N° 1549

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales
régies par les articles 73 et 74 de la Constitution

 

 

 

 

 

Président

M. Guillaume VUILLETET

 

Rapporteur

M. Johnny HAJJAR

 

Députés

 

——

 

 

 

 

 

 Voir les numéros : 664 et 803.


La commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution est composée de : M. Guillaume Vuilletet, président ; M. Johnny Hajjar, rapporteur ; M. Roger Chudeau ; M. Perceval Gaillard ; M. Yoann Gillet ; M. Philippe Gosselin ; Mme Florence Goulet ; M. Frantz Gumbs ; Mme Laurence Heydel Grillere ; M. Mansour Kamardine ; M. Marc Le Fur ; M. Frédéric Maillot ; Mme Joëlle Mélin ; Mme Lysiane Métayer ; M. Nicolas Metzdorf ; M. Philippe Naillet ; M. Jean-Philippe Nilor ; Mme Maud Petit ; Mme Claire Pitollat ; M. Stéphane Rambaud ; M. Jean-Hugues Ratenon ; Mme Cécile Rilhac ; Mme Sabrina Sebaihi ; M. Mikaele Seo ; M. Freddy Sertin ; Mme Huguette Tiegna ; Mme Aurélie Trouvé ; Mme Estelle Youssouffa.


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du prÉsident

Introduction du rapporteur

I. LE COÛT DE LA VIE : un problÈme historique dans des territoires singuliers

A. Le contexte spÉcifique des travaux de la prÉsente commission d’enquÊte

1. Un désir de reconnaissance et une forte attente des populations ultramarines visàvis des travaux entrepris par l’Assemblée nationale

a. Le poids de l’histoire dans la structure économique, notamment agricole, marquée par le régime de l’exclusif colonial, explique notamment la très forte part des importations en provenance de l’Hexagone

b. Les Outremer : des atouts pour la France

2. Le coût de la vie dans les DROM et les COM : un champ d’investigation vaste

a. Territorialement

i. L’objectif de la commission d’enquête est de trouver des solutions pour réduire les inégalités de niveau de vie par rapport à la France hexagonale, phénomène que tous les territoires d’outremer connaissent

ii. Une grande diversité socioéconomique, qui n’a pas empêché la commission d’enquête de prendre en compte tous les territoires dans ses travaux

b. De par les secteurs concernés

c. De par les acteurs subissant ce phénomène

i. Ménages

ii. Entreprises

iii. Collectivités et institutions sociales

d. De par les interactions avec d’autres phénomènes socioéconomiques, débouchant sur un cercle vicieux

i. La vie chère : une conséquence parmi d’autres du problème du coût de la vie

ii. Les problématiques sociales : le chômage, la précarité, la pauvreté, la monoparentalité

iii. Les problématiques éducatives, et le décrochage scolaire

iv. Le développement de l’économie informelle

v. La santé, les maladies liées à la qualité des produits consommés et l’accès aux soins

vi. L’insécurité

vii. Le départ contraint des forces vives

viii. Le vieillissement de la population et la décroissance démographique

3. Une première enquête qui doit ouvrir la voie et inspirer des travaux plus approfondis et plus spécialisés

B. Des revenus beaucoup plus faibles

1. Des revenus moyens inférieurs à ceux de l’Hexagone, des inégalités plus fortes

2. Des inégalités territoriales avec des écarts de niveaux de revenus importants

a. La mesure des inégalités de revenus

b. Les inégalités sociales, source déterminante de l’augmentation structurelle du coût de la vie

c. Les conséquences de la politique de complément de rémunération (primes de vie chère) pour les fonctionnaires d’État et les fonctionnaires territoriaux basés en Outremer

C. Un niveau de prix plus ÉlevÉ qu’en Hexagone, encore renchÉri par la dynamique inflationniste actuelle

1. Pour des raisons conjoncturelles…

a. Une inflation dans tous les secteurs, dans tous les domaines qui tend à amplifier les écarts de prix entre France hexagonale et Outremer

i. Des prix déjà nettement plus élevés en 2015 dans les DROM

ii. Des écarts de prix encore plus importants en 2022

b. Si le niveau actuel d’inflation apparaît ponctuellement plus faible que dans l’Hexagone, il s’applique à des prix historiquement plus élevés

c. La question du décalage des répercussions de l’inflation dû aux délais d’approvisionnement et de stockage

2. … et surtout pour des raisons structurelles :

a. Indépendamment du contexte économique actuel, un problème de coût de la vie propre aux Outremer et excessif depuis longtemps

i. Un phénomène ancien…

ii. ... pénalisant d’abord les ménages les plus modestes

iii. Des mouvements sociaux de contestation engendrés par la vie chère

b. Des causes structurelles liées aux caractéristiques économiques et historiques des petits États insulaires ?

i. L’éloignement : des coûts d’approche et de stockage renchérissant les prix

ii. L’exigüité : étroitesse des marchés, faiblesse des économies d’échelle potentielles, faibles débouchés, problème du foncier

iii. L’insularité : le renchérissement des prix par l’isolement et la sensibilité aux phénomènes climatiques extrêmes

D. Aussi rÉelles et objectives soient-elles, ces raisons ne peuvent à elles seules expliquer de tels Écarts de niveau de vie : il faut donc examiner l’ensemble des causes potentielles dans chacun des secteurs

1. Un phénomène qui concerne tous les secteurs étudiés par la commission

a. Transport aérien

b. Logement

i. Une dépense importante au regard du niveau de vie des ultramarins

ii. Un coût élevé des logements

iii. Le rôle des règles normatives françaises et marquages « CE » dans le coût de production du logement en Outremer

iv. Les difficultés d’accès à la propriété

v. Les enjeux de la réhabilitation du parc locatif ancien

vi. Les enjeux liés aux évolutions démographiques

vii. Habitat informel et insalubre

viii. Les difficultés d’accès au logement pour les jeunes diplômés

c. Télécoms

d. Santé

e. Hôpital

f. Éducation

i. Cette scolarisation hachée est la conséquence de plusieurs facteurs présents – à des degrés différents, dans tous ces territoires

ii. Les cas particuliers de la Guyane et de Mayotte, entre surpopulation, immigration massive et manque d’attractivité de ces territoires

g. Banques

h. Armateurs

i. Panorama de la chaîne logistique complexe du transport maritime

ii. La multiplication des intermédiaires conduit à un phénomène d’accumulation des marges qui tend à renchérir les prix

iii. Le coût du transport maritime résulte d’une agrégation de plusieurs facteurs

iv. La réduction appliquée sur le prix des conteneurs par le Groupe CMA CGM : une ristourne en trompe-l’œil ?

v. La CMA CGM, un groupe en position dominante sur le marché du transport maritime

2. Au cœur des problématiques de la vie chère, la grande distribution, doit désormais faire preuve d’éthique en sortant de l’opacité et en se pliant à un légitime exercice de transparence

a. Une hausse particulièrement élevée des prix des produits alimentaires, malgré les promesses des distributeurs

b. De nombreux intermédiaires sur la chaîne d’approvisionnement

c. Un phénomène avéré de concentration horizontale et verticale, créant des barrières à l’entrée de nouveaux acteurs économiques

i. Des organisations complexes des grands groupes qui déploient des myriades de sociétés distinctes

ii. Des conséquences dont il est impossible de connaître l’ampleur, en l’absence de transparence sur la structure des groupes

d. Quand les écarts de prix sont aussi importants, le secret des affaires ne doit pas empêcher les populations de connaître les origines de ce phénomène et de vérifier si les distributeurs tiennent leurs promesses

II. Les outils spÉcifiques mis en place pour rÉguler les prix outre-mer n’ont pas atteint leurs objectifs

A. La reconnaissance historique que les marchÉs ultramarins nÉcessitent une rÉgulation spécifique

1. Les prix du carburant règlementés mais sans atteindre l’objectif de prix bas

2. Le bouclier qualité-prix : un outil limité à améliorer

3. Certains outils prévus par les lois Lurel et Bareigts n’ont pas été utilisés

B. Le droit de la concurrence : un levier À restaurer

1. Des règles nationales régulièrement mises en œuvre sans distinction dans les marchés ultramarins aux caractéristiques distinctives

2. Un droit partiellement spécifique aux Outre-mer, mais dont certains dispositifs restent méconnus et trop peu utilisés

a. L’injonction structurelle : un outil puissant pour agir en amont, à condition de disposer d’assez d’informations

b. L’interdiction des accords exclusifs d’importation

c. Les seuils spécifiques en matière de contrôle des concentrations

d. Le contrôle de l’aménagement commercial : s’inspirer du droit néocalédonien pour limiter l’expansion de tout acteur économique qui détiendrait déjà plus de 20 % d’un marché

3. Les dispositifs actuels ne semblent pas permettre de lutter assez efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles

a. La question de l’efficacité et de l’effectivité des conditions imposées par les Autorités de la concurrence

b. En matière de contrôle des concentrations, la question de la pertinence de la détermination des parts de marchés et des zones de chalandise au regard des spécificités des territoires ultramarins

4. Des moyens insuffisants, une coordination défaillante

a. L’Autorité de la concurrence : une instance qui apparaît comme éloignée des territoires ultramarins et de leurs spécificités

b. La Dgccrf et les pôles C : un service qui ne dispose pas des moyens d’effectuer un suivi continu de la situation concurrentielle en Outremer

c. L’Autorité polynésienne de la concurrence : une autorité qui arrive difficilement à trouver les moyens de réguler localement des groupes puissants

5. Dans un contexte de concurrence réduite, l’importance primordiale de l’initiative des saisines

a. Malgré l’existence de l’injonction structurelle, la nature du droit de la concurrence exige un niveau de preuve très élevé pour ouvrir une enquête

b. Augmenter et mieux cibler les enquêtes de la Dgccrf : une question de moyens et de volonté politique

c. Mieux faire connaître les prérogatives de saisine des Autorités, notamment aux collectivités territoriales et aux OPMR

d. Un régime spécifique en faveur des lanceurs d’alerte ?

6. La nécessité de dépasser le droit de la concurrence : utiliser le droit de la consommation, le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit des négociations commerciales

III. Un État historiquement dÉfaillant dans ses interventions et ambigu dans sa volontÉ d’agir

A. La question des causes structurelles liÉes aux finances publiques

1. Le sous-financement des collectivités territoriales : une réalité qui n’a été prise en compte que récemment et non intégralement compensée

2. Les délais de paiement des collectivités ultramarines, contribution au renchérissement du coût de la vie

3. Le rôle d’une fiscalité à adapter aux réalités des territoires ultramarins

a. L’octroi de mer

i. L’octroi de mer, une taxation ancienne spécifique aux Outre-mer, dont l’objectif de protection de l’économie locale a été consacré par la jurisprudence constitutionnelle

iii. Contrairement aux idées reçues, l’octroi de mer n’est pas la première cause de la vie chère

iv. L’octroi de mer est vivement critiqué

v. Vers une réforme de l’octroi de mer ?

b. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : un impôt trop souvent absent de la réflexion sur les solutions face au problème du coût de la vie en Outre-mer

4. Les interventions de l’État : un outil défaillant

B. Un manque d’ambition de l’État pour quantifier, Étudier et dÉnoncer l’ensemble de ces phÉnomènes

1. La faiblesse de la statistique publique

a. Une donnée essentielle face à l’opacité

b. L’Insee et l’Office statistique polynésien : de faibles moyens et un manque de connaissances des spécificités des Outre-mer

i. L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)

ii. L’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF).

iii. La nécessité d’une exploitation académique des données récoltées

2. Les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) : l’impuissance de structures sans ressources

b. Une absence presque totale de moyens, aucun budget dédié

c. Des OPMR déconnectés des territoires qu’ils doivent observer ?

d. Des observatoires des marges qui n’ont aucun accès aux informations sur les marges

e. Un exemple réunionnais à suivre : l’OPMR peut-il jouer un rôle de modèle ?

3. Le Délégué interministériel à la concurrence : une autre institution sans mission et sans moyens

4. Une proximité parfois troublante entre certains responsables politiques et économiques, laissant peser un soupçon d’influence

C. Le constat du rapporteur : des politiques publiques qui n’ont pas pris la mesure des enjeux

IV. La nÉcessitÉ de renouveler les outils et les solutions

A. Stimuler la concurrence en accordant des facilitÉs temporaires aux nouveaux entrants

1. Des marchés fermés

2. Stimuler la concurrence

a. Encourager la création de TPE-PME locales et favoriser la démocratie économique

b. Atteindre un objectif de développement endogène

3. Aider les nouveaux entrants de manière temporaire

B. Lutter contre l’Économie de rente et encourager la production locale

1. Des aides qui n’aident que les gros acteurs en place

2. Des protections accordées sans contrepartie

3. Des barrières qui favorisent les recherches de rente

4. Réformer le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei).

5. Encourager les circuits courts

C. À court terme, dÉpasser la tarification du fret en volume pour concentrer les mesures fiscales et aides au fret sur les produits de premiÈre utilitÉ sociale

1. Mettre en œuvre la proposition du préfet de la Martinique et du président du conseil exécutif et baisser conjointement l’octroi de mer sur les produits concernés

2. Créer une aide au fret spécifique pour les produits de première nécessité en Outre-mer

3. Garantir le report in fine sur les prix de ces mesures

D. Agir pour la continuitÉ territoriale numÉrique

E. RÉformer le financement des hôpitaux ultramarins

F. Encourager les Échanges Économiques rÉgionaux

1. Deux régimes distincts de gestion de la politique commerciale

2. Des échanges économiques largement dirigés vers l’Hexagone et vers l’Europe

3. Les possibilités de développer les échanges nécessitent d’utiliser le cadre européen mais également de veiller à ne pas concurrencer les productions locales

4. Le développement d’une diplomatie économique dans le cadre régional

5. Élargir le marché et développer des productions à échanger

G. Encourager la vente des produits provenant des Outre-mer dans l’Hexagone

H. Aller plus loin : vers un nouveau modÈle Économique

1. Déchoquer les économies ultramarines par un effort massif et temporaire

a. Rétablir le niveau de l’abattement fiscal pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages

b. Garantir le réinvestissement des recettes de TVA dans le développement de chaque territoire

c. Renforcer les zones franches d’activité nouvelle génération dans les DROM en portant à zéro toute la fiscalité des PME et en supprimant notamment les cotisations sociales pour les embauches sous conditions

i. Les zones franches d’activités nouvelle génération

ii. Les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en Outre-mer

iii. Les taux majorés de crédit d’impôt recherche (CIR) et de crédit d’impôt innovation (CII).

iv. La nécessité de passer à un régime de zones franches globales, exonérant temporairement de cotisations sociales et de prélèvements fiscaux la création de nouveaux emplois

v. S’assurer que les nouveaux emplois créés aillent prioritairement à la jeunesse locale

d. Aider massivement à la rénovation des logements privés

2. Aller vers une compensation intégrale de l’éloignement géographique

a. Pour les marchandises : pour une durée limitée, un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement

b. Pour les passagers aériens : un régime garantissant le droit à la mobilité de tous les Ultramarins

i. Aujourd’hui, un dispositif limité et inefficace

ii. Mettre en place un nouveau dispositif de continuité territoriale inspiré du modèle corse

iii. Un dispositif qui doit aider au retour des forces vives

3. Assurer l’opérationnalité des outils de régulation économique actuellement confiés au Gouvernement : la question de l’adaptation des normes

a. Un souci qui n’est toujours pas pris en compte lors de l’élaboration de la norme

b. Une préoccupation qui est désormais prise en compte a posteriori par la DGOM

4. Augmenter significativement les niveaux de revenus Outre-mer afin de compenser le différentiel du coût de la vie

I. Aller plus loin : de nouvelles solutions politiques

1. Considérer la question du coût de la vie en lien avec celle des institutions et des aspirations exprimées dans l’Appel de FortdeFrance, associant droit à l’égalité et droit à la différence

2. Sortir du débat article 73 / article 74

3. Accorder des compétences normatives permettant de réglementer les prix et la protection de la concurrence aux collectivités qui le souhaitent

4. Envisager le transfert aux collectivités qui le souhaitent de l’ensemble des pouvoirs normatifs, y compris fiscaux, nécessaires au développement économique

Propositions du rapporteur

Les vingt propositions prioritaires du rapporteur pour un déchoquage social et Économique des territoires ultramarins

Les autres propositions du rapporteur

Examen en commission

Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de M. Guillaume Vuilletet, DÉputÉ (RE) du Vald’Oise, prÉsident de la commission d’enquÊte

Contribution des dÉputÉs membres du groupe Renaissance

Contribution des dÉputÉs membres du groupe Rassemblement national

Contribution de MM. Jean-Hugues RATENON et Perceval GAILLARD, DÉputÉs (LFI-NUPES) de la RÉunion

Contribution de M. Mansour Kamardine, DÉputÉ de Mayotte, au nom des dÉputÉs membres du Groupe Les RÉpublicains

Contribution de M. Philippe Naillet, DÉputÉ (Soc) de la RÉunion

Contribution de M. FrÉdÉric Maillot, DÉputÉ (GDR-NUPES) de la RÉunion

Contribution de Mme Estelle Youssouffa, DÉputÉe de Mayotte, pour le groupe LibertÉs, IndÉpendants, Outre-mer et Territoires

PERSONNES AUDITIONNÉES par la commission d’enquÊte et liens vers les comptes rendus des auditions

PERSONNES rencontrÉes par les dÉlÉgations de la commission d’enquÊte

Acronymes et sigles utilisÉs

 


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   Avant-propos du prÉsident

Fruit de cinq mois de travaux, le présent rapport d’enquête est avant tout le fruit d’une démarche de travail et de consensus.

Le 9 février 2023, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le principe de la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, c’est-à-dire en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint‑Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna.

Le choix de recourir à cet organe, ainsi que les circonstances de l’adoption de la résolution qui l’a créée, n’ont rien d’anodin. Mon collègue député de la Martinique, Johnny Hajjar, ainsi que le groupe Socialistes, ont voulu donner à ce travail une double dimension solennelle. Une commission d’enquête a une charge symbolique forte et dote ses membres de prérogatives exceptionnelles. Le recours à un vote en séance publique, au lieu de l’usage du droit de tirage dont disposent les groupes d’opposition, permet de s’assurer que tous les bancs mesurent pleinement l’importance du sujet.

Enfin, cette solennité a également des conséquences pénales : le refus de déposer devant une commission d’enquête ou de lui fournir les documents utiles est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ; le faux témoignage est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Le 9 mars 2023, la commission d’enquête s’est réunie pour constituer son bureau ; elle a ainsi élu M. Johnny Hajjar rapporteur, et en application de la règle qui veut que majorité et opposition se partagent la direction des travaux d’une commission d’enquête, elle m’a fait l’honneur de me choisir comme président.

En cinq mois de travaux, nous avons consacré près de 70 heures pour conduire 49 auditions, qui nous auront permis d’entendre 125 personnes. La commission d’enquête a pu également envoyer deux délégations en mission, à la Martinique et à Saint-Martin, puis à Mayotte et à La Réunion, où elles ont pu réaliser 33 entretiens et tables rondes.

Je veux ainsi d’abord saluer le travail considérable, réalisé dans une ambiance constructive et sereine, avec une participation active des 28 députés membres issus de tous les groupes de notre Assemblée. Comme la composition de la commission d’enquête doit refléter les équilibres des groupes politiques de l’Assemblée et afin de permettre à tous les députés intéressés par notre sujet d’y participer, j’ai aussi souhaité que l’ensemble des membres de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale soient associés et invités à participer à nos auditions.

De fait, toutes les auditions de la commission d’enquête ont été ouvertes et retransmises en direct et en différé sur le site de l’Assemblée, dans un souci de transparence et d’information de nos concitoyens ; elle n’a pas eu recours à la possibilité offerte de procéder à des auditions à huis clos, comme les textes applicables lui offrent la possibilité, même si l’examen du projet de rapport doit obligatoirement se faire hors champ des caméras.

Ces auditions ont été complétées par deux missions de délégations de la commission d’enquête dans les territoires ultramarins concernés. Ces déplacements ont eu l’immense avantage de permettre une appréhension des réalités au plus près des territoires ; mais elle a aussi le défaut de ne pas astreindre les personnes rencontrées à l’occasion d’entretien, de tables rondes ou sur le terrain, aux mêmes exigences que lors de nos auditions.

Si cette commission d’enquête a suscité une telle adhésion et si ses travaux ont été autant suivis, c’est bien parce que la réalité de la vie chère en outre-mer est véritablement indiscutable. La confirmation en est donnée par les chiffres de l’enquête de comparaison spatiale des niveaux de prix entre territoires français réalisée par l’Insee en 2022 et dont les premiers résultats ont été publiés pendant les travaux de notre commission. Ces chiffres témoignent non seulement que les prix restent plus élevés dans les départements d’outre-mer que dans l’Hexagone, d’un écart de 9 % à La Réunion à 16 % en Guadeloupe, mais ils montrent également que ces écarts se sont accentués depuis la précédente enquête en 2015.

Quand on ne prend en considération que les produits alimentaires, le déséquilibre est encore plus fort : les prix payés par les ménages des départements d’outre-mer sont de 30 % à 42 % plus élevés. Cela n’a rien d’anodin dans des territoires où les taux de pauvreté pulvérisent les normes nationales. Il est clair que, pour ces populations en grande fragilité, l’impact d’une grande cherté des produits de première nécessité est d’une grande brutalité.

Le bouclier qualité prix, sur lequel nous reviendrons, est mis en œuvre par le gouvernement pour atténuer cet impact, mais celui-ci est, en tout état de cause, une réalité pour ces populations.

Ainsi je rejoins largement le rapporteur sur le fait que cette appréhension du niveau général des prix doit être éclairée d’une vision plus large, celle d’une qualité de vie prise dans son ensemble, en regard au niveau global des revenus et à la qualité des services dont peut disposer la population.

Les territoires ultra-marins connaissent des retards structurels importants par rapport à l’Hexagone. S’il est des causes qui sont liées à leur situation spécifique, le retard d’équipement des territoires est aussi le fait d’un sous-investissement de l’État pendant des décennies. Il faut reconnaître à l’actuel gouvernement et à la majorité qui le soutient d’avoir lancé fortement la dynamique du rattrapage avec les contrats de convergence et de transformation, prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer mais mis en place à partir de 2019. Cependant, il faudra du temps pour que cette démarche aboutisse à des conséquences concrètes visibles pour les Ultramarins.

Le constat de départ est donc simple et bien documenté : il y a un effet de ciseaux entre le niveau général élevé des prix et la faiblesse des revenus d’une partie importante de la population des territoires ultramarins.

Sur la démarche, l’objectif de notre commission a donc d’abord été de tenter de comprendre pourquoi les prix sont si élevés : quels sont les phénomènes sous-jacents qui l’expliquent ?

L’exercice d’une présidence de commission d’enquête a ceci de paradoxal qu’il s’agit d’introduire un rapport dont l’auteur est dans le camp politique opposé au sien. Cela n’empêche pas la qualité du travail commun et des relations personnelles. Je veux à ce titre, remercier tout particulièrement le rapporteur Johnny Hajjar. Nous n’avons jamais caché nos divergences mais cette honnêteté et cette estime réciproques nous ont permis aussi de nous écouter et de bâtir des constats communs.

Reste que nous avons des visions différentes sur de nombreux points soit que nous donnions une importance divergente de tel ou tel phénomène, soit que nous considérions telle ou telle donnée comme faisant partie – ou pas – du problème.

Je regrette ainsi que le rapporteur ait eu parfois une appréhension trop globale du sujet, ce qui donne le sentiment que le rapport vient souvent en simple justification de l’exposé des motifs de la proposition de résolution. Je ne suis pas certain que le lecteur tire, à l’issue de sa lecture une réponse claire à la question posée.

Enfin, il y a des problèmes quant à certaines conclusions que tire le rapporteur des auditions, j’y reviendrai.

Il y a une part de l’explication de la vie chère qui ne fait pas débat. Les territoires ultra-marins ont en commun d’être lointains, insulaires ou quasi insulaires, représentant des marchés de taille limitée et une très grande contrainte foncière.

Un marché limité et lointain, dont les seules voies d’approvisionnement nécessitent de longs trajets en mer, est un marché dont le fonctionnement est coûteux. Il faut reconnaître cette évidence et son impact, considérable, sur les prix. Mais la question est de savoir si d’autres causes, tenant aux comportements des acteurs de la chaîne d’approvisionnement en particulier, jouent aussi un rôle qui viendrait surabonder le phénomène.

Je rejoins ainsi le rapporteur à cet égard quand il écrit que la multiplication des intermédiaires pour l’approvisionnement est sans doute l’occasion d’une multiplication des marges que chacun d’entre eux s’octroie.

La question des responsabilités de la chaîne d’approvisionnement est, d’une part, de savoir s’il existe des acteurs dont le rôle est superfétatoire, dont la marge réalisée est injustifiée et dont les détaillants ultramarins pourraient se passer facilement. Je ne crois pas que notre enquête ait fait apparaitre de tels acteurs. Même les grossistes – importateurs, dont le pouvoir de marché peut être important selon les marques et les produits, ont été décrits comme nécessaires au fonctionnement des marchés : s’ils sont en perte de vitesse face au développement de l’approvisionnement direct depuis les centrales d’achat hexagonales – et c’est la principale évolution qu’a connue le commerce de détail ultramarin ces dernières années – ils fournissent des services indispensables même si chers, du fait de leur possibilité d’importer, de stocker, de placer en magasin les produits des grandes marques qui constituent le modèle de consommation commun à l’Hexagone et aux Outre-mer.

L’autre question est de savoir si l’un ou l’autre de ces acteurs peut bénéficier d’un pouvoir de marché qui lui permette de peser significativement et à son profit sur les prix d’un produit. Il existe, effectivement des monopoles ou des oligopoles de fait. Il est complexe de déterminer s’ils constituent des barrières à l’entrée d’autres acteurs ou si ces situations ne résultent pas de la taille et des contraintes de fonctionnement des différents marchés en tant que tel.

À cet égard, pour prendre la situation du fret, fondamentale dans des économies insulaires, il ne me semble pas ressortir de nos auditions et des documents obtenus que l’opérateur n° 1 dans la desserte des Outre-mer cherche à augmenter indument ses marges, mais qu’il essaie plutôt de favoriser un parcours de livraison qui permette un approvisionnement régulier des territoires. Il y a davantage un sujet relatif aux incidents de livraison qui posent de réelles difficultés quand l’approvisionnement en produits frais impose des capacités de stockage très élevées.

Le rapporteur est, par ailleurs, convaincu que l’intégration verticale des différents éléments de la chaine de constitution des prix donne en tant que tel un pouvoir de marché exorbitant, et qu’une telle situation existe notamment au sein du groupe GBH. Il s’inscrit en cela dans les témoignages à charge d’un certain nombre d’acteurs. Mais je ne peux passer sous silence que le groupe GBH nous a adressé un courrier, ces derniers jours, qui contredit formellement ces conclusions et apporte un certain nombre d’éléments à cet effet. C’est une conséquence directe de la transparence de nos débats.

Que cette concentration verticale existe, qu’elle permette une technicité, une connaissance des contraintes spécifiques de l’approvisionnement outre-mer et qu’elle soit sans nul doute source de profit est une chose, que ces profits soient excessifs et à l’origine de la cherté de la vie en est une autre. J’ai, à cet égard, un avis plus nuancé que le rapporteur.

En revanche, là où nous tomberons pleinement d’accord, c’est sur la faiblesse des moyens que déploie l’État pour caractériser et combattre les éventuelles pratiques anti-concurrentielles qui pourraient exister. Que ce soient les services de protection des consommateurs et de répression des fraudes, les organes de contrôle comme les OPMR et sans doute les douanes, l’appareil public, qui doit garantir un fonctionnement concurrentiel du marché, n’est aujourd’hui pas à la hauteur.

Cela participe d’ailleurs à une forme d’opacité du fonctionnement de ces marchés, qui fait le lit d’une large suspicion. De même, ces services ne sont pas en mesure de faire respecter l’entièreté des lois de la République. C’est visiblement le cas de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, dite « loi Lurel » et des lois portant sur ce que l’on appelle les marges arrière où la réalité de la contractualisation commerciale n’est pas toujours vérifiable et où la pratique proscrite de vente forcée de services de mise en rayon parait pourtant subsister.

Je crois par ailleurs que l’obligation de dépôt des comptes doit être respectée par l’instauration de sanctions incomparablement plus sévères que celles qui existent et qu’il est nécessaire que comme dans l’Hexagone, soit généralisée la transmission aux services fiscaux des tickets de caisse.

Ce que je note, c’est que la présence d’une concurrence dynamique est la meilleure garantie d’une pression vertueuse sur les prix, comme on peut le voir dans le cas des fournisseurs d’accès internet. Une telle concurrence permet à tous les acteurs solvables d’entrer sur les marchés où les prix sont maintenus excessivement élevés grâce à des accords tacites entre quelques acteurs.

Quelques mots sur le bouclier qualité-prix : personne ne nie son impact sur le pouvoir d’achat des habitants. Cependant, la question de son périmètre se pose, car de nombreux points de vente de proximité choisissent de ne pas l’appliquer, ce qui limite son efficacité. Il est également important de noter que dans ce dispositif, les distributeurs font des efforts en réduisant leurs marges, les collectivités limitent le taux de l’octroi de mer, mais l’État ne contribue pas financièrement, ce qui soulève des questions qui méritent une réponse.

Reste que d’autres freins parfois absurdes pèsent sur les prix. Je pense en particulier à la problématique des normes dont nous avons retrouvé des exemples en particulier dans les surcoûts de construction. Cela touche aussi, en réalité, la consommation courante puisque 95 % des importations sur ces territoires viennent d’Europe et de l’Hexagone en particulier. Je pourrais citer aussi la situation ubuesque de l’eau à Saint-Martin, où les différences de normes ont interdit d’interconnecter les réseaux entre les deux parties de l’île, et la situation dramatique de la distribution de cette même eau à Mayotte, où une sécheresse exceptionnelle révèle une gouvernance incapable à réaliser les investissements nécessaires. Il y a là un travail à faire de façon urgente de façon à ce que les préfets puissent intervenir de façon rapide et continue. Les Outre-mer doivent à cet égard pouvoir sereinement élargir leurs échanges commerciaux avec leurs voisins, lorsqu’ils pourraient y trouver un avantage. Je crois que, sur ce point, nous avons avec le rapporteur un point d’accord.

Ce n’est en revanche pas le cas sur d’autres points.

Le rapport ne mentionne pas le terme de sur-rémunération, ce qui montre que le caractère explosif de ce sujet et de ses conséquences sur les inégalités de revenus et le niveau des prix a été largement éludé. Je crois qu’il est évidemment impossible de remettre en cause la sur-rémunération des fonctionnaires d’État et des fonctionnaires territoriaux, qui constitue un soutien de plus d’un milliard et demi d’euros à la consommation locale. Il serait néanmoins absurde de ne pas reconnaître un effet inflationniste sur les prix des produits de consommation – qui trouvent ainsi une clientèle solvable de plus de 40 % des ménages – et sur les coûts de production, par une contagion de la sur-rémunération sur le secteur privé.

Cela laisse de côté les populations en fragilité, les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs pauvres. Je ne crois pas à la proposition du rapporteur d’une extension de la sur-rémunération, prise en charge par l’État, même limitée à 20 %. Sans création de valeur équivalente, cette mesure au coût prohibitif aurait un simple effet inflationniste. Je crois en revanche qu’il faut renforcer l’accès aux droits, en particulier pour les personnes âgées, renforcer la formation, entre autres, par un essor supplémentaire du régiment du service militaire adapté (RSMA), favoriser la régularisation des activités relevant aujourd’hui de l’économie informelle et aider les porteurs de projets, en particulier les jeunes Ultramarins qui ont été formés dans l’Hexagone.

Je pense aussi à la question de la fiscalité. Les récentes et prudentes préconisations du comité interministériel des Outre-mer (Ciom) du 18 juillet dernier, pour aller vers une réforme de l’octroi de mer, sont à retenir. La défense et illustration de l’octroi de mer, décrite comme ayant un impact « raisonnable » par le rapporteur, me paraît cependant trop rapide.

L’octroi de mer représente une ressource indispensable à la stabilité des recettes des collectivités locales ; mais il doit être réformé pour en gommer les aspérités les plus choquantes et renforcer son second objectif, qui est le soutien à la production locale.

Au titre du premier point, je veux souligner son opacité puisqu’il n’apparaît pas sur le ticket de caisse. Le fait qu’il soit perçu à l’arrivée, avant toute vente, aboutit non seulement à grever la trésorerie des entreprises, mais crée l’obligation de payer une taxe sur des frais de transport. Sur le second point, le fait de mieux prendre en compte l’artisanat dans la production locale, de stabiliser et rendre plus prévisible la détermination des taux, de trouver une cohérence des taux à l’échelle des territoires français de la même zone géographique, me paraissent des pistes utiles. Quant à la question de son application aux activités de service, aujourd’hui non taxés, nous n’avons pas réuni assez d’éléments pour forger une conviction.

En définitive, il est injuste de faire porter un poids trop excessif sur cette taxe dans la hausse des prix – son remplacement par une TVA à taux normal aurait des effets sensiblement similaires – mais cela ne doit pas faire oublier les autres points.

Il convient d’aborder aussi la question des finances et des responsabilités des collectivités territoriales.

Plus généralement, je veux rappeler que c’est la majorité actuelle qui a porté le budget des Outre-mer à près de 3 milliards d’euros de budget direct et 22 milliards de dépenses fiscales et donc indirectes, contre 2 milliards et 17 milliards à la fin du quinquennat de François Hollande.

Il faut mentionner les contrats de redressement outre-mer (Corom), démarche d’accompagnement contractualisé, dont le budget a été renforcé et dont l’efficacité est visible dans de nombreuses communes qui l’ont mise en œuvre, avec un rétablissement de l’équilibre et une reprise de l’investissement.

J’entends l’argument du rapporteur qui reprend les chiffres du rapport Patient-Cazeneuve pour souligner que les gouvernements précédents n’auraient pas dû avoir les mêmes exigences de soutien à l’effort de redressement des finances publiques à l’égard de communes des départements d’outre-mer comparées à celle de l’Hexagone (– 14 % de dotation générale de fonctionnement (DGF) forfaitaire en Martinique sur la période 2014-2017 contre – 42 % pour les communes de l’Hexagone).

Cependant, il serait trop simpliste de mettre entièrement la responsabilité de la situation de certaines collectivités locales sur les épaules de l’État. Les politiques de recrutement, de sélection des compétences peuvent parfois être interrogées. De même, les retards de paiement ne sont pas neutres vis-à-vis du coût des prestations des entreprises concernées. La façon d’éponger le non-paiement de la commande publique est souvent d’augmenter le prix de la commande privée. Je ne crois pas que ce rapport ait la vocation en creux à justifier le bilan de la gestion budgétaire de telle ou telle collectivité.

Je pense en revanche qu’il faut amplifier la démarche des Corom et sans doute établir un système d’affacturage qui permette un paiement rapide de la commande publique sans bloquer l’investissement des collectivités.

