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Note n° |
48 |
La géoingénierie |
Octobre 2025 |
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Crédit : ©iStock-1329744988 |
Résumé La problématique du réchauffement climatique a suscité le développement de techniques de géoingénierie pour tenter de modifier le climat. La gestion du rayonnement solaire, notamment par l’injection d’aérosols dans la stratosphère, est une technique encore incertaine, critiquée pour ses impacts et ses risques. Les techniques de captage et stockage du dioxyde de carbone (CO2) présentent des potentialités intéressantes mais ne sont pas encore toutes matures à un prix accessible. Ces techniques font l’objet de recherches qu’il convient de maîtriser au regard de leurs risques. |
Maxime Laisney, député Stéphane Piednoir, sénateur
Les Notes scientifiques de l'Office – n° 48 – La géoingénierie – octobre 2025 page 1
Depuis le XXe siècle, la Terre connaît un changement climatique majeur qui menace les écosystèmes et les sociétés humaines[i]. La température moyenne mondiale a augmenté de plus d’un degré depuis l’ère préindustrielle, et tout indique que cette hausse va se poursuivre[ii].
Les pays signataires de l’Accord de Paris pour le climat de 2015 sont convenus de contenir l’élévation de la température moyenne « nettement en dessous de 2°C » et de tenter de la limiter à 1,5°C au-dessus du niveau préindustriel. Le consensus scientifique actuel est qu’il est très probable que les 1,5°C seront bientôt atteints ou dépassés[iii].
Le changement climatique est pour l’essentiel d’origine anthropique. Sa principale cause est en effet l’émission de gaz à effet de serre (GES), dont le dioxyde de carbone et le méthane, produits par les activités humaines (énergie, transport, industrie, logement, agriculture, etc.)[iv]. Le principal moyen d’atténuer le réchauffement climatique est de réduire ces émissions[v]. La quantité de gaz à effet de serre émise pendant les prochaines années sera déterminante pour le respect de l’Accord de Paris.
Regroupées sous le terme de géoingénierie[vi], diverses techniques sont données comme complémentaires à la réduction des émissions de GES pour contrarier le cours du réchauffement climatique.
Selon une définition qui fait référence, la géoingénierie est la « manipulation délibérée à grande échelle de l’environnement planétaire destinée à contrecarrer le changement climatique d’origine anthropique »[vii]. Après avoir involontairement[viii] modifié le climat, nos sociétés devraient agir délibérément pour en limiter les impacts. La géoingénierie propose ainsi une autre approche de la mitigation du changement climatique que la sobriété. Elle vise à obtenir des effets à grande échelle, ce qui exclut les techniques localisées. Enfin, si la modification de la météo fait depuis longtemps l’objet d’expériences et de fantasmes[ix], elle n’a pas pour objet l’atténuation du changement climatique et n’entre donc pas dans le cadre de cette note.
La montée en puissance de la géoingénierie dans le champ scientifique est permise par des investissements massifs de multinationales de l’industrie des énergies fossiles, de la Tech et de la finance[x].
Les techniques de géoingénierie sont généralement divisées en deux catégories : celles visant à réduire l’énergie solaire absorbée par le système terrestre pour déplacer le point d’équilibre du bilan radiatif de la planète, appelées « gestion du rayonnement solaire » (GRS), et celles visant à capturer les GES présents dans l’atmosphère pour réduire l’effet de serre lui-même, regroupées sous l’expression « extraction du dioxyde de carbone » (EDC)[xi].
La gestion du rayonnement solaire (GRS)[xii] recouvre l’ensemble des techniques visant à modifier le bilan radiatif[xiii] du système terrestre par d’autres moyens que la diminution de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre. Les techniques qui en relèvent sont les plus controversées car elles ne s’attaquent pas aux causes du changement climatique et ne visent pas le retour aux équilibres du début du XXe siècle. Au contraire, elles tendent à créer un état physique de la Terre gouverné par des paramètres nouveaux. Or la Terre est un système complexe dans lequel les modifications d’un paramètre peuvent entraîner des effets secondaires imprévus[xiv]. Les promoteurs de la GRS sont pour cela parfois qualifiés par leurs opposants d’« apprentis sorciers[xv] ».
Il est important de constater que ces techniques ne diminuent pas la concentration atmosphérique du CO2[xvi]. Elles sont cependant défendues en tant que méthodes de dernier recours. Plus l’écart entre les températures observées et les trajectoires souhaitées s’accentuera, plus cet argument portera, notamment dans les pays les plus touchés par le réchauffement climatique.
Les méthodes de GRS sont nombreuses, et n’ont de limites que l’imagination des chercheurs. Certaines relèvent de la science-fiction, comme les miroirs spatiaux, tout en faisant parfois l’objet d’un certain engouement médiatique et de quelques recherches isolées. Cette note décrit les deux méthodes les plus avancées[xvii].
Parmi les techniques de GRS, l’injection d’aérosols stratosphériques (IAS) est souvent mise en avant. Elle consiste à disperser des aérosols dans la haute atmosphère, entre 15 et 25 km d’altitude. Par un phénomène analogue aux éruptions volcaniques[xviii], les particules dispersées devraient réfléchir le rayonnement solaire et provoquer un effet refroidissant. La méthode standard consisterait à utiliser des sulfates, dont la chimie est relativement maîtrisée.
La durée de vie des sulfates dans la stratosphère n’étant que de deux à trois ans, il faudrait périodiquement réitérer le processus pour garder un effet de refroidissement constant. Ceci nécessiterait de disposer d’un grand nombre d’avions stratosphériques capables d’emmener de façon régulière plusieurs tonnes de sulfate en altitude. Les promoteurs de l’IAS mettent en avant sa relative facilité de mise en place et son coût acceptable par comparaison avec d’autres méthodes. Cependant, ces arguments sont remis en question par les estimations actuelles, qui tendent à montrer que le prix de cette technique a été sous-estimé et qu’elle coûterait entre quelques dizaines de milliards et une centaine de milliards de dollars par an et par degré de refroidissement[xix].
