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Document E1406 Communication au Conseil et au Parlement européen sur la création du ciel unique européen.
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Motivation
et objet : Présentée au Conseil « Transports » du 10 décembre 1999, la présente communication fait suite à la résolution du Conseil du 17 juin 1999. Celle ci invitait la Commission à présenter une communication sur les mesures tendant à réduire les retards constatés dans le trafic aérien et la saturation de l’espace aérien en Europe, afin de permettre au Conseil d’évaluer l’incidence de ces actions et de statuer, le cas échéant, sur de nouvelles initiatives. La Commission constate qu’un vol sur trois en Europe est en retard, le retard moyen étant de vingt minutes et peut atteindre plusieurs heures en période de pointe. Pour faire face à cette dégradation du trafic aérien, dont il faut s’attendre à ce qu’elle se poursuive dans les cinq années à venir, la Commission propose une approche inspirée de celle qui a été adoptée en 1985 pour la création du marché unique et en 1990 pour la réalisation de l’Union économique et monétaire. Dans cette perspective, elle estime que la création d’un ciel unique européen passe par des réponses techniques et opérationnelles communes. Cet objectif suppose en outre une gestion collective de l’espace aérien au mieux de tous ses usagers – civils et militaires – qui doit permettre une réorganisation substantielle de ses structures et de son utilisation. Pour la Commission, l’expérience des dernières années ainsi que la crise du Kosovo( 1) ont montré les limites des efforts déployés jusqu’à présent pour améliorer la gestion du trafic aérien en Europe, en particulier dans le cadre d’Eurocontrol. Organisation internationale créée en 1961, Eurocontrol regroupe aujourd'hui vingt-huit membres, dont les Etats membres de la Communauté européenne, à l’exception de la Finlande, qui négocie son adhésion. Eurocontrol a pour tâche d’organiser la coopération entre les administrations nationales et de gérer le trafic dans une partie de l’espace aérien de l’Allemagne, de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas. Une nouvelle convention signée le 27 juin 1997, dont la ratification est liée à l’adhésion de la Communauté à Eurocontrol, doit contribuer à renforcer sa capacité de décision. Or, la Commission doute que les diverses mesures prises par Eurocontrol, en particulier la stratégie pour les années 2000, qui vise à répondre aux besoins des usagers pour les quinze ans à venir, constituent une réponse appropriée si d’importantes réformes structurelles ne sont pas entreprises tant au niveau national qu’européen. Dans l’immédiat, elle juge nécessaire de mener d’urgence des actions à court terme pour l’été prochain, dont l’objectif est de permettre aux Etats membres d’éviter que se renouvelle la situation de l’été 1999, qu’elle qualifie de désastreuse( 2). Elle préconise ainsi : – la mise en place d’une programmation par tous les acteurs, sous la responsabilité d’Eurocontrol, pour donner un cadre de référence commun aux prestataires de services – les centres de contrôle, en particulier – et aux compagnies aériennes ; – la conception par Eurocontrol d’itinéraires de délestage, dont l’utilisation doit être prescrite en cas de crise ; – la mise en œuvre par Eurocontrol de plans d’urgence pour faire face à des événements imprévus dus aux conditions météorologiques ou aux grèves ou à des phénomènes externes, tels que la crise des Balkans. Par ailleurs, la Commission proposera, au cours de cette année, la mise en place d’un système de publication d’indicateurs de ponctualité, à l’exemple de ce qui existe aux Etats-Unis, de façon à ce que les usagers puissent apprécier l’évolution de la situation. Quant au second volet de son projet, touchant à la réorganisation de l’espace aérien, la Commission suggère les orientations suivantes : – le découpage des secteurs et la définition des routes doivent être mis en œuvre – moyennant des sauvegardes appropriées pour protéger la sécurité nationale – de telle sorte que l’utilisation de l’espace aérien réponde à des critères d’efficacité ; – la répartition de l’espace aérien entre les utilisations civiles et militaires doit tenir compte des nouvelles réalités géopolitiques, dont la Commission ne précise toutefois pas le contenu, et entrer dans un cadre cohérent et efficace, la Commission estimant que « actuellement, la coopération entre le