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Document E2766
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission. L'Agence des Droits Fondamentaux (document de consultation publique).


E2766 déposé le 18 novembre 2004 distribué le 25 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0693 final du 25 octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 25 octobre 2004)

La Délégation est saisie d'une communication de la Commission sur la création d'une Agence des droits fondamentaux, en date du 25 octobre 2004. Cette communication vise à ouvrir un débat sur la transformation de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, qui a son siège à Vienne, en une Agence des droits fondamentaux. M. Christian Philip, rapporteur, l'a présentée au cours de la réunion de la Délégation du 29 juin 2005.

L'idée de créer une telle agence remonte au Conseil européen de Cologne (juin 1999), qui a suggéré d'examiner l'opportunité de créer une " Agence pour les droits de l'homme et la démocratie ". Le Parlement européen a repris cette proposition dans plusieurs résolutions( 1), de même que le comité des sages qui a examiné le respect par l'Autriche des valeurs communes européennes en septembre 2000.

Le principe de la création d'une Agence des droits fondamentaux, à partir de la transformation de l'Observatoire des phénomènes racistes et xénophobes, a finalement été posé par le Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2003. Rappelons - car cette coïncidence ne doit sans doute rien au hasard - que c'est au cours de ce Conseil européen que le siège de certaines agences ou organismes de l'Union européenne a été fixé, et que l'Autriche n'avait obtenu aucun d'entre eux.

L'utilité de la création d'une telle agence reste à démontrer (I). Sa création étant cependant acquise, il convient de veiller à ce que sa plus value soit réelle et à éviter les doubles emplois (II).

I. L'utilité de la création d'une Agence européenne des droits fondamentaux reste à démontrer.

La création d'une nouvelle agence chargée de veiller au respect des droits fondamentaux est-elle indispensable ? Cette interrogation est légitime, car les droits fondamentaux sont déjà au cœur du projet européen et leur respect assuré par de multiples instances. La valeur ajoutée, par rapport aux dispositifs existants, d'une transformation de l'Observatoire des phénomènes racistes et xénophobes n'est pas évidente, et l'existence même d'une base juridique autorisant cette création est d'ailleurs contestée.

D'une manière générale, la multiplication des agences ou organes de l'Union n'est pas une solution satisfaisante. Elle risque de donner l'impression que les institutions européennes et les Etats membres cherchent à échapper aux responsabilités qui leur incombent. La création d'un nouvel organe doit être précédée d'un état des lieux permettant d'en apprécier la nécessité ou non, afin d'éviter le recours systématique à cette formule. Or cela ne semble pas avoir été le cas en l'espèce.

Les droits fondamentaux sont déjà au cœur du projet européen.

A ses débuts, la Communauté européenne a longtemps ignoré les droits de l'homme, en raison de sa nature économique. Ce n'est plus le cas : l'Union dispose aujourd'hui du corpus juridique le plus complet et le plus achevé au monde en matière de protection des droits fondamentaux.

1. Une construction jurisprudentielle protectrice

La Cour de justice a en effet développé une jurisprudence protectrice de ces droits, qu'elle a consacré en tant que principes généraux du droit communautaire( 2), en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres( 3) et des instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme( 4), parmi lesquels la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) occupe une place privilégiée.

2. Un statut renforcé dans les traités

Cette construction jurisprudentielle a été reprise par le traité de Maastricht, et figure désormais à l'article 6 § 2 du traité sur l'Union européenne, aux termes duquel " l'Union respecte les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et tels qu'ils résultant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres en tant que principes généraux du droit communautaire ". Le traité de Maastricht a en outre fait de la promotion du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'un des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (art. 11 TUE).

Le traité d'Amsterdam a renforcé le statut de ces droits, en imposant explicitement leur respect aux Etats candidats (art. 6 § 1 et 49 TUE) et en créant une procédure de suspension des droits découlant de l'appartenance à l'Union (y compris le droit de vote au Conseil) en cas de violation " grave et persistante " des droits fondamentaux par un Etat membre. Cette procédure, prévue à l'article 7 TUE, a ensuite été améliorée par le traité de Nice, qui a ajouté un mécanisme préventif permettant de constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un Etat membre des valeurs de l'article 6 TUE.

3. La Charte des droits fondamentaux

Cette évolution a été parachevée par la rédaction de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en 1999-2000, par une première Convention présidée par M. Roman Herzog, ancien président de la République fédérale d'Allemagne. Cette Charte, composée de 54 articles, est le catalogue de droits le plus complet et le plus moderne existant, car il recouvre à la fois des droits civils et politiques, économiques et sociaux et des droits dits de " nouvelle génération " (liés à la bioéthique ou à l'environnement, par exemple).