L’IAS connaît aussi des problèmes rédhibitoires. D’abord, l’utilisation prolongée de sulfates risque d’engendrer des pluies acides[xx] et d’endommager la couche d’ozone. Par ailleurs, l’effet des aérosols sur le réchauffement devrait être peu homogène sur la surface du globe et provoquer des perturbations du système hydrologique terrestre, engendrant par exemple de graves conséquences sur la mousson asiatique. Cette technique ferait ainsi peser des risques sur l’approvisionnement alimentaire[xxi].
Une autre technique de GRS consiste à utiliser la dispersion d’eau de mer par bateau dans les nuages troposphériques pour les rendre plus réfléchissants et bloquer ainsi une partie du rayonnement solaire. Cette méthode repose sur des bases scientifiques nettement moins avancées que l’IAS mais a déjà fait l’objet de plusieurs expériences, en particulier autour de la Grande barrière de corail[xxii]. Les impacts de cette technique en cas de déploiement massif seraient similaires à ceux de l’IAS[xxiii], et son efficacité reste très incertaine. Son effet serait en particulier limité à quelques jours, au plus, et resterait relativement localisé, à moins d’y consacrer des moyens autrement plus importants que ceux que nécessiterait l’IAS.
Si ces technologies devaient être déployées à grande échelle, elles risqueraient de placer les sociétés humaines dans une situation de verrouillage socio-technique imposant leur utilisation constante. En effet, une fois pris le chemin de la GRS, il est difficile de revenir en arrière rapidement sans causer un choc terminal. Le CO2 ayant une durée de vie beaucoup plus longue dans l’atmosphère que les aérosols utilisés pour contrecarrer ses effets, un arrêt soudain[xxiv] de la GRS pourrait conduire à une remontée brutale et inédite de la température globale.
La GRS apparaît ainsi comme un exemple de mal-adaptation au changement climatique : au lieu d’augmenter la résilience face à la crise climatique, elle fragiliserait le système. En contribuant à la création d’un climat global nouveau et instable dans une situation de réchauffement déjà critique, elle participerait à l’aggravation des problèmes plutôt qu’à leur résolution. Le fait que des pays très émetteurs de CO2 soient les plus gros investisseurs dans la GRS[xxv] laisse aussi penser qu’elle pourrait constituer pour eux un moyen de continuer à utiliser les énergies fossiles.
Ces méthodes sont peu développées en Europe, et a fortiori en France. Un avis récent du Comité d’éthique du CNRS[xxvi] considère la GRS comme relevant des sciences à risque et recommande en conséquence d’orienter prioritairement la recherche vers la surveillance et l’évaluation des impacts de la GRS, plutôt que vers son déploiement effectif[xxvii].
Les activités humaines émettent annuellement entre 50 et 55 Gt d’équivalent CO2[xxviii]. Ces émissions continuent à croître, bien que moins fortement qu’au cours des décennies précédentes.
Chaque année, environ la moitié du CO2 émis est captée par les puits naturels de carbone que sont les océans, les forêts et les sols[xxix]. La moitié non captée contribue donc à augmenter la concentration atmosphérique de ce gaz à effet de serre. Les techniques d’EDC visent à améliorer ce captage naturel ou à s’y ajouter[xxx].
Recourir à la forêt pour capter plus de carbone est a priori l’une des solutions les plus simples. Elle soulève pourtant un certain nombre de difficultés[xxxi].
En 2024, 6,7 Mha de forêts primaires ont été détruits, ce qui a conduit à l’émission de 4,1 Gt de CO2[xxxii]. La lutte contre la déforestation est donc indispensable pour maintenir l’absorption de CO2 en quantités significatives. Il en est de même pour la foresterie en général et ses deux volets : la reforestation, qui vise à planter des arbres dans une zone anciennement déforestée, et l’afforestation, qui a pour objet de créer une nouvelle forêt[xxxiii].
La dimension quasi naturelle[xxxiv] de ces techniques leur confère un bon degré d’acceptation. Pour être efficaces, elles nécessiteraient toutefois un déploiement bien plus large qu’actuellement, ce qui créerait une concurrence dans l’usage des sols, par exemple vis-à-vis des terres agricoles. Une étude[xxxv] agrégeant les engagements de 194 États conclut au besoin de changement d’utilisation de 3 millions de km² de terres au profit de la reforestation entre 2020 et 2060[xxxvi]. La capacité de captage du CO2 par hectare des zones tropicales étant nettement supérieure, les questions de localisation optimale et d’équité entre les pays doivent être prises en compte.
Les forêts peuvent parallèlement être impactées négativement par le réchauffement climatique et voir leur potentiel de captage être réduit[xxxvii]. Le soin mis à la plantation des arbres influence grandement ce même potentiel, ce qui appelle à suivre précisément les quantités de CO2 réellement absorbées[xxxviii].
Enfin, la foresterie ne permet pas un captage illimité du CO2, car le vieillissement des forêts diminue leur capacité d’extraction. La forêt atteint alors un stade d’équilibre, dans lequel les quantités de CO2 émises et captées se compensent, après avoir néanmoins stocké une quantité nette de carbone sur l’ensemble de sa durée de vie[xxxix]. Si la foresterie fait partie des outils permettant d’atténuer le changement climatique, elle ne peut donc à elle seule absorber l’ensemble des émissions anthropiques[xl].
