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Document E2570
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen concernant l'application des articles 7 à 10 de la directive 92/12/CEE. Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise.


E2570 déposé le 23 avril 2004 distribué le 28 avril 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM (2004) 227 final du 2 avril 2004)

Base juridique :

Article 93 du traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

- unanimité du Conseil ;

- avis du Parlement européen ;

- avis du Comité économique et social européen.

Avis du Conseil d'Etat :

En tant qu'elle modifie une directive considérée comme comportant des dispositions législatives et entrant par conséquent dans le champ d'application de l'article 34 de la Constitution, cette proposition de directive entre également dans le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution.

Le rapport de la Commission doit être communiqué au Parlement national, car il exprime bien les nécessités de la modification opérée par la proposition de directive.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

- les articles 302 A à 302 V du code général des impôts.

Contenu et portée :

I.- Les imperfections et lacunes du dispositif de circulation en droits acquittés de produits d'accise entre les Etats membres de l'Union européenne doivent être corrigées

Conformément à l'article 93 du Traité instituant la Communauté européenne, les droits indirects qui sont perçus sur les tabacs, alcools et produits pétroliers, c'est-à-dire les accises, sont harmonisés.

A défaut d'une harmonisation complète des taux, suggérée par la Commission mais repoussée par les Etats membres, la directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise, a prévu un cadre assez largement similaire à celui retenu pour la TVA et articulé selon quatre principes :

- la liberté des Etats membres de fixer le niveau national des droits d'accise, dès lors qu'ils respectent les taux minima prévus par la directive ;

- le paiement de l'accise auprès de l'Etat membre où les produits concernés sont mis à la consommation ;

- la faculté, pour les particuliers, d'acquérir librement, pour leur propre consommation, des produits d'accise dans l'Etat membre de leur choix et de les transporter dans un autre Etat membre, sans formalité et sans devoir acquitter un nouveau droit ;

- la coordination des règles de circulation intracommunautaire et de contrôle des produits concernés, de manière à garantir, pour les transactions commerciales, le paiement de l'accise auprès de l'Etat de mise à la consommation des produits. Il s'agit d'éviter que des opérateurs ne cèdent illicitement, dans un Etat plus fortement taxé, des produits provenant d'un Etat où le niveau des accises est faible.

Ces règles de circulation et de contrôle définissent deux régimes alternatifs :

- d'une part, le régime dit suspensif, qui s'applique par principe. Les produits circulent dans le marché intérieur en suspension de droits, entre des entrepôts fiscaux. Les droits dus sont acquittés à un stade ultérieur, lors de l'introduction des biens concernés dans le réseau commercial destiné à la vente de détail. Un document administratif d'accompagnement (DAA) permet aux autorités douanières ou fiscales d'être informées des transactions prévues entre les opérateurs et de procéder, le cas échéant, à des contrôles ;

- d'autre part, le régime de circulation en droits acquittés, qui règle les conditions dans lesquelles les produits déjà offerts à la consommation dans un Etat membre et pour lequel l'accise a par conséquent déjà été payée, peuvent circuler à des fins commerciales ou à des fins privées.

L'importance respective de ces deux régimes n'est pas identique. La majeure partie des échanges se fait en régime suspensif. Le volume des échanges en droits acquittés reste modeste, puisqu'il est estimé à 3 % du commerce intracommunautaire de produits soumis à accises. Les boissons alcooliques sont davantage concernées que le tabac et les combustibles.

En pratique, ces mouvements en droits acquittés s'expliquent par plusieurs éléments :

- pour les particuliers, ils sont imputables aux très fortes différences entre les niveaux d'accise et par conséquent de prix de vente au détail des produits alcooliques et des tabacs dans les différents Etats membres de l'Union européenne. L'expansion d'internet a d'ailleurs contribué à l'augmentation de ce type d'échange ;

- s'agissant des entreprises, de telles transactions tiennent principalement, pour les produits courants ou standardisés, aux écarts de marges commerciales entre les différents Etats et à des ajustements de stocks ainsi que, pour les productions très localisées et dont les structures sont atomisées, comme les boissons et alcools d'origine, à leurs spécificités.

