur des solutions fondées sur la nature (mesures 23 à 32). Vos rapporteurs approuvent ces mesures et souhaitent insister plus particulièrement sur certaines d’entre elles ou préciser les conditions qui leur conféreront une pleine efficacité et qui sont, dans certains cas, insuffisamment détaillées dans le plan.

Il apparaît, tout d’abord, nécessaire de préserver les aires d’alimentation des captages ([153]). Le plan « Eau » prévoit qu’en phase d’installation de nouveaux agriculteurs, les projets s’inscrivant dans une démarche d’agroécologie ou d’agriculture biologique seront favorisés. Cette démarche sera portée dans le cadre de la concertation du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricole. M. Patrice Perrot salue le soutien annoncé par le Gouvernement dans le cadre du plan « Eau » aux pratiques agricoles à bas niveau d’intrants sur les aires d’alimentation des captages via les agences de l’eau avec une revalorisation des mesures agro-environnementales et de l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE) jusqu’à la fin de la programmation PAC à hauteur de 30 M€ par an, l’aide à l’acquisition foncière par les collectivités à hauteur de 20 M€ par an et les aides à l’agriculture biologique revalorisées sur les aires alimentation de captage à hauteur de 50 M€ par an (voir la mesure n° 27 du plan gouvernemental « Eau »). M. René Pilato considère que ces moyens sont insuffisants au regard des enjeux et souhaite aller plus loin en proposant de n’autoriser que les projets d’agriculture biologique dans les aires d’alimentation des captages dans le cadre d’installations de nouveaux agriculteurs, afin de limiter le recours aux produits phytosanitaires dans ces zones sensibles.

Proposition n° 24 : conformément à la mesure n° 24 du plan « Eau » gouvernemental, les rapporteurs souhaitent que les projets d’installation de nouveaux agriculteurs s’inscrivant dans une démarche d’agroécologie ou d’agriculture biologique soient favorisés dans les aires d’alimentations des captages.

M. René Pilato souhaite aller plus loin et suggère de n’autoriser que les projets d’agriculture biologique dans ces aires d’alimentation des captages en cas d’installations de nouveaux agriculteurs afin de préserver la qualité de la ressource. Il rappelle qu’un tiers des zones captages ont fermé dont près de la moitié pour cause de pesticides et nitrates.

Le contrepoint de votre rapporteur M. Patrice Perrot

Restreindre l’agriculture aux seuls projets biologiques est trop radical : En n’autorisant que les projets d’agriculture biologique, on limite considérablement les options des agriculteurs et on ignore les progrès réalisés dans les pratiques agricoles conventionnelles. Les agriculteurs peuvent adopter des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement sans nécessairement se convertir entièrement à l’agriculture biologique.

L’agriculture biologique ne peut pas répondre à toute la demande alimentaire : bien qu’elle présente des avantages en termes de durabilité, elle produit généralement des rendements inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle. En restreignant les nouveaux agriculteurs à l’agriculture biologique, on risque de compromettre la capacité de répondre à la demande alimentaire croissante de manière efficace.

Les produits phytosanitaires peuvent être nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire : ils jouent un rôle essentiel dans la protection des cultures contre les ravageurs, les maladies et les mauvaises herbes. En les interdisant complètement dans les aires d’alimentation des captages, on risque de compromettre la productivité et la qualité des cultures.

Des mesures alternatives peuvent être prises pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires : plutôt que d’imposer une interdiction totale, il serait préférable de promouvoir l’utilisation responsable et raisonnée des produits phytosanitaires. Des pratiques telles que l’intégration de méthodes biologiques, l’optimisation de l’utilisation des produits chimiques et la formation des agriculteurs peuvent contribuer à réduire les impacts environnementaux tout en permettant aux agriculteurs de protéger leurs cultures.

De surcroît, il est nécessaire de soutenir l’agriculture française dans sa diversité : en limitant les nouveaux agriculteurs à l’agriculture biologique dans les aires d’alimentation des captages, on risque de créer une uniformité agricole qui pourrait avoir des conséquences négatives sur la biodiversité et la résilience des écosystèmes agricoles.

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent insister sur le fait que les têtes de bassin-versant – avec ou sans zones humides – doivent faire l’objet d’une protection renforcée. Ces têtes de bassin-versant correspondent aux zones amont des rivières, intégrant les zones de source, les écoulements diffus, les ruisseaux (temporaires ou permanents) et leurs bassins d’alimentation (on parle également, pour les désigner, de « petits chevelus »).

Proposition n° 25 : améliorer la politique de préservation et de restauration des têtes de bassin-versant, en renforçant les connaissances relatives à ces espaces, en rehaussant leur place dans les documents de planification (en particulier les SAGE) et en garantissant la bonne information des acteurs économiques implantés dans ces espaces quant à la vulnérabilité de ces milieux.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 26 : abroger l’arrêté du 4 mai 2017 qui permet le déclassement des petits cours d’eau et les expose aux épandages agricoles ou autres produits chimiques et industriels.

Les Assises de l’eau prévoyaient, dans le cadre de leur sixième objectif (dit « cible »), une mesure 6.3 qui visait à améliorer, d’ici 2030, « la qualité de l’eau en réduisant la pollution, en éliminant l’immersion de déchets et en réduisant au minimum les émissions de produits chimiques et de matières dangereuses, en diminuant de moitié la proportion d’eaux usées non traitées et en augmentant considérablement à l’échelle mondiale le recyclage et la réutilisation sans danger de l’eau ». Ces objectifs demeurent évidemment d’actualité et doivent être réaffirmés.

Vos rapporteurs souhaitent insister sur les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, qui ont fait l’objet en 2023 d’une enquête journalistique collaborative internationale « Forever Pollution Project » ([154]). Surnommés « polluants éternels », du fait de leur dégradation lente qui entraîne une persistance dans l’environnement, ces composés sont caractérisés par une importante volatilité qui contribue à une contamination de l’ensemble des milieux – eau, sols, air – ainsi que par une capacité d’accumulation dans les organismes vivants et, plus particulièrement, aquatiques. Ils sont présents dans de nombreux produits tels que les emballages alimentaires, les vêtements et les tapis, certains équipements de sport, les mousses anti-incendie, les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, les produits de nettoyage, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, les matières utilisées pour les revêtements de surface, notamment (voir supra l’encadré sur les PFAS).

Proposition n° 27 : renforcer le soutien français à une interdiction européenne des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées (PFAS) et mettre rapidement en œuvre un plan de dépollution des sites pollués par les PFAS.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 28 :

– interdiction imminente de tout rejet industriel de ces substances dans l’environnement ;

– dresser un état des lieux précis associant l’ensemble des parties prenantes concernant les PFAS dans la Vallée du Rhône. Les industriels identifiés comme étant à l’origine de la pollution doivent être intégrés au suivi de la dépollution et à son coût ;

– mettre en place un accompagnement de l’État pour permettre le développement des laboratoires de référence en mesure d’analyser ces composés ;

– en l’absence de consensus pour l’interdiction de ces composés chimiques ultratoxiques par les États membres d’ici à 2025 comme annoncé, la France doit s’engager à l’interdiction de leur utilisation pour les applications non essentielles.

M. Pilato plaide plus largement pour un renforcement des contrôles des élevages les plus grands, avec corrélativement un renforcement des moyens dévolus à ces contrôles (voir proposition ci-dessous).

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 29 : Renforcement des contrôles des exploitations d’élevages classées ICPE par les services d’inspection par le renforcement des moyens humains et financiers. Il s’agira de mettre les fonds nécessaires pour que les exploitations d’élevage soient contrôlées au moins une fois par an ([155]).

Cet enjeu de la qualité de l’eau apparaît particulièrement crucial dans les territoires ultramarins, tout à la fois pour garantir un accès à tous à une eau potable de qualité et pour préserver une biodiversité exceptionnelle et menacée. La pollution du littoral provenant des rejets d’eaux usées dans les espaces naturels est ainsi particulièrement alarmante. Il est essentiel de créer des stations d’épuration aux normes partout où elles font défaut et des filières d’assainissement sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement ces rejets. M. Najib Mahfoudhi, coordonnateur interministériel du plan « Eau-DOM » (voir supra), indiquait dans des éléments écrits transmis à vos rapporteurs, que « le plan " Eau DOM " dans sa première configuration s’est attaché à traiter l’amélioration de la qualité de services des autorités organisatrices. La première génération de contrat de progrès arrivant progressivement à échéance, il s’agit désormais d’inclure davantage les acteurs agricoles et économiques (département, région, chambres d’agriculture, CNFPT). Avec la région, par exemple, nous souhaitons davantage travailler sur la formation professionnelle et les métiers de l’eau. Avec les départements, producteur d’eau agricole, quelques fois revendue aux EPCI, nous travaillons sur la qualité de l’eau (pesticides, chlordécone). Avec les chambres d’agriculture, nous souhaitons développer les filières de traitement et de valorisation des boues ».

 

Proposition n° 30 : Assurer l’effectivité d’un droit à l’eau potable dans les Outre-mer et préserver la qualité de la ressource dans ces territoires :

– conformément à la préconisation formulée par le CESE dans son rapport de 2022 sur la gestion de l’eau et l’assainissement dans les Outre-mer, mettre en place des plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’État et les collectivités territoriales, afin de préparer la mise en conformité avec les obligations de la directive européenne « eau » 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

– créer des stations d’épuration aux normes et adaptées dans chaque intercommunalité ;

– mettre en place des filières d’assainissement complètes sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement ;

– soutenir le raccordement des particuliers au service d’assainissement collectif, lorsqu’il existe, afin de limiter les pollutions et les rejets résultant de l’assainissement non-collectif qui repose trop souvent sur des installations inadaptées ou inefficaces ;

– garantir un véritable « droit à l’eau potable » pour l’ensemble des populations.

C.   Encourager à la sobriété des usages pour un partage plus juste

1.   Le cadre des arrêtés sécheresses

Le décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse constitue le nouveau cadre réglementaire pour la gestion de la sécheresse en France, notamment en ce qui concerne l’anticipation et l’harmonisation des mesures de restriction des usages de l’eau.

Le guide national sur la sécheresse à destination des services chargés de la prescription des restrictions en métropole et en outre-mer, révisé en 2023, vise à permettre d’assurer le respect des équilibres naturels, des usages prioritaires de santé, sécurité civile et d’approvisionnement en eau potable tout en conciliant les usages sur les territoires ([156]).

Il précise notamment les modalités de gouvernance et de concertation au niveau local pour la gestion des sécheresses, les conditions de déclenchement des mesures de restriction ainsi que le contenu des mesures minimales pour chaque niveau de restriction.

En fonction de la gravité de la situation, la qualification de celle-ci varie :

– L’état de vigilance entraîne une information et une incitation des particuliers et des professionnels à faire des économies d’eau ;

– L’état d’alerte implique une réduction des prélèvements à des fins agricoles inférieure à 50 % (ou interdiction jusqu’à 3 jours par semaine), des mesures d’interdiction de manœuvre de vanne, d’activité nautique, l’interdiction à certaines heures d’arroser les jardins, espaces verts, golfs et de laver sa voiture ;

– L’état d’alerte renforcée exige la rédaction des prélèvements à des fins agricoles supérieure ou égale à 50 % (ou interdiction supérieure ou égale à 3,5 jours par semaine), la limitation plus forte des prélèvements pour l’arrosage des jardins, espaces verts, golfs, lavage des voitures pouvant aller jusqu’à l’interdiction de certains prélèvements ;

– L’état de crise justifie des arrêts des prélèvements non prioritaires y compris des prélèvements à des fins agricoles. Seuls les prélèvements permettant d’assurer l’exercice des usages prioritaires sont autorisés (santé, sécurité civile, eau potable, salubrité).

 

 

Carte des arrêtés sécheresse au 8 juin 2023

http://eau.agriculture.gouv.fr/tmp/propluvia/propluviaSouSup-2023-06-09-16.png

 

Figure 16 : Source : Site Propluvia du ministère de la transition écologique

Un arrêté d’orientation au niveau des bassins est pris par le préfet coordinateur de bassin pour garantir une solidarité de l’amont à l’aval, veiller à une cohérence et une équité des usagers de l’eau entre département.

Un arrêté cadre de niveau départemental ou interdépartemental, respectueux des orientations prises par le préfet coordinateur de bassin et non limité dans le temps détermine notamment les niveaux de gravité rattachés à des conditions de déclenchement (seuils de débits, niveaux de nappes d’eau souterraine, données d’observation sur les assecs, stations de référence et points nodaux) et les mesures de restriction graduées et à prendre selon le niveau de gravité (vigilance, alerte, alerte renforcée et crise). Il peut également préciser, le cas échéant, les conditions selon lesquelles le préfet peut, à titre exceptionnel, à la demande d’un usager, adapter les mesures de restriction s’appliquant à son usage. Ces conditions tiennent compte des enjeux économiques spécifiques, de la rareté en eau, des circonstances particulières et de considérations techniques. Elles sont strictement limitées en volume et dans le temps, par le respect des enjeux environnementaux.

Les arrêtés de restriction temporaire des usages de l’eau, pris par le préfet du département en application des articles R. 211-66 à R. 211-70 du code de l’environnement sont pris dans les plus courts délais et selon les modalités définies par l’arrêté cadre, entraînant la mise en œuvre des mesures envisagée. L’article R. 211-66 dispose que les mesures de restriction temporaire des usages, générales ou individuelles, ainsi prises doivent être :

– suffisantes et proportionnées au but recherché ;

– prescrites pour une période limitée, éventuellement renouvelable ;

– interrompues, s’il y a lieu graduellement, si le fait générateur de la restriction disparaît.

Vos rapporteurs ont procédé, le 2 juin 2023, à l’audition de M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme et recueilli le témoignage écrit de M. Rodrigue Furcy, préfet des Pyrénées-Orientales. Leurs retours d’expérience confirment les conclusions du rapport d’inspection précité relatif à la sécheresse de l’été 2022 ([157]), ainsi que celles du rapport du Sénat sur l’avenir de l’eau (2022) ([158]) : concernant le niveau de contraintes associé à chaque niveau de restriction, il serait souhaitable de s’assurer d’une forme d’harmonisation sur l’ensemble du territoire, afin de garantir que les efforts demandés aux acteurs placés dans des situations comparables soient équivalents. Comme le soulignent les services de la préfecture du Puy-de-Dôme dans des éléments écrits transmis à vos rapporteurs : « un cadrage plus important du contenu des arrêtés-cadre sécheresse serait pertinent entre départements. Les acteurs comparent en effet sinon les arrêtés cadre entre eux et font pression pour un alignement sur le bas du niveau des exigences, plaçant le préfet et ses services dans une situation délicate pour être plus ambitieux. Un tel cadrage souffre actuellement de l’éparpillement de la gouvernance des sujets eau entre le niveau régional et le niveau bassin. Par ailleurs, les retours d’expérience (retex) et les consignes nationales et régionales arrivent le plus souvent trop tardivement pour être intégrés au moment où les arrêtés cadres départementaux sont en travail et en discussion ».

Proposition n° 31 : garantir un cadrage plus contraignant du contenu des arrêtés cadre sécheresse afin de garantir une plus grande uniformité sur l’ensemble du territoire des restrictions imposées à des acteurs comparables placés dans des situations comparables.

2.   Une évolution de la tarification de l’eau souhaitable

Le prix de l’eau est aujourd’hui fixé par chaque collectivité. Il est composé d’une part fixe correspondant à une redevance abonnement et d’une part variable, dépendante du volume d’eau consommé. Le prix moyen de l’eau potable est de 4 euros par m3 en France. On observe des variations importantes en fonction des territoires, qui s’expliquent notamment par les besoins variés d’investissement des collectivités pour l’entretien du réseau.

La tarification de l’eau pourrait être davantage mobilisée comme un outil à même d’inciter à la réduction des consommations d’eau, dans un objectif de responsabilisation des consommateurs, qu’il s’agisse des ménages mais aussi des autres utilisateurs de la ressource. On peut souligner que le secteur agricole paie en moyenne une redevance pour prélèvement de la ressource en eau deux fois inférieure à celle imposée aux services d’alimentation en eau potable.

Si certaines collectivités – Arras, Bordeaux, Dunkerque, Libourne, Montpellier, Niort ou encore Rouen – ont mis en place des mécanismes de tarification progressive, comme les y autorise depuis 2010 l’article L. 2224-121 du code général des collectivités territoriales, cette progressivité n’est aujourd’hui pas généralisée sur l’ensemble du territoire. La part calculée en fonction de la consommation n’est pas obligatoire « lorsque la ressource en eau est abondante et qu’un nombre limité d’usagers est raccordé au réseau », ce qui nuit au caractère incitatif de la tarification. De surcroît, le droit autorise une tarification dégressive lorsque plus de 70 % des prélèvements d’eau sont réalisés en dehors d’une zone de répartition des eaux. M. René Pilato considère que le tarif dégressif pour le secteur industriel va à rebours d’une politique d’incitation à l’économie d’eau ou à l’investissement dans des procédés de réutilisation plus coûteux que le prix de l’eau actuel.