La Charte a été solennellement proclamée lors du Conseil européen de Nice, en décembre 2000. Elle n'a pas de force juridique contraignante, mais a déjà commencé à produire des effets : la Commission et le Parlement européens se sont engagés à la respecter dans le cadre du processus législatif, en effectuant un contrôle préalable de compatibilité de toutes les propositions d'actes. Le Tribunal de première instance s'y réfère également dans certains arrêts, et les avocats généraux de la Cour de justice l'évoquent parfois dans leurs conclusions.

Le traité établissant une Constitution pour l'Europe aurait permis d'aller encore plus loin, en donnant une force juridique à la Charte - qui en forme la deuxième partie - et en autorisant l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme (art. I-9).

De multiples instances veillent déjà au respect des droits fondamentaux.

Les dispositifs de protection des droits de l'homme se sont multipliés aux niveaux mondial, européen et national. La plus value d'une nouvelle agence par rapport aux dispositifs existants n'est donc pas évidente et les risques de doubles emplois sont réels.

Les instances de protection universelles

Au niveau mondial, plusieurs dispositifs de protection ont été mis en place dans le cadre des Nations unies. Le plus connu est le Comité des droits de l'homme, institué par le Pacte international sur les droits civils et politiques, qui est un organe indépendant des Etats parties audit Pacte. Le Comité peut être saisi de recours individuels (si les Etats parties ont accepté le protocole facultatif entré en vigueur en 1976) et émettre des constatations. Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, le comité pour l'élimination de la discrimination raciale, le comité contre la torture, le comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et le comité des droits de l'enfant jouent également un rôle important.

Un contrôle plus politique est exercé par la commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui est, elle, un organe intergouvernemental, composé d'experts gouvernementaux agissant sur instruction de leurs gouvernements.

Les instances de protection européennes

Les dispositifs européens de protection sont plus efficaces. Le plus important repose sur la Cour européenne des droits de l'homme, chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 à Rome.

Dans le cadre du Conseil de l'Europe également, d'autres organismes indépendants jouent un rôle important en matière de droits de l'homme : le commissaire aux droits de l'homme, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), le comité européen des droits sociaux (chargé de veiller au respect de la Charte sociale européenne) et la commission européenne contre le racisme et l'intolérance peuvent notamment être cités. L'assemblée parlementaire, le comité des ministres et le congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe effectuent aussi un suivi politique, à la fois thématique et spécifique à un pays, du respect des droits fondamentaux, de la démocratie et de l'Etat de droit.

Au sein de l'Union européenne, la Cour de justice et le Tribunal de première instance veillent au respect des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ( cf. supra ). Le médiateur européen, le contrôleur européen de la protection des données et le réseau d'experts indépendants en matière de droits fondamentaux chargé, depuis 2002, de suivre et de faire rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union et les Etats membres sur la base de la Charte des droits fondamentaux, interviennent aussi à ce titre.

Les instances de protection nationales

Au niveau national, beaucoup d'Etats membres ont créé une instance pour la protection et la promotion des droits de l'homme (telle que la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), en France), conformément aux " principes de Paris " adoptés par l'assemblée générale des Nations unies en 1993( 5). Les Etats n'ayant pas créé une instance généraliste ont mis en place des organes spécialisés dans la protection de certains droits fondamentaux, tels que les droits des enfants (Autriche, Lituanie, Pologne) ou la lutte contre les discriminations (Royaume-Uni, Hongrie, etc .).

La valeur ajoutée d'une transformation de l'Observatoire des phénomènes racistes et xénophobes en Agence n'est pas évidente.

Le bilan du fonctionnement de l'Observatoire des phénomènes racistes et xénophobes est pour le moins mitigé. Créé en 1998( 6) et établi à Vienne, l'Observatoire a fait l'objet d'une évaluation externe en 2002, effectuée par le Centre for Strategy and Evaluation Services ( 7). Cette évaluation souligne que les rapports et études de l'Observatoire n'ont pas permis d'effectuer de véritables comparaisons entre les situations des différents Etats membres, ni même d'évaluer l'efficacité des politiques antiracistes menées dans chaque pays. Elle conclut, de manière préoccupante, qu'on ne peut pas dire que le retour sur investissement de l'Observatoire soit à la mesure des 13 millions d'euros engagés par l'Observatoire jusqu'à la fin 2001. Des problèmes budgétaires et de gestion sont en outre intervenus au cours de la période considérée, également relevés par la Cour des comptes européenne dans son rapport sur le budget 2001.

