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Document E1408
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions sur les objectifs stratégiques 2000-2005 Donner forme à la Nouvelle Europe.


E1408 déposé le 21 février 2000 distribué le 23 février 2000 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2000) 0154 final du 9 février 2000)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    (Notification de caducité publiée au JOLD du 19/03/2003 p.4905)

I – La présentation du programme de travail de la Commission : un exercice traditionnel qui s’inscrit cette année dans un contexte nouveau

A – Un exercice traditionnel qui est un élément du contrôle démocratique des activités de la Commission

B – Un contexte particulier

1) La présentation conjointe d’un document sur les objectifs stratégiques de la Commission sur la période 2000 2005

2) Des relations d’un type nouveau avec le Parlement européen

3) La perspective de la présidence française

II – Analyse des documents de la Commission

A – Les objectifs stratégiques 2000 2005 : un texte général dépourvu de contenu substantiel

B – Le programme de travail pour 2000 : un document dense comportant cependant certaines lacunes

1) L’Europe, ses voisins et le monde

2) L’Agenda économique et social

3) Au service du citoyen

4) Réformer et remodeler la façon dont l’Europe fonctionne

III – Conclusion

*

* *

I – La présentation du programme de travail de la Commission : un exercice traditionnel qui s’inscrit cette année dans un contexte nouveau

A – Un exercice traditionnel qui est un élément du contrôle démocratique des activités de la Commission

La présentation par la Commission de son programme de travail n’est pas explicitement prévue par les traités : l’article 212 du traité instituant la Communauté européenne – dont la rédaction n’a jamais varié depuis 1957 – se borne en effet à constater que « la Commission publie tous les ans, un mois au moins avant l’ouverture de la session du Parlement européen, un rapport général sur l’activité de la Communauté ». La Commission a pris l’habitude d’associer à ce bilan un document présentant les priorités de son action et les initiatives législatives pour l’année à venir.

La présentation de ce texte est devenue l’occasion pour le Parlement européen de débattre des activités d’une institution qui est politiquement responsable devant lui et d'adopter une résolution sur la base des propositions élaborées par les groupes politiques. Un nouveau document, le programme législatif, est ensuite négocié entre le Parlement européen et la Commission, avant d’être adopté par la Conférence des Présidents, et publié au Journal officiel des Communautés.

Le programme de travail de la Commission est également susceptible d'un examen par les Parlements nationaux. Au cours de la précédente législature, notre Délégation s'est ainsi prononcée à deux reprises par voie de conclusions sur le programme annuel de la Commission. Ce droit de regard a été renforcé à la suite de la révision constitutionnelle intervenue en janvier 1999 : le Gouvernement a désormais la faculté de soumettre au Parlement tout projet ou proposition d’acte des Communautés et de l’Union européenne, ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, même si ces textes ne comportent pas de dispositions de nature législative. C'est ainsi que, pour la deuxième année consécutive, le programme de travail de la Commission nous est soumis au titre de l’article 88 4 de la Constitution. Il faut s’en féliciter. Notre Délégation est ainsi en mesure d’exprimer aux citoyens et au Gouvernement son point de vue par voie de proposition de résolution. Une proposition de résolution a ainsi été adoptée l'année dernière par la Délégation, à l’initiative du rapporteur( 1), sur le programme de travail pour 1999, mais ce texte n’a pu être examiné par la Commission des Affaires étrangères en raison de la démission de la Commission Santer intervenue entre temps.

Instrument de contrôle et de transparence des activités de la Commission, ce programme de travail s’articule avec les priorités qu’entend défendre chaque présidence semestrielle de l’Union. Loin d’enfermer les activités communautaires dans un cadre rigide, le document annuel de la Commission est un texte programmatique de valeur indicative qui peut être adapté en fonction des exigences de l’actualité et des impulsions qu’entend donner chaque présidence en exercice du Conseil.

