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Document E1296 Livre vert sur la responsabilité civile du fait des produits défectueux.
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Ce Livre Vert nous est soumis en application de la nouvelle rédaction de l’article 88-4 de la Constitution résultant de la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999, qui donne la faculté au Gouvernement de saisir les Assemblées, outre des propositions d’actes communautaires, des documents dits de consultation. Une telle innovation revêt un intérêt particulier, lorsque les textes concernés portent comme le présent Livre Vert, sur une question sensible, ayant donné lieu à des débats difficiles dans notre pays. Tel est le cas de l’exonération de la responsabilité pour risque de développement. Dernier Etat membre à avoir transposé la directive 85/374/CEE sur la responsabilité du fait des produits défectueux, la France y a procédé par la loi du 19 mai 1998, alors que l’entrée en vigueur de la directive avait été fixée au 30 juillet 1988. En outre, le 6 août 1999, la Commission a adressé à la France, en application de l’article 226 du traité CE, un avis motivé (1) en raison de la mauvaise transposition de la directive 85/374/CEE. Les reproches de la Commission portent sur trois points : – contrairement à l’article 9 de la directive, l’article 3 de la loi du 19 mai 1998 couvre tous les dommages, sans prévoir la déduction de la franchise de 500 écus pour les dommages aux biens privés ; – l’extension par l’article 8 de la loi du 19 mai 1998 du champ d’application de la directive au distributeur d’un produit défectueux n’est pas conforme à l’article 3, paragraphe 3 de la directive. – l’obligation instaurée par l’article 13, paragraphe 2, de ladite loi du 19 mai 1998 pour le producteur de prouver qu’il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d’un produit défectueux – ce qu’on appelle encore l’obligation de suivi – afin de pouvoir se prévaloir des causes d’exonération prévues à l’article 7 de la directive, n’est pas conforme à cette dernière disposition. 1. La directive en vigueur La directive 85/374/CEE vise à harmoniser, dans une large mesure, les droits nationaux sur la responsabilité civile du producteur, que celui-ci encourt envers toute victime – contractant ou tiers – au titre du dommage causé par un défaut de son produit, ce dernier désignant les biens mobiliers, les produits agricoles (2)ou l’électricité. Est défectueux le produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, compte tenu notamment de sa présentation, d’un usage raisonnable et de l’époque de sa commercialisation. Il incombe à la victime d’établir le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Seuls les dommages corporels ou matériels ouvrent droit à réparation, à l’exclusion de ce qui a trait à la satisfaction attendue par l’acquéreur d’un produit qui se révèle impropre à rendre les services escomptés. La victime dispose d’un délai de trois ans, à compter de la connaissance qu’elle peut avoir du défaut ou du dommage, pour agir en réparation, la responsabilité du producteur étant dégagée définitivement à l’issue d’une période de dix ans suivant la mise en circulation du produit. De son côté, le producteur peut se prévaloir de certaines causes d’exonération – par exemple, prouver « que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut » – ce qui est encore appelé le risque de développement. De même, le producteur est-il en droit d’invoquer à l’encontre de la victime une faute commise par elle. En revanche, la responsabilité qu’il encourt ne peut être écartée ou limitée par des clauses contraires. Il est également prévu que ces règles de réparation laissent la victime libre de se prévaloir de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle de droit commun, si bien que ce régime paraît destiné à se superposer aux normes nationales. Enfin, la directive ouvre deux options aux Etats membres, permettant : – de refuser au producteur de s’exonérer en prouvant que le défaut du produit constitue un risque de développement, parce qu’il était insusceptible d’être décelé en l’état de la science et de la technique, à l’époque de la fabrication ; – ou encore de limiter à 70 millions d’écus – plus de 450 millions de francs – le montant de l’indemnisation pouvant être dû pour les dommages causés par un même type de produit. Aux termes de l’article 19 de la directive, celle-ci devait être transposée au plus tard trois ans à compter de sa notification aux Etats membres, soit avant le 30 juillet 1988. 