secteur militaire et le secteur civil est organisée de manière incompatible avec un fonctionnement efficace de l’espace aérien » ; – le développement de procédures et d’outils nouveaux, tels que le projet de navigation par satellite Galileo ; – la recherche du fonctionnement efficace du régulateur du trafic aérien et des prestataires des services, au moyen de la séparation de ces deux activités aussi bien dans les Etats membres qu’au sein d’Eurocontrol. La Commission indique que, pour mettre en œuvre ces orientations, elle ouvrira un dialogue avec les partenaires sociaux et qu’elle constituera un groupe à haut niveau, présidé par Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne en charge des transports. Réunissant les responsables civils et militaires de la gestion du trafic aérien des Etats membres, il devra examiner les problèmes posés par l’utilisation civile et militaire de l’espace aérien, tout en tenant compte des intérêts des usagers du transport aérien. Il travaillera en particulier sur la base des propositions d’actions contenues dans les annexes à la communication et devra élaborer un rapport, dont la présentation au Conseil est prévue pour le mois de juin 2000. Ce groupe a déjà tenu deux réunions les 17 janvier et 15 février derniers, une réunion par mois étant prévue. Il comprend six sous-groupes, chargés d’étudier les thèmes suivants : la répartition actuelle de l’usage de l’espace aérien entre les autorités militaires et les compagnies aériennes ; l’établissement des routes aériennes ; le cadre réglementaire à mettre en place ; la distinction entre les fonctions de réglementation et celles d’opérateur ; la politique tarifaire ; les ressources humaines, ce dernier sous-groupe devant en principe examiner l’acceptation des réformes par les contrôleurs aériens. Contenu et portée : La communication comporte plusieurs annexes, dans lesquelles la Commission procède à l’analyse de trois points principaux : – la situation actuelle en matière de retards et d’encombrement de l’espace aérien ; – les mesures prises jusqu’à présent pour y porter remède ; – les actions qu’elle juge souhaitable de mener dans le domaine de la gestion de l’espace aérien. > La Commission indique que le système du contrôle aérien – encore appelé ATM ( Air Traffic Management ) – est responsable de la moitié des retards, les autres causes étant les conditions météorologiques, la capacité de contrôle du trafic aérien ( Air Traffic Control , ATC) et les incidents dont les causes ne sont pas clairement définies. Selon la Commission, « On peut dire en gros que les opérateurs aériens et les aéroports sont chacun responsables de 25 % des retards ». En second lieu, la Commission cite des chiffres recueillis par l’AEA, l’Association européenne des compagnies aériennes( 3), qui font apparaître une augmentation des retards : – les retards de plus de quinze minutes – dont la moitié est due à l’ATC – concernaient 12 % des vols en 1986, 20 % en 1988, 23,8 % en 1989, 12,7 % en 1993, 18,5 % en 1996 et 22,8 % en 1998 ; – les chiffres les plus élevés ont été de 23,6 % en juillet 1988, 30,8 % en juin 1989 et 29,2 % en juin 1998. Les chiffres pour 1999 montrent une aggravation, 30 % des vols ayant été retardés au cours des six premiers mois, avec une pointe de 37,3 % en juin. Cette analyse a été contestée par le ministre de l’équipement, des transports et du logement lors du Conseil « Transports » du 10 décembre 1999 et par les syndicats. Ces derniers reprochent à la Commission de passer sous silence les retards imputables aux pratiques des compagnies aériennes. Au demeurant, M. Yves Lambert, Directeur général d’Eurocontrol, observe que : « Le conflit du Kosovo n’explique cependant pas tous les retards. Nous avons en effet observé quelques tendances un peu inquiétantes. Par exemple, la libéralisation se traduit notamment par le fait que, en général, les compagnies aériennes offrent davantage de vols que ce que requiert la demande vers des destinations populaires : alors qu’il y a cinq ans, on comptait 27 vols allez-retour par semaine entre Paris et Nice, par exemple, ce nombre est aujourd’hui de 40 »( 4). > En second lieu, la Commission rappelle les diverses mesures qui ont été prises pour porter remède à cette situation. Ainsi, en 1990, Eurocontrol a été chargé par la CEAC (Conférence européenne de l’aviation civile)( 5), de préparer un programme de convergence et de réalisation (CIP) visant à mettre en place une programmation collective dotée