L’objet de cette introduction n’est pas de procéder à une liste exhaustive des observations et des propositions qui trouvera davantage sa place dans la contribution que j’ai souhaité inclure en annexe au texte du rapporteur.

Je veux en définitive reconnaître le travail que nous avons fait en commun, saluer sa qualité. Nous devons en tant qu’élus de la Nation et en responsabilité, assumer nos positions, nos divergences pour faire avancer un débat qui ne se terminera pas avec la publication de ce rapport mais nous devons nous nourrir pour bâtir des solutions.

Compte tenu de ces divergences, je ne peux en approuver une part significative des conclusions mais il n’est pas question d’en bloquer la publication, ce qui explique donc mon vote d’abstention sur l’adoption du présent rapport.

 

Guillaume Vuilletet
Député du Val d’Oise
Président de la commission d’enquête

 


—  1  —

   Introduction du rapporteur

Le 9 février 2023, à l’initiative de MM. Johnny Hajjar, Christian Baptiste, Elie Califer, Philippe Naillet, Boris Vallaud et plusieurs de leurs collègues, l’Assemblée nationale a adopté en séance publique une résolution créant la présente commission d’enquête, chargée d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie dans les territoires dits d’outre‑mer.

Cette résolution a été adoptée à l’unanimité des 263 votants, dans une démarche transpartisane, tous les groupes politiques reconnaissant l’urgence de se pencher sur ce problème : pourquoi, dans des territoires marqués par des inégalités croissantes, le coût de la vie est-il supérieur à celui constaté dans l’Hexagone ?

Avant cette adoption, le champ d’application de cette résolution a été préalablement élargi par un amendement du rapporteur des seuls départements et régions d’outre‑mer (DROM) régis par l’article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, la Martinique et Mayotte – aux collectivités d’outre‑mer régies par l’article 74 de la Constitution – la Polynésie française, Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

À l’issue de ses cinq mois d’enquête, le rapporteur estime que cette commission a permis de faire progresser la prise en compte et la conscience du défi du coût de la vie dans les territoires dits d’outre‑mer.

Les mentalités se doivent d’évoluer : si l’on n’a pas encore trouvé un vocable pour remplacer celui d’ « Outre-mer », qui définit nos territoires par rapport à la France continentale, le terme de « métropole », rappelant des relations coloniales, a définitivement été remplacé par celui de « France hexagonale » par l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale le 23 mai dernier.

Le travail que vingt-huit députés ont réalisé constitue ainsi un premier pas important, même si les moyens à la disposition d’une commission d’enquête et les délais impartis sont restés insuffisants au regard de l’ampleur des enjeux liés au coût de la vie Outre‑mer.

Cependant, cette commission représente une démarche inédite d’information et d’alerte du Parlement, qui a vocation à apporter la connaissance, à alimenter la réflexion, afin de déboucher sur des mesures concrètes et un nouveau modèle économique.

Aujourd’hui, le rapporteur ne peut que constater que les peuples et les territoires des Outre‑mer sont captifs, face à une inaptitude à prendre des actions pour résoudre les problématiques liées à leur insularité (ou quasi-insularité pour la Guyane) et aux marques d’une profonde histoire coloniale laissant encore ses empreintes dans les économies contemporaines.

Dépendants, car 80 % de l’approvisionnement de la distribution provient d’Europe et en particulier de l’Hexagone : afin d’accéder à un modèle de consommation largement calqué sur le modèle hexagonal, les populations doivent recourir largement à l’achat de marchandises importées, au détriment d’une production locale qui peine à exister et à être rentable, sauf notamment à La Réunion, où l’organisation des filières permet de développer une agriculture permettant aux producteurs de vivre et aux consommateurs d’acheter local.

Captifs, car cette grande distribution est aujourd’hui sur la voie d’une concentration croissante entre quelques grands groupes qui maîtrisent la totalité de la chaîne logistique et les méthodes et savoir-faire permettant d’acheminer les marchandises vers les territoires ultramarins. Sans réaction des autorités chargées de garantir la concurrence et les droits des consommateurs, ils concentrent leur emprise sur les territoires ultramarins en rachetant les entreprises afin de constituer des groupes intégrés horizontalement et verticalement, qui maîtrisent toute la filière et sont en situation d’oligopoles de fait, notamment pour l’approvisionnement en gros de certains produits. En s’appuyant sur les enquêtes réalisées dans les territoires ultramarins, le rapporteur montre qu’ils sont, dans un grand nombre de secteurs, en capacité de déterminer les prix du marché, sur lesquels leurs concurrents ne peuvent que s’aligner, en l’absence d’alternative pour s’approvisionner.

Depuis plusieurs années, les citoyens des territoires ultramarins ont le sentiment que l’État ne les accompagne plus pour trouver des solutions adaptées à leurs réalités, pour une gouvernance plus éthique et respectueuse de l’humain. Atteindre l’égalité des droits avec nos compatriotes vivant en France hexagonale est, pour les Ultramarins, une question de dignité, pour qu’ils soient enfin traités, comme « des Français à part entière », et non plus comme « des Français entièrement à part ». C’est la raison pour laquelle le rapporteur estime qu’il doit exister des méthodes et des politiques adaptées à la spécificité de ces territoires et initiées de manière endogène.

Dans le même temps, les collectivités territoriales souffrent d’un sous‑financement chronique : si le rapport Patient-Cazeneuve ([1]) a reconnu que les communes et les intercommunalités ultramarines avaient été défavorisées dans la redistribution de la péréquation des dotations, les mesures prises n’ont pas compensé intégralement le déficit de recettes accumulé pendant plusieurs années, pénalisant ainsi ces territoires, dans l’incapacité de réaliser des investissements importants et d’en récolter les bénéfices.

C’est pourquoi le rapporteur appelle-t-il aujourd’hui à un plan de déchoquage économique et social en faveur des Outremer : lorsque le patient est en état d’arrêt cardiaque, il n’est plus temps de prendre des mesures palliatives.

Il faut que l’État, en partenariat avec les collectivités et les forces vives locales, mette en place un grand plan d’investissement productif, comportant des moyens financiers exceptionnels pendant au moins une décennie, afin de susciter un choc d’activité, de créer de la confiance et d’inciter les initiatives privées à investir, afin d’accroitre le niveau de vie des peuples des territoires ultramarins et de réduire durablement les inégalités entre l’Hexagone et les territoires dits d’outremer.

Dans un premier temps, il convient de rappeler que le coût de la vie constitue un problème historique dans des territoires singuliers, caractérisés par des revenus moyens inférieurs à ceux de l’Hexagone et des inégalités plus fortes ; mais les causes structurelles ne peuvent suffire à expliquer cette situation. Il existe des inefficiences sur des marchés qui n’arrivent pas à fonctionner normalement : pour le rapporteur, la concentration verticale de certains acteurs leur permet une efficience et une accumulation des marges du fait de leur puissance sur le marché.

Or, les outils spécifiques mis en place pour réguler certains prix Outre‑mer n’ont pas atteint leurs objectifs : ni les mesures particulières ni le droit de la concurrence ne permettent de lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles.

Enfin – surtout – l’État reste défaillant dans ses interventions et dans sa volonté d’agir, notamment en ne donnant pas aux collectivités des moyens d’action financiers et fiscaux suffisants.

Aussi, il est aujourd’hui nécessaire de renouveler les outils et les solutions en stimulant et en garantissant la concurrence, en luttant contre l’économie de comptoir, en encourageant la production locale et en concentrant les mesures fiscales et les aides au fret sur les produits de première utilité sociale. Mais pour le rapporteur, il convient d’être plus ambitieux en lançant un plan de déchoquage pour aller vers un nouveau modèle économique et donc un nouveau modèle de société plus juste et plus humain et en trouvant des réponses à la question du coût de la vie en lien avec celle des institutions et des aspirations exprimées dans l’Appel de Fort-de-France, associant droit à l’égalité et droit à la différence.

 


  1  

I.   LE COÛT DE LA VIE : un problÈme historique dans des territoires singuliers

A.   Le contexte spÉcifique des travaux de la prÉsente commission d’enquÊte

1.   Un désir de reconnaissance et une forte attente des populations ultramarines vis‑à‑vis des travaux entrepris par l’Assemblée nationale

a.   Le poids de l’histoire dans la structure économique, notamment agricole, marquée par le régime de l’exclusif colonial, explique notamment la très forte part des importations en provenance de l’Hexagone

Chacun des territoires ultramarins est marqué, outre ses spécificités, par son histoire, dont il ne faut occulter aucun aspect.

La Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et la Guyane ont en commun une histoire esclavagiste et coloniale, au service d’une économie de comptoir tournée vers des cultures d’exportation. Ce système a, dès l’origine, consolidé les inégalités de ces territoires par rapport à la France hexagonale.

Comme l’exposait le professeur Mélin‑Soucramanien, « on sent quand même encore, dans les Outremer, le poids du passé et un héritage. C’est une vieille histoire, mais Aimé Césaire disait que la décolonisation des mentalités était bien plus longue, évidemment, que la décolonisation juridique ou même politique. » ([2])

En effet, « des facteurs historiques continuent d’avoir des effets majeurs, comme le principe de l’Exclusif ou Pacte colonial qui consistait à interdire aux colonies toute relation commerciale avec l’étranger. L’éloignement de la [France d’outremer], évoqué à l’envi, n’est que l’écho de cette politique qui l’a détournée de son environnement pour n’échanger qu’avec la métropole, alors que des marchés importants sont beaucoup plus proches comme les États-Unis pour les Antilles et la Polynésie française [ou] l’Afrique du Sud pour La Réunion […]. La lointaine métropole reste donc le partenaire économique privilégié. Une autre conséquence particulièrement nuisible est le choix colonial d’une mise en valeur fondée sur les cultures de rente pour l’exportation (canne à sucre, banane, café...), maintenue avec la départementalisation, aux dépens des cultures destinées à la consommation locale. La situation actuelle est donc le résultat d’une exploitation coloniale qui a empêché le développement de processus locaux d’entrainement. » ([3])

Cette histoire esclavagiste et coloniale est également l’un des déterminants majeurs des inégalités au sein même des populations des territoires ultramarins, car elle cache « d’insoupçonnées et de spectaculaires inégalités, sans commune mesure avec celles de la métropole. La couleur de la peau reste un facteur déterminant pour comprendre cette situation […]. Pourtant, sur le papier, les "personnes de couleurs" disposent des mêmes droits que les autres et démarrent dans la vie sur un pied d’égalité avec les autres citoyens. Les lignes de fracture coloniale perdurent donc. » ([4])

Dans ce contexte, et pour citer Mme George Pau-Langevin, « les colonies [qui] avaient comme rôle essentiel de permettre une exportation [étaient organisées] avec quelques grandes familles, dont les héritiers tiennent principalement l’économie. Quand nous abordons ces sujets, nous devons lutter un peu contre les monopoles et leurs puissances économiques qui sont considérables. » ([5])

Le géographe Jean-Christophe Gay apporte les précisions suivantes : « Les Békés, ou Blancs créoles, descendent des premiers colons. Ils représentent moins de 1 % de la population, mais dominent économiquement, possédant la moitié des terres agricoles, une bonne partie du secteur de l’import-distribution et des industries agroalimentaires. […] Cette caste, qui tient le pouvoir économique est peu visible sur le plan politique […]. Toutefois, elle influence fortement la politique et les élus locaux. » ([6])

Dans ce contexte, la question du foncier et de sa concentration monopolistique est l’un des sujets importants. La situation est particulière en Guyane, où une grande part appartient à l’État, problème évoqué, notamment, dans le protocole « Pou Lagwiyann dékolé » du 21 avril 2017 ([7]).

Aujourd’hui, l’inégalité est donc double : entre les territoires dits d’outre‑mer et la France hexagonale d’une part, au sein de chaque territoire ultramarin d’autre part.

b.   Les Outre‑mer : des atouts pour la France

La France d’outre‑mer concentre de très nombreux atouts. Sa biodiversité exceptionnelle la situe, en la matière, « parmi les zones les plus riches de la planète » ([8]), qu’il s’agisse de la forêt amazonienne ou des récifs coralliens. Elle permet également à la France de disposer, derrière les États-Unis de la deuxième plus vaste zone économique exclusive (ZEE) au monde, zone maritime où elle dispose de droits souverains sur les ressources naturelles, par exemple halieutiques. Les Outre-mer sont également à l’avant‑garde en matière d’énergies renouvelables et disposent aujourd’hui d’une position géostratégique exceptionnelle dans le cadre des enjeux de la zone indopacifique.

Mais les richesses des Outre‑mer sont aussi culturelles, à travers leurs histoires, leurs artistes, leurs écrivains, leurs poètes, leurs langues, ou même leurs sportifs. La richesse des Outre‑mer est indivisible de celle de la France tout entière

Pourtant, pour reprendre les mots de Jean‑Jacques Urvoas, « quand l’État applique parfois simplement ses prérogatives et fait marcher la solidarité nationale, on a le sentiment, qu’il met ça en scène et qu’il surjoue. On a le sentiment que ce sont des cadeaux qu’il fait aux uns et aux autres, alors qu’on est simplement dans la juste répartition des compétences. » ([9])

En effet, comme s’ils n’étaient vus que comme une charge, les Outre‑mer sont trop souvent renvoyés aux moyens financiers dont ils disposent, sans rappeler l’ensemble des atouts qu’ils représentent pour la France.

Pour le rapporteur, aucune comparaison comptable des « coûts » et des « avantages » ne peut avoir du sens pour refléter la réalité de ce que représentent les richesses des territoires ultramarins au sein de la République. Leur permettre de lutter contre le problème du coût de la vie, c’est donc permettre à ces richesses de s’exprimer pleinement et de rayonner.

2.   Le coût de la vie dans les DROM et les COM : un champ d’investigation vaste

a.   Territorialement

i.   L’objectif de la commission d’enquête est de trouver des solutions pour réduire les inégalités de niveau de vie par rapport à la France hexagonale, phénomène que tous les territoires d’outre‑mer connaissent

Il est nécessaire de prendre le temps d’aller voir, derrière les indicateurs économiques, quelle est la réalité des populations ultramarines. De nombreux indicateurs existent pour les mesurer – notamment l’indice de Gini ([10]) et l’indice de développement humain (IDH) ([11]) – et tous révèlent que l’égalité de niveau de vie entre l’Hexagone et les territoires ultramarins est encore à atteindre.

Quelques indicateurs d’inÉgalitÉs sociales

 

Chômage (en %) en 2018

IDH en 2010

Indice de Gini en 2016

Population vivant dans un QPV en 2016 (en %)

Population bénéficiant du RSA (en %) en 2017 ***

Population bénéficiant de la CMU-C (en %) en 2016

PIB/hab. (en euros) en 2018

Guadeloupe

23

0,822

0,42

15

24

27,1

23 300

Guyane

19

0,740

0,42

43

25,2

38,5

15 300

Martinique

17,7

0,814

0,41

7

21,6

24,1

23 300

Réunion

24

0,774

0,39

20

26

36,9

21 500

Mayotte

35

0,637

0,49

66

6

**

9 200

Polynésie française

14,5

0,737

0,41

26

**

**

18 400

Nouvelle-Calédonie

12

0,789

0,43

**

**

**

30 500

Saint-Martin

35

*

*

28

5,7

**

16 600

Saint-Barthélemy

4,2

*

*

**

1,1

**

39 000

Saint-Pierre-et-Miquelon

4,9

0,762

*

0

0,6

**

24 400

Wallis-et-Futuna

17,4

*

0,5

**

**

**

10 100

Hexagone

8,8

0,883

0,29

7

4,2

7,3

33 000

* Données non disponibles. ** Hors périmètre d’application. *** Prise en compte des conjoints et des enfants à charge des allocataires.

Source : Jean-Christophe Gay, La France d’outre-mer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, p. 97, d’après INSEE, ISPF, ISEE, ministère de l’Outre-mer, ministère de la Cohésion des territoires, ministère des Solidarités et de la santé, ministère du Travail et Agence française de développement (AFD).

Les inégalités se mesurent aussi au sein même des territoires, entre les villes chefs-lieux, les zones urbaines et les zones rurales, ou entre les îles les mieux équipées et celles les plus éloignées.

Aussi, le constat dressé par Mme Ericka Bareigts, alors ministre des Outre‑mer, lors de la présentation de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi Érom », est-il toujours d’actualité : « Nos 2 750 000 compatriotes résidant outre–mer vivent, au quotidien, les différences de niveau de vie entre leur territoire et l’Hexagone, et nous ne pourrions nous résoudre à leur faire croire que la République, souvent évoquée et invoquée, soit devenue une illusion, surtout pour eux. L’égalité, elle, ne se dilue pas. » ([12])

ii.   Une grande diversité socioéconomique, qui n’a pas empêché la commission d’enquête de prendre en compte tous les territoires dans ses travaux

Les différents territoires ultramarins se distinguent par la diversité de leurs statuts constitutionnels et institutionnels, que résume le tableau ci-dessous :

RÉgimes lÉgislatifs des territoires d’outre‑mer

Constitution

Types de collectivité

Régime législatif

Description

Titre XIl

Article 73

Départements et régions d’outre‑mer (DROM) :

– Guadeloupe ;

­– Martinique ;

– Guyane ;

– La Réunion ;

– Mayotte.

Identité législative

Application de plein droit des lois et règlements nationaux, avec possibilités d’adaptation :

– par la loi ou le règlement ;

– par les collectivités elles-mêmes (sauf La Réunion), dans des matières limitées et à condition d’y être habilitées (maîtrise de la demande en énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables pour le conseil régional de la Guadeloupe, planification énergétique, d’économie d’énergie, y compris en matière de réglementation thermique pour la construction de bâtiments, et de développement des énergies renouvelables, transports intérieurs de passagers et de marchandises terrestres et maritimes pour la collectivité territoriale de la Martinique).

Titre XII

Article 74

Collectivités d’outre-mer (COM) :

– Saint‑Pierre-et‑Miquelon ;

– Saint‑Barthélemy ;

– Saint‑Martin ;

– Wallis‑et‑Futuna ;

– Polynésie française.

Spécialité législative

Application des lois et règlements en vigueur dans l’Hexagone uniquement sur mention expresse dans les domaines de compétence de l’État. Chaque collectivité dispose d’un statut organique spécifique précisant leurs compétences, dans lesquelles l’État ne peut pas intervenir.

Titre XIII

Article 77

Collectivité sui generis :

– Nouvelle-Calédonie.

En réalité, même au sein de ces deux catégories, des nuances existent. Au sein du cadre prévu par l’article 73, des organisations institutionnelles originales ont vu le jour sous la forme de collectivités territoriales uniques en Martinique et en Guyane. Au sein des collectivités de l’article 74, des différences existent aussi en fonction des dispositions du statut organique de chacun des territoires : à l’exception de Wallis‑et‑Futuna et de la Polynésie française, les COM ont en effet fait le choix d’un statut organique les rapprochant de l’identité législative.

Cette distinction interne se double, quant à la relation avec l’Union européenne, d’une distinction entre les régions ultrapériphériques (RUP) d’une part et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) d’autre part :

– les RUP, dont le régime est prévu par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), font partie du marché unique européen, sont soumis, comme l’Hexagone, à l’ensemble des normes du droit européen (le cas échéant avec des adaptations spécifiques) et bénéficient des fonds européens de cohésion ;

Article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compte tenu de la situation économique et sociale structurelle de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique, de Mayotte, de La Réunion, de Saint-Martin, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions, y compris les politiques communes. Lorsque les mesures spécifiques en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.

Les mesures visées au premier alinéa portent notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l’agriculture et de la pêche, les conditions d’approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d’État, et les conditions d’accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l’Union.

Le Conseil arrête les mesures visées au premier alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique de l’Union, y compris le marché intérieur et les politiques communes.

– les PTOM (articles 198 à 204 du TFUE) n’appartiennent pas au territoire de l’Union européenne, notamment en matière commerciale et douanière ; le droit européen ne s’y applique pas directement, mais les aides financières dont ils bénéficient sont beaucoup plus faibles.

Ainsi, la directrice générale des Outre‑mer indiquait, lors de son audition :

« Les RUP bénéficient – et c’est l’avantage de ce statut – d’une aide financière de l’Union européenne incomparablement plus élevée que les PTOM : l’écart se situe dans un rapport d’un à quarante. Les régions ultrapériphériques bénéficient de 4,2 milliards d’euros de fonds européens, au titre de la dernière période, tandis que les PTOM bénéficient de 106 millions d’euros au titre de ces fonds. » ([13])

À l’exception de Saint-Martin, qui a choisi de conserver le statut de RUP, toutes les collectivités d’outre-mer sont classées comme PTOM et tous les départements et régions d’outre-mer sont des RUP – le dernier étant Mayotte, qui a accédé au statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne en juillet 2012, ce qui lui a permis d’avoir accès aux fonds d’aide régionale à partir de 2014.

Les réflexions des territoires sur les appartenances à ces différentes catégories sont permanentes, dans le passé comme pour l’avenir. Elles sont indissociables des conséquences de ces choix sur la situation économique des territoires, notamment en termes de coût de la vie. Elles impliquent les populations locales, dans la mesure où elles sont, en vertu de l’article 72‑4 de la Constitution, obligatoirement consultées sur un éventuel changement de statut entre département‑région d’outre‑mer (DROM) et collectivité d’outre‑mer (COM).

Au-delà des questions institutionnelles, ces territoires se distinguent bien entendu également par leurs spécificités sociologiques, historiques ou encore ethnologiques – notamment au vu de leurs réalités démographiques.

Devenues départements français en 1946 avec la promesse de l’égalité des droits, la Guadeloupe et la Martinique sont, aujourd’hui encore, dans l’attente de la réalisation effective de cette promesse.

La Martinique – 1 128 km² et 354 000 habitants – a, contrairement à la Guadeloupe, conservé une population descendant des planteurs, les « békés ». La population est marquée par le souvenir de l’esclavage et du long chemin de l’abolition. La Martinique est aujourd’hui une collectivité territoriale unique, présentant la spécificité de l’existence, à côté de l’assemblée, d’un « conseil exécutif ». Une grande partie de la population se concentre dans la plaine foyalaise.

Une délégation de la commission d’enquête a pu se rendre sur place pour s’intéresser, notamment, aux aspects socioéconomiques de la question du coût de la vie, à travers des rencontres avec les responsables politiques et administratifs, mais aussi des entrepreneurs ou avec une délégation de petits producteurs. Tous ont fait état de la réalité quotidienne, sur ce territoire particulier, des conséquences de ce problème multifactoriel, dans l’ensemble des aspects de la vie économique et sociale.

La Guadeloupe – 1 628 km² et 377 000 habitants – est géographiquement proche, mais a choisi de conserver une organisation institutionnelle duale, avec un conseil départemental et un conseil régional. Elle connaît notamment des difficultés répétées en matière d’approvisionnement en eau ; la loi n° 2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe a entrepris de mettre en place un syndicat mixte unique.

Ses « dépendances » des Saintes, de la Désirade et de Marie-Galante se trouvent, vis‑à‑vis d’elle, dans une situation de double insularité.

Guadeloupe et Martinique forment un territoire douanier unique et font face à des phénomènes climatiques, géologiques, et environnementaux, comme au vieillissement accéléré de leurs populations. Deux crises marquant particulièrement ces territoires, celle du chlordécone d’une part et celle des sargasses d’autre part, n’ont pas encore eu de réponses étatiques suffisantes, dignes et responsables.

Tous comme les DROM antillais, la Guyane – 84 000 km² et 294 000 habitants – est devenue un département français en 1946, et, aujourd’hui, une collectivité territoriale unique. Elle se distingue néanmoins d’eux par une population en très forte augmentation – multipliée par neuf en soixante ans ([14]) – notamment du fait d’une forte immigration. Elle abrite le centre spatial guyanais à Kourou.

Son territoire est tout à fait particulier. Il s’agit tout d’abord du seul territoire ultramarin à ne pas être insulaire. Il est ensuite, particulièrement étendu, sa superficie étant équivalente à celle de l’Autriche. Il est, enfin, recouvert à 90 % de forêts équatoriales, remarquables réservoirs de biodiversité. Ainsi, certaines communes – qui sont les plus grandes de France – ne peuvent être atteintes que par avion ou en naviguant sur le fleuve.

Quatrième département créé en 1946, La Réunion – 2 520 km² pour 870 000 habitants – est, de loin, le plus peuplé des territoires ultramarins, ce qui en fait, du point de vue économique, un marché particulièrement attractif. Inhabitée avant la colonisation, La Réunion abrite aujourd’hui une population mêlant de nombreuses communautés. Éloignée de l’Hexagone et fortement peuplée, elle a dû développer une économie se caractérisant par un certain dynamisme, sans que le territoire ne soit épargné par les difficultés propres à l’ensemble des Outre‑mer.

Une délégation de la commission d’enquête s’est rendue à La Réunion en juin 2023, afin d’examiner notamment la situation de la concurrence dans le domaine de la distribution, les enjeux de l’approvisionnement, l’organisation de la production locale en filières et les questions des normes rendant difficiles le recours au commerce régional.

Devenu département français en 2011, au cours d’un processus de rapprochement avec le droit commun encore en cours, Mayotte – 279 000 habitants pour 640 km² – cumule aujourd’hui de nombreuses difficultés, à commencer par l’inflation démographique d’une population multipliée par douze en soixante ans. Celle‑ci est principalement liée à l’immigration en provenance des autres îles de l’archipel des Comores. On y constate également une très forte natalité, face à laquelle une adaptation des infrastructures publiques indispensable pour atteindre un niveau de vie satisfaisant est très difficile, sinon impossible. S’y ajoutent la persistance de l’habitat informel et une très forte insécurité.

Une délégation de la commission d’enquête s’est rendue à Mayotte en juin 2023, afin d’examiner les difficultés de l’approvisionnement et de la production locale, les obstacles à la mise en place des équipements structurants, notamment pour assurer la continuité de la distribution d’eau potable, et d’entrevoir une voie de développement au-delà de la gestion des problèmes présents d’immigration et de délinquance.

Quel dÉveloppement pour Mayotte ?

Source : Cour des comptes, op.cit.

Saint-Martin : un laboratoire statutaire et économique pour la commission d’enquête

Une délégation de la commission d’enquête a eu la possibilité de se rendre en mai 2023 à Saint‑Martin, territoire binational.

Cette île de 95 km² pour 75 000 habitants est en effet traversée, depuis le traité de Concordia de 1648, par une frontière ouverte séparant la partie nord, française, de la partie sud, néerlandaise.

La partie nord, collectivité d’outre‑mer française régie par l’article 74 de la Constitution depuis 2007, est une région ultrapériphérique (RUP) faisant partie de l’Union européenne, soumise à ses règles et pouvant bénéficier à ce titre d’importants soutiens financiers.

La partie néerlandaise, à l’inverse, a choisi le statut de pays et territoire d’outre‑mer (PTOM) et échappe donc au droit de l’Union européenne.

Longtemps commune rattachée à la Guadeloupe, Saint-Martin se trouve encore dans une certaine mesure, du point de vue de la continuité territoriale, en situation de double insularité par rapport à ce territoire, comme le rappelait le député Frantz Gumbs lors de l’audition de Mme George Pau-Langevin ([15]).

Saint‑Martin est donc un « laboratoire » particulièrement intéressant des conséquences d’une telle proximité de deux économies – où le tourisme, notamment, joue un rôle important – soumises à des normes différentes.

La récente publication du produit intérieur brut (PIB) de ces deux territoires donne, en la matière, des informations intéressantes. Dans une économie marquée notamment par la crise sanitaire, le PIB de la COM de Saint-Martin reste inférieur de -17,2 % en volume à celui de 2016 et s’établit à 17 800 euros par habitant, celui de la partie néerlandaise lui étant deux fois supérieur sur toute la période 2016‑2021 ([16]).

Tout comme Saint‑Barthélemy, l’île de Saint‑Martin, enfin, a été durement touchée par le passage, en 2017, de l’ouragan Irma. La reconstruction, processus long, devrait permettre à ce territoire de développer son potentiel économique, notamment basé sur le tourisme.

Saint-Barthélemy

L’autre « île du nord » – 21 km² pour 10 200 habitants – est également une ancienne commune dépendante de la Guadeloupe devenue collectivité d’outre‑mer en 2007. Elle est proche géographiquement de Saint-Martin, mais pourtant très différente économiquement. Elle a en effet orienté son activité vers le tourisme de luxe, et bénéficie aujourd’hui d’un niveau de chômage inférieur à l’Hexagone et d’un PIB de 39 000 euros par habitant ([17]). L’île n’en connaît pas moins des difficultés inhérentes au coût de la vie, en matière, par exemple, de coût du logement.

Couvrant 242 km², les îles de l’archipel de Saint-Pierre‑et‑Miquelon constituent le territoire le moins peuplé des Outre‑mer. L’histoire de ce territoire est particulière, de par son peuplement par des émigrés basques, bretons et normands et ses caractéristiques géographiques et climatiques qui l’éloignent des autres territoires. Après avoir été département d’outre‑mer de 1976 à 1985, ce territoire constitue dorénavant une collectivité d’outre‑mer.

La collectivité est fortement liée au Canada voisin, tant pour l’approvisionnement par voie maritime – transitant par Halifax – que sur le plan économique. Les liaisons aériennes directes avec l’Hexagone n’existent que quelques mois par an.

La Polynésie française ([18])

La Polynésie française – 276 000 habitants pour 15 500 km² sur 118 îles, dont 76 habitées – se caractérise par son statut de collectivité d’outre‑mer et sa très forte autonomie. Disposant d’un président, d’un gouvernement et d’une assemblée, elle dispose de compétences étendues, par exemple en droit de la concurrence. Pour les mettre en œuvre, une autorité polynésienne de la concurrence a été créée en 2015.

Elle s’étend sur une superficie équivalente à l’Europe, ce qui pose la question de la continuité territoriale, bien que la population soit fortement concentrée sur les îles de Papeete et Moorea. Véritable réservoir de biodiversité, la Polynésie cherche aujourd’hui à exploiter un potentiel touristique important, qui s’ajoute à son positionnement géostratégique au cœur de l’espace indopacifique. Ce territoire reste marqué par les conséquences, douloureuses, des essais nucléaires qui y furent menés.

LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, UN TERRITOIRE AUSSI VASTE QUE L’EUROPE

Source : Direction générale des outre-mer, Votre guide ultramarin, p. 29, https://www.calameo.com/read/000886379b87d15e5c574.

Wallis-et-Futuna

Territoire original à plus d’un titre, les îles Wallis et Futuna – 142 km² pour 11 500 habitants – ont notamment conservé les institutions coutumières des trois royaumes d’Uvea, Alo et Sigave. Il s’agit de la collectivité d’outre‑mer la plus éloignée de l’Hexagone. Cet isolement s’ajoute à celui inhérent à la distance séparant les deux îles (235 km), handicapante, notamment, lorsque certains équipements ne sont disponibles qu’à Wallis. Sur ce territoire, difficilement approvisionné ([19]), l’enjeu est aujourd’hui le développement d’une activité économique. En effet, « à Wallis-et-Futuna, il n’y a qu’une liaison maritime, une compagnie aérienne assurant la desserte, une seule banque, un importateur d’hydrocarbures et un seul grossiste alimentaire » ([20]).

Une autre particularité de ce territoire est l’existence d’une communauté issue de l’émigration de ses habitants vers la Nouvelle‑Calédonie, qui abrite aujourd’hui une communauté plus nombreuse que la population de Wallis‑et‑Futuna.

b.   De par les secteurs concernés

Tous les secteurs sont concernés par le problème du coût de la vie. La grande distribution, en particulier la distribution alimentaire, est le domaine dans lequel il se manifeste de la façon la plus éclatante.

Mais cela ne doit pas masquer la présence de ce phénomène dans les autres secteurs de la consommation et de la vie courante. Dans le secteur des télécommunications par exemple, les services mobiles sont, dans les DROM, 35 % plus chers qu’au niveau national, et les forfaits 65 % plus chers ([21]).

Même dans les secteurs où les prix sont réglementés, tels les carburants, les hausses décidées ont un impact sur le niveau de vie des acteurs économiques ultramarins.

La commission d’enquête s’est attachée à se pencher sur un certain nombre de ces secteurs, que ce soit pendant ses auditions ou au cours de ses déplacements : la santé, le transport, le logement, les télécoms, les banques, les transports aériens, les armateurs ont ainsi été traités et feront l’objet de développement supra. Le rapporteur est néanmoins conscient que cet examen ne saurait être exhaustif et considère la question du coût de la vie comme un sujet présent dans tous les aspects de la vie des acteurs qui la subissent au quotidien.

c.   De par les acteurs subissant ce phénomène

i.   Ménages

« Les revenus sont souvent très faibles en Outremer et les prix, plus élevés que dans l’Hexagone, asphyxient les ménages. » ([22]) En effet, les Outre‑mer comptent une proportion deux à trois fois plus importante de personnes en situation de pauvreté que l’Hexagone.

RÉpartition de la population selon les situations de pauvretÉ

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM », Ludovic Audoux, Pascal Prévot, INSEE Focus, n° 270, 11 juillet 2022, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6459395

Dans ce contexte de précarité accrue ([23]), les ménages les plus modestes sont en première ligne face au problème du coût de la vie, notamment en raison de la part que représente l’alimentation, secteur particulièrement touché par la hausse des prix, dans leur budget : 40 % des dépenses en moyenne en 2017 à La Réunion, contre 24 % pour les plus aisés ([24]).

Plus largement, « la cherté des prix a des conséquences sur la vie quotidienne des familles, des personnes les plus fragiles, mais aussi de tout un chacun des habitants qui voit son budget de consommation fortement contraint. […] La cherté et surtout le fait de payer les mêmes produits bien plus chers que dans l’Hexagone, révoltent profondément les consommateurs qui se sentent pris au piège. » ([25])

ii.   Entreprises

Le tissu économique des Outre‑mer est essentiellement composé de petites et moyennes entreprises (PME) voire de très petites entreprises (TPE), qui, de par leur taille, sont plus exposées au problème du coût de la vie, mais aussi plus contraintes dans leur développement par les phénomènes qui lui sont liés : renchérissement du coût des intrants dont leurs activités nécessitent l’importation, manque de concurrence, étroitesse du marché, difficulté de réaliser des économies d’échelle, etc.

HAUSSE MÉDIANE DU COÛT DES INTRANTS DES ENTREPRISES ULTRAMARINES EN 2022

Source : Iedom-Ieom, réponses aux questions écrites du rapporteur.

Elles sont aussi exposées à la difficulté, dans certains domaines, de trouver de la main d’œuvre qualifiée en raison du phénomène de fuite des forces vives, conséquence d’une politique d’État en faveur de l’émigration instaurée par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (Bumidom).

Elles connaissent toutes, plus largement, l’ensemble des difficultés liées à l’éloignement et à l’insularité, qu’il s’agisse de l’acheminement ou du stockage.