Aujourd’hui, la décarbonation de l’industrie passerait notamment par le captage et stockage du CO2 en sortie d’usine (CSC)[xli]. Il peut représenter une solution pour faire face à la décarbonation des émissions incompressibles. L’ADEME rappelle cependant que le CSC doit rester le dernier levier après la sobriété, l’efficacité, la modification des intrants et le recyclage des matières, et appelle à mettre en place un « merit order » des solutions.
Le CSC fait intervenir des filtres et des solvants absorbeurs pour capter le CO2 en sortie des cheminées d’usine[xlii]. Celui-ci doit ensuite être transporté puis stocké de manière pérenne, idéalement pour des milliers d’années, ou bien valorisé[xliii]. Les pistes de valorisation s’orientent vers le développement des e-carburants et les procédés chimiques[xliv]. Ceci a un coût, notamment énergétique. Le reste de la chaîne du CSC doit également être pris en compte : le transport et le stockage, qui génèrent un coût économique élevé et peuvent engendrer d’autres risques[xlv], notamment des fuites de CO2[xlvi]. La capacité française de stockage en sous-sol a été estimée par l’étude EVASTOCO2 à 4,8 Gt de CO2[xlvii].
Le CSC est encore peu développé mais plusieurs acteurs commencent à se positionner sur ce secteur, y compris des acteurs français car la France a récemment levé un obstacle juridique à l’exportation de CO2[xlviii].
Le CSC ne relève pas strictement de la géoingénierie, car il n’engendre pas d’émissions négatives. En revanche il est à la base de plusieurs techniques d’EDC, au premier rang desquelles la bioénergie avec capture et séquestration du carbone (BECSC). Celle-ci consiste à coupler les centrales d’énergie fonctionnant à la biomasse à un dispositif de CSC. Les émissions sont alors captées et stockées en utilisant l’énergie décarbonée que ces centrales produisent. La BESC conduit donc globalement à des émissions négatives, sous réserve d’un stockage pérenne du CO2. Si cette méthode est prometteuse, elle a pour contrepartie la forte emprise sur les terres que nécessite la production de biomasse[xlix]
Une technique alternative pourrait éviter ces problèmes : la capture directe dans l’air et séquestration (CDAS). Elle ne repose pas sur la photosynthèse pour capter le carbone, mais sur des processus chimiques – en pratique, des solvants et des filtres similaires à ceux utilisés pour le CSC en sortie de cheminée. Mais la capture est plus difficile car elle se fait à partir de l’air ambiant, où la concentration du CO2 est inférieure de plusieurs ordres de grandeur à celles rencontrées en sortie de cheminée.
La CDAS a deux avantages principaux. Comme la BECSC, elle permet des émissions négatives si elle est associée à un stockage durable, idéalement prévu pour des millénaires[l]. De plus, ses installations ne nécessitent pas d’être localisées à des endroits précis (près de forêts ou d’une zone industrielle) et peuvent donc être situées sur les lieux de stockage, ce qui résout d’emblée la problématique du transport.
La technologie est encore peu mature[li]. Le captage dans l’air exige de grandes installations et d’importantes quantités d’énergie et d’eau. Le coût à la tonne de CO2 captée est estimé à plusieurs fois le prix actuel de la tonne sur les marchés carbone[lii] et devrait attendre longtemps avant de devenir compétitif. Un nombre de plus en plus important de startups[liii] tentent d’innover pour augmenter l’efficacité de ces techniques, en particulier aux États-Unis, où elles sont financées par les secteurs public et privé. En France, ce domaine commence tout juste à se structurer[liv]. Les trajectoires estimées des développements techniques et de l’augmentation des prix sur les marchés carbone ne permettent d’envisager un déploiement significatif de ces technologies qu’à l’horizon 2050. Le scénario net zéro de l’Agence internationale de l’énergie inclut la CDAS à hauteur de 1 Gt de CO2 par an en 2050[lv].
Les émissions négatives permises par l’extraction du carbone ont déjà une place dans les stratégies de lutte contre le changement climatique. La quasi-totalité des scénarios du GIEC permettant de rester sous la barre des 2°C en incluent, à des niveaux plus ou moins importants. L’objectif est de s’en servir pendant la transition, puis pour absorber les émissions résiduelles[lvi]. En cas de dépassement des limites fixées de température globale, les émissions négatives pourraient même faire baisser le niveau du réchauffement jusqu’à un seuil acceptable[lvii].
Les solutions mises en avant sont surtout la foresterie et la BECSC, parfois à des niveaux ambitieux. La CDAS, elle, est encore peu présente dans ces stratégies. Elle ne pose pas les mêmes difficultés que la BECSC, mais elle ne peut avoir d’utilité qu’en consommant de l’énergie décarbonée, et à condition que cette énergie ne puisse pas être mise à meilleur profit pour remplacer les énergies fossiles consommées dans un autre secteur. Elle ne prend donc son sens que dans un monde déjà fortement décarboné, afin de réduire les émissions résiduelles, voire permettre des émissions nettes négatives. Elle est néanmoins la méthode dont les capacités de mise à l’échelle sont les plus importantes[lviii].
Les expérimentations de géoingénierie peuvent entrainer des conséquences négatives difficilement prédictibles au niveau mondial. Or, le droit international est en ce domaine très parcellaire. S’il est interdit d’utiliser la géoingénierie à des fins militaires[lix], rien n’empêche les expériences civiles. Certaines de ces technologies étant aisément accessibles, un déploiement à grande échelle par un seul État hors de toute coopération est donc envisageable[lx], La géoingénierie devient alors un sujet de défense nationale, et on peut imaginer que des pays négativement impactés ripostent par de la « contre-géoingénierie ». Il est par ailleurs difficile de déterminer la source d’une expérience de GRS. Une partie de la recherche en modélisation vise à lever cet obstacle.
