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Document E1163
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement de chemins de fer communautaires. Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18/CE concernant les licences des entreprises ferroviaires. Proposition de directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité. Document de travail de la Commission : commentaire des différents articles de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.


E1163 déposé le 21 octobre 1998 distribué le 26 octobre 1998 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1998) 0480 final du 22 juillet 1998)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires
    (JO L 75 du 15 mars 2001) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 28/03/2001 p.4863)

    Directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.
    (JO L 75 du 15 mars 2001) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 28/03/2001 p.4863)

    Directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires.
    (JO L 75 du 15 mars 2001) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 28/03/2001 p.4863)

 Base juridique :

Article 75 du Traité CE.

 Procédure :

- Majorité qualifiée au Conseil

- Coopération avec le Parlement européen

- Avis du Comité économique et social

 Avis du Conseil d’Etat :

La transposition en droit interne des propositions de directive supposerait la modification de dispositions législatives [loi n° 82-1153 du 30.12.1982 d’orientation des transports intérieurs. Loi n° 97-135 du 13.02.1997 portant création de Réseau Ferré de France (RFF)].

C’est en particulier le cas des dispositions suivantes :

1) Le projet de directive modifiant la directive n° 91/440 prévoit que la définition, la mise en oeuvre et le contrôle des règles applicables en matière de sécurité ferroviaire ne peuvent être confiés à une entreprise proposant elle-même des services ferroviaires. Dès lors, ces missions ne pourraient plus, en France, être exercées par la SNCF pour le compte de R.F.F.

2) Le projet de directive abrogeant la directive n° 95/19 (article 33) entraînerait la création d’une autorité de régulation indépendante qui exercerait un véritable pouvoir de contrôle sur les décisions attributives de « capacités » prises par R.F.F. , en sa qualité de « gestionnaire de l’infrastructure ».

 Motivation et objet :

Selon la Commission, l’avenir du système de transport en Europe «  passe impérativement par la revitalisation de son secteur ferroviaire  ». Or, elle estime que ce dernier ne pourra jouer son rôle de service public et soutenir la concurrence des autres modes de transport que si les chemins de fer «  sont gérés de manière indépendante, jouissent d’une situation financière saine et sont progressivement soumis, comme d’autres secteurs, aux forces du marché  ». De tels objectifs impliquent une redéfinition des relations entre l’Etat et les chemins de fer ainsi qu’une nette répartition des compétences.

Dans cet esprit, la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires a ouvert le marché à des entreprises ferroviaires concurrentes et leur a permis d’exploiter des trains sur les mêmes lignes que les opérateurs en place. En outre, elle a prévu l’indépendance de la gestion et la séparation, au moins comptable, de la gestion de l’infrastructure et de l’exploitation des services de transport.

La Commission constate toutefois que cette directive n’a permis qu’une ouverture limitée du marché : dans tous les Etats membres, l’opérateur ferroviaire en place a conservé une position dominante. Or, celle-ci ne permet pas une application équitable des règles d’accès à l’infrastructure, puisque les organismes chargés de les appliquer sont en mesure de fixer les conditions dans lesquelles leurs propres concurrents entrent sur le marché et y organisent leur activité. Une telle situation est donc, pour la Commission, incompatible avec l’article 86 et l’article 90, paragraphe premier, du Traité CE( 1).

Pour y porter remède, le « paquet législatif » qu’elle présente se propose de fixer de nouvelles conditions d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire afin, d’une part, de garantir un traitement équitable et non discriminatoire à toutes les entreprises ferroviaires et, d’autre part, d’assurer une utilisation efficace et compétitive de l’infrastructure.

• Au titre du premier objectif, l’article premier de la proposition modifiant la directive 91/440/CEE impose l’obligation de confier à un organe indépendant les fonctions essentielles à un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure. Cette modification traduit la volonté de la Commission d’empêcher qu’une entreprise ne puisse simultanément assurer des services de transport et être chargée de la répartition des capacités d’infrastructure.