Le plan Eau annonce la généralisation de la tarification progressive et responsable avec les premiers m3 à prix modeste proches du prix coûtant (l’eau pour boire, se laver, à usage domestique) puis une tarification plus élevée pour inciter à la sobriété.

Le CESE est investi d’une mission sur les évolutions nécessaires pour faire des recommandations sur la tarification progressive de l’eau. On peut toutefois regretter que le plan Eau ne donne pas aujourd’hui de calendrier précis sur la présentation de ce rapport et reste assez flou sur son champ : la tarification de l’eau payée par les industriels et les agriculteurs fera-t-elle partie des sujets analysés par le CESE ?

Concernant la tarification progressive des usages domestiques, votre rapporteur M. Patrice Perrot considère qu’il serait particulièrement pertinent que le CESE chiffre dans le détail les besoins d’un individu pour boire, manger, se laver, laver ses vêtements et son lieu d’habitation. Ce chiffrage pourrait permettre de rénover le système actuel de tarification et de rendre la surconsommation prohibitive. Cette grille devra être établie avec une péréquation sur l’état de la ressource géographiquement, le nombre de membres dans l’habitation et les aléas climatiques exceptionnels.

Une note de l’INRAe intitulée « Aider les agriculteurs à s’adapter » évoque la question des redevances versées par les agriculteurs aux agences de l’eau. Selon l’INRAE, la tarification de l’eau, souvent au forfait, pour les agriculteurs, n’est pas suffisamment incitative, en particulier pour les gros consommateurs. L’INRAE considère qu’une tarification composée d’une part fixe et d’une part variable permettrait davantage d’incitations pour aller vers plus de sobriété.

Vos rapporteurs s’accordent sur la nécessité de mettre en place une tarification progressive pour les usages domestiques.

Concernant la tarification progressive pour les usages liés aux activités industriels et agricoles, leurs avis diffèrent.

Votre rapporteur M. Pilato considère que le principe de la tarification progressive et différenciée doit être étendue à l’ensemble des entreprises, afin d’inciter à la réduction des usages.

Votre rapporteur M. Perrot se félicite de la mise en place de cette tarification progressive pour les usages domestiques annoncée dans le plan gouvernemental « Eau », mais considère qu’une tarification progressive appliquée aux industries et au monde agricole doit être envisagée avec la plus grande prudence, car elle pourrait pénaliser ces secteurs avec des effets très négatifs en termes de compétitivité et de souveraineté alimentaire. En particulier :

– Les petites entreprises agricoles et industrielles, qui ont souvent des marges de profit plus faibles, pourraient être particulièrement touchées par des tarifs progressifs plus élevés.

–  Ces mesures pourraient aussi dissuader les entreprises d’investir dans des technologies et des équipements plus efficaces en matière de gestion de l’eau. Si les coûts augmentent considérablement, les entreprises pourraient être moins enclines à moderniser leurs infrastructures pour réduire leur consommation d’eau.

– Dans certains cas, des tarifs progressifs élevés pourraient encourager les industries à délocaliser leurs activités vers des régions où l’eau est moins chère. Cela pourrait entraîner une perte d’emplois et un impact économique négatif pour la région d’origine.

– Des tarifs progressifs plus élevés pourraient se traduire par des coûts de production accrus pour les agriculteurs. Cela pourrait potentiellement se répercuter sur les prix des produits alimentaires pour les consommateurs, ce qui peut avoir un impact sur la sécurité alimentaire et l’accessibilité des produits.

– La mise en place d’une tarification progressive de l’eau aux secteurs industriels et agricoles nécessite une infrastructure administrative solide pour collecter les données de consommation, calculer les tarifs en fonction des paliers progressifs et gérer les facturations. Cela peut être complexe et coûteux à mettre en œuvre ;

– Déterminer les seuils et les taux de tarification progressifs de manière équitable pour tous les secteurs peut être un défi. Trouver un équilibre entre l’incitation à la conservation de l’eau et le maintien de la viabilité économique des entreprises peut également se révéler un exercice complexe.

Proposition  32 : Instaurer une tarification progressive pour l’eau, pour inciter à la sobriété.

Proposition personnelle de M. René Pilato : Instaurer une tarification progressive et différenciée pour les usages domestiques, les usages agricoles et industriels.

Proposition personnelle de M. Patrice Perrot : Instaurer une tarification progressive pour les usages domestiques. Interdire les tarifs dégressifs. Saisir le CESE pour qu’il établisse une évaluation complète des besoins d’un individu pour boire, manger, laver ses vêtements et son lieu d’habitation. Ce chiffrage pourrait permettre de rénover le système actuel de tarification et de rendre la surconsommation prohibitive. Cette grille devra être établie en tenant compte de l’état de la ressource géographiquement, le nombre de membres dans l’habitation et les aléas climatiques exceptionnels

L’exemple de Coca-Cola Grigny (voir encadré supra) est, aux yeux de M. Pilato, emblématique des futurs conflits à venir et de la fin d’une ressource longtemps considérée comme inépuisable et gratuite. En l’occurrence, le prix payé par m3 prélevé dans le cadre d’un forage privé déclaré se situe entre 0,008 et 0,05 euro. M. René Pilato fait l’hypothèse que le montant au m3 diffère peu d’une agence de l’eau à l’autre. Au vu de ce prix acquitté, votre rapporteur conclut qu’un propriétaire foncier, en même temps qu’il est propriétaire des nappes l’est également des volumes. Or, il apparaît que si l’eau est un bien commun, un propriétaire de forage ne peut se voir autoriser à prélever sans s’acquitter d’un prix à hauteur de la valeur de la ressource – par comparaison, un usager domestique s’acquitte en moyenne de deux euros par m3 prélevé, hors coût de l’assainissement.

Le CESE étant missionné dans le cadre du plan gouvernemental « Eau » pour présenter des conclusions sur la tarification progressive de l’eau, M. René Pilato propose également de le charger de définir un nouveau prix au m3 pour les forages privés et d’uniformiser ce prix entre agences de l’eau.

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 33 : saisir le CESE pour évaluer la possibilité et les conclusions de la mise en œuvre d’un prix uniformisé de l’eau pour les propriétaires de forages privés dans le cadre des réflexions menées sur la tarification progressive de l’eau

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 34 : prononcer un moratoire sur tous les nouveaux forages et réévaluer la légitimité et la nécessité du maintien en exploitation de ceux existants

3.   Une stratégie de contrôle à réaffirmer

L’État est en charge de la police administrative, sanitaire et judiciaire de l’eau. Toutefois, comme le note la Cour des comptes dans le chapitre de son rapport annuel de l’année 2022 consacrée à la gouvernance des politiques de l’eau, « les services déconcentrés manquent de moyens pour exercer [leurs missions relatives aux politiques de l’eau], qu’il s’agisse de l’Office français de la biodiversité, des DREAL ou des directions départementales des territoires ». Selon la Cour, ce manque de moyens conduit les départements à prioriser leurs contrôles, sur le respect des arrêtés sécheresse notamment, au détriment des contrôles relatifs au respect des débits réservés par les gestionnaires de barrage ou le respect des autorisations de prélèvement par les agriculteurs irrigants.

Les inspecteurs de l’environnement de l’OFB jouent un rôle central en matière de police de l’eau. L’OFB collecte les données de terrain sur l’eau et les milieux aquatiques, réalise des expertises et est responsable de la gestion des aires protégées. Elle détient également des pouvoirs de police de l’environnement. Les contrôles des inspecteurs de l’environnement de l’OFB s’inscrivent dans le cadre du plan de contrôle départemental établit par le préfet. Ils interviennent à la demande de l’administration ou en cas de saisine judiciaire.

Un certain nombre de voix s’élèvent pour déplorer le manque de moyens en termes d’effectifs de l’OFB. Une note réalisée par l’Institut de l’économie pour le climat estime ainsi que le nombre d’effectifs correspondant aux missions effectuées par l’OFB a baissé de 91 ETP (équivalents temps pluie) entre 2014 et 2021 ([159]).

Au vu des enjeux majeurs concernant la police de l’eau, qui doit gagner en efficacité, vos rapporteurs appellent à renforcer les moyens de terrain pour garantir la fréquence et l’efficacité des contrôles. En effet, de nombreux acteurs – dont la Cour des comptes – soulignent aujourd’hui l’insuffisance des moyens consacrés à ces contrôles.

Un certain nombre d’acteurs entendus par vos rapporteurs ont observé que, si le cadre normatif semble adapté, les contrôles et les réponses administratives et pénales ne sont pas la hauteur. Les associations environnementales considèrent ainsi que « si les lois sont dans l’ensemble bien écrites, elles ne sont pas assez appliquées », elles déplorent l’absence d’une « police de l’eau sérieuse », avec notamment « des barrages condamnés mais toujours actifs sur le territoire ». Des questions se posent également sur le nombre de forages agricoles, industriels et domestiques, qui semblent insuffisamment recensés et contrôlés, notamment car le cadre en matière d’obligations de déclaration et d’autorisations date de 1992. Les seuils relatifs aux obligations d’autorisation font également l’objet de débats.

Or, l’acceptabilité des prélèvements et consommations réalisées par le secteur économique dépend aussi du contrôle du respect des règles applicables. M. Pilato insiste sur ce point.

Proposition n° 35 : Renforcer les moyens de l’État dans les territoires pour garantir un contrôle adéquat des règles de polices administrative et sanitaire en matière de gestion de l’eau. En particulier, augmenter significativement les moyens de l’Office français de la biodiversité (OFB), dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

 

Proposition n° 36 : Recenser le nombre de forages industriels, agricoles et domestiques.

 

Proposition n° 37 : Abaisser le seuil à partir duquel les forages sont soumis à la procédure d’autorisation (en dessous des 10 000 m3).

4.    Généraliser les compteurs

Vos rapporteurs considèrent nécessaires, pour mieux contrôler et optimiser l’usage de la ressource en eau, de développer des indicateurs sur les usages et la consommation de la ressource. Dans ce cadre, le rapport d’inspection interministériel sur la sécheresse 2022 propose d’encourager le déploiement progressif de compteurs télé-relevés sur les différents usages : « agricoles, eau potable par secteur, industriels, forages domestiques ». Comme le met en évidence le rapport, « le cadre réglementaire actuel n’impose qu’une transmission annuelle des volumes prélevés en début d’année n +1 (au préfet et aux agences de l’eau pour le calcul de la redevance prélèvements applicable au-delà de certains seuils), éventuellement avec une fréquence plus élevée et pour tous les volumes en zone de répartition des eaux (ZRE). En infra-annuel, seule la tenue d’un registre comportant des relevés hebdomadaires ou mensuels est imposée ».

Certaines structures ont mis en place des compteurs radio ou télérelevés, en remplacement des transmissions manuelles. Le coût est de l’ordre de 250 € pour un boîtier de télérelève qui se fixe au compteur, de 500 à 1 000 € pour un compteur complet neuf, et un abonnement de l’ordre de 50 € par an et par exploitation). Comme le suggère le rapport, le déploiement de ces télécompteurs pourrait être encouragé, avec un accompagnement financier de l’État en particulier pour les petites installations. Ces compteurs permettent de simplifier les déclarations aux agences de l’eau et de s’assurer de l’efficacité des mesures de restriction. Les autres usages pourraient aussi utilement être concernés par cette mesure : eau potable par secteur, industriels, forages domestiques, pour les plus gros consommateurs et dans les zones en tension.

Proposition n° 38 : Prévoir une généralisation progressive des télécompteurs et rendre obligatoire leur installation au-delà d’une consommation de 250 m3 annuels. Prévoir un accompagnement financier de l’État pour les petites structures.

D.   eaux non conventionnelles et stockage : enjeux et leviers d’action

1.   Les eaux non conventionnelles : un potentiel à davantage exploiter

Les eaux conventionnelles peuvent être définies comme l’ensemble des types d’eaux autres que celles issues directement d’un prélèvement direct dans la ressource naturelle et faisant éventuellement l’objet d’un traitement approprié par rapport à l’usage ([160]). Sont ainsi comprises dans le champ des eaux non conventionnelles les eaux usées traitées (stations d’épuration collectives urbaines, stations d’épurations industrielles, stations d’épuration privées), les eaux de pluie récupérées sur les toitures, les eaux grises (issues des douches, lave‑linge et lavabo), les eaux pluviales ruisselant sur les voiries et surfaces urbaines autres que les toitures, les eaux d’exhaure et les eaux issues de process industriels.

Le développement des eaux non conventionnelles pourrait permettre à la France d’économiser plusieurs millions de m3 de prélèvements d’eau chaque année ([161]) et de satisfaire certains usages qui consomment aujourd’hui de l’eau potable : eaux de nettoyage, arrosage des pelouses, irrigation, lutte contre les incendies, etc. Comme le résume le CEREMA, il peut s’agir d’une solution permettant d’« alléger la charge des systèmes d’eau potable en période de crise dans le respect des normes sanitaires et écotoxicologiques et sans nuire au soutien d’étiage ».

Vos rapporteurs ont pu observer la forte mobilisation des acteurs économiques sur ces sujets, les attentes formulées étant nombreuses, notamment concernant la réutilisation des eaux usées. Le secteur agroalimentaire exprime en particulier une volonté forte pour pouvoir utiliser les eaux usées industrielles ainsi que les eaux de pluie, et appelle à lever les verrous réglementaires.

a.   De nombreux enjeux autour de la réutilisation des eaux traités (« REUT »)

i.   Le cadre juridique

La réutilisation des eaux usées traitées fait l’objet d’un encadrement juridique français et européen. Dès 1991, la directive sur les eaux résiduaires urbaines prévoit que « les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela s’avère approprié ». Cette directive a fait l’objet d’une transposition en droit français avec la loi sur l’eau de 1992. Par un décret du 3 juin 1994, un premier statut réglementaire a été donné à la REUT : « Les eaux usées peuvent, après épuration, être utilisées à des fins agronomiques ou agricoles, par arrosage ou par irrigation, sous réserve que leurs caractéristiques et leur modalité d’emploi soient compatibles avec les exigences de protection de la santé publique et de l’environnement ». Les projets de REUT sont soumis à autorisation du préfet.

Ce cadre a par la suite été complété pour étendre la réutilisation à d’autres usages. Un arrêté de 2010, modifié en 2014, fixe les règles applicables pour l’irrigation des cultures ou d’espaces verts.

Plus récemment, il faut noter un certain nombre d’évolutions juridiques allant dans le sens du développement des projets de réutilisation :

– issu des dispositions votées lors de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, un décret publié le 11 mars 2022 autorise de nouveaux usages des eaux usées traitées : usages urbains, hydrocurage des réseaux, recharge de nappe, etc. Ces projets sont autorisés pour une durée expérimentale de cinq ans. Ce décret est en cours de révision afin de simplifier le régime d’autorisation permettant l’utilisation des eaux usées traitées pour certains usages et de codifier ces dispositions dans le code de l’environnement. Il prévoit de sortir de l’expérimentation en supprimant la limite de cinq ans fixée pour l’autorisation préfectorale. Deux évolutions majeures sont l’exonération de l’avis de l’agence régionale de la santé et du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et la suppression de l’obligation pour le bénéficiaire de l’autorisation de transmettre au préfet et au CODERST un rapport annuel. Les exigences de qualité d’eau pour chaque usage sont renvoyées à la publication d’un ou plusieurs arrêtés ministériels ultérieurement ;

– un projet de décret a été mis à consultation du public au printemps 2023 concernant l’usage des eaux réutilisées pour les industries agroalimentaires. Ce projet résulte d’une disposition votée dans la loi de janvier 2016 sur la modernisation du système de santé qui avait ouvert la voie à l’utilisation d’eau « non potable », c’est-à-dire non destinée à la consommation humaine, dans les industries agroalimentaires. Ce projet de décret définit les types d’eaux considérés, cible les usages autorisés, la procédure d’autorisation auprès de la préfecture et les modalités de surveillance requises pour assurer l’innocuité. Il autorise la REUT entre plusieurs sites appartenant à la fois à un même établissement et étant situés dans la même zone géographique. Les qualités d’eaux nécessaires à chaque type d’usage, les fréquences de contrôle associées et le contenu précis du dossier d’autorisation sont renvoyés à la publication ultérieure d’un arrêté.

En revanche, la mise en application du règlement européen du 25 mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau devrait plutôt conduire à durcir les conditions de son utilisation pour l’irrigation des terres agricoles. Les exigences de qualité de l’eau sont rehaussées, bien que des dérogations soient prévues. L’arrêté relatif à la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation est en consultation ([162]). Ces évolutions suscitent l’inquiétude du monde agricole : selon la FNSEA, plusieurs projets pourraient être remis en cause.

ii.   Un potentiel très peu exploité en France

La réutilisation des eaux usées traitées est peu développée en France, où moins de 1 % des eaux récupérées en sortie des stations d’épuration sont exploitées. Ce chiffre contraste avec les taux atteints ailleurs ; ainsi en l’Italie, en Espagne ou encore Israël, le taux de réutilisation atteint respectivement 8 %, 15 % et 90 %.