B – Un contexte particulier

1) La présentation conjointe d’un document sur les objectifs stratégiques de la Commission sur la période 2000 2005

Cet exercice présente cette année un caractère particulier.

Le Président de la Commission a en effet annoncé, dans un discours prononcé le 14 septembre 1999 devant le Parlement européen, que la présentation du programme de travail pour 2000 serait précédée de celle des « politiques qu’elle (la Commission) se propose de mener au cours des cinq prochaines années ». C’est ainsi que la Commission a communiqué aux autres institutions de l’Union, le 2 février 2000, non seulement son programme de travail pour 2000 (document E 1402) mais aussi un texte de nature nouvelle exposant les « objectifs stratégiques 2000 2005 » et dénommé « Donner forme à la nouvelle Europe » (document E 1408).

Si Romano Prodi a ainsi décidé d’établir une double programmation des activités de l’institution qu’il préside, c’est d’abord pour des raisons tactiques. On se rappelle que sa désignation par le Conseil est intervenue alors que le mandat de la précédente Commission n’était pas achevé. Le Parlement européen avait initialement souhaité une double investiture pour la nouvelle Commission : la première pour la période courant jusqu’à l’achèvement du mandat de la Commission Santer ; la deuxième, en janvier 2000, pour les cinq années suivantes. Romano Prodi n’a pas voulu souscrire à cette demande, qui aurait eu pour conséquence de placer ses collègues et lui même dans une situation intérimaire pendant cinq mois. Un accord est donc intervenu pour que la nouvelle Commission soit investie en septembre 1999 pour les cinq années et demi à venir, et pour qu'en janvier 2000, la Commission n'ait pas à solliciter un vote de confirmation, mais présente les orientations de sa politique sur la période 2000 2005.

Fruit des circonstances, ce document quinquennal n’en présente pas moins un intérêt sur le fond, qui est de permettre aux institutions de l’Union et aux citoyens européens d’avoir une vision cohérente des actions envisagées par la Commission à un horizon de temps plus lointain. Cela suppose toutefois que son contenu soit suffisamment précis et substantiel, ce qui, comme nous le verrons, n’est pas la principale qualité du texte présenté par la Commission.

2) Des relations d’un type nouveau avec le Parlement européen

La présentation de ce double programme de travail a donné lieu à un débat difficile avec le Parlement européen.

Sur la forme, l’Assemblée de Strasbourg a demandé que le débat en séance plénière sur les objectifs 2000 2005 de la Commission soit précédé de la publication d’un document écrit : alors que le Président Romano Prodi souhaitait initialement s’en tenir à un discours programme qui aurait été suivi ensuite de la diffusion d’un texte, la Conférence des Présidents a préféré repousser la date initialement prévue pour ce débat en attendant que la Commission fut en mesure de diffuser sa communication. C’est ainsi que le débat en séance plénière prévu pour le 19 janvier 2000 ne s’est déroulé que le 14 mars, après que la Commission ait formellement adopté le 9 février les deux communications pour l’année 2000 et pour la période 2000 2005. Ce débat s’est conclu par l’adoption de deux résolutions, l’une en date du 16 mars sur le programme législatif pour l’année 2000, l’autre en date du 17 mars sur le programme stratégique quinquennal.

Cette inversion de l’ordre des événements n’est pas un simple problème de forme. En imposant le caractère préalable de la publication du programme de travail de la Commission, le Parlement européen a souhaité marquer l’étendue de son pouvoir de contrôle : le rôle des députés européens n’est pas seulement d’examiner les différentes propositions législatives dont ils sont saisis, il est aussi de se prononcer en connaissance de cause sur les orientations à venir de la Commission et de peser sur leur formulation.