Dans le même esprit, est proposée une répartition - très imprécise - de la répartition des compétences en matière de sécurité, entre l’Etat, les entités indépendantes et les entreprises ferroviaires. A l’heure actuelle, celles-ci sont chargées de la mise en oeuvre des règles de sécurité, leur définition et le contrôle de leur application relevant des Etats. Désormais, cette fonction assumée par les Etats - à l’exécution de laquelle ceux-ci veilleront - sera remplie par des entités ou des entreprises qui ne fournissent pas elles-mêmes des services de transport ferroviaire. Les entreprises ferroviaires se verraient donc retirer toute compétence autre que la stricte exécution des services de transport.

En second lieu, en ce qui concerne l’octroi des licences ferroviaires, la proposition modifiant la directive 95/18/CE relative aux licences instaure un régime unique et universel valable pour toutes les entreprises ferroviaires, quelle que soit leur activité, alors que le régime en vigueur ne s’applique qu’à celles fournissant des services soumis à des droits d’accès. Le nouveau dispositif vise à préparer l’ouverture du marché ferroviaire, notamment celui des transports locaux et régionaux. En sont exclus, d’une part, les entreprises ferroviaires exploitant des services urbains ou suburbains de transport de voyageurs qui empruntent des lignes de métro ou de tramway et, d’autre part, celles réalisant leur propre activité de fret sur un réseau réservé à cet effet.

Les licences seront délivrées par un organisme qui n’effectue lui-même aucune prestation de service de transport et qui est indépendant des organismes ou des entreprises qui font des prestations de cette nature. Enfin, en ce qui concerne la répartition des capacités d’infrastructure, le texte destiné à remplacer la directive 95/19 introduit un dispositif inspiré d’une philosophie libérale qui constitue le fondement d’une nouvelle organisation du secteur ferroviaire dans son ensemble.

Ce dispositif définit de manière détaillée les droits des entreprises ferroviaires et du gestionnaire de l’infrastructure, ainsi qu’une procédure précise d’établissement d’horaires. Dans ce cadre, les divers opérateurs pourront demander des capacités, dont l’attribution obéira à des règles et critères connus à l’avance, en vue de résoudre les conflits entre les demandes de capacités et surmonter les problèmes liés à leur pénurie.

Par ailleurs, est également institué un organisme de contrôle indépendant, qui ne pourra être lui-même fournisseur de services de transport. Il sera chargé de la répartition des capacités et connaîtra des recours contre les décisions prises par le gestionnaire de l’infrastructure.

• En vue d’assurer une utilisation efficace et compétitive de l’infrastructure, la Commission propose deux séries de mesures : la première concerne la perception des redevances d’utilisation de l’infrastructure sur la base du coût marginal à court terme, c’est-à-dire le coût directement imputable à l’exploitation des trains. Cette tarification de base peut être modulée pour tenir compte, d’une part, de la rareté des capacités et, d’autre part, des dommages produits par l’exploitation des trains, comme le bruit. La Commission justifie cette mesure par deux motifs :

- il existe de trop fortes disparités entre les redevances d’infrastructure d’un Etat à l’autre ;

- le développement du transport de fret ferroviaire nécessite des péages relativement faibles, qui sont de nature à permettre au rail de faire face, avec quelques chances de succès, à la concurrence du transport routier.

Certaines exceptions à l’application de ce principe sont énumérées à l’article 9 de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire. Ainsi, dans le cas de projets particuliers d’investissement sur le réseau, une tarification fondée sur le coût marginal à long terme pourra être mise en place si le gestionnaire de l’infrastructure prouve à l’organisme de contrôle que cette modalité est nécessaire pour réaliser l’investissement et favoriser l’efficacité économique.

De même, pour des services autres que le fret, la proposition de directive prévoit diverses options permettant de percevoir des redevances plus élevées que celles qu’autoriserait l’application de la tarification au coût marginal à court terme.