D’après le CEREMA, « les eaux usées traitées représentent un gisement annuel de 8,4 milliards de m3 produits chaque année en France métropolitaine. En adoptant un taux moyen de 20 % de volume d’eau réutilisée chaque année à l’échelle de la STEU, qui correspond à la saisonnalité de la majorité des usages (2 à 4 mois/an), le volume d’eaux usées traitées potentiellement exploitable peut être estimé 1,6 milliard de m3/ an ». Un inventaire réalisé par le CEREMA en 2017 et présenté en 2020 dénombre en France 145 mises en œuvre de projet de réutilisation, dont 62 % concernent l’irrigation agricole – on peut noter des réussites locales à Noirmoutier depuis 1981 et sur l’île de Ré – et 26 % l’arrosage de golfs.

Pourtant, les technologies permettant de recycler ou de réutiliser les eaux usées paraissent nombreuses et bien éprouvées (ozonation, filtration membranaire, absorption sur charbon actif, réacteurs à lampe UV, etc.). Comme l’indique le ministère chargé de l’industriel, des acteurs français sont même leaders sur ces marchés, mais leurs procédés se déploient avant tout à l’international.

iii.   Les freins au développement de la réutilisation

Le faible développement de la réutilisation en France s’explique avant tout par le caractère relativement récent des tensions sur la ressource que connaît notre territoire, contrairement à l’Espagne, l’Italie ou Israël, qui au vu de leurs besoins respectifs en eau ont développé la réutilisation depuis plusieurs décennies.

Au-delà de cette explication, plusieurs freins limitent le développement de la REUT :

Un certain nombre d’acteurs mettent en avant la complexité et le manque de lisibilité des règles applicables, construites en « silo » par type d’usages, ainsi que la multiplicité des acteurs à solliciter pour obtenir les autorisations. Le manque de formation des services instructeurs est également régulièrement évoqué.

Les procédures sont longues et complexes. Veolia estime qu’il faut compter a minima 9 mois pour une autorisation. Selon le CEREMA, la durée de constitution d’un dossier de REUT est rarement inférieure à 5 ans. Dans une étude réalisée en 2017, le CEREMA affirme ainsi qu’« il peut se passer jusqu’à 15 ans entre la première idée du projet et le dépôt du dossier de demande d’autorisation ».

Concernant les nouveaux usages autorisés par le décret du 11 mars 2022, le caractère temporaire des autorisations (cinq ans) ne paraît pas adapté aux investissements nécessaires et à l’obligation des entreprises de se projeter à moyen terme.

Le principal frein au déploiement de la REUT en France à large échelle réside principalement dans la complexité de la procédure d’autorisation (en cours de simplification), et surtout dans le manque de visibilité sur les opportunités de mise en place de projets de REUT aussi bien du côté des porteurs de projet que des administrations déconcentrées et agences de l’État. En ce sens, la révision annoncée du décret précité de 2022 va dans le bon sens, en ce qu’elle comporte des mesures de simplification ainsi que la suppression du caractère expérimental sur cinq ans des projets autorisés.

Les freins sont également de nature économique. Le coût de la REUT (traitement supplémentaire, canalisation de transfert, obligations de suivi de la qualité de l’eau…) en comparaison des ressources conventionnelles (eau de forage, voire même eau potable) peut être dissuasif. Selon le ministère chargé de l’industrie ([163]), outre l’investissement initial important nécessaire à la réalisation des études et l’installation de l’unité de traitement, les procédés de REUT augmentent de 50 % a minima le coût de l’eau pour l’industriel, qui reste encore aujourd’hui relativement faible s’il utilise simplement le pompage ou est raccordé au réseau d’eau potable.

Enfin, la réutilisation des eaux usées peut également se heurter à une barrière sanitaire, culturelle ou psychologique et sociale. Comme le souligne l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, « cette pratique est méconnue et peut susciter des interrogations quant aux risques sanitaires, malgré un cadre législatif strict d’un point de vue bactériologique ». Les agences régionales de santé (ARS) paraissent souvent très prudentes sur le développement des projets de REUT, ce qui peut allonger le délai des procédures.

iv.   Développer la REUT en prenant en compte les spécificités locales

Dès 2019, les Assises de l’eau avaient fixé un objectif de tripler le volume d’eaux non conventionnelles réutilisées d’ici 2025. L’État s’est également engagé en conclusion du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique à créer un observatoire sur ce sujet. Le plan gouvernemental « Eau » formule un certain d’annonces concernant le développement de la réutilisation, avec notamment le développement de 1 000 projets sur le territoire d’ici 2027. L’objectif est d’atteindre 10 % d’utilisation du volume d’eaux usées traitées au niveau des stations d’épuration d’ici 2027.

Plusieurs arguments plaident en faveur du développement de la réutilisation, aujourd’hui fortement attendu par les acteurs agricoles et industriels :

  elle permet en premier lieu de répondre aux tensions locales et saisonnières sur la ressource. Elle encourage la planification des usages de l’eau et la coordination entre le petit cycle et le grand cycle ;

  elle peut également jouer un rôle positif sur le plan écologique, en améliorant l’environnement du milieu récepteur ou des environs de la station d’épuration. L’étude réalisée par le CEREMA déjà citée montre ainsi que la réutilisation des eaux usées peut « prévenir l’eutrophisation du milieu récepteur aquatique en zone sensible, en évitant la totalité du rejet de la station d’épuration en période d’étiage », protéger certaines zones sensibles (baignade, conchyliculture), soutenir des zones humides à proximité, etc.

La réutilisation ne doit toutefois pas être considérée comme une solution « miracle », car du point de vue des milieux aquatiques, elle représente aussi une perte d’apport, sauf si elle s’inscrit dans le cadre de la substitution à un prélèvement préexistant, ou si le rejet s’effectuait en mer. Ainsi, la réutilisation peut aussi se traduire par des tensions sur l’étiage qui peuvent nuire au fonctionnement du cycle de l’eau. Le développement de la réutilisation paraît particulièrement pertinent sur les zones littorales, puisqu’elle peut permettre d’améliorer la qualité des eaux des zones sensibles de baignade ou de conchyliculture et qu’elle est sans impact quantitatif. Pour autant, le développement de la REUT peut aussi être pertinent dans d’autres territoires, en particulier ceux où les masses d’eau sont peu accessibles ou dispersées, « en terrain sédimentaire (ex. en Dordogne) et en zone de socle cristallin (ex. Massif central, armoricain ou Ardennes)  ([164]) ». Les zones urbaines peuvent aussi être propices au développement de la REUT, en permettant de maintenir des activités existantes consommatrices d’eau.

Vos rapporteurs considèrent qu’il est désormais temps de passer à l’action et d’avancer concrètement en matière de REUT, à condition d’adopter une approche prenant en compte les spécificités locales, les besoins de soutien à l’étiage, la distance entre la station et les usages.

Proposition n° 39 : La réutilisation des eaux usées doit être développée en priorité dans les zones littorales avec des objectifs chiffrés (au moins 10 % de réutilisation d’ici 2027) prévus dans les SAGE. Ailleurs, son développement peut également être encouragé à condition d’adopter une analyse au cas par cas des bénéfices / risques, en fonction des besoins en eau des milieux aquatiques environnant la station d’épuration.

b.   Simplifier le cadre administratif et juridique

Plusieurs pistes peuvent être identifiées pour accompagner le développement de la réutilisation :

 le cadre réglementaire mérite d’être assoupli. En particulier, le caractère provisoire des autorisations sur cinq ans paraît inadapté aux calendriers des projets de réutilisation. La mise en place d’un guichet unique pourrait également s’avérer pertinente, comme l’a suggéré Veolia, qui regrette le nombre d’acteurs à mobiliser en fonction des usages. Le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un tel guichet dans le cadre du plan gouvernemental « Eau ». Des installations collectives entre entreprises pourraient être rendues possibles ;

– les services instructeurs mais aussi les porteurs de projet doivent être davantage formés et accompagnés sur la question de la réutilisation ;

 la lisibilité de la réglementation pourrait être améliorée, à travers une approche plus transversale (voir ci-après).

Proposition n° 40 : Poser un cadre juridique et économique propice à la réutilisation des eaux usées

Garantir la mise en œuvre rapide du guichet unique annoncé dans le plan gouvernemental « Eau ».

Publier rapidement le décret permettant de supprimer le caractère expérimental sur cinq ans des projets autorisés ainsi que le décret permettant d’utiliser les eaux usées dans l’industrie agroalimentaire.

Favoriser le développement d’installations collectives entre entreprises.

Former les services instructeurs.

Accompagner financièrement les petites et moyennes entreprises industrielles dans la mise en place des projets de REUT.

c.   Les autres types d’eaux non conventionnelles : aperçu des enjeux

i.   Les eaux de pluie

Les enjeux relatifs à l’usage des eaux pluviales s’inscrivent dans un cadre juridique ancien, prévu par l’article 641 du code civil, selon lequel « Tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur ses fonds. »

La récupération des eaux de pluies peut faire partie des réponses à apporter face à la rareté de l’eau, et peut également être utile face aux risques d’inondation et de pollution. L’usage des eaux de pluie a d’abord été limité à l’extérieur, avant d’être étendu à certains usages intérieurs (arrêté du 21 août 2008) : alimentation des cuvettes de toilettes, lavage des sols et, à titre expérimental, lave-linge. Le développement des eaux de pluie nécessite la mise en place de circuit spécifique, distinct du réseau d’eau potable.

Le développement de la réutilisation des eaux de pluie apparaît particulièrement pertinent au vu des enjeux croissant relatif à la végétalisation des villes. Comme l’indique le CEREMA dans sa dernière note sur les eaux non conventionnelles, la gestion à la source des eaux pluviales apparaît « comme un levier pour favoriser le stockage de l’eau dans le proche sous-sol urbain, eau qui pourra être remobilisée naturellement par la végétation en été ».

Le CEREMA considère qu’il pourrait être opportun d’élargir le cadre réglementaire existant, telle que l’inclusion d’autres surfaces de collectes que les seules toitures inaccessibles, la sortie du lave-linge du caractère « expérimental », ainsi que des mesures encourageant des innovations.

ii.   Les eaux grises

Les eaux grises recouvrent l’ensemble des eaux domestiques faiblement polluées (douches, lavabo). La réutilisation des eaux grises présente en France un fort potentiel, obéré par l’absence de texte réglementaire. Le CEREMA se propose d’accompagner les maîtres d’ouvrage dans de tels projets.

Proposition n° 41 : Favoriser l’utilisation des eaux de pluie et des eaux grises :

Pour les eaux de pluie, élargir les surfaces de collectes autorisées et la pérennisation de l’expérimentation autorisant l’usage des eaux de pluie pour le lave-linge.

Pour les eaux grises, élaborer un cadre réglementaire pour autoriser et clarifier les règles applicables à leur usage.

Prévoir un soutien financier spécifique au CEREMA.

iii.   Le dessalement

Le dessalement fait partie des solutions identifiées par certains acteurs pour répondre aux tensions sur la ressource. Cette pratique vise à séparer les molécules d’eau, du sel et des impuretés présentes afin de pouvoir exploiter les produits obtenus. 1 % de l’eau douce consommée dans le monde provient du dessalement, et cette technologie connaît un développement significatif (21 000 stations en 2022, deux fois plus qu’il y a dix ans ([165])). Entendu en audition par vos rapporteurs, le groupe Suez a notamment considéré que son développement était l’une des solutions à apporter face aux tensions sur la ressource. Le recours au dessalement est toutefois loin de faire consensus en raison des dépenses d’énergie et des coûts économiques et environnementaux de cette méthode.

À titre d’exemple, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse considère que « le recours à cette solution ne peut pas être écarté par principe, notamment pour l’alimentation en eau potable de certains territoires où l’eau douce manque presque totalement (petites îles, notamment), mais :

 les techniques de dessalement sont très énergivores et, sauf en cas de recours à une production d’énergie décarbonée, contribuent significativement à l’émission de gaz à effets de serre ; elles sont donc à ce titre une mal-adaptation au changement climatique ; (une étude de l’IFRI de septembre 2022 quantifie le besoin de 27 tonnes de pétrole pour dessaler 1 000 m3 d’eau) ;

 les rejets du dessalement ont un impact sur les milieux (augmentation de la salinité du milieu, rejets des produits chimiques de traitement, augmentation de la température de l’eau au point de rejet) et ces impacts continuent d’être très peu pris en compte lorsque se décide une nouvelle infrastructure. Un article du Monde indique : « En 2019, une équipe internationale d’universitaires alertait sur les rejets cumulés des usines de dessalement dans le monde, qui atteignaient alors 141,5 millions de mètres cubes de saumure par jour » ([166]) ;

 le recours au dessalement a un coût élevé en investissement et fonctionnement. Avec un coût de l’ordre de 1 €/m3 (produit deux fois plus cher que l’eau traitée dans une station d’épuration avant d’être réutilisée, et quatre fois plus que celle de rivière, selon Antoine Frérot, président de Veolia) et une forte dépendance au prix de l’énergie, cette technologie peut sembler accessible au premier abord, mais elle reste chère pour les usages envisagés, sept fois plus chère que le coût moyen de production d’eau potable. Pour le secteur agricole, ce prix reste trop élevé pour être assumé par la tarification aux agriculteurs, environ 5 fois supérieur aux prix pratiqués ou jugés acceptables pour les producteurs agricoles ».

M. Pilato tient à relayer cette phrase du discours de Asit K. Biswas prononcé lors du congrès international organisé par la Saline Water Conversion Corporation ([167]) d’Arabie Saoudite : il a relevé que l’apport d’eau dessalée a propulsé la consommation moyenne dans la capitale d’Arabie saoudite de 289 litres par jour en 2009 à 357 litres par jour en 2017, selon les statistiques officielles. Tout comme avec l’expansion de la REUT et des stockages, la crainte est forte d’un effet rebond et d’un retard dans l’adoption de comportements en faveur de l’économie de l’eau en entretenant l’illusion d’une eau toujours abondante.

Vos rapporteurs appellent à la prudence quant au recours à cette solution, sauf lorsqu’elle répond à des situations très particulières (notamment, territoires insulaires isolés).

iv.   Sortir de l’approche en silo

Une approche réglementaire plus transversale regroupant l’ensemble des eaux non conventionnelles pour des multi-usages pourrait utilement être développée. La réglementation actuelle, en silo (par type d’usages et par sources) ne favorise pas le multi-usage des eaux de pluies, des eaux grises ou des eaux usées traitées. Sortir de cette approche en silo permettrait de favoriser les projets permettant des synergies entre collectivité́s, industrie et agriculture en matière d’économie circulaire et de partage de l’eau.

Dans cette optique, l’observatoire de la réutilisation pourrait utilement être ouvert à l’ensemble des eaux non conventionnelles.

Enfin, le CEREMA suggère de définir dans le droit les eaux non conventionnelles : « il apparaît important d’introduire, en tant que catégorie générique, formellement dans la législation française la notion d’eau non conventionnelle (comme ressource susceptible de substituer l’eau potable pour des usages ne requérant pas impérativement la qualité de potabilité) ». Cette définition pourrait favoriser une approche transversale sur ces problématiques pour développer le mix des ressources (par exemple : mélange eau de pluie récupérée, eau grise traitée, eau d’exhaure ou autre).

 

Proposition n° 42 : Promouvoir une approche transversale pour la réglementation relative aux eaux non conventionnelles, pour développer le multi-usage et le multi-source. Dans ce cadre, créer un observatoire des eaux non conventionnelles.

2.   Les enjeux de stockage de l’eau pour un multi-usage : construire des solutions concertées et conditionnées sur le plan écologique

Si la question des retenues de substitution, qui puisent dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau pendant l’hiver pour une utilisation l’été, suscite de très fortes tensions et opposent vos rapporteurs – M. René Pilato y étant absolument défavorable tandis que M. Patrice Perrot estime qu’elles font partie des solutions qui doivent être mises en œuvre afin de permettre l’adaptation de l’agriculture française au changement climatique –, elles ne constituent pas les seules solutions de stockage de l’eau.

Les barrages, les plans d’eau ou encore les retenues collinaires constituent des solutions qui ne présentent pas la caractéristique de puiser l’eau en profondeur et apparaissent donc acceptables à votre rapporteur M. Pilato.

Vos rapporteurs s’entendent donc pour considérer que la question du stockage de l’eau doit faire l’objet d’un dialogue citoyen et local renforcé et sera plus aisément acceptée si l’usage de l’eau stockée n’est pas réservé à une seule activité – évitant ainsi le risque d’être perçue comme une appropriation de la ressource – et, le cas échéant, si son utilisation agricole est conditionnée à un effort d’adaptation ou de transition agro-écologique ambitieux.

Proposition n° 43 : renforcer le dialogue citoyen et local, en amont des autorisations des ouvrages de stockage de l’eau, garantir le multiusage de l’eau ainsi stockée et, le cas échéant, conditionner son utilisation agricole à un effort ambitieux d’adaptation au changement climatique ou de transition agro-écologique.

Sur la nature des ouvrages de stockage considérés comme acceptables, l’opinion des rapporteurs diffère, M. Pilato s’opposant fermement aux retenues de substitution puisant dans les eaux souterraines tandis que M. Perrot juge qu’elles sont indispensables à la pérennité des activités économiques. M. Pilato insiste également sur le fait que tous les ouvrages bénéficiant d’une subvention publique doivent faire l’objet d’une gestion collective.