L’absence de régulation laisse des acteurs privés ou académiques libres de conduire des expériences incontrôlées de géoingénierie[lxi] même si celles-ci se heurtent souvent à des oppositions. Quelques tentatives d’autorégulation ont vu le jour, sans grand succès[lxii].
L’EDC n’est pas non plus épargnée par ces problèmes. La fertilisation des océans[lxiii] est d’ailleurs l’un des rares exemples de technique régulée par le droit international : elle fait aujourd’hui l’objet d’un moratoire[lxiv].
Les recherches en géoingénierie ont des impacts potentiellement dangereux dont l’anticipation est difficile, tout comme l’est l’attribution d’éventuels dommages. L’absence de cadre juridique international crée donc un vide au regard du principe général de responsabilité.
La poursuite du réchauffement climatique peut rendre séduisantes les options ouvertes par la géoingénierie. Des initiatives voient déjà le jour, avec des premières avancées. Mais une grande prudence doit rester de mise[lxv].
Sur un plan scientifique, ni les techniques de GRS ni celles d’EDC ne sont exemptes de conséquences ou contreparties indésirables, notamment dans le champ environnemental. Leur efficacité n’est pas totalement démontrée, parce qu’elle repose sur des mécanismes physiques, chimiques ou biologiques qui n’agissent qu’à court ou moyen terme, ou parce qu’elle doit être adossée à un processus permettant d’isoler le carbone capté dans l’atmosphère de façon durable, sur plusieurs milliers d’années au moins, et sans risque de relargage.
Sur un plan politique, tant la GRS que l’EDC comportent un aléa moral important, car elles peuvent créer une désincitation à la sobriété et à la réduction du recours aux énergies fossiles. S’y ajoute, pour la GRS, le risque précité d’un verrouillage socio-technique, qui peut expliquer que les expérimentations fassent l’objet de demandes de moratoire, notamment en Europe[lxvi].
L’EDC présente néanmoins des potentialités intéressantes et semble appelée à se développer, mais il faut veiller à ce qu’elle reste une solution de dernier recours. Les acteurs du secteur insistent d’ailleurs sur l’importance de conserver deux objectifs bien distincts : la réduction des émissions brutes de GES et l’introduction d’émissions négatives, afin de ne pas mettre les deux démarches en opposition. Le soutien à l’innovation en matière d’EDC devra donc suivre une ligne de crête : conserver un pilotage étatique car l’EDC réaliste et faisable est une ressource limitée et un bien commun ; apporter des moyens significatifs, car de nombreuses inconnues scientifiques et techniques doivent être levées ; être néanmoins très sélectif et agile, car certaines pistes ouvertes à titre exploratoire seront certainement des impasses, comme pour toute recherche ; veiller à prendre en compte l’ensemble des limites planétaires ; évaluer en permanence l’efficacité réelle de chaque technique étudiée[lxvii] ; veiller à la robustesse des modèles d’affaires potentiels, y compris avec l’éventuelle inclusion de ces techniques dans les marchés du carbone.
A ce stade des procédés, il est illusoire de voir dans la géoingénierie le remède parfait au désordre global qu’est le réchauffement climatique. Certaines des techniques qui en relèvent pourront néanmoins, sous conditions, conforter les efforts entrepris pour converger vers le « net zéro », qui passe d’abord par la réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre.
Sites Internet de l’Office :
http://www.assemblee-nationale.fr/commissions/opecst-index.asp
Personnes consultées
[i] Voir le rapport du Groupe II du GIEC sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité: IPCC, 2022: Summary for Policymakers [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, E.S. Poloczanska, K. Mintenbeck, M. Tignor, A. Alegría, M. Craig, S. Langsdorf, S. Löschke, V. Möller, A. Okem (eds.)]. In: Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, M. Tignor, E.S. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Craig, S. Langsdorf, S. Löschke, V. Möller, A. Okem, B. Rama (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, UK and New York, NY, USA, pp. 3–33, doi:10.1017/9781009325844.001.
[ii] Voir la synthèse du 6ème rapport du GIEC : IPCC, 2023: Summary for Policymakers. In: Climate Change 2023: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, H. Lee and J. Romero (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, pp. 1-34, doi: 10.59327/IPCC/AR6-9789291691647.001.
[iii] Comme le montre une étude récente basée sur les données de l’année 2024 : Forster, P. M. et al. (2025). Indicators of Global Climate Change 2024: annual update of key indicators of the state of the climate system and human influence. Earth System Science Data, 17, 2641-2680. https://doi.org/10.5194/essd-17-2641-2025
[iv] On peut trouver plus de détails sur la répartition des émissions de gaz à effet de serre par secteur dans Chiffres clés du climat : France, Europe et Monde, édition 2024. Ministères Territoires, écologie, logement. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-du-climat-france-europe-et-monde-edition-2024.
[v] C’est ainsi l’objet de la stratégie nationale bas-carbone pour la France (SNBC, mars 2020, Ministère de la transition écologique et solidaire).
[vi] D’autres préfèrent utiliser l’expression « ingénieries climatiques », notamment pour éviter le préfixe « géo » qui peut engendrer des confusions ou des craintes sur l’ampleur de la manipulation du climat. Le pluriel est aussi utilisé pour illustrer la multiplicité des approches (Xavier Landes, La Géoingénierie. Que sais-je ?, octobre 2024).