d’objectifs et d’un calendrier communs, ainsi qu’une programmation détaillée au niveau de chaque Etat (CIP local). Les organismes nationaux de gestion du trafic aérien (ATM) ont recruté et formé du personnel, mais également amélioré leurs installations dans ce cadre. Des initiatives analogues au CIP ont été prises au titre de divers programmes subrégionaux, afin de résoudre les difficultés locales ou de renforcer l’efficacité de la gestion de l’espace aérien au moyen d’une planification commune et du partage des installations. Pour compléter ces mesures, Eurocontrol a entamé une évaluation des besoins de capacité intitulée « planification des capacités à moyen terme », qui a pour objet de persuader les prestataires de services de trafic aérien de planifier les investissements en termes d’équipements et de ressources humaines pour répondre à la demande de trafic. De même, en vue de porter remède à l’absence d’interopérabilité entre les systèmes nationaux – l’OACI ne s’occupant pas de ce problème – Eurocontrol a adopté entre 1990 et 1998 sept normes, appelées normes Eurocontrol, dont certaines ont été reprises par des directives communautaires. Enfin, à la demande de la CEAC, Eurocontrol a élaboré une stratégie, appelée stratégie ATM 2000+, qui vise à mettre sur pied un réseau européen de gestion du trafic aérien (ATM) uniforme capable de répondre aux besoins des usagers pour les quinze ans à venir. Cette stratégie a été approuvée par la CEAC, le 28 janvier dernier. Dans le domaine institutionnel, la convention Eurocontrol révisée en 1997 a été appliquée à titre provisoire depuis le 1er janvier 1998. Cette nouvelle convention doit permettre à Eurocontrol de prendre des décisions contraignantes à l’égard des Etats et d’être doté d’un nouveau mécanisme décisionnel fondé sur la majorité et non plus à l’unanimité, une clause de sauvegarde étant destinée à préserver les intérêts nationaux en matière de sécurité. En outre, des outils d’aide à la décision ont été mis en place au travers de plusieurs organes consultatifs, dont un comité permanent d’interface civil et militaire. La Commission estime que son adhésion prochaine à Eurocontrol, décidée le 20 juillet 1998 mais bloquée pour le moment par le conflit entre l’Espagne et le Royaume-Uni à propos de l’aéroport de Gibraltar, devrait renforcer son rôle en tant qu’unique décideur dans le domaine de la gestion de l’espace aérien européen. > Pour autant, elle émet des doutes sur l’efficacité de cet ensemble de mesures techniques et institutionnelles. Il lui paraît opportun d’aller au-delà et de poursuivre deux grands objectifs : – un mode de gestion optimale de l’espace aérien ; – un nouveau cadre réglementaire pour la fourniture de services de trafic aérien. Pour parvenir à un mode de gestion optimale de l’espace aérien par tous ses utilisateurs – civils et militaires –, la Commission propose de considérer l’espace aérien comme « un bien commun, qui doit être géré de manière collective, en tant que continuum, sans tenir compte des frontières ». La Commission souhaite ainsi porter remède aux lacunes découlant, d’une part, de l’absence, dans de nombreux Etats membres, d’une institution neutre et indépendante chargée de l’arbitrage entre les priorités civiles et militaires et, d’autre part, du fait que la structure de l’espace aérien utilisé à des fins civiles est actuellement décidée à l’échelon national, sans que les possibilités et les contraintes des Etats voisins soient suffisamment prises en compte. En vue d’atteindre un tel objectif, un organisme central serait habilité à prendre les décisions comprenant les phases stratégique et tactique de la gestion de l’espace aérien de l’Europe, la Commission précisant que les décisions de cet organisme seront contraignantes pour les Etats membres pour qu’elles s’appliquent en temps opportun et avec la fermeté voulue. Selon elle, Eurocontrol pourrait jouer le rôle de cet organisme, en raison de l’expérience qu’il a acquise dans la gestion de l’espace aérien. Ces propositions ont été critiquées par la France lors du Conseil « Transports » du 10 décembre 1999, au motif qu’elles ne respectent pas le principe de subsidiarité. En effet, la prépondérance de l’autorité militaire est l’une des particularités du système de contrôle aérien en France, à la différence par exemple de la Grande-Bretagne où la gestion de l’espace aérien est unifiée( 6). S’agissant du cadre réglementaire préconisé par la Commission pour la fourniture de services