Vos rapporteurs considèrent, par ailleurs, comme très intéressantes les démarches expérimentales consistant, en une forme de changement de paradigme, à organiser la recharge des nappes souterraines. L’exemple de l’opération « R’Garonne », conduite en Haute-Garonne, pour une durée de quatre ans à compter d’avril 2023, par le conseil départemental en partenariat avec le service public de l’eau Réseau31 et le concours du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est emblématique. La technique, consistant à recharger la nappe alluviale ([168]) de la Garonne pour soutenir l’étiage du fleuve, est assez largement utilisée en Californie, Israël ou Australie, mais encore rare en Europe. Cinq à dix millions de mètres cube pourraient ainsi être stockés puis réinjectés. La démarche expérimentale, qui doit faire l’objet d’une évaluation complète, apparaît bienvenue à vos deux rapporteurs. Le rapport de MM. Bolo et Longuet sur les aspects scientifiques et technologiques de la gestion quantitative de l’eau soulignait, en effet, outre les vertus de ce type de dispositifs, que la mise en œuvre de ces techniques exigeait, pour ne pas mettre en péril la qualité de l’eau notamment, un encadrement strict : « Une approche alternative à l’utilisation de retenues superficielles consiste en la réalimentation artificielle des aquifères, la nature souterraine de ce stockage permettant de minimiser la perte par évaporation. Divers dispositifs de recharge peuvent être utilisés, en fonction des spécificités hydrogéologiques de la nappe considérée ; ils sont fondés sur la percolation – filtration par berges, puits ou bassins d’infiltration – ou sur une injection directe dans la nappe via des puits, fosses ou forages. Outre le stockage d’eau pour utilisation différée, cette technique peut éviter le rabattement d’une nappe surexploitée ; elle permet de traiter naturellement des eaux grâce au pouvoir d’autoépuration des sols et de protéger les aquifères côtiers des risques de salinisation. La mise en œuvre de tels projets nécessite cependant de disposer de données fiables et pérennes quant aux caractéristiques hydrogéologiques de l’aquifère considéré. La qualité et le volume des eaux de recharge disponibles doivent également être pris en compte. S’il est possible d’utiliser des eaux de surface, des eaux de pluies ou des eaux usées traitées pour recharger les aquifères, il faut s’assurer de la compatibilité de ces eaux avec celle de la nappe : le recours à ces techniques ne doit en aucun cas se traduire par une dégradation de la qualité des eaux souterraines. Aussi, il peut être nécessaire de réaliser des traitements préalables (qui génèrent des coûts financiers et énergétiques) afin d’assurer que la qualité des eaux de recharge utilisées est au moins équivalente à la qualité de l’eau de la nappe » ([169]).

E.   une gouvernance à repenser

1.   Les enjeux autour du renforcement de la place des citoyens dans la gouvernance de l’eau

La connaissance des citoyens des enjeux relatifs à l’eau doit être renforcée, afin de permettre une plus grande participation de l’ensemble de la population à la gouvernance de l’eau.

Comme le rappelle le rapport du Sénat précité ([170]) les comités de bassin doivent comprendre 40 % de représentants des élus, 40 % de représentants des usagers de l’eau – avec, depuis 2020, 20 % de représentants des usagers économiques de l’eau (agriculteurs, hydro-électriciens, industriels, etc.) et 20 % de représentants des usagers non économiques de l’eau (associations de consommateurs, fédérations de pêches, associations agréées de protection de l’environnement, etc.) – et 20 % de représentants de l’État et de ses établissements publics. Quant aux commissions locales de l’eau (CLE), elles doivent comporter au moins 50 % de représentant des collectivités territoriales et 25 % de représentants des usagers de l’eau, les représentants de l’État composant les 25 % restants. Or, au sein des représentants des usagers, les associations de protection de la nature et les usagers non économiques de l’eau sont selon un certain nombre d’acteurs insuffisamment représentés.

M. Pierre-Louis Mayeux, chercheur en politiques de l’eau, entendu par vos rapporteurs, invite ainsi à distinguer un collège de citoyens et de société civile comme ce qui se fait dans l’État du Ceara au Brésil.

Il apparaît nécessaire à M. René Pilato de rééquilibrer la composition des comités de bassin et des CLE pour accorder davantage de places aux usagers domestiques et aux associations environnementales. Cela paraît d’autant plus juste que la place des usagers dans la gouvernance ne correspond en rien à la part du financement de la politique de l’eau qu’ils assument à hauteur de 80 %.

Sur cette question de gouvernance, M. Patrice Perrot salue la mesure n° 37 du plan gouvernemental « Eau », qui prévoit l’élargissement de la composition du Comité national de l’eau représentants des usagers de l’eau et la jeunesse.

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 44 : renforcer la place des usagers non économiques de l’eau et des associations de défense de l’environnement dans la composition des comités de bassin et des commissions locales de l’eau (CLE).

2.   La gouvernance à l’échelle du sous-bassin versant doit être privilégiée

a.   Faire du sous-bassin hydrographique l’échelon de mise en œuvre des politiques publiques de gestion de l’eau

Les superpositions des échelons hydrographiques et administratifs nuisent aujourd’hui à la lisibilité et à l’efficacité de l’action publique ([171]), notamment en matière de gestion de l’eau pour les activités économiques. Vos rapporteurs s’accordent sur la nécessité de favoriser l’organisation des politiques de l’eau à l’échelle du sous-bassin hydrographique.

En ce sens, le développement des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) et des établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE) paraît encore insuffisant, alors qu’ils constituent une solution intéressante et souple pour organiser l’action publique des collectivités territoriales en matière de gestion de l’eau. La Cour des comptes recommande ainsi que les EPTB et les EPAGE deviennent la forme générale de gestion de la ressource en eau au niveau local. Les agences de l’eau dressent un constat similaire. L’agence Adour Garonne indique ainsi dans sa contribution écrite que « la constitution d’EPAGE et d’EPTB à l’échelle d’un sous-bassin versant ou d’un groupe cohérent de sous-bassins versants est de nature à favoriser une gestion intégrée de la ressource en l’eau ». En parallèle, la nomination de sous-préfet coordinateur de bassin, déjà amorcé dans certains territoires, pourrait être généralisée.

Cette nouvelle gouvernance doit notamment permettre de favoriser une approche à l’échelle du bassin-versant pour ce qui concerne la GEMAPI. Agir à une échelle plus restreinte risque de rompre les liens de solidarité qui doivent non seulement être préservés, mais aussi renforcés entre les zones amont et aval, ainsi qu’entre les zones urbaines et rurales.

Proposition n° 45 : Faire du sous-bassin l’échelon central de la conception et de la mise en œuvre des politiques de gestion de l’eau. En particulier, réformer l’organisation territoriale de la GEMAPI pour favoriser l’organisation à l’échelle du bassin-versant.

Dans cette optique, accélérer le développement des EPTB ou EPAGE dans les territoires et généraliser la nomination des sous-préfets coordonnateurs de bassin.

b.   Améliorer la planification à l’échelle du sous-bassin

i.   Les SAGE

Comme indiqué dans la première partie du présent rapport, 54,3 % du territoire est aujourd’hui couvert par un SAGE. Les situations sont assez disparates en fonction des bassins, avec des taux encourageants de 100 % pour le bassin Artois-Picardie, 87 % pour le bassin Loire-Bretagne et 78 % pour le bassin Adour-Garonne, mais encore insuffisant pour le bassin Seine-Normandie (41 %), Rhône-Méditerranée (44 %) et Rhin-Meuse (31 %). Vos rapporteurs partagent le constat de la Cour des comptes : « Faute de schémas d’aménagement et de gestion des eaux élaborés par les parties prenantes à l’échelle d’un sousbassin hydrographique, les orientations données par les SDAGE risquent de n’être qu’une pétition de principe ».

L’absence de SAGE est révélatrice d’un manque de planification et de concertation sur la gestion de l’eau, qui peut s’avérer problématique notamment pour les activités économiques et susciter des conflits. Elle témoigne aussi de la complexité du fonctionnement des SAGE et de la temporalité nécessaire à l’élaboration d’une gestion concertée : le temps d’élaboration d’un SAGE peut prendre 10 ans.

Vos rapporteurs considèrent essentiel de déployer des SAGE sur l’ensemble du territoire. Il s’agit de l’outil de planification de référence pour préserver la ressource et de garantir un partage équitable entre les différents usages. L’État peut accompagner le déploiement des SAGE à travers des prescriptions plus systématiques, notamment par le préfet coordinateur de bassin. C’est également le rôle des SDAGE. Le déploiement des SAGE paraît devoir nécessiter un effort de simplification, annoncé dans le cadre du plan Eau, et demandé par un certain nombre d’acteurs entendus en audition. L’agence Rhône Méditerranée Corse suggère ainsi de simplifier les procédures de révision du SAGE et de recentrer l’outil sur sa portée planificatrice. Le plan Eau indique en ce sens qu’une modernisation des SAGE est prévue et que ces derniers seront encouragés à définir des priorités d’usage de la ressource ainsi que la répartition des volumes globaux de prélèvement par usage.

Plusieurs voix s’élèvent également pour demander un avis obligatoire des CLE sur les documents d’urbanisme, afin de s’assurer de la compatibilité de ces documents avec le SAGE. Ainsi, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse suggère de rendre systématique l’association des CLE à l’élaboration des SCoT de leur territoire et de solliciter systématiquement l’avis des CLE sur les projets de documents de planification de l’urbanisme. La Cour des comptes recommande également de renforcer le rôle des CLE dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanisme : « cela donnerait également plus de portée aux SAGE et augmenterait la probabilité d’atteindre l’objectif de bon état des masses d’eau. Même s’ils présentent le risque de ne pas être suivis, des avis simples pourraient dans un premier temps être demandés ». Vos rapporteurs considèrent qu’il s’agit là d’un levier pertinent pour assurer la cohérence des documents planificateurs et pour que l’eau soit davantage pris en compte dans le cadre de l’aménagement du territoire, de façon à ce que la transversalité de la question de l’eau se retrouve dans les différentes politiques publiques (implantation des activités industrielles, urbanisation, énergie, etc.).

Proposition n° 46 : Déployer des SAGE sur l’ensemble des sous-bassins. Afin de renforcer leur portée, prévoir l’association des CLE à l’élaboration des documents d’urbanisme.

ii.   Les PTGE

Des objectifs en matière de déploiement des PTGE ont été fixés en 2019 par l’exécutif (50 d’ici 2022, 100 d’ici 2027). Le PTGE peut constituer une première étape dans l’élaboration d’un SAGE, comme le prévoit la circulaire du 7 mai 2019, son élaboration étant plus souple et plus rapide que le SAGE, avec un horizon temporel de 2 à 3 ans.

Vos rapporteurs considèrent que les PTGE doivent continuer à être encouragés et peuvent constituer un préalable utile vers l’élaboration d’un SAGE, dont la portée normative est plus forte. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel 2023, la promotion des PTGE ne doit donc pas être un motif d’abandon de la démarche d’élaboration de SAGE. Les associations environnementales entendues par vos rapporteurs ont aussi insisté sur ce point.

Concernant la représentation du comité de pilotage du PTGE, celle-ci est aujourd’hui à la discrétion des préfets, garants de la pluralité de cette composition (instruction du 7 mai 2019), lorsqu’un SAGE existe, le pilotage du PTGE est confié à la CLE. Les acteurs entendus par vos rapporteurs ont mis en avant les différences importantes qui peuvent exister en matière de représentation en fonction des territoires. Il paraîtrait utile de clarifier les règles de représentation, en reprenant le mode de répartition des CLE. Une instruction ministérielle doit bientôt paraître sur ce sujet. Comme l’a précisé le ministère de l’agriculture et de l’alimentation dans sa réponse écrite fournir à vos rapporteurs, plusieurs actions sont prévues ou d’ores et déjà réalisées pour faciliter leur émergence et leur mise en œuvre opérationnelle dont :

– l’additif à l’instruction relative à la mise en œuvre des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) du 7 mai 2019 publié au Journal Officiel le 17 janvier 2023. Cet additif a pour objectif de faciliter la mise en œuvre opérationnelle des PTGE, depuis la mise en place de la gouvernance, l’élaboration du programme d’actions jusqu’à l’accompagnement par les services de l’État de chacune des étapes essentielles du PTGE, et de préciser le rôle de l’État en cas de blocages persistants ;

– le guide de mise en œuvre des PTGE à destination des porteurs de projets. Ce guide a vocation à rappeler les étapes d’élaboration et de mise en œuvre d’un PTGE. Il identifie les points de vigilance particuliers dont la prise en compte favorise l’aboutissement de la démarche. Ce guide n’est pas encore publié.

Proposition n° 47 : Déployer les PTGE sur l’ensemble des bassins où se posent des problématiques particulières de conflits d’usage. Clarifier la représentation des différentes parties prenantes du comité de pilotage des PTGE. Publier rapidement le guide d’élaboration des PTGE.

c.   Garantir une expertise de qualité et indépendante aux services des collectivités

Vos rapporteurs ont été particulièrement attentifs au modèle de la structure Charente Eaux, dont ils ont pu rencontrer les représentants lors de leur déplacement en Charente. Créé en 2014, Charente Eaux est un syndicat mixte départemental d’assistance aux collectivités dans le domaine de l’eau. Le syndicat compte une centaine de collectivités adhérentes. Son financement repose à 50 % sur l’Agence de l’eau, 25 % sur le département et 25 % par les autres collectivités adhérentes. Il regroupe la quasi-totalité des collectivités territoriales du département exerçant les compétences eau potable, assainissement (collectif ou non collectif) ou GEMAPI.

Charente Eaux permet de répondre aux besoins d’assistance technique et administrative de ses membres. Le syndicat apporte son expertise et ses conseils au quotidien aux élus. Il peut s’agir d’expertise technique (études, suivi et conseils pour l’exploitation de stations d’épuration, avis sur des projets techniques), mais aussi de l’appui à la gestion des services publics de l’eau (appui au choix du mode de gestion, assistance à la délégation de service public et suivi de contrat).

La structure Charente Eaux fonctionne avec un budget de 2 millions d’euros par an. M. Pilato considère qu’un budget de 300 millions d’euros pourrait être utilement dégager pour dupliquer cette structure départementale précurseure à l’ensemble du territoire.

Ce modèle garantit la qualité et l’indépendance de l’expertise fournie aux élus et mériterait aux yeux de vos rapporteurs de se développer sur d’autres territoires.

Proposition n° 48 : Créer des pôles d’expertise et d’ingénierie à la disposition des collectivités, sur le modèle de Charente Eaux.

 

 

Contrepoint de M. René Pilato : une nécessaire piste de réflexion sur la possibilité de créer un « pôle eau »

M. Pilato souhaite lancer une réflexion sur la constitution d’un « pôle eau » dont les compétences seraient centrées sur la prévention de la raréfaction de l’eau ainsi que l’instruction et le jugement des écocides.

Ce pôle aurait plusieurs départements dont l’un reposerait sur les six préfets coordinateurs de bassin auxquels seraient transmis les pouvoirs de décision actuels des préfets. En effet, il semble que l’architecture administrative serait simplifiée en ayant un seul préfet décisionnaire et qui plus est, ceux nommés à cette fin, pour traiter spécifiquement des questions de l’eau.

Pour une question d’acceptabilité des arrêtés-cadres, ces préfets, à leur échelle, garantiraient une harmonisation de ces arrêtés et des dérogations éventuelles afin d’éviter l’incompréhension des administrés et acteurs économiques face à des mesures qui ne seraient pas similaires sur des territoires voisins. Les préfets auditionnés ont effectivement fait part à vos rapporteurs de pressions exercées par les acteurs économiques d’un territoire qui ne se verraient pas appliquer les mêmes règles qu'à ceux se trouvant dans un département adjacent.

Ce pôle garantirait une priorisation des usages dans les arrêtés-cadre afin que l’ensemble de la population du territoire puisse boire et manger puis garantirait les besoins pour les activités économiques notamment pour l'habitat et la mobilité.

Au regard du manque de laboratoires en capacité d’effectuer les tests nécessaires pour détecter certaines substances, ce pôle serait missionné pour constituer un département d’analyses afin de doter notre pays de capacités nationales à détecter toutes les substances dangereuses.

Ce pôle comprendrait également une police de l’eau ayant pour mission spécifique le contrôle de l’eau.

Ce pôle permettrait l’augmentation des contrôles sur tous ces aspects : la vérification de la conformité des niveaux de rejets des stations d’épuration publiques, industrielles et privées, la conformité des pratiques de stockage des effluents d’élevage, le respect par les dispositifs de pompage des débits autorisés, la protection des captages d’eau potable.

Ce pôle serait assorti d’un tribunal de l’eau qui permettrait la mise en place rapide d’instructions et de poursuites afin de faire cesser rapidement les pollutions en cours. Les réparations à la charge des auteurs seraient évaluées par des magistrats spécialisés dans les crimes d’écocide.

La séparation des pouvoirs y serait bien entendu respectée.

Dans la Vallée du Rhône, trois usines ont été identifiées comme sources de la contamination de l’air, l’eau et les terres par des polluants éternels sont que l’on sache où en sont les procédures afin de déterminer la chaîne de responsabilité, et si même, celles-ci ont commencé.