[vii] Définition proposée par la Royal Society en 2009 (J. Shepherd et al, Geoengineering the Climate : Science, Governance and Uncertainty) et qui fait référence. Elle est très comparable, par exemple, à celle issue de l’Atelier de Réflexion Prospective REAGIR de l’ANR de 2014 (O. Boucher et al, Réflexion systémique sur les enjeux et méthodes de la géo-ingénierie de l'environnement), dont la définition proposée est « La géo-ingénierie de l’environnement correspond à l’ensemble des techniques et pratiques mises en œuvre ou projetées dans une visée corrective à grande échelle d’effets de la pression anthropique sur l’environnement. Il importe de bien distinguer la géo-ingénierie qui met en jeu des mécanismes ayant un impact global sur le système planétaire terrestre des techniques et pratiques d'atténuation ou ayant simplement un impact local. »
[viii] Le changement climatique peut être qualifié d’« involontaire » au sens où il n’a pas été et il n’est pas délibérément recherché comme but, voire comme conséquence des activités humaines. Pour autant, il est connu depuis les années 1970 et ses causes anthropiques largement documentées font l’objet d’un consensus scientifique.
[ix] Les inondations de 2024 à Dubaï et dans d’autres pays du Golfe ont donné lieu à des rumeurs les attribuant à un ensemencement de nuages mené par les Émirats arabes unis. Il est documenté que la Chine se livre massivement à l’ensemencement des nuages pour tenter de prévenir les sécheresses, ce qui engendre des tensions géopolitiques importantes avec l’Inde. Enfin, l’opération américaine Popeye pendant la guerre du Vietnam, ayant pour but d’y intensifier la mousson et ralentir ainsi les mouvements ennemis, a motivé l’élaboration de la Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, dite « convention ENMOD » (adoptée en 1976 et entrée en vigueur en 1978).
[x] Comme le montre Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat. Raisons et déraisons de la géo-ingénierie. Seuil, coll. « Anthropocène », 2013 ou encore Marine de Guglielmo Weber et Rémi Noyon, Le grand retournement. Comment la géoingénierie s’infiltre dans les politiques climatiques. Les Liens qui libèrent, 2024.
[xi] Si les problématiques de ces techniques sont différentes, de même que leur perception par la société, elles ont le même objectif final : atténuer le réchauffement climatique par des actions délibérées d’envergure planétaire, ce qui justifie de les étudier ensemble. Certains experts sont cependant réticents à considérer l’EDC et la GRS dans le même ensemble de méthodes. L’une des raisons de cette réticence serait d’éviter que l’EDC ne pâtisse de la mauvaise réputation de la GRS. La présente note suit au contraire la catégorisation historique du sujet, ainsi que celle d’ouvrages récents (Xavier Landes, la géoingénierie, Que sais-je ?, octobre 2024). L’EDC et la GRS sont différentes mais ont de nombreux points communs ontologiques et il est possible de les appréhender simultanément tout en ayant une vision nuancée de leurs impacts respectifs.
[xii] Cette expression, que l’on peut remplacer par « modification du rayonnement solaire », est traduite de l’expression anglaise Solar Radiation Modification (SRM). Elle aurait été inventée par Ken Caldeira, un des promoteurs de la géoingénierie, afin de la rendre plus « bureaucratique » et plus acceptable que le terme de géoingénierie (Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat).
[xiii] Le bilan radiatif de la Terre est dressé par comptabilisation des échanges d’énergie entre le système terrestre et l’espace. Il est structuré autour d’un flux d’énergie entrant, la lumière du Soleil, qui réchauffe la Terre, et d’un flux sortant, pour partie réfléchi par la Terre et pour partie réémis après avoir été absorbé, principalement en lumière visible et dans l’infrarouge. La variable d’ajustement qui équilibre le système est la température de la Terre. L’augmentation de la concentration atmosphérique des gaz tels que le CO2 entraîne une augmentation de la quantité d’énergie stockée dans la basse atmosphère et une augmentation du rayonnement réémis par celle-ci vers la surface terrestre ; il en résulte une augmentation de la température de cette même surface, d’où l’expression « effet de serre ». L’équilibre radiatif du système terrestre est assuré par la circulation verticale des masses d’air atmosphériques, qui amène vers la haute atmosphère les masses d’air chaud présentes dans les basses couches ; l’énergie stockée dans ces masses peut alors s’échapper vers l’espace par rayonnement.
[xiv] On peut penser bien sûr au fameux « effet papillon », qui décrit ainsi le comportement supposément chaotique du système terrestre : une petite modification localisée peut rompre des équilibres et altérer sensiblement l’ensemble du système. Cette approche très médiatisée fait cependant l’impasse sur les capacités autorégulatrices du système terrestre, au sein duquel les phénomènes réellement chaotiques ne sont pas légion.
[xv] Clive Hamilton, Les apprentis sorciers du climat. Traduit de l’anglais avec pour titre original : Earthmasters, The Dawn of the Age of Climate Engineering.
[xvi] En particulier, elles n’atténuent donc pas de nombreux phénomènes néfastes aux écosystèmes, comme l’acidification des océans.
[xvii] Les autres méthodes sont nettement moins étudiées, mais on peut citer l’amincissement des cirrus ou l’éclaircissement des surfaces.
[xviii] Si cette analogie est régulièrement mentionnée par les promoteurs de l’IAS, probablement pour lui donner un « vernis » naturel, il faut néanmoins le relativiser : en effet, à la différence des techniques d’IAS, les éruptions volcaniques ont un lieu unique d’injection, situé au bas de l’atmosphère, ce qui les différencient sensiblement d’une méthode fondée sur une dispersion de particules continue et stratosphérique.
[xix] Ces estimations ont été recueillies au chapitre 2 (page 38) du rapport du Scientific Advice Mechanism auprès de la Commission Européenne : SAPEA evidence review report on Solar radiation modification, décembre 2024. Ce même rapport en conclut (page 17) que l’IAS s’avère potentiellement plus coûteuse et moins facile à implémenter qu’initialement envisagé.