2. Le Livre Vert Dans un contexte assez différent de celui de 1985, la Commission estime indispensable de vérifier si la directive 85/374/CEE continue de remplir ses objectifs eu égard aux nouveaux risques auxquels l’Europe aura à faire face dans l’avenir. La Commission devant, en application de l’article 21 de la directive, adresser des rapports périodiques (3)au Conseil et au Parlement sur la mise en œuvre de la directive, le présent Livre Vert sert à préparer le rapport prévu à la fin de l’an 2000. Ce sont l’ampleur et la variété des intérêts en jeu, qui, aux yeux de la Commission, justifient le choix d’un Livre Vert. Celui-ci comporte, en effet, un double objet : – d’une part, il permet de recueillir des informations afin d’évaluer les conditions d’application de la directive, compte tenu des expériences des acteurs concernés – en particulier l’industrie et les consommateurs – et de vérifier, en définitive, si elle remplit ses objectifs ; – d’autre part, il sert à « tester » les réactions à une éventuelle révision de la directive sur les points les plus sensibles. A cet égard, la Commission précise toutefois que « Le Livre Vert ne préjuge pas la position de la Commission sur l’avenir de l’instrument » et « n’implique pas d’entamer, à ce stade, une révision législative de son contenu ». Elle se propose seulement de soulever une série de questions constituant des pistes de réflexion, toute partie concernée étant invitée à lui présenter ses observations écrites avant la fin du mois de novembre prochain. A. La Commission se propose d’abord, dans le point 2 du Livre Vert, d’obtenir l’information la plus complète possible concernant les effets de la directive sur les points suivants : le bon fonctionnement du marché unique ; la protection de la santé et de la sécurité des citoyens ; la compétitivité de l’industrie et sa capacité d’innovation et le secteur des assurances. Rappelant que la directive ne constitue qu’un premier élément de l’établissement d’une vraie politique de responsabilité civile du producteur au niveau communautaire, la Commission estime que l’objectif d’une harmonisation renforcée (4)ne semblerait a priori atteint qu’avec le maintien de l’objectif de l’harmonisation totale de la directive actuelle – les Etats membres ne pouvant adopter de nouvelles règles plus strictes dans le cadre de la directive. C’est pourquoi, la Commission est amenée à poser, en particulier deux questions portant : – sur l’opportunité de réviser la directive pour qu’elle devienne le régime commun et unique de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui entraînerait la suppression de l’article 13 de la directive, qui permet aux victimes de se prévaloir également des régimes nationaux de responsabilité ; – sur le choix d’une harmonisation minimale, qui permettrait à chaque Etat membre d’adopter des règles de responsabilité plus strictes. Evoquant les effets de la directive sur la protection de la santé et la sécurité des citoyens, la Commission rappelle que le Parlement européen a demandé la révision substantielle de la directive de 1985 en vue de mieux atteindre l’objectif de protection de la santé et de la sécurité, à l’occasion du débat, en première lecture, de la directive 99/34/CE, qui a étendu le champ d’application de la directive de 1985 aux produits agricoles. Or, tout en déclarant prendre note de ces critiques et s’apprêter à examiner leur bien-fondé sur la base des résultats du Livre Vert, elle estime qu’un renforcement éventuel de la responsabilité du producteur devra passer par la consolidation des atouts de la directive de 1985, en particulier son approche jugée équilibrée par la Commission quant à la répartition des risques. C’est la raison pour laquelle, la Commission pose la question : « Faudrait-il modifier la directive en faveur d’une protection renforcée des intérêts des victimes, même si cela implique de ne pas maintenir son équilibre actuel ? ». B. En second lieu, la Commission s’interroge, dans le point 3 du Livre Vert, sur la justification de la réforme éventuelle de la directive 85/374/CEE et évoque les pistes pouvant servir de base à une telle réforme. Ces pistes concernent : – la victime ; – la mise en œuvre de l’exonération en cas de « risques de développement » et l’évaluation d’une éventuelle suppression ; – l’existence de limites financières et sa justification ; – le délai de dix ans et les effets d’une éventuelle modification ; – l’instauration de l’obligation pour le producteur de s’assurer pour les risques dérivés de la production défectueuse ; – l’amélioration de l’information sur la résolution des cas dérivés des produits défectueux ; – la responsabilité du fournisseur ; – le type de biens et de dommages couverts. Le Rapporteur se limitera ici aux observations formulées par la Commission sur l’éventuelle suppression de l’exonération pour « risque de développement », en raison de la place centrale que cette disposition a prise lors des débats parlementaires sur la transposition de la directive par la France qui écartait