Afin d'éviter une double taxation qui ferait obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur, ce régime de circulation en droits acquittés repose sur trois principes :

- les transactions qui présentent un caractère commercial, entre opérateurs, donnent lieu à une nouvelle taxation dans l'Etat membre de destination ainsi qu'en contrepartie, à un droit remboursement de la contribution antérieurement acquittée auprès de l'Etat de départ, puisque les produits n'y sont en définitive pas consommés. Ces derniers sont d'ailleurs transportés sous le couvert d'un document d'accompagnement simplifié (DAS). Des procédures spécifiques permettent le remboursement de la contribution acquittée auprès de l'Etat de provenance des biens ;

- les produits vendus à distance par les opérateurs économiques à des particuliers donnent également lieu à taxation dans l'Etat de destination, selon la procédure spécifique dite des ventes à distance. On observera que cette règle est différente de celle qui prévaut pour la TVA, cet impôt restant dû à l'Etat de départ pour les transactions des petits opérateurs ;

- en revanche, conformément au principe de la liberté de choix du consommateur sur l'ensemble du marché intérieur, les produits achetés par les particuliers ne sont taxés que dans l'Etat membre où ils sont acquis, dès lors qu'ils sont destinés à leurs seuls besoins et sont transportés par leurs soins, même s'il s'agit d'achats à distance.

Face à ce régime complexe, la présente proposition de directive a un objectif assez modeste, puisqu'elle vise uniquement à aménager certains détails du régime de circulation intracommunautaire en droits acquittés des produits soumis à accise, mais fort utile compte tenu problèmes posés par les imperfections décelées.

Dans son rapport sur ses articles 7 à 10 prévus à l'article 27 de la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accises, la Commission a, en effet, mis en évidence les difficultés ressenties tant par les opérateurs économiques de petite taille que par les consommateurs pour se conformer aux règles actuelles. Une telle incertitude n'est pas admissible.

Les mesures proposées par la Commission visent ainsi à la simplification et à la clarification, tant sur la forme que sur le fond, de ces mêmes articles 7 à 10 de la directive.

Elles ne pourraient cependant constituer qu'une étape dans la modernisation du régime des accises, dans la mesure où la Commission a, d'ores et déjà, pris l'initiative de procéder à des réunions de travail avec les représentants des Etats membres sur une réforme d'ensemble de la directive de 1992.

II.- La Commission a, par conséquent, proposé des aménagements qui concernent tant les mouvements commerciaux que les acquisitions transfrontalières par les particuliers

A.- Les modifications prévues s'agissant des mouvements commerciaux sont destinées à faciliter l'activité des entreprises, notamment des petites entreprises

Pour les transactions à caractère commercial, dont la directive précitée 92/12/CEE prévoit que l'accise est exigible dans l'Etat membre de destination, la proposition soumise à l'examen de la Commission tend à préciser et à clarifier cinq éléments actuellement source de difficultés pratiques.

L'objectif est de permettre aux petites entreprises de s'insérer plus aisément dans les courants d'échanges transfrontières.

Une meilleure identification des redevables de l'accise dans l'Etat de destination et la simplification des procédures de recouvrement

Le premier aménagement vise à mieux identifier les redevables tenues au paiement de l'accise dans l'Etat membre de destination des produits, comme à en simplifier les modalités de recouvrement.

En effet, la rédaction actuellement en vigueur ne donne aux Etats membres aucun critère pour déterminer si l'accise est exigible auprès de l'expéditeur des produits, de leur destinataire ou encore de leur transporteur. Par ailleurs, les procédures prévues pour acquitter les droits dans un Etat où elles ne sont pas implantées sont jugées trop lourdes par les entreprises. Enfin, le texte actuel est muet sur les procédures à suivre lorsque les biens ne sont en définitive pas vendus dans l'Etat de destination et sont réexpédiés dans l'Etat d'origine.

La proposition de la Commission prévoit ainsi de régler ces difficultés en ne maintenant l'exigibilité de l'accise auprès de l'opérateur économique qui n'est pas établi dans l'Etat membre de destination que pour le cas des seuls biens qui y parviennent sans avoir préalablement fait l'objet d'une transaction commerciale avec une entreprise ou avec une administration.