de trafic aérien, il doit reposer, d’une part, sur un nouveau mode d’exercice de la fonction de réglementation au sein des Etats membres et à l’échelon européen et, d’autre part, sur la poursuite de l’objectif de rentabilité par les prestataires de services. Estimant que l’organisme de réglementation doit être indépendant de ceux qu’il réglemente et n’avoir aucun intérêt direct dans le secteur concerné, la Commission propose que les Etats membres mettent en œuvre deux séries de mesures : – instaurer des organismes de réglementation qui soient indépendants des prestataires de services, en vue de permettre à ces derniers de se concentrer sur leurs tâches de gestion et d’éviter qu’ils n’usent de leurs pouvoirs réglementaires pour imposer leurs vues à la clientèle ; – séparer les organismes réglementant les aspects de sécurité de ceux qui réglementent les aspects économiques, c'est-à-dire la qualité des services. Pour la Commission, une telle séparation est de nature à assurer une meilleure protection de l’intérêt général et à permettre un arbitrage entre efficacité économique et sécurité au niveau politique approprié. Ces propositions de réforme ont été très contestées en France : pour les autorités publiques et les syndicats, elles remettent en cause une autre particularité de la situation française, la DGAC cumulant les fonctions de régulateur et d’opérateur. Outre qu’elles ne sont pas jugées conformes au principe de subsidiarité pour ce motif, ces propositions font prévaloir l’impératif de rentabilité sur celui de sécurité. La Commission souhaite appliquer les mêmes réformes à Eurocontrol, dont les fonctions de réglementation et de fourniture de services devraient être clairement séparées et la politique de recrutement réformée, afin qu’il « puisse agir en tant que promoteur fort, neutre et indépendant de l’intérêt collectif ». Elle relève, en effet, que le rôle joué par Eurocontrol dans la fourniture de services et sa politique de recrutement, qui le contraint à sélectionner ses cadres supérieurs parmi des fonctionnaires nationaux et à limiter la durée de leur détachement, sont de nature à mettre en doute son indépendance. En second lieu, pour la Commission, la Communauté devrait exercer sa compétence dans tous les domaines où des règles communes sont nécessaires. Elle juge trop ambitieux l’octroi à Eurocontrol de pouvoirs analogues à ceux dont dispose la Communauté elle-même. En outre, elle estime qu’il faudrait procéder à une révision complète de la convention, afin de renforcer le contrôle politique de l’organisation et d’introduire une forme de contrôle juridictionnel. C’est pourquoi la Commission propose une approche plus pragmatique, qui consisterait en l’adoption par la Communauté des règles nécessaires, lesquelles seraient directement applicables dans l’ordre juridique des parties contractantes, la Communauté pouvant s’appuyer, à cette fin, sur les compétences et les ressources techniques d’Eurocontrol. Parallèlement à ces réformes de structure, la Commission suggère que l’objectif de rentabilité soit pris en considération par les Etats dans l’organisation de la fourniture de services « d’une manière qui facilite l’accès aux marchés des capitaux et procure une souplesse suffisante pour motiver et récompenser leur personnel ». Elle souligne que plusieurs Etats européens ont érigé leurs fournisseurs d’ATM en sociétés. La Commission considère également que la concurrence devrait être introduite dans la fourniture de services tels que la navigation, la surveillance ou le traitement des données de vol. Dans cette perspective, elle affirme qu’« un besoin existe de soumettre les services monopolistiques à une réglementation économique pour s’assurer qu’ils satisfont à des niveaux qualitatifs et quantitatifs convenus à un prix supportables ». Elle observe l’existence d’un large consensus pour entreprendre dans ce secteur un processus de libéralisation comme celui qu’ont connu presque tous les autres secteurs, ce que contestent les organisations syndicales de contrôleurs aériens. Réactions suscitées : > La France soutient le principe d’une harmonisation technique au sein d’Eurocontrol, ainsi que l’adhésion prochaine de la Communauté à cette organisation. Les outils actuels et la stratégie d’Eurocontrol lui paraissent de nature à permettre des gains de capacité non négligeables. S’agissant de l’idée de la séparation entre opérateurs et régulateurs, la France a demandé l’application du principe de subsidiarité, car