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Document E1405 Livre blanc sur la sécurité alimentaire.
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Au moment où plusieurs crises ont fait naître chez les consommateurs un degré élevé d’exigence en matière de sécurité alimentaire, la Commission vient de présenter un Livre blanc sur le sujet, que le Gouvernement a transmis à la Délégation, comme la possibilité lui en est offerte depuis la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999. La Délégation est sensible à ce souci de l’associer au mieux au processus de décision communautaire. Cela étant, à l’égard d’un document de cette nature, elle ne peut constituer qu’un relais d’information. Or, il se trouve que sur le sujet abordé par le présent Livre blanc, l’Assemblée nationale est aujourd’hui particulièrement bien informée, puisque viennent d’être rendues publiques les conclusions de la commission d’enquête sur la sécurité de la filière alimentaire. On se bornera donc ici à présenter les points essentiels de la réflexion de la Commission, sachant que c’est seulement lorsqu’elle aura fait connaître son dispositif finalisé qu’une appréciation exacte pourra être portée sur la pertinence de ses choix. Le principe directeur sur lequel est fondée la démarche de la Commission est celui de la nécessité d’une approche globale de la sécurité alimentaire, qui englobe, « de la ferme à la table », tous les maillons de la chaîne alimentaire et tous les secteurs de l’alimentation. Ceci suppose en particulier de parvenir à assurer la traçabilité des aliments et de leurs ingrédients grâce à une transparence totale de la part de l’ensemble des parties prenantes. Le point central du dispositif envisagé par la Commission dans ce livre blanc est la création d’une Autorité alimentaire européenne. La mise en place de cette instance devrait s’accompagner d’un ensemble de 80 mesures tendant à l’amélioration des normes de sécurité alimentaire. Enfin, le dispositif de contrôle devrait être amélioré. * L’Autorité alimentaire européenne Le rôle qui serait dévolu à cette Autorité découle de la mise en œuvre du principe de séparation fonctionnelle de l’évaluation et de la gestion des risques. L’évaluation des risques, dont l’objectif est la formulation d’avis scientifiques fondé sur l’analyse d’informations exhaustives obtenues au moyen de réseaux de surveillance dans les secteurs concernés, relèverait de la future Autorité. La Commission considère qu’elle doit conserver l’exclusivité de la gestion des risques, dans ses deux composantes de législation et de contrôle, pour éviter une dilution des responsabilités et assurer la meilleure efficacité au dispositif. L’Autorité alimentaire européenne conçue par la Commission devrait fonder l’exercice de sa mission sur les trois principes d’indépendance, d’excellence et de transparence. Sa première tâche devrait consister en la récolte et l’analyse de l’information. Les méthodes et les indicateurs destinés à identifier les risques potentiels pour l’alimentation sont multiples. Ils peuvent inclure les données provenant des contrôles effectués tout au long de la chaîne alimentaire, des réseaux de surveillance des maladies, des recherches épidémiologiques et des analyses de laboratoire. Une juste appréciation de l’évolution des risques alimentaires et l’identification des risques nouveaux sont fondées sur la qualité de l’analyse de l’ensemble de ces données. L’Autorité alimentaire européenne devrait en deuxième lieu formuler des avis scientifiques à la Commission sur toutes les questions ayant un impact direct ou indirect sur la sécurité et la santé des consommateurs, en rapport avec la consommation de denrées alimentaires, les processus industriels, le stockage, la distribution. Il s’étendrait également à la santé des animaux ainsi qu’à l’évaluation des risques dans d’autres domaines (notamment l’environnement et la chimie) en cas d’interaction avec les risques relatifs à l’alimentation. Enfin, l’Autorité devrait assurer la communication avec les consommateurs sur les questions alimentaires. Si on ne peut globalement que souscrire aux orientations ainsi tracées, il faudra être attentif au dispositif qui sera présenté par la Commission en vue de la création de l’Autorité, en particulier sur les points suivants : indépendance, tant vis–à–vis Etats membres que des institutions communautaires ; rapports avec les institutions communautaires, en particulier bien sûr avec la Commission dont le rôle en matière de gestion des risques demeurerait prééminent ; rapports avec les Etats membres et notamment avec les organismes nationaux chargés de missions comparables. Au cours du débat qui a eu lieu sur le Livre blanc au sein du Conseil « Marché intérieur » du 16 mars dernier, a été réaffirmé le consensus, apparu lors de discussions antérieures, sur le principe d’une autorité alimentaire indépendante. Toutefois, si la grande majorité des Etats membres a confirmé son adhésion au principe d’une séparation fonctionnelle entre la mission d’évaluation des risques, dévolue à la future Autorité, et celle de gestion des risques qui