3) La perspective de la présidence française

La question se pose évidemment de savoir si ce programme de travail est cohérent avec les priorités d'action de la prochaine présidence française de l’Union européenne. La réponse n'est guère aisée, pour la simple raison que le Gouvernement n'a pas encore rendu public le programme de sa présidence européenne. Mais, consulté par les soins du rapporteur, le SGCI a fait savoir que la communication de la Commission ne soulevait aucun problème d'articulation avec les objectifs européens qu’entend poursuivre la France pendant le deuxième semestre 2000. C'est aussi la conclusion qui peut être tiré des lectures combinées de la communication de la Commission et du rapport présenté par le Président Alain Barrau sur les priorités de la présidence française. C’est enfin le sentiment personnel du rapporteur après différents contacts ministériels.

II – Analyse des documents de la Commission

A – Les objectifs stratégiques 2000 2005 : un texte général dépourvu de contenu substantiel

La lecture du programme quinquennal n’est pas sans susciter une certaine déception. Il n’était certes guère envisageable que la Commission s’engage à énumérer les différentes actions à entreprendre sur la période 2000 2005 compte tenu des aléas liés à l’actualité et à la vie politique de l’Union. Du moins aurait on pu souhaiter que les objectifs poursuivis soit précisément définis et les instruments de leur mise en œuvre mieux ciblés. Or tel n’est pas le cas.

La Commission identifie quatre objectifs stratégiques.

Le premier est la promotion de nouvelles formes de gouvernance européenne afin de donner plus largement la parole aux citoyens sur la conduite des affaires européenne. Le constat de base développé dans le document est assez général : après avoir souligné que « les gouvernements et les parlements nationaux ainsi que les autorités régionales et locales sont partie prenante dans la conduite des affaires européennes », la Commission regrette que les citoyens pensent que « les politiques nationales et européennes constituent des mondes séparés » et cèdent à la tentation facile d'invoquer une notion abstraite, « Bruxelles » ; la nécessité est dès lors affirmée de promouvoir une nouvelle forme de gouvernance européenne reposant sur « des institutions fortes », « une vision collective et une force d’impulsion ».

Plus intéressantes sont les conséquences institutionnelles de ce postulat. Si la Commission s’engage, de manière classique, à promouvoir de nouvelles formes de transparence et de responsabilité, elle affirme sa volonté de « se concentrer davantage sur ses fonctions fondamentales que sont la conception et l’initiative politiques, l’application du droit communautaire, le suivi de l’évolution sociale et économique, l’incitation, la négociation et, le cas échéant, l’élaboration de la législation ».

Ce souci manifesté par la Commission de recentrer ses activités doit être salué, mais il est permis de s’interroger sur la cohérence d'ensemble de sa réflexion. Comment peut on regretter que près de la moitié des fonctionnaires de la Commission soient « absorbés par des tâches d’exécution, par la mise en œuvre des politiques ainsi que par la gestion et la centrale des programmes et des projets » (page 7, 2ème paragraphe) et considérer, de manière quasi prétorienne, que la Commission est « l’exécutif de l’Europe » et sa « force motrice » (page 4, 7ème paragraphe) ? Est il parfaitement cohérent d’insister sur la nécessité d’une délégation de compétences et d’assurer en même temps que la Commission « assurera un leadership fort au cours des années à venir » ? L’impression prévaut que ces développements institutionnels résultent d’ajouts successifs plutôt que d’une vision articulée du rôle de la Commission dans un contexte de mondialisation accrue.

Le deuxième objectif affiché est celui d’une Europe plus stable s’exprimant d’une voix plus forte dans le monde.

Les axes de travail sont présentés de manière construite mais encore une fois très générale : « poursuivre notre stratégie d’élargissement », « mettre en place de véritables partenariats stratégiques avec les pays qui jouxteront les frontières de l’Europe élargie » – sans que l’identité de ces pays, ni les limites de ces frontières ne soient indiquées – « œuvrer à une intégration progressive des pays en voie de développement, à un développement durable et à la définition de nouvelles règles du jeu ».

