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Document E2617
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes.


E2617 déposé le 21 juin 2004 distribué le 23 juin 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0391 final du 26 mai 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 28 mai 2004)

Base juridique :

Article 62 § 1 et 2 du Traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

- majorité qualifiée au sein du Conseil ;

- codécision du Parlement européen.

Avis du Conseil d'Etat :

La présente proposition de règlement a principalement pour objet de codifier le Manuel commun et les stipulations des chapitres 1er et 2 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 dans un " code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par personnes ".

Si le Manuel commun a été constamment regardé jusqu'ici comme ne comportant pas de dispositions de nature législative et si la proposition de règlement se borne, pour l'essentiel, à reprendre les stipulations de la convention susmentionnée relatives au franchissement des frontières intérieures et extérieures, elle ajoute, d'une part, à cette convention en prévoyant des dispositions relatives à la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures par un Etat membre et procède, d'autre part, à l'abrogation des articles 2 et 8 de ladite convention.

Dans cette mesure, elle modifie la convention dont la ratification a été autorisée par la loi n° 91-737 du 1er août 1991. Il s'ensuit que la présente proposition de règlement doit être regardée comme relevant de la compétence du législateur.

Fiche d'évaluation d'impact :

La fiche d'impact (relative à la version initiale du texte) souligne que l'art. 8-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, qui autorise des contrôles destinés à rechercher et à constater des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France à l'intérieur d'une bande de 20 km le long de la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la Convention de Schengen, devrait être modifié. L'article 78-2 du code de procédure pénale et l'article 67 quater du code des douanes, qui prévoient des facilités semblables, devraient l'être également. La France ne pourrait en effet plus procéder à de tels contrôles.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité

Cette proposition de règlement est conforme au principe de subsidiarité.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

L'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'article 78-2 du code de procédure pénale et l'article 67 quater du code des douanes devraient être modifiés ( cf. supra ).

Contenu et portée :

Cette proposition de règlement vise à établir un " code communautaire relatif au franchissement des frontières par les personnes ". Elle s'inscrit dans le cadre de la politique européenne de contrôle des frontières, qui a connu récemment des développements importants, tels que le passage à la majorité qualifiée et à la codécision à partir du 1er janvier 2005 et la création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, opérationnelle depuis le 1er mai 2005 et dont le siège a été fixé à Varsovie. Ce texte est d'ailleurs le premier de cette matière à être adopté à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen.

Le code proposé représente un élément essentiel pour le volet législatif de cette politique, de la même manière que l'Agence a représenté une avancée sur le plan opérationnel. Il vise à clarifier, restructurer, consolider et développer la législation actuelle en matière de contrôle frontalier des personnes. Il ne s'agit donc pas d'une codification " à droit constant ", plusieurs modifications importantes étant apportées aux règles existantes.

Le code effectue ainsi une refonte complète du " Manuel commun des frontières ". Ce Manuel, adopté dans le cadre intergouvernemental de Schengen, fait partie de l'acquis communautaire depuis l'intégration de la coopération Schengen dans le cadre communautaire opéré par le traité d'Amsterdam. Il reste cependant un acte atypique, à la fois source de droit communautaire et guide pratique pour les gardes-frontières, dont la nature juridique n'est pas bien définie. Sa refonte constitue donc une clarification bienvenue.

La Commission a cependant décidé d'aller au-delà d'un simple " toilettage " du Manuel commun, et a élargi la portée du code projeté en y incluant également les règles relatives aux frontières intérieures. La proposition comporte donc deux volets, l'un relatif aux frontières extérieures et l'autre aux frontières intérieures.

Le volet " frontières extérieures " inclut toutes les règles relatives au contrôle des personnes aux frontières extérieures, telles que les conditions de franchissement des frontières extérieures et d'entrée sur le territoire des Etats membres et les principes régissant le contrôle des frontières extérieures, y compris la surveillance entre les points de passage frontaliers autorisés et les conditions de refus d'entrée. Des règles spécifiques relatives aux modalités de contrôle propres aux différents types de frontières (terrestres, aériennes et maritimes) ainsi que des régimes particuliers pour certaines catégories de personnes (marins, pilotes, diplomates, etc .) sont prévues. Parmi les modifications significatives, figure notamment l'ajout de ne pas représenter une menace pour la santé publique aux conditions prévues pour entrer dans l'espace Schengen et le compostage systématique des documents de voyage à l'entrée et à la sortie, sauf exceptions. Ce volet n'a pas soulevé de difficulté particulière.

Il n'en va pas de même du volet " frontières intérieures ", qui reprend les dispositions de la Convention d'application de l'accord de Schengen, en y apportant plusieurs modifications significatives. Deux d'entre elles soulevaient des difficultés importantes pour la France, qui ont été levées au cours de la négociation : la première portait sur la possibilité pour un Etat membre de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures en cas de menace à l'ordre public ou à la sécurité nationale, et la seconde sur la possibilité pour un Etat membre d'effectuer des contrôles spécifiques dans la zone frontalière.