Or, l’eau est une ressource vitale, nous commençons à en manquer, elle doit faire l’objet d’une protection maximale. Le principe-pollueur doit être refondé et efficient.

Proposition personnelle 49 de M. Pilato : lancer une réflexion sur la constitution d’un « pôle eau » dont les compétences seraient centrées sur la prévention de la raréfaction de l’eau ainsi que l’instruction et le jugement des écocides.

3.   Se donner les moyens de nos ambitions

Une réflexion d’ampleur relative au financement des politiques de l’eau mérite d’être conduite. En particulier, les personnes auditionnées ont alerté sur l’inadéquation entre les moyens des agences de l’eau et les enjeux auxquels elles doivent répondre. Vos rapporteurs plaident pour une réaffirmation des trois principes clés : « l’eau paie l’eau », « pollueur payeur » et « solidarité amont aval ».

Les agences de l’eau sont le bras armé financier de l’État en matière de politiques de l’eau. Leurs ressources financières se sont taries ces dernières années et se stabilisent aujourd’hui. Le mécanisme de financement des agences de l’eau repose sur trois grands mécanismes : « l’eau paie l’eau », le principe du « pollueur payeur », et la solidarité amont aval, mise en œuvre à l’échelle du district hydrographique, c’est-à-dire sur le périmètre de chaque agence de l’eau.

Les finances des agences sont principalement constituées des sept redevances qu’elles collectent : pollution de l’eau, modernisation des réseaux de collecte, pollutions diffuses, prélèvement sur la ressource en eau, stockage d’eau en période d’étiage, obstacle sur les cours d’eau et pour protection du milieu aquatique. 80 % des ressources proviennent des redevances versées par les usagers des services d’eau potable et d’assainissement (voir l’encadré ci-après).

Les ressources financières des agences de l’eau sont aujourd’hui fragilisées par plusieurs facteurs :

– un plafond mordant a été institué par la loi de finances pour 2018 parallèlement à la suppression du prélèvement sur les fonds de roulement des agences de l’eau. Au-delà de ce plafond, dont le montant est déterminé par un arrêté conjoint du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’action et des comptes publics, les redevances sont réaffectées au budget général de l’État. En 2021, l’écrêtement a été d’un peu plus de 22 millions d’euros, dont la moitié concernant l’agence Adour-Garonne. Si cette somme représente une part limitée du total des ressources des agences, il n’en reste pas moins que le plafond mordant obère les marges de manœuvre de certaines agences. Il est également contesté dans sa légitimité, perçu comme une entorse au principe de « l’eau paie l’eau ». Il limite aussi l’intérêt des hausses des taux de redevance le surplus ne pouvant être affecté aux agences ;

 les dépenses des agences de l’eau sont plafonnées. Le dixième programme (2013-2018) avait plafonné les recettes à 13,8 milliards d’euros (hors part des redevances reversées à l’ONEMA/AFB), soit 2,3 milliards d’euros annuels. Le onzième programme (2019-2024) voit ses recettes limitées à 12,6 milliards d’euros, soit 2,1 milliards d’euros annuels ;

 près de 375 millions d’euros des ressources collectées par les agences de l’eau abondent le budget de l’Office français de la biodiversité (OFB), ce qui réduit d’autant leur capacité d’action. Les agences de l’eau financent l’essentiel des besoins financiers de l’OFB, cet état de fait constituant également une entorse au principe de l’eau paie l’eau, l’eau payant désormais l’eau et la biodiversité.

En outre, tandis que leurs missions tendent à s’accroître, les effectifs des agences de l’eau se sont réduits. L’agence de l’eau Loire-Bretagne a ainsi perdu plus de 40 postes entre 2015 et 2022 (sur 320 en 2015) et l’agence de l’eau Rhône Corse a perdu plus de 20 % de ses effectifs en 10 ans. 20 % de perte d’effectifs est la moyenne pour l’ensemble des agences de l’eau. L’Agence a obtenu, dans le cadre de France Relance, la possibilité́ d’utiliser une partie (1,5 %) des crédits budgétaires qui lui étaient confiés pour recourir à l’intérim, ce qui ne paraît pas correspondre à un bon usage des deniers publics ;

La bonne application du principe du « pollueur payeur » fait également l’objet de débats. Certains estiment que la part versée par les usagers domestiques est excessive. La FENARIVE considère que le mécanisme actuel de calcul des redevances n’est pas suffisamment incitatif pour ce qui concerne les micropolluants : s’ils sont déjà pris en compte dans les redevances payées par les activités économiques, la fédération estime que des améliorations sont nécessaires : « Nous demandons depuis plusieurs années que ces paramètres globaux, qui existent pour certain depuis près de 50 ans soient remplacés par les substances émises. En effet, ces paramètres globaux ne permettent pas de remonter aux molécules en cause et donc à identifier et inciter à la mise en œuvre des actions de progrès nécessaires (…) Des redevances basées sur les molécules avec des taux prenant en compte la dangerosité de ces molécules seraient à notre avis beaucoup plus pertinentes. On le fait pour les produits phytosanitaires dans le cadre de la redevance pour pollution diffuse, pourquoi ne peut-on le faire pour les rejets industriels ? ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Les redevances perçues par les agences de l’eau

 Les redevances « pollution de l’eau d’origine domestique » (1 069,50 M€) et « modernisation des réseaux de collecte » (528 M€, dont 511,20 M€ payés par les ménages) représentent la plus grande part des recettes perçues par les agences de l’eau : 1 597,50 M€. Elles constituent 70,7 % du total des redevances encaissées ;

–  les redevances « prélèvement sur la ressource en eau » atteignent 357,60 M€, soit 15,8 % du total des redevances encaissées ;

– La redevance perçue au titre de l’usage « Alimentation en eau potable » s’élève à 234,40 M€ ;

– la redevance pour pollutions diffuses atteint 188,70 M€. Les documents budgétaires indiquent que le rendement de cette taxe est très fluctuant, principalement en fonction de la météo de l’année, qui influe sur les décisions d’achats de produits phytopharmaceutiques. En 2021, elle représente 8,4 % du produit des redevances ;

– les redevances « pollution de l’eau d’origine industrielle » (54,30 M€) et « modernisation des réseaux de collecte acquittée par les usagers industriels » (16,90 M€) s’élèvent à 71,20 M€, soit 3,2 % du total des redevances ;

– les redevances pour « pollution de l’eau d’origine non domestique » imputées à l’élevage se montent à 4 M€, soit à 0,2 % du produit des redevances ;

– le total des taxes pesant sur d’autres usages de la ressource en eau (protection du milieu aquatique, stockage en période d’étiage) est de 7,60 M€, soit 0,3 % du total.

– s’ajoute désormais la redevance cynégétique, dont le montant de 49,70 M€ correspond à 2,2 % du total des redevances.

Source : rapport du CESE sur la gestion de l’eau, avril 2023

La sécheresse de l’été 2022 a mis lumière le besoin d’augmenter les ressources des agences de l’eau. Le Gouvernement a d’abord annoncé l’augmentation des moyens des agences de l’eau de 100 millions d’euros pour 2023. Le plan Eau annonce le rehaussement des moyens des agences de l’eau de 475 millions d’euros par an pour accompagner la mise en œuvre du plan ainsi que la suppression du plafond de dépenses des agences de l’eau.

Une réflexion d’ampleur paraît devoir être menée sur les enjeux de financements de la politique de l’eau, en particulier en vue de l’élaboration des nouveaux programmes d’intervention qui débuteront en 2025. Les parts des différentes contributions aux redevances pourraient être réévaluées au regard du principe pollueur-payeur. La bonne application du principe de « l’eau paie l’eau » pourrait justifier la suppression du plafond mordant, la suppression du plafond de dépenses et une réflexion concernant le financement des politiques de biodiversité.

Vos rapporteurs appellent donc à aller plus loin pour rehausser les financements des agences de l’eau.

Les rapporteurs demandent la suppression du plafond mordant ainsi que la mise en œuvre rapide des financements annoncés dans le cadre du plan Eau.

M. Pilato considère nécessaire de fixer à 3 milliards d’euros le budget global des agences et alerte sur la fonte drastique des effectifs du CEREMA (- 633 ETP), agences de l’eau (- 285 ETP), OFB (- 91 ETP) entre 2014 et 2021 selon les données de l’Institut de l’économie pour le climat (données précitées). Il demande l’arrêt de ces suppressions et une réflexion sur l’augmentation des effectifs de ces entités ayant la mission de faire face aux enjeux de l’eau ([172]) .

En outre, vos rapporteurs s’accordent pour recommander une réflexion de fond pour évaluer les mécanismes de redevances au regard du principe de « pollueur payeur ».

Proposition n° 50 : rehausser les financements des agences de l’eau.

Les rapporteurs demandent la suppression du plafond mordant.

M. Perrot demande la mise en œuvre rapide des financements annoncés dans le cadre du plan Eau.

M. Pilato considère nécessaire de fixer à 3 milliards d’euros le budget global des agences.

Les rapporteurs s’accordent pour recommander un renforcement des équivalents temps plein (ETP) au sein des agences de l’eau et une réflexion de fond pour évaluer les mécanismes de redevances au regard du principe de « pollueur payeur ».

 


—  1  —

   Liste des propositions

Proposition  1 : Développer l’agriculture de conservation des sols.

Envisager l’installation d’un conseiller « agriculture de conservation » dans chaque chambre d’agriculture, fixer un objectif de massification de l’agriculture de conservation dans les territoires et mettre en place des contrats de transition pour les agriculteurs qui s’engagent dans cette voie. Accélérer la recherche et le développement pour promouvoir une agriculture de conservation des sols sans pesticides.

 

Proposition personnelle de M. Pilato n° 2 : afin d’atteindre le bon état écologique des eaux d’ici 2027, le prochain plan stratégique national (PSN) doit résolument soutenir la conversion et le maintien de l’agriculture agro-écologique. Dans cet objectif, il importe d’augmenter les enveloppes des premier et second piliers destinés à favoriser l’agriculture biologique afin de diminuer les intrants.

 

Proposition n° 3 : conformément aux mesures prévues dans le cadre du Varenne de l’eau, encourager les chambres d’agriculture à produire des plans d’adaptation fondés sur une ambition réelle en matière de changement des pratiques et de sobriété d’ici le 31 décembre 2023.

 

Proposition n° 4 : Favoriser le développement de cultures et variétés moins gourmandes en eau.

– Valoriser des espèces moins consommatrices telles que blé dur, tournesol, sorgho, colza, légumineuses comme le pois, le pois chiche, le soja, voire des espèces adaptées aux zones arides comme le niébé, le quinoa ou le sarrasin. Pour cela, mettre en place des stratégies de filières qui assurent les débouchés nécessaires à ces productions.

– À l’instar de ce qui a été fait sur la nécessité de consommer « cinq fruits et légumes par jour », une campagne de communication doit être menée pour encourager la consommation de légumineuses.

– Poursuivre les recherches génétiques permettant le développement de variétés moins consommatrices d’eau.

 

Proposition n° 5 : Accompagner et encourager l’intégration dans les plans de filière des objectifs de réduction de la consommation d’eau et des objectifs, à moyen et long terme, de meilleure répartition géographique des productions, afin de favoriser une agriculture résiliente face au changement climatique.

 

Proposition n° 6 : Accompagner financièrement le monde agricole vers l’acquisition d’agroéquipements plus performants en matière d’irrigation (microaspersion, goutte-à-goutte de surface ou enterré, outils d’aide à la décision).

 

Proposition n° 7 : Encourager le déploiement des organismes uniques de gestion collective (OUGC), y compris en dehors des zones de répartition des eaux (ZRE), et conforter leur assise juridique.

 

Proposition n° 8 : Rénover les réseaux VNF pour sécuriser les volumes d’eau conventionnés pour les usages agricoles.

 

Proposition n° 9 : Réaliser un inventaire des retenues individuelles de petites tailles et étudier l’opportunité de leur mobilisation pour un usage collectif.

 

Proposition n° 10 : Construire une doctrine partagée entre le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et le ministère de la transition écologique sur les questions d’agriculture et de gestion de l’eau.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 11 : Instaurer un moratoire sur l’ensemble des stockages prélevant dans les nappes phréatiques.

 

Proposition n° 12 : Parmi les usages économiques, donner une place particulière à l’agriculture dans le cadre de la hiérarchie des usages, du fait du rôle vital joué par ce secteur pour notre souveraineté alimentaire. Cet accès sécurisé à la ressource doit s’accompagner d’une conditionnalité forte sur les façons d’utiliser l’eau.

 

Proposition n° 13 : Renforcer la résilience du parc nucléaire face aux tensions croissantes sur la ressource en eau du fait du changement climatique.

Améliorer les capacités des réservoirs de stockage d’effluents, notamment sur les sites thermosensibles.

Accélérer la recherche et développement pour développer la sobriété des systèmes de refroidissement (prélèvement, consommation, réactifs chimiques).

 

Proposition n° 14 : Soutenir le développement de nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), afin de concilier l’enjeu de sécurisation de l’approvisionnement énergétique avec celui de partage de la ressource en eau.

 

Proposition n° 15 : Mettre en place des plans de sobriété de la consommation d’eau par filière industrielle, contenant les objectifs chiffrés de réduction de la consommation, avec un suivi des administrations centrales compétentes. Intégrer dans ce cadre des objectifs en matière de qualité de l’eau.

 

Proposition n° 16 : Généraliser les plans d’utilisation rationnelle de l’eau (PURE) à l’ensemble des départements, afin de favoriser l’identification, site industriel par site industriel, des marges d’amélioration concernant l’usage de la ressource, ces économies d’eau devant permettre aux industriels d’éviter les coupures en période de crise. Il est essentiel que ces plans ne reposent pas uniquement sur du déclaratif et fassent l’objet de contrôles réguliers et fréquents.

 

Proposition n° 17 : Mobiliser les chambres de commerce et d’industrie pour accompagner les acteurs industriels dans le diagnostic de leur consommation en eau et mettre en place des mécanismes d’économie circulaire.

 

Proposition n° 18 : Soutenir l’investissement pour les équipements les plus économes en eau en matière industrielle.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 19 :

Les embouteilleurs doivent mettre en place aussi rapidement que possible l’embouteillage en verre à leur charge, à la place des bouteilles en plastique.

Il doit être mis fin à toute production d’eau en bouteille et il faut en parallèle tendre vers une qualité maximale de l’eau potable. Dit autrement, les courbes entre la baisse de production de bouteilles d’eau et l’amélioration de la qualité de l’eau au robinet doivent se croiser au plus vite.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 20 : instaurer un moratoire sur l’autorisation de nouvelles retenues d’eau en vue de la production de neige artificielle afin d’inciter dès maintenant les stations à se réorienter face à l’augmentation des températures et la baisse des chutes de neige.

 

Proposition  21 : Créer un office de l’eau pour la Corse.

 

Proposition n° 22 : Améliorer la connaissance de la ressource en eau, notamment en étendant le réseau piézométrique national, atteindre 2 000 stations piézométriques d’ici fin 2025.

 

Proposition n° 23 : Prioriser les solutions fondées sur la nature

– faire de la végétalisation et de la gestion intégrée des eaux pluviales un standard d’aménagement des villes de demain ;

– imposer aux constructions neuves et aux opérations de renouvellement de disposer d’un système de captage de l’eau de pluie pour satisfaire les besoins en eau non potable ;

– renforcer la formation des acteurs de la construction ;

– établir un rapport sur l’état des lieux des ruissellements existants et sur les moyens de ralentir les eaux de ruissellement pour renforcer la planification en matière d’aménagement du territoire ;

– en lien avec la proposition n° 47, systématiser dans le cadre des pôles territoriaux d’ingénierie et d’expertise la mise en place de relevés de ruissellement ;

– renforcer les prescriptions relatives à la gestion parcellaire des eaux pluviales dans les documents d’urbanisme ;

– promouvoir ces techniques dans le cadre des programmes gouvernementaux d’aménagement du territoire (ex : Programme Petites Villes de demain) ;

– financer ces politiques sur un segment d’une fiscalité́ d’urbanisme existante consistant à taxer les opérations immobilières nouvelles situées sur des terrains classés précédemment en zone naturelle ou agricole ;

– modifier la réglementation pour mieux lutter contre l’effondrement des surfaces en herbe.

 

Proposition n° 24 : conformément à la mesure n° 24 du plan « Eau » gouvernemental, les rapporteurs souhaitent que les projets d’installation de nouveaux agriculteurs s’inscrivant dans une démarche d’agroécologie ou d’agriculture biologique soient favorisés dans les aires d’alimentations des captages.

M. René Pilato souhaite aller plus loin et suggère de n’autoriser que les projets d’agriculture biologique dans ces aires d’alimentation des captages en cas d’installations de nouveaux agriculteurs afin de préserver la qualité de la ressource. Il rappelle qu’un tiers des zones captages ont fermé dont près de la moitié pour cause de pesticides et nitrates.