Sur le plan technique, il s'agit de distinguer deux cas :

- celui des biens ayant fait l'objet d'une transaction commerciale préalable et destinés aux besoins d'un opérateur économique (d'une entreprise) ou d'un organisme de droit public d'un autre Etat membre. C'est cet opérateur économique ou cet organisme de droit public qui serait dorénavant le redevable de l'accise, sauf si le vendeur étranger souhaitait s'en acquitter lui-même, selon la procédure simplifiée en vigueur pour les ventes à distance ;

- celui des produits acheminés dans un Etat membre par un opérateur qui n'y est pas établi, sans avoir fait l'objet d'une transaction préalable, pour y être simplement proposés à la vente. Il s'agit notamment des ventes ambulantes et des ventes occasionnelles aux détaillants. Le redevable des accises serait alors ce même vendeur étranger et devrait suivre la procédure prévue pour les ventes à distance.

Par ailleurs, la rédaction prévue devrait également faciliter le transfert par un opérateur, en droits acquittés, des stocks qu'il détient, toujours en vue de renforcer la fluidité du marché intérieur.

La simplification des procédures de remboursement des accises acquittées auprès de l'Etat de départ

Le deuxième aménagement prévoit de simplifier les procédures de remboursement des droits acquittés dans l'Etat de départ. Un visa de l'administration de l'Etat membre de destination serait dorénavant apposé sur l'exemplaire de renvoi du "document d'accompagnement simplifié" (DAS), lequel est destiné à être produit à l'appui de la demande de remboursement.

Le DAS devenant ainsi moyen de contrôle à la disposition des autorités douanières ou fiscales, la pratique actuelle des certificats de paiement de la taxe dans l'Etat de destination, exigée par l'Etat de départ à l'appui des demandes de remboursement, devrait disparaître.

L'aménagement du régime des ventes à distance

La troisième modification concerne le régime des ventes à distance. Elle vise à rectifier son champ d'application, d'une part, en reprécisant la notion de vente à distance, qui serait définie comme la cession à un particulier de produits d'accises par un opérateur qui en prend directement ou indirectement en charge le transport, et, d'autre part, en allégeant et en harmonisant les procédures qui incombent aux entreprises, auprès de l'Etat membre où elles ne sont pas implantées.

Les entreprises invoquent plusieurs griefs à l'encontre du cadre actuel : les difficultés à respecter la procédure relative au dépôt de garantie préalable à l'expédition des produits, qui implique un déplacement dans l'Etat de destination, le manque d'harmonisation des règles relatives à ce dépôt de garantie, au paiement effectif de l'accise due ainsi qu'aux formalités relatives aux représentants fiscaux, lorsqu'il est fait appel à cet intermédiaire. Par ailleurs, la charge qui résulte du recours à un tel représentant, exigé par la plupart des Etats membres, est estimée trop lourde.

La solution proposée par la Commission s'inspire du projet pilote mis en œuvre par la France et la Belgique : les opérateurs étrangers qui vendent dans un Etat membre où ils ne sont pas établis seraient ainsi autorisés à déposer une garantie auprès d'un bureau centralisateur implanté dans ce même Etat. Le paiement de l'accise intervient alors sur la base des éléments d'information échangés entre les deux Etats concernés, celui du départ des produits et celui de destination.

L'allégement des procédures relatives aux ventes à bord des avions et des navires

Le quatrième aménagement vise à alléger les règles, actuellement fort complexes, applicables aux ventes à bord d'un avion ou d'un bateau au cours d'un transport intracommunautaire.

Il s'agit d'harmoniser dans l'ensemble de l'Union, par accords bilatéraux entre les Etats membres, les mesures de simplification administrative déjà mises en œuvre par certains d'entre eux et de bien préciser que les produits détenus à bord d'un navire ou d'un aéronef qui se trouve dans un Etat membre, ne sont pas considérés comme y étant détenus à des fins commerciales dès lors qu'ils ne sont pas proposés à la vente sur son territoire.

La suppression de certaines lacunes

La cinquième des modifications proposées vise à combler une lacune s'agissant des procédures à suivre pour les produits perdus ou manquants ainsi que ceux faisant l'objet d'infraction.

Le texte actuellement en vigueur de la directive 92/12/CEE ne comprend aucune disposition en ce sens. Des cas de conflits d'intérêts entre Etats membres et de double taxation ont été identifiés. Il convient de les corriger.

B.- S'agissant des acquisitions transfrontalières par les particuliers, les aménagements proposés visent à conforter un régime favorable au consommateur qui souhaite se fournir dans un autre Etat membre

En ce qui concerne les produits acquis par les consommateurs pour leurs propres besoins, taxés dans le seul Etat membre d'acquisition, la Commission propose d'apporter cinq aménagements, dont quatre tendent à consolider la portée de ce régime favorable au consommateur qui souhaite se fournir auprès d'entreprises établies dans d'autres Etats membres que celui où il réside.

