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Document E1133
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission. Adapter et promouvoir le dialogue social au niveau communautaire. Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 70/532/CEE portant création du comité permanent de l'emploi dans les Communautés européennes.


E1133 déposé le 4 août 1998 distribué le 6 août 1998 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1998) 0322 final du 20 mai 1998, transmis au Conseil de l'Union européenne le 9 juillet 1998)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Décision 1999/207/CE du Conseil, du 9 mars 1999, réformant le comité permanent de l'emploi et abrogeant la décision 70/532/CEE.
    (JO L 72 du 18 mars 1999) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 27/03/1999 p.4605)

Base juridique :

Article 145 du Traité CE. Cet article dispose que le Conseil, en vue d’assurer la réalisation des objets fixés par le traité et dans les conditions prévues par celui-ci, « assure la coordination des politiques économiques générales des Etats membres » et « dispose d’un pouvoir de décision ». Cette formulation est à rapprocher de la mission du comité, qui consiste à faciliter la coordination des politiques de l’emploi des Etats membres en les harmonisant avec les objectifs communautaires.

On s’étonne, cependant, que l’article 118 B du Traité CE aux termes duquel « la Commission s’efforce de développer le dialogue entre partenaires sociaux au niveau européen (...) » ne soit pas visé par le projet de décision, alors qu’il l’était dans la décision de la Commission du 20 mai 1998 concernant l’institution de comités de dialogue sectoriel destinés à favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen.

Procédure :

- proposition de la Commission ;

- consultation du Parlement européen ;

- vote à l’unanimité du Conseil de l’Union européenne.

Avis du Conseil d’Etat :

Le projet de décision du Conseil relatif au comité permanent de l’emploi assigne pour tâche au comité d’assurer la concertation entre le Conseil, la Commission et les partenaires sociaux en vue de faciliter la coordination de la politique de l’emploi des Etats membres en les harmonisant avec les objectifs communautaires.

La mission ainsi définie et la place occupée par le comité dans l’organisation institutionnelle de la Communauté confèrent à ce projet de décision le caractère d’un acte de nature législative.

Motivation et objet :

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale, exposée dans la communication de la Commission qui lui est jointe, visant à adapter et à promouvoir le dialogue social au niveau communautaire. Cette stratégie repose sur cinq axes principaux : promouvoir l’échange d’informations, adapter les procédures de consultation, développer un partenariat pour l’emploi en informant le comité permanent pour l’emploi, mettre l’accent sur l’action conjointe et la négociation et ouvrir de nouvelles perspectives.

Dans ce cadre, la Commission a, le 20 mai 1998, pris une décision concernant l’institution de comités de dialogue sectoriel destinés à favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen.

Le présent projet tend à modifier la composition et les modalités de fonctionnement du comité permanent de l’emploi, afin d’en accroître l’efficacité.

Selon la Commission, la plupart des membres du comité déplorent, en effet, le caractère obsolète de son fonctionnement, de sa composition et de ses méthodes de travail.

Le comité permanent de l’emploi est une instance tripartite, instaurée en 1970 afin d’associer les partenaires sociaux à la construction communautaire et de favoriser ainsi le dialogue social à l’échelon européen. Il est actuellement composé de représentants du Conseil, de la Commission et des partenaires sociaux.

Il convient de distinguer cette institution du comité de l’emploi et du marché du travail (C.E.M.T.), institué le 20 décembre 1996, qui assiste le Conseil affaires sociales dans la définition de la stratégie communautaire de lutte contre le chômage. Il est composé de deux représentants par Etat membre et de deux représentants de la Commission et constitue le pendant du comité de politique économique chargé de promouvoir la coordination des politiques économiques des Etats membres. Il est chargé de promouvoir la coordination entre les Etats membres des politiques en matière d’emploi et du marché du travail, de suivre l’évolution de l’emploi dans l’Union européenne et des politiques des Etats membres dans le secteur de l’emploi et du marché du travail, et de donner des avis dans ce domaine.

Outre qu’il répond à la volonté de promouvoir le dialogue social communautaire, le projet de réforme du comité permanent de l’emploi est, selon la Commission, devenu indispensable en raison des éléments suivants :

- l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam et la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie européenne en faveur de l’emploi ouvrent de nouveaux domaines d’action aux partenaires sociaux communautaires. Rappelons, notamment, que les partenaires sociaux communautaires sont appelés, dans le cadre des lignes directrices pour l’emploi de 1998, à conclure des accords, notamment en matière de formation professionnelle et d’organisation du travail.

- le processus de convergence lié à l’union économique et monétaire, assorti des restructurations industrielles qu’il ne manquera pas d’engendrer, rend indispensable le développement des relations contractuelles nécessaires à la défense de l’emploi.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

Le projet de décision ne remet pas en cause le principe de subsidiarité, dans la mesure où la coordination des politiques économiques générales des Etats membres, prévue à l’article 145 du Traité CE, ne peut pas être réalisée de manière suffisante par les Etats membres.