Enfin, dans des territoires où le secteur public est important, elles peuvent être fragilisées, dans le cadre de la commande publique, par les difficultés de trésorerie que peuvent connaître les acteurs publics.

iii.   Collectivités et institutions sociales

Les collectivités sont en première ligne face au problème, global, du coût de la vie qui touche leurs territoires.

En effet, dans des territoires particulièrement marqués par la pauvreté et la précarité, la part des prestations sociales dans les revenus des ménages est plus élevée que dans l’Hexagone.

Part des prestations sociales dans le revenu des mÉnages

Source : Iedom-Ieom, réponses aux questions écrites du rapporteur.

Celles-ci pèsent donc sur le budget des collectivités territoriales lorsqu’il s’agit de prestations dont elles ont la compétence, ou qu’elles ont choisi de créer pour redonner de la dignité aux familles. La collectivité territoriale de Martinique (CTM) déclare ainsi que « les seules dépenses d’allocations individuelles de solidarité (RSA, APA, PCH) représentent plus de 317 millions d’euros au budget primitif 2023, soit un tiers [de notre] budget de fonctionnement » ([26]). Ainsi, « les dépenses de solidarité de la CTM ne cessent […] de croître, passant de 382 millions d’euros en 2018 à 405 millions d’euros en 2023 » ([27]).

Elles doivent donc, d’une part, adapter leurs politiques redistributives à cette situation, en s’efforçant d’aider les plus précaires par la mise en place de dispositifs adaptés ; Mme George Pau‑Langevin évoquait par exemple la nécessité de développer la restauration scolaire ([28]).

Elles doivent également, d’autre part, adopter des politiques en faveur du développement économique, réduisant la dépendance aux importations en permettant le développement d’un tissu entrepreneurial local. Elles ont enfin la charge d’infrastructures essentielles pour les ménages comme pour les entreprises, par exemple dans le domaine des transports.

Les collectivités subissent néanmoins elles-mêmes ces phénomènes : dans leurs achats notamment, eux aussi renchéris, mais aussi et peut-être surtout dans leurs ressources, qui demeurent insuffisantes. C’est d’autant plus le cas qu’elles sont, dans le contexte particulier de l’éloignement, au plus proche des habitants et des problèmes qu’ils rencontrent.

Les associations caritatives, aidant les plus démunis, ont nécessairement, dans un tel contexte, un rôle prépondérant, alors qu’elles sont elles-mêmes soumises à l’ensemble des facettes du renchérissement généralisé.

d.   De par les interactions avec d’autres phénomènes socioéconomiques, débouchant sur un cercle vicieux

Les conséquences socioéconomiques du coût élevé de la vie sont multiples et interconnectées de manière négative. L’économiste Sébastien Mathouraparsad résume certains de ces mécanismes de la manière suivante : une « augmentation des prix réduit la compétitivité de la production locale. Quand on ne produit pas beaucoup, il y a deux conséquences : d’une part, le chômage augmente car les entreprises deviennent économes en main-d’œuvre et d’autre part, les revenus diminuent. Cette baisse de la production va s’accompagner d’une hausse des prix dans ces territoires. » ([29])

i.   La vie chère : une conséquence parmi d’autres du problème du coût de la vie

L’effet premier du coût de la vie et le plus visible est celui de la vie chère, cœur du sujet de ce rapport. Les prix sont de fait plus élevés en Outre‑mer, et de manière exorbitante en ce qui concerne l’alimentaire, voire de très nombreux autres biens et services. En effet, en 2019, les écarts de prix entre l’Hexagone et la Martinique sont de 38 %, de 33 % avec la Guadeloupe, de 34 % avec la Guyane, de 28 % avec La Réunion et de 19 % avec Mayotte ([30]). En parallèle, en s’en tenant seulement au produit intérieur brut (PIB) par habitant en 2020 ([31]), nous observons qu’il est dans l’ensemble de la France de 34 100 euros – dont un PIB de 57 600 euros en Île-de-France, contre seulement 20 200 euros dans les régions ultramarines. Le pouvoir d’achat Outre‑mer est donc très réduit par rapport à celui de l’Hexagone.

ii.   Les problématiques sociales : le chômage, la précarité, la pauvreté, la monoparentalité

Le sociologue Claude-Valentin Marie a affirmé que « près des deux tiers de la population des DOM sont couverts par au moins une prestation légale contre 49 % en métropole » ([32]). Les problématiques sociales sont importantes et les mécanismes à l’œuvre sont corrélés. La fragilisation du lien social induite par un coût de la vie trop élevé précarise davantage les populations dans le besoin qui sont entrainées dans un cercle vicieux. En effet, le rapporteur a observé que le coût élevé de la vie induisait une faible compétitivité de la production locale, causant elle‑même une hausse du chômage ainsi que des revenus plus faibles. Par ailleurs, nous savons que les chômeurs sont les premiers à être touchés par la pauvreté monétaire et la précarité. En France hexagonale, le chômage en 2022 touche 7,3 % de la population (hors Mayotte), tandis qu’il est de 18,6 % en Guadeloupe, 12,5 % en Martinique, 13,1 % en Guyane, 18,1 % à La Réunion. Il est important de noter que les problématiques sociales dans ces territoires ont tendance à être structurelles, de longue durée.

Par ailleurs, au-delà des chômeurs tels que recensés par les statistiques officielles, les Outre‑mer sont particulièrement concernés par un halo autour du chômage, composé de personnes sans emploi qui, soit recherchent un emploi mais ne sont pas disponibles dans les deux semaines pour travailler, soit n’ont pas effectué de démarche active de recherche d’emploi dans le mois précédent mais souhaitent travailler, qu’elles soient disponibles ou non. En moyenne en 2021-2022, les personnes dans le halo autour du chômage représentent de 10 % à 21 % de la population des 15 à 64 ans dans les DOM : 10 % de la population de 15 à 64 ans à La Réunion, 11 % en Guadeloupe et en Martinique, 20 % à Mayotte et 21 % en Guyane, contre 4 % en France hexagonale. Le découragement est plus souvent cité comme motif de non-recherche d’emploi dans les DOM hors Mayotte, avec plus du quart des personnes du halo en Guadeloupe et à La Réunion. Dans les DOM hors Mayotte, la part des personnes du halo autour du chômage n’ayant jamais travaillé ou n’ayant pas travaillé depuis deux ans ou plus est plus élevée qu’en France hexagonale. À Mayotte, 9 personnes sur 10 dans le halo n’ont jamais exercé d’activité non occasionnelle ([33]).

Ce qui est le cas pour le chômage l’est aussi pour la monoparentalité. Le démographe Didier Breton explique qu’il faut remettre dans son contexte cette problématique : « Nous la comparons très souvent à la monoparentalité en métropole. Or, la nature de la monoparentalité n’est pas la même. Quand nous regardons par exemple le recensement, la part des ménages monoparentaux est plus importante. C’est du stock. Mais si nous l’étudions en termes de dynamique, et surtout en se plaçant du point de vue des enfants, la monoparentalité s’installe dans la durée. Par exemple, l’un des résultats importants de l’enquête MFV en 20092010 montrait qu’environ 30 % (contre 2 % en métropole) des enfants naissaient dans une famille monoparentale et passaient toute leur enfance en famille monoparentale. Cette trajectoire n’existe pas en métropole ou très peu. Aux Antilles, trois enfants sur dix étaient concernés, un enfant sur quatre en Guyane et un enfant sur dix à La Réunion. Cette monoparentalité est non seulement importante, mais aussi durable. » De plus, si la protection sociale est accordée à une grande partie de la population ultramarine, parmi les bénéficiaires d’au moins une prestation sociale aux Antilles à titre d’exemple, près des deux tiers sont des familles monoparentales. Dans l’Hexagone, ce chiffre est de seulement 28,2 %, illustrant la difficulté et le cumul de préjudices dont sont victimes les familles monoparentales en Outre‑mer.

iii.   Les problématiques éducatives, et le décrochage scolaire

L’éducation et l’accès à l’école sont, en Outre‑mer, au cœur des problématiques sociales. Le sociologue Claude-Valentin Marie([34]) explique que la scolarisation notamment en Guyane et à Mayotte est tardive en plus d’être de courte durée. Des retards importants sont accumulés par les jeunes ultramarins pour ces raisons. À titre d’illustration, le taux d’illettrisme chez les jeunes Guyanais est de 32,4 %, chez les Mahorais de 53,5 %, les Réunionnais de 14,3 %, les Martiniquais de 17,4 % et, concernant les Guadeloupéens, de 18,6 %. Ces difficultés s’expliquent par un mal-développement historique et en partie par une absence de réelle continuité dans l’apprentissage, en raison de multiples facteurs tels que les phénomènes environnementaux, mais aussi en raison du manque de transports en commun. Il en résulte un « temps d’enseignement plus court » ([35]) que dans l’Hexagone, d’après un rapport de la Cour des comptes.

Malgré des taux de scolarisation aux Antilles proches de ceux observés dans l’Hexagone, dans les faits, les inégalités sont persistantes. Les retards de niveau sont plus fréquents, le décrochage scolaire touche de nombreux élèves et, malgré un taux de réussite au baccalauréat équivalent entre la Guadeloupe, la Martinique et l’Hexagone, les évaluations de niveau prouvent l’existence de grandes disparités dans les apprentissages. Par exemple, selon une étude du ministère de l’éducation réalisée en 2018 ([36]), environ 30 % des jeunes de 16 à 25 ans en Guadeloupe et en Martinique présentent des difficultés de lecture contre 11,5 % dans l’ensemble de la France. Par ailleurs, ce taux s’élève à 50 % en Guyane et 74 % à Mayotte.

Les inégalités se font également ressentir au niveau du coût des fournitures scolaires. Cet impact de la vie chère sur la scolarité avait été dénoncé par un rapport d’information de la délégation aux Outre‑mer de l’Assemblée nationale sur l’enseignement dans les Outre‑mer dans les territoires en dépression démographique : « Une enquête menée par l’Union départementale des associations familiales (UDAF) en Martinique sur le coût de la rentrée scolaire 2020-2021 a constaté que les prix des fournitures demandées par les établissements avaient enregistré une hausse de + 34 % dans la grande distribution cette année 2020 par rapport à 2019. » ([37])

iv.   Le développement de l’économie informelle

L’économiste Sébastien Mathouraparsad explique l’ampleur de l’économie informelle par le fait que les problématiques sociales telles que la précarité et le chômage conjugués à des prix élevés, induisent une forme de « culture de la débrouillardise –, destinée à compenser le "mal-vivre" » ([38]). À noter qu’il ne faut pas confondre l’économie informelle avec, comme le souligne la chercheuse en agronomie Claire Cerdan ([39]) , avec le secteur des indépendants « le secteur organisé autour des filières, des interprofessions de l’élevage, de la canne à sucre ou des fruits et légumes, qui sont des coopératives très visibles au niveau européen, puisqu’elles bénéficient du programme d’actions spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) […]. Quelque 30 % des producteurs de fruits et légumes évoluent dans les filières organisées et 70 % sont indépendants. Ce sont des gens qui ont leurs circuits de commercialisation et qui produisent des factures ; c’est une économie monétaire, elle n’est pas informelle. ». Elle explique que les pratiques informelles sont très diverses, certaines monétarisées, d’autres non. C’est en partie cette complexité dans la définition de l’économie informelle qui rend difficile son estimation.

La part de l’économie informelle dans le PIB est Outre‑mer beaucoup plus importante que dans l’Hexagone. À titre d’exemple, elle représentait en 2015 à Mayotte les deux tiers des entreprises marchandes (soit 5 300 entreprises) et générait 9 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises ([40]). Sans que des données aussi précises puissent être avancées, l’économie informelle est particulièrement marquée à Wallis-et-Futuna (notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’artisanat). En Guadeloupe, le secteur informel représenterait entre 23 et 26,5 % des emplois, entre 19 et 20 % en Martinique et de 12,5 à 16,5 % à La Réunion ([41]).

Il est important de noter selon Claire Cerdan que « de nombreux agriculteurs non identifiés comme tels commercialisent leur production sur le bord des routes, sur des marchés ou à leur domicile. Les normes du statut d’agriculteur sont inadéquates : beaucoup de ceux qui produisent et vendent, et pourraient être assimilés à des producteurs, ne figurent pas dans les bases de données parce qu’ils sont en dessous des seuils ».

v.   La santé, les maladies liées à la qualité des produits consommés et l’accès aux soins

Faisant face à des conditions de vie dégradées, de nombreux ultramarins sont sujets à des maladies chroniques et sont plus marqués par des problématiques de surpoids et autres pathologies, en particulier les femmes ([42]). L’obésité est devenue un fléau en raison d’un changement brusque des habitudes alimentaires en Outre‑mer. En effet, les Ultramarins sont passés d’une sous-consommation à une consommation de masse de certains aliments. Si les plats traditionnels sont encore présents dans l’alimentation, ils sont concurrencés par ce qui est communément appelé la « malbouffe ». La surconsommation de ces denrées touche en premier lieu les populations les plus précaires et dont le niveau d’éducation est faible ([43]).

Dans les Antilles, s’ajoutent deux risques sanitaires spécifiques :

– les conséquences de l’empoisonnement des sols par le chlordécone, pesticide utilisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies de Guadeloupe et Martinique, responsable d’une augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate, d’effets prouvés sur le déroulement de la grossesse et le développement cognitif de l’enfant et d’autres effets en cours d’études, comme le cancer du sein, comme l’a décrit le rapport de la commission d’enquête qui a été consacrée à ce sujet ([44]) ;

– les risques liés aux sargasses, qui s’échouent par vagues successives sur le littoral antillais et guyanais depuis le mois d’août 2014. Malgré les moyens de nettoyage mis en œuvre, ces algues se décomposent sur place. Leur décomposition conduit à la production de sulfure d’hydrogène (H2S), potentiellement détecté à des concentrations élevées. Les signalements de médecins liés aux effets sanitaires ressentis par la population exposée à l’H2S, ainsi que les plaintes du public relatives au problème d’odeurs, ont augmenté de façon notable.

En Polynésie, les populations subissent encore aujourd’hui les effets des retombées des essais nucléaires qui ont eu lieu dans ce territoire, sans que les mesures sanitaires adaptées soient prises.

La consommation d’alcool et de drogue est également un problème de santé publique dans les Outre‑mer et connait notamment une prévalence en ce qui concerne les femmes. En effet, le risque d’alcoolisme est deux fois plus élevé, selon une enquête de l’Organisation mondiale de la santé, en cas de violences conjugales ([45]).

En Outre‑mer, la prévalence de la drépanocytose est bien plus élevée que dans les régions hexagonales ce qui constitue un problème de santé majeur dans ces territoires. Malgré un dépistage obligatoire à la naissance en Outre‑mer, les ressources médicales sont fréquemment limitées et les infrastructures de santé, insuffisantes pour répondre aux besoins des patients. Les spécialistes et les services de soins spécialisés sont souvent concentrés dans les zones urbaines, rendant l’accès difficile pour les populations vivant dans des régions éloignées. Le traitement de cette maladie est donc très inégal et l’accès à des transfusions sanguines régulières n’est possible que pour une faible quantité de patients car beaucoup sont isolés géographiquement.

Enfin, l’accès aux soins dans sa globalité est mis à mal par la pénurie de certains médecins, d’après un rapport de la Défenseure des droits ([46]), « la Guadeloupe et la Martinique souffrent d’un manque de médecins et notamment de spécialistes. Les centres hospitaliers des deux îles sont confrontés à une importante pénurie médicale, particulièrement dans certaines spécialités, telles que l’anesthésie, la réanimation, les urgences et la radiologie, ce qui ne leur permet plus de réaliser certaines interventions chirurgicales lourdes, souvent délocalisées dans d’autres établissements, voire en métropole » car d’une part « des écarts de salaire considérables existent, en effet, entre le secteur public et le privé : l’encadrement législatif de la rémunération des médecins contractuels ne s’applique pas au secteur privé, ce qui ne permet pas au secteur public d’être suffisamment compétitif notamment pour les spécialités les mieux rémunérées, telles que la radiologie par exemple. » et d’autre part, « dans le secteur public hospitalier, les médecins ne bénéficient pas des mêmes bases de surrémunération au titre de la "vie chère" que les autres professionnels ». Le coût de la vie représente donc un frein à l’installation de médecins en Outre‑mer ainsi qu’au retour de médecins nouvellement diplômés originaires des Outre‑mer mais ayant suivi une formation en Hexagone comme le souligne ce même rapport : « seul un tiers des étudiants revient sur le territoire après avoir réalisé des stages en métropole et seulement 15 % revient après le 3ème cycle ».

vi.   L’insécurité

L’insécurité est un problème conséquence de l’expression d’un mal-être lié à l’extrême pauvreté, la précarité, le chômage et les inégalités sociales.

Présents de manière exacerbée dans les territoires ultramarins, ces facteurs engendrent des violences plus nombreuses qu’en Hexagone et surtout plus graves et dramatiques. Par exemple, les violences conjugales dans le selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ([47]), 17 % des femmes en Polynésie contre 2,3 % en France hexagonale.

En matière de crimes et délits, certains chiffres du ministère de l’intérieur sont parlants. À titre d’illustration, dans l’Hexagone, sur la période 2015‑2018, le taux d’homicides était de 0,013 ‰ et de 0,13 ‰ en Guyane, 0,05‰ en Martinique, 0,08 ‰ en Guadeloupe, 0,03 ‰ à Mayotte, et 0,01 ‰ à La Réunion ([48]).

vii.   Le départ contraint des forces vives

Communément désigné par l’expression « fuite des cerveaux », le phénomène de départ des forces vives vers la France hexagonale est très marqué en Outre‑mer. Sébastien Mathouraparsad ([49]) exprime l’idée que les forces vives des territoires sont confrontées à un dilemme : rester mais changer de secteur d’activité ou se tourner vers des emplois moins qualifiés ou bien partir, souvent vers l’Hexagone, face à l’absence de perspective.

Si cet exode pose problème pour le développement économique des territoires, il a d’abord été orchestré par des politiques publiques spécifiques, organisées par l’État pendant plusieurs décennies. Sous prétexte de limiter la surpopulation aux Antilles et à La Réunion, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre‑mer (Bumidom) créé en 1963 a organisé les migrations vers la France hexagonale, vidant ces territoires de leur jeunesse en ne leur offrant que des emplois subalternes sur le continent : comme le décrit Mme Marine Haddad, « ce malaise social est interprété comme le produit d’une "surpopulation relative" et la lutte contre "l’explosion démographique" devient un objectif central des pouvoirs publics » ([50]). Ce bureau a été remplacé par l’Agence de l’Outre‑mer pour la mobilité (Ladom) en 1992.

Il n’y a pas d’homogénéité des territoires ultramarins mais deux phénomènes se distinguent en matière de migration : aux Antilles, la population connaît une forte émigration et une décroissance démographique, contrairement à la Guyane et à Mayotte qui connaissent une forte immigration et une surpopulation. L’émigration antillaise est selon le chercheur Claude-Valentin Marie, « une réalité inscrite de longue date dans les itinéraires de vie ». Les chiffres sont parlants : en 2017, plus de la moitié des jeunes diplômés martiniquais et guadeloupéens étaient établis en Hexagone et près de 38 % des diplômés réunionnais.

Cela s’explique donc par le manque d’emplois qualifiés et les conditions de vie dégradées mais malheureusement aussi par le fait que de nombreux ultramarins vivent de la discrimination à l’embauche en Outre‑mer comme dans l’Hexagone Cependant, face au manque d’emplois sur leurs territoires, ils préfèrent partir. Jean-François Hoarau a appuyé ce constat : « Quelques travaux scientifiques récents et sérieux révèlent un phénomène de discrimination à l’embauche concernant les candidats ultramarins, sur le marché hexagonal comme sur nos marchés domestiques. Dans certains secteurs, les personnes d’origine ultramarine auraient 20 à 25 % de chances en moins d’être retenues. »

Pour le rapporteur, il importe enfin de relever que les difficultés financières des collectivités territoriales, résultant notamment de la baisse des dotations (cf. infra), ne leur permettent plus de recruter des cadres qualifiés. Or en l’absence de grandes entreprises, ce sont elles qui peuvent offrir un débouché aux ultramarins diplômés. À cet égard, agir ainsi pour le rétablissement des finances locales constitue ainsi un enjeu primordial pour développer l’expertise locale endogène de projets durables.

La gestion de la continuité territoriale (cf. infra) fait l’objet de réflexions et de discussion notamment avec les élus locaux.

viii.   Le vieillissement de la population et la décroissance démographique

Des phénomènes démographiques importants et rapides sont à l’œuvre en Outre‑mer. Nous observons une rapide décroissance démographique et un vieillissement de la population aux Antilles particulièrement mais aussi à La Réunion pour plusieurs raisons :

– départ des forces vives et déficit migratoire : ce constat évoqué précédemment explique ces deux phénomènes selon l’économiste Sébastien Mathouraparsad. Les populations jeunes et diplômées partent des territoires ultramarins dans l’espoir de trouver un emploi et une stabilité ailleurs, souvent dans l’Hexagone ;

– faiblesse de la natalité : l’indicateur conjoncturel de fécondité est depuis 2010 inférieur à 2 en Guadeloupe et en Martinique, empêchant le renouvellement de la population. En Martinique, on compte environ 1,9 enfant par femme, soit 3 529 naissances en 2020 contre environ 10 000 en 1960 ([51]).

La fuite des forces vives et la situation démographique (cf. v.ii et v.iii) font l’objet d’une mission d’information à la Délégation aux Outre‑mer de l’Assemblée nationale depuis octobre 2022. Ces travaux pourront par conséquent nourrir la réflexion à ces sujets.

3.   Une première enquête qui doit ouvrir la voie et inspirer des travaux plus approfondis et plus spécialisés

La commission d’enquête part de loin, car le rapporteur a pu constater qu’il n’y a presque aucune étude microéconomique :

– sur la formation des prix et des marges entretenues : qui facture quoi à qui, notamment lorsque les acteurs de la chaine d’approvisionnement appartiennent à un même groupe ?

– sur les phénomènes de concentration des acteurs de la distribution, qui entravent la concurrence : comment la constitution de grands groupes oligopolistiques, qui assurent des services sur l’ensemble de la chaine d’approvisionnement et sont dans des situations de monopole pour l’approvisionnement de certaines marques, a-t-elle un impact sur les prix pour le consommateur ultramarin ?

Le rapporteur regrette qu’il n’existe pas d’outil de connaissance évolutive de la situation.

Tout reste à connaître pour l’État, qui n’a pas de vision globale et complète des problématiques et des situations socioéconomiques dans les territoires.

B.   Des revenus beaucoup plus faibles

1.   Des revenus moyens inférieurs à ceux de l’Hexagone, des inégalités plus fortes

« La problématique du pouvoir d’achat ne porte en réalité pas uniquement sur la cherté de la vie, mais aussi largement sur la faiblesse des revenus, avec comme cause principale un chômage élevé » ([52]) – facteurs auxquels le rapporteur ajoutera une précarité et une pauvreté qui s’aggravent.

La problématique du coût de la vie dans les territoires ultramarins ne peut être analysée sans examiner celle du niveau de vie dans ces territoires. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « les habitants des DROM ont globalement un niveau de vie plus faible qu’en métropole et les inégalités y sont plus marquées, surtout en Guyane et bien plus encore à Mayotte » ([53]).

Ainsi, d’après l’enquête Budget de famille de 2017 ([54]), qui permet une comparaison entre les différents départements et régions d’outre‑mer (DROM) et l’Hexagone, le niveau de vie médian, qui partage la population en deux parties égales, se situe en Martinique et en Guadeloupe respectivement à 1 360 et 1 310 euros mensuels, soit 20 % et 23 % de moins que le niveau de vie médian en France hexagonale (1 700 euros par mois). Celui de La Réunion (1 160 euros mensuels) est inférieur d’un tiers au niveau de vie médian d’Hexagone et celui de la Guyane de moitié. À Mayotte (260 euros), il ne représente qu’un sixième de la valeur hexagonale. Ces niveaux incluent l’ensemble des revenus, y compris les prestations et les prélèvements directs en sont déduits.

Ce constat a été particulièrement souligné lors de l’audition de M. Saïd Ahamada, directeur général de L’Agence de l’Outre‑mer pour la mobilité (LADOM), qui expliquait que l’aide à la continuité territoriale (ACT), de 11 991 euros, permet « de couvrir entre 53 et 77 % des foyers fiscaux selon la collectivité concernée, le pourcentage de 77 % correspondant à Mayotte » ([55]).

Ce niveau de revenu en moyenne inférieur s’explique par différentes causes. Tout d’abord, un taux de chômage et d’inactivité élevé : selon l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), « une personne sur deux en âge de travailler a un emploi dans la plupart des Outremer, alors que ce taux est 70 % dans l’Hexagone » ([56]). D’après l’Insee, le taux de chômage moyen, au sens du Bureau international du travail (BIT), était deux fois plus élevé dans les DROM en 2021 que celui de la France hexagonale.

Comme le montrent les données chiffrées fournies par l’Insee lors de son audition, les taux de chômage dans les DOM évoluent entre 13 et 30 % ; le taux d’inactivité est lui compris entre 35 et 41 %, contre 27 % dans l’Hexagone.

Dans les outre-mer, des taux de chômage et d’inactivité ÉlevÉs

En 2021, le taux de chômage moyen, au sens du BIT, au sein des DROM est plus de deux fois plus élevé que celui de la France hexagonale

(en %)

 

Taux de chômage

Taux d’inactivité

Guadeloupe

17

37

Martinique

13

35

Guyane

15

52

La Réunion

18

41

Mayotte

30

-

France hexagonale

7,7

27

Source : Insee, Enquête emploi en continu 2021

Note de lecture : en 2021, le taux de chômage au sens du BIT de La Réunion est de 18 % de la population des 15 ans ou plus. Le taux d’inactivité de la population des 15-64 ans est de 41 % à La Réunion.

De plus, le revenu d’une partie des populations ultramarines dépend fortement des prestations sociales. D’après les données de l’Insee, près d’une personne de 15 ans ou plus sur quatre (21,7 %) dans les DROM était allocataire d’un minimum social fin 2020, soit une part près de trois fois plus élevée qu’en France hexagonale (8 %).

Les revenus sociaux

Fin 2020, dans les DROM, près d’une personne de 15 ans ou plus sur quatre (21,7 %) est allocataire d’un minimum social, soit une part près de trois fois plus élevée qu’en France hexagonale (8,0 %).

(en unité / en %)

 

Nombre d’allocataires des minima sociaux de 15 ans ou plus

Part d’allocataires des minima sociaux de 15 ans ou plus

Guadeloupe

82 600

26,3

Martinique

66 100

21,9

Guyane

33 100

16,6

La Réunion

171 500

25,3

Mayotte

5 600

3,4

France hexagonale

4 118 200

8

Source : Insee, données Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et mutualité sociale agricole (MSA).

Note de lecture : En 2020, 82 600 personnes bénéficient de minima sociaux en Guadeloupe, ce qui représente 26,3 % de la population des 15 ans ou plus.

En 2021, la part d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) était en moyenne plus de quatre fois supérieure dans les DROM à celle d’Hexagone.

Le poids du rsa dans les drom

En 2021, dans les DROM, la part d’allocataires du RSA est en moyenne plus de quatre fois supérieure
à celle de la France hexagonale

(en unité / en %)

 

Répartition des allocataires du RSA

Répartition de la population couverte par le RSA

Répartition des allocataires de la prime d’activité

Répartition des allocataires supplément vieillesse

Guadeloupe

43 959 (14 %)

81 085 (26 %)

29 565 (19 %)

18 105 (5,8%)

Martinique

35 070 (11,5 %)

60 813 (20 %)

31 930 (10,5 %)

13 470 (4,5 %)

Guyane

23 148 (12 %)

68 378 (36 %)

12 162 (6 %)

3 918 (2 %)

La Réunion

97 771 (14,7 %)

219 720 (33 %¨)

85 563 (12,8 %)

25 007 (3,8 %)

Mayotte

4 397

11 524

1 111

19

France hexagonale

1 726 500 (3 %)

3 428 500 (6,4 %)

4 458 700 (8 %)

570 870 (1,7 %)

Source : Insee, données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

Note de lecture : En 2021, 43 959 personnes bénéficient du RSA en Guadeloupe, ce qui représente 14 % de ma population des 15 ans ou plus.

En outre, le vice-président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion soulignait lors de son audition ([57]), la faiblesse des revenus du travail et le rôle joué par les contrats courts, aussi appelés « petits contrats », sur le niveau de précarité des populations ultramarines et la faiblesse de leurs revenus, qu’il identifie comme l’une des « sources principales de la problématique du pouvoir d’achat ».

Enfin, si l’Iedom montre qu’il y a une convergence progressive avec l’Hexagone, les écarts de richesse demeurent importants, non seulement à cause d’un niveau de chômage plus élevé, mais également d’un poids plus important de l’économie informelle : « L’Iedom estime le poids de cette économie à 26 % en Guadeloupe, à 20 % en Martinique et à 16 % à La Réunion » ([58]), contre 12 % dans l’économie française dans son ensemble ([59]).

Ce niveau de revenus plus faible que dans l’Hexagone va de pair avec un taux de pauvreté monétaire des DROM deux à cinq fois plus élevé qu’en France hexagonale. Pour rappel, le taux de pauvreté est la proportion d’individus dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Calculé en référence au seuil national – le seuil calculé pour l’ensemble de la France –, le taux de pauvreté monétaire en 2017 était de 34 % en Guadeloupe, 33 % en Martinique, 42 % à La Réunion, 53 % en Guyane, 77 % à Mayotte contre 14 % en Hexagone. Ainsi, au total sur l’ensemble des DROM, plus de 47 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Cela est récapitulé dans le tableau fourni par l’Insee au cours de son audition.

Niveau de vie et pauvretÉ dans les DROM (donnÉes 2017) ([60])

(en euros / en %)

 

Niveau de vie médian par unité de consommation (en euros)

Taux de pauvreté au seuil de 60 % du niveau de vie médian national
(en %)

Seuil de pauvreté local mensuel (seuil de 60 % du niveau de vie médian local)
(en euros)

Taux de pauvreté au seuil local (seuil de % du niveau de vie médian local)
(en %)

Guadeloupe

1 310

34

790

19

Martinique

1 360

33

820

21

Guyane

920

53

550

23

La Réunion

1 160

42

700

16

Mayotte

260

77

160

42

France hexagonale

1 700

14

1 020

15

Source : Insee, enquête Budget de famille 2017

Note de lecture : en 2017, le niveau de vie médian des Réunionnais est de 1 160 euros par mois et par unité de consommation. 42 % des Réunionnais ont un revenu inférieur au seuil national de pauvreté monétaire (60 % du niveau de vie médian national). Le seuil de pauvreté local (60 % du niveau de vie médian local) est de 700 euros à La Réunion ; 16 % des Réunionnais ont un niveau de vie inférieur à ce seuil.

En conséquence, le niveau de consommation par ménage est moins élevé dans les DROM qu’en Hexagone : l’Insee estime en effet qu’aux Antilles, en Guyane et à La Réunion, les dépenses de consommation par ménage sont inférieures par rapport à la France hexagonale d’environ 15 % à et de 50 % à Mayotte.

2.   Des inégalités territoriales avec des écarts de niveaux de revenus importants

a.   La mesure des inégalités de revenus

« Il ne faut pas oublier le rôle des inégalités et l’analyser sous l’angle de la double causalité. Si chacun reconnaît que la vie chère entraîne des inégalités, les inégalités constituent aussi un facteur de vie chère. » ([61])

Le rapporteur constate que les inégalités frappant les territoires ultramarins sont doubles, d’une part vis-à-vis de l’Hexagone, et d’autre part au sein même de ces différents territoires Outre‑mer.

Or, ces disparités socio-économiques accentuent le phénomène de paupérisation de ces territoires, dont une part importante de la population se trouve déjà en situation de fortes difficultés économiques. En effet, les chômeurs, les personnes non diplômées, les jeunes et les familles monoparentales sont les populations les plus touchées par le chômage, la précarité, voire la grande pauvreté.

Décrite par l’Insee comme un cumul de très faibles revenus et de privation matérielle et sociale sévère, la grande pauvreté était déjà, en 2018, cinq à quinze fois plus fréquente dans les DROM qu’en France hexagonale : « Au total, 18 % de la population française (hors Mayotte) en situation de grande pauvreté en logement ordinaire vit dans les DOM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), alors que ces territoires rassemblent seulement 3 % de la population. » ([62]) Ce phénomène de paupérisation conduit à renforcer la fracture sociale à la fois au sein de ces territoires, entre eux et vis-à-vis de l’économie hexagonale.

En somme, « dans les inégalités de revenus, il y a les populations qui dépendent essentiellement des prestations sociales pour vivre, et il y a une frange de la population qui accède à des emplois, publics ou privés, et qui bénéficie de sur-rémunérations. On est donc dans un différentiel (gap) important de revenus, qui s’explique par l’accès à l’emploi, mais aussi par le phénomène des sur-rémunérations. » ([63])

b.   Les inégalités sociales, source déterminante de l’augmentation structurelle du coût de la vie

Comme le note M. Jean-Francois Hoarau, « une autre source importante de surcoûts pour les entreprises ultramarines, et dégradant une nouvelle fois la productivité apparente du travail, réside dans les dysfonctionnements du marché du travail et de la mobilité du facteur travail, dont les racines sont bien historiques, ancrées à la fois dans le passé colonial et dans les limites de l’école républicaine à lutter contre les inégalités éducatives. » ([64])

Les inégalités sociales jouent donc bien un rôle essentiel dans le coût de la vie : « Pour apprécier pleinement l’ampleur de cette dérive des prix intérieurs, il faut analyser le processus à travers le prisme du défaut de concurrence généralisé combiné à un certain nombre de spécificités locales. En premier lieu, l’existence de profondes inégalités de répartition des revenus au sein des populations ultramarines fait apparaître deux types distincts de demande, à savoir une demande à revenus élevés et très élevés (chefs d’entreprises, professions libérales, salariés qualifiés du secteur privé, fonctionnaires d’État et territoriaux sur-rémunérés) et une demande à faibles revenus (autres salariés et minima sociaux). Les entreprises locales, disposant d’un pouvoir de marché, peuvent alors discriminer entre ces types de demandes en pratiquant une politique de prix ciblant directement la partie supérieure du marché. La baisse potentielle des quantités vendues est compensée par une hausse des prix de manière à garantir des marges fortes au détriment des consommateurs les plus pauvres. » ([65])

c.   Les conséquences de la politique de complément de rémunération (primes de vie chère) pour les fonctionnaires d’État et les fonctionnaires territoriaux basés en Outre‑mer

Également connus sous le nom de « prime de vie chère », les compléments de rémunérations constituent une compensation financière accordée aux fonctionnaires en poste dans les Outre‑mer pour tenir compte du coût de la vie plus élevé dans ces territoires. Instaurée dans les années 1950 par deux lois toujours en vigueur (loi du 3 avril 1950 pour les départements d’outre‑mer et loi du 30 juin 1950 pour les collectivités d’outre‑mer), la majoration des rémunérations a été mise en œuvre pour attirer des fonctionnaires qualifiés en Outre‑mer et atténuer les disparités économiques entre les territoires ultramarins et l’Hexagone.