La dernière, qui vise à supprimer les niveaux indicatifs de produits censés couvrir la propre consommation de celui qui les transporte, lors des passages de frontières, est celle qui a indéniablement la portée la plus forte.

La clarification de la notion de produits transportés par les particuliers

La première des modifications suggérées tend à pallier les conséquences d'une interprétation restrictive de la Cour de Justice des Communautés européennes quant à la notion de produits transportés par les particuliers eux-mêmes.

Saisie par la Cour d'appel de Londres par la voie d'une question préjudicielle, la Cour a en effet considéré que le régime de la taxation dans le seul Etat membre d'acquisition n'était pas applicable lorsque l'achat et le transport ont été faits par l'intermédiaire d'un agent, alors même qu'il s'agit uniquement de couvrir les propres besoins du consommateur (affaire C-296/95, The Queen commissioners of Customs ans Excise vs EMU Tabac sarl, the Man in black Ltd ).

La Cour considère ainsi, s'agissant des particuliers, que la notion de produits transportés par eux-mêmes ne vise que le seul cas où le transport est réalisé personnellement par l'acquéreur des produits d'accise.

La Commission estime quant à elle qu'une telle restriction n'est pas justifiée et que l'ensemble des produits qui ne font pas l'objet d'une transaction commerciale doit pouvoir circuler librement dans l'espace communautaire, sans faire l'objet d'une taxation au titre des accises dans l'Etat membre de destination.

Elle propose, par conséquent, pour ces achats à distance( 1), une rédaction plus souple offrant des possibilités plus larges au consommateur et inspirées du régime applicable en matière de TVA, avec une taxation des achats à distance dans le seul Etat membre de départ, pour les produits transportés pour le compte des particuliers, à l'exception des tabacs.

Cette réserve, d'ailleurs conforme aux objectifs de la France en matière de santé publique, permet d'assurer la mise en œuvre des préconisations de la convention-cadre pour la lutte anti-tabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), selon laquelle la politique fiscale et des prix constitue l'un des instruments permettant la réduction de la consommation de tabac.

Une nouvelle définition des mouvements qui ne présentent pas un caractère commercial

Le deuxième aménagement tend à préciser la notion de mouvement non commercial. Il s'agit d'éviter que les Etats membres ne puissent, comme l'ont fait certains d'entre eux, en retenir une interprétation restrictive permettant de prétendre à la taxation de biens n'ayant d'évidence aucune destination commerciale, tels que les cadeaux adressés par voie postale ou encore les produits transférés à l'occasion de déménagements dont les opérations physiques ne sont pas effectuées par les particuliers eux-mêmes.

La Commission propose par conséquent de mentionner explicitement dans le futur texte de la directive le cas des produits expédiés d'un particulier à un autre sans contrepartie directe ou indirecte, afin qu'ils soient, sans ambiguïté, taxés dans le seul Etat membre d'origine.

Une redéfinition des procédures à suivre pour les particuliers qui procèdent à des opérations commerciales

Le troisième aménagement vise à préciser, par coordination avec le précédent, les procédures à suivre par les particuliers qui transportent eux-mêmes ou font transporter des produits d'accise qui ne sont pas destinés à leurs propres besoins, lesquels sont soumis à accise dans l'Etat membre de destination.

Le texte actuellement en vigueur ne prévoit pas une telle procédure et n'établit pas clairement, non plus, le principe d'un remboursement de l'accise acquittée dans l'Etat membre d'acquisition, ce qui n'exclut donc pas l'hypothèse d'une double taxation.

Aussi la Commission propose-t-elle de définir les opérations commerciales comme celles destinées à des besoins autres que ceux qui sont propres aux particuliers et de préciser que le particulier concerné par de telles opérations commerciales est le redevable de l'accise dans l'Etat de destination. En contrepartie, il bénéficierait d'un droit à remboursement dans l'Etat membre d'acquisition.

La clarification des sanctions prévues en cas d'infraction aux règles relatives à la sécurité du transport des produits pétroliers

L'avant-dernière des modifications proposées vise à supprimer la faculté pour les Etats membres de taxer les produits pétroliers soumis à accises (huiles minérales) acquis dans un autre Etat membre et déjà taxés par celui-ci, lorsqu'ils sont transportés par des moyens autres que les modes de transport dûment autorisés.