[xx] Des recherches sont en cours pour tenter de trouver de nouvelles particules susceptibles d’être dispersées dans la haute atmosphère, mais elles ne sont pour l’instant pas concluantes et se heurtent à de nouveaux problèmes.
[xxi] Ce qui contrevient aux Objectifs de développement durable défendus par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris de 2015.
[xxii] Le projet Marine Cloud Brightening for the Great Barrier Reef a pour but de protéger les coraux, fragilisés par le réchauffement. Des expérimentations relativement limitées ont eu lieu en ce sens en 2023.
[xxiii] Il est cependant probable que l’on constaterait le même genre d’impacts que l’IAS en cas de déploiement massif, avec des modifications des précipitations, notamment de la mousson asiatique, et une inégale répartition de la diminution de température pouvant aller jusqu’à un réchauffement des hautes latitudes (Haywood, J. M., Jones, A., Jones, A. C., Halloran, P., & Rasch, P. J. (2023). Climate intervention using marine cloud brightening (MCB) compared with stratospheric aerosol injection (SAI) in the UKESM1 climate model. Atmospheric Chemistry & Physics, 23(24), 15305-15324. https://doi.org/10.5194/acp-23-15305-2023).
[xxiv] Arrêt qui pourrait être causé par des conflits militaires, des tensions géopolitiques, ou encore une pollution due aux aérosols devenue insoutenable.
[xxv] Au premier rang desquels les États-Unis, alors que ce pays s’est retiré de l’Accord de Paris pour la deuxième fois en 2025.
[xxvi] Comité d’Éthique du CNRS (COMETS), avis n° 2025-47 : « Manipuler les virus, manipuler le climat ? Comment juger de ce qui est responsable en recherche ? », 10 juin 2025.
[xxvii] L’Académie des sciences a très récemment publié un rapport sur le sujet, avec un avis de prudence sur ces technologies (Rapport de l’Académie des sciences du 2 octobre 2025 : Géo-ingénierie climatique : état des lieux scientifique, enjeux et perspectives).
[xxviii] L’équivalent CO2 est une métrique permettant de comptabiliser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, en pondérant les quantités émises par leur capacité de réchauffement (par exemple, le méthane est émis en moins grandes quantités que le CO2, mais est beaucoup plus réchauffant par kilogramme). En 2022, 53,8 Gt d’équivalent CO2 ont été émises selon Chiffres clés du climat : France, Europe et Monde, édition 2024. Ministères Territoires, écologie, logement.
[xxix] Environ 30% dans la biosphère (sols et forêts) et 25% pour l’océan. Ces puits sont fragiles et sensibles au réchauffement climatique. De plus, ils ne permettraient pas à eux seuls de réduire rapidement la concentration de GES atmosphérique en cas d’arrêt des émissions anthropiques, puisqu’ils maintiennent constamment un équilibre entre le CO2 présent dans l’air et celui qu’ils captent.
[xxx] La présente note évoque uniquement des techniques de captage du CO2, mais des recherches – bien moins avancées – sont aussi menées sur la capture du méthane, qui aurait des potentialités intéressantes. L’Académie des sciences des États-Unis a exploré ce potentiel en vue de développer la recherche dans un rapport de 2024 : A Research Agenda Toward Atmospheric Methane Removal.
[xxxi] Il existe aussi des approches fondées sur l’amélioration de la capacité de stockage des sols. On peut citer la météorisation augmentée, qui consiste à épandre des minéraux pulvérisés dans le sol mais qui n’est pas exempte d’interrogations quant à la pollution du sol et à la dégradation de sa fertilité, alors que les incertitudes sont encore très grandes sur l’efficacité réelle de la technique.
[xxxii] 2024 est une année particulièrement mauvaise en raison de nombreux feux et de la sécheresse, https://www.wri.org/news/release-global-forest-loss-shatters-records-2024-fueled-massive-fires.
[xxxiii] Entre 2000 et 2020, les forêts nouvelles ont boisé une superficie totale de 130,9 Mha, mais la déforestation a détruit 231,5 Mha ; de ce fait, la superficie mondiale de la forêt a diminué de 100,6 Mha. Chiffres provenant de Katie Reytar, Elizabeth Goldman, Darby Levin, Sarah Carter : Forest Gain (6 septembre 2024), World Resources Institute, Global Forest Review
(https://gfr.wri.org/forest-extent-indicators/forest-gain?_gl=1%2Apz1zxa%2A_gcl_au%2AMjYxNDMwMzM1LjE3NjA2MTkwNTM.#how-did-tree-cover-gain-compare-to-loss-between-2000-and-2020).
[xxxiv] Les techniques de foresterie ne peuvent être considérées comme totalement naturelles puisque la nature des essences plantées résulte d’un choix fondé notamment leur coût, leur capacité de stockage de CO2, leur adaptation à l’environnement local, etc. L’afforestation correspond par ailleurs à une modification de l’usage initial des terres par l’implantation d’une forêt nouvelle.
[xxxv] Dooley, K., et al (2024). Over-reliance on land for carbon dioxide removal in net-zero climate pledges. Nature communications, 15(1), 9118. https://doi.org/10.1038/s41467-024-53466-0. Le Land Gap Report (landgap.org) fournit des informations détaillées sur l’utilisation des terres par les différentes techniques d’EDC.
[xxxvi] Ce qui correspond à environ un quart des terres arables mondiales.
[xxxvii] En France, la forêt occupe près de 20% du territoire et il serait très difficile d’accroître encore sa superficie. Elle perd par ailleurs de sa capacité à capter le carbone d’année en année, notamment à cause du réchauffement climatique. Des méthodes d’écoforesterie permettraient de préserver une partie de sa capacité de capture du CO2.