Ainsi, les fonctionnaires d’État et les militaires affectés Outre‑mer bénéficient, lorsqu’ils sont en activité, d’un complément de rémunérations qui peut majorer leur traitement de 40 % en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à Mayotte et de 53 % à La Réunion. Pour les fonctionnaires hexagonaux, l’ensemble des primes représente en moyenne 20 à 22 % des revenus ; pour les fonctionnaires basés en Outre‑mer, c’est en moyenne 50 à 60 %. Selon la Cour des comptes, « en termes absolus, les sur-rémunérations représentent donc une dépense budgétaire de 1 178 milliards d’euros en 2012 » ([66]).

Dans son rapport public annuel de 2015 ([67]), la Cour des comptes estimait déjà que ce régime particulier était de nature à entretenir, dans les économies ultramarines, un niveau de prix supérieur à celui l’Hexagone alors que l’impact sur l’attractivité du marché du travail des territoires ultramarins restait insuffisamment mesuré.

Plusieurs personnes auditionnées ont ainsi souligné un « effet de contagion » ([68]) des salaires des fonctionnaires d’État, puis des fonctions publiques territoriale et hospitalière, sur les salaires très qualifiés du privé, Le rapport précité de la Cour des comptes note ainsi que « comme le permet la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les "surrémunérations" ont été élargies au fil du temps aux agents de la fonction publique territoriale par décisions des assemblées locales ». Ceci explique pourquoi « 20 % des populations les plus aisées dans les DROM disposent d’un revenu moyen équivalent aux 20 % des plus aisés dans l’Hexagone » ([69]).

Cependant, d’autres auditionnés relativisent le rôle des compléments de rémunération dans le renchérissement des prix. M. François Hermet, maître de conférences, au Centre d’économie et de management de l’océan Indien (Cemoi) de l’université de La Réunion, dressait un parallèle avec la principauté de Monaco : « Le pouvoir d’achat des Monégasques est beaucoup plus élevé que celui des Réunionnais, [alors que] les produits vendus en supermarché sont moins chers qu’à La Réunion. Si un pouvoir d’achat plus élevé entraînait mécaniquement un prix plus élevé, on l’aurait constaté ailleurs. Ce n’est pas le pouvoir d’achat des consommateurs qui fait baisser les prix, mais la concurrence. » ([70])

Il convient ainsi d’analyser la question des compléments de rémunération dans toute sa complexité, comme le suggère la présidente de l’Institut d’émission des départements d’outre‑mer (Iedom) : « On peut y voir des effets positifs en termes de soutien à la demande, pour une même famille dans laquelle l’un des membres se trouve à en bénéficier. Il peut y avoir un effet d’amortisseur social, finalement, dans ces territoires où le taux d’activité est faible. Toutefois, il y a aussi des effets négatifs, à la fois en termes d’effet d’éviction pour les emplois du secteur privé, et de contrainte à l’alignement pour le secteur privé, et donc de renchérissement des coûts de production et de perte de compétitivité prix pour la production locale, notamment pour la production qui pourrait être destinée à l’exportation. » ([71])

Si certains plaident pour une suppression des compléments de rémunération, une étude a été réalisée par M. Sébastien Mathouraparsad sur l’incidence économique en Guadeloupe qu’aurait la suppression de ce régime de primes. « Il montre qu’elle pousse un peu les prix à la baisse mais surtout qu’elle crée du chômage, réduit la croissance et entraîne une surcompensation des revenus. Il ne faut jamais oublier les deux parties. Au final, l’économie est perdante, puisque le niveau de vie de la population est censé reculer sous l’effet revenu défavorable. » ([72])

Néanmoins, le rapporteur insiste sur le fait que les compléments de rémunération ne doivent pas être regardés comme une charge supplémentaire pour l’économie, mais bien comme un atout pour renforcer le pouvoir d’achat d’une partie des Ultramarins. Dans cette perspective, le rapporteur est opposé à une suppression du dispositif de primes de vie chère dans les territoires ultramarins, dont les conséquences seraient catastrophiques : pour lisser les disparités économiques et rééquilibrer la distribution de revenus, il convient d’augmenter en priorité le pouvoir d’achat des populations les moins favorisées, au lieu de chercher à réduire le pouvoir d’achat des fonctionnaires et des cadres qualifiés.

Son maintien doit cependant être accompagné d’une recherche de solutions pour que les jeunes ne se détournent pas de l’emploi privé et que l’on n’offre pas comme unique perspective aux Ultramarins de rejoindre la fonction publique.

En effet, avec une continuité territoriale dont la prise en charge est réduite à son minimum (cf. infra), les surcoûts liés à l’ultrapériphéricité ne limitent pas aux prix mais concernent aussi les difficultés d’accès à des services publics faiblement disponibles sur place (santé, éducation supérieure…). Telle est la cible prioritaire pour agir sur la vie chère.

C.   Un niveau de prix plus ÉlevÉ qu’en Hexagone, encore renchÉri par la dynamique inflationniste actuelle

Constamment renchéri par la spirale inflationniste actuelle, le niveau des prix est bien plus élevé en Outre‑mer qu’en Hexagone, comme le reconnaît le ministère des Outre‑mer : « S’il est un problème qui pourrit au quotidien la vie des Ultramarins, c’est celui de la vie chère. Nos compatriotes font face à des prix élevés, voire très élevés, en tout cas trop élevés, pour se nourrir, se loger et se déplacer. » ([73]) Ce niveau général des prix supérieur s’explique à la fois par des raisons conjoncturelles, mais aussi structurelles.

1.   Pour des raisons conjoncturelles…

a.   Une inflation dans tous les secteurs, dans tous les domaines qui tend à amplifier les écarts de prix entre France hexagonale et Outre‑mer

Pour mesurer l’inflation, c’est-à-dire la hausse générale et durable des prix à la consommation, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) établit un indice des prix à la consommation, calculé chaque mois, qui montre que l’inflation a fortement depuis un an et demi.

Si entre février 2022 et février 2023, les prix en Hexagone ont progressé plus fortement qu’en Outre‑mer, de 6,3 %, l’inflation dans les territoires ultramarins reste très élevée : elle s’établit à 3,7 % en Guyane ; 4,2 % à La Réunion ; 4,4 % en Martinique ; 4,8 % en Guadeloupe et 5,9 % à Mayotte ([74]), comme le montre le tableau ci-après.

Évolution des prix sur un an, de fÉvrier 2022 à fÉvrier 2023

 (en %)

 

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Martinique

Mayotte

France hexagonale

Alimentation

10,4

8,6

7,2

11,8

12,3

14,8

Tabac

0,4

0,9

1,7

4,5

6,9

0,2

Produits manufacturés

2,8

2,2

3,7

3,6

1,0

4,7

Énergie

6,9

8,2

12,7

6,1

10,7

14,1

Services

4,2

2,2

2,5

2,0

4,9

3,0

Ensemble

4,8

3,7

4,2

4,4

5,9

6,3

Source : Insee, indice des prix à la consommation base 2015.

Ce phénomène d’inflation s’observe sur l’ensemble des produits de la consommation, mais encore plus intensément sur les produits alimentaires : environ 12 % en un an à Mayotte comme en Martinique, 10,4 % en Guadeloupe, 8,6 % en Guyane et 7,2 % à La Réunion.

Indice des prix À la consommation – ensemble des produits

Indice des prix À la consommation – Alimentation

Source : Insee, indice des prix à la consommation base 2015. Mayotte : indice des prix à la consommation de Mayotte jusqu’à 2022, indice des prix à la consommation base 2015 depuis janvier 2023.

En outre, l’écart de niveau des prix entre chaque DROM et l’Hexagone continue de se creuser, comme le montre la comparaison des deux dernières enquêtes de comparaison spatiale des prix de l’Insee sur les années 2015 et 2022.

i.   Des prix déjà nettement plus élevés en 2015 dans les DROM

En 2015, les écarts de prix sur l’ensemble des produits s’échelonnaient en moyenne de près de 7 % à Mayotte et à La Réunion, à plus de 12 % à la Martinique et en Guadeloupe. Pour le panier de consommation hexagonal, l’écart était encore plus élevé : de près de 11 % à La Réunion jusqu’à plus de 17 % en Martinique pour un ménage qui consommerait comme en Hexagone.

Pour les produits alimentaires, les écarts de prix étaient déjà particulièrement élevés en 2015, d’autant plus en ce qui concerne l’écart de prix pour le panier de consommation hexagonal : de plus de 36 % à La Réunion à près de 48 % en Martinique, en 2015.

Enfin, les résultats détaillés de l’enquête de comparaison spatiale des prix de 2015 montraient que ces écarts de prix avec l’Hexagone étaient déjà particulièrement prononcés dans les secteurs de l’alimentaire et des communications, comme le montre les graphiques ci-après.

LES ÉCARTS DE PRIX PAR GRANDES FONCTIONS
ENTRE LES dÉpartements d’outre-mer ET LA FRANCE HEXAGONALE

Écarts de Fisher en mars 2015

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale des prix 2015.

Note de lecture : À La Réunion, en 2015, les prix des produits alimentaires sont supérieurs de 28 % à ceux de la France hexagonale. C’est l’écart de prix moyen, en faisant la moyenne de l’écart de prix pour le panier métropolitain et de l’écart de prix pour le panier réunionnais (moyenne de Fisher).

ii.   Des écarts de prix encore plus importants en 2022

À la demande du rapporteur, les services de l’Insee ont fait parvenir à la commission d’enquête les premiers résultats de leur enquête de comparaison spatiale des prix 2022 pour les départements et régions d’outre‑mer (DROM) ([75]).

Les écarts de prix entre les départements d’outre‑mer et la France hexagonale sont en grande partie imputables aux biens (plutôt qu’aux services), et en particulier aux produits alimentaires. Cet écart de prix pour les biens de consommation s’explique probablement en partie par les coûts liés à l’importation de ces biens ; environ 60 % provient de France hexagonale. En 2022, les écarts de prix (indices de Fisher) pour les produits alimentaires sont de + 42 % entre la Guadeloupe et la France hexagonale, + 40 % pour la Martinique, + 39 % pour la Guyane, + 37 % pour La Réunion et + 30 % pour Mayotte. Les produits alimentaires représentent l’un des premiers postes de consommation des ménages (15 % en France hexagonale et dans la plupart des DOM, davantage à Mayotte) et celui pour lequel les écarts de prix sont les plus marqués avec la France hexagonale. Ces écarts, déjà observés en 2015, augmentent en 2022 dans les cinq DOM (+ 11 points à Mayotte, + 9 points en Guadeloupe et à La Réunion, + 6 points en Guyane et + 2 points en Martinique).

Comme en 2015, les prix restent plus élevés dans tous les DROM par rapport à l’Hexagone, mais ces écarts de prix – déterminés sur la base des « écarts de Fisher » ([76]) – se creusent encore plus en 2022, comme le montre le tableau ci-dessous.

RÉsultats d’ensemble de l’enquÊte de comparaison spatiale des prix (moyenne tous produits) sur 2015 et 2022

Un écart de prix entre les DROM et l’Hexagone qui continue de se creuser, en particulier pour le panier de consommation hexagonal

(en %)

 

Écart de Fisher DROM/France hexagonale

Écarts
DROM/ France hexagonale (panier de consommation hexagonal)

Écarts
DROM/ France hexagonale
(panier de consommation domien)

Années

2015

2022

2015

2022

2015

2022

Guadeloupe

12,5 %

15,8 %

17 %

19,2 %

8,1 %

12,6 %

Martinique

12,3 %

13,8 %

17,1 %

17,1 %

7,6 %

10,6 %

Guyane

11,6 %

13,7 %

16,2 %

17,6 %

7,3 %

10,0 %

La Réunion

7,1 %

8,9 %

10,6 %

12,3 %

3,7 %

5,5 %

Mayotte
(hors loyers)

6,9 %

10,3 %

16,7 %

17,7 %

-2,0 %

3,4 %

Source : Insee, enquêtes de comparaison spatiale des prix 2015 et 2022.

Note de lecture : L’écart de prix de Fisher est de + 15,8 % en Guadeloupe par rapport à la France hexagonale. C’est la moyenne entre deux approches. D’une part, en prenant comme référence le panier de consommation des ménages de France hexagonale, les prix en Guadeloupe sont en moyenne supérieurs de 19,2 %. D’autre part, en prenant comme référence le panier guadeloupéen, les prix en Guadeloupe sont en moyenne supérieurs de 12,6 %.

Champ : France, consommation des ménages hors fioul, gaz de ville et transports ferroviaires, et pour Mayotte, hors loyers.

Ainsi, alors que l’écart de Fisher était de 12,3 % en 2015 en Martinique par rapport à la France hexagonale, il s’élève à 13,8 % en 2022 pour ce même territoire. Cette aggravation de l’écart de prix entre 2015 et 2022 se mesure sur chacun des DROM : en Guadeloupe, l’écart de Fisher passe de 12,5 % à 15,8 % ; en Guyane, de 11,6 % à 13,7 % ; à La Réunion, de 7,1 % à 8,9 %, et à Mayotte, de 6,9 % à 10,3 %.

Ce creusement de l’écart de prix est encore plus flagrant en ce qui concerne le panier de consommation hexagonale : en prenant comme référence le panier des ménages de la France hexagonale, les prix en Guadeloupe étaient en moyenne supérieurs de 17 % en 2015, ils le sont désormais à hauteur de 19,2 % en 2022.

Les écarts de prix entre l’Hexagone et les DROM transparaissent également dans l’analyse des prix du « panier domien » : en prenant comme référence le panier guadeloupéen, les prix en Guadeloupe sont passés d’un taux en moyenne supérieur de 8,1 % en 2015 à 12,6 % en 2022. Pour le panier martiniquais, les prix en Martinique sont en 2022 supérieurs à l’Hexagone de 10,6 % alors que c’était 7,6 % en 2015. Pour le panier de consommation d’un Guyanais, les prix en Guyane sont désormais supérieurs de 10 % par rapport à l’Hexagone, contre, 7,3 % en 2015. À La Réunion, pour le panier moyen d’un Réunionnais, les écarts de prix avec l’Hexagone sont passés de 3,7 % en 2015 à 5,5 % en 2022. À Mayotte, alors que le panier de consommation mahorais était moins cher en 2015 à Mayotte de 2 % par rapport à l’Hexagone, celui-ci est en 2023 devenu plus cher de 3,4 %.

L’Insee montre également que, dans tous les DROM, les prix sont plus élevés pour la quasi-totalité des grands postes de consommation. Les écarts de prix sont dans l’ensemble plus élevés pour les biens que pour les services. Les écarts de prix (écarts de Fisher) les plus élevés concernent, comme dans les enquêtes précédentes, les produits alimentaires : plus de 30 % à Mayotte, plus de 36 % à La Réunion, plus de 39 % en Guyane, plus de 40 % en Martinique, près de 42 % en Guadeloupe.

Écarts de prix (Écarts de Fisher) par grandes fonctions de consommation entre les DOM et la France HEXAGONALE en 2022

(en %)

Fonction de consommation

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Produits alimentaires et boissons non alcoolisées

41,8

40,2

39,4

36,7

30,2

Boissons alcoolisées et tabac

24,8

22,6

-2,1

27,3

40,0

Articles d’habillement et chaussures

7,4

8,5

-1,7

-2,5

-6,8

Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles, dont :

3,8

7,0

5,5

-6,0

-1,3

Loyers

4,4

2,5

9,7

4,7

n. d.

Meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer

11,6

25,4

8,6

7,0

19,3

Santé

16,1

13,4

16,5

8,9

16,9

Transports

8,5

-4,7

5,8

-4,0

-4,7

Communications

36,0

37,4

35,3

24,5

11,9

Loisirs et culture

16,6

14,1

14,5

13,7

-0,2

Restaurants et hôtels

1,4

7,9

4,5

6,2

12,8

Biens et services divers, y c. enseignement

16,0

10,1

13,4

8,2

7,4

Ensemble, dont :

15,8

13,8

13,7

8,9

10,3

Biens

20,6

19,2

17,2

13,3

14,9

Services

10,5

7,5

9,9

3,8

n. d.

Services hors loyers

11,4

8,4

9,8

3,7

5,4

n. d. : non disponible.

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale des prix 2022.

Note : l’écart moyen ou indice de Fisher correspond à la moyenne géométrique des écarts de prix calculés, l’un sur la base du panier de consommation moyen du DOM, l’autre sur la base du panier moyen de France hexagonale.

Lecture : en 2022, les prix des biens sont en moyenne (indice de Fisher) supérieurs de 20,6 % en Guadeloupe à ceux de France hexagonale.

Champ : France, consommation des ménages hors fioul, gaz de ville et transports ferroviaires et, pour Mayotte, hors loyers.

Ces écarts de prix sur les produits alimentaires entre les DROM et la France hexagonale sont importants, qu’on les mesure en référence aux habitudes de consommation dans chaque DROM ou en référence aux habitudes de consommation dans l’Hexagone.

ÉCARTS DE PRIX POUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES
ENTRE LES DOM ET LA FRANCE HEXAGONALE EN 2022

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix 2022

Note : l’écart moyen ou indice de Fisher correspond à la moyenne géométrique des écarts de prix calculés, l’un sur la base du panier de consommation moyen du DOM, l’autre sur la base du panier moyen de France hexagonale.

Lecture : en 2022, l’écart de prix (indice de Fisher) est de +36,7 % pour les produits alimentaires à La Réunion par rapport à la France hexagonale.

Champ : France, consommation de produits alimentaires et boissons non alcoolisées des ménages.

b.   Si le niveau actuel d’inflation apparaît ponctuellement plus faible que dans l’Hexagone, il s’applique à des prix historiquement plus élevés

Lors des auditions menées par la commission d’enquête, plusieurs personnes ont insisté sur le fait qu’il y aurait actuellement un niveau plus faible d’inflation en Outre‑mer par rapport à la France hexagonale. Le ministre délégué chargé des Outre‑mer expliquait ainsi que, « à la Martinique, l’inflation s’est élevée à 4,2 % en 2022 au total, contre 5,9 % en métropole, et à 5,5 % s’agissant des produits alimentaires, contre 12,7 % en métropole. Dans le domaine de l’énergie, elle a été limitée à 15 %, contre 23 % en métropole. » ([77])

Cependant, ce dernier a reconnu que, « si elle est plus faible que dans l’Hexagone, cette inflation s’applique à des prix plus élevés » ([78]) : le niveau de départ des prix était en effet largement supérieur à celui constaté en Hexagone pour la même période. Ainsi, pour le rapporteur, comparer le niveau d’inflation dans les territoires d’outre‑mer et en Hexagone n’a pas de sens, car le point de départ est différent : si la vie est déjà 40 % plus chère dans ces territoires, une inflation de 4,2 % est nettement bien plus difficile à supporter.

c.   La question du décalage des répercussions de l’inflation dû aux délais d’approvisionnement et de stockage

Un autre élément qui ne transparaît pas lorsque l’on mentionne l’apparente faiblesse de l’évolution du taux d’inflation en Outre‑mer relativement à celle de l’Hexagone est le décalage temporel qui existe entre le niveau d’inflation et ses répercussions sur les économies ultramarines.

En effet, l’exiguïté des marchés et les difficultés d’approvisionnement et d’accès aux économies ultramarines impliquent que les territoires ultramarins aient des capacités de stockage plus importantes, comme l’expliquaient les représentants des chambres de commerce et d’industrie membres de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des Outre‑mer (ACCIOM) ([79]) lors de leur audition : « Le monopole de la compagnie CGA CGM provoquant des difficultés de transport maritime, les entrepreneurs guyanais sont obligés de stocker pour éviter les ruptures d’approvisionnement. » Dès lors, l’augmentation des surfaces de stockage liée aux difficultés de transport et d’approvisionnement occasionnent des coûts supplémentaires dans les entreprises ultramarines, car le prix du foncier et de l’immobilier logistique est plus coûteux sur ces territoires : « Lorsqu’un entrepôt coûte 3 ou 4 euros du mètre carré en métropole, il en coûte 12 dans les Outremer. Il faudrait donc doubler nos surfaces pour pouvoir stocker ces produits et finalement, le consommateur lui-même paierait ce coût d’entreposage. […] Notre organisation, toujours pour être les moins chers possible, consiste à fonctionner avec des stocks minimums » déclaraient les représentants du Groupe Bernard Hayot, leader industriel dans les DROM ([80]). Or, toutes les entreprises ultramarines ne sont pas en capacité de se rapprocher de ce modèle à flux tendu. Ainsi, les entreprises dont le modèle économique implique d’assurer un volume de stock plus important sont amenées à répercuter ces coûts de stockage supplémentaires sur leur prix de vente, comme l’expliquent les dirigeants du groupe CréO : « Du fait de l’éloignement, nous sommes obligés d’avoir un stock de 30 jours de couverture, contre 15 jours pour un opérateur hexagonal. Les conséquences sont doubles. D’une part, nous avons besoin de deux fois plus de surface disponible. D’autre part, nous fonctionnons à l’inverse du modèle traditionnel de la distribution, où le besoin en fonds de roulement (BFR) est négatif : généralement, le distributeur paye le fournisseur après que le client l’a payé. Nous devons donc financer le stock. » ([81])

Par ailleurs, ces stocks conséquents ont été constitués par des approvisionnements de produits achetés à des prix moindres que ceux actuellement sur le marché. Les prix n’ont donc pas été immédiatement impactés à hauteur de la forte dynamique d’inflation liée à la reprise économique post-Covid-19 et à la guerre en Ukraine. Dans cette perspective, le rapporteur se dit inquiet vis-à-vis de l’épuisement à venir de ces stocks : les entreprises vont devoir reconstituer leurs stocks à des prix qui auront considérablement augmenté. Cette augmentation globale des coûts de production aura alors nécessairement des répercussions sur les prix de vente.

Cette problématique a notamment été soulignée lors de l’audition de la présidente de l’Institut d’émission des départements d’outre‑mer (Iedom) : « L’effet "stocks" se voit aussi sur l’inflation, car la courbe de rebond de l’inflation a été décalée dans le temps en Outremer par rapport à ce que l’on a vu dans l’Hexagone […]. On voyait que l’inflation était moindre, et on s’interrogeait sur l’explication possible ; or nous avons vu que c’est un décalage dans le temps qui s’explique aussi par cet effet "stocks". » ([82])

Face à ce risque de rebond et d’accélération de l’inflation lié au renouvellement des stocks dans les territoires ultramarins, le rapporteur interroge le manque d’anticipation et d’action des autorités publiques, le ministre chargé des Outre‑mer s’étant montré sceptique face à cette problématique d’ampleur qui risque, à nouveau, d’alourdir le coût de la vie des ultramarins : « En matière économique, je ne crois pas à la mécanique. Par ailleurs, la crise dure depuis 2020, et il n’y a pas eu d’augmentation des prix du fait de la recréation des stocks. » ([83]) Il apparaît donc plus qu’urgent d’agir, aux yeux du rapporteur, pour réduire le coût de la vie des ultramarins à court, moyen et long terme.

2.   … et surtout pour des raisons structurelles :

Tous ces facteurs liés à l’inflation conjoncturelle viennent accentuer un coût de la vie déjà élevé du fait de causes structurelles. Le coût de la vie dans les Outre‑mer est en effet structurellement supérieur à celui en Hexagone.

a.   Indépendamment du contexte économique actuel, un problème de coût de la vie propre aux Outre‑mer et excessif depuis longtemps

i.   Un phénomène ancien…

Le coût élevé de la vie dans les Outre‑mer est une problématique ancienne, qui concerne autant les départements et régions français d’outre‑mer (DROM) que les collectivités d’outre‑mer (COM).

Dès 1985, comme l’illustrent les tableaux ci-dessous fournis par l’Insee, la problématique du coût de la vie et des écarts de prix était évaluée par l’Insee dans les DROM, signe d’un problème ancien dès avant cette date. C’est la conséquence d’un modèle d’économie de comptoir en place depuis la période de la colonisation, qui s’est enraciné et aggravé depuis désormais près de quatre décennies, marquant des générations ultramarines sur le long terme.

LES ÉCARTS DE PRIX ENTRE LES DOM ET L’HEXAGONE EN 1985, 1995, 2010 ET 2015

(en %)

 

Sur la base
d’un panier de consommation hexagonal

Sur la base d’un panier de consommation local

 

1985

1992

2010

2015

2010

2015

Martinique

Ensemble hors loyers

16,2 %

8,4 %

17,6 %

18,1 %

– 2,6 %

– 7,7 %

Martinique

Ensemble y compris loyers

n.d.

8,4 %

16,9 %

17,1 %

– 2,9 %

– 7,1 %

Guadeloupe

Ensemble hors loyers

17,3 %

9,5 %

15,9 %

17,4 %

– 2,3 %

– 7,6 %

Guadeloupe

Ensemble y compris loyers

n.d.

10,0 %

14,8 %

17,0 %

– 2,2 %

– 7,5 %

Guyane

Ensemble hors loyers

20,9 %

18,5 %

19,1 %

16,4 %

– 4,6 %

– 6,4 %

Guyane

Ensemble y compris loyers

n.d.

20,5 %

19,6 %

16,2 %

– 6,4 %

– 6,8 %

La Réunion

Ensemble hors loyers

18,2 %

12,5 %

12,9 %

11,0 %

– 0,3 %

– 3,4 %

La Réunion

Ensemble y compris loyers

n.d.

15,6 %

12,4 %

10,6 %

– 0,4 %

– 3,6 %

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale des prix.

n.d. : non disponible

Note : Au cours du temps, le champ de l’enquête s’est élargi. Il n’était donc pas identique à chacune de ces quatre dates.

Champ : consommation des ménages hors fioul, gaz de ville et transports ferroviaires.

À Mayotte, la première enquête de comparaison spatiale des prix a été menée en 2015. Toutefois, la comparaison y est plus difficile car la structure de consommation des ménages est éloignée de celle constatée en France hexagonale. Par exemple, les dépenses en produits alimentaires représentaient 25 % des achats de biens et services à Mayotte contre 16 % en Hexagone. En 2018, l’écart de prix mesuré entre Mayotte et la France hexagonale atteignait 6,9 % (hors loyers). Alors que consommer le panier moyen mahorais sur le continent coûte 2 % plus cher, à l’inverse, un panier de consommation hexagonal effectué à Mayotte coûte 16,7 % plus cher qu’en Hexagone. Concernant les produits alimentaires, ce taux monte jusque 42 % plus cher.

Les Écarts de prix par grandes fonctions
entre mayotte et la France hexagonale en mars 2015

(en %)

Fonction

Écarts Mayotte/Hexagone (panier de consommation hexagonal)

Écarts

 Hexagone /Mayotte

(panier de consommation mahorais)

Écarts de Fisher

Mayotte/Hexagone

Produits alimentaires et boissons non alcoolisées

42,2

0,0

19,2

Boissons alcoolisées et tabac

63,6

-27,6

50,4

Réparation, matériaux pour travaux et charges du logement

-9,4

22,6

-14,0

Meubles, électroménager, entretien courant de la maison

24,8

-15,6

21,6

Santé

11,6

-15,6

15,0

Transports

1,1

14,9

-6,2

Communications

35,3

-15,7

26,7

Loisirs et culture

26,7

3,0

10,9

Restaurants

8,7

-8,2

8,8

Autres biens et services, y c, enseignement, habillement et chaussures

3,9

11,5

-3,5

Ensemble

16,7

2,0

6,9

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale des prix 2015

Note de lecture : À Mayotte, en 2015, les prix alimentaires sont supérieurs de 19,2 % à ceux de la France hexagonale. Le panier de courses hexagonal coûte 42 % plus cher à Mayotte. Le panier de courses mahorais coûte 17 % moins cher en Hexagone. La moyenne de Fisher de ces deux écarts est de 28 %.

Les collectivités d’outre-mer (COM) sont également très fortement concernées par la problématique du coût de la vie et du pouvoir d’achat.

Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire de moins de 6 000 habitants, s’étend sur 242 kilomètres carrés et est particulièrement marqué par son éloignement de l’Hexagone : il ne peut donc être essentiellement desservi que par la voie maritime. Dans la mesure où beaucoup de produits distribués à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon proviennent du Canada, ce territoire dépend de la situation du dollar canadien et est donc historiquement concerné par le phénomène d’inflation importée : « Par le passé, le territoire a donc subi une inflation importée par ce biais, mais ce phénomène tend à se tasser. » ([84]) En outre, compte tenu du faible nombre d’habitants, le marché est relativement étroit et n’apparaît pas assez intéressant économiquement pour inciter l’implantation des grands groupes internationaux. D’après une étude lancée par l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon, « l’évolution des prix à la consommation est plus élevée qu’en métropole, de l’ordre de 9 % en 2022, ce qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs ». Or, « l’inflation importée ne suffit pas à elle seule à expliquer la hausse des prix à la consommation. Ensuite, l’étude a souligné que les taux de marge avaient bien eu tendance à augmenter et que cette augmentation était en partie responsable de la hausse des prix. Les taux de marges commerciales sont en moyenne dans la norme de la métropole, mis à part l’agroalimentaire. » ([85])

Concernant Saint-Barthélemy, si l’ouragan Irma et la pandémie ont contribué à augmenter son coût de la vie, celui-ci était d’ores et déjà élevé sur ce territoire attractif par son dynamisme économique. L’économie de l’île repose en effet principalement sur le tourisme, en particulier l’hôtellerie et la restauration, et doit donc répondre à un besoin croissant d’employés et de saisonniers : « Pour assurer la pérennité de la main-d’œuvre, les employeurs sont contraints de trouver à tout prix des logements, ce qui provoque une surenchère des loyers. Le tourisme haut de gamme nécessite de construire des infrastructures de haut niveau. Il faut bâtir du neuf, rénover les immeubles existants. Le secteur de la construction est très dynamique. Après le passage de l’ouragan Irma, 700 millions d’euros ont été versés par les assurances pour la reconstruction de l’île, et les carnets de commandes sont remplis pour plusieurs années. Certains bâtiments ne sont toujours pas reconstruits. » ([86])

À Saint-Martin, qui a fait l’objet d’un déplacement par une délégation de la commission d’enquête, la situation est également particulière puisque l’île est coupée en deux territoires : une collectivité d’outre-mer française d’une part et un pays constitutif du royaume des Pays-Bas d’autre part. Cette particularité contribue à renchérir les coûts de la vie sur ce territoire ultramarin, comme l’explique le député Frantz Gumbs : « Sur une superficie de 100 km2, tout est en double exemplaire. […] L’île compte deux usines de désalinisation de l’eau de mer, deux usines de production d’électricité, deux décharges. […] Pire, l’usine hollandaise de désalinisation de l’eau de mer produit de l’eau douce à un coût moins élevé que l’usine française. Pourtant, les deux usines appartiennent à l’entreprise française Veolia qui met en œuvre une technologie identique des deux côtés de l’île. » ([87]) Par ailleurs, à Saint-Martin, il n’y a pas de grands groupes permettant d’effectuer des économies d’échelles, comme le souligne la présidente de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM) : « Seules huit entreprises, telles qu’EDF, la collectivité et quelques hôtels, emploient plus de cinquante salariés. Les grands groupes ne sont pas obligés de s’immatriculer chez nous. » ([88]) Par ailleurs, l’île de Saint-Martin est caractérisée par une double insularité : « Loin de la métropole, loin de la Guadeloupe, le coût de la continuité territoriale est en constante augmentation. Un déplacement entre Saint-Martin et la Guadeloupe, distante de moins de 200 kilomètres, coûte 450 euros, contre environ 600 euros pour un Paris-Martinique, un Paris-Saint-Martin ou un Paris-Guadeloupe, peut-être parce que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont des destinations très demandées. » ([89])

La vie chère n’épargne pas non plus les îles de Wallis et Futuna. Le Service territorial de la statistique et des études économiques de Wallis-et-Futuna (STSEE) montre que, au premier trimestre 2023, les prix sont en hausse de 4,6 % sur les douze derniers mois et de 1,42 % par rapport au trimestre précédent.

Enfin, en Polynésie française, le niveau de prix est plus élevé qu’en France hexagonale : « Les derniers résultats datent de 2016 et concluent à des prix plus élevés de 39 % en Polynésie française. […] Les principales contributions aux écarts de prix venaient des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées – 12 % –, du logement – 6 % – et des autres biens et services, particulièrement des assurances  4,5 %. » ([90]) Parallèlement, le niveau de vie est moins élevé en Polynésie française qu’en Hexagone, selon l’enquête du budget de familles de l’Insee : « Le revenu médian mensuel par unité de consommation a été estimé à 905 euros en Polynésie française ; il était de 1 692 euros en métropole, soit un écart de 46,5 %. Cet écart s’explique, pour partie, par le marché de l’emploi. En Polynésie française, le taux d’emploi est plus faible qu’en métropole : 53 % contre 68 %. De plus, l’allocation chômage n’existe pas en Polynésie : si l’on est sans emploi, on ne bénéficie d’aucun revenu au titre du chômage. » ([91])

ii.   ... pénalisant d’abord les ménages les plus modestes

Ce niveau de prix élevé pèse plus lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. « Les dépenses de première nécessité, telles que se nourrir et se loger, représentent une part plus importante de leurs dépenses : en 2016, elles représentaient [en Polynésie] 47,8 % des dépenses des ménages modestes, contre 42,4 % pour la moyenne des ménages. » ([92])

iii.   Des mouvements sociaux de contestation engendrés par la vie chère

Cet accroissement des inégalités socio-économiques vis-à-vis de l’Hexagone et au sein même des territoires, conjugué à une pression toujours à la hausse sur le niveau des prix pour une population ultramarine fortement captive a contribué à renforcer la fracture sociale sur ces territoires.

Ainsi, fin 2008 en Guyane, de janvier à mars 2009 aux Antilles, en 2011 à Mayotte, de mars à avril 2017 en Guyane, de février à avril 2018 à Mayotte et de novembre à décembre 2018 à La Réunion : chaque territoire régi par l’article 73 de la Constitution, et certaines collectivités régies par l’article 74 – comme Wallis-et-Futuna en 2012 – ont été marqués par des mouvements de forte contestation contre la vie chère. Ces mobilisations, dénonçant les inactions de l’État face à la domination économique des grands groupes et à la dégradation des niveaux de vie, se sont traduites par des fermetures de magasins, des blocages d’infrastructures de mobilité (routes, aéroports, ports), l’occupation de lieux symboliques (ronds-points, places, parvis de mairie) mais aussi par des confrontations avec les forces de l’ordre et les représentants de l’État. Elles traduisent un véritable malaise ressenti par les populations vis-à-vis de leur pouvoir d’achat, de l’accès à l’emploi, des inégalités socio-économiques ou encore de l’insécurité.

Malgré les négociations, la signature d’accords ou encore la tenue d’états généraux en Outre‑mer, la vie chère continue d’être, en 2023, une réalité qui reste insupportable pour les Ultramarins, comme l’a souligné le rapporteur lors des auditions réalisées dans le cadre de la commission d’enquête.