1. La possibilité de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures en cas de menace grave à l'ordre public ou à la sécurité nationale.

Cette " clause de sauvegarde " figure actuellement à l'article 2 § 2 de la convention d'application de l'accord de Schengen. Elle est fréquemment utilisée par les Etats membres, pour réintroduire des contrôles sur une partie ou sur la totalité des frontières intérieures, pour une journée ou quelques jours, notamment lors de sommets politiques (comme le G8 ou des réunions du Conseil européen) ou d'événements sportifs. A la veille de grands matches de football de championnat d'Europe, il est ainsi souvent utile de rétablir des contrôles aux frontières intérieures pour prévenir l'arrivée de " hooligans ", notamment de ceux qui ont déjà fait l'objet d'une interdiction de séjour sur le territoire. La France a utilisé ce mécanisme à plusieurs reprises en rétablissant des contrôles aux frontières intérieures pour éviter des troubles à l'ordre public, en général pour une seule journée, par exemple avec l'Espagne en raison de la lutte contre l'ETA, ou avec l'Italie lors du Conseil européen de Nice en 2000.

a ) La proposition initiale de la Commission

La proposition initiale de la Commission ne visait pas à supprimer cette " clause de sauvegarde ", mais à encadrer ses modalités de mise en œuvre.

La procédure actuelle, précisée par une décision du comité exécutif de Schengen du 20 décembre 1995 (SCH/Com-ex (95) 20, rév. 2), est très souple. Elle impose en effet simplement à l'Etat concerné d'adresser une notification aux autres Etats, précisant la cause de la décision envisagée, son étendue géographique et sa durée. En théorie, une réunion du comité exécutif Schengen est également organisée pour mener les consultations entre Etats. En cas d'urgence, la seule notification suffit. La Commission n'intervient, en tout état de cause, aucunement dans le processus.

La Commission estime qu'elle devrait être impliquée dans cette procédure, en tant que gardienne des traités, afin de tirer les conséquences de l'intégration de l'acquis de Schengen dans le cadre communautaire. Elle propose donc de soumettre la réintroduction temporaire de contrôles à un avis de la Commission, émis après la notification (qui devrait être " immédiate ") par l'Etat membre concerné aux autres Etats et à la Commission de la décision envisagée (art. 21). Cet avis porterait notamment sur la proportionnalité de la mesure envisagée par rapport au fait générateur et aux risques inhérents. Il serait suivi d'une consultation de la Commission et des autres Etats membres au sein du Conseil, afin d'organiser une coopération mutuelle des Etats membres et d'étudier quelles mesures alternatives pourraient être envisagées. Cette consultation serait obligatoire et aurait lieu au moins 15 jours avant la date de réintroduction des contrôles, sauf dans les cas d'urgence (une procédure spécifique étant prévue dans cette hypothèse, avec une simple notification). Les contrôles ne pourraient être réintroduits qu'une fois cette consultation achevée.

Les conditions de fond seraient également durcies, une menace " grave " pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique (ce dernier motif ayant été ajoutée par la Commission) étant désormais requise (art. 20).

La Commission proposait également de créer une nouvelle procédure de recours commun à la clause de sauvegarde en cas de menace d'une gravité exceptionnelle pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique affectant plusieurs Etats membres, et notamment en cas de menace terroriste à caractère transfrontalier (art. 24).

b ) Le compromis adopté par le Conseil

La modification de la procédure de réintroduction de contrôles aux frontières intérieures proposée par la Commission a été mal accueillie par les Etats membres, en particulier par la France. Le Gouvernement français a ainsi souligné, à juste titre, que l'appréciation de l'opportunité de la réintroduction de ces contrôles ne peut être dévolue à la Commission ou à d'autres Etats membres, qui ne sont pas en mesure de juger de l'état de la menace propre à un ou plusieurs Etats membres en particulier. Cette décision doit appartenir à l'Etat concerné, car c'est à lui qu'incombe la responsabilité première de l'ordre public et de la sécurité, et que lui seul dispose des informations nécessaires, actualisées en permanence. La délégation française a également insisté pour que le rétablissement des contrôles puisse intervenir dès la notification de la décision envisagée, sans qu'il soit besoin d'attendre le résultat de diverses consultations.

Cet encadrement excessif aurait pu, en outre, soulever des difficultés d'ordre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 91-294 du 25 juillet 1991 relative à la convention d'application de l'accord de Schengen, a en effet jugé l'article 2 § 1 de ladite convention (qui supprime les contrôles aux frontières intérieures) conforme à la Constitution française, parce que le paragraphe 2 de cet article autorise une partie contractante à rétablir des contrôles frontaliers nationaux si l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent. Cette disposition ne peut donc être modifiée qu'avec prudence, et sous réserve de respecter les responsabilités des autorités françaises dans ce domaine.