[xxxviii] Des doutes pèsent sur l’efficacité réelle de nombreuses plantations d’arbres https://www.carbone4.com/analyse-credits-carbone-evitement-deforestation.
[xxxix] La forêt amazonienne est ainsi quasiment neutre en carbone (https://www.onf.fr/vivre-la-foret/%2B/1ba8::la-foret-un-indispensable-pour-une-planete-decarbonee.html)
[xl] https://www.onf.fr/vivre-la-foret/%2B/1ba8::la-foret-un-indispensable-pour-une-planete-decarbonee.html
[xli] Appelée CCS en anglais pour Carbon capture and storage.
[xlii] C’est par exemple l’objectif du démonstrateur technologique DMX, implanté sur le site d’Arcelor Mittal de Dunkerque, auquel participent l’IFPEN et Axens.
[xliii] C’est l’objet de la démarche appelée CCUS, pour Carbon Capture, Utilisation and Storage.
[xliv] Le CO2 peut être actuellement valorisé pour la culture sous serres ou en gaz réfrigérant, en quantités relativement faibles. Un développement de long terme pourrait cependant voir des usages importants pour les électro-carburants, les produits chimiques comme l’éthylène ou les polycarbonates, et pour les produits carbonatés (par exemple dans la conception de béton préfabriqué). Ces usages sont répertoriés par l’ADEME dans son avis de 2021, La valorisation du CO2.
[xlv] Le procédé de stockage le plus direct consiste à injecter le CO2 dans les anciens réservoirs de pétrole ou de gaz, ce qui présente l’avantage de mobiliser les installations existantes. Les industriels des énergies fossiles sont très actifs dans ce domaine. Les projets en développement en Europe peuvent parfois faire face à des inquiétudes sur la pérennité du stockage et une demande de transparence accrue. C’est par exemple le cas du projet Callisto, prévu pour stocker 4 Mt CO2 d’ici 2030 en mer Adriatique, et dont la réalisation pourrait être affectée par des risques sismiques ou météorologiques.
[xlvi] En 1986, entre 100 000 et 300 000 tonnes de CO2 naturellement dissout dans les eaux profondes du lac Nyos (Cameroun) ont été libérées, pour une raison mal établie, causant le décès par asphyxie de près de 2000 personnes dans les villages voisins.
[xlvii] Cette étude était commandée par l’ADEME et a été publiée en février 2025. Les capacités de stockage françaises y sont estimées à 1,1 Gt dans des structures géologiques fermées et à 3,6 Gt dans des aquifères salins. Par comparaison, les émissions de CO2 annuelles de la France sont estimées à environ 0,4 Gt de CO2. Certains pays exploitent désormais activement leurs capacités de stockage. C’est par exemple le cas de la Norvège, où le projet Northern Lights, opérationnel depuis 2024, dispose d’une capacité de stockage de 1,5 Mt par an. Une délégation de l’Office est allée visiter les installations de Northern Lights au cours d’un déplacement en 2024.
[xlviii] La France a ratifié le 24 juin 2025 l’amendement à l’article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières. Il permet l’échange transfrontalier de CO2 à des fins de séquestration géologique sous-marine. Ceci ouvre à la France la possibilité d’accéder aux capacités de stockage norvégiennes. (voir https://www.vie-publique.fr/loi/294850-loi-23-juin-2025-ratification-resolution-prevention-pollution-des-mers).
[xlix] La BECSC est en cela très semblable à la foresterie, dont elle s’inspire, mais est censée offrir un stockage bien plus pérenne. L’ordre de grandeur des surfaces nécessaires à la génération de la biomasse est similaire à celui de la foresterie, soit une à deux fois la superficie de l’Inde pour obtenir un effet planétaire significatif. Les enjeux de soutenabilité liés à ces contraintes sont détaillés dans l’étude Deprez, A., et al (2024). Sustainability limits needed for CO2 removal. Science, 383(6682), 484-486. https://doi.org/10.1126/science.adj6171.
[l] La pérennité du stockage est un élément extrêmement important de la crédibilité et de la pertinence des solutions fondées sur l’extraction du CO2. L’enjeu consiste à l’isoler et à l’empêcher, à l’échelle géologique, de retourner dans l’atmosphère, surtout s’il ne subit pas de transformation chimique et reste stocké sous sa forme CO2. Il va de soi qu’à l’échelle humaine, les fuites de CO2 pourraient créer des dangers majeurs pour les populations, sans compter le fait qu’elles réduiraient à néant l’effort fait pour purifier l’atmosphère et qu’elles seraient par elles-mêmes un facteur de réchauffement climatique.
[li] ClimeWorks et la première génération de démonstrateurs n’arrivent toujours pas à compenser leurs propres émissions à l’heure actuelle (Jean-Baptiste Fressoz, 21 mai 2025, « Les entreprises de capture du CO2 dans l’air émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent ». Le Monde).
[lii] Les systèmes d’échange de quotas d’émissions (SEQE) ou Emissions Trading Schemes (ETS) sont des marchés permettant l’achat ou la vente d’autorisations d’émettre du carbone. Le marché SEQE-UE 1 a été établi dans l’Union européenne en 2005 et concerne environ 40% des émissions de l’UE. Il a défini un nombre plafonné d’autorisations d’émissions et la possibilité de les échanger sur un marché. Il sera étendu à d’autres secteurs en 2027. Le nombre de quotas diminue d’année en année pour pousser les industries à se décarboner. Le prix à l’échange de la tonne de CO2 est un indicateur important. Depuis 2022, il fluctue entre 60 et 100 euros. Le SEQE UE n’inclut pas à ce jour la possibilité de tenir compte des émissions négatives, mais des discussions ont lieu en ce sens. Des marchés volontaires du carbone ont été mis en place pour permettre le développement d’entreprises privées, notamment aux États-Unis.