Contenu et portée :

Mission du comité permanent de l’emploi

Ce projet n’entend pas modifier les missions du comité permanent de l’emploi, lequel resterait chargé « d’assurer, de façon permanente, dans le respect des traités et des compétences des institutions et organes communautaires, le dialogue, la concertation et la consultation entre le Conseil ou, selon le cas, les représentants des gouvernements des Etats membres la Commission et les partenaires sociaux en vue de faciliter la coordination des politiques de l’emploi des Etats membres en les harmonisant avec les objectifs communautaires ». Il s’attache exclusivement à modifier sa composition et ses modalités de fonctionnement.

Composition

> Nombre de participants

Dans l’état actuel du projet de décision, la Commission propose de réduire de 36 à 16 le nombre de représentants des partenaires sociaux participant au comité permanent de l’emploi, de telle sorte que le groupe des employeurs et le groupe des travailleurs seront composés chacun de huit représentants. Il est vrai que la taille du comité permanent de l’emploi était devenue un obstacle majeur à son efficacité, ses réunions s’assimilant progressivement à des « grand-messes ».

> Organisations participant au Comité

Dans l’état actuel du projet de décision, la liste des organisations participant au comité permanent de l’emploi serait constituée :

* du coté employeurs, de :

- l’UNICE (Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe) ;

- le CEEP (Centre européen d’entreprises à participation publique) ;

- l’UEAPME (Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises) ;

- Eurocommerce ;

- COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de la CEE).

* du côté salariés, de :

- la CES (fédération européenne des syndicats) ;

- la CEC (confédération européenne des cadres).

Le texte de la proposition de décision indique que « la désignation des membres de la délégation des travailleurs (CES, CEC) est coordonnée par la Confédération européenne des syndicats (CES) et celle des membres de la délégation des employeurs (UNICE, CEEP, UEAPME, Eurocommerce, COPA) est coordonnée par l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE) ».

Rappelons que la composition actuelle du comité permanent de l’emploi est, depuis 1975, la suivante :

* Pour les organisations des employeurs :

- UNICE (Union des industries de la Communauté européenne) ;

- COCCEE (Comité des organisations commerciales de la CEE) ;

- UACEE (Union de l’artisanat de la CEE) ;

- CEA (Comité européen des assurances) ;

- COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de la CEE) ;

- CEEP ( Centre européen de l’entreprise publique).

* Pour les organisations des travailleurs :

- CES (Confédération européenne des syndicats) ;

- CGT (Confédération générale du travail) ;

- CGC ( 1) (Confédération générale des cadres) ;

- CFTC ( 2) (Confédération française des travailleurs chrétiens).

La nouvelle composition proposée vise, tant pour les représentants des employeurs que ceux des salariés, à couvrir l’ensemble de l’économie. Aussi comprend-elle les organisations européennes à vocation générale ou à vocation catégorielle, représentant notamment les cadres et les P.M.E.

Modalités de fonctionnement

> Périodicité des réunions

La Commission propose que le comité permanent de l’emploi se réunisse deux fois par an. Actuellement, le comité exerce ses compétences dès lors que « les décisions éventuelles des institutions compétentes sont prises »( 3).

> Modalités de participation des Etats membres

Désireuse d’introduire une certaine flexibilité dans l’organisation des réunions du comité permanent de l’emploi, la Commission propose que chaque présidence soit en mesure de choisir, entre deux formes de représentation des Etats, la plus appropriée pour débattre des questions relatives à l’emploi.

Participeraient ainsi aux réunions du comité permanent de l’emploi la Commission européenne, les partenaires sociaux et, selon le choix de la présidence, soit l’ensemble du Conseil des ministres, soit la troïka des chefs d’Etat et de gouvernement( 4). Actuellement, le Conseil ou les représentants des gouvernements des Etats membres participent aux réunions du comité permanent de l’emploi.

La formule de la troïka s’inspire du système informel mis au point par la présidence luxembourgeoise dans le cadre des conclusions du sommet européen de Luxembourg des 20 et 21 novembre 1997.

Ce système permet, avant chaque réunion semestrielle du Conseil européen de fin de présidence, l’organisation - en dehors du comité permanent de l’emploi - d’une rencontre entre les partenaires sociaux jugés représentatifs au niveau communautaire et la troïka des chefs d’Etat et de gouvernement. Ces rencontres sont purement informelles et fonctionnent de manière efficace, en raison du nombre restreint de participants.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

Aucun.

Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

En l’état actuel des informations de la Délégation, les Etats membres ont accueilli favorablement le principe d’une revalorisation du comité permanent de l’emploi et approuvent la volonté de la Commission d’en accroître l’efficacité. Cependant, la présente proposition soulève plusieurs difficultés :

> S’agissant des missions du comité permanent de l’emploi, certains Etats membres, dont la France, font valoir que la mise en oeuvre du traité d’Amsterdam et le lancement, au niveau communautaire, d’une stratégie coordonnée en faveur de l’emploi telle que décidée par le Conseil européen de Luxembourg des 20 et 21 novembre 1997, appelleraient une réactualisation des missions du comité permanent de l’emploi, celles-ci n’ayant pas été modifiées depuis 1970. La France serait favorable à une redéfinition des missions du comité permanent de l’emploi en cohérence avec la stratégie de Luxembourg.

> En ce qui concerne la composition du comité permanent de l’emploi, la liste des organisations syndicales pressenties à en devenir membres pose la question de leur représentativité : pourquoi admettre certaines et en rejeter d’autres ?

Rappelons, sur ce point, que la Commission a élaboré de manière unilatérale des critères de représentativité des organisations syndicales, et ce, alors même que le traité ne précise nullement la portée de ce terme. Dans une communication de décembre 1993( 5), la Commission a estimé que seules les organisations répondant aux trois critères suivants seraient jugées représentatives au niveau communautaire :

« - être interprofessionnelles, sectorielles ou catégorielles et être organisées au niveau européen ;

- être composées d’organisations elles-mêmes reconnues comme faisant partie intégrante des structures des partenaires sociaux des Etats membres et avoir la capacité de négocier des accords et être, dans la mesure du possible, représentatives dans tous les Etats membres ;

- disposer de structures adéquates leur permettant de participer de manière efficace au processus de consultation ».

Or, ces critères font l’objet de vives critiques de la part des organisations jugées non-représentatives au niveau communautaire. C’est la raison pour laquelle la Commission étudie actuellement la représentativité des organisations syndicales. Un rapport sera présenté au début de 1999.

Dans l’attente de ces résultats, les Etats membres s’interrogent sur l’opportunité d’élaborer une liste « exhaustive » des organisations appelées à participer au comité permanent de l’emploi. La question de la représentativité des organisations syndicales étant extrêmement sensible, les Etats membres sont réservés sur ce point.

Certains Etats, dont la France, défendent l’idée selon laquelle la décision du Conseil devrait fixer des critères de représentativité plutôt qu’une liste déterminée.

> S’agissant, enfin, du fonctionnement du comité permanent de l’emploi, certains Etats membres, dont la France, soulignent le caractère rigide des dispositions tendant à limiter à deux le nombre de réunions du comité permanent de l’emploi. Si la Commission entend réellement assouplir les modalités de fonctionnement du comité, ne serait-il pas plus judicieux de prévoir, par exemple, que celui-ci se réunisse « au moins » deux fois par an ?

> Les modalités de représentation du Conseil soulèvent de vives critiques des Etats membres. Certains Etats membres, dont la France, font valoir que la notion de troïka n’a aucune existence juridique. Il serait donc inadéquat de l’évoquer dans une décision du Conseil.

Par ailleurs, cette instance, ayant une certaine force politique, risquerait progressivement d’évincer celui-ci des réunions du comité permanent de l’emploi. Cette logique ne serait pas critiquable si elle n’allait à l’encontre de la volonté des Etats membres de revitaliser le rôle du comité permanent de l’emploi dans sa structure initiale.

Soulignons, enfin, que la participation de la troïka, et non du Conseil, témoignerait sans doute de la volonté de la Commission de substituer aux réunions semestrielles des partenaires sociaux avec la troïka celles du comité permanent de l’emploi « nouvelle formule ». Or, cette évolution serait tout à fait dommageable car les réunions de la troïka avec les partenaires sociaux fonctionnent de manière efficace. Institutionnaliser de telles rencontres aboutirait à modifier en profondeur le déroulement des réunions entre les partenaires sociaux et la troïka. Ce point suscite donc une extrême réserve de la part des Etats membres.

Conclusion :

On ne peut que soutenir la position du Gouvernement français tendant à :

- préciser les missions du comité, pour prendre davantage en compte les nouvelles dispositions régissant la politique communautaire de l’emploi ;

- déterminer des critères de représentativité des partenaires sociaux, leur permettant de siéger au comité, plutôt qu’une liste exhaustive de participants ;

- supprimer la possibilité de remplacer le Conseil par la troïka de chefs d’Etat ou de Gouvernement (article 2, § 1).

Sous réserve de ces observations, le projet de décision n’appelle pas, en l’état actuel des informations de la Délégation, un examen plus approfondi.

 

(1) La CGC est désormais adhérente à la CEC.
(2) La CFTC est désormais adhérente à la CES.
(3) Article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la décision 70/532/CEE du Conseil, du 14 décembre 1970, portant création du comité permanent de l’emploi des Communautés européennes, publiée au Journal officiel des Communautés européennes, n° L 273 du 17 décembre 1970.
(4) La troïka est composé du Président en titre de l'Union européenne, de son prédécesseur et de son successeur.
(5) Communication concernant la mise en oeuvre du Protocole sur la politique sociale (COM (93) 600 final du 14 décembre 1993).