 

Proposition n° 25 : améliorer la politique de préservation et de restauration des têtes de bassin‑versant, en renforçant les connaissances relatives à ces espaces, en rehaussant leur place dans les documents de planification (en particulier les SAGE) et en garantissant la bonne information des acteurs économiques implantés dans ces espaces quant à la vulnérabilité de ces milieux.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 26 : abroger l’arrêté du 4 mai 2017 qui permet le déclassement des petits cours d’eau et les expose aux épandages agricoles ou autres produits chimiques et industriels.

 

Proposition n° 27 : renforcer le soutien français à une interdiction européenne des substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées (PFAS) et mettre rapidement en œuvre un plan de dépollution des sites pollués par les PFAS.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 28 :

– interdiction imminente de tout rejet industriel des PFAS dans l’environnement ;

– dresser un état des lieux précis associant l’ensemble des parties prenantes concernant les PFAS dans la Vallée du Rhône. Les industriels identifiés comme étant à l’origine de la pollution doivent être intégrés au suivi de la dépollution et à son coût ;

– mettre en place un accompagnement de l’État pour permettre le développement des laboratoires de référence en mesure d’analyser ces composés (les laboratoires doivent être en capacité d’analyser la somme des PFAS contenue dans l’eau destinée à la consommation humaine au nanogramme, selon la dernière directive sur l’eau potable de l’Union européenne de 2020) ([173])  ;

– en l’absence de consensus pour l’interdiction de ces composés chimiques ultratoxiques par les États membres d’ici à 2025 comme annoncé, la France doit s’engager à l’interdiction de leur utilisation pour les applications non essentielles.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 29 : Renforcer les contrôles des exploitations d’élevages classées ICPE par les services d’inspection, avec un renforcement des moyens humains et financiers. Il s’agit de mettre les fonds nécessaires pour que les exploitations d’élevage soient contrôlées au moins une fois par an ([174]).

 

Proposition n° 30 : Assurer l’effectivité d’un droit à l’eau potable dans les Outre-mer et préserver la qualité de la ressource dans ces territoires :

– conformément à la préconisation formulée par le CESE dans son rapport de 2022 sur la gestion de l’eau et l’assainissement dans les Outre-mer, mettre en place des plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’État et les collectivités territoriales, afin de préparer la mise en conformité avec les obligations de la directive européenne « eau » 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

– créer des stations d’épuration aux normes et adaptées dans chaque intercommunalité ;

– mettre en place des filières d’assainissement complètes sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement ;

– soutenir le raccordement des particuliers au service d’assainissement collectif, lorsqu’il existe, afin de limiter les pollutions et les rejets résultant de l’assainissement non-collectif qui repose trop souvent sur des installations inadaptées ou inefficaces ;

– garantir un véritable « droit à l’eau potable » pour l’ensemble des populations.

 

Proposition n° 31 : garantir un cadrage plus contraignant du contenu des arrêtés-cadre sécheresse afin de garantir une plus grande uniformité sur l’ensemble du territoire des restrictions imposées à des acteurs comparables placés dans des situations comparables.

 

Proposition  32 : Instaurer une tarification progressive pour l’eau, pour inciter à la sobriété.

Proposition personnelle de M. René Pilato : Instaurer une tarification progressive et différenciée pour les usages domestiques, les usages agricoles et industriels.

Proposition personnelle de M. Patrice Perrot : Instaurer une tarification progressive pour les usages domestiques. Interdire les tarifs dégressifs. Saisir le CESE pour qu’il établisse une évaluation complète des besoins d’un individu pour boire, manger, se laver, laver ses vêtements et son lieu d’habitation. Ce chiffrage pourrait permettre de rénover le système actuel de tarification et de rendre la surconsommation prohibitive. Cette grille devra être établie en tenant compte de l’état de la ressource géographiquement, le nombre de membres dans l’habitation et les aléas climatiques exceptionnels.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 33 : Saisir le CESE pour évaluer la possibilité et les conclusions de la mise en œuvre d’un prix uniformisé de l’eau pour les propriétaires de forages privés dans le cadre des réflexions menées sur la tarification progressive de l’eau.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 34 : Prononcer un moratoire sur tous les nouveaux forages et réévaluer la légitimité et la nécessité du maintien en exploitation de ceux existants.

 

Proposition n° 35 : Renforcer les moyens de l’État dans les territoires pour garantir un contrôle adéquat des règles de polices administratives et sanitaires en matière de gestion de l’eau. En particulier, augmenter significativement les moyens de l’office français de la biodiversité (OFB), dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

 

Proposition n° 36 : Recenser le nombre de forages industriels, agricoles et domestiques.

 

Proposition n° 37 : Abaisser le seuil à partir duquel les forages sont soumis à la procédure d’autorisation (en dessous des 10 000 m3).

 

Proposition n° 38 : Prévoir une généralisation progressive des télécompteurs et rendre obligatoire leur installation au-delà d’une consommation de 250 m3 annuels. Prévoir un accompagnement financier de l’État pour les petites structures.

 

Proposition n° 39 : La réutilisation des eaux usées doit être développée en priorité dans les zones littorales avec des objectifs chiffrés (au moins 10 % de réutilisation d’ici 2027) prévus dans les SAGE. Ailleurs, son développement peut également être encouragé à condition d’adopter une analyse au cas par cas des bénéfices / risques, en fonction des besoins en eau des milieux aquatiques environnant la station d’épuration.

 

Proposition n° 40 : Poser un cadre juridique et économique propice à la réutilisation des eaux usées

Garantir la mise en œuvre rapide du guichet unique annoncé dans le plan gouvernemental « Eau ».

Publier rapidement le décret permettant de supprimer le caractère expérimental sur cinq ans des projets autorisés ainsi que le décret permettant d’utiliser les eaux usées dans l’industrie agroalimentaire.

Favoriser le développement d’installations collectives entre entreprises.

Former les services instructeurs.

Accompagner financièrement les petites et moyennes entreprises industrielles dans la mise en place des projets de REUT.

 

Proposition n° 41 : Favoriser l’utilisation des eaux de pluie et des eaux grises :

Pour les eaux de pluie, élargir les surfaces de collectes autorisées et la pérennisation de l’expérimentation autorisant l’usage des eaux de pluie pour le lave-linge.

Pour les eaux grises, élaborer un cadre réglementaire pour autoriser et clarifier les règles applicables à leur usage.

Prévoir un soutien financier spécifique au CEREMA.

 

Proposition n° 42 : Promouvoir une approche transversale pour la réglementation relative aux eaux non conventionnelles, pour développer le multi-usage et le multi-source. Dans ce cadre, créer un observatoire des eaux non conventionnelles.

 

Proposition n° 43 : renforcer le dialogue citoyen et local, en amont des autorisations des ouvrages de stockage de l’eau, garantir le multiusage de l’eau ainsi stockée et, le cas échéant, conditionner son utilisation agricole à un effort ambitieux d’adaptation au changement climatique ou de transition agro-écologique.

Sur la nature des ouvrages de stockage considérés comme acceptables, l’opinion des rapporteurs diffère, M. Pilato s’opposant fermement aux retenues de substitution puisant dans les eaux souterraines tandis que M. Perrot juge qu’elles sont indispensables à la pérennité. M. Pilato insiste également sur le fait que tous les ouvrages bénéficiant de subvention publique doivent faire l’objet d’une gestion collective.

 

Proposition personnelle de M. René Pilato n° 44 : renforcer la place des usagers non économiques de l’eau et des associations de défense de l’environnement dans la composition des comités de bassin et des commissions locales de l’eau (CLE).

 

Proposition n° 45 : Faire du sous-bassin l’échelon central de la conception et de la mise en œuvre des politiques de gestion de l’eau. En particulier, réformer l’organisation territoriale de la GEMAPI pour favoriser l’organisation à l’échelle du bassin-versant.

Dans cette optique, accélérer le développement des EPTB ou EPAGE dans les territoires et généraliser la nomination des sous-préfets coordonnateurs de bassin.

 

Proposition n° 46 : Déployer des SAGE sur l’ensemble des sous-bassins. Afin de renforcer leur portée, prévoir l’association des CLE à l’élaboration des documents d’urbanisme.

 

 

 

 

Proposition n° 47 : Déployer les PTGE sur l’ensemble des bassins où se posent des problématiques particulières de conflits d’usage. Clarifier la représentation des différentes parties prenantes du comité de pilotage des PTGE. Publier rapidement le guide d’élaboration des PTGE.

 

Proposition n° 48 : Créer des pôles d’expertise et d’ingénierie à la disposition des collectivités, sur le modèle de Charente Eaux.

 

Proposition personnelle 49 de M. René Pilato : lancer une réflexion sur la constitution d’un « pôle eau » dont les compétences seraient centrées sur la prévention de la raréfaction de l’eau ainsi que l’instruction et le jugement des écocides.

 

Proposition n° 50 : rehausser les financements des agences de l’eau.

Les rapporteurs demandent la suppression du plafond mordant.

M. Perrot demande la mise en œuvre rapide des financements annoncés dans le cadre du plan Eau.

M. Pilato considère nécessaire de fixer à 3 milliards d’euros le budget global des agences.

Les rapporteurs s’accordent pour recommander un renforcement des équivalents temps plein (ETP) au sein des agences de l’eau et une réflexion de fond pour évaluer les mécanismes de redevances au regard du principe de « pollueur payeur ».


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 28 juin 2023, La commission des affaires économiques a examiné le rapport d’information sur la gestion de l’eau pour les activités économiques (MM. Patrice Perrot, et René Pilato, rapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/2wtlVC

La commission a approuvé la publication du rapport d’information sur la gestion de l’eau.

 


—  1  —

   ANNEXES

 


—  1  —

Sigles et acronymes

AAC : Aires d’alimentation de captages

Désigne la zone en surface sur laquelle l’eau qui s’infiltre ou ruisselle alimente le captage. L’extension de ces surfaces est généralement plus vaste que celle des périmètres de protection de captage.

AE : Agence de l’eau

ANEB : Association nationale des élus des bassins 

BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières

CGEDD : Conseil général de l’environnement et du développement durable

CIVE : Culture intermédiaire à vocation énergétique

CLE : Commissions locales de l’eau

CNE : Commission nationale de l’eau

CNR : Compagnie nationale du Rhône

EPAGE : Établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau

EPTB : Établissements publics territoriaux de bassin 

FNCCR : Fédération nationale des collectivités concédantes et régies

FP2E : Fédération professionnelle des entreprises de l’eau

GEMAPI : gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations

IOTA : La nomenclature IOTA (annexée à l’article R.214-1 du code de l’environnement) concerne les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques

INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l'environnement

MASA : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

MTE : ministère de la transition écologique

OFB : Office français de la biodiversité

OUGC : organisme uniques de gestion collective. Un organisme unique est une structure qui a en charge la gestion et la répartition des volumes d’eau prélevés à usage agricole sur un territoire déterminé.

PSE : paiement pour services environnementaux

PSN : plan stratégique national

PTGE : projets de territoire pour la gestion de l’eau

REUSE ou REUT : Réutilisation des eaux usées traitées

SAGE : schéma d’aménagement et de gestion des eaux

SAU : surface agricole utile

SDAGE : schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux

SGPE : secrétariat général à la planification écologique

STEP : station de transfert d'énergie par pompage

VNF : Voies navigables de France

ZAN : zéro artificialisation nette

ZRE : zone de répartition des eaux

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Par ordre chronologique

 

M. Loïc Prud’homme, député de la Gironde

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (Cgaaer)

M. Charles Pujos, co-auteur du rapport « Changement climatique, eau, agriculture, quelles trajectoires d’ici 2050 ? », juillet 2020

M. Dominique Tremblay, co-auteur du rapport « évaluation du coût du changement climatique pour les filières agricoles et alimentaires », avril 2022

M. Adrien Morenas, co-rapporteur de la mission d’information sur la ressource en eau de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (2018)

M. Benoît Grimonprez, professeur à l’Université de Poitiers. Enseignant et chercheur spécialisé en droit de l’agroécologie

M. Frédéric Veau, préfet, délégué interministériel pour le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique

M. Pierre-Louis Mayaux, chercheur en politiques de l’eau

Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire – Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Serge Lhermitte, chef du service compétitivité et performance environnementale

Météo France

M. Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint de la direction de la climatologie et des services climatiques

M. Pascal Brovelli, responsable du département conseil et services de la direction des services météorologiques

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe)

M. Thierry Caquet, directeur scientifique environnement

Secrétariat de la planification écologique

M. Frédéric Glanois, secrétaire général adjoint

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Mme Michèle Rousseau, présidente

Audition commune :

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)* :

M. Philippe Jougla, administrateur et membre de la commission environnement en charge du dossier gestion de l’eau

Mme Nelly Le Corre-Gabens, cheffe du service environnement

Mme Sabine Battegay, conseillère sur la gestion quantitative de l’eau

M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques

Jeunes Agriculteurs (JA)* :

M. Mathieu Richel, membre du conseil d’administration en charge de l’environnement

Irrigants de France

M. Éric Frétillère, président

Mme Sabine Battegay, responsable de l’animation

Mme Alix d’Armaillé, responsable des actions régionales et institutionnelles, Association générale des producteurs de maïs (AGPM)*

Audition commune :

Confédération paysanne*

Mme Marie-Pierre Repecaud, secrétaire nationale

Mme Suzie Guichard, animatrice nationale

Coordination rurale*

M. Alain Martinaud

MODEF*

M Christian Reigue, trésorier adjoint

Mme Sophie Bezeau, directrice

Collectif bassines non merci (BNM)

M. Julien Le Guet, batelier et co porte-parole du Collectif BNM

M. Jean-Jacques Guillet, retraité, co porte-parole du Collectif BNM

M. Jean-Louis Couture, consultant en gestion de l'eau, membre de BNM

M. Patrick Picaud, membre de Nature Environnement

Mme Lucile Richard, archéologue, membre de BNM

M. Mathieu Durand, agent du service des eaux du vivier, membre de BNM

Ministère de la transition écologique – Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB)

M. Olivier Thibault, directeur

M. Géraud Laveissière, chef de cabinet

Mme Marie-Ange Badin, conseillère parlementaire et élus locaux auprès de la Secrétaire d’État chargée de l’écologie

La Coopération agricole*

M. Frédéric Marcato, directeur recherche et développement de Vivadour

M. Maurice Lombard, directeur industriel de Cristal Union

M. Yoann Mery, directeur de la coopération agricole ouest

Mme Virginie Charrier, responsable environnement et énergie la coopération agricole

Société Ecolab / Nalco Water

Mme Agnese Danelon, directrice des affaires publiques

M. David Gautier, directeur commercial

M. Aymeric Audenis, consultant

M. Patrice Hervé, marketing manager, en charge des affaires réglementaires (en support)

Mme Joséphine Clerf, consultante (en écoute)

Syndicat des énergies renouvelables (SER)*

M. Jules Nyssen, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

M. Jérémy Simon, délégué général adjoint

Mme Anne Georgelin, responsable éolien en mer, hydroélectricité et énergies marines renouvelables

M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P

Voies navigables de France (VNF)

M. Thierry Guimbaud, directeur général

Mme Virginie Mairey-Potier, directrice de l’infrastructure, de l’eau et de l’environnement (DIEE)

Mme Muriel Mournetas, chargée des relations institutionnelles

Mme Christine Bourbon, responsable de la Division Qualité, Sécurité, Eau et Environnement

Association nationale des élus des bassins (ANEB)

M. Bruno Forel, président

M. Frédéric Molossi, co-président

Mme Catherine Grémillet, directrice

Mme Cyrielle Briand, directrice des projets

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA)

M. Pascal Berteaud, directeur général

Table ronde « filières animales » :

Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (Interbev)*

M. Guillaume Gauthier, référent environnement et éleveur de bovins

Mme Emma André, chargée de mission environnement

M. Christophe Lapasin, en charge des sujets environnementaux pour le secteur de la production et la préparation de viande

Interprofession nationale porcine (Inaporc)

Mme Anne Richard, directrice

Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel)*

M. Stéphane Joandel, administrateur FNPL

M. François-Xavier Huard, président de la FNIL

M. Remi Arbogast, consultant APCO pour le Cniel

 

 

 

 

Table ronde spécifique « filières végétales, grandes cultures, vins et autres alcools » :

INTERFEL*

M. Jean-Michel Delannoy, vice-président

M. Ludovic Guinard, directeur général délégué

M. Olivier de Carne, directeur Stratégies Filières, International et Affaires juridiques

Brasseurs de France*

Mme Magali Filhue, déléguée générale de Brasseurs de France

Anivin*

M. Serge Tintané, président

Mme Valérie Pajotin, directrice

Union Française des Semenciers (UFS)*

M. Didier Nury, président

Mme Rachel Blumel, directrice générale

VALHOR – filière horticole française

Mme Catherine Muller, présidente

M. Jean-Marc Vasse, délégué général

Mme Sophie Aïlane, présidente du cabinet Rhea, conseil de la filière horticole française

Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT)*

M. Arnaud Delacour, président

M. Bertrand Ouillon, délégué général

Intercéréales*

M. Jean-Philippe Jelu, président des Malteurs de France

M. Franck Laborde, président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM)

M. Maxime Costilhes, directeur général d’Intercéréales

 

 

 

 

Table ronde agences de l’eau et comités de bassin :