[liii] En France, la start-up Yama compte développer en 2028 un démonstrateur capable de capturer 5000 t de CO2 par an et espère faire croître ces capacités de capture dans les années suivantes.
[liv] Notamment au sein de l’Association Française pour les Émissions Négatives (AFEN), association professionnelle créée en 2024.
[lv] Agence Internationale de l’Energie (2022). Direct Air Capture. A key technology for net zero.
[lvi] Ces émissions résiduelles, ou incompressibles, seraient celles des secteurs qui ne pourraient pas réussir à se décarboner complètement. Le GIEC mentionne dans sa synthèse pour les décideurs de 2023 (au point B.6.2) que les méthodes d’EDC seront nécessaires pour éliminer ces émissions. Le GIEC précise (point B.6.4) que certaines techniques d’EDC peuvent avoir des impacts socio-économiques et environnementaux néfastes. IPCC, 2023: Summary for Policymakers. In: Climate Change 2023: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, H. Lee and J. Romero (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, pp. 1-34, doi: 10.59327/IPCC/AR6-9789291691647.001.
[lvii] Le GIEC détaille l’utilisation de l’EDC à cette fin au chapitre B.7 de la synthèse pour les décideurs de 2023. Il précise (point B.7.3) qu’il reste préférable d’éviter le dépassement plutôt que de recourir à l’EDC dans ce but, étant donné les risques qui lui sont associés (IPCC, 2023: Summary for Policymakers).
[lviii] Une étude de Carbon Gap estime ainsi le potentiel maximal théorique de la CDAS électrochimique en France à 549 MtCO2/an, contre 66 pour la BECSC (Carbon Gap, Potentiel de déploiement des méthodes d’élimination du dioxyde de carbone atmosphérique en France. Mars 2024).
[lix] Depuis la convention ENMOD.
[lx] Les États-Unis sont de loin l’investisseur majeur dans ces technologies. Ils se donnent donc la possibilité de décider, dans quelques années, de les déployer à grande échelle afin de s’éviter de sortir des énergies fossiles dont ils sont particulièrement dépendants.
[lxi] Comme les opérations d’injection d’aérosols stratosphériques menés par la start-up Make Sunsets au Mexique en 2022.
[lxii] Steve Rayner et d’autres scientifiques ont ainsi proposé en 2013 d’appliquer à la gestion du rayonnement solaire une liste de critères appelés principes d’Oxford (S. Rayner, C. Heyward, T. Kruger, N. Pidgeon, C. Redgwell, J. Savulescu, « The Oxford Principles », Climatic Change, Springer, vol. 121(3), 2013). Ceux-ci préconisent la transparence et la concertation en amont des expériences et appellent à réguler la géoingénierie comme un bien public. Ces principes ont toutefois un périmètre limité et sont peu respectés.
[lxiii] Cette méthode d’EDC a pour but d’améliorer le potentiel de capture du CO2 par l’océan. En y déversant du fer, on favorise la croissance du phytoplancton. Celui-ci peut donc capter plus de CO2 et comme une fois mort, il coule vers les profondeurs de l’océan, ceci prévient l’acidification des eaux de surface par le CO2 dissout. Cependant, la méthode, qui a fait l’objet de 13 expérimentations depuis les années 1990, principalement dans l’océan austral (Yoon, J.-E. et al, 2018. Reviews and syntheses: Ocean iron fertilization experiments – past, present, and future looking to a future Korean Iron Fertilization Experiment in the Southern Ocean – KIFES - project, Biogeosciences, 15, 5847–5889) n’a pas fait la preuve de son efficacité. Surtout, elle a causé plusieurs problèmes majeurs, comme l’appauvrissement en oxygène et en nutriments de certaines régions, épuisées par la croissance du phytoplancton, ou l’apparition d’impacts très éloignés du lieu de l’expérience.
[lxiv] Plus généralement toute la géoingénierie marine fait l’objet d’un moratoire pour les États parties à la Convention sur la diversité biologique de 1992, et ce depuis 2010. C’est aussi le cas des États partie à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982. Il faut noter que ces moratoires restent non contraignants.
[lxv] L’exemple de la géoingénierie polaire est caractéristique. Ses diverses techniques ont pour but de protéger les régions polaires, qui sont parmi les plus vulnérables au changement climatique. Un article publié cette année dans Frontiers in Science montre cependant qu’en réalité, nombre des techniques envisagées, dont les injections d’aérosols ou la modification de l’albédo des pôles par des billes réfléchissantes, défendues par leurs promoteurs comme nécessaires, ne permettent pas de protéger les pôles de façon pérenne : Siegert, M., et al (2025). Safeguarding the polar regions from dangerous geoengineering : a critical assessment of proposed concepts and future prospects. Frontiers in Science, 3(1527393). https://doi.org/10.3389/fsci.2025.1527393.
[lxvi] C’est le cas du rapport sur la GRS publié en 2025 par le Scientific Advice Mechanism de la Commission européenne, qui appelle à un moratoire sur les expérimentations et à une recherche plus poussée sur la modélisation des effets adverses des techniques de GRS ainsi que sur les sujets relatifs à la gouvernance internationale.
[lxvii] La surveillance des émissions négatives doit être développée dans le cadre de la gouvernance internationale du climat pour mieux mesurer l’effort de chaque pays. On peut imaginer notamment une meilleure surveillance de la croissance ou décroissance du captage lié à la foresterie par des mesures satellite, etc.