La Commission a donc proposé une réforme du fonctionnement de l'Observatoire en 2003 8. Celle-ci ne constituait cependant pas une réforme radicale, car il ne s'agissait pas, selon la Commission, d'instaurer " des changements pour le seul plaisir de le faire ", mais d'apporter des correctifs au fonctionnement de l'Observatoire à la lumière de l'expérience acquise. Cette approche pragmatique a été abandonnée après le Conseil européen des 12 et 13 décembre 2003, sans qu'aucune nouvelle évaluation ne vienne démontrer l'utilité d'une transformation de l'Observatoire en une agence pour remédier à ses dysfonctionnements.

L'existence même d'une base juridique autorisant cette création est contestée.

L'Union européenne ne dispose pas d'une compétence générale en matière de droits fondamentaux. L'article 6 TUE ne constitue en effet pas une base juridique lui permettant de légiférer dans ce domaine. La Cour de justice a ainsi clairement jugé, dans un arrêt de 1998, que " si le respect des droits fondamentaux [...] constitue une condition de la légalité des actes communautaires, ces droits ne peuvent en eux-mêmes avoir pour effet d'élargir le champ d'application des dispositions du traité au-delà des compétence de la Communauté "( 9). L'entrée en vigueur du traité constitutionnel ne changerait d'ailleurs pas cette situation, l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux (art. II-111 du traité) précisant que ladite Charte ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l'Union.

De plus, la clause de flexibilité de l'article 308 TCE, qui permet au Conseil de légiférer - à l'unanimité - au-delà des compétences de la Communauté, ne semble pas applicable( 10). Il ne permet en effet que de réaliser l'un des objets de la Communauté, et non de l'Union. Or la protection des droits fondamentaux ne figure pas dans le traité instituant la Communauté européenne (TCE), mais dans le traité sur l'Union européenne (TUE).

C'est pour ces raisons que le service juridique du Conseil a émis des doutes, d'après les informations transmises au rapporteur, sur l'utilisation de l'article 308 TCE combiné au titre VI du TUE (" Dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale "), que la Commission envisagerait de retenir comme base juridique pour sa proposition de règlement.

A l'inverse, le Parlement européen, qui souhaite que l'Agence soit créée selon la procédure de codécision, serait favorable à un " empilement " de diverses bases juridiques, issues aussi bien du TCE (tels que l'art. 13-2 TCE relatif à la lutte contre toute forme de discrimination, l'art. 18 relatif à la libre circulation des personnes, l'art. 63 relatif à l'asile, l'art. 141-1 sur l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins, l'art. 255 relatif au droit d'accès aux documents et l'art. 286 sur la protection des données à caractère personnel) que du TUE (art. 6, 7 et 31-1 c relatif au rapprochement du droit pénal procédural).

Ces controverses démontrent que la compétence de l'Union dans ce domaine reste limitée. Elles risquent de conduire - si elles sont surmontées - à une réduction du mandat de la future agence, dont la valeur ajoutée serait dès lors restreinte.

II. La création de cette Agence semblant toutefois acquise, il convient de veiller à ce qu'elle apporte une réelle plus value.

En dépit de ces réserves, le principe de la création d'une agence des droits fondamentaux, affirmé par le Conseil européen, semble désormais acquis. Il convient dès lors de participer au débat et de formuler des propositions pour que cette agence apporte une réelle plus value, en évitant les duplications avec les organes existants.

Les principales questions posées par la Commission dans sa communication porte sur le mandat de l'agence, sa couverture géographique, ses tâches, ses relations avec d'autres instances et sa structure.

A. Un mandat fondé sur la Charte des droits fondamentaux

Le mandat de l'agence devrait être fondé sur la charte des droits fondamentaux. Celle-ci constitue, en dépit de son absence de force juridique contraignante, la référence dans ce domaine : c'est, pour reprendre l'expression de l'avocat général Philippe Léger, " un instrument privilégié pour l'identification des droits fondamentaux ". L'agence devrait veiller à son respect par les institutions de l'Union européenne et par les Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union.