Bassin Rhône-Méditerranée Corse

M. Benoît Boucher, vice-président du comité de bassin

M. Nicolas Chantepy, directeur général adjoint de l’agence de l’eau

Bassin Loire-Bretagne

M. Thierry Burlot, président du comité de bassin

M. Martin Gutton, directeur général de l’agence de l’eau

Bassin Adour-Garonne

M. Jean-Louis Cazaubon, vice-président du comité de bassin

Mme Aude Witten, directrice générale adjointe de l’agence de l’eau

Bassin Seine-Normandie

Mme Sandrine Rocard, directrice générale de l’agence de l’eau

EDF*

Mme Cécile Laugier, directrice environnement et prospective à la division production nucléaire

M. Bruno de Chergé, directeur des relations institutionnelles et régulations d’EDFhydro

Véolia France*

M. Jean-François Nogrette, directeur général France

M. Tristan Mathieu, directeur des affaires publiques eau France

M. Pascal Condomitti, directeur délégué Affaires publiques

Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l’eau (Fenarive)*

M. Christian Lecussan, président

Mobilians*

M. Jean-Luc Cottet, président de la branche lavage de Mobilians

M. Francis Pousse, vice-président de la branche lavage de Mobilians

M. Frédéric Geney, responsable relations extérieures et Institutionnelles

 

 

 

FP2E Les Entreprises de l’eau

Mme Aurélie Colas, déléguée générale

M. Olivier Grunberg, vice-président

M. Christophe Tanguy, membre du bureau

Audition commune :

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)*

Mme Clothilde d’Argentré, chef de projets filières et environnement à l’association des entreprises agroalimentaires bretonnes

M. Rémi Aubry, directeur pôle process industriels et environnement du syndicat national des fabricants de sucre

M. Simon Foucault, directeur affaires publiques

Institut de liaisons des entreprises de consommation (ILEC)*

M. Antoine Quentin, directeur des affaires publiques

Mme Evangéline Baeyens, directrice du comité environnement

Mme Claire Algrain, chargée de mission au bureau RSE de l’ILEC

Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (ADEPALE)*

Mme Sonia Litman, directrice réglementation et qualité

M. Glenn Beugnot, directeur affaires publiques

Mme Solène Chambard, responsable environnement

Union nationale des entreprises du paysage (UNEP)

M. Hervé Lançon, secrétaire général adjoint

M. Paul Del Pozo, trésorier adjoint

M. Florent Boulier, directeur du pôle technique environnement marchés

M. Bryan Bomy, chargé de mission en affaires publiques

France eau publique

M. Christophe Lome, président du réseau France eau publique, vice-président de Grand Besançon Métropole

Mme Danielle Mametz, vice-présidente de Noréade, les régies du SIDEN-SIAN, vice-présidente du réseau France Eau Publique

Mme Anne Grosperrin, présidente de la régie eau publique du Grand Lyon, vice‑présidente de Grand Lyon Métropole

M. Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau

Syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles (SESEMN)*

M. Samuel Vauthrin, secrétaire général adjoint Sources Alma – responsable ressource en eau

M. Antoine Cardon, délégué général

La maison des eaux minérales naturelles (MEMN)

M. Denis Cans, président

M. Sébastien Jacques, délégué général

Mme Zineb Ghafoor, Image 7

Mme Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, co-présidente du groupe n°1 du GIEC

Audition commune :

Confédération des Acteurs du tourisme (CAT)*

M. Jean Virgile Crance, président du Groupement national des chaines hôtelières (GNC) et président de la CAT

M. Nicolas Dayot, président de la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air (FNHPA) et vice-président de la CAT

M. Pierre-Louis Roucariès, coprésident de l’Union Française des Métiers de l’Événement (Unimev) et vice-président de la CAT

M. Guillaume Lemière, coordinateur des acteurs du tourisme

Domaines skiables de France

M. Alexandre Maulin, président des Domaines Skiables de France et vice-président de la CAT

M. Laurent Reynaud, délégué général

Table ronde des offices de l’eau :

Office de l’eau Réunion

M. Faïçal Badat, directeur du développement durable des territoires, adjoint auprès du directeur général

Office de l’eau Martinique

M. Loïc Mangeot, directeur adjoint en charge de la connaissance et des interventions

Office de l’eau Guyane

Mme Myriane Inimod, directrice par intérim et responsable du pôle technique territoriale

Office de l’eau Guadeloupe

M. Dominique Laban, directeur

Conseil économique, social et environnemental de Mayotte

M. Abdou Dahalani, président

Audition commune :

Fédération Nationale des Courses Hippiques

M. Pierre Préaud, secrétaire général

M. Tanguy Courtois, chargé d’affaires publiques

Fédération Française d’Équitation (FFE)*

Mme Anissa Salhi, chargée de projets Affaires européennes et juridiques

M. Frédéric Bouix, directeur général

Fédération Nationale Professionnelle de Loueurs de Canoës Kayak (FNPLCK)

M. Philippe Colomy, vice-président

M. Yoann Heurtevent, trésorier

Mme Jeanne Nicollet, trésorière adjointe

Fédération française de golf (FFGOLF)*

M. Pascal Grizot, président

Mme Sylvianne Villaudière, vice-Présidente

Table ronde :

France nature environnement (FNE)*

M. Alexis Guilpart et M. André Berne, du réseau Eau et milieux aquatiques

Les Amis de la Terre*

M. Frédéric Amiel, coordinateur

M. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire

Audition commune :

M. Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio, président de la communauté de communes du Sud Corse et conseiller territorial à l’Assemblée de Corse

M. Saveriu Luciani, conseiller territorial à l’Assemblée de Corse et ancien présidence de l’Office d’équipement hydraulique de la Corse

M. Nicolas Cucchi, maire de Zonza

M. Jean-Jacques Ciccolini, maire de Cozzano et président de l’association des maires de Corse-du-Sud

Suez*

M. Pierre Pauliac, directeur Général, Division Eau monde, membre du comité exécutif

M. Arnaud Bazire, directeur général Délégué Eau France

M. Vincent Menuet, directeur des Affaires Publiques groupe

M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État à l’écologie, accompagnée de :

Mme Amélie Coantic, directrice de cabinet

Mme Anastasia Wolff, conseillère

Mme Emmanuelle Dufourt, conseillère parlementaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


—  1  —

Personnes entendues
lors des dÉplacements de la mission

Personnes rencontrées et députés présents
lors du déplacement dans la Nièvre

Mme Régine Roy – présidente de la communauté de communes du Sud-Nivernais

M. Michel Martin – 1er adjoint de la mairie d’Imphy

Mme Sandra Germain – suppléante de Patrice Perrot

Mme Marine Landrier Guittet – collaboratrice de Mme Sandra Germain

Territoire d’Industrie Val de Loire

M. David Szimysky, chef de projet Rebond industriel

M. Jean Pierre Château - Communauté de communes Les Bertranges : vice-président en charge du développement économique.

M. Jean-Christophe Trontin - directeur APERAM

M. Philippe Machecourt - membre associé de la CCI Nièvre

Syndicat d’eau Imphy

M. Frédéric Desforges

Mme Laurence Lievin

Agence de l’eau Loire Bretagne

M. Valéry Morard – directeur Général Adjoint

M. Bruno Texier – délégation allier Loire

M. Romain Gemble – agent de développement économique et agricole de la Communauté de communes Bazois Loire Morvan

M. Florent Point – président Jeunes Agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté

M. Thibaut Renaud, exploitant en Saône-et-Loire

M. Serge Caillot, maire de Charrin

M. Emmanuel Bernard, président de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de la Nièvre

Chambre d’agriculture de la Nièvre

M. Didier Ramet, président de la chambre d'agriculture de la Nièvre

Mme Béatrice Jenner - Conseillère - Eau et Agriculture

Association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) La Brème de Decize

M. Vajdic Laurent, présidentv

Étangs de France Nivernais-Morvan

M. Jean de Gesnais – Président

Voies navigables de France

M. Joseph De Campos responsable du Centre de maintenance, d'exploitation et d'intervention (CEMI) de Decize

M. Olivier Fauriel, directeur Centre-Bourgogne,

M. Cédric Gibert, responsable innovation

Mme Laura Trigo, chargée des relations institutionnelles et innovation

M. Henri Compère, vice-président de la fédération de pêche de la Nièvre

M. Jean-Louis Meynier responsable régional - Energies Maintenance - KELAG International

M. Frank Bréfort, directeur du port de la Jonction à Decize

Communauté de communes Sud Nivernais

M. David Colas, 9ème vice-président

M. Moustapha Chouireb, directeur général des services

Centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) Electricité de France (EDF) de Belleville-sur-Loire

M. José de Carvalho, directeur de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire

M. Didier Bouletreault, chef de mission prévention des risques et environnement

Mme Pauline Devie-Joly, chargée de communication

Députés présents lors de ce déplacement, hors les rapporteurs

M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, accompagné par son collaborateur, M. Thibault Colombier

Mme Perrine Goulet, députée

M. Descrozaille, député, accompagné de son collaborateur M. Mehmet Ceylan

M. Eric Martineau, député

Stéphane Vojetta, député

Mme Nicole Le Peih, députée

Mme Sandra Marsaud, députée

*

* *


—  1  —

Personnes entendues lors du déplacement en Charente

Visite de la société SNGC et bétons, rencontre avec :

M. Tony Bonifaci, directeur général

M. Benoît Delage, directeur de la préfabrication

M. Bastien Champion, alternant

M. Bastien Luchain, assistant directeur de la préfabrication

Rencontre avec l’organisme unique de gestion de l’eau agricole (OUGC), Charente Amont

M. Sébastien Scheffer, président

Mme Cécile Gatard, coordinatrice

Rencontre avec M. Corentin Beaussant, chargé de mission sports de nature au département de la Charente

Rencontre avec Charente eaux, présentation des différentes missions, appuis, et expertises dans le domaine de l’eau

M. Canit, président de Charente eaux, conseiller départemental et maire de
Saint-Sornin

M. Mickaël Villegé, vice-président de Charente eaux et vice-président « cycle de l’eau » à Grand Cognac.

M. Marc Lambert, directeur de Charente eaux

M. Yoann Lavaud, responsable service assistance à l’exploitation en assainissement

M. Hugues Chaboureau, chargé de mission eau et agriculture

M. François Condemine, chargé de mission eau et agriculture

Visite de l’exploitation agricole à Marillac Le Franc de M. Chauvin, agriculteur céréalier pratiquant l’agriculture de conservation.

Échanges avec M. Chauvin et M. Christian, agriculteurs.

Visite de la ferme en aquaponie de M. Benoît Desormeaux et de Mme Jehanne Desormeaux


([1]) Chiffres rappelés dans le rapport annuel de la Cour des comptes 2023, dans sa partie consacrée à la gouvernance de l’eau.

([2]) La gestion quantitative de l’eau – Note du CGAAER à partir des chiffres du recensement agricole 2020

([3]) https://www.cerema.fr/fr/actualites/eaux-non-conventionnelles-solution-face-augmentation  

([4]) Voir la description de la gouvernance dans la première partie du présent rapport.

([5]) Source : BRGM, avril 2023

([6]) Consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mieau/l15b1101_rapport-information#

([7])  Consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information#

([8]) Consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ceeau/l15b4376_rapport-enquete#  

([9]) Consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf

([10]) Consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r21-580/r21-5801.pdf

([11]) M. Philippe BOLO, député, et M. Gérard LONGUET, sénateur, rapport au nom de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques sur les aspects scientifiques et technologiques de la gestion quantitative de l’eau, 17 mars 2022, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r21-580/r21-580.html

([12]) La Niña est un phénomène climatique ayant pour origine une anomalie thermique des eaux équatoriales de surface (premières dizaines de mètres) de l’océan Pacifique centre et est caractérisée par une température anormalement basse de ces eaux qui est favorable à un refroidissement local. Les épisodes La Niña surviennent tous les quatre à cinq ans et durent en général un à deux ans.

([13]) M. Philippe BOLO, député, et M. Gérard LONGUET, sénateur, rapport au nom de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques sur les aspects scientifiques et technologiques de la gestion quantitative de l’eau, 17 mars 2022, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r21-580/r21-580.html

([14]) Cité par le rapport sénatorial de 2022 (voir supra)

([15]) Moyenne 2010-2019, chiffres cités dans le plan gouvernemental « Eau » de 2023.

([16]) Voir, sur ce point, le rapport sénatorial n° 142 (2022-2023) de Mmes Catherine BELRHITI, Cécile CUKIERMAN, MM. Alain RICHARD et Jean SOL, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022, Éviter la panne sèche – Huit questions sur l’avenir de l’eau, consultable en ligne :

([17]) Gary Dagorn, Léa Sanchez, « Quelles quantités d’eau sont prélevées et consommées par la population, les usines et l’agriculture », Le Monde, 1er avril 2023, consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/04/01/usines-agriculture-eau-potable-quelles-quantites-d-eau-sont-prelevees-et-consommees-par-secteur_6167836_4355770.html  

([18]) Consultable en ligne : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2022/2022_15_gestion_eau.pdf

([19]) Consultable en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32000L0060

([20]) Entendu comme bon état biologique, chimique, physico-chimique et hydromorphologique

([21]) Cette notion est ainsi définie par la directive : les substances ou groupes de substances qui sont toxiques, persistantes et bioaccumulables, et autres substances ou groupes de substances qui sont considérées, à un degré équivalent, comme sujettes à caution

([22]) Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000418424

([23]) Art. L. 1321-1 A du code de la santé publique

([24]) Police de l’eau et des milieux aquatiques, la police de la pêche et la police des installations classées.

([25]) La MISEN réunit ainsi la direction départementale des territoires (DDT) ; le bureau « environnement » de la préfecture (DRCL) ; la direction régionale de l’environnement, l’aménagement et du logement (DREAL) en tant qu’animateur et coordonnateur régional de la politique de l’eau et responsable de la police des installations classées ; la direction départementale de protection des populations (DDPP) ; la direction départementale de la cohésion sociale et de protection des populations (DDCS ou DDCSPP) ; l’agence régionale de santé (ARS) ; l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’agence de l’eau du bassin concerné.

([26]) https://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210422113.html

([27]) https://www.senat.fr/cra/s20191119/s20191119_6.html

([28])https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2019.05.07%20Instruct%C2%B0%20Gvt%20PTGE%20sign%C3%A9e.pdf

([29]) Le processus biologique d’auto-épuration permet aux cours d’eau et aux lacs d’éliminer ces pollutions grâce aux bactéries et aux algues. Aujourd’hui, l’étendue des pollutions est telle que la nature ne parvient pas seule à résorber la pollution des milieux aquatiques.

([30]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

([31]) Encore en discussion au Parlement à l’heure où ce rapport est publié.

([32]) Chiffres rappelés dans le rapport annuel de la Cour des comptes précité.

([33]) En 2019, 43,1 % des masses d’eau superficielle françaises affichaient un bon ou très bon état écologique, contre 41,4 en 2010. De même, en 2019, 66,9 % des masses d’eau superficielle et 70,7 % des masses d’eau souterraine présentaient un bon état chimique, contre 51,2 % et 58,9 % en 2010.

([34]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-synthese-des-connaissances-en-2022?rubrique=44&dossier=1028186

([35]) idem

([36]) Les autres motifs concernent la rationalisation des réseaux de production et de distribution (24,4 %), des problématiques administratives (14,4 %), des débits de production trop faibles (9,2 %), des dégradations trop importantes des équipements (9,4 %) ou l’impossibilité d’assurer la protection de la ressource (5,7 %). La cause de l’abandon n’est pas connue pour 4 % des cas.

([37]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-synthese-des-connaissances-en-2022

([38]) Idem.

([39]) Site du ministère de la transition écologique, consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/plan-daction-ministeriel-sur-pfas

([40]) Article du journal Le Monde, consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/24/polluants-eternels-en-france-pres-de-1-000-sites-contamines-largement-ignores_6163113_4355770.html

([41]) Source : ARS, consultable en ligne : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/pfas-focus-sur-la-situation-au-sud-de-lyon

([42]) Ministère de la transition écologique, consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/plan-daction-ministeriel-sur-pfas

([43]) Ibid

([44]) Source : Le Monde, consulatble en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/24/polluants-eternels-en-france-pres-de-1-000-sites-contamines-largement-ignores_6163113_4355770.html

([45]) CESE, avis de 2022 La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre-mer, consultable en ligne : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2022/2022_15_gestion_eau.pdf

([46]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-synthese-des-connaissances-en-2022

 

([47]) Idem

([48]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-synthese-des-connaissances-en-2022

([49]) Voir le rapport de la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires conduite par Mme  Justine Bénin (2019), consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cechlordec/l15b2440-ti_rapport-enquete#

([50]) L’indice d’évolution des pesticides dans les cours d’eau est extrait du cumul des concentrations moyennes annuelles, pondérées par le seuil d’écotoxicité propre à chaque pesticide.

([51]) Eaux et milieux aquatiques : les chiffres clés - Édition 2020

([52]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/datalab_80_chiffres_cles_eau_edition_2020_decembre2020v2.pdf

([53]) Consultable en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/PPV2021AST0088Ra.pdf  

([54]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/datalab_80_chiffres_cles_eau_edition_2020_decembre2020v2.pdf

([55]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-synthese-des-connaissances-en-2022

([56]) https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/2020-12/datalab_80_chiffres_cles_eau_edition_2020_decembre2020.pdf

([57]) https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-142.html

([58])  Le guide national sur la sécheresse publié en 2022 a fait l’objet d’une version révisée en 2023.