Le Conseil et le Parlement européen sont finalement parvenus, en juin 2005, à un compromis( 1) sur la rédaction de cet article, qui donne satisfaction aux demandes françaises.

L'émission d'un avis par la Commission a été maintenue, mais il est précisé que cet avis est " sans préjudice de l'article 64, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne ", aux termes duquel aucune mesure communautaire ne porte atteinte à l'exercice des responsabilités qui incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public ou la sauvegarde de la sécurité intérieure. La disposition selon laquelle les contrôles ne pourraient être réintroduits qu'une fois la consultation des autres Etats et de la Commission achevée a, en outre, été supprimée, afin d'éviter un formalisme excessif.

La procédure de recours commun à la clause de sauvegarde a également été supprimée, parce que jugée trop lourde et pour des raisons juridiques liés au statut des Etats associés à l'espace Schengen (Norvège, Islande et Suisse).

2. La possibilité pour un Etat membre d'effectuer des contrôles spécifiques dans les zones frontalières.

La législation française prévoit des contrôles spécifiques dans les zones frontalières. L'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France autorise ainsi des contrôles destinés à rechercher et à constater des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France à l'intérieur d'une bande de 20 km le long de la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la Convention de Schengen. L'article 78-2 du code de procédure pénale et l'article 67 quater du code des douanes prévoient des facilités semblables.

La loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers et à la nationalité a récemment étendu ces possibilités de contrôles, en les autorisant sur les aires de stationnement et les sections autoroutières jusqu'au premier péage, si celui-ci est situé au delà de la ligne des 20 km.

Actuellement, ces contrôles ne sont ni interdits, ni autorisés par le droit communautaire.

a ) La proposition initiale de la Commission

La Commission proposait de supprimer la possibilité pour les Etats membres de prévoir une législation particulière relative aux contrôles des personnes dans les zones limitrophes de la frontière intérieure (art. 19). Elle considère en effet que ces contrôles ne sont acceptables que s'ils sont effectués dans le cadre des compétences générales de police définies pour l'ensemble du territoire de l'Etat concerné, et dans les mêmes conditions. Tout contrôle exercé en raison du franchissement d'une frontière intérieure est, selon la Commission, incompatible avec le concept d'un espace sans frontière. Tout franchissement de frontière entre deux Etats parties aux accords de Schengen devrait ainsi être assimilé à un déplacement entre deux départements ou deux régions au sein d'un même Etat membre.

La France, soutenue par d'autres Etats membres, s'est opposée à cette suppression. L'importance de ces contrôles, qui concourent à la sécurité globale du territoire de l'Union, doit en effet être soulignée. Ces contrôles jouent un rôle important dans la lutte contre l'immigration illégale et contre la criminalité organisée, en particulier le trafic de drogue. Les éliminer serait accréditer l'idée selon laquelle la suppression des contrôles aux frontières intérieures faciliterait la criminalité transnationale et l'immigration illégale, alors que cette suppression a été compensée par une coopération policière accrue entre les Etats parties. Ce serait aussi remettre en cause l'importante coopération transfrontalière mise en place sur le plan bilatéral, avec notamment la création de commissariats communs de police.

b ) Le compromis adopté par le Conseil

Un compromis satisfaisant a également été trouvé sur ce second point. L'interdiction d'opérer des contrôles spécifiques dans les zones frontalières a été supprimée. Elle a été remplacée par l'interdiction d'effectuer des contrôles ayant " un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières ", sur le modèle de ce qui est prévu en matière douanière. Le texte précise en outre qu'un certain nombre de mesures de police, qui correspondent aux contrôles actuellement exercés dans la bande des 20 km en application de la législation française, ne sauraient être assimilées à des contrôles aux frontières( 2).

Calendrier prévisionnel :

Ce texte a fait l'objet d'une première lecture au Parlement européen le 23 juin 2005 et pourrait être adopté par le Conseil en juillet 2005.

Conclusion :

Après la présentation de cette proposition de règlement par M. Thierry Mariani, rapporteur, et compte tenu des modifications apportées à la proposition initiale de la Commission, qui donnent satisfaction aux demandes formulées par la France, la Délégation l'a approuvée lors de sa réunion du 29 juin 2005.

(1) La dernière version du texte figure dans le rapport du Parlement européen du 15 juin 2005 (rapport A6-0188/2005 de M. Michael Cashman au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures).
(2) Il s'agit des mesures de police : i) qui n'ont pas pour objectif le contrôle aux frontières ; ii) qui sont fondées sur des informations et des expériences police générale relative à d'éventuelles menaces pour la sécurité publique et visent notamment à lutter contre la criminalité transfrontière ; iii) qui sont conçues et exécutée d'une manière clairement distincte des contrôles des personnes effectuées de manière systématique aux frontières extérieures ; iv) qui sont réalisées sur le base de contrôles réalisés à l'improviste.