Or, ce coût de la vie élevé en Outre‑mer est un facteur déterminant dans la cristallisation des mécontentements des populations ultramarines vis-à-vis des représentants de l’autorité publique. Pour le rapporteur, la vie chère, conséquence du coût de la vie en Outre‑mer, est donc un sujet auquel il faut s’atteler de toute urgence pour éviter une nouvelle crise sociale d’ampleur.

b.   Des causes structurelles liées aux caractéristiques économiques et historiques des petits États insulaires ?

« Au-delà de l’inflation conjoncturelle, il y a, bien sûr, des causes structurelles qui sont connues et d’ailleurs reconnues par le traité de fonctionnement de l’Union européenne : l’isolement géographique, la dépendance aux transports et l’étroitesse du marché domestique qui induit de faibles économies d’échelle. » ([93])

La cherté de la vie s’explique également par des raisons structurelles, liée à la géographie de ces petits États insulaires en développement (PEID). Les territoires ultramarins sont en effet marqués par des déterminants structurels, liés à leur éloignement de l’Hexagone, à leur isolement, à leur caractère insulaire, à des reliefs difficiles et à une taille de marché réduite. Lutter contre la vie chère présuppose donc de ne pas nier ces phénomènes objectifs de renchérissement du coût de la vie.

i.   L’éloignement : des coûts d’approche et de stockage renchérissant les prix

Les petites économies insulaires sont éloignées géographiquement à la fois des zones économiques les plus importantes, mais également du pouvoir central qui s’est historiquement construit en France hexagonale.

Ces surcoûts liés à l’éloignement sont constitués par :

 des frais d’approche, avec les coûts du transport, de stockage, de logistique, de conditionnement et de distribution des marchandises, qui viennent peser sur le prix des produits importés destinés à la revente en l’état ;

– des marges sur les frais d’approche, car ces derniers entrent dans le prix d’acquisition des marchandises et donc dans l’assiette de la marge commerciale des intermédiaires ;

– des frais d’approche et des marges sur ces mêmes frais, qui viennent grever les consommations intermédiaires importées des opérateurs martiniquais, à savoir mes producteurs locaux et les distributeurs.

ii.   L’exigüité : étroitesse des marchés, faiblesse des économies d’échelle potentielles, faibles débouchés, problème du foncier

Cette exiguïté du marché domestique limite les économies d’échelle et majore donc les coûts de production des industriels.

Les surcoûts liés à l’étroitesse du marché peuvent avoir plusieurs origines.

Ils peuvent tout d’abord provenir de l’étroitesse du marché du travail. Certaines professions sont en effet confrontées à une rareté de la main d’œuvre qualifiée qui, conjuguée aux compléments de rémunération dans le secteur public, peut conduire à majorer les taux de rémunération. Cependant, les ratios sectoriels de l’Institut d’émission des départements d’outre‑mer (Iedom) de 2020 ([94]) montrent que le coût apparent de la main d’œuvre dans les industries-agroalimentaires (48 700 euros) serait comparable à celui en Hexagone (49 800 euros), tandis que la productivité du travail en Martinique s’avérerait parfois supérieure à celle de l’Hexagone, comme en 2020 dans le secteur de l’industrie alimentaire où le rendement de la main d’œuvre en Martinique était de 95 100 euros contre 82 600 euros en Hexagone ([95]). Ces données montrent que les imperfections du marché du travail liées à l’exiguïté du marché ne sont pas de nature à constituer un handicap assez substantiel pour justifier les écarts de prix de production. Néanmoins, il faut noter que le tissu productif dans les Outre‑mer est principalement composé de petites et moyennes entreprises (PME), ce qui limite les débouchés économiques.

Ensuite, l’étroitesse du marché peut avoir des conséquences sur le niveau de concurrence, et donc sur le niveau des prix. En effet, un environnement concurrentiel limité favorise la création de monopoles ou de duopoles. Or, en situation de concurrence oligopolistique, avec un très faible nombre d’acteurs économiques, les entreprises ont la capacité de fixer leur prix sur le marché, non seulement en fonction de leurs coûts, mais également en fonction de la disposition à payer des consommateurs. Dans une telle configuration économique, les surcoûts s’expliquent par un niveau élevé de marges productives, comme en témoignent, les ratios sectoriels de l’Iedom en Martinique en 2020 : le taux de marge productive des industries agro-alimentaires martiniquaise (42,9 %) était supérieur de près de huit points à celui des industries agro-alimentaires hexagonales (35,3 %).

Ce constat se vérifie également en 2021 ([96]) : alors que le taux de marge des entreprises martiniquaises de ce secteur était de 44,5 %, celui en Hexagone était de 38,1 % , soit 6,4 points de différence.

Enfin, l’exiguïté du marché et la rareté du foncier induisent une majoration des coûts de production en limitant la capacité des entreprises à effectuer des économies d’échelles en comparaison à celles pouvant être réalisées en Hexagone. Les entreprises sont en effet limitées dans leur capacité à accroitre la quantité de leur production de telle manière qu’elles puissent abaisser le coût unitaire de production de leurs produits. Par exemple, le taux de rentabilité nette du capital d’exploitation en Martinique était de 7,5 % en 2020 contre 12,8 % en Hexagone. En 2021, il était respectivement de 10,6 % contre 17,9 % en Hexagone ([97]).

iii.   L’insularité : le renchérissement des prix par l’isolement et la sensibilité aux phénomènes climatiques extrêmes

Les territoires ultramarins sont également caractérisés par une forte dépendance insulaire, y compris la Guyane qui, « sans être une île, présente une longueur de côte relativement importante par rapport à sa superficie ou par rapport à l’ensemble de ses frontières » ([98]).

Cette insularité implique un isolement de ces territoires : les seuls moyens de desserte et de désenclavement de ces territoires sont des moyens de transport par bateau ou par voie aérienne, ce qui limite et renchérit les flux et les mobilités avec l’extérieur.

L’étroitesse du marché, évoquée précédemment, implique la difficulté pour ces territoires ultramarins de subvenir à eux seuls à l’ensemble des besoins des populations. Ainsi, d’une part, l’insularité crée une forte dépendance externe de ces îles aux importations, comme l’expliquait lors de son audition le groupe Wane, acteur majeur de la Polynésie française : « 72 % des produits proposés dans nos magasins sont des produits importés. » ([99]) D’autre part, le caractère insulaire d’un territoire le rend fortement sensible aux fluctuations économiques : « La crise russo-ukrainienne a eu un impact beaucoup plus important sur les territoires, entraînant des ruptures de stocks de matériaux et générant une tension évidente. Les territoires sont au final petits, éloignés et rapidement impactés par le contexte international. » ([100])

La diversité des reliefs géographiques et le caractère abrupt des dénivelés limitent la mobilité des ultramarins au sein de ces territoires et accentuent leur captivité sur le marché : les consommateurs disposent de peu, voire pas, d’alternative concernant l’achat de produits ou de prestation de services. Ils se retrouvent ainsi fortement contraints de procéder à l’achat de produits ou de prestations à proximité de leur lieu de vie, malgré des prix élevés desquels ils se détourneraient s’ils avaient eu un plus large choix pour faire leurs achats. Ce phénomène était notamment souligné dans l’étude pour l’OPMR de La Réunion de 2022 : « Compte tenu des spécificités du marché de La Réunion, et notamment de son périmètre insulaire limité et contraint, n’offrant aux fournisseurs et producteurs locaux que très peu d’autres alternatives que le marché de la grande distribution, représentant au demeurant pour la plupart d’entre eux plus des deux tiers de leur activité, la montée en puissance effective du groupe GBH les place inéluctablement et mécaniquement en situation de dépendance économique, à hauteur au minimum de la part de marché qu’atteint déjà ce dernier soit environ 37 %. Ce niveau de dépendance est bien supérieur au seuil d’alerte de 22 % défini par les autorités de concurrence européennes et en particulier l’Autorité de la concurrence en France. » ([101])

En outre, les territoires caractérisés par une forte insularité sont plus exposés aux phénomènes climatiques extrêmes, tels que les cyclones, les ouragans, les incendies ou les inondations : « Les petites économies insulaires sont particulièrement exposées et vulnérables à ces évolutions climatiques. Ce phénomène influe fortement et clairement sur le coût de la vie, notamment sur l’augmentation des prix des produits alimentaires, qui ne s’atténuera pas dans les années à venir. Le prix de l’eau et le prix de l’énergie augmenteront également si les conditions de production et de consommation actuelles ne sont pas modifiées. » ([102])

Par ailleurs, si les ménages ultramarins sont plus exposés aux catastrophes naturelles qu’en France hexagonale, avec une augmentation prévue de 20 % du nombre de sinistres graves à l’horizon 2050 ([103]), les ménages vivant en Outre‑mer sont nettement moins nombreux à être assurés, que ce soit à cause de l’insalubrité de leurs logements, qui les rend non assurables, ou du coût de l’assurance : les Ultramarins subissent donc une forme de double peine. Une mission d’étude sur l’assurabilité des risques climatiques a été lancée par l’État qui reconnait que « si nous n’y prenons pas garde, le risque existe que des millions de nos compatriotes ne soient plus assurés dans les années qui viennent » ([104]), au risque de renchérir encore le coût de la vie dans ces territoires.

Ainsi, comme le résume l’Insee, « la taille et l’isolement des territoires ultramarins jouent vraisemblablement un rôle important dans le renchérissement du coût de la vie. D’une part, la part importée importante dans les produits consommés implique des coûts de transport plus élevés pour leur acheminement. D’autre part, lorsque les biens sont produits localement l’étroitesse du marché limite les rendements d’échelle résultant ainsi à des prix plus élevés. Enfin, peu d’acteurs sont présents dans le marché local ce qui peut impliquer un manque de concurrence qui peut avoir tendance à tirer les prix vers le haut. » ([105])

L’éloignement, l’exiguïté des marchés et l’insularité sont donc des facteurs permanents et structurels de renchérissement du coût de la vie dont il faut tenir compte. Cependant, elles ne peuvent suffire à expliquer, avec l’inflation conjoncturelle, le niveau des prix actuels et les écarts de richesse et de niveau de vie qui continuent de se creuser entre les territoires ultramarins et l’Hexagone.

Le rapporteur ne comprend donc pas pourquoi ces raisons, évoquées comme un fait nouveau alors qu’elles ne sont que des évidences historiques et géographiques permanentes, permettent de justifier un accroissement continu des différentiels de niveaux de vie et surtout une augmentation notable du coût de la vie.

D.   Aussi rÉelles et objectives soient-elles, ces raisons ne peuvent à elles seules expliquer de tels Écarts de niveau de vie : il faut donc examiner l’ensemble des causes potentielles dans chacun des secteurs

1.   Un phénomène qui concerne tous les secteurs étudiés par la commission

a.   Transport aérien

Du fait de leur isolement géographique et de la nécessité de se rendre dans l’Hexagone pour étudier, se faire soigner, développer une activité économique, les liaisons aériennes sont autant de lignes de vie pour les territoires ultramarins. Ce n’est pas un sujet de loisirs et de vacances pour les Ultramarins.

L’explosion des prix des billets d’avions est donc un sujet d’importance majeure pour l’ensemble de ses territoires.

Le ministre délégué chargé des Outre‑mer M. Jean-François Carenco, avait déclaré le 6 décembre 2022 devant les Assises économiques des Outre-mer au sujet des prix des billets d’avion : « Caper le prix des billets comme certains le demandent, vu l’état des compagnies c’est juste un propos irresponsable. » ([106]) Si la solution n’est pas dans la mise en place d’un plafond, elle n’est pas non plus dans le statu quo car comme le constate le rapporteur, la hausse des prix des billets comparativement à l’année précédente est réelle. Le rapporteur s’indigne et estime qu’il n’est pas supportable pour les Ultramarins de payer ce prix car cela entrave la continuité territoriale.

Il a eu l’occasion de dénoncer l’isolement dans lequel se trouvent ces populations notamment à l’occasion de l’audition de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) : « Sur un budget de 1 500 euros, au niveau le plus bas de l’année, le prix s’élève à 1 000 euros sans bagages. Vous ne voyagez pas sans bagages ; ce n’est pas un ressenti. Nous sommes donc enfermés sur un territoire au vu de l’impossibilité de voyager. » ([107])

indice des prix du transport aÉrien de passagers
entre l’Hexagone et les dÉpartements d’outre-mer

Source : Ministère chargé des transports, indice des prix du transport aérien de passagers, 15 juin 2023

Lors des auditions des compagnies aériennes ([108]) et de la DGAC, diverses raisons ont été évoquées afin de tenter de justifier ces prix exorbitants. Toutes les justifications vont dans le sens du rapport du Sénat sur la continuité territoriale qui dresse le constat suivant : « L’état de santé des compagnies opérant vers les Outremer français était précaire, en dépit d’un retour plus rapide qu’anticipé à des niveaux d’activité élevés. La crise sanitaire a forcé les compagnies à s’endetter ou à épuiser leur trésorerie. » ([109]) Les compagnies aériennes se sont dédouanées de toute responsabilité, ce que M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair a résumé maladroitement de la manière suivante : « Vous parlez à une assemblée de pauvres avec des marges ridicules ; regardez nos résultats. » ([110]), intervention qui n’a pas manqué de susciter l’indignation du rapporteur.

Les compagnies ont assuré devant cette commission ne faire des marges que très faibles « les compagnies aériennes ne réalisent pas de marges importantes ; nous sommes plutôt vers l’équilibre. Une compagnie qui réaliserait des marges observerait un pourcentage de l’ordre de 1 % à 2 %. » ([111]), « les marges que nous réalisons en Outremer sont très en dessous de ce que nous constatons sur le reste de notre réseau long-courrier. Celles que nous dégageons dans les moins forts viennent compenser celles que nous avons dans les marges négatives que nous avons dans les moins faibles. » ([112])

Certaines raisons évoquées ne seraient pas du ressort des acteurs de l’aérien mais seraient plutôt des conséquences de phénomènes structurels liés à ces territoires. La volatilité du marché est la cause la plus évoquée pour justifier cela et elle serait causée par la saisonnalité des vols qui équivaut sur les prix des billets à « + 25 % en juillet-août par rapport aux moyennes annuelles vers les DROM contre + 14 % pour les long-courriers internationaux équivalents » ([113]). La DGAC soutient cela : « Nous observons de façon traditionnelle que la volatilité du marché est un peu supérieure à celle des autres lignes. » ([114]) En effet, cet élément est « l’environnement de marché. La concurrence engendre la possibilité pour les clients de bénéficier de prix très attractifs en période creuse. La concurrence limite néanmoins les efforts que les compagnies peuvent faire en période de pointe puisque la saisonnalité est très importante. En période creuse, avec la concurrence, nous offrons des tarifs promotionnels. En période de pointe, nous sommes plutôt sur un rapport offre/demande, les prix évoluent alors en fonction de ce rapport. » ([115])

Les prix des billets sont fixés de la manière suivante : « Dans les entreprises, les cadres, que l’on appelle les pricers, fixent toutes les heures les tarifs en modifiant le nombre de places disponibles sur chacune de ces places de réservation. Ils ne modifient pas le tarif lui-même, mais la quantité de billets disponibles dans chacune des classes de tarifs. Ils adaptent la disponibilité des billets et donc les tarifs reçus par le passager à la demande. » ([116]) Cette saisonnalité justifierait selon eux la nécessité de faire des marges plus importantes à certaines périodes de l’année afin de survivre dans ce marché : « Nous essayons de mettre le maximum de capacités sur la pointe été, mais ce degré de fluctuation est vraiment moindre comparé au niveau de fluctuation que nous avons en demandes passagers. Nous avons mentionné nos marges qui sont bien plus faibles que le reste de notre réseau. Il est crucial de faire des marges pendant cette période pour assurer la pérennité de nos opérations sur l’ensemble de l’année. Baisser nos marges sur cette période reviendrait à avoir un impact considérable sur notre économie. » ([117]) D’après la DGAC, « cette saisonnalité ou volatilité a eu tendance à augmenter après la crise de la Covid-19. Pourquoi ? Dans ces avions, les voyageurs sont principalement des voyageurs que nous appelons affinitaires ou VFR (Visiting friends and relatives). Ce sont des familles, des jeunes, des étudiants. Il existe un fort trafic familial, relationnel et intense avec la métropole. Ces voyageurs sont accompagnés d’autres voyageurs qui sont des touristes. Toute cette population a tendance à voyager au même moment. » ([118])

Quel est l’impact de la crise sur les compagnies aériennes ? La crise de la Covid-19 a entrainé d’après les témoignages recueillis par le rapporteur, des baisses de chiffre d’affaires très importantes pour les compagnies aériennes. C’est notamment ce que déplore M. Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d’Air France-KLM : « La crise de la Covid-19 a eu un impact extrêmement lourd sur l’ensemble des acteurs de l’aérien. Les conséquences pour Air France-KLM sur le plan économique ont été significatives et durables avec une perte nette de 3,9 milliards d’euros en 2021, après des pertes de 7 milliards d’euros en 2020. Au premier trimestre 2023, AF perdait encore de l’argent avec un résultat net négatif de -228 millions d’euros. » ([119]) M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair dresse le même constat : « Nous sommes actuellement en déficit. » ([120]) et l’ensemble des compagnies aériennes présentes (French Bee, Air Austral, Air Caraïbes et Air Tahiti Nui) soutiennent cette observation. Les représentants de la DGAC ont également confirmé cela : « La crise sanitaire a engendré un sérieux choc au fonctionnement du marché. » ([121])

Cette crise sanitaire a causé une crise économique lors de laquelle « le prix du change euro-dollar a été défavorable à l’euro » ([122]) entrainant ainsi une hausse du prix du carburant. La DGAC explique : « Le prix du kérosène et le prix du dollar ont beaucoup bougé. Entre septembre 2021 et septembre 2022, le prix du kérosène en euros avait augmenté de 94 % pour un poste de coût qui est de l’ordre du tiers de celui d’une compagnie aérienne. Sur une période un peu plus longue de deux ans, de mars 2021 à mars 2023, il a augmenté de 80 %. Du reste, il était prévisible que les transporteurs reportent tout ou partie de cette augmentation sur leurs tarifs. Cette augmentation de 94 % représente environ 120 euros sur un aller-retour Paris – Antilles pour un passager. » ([123]) Par conséquent, cela s’est répercuté sur le billet car le carburant est un poste de dépense très important pour les compagnies aériennes, comme évoqué par Corsair : « Le prix du carburant représente 35 % du total des dépenses d’une compagnie. » ([124]). Si la hausse du carburant s’explique elle-même par l’inflation, les compagnies aériennes dénoncent également une hausse injustifiée des prix du kérosène de la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), fixés par trois préfets de région (Martinique, Guadeloupe et Guyane). C’est ce qu’explique le président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers et de la compagnie Corsair :

« Abordons somme toute la situation spécifique des collectivités ultramarines avec des monopoles comme celui de la société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) aux Antilles, par exemple, qui me paraît un abus clair et manifeste de position dominante – et je ne suis pas le seul à le penser.

« Nous avons attaqué une décision prise fin avril, en début 2022, puisque nous avons été invités à la préfecture à une réunion en présence de la SARA pour nous expliquer que les tarifs seraient augmentés d’un différentiel tout à fait substantiel, avec une opacité incomplète sur les raisons réelles. Nous avions alors compris que l’aérien était en réalité taxé pour modérer l’évolution des tarifs routiers de l’essence. Nous avons envoyé à la préfecture de Martinique un recours gracieux pour que ce différentiel soit supprimé, puisque nous considérons que celui-ci a été ajouté de façon illégale. Nous n’avons pas obtenu de réponse. En conséquence, toutes les compagnies desservant les Antilles ont décidé d’introduire un recours devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour voir la préfecture de la Martinique condamnée.

« Nous nous étions vus imposer un différentiel de la SARA, auquel je faisais allusion et qui est celui que nous attaquons. Pour quelles raisons, entre avril et mai 2023, ce différentiel de la SARA a-t-il augmenté de 25 % sans aucune raison ? Alors que le prix du pétrole baisse, ce qui est incontestable, et que nous pourrions en faire bénéficier les consommateurs, en particulier ultramarins, nous en sommes empêchés par des tarifs prohibitifs. » ([125])

Le président de Corsair développe également au sujet des carburants le fait que la hausse des coûts ne semble pas impacter tout le monde de manière juste, ce qui renforce la suspicion d’une explosion injustifiée du prix du kérosène de la SARA : « On nous a expliqué que le prix du transport maritime du fret pour acheminer le pétrole à La Réunion avait beaucoup augmenté. Pourtant, il ne me semble pas que les bénéfices générés par les transporteurs maritimes soient dans le même état que les résultats financiers des compagnies aériennes, par exemple. » ([126])

En somme, les compagnies aériennes et plus précisément la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM) dénoncent au travers ce recours administratif contre la décision afférente aux prix de la SARA, l’opacité des prix pesant sur le carburant, une fois de plus justifiant la nécessité de faire la transparence des prix et des marges.

Les abus de position dominante sont en général mis en cause par les compagnies aériennes. En effet, Corsair accuse leur fournisseur de moteurs de profiter de cette situation : « À Corsair, les avions sont motorisés par Rolls-Royce. Sur les Neo, je n’ai pas le choix, nous avons un Trent 7000. Nous sommes complètement "arnaqués" par Rolls-Royce, si vous me permettez cette expression, qui est dans une situation monopolistique. Nous sommes totalement pieds et poings liés. » ([127])

Un autre élément abordé est celui des redevances aéroportuaires dont le prix est jugé trop élevé par les compagnies aériennes :

« Que font les aéroports pour modérer l’évolution de leur redevance qui représente un élément constitutif de coûts ? Au niveau des redevances aéroportuaires, les compagnies aériennes sont les seules à défendre le consommateur. Lors de la dernière conférence, la demande d’augmentation des redevances aéroportuaires et des taxes passagers s’élevait à 6 %. Grâce aux combats des compagnies aériennes, nous avons terminé à 4 % d’augmentation. » ([128])

Concernant les points précédents, le directeur général Antilles de Corsair insiste en prenant l’engagement suivant : « Je suis prêt à m’engager à restituer au consommateur toute baisse des coûts de production dont nous bénéficierions, par exemple parce que le pétrole serait moins cher aux Antilles où les aéroports également feraient des efforts pour diminuer le niveau de la redevance aéroportuaire. ». Il ajoute lors de son audition : « Il serait pertinent de nous interroger sur la manière de réduire le niveau de nos coûts sur les territoires ultramarins, de réduire le niveau des redevances des navigations aériennes ainsi que le niveau des redevances aéroportuaires. Je précise qu’à chaque fois, nous avons affaire à des monopoles ; nous savons bien que le monopole n’est pas l’élément le plus positif pour l’aspect de la compétitivité des prix ou les avitailleurs en carburant. C’est là où nous avons besoin de votre aide. » ([129])

Malgré la défense des uns et des autres, le rapporteur déplore un nombre trop faible de compagnies aériennes présentes dans ces territoires, affirmant qu’il y en avait davantage avant. Il pense qu’il faut obligatoirement augmenter le nombre de compagnies présentes afin de stimuler la concurrence et faire baisser les prix. Le rôle de la DGAC est notamment d’accorder des licences aux acteurs aériens « afin qu’ils aient le droit de rentrer sur le marché européen » ([130]) et elle « accorde cette licence en fonction d’un certain nombre de critères comportant, par exemple, des vérifications sur les garanties financières, sur la capacité financière de l’entreprise à opérer, et ce, afin qu’elle bénéficie de fonds suffisants pour avoir une exploitation stable et pérenne et qu’elle ne cesse pas ses opérations en cours de route avec des billets qui seraient déjà vendus » ([131]). Elle serait donc l’instance à mobiliser afin d’ouvrir davantage ce marché selon le rapporteur : « Même si vous avez parlé de libéralités, j’ai bien conscience que vous décernez également des licences ; vous donnez ou ne donnez pas une autorisation aux nouvelles compagnies. Vous serez cependant d’accord sur un principe économique simple : plus il y a de concurrence, moins les prix sont élevés, ce qui paraît naturel. Il faut par conséquent aider à l’instauration de ces modèles puisque vous avez une mission de service public en ce sens. » ([132])

Cependant, afin qu’une compagnie aérienne perdure en Outre‑mer, il faut qu’elle soit consolidée et le marché actuel ne semble pas propice à cela. Une réflexion peut être amorcée au sujet de la mise en place de liaisons régionales, sur du court-courrier tout en restant prudent car la concurrence y est rude, ce que suggère le rapport du Sénat sur la continuité territoriale : « Une ligne pourrait gagner à développer la concurrence : la ligne Antilles-Guyane. Air France est en monopole et les prix sont régulièrement jugés prohibitifs en particulier en haute saison. Un aller-retour Cayenne – Fort-de-France peut en effet coûter plus cher qu’un aller-retour vers l’Hexagone. » ([133])

Néanmoins, après avoir listé les difficultés du transport aérien en Outre‑mer, il paraît nécessaire de rappeler que les compagnies aériennes ont reçu des aides pour compenser les pertes liées à la crise de la Covid-19 et faire face à toutes les problématiques précitées : « Les aides de l’État liées à la crise se sont traduites par des dispositifs transversaux, tels que :

«  un moratoire de quelques mois sur les taxes et redevances aéronautiques en 2020 ;

«  des prêts garantis par l’État, dont pratiquement toutes les compagnies ont bénéficié (notamment sur 4 Md€ pour Air France, presque entièrement remboursés en 2023) ;

«  l’activité partielle, pour un montant cumulé d’environ 1,5 Md€ pour toutes les compagnies en France, EasyJet comprise ;

«  les fonds liés aux décrets nationaux "coûts fixes" (maximum 10 M€ par entreprise) et "fermeture" (maximum 25 M€ par entreprise).

« Les aides de l’État liées à la crise se sont également traduites par des dispositifs spécifiques autorisés par la Commission européenne :

«  Air France a bénéficié d’un prêt direct de l’État en 2020 de 3 Md€, converti en 2021 en augmentation de capital, et de deux augmentations de capital en 2021 et 2022, l’État exerçant ses responsabilités d’actionnaire (593 M€, puis 645 M€) ;

«  Corsair a fait l’objet, fin 2020, d’un plan d’aide par des apports privés et, selon la règle d’équivalence de proportionnalité, de prêts de l’État remboursables (26 M€ sous forme de moratoire et 80 M€ de prêts FDES) ;

«  Air St Pierre a fait l’objet d’une restructuration de sa dette pilotée par l’État en 2021 ;

«  Chalair, compagnie basée en métropole, a fait l’objet d’un prêt de l’État de 4 M€ au moment où elle restructurait son réseau en 2021 ;

«  Air Austral, après avoir obtenu des aides publiques en 2021 et 2022, a bénéficié, en janvier 2023, d’un plan d’aide comprenant des apports privés et d’importants abandons de créances privées et publiques (région et État : 135 M€). » ([134])

Enfin, bien que les justifications des compagnies aériennes semblent valables et représentent des pistes de recommandations précieuses, il n’en demeure pas moins que le secret des affaires nous est encore opposé notamment par la DGAC, qui par ailleurs ne semble pas en mesure d’exercer pleinement son rôle de régulateur du transport aérien : « Nos indices ne calculent pas la marge des transporteurs, cette marge relève qui plus est du secret des affaires. Nous n’avons pas non plus la capacité de la demander ni de la connaître. » ([135]) Seul Air France a joué le jeu et indiqué la marge que cette compagnie réalise sur les liaisons avec les Outre‑mer – une marge faible, plus faible que sur les autres compagnies, mais une marge positive, prouvant que ce marché est donc rentable pour les compagnies aériennes.

b.   Logement

Malgré la présence de nombreux logements vacants en Outre‑mer, l’accès au logement reste un enjeu prégnant pour les populations qui ne parviennent pas à se loger décemment, car les prix sont trop élevés.

i.   Une dépense importante au regard du niveau de vie des ultramarins

Le logement est un des postes de dépense principal des Français d’Hexagone et d’Outre‑mer. Ce qui les différencie est le niveau de vie des habitants. En effet, selon les chiffres cités dans la contribution écrite de l’Union sociale pour l’Habitat (USH), « 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social (66 % en métropole) et 70 % au logement très social. […] Seuls 15 % des ménages ultramarins éligibles au logement social résident dans le parc social. » ([136])

Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement, illustre la prépondérance de situations de précarité par d’autres chiffres : « 41 % de notre parc, composé de 46 000 logements dans les Outremer, sont situés en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Les occupants de ce parc sont vraiment plus pauvres que nos occupants du parc social à l’échelle nationale. » ([137]) Cette précarité s’accompagne notamment d’un lien distendu avec le monde du travail : « Seul un tiers des majeurs occupe un emploi. Cette situation suppose un enjeu de retour à l’emploi et d’insertion professionnelle. » ([138])

De plus, les mères seules sont très exposées à la précarité en Outre‑mer. Il n’est donc pas inattendu que la part de familles monoparentales soit plus importante : « Lorsque nous regardons les ménages ayant emménagé récemment, plus de la moitié se compose de familles monoparentales. À l’échelle nationale, nous nous situons plutôt à 30 %. Les contextes familiaux laissent souvent voir des mères seules avec des enfants. » ([139])

ii.   Un coût élevé des logements

Si les ménages ultramarins sont plus pauvres que ceux de l’Hexagone, les prix de revient des logements y sont supérieurs malgré des infrastructures très voire trop modestes comme l’indique M. Philippe Pourcel, directeur adjoint de CDC habitat : « La Cour des comptes a d’ailleurs indiqué que ces prix de revient apparaissent entre 10 et 15 % supérieurs à ceux de la métropole, […] alors même que nous construisons des logements sans isolation de façade ni même de système de chauffage. Ils sont rarement pourvus d’un ascenseur ou d’un parking enterré. Les ouvrages construits sont plutôt moins équipés que ceux de la métropole et, malgré cette réalité, les surcoûts se situent entre 10 à 15 %. » ([140]) L’accès au logement en Outre‑mer présente des difficultés considérables, les prix sont inabordables pour la population ultramarine. D’après Mme Sabrina Mathiot, directrice de l’Union sociale pour l’habitat Outre‑mer (USHOM), « En moyenne, le prix de location mensuel par mètre carré s’établit à 6,23 euros pour un logement social en Guadeloupe, 5,72 euros en Martinique, 6,44 euros en Guyane, 6,22 à La Réunion, 8,76 euros à Mayotte contre 6,05 euros pour la moyenne des logements sociaux. » Elle rappelle que « le parc social d’outremer a un âge moyen de 19 ans contre 39 ans dans l’Hexagone. Les bailleurs sociaux, en moyenne, n’ont pas l’assise financière pour apporter des fonds propres dans les opérations et faire baisser les coûts. » ([141]) . La charge pèse aujourd’hui sur les épaules des populations ultramarines qui ne peuvent pas supporter ces coûts exorbitants.

iii.   Le rôle des règles normatives françaises et marquages « CE » dans le coût de production du logement en Outre‑mer

L’application de la réglementation de l’Union européenne dans les départements et régions d’outre‑mer pose souvent question, notamment en ce qui concerne les matériaux de construction. En effet, la plupart de ces matériaux proviennent d’Europe en l’absence de possibles échanges commerciaux à l’échelle régionale en raison de la non-conformité aux normes de l’Union européenne, dites marquage « CE ». Cet aspect a été très souvent souligné par les personnes auditionnées par le rapporteur car cela participe à augmenter très largement les coûts de construction dans ces territoires et limite parc conséquent l’accès au logement. M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion l’a évoqué : « À notre échelle, l’Afrique du Sud serait un fournisseur. Ce pays construit également des logements et son marché ne semble pas s’écrouler. Peut-être y trouverions-nous des matériaux avec lesquels travailler. ». ([142])

Au-delà de l’irrationalité existante au sujet des matériaux de construction, certaines règles françaises sont une aberration totale car elles ne prennent pas en compte les besoins ultramarins et compliquent la construction en Outre‑mer. M. Philippe Pourcel en a donné quelques exemples en matière climatique notamment : « Nous dépendons de prescriptions acoustiques alors que nous sommes enclins à vivre les fenêtres ouvertes. C’est déjà une incohérence structurelle. » ([143]) .

Il dénonce des absurdités pratiques : « Concernant les pentes, l’application brutale des normes d’accessibilité nous pousse à réaliser des ouvrages assez invraisemblables, avec des rampes interminables par exemple. Des sujets d’accessibilité se posent au regard de la topographie de nos territoires, ainsi que des sujets de transcription de règles nationales qui ne suivent pas de logique d’application. ». ([144])

À l’occasion du déplacement d’une délégation de la commission d’enquête à La Réunion en juin 2023, le rapporteur a pu constater que la construction de logement sur le territoire réunionnais entre autres se trouve affectée par le rôle prépondérant du CSTB dans l’autorisation de certains matériaux produits par des entreprises réunionnaises. M. Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics explique : « L’élément le plus important qui concentre la gamme des produits possibles pour les entreprises réunionnaises correspond aux avis techniques. Ils sont délivrés par un organisme unique, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Ce système génère, quelque part, une concentration de produits disponibles et une lenteur d’agrément. Les industriels pourraient mettre en œuvre des produits originaires de La Réunion, mais ils sont contraints de consulter le CSTB pour obtenir ce fameux avis technique. Ce premier monopole est créé par le CSTB. » ([145]) Cette centralisation des avis techniques à l’échelle nationale empêche donc la réelle ouverture du marché à d’autres produits potentiellement moins chers. M. Stéphane Brossard propose pour La Réunion d’abord mais aussi pour les Antilles, de créer « des organismes de conformité produit délocalisés » spécialisés sur ces territoires, afin de répondre aux enjeux topographiques et climatiques locaux.

iv.   Les difficultés d’accès à la propriété

Les acteurs du logement en Outre‑mer ont souligné une « panne de l’accession sociale à la propriété dans les territoires d’outremer, en raison principalement de l’augmentation des taux d’intérêt » ([146]). Si Action Logement est prêteur et accompagne l’accession sociale à la propriété, les banques refusent d’apporter le complément de financement qui est nécessaire.

L’indivision successorale est un fléau en Outre‑mer qui limite l’accession à la propriété. Il est banal que les biens hérités soient délaissés un temps face à l’impossible partage de l’héritage immobilier. La loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en Outre‑mer, dite « loi Letchimy », a mis en place un régime dérogatoire pour les DROM dans le cas de successions ouvertes depuis plus de 10 ans. Cependant, la forte demande immobilière et les délais associés aux procédures notariales poussent fréquemment les familles à vendre leurs biens pour sortir des situations d’indivision successorale. Malheureusement, cela entraîne souvent la perte des biens immobiliers, contribuant ainsi à éloigner les Ultramarins de l’accession à la propriété.