Selon la Commission, cette disposition constitue une "double sanction" et permet en fait aux Etats membres d'empêcher que les particuliers ne puissent bénéficier, pour le fuel de chauffage, des mêmes possibilités de choix que celles dont ils disposent pour d'autres produits d'accise.

Elle estime que son abrogation n'engendre aucune difficulté puisque les infractions à la sécurité des transports doivent être sanctionnées en tant que telles, et que l'instrument fiscal ne doit aucunement interférer avec leur répression.

La proposition de suppression des niveaux indicatifs au-delà desquels un particulier doit prouver que des tabacs ou alcools sont destinés à sa propre consommation

Le dernier des aménagements proposés tend à supprimer les niveaux indicatifs au-delà desquels il est a priori estimé que le particulier doit prouver à l'administration que les produits concernés de l'alcool ou du tabac, sont bien destinés à la satisfaction de ses propres besoins. Ces niveaux ne constituent que l'un des éléments dont doit tenir compte l'administration d'un Etat membre pour établir si une transaction effectuée par un particulier présente, ou non, un caractère commercial.

Trois arguments ont été invoqués pour justifier cette tentative de suppression.

D'une part, la Commission a estimé que l'administration doit déterminer pour chacun des cas qui lui est soumis si les produits sont ou non détenus à des fins commerciales, en se fondant sur les critères précisés par la directive et qu'un renversement de la charge de la preuve ne peut être envisagé.

D'autre part, elle a rappelé que de tels niveaux indicatifs ont tendance à être considérés, en pratique, mais à tort, comme une sorte de franchise.

Enfin, elle a considéré que de telles mesures ne relevaient pas de son niveau d'intervention et que c'était aux autorités nationales qu'il incombait, le cas échéant, de définir, dans le cadre d'instructions données aux agents investis de ces missions, des seuils au-delà desquels des contrôles sont opérés.

III.- Ces aménagements, largement examinés et amendés, dans leur philosophie comme dans leur détail, lors des différentes réunions du groupe des questions fiscales, ne peuvent toutefois être approuvés que s'ils garantissent à la France la capacité d'atteindre, par une politique adaptée des prix, ses objectifs de santé publique en matière de consommation de tabac

Cette proposition de directive a fait l'objet d'un examen attentif au sein du groupe des questions fiscales, à l'occasion de plusieurs réunions.

Aucun accord n'a toutefois pu être établi, ce qui rend les perspectives de son adoption encore incertaines puisque le traité instituant la Communauté européenne exige l'unanimité en matière fiscale.

La présidence néerlandaise a été conduite à distinguer, pour la clarté du débat, trois catégories de domaines.

Il s'agit, en premier lieu, des questions pour lesquelles elle a pu constater un accord, à savoir :

- le maintien des règles actuelles en matière de transport des produits pétroliers par les particuliers dans des modes de transports atypiques. Les Etats membres souhaitent, en effet, conserver la "double sanction", dispositif suivant lequel les Etats membres peuvent taxer les produits pétroliers soumis à accises (huiles minérales) acquis par les particuliers dans un autre Etat membre et transportés par des moyens non autorisés ;

- la mise à l'écart des assouplissements proposés par la Commission pour les achats à distance par les particuliers. Les Etats membres souhaitent préserver le niveau actuel de leur maîtrise de la taxation des produits consommés sur leur territoire ;

- la mise en œuvre, en revanche, de nouvelles règles de procédure pour les ventes dans un Etat membre par des opérateurs qui n'y sont pas établis. Les Etats membres sont favorables à une définition plus précise du fait générateur de l'accise, de même qu'à la simplification des formalités administratives qui lui sont liées et à un aménagement des modalités particulières prévues pour les ventes à distance par les entreprises.

En deuxième lieu, la présidence a pris acte d'un avis de la majorité des Etats membres en faveur :

- du maintien des seuils prévus, en matière d'alcools et de tabacs, pour apprécier si les produits transportés sont destinés à des fins commerciales ou, au contraire, à des fins personnelles ;

- des nouvelles règles proposées pour combler les lacunes des dispositions actuelles sur les produits pour lesquels une irrégularité est découverte au cours de leur transport, notamment les perdus et les manquants.

Sur les autres points essentiels, en troisième lieu, la présidence a fait des propositions de compromis.