elle ne souhaite pas imposer aux autres Etats sa propre forme d’organisation et réciproquement( 7). Pour ce qui est de la sécurité, elle a contesté que la sécurité – impératif premier du contrôle aérien – puisse être mise en balance avec les considérations économiques. En ce qui concerne l’ouverture à la concurrence du système de contrôle du trafic aérien, elle a estimé qu’une telle mesure devrait tenir compte de l’étroitesse du marché et du faible nombre de concurrents potentiels européens, un choix stratégique devant être effectué entre la poursuite de cet objectif et celui consistant à promouvoir une industrie européenne dans ce domaine. Enfin, la France s’est dite prête à participer au groupe de haut niveau, tout en demandant, d’une part, que ses travaux tiennent compte du principe de subsidiarité ainsi que des besoins de défense et, d’autre part, que ce groupe procède à des auditions d’experts du contrôle aérien et des représentants du personnel. D’après les renseignements recueillis, le ministère de l’équipement, des transports et du logement a constaté que les débats qui se sont déroulés au cours des deux premières réunions du groupe de haut niveau – les 17 janvier et 15 février derniers – étaient beaucoup plus sereins que ceux du Conseil « Transports » du 10 décembre 1999. Car, d’une part, la souveraineté des Etats et le principe de subsidiarité sont pris en considération, conformément à la demande de la France, d’autre part, la question de la libéralisation du contrôle aérien n’est plus abordée. La présidence française, qui débutera le 1er juillet prochain, pourra prendre des initiatives, dans le cas où des avancées intéressantes interviendraient sur le problème de l’usage de l’espace aérien par les trafics civil et militaire et sur celui de l’établissement des routes aériennes( 8), ces deux thèmes étant de ceux qui ont suscité le plus vif intérêt de la part des Etats membres. > Dans l’ensemble les autres Etats membres – à l’exception de la Grèce – ont accueilli favorablement la communication de la Commission et tous ont approuvé la création d’un groupe de haut niveau. L’Allemagne, les Pays Bas et le Royaume-Uni ont estimé inévitable une action dans le domaine de la gestion du trafic aérien en vue de porter remède à son inefficacité. Les Pays Bas ont insisté sur la nécessité d’une réforme institutionnelle et plaidé pour une utilisation de toutes les possibilités offertes par Eurocontrol. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont toutefois souhaité mieux identifier les questions devant être traitées par le groupe à haut niveau. > La sixième réunion des ministres de la CEAC sur le système de circulation aérienne en Europe, qui s’est tenue à Bruxelles le 28 janvier dernier, a décidé d’accueillir favorablement la création par la Commission européenne du groupe à haut niveau et d’intégrer dans les politiques d'Eurocontrol les décisions que le Conseil prendra en juin 2000. Malgré les doutes exprimés par la Commission, la CEAC a également confirmé le lancement de la stratégie ATM 2000+, qui permettra de faire face à l’augmentation prévue de la demande jusqu’en 2015 au moins et préparera la voie à la mise en place d’un système ATM européen homogène. Enfin, sur proposition de la France, la CEAC a commandé une étude pour la fin de cette année sur les incidences pour la sécurité, qui demeure notre priorité première , l’environnement, les coûts, le financement et les aspects pratiques, de la poursuite du renforcement de la capacité en fonction de la demande prévue. > Les compagnies aériennes soutiennent les propositions de la Commission. En revanche, elles émettent de sévères critiques sur le plan pour l’été 2000 préconisé par Eurocontrol, qui se fixe pour objectif de ramener les retards au niveau de 1997-1998, alors que ceux qui ont été enregistrés au cours de ces deux années ont été les plus importants. C’est pourquoi les présidents des compagnies « condamnent la politique d’objectifs commençant par fixer un niveau acceptable de retards, alors que ce qu’ils (les présidents des compagnies) demandent, c’est un objectif zéro défaut »( 9). > Les syndicats français de contrôleurs aériens émettent quatre séries de critiques : – ils reprochent à la Commission de reprendre l’argumentation des compagnies aériennes selon laquelle les retards sont imputables aux contrôleurs aériens dans une forte proportion( 10). Une analyse impartiale des causes des retards devrait, selon eux, prendre également en