jusqu’alors cette cause d’exonération. Il importe de rappeler, sur ce point, que la loi du 19 mai 1998 interdit au producteur d’invoquer cette cause d’exonération lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par des produits issus de celui-ci. D’autres Etats membres ont également supprimé cette cause d’exonération (5). Après avoir évoqué la jurisprudence de certaines juridictions sur la portée de l’exonération pour risque de développement, en particulier, celle de la Cour de Cassation (6) – la Commission observe, d’une part, que, l’article 15, paragraphe 3, de la directive, a autorisé l’exonération durant une période de dix ans, tout en laissant aux Etats membres la possibilité de la supprimer unilatéralement. D’autre part, conformément à la même disposition, il avait été convenu que la Commission évalue si le producteur devrait être responsable en cas de « risques de développement », après la période de transition. Or, le Conseil n’a pas décidé l’abrogation de l’article 7 point e) relatif à l’exonération du risque de développement, le rapport déposé par la Commission le 13 décembre 1995 ne l’ayant pas préconisé. La dernière phrase de l’article 15 paragraphe 3, de la directive prévoit en effet : « A la lumière du rapport (de la Commission), le Conseil, statuant dans les conditions prévues à l’article 100 du Traité sur la proposition de la Commission, décide de l’abrogation de l’article 7 point e) ». Quoi qu’il en soit, selon la Commission, il s’agit de savoir si la suppression de la cause d’exonération de l’article 7, point e) de la directive aurait des conséquences très dommageables pour l’industrie et/ou le secteur des assurances. Elle estime, en effet, qu’« une telle suppression pourrait poser des problèmes du point de vue de l’assurabilité de ces risques, en raison du manque de critères pour prévoir la probabilité d’un risque dont on ignore l’existence au moment de la commercialisation du produit ». Mais faute de disposer de l’information nécessaire en la matière, la Commission invite les opérateurs à fournir des données précises quant à la mise en œuvre de l’exonération afin d’évaluer : – si la suppression de l’exonération découragerait les producteurs d’innover, notamment dans les secteurs les plus sensibles à cet égard, tel que celui de la pharmacie ; – et si l’assurabilité de ce type de risques serait toujours possible. 3. Réactions suscitées Les départements ministériels intéressés ont procédé à une première discussion le 18 octobre dernier. Toutefois, il apparaît qu’en raison du caractère récent de la transposition de la directive par la France, il leur est difficile – ainsi d’ailleurs qu’aux autres personnalités consultées (MEDEF, organisations de consommateurs et praticiens du droit) – de répondre à certaines questions du point 2 du Livre vert, relatif aux effets de la directive. En particulier, ils ne disposent pas des éléments statistiques ou jurisprudentiels nécessaires. En ce qui concerne le problème de l’opportunité de modifier la directive, aucune position précise ne s’est dégagée au cours de cette réunion, plusieurs départements ministériels n’ayant pas encore arrêté leur position à ce sujet. Les représentants de certains ministères ont fait part de leur crainte que des demandes de modification de la directive n’aient pour effet de rouvrir les débats difficiles – en particulier sur l’exonération pour risque de développement – qui ont marqué le processus de transposition de la directive par la France. D’autres ont estimé que les problèmes posés par l’avis motivé adressé par la Commission à la France, ainsi que la question préjudicielle soulevée par une juridiction danoise sur la notion de dommage devraient, au contraire, susciter une réflexion sur certains aménagements à apporter à la directive. Dans le souci de répondre à une meilleure sécurité juridique et de mieux prendre en compte les évolutions intervenues dans le domaine de la santé au cours de ces dernières années, une telle réflexion pourrait viser : – d’une part, à clarifier les notions de dommage et de mise en circulation des produits, en particulier celle des produits de santé ; – d’autre part, à choisir entre une harmonisation minimale – qui permet aux Etats membres d’adopter des mesures plus strictes – et une harmonisation totale instituant un régime unique. Cette seconde solution peut s’avérer moins favorable pour les consommateurs que l’harmonisation minimale, si elle n’intervient pas sur la base d’un haut niveau de protection. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement devrait adresser à la Commission une réponse officielle sur le Livre Vert vers la fin du mois de novembre prochain. Hormis le MEDEF, qui est pour l’essentiel hostile à toute modification de la directive, les autres personnalités consultées ont défendu des points de vue contrastés sur les pistes de réforme envisageables. – S’agissant de la charge de la preuve, Me Jérôme Franck, Avocat au Barreau de Paris et Mme Reine-Claude Mader, Secrétaire générale de la Confédération syndicale du cadre de vie, estiment qu’elle devrait être renversée. Se référant au cas de produits souvent complexes tels que les médicaments, ils considèrent que cette charge de la preuve reposant sur la victime est lourde et nécessite le recours à une expertise, qui est en général fort onéreuse. Ils jugent donc nécessaire de prévoir soit un renversement de la charge de la preuve, soit une obligation pour le producteur d’avancer les frais d’expertise, dès lors que la victime rapporte non pas la preuve du lien de causalité entre le défaut et le dommage, mais des indices rendant vraisemblable l’existence d’un tel lien. – En ce qui concerne l’exonération pour risque de développement, M. Jean Calais-Auloy, Professeur à l’Université de droit de Montpellier, et Mme Geneviève Viney, Professeur à l’Université de Paris I, se prononçent en faveur de sa suppression. Ils y voient une source de complexité, puisque coexistent désormais depuis la loi de transposition du 19 mai 1998, deux systèmes opposés : celui issu de la directive, qui admet une telle cause d’exonération et celui résultant des solutions consacrées par la jurisprudence avant 1998 qui, au contraire, écartent cette cause d’exonération. En revanche, M. Pierre Sargos, Conseiller à la Cour de Cassation, est opposé à sa suppression. D’une part, il rappelle que, selon un arrêt du 29 mai 1997 de la Cour de Justice, le producteur ne s’exonère pas en prouvant seulement qu’il ignorait le défaut de son produit, mais doit prouver qu’au moment de sa mise en circulation, l’état des connaissances scientifiques et techniques ne lui permettait pas de connaître le défaut ou que ces connaissances ne lui étaient pas accessibles. D’autre part, il observe que l’application du principe de précaution concourt également à limiter les effets de cette cause d’exonération. Enfin, soucieux de mieux responsabiliser les producteurs, Maître Jérôme Franck et Mme Agnès Chambraud, chargée de mission au service juridique de l’INC (Institut national de la consommation), proposent l’instauration au niveau communautaire de l’obligation de suivi, analogue à celle imposée par la loi française de transposition (7). Mme Agnès Chambraud fait ainsi remarquer que si cette obligation de suivi ne figure pas dans la directive de 1985, en revanche, elle est imposée par l’article 3 de la directive du 29 juin 1992 relative à la sécurité générale des produits, le producteur devant « adopter des mesures proportionnées, en fonction des caractéristiques des produits qu’ils fournissent, leur permettant d’être informés sur les risques que ces produits pourraient présenter et d’engager les actions opportunes y compris, si nécessaire, le retrait du produit en cause du marché pour éviter ces risques. » Quant à Mme Marie-Angèle Hermitte, directrice de recherches au CNRS, reprochant à la Commission de ne pas aller suffisamment loin dans ses réflexions en vue de décourager la mise en circulation de produits dangereux, elle préconise d’imposer au producteur qui invoque le risque de développement, de prouver qu’il a réellement évalué le risque de mise en circulation de son produit. L’exonération ne serait alors admise que si, malgré une telle évaluation, le défaut du produit est demeuré indécelable. En second lieu, tout comme la professeur Geneviève Viney et Me Jérôme Franck, Mme Marie–Angèle Hermitte approuve l’idée de la Commission d’adapter en Europe le mécanisme du « market share liability » (responsabilité pour part de marché). Cette disposition du droit américain permet de régler les difficultés de la preuve de l’identification du producteur dans le cas où le même produit est fabriqué par plusieurs producteurs, par exemple, un médicament fabriqué sous licence par plusieurs laboratoires. Dans un tel cas, le droit américain exige seulement du plaignant qu’il apporte la preuve d’un lien entre le dommage et le produit incriminé, sans avoir à citer le nom du fabricant. Il suffit qu’une entreprise profite des bénéfices de la vente de ce produit pour que sa responsabilité puisse être engagée, ce qui permet au plaignant d’impliquer plusieurs industriels pour leur lien avec le produit incriminé et de demander des dommages et intérêts au défendeur le plus solvable, quel que soit son degré de responsabilité. Ce dernier ayant la possibilité de se retourner contre ses concurrents, la réparation du dommage incombera alors à l’ensemble des fabricants au prorata de leur part de marché. – Pour ce qui est du délai de prescription de dix ans, ni le professeur Jean Calais-Auloy ni M. Pierre Sargos ne sont convaincus de la