Deux éléments méritent d’être mis en évidence. Il s’agit d’abord de la volonté affirmée que l’Europe fasse montre d’« un véritable leadership sur la scène mondiale » (page 4, 5ème paragraphe). Si le rôle de l’Union européenne sur la scène mondiale a parfois été évoqué de manière trop restrictive par la Commission (le programme de travail pour 1999 présentait ainsi l’Union comme un simple « partenaire »), on peut se demander si ce document ne pêche pas par excès inverse. Vouloir faire de l'Union un « leader » apparaît comme un objectif peu réaliste à court terme. Equilibrer le rôle de la puissance américaine sur la scène internationale est souhaitable. Mais alors, il faut s’en donner les capacités économiques, technologiques voire militaires. L’incantation peut être plus dangereuse que transformatrice si elle ne s’accompagne pas des moyens de ses ambitions, un saut que la Commission, par ailleurs, et c’est dommage, ne franchit pas !

On relèvera également le regret manifesté par la Commission que l’Union ne soit « pas pleinement représentée au sein des institutions financières internationales et des agences des Nations unies » et son souhait « de corriger cette anomalie ». Le sujet est sensible car le système des Nations Unies est un des lieux où le mode de représentation des Etats repose sur une base strictement interétatique : les Etats membres ont jusqu'ici jalousement veillé au maintien du statu quo . Le rapporteur ne soulignera cependant jamais assez ce que pourrait être le poids d’une Union européenne s’exprimant d’une seule voix dans des instances comme le FMI (où elle aurait 30,6 % des droits de vote contre 17,7 % aux Etats-Unis).

Le passage relatif à un « nouvel agenda économique et social » constitue sans aucun doute la partie la plus décevante du document. La Commission se contente de décliner une série d’objectifs généraux (lutter contre le chômage, créer un nouveau dynamisme économique, faire reculer la pauvreté…), sans qu’il soit possible de discerner les instruments dont elle entend se doter pour les atteindre.

On notera le souhait affiché d’« encourager la réforme des régimes de protection sociale, de soins de santé et de retraite », sans que, là encore, la direction de la réforme soit indiquée.

La Commission n’est guère plus précise sur les moyens de mettre en œuvre l’objectif d’« une meilleure qualité de vie pour tous ». Tout au plus souligne t elle la nécessité de développer « une véritable politique européenne d’asile et d’immigration » et la « création d’un espace aérien unique et le développement des réseaux transeuropéens ». Une initiative est ainsi annoncée pour la création d’une Autorité européenne pour la sécurité aérienne. Ce dernier point - qui figure également dans le programme de travail pour 2000 - est d'un grand intérêt : il confirme la volonté de la Commission de travailler à l'amélioration du contrôle du trafic aérien qui est une condition indispensable à une bonne organisation des conditions de vol.

Au total, le sentiment prévaut que ce document n’a pas encore trouvé sa raison d’être : dépourvu de calendrier de mise en œuvre et de critères d'évaluation, il s'apparente plus à un discours général sur les grands objectifs futurs de l’Union qu’à une véritable programmation des activités de la Commission ; il apparaît dès lors, et c’est dommage, comme une sorte d’exercice obligé auquel la Commission a du consentir pour éviter les inconvénients d'une double d’investiture.

B – Le programme de travail pour 2000 : un document dense comportant cependant certaines lacunes

1) L’Europe, ses voisins et le monde

Autant la partie du programme de travail pour 1999 consacrée aux aspects extérieurs était décevante, autant la Commission a fait cette année un louable effort pour structurer son propos. Si le texte de l’année dernière n’avait pas su résister à la tentation de procéder à un inventaire exhaustif, parcourant toutes les régions du globe et envisageant tous les grands sujets multilatéraux, la communication soumise à notre examen s’efforce d’être plus sélective dans son approche.