([59]) http://www.confederationpaysanne.fr/actu.php?id=11890&PHPSESSID=a1499b6e13e

([60]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/21/le-varenne-agricole-de-l-eau-ne-fait-pas-l-unanimite_6099428_3244.html

([61]) Document de synthèse du 6e rapport d’évaluation du GIEC, mars 2023, consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20250_4pages-GIEC-2.pdf

([62]) Consultable en ligne :
https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/downloads/report/IPCC_AR6_WGII_Chapter04.pdf

([63]) Rapport sur l’état du climat en Europe, élaboré conjointement par l’OMM et le Service Copernicus de surveillance du changement climatique (C3S), 2 novembre 2022

([64]) Rapport de l’IGA, de l’IGEDD et du CGAAER, Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022, mars 2023, consultable en ligne :
https://www.interieur.gouv.fr/content/download/134312/1064997/file/22087R-Retex-secheresse-2022.pdf

([65]) Source : Réseau de transport d’électricité (RTE), cité par le rapport l’Inspection générale de l’administration (IGA), de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

([66]) Moyenne 2010-2019, citée dans le dossier de presse du plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, « 53 mesures pour l’eau, mars 2023 »

([67]) Source : rapport du Sénat (2022) précité et ministère de la transition écologique (MTE), fiche consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/secheresse

([68]) Sami Bouarfa, « Irrigation en France, quels leviers pour économiser de l’eau ? », La Revue parlementaire,

([69]) Source : France Nature Environnement (FNE), à partir des données issues du recensement agricole général. Voir aussi : Angela Bolis, « Les surfaces irriguées en hausse depuis dix ans en France », Le Monde, 27 juin 2022,

([70]) La gestion quantitative de l’eau – Note du CGAAER à partir des chiffres du recensement agricole 2020

([71]) Source : rapport du Sénat (2022) précité

([72]) Source : INRAe, dossier revue précité, consultable en ligne : https://www.inrae.fr/dossiers/lagriculture-va-t-elle-manquer-deau/irriguer-differemment

([73]) https://agriculture.gouv.fr/telecharger/136452

([74]) https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/180523/derriere-les-megabassines-la-cacg-un-dinosaure-de-la-gestion-de-l-eau

([75]) Consultable en ligne :
https://www.inrae.fr/dossiers/lagriculture-va-t-elle-manquer-deau/irriguer-differemment

([76]) CGAEER, La gestion quantitative de l’eau, avril 2023, consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/136452

([77]) idem.

([78]) Note de mars-avril 2023 du CGAAER, https://agriculture.gouv.fr/la-gestion-quantitative-de-leau

([79]) Article du site en ligne Contexte du 22 avril 2023, https://www.contexte.com/article/agro/en-matiere-de-gestion-de-leau-les-chercheurs-de-linrae-appellent-a-une-revolution-agricole_167464.html#:~ :text=Eau %20%2D%20Environnement-,

([80]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/28/confrontee-a-une-canicule-precoce-et-une-secheresse-majeure-l-espagne-s-interroge-sur-sa-gestion-de-l-eau_6171315_3244.html

([81])  Florence Habets, hydrogéologue, tribune dans Le Monde, « Cette sécheresse doit nous rappeler l’urgence de modifier profondément notre trajectoire », 7 mars 2023, consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/07/florence-habets-hydroclimatologue-cette-secheresse-doit-nous-rappeler-l-urgence-de-modifier-profondement-notre-trajectoire_6164474_3232.html

([82]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM

([83]) Emmanuel Macron, Adresse aux Français, 12 mars 2020 : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. »

([84]) Introduite par Tim Lang à la fin des années 1990, cette notion est présentée, dans un premier temps comme contrepoint au pouvoir exercé par les firmes internationales de l’agroalimentaire (Lang, 1998) Cette notion, s’enrichissant au fil des travaux de recherche l’idée est que les citoyens reprennent la main sur leurs systèmes alimentaires, c’est-à-dire sur la façon d’organiser, dans l’espace et dans le temps, la production, la distribution et la consommation de leur nourriture (Malassis, 1994).

([85]) Rapport d’information n° 142 (2022-2023) de Mmes Catherine BELRHITI , Cécile CUKIERMAN , MM. Alain RICHARD et Jean SOL, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022, Éviter la panne sèche - Huit questions sur l’avenir de l’eau, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf

([86]) Consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/136479

([87]) https://www.ouest-france.fr/normandie/coutances-50200/bocage-dans-la-manche-l-association-manche-nature-se-pose-en-lanceur-d-alertes-f8f521e8-dd78-11eb-8229-722c0b385f7f

([88]) https://agriculture.gouv.fr/rapport-du-cgaaer-cgedd-changement-climatique-eau-et-agriculture-dici-2050

([89]) 80 % des irrigants utiliseraient l’aspersion, d’après Sami Bouarfa (article précité)

([90]) Bouarfa (Sami), « Irrigation en France, quels leviers pour économiser de l’eau ? », La Revue parlementaire, 2020

([91]) https://agriculture.gouv.fr/telecharger/122908

([92]) Consultable en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000824713

([93]) CGAAER n° 19089 et CGEDD n° 13017-01, Bilan du dispositif des organismes uniques de gestion collective (OUGC) des prélèvements d’eau pour l’irrigation, octobre 2020, consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/120741

([94]) Inspection générale de l’environnement et du eéveloppement durable, inspection générale de l’administration et conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022, 11 avril 2023, consultable en ligne : https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/288987.pdf

([95]) Source : rapport précité du Sénat

([96]) Consultable en ligne : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-impact-cumule-retenues-d-eau-synthese.doc.pdf

([97]) Florence Habets, « Barrages et réservoirs : leurs effets pervers en cas de sécheresses longues », The Conversation, 2019

([98]) La régie intercommunale de l’assainissement de Mont-de-Marsan a entrepris fin 2018 la réalisation de trois bassins de stockage des eaux usées et d’un ensemble d’ouvrages annexes d’assainissement (réseaux, postes de refoulement). Pour plus d’éléments, le lecteur se reportera utilement à leur site internet : https://montdemarsanagglo-eau.fr/article/bassins-de-stockage-des-eaux-usees

([99]) Avis de Pascal Guihéneuf et Serge Le Quéau, « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) face aux changements climatiques ? », avril 2023, consultable en ligne : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Fiches/2023/FI08_gestion_eau.pdf

([100]) Chiffres actualisés du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2022

 

([101]) Cour des comptes, rapport portant sur l’adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires, 21 mars 2023 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ladaptation-au-changement-climatique-du-parc-des-reacteurs-nucleaire

([102]) Voir par exemple la décision n° 2022-DC-0726 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 28 juin 2022.

([103]) Autorité de sûreté nucléaire, citée par le rapport sénatorial « pour une approche systémique de l’adaptation des centrales nucléaires au changement climatique », 21 mars 2023. Disponible en ligne : Pour une approche systémique de l’adaptation des centrales nucléaires au changement climatique - Sénat (senat.fr)

([104]) Le niveau d’étiage retenu correspond au niveau associé au débit du fleuve qui n’est observé qu’une fois tous les 1 000 ans, pénalisé de 15 %.

([105]) https://www.bfmtv.com/environnement/le-debit-du-rhone-pourrait-chuter-de-10-a-40-d-ici-2050_AV-202009090151.html#:~ :text=Le %20fleuve %20risque %20de %20subir,baisse %20de %20débit %20du %20Rhône.

([106]) Hydroélectricité | Ministères Écologie Énergie Territoires (ecologie.gouv.fr)  

([107]) Chiffres transmis par EDF

([108]) Données transmises par réponse écrite du cabinet du ministre chargé de l’industrie. Voir également : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2023-05/datalab_essentiel_310_prelevement_eau_france_2020_juin2023.pdf

([109]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/10/a-grenoble-l-agrandissement-de-stmicroelectronics-relance-la-question-du-partage-de-l-eau_6177027_3244.html

([110]) https://reporterre.net/En-Isere-l-industrie-electronique-boit-toute-l-eau

([111]) Source : site internet Coca-Cola

([112]) https://www.liberation.fr/environnement/nappe-phreatique-la-communiste-grigny-et-la-multinationale-coca-cola-negocient-sec-20230429_TSNFSATAYNH7NEWJ6VSMRSH5NE/

([113]) https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/retour-d-experience-sur-la-gestion-de-l-eau-lors-a3735.html

([114])  https://www.challenges.fr/green-economie/eau-l-industrie-va-aussi-devoir-se-convertir-a-la-sobriete-hydrique_843288

([115]) https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/secheresse-nestle-waters-ferme-deux-forages-deau-hepar-1941031

([116]) L’audition de la Confédération des acteurs du tourisme (CAT) a été menée par vos rapporteurs le 4 mai 2023.

([117]) Courrier adressé par la CAT à M. Christophe Béchu, en date du 4 mai 2023

([118]) Consultable en ligne : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Guide_circulaire_restriction_usages_eau_secheresse.pdf

([119]) Inspection générale de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de l’administration et Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, Retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022

([120]) Le golf de Bois-Guy à Parigné (Bretagne) a développé une station de phytoépuration lui permettant de traiter chaque année 12 à 14km3 d’eaux usées issues du golf, du club house et de l’hôtel.

([121]) Consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf

([122])  Domaines Skiables de France est la chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables

([123]) Voir aussi le rapport d’information de Mme Marie-Noëlle Battistel et Laurence Gayte n° 5127, du 24 février 2022 sur le tourisme de montagne et les enjeux du changement climatique, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b5127_rapport-information#

([124]) Audition menée par vos rapporteurs le 4 mai 2023

([125]) Audition conjointe menée par vos rapporteurs le 11 mai 2023

([126]) La granulométrie est l’étude de la distribution statistique des tailles d’une collection d’éléments finis de matière naturelle ou fractionnée (sable, par exemple). L’analyse granulométrique est l’ensemble des opérations permettant de déterminer la distribution des tailles des éléments composant la collection

([127]) Audition conjointe menée par vos rapporteurs le 11 mai 2023

([128]) L’ensemble des données figurant au présent d) ont été transmises à vos rapporteurs par la FNPLCK

([129]) Service public d’information en ligne sur le risque de crues des principaux cours d’eau en France : https://www.vigicrues.gouv.fr/

([130]) Voir, par exemple, le rapport de l’ADEME, Efficacité énergétique et environnementale du transport fluvial de marchandises et de personnes (2019), consultable en ligne, ainsi que sa synthèse : https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/775-efficacite-energetique-et-environnementale-du-transport-fluvial-de-marchandises-et-de-personnes.html

([131]) Une tonne-kilomètre (t-km) est une unité de mesure correspondant au transport d’une tonne de marchandises (y compris le conditionnement et la tare des unités de transport intermodal) par un moyen de transport (route, rail, air, mer, voies navigables intérieures, gazoduc/oléoduc, etc.) sur une distance d’un kilomètre. Seule la distance parcourue sur le territoire national du pays déclarant est prise en compte pour le transport national, international et de transit (source : Eurostat).

([132]) Le projet Seine-Escaut est un réseau de 1 100 km de voies navigables répondant aux enjeux économiques et de développement durable européens, dont les financements européens, français et belges ont été confirmés depuis la signature le 27 juin 2019 par la Commission européenne de la décision d’exécution, « Implementing Act » (source : VNF)

([133]) Données : Voies Navigables de France (VNF)

([134]) Voir aussi le rapport d’information des députés Mme Nadia Essayan et M. Patrice Perrot, sur la prolifération des plantes invasives et les moyens pour endiguer cette situation, 21 juillet 2021, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b4391_rapport-information#

([135]) Le faucardage est l’opération consistant à couper et exporter les roseaux et herbacées poussant dans l’eau des fossés, rivières, canaux, watringues et autres étangs ou surfaces en eau afin de garantir le bon écoulement de l’eau et d’éviter « l’étouffement » des milieux naturels par une trop grande prolifération végétale.

([136]) Source : Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin de Corse pour la période 2022-2027

([137]) Ibid

([138]) Ibid

([139]) Ibid

([140]) Ibid

([141]) Carroué, Laurent. « Chapitre 13. Corse », La France des 13 régions, pp. 285-292.

([142]) Source : INSEE Flash Corse

([143]) Carroué, Laurent. « Chapitre 13. Corse », La France des 13 régions, pp. 285-292.

([144]) Comité de bassin de Corse, Tableau de bord du SDAGE (2019)

([145]) Ibid

([146]) Arrêté préfectoral 123/2019 du 3 juin 2019

([147]) Article 26 de la loi du 22 janvier 2002 codifié à l’article L. 4424-36 du code général des collectivités territoriales

([148]) Rapport du président du Conseil exécutif de Corse, « La politique de l’eau » (2023), p.11

([149]) Chambre régionale des comptes de Corse, « Collectivité de Corse - Exercice de la compétence relative à la gestion des ressources en eau » (2017)

([150]) Rapport d’information parlementaire de M. Loïc Prudhomme (président) et Mme Frédérique Tuffnell, (rapporteure) sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, 4 juin 2020, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3061_rapport-information# 

([151]) Rapport fait au nom de la commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, présidée par Mme Mathilde Panot et ayant pour rapporteur M. Olivier Serva, députés, 15 juillet 2021, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ceeau/l15b4376_rapport-enquete#

([152]) Rapport d’information n° 142 (2022-2023) de Mmes Catherine BELRHITI, Cécile CUKIERMAN, MM. Alain RICHARD et Jean SOL, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022, Éviter la panne sèche - Huit questions sur l’avenir de l’eau, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf  

([153])  Un captage est un ouvrage de prélèvement exploitant une ressource en eau, que ce soit en surface (prise d’eau en rivière) ou dans le sous-sol (forage ou puits atteignant un aquifère). Ces ouvrages peuvent servir à l’alimentation en eau potable, à l’irrigation ou aux usages domestiques et industriels. Ils sont soumis à un régime d’autorisation ou de déclaration (voir aussi la proposition n° 37 des rapporteurs sur les déclarations relatives aux forages).

([154]) Voir, par exemple, la carte établie par le journal Le Monde, « Polluants éternels » : explorez la carte d’Europe de la contamination par les PFAS, 23 février 2023, consultable en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html

([155]) Voir aussi la proposition de loi sur l’interdiction des « fermes-usines » de Mme Bénédicte Taurine, n° 4018, examinée en avril 2021, dont le dossier législatif est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/interdiction_fermes_usines

([156]) Sur la sécheresse de 2022 et ses conséquences, le lecteur se reportera utilement au 3 du II de la première partie du présent rapport intitulé « Premiers enseignements des situations de tension en France résultant des épisodes de sécheresse ».

([157]) Consultable en ligne : https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/288987.pdf

([158]) Précité, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf

([159]) https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/Ladaptation-dans-le-budget-de-lEtat.pdf

([160]) Définition établie par le groupe de travail national sur le recours aux Eaux Non Conventionnelles, animé par l’ASTEE et mandaté par les ministères en charge de la Transition Écologique et de la Santé https://www.cerema.fr/fr/actualites/eaux-non-conventionnelles-solution-face-augmentation

([161]) https://www.cerema.fr/fr/actualites/eaux-non-conventionnelles-solution-face-augmentation

([162]) À date, la consultation est ouverte jusqu’au 28 juin 2023.

([163]) Réponses écrites faites à vos rapporteurs.

([164]) Note précitée du CEREMA.

([165]) https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-pt-vue/eylmazzega_cassignol_geopolitique_dessalement_eau_mer_2022.pdf

([166]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/13/le-dessalement-de-l-eau-de-mer-en-plein-essor-malgre-son-cout-environnemental_6177369_3244.html

([167]) société d'État saoudienne exploitant des usines de dessalement et des centrales électriques.

([168]) La nappe alluviale est une nappe d’eau dont l’aquifère (nappe aquifère) est constitué par des alluvions et matériaux non consolidés déposés par des processus physiques dans un chenal de cours d’eau (fleuve, rivière) ou sur une plaine inondable

([169]) Rapport de l’OPECST précité (2022), consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r21-580/r21-5801.pdf

([170]) Rapport d’information n° 142 (2022-2023) de Mmes Catherine BELRHITI , Cécile CUKIERMAN , MM. Alain RICHARD et Jean SOL , fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 24 novembre 2022, Éviter la panne sèche – huit questions sur l’eau, consultable en ligne : https://www.senat.fr/rap/r22-142/r22-1421.pdf 

([171]) Voir la description de la gouvernance dans la première partie du présent rapport.

([172]) Chiffres issus de la note : Institute for Climate Economics, « L’adaptation dans le budget de l’État », Point Climat n° 65, novembre 2020

([173])  Directive (UE) 2020/2184 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16 décembre 2020
relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine

([174]) Voir aussi la proposition de loi sur l’interdiction des « fermes-usines » de Mme Bénédicte Taurine, n° 4018, examinée en avril 2021, dont le dossier législatif est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/interdiction_fermes_usines