Le caractère très technique des mesures présentées par la Commission et des amendements qui y sont suggérés oriente inéluctablement la discussion vers un niveau de détail extrêmement fin, parfois difficile à suivre.

Toutefois, le Gouvernement estime qu'il convient être particulièrement vigilant sur deux points.

Il s'agit, en premier lieu, de la question de la simplification des règles pour les ventes à distance par les entreprises.

Actuellement, les règles en matière d'accises et de TVA ne sont pas les mêmes. On observe ainsi que, pour les petits opérateurs, ceux qui réalisent dans un Etat membre où ils ne sont pas établis un chiffre d'affaires inférieur à 100.000 euros, seuil qui peut être réduit à 35.000 euros par les Etats membres( 2), l'accise est exigible dans l'Etat membre de destination alors que la TVA reste acquittée en principe dans celui de départ.

Une telle situation ne facilite pas les opérations des petites et moyennes entreprises.

Il serait, par conséquent, opportun de prévoir des règles communes aux deux impôts pour atteindre l'objectif de la Commission d'une meilleure fluidité du marché intérieur.

Le Gouvernement regrette que tel ne soit pas le cas à ce stade, alors que l'importance des aménagements prévus dans le cadre de la présente proposition de directive 92/12/CEE en donne l'occasion.

Le second des éléments auxquels le Gouvernement accorde une attention particulière, ainsi qu'il en a fait part, par écrit, à la Commission dès l'été dernier, concerne les seuils prévus pour apprécier si des tabacs ou alcools transportés d'un Etat membre à un autre par un consommateur, le sont à des fins commerciales ou en vue d'une consommation personnelle. Cette initiative rejoint celle de nombreux parlementaires sur le plan national, lesquelles n'ont pu aboutir étant donné le niveau, européen, des règles concernées.

Il faut se féliciter de ce que pratiquement tous les Etats membres se soient prononcés contre la proposition de la Commission visant à supprimer ces seuils.

Cependant, ainsi que l'estime le Gouvernement, leur maintien doit être parachevé à deux titres.

En premier lieu, la facilité de leur transport, puisqu'il s'agit de marchandises légères et peu fragiles, commande que le seuil soit non pas indicatif, mais impératif s'agissant des produits du tabac. Il convient en effet de respecter l'esprit de la convention-cadre pour la lutte anti-tabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont il résulte que la politique fiscale et des prix constitue pour les Etats l'un des instruments permettant la maîtrise de la consommation. Une telle politique des prix relève des Etats membres et il appartient clairement à l'Union de veiller à ce que ceux-ci disposent effectivement des moyens de la mettre en œuvre.

En second lieu, le niveau des seuils actuels, à raison de 800 pièces pour les cigarettes, 400 pour les cigarillos, 200 pour les cigares et 1 kilo pour le tabac à fumer en paquet, n'apparaît plus adapté. Avec l'augmentation continue de la fréquence des déplacements communautaires, ces seuils couvrent très largement les seuls besoins de la consommation personnelle. Apparaissant en définitive surcalibrés, le Gouvernement estime qu'un ajustement, à la baisse, doit être envisagé.

La Délégation soutient, compte tenu de ces éléments, la position de la France telle qu'elle est fixée par le Gouvernement.

Conclusion :

Ce document a été présenté par M. Marc Laffineur, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 26 janvier 2005. En l'état des informations dont elle dispose, la Délégation a approuvé la proposition d'acte communautaire à condition qu'elle préserve ou améliore la faculté de chaque Etat membre d'atteindre, par la politique des prix qu'il définit, ses objectifs de santé publique en matière de maîtrise de la consommation de tabac.

(1) Il faut, en effet, bien distinguer sur le plan du droit communautaire les ventes à distance par des entreprises (marchandises expédiées ou transportées par le vendeur ou pour son compte) avec taxation dans le pays de destination et les achats à distance par les particuliers - marchandises expédiées ou transportées par le particulier ou pour son compte - donnant lieu en principe à taxation dans le pays d'origine.
(2) Outre la France, seuls l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont conservé le seuil de droit commun de 100.000 euros. Les autres Etats membres ont opté pour le niveau réduit de 35.000 euros. La Commission a proposé de modifier ce dispositif dans le cadre d'un autre document soumis à l'examen de la Délégation (document E 2761), avec un seuil global de 100 000 euros applicable à l'ensemble des opérations intervenues dans tous les Etats membres.