S’agissant de la politique de sécurité et de défense européenne commune, la Commission affirme à raison la nécessité d’une plus grande cohérence entre l’action de la Communauté et la PESC. On sait en effet que l'action extérieure de l'Union souffre d'un manque de cohérence entre les dispositifs de soutien économiques et commerciaux - relevant du premier pilier - et les mécanismes de la PESC. L'idée de promouvoir une approche plus intégrée des différents volets de l’action extérieure ne peut être que soutenue.

Sans doute parce que cette question relève en premier lieu des Etats membres, la Commission reste très prudente sur la mise en œuvre des décisions prises à Helsinki pour la création d’une force de réaction rapide : le texte se limite donc à souhaiter le développement d'une capacité de gestion non militaire des crises et à indiquer qu’une proposition sera présentée en vue de la création d’un « fonds de réaction rapide » dans ce domaine.

Un même souci de prudence – et il faut le regretter – transparaît dans certains développements sur les échanges multilatéraux. Au lieu d’affirmer clairement la nécessité d’une réforme de l’OMC afin de mieux intégrer les pays en développement et de rendre plus transparents les dispositifs de négociation, le texte se contente d’affirmer que « la Commission étudiera s’il est envisageable, ou nécessaire, d’apporter des modifications au fonctionnement de l’OMC ». On ne saurait être plus évasif alors que l’échec de la Conférence de Seattle a mis justement en lumière le caractère impératif d’une telle réforme.

Le passage sur l’élargissement est descriptif, il n’appelle pas de commentaire particulier. On relèvera seulement la volonté affichée par la Commission de présenter une stratégie de communication pour sensibiliser les Etats membres et les pays candidats à la question de l'élargissement.

2) L’Agenda économique et social

La partie de la communication consacrée aux questions sociales a focalisé les critiques d'un certain nombre de députés européens : l’absence de propositions précises et le caractère trop rhétorique des objectifs proposés ont été regrettés par les intervenants.

Ce constat peut être partagé. Il est certes difficile de récuser les axes d’action retenus par la Commission. Comment ne pas approuver la nécessité de « moderniser notre modèle social » et de « renforcer la cohésion sociale » ?

Encore faut il s’entendre sur les moyens. Il est intéressant d’apprendre que de nouvelles lignes directrices pour l’emploi seront élaborées au début de l’automne. Mais quel sera le contenu de ces lignes ? De nouveaux objectifs quantifiés en matière sociale seront ils introduits dans les pactes nationaux pour l’emploi comme la Délégation l’a souhaité à plusieurs reprises ? De même faut il s’interroger sur la signification d’un renforcement de la coopération entre Etats membres sur « la question de la modernisation et de la durabilité des régimes de protection sociale, y compris des retraites ». S’agit il de s’en tenir à une simple coopération ou la Commission croit elle possible de faire des propositions sur la fixation des normes sociales minimales à respecter par les Etats membres ? L’initiative annoncée sur la question de « l’inclusion sociale » n’est pas non plus sans susciter des interrogations. Le texte de la Commission évoque une « coopération », tout en invoquant les dispositions sociales du traité qui prévoient la possibilité d’initiatives législatives.

Enfin, si l’intention affichée de publier cette année un cinquième programme d’action en faveur de l’égalité entre les sexes ne peut être qu’approuvée, on aurait aimé en savoir un peu plus sur le contenu de ce document.

On peut comprendre qu’une certaine prudence soit de mise compte tenu des divergences entre Etats membres sur les moyens de renforcer la cohésion sociale. Mais la nécessité de transporter les principales dispositions du protocole social au traité d’Amsterdam s’impose afin d’éviter tout dumping social entre les Quinze. La Commission a un rôle moteur à jouer dans ce domaine, dont elle ne semble pas avoir pris la mesure.

Dans le domaine économique, la Commission annonce qu’elle ouvrira un certain nombre de nouveaux « chantiers » : la création d’un espace européen de la recherche, la présentation d’un nouveau paquet législatif sur les communications, la réforme des règles de concurrence, la réglementation du commerce électronique. La publication prochaine d'une communication sur une stratégie visant à améliorer le fonctionnement de la TVA dans le marché intérieur doit être approuvée.