Toutefois, afin d'éviter une dispersion de ses efforts, l'agence pourrait orienter ses travaux, comme le suggère la Commission, vers des domaines thématiques présentant un lien particulier avec des politiques communautaires ou de l'Union (immigration, asile, non-discrimination, garanties de procédures pénales, etc .). Le racisme et la xénophobie pourraient rester l'une de ses priorités. La définition de ces priorités devrait cependant rester ouverte et ne pas être figée par le règlement qui créera l'agence, afin d'assurer une certaine flexibilité.

La Commission évoque la possibilité de confier à l'agence un rôle d'alerte précoce dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 7 TUE( 11). L'agence devrait, dans ce cas, exercer un rôle de suivi du respect des droits fondamentaux par les Etats membres dans leur sphère d'action autonome, et non pas uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. Cette suggestion ne devrait pas être retenue, car l'agence n'a pas vocation à effectuer des analyses par pays (déjà réalisées par les organes des Nations unies ou du Conseil de l'Europe ou, dans le cadre de l'Union européenne, par le réseau des experts indépendants, précité), mais des analyses thématiques. Un tel élargissement du mandat de l'agence irait au-delà du champ d'application de la Charte et entraînerait une dilution de ses activités préjudiciable à son efficacité. Les institutions de l'Union disposent, par ailleurs, d'une expertise suffisante pour la mise en œuvre de l'article 7 TUE grâce aux instances du Conseil de l'Europe et au réseau d'experts indépendants.

B. Une action centrée sur l'Union, à l'exclusion des pays tiers

L'activité de l'agence devrait-elle être limitée à l'Union ou doit-elle couvrir également les pays tiers ? La Commission estime, à juste titre, que limiter l'action de l'agence au territoire de l'Union soulignerait " la volonté de mettre l'accent sur la place centrale qu'occupent les droits fondamentaux dans l'Union " et qu'un élargissement aux pays tiers " pourrait impliquer une dilution de ce message ". La protection et la promotion des droits de l'homme dans les pays tiers figure déjà parmi les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (art. 11 TUE) et de la politique de coopération et de développement (art. 177-2 TCE). Cette promotion relève du dialogue politique et de la coopération et se traduit, par exemple, par l'inclusion de clause " droits de l'homme " dans les accords conclu par l'Union avec les pays tiers. En janvier 2005, un représentant personnel du Secrétaire général, haut représentant pour la PESC, a en outré été nommé pour les droits de l'homme. Dans ce contexte, la valeur ajoutée d'une agence chargée de la dimension extérieure des droits fondamentaux n'apparaît pas démontrée.

Le mandat de l'agence pourrait cependant couvrir les pays candidats, sur une base volontaire et par le biais de la conclusion d'accords spécifiques à cette fin.

C. Une agence dotée d'un pouvoir de recommandation

L'agence devrait collecter et analyser des informations relatives aux droits fondamentaux, comme le fait aujourd'hui l'observatoire des phénomènes racistes et xénophobes dans son champ de compétence. Cette collecte devrait se faire en coopération avec les Etats membres, les acteurs de la société civile (ONG notamment), les instituts nationaux de protection des droits fondamentaux, les instances du Conseil de l'Europe et le réseau d'experts indépendants en matière de droits fondamentaux.

Les analyses de l'agence devraient déboucher sur la rédaction d'avis et d'opinions à l'attention des institutions de l'Union et des Etats membres, et sur la publication de rapports réguliers destinés à en assurer la diffusion auprès des citoyens. L'agence devrait également être dotée d'un pouvoir de recommandation, afin d'aider l'Union à améliorer sa politique en matière de promotion des droits fondamentaux grâce à son expertise.

D. Développer de fortes synergies avec les autres instances chargées de veiller au respect des droits fondamentaux

Il convient de pallier les risques de duplication et de chevauchement découlant de la création de l'agence. De fortes synergies devront donc être développées avec les instances de protection des droits de l'homme existants, en particulier avec le conseil de l'Europe et les instituts nationaux. Cette coopération devrait être favorisée par la présence d'un représentant du Conseil de l'Europe au sein du conseil d'administration de l'agence, et par la mise en place d'un réseau entre l'agence et les instituts nationaux de protection et de promotion des droits fondamentaux. Une forte complémentarité devrait également être développée avec le réseau d'experts indépendants en matière de droits fondamentaux, qui pourrait servir de structure d'appui à l'agence.