L’acquisition d’un bien immobilier offre généralement une sécurité, notamment sur le plan financier, et constitue un facteur de stabilité. Toutefois, ces obstacles entravent considérablement la possibilité pour de nombreux ultramarins de devenir propriétaires et de bénéficier de ces avantages.

v.   Les enjeux de la réhabilitation du parc locatif ancien

Selon Mme Nadia Bouyer « le parc social y est très ancien et l’enjeu consiste à le réhabiliter. Quelquefois, il faut savoir déconstruire pour reconstruire du neuf de qualité, avec des usages plus confortables. » ([147]) Il semble intéressant de se concentrer davantage sur la réhabilitation de l’ancien que sur la construction de neuf car la population diminue aux Antilles et dans une moindre mesure, à La Réunion.

vi.   Les enjeux liés aux évolutions démographiques

Le vieillissement de la population aux Antilles est aujourd’hui un enjeu majeur qu’il convient de prendre en compte dans la réflexion autour des problématiques de logement d’autant plus que cet enjeu sera demain le problème des autres territoires ultramarins. Comme l’a rappelé le député de La Réunion M. Philippe Naillet, « Chez nous, le maintien à domicile est privilégié et la réflexion doit porter sur l’amélioration des logements. Il s’agit par exemple de changer une baignoire, permettre d’installer un lit médicalisé dans une chambre. À La Réunion, nous trouverons dans 30 ans autant de personnes âgées de plus de 65 ans que de jeunes de moins de 25 ans. Un chiffre récent nous semble inquiétant. Il indique qu’entre 2015 et 2050, il y aura trois fois plus de personnes en situation de dépendance à La Réunion. Il faut donc avoir cet enjeu qualitatif pour guider nos actions. » ([148]) Il ne faut pas seulement construire mais plutôt s’adapter aux réalités locales, notamment démographiques. D’après le rapport de M. Luc Broussy intitulé Nous vieillirons ensemble, la Martinique sera en 2050, le territoire le plus vieux de France avec 42 % de personnes âgées de plus de 65 ans ([149]) ce qui nécessite de repenser la politique des logements afin de les rendre accessibles et adaptés à cette population.

vii.   Habitat informel et insalubre

Le premier constat est celui d’un manque de connaissances au sujet du mal-logement en Outre‑mer. Des estimations évaluent qu’environ un habitant sur trois est victime de mal-logement (logement insalubre ou absence de logement personnel). À Mayotte, selon les chiffres de l’Insee de 2017, 40 % des résidences principales sont qualifiées de « fragiles » et 29 % des logements n’ont pas l’eau courante.

Comme le détaille la Fondation Abbé-Pierre, 160 000 personnes y vivent dans des habitations de fortune et 220 000 dans des logements indignes ([150]).

nombre de personnes concernÉes par le mal-logement À Mayotte

 

Ménages

Personnes

Personnes privées de logement

1. Dont personnes sans domicile

 

7 860

2. Dont habitations de fortune

32 200

Environ 160 000

3. Dont personnes en hébergement contraint chez des tiers (hors Mayotte)

27 500

41 250

Personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles

4. Dont privation de confort

72 165

151 320

5. Dont surpeuplement accentué

62 000

220 000

Sources de la Fondation Abbé-Pierre :

1. Estimation de 3 000 personnes en errance (hors Mayotte) 2880 demandes de mise à l’abri au SIA de Mayotte en 2021 1976 places d’hébergement généraliste en 2021.

2. Nombre d’habitations de fortune en 2019 selon l’INSEE pour les DROM hors Mayotte - nombre de cases en tôle selon l’INSEE en 2017 pour Mayotte. Ces données issues du recensement de la population sous-estiment probablement fortement la situation et mériteront d’être affinées avec les données remontées par les services de l’État sur la plateforme numérique Résorption-bidonvilles développée par la Dihal.

3. Source : SNE 2020, nombre de demandeurs hébergés chez leurs parents ou chez un particulier. Le nombre de personnes est estimé sur la base d’une taille moyenne des ménages hébergés de 1,5 personne.

4. Ménages sans WC ni douche ni baignoire pour 4 DROM (INSEE 2019) et nombre de logements non raccordés à l’eau pour Mayotte (INSEE, 2017). Précisons qu’il est probable que ces données recoupent en partie les cases en tôle et « cases traditionnelles » recensées par l’Insee dénombrées dans le point 2. Habitations de fortune.

5. INSEE 2018 pour les 4 DROM et INSEE 2017 pour Mayotte.

Mme Nadia Bouyer insiste sur la nécessité de créer davantage de logement locatif très social pour les personnes mal-logées. La difficulté est ensuite celle de l’accompagnement de ces personnes : « Parmi ces habitants, nous aurons du mal à faire entrer certaines familles, qui devront apprendre à payer la facture d’électricité. Elles viennent d’un milieu informel, où il n’y a pas cette relation entre le bailleur et le locataire. Il en résulte une nécessité d’accompagnement social, l’une des cordes que les bailleurs sociaux doivent ajouter à leur métier. » ([151])

viii.   Les difficultés d’accès au logement pour les jeunes diplômés

Enfin, le logement est une problématique centrale chez les jeunes actifs. Ce que Mme Nadia Bouyer nomme « logements intermédiaires », manque en Outre‑mer, ne favorisant pas le retour des étudiants après leurs études dans l’Hexagone. La complexité face à laquelle ils se trouvent pour se loger cumulée à la difficulté pour trouver un emploi a pour conséquence de renforcer le phénomène de fuite des jeunes diplômés.

c.   Télécoms

Dans le cadre de son cycle d’auditions, la commission d’enquête a organisé une table ronde le 1er juin 2023 avec les principaux groupes d’opérateurs de réseaux de télécommunications présents dans les territoires ultramarins, à savoir Orange, Altice-SFR, Free et Canal + ([152]).

Analyser la problématique de la vie chère implique en effet d’étudier les coûts relatifs aux services de télécommunication dans les Outre‑mer, relatifs aux réseaux téléphonie – mobile et fixe –, à l’internet et à la télévision. En effet, l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) est devenu indispensable de nos jours, comme le souligne le directeur des affaires publiques d’Orange : « On ne peut pas vivre aujourd’hui sans accès aux communications, sans accès à l’Internet. » ([153])

Dès lors, il convient non seulement d’étudier la question du prix des offres de services de télécommunications, pour mesurer dans quelle proportion cette dimension pèse sur le pouvoir d’achat des ultramarins, mais également d’évaluer la qualité et la complétude des offres proposées. Par exemple, à Mayotte, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) estimait en 2021 que « Le taux d’équipement en accès internet y est faible avec seulement 28 000 abonnements pour une population de 290 000 habitants, ce qui représente un peu moins de 10 abonnements pour 100 habitants. En outre, une proportion faible d’équipés dispose de technologies à très haut débit (18 %). » ([154])

L’Insee souligne pour sa part, dans sa dernière enquête de comparaison spatiale des prix effectuée en 2022, que « les communications (téléphonie, Internet et envois postaux) sont aussi plus onéreuses qu’en France métropolitaine, jusqu’à plus de + 35 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Les écarts de prix avec la France métropolitaine concernant les services de téléphonie mobile restent élevés, comme en 2015. Ils sont plus marqués pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane que pour La Réunion et Mayotte. Concernant l’accès à Internet, les écarts avec la France métropolitaine sont également plus marqués en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane qu’à La Réunion et à Mayotte. » ([155])

Les enjeux sont en effet nombreux. D’abord, il y a une volonté d’assurer la continuité territoriale en fournissant un service d’un niveau au moins équivalent à celui de l’Hexagone. Il y a ensuite un enjeu d’accessibilité à la qualité et à l’innovation. Enfin, il y a la question de la fracture numérique et du désenclavement des populations ultramarines, notamment dans le cadre de la complétude des raccordements effectifs à la fibre – l’objectif étant de limiter les échecs de raccordements et d’offrir le même accès à très haut débit pour tous, quelle que soit la situation du destinataire final.

Ainsi, si la transformation numérique des territoires constitue un levier précieux de développement pour les territoires ultramarins, cet impératif de résilience numérique est limité par des difficultés liées spécifiquement à ces territoires. En effet, de multiples surcoûts existent, d’ordre géographique, naturel et climatique, mais aussi d’ordre organisationnels.

D’abord, les territoires ultramarins sont soumis à des contraintes géologiques et climatiques particulières qui ont directement un impact sur les réseaux de télécommunication :

– les déploiements sont réalisés dans des zones montagneuses aux reliefs accidentés (comme les cirques encaissés de La Réunion) ou sur des zones protégées (littoraux ou parcs naturels), ce qui complique le maillage du territoire. Cela nécessite de recourir à du matériel répondant à des normes spécifiques et de prévoir des stocks de rechange supplémentaires pour faire face, dans un délai court, aux coupures liées aux aléas climatiques ;

– ces territoires sont de façon récurrente très exposés aux cyclones et tempêtes, ce qui nécessite de reconstruire les réseaux de télécommunications après ces phénomènes climatiques extrêmes, comme ce fut le cas avec l’ouragan Irma en 2017 sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, avec l’ouragan Fiona dans les Antilles ou avec les cyclones intenses Batsirai et Emnati en janvier-février 2022 à La Réunion ;

– la présence de terres volcaniques fait peser le risque de coupure de réseaux et nécessite le déploiement d’infrastructures de sécurisation spécifiques. À titre d’illustration, le volcan du Piton de la Fournaise à La Réunion entre en éruption de façon régulière, ou encore l’émergence d’un volcan sous-marin proche de Mayotte engendre des tremblements de terre et fait peser un risque de tsunami sur l’île.

Ensuite, d’un point de vue organisationnel, plusieurs surcoûts existent sur ces territoires, relatifs autant au réseau fixe qu’au réseau mobile :

– le coût du transport de matériel, acheminé de l’Hexagone jusqu’aux territoires ultramarins par voie aérienne ou maritime ;

– les coûts de transport du signal par câble sous-marin, pour relier les territoires à l’internet mondial : l’écoulement du trafic requiert en effet des investissements massifs dans les infrastructures sous-marines ;

– les coûts de connexion au réseau Internet mondial (« transit IP », bande passante vendue par les fournisseurs d’accès Internet) ;

– les coûts des services de téléphonie (plateformes et interconnexion avec les réseaux voisins) ;

– le coût de la main d’œuvre (existence de compléments de rémunération ; moins bonne structuration des prestataires en charge du déploiement et du raccordement final, qui nécessite donc un accompagnement opérationnel et financier plus significatif que dans l’Hexagone) ;

– la difficulté, d’un côté, de mettre en place un seul centre de service après-vente (SAV) sur une des îles (délais de transport et surcoûts importants), mais d’un autre côté, la taille de chaque territoire n’apparaît pas suffisante pour installer un centre de SAV sur chacun d’entre eux ;

– le nombre limité d’immeubles pouvant accueillir des antennes mobiles.

En résumé, pour les opérateurs, les trois principales causes identifiées de ces surcoûts sont :

– l’insularité et l’isolement de ces territoires, avec des coûts de transports supplémentaires évalués à + 15 % ;

– des conditions climatiques particulières, engendrant de 1 à 10 % de budget supplémentaire de maintenance et d’entretien du réseau en fonction de l’évènement climatique ;

– des conditions fiscales spécifiques, avec un octroi de mer de 12 %.

Le Groupe Iliad, maison-mère de l’opérateur de communications électroniques Free, estime ainsi qu’il existe « une différence entre les bordereaux de prix entre 20 à 30 % supérieurs en Martinique/Guadeloupe, de 30 % de supérieur à Mayotte et entre 40 et 50 % en Guyane comparés à ceux de la France métropolitaine à cause des motifs listés précédemment. » ([156])

Or, il ressort de l’audition menée avec les opérateurs de télécommunications que leurs coûts ont considérablement augmenté ces dernières années. Cette envolée des coûts s’explique d’abord par la nécessité d’investir dans le déploiement de la fibre optique, des réseaux 4G et dans des infrastructures de raccordement sous-marin pour faire face à la demande d’augmentation du débit, notamment en 5G. En effet, le marché des réseaux de télécommunication est un marché à très forte intensité capitalistique, qui nécessite des investissements massifs et continus. Ensuite, l’augmentation des coûts s’explique également par l’augmentation du prix des matières premières, notamment s’agissant de l’acier, et par la tension sur les marchés internationaux, notamment au niveau de la fibre optique. En outre, les personnes auditionnées ont insisté sur la multiplication des cas de raccordements longs et complexes, qui engendre une part importante de reste à charge pour le foyer et qui concerne en moyenne près d’un cas sur dix.

Cette augmentation des coûts est par ailleurs rendue visible par la croissance du montant d’investissements réalisés chaque année, à hauteur par exemple de + 34 % pour SFR ([157]).

Dès lors, il convient de rapporter ces coûts croissants à une base de clients qui se réduit. Ce phénomène limite les économies d’échelle et donc le niveau d’amortissement des investissements et engendre des coûts fixes importants pour les opérateurs de télécommunications.

Ces coûts plus élevés devraient donc théoriquement se répercuter sur le niveau de prix pratiqués. Ainsi, l’ARCEP estime qu’en 2021, « dans les départements d’outremer, les utilisateurs des réseaux mobiles dépensent, en moyenne, 20,1 euros HT par mois pour leurs services mobiles, un niveau de dépense 35 % plus élevé qu’au niveau national. Si la facture mensuelle moyenne par carte prépayée est pratiquement identique à celle de la France entière, celle des détenteurs de forfaits est nettement supérieure : elle atteint 26,0 euros HT contre 15,8 euros sur l’ensemble de la France, soit un coût supplémentaire de 65 %. Au total, 14,7 euros HT par mois sont dépensés en moyenne sur l’ensemble de la France pour les services mobiles. Cette dépense est évaluée à 16,8 euros dans la zone Réunion-Mayotte (+ 14 %) et 22,9 euros dans la zone Antilles-Guyane (+ 55 %). » ([158])

Le marché des télécommunications est en effet, par essence, un marché avec un faible nombre d’acteurs, car les fréquences utilisées sont limitées et donnent lieu à des attributions spécifiques. Historiquement, ce marché a donc vu s’implanter des opérateurs mobiles dans un contexte monopolistique, comme le reconnaît Altice-SFR : « cette situation de monopole dont ont bénéficié Orange Caraïbe et SRR pendant plusieurs années a pu leur permettre de maintenir pendant une période des parts de marché élevées. » ([159])

Dans ce cadre, l’Autorité de la concurrence a dû intervenir à plusieurs reprises pour limiter et sanctionner les distorsions de concurrence sur ce marché.

Tout d’abord, la décision du 28 juillet 2009 ([160]) sanctionne France Télécom, opérateur historique, à hauteur de 27 millions d’euros pour avoir mis en œuvre un ensemble de comportements dans le but d’affaiblir ses principaux concurrents en élevant leurs coûts d’entrée sur les marchés de la téléphonie fixe et de l’accès à Internet en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion.

Ensuite, via la décision du 16 septembre 2009 ([161]), l’Autorité de la concurrence a imposé des mesures d’urgence à SRR, filiale de l’opérateur SFR, afin de rétablir de manière urgente la concurrence à La Réunion et à Mayotte, où elle était en situation de monopole respectivement jusqu’en 2000 et jusqu’en 2006.

Enfin, avec la décision du 9 décembre 2009 ([162]) Orange Caraïbes et France Télécom ont été sanctionnés à hauteur de 63 millions d’euros pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la téléphonie mobile ou de la téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane.

En outre, quelques années auparavant, en 2004, la Cour d’appel de Paris avait déjà condamné Orange à payer plus de 180 millions d’euros de dommages et intérêts à l’opérateur antillais Digicel (ex-Bouygues Telecom Caraïbes) pour pratiques anticoncurrentielles : différenciation tarifaire abusive entre appels on net (vers son réseau) et les appels off net (vers un réseau concurrent) ; clauses d’exclusivité avec les distributeurs et fidélisation abusive notamment.

Dès lors, avec l’encadrement tarifaire des marchés de gros, mettant fin à toute possibilité de différenciation tarifaire avec la symétrie des terminaisons d’appel et l’arrivée de nouveaux opérateurs, la situation concurrentielle sur ce marché a beaucoup évolué. Le développement de la concurrence a en effet permis de stimuler le marché et de réduire les prix des services de télécommunications payés par les consommateurs ultramarins : le marché des télécommunications à La Réunion en est notamment le paradigme. Désormais, « il n’existe plus de pratiques d’abus de position dominante pouvant faire obstacle au développement de la concurrence sur nos marchés » ([163]) assure le groupe Altice-SFR.

Dans cette perspective, le Groupe Iliad se prévaut du fait que « l’ARCEP a montré que le lancement de Free Mobile a considérablement réduit la facture moyenne des abonnés mobiles en France, celle-ci étant de 14,60 euros par mois en 2022 contre 27 euros en 2012 », soit une baisse de près de 40 %. Il assure également que, depuis 2012, le prix des deux offres proposées – offre de premier accès de 2 euros et « offre d’abondance » à 19,99 euros – n’aurait pas augmenté et que ce gel devrait par ailleurs se poursuivre jusqu’en 2027, malgré le contexte inflationniste.

Le groupe estime qu’avant l’arrivée de Free, « le marché était atone avec une concurrence limitée où SFR détenait plus de 50 % de part de marché, malgré les sanctions répétées de l’Autorité de la concurrence » et que, depuis le lancement des offres Free Mobile en juillet 2017 (avec appels et SMS illimités, 25 Go de données, 25 Go en roaming (itinérance) depuis l’Hexagone, la zone Europe et le reste des DOM pour moins de 10 euros), « on constate une nouvelle dynamique concurrentielle qui se traduit par des bénéfices en termes de pouvoir d’achat et d’investissement dans des réseaux de qualité ». Or, « à l’époque, il fallait alors payer 3 fois plus cher pour avoir la même quantité de données » ([164]) . Le groupe estime que, depuis leur arrivée sur ce marché, le marché mobile réunionnais est devenu comparable à celui de l’Hexagone en termes de service avec la généralisation d’offres généreuses, sans engagement et à bas prix. Cela représenterait un gain moyen de pouvoir d’achat d’environ soixante euros par réunionnais et par an entre 2015 et 2018 et une diminution de la facture moyenne de 10 %, entre 2017 et 2021. Depuis 2018, cette baisse tendancielle du coût des offres s’est prolongée et dans l’intervalle la quantité de données dans les forfaits aurait presque quintuplé. Le Groupe Illiad estime ainsi proposer des abonnements entre 30 à 40 % moins chers que les offres mobiles comparables. Leur arrivée aurait également permis d’accélérer le déploiement du très haut débit mobile et fixe sur La Réunion, bénéficiant d’un taux de couverture 4G proche de 99 %.

Cette dynamique concurrentielle aurait donc incité les opérateurs historiques à améliorer encore plus rapidement leurs offres services, le groupe Altice-SFR estimant que les dernières années ont été marquées par un enrichissement continu des offres (données, voix et SMS), une forfaitisation des usages avec un risque de hors forfait pour les clients de plus en plus limité et des prix stables, voire en baisse en 2022. Ainsi à La Réunion, « pour l’internet mobile, Orange, SRR et Zeop Mobile proposent une excellente qualité de service. On peut notamment souligner des résultats de tests de streaming très élevés (97 % de vidéos visionnées en qualité parfaite en moyenne), nettement supérieurs à la moyenne mesurée en métropole en 2022 (90 %). » ([165]) Ainsi, la responsable des affaires publiques du groupe Iliad assure que « quand vous avez une bonne dynamique concurrentielle sur les marchés, il se passe des stratégies d’abaissement des tarifs, mais il se passe aussi des stratégies d’investissement pour préserver la qualité des services proposés » ([166]).

L’opérateur Free estime parallèlement que son arrivée sur le marché des Caraïbes aura, à l’avenir, des effets positifs similaires. Entre mai 2022 et juin 2023, les prix des offres d’abondance seraient passés d’une cinquantaine d’euros à une trentaine d’euros et la croissance du secteur aurait augmenté de 5 % en un an, soit deux fois plus vite que l’an passé et qu’en Hexagone. « Si le marché des télécoms a longtemps souffert d’un déficit concurrentiel et a été pointé du doigt par l’Autorité de la concurrence, l’arrivée de Free a permis de rééquilibrer la situation au bénéfice des consommateurs » conclut le Groupe Iliad lors de son audition.

Ainsi, bien que les marchés des télécommunications sont économiquement plus étroits qu’en Hexagone, le nombre d’acteur est le même. Dans ce cadre, les opérateurs auditionnés assurent que la concurrence y est vive, avec au moins quatre opérateurs par marché et avec des concurrents non présents dans l’Hexagone, comme Zeop, Digicel ou Dauphin Telecom. « Le marché ultramarin est comme celui de l’Hexagone, très concurrentiel […] et selon les territoires, les prix de certaines offres peuvent y être inférieurs. En 10 ans, les prix ont évolué à la baisse et en les comparant avec d’autres bassins géographiques proches, les prix constatés sur les marchés ultramarins français sont toujours plus bas » affirme ainsi le groupe Orange. Cette dynamique concurrentielle donne ainsi au consommateur ultramarin un panel de choix plus vaste à des prix plus compétitifs. Dans ce contexte, l’Autorité de la concurrence affirmait dans son avis de 2019 que « l’un des secteurs où la concurrence a apporté le plus de bénéfices aux consommateurs ultramarins est celui des télécommunications » ([167]).

Néanmoins, il convient de noter que les opérateurs auditionnés ont également témoigné de leur inquiétude grandissante face à l’obsolescence des câbles sous-marins, problématique qui doit urgemment être prise en main par les autorités publiques pour éviter toute fracture numérique qui irait à l’encontre des objectifs de continuité territoriale et de complétude numérique (cf. infra).

d.   Santé

Les ménages, du fait de leurs faibles revenus, ne peuvent se soigner correctement, alors même que l’offre de santé n’est pas satisfaisante.

Les habitants de certains territoires ultramarins doivent en effet faire face à des pathologies dues à des scandales sanitaires d’État, comme l’empoisonnement au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, les retombées des essais nucléaires en Polynésie, mais également de nouvelles problématiques sanitaires comme les sargasses (cf. supra). Les effets sur la santé des populations sont graves, durables et à ce jour sans solution durable.

Aux Antilles, par exemple, on constate qu’« en matière d’accès à la santé, […] une situation de grande dépendance vis-à-vis de la métropole du fait de leur éloignement géographique et de la taille de ces territoires. Les habitants éprouvent de grandes difficultés à organiser leurs parcours de soins dans de bonnes conditions, entraînant des situations de renoncement aux soins ou des retards de prise en charge et donnant le sentiment d’une médecine à deux vitesses » ([168]).

Les conséquences se retrouvent dans l’examen de la santé des ultramarins : « La standardisation ([169]) fait apparaître une santé perçue plus dégradée dans les DROM qu’en métropole : si 8 % de la population en métropole âgées de 15 ans ou plus se déclare en "mauvais" ou "très mauvais" état de santé, c’est le cas de 14 % de la population en Guadeloupe, Martinique et Guyane, de 11 % à La Réunion et de 21 % à Mayotte en calant la structure par âge sur celle de la métropole. Parmi les 15 ans ou plus, 9 % sont handicapés en métropole, 11 % dans les DROM une fois la structure par âge calée sur celle de la métropole sauf en Martinique où le niveau atteint 13 %. […] Une fois standardisé sur la structure par âge de la métropole, la part de personnes handicapées parmi les 55 ans ou plus est plus élevée dans tous les DROM qu’en métropole sauf en Guyane […]. Ainsi, 21 % des 55 ans ou plus sont handicapés en Guadeloupe, Guyane et à La Réunion, 24 % en Martinique et à Mayotte contre 16 % en métropole. Plus précisément, les difficultés de vision, les difficultés motrices et les difficultés pour se concentrer et se souvenir sont plus fréquentes dans les DROM. Ainsi, alors que 10 % des personnes âgées de 55 ans ou plus ont des difficultés sévères pour marcher 500 mètres en métropole, c’est le cas de 19 % des 55 ans ou plus en Guadeloupe, 19 % en Martinique, 21 % en Guyane, 20 % à La Réunion et 39 % à Mayotte, une fois standardisé sur la structure par âge de la métropole. En ce qui concerne les jeunes, il apparaît une prévalence plus élevée de symptômes dépressifs à Mayotte (23 % des 15-29 ans) et en Guyane (22 %) relativement à la métropole (10 %). De manière générale, les Mahorais donnent une note de satisfaction relative à leur vie plus faible que les résidents des autres territoires (5,4/10 en moyenne versus entre 6,8/10 et 7,0/10 en métropole et dans les autres DROM). » ([170])

Ainsi, il est impératif d’améliorer l’accès aux soins. Les populations ultramarines, qui subissent des affections spécifiques en lien direct avec la question du coût de la vie, ne devraient pas, de surcroît, subir le fardeau d’un accès à la santé entravé des difficultés économiques à y avoir accès. Il peut s’agir de soins aux coûts trop élevés voire non pris en charge, notamment dans le secteur privé, de soins impliquant de se déplacer – sur le territoire, entre îles, voire dans l’Hexagone – de traitements aux coûts renchéris par l’acheminement.

L’Insee, dans sa dernière enquête de comparaison spatiale des prix effectuée en 2022, se penche en détail sur les causes de ce phénomène : « Dans tous les départements d’outremer, se soigner coûte plus cher qu’en France métropolitaine et représente un poids conséquent dans la consommation des ménages (de 9 % à 14 % des dépenses dans les DOM et 11 % en France métropolitaine). Ce sont surtout les prix des biens (médicaments, appareils et matériels thérapeutiques) qui sont plus élevés, comparativement aux services de santé. Il s’agit ici de prix bruts avant remboursement par la sécurité sociale et les complémentaires santé. Les écarts de prix pour l’ensemble des dépenses liées à la santé sont compris entre 13 % et 17 % pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte et s’établissent à 9 % à La Réunion. Ils ont peu évolué en Guyane depuis 2015, ont augmenté à Mayotte mais ont baissé dans les autres départements. » ([171])

Le phénomène est de plus aggravé par le manque de professionnels de santé, en l’absence d’incitation suffisante à l’installation sur ces territoires ([172]). Lors de son déplacement en Martinique, la délégation de la commission d’enquête a ainsi appris que seuls cinq gynécologues libéraux exerçaient sur ce territoire.

En matière de santé, comme dans tous les domaines, il est donc absolument impératif de réaliser enfin l’égalité réelle entre l’Outre‑mer et l’Hexagone. Il est également nécessaire d’adapter le système de santé aux spécificités de ces territoires et de leurs populations – à leur démographie, à leur sociologie et à leur culture. Dans ce but, il semble nécessaire d’associer davantage les collectivités au pilotage des stratégies de santé de chaque territoire.

Le rapporteur estime enfin que le concept One health de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), celui d’une santé prise en compte dans sa globalité en intégrant bien-être physique, mental et social et la santé biologique, animale et environnementale, pourrait inspirer une stratégie de santé propre aux Outre‑mer et de société plus humaine, déclinée de manière endogène dans chaque territoire et ses spécificités, en liant la santé aux problématiques humaines et environnementales. Il s’agit également de changer de paradigme et de proposer un nouveau modèle de société, sur le socle d’une santé pour tous et se déclinant à travers un nouveau modèle économique, social et éducatif.

e.   Hôpital

Une délégation de la commission d’enquête a pu se rendre au centre hospitalier universitaire de Martinique, à Fort-de-France, et y rencontrer des représentants de la direction. Les difficultés évoquées au cours de cette rencontre nombreuses et critiques (surcoûts importants, coefficient géographique, délais de paiement) témoignent d’une situation extrêmement préoccupante de cet établissement – notamment sur le plan financier – mais, plus largement, des établissements hospitaliers ultramarins :

– difficultés d’approvisionnement en médicaments, gérés à flux tendu ;

– nécessité d’annuler parfois certaines interventions chirurgicales, en l’absence du matériel nécessaire ;

– difficulté de trouver sur le territoire des personnes disposant des qualifications nécessaires pour entretenir les équipements ;

– difficultés de trésorerie ;

– difficultés à honorer les factures, mettant parfois en difficulté des entreprises locales ;

– absence des marges financières suffisantes pour entretenir les bâtiments (en présence, de surcroît, de conditions climatiques, sismiques, environnementales rendant l’entretien plus coûteux) ;

– absence de capacité d’autofinancement, absence d’accès au secteur bancaire ;

– manque de compréhension des transitaires et des centrales d’achat face aux spécificités et aux difficultés du centre hospitalier universitaire de la Martinique, voire renchérissement des devis par crainte du risque lié à sa situation financière ;

– incapacité à payer les cotisations patronales dues à la Sécurité sociale.

Le constat est également très préoccupant à Mayotte : « les établissements disponibles [sont] largement débordés au regard des besoins d’une population dans une situation de grande précarité et dont une part substantielle est en situation irrégulière. Surtout, les travaux engagés de modernisation et de consolidation du système de santé, qui sont à saluer, suivent un rythme dépassé par celui d’une démographie galopante, avec une contrainte migratoire et un nombre de naissances toujours croissants. Ainsi, l’accès aux soins à Mayotte se borne souvent à gérer les urgences, sans pouvoir proposer une prise en charge et un suivi adéquats y compris pour des pathologies qui pourraient être traitées sur place. L’activité hospitalière est de fait essentiellement tournée vers la maternité, quand les activités de chirurgie programmées sont réduites voire inexistantes, dirigées vers La Réunion, à plus de 1 400 kilomètres. » ([173])

Ainsi, si le phénomène des difficultés financières et notamment de l’endettement des établissements de santé n’est pas spécifique à l’Outre‑mer, il y connaît une nature particulière, notamment liée aux surcoûts inhérents à l’insularité, à l’éloignement, aux inégalités sociales, mais aussi à la problématique du coût de la vie considéré dans sa globalité.

La place de l’Outre‑mer dans les établissements aidés au titre des difficultés de trésorerie est donc importante, et montre l’insuffisance des aides destinées aux établissements ultramarins par rapport à ceux des établissements hexagonaux.

Aides spÉcifiques aux Établissements de santÉ
connaissant des difficultÉs de trÉsorerie

Source : Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023, p. 133, https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230524-RALFSS-2023_0.pdf d’après des données de la DGOS

Le rôle des coefficients géographiques, qui majorent les tarifs nationaux de prestations des établissements « implantés dans certaines zones afin de tenir compte d’éventuels facteurs spécifiques, qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans la zone considérée » ([174]) est donc essentiel. Aux Antilles, le rapporteur soutient la Défenseure des droits qui note que « l’ensemble des professionnels appellent à une révision du coefficient géographique pour la tarification des actes, afin de mieux prendre en compte le surcoût de leur exercice dans les territoires antillais : coût de l’acheminement des produits et du matériel médical, coût des déplacements et du logement pour les médecins, entretien des équipements plus onéreux en milieu salin, surcoût de la formation… » ([175]).

f.   Éducation

Les problématiques éducatives et le décrochage scolaire, évoqués plus tôt, sont causés par de multiples facteurs. Les problématiques éducatives et le décrochage sont causés par des difficultés sociales, conséquences elles-mêmes du coût de la vie.

Cela engendre donc des disparités de niveaux entre l’Hexagone et les Outre‑mer.

i.   Cette scolarisation hachée est la conséquence de plusieurs facteurs présents – à des degrés différents, dans tous ces territoires

● Les conditions environnementales et géographiques sont souvent vectrices de fractures dans la scolarité

L’isolement connu par ces territoires en raison d’une topographie complexe, entre les reliefs montagneux, la présence d’archipels et de nombreuses zones rurales, rend difficile pour de nombreux jeunes l’accès à l’école, d’autant plus que la faiblesse de transports scolaires pour s’y rendre aggrave cette situation. Le contexte environnemental s’accompagne de catastrophes naturelles et phénomènes météorologiques (risques sismiques et cycloniques) entrainent régulièrement la fermeture des classes. Cet isolement créé par des facteurs d’abord naturels pourrait être soulagé par la réduction de la fracture numérique existante en Outre‑mer.

Les infrastructures font aussi face à un enjeu d’adaptation aux réalités climatiques. Malgré le climat tropical de ces territoires, les bâtiments ne sont que rarement climatisés. De plus, ces facteurs environnementaux engendrent des détériorations des locaux, ne permettant pas aux élèves de travailler dans des conditions saines et optimales pour leurs apprentissages.

● Le défaut de remplacement des enseignants

Les jours d’apprentissage manqués ne sont peu voire pas rattrapés. Ce « temps d’enseignement plus court » ([176]) décrit par la Cour des comptes est causé par une gestion inopérante des remplacements malgré le « sureffectif d’enseignants » ([177]) aux Antilles et à La Réunion. En Guyane et à Mayotte, le constat est le même, mais il se justifie par un manque criant d’enseignants face à un surpeuplement des écoles.

La problématique des cumuls des retards et des jours d’absence des élèves n’est cependant pas une caractéristique domienne ; elle reste ponctuelle et ne peut donc être un élément déterminant en tant que cause.

ii.   Les cas particuliers de la Guyane et de Mayotte, entre surpopulation, immigration massive et manque d’attractivité de ces territoires

Les situations mahoraises et guyanaises présentent en effet des caractéristiques particulières. Il s’agit des deux territoires les plus jeunes de France – « la moitié de la population a moins de 18 ans (22 % en métropole) et les effectifs scolaires représentent 40 % de la population à Mayotte et 30 % en Guyane contre 18 % en moyenne nationale » ([178])  ce qui devrait, de toute évidence, s’accompagner d’un plus grand nombre d’établissements scolaires et d’enseignants. Pourtant, on note un manque d’attractivité manifeste parmi les enseignants, que la Cour des comptes associe à « la dureté des conditions de vie, particulièrement marquée en Guyane, où le logement pose problème et où l’isolement est parfois très pénible » ; ainsi les écoles manquent et la scolarité y est extrêmement précaire. Face à la croissance démographique de ces territoires et aux tensions sociales générées par l’immigration, la scolarisation est un défi de taille qu’il convient de prendre en compte urgemment. En effet, le nombre d’écoles est très largement insuffisant pour répondre à cette hausse du nombre d’enfants en âge d’être scolarisés.

Il est impératif et essentiel de commencer par intensifier les efforts d’études de recensement dans ces régions, car les quelques estimations des taux de scolarisation en Guyane et à Mayotte sont insuffisantes à la recherche de politiques cohérentes.

Ce manque de connaissance peut expliquer en partie le constat que fait la Cour des comptes : la réponse de l’État est inadaptée. Malgré un budget alloué par élève 30 % supérieur à celui de l’Hexagone, le manque d’efficacité en la matière est flagrant, résultant d’une politique trop éloignée des réalités locales.

g.   Banques

Dans les DROM et les collectivités d’outre‑mer soumises au principe de l’identité législative, les tarifs bancaires sont surveillés par un Observatoire des tarifs bancaires établi au sein de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom).

La loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre‑mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre‑mer, dite « loi Lurel », a introduit l’article L. 711-22 dans le code monétaire et financier, qui prévoit que dorénavant dans les territoires ultramarins, les établissements de crédits ne peuvent pratiquer, pour les services bancaires de base, des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux que les établissements du groupe auquel ils appartiennent pratiquent dans l’Hexagone.