On ne peut que regretter cependant l’absence de référence à une coopération améliorée des politiques économiques des Etats membres, dont le rapporteur continue de penser qu’elle apporterait un plus de croissance, et donc d’emplois, substantiel.

Mais le point fort de cette partie de la communication est sans conteste l'annonce par la Commission d'un plan d'action en vue de faire de l’accès à Internet et de la formation des enseignants une réalité d'ici 2002. Cette proposition se situe dans le prolongement de l'initiative e -Europe présentée le 8 décembre 1999 et tendant à élargir la diffusion des technologies numériques.

3) Au service du citoyen

Ce chapitre recouvre un certain nombre de domaines d’action relatifs à l’environnement, à la sécurité alimentaire, aux transports, à la culture et à l’éducation soit un ensemble de domaines d’activité liés à la vie quotidienne de chacun d’entre nous. Si la dénomination « au service du citoyen » est curieuse – voire impropre puisque la vocation de toute institution publique est de servir l’intérêt général plutôt que le citoyen – l’analyse développée par la Commission constitue sans doute la partie la plus intéressante de la communication.

On apprend ainsi que des actions spécifiques seront menées pour « améliorer le cadre juridique relatif aux organismes génétiquement modifiés » et qu'une communication est en préparation sur une stratégie de santé. Ce dernier texte indiquera comment donner effet aux dispositions du traité relatives à la santé qui n’ont pas connu jusqu’ici de traduction notable.

Dans le domaine des transports, outre les initiatives déjà évoquées dans le domaine aérien, la Commission affiche fort à propos sa volonté de développer le système européen de navigation par satellite ( Galileo ) et de renforcer les normes de sécurité maritime. Si elle n’est guère explicite sur les moyens envisagés, cette priorité doit être saluée car elle est souhaitée, depuis longtemps, par la Délégation. Par ailleurs, il faut souhaiter qu’une lutte soit engagée contre les pavillons de complaisance qui introduisent une brèche dans le respect des normes de sécurité.

En ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, la Commission marque sa détermination d’aborder la question des procédures relatives aux demandes d’asile et de favoriser la lutte contre le crime organisé.

Le chapitre sur le sport et les médias suscite une certaine déception. La Commission se refuse à reconnaître l’existence d’une véritable « exception sportive » dans l’application des règles de concurrence et de libre circulation. Il reviendra donc à la présidence française de faire avancer ce dossier. De même le texte ne fait aucune référence à la création d'un véritable espace éducatif et culturel européen comme l'a relevé le Parlement européen dans sa résolution.

4) Réformer et remodeler la façon dont l’Europe fonctionne

Sous ce chapitre est abordée la question de la réforme interne de la Commission, qui a été ouverte par le Livre blanc présenté par le Vice–président Neil Kinnock. Curieusement la Commission range sous ce chapitre le financement du pacte de stabilité pour les Balkans (page 17, 1er paragraphe). Or, loin d’être un acte administratif relevant de la gestion financière interne de la Commission, la mise en place d’un tel fonds constitue une question d’importance politique qui aurait dû être évoquée dans le chapitre relatif à la PESC.

Sous le thème consensuel, mais un peu galvaudé, de la « transparence » et de l’« ouverture », la Commission évoque les questions relatives à l’accès aux documents et à l’instauration d’un partenariat renforcé entre la Communauté et les organisations non gouvernementales. Il est dommage que dans la littérature communautaire, le sujet ô combien important de la transparence se trouve ainsi réduit à de vagues mesures de partenariat et d’information administrative. L’enjeu est plus vaste : il est de permettre aux citoyens de s’identifier aux débats communautaires et de peser sur les orientations politiques de l’Union.

Le développement sur la Conférence intergouvernementale n’apporte rien de nouveau : la Commission se contente de rappeler son souhait d’un ordre du jour plus large de la CIG en fonction des changements nécessaires en vue de l’élargissement.