compte les pratiques des compagnies aériennes encouragées par la déréglementation, telle que la mise en place de plates formes de correspondance ( hubs ), qui entraînent des concentrations de trafic sous forme de vague d’arrivées et de départs sur un certain nombre d’aéroports. Le syndicat national des ingénieurs et des cadres de l’aviation civile–CGC estime qu’il faudrait également se pencher sur le fonctionnement des salles de contrôle, c'est-à-dire les conditions de travail des contrôleurs aériens, tout en convenant qu’il s’agit d’un sujet sensible ; – comme le Gouvernement, ils jugent les solutions préconisées par la Commission non conformes au principe de subsidiarité. La nécessité pour la France de créer une agence indépendante, à l’exemple de celles existant dans d’autres Etats membres – comme les Pays Bas, par exemple( 11) – est d’autant moins justifiée que la DGAC exerce un contrôle qui est l’un des plus performants en Europe. De même s’opposent ils aux propositions de libéralisation du contrôle aérien, car elles comportent le risque de reléguer la sécurité au second rang des priorités derrière la notion de rentabilité. Au demeurant, certaines organisations syndicales font remarquer que la Suisse, qui a privatisé son contrôle aérien, impose des redevances plus élevées qu’en France et va jusqu’à recruter des contrôleurs français, en raison des problèmes de personnel auxquels ce pays est confronté. Dans ces conditions, ils estiment que la véritable priorité réside en particulier dans le renforcement de l’harmonisation technique des systèmes de contrôle des Etats européens, dont la convention Eurocontrol révisée est l’un des instruments ; – ils regrettent qu’une solution satisfaisante n’ait toujours pas été apportée à la question des relations entre les contrôles civils et militaires. En l’absence de mesures concrètes de la part des autorités militaires, ils doutent de l’efficacité du protocole d’accord signé en juin 1998 entre les autorités civiles et militaires destiné à permettre au trafic civil de mieux utiliser l’espace aérien ; ils doutent également de la portée du programme annoncé par le ministre de l’équipement, des transports et du logement, lors du Conseil des ministres du 26 janvier dernier. Ce programme doit aboutir, pour l’exercice du contrôle aérien, à la mise en œuvre opérationnelle en 2002 d’une coordination automatisée entre contrôleurs civils et militaires. De plus, la réflexion se poursuit sur l’intérêt de l’implantation de contrôleurs militaires au sein des centres civils ; – enfin, s’agissant du groupe de haut niveau, ils s’étonnent que les syndicats ne participent pas à ses travaux, à la différence des compagnies aériennes représentées par l’AEA. Ils constatent en outre que le sous groupe, destiné en principe à examiner la question de l’acceptation de la réforme par les contrôleurs aériens, ne fonctionne toujours pas et demandent à la Commission de créer une structure de concertation. Conclusion : Les problèmes soulevés par la communication de la Commission ont été examinés de manière approfondie par la Délégation dans les rapports d’information de M. Charles Josselin « Faut il une Europe de la navigation aérienne ? » et de Bernard Derosier « Le transport aérien à l’heure européenne », qui ont été présentés respectivement sous la précédente et l’actuelle législature. Les réactions suscitées en France par cette communication rejoignent, pour l’essentiel, les préoccupations exprimées par la Délégation sur les questions les plus importantes : nécessité de respecter le principe de subsidiarité ; affirmation du caractère prioritaire de la sécurité ; soutien au principe de l’adhésion de la Communauté à Eurocontrol ; nécessité de régler le caractère conflictuel des relations entre les contrôles civil et militaire de la circulation aérienne. Le groupe de haut niveau devrait donc prendre en considération le principe de subsidiarité et la Commission devrait associer les représentants des organisations syndicales aux travaux de ce groupe ; il serait enfin souhaitable d’améliorer les relations entre les contrôleurs civils et militaires. La présente communication ne constitue pas un projet d’acte normatif. Le fait que le Gouvernement l’ait néanmoins soumis à la Délégation, faisant ainsi usage de la « clause facultative » insérée dans l’article 88 4 par la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999, est extrêmement positif. Ce document permet en effet à la Délégation de faire le