La deuxième mesure proposée par la Commission tend à aller au-delà de la séparation - au moins comptable - de la gestion de l’infrastructure ferroviaire et de l’exploitation de transport, introduite par la directive 91/440/CEE. Ce dispositif tendait à assurer un fonctionnement efficace de deux activités liées mais distinctes, à garantir une utilisation transparente des fonds publics et à établir la tarification de l’infrastructure sur des bases solides. La Commission constate toutefois que dans le cas des services ferroviaires intégrés, «  des comptes de pertes et profits  »( 2) ont été dressés pour la gestion de l’infrastructure, mais pas de bilans, malgré l’importance cruciale qu’ils revêtent dans un secteur à si haute intensité de capital.

C’est pourquoi elle souhaite rendre obligatoire la séparation des comptes et des bilans, afin d’assurer une plus grande transparence entre l’activité des voyageurs - qui fait souvent l’objet de contrats de service public - et le fret, qui serait de nature exclusivement commerciale. Il s’agit, en fait, pour la Commission, de s’assurer qu’au sein des entreprises ferroviaires intégrées, le fret n’est pas subventionné par les autres activités, ce qui fausserait les règles de la concurrence aux dépens de nouveaux entrants se consacrant exclusivement au fret.

 Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

Pour la Commission, le « paquet législatif » a pour base juridique l’article 75 du Traité et relève donc de la compétence exclusive de la Communauté.

S’agissant de la proposition de directive modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement de chemins de fer communautaires, elle indique que : «  Le choix d’une directive devrait permettre un juste équilibre entre l’harmonisation nécessaire pour atteindre des objectifs fondamentaux de la Communauté et la reconnaissance des différences qui séparent les Etats membres en ce qui concerne la situation et l’organisation des chemins de fer, ainsi que des relations entre l’Etat et les chemins de fer  ».

Pour ce qui est de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, elle déclare qu’ «  elle est limitée aux aspects qui doivent être définis au niveau communautaire et laisse aux autorités compétentes des Etats membres le soin de régler le volet administratif et les aspects plus précis  ».

Or, ces affirmations de la Commission sont fortement contestées. La CCFE (Communauté des chemins de fers européens) ( 3) estime que la séparation de l’infrastructure devrait être déterminée par les Etats et non par la Communauté. Il en est de même de la séparation du transport des marchandises et de celui des passagers.

Quant à la proposition de directive sur la répartition des capacités d’infrastructure, les services ministériels français compétents considèrent que la création de l’organisme de contrôle indépendant à l’article 33 est contestable au regard du principe de subsidiarité. Car l’organisation du secteur ferroviaire est, selon eux, de la compétence de chacun des Etats et non de celle de la Communauté ; d’autre part, s’il est normal que puissent être vérifiées la transparence et la non discrimination dans l’accès au réseau, ainsi que la fourniture de prestations connexes, il s’agit là d’une obligation de résultat et non de moyen, chaque Etat étant maître de l’organisation à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs.

La CCFE a adopté une position analogue : «  Il conviendrait de laisser aux Etats membres le soin d’établir ou non des organes séparés pour l’attribution des sillons et la sécurité. De manière générale, les choix organisationnels devraient être laissés plus ouverts pour convenir aux circonstances nationales, en se concentrant sur l’absence de discrimination  ».

Une autre critique porte sur le caractère particulièrement détaillé du dispositif relatif à la répartition des capacités, lequel comporte 19 articles. Les services ministériels estiment ce niveau de détail incompatible avec la forme habituelle d’une directive et avec le principe de subsidiarité, qui devrait s’opposer à une réglementation du secteur ferroviaire excédant le cadre défini par le Traité.

 Contenu et portée :

- Proposition de modification de la directive 91/440

Outre les dispositions évoquées précédemment, relatives à la séparation comptable entre le gestionnaire de l’infrastructure et l’entreprise ferroviaire, ainsi que la dévolution de la responsabilité des règles de sécurité à un organisme indépendant, la proposition de directive contient une définition de l’entreprise ferroviaire et du gestionnaire de l’infrastructure. Le gestionnaire de l’infrastructure est défini comme toute entité publique ou entreprise publique ou privée, chargée de l’établissement et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire.

- Proposition de directive concernant la répartition des capacités d’infrastructure

Ce texte, qui se substitue presque entièrement à la directive 95/19, comporte diverses innovations importantes.