Or, les derniers chiffres publiés par cette instance témoignent, par exemple en matière de frais de tenue de compte, des différences entre l’Hexagone et les Outre‑mer.

Tarification moyenne des services bancaires aux particuliers dans les DOM et la collectivitÉ de Saint-Pierre-et-Miquelon au 1er avril 2023 (en euros)

en euros

Guadeloupe et Îles du Nord

Guyane

Martinique

La Réunion

Mayotte

Saint-Pierre-

et-Miquelon

DCOM zone euro

Hexagone(1)

TARIFS DE L’EXTRAIT STANDARD

Tenue de compte (par an)

25,67

22,49

26,33

20,44

23,63

22,46

23,28

20,23*

Abonnement à des services de banque à distance (Internet, téléphone fixe, sms, etc.) (par mois)

0,76

0,81

0,96

0,39

0,73

0,00

0,65

0,02

Abonnement à des produits offrant des alertes sur la situation du compte par SMS (par mois)

1,76

1,04

1,09

1,43

1,33

2,17

1,41

1,52

Abonnement à des produits offrant des alertes sur la situation du compte par SMS (par message)

0,39

0,32

0,39

0,32

0,34

SO

0,35

0,27

Fourniture d’une carte de débit (carte de paiement internationale à débit différé)

45,24

44,81

45,74

43,05

43,53

44,02

44,31

42,44

Fourniture d’une carte de débit (carte de paiement internationale à débit immédiat)

44,96

44,08

44,04

42,99

43,17

44,02

43,78

42,46

Fourniture d’une carte de débit (carte de paiement à autorisation systématique)

35,41

32,87

34,46

33,02

33,39

38,44

33,94

31,20

Retrait en euro dans un DAB d’un autre établissement de la zone euro avec une carte de paiement internationale ( au 1er retrait payant)

0,96

0,91

0,97

0,94

0,95

1,00

0,95

1,01

Virement SEPA occasionnel externe dans le territoire en agence (par virement et au 1er virement)

4,17

4,04

4,03

3,93

4,01

3,82

4,02

4,55

Virement SEPA occasionnel externe dans le territoire par Internet (par virement et au 1er virement)

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Prélèvement (frais de mise en place d’un mandat de prélèvement)

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,13

Prélèvement (frais par paiement d’un prélèvement)

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Commission d’intervention (par opération)

7,65

7,30

7,65

7,58

7,66

8,00

7,60

7,35

Cotisation à une offre d’assurance perte ou vol des moyens de paiement

28,00

26,04

27,79

26,51

24,80

36,00

27,08

23,80

TARIFS RÉGLEMENTÉS

 

Frais de rejet de chèque < 50 € (le tarif maximum imposé par la loi est de 30 €)**

29,57

29,07

29,73

29,01

29,39

30,00

29,33

 

Frais de rejet de chèque > 50 € (le tarif maximum imposé par la loi est de 50 €)**

48,55

47,10

49,11

45,98

47,74

50,00

47,46

 

Frais de rejet de prélèvement (le tarif maximum imposé par la loi est de 20 €)**

20,00

19,92

20,00

20,00

20,00

20,00

19,99

 

(1) Tarifs en vigueur au 5 janvier 2022

* Le montant de 20,23 € est celui de la moyenne métropole des frais de tenue de comptes actifs y compris cas de gratuité.

** Les montants intègrent d’éventuelles commissions d’intervention.

Source : Observatoire des tarifs bancaires aux particuliers dans les DOM et la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, rapports semestriels, avril 2023, https://www.iedom.fr/IMG/pdf/tarifs_bancaires_dans_les_dcom_eur_avril_2023.pdf

Alors présidente de l’Iedom, Mme Poussin‑Delmas, soulignait, certes, des avancées : « Il faut rappeler qu’en 2014, les écarts tarifaires pouvaient être assez importants. Par exemple, les frais de tenue de compte s’élevaient à plus de 14 euros. Les accords de convergence ont permis un réel rapprochement, puisque nous constatons aujourd’hui que cet écart est de moins de 3 euros. » ([179])

Elle signalait également l’existence de « mesures de plafonnement des frais bancaires, identiques en Outremer et dans l’Hexagone : d’une part, ce que l’on appelle l’offre spécifique, qui contient un certain nombre de services bancaires de base, qui est destinée aux populations fragiles, et dont le tarif est aligné entre l’Hexagone et l’Outremer ; d’autre part, un plafonnement des frais d’incidents bancaires, pour tous les clients en situation de fragilité financière, qui est plafonné à un niveau identique » ([180]). Elle rappelait aussi que « pour 2023, les banques se sont engagées à limiter leur hausse à 2 %, en Outremer comme dans l’Hexagone », engagement « tenu dans les DCOM, sauf pour un tarif d’une banque » ([181]).

Elle reconnaissait néanmoins que « [des] différences tarifaires subsistent » et les expliquait « en partie par des caractéristiques particulières des banques dans les territoires ultramarins, avec des coûts de structure, de personnel, mais aussi de risques qui sont plus importants » ([182]).

Pour le rapporteur, ce n’est pas aux clients des banques ni de supporter les conséquences des difficultés structurelles qu’elles rencontrent, ni de subir un surcoût du fait même de la plus grande précarité sur ces territoires. Il appelle donc à l’achèvement de la convergence entre les tarifs bancaires de l’Hexagone et ceux des Outre‑mer.

Proposition n° 1 : Compléter le dispositif prévu par la loi Lurel en interdisant aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs dans les territoires ultramarins aux tarifs pratiqués dans n’importe quelle région de l’Hexagone pour les mêmes prestations.

h.   Armateurs

L’économie des territoires ultramarins est très dépendante de la chaîne logistique d’importation par voie maritime. Ainsi, l’Autorité de la concurrence estimait dans son avis de 2019 ([183]) que le transport maritime de marchandises représentait la quasi-totalité, soit plus de 95 % des échanges de produits entre l’Hexagone et les DROM.

Le prix du transport maritime constitue donc un sujet particulièrement sensible pour les Outre‑mer. Certes, l’enjeu est loin d’être nouveau : il figurait déjà parmi les axes de travail identifiés dans la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi Erom ». Cependant, ce sujet a pris une acuité particulière dans le cadre de la hausse considérable des taux de fret, qui se répercute sur les prix des biens de consommation en Outre‑mer.

i.   Panorama de la chaîne logistique complexe du transport maritime

La chaîne logistique de transport est complexe et implique l’intervention de plusieurs acteurs et un enchaînement d’étapes :

1. la prise de vide au dépôt / terminal effectuée par un transporteur routier, ferroviaire ou fluvial ;

2. l’empotage du conteneur par l’exportateur ;

3. le préacheminement jusqu’au terminal de départ, réalisé par un transport routier, ferroviaire ou fluvial ;

4. la réception du conteneur par le manutentionnaire au terminal avant chargement ;

5. la mise en douane par un transitaire ;

6. le chargement du conteneur sur le navire réalisé par la société de manutention – à l’exception des Outre‑mer où la manutention verticale, les portiqueurs, dépend du grand port, donc de l’État ;

7. le transport maritime incluant le pilotage, le remorquage, le lamanage au départ et à l’arrivée ;

8. le déchargement du navire réalisé par une société de manutention, ou par le grand port en Outre‑mer ;

9. le dédouanement du conteneur ;

10. la livraison du conteneur au transporteur routier au terminal ;

11. le transport routier en Outre‑mer, jusqu’au client importateur ;

12. le retour par transport routier du conteneur vide au terminal ;

13. la réception du conteneur au terminal portuaire, dans l’attente de son rechargement.

Ainsi, quatre principaux acteurs entrent dans cette chaîne de valeur :

– la compagnie maritime ;

– les transporteurs intérieurs (routiers, ferroviaires ou fluviaux) ;

– l’interface portuaire avec les manutentionnaires et les services portuaires ;

– et enfin le transitaire, l’acteur logistique qui organise le transport. Ce dernier achète dans la plupart des cas le transport maritime et le transport routier, dédouane à l’export et à l’import, peut stocker et revendre à l’importateur.

Les facturations sont les suivantes :

– la compagnie maritime facture un fret et une surcharge carburant (communément appelée la BAF – Bunkering Adjustement Factor) ;

– les terminaux facturent leurs opérations de manutention au départ et à l’arrivée (THC – Terminal Handling Charges) ;

– le transitaire facture l’ensemble de la prestation logistique à l’importateur.

ii.   La multiplication des intermédiaires conduit à un phénomène d’accumulation des marges qui tend à renchérir les prix

En Outre‑mer, les intermédiaires sont nombreux entre le producteur et le distributeur : alors qu’ils sont en général au nombre trois en France hexagonale, en Martinique ils peuvent aller au-delà des quatorze, comme le montrent les schémas suivants fournis par l’armateur CMA CGM.

SchÉma d’approvisionnement pour un conteneur d’assemblage
(modèle frÉquent dans les DROM-COM)

SchÉma d’approvisionnement pour un conteneur plein

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

Or, plus la marchandise à expédier est en grande quantité, moins il y a d’intervenants, car certaines étapes – comme l’entreposage – peuvent être évitées. Cependant, cet effet volume est difficilement réalisable dans les territoires ultramarins, dans la mesure où ils sont confrontés à l’exiguïté des marchés et donc à la difficulté de réaliser des économies d’échelle.

Par ailleurs, la chaîne logistique est fortement capitalistique, comme l’explique le groupe Mediterranean Shipping Company (MSC) France : « elle implique en effet la mobilisation de moyens importants tels que les transports terrestres (camions, trains), des moyens de transport maritimes (navires), des actifs immobiliers (entrepôts, terminaux portuaires) et autres actifs (installations portuaires – grues…). Ces investissements importants sont bien souvent portés par de multiples investisseurs disposant de capacités de financement limitées. » ([184])

Dans ce cadre, l’armateur A.P. Møller-Mærsk estime « qu’il existe actuellement une tendance de l’industrie maritime vers une intégration verticale, la réduction des intermédiaires permettant de réduire les coûts totaux du transport maritime » ([185]).

Ce phénomène de morcellement des tâches conduit à une accumulation des marges des différents acteurs, dénoncée par le rapporteur dans plusieurs auditions et ciblée dès 2019 par l’Autorité de la concurrence. Cet empilement successif des marges vient gonfler des prix, déjà fortement contraints par des facteurs structurels et conjoncturels. Ce phénomène a d’ailleurs été reconnu par le ministre des Outre‑mer : « Il y a un cas où se produit une accumulation des marges : c’est lorsque la marchandise arrive au port, chez les transitaires. Nous essayons de travailler sur cette question, notamment en Martinique et en Guadeloupe. Il y a, en effet, une accumulation qui ne me paraît pas se justifier. » ([186])

Lors de son audition, Robert Parfait, président du groupe Parfait (exerçant des activités de distribution automobile, alimentaire et de décoration intérieure, dont trois hypermarchés sous l’enseigne Leclerc) expliquait : « L’accumulation des marges peut être faite de différentes manières. Vous avez touché une partie du sujet en parlant de l’accumulation des intervenants. Si j’ai beaucoup d’intervenants et que chacun prend une petite marge, à la fin, ça fait beaucoup de marge. Il vaut mieux parfois discuter avec une seule personne pour réduire les différentes marges. L’accumulation des marges peut aussi s’entendre de manière structurelle. » ([187]) Les marges structurelles de fonctionnement qu’il évoque sont dans son propos une des conséquences de la suppression de l’exclusivité contractuelle par la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre‑mer, dite « loi Lurel » : « Un grossiste a des coûts d’entrepôts, il a des salariés et il a une marge. Il a besoin de vivre. Si je passe par lui, je m’attends à payer plus cher que si je passe directement par Leclerc et que la marchandise arrive dans mon entrepôt en direct. » ([188])

L’Autorité de la concurrence pointe en ce sens un manque de transparence sur les données communiquées par les compagnies maritimes : « Les marges dégagées par les compagnies maritimes – et donc les coûts supportés par leurs clients – peuvent en théorie également être analysées. L’Autorité a toutefois rencontré des difficultés pour accéder aux données. Parmi les compagnies interrogées, plusieurs ont en effet indiqué ne pas être en mesure de communiquer des éléments de marge reflétant correctement les performances de leur activité dans les DROM. […] L’absence de données et les arguments avancés pour la justifier sont surprenants, dans la mesure où ils semblent impliquer une maîtrise limitée de la tarification conçue par ces entreprises, alors même qu’elles sont capables de différencier les taux de fret selon la nature du flux (import ou export). En tout état de cause, et malgré leurs limites, les données collectées par l’Autorité ne permettent pas d’exclure l’existence de marges et d’une rentabilité élevées pour certains opérateurs/certaines prestations, et suggèrent en outre des marges en progression sur certains segments. » ([189])

Dans le cadre de ses pouvoirs exceptionnels, la commission d’enquête a pu interroger les compagnies maritimes sous serment et leur demander communication de pièces couvertes par le secret des affaires. Le groupe CMA CGM, qui calcule ses marges sur la base d’une ligne maritime dans sa totalité, estime que la marge des lignes maritimes reliant l’Hexagone aux territoires ultramarins de France et hors France représentent en moyenne sur les dix dernières années une marge de 223 dollars par conteneur équivalent vingt pieds (EVP), soit 18 %. La marge moyenne sur dix ans estimée pour les territoires ultramarins desservis par la compagnie serait ainsi de 81 dollars par EVP, soit 12 % ([190]). Or, ces résultats, parce qu’ils sont donnés en moyenne sur dix ans, ne permettent pas de mesurer l’évolution de ces marges sur la durée, ni de connaître exactement la réalité des marges, en volume et en valeur, sur chacune des dix dernières années.

Le rapporteur constate donc un manque de transparence de la part de CMA CGM, ce qui lui permet de douter sérieusement de la faiblesse des marges réalisées sur ces lignes maritimes, alors que CMA CGM a réalisé un bénéfice net record de 23,4 milliards d’euros en 2022.

En effet, comme le relève l’armateur A.P. Møller-Mærsk, également connu sous le simple nom de Mærsk, dans ses réponses aux questions écrites du rapporteur, « il n’existe pas de comptabilité par port et/ou par destination » et « les entités facturant les prestations ne sont pas nécessairement celles enregistrant les coûts, ce qui limite la portée de l’analyse des comptes statutaires » ([191]).

Afin d’assurer une rentabilité suffisante sur ses services pour continuer à assurer une desserte compétitive et de qualité des territoires ultramarins, l’armateur CMA CGM a adopté une stratégie de lignes maritimes sous forme de boucles. Ce système permet en effet d’assurer une rentabilité des services maritimes supérieure à ce qu’elle ne serait seulement sur les Outre‑mer : la multiplicité des marchés desservis permet d’optimiser le remplissage des navires et de rendre l’accessibilité des marchés ultramarins français plus compétitive possible grâce à un effet d’échelle. La compagnie maritime Marfret explique en ce sens que « la compétitivité des dessertes de l’Outremer est notamment assuré grâce à des itinéraires élargis qui vont chercher des volumes continentaux en Amérique centrale, en Colombie, en Équateur, au Brésil, aux États-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande » ([192]). Cependant, cette stratégie de desserte complexifie la possibilité de calculer les marges effectuées sur les seules destinations Outre‑mer, comme les coûts du voyage sont couplés et amoindris par la desserte d’autres destinations voisines.

LES BOUCLES MARITIMES, UNE STRATÉGIE POUR RENTABILISER LA DESSERTE DES TERRITOIRES ULTRAMARINS

L’exemple des lignes maritimes de l’armateur CMA CGM

Source : CMA CGM – Réponses aux questions du rapporteur.

iii.   Le coût du transport maritime résulte d’une agrégation de plusieurs facteurs

Le coût du transport maritime se décompose généralement en trois catégories de recettes pour les compagnies maritimes ([193]) :

 le taux de fret, conçu pour couvrir les coûts fixes et variables liés à l’acheminement du conteneur du port de départ au port d’arrivée (52 % du total en moyenne dans les DOM en 2017 du montant total facturé) ;

 le coefficient d’ajustement de soutage, dite surcharge carburant ou « Bunker Adjustment Factor » (BAF), appliquée depuis 2000 pour couvrir spécifiquement les coûts liés au carburant et faire face aux variations exogènes du prix des combustibles (26 % en moyenne du montant total facturé) ;

 les autres coûts, constitués de frais de chargement et de déchargement des conteneurs, dits « Terminal Handings Costs (THC) » (22 % en moyenne du total facturé).

D’après l’Autorité de la concurrence ([194]), les coûts de transport représentaient, en 2018, 6 % du coût d’achat des marchandises importées par les grossistes et 8 % pour les distributeurs, tous DROM confondus. Au regard de l’importance des circuits de gros, le coût moyen de transport représentait donc 7,2 % du coût d’achat, soit 10 % du prix FAB (franco à bord) ([195]).

Il est à noter que les taux de fret relatifs aux flux imports, en direction des DROM, sont beaucoup plus élevés que ceux relatifs aux flux exports, au départ des DROM. En effet, le retour à vide des conteneurs incite les armateurs à rentabiliser les trajets en direction des DROM. Ainsi le fret est la composante sur laquelle l’armateur a théoriquement le plus de maîtrise.

Si pour la compagnie MSC « le coût du fret est principalement déterminé par l’offre et la demande » ([196]), le prix du fret maritime apparaît également déterminé par plusieurs facteurs, notamment :

le routing : c’est-à-dire la distance et l’itinéraire que suit un navire pour acheminer la marchandise. Plus la distance à parcourir est longue, plus l’itinéraire est complexe (passage de canaux, détroit…), plus le coût du fret maritime sera élevé ;

le type de marchandise : le prix du fret maritime est souvent basé sur le volume ou le poids de la cargaison. Les cargaisons plus volumineuses ou plus lourdes nécessitent plus d’espace sur le navire, entraînant des coûts plus élevés. Certains types de marchandises peuvent nécessiter des précautions spéciales lors du transport, comme des conditions de température contrôlée, pouvant entraîner des frais supplémentaires ;

les conditions de marché : les fluctuations de l’offre et de la demande impactent également le prix du fret. Si la demande de transport maritime est élevée et l’offre sur le marché limitée, les prix peuvent alors augmenter ;

les facteurs exogènes, tels que les fluctuations du prix du carburant. Pour les navires utilisant du carburant lourd, les variations du prix du pétrole peuvent avoir un impact sur le coût total du fret maritime. De plus, les ports facturent généralement des frais pour l’utilisation de leurs installations, ainsi que des taxes et des droits d’importation sur les marchandises.

La crise sanitaire et les tensions géopolitiques mondiales ont également pesé sur les coûts de transport, entrainant une hausse historique de la surcharge carburant (BAF) et des taux de fret.

Évolution du cours du prix du baril depuis 2018

 (en dollar américain)

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

D’une part, alors que la BAF repartait à la hausse dès 2016 après une période exceptionnelle de baisse, l’augmentation brutale du prix des énergies fossiles dans le contexte de guerre en Ukraine a entraîné un doublement de la surcharge carburant entre octobre 2021 et novembre 2022, selon les données fournies par CMA CGM.

Le calcul de la BAF, trimestrielle depuis 2018, s’appuie sur la consommation des navires, qui reste fixe, et sur le prix des combustibles, qui varie. Les montants des BAF sont annoncés un mois à l’avance pour une application le premier jour de chaque trimestre, contrairement au fuel dont les augmentations sont répercutées aux consommateurs finaux et aux transporteurs en quasi-temps réel. Par exemple, pour une application au 1er avril, la déclaration s’effectue le 1er mars sur les variations du trimestre de décembre – janvier – février.

DÉtermination de la BAF

 

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

Les variations de la BAF se basent sur le cours du pétrole depuis 2019 avec le passage aux fuels à très faible teneur en soufre (VLSFO – Very Low Sulfur Fuel Oil). La BAF évolue donc au rythme du cours du pétrole dont l’indice de référence pour les soutages en nord Europe est le Brent, soit le pétrole brut de mer du Nord.

Les principales variations récentes ont été les suivantes :

la chute des cours (2014 – 2015) et la remontée en 2016 : les cours se sont effondrés à l’été 2014, tombant en dessous de la barre des 50 dollars américains en 2015. La cause principale est un excès d’offre, combiné avec la production de pétrole de schiste aux États-Unis malgré la consommation mondiale croissante. L’Arabie saoudite a maintenu les niveaux de production de l’OPEP. En 2016, le cours du Brent est passé sous la barre des 30 dollars, le plus bas niveau depuis 2003. Une coalition des pays producteurs (Arabie Saoudite, Venezuela, Qatar et Russie) a permis de faire remonter le cours à 50 dollars en juin 2016 ;

l’année 2022 a été particulièrement volatile : le prix du Brent s’est envolé à près de 130 dollars le baril au second trimestre 2022 avec l’incertitude de la guerre en Ukraine, puis est redescendu début d’année 2023.

Ainsi après avoir atteint un niveau important en 2022, le montant de la BAF a baissé sur le premier trimestre 2023 pour les Antilles (– 488 euros par un conteneur de 40 pieds en passant de 1 240 euros à 752 euros) et pour la Guyane (– 688 euros par 40 pieds en passant de 1 748 euros à 1 060 euros).

Évolution du montant annuel de la BAF de 2018 à 2023

 (en dollar américain)

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

D’autre part, les taux de fret ont été multipliés par 7 entre 2018 (1500 dollars en moyenne pour un conteneur de 40 pieds) et le pic de septembre 2021 (10 500 dollars), avant d’accuser un repli tout aussi spectaculaire (– 66 % entre septembre 2021 et octobre 2022). En moyenne, les taux de fret auraient été multipliés par 4,3 entre 2018 et 2022.

Les coûts du transport maritime – « taux all in » ou « fret tout inclus », c’est-à-dire le taux de fret maritime avec toutes ses surcharges, dont la BAF et les frais THC – ont donc connu une évolution variable au fil du temps. Ils sont influencés par plusieurs facteurs : les fluctuations des prix du carburant, les coûts opérationnels liés à la gestion des navires (frais de port, taux de charte, etc.), les frais de manutention portuaires et les réglementations. Ces coûts comprennent les charges variables (tous les coûts inhérents aux conteneurs) et les charges fixes inhérentes à la ligne maritime, pondérés par la distance de cette liaison Hexagone – territoire ultramarin sur le total de la distance parcours par la ligne.

En plus des frais de transport maritime, s’ajoutent les droits de ports dans la catégorie des frais d’approche. Le passage portuaire représente en effet plusieurs étapes :

– la prise de pilote à l’entrée du port ;

– le chenalage ;

– la mise à quai du navire par les lamaneurs ;

– les moyens de manutention verticaux pour les conteneurs ;

– le stockage du conteneur sur le terminal ou encore la livraison du conteneur par une société de manutention pour mettre à disposition les conteneurs au transporteur lors de la livraison finale ou pour une mise en entrepôt.

La prise en charge de la marchandise fait ensuite intervenir les administrations de l’État : la douane, les services de contrôle phytosanitaire et vétérinaire, ou encore les services chargés des contrôles de sûreté.

Or, selon l’Autorité de la concurrence, les coûts de manutention portuaire représentent, à eux seuls en moyenne dans les DROM, près de 20 % du coût de transport ([197]). D’autant que les pays insulaires voisins aux territoires ultramarins auraient des coûts moindres. Pour la CMA CGM, cette différence de tarification entre les différents ports résulterait d’un coût de main d’œuvre plus élevé dans les Outre‑mer et d’écarts importants d’investissement à réaliser pour la modernisation des infrastructures portuaires, créant de fait une différence d’attractivité ([198]).

Frais portuaires 2022 dans les DROM-COM et les ports insulaires voisins

 (en dollar américain)

Taille des navires

Port

Frais de port

Pilotage

Remorquage

Lamanage

TOTAL*

6 900 EVP

Caueedo (Rep. Dominicaine)

4 600

3 200

7 300

110

17 000

Pointe-à-Pitre (France)

32 200

6 900

18 000

1 100

59 000

9 300 EVP

Port Louis (Maurice)

7 900

3 870

14 800

154

27 300

La Réunion (France)

23 400

11 100

33 000

3 700

71 500

2 200 EVP

Port of Spain (Trinidad et Tobago)

7 200

2 900

4 700

1 100

17 000

Guyane (France)

30 850

15 760

-

450

47 200

Taille des navires exprimée en nombre de conteneurs équivalents vingt pieds (EVP) transportés par le navire

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

L’analyse des données fournies par l’armateur CMA CGM au rapporteur de la commission d’enquête montre qu’entre 2016 et 2022, le coût du fret maritime a augmenté au total de près de 119 %, tendant dès lors à justifier une augmentation des prix du conteneur. Cependant, lorsque l’on compare l’augmentation des prix publics (tarifs de base proposés à un client, hors tarifs différenciés), du conteneur 40 pieds, qui a doublé entre 2016 et 2022 en Guadeloupe et en Martinique, avec l’augmentation des coûts, à hauteur de 28 % et 29 % respectivement pour ces deux territoires, on ne peut établir de corrélation proportionnelle directe entre l’évolution exponentielle des coûts par territoire et celle des prix pratiqués sur les conteneurs par cette compagnie.

iv.   La réduction appliquée sur le prix des conteneurs par le Groupe CMA CGM : une ristourne en trompe-l’œil ?

Ainsi, dans un contexte d’augmentation brutale du coût du transport maritime, résultant de l’augmentation des surcharges conjoncturelles (BAF) et du fret « taux all in ou fret tout inclus », le groupe CMA CGM a appliqué, à partir de mai 2021, un gel des taux de fret spot (à la demande) dans les Outre‑mer, « ce qui a permis aux taux de fret pratiqués par CMA CGM de rester stables sur 24 mois » ([199]).

Puis, en juillet 2022, le groupe a mis en place un dispositif d’aide au pouvoir d’achat (APA) : « à hauteur de 250 euros pour un conteneur 20 pieds et 500 euros pour un conteneur de 40 pieds, quel que soit le type de conteneur (sec ou réfrigéré) pour la totalité des importations qu’il assure dans les Outremer. Pour l’Hexagone, seuls 14 grands clients importateurs ont été ciblés pour répercuter ces aides à leurs clients ». Au 1er août 2022, cette aide a été augmentée en passant à 375 euros pour un conteneur équivalent 20 pieds et à 750 euros par conteneur équivalent 40 pieds importé dans les Outre‑mer. Ainsi, la compagnie estime que grâce à cette mesure « sur tous les Outremer français, les taux de fret pratiqués par CMA CGM sont restés stables sur cette période de 24 mois, une situation unique dans le monde. Le prix du transport maritime facturé par CMA CGM à ses clients a même baissé à partir de juillet 2022 dans l’ensemble des Outremer. » ([200]) Elle explique en ce sens que, tandis que la BAF augmentait au 1er juillet 2022 de 168 euros par conteneur équivalent vingt pieds ou EVP (dont 27 euros par EVP dus au taux de change euro–dollar et 141 euros par EVP dus au prix des combustibles) l’aide au pouvoir d’achat de 375 euros par EVP aurait permis un gel sur l’augmentation des combustibles fossiles de 168 euros par EVP et d’une baisse de 207 euros par EVP. Cette aide au pouvoir d’achat, initialement prévue jusqu’au 31 juillet 2023, a par ailleurs été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023 pour les Outre‑mer. La compagnie CMA CGM estime que cet effort représenterait une réduction du taux de fret de 15 à 25 % suivant les destinations dans les Outre‑mer, pour un coût de près de 80 millions d’euros annuel pour le groupe.

Évolution des prix publics (fret seul + BAF) pour un conteneur 40 pieds sec au dÉpart du Havre

 (base 1 en 2013)

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

Pourtant, les acteurs de la grande distribution assimilent cette aide au pouvoir d’achat à une mesure d’affichage qui n’aurait pas permis in fine de réduire le coût de l’import des biens de consommation par voie maritime. « Je rappellerai que le BAF, pour un quarante pied, s’établit à 900 euros. L’aide de 750 euros n’a même pas neutralisé le coût du BAF » déclarait en ce sens M. Christophe Bermont, directeur des magasins du Groupe Bernard Hayot (GBH) Carrefour à la Martinique. ([201])

De son côté, le président-directeur général du groupe CMA CGM, M. Rodolphe Saadé, renvoie la responsabilité du coût de la vie sur les acteurs de la grande distribution : « J’aimerais savoir ce que les grands distributeurs ont fait des économies dont ils ont bénéficié suite à la baisse des tarifs de fret. On me questionne sur le montant de la réduction et je suis prêt à donner tous les chiffres. Mais eux, qu’ont-ils fait avec ces économies ? Ont-elles été répertoriées auprès des clients finaux ? Il est facile d’aller taper sur la compagnie maritime, mais qu’ont-ils fait ? Moi, j’ai 80 millions de moins. J’aurais pu augmenter mes tarifs de fret, je ne l’ai pas fait. Ces économies que j’ai données aux clients finaux, où sont-elles passées ? » ([202]) D’autant qu’il affirme que, « depuis quelques mois, vous voyez que la BAF est au plus bas » ([203]).

Or, lors de son audition, les dirigeants du groupe GBH ont clairement dénoncé l’opacité qui était gardée sur le calcul de la BAF : « J’aimerais, si cela est possible, avoir aussi de la transparence sur la constitution du BAF. Nous parlons de 900 euros de BAF sur 5 000 euros et nous ne savons jamais comment cette taxe est calculée. Personne ne le sait. Sur les quatorze éléments, nous en maîtrisons trois parce que nous sommes en fait le donneur d’ordres sur ces éléments, indispensables au processus. Nombre d’autres éléments ne sont jamais analysés et questionnés, alors qu’ils représentent une part beaucoup plus importante. » ([204]) Si le groupe CMA CGM a expliqué que le calcul de la BAF « s’appuie sur la consommation des navires sur un marché donné, qui reste fixe alors que le prix des combustibles varie », il n’a pas communiqué à la commission d’enquête la formule de calcul précise, permettant de lever tout soupçon d’opacité sur ce facteur déterminant du coût du transport maritime.

En outre, les dirigeants de CMA CGM ont témoigné pendant leur audition d’un certain scepticisme quant à l’ampleur de la répercussion du coût du transport maritime sur le pouvoir d’achat des consommateurs ultramarins : « Vous avez posé des questions sur l’aide au pouvoir d’achat. Nous aimerions bien voir ces 750 euros au niveau des ménages et des hypermarchés, mais peut-être que ces 750 euros que vous divisez par 20 tonnes et que vous divisez ensuite pour le kilo de pâtes ne se voient pas assez. Le fret constitue-t-il une part de la vie chère dans les territoires ? Sur un conteneur qui a une valeur de 50 000 euros ou de 100 000 euros, le fret contribue-t-il à la cherté du produit ? Je ne le pense pas. » ([205]) En ce sens, l’avis de l’Autorité de la concurrence de 2019 explique que le coût global de transport maritime ne représente qu’une part marginale du coût d’achat des produits importés, soit moins de 5 % en moyenne.

De son côté, la compagnie Marfret estime difficile d’envisager la manière dont le coût du transport maritime pourrait être encore réduit, estimant « qu’il diminue depuis 10 ans et qu’il est déjà très bas, dans un contexte inflationniste et d’intensification de la règlementation environnementale qui va continuer d’accroître les coûts d’exploitation des armateurs » ([206]). Pour A.P. Møller-Mærsk, « une réduction supplémentaire du coût du fret aurait donc un impact quasiinexistant sur le prix final d’un produit à la consommation à La Réunion » ([207]).

M. Rodolphe Saadé a par ailleurs annoncé lors de l’audition que la baisse de 750 euros pour les conteneurs de quarante pieds ne serait pas maintenue après le 31 décembre 2023. Dans cette perspective, le rapporteur se dit inquiet des répercussions qu’une telle annonce pourrait avoir sur les prix du transport maritime: la fin des mesures de diminution tarifaire du fret sera de nature à renchérir brutalement le prix du fret et par conséquent à augmenter brusquement le coût de la vie dans les territoires ultramarins. Le rapporteur alerte donc les autorités publiques quant à cette menace qui pourrait venir de nouveau renchérir le coût de la vie des ultramarins dans les mois à venir.

v.   La CMA CGM, un groupe en position dominante sur le marché du transport maritime

Si l’Autorité de la concurrence n’a jusqu’alors pas conclu à l’existence d’entente ou de pratiques concertées entre armateurs, il n’en reste pas moins que la CMA CGM détient, aux yeux du rapporteur, une position dominante sur le marché du transport maritime.

En effet, ses parts de marché se sont renforcées depuis 2013 dans la quasi-totalité des territoires français ultramarins. Ainsi, entre 2013 et 2022, la part de marché de la CMA CGM est passée, selon ses propres déclarations, de 49 % à 62 % en Martinique, de 51 % à 64 % en Guadeloupe, de 95 % à 97 % à Saint-Barthélemy, de 76 % à 82 % en Guyane, de 29 % à 45 % à La Réunion, de 24 % à 39 % en Polynésie française et de 25 % à 37 % en Nouvelle-Calédonie.

Les territoires de Mayotte et de Saint-Martin font exception dans la mesure où la part de marché de la CMA CGM diminue, mais où elle atteignait déjà des niveaux records : entre 2013 et 2022, la part de marché de la CMA CGM est ainsi passée respectivement de 73 % à 70 % à Mayotte et de 87 % à 82 % à Saint-Martin.

Par ailleurs, la proportion de navire CMA CGM dans les grands ports ultramarins reste non négligeable. Selon les déclarations de l’armateur en réponse aux questions écrites du rapporteur, sur 100 bateaux arrivant au port de Polynésie, 84 appartiendraient au groupe CMA CGM. Cela représenterait également 24 % des bateaux en Guadeloupe, 29 % à La Réunion, 32 % en Martinique, 63 % à Mayotte et 78 % en Guyane.

Proportion de navires CMA CGM dans les grands ports ultramarins

Port ultramarin

Pourcentage de navires CMA

Martinique

32 %

Guadeloupe

24 %

La Réunion

29 %

Guyane

78 %

Mayotte

63 %

Polynésie française

84 %

Nouvelle Calédonie

20 %

Source : CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

En outre, certaines compagnies maritimes procèdent par affrètement d’espace auprès de CMA CGM, c’est-à-dire qu’elles louent un quota d’emplacement sur un navire de CMA CGM pour y charger ses conteneurs, moyennant un prix fixé contractuellement à l’avance. Les deux compagnies sont censées conserver leur liberté commerciale et pratiquer des prix différents vis-à-vis des clients finaux. C’est notamment le cas de l’armateur A.P. Møller-Mærsk, sur deux des quatre lignes maritimes par lesquelles il dessert La Réunion. Le 31 mars 2023, A.P. Møller-Mærsk a mis fin à l’affrètement d’espaces auprès de CMA CGM qu’il réalisait sur la destination des Antilles française, c’est-à-dire que l’armateur a cessé d’acheter des quotas d’emplacement (slot) sur les navires opérés par CMA CGM. La compagnie explique ce retrait par une balance commerciale déficitaire depuis de nombreuses années et une activité économiquement non viable, surtout au regard des faibles volumes du fret Mærsk sur ces lignes. D’une manière générale, elle estime qu’« il n’est pas possible d’opérer, de manière viable, une activité de transport à destination des territoires ultramarins sans disposer d’une présence importante en France métropolitaine. Pour cette raison, Mærsk n’est historiquement pas un acteur majeur du transport maritime entre l’Europe / la France et les territoires outremer français. » ([208])

Si la CMA CGM dément toute accusation de rente monopolistique sur les territoires ultramarins, la situation concurrentielle lui est cependant favorable.