point sur l’évolution d’une question sensible. Lors de l’examen de ce texte par la Délégation, M. Gérard Fuchs a estimé que l’instauration d’un organe de contrôle de l’espace aérien de l'Europe permettrait à l'Union européenne de retrouver une influence que les Etats ont individuellement perdue, d’autant plus qu’ils ont négocié en ordre dispersé des accords de droits de trafic avec les Etats-Unis. Il est temps de définir collectivement les conditions d’utilisation de l’espace aérien par le trafic civil, le trafic militaire ayant nettement diminué depuis la fin de la guerre froide. Pour M. Jacques Myard, le déséquilibre évoqué par M. Gérard Fuchs résulte de la déréglementation du transport aérien voulue par la Commission européenne. Prétextant de l’existence des retards, liés en fait à un accroissement du trafic aérien, la Commission cherche à se substituer à Eurocontrol, dont il convient au contraire d’améliorer le fonctionnement. La France doit donc s’opposer aux projets de la Commission. L’organisme central qu’elle propose ne saurait contribuer à supprimer les retards, comme le montre l’exemple des Etats-Unis, où ils sont aussi accentués qu’en Europe. Le Président Alain Barrau, estimant également que le problème des retards auxquels sont confrontés les Etats-Unis fait douter de l’efficacité des solutions préconisées par la Commission, a évoqué les réactions des syndicats français de contrôleurs aériens à l’égard de celles–ci. Ils estiment qu’une analyse impartiale des causes des retards devrait prendre également en compte les pratiques des compagnies aériennes encouragées par la déréglementation, notamment la mise en place des plates formes de correspondance ( hubs ), qui entraînent des concentrations de trafic sous forme de vagues d’arrivées et de départs sur un certain nombre d’aéroports. Comme le Gouvernement, ils jugent les solutions préconisées par la Commission non conformes au principe de subsidiarité. La création d’une Agence indépendante, à l’exemple de celle existant dans d’autres Etats membres est d’autant moins justifiée en France que la DGAC exerce un contrôle qui est l’un des plus performants en Europe. De même, les syndicats s’opposent aux propositions de libéralisation du contrôle aérien, car elles comportent le risque de reléguer la sécurité au second rang des priorités, après celle de la rentabilité. Ils regrettent qu’une solution satisfaisante n’ait toujours pas été apportée à la question des relations entre les contrôles civils et militaires et s’étonnent de n’avoir pu participer aux travaux du groupe de haut niveau, à la différence des compagnies, représentées par l’Association européenne des compagnies aériennes (AEA). M. Gérard Fuchs, tout en convenant avec M. Jacques Myard que la Commission a utilisé le problème des retards comme un prétexte, a de nouveau insisté sur l’enjeu central que constitue la négociation des droits de trafic. La question cruciale pour la survie des compagnies aériennes est de savoir si les Etats membres vont continuer à négocier avec les Etats-Unis en ordre dispersé ou si l’Union européenne sera en mesure de créer les conditions d’un dialogue équilibré. M. François Loncle, en accord avec l’analyse de M. Gérard Fuchs, a toutefois souligné la gravité des retards qui affectent le trafic aérien. Leur accroissement considérable – comme le montre le taux de 37 % atteint en juin 1999 – impose que l’on procède à une analyse approfondie de leurs causes, afin que l’Europe puisse mettre fin à une situation caricaturale. M. Jacques Myard, tout en approuvant la définition d’une attitude commune sur les droits de trafic, a souligné que la libéralisation totale du transport aérien, que les gouvernements successifs ont acceptée, avait créé une situation irréversible dont il était aujourd'hui bien difficile de compenser les inconvénients. Le Président Alain Barrau a rappelé que les problèmes soulevés par la communication de la Commission avaient été précédemment examinés par la Délégation dans le cadre de plusieurs rapports d’information présentés sous la précédente et la présente législature. Il a suggéré à la Délégation, qui l’a suivi, de confier à l’un de ses membres le soin d’actualiser ces travaux et d’examiner les enjeux de la communication de la Commission. (1) L’espace aérien de la
Bosnie-Herzégovine avait été fermé en mars 1999 aux opérations civiles
lors de l’éclatement du conflit au Kosovo. Depuis le 27 janvier dernier,
une partie de cet espace aérien a été rouvert. |