L’article 5 introduit le principe selon lequel les entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau peuvent prétendre à tous les services nécessaires à l’exercice de leur droit d’accès, dont la liste est fixée par une annexe à la directive.

L’article 14 fixe le principe selon lequel les sillons sont alloués pour une durée déterminée, correspondant à une seule période de validité de l’horaire - en règle générale une année. Cependant, l’article 20 permet de réserver des capacités à plus long terme dans le cadre « d’accords cadres » qui doivent être conclus pour une durée maximale de cinq ans.

L’article 16 institue une procédure de collaboration entre gestionnaires d’infrastructure des différents réseaux pour coordonner la répartition des sillons et prévoit la création d’un organisme spécifique pour coordonner la répartition internationale des capacités.

L’article 17 prévoit la création d’un document de référence du réseau, établi par le gestionnaire, qui constitue en quelque sorte le « guide » du réseau, puisqu’il expose les grandes caractéristiques des capacités de l’infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires ainsi que son mode d’emploi : conditions d’accès, tarifs, modalités d’attribution des sillons.

Enfin, l’article 19 consacre une notion nouvelle de « candidats autorisés », qui pourront réserver des sillons, alors que cette possibilité n’était jusqu’à présent ouverte qu’aux entreprises ferroviaires détentrices d’une licence et dans le cas des droits d’accès et de transit prévu à l’article 10 de la directive 91/440. Ces candidats autorisés pourront être toute personne physique ou morale ayant un intérêt pour agir en matière de transport ferroviaire. Outre les entreprises ferroviaires, il pourra s’agir de personnes morales de droit public, d’opérateurs de transport combiné, de chargeurs ou de courtiers.

 Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

- Loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

- Loi du 13 février 1997 portant création du Réseau Ferré de France.

 Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

Le groupe de travail « Transports » a procédé à un deuxième examen des directives 91/440 et 95/18 au cours de ses réunions des 4 et 12 novembre 1998.

S’agissant de la directive 91/440, la France - dont la position a été soutenue par la Belgique et le Luxembourg - s’est opposée à la séparation comptable entre les activités de fret et de passagers. Elle a émis une réserve d’examen sur cette disposition. Soutenue par d’autres délégations, elle s’est opposée à la disposition prévoyant la séparation des comptes et des bilans.

Face à l’hostilité de la plupart des délégations, la Commission a accepté de renoncer à modifier la définition de l’entreprise ferroviaire et de prévoir l’octroi d’un statut autonome - et non plus indépendant - aux gestionnaires d’infrastructure.

Pour ce qui est de la directive 95/18, la France, soutenue par l’Italie, la Belgique et le Luxembourg, s’est opposée à l’extension du champ d’application de la directive au trafic régional.

Par ailleurs, elle ne souhaite pas que la délivrance de licences à des entreprises qui ne sont pas des entreprises ferroviaires puisse leur faire bénéficier du régime de reconnaissance mutuelle instauré au paragraphe 4 de l’article 1er. Quant à la disposition concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, elle a donné lieu à une simple discussion générale.

 Conclusion :

Compte tenu de l’ampleur de la réforme proposée et des réserves qu’elle suscite - notamment de la part de la France - la Délégation a décidé de charger M. Didier Boulaud d’établir un rapport d’information sur ces propositions de directives.

(1) L’article 86 interdit les abus de position dominante et fournit une liste de pratiques abusives. L’article 90, paragraphe premier, interdit aux Etats membres d’édicter, en ce qui concerne leurs entreprises publiques ou leurs monopoles, des mesures contraires aux dispositions du Traité.
(2) Cette terminologie comptable, inusitée depuis l’avènement de la loi du 30 avril 1983, elle-même issue d’une directive communautaire sur les comptes sociaux, est quelque peu surprenante. Les comptes annuels sont « le bilan, le compte de résultat et l’annexe » (Cf. articles 8 et suivants du Code de commerce).
(3) La CCFE rassemble 25 entreprises de chemins de fer et gestionnaires d’infrastructures ferroviaires de l'Union européenne, de Norvège et de Suisse.