nécessité de l’allonger. Ce dernier, tout en rappelant que le rapport de la Cour de cassation s’est prononcé contre un tel allongement, a estimé que, au–delà de dix ans, les risques ne pourraient plus être indemnisés par les assureurs mais plutôt par un fonds d’indemnisation, solution que préconise également le professeur Jean–Pierre Pizzio pour les dommages causés par les médicaments. Me Jérôme Franck, Mmes Reine-Claude Mader et Agnès Chambraud justifient, en revanche, l’allongement du délai de responsabilité du producteur par la nécessité de prendre en compte les situations où le défaut est découvert plus de dix ans après la mise en circulation du produit : cas de certains médicaments, ou de la transmission de la maladie de Creutzfeld-Jacob par l’ingestion de viande bovine atteinte de l’ESB. Sur ce point, le Rapporteur observe, comme la Commission, que le Parlement européen avait, en 1998, proposé de porter le délai à vingt ans, en cas de « défauts cachés ». – S’agissant de l’obligation d’assurance, plusieurs personnalités se sont prononcées en faveur d’une telle mesure, Me Jérôme Franck faisant observer qu’elle permettrait de pallier les difficultés rencontrées par les victimes qui, par exemple en cas de liquidation judiciaire, ne disposent que du seul recours contre l’assureur pour obtenir une indemnisation. – Pour ce qui est de la franchise et du plafond de la responsabilité, plusieurs personnalités sont favorables à leur suppression, au motif que le droit français ne connaît pas de telles limitations (8). En outre, le professeur Jean Calais–Auloy fait observer que la suppression du plafond pourrait mettre fin aux distorsions de concurrence existant entre les Etats membres qui ont instauré un tel plafond (9) et les autres Etats qui ne prévoient pas cette disposition. En revanche, Mme Marie-Angèle Hermitte s’est déclarée hostile à la suppression du plafond, afin d’éviter que la demande d’indemnisation ne donne lieu à une surenchère de la part des victimes. – S’agissant du champ d’application de la directive, plusieurs personnalités estiment souhaitable d’appliquer la directive aux fournisseurs, comme c’est le cas en droit français, cette disposition étant contestée par l’avis motivé de la Commission. M. Pierre Sargos se demande s’il ne conviendrait pas également d’y inclure les professionnels utilisant des produits défectueux pour l’exécution de contrats de service, par exemple le médecin qui, ayant utilisé un matériel défectueux, a causé un dommage. Quant à Mme Agnès Chambraud et Me Jérôme Franck, ils souhaiteraient que la directive s’applique également au dommage moral et au dommage causé au produit lui–même. – S’agissant de la question de la suppression de l’article 13, qui autorise le cumul des régimes de responsabilité (celui de la directive et celui des Etats membres), plusieurs personnalités y sont favorables, car le système actuel risque, à leurs yeux, de déboucher sur des procédures confuses. En revanche, tout en convenant qu’un tel risque existe, Mme Agnès Chambraud s’oppose néanmoins à la suppression de l’article 13, estimant nécessaire de maintenir la possibilité pour les victimes d’introduire une action sur le fondement du droit commun. Elle craint que la suppression de cette possibilité n’entraîne une nette régression du niveau de protection des consommateurs, en raison notamment du problème des délais et de la délicate question du risque de développement. – Sur l’accès à la justice, plusieurs personnalités sont favorables à l’introduction, sous réserve d’aménagements, d’une procédure analogue à la « class action » ou recours collectif. Cette procédure du droit américain permet – lorsqu’un trop grand nombre de demandeurs ou de défendeurs devrait être appelé à l’instance, au point que ce serait difficilement réalisable – à l’un ou plusieurs d’entre eux d’être désignés pour représenter les autres, si des questions de fait ou de droit étaient dans l’intérêt commun de tous. La partie choisie pour représenter les autres doit offrir certaines qualifications. Le jugement rendu à la suite d’une « class action » a l’autorité de la chose jugée, à l’égard de toutes les parties qui avaient décidé d’y être représentées. Les professeurs Jean Calais-Auloy et Geneviève Viney estiment toutefois nécessaire de limiter aux associations agréées la possibilité d’exercer cette action de groupe, afin d’éviter les dérives du système américain. Conclusion : La Délégation a décidé, en raison de l’importance des enjeux, d’élaborer un rapport d’information et une proposition de résolution afin de faire connaître la position de la représentation nationale sur les nouvelles orientations de la Commission sur les questions faisant l’objet du Livre Vert.
(1) La Commission a également adressé un
avis motivé à l’Autriche et à la Grèce. |