E. Doter l'agence de réelles garanties d'indépendance

L'observatoire des phénomènes racistes et xénophobes a souffert d'un manque de crédibilité, lié notamment à l'absence d'un conseil scientifique, garant de son indépendance. C'est pourquoi il faudrait ajouter un conseil scientifique aux organes dont dispose actuellement l'Observatoire (conseil d'administration, bureau exécutif et directeur), conformément à ce qui a été prévu pour de nombreuses agences. Ce conseil scientifique serait composée de personnalités indépendantes et ayant une compétence reconnue en matière de droits fondamentaux. Il veillerait notamment à la qualité scientifique et à la fiabilité des analyses de l'agence. L'indépendance de l'agence, à l'égard des Etats membres comme des institutions de l'Union et de la société civile, est en effet indispensable afin d'éviter toute tentative d'instrumentalisation.

Le conseil d'administration resterait, pour sa part, composé de représentants désignés par les Etats membres, la Commission, le Parlement et le Conseil de l'Europe, et définirait les thématiques sur lesquelles l'agence devrait se pencher.

L'agence devrait rester, en tout état de cause, une structure légère en termes de personnel et budgétaire, comme le souligne la Commission dans sa communication.

*

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat, au cours duquel le Président Pierre Lequiller a souhaité ajouter un paragraphe aux conclusions proposées par le rapporteur, afin d'exprimer l'opposition de la Délégation à la multiplication des agences et organes de l'Union.

A la suite de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes, ainsi modifiées :

" La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission sur l'Agence des droits fondamentaux [COM (2004) 693 final / E 2766],

Souligne que l'utilité de la création d'une agence européenne des droits fondamentaux n'a pas été démontrée et regrette qu'une évaluation préalable de la nécessité d'une telle création n'ait pas été effectuée ;

Déplore la multiplication des agences et organes de l'Union, le recours systématique à la formule des agences ne devant pas être considérée comme une solution en soi ;

Recommande d'éviter que cette agence ne fasse double emploi avec les organes existants chargés de veiller au respect des droits fondamentaux, en particulier dans le cadre du Conseil de l'Europe, en développant de fortes synergies avec ceux-ci ;

Estime que le mandat de l'agence devrait être fondé sur la Charte des droits fondamentaux, et qu'il ne devrait donc pas inclure la mise en œuvre de l'article 7 du traité sur l'Union européenne ou l'examen de la situation des droits fondamentaux dans les pays tiers ;

Souhaite que l'agence soit dotée d'un pouvoir de recommandation à l'égard des institutions de l'Union européenne et des Etats membres, ainsi que d'un conseil scientifique destiné à en garantir l'indépendance. "

(1) Résolution du Parlement européen sur le rapport annuel sur le respect des droits humains dans l'Union européenne, du 16 mars 2000 (A5-0050/2000) ; résolution sur les droits de l'homme internationaux et sur la politique de l'Union européenne en matière de droits de l'homme du 16 mars 2000 (A5-0060/2000) ; résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen - le rôle de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme et la démocratisation dans les pays tiers, du 25 avril 2002 (A5-0084/2002) ; résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne du 15 janvier 2003 (A5-0451/2002).
(2) CJCE, 1969, Strauder.
(3) CJCE, 1970, Internationale Handelgesellschaft.
(4) CJCE, 1974, Nold.
(5) Résolution A/RES/48/134 sur les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme du 20 décembre 1993. Le Conseil de l'Europe a également formulé des principes relatifs à l'établissement d'institutions nationales indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l'homme (recommandation n° R (97) 14 du 30 septembre 1997).
(6) Règlement (CE) n° 1035/97 du 2 juin 1997 portant création d'un observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes.
(7) Ce rapport d'évaluation peut être consulté en ligne à l'adresse suivante : http://europa.eu.int/comm/employment_social/fundamental_rights/pdf/origin.eumc_eval2002_fr.pdf
(8) Proposition de règlement du Conseil relatif à l'observatoire des phénomènes racistes et xénophobes, COM (2003) 483 final, 5 août 2003.
(9) CJCE, 17 février 1998, Grant, aff. C-249/96, § 45.
(10) V. Jean-Paul Jacqué, " Droits fondamentaux et compétences internes de la Communauté européenne ", in Libertés, justice, tolérance. Mélanges en hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, vol. II, Bruylant, 2004, p. 1007 s.
(11) Cette procédure permet de constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un Etat membre des principes de l'article 6 § 1 TUE (liberté, démocratie, respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et Etat de droit) et d'adresser des recommandations à cet Etat, voire de suspendre les droits de cet Etat (y compris le droit de vote au Conseil) en cas de violation grave et persistante desdits principes.