continuerait à incomber aux institutions politiques soumises à un contrôle démocratique, certains Etats membres semblent néanmoins avoir déplacé le curseur des compétences de l’Autorité vers la gestion des risques. A tout le moins, ces Etats (Luxembourg, Royaume-Uni, Belgique et Pays–Bas, et, à un degré moindre, Danemark et Grèce), insistent sur les nécessaires relations à établir entre les différentes étapes de l’analyse des risques ainsi qu’entre celle–ci et la gestion des risques. * Une nouvelle législation alimentaire européenne A côté de la création d’une Autorité alimentaire européenne, la Commission estime nécessaire de procéder à une révision de la législation alimentaire dans l’Union européenne, dans le prolongement de la réflexion lancée en 1997 avec la publication de son Livre vert sur la législation alimentaire. Cette démarche est fondée sur la constatation, dans l’état actuel des choses, d’une grande disparité des moyens de réagir à une situation dans des secteurs spécifiques ou de mettre en œuvre les actions multiples qui s’imposent lorsqu’un problème se répercute d’un secteur à un autre. Une des principales faiblesses du système actuel à laquelle la Commission entend remédier réside dans l’incapacité de toutes les parties concernées à donner rapidement l’alerte sur un risque potentiel de façon à pouvoir le plus vite possible procéder à l’évaluation scientifique et arrêter les mesures de protection requises. La nouvelle approche prônée par la Commission devrait trouver de nombreux points d’application. D’après les orientations définies dans le Livre blanc, la refonte de la législation devrait en effet concerner les domaines suivants : – un nouveau cadre juridique pour la sécurité alimentaire, fondé sur les principes de cohérence et de transparence ; – un nouveau cadre juridique pour les aliments pour animaux, destiné notamment à définir clairement les matériaux qui peuvent ou ne peuvent pas être utilisés dans la production de ces aliments ; – la santé et le bien–être des animaux, dans la mesure où la politique de sécurité alimentaire est directement concernée ; – l’hygiène : les dispositions en matière d’hygiène des denrées alimentaires ont été adoptées en ordre dispersé, de sorte que les régimes sont différents selon l’origine animale ou végétale des produits ; l’idée est de présenter un nouveau règlement général garantissant la cohérence et la clarté du dispositif ; – les contaminants et résidus, pour lesquels des limites doivent être fixées et contrôlées ; – les nouveaux aliments, qui doivent faire l’objet de dispositions renforcées et rationalisées ; – les additifs, les arômes, l’emballage et l’ionisation : la législation existante doit être mise à jour et complétée. * Une amélioration des contrôles Enfin, la Commission estime nécessaire de proposer un texte législatif exhaustif destiné à refondre les différentes dispositions en matière de contrôle. En effet, les différentes dispositions existantes ont été édictées au fil du temps et leur approche du fonctionnement du contrôle n’est pas homogène. Par ailleurs, les prescriptions relatives au contrôle de la viande doivent être revues car elles ne correspondent plus aux méthodes modernes de gestion de la sécurité des aliments. Le nouveau cadre communautaire de contrôle envisagé par la Commission devrait comporter trois éléments de base : – des critères opérationnels définis à l’échelon communautaire que devraient respecter les autorités nationales ; – des orientations communautaires en matière de contrôle destinées à identifier des priorités en fonction des risques, qui favoriseraient des stratégies nationales cohérentes ; – une meilleure coopération administrative dans la conception et la gestion des systèmes de contrôle. Dans la conception de ce cadre communautaire global pour les systèmes de contrôle, il sera tenu compte de l’expérience de l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV). Le calendrier envisagé par la Commission pour la mise en œuvre du plan d’action proposé par le Livre blanc va de décembre 2001 à décembre 2003 selon les mesures concernées. Pour ce qui est de l’Autorité alimentaire européenne, le texte l’instituant pourrait être adopté en décembre 2001, de façon à ce qu’elle puisse commencer à fonctionner dès le début de l’année 2002. M. François Guillaume, tout en jugeant indispensable la création d’une autorité alimentaire européenne, a souligné la nécessité de veiller à une articulation claire de ses compétences avec celles des autorités nationales similaires. M. Maurice Ligot a insisté de son côté sur le fait que la sécurité alimentaire est devenue une préoccupation essentielle des citoyens, ce qui justifie la mise en place d’autorités alimentaires indépendantes, tant au niveau national que communautaire. Il a toutefois souligné que la diversité des modes alimentaires dans les Etats membres pourrait conduire à des divergences d’appréciation. Compte tenu de l’importance des questions évoquées par le Livre Blanc, le Président a évoqué l’éventualité d’un rapport d'information de la Délégation, auquel il a invité ses collègues à se porter candidats. |