Le rapporteur regrette que cette partie institutionnelle de la communication de la Commission ne fasse aucune allusion au principe de subsidiarité et de proportionnalité. La mise en œuvre de ce principe se heurte certes à de nombreuses difficultés : chacun sait que le protocole annexé au traité d’Amsterdam sur le principe de subsidiarité est resté quasiment lettre morte, les Quinze n’ayant pu définir un dispositif satisfaisant de suivi. Mais il est de la responsabilité de l'ensemble des institutions de l'Union - et en premier lieu de la Commission - de vérifier si les propositions législatives n'empiètent pas inutilement sur le champ normal de responsabilité des Etats. Plutôt qu'un outil régulateur des compétences, le principe de subsidiarité doit être un principe d'action auquel tous les acteurs de la vie communautaire doivent se conformer. C'est pourquoi le silence de la Commission sur cette question doit être regretté.

III – Conclusion

Malgré la sévérité des commentaires parfois portés sur les deux communications de la Commission, leur existence et la possibilité de leur discussion sont de nature à améliorer le contrôle démocratique des institutions européennes.

Qu’il s’agisse du Parlement européen ou des parlements nationaux, la possibilité est en effet ainsi offerte aux représentants des citoyens d’exprimer par des rapports et par des votes leur appréciation des orientations proposées.

Le rapporteur tient cependant à réaffirmer le point de vue que, pour les parlements nationaux, cette appréciation serait plus utile si elle intervenait avant le vote du Parlement européen sur le programme législatif, car elle pourrait alors influencer effectivement ce dernier. Les modalités et les délais de transmission des programmes de travail de la Commission doivent donc être adaptés en conséquence.

Lors de l’examen de ces documents par la Délégation, M. Jacques Myard s’est inquiété du souci dont témoigne la Commission, dans son programme stratégique, d’impliquer les autorités régionales et locales dans la conduite des affaires européennes : l’intervention des collectivités territoriales en ce domaine constituerait un facteur de désordre et de dispersion. Il s’est également élevé contre la vision « algébrique » développée par le rapporteur : s’il est vrai que les Etats membres de l’Union pourraient représenter ensemble 30,6 % des droits de vote au FMI, contre 18 % pour les Etats-Unis, ce constat est en lui–même dépourvu de portée, l’essentiel consistant à définir une politique susceptible d’être conduite en commun. Or, dans bien des domaines, la France est souvent isolée dans la défense de ses positions, contre les autres Etats membres, ralliés à celle des Etats-Unis. Ainsi la France défend, sur la réforme du système monétaire international ou l’aide aux pays en développement, des positions spécifiques qui ne sont pas partagées par tous ses partenaires. L’instauration de règles de représentation unique au sein des institutions financières internationales risquerait de la priver de toute marge de manœuvre.

Le Président Alain Barrau a observé que la logique développée par M. Jacques Myard témoignait d’une curieuse conception de l'Europe, selon laquelle les positions définies en commun devraient toujours correspondre à celles de la France. L’exemple des décisions récentes prises par le Conseil européen en matière de PESC et de défense européenne montre combien des pays a priori sous influence atlantique peuvent évoluer et rallier des positions plus favorables à l’expression d’une capacité d’action européenne autonome.

Il a par ailleurs regretté la trop grande timidité de la Commission sur les moyens de favoriser la croissance et l’emploi, ses positions étant en retrait par rapport à celles du Conseil européen extraordinaire de Lisbonne. Il a également déploré l’absence de toute référence à la réalisation d’un grand emprunt européen et à l’harmonisation fiscale qu’il appelle de ses vœux. Il a donc exprimé le souhait que le prochain programme de travail soit plus substantiel.

(1) Rapport d’information (n° 1434) de M. Gérard Fuchs sur le programme de travail de la Commission européenne pour 1999, du 4 mars 1999.