Cette situation concurrentielle dans le domaine du transport maritime a par ailleurs été évoquée à plusieurs reprises lors des auditions. M. Raymond Vidil, président de Marfret, expliquait en ce sens que « une qualité de desserte est proposée dans le cadre d’une libre concurrence. Pour ce qui nous concerne, je peux vous assurer que celle-ci est sévère. Il n’est pas aisé en effet de mettre en œuvre des services face à des géants des mers. » ([209]) De son côté, l’armateur A.P. Møller-Mærsk estime que la desserte de La Réunion se fait dans un « contexte concurrentiel très intense » et que l’activité des principaux armateurs contribue à « offrir un niveau de service très élevé à des tarifs très bas malgré la faible productivité du port de La Réunion ».

Le président du groupe CMA CGM a expliqué devant la commission d’enquête qu’il avait formulé une promesse d’achat pour l’acquisition des activités de commission de transport et de logistique du Groupe Bolloré le 8 mai 2023, qui devrait être effective au premier trimestre 2024. Cette opération, concernant 600 agences, 115 entrepôts répartis dans 111 pays et 13 500 collaborateurs, devra cependant être autorisée par les différentes autorités de la concurrence.

Le groupe assure que l’abandon des conférences maritimes – ententes entre les compagnies maritimes pour fixer les tarifs et les horaires de leurs services de transport maritime – et la fixation libre des prix du fret ont pu favoriser la concurrence et donner aux distributeurs une plus grande marge de négociation des prix. Néanmoins, cet effet a été limité par plusieurs facteurs.

D’une part, certaines formes de coopération et de coordination existent toujours entre les compagnies maritimes, notamment dans le cadre d’alliances ou de consortiums pour optimiser les services de transport.

D’autre part, les spécificités des dessertes Outre‑mer limiteraient d’attractivité des ports ultramarins pour les compagnies maritimes et donc le développement de la concurrence sur le marché du transport maritime. Les causes sont multiples :

 faiblesse des tarifs : les lignes maritimes ne sont pas toujours bénéficiaires, comme l’ont montré les différents armateurs lors d’une audition en table ronde ([210]). L’équilibre financier de l’exploitation de ces lignes maritimes étant en général trouvé via l’élargissement des itinéraires et des flux de marchandises provenant des autres destinations desservies ;

 coûts de transport incompressibles : les longues distances à parcourir entraînent des coûts de transport élevés ;

 contraintes logistiques et infrastructures limitées : infrastructures portuaires limitées, difficultés d’accès du fait de la limitation des tirants d’eau, flux asymétrique des marchandises (retour à vide des conteneurs), manque d’espace suffisant de stockage dans les territoires, ce qui renchérit le coût d’entreposage ;

 effets de réseau et de volume : marchés exigus, effet volume faible ;

 risques prononcés : évènements climatiques fréquents, mouvements sociaux, etc.

2.   Au cœur des problématiques de la vie chère, la grande distribution, doit désormais faire preuve d’éthique en sortant de l’opacité et en se pliant à un légitime exercice de transparence

a.   Une hausse particulièrement élevée des prix des produits alimentaires, malgré les promesses des distributeurs

La commission d’enquête a auditionné de nombreux « grands groupes » dominant le marché de la grande distribution en Outre‑mer : le Groupe Bernard Hayot (GBH), la Société Antillaise Frigorifique (SAFO), les groupes Parfait, Créo, et Wane. Une délégation a également pu rencontrer les dirigeants des groupes Make Distribution et Excellence à La Réunion.

En matière de baisse des prix, les promesses de ces distributeurs ne manquent pas.

Ainsi, pour les dirigeants de GBH, « depuis que nous avons repris [les magasins qui appartenaient à Vindémia], nous avons tenu notre engagement de baisse de prix. Nous n’avons pas baissé les prix de 4 %, mais de 7 % » ([211]).

Et M. Robert Parfait d’expliquer que la baisse des prix est au cœur de leur politique : « Le deuxième axe stratégique est d’offrir un large choix de produits peu chers, de bonne qualité, dans un cadre agréable pour témoigner à nos clients du respect à leur égard. Notre slogan : "Le prix, le choix et la qualité". » ([212])

Or, les chiffres prouvent aujourd’hui que ces promesses n’ont pas été tenues : comme exposé supra, les prix ont toujours été beaucoup plus élevés en Outre‑mer que dans l’Hexagone, particulièrement en ce qui concerne les produits alimentaires.

ÉCARTS DE PRIX POUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES ENTRE LES DOM
ET LA FRANCE HEXAGONALE EN 2022

Département
d’outre-mer

Écart moyen (Fisher)

Écart sur la base du panier de consommation hexagonal

Écart sur la base du panier de consommation du DOM

Guadeloupe

15,8

19,2

12,6

Martinique

13,8

17,1

10,6

Guyane

13,7

17,6

10,0

La Réunion

8,9

12,3

5,5

Mayotte (hors loyers)

10,3

17,7

3,4

Note : l’écart moyen ou indice de Fisher correspond à la moyenne géométrique des écarts de prix calculés, l’un sur la base du panier de consommation moyen du DOM, l’autre sur la base du panier moyen de France hexagonale.

Lecture : en 2022, l’écart de prix (indice de Fisher) est de +36,7 % pour les produits alimentaires à La Réunion par rapport à la France hexagonale.

Champ : France, consommation de produits alimentaires et boissons non alcoolisées des ménages.

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale des prix 2022 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7648939

De plus, ces prix n’ont jamais cessé d’augmenter, de manière fulgurante en ce qui concerne les produits alimentaires.

La progression des prix alimentaires s’est trÈs fortement accentuÉe

Source : IEDOM-IEOM – Document remis lors de l’audition.

Dans le détail, comme le constate l’Insee dans les conclusions de son enquête de comparaison spatiale de niveau des prix réalisée en 2022, « Les écarts de prix sont les plus marqués pour le café, thé et cacao, les eaux et jus, les laitages et les produits sucrés (sucre, confiture, miel, chocolat et confiserie) dans tous les DOM. À l’inverse, les écarts sont plus réduits pour les poissons (frais ou surgelés), les fruits (frais, surgelés, secs, à coque ou en conserve), les viandes et, le pain et les céréales, produits pour lesquels les prix restent néanmoins plus élevés dans les DOM. L’écart de prix des légumes est plus faible que l’écart moyen sur l’alimentaire en Guadeloupe et en Martinique mais il le dépasse en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. » ([213])

Pour le rapporteur, les consommateurs ultramarins sont en droit de connaître les causes et les conséquences de ce phénomène et de savoir, tout simplement, où va leur argent, ce qu’en font les grands groupes, et à qui il profite.

b.   De nombreux intermédiaires sur la chaîne d’approvisionnement

La complexité de la chaîne d’approvisionnement serait-elle la raison du niveau élevé des prix ?

La question de la multiplication des intermédiaires est importante et a déjà été évoquée supra au sujet des armateurs et du transport maritime, étape qui fait intervenir un très grand nombre d’opérateurs. Ce phénomène est un facteur de complication central de la chaîne d’approvisionnement ultramarine, puisque l’import représente 74 % des achats de marchandises et que le transport maritime de ces marchandises représente plus de 95 % des échanges de produits entre l’Hexagone et les DROM ([214]).

Cette complexité se retrouve sur l’ensemble des étapes de la chaîne d’approvisionnement ultramarine.

En effet, comme l’exposait le rapport du Conseil économique, social et environnemental : « Les produits importés sont grevés de frais d’approche incompressibles : fret, coûts de manutention, coûts de dédouanement. Les produits entrant sur le territoire ont ainsi un handicap de prix d’autant plus important que la valeur du produit est faible. Selon M. Pascal Thiaw-Kine, adhérent E. Leclerc à La Réunion, "quand un produit de grande consommation (PGC) à 1 euro quitte l’Hexagone par bateau, il arrive, à La Réunion, à 1,29 euro. Il y a donc 29 % de surcoût". » ([215])

Le rapporteur est bien conscient des surcoûts induits par la complexité de cette chaîne logistique, inhérente à l’éloignement géographique des territoires, qui conduit à une multiplication des acteurs : « Alors qu’en Hexagone, il faut trois opérateurs pour qu’un produit arrive à un client, dans nos territoires en général, il en faut quatorze, soit près de cinq fois plus d’intermédiaires. » ([216])


Les diffÉrents acteurs de la chaîne d’approvisionnement

 

Source : Groupe CréO

 


  1  

Les distributeurs sont prompts à faire de cette chaîne logistique l’unique explication de la cherté des produits de grande distribution : « Vous voyez que nous ajoutons un surcoût qui s’appelle la logistique départ, qui correspond au coût du camion de l’usine de production à la centrale ou chez le transitaire, puis du transitaire sur le port où le produit est embarqué en étant levé par la grue pour arriver au-dessus du bastingage du bateau. Ces coûts représentent en moyenne 8 %. Ensuite, vous avez la phase du transport qui englobe le prix du fret, vous avez le prix de la BAF (bunker adjustment factor, facteur d’ajustement de soute), plus quelques frais annexes. Sur une moyenne générale, établie sur la base de nos achats dans tous les secteurs, le transport et la BAF coûtent 11,5 % de plus qui viennent se rajouter aux 100 % du prix du départ du produit. Les autres taxes représentent 17 %. […] Une fois le bateau arrivé, nous avons en moyenne 3,3 % de gestion du port comprenant les débarquements, les stationnements ou ce que vous voulez. Vient après la logistique locale. Les conteneurs sortent du port et sont transportés par des camions. Un trajet du port à la Galleria coûte 260 euros. Il faut ensuite déposer les conteneurs dans les entrepôts, chez le logisticien ou autre. On considère qu’en moyenne, la logistique locale et la livraison coûtent 6,8 % aux Antilles.

« Au final, un produit sur une base de 100 qui arrive aux Antilles fait l’objet d’un surcoût moyen de 46,6 %. Ce sont les moyennes qui ont été faites sur tous nos achats. Vous avez des produits électroniques, de l’alimentaire qui représente 90 %, du textile, etc. C’est une moyenne. » ([217])

Il est évident que la multiplication des intermédiaires, chacun faisant nécessairement sa marge, augmente considérablement le coût de revient de la marchandise en bout de chaîne et donc par conséquent le prix de vente.

D’autre part, selon le rapporteur, cette multiplication d’acteur est un moyen efficace de noyer l’accumulation des marges, tout en justifiant que les marges sont raisonnables prises individuellement, notamment pour les grands groupes dont les chaînes d’approvisionnement sont concentrées verticalement, car ils font des économies d’échelles et ils négocient commercialement en permanence en fonction de leur pouvoir économique grandissant.

La question de la casse, c’est-à-dire de la détérioration des produits au cours de leur acheminement, est aussi souvent évoquée : « Aujourd’hui, pour vous donner l’idée, en métropole, le taux de casse est inférieur à 2 %. Aux Antilles, nous tournons assez souvent à 5 ou 6 %. » ([218])

C’est un fait : un produit importé, acheminé par bateau dans des conditions évoquées supra, coûte plus cher. Néanmoins, le rapporteur estime qu’il faut, d’une part, entrer dans le détail du fonctionnement de cette chaîne logistique et qu’il faut déterminer, d’autre part, les circuits financiers du renchérissement induits par la multiplication des opérateurs.

Dans son rapport de septembre 2009 sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM, l’Autorité de la concurrence a souligné les spécificités du circuit d’approvisionnement des marchés ultramarins ([219]).

Les marchés d’outre‑mer présentent trois circuits d’approvisionnement :

– un premier modèle d’acheminement (« circuit intégré ») voit l’industriel implanter une structure logistique lourde dans les DOM. Il se charge ainsi du transport et de la manutention des produits et de l’approvisionnement des points de vente. Ce type de circuit est par exemple privilégié par Nestlé France ;

– suivant le deuxième modèle d’acheminement (« circuit court » ou « circuit désintermédié »), le distributeur est livré sur ses propres plateformes de stockage situées soit en France hexagonale, soit dans les DOM ou dans les deux territoires. Ce circuit d’approvisionnement est par exemple privilégié pour l’approvisionnement en produits sous marque de distributeurs ou par certains distributeurs, tels que le GIE Mascareignes pour ses magasins sous enseigne Leclerc ;

– enfin, un troisième modèle d’approvisionnement (« circuit long » ou « circuit intermédié ») consiste à recourir à un intermédiaire, généralement désigné sous le terme d’« importateur-grossiste » ou d’« agent de marques ». Celui-ci assure certaines opérations logistiques (stockage, livraison, etc.), revend aux distributeurs les produits achetés auprès des industriels et prend également en charge certaines actions commerciales (promotions, etc.).

Il faut bien entendu ajouter à ces trois circuits l’approvisionnement direct des distributeurs auprès des producteurs locaux.

En 2009, l’Autorité de la concurrence observait la préférence des distributeurs pour le circuit long et livrait l’analyse suivante :

« Le circuit "court" présenterait également des inconvénients et certaines tentatives faites par [un distributeur] pour importer directement des produits [de marque] se seraient soldées par des échecs. Ainsi, les distributeurs souhaitant s’approvisionner directement auprès soit du fabricant, soit de leurs centrales d’approvisionnement, se voient appliquer des tarifs supérieurs à ceux octroyés aux intermédiaires-grossistes. […] Les services rendus par les grossistes, qu’il s’agisse de la logistique ou des services en magasin, sont appréciés des distributeurs : le choix du circuit court nécessite donc au préalable que le distributeur investisse des stades de la chaîne d’approvisionnement dans lesquels il n’est pas forcément expérimenté. Pour autant, le circuit "long" fait intervenir un intermédiaire supplémentaire dans la chaîne d’approvisionnement. […] Dans la plupart des cas, les grossistes bénéficieraient, en pratique voire en droit, d’une exclusivité de clientèle limitant l’ampleur de la concurrence intra-marque sur chaque territoire domien, notamment lorsque la concurrence inter-marque est limitée par la forte concentration sur le marché amont et/ou lorsque les produits considérés sont des marques notoires que chaque distributeur se doit de présenter en rayons. […] Compte tenu des marges perçues par les intermédiaires-grossistes, il n’est pas exclu que les prix d’achat des distributeurs dans le circuit court soient inférieurs à ceux payés dans le circuit intermédié. De fait, […] les écarts de prix entre les DOM et la métropole sont significativement plus faibles dans le cas de produits de MDD, qui transitent majoritairement via un circuit "court", que dans le cas des produits de marque nationale, fréquemment importés via le circuit "long". Les différences observées entre ces deux catégories de produits ne peuvent découler exclusivement ni de l’octroi de mer (dont les taux sont trop faibles pour expliquer l’ampleur des différentiels), ni des marges réalisées par les distributeurs, en général au moins aussi élevées dans le cas des MDD que dans le cas des produits de marque. De même, le rapport d’enquête de la DGCCRF a comparé les prix d’achat des distributeurs dans les deux types de circuit pour un nombre limité de produits. Pour les six exemples considérés, le contournement des agents de marque permettrait une réduction des prix d’achat comprise, selon les produits, entre 6 et 60 %. […] Ainsi, le circuit "court" ferait bénéficier les distributeurs de prix d’achat aussi bas, voire inférieurs à ceux obtenus via les importateurs-grossistes. Toutefois, ce circuit demeure relativement moins utilisé que le circuit intermédié. » ([220])

Et l’Autorité concluait en évoquant le renchérissement des prix inhérents à l’intervention d’un grossiste‑importateur : « Pour une majorité de produits de grande consommation, le niveau des prix dans les DOM est donc la résultante d’un processus de formation des prix en trois étapes : le transport de ces produits de l’industriel vers un importateur-grossiste, le transfert de ces produits vers un détaillant du secteur de la grande distribution, la revente de ce produit au consommateur. Chacune de ces étapes ajoute une marge plus ou moins élevée, selon l’importance des coûts afférents et l’intensité du jeu concurrentiel à chaque stade. » ([221])

Face à ce constat, il est donc heureux que l’Autorité de la concurrence ait pu constater dix ans plus tard, en 2019, que « le développement des achats directs, et en particulier des achats aux centrales, constitue la principale évolution en termes de concurrence depuis 2009. Certains distributeurs franchisés/affiliés/associés s’approvisionneraient ainsi pour la majorité voire la quasi-totalité de leurs produits de marques nationales auprès de leur centrale d’achat métropolitaine. » ([222])

De façon générale, les circuits d’approvisionnement évoluent : « Nos volumes importants nous permettent ainsi de faire du "direct usine", d’éliminer les intermédiaires, de positionner nos conteneurs directement à l’usine tout en obtenant un meilleur prix unitaire et de faire baisser les coûts de chargement. » ([223])

L’entrée en vigueur de la loi Lurel ([224]), et notamment de l’interdiction des accords exclusifs d’importation, a sans doute contribué à accroître l’intensité concurrentielle entre grossistes. Leur rôle demeure néanmoins important et emporte de nombreuses difficultés et interrogations, qui seront exposées infra.

 « Les délais d’acheminement et leurs aléas ont aussi un coût élevé. C’est une nécessité pour les entreprises ultramarines de sur-stocker pour éviter les ruptures d’approvisionnement. Ces sur-stocks ont un coût physique, en entrepôts et solutions logistiques, et un coût intrinsèque, car un stock immobilisé pèse sur les charges de l’entreprise. » ([225])

Le stockage a donc un rôle essentiel dans la chaîne d’approvisionnement des Outre‑mer.

Cette difficulté et ses causes sont soulignées par l’ensemble des distributeurs, qui la lient directement et au problème de l’accès au foncier sur ces territoires et de son coût :

« Les entreprises domiennes ont des couvertures de stock beaucoup plus importantes que leurs homologues métropolitains et cela a un coût, un coût financier pour le portage de ce stock, mais aussi un coût immobilier, puisque nous devons avoir des entrepôts ou passer par les prestataires logistiques ayant ces entrepôts. On considère qu’il faut presque autant de surfaces de stockage que de surfaces de vente sur nos territoires. » ([226])

« Le loyer d’un entrepôt en Martinique est en moyenne de 12 euros le mètre carré contre 5 euros dans l’Hexagone. Du fait de l’éloignement, nous sommes obligés d’avoir un stock de 30 jours de couverture, contre 15 jours pour un opérateur hexagonal. Les conséquences sont doubles. D’une part, nous avons besoin de deux fois plus de surface disponible. D’autre part, nous fonctionnons à l’inverse du modèle traditionnel de la distribution, où le besoin en fonds de roulement (BFR) est négatif : généralement, le distributeur paye le fournisseur après que le client l’a payé. Nous devons donc financer le stock. » ([227])

De plus, « aux Antilles, les normes de construction font que les coûts sont facilement de 50 à 80 % plus élevés que ceux de la métropole. Nous avons les normes sismiques, nous avons les normes anticycloniques. » ([228])

Ainsi, le stockage constitue l’un des services pris en charge par les grossistes‑importateurs, au cœur de leur fonction de mutualisation, et que les distributeurs doivent donc assumer eux‑mêmes s’ils décident de se passer de cet intermédiaire : « Les grossistes, s’ils existent, c’est qu’ils ont un sens, notamment sur la partie du stockage. La multitude de références fait que nous ne pourrions pas stocker cette marchandise dans nos territoires, dans lesquels le foncier est plus cher. Lorsqu’un entrepôt coûte 3 ou 4 euros du mètre carré en métropole, il en coûte 12 dans les Outremer. Il faudrait donc doubler nos surfaces pour pouvoir stocker ces produits et finalement, le consommateur lui-même paierait ce coût d’entreposage. C’est une solution à moindre coût qui lui est proposée. Même si elle reste coûteuse, elle apparaît mieux-disante qu’une solution directe. » ([229])

La nécessité de stocker plus que dans l’Hexagone est donc un facteur de renchérissement des coûts de la grande distribution. Elle est indissociable de la question, évoquée supra, de la question de la rareté du foncier et de la difficulté d’y avoir accès, de par l’exigüité des territoires et en raison de sa concentration entre les mains d’un petit nombre de propriétaires.

Comme le constate l’Autorité de la concurrence, si « la distribution dans les DROM est dominée par des grandes enseignes nationales également présentes en métropole » et si « la plupart des principales enseignes nationales sont ainsi actives dans un ou plusieurs DROM » on constate néanmoins que « les enseignes nationales ont soit recours à des accords de master-franchise ou de franchise, soit à des contrats assimilés d’affiliation ou de licence de marque, ou encore, pour une enseigne nationale, à des contrats d’association. Seul un groupe métropolitain fait exception […]. Les raisons invoquées par les enseignes nationales quant à ces modalités de développement ont notamment trait aux spécificités de ces territoires, qui nécessiteraient une connaissance des marchés locaux et une certaine « agilité « (notamment en matière d’approvisionnement), rendant le modèle intégré moins adapté. Pour un distributeur local, la faible présence directe des enseignes nationales s’explique aussi par les surcoûts spécifiques aux DROM, qui les dissuaderaient d’y investir. » ([230])

Ainsi, les grands groupes sont liés aux enseignes suivantes :

– le groupe Parfait et le groupe Excellence sont adhérents de la coopérative E. Leclerc ;

– le Groupe Bernard Hayot est franchisé pour la marque Carrefour ;

– le groupe CréO gère l’enseigne Leader Price ;

– le groupe SAFO exploite l’enseigne Carrefour Market ;

– le groupe Wane exploite des magasins Carrefour et Champion.

En bénéficiant ainsi de ces franchises, les grands groupes – GBH, SAFO, CréO, etc. – sont mis en capacité de verrouiller le marché de la grande distribution dans les Outre‑mer par une redoutable barrière à l’entrée liée à la connaissance des spécificités de ces marchés et des mécanismes nécessaires pour s’y implanter. Pour tout nouvel arrivant, il s’agit d’une compétence à acquérir pour entrer le marché.

Les distributeurs locaux ne doivent néanmoins pas tout négliger les rapports avec la franchise nationale, dans la mesure où ils sont généralement indissociables des rapports avec la centrale d’achat afférente. Ainsi, à La Réunion, dans le contexte des suites du rachat du groupe Vindémia par GBH (cf. infra) les difficultés rencontrées par Run Market découlent notamment d’un changement de franchise, et de la résiliation du contrat avec la centrale d’achat Intermarché.

La connaissance par les grands groupes du fonctionnement technique, logistique, des marchés ultramarins, de leurs spécificités, est un atout qui donne aux groupes installés un avantage concurrentiel et qui manque aux acteurs économiques qui cherchent à s’implanter dans ces territoires.

« Notre activité est encore plus complexe qu’il y a vingt-cinq ans et elle implique d’être spécialiste de trois métiers. On doit d’abord être excellent à l’import, en matière de négociation et sur la chaîne d’approvisionnement. On doit ensuite être excellent dans la prestation logistique, c’est-à-dire en limitant les coûts de plateforme et les coûts de prestation. On doit enfin être un bon distributeur. » ([231])

« Il est également nécessaire d’optimiser le remplissage du conteneur et c’est un véritable savoir-faire. » ([232])

Cette complexité peut aussi conduire à la disparition de groupes importants qui ne parviennent pas à maintenir cette expertise : « Une entreprise est fragile, rien n’est jamais acquis, quelle que soit sa taille. C’est une réalité qui a souvent été observée et qui est encore plus vraie sur nos marchés, étroits et fragiles. » ([233])

C’est notamment le cas de l’implantation puis du retrait du groupe Cora, résumée ainsi par M. Robert Parfait : « À la fin de l’année 1989 et au début de 1990, nous avons vu l’arrivée de Continent, puis Carrefour, Leader Price et nous-mêmes avec U, ce qui a entraîné des perturbations sur le marché et vraiment relancé la concurrence. Cette âpre bataille a d’ailleurs entraîné la disparition du groupe Reynoird qui, malgré sa taille, n’a pas pu résister à la concurrence et a cédé l’ensemble de ses activités à Cora France. Malgré sa puissance, son professionnalisme, son développement de l’enseigne Ecomax, le groupe Cora France n’a pas pu résister lui non plus. Il a été obligé de se retirer des départements des outremer (DOM) des Antilles en vendant en 2010 ses activités au groupe Ho Hio Hen, qui travaillait, lui, sous enseigne Casino. » ([234])

Stéphane Hayot cite un autre exemple : « À La Réunion, le grand groupe local s’appelait Bourbon. Il appartenait à Jacques de Chateauvieux. Il a vendu ses magasins au Groupe Casino en 2005, qui nous les a revendus en 2020. Un réseau de magasins en grande difficulté financière, en particulier à La Réunion, avec des magasins vieillissants et très mal positionnés en prix. « ([235])

Cette connaissance des particularités économiques des Outre‑mer, indispensable au développement d’une activité dans ces territoires, est pourtant peu diffusée. Cette difficulté à y accéder est donc un facteur supplémentaire de renforcement de la maîtrise du marché, voire de réduction du nombre d’acteurs économiques, et donc de l’intensité concurrentielle, particulièrement lorsqu’elle permet à des groupes déjà en place de s’agrandir en rachetant des enseignes devenues fragiles.

c.   Un phénomène avéré de concentration horizontale et verticale, créant des barrières à l’entrée de nouveaux acteurs économiques

i.   Des organisations complexes des grands groupes qui déploient des myriades de sociétés distinctes

Dans les grands groupes, la concentration horizontale et verticale est une réalité.

Les grands groupes le reconnaissent eux‑mêmes, par exemple en matière de concentration horizontale : « Les principales activités de GBH […] sont la grande distribution autour de magasins alimentaires, bricolage et sport ; le pôle automobile autour des métiers de l’importation et de la distribution de voitures, […] la distribution de pièces, le pneumatique ; enfin, le pôle des activités industrielles avec la production de rhum à la Martinique et à Sainte-Lucie, le yaourt avec la licence Danone à l’île de La Réunion et le béton à la Martinique, à la Guadeloupe et en Nouvelle-Calédonie. » ([236])

Il en va de même en matière de concentration verticale :

« Nous sommes distributeurs et achetons des produits à la fois au national et au local, avec les proportions que j’ai pu souligner. Le rôle de la centrale d’achat est d’être commissionnaire à l’achat. Nous sommes transitaires au départ et à l’arrivée pour la Guadeloupe et la Martinique, nous avons fait le choix d’intégrer cette fonction, mais nous ne le sommes pas en Guyane où nous passons par un transitaire externe. Nous sommes ensuite logisticiens, et j’ai cité les plateformes de froid positif, de froid négatif et sec. Enfin, nous sommes distributeurs avec des magasins de différents formats : supermarchés, hypermarchés.

 « Nous sommes par ailleurs logisticiens export et détenons un entrepôt ainsi que j’ai pu l’évoquer, dont le rôle est de manipuler les marchandises avec le savoir-faire spécifique de l’empotage. Nous sommes transitaires au départ […]. Nous sommes transitaires à l’arrivée. Nous effectuons les opérations de dédouanement. Ensuite, nous sommes logisticiens. » ([237])

Une justification avancée est l’économie que permettrait cette intégration :

« L’intégration verticale est-elle plus coûteuse que le fait de passer par des intervenants extérieurs ? Notre conviction est que ce n’est pas le cas et qu’au contraire, à chaque fois que nous passons par un tiers, ce tiers a pour but d’équilibrer son activité, mais également de réaliser une marge. Or, ce n’est pas notre cas. Nous faisons des arbitrages en interne pour essayer d’être plus compétitifs. Cette intégration verticale nous demande également de nous mesurer constamment avec les acteurs du marché pour vérifier que nous restons compétitifs. » ([238])

L’intégration permettrait donc des économies pour les distributeurs et, in fine, pour le consommateur, en supprimant le recours aux prestataires extérieurs désireux de réaliser des marges.

Mais comment vérifier que cela est vrai ? Le rapporteur en est plus que jamais convaincu : pour être crédibles, les grands groupes doivent faire la transparence totale sur leur structure – afin que chacun puisse connaître les relations unissant entre elles chacune des sociétés composant les grands groupes – et sur leurs marges (cf. infra.).

En ce qui concerne l’organisation des grands groupes, leur complexité est bien résumée par M. Robert Parfait : « Nous avons des entités par secteur. Par contre, chaque magasin est une entité placée sous une entité qui coiffe l’ensemble des entités. » ([239])

En effet, bien que plusieurs grands groupes aient transmis leurs schémas d’organisation au rapporteur, celui‑ci estime que l’opacité n’est pas pour autant totalement levée.

En effet, ceux‑ci sont, vraisemblablement volontairement, presque illisibles de complexité et ne reflètent, en toutes hypothèses, qu’une partie des rapports qu’entretiennent entre elles les structures représentées.


Organigramme des sociÉtÉs constituant le groupe Parfait

s

Organigrammes des sociÉtÉs constituant le groupe GBH

Organigramme des sociÉtÉs constituant le groupe SAFO


—  1  —

ii.   Des conséquences dont il est impossible de connaître l’ampleur, en l’absence de transparence sur la structure des groupes

Ces éléments ne font qu’attester des constats faits par le rapporteur sur le rôle et la responsabilité des grands groupes dans le problème du coût de la vie subi par les consommateurs ultramarins.

En réponse à ses questions, le rapporteur n’a pas reçu d’éléments lui permettant de trouver les réponses à ses interrogations. Le groupe GBH, par exemple, lui a adressé plusieurs centaines de documents – les liasses fiscales de d’une centaine de sociétés distinctes – ne permettant pas de juger des facturations et des marges réalisées entre ses différentes filiales.

En analysant les documents obtenus, le rapporteur a néanmoins rassemblé, à titre d’exemple et compte tenu des moyens dont il dispose, les informations suivantes quant au chiffre d’affaires et au résulté déclaré, au titre de l’année 2021, par chacune des sociétés rattachées par GBH, dans les organigrammes transmis, à ses activités à La Réunion. Le résultat net comptable mesure les ressources nettes (après prise en compte de la dépréciation du capital) restant à l’entreprise à l’issue de l’exercice : bénéfice ou perte. Il correspond, au sens comptable, à la différence entre les produits et les charges de l’exercice.

Cet exemple renforce les inquiétudes du rapporteur, et le conforte dans les interrogations qui sont les siennes quant aux causes du problème du coût de la vie dans les Outre‑mer.

Chiffre d’affaires et rÉsultat des sociÉtÉs du groupe GBH
à la rÉunion en 2021 (en euros)

 

 

Société

Activité

Emplacement

Chiffre d’affaires (ligne FL)

Résultat net comptable (ligne HN)

Alimentaire La Réunion

 

Hyperdex

immobilier

Immobilier Sainte-Suzanne

- €

- 526 €

 

Hyper CK

 

Hypermarché Carrefour Saint-Pierre

115 246 720 €

3 253 906 €

 

Butte Citronelle

finance immobilier

Immobilier Carrefour Market Le Port

590 000 €

- 94 000 €

 

Ficasa

holding

Galerie marchande

18 805 843 €

18 584 657 €

 

Hyper Soredeco

 

Hypermarché Carrefour Sainte-Clotilde

142 324 129 €

2 627 729 €

 

Hyperbam

 

Hypermarché Carrefour Sainte-Suzanne

135 069 413 €

2 743 920 €

 

Ficasud

 

Galerie marchande Saint-Pierre

4 464 989 €

705 300 €

Détenus par Vindemia group

Vindemia Group

holding

 

16 508 014 €

- 4 773 765 €

Proxishop

 

 

1 786 €

- 534 201 €

Vindemia Distribution

 

20 magasins – Carrefour Immobilier, Carrefour Market - Supercash - Fnac

393 425 869 €

- 21 800 370 €

Total alimentaire

826 436 763 €

712 650 €

Non alimentaire La Réunion

 

Marebam

 

3 magasins - Décathlon

60 709 254 €

3 776 684 €

 

Bamyrex

grossiste

 

34 587 642 €

2 848 553 €

 

Profima Réunion

centrale de référencement

 

5 023 094 €

1 052 260 €

 

BTB

immobilier

Immeuble Bamyrex

436 113 €

- 73 446 €

 

Ficarex

Stockage

 

2 595 669 €

14 411 €

 

Agence Martin Réunion

logistique

 

3 538 772 €

571 141 €

 

Sorebric

 

4 magasins - Mr Bricolage

107 721 328 €

5 008 548 €

 

CMM Brico

 

Parking Sainte-Clothilde

132 000 €

95 758 €

Détenus par Vindemia group

Selatan Indah

immobilier

 

26 682 €

17 881 €

CCR

immobilier

 

91 780 €

29 468 €

Omega

immobilier

 

100 811 €

27 435 €

Fim Colimo

immobilier

 

109 033 €

16 990 €

Sdcom

logistique

 

12 817 956 €

- 398 611 €

Vindemia logistique

 

 

160 114 729 €

- 9 977 984 €

Vindemia services

 

 

15 001 396 €

- 2 074 903 €

Sofimex

commission-naire d’achat

 

71 968 067 €

1 406 067 €

Total non alimentaire

474 974 326 €

2 340 252 €

TOTAL

1 301 411 089 €

3 052 902 €

Ainsi, face aux attentes légitimes des habitants de ces territoires, il est aujourd’hui nécessaire d’apporter enfin des réponses aux trois interrogations suivantes :

Selon l’Autorité de la concurrence, « Les marges prélevées par les importateurs-grossistes apparaissent en effet relativement élevées. Elles oscillent de 20 à 60 % sur un grand nombre de références, et peuvent approcher ou dépasser 100 % pour certaines références (117 % sur le démaquillant Diadermine, 95 % sur la bière locale Corsaire). Trois importateurs-grossistes affichent ainsi un taux de marge commerciale de, respectivement, 33 %, 36 % et 48 % en 2008, desquelles doivent être déduites les marges arrière éventuellement octroyées aux distributeurs. Les données communiquées par l’Insee permettent également de constater que rapportés à la valeur ajoutée, les excédents bruts d’exploitation du commerce de gros, notamment en Guyane et à La Réunion, sont significativement supérieurs aux valeurs atteintes en métropole. » ([240])

Ces constats sont dramatiques, mais le rapporteur estime néanmoins que tenter de déterminer des marges produit par produit relève du non-sens : les distributeurs les déterminent sur la totalité de leur chiffre d’affaires et donc du panier du consommateur, en serrant leurs prix sur les 20 % de références les plus vendues, qui représentent 80 % du volume des ventes, notamment du fait des promotions particulièrement développées Outre‑mer, et en se rattrapant sur le reste.

Le calcul de la marge et du gain pour le distributeur dépend donc à la fois du produit présenté, de son mode d’approvisionnement – circuit court, circuit long, production locale – mais aussi de la politique de l’enseigne pour positionner chaque produit face aux autres produits de son offre et face à ses concurrents, comme le prouvent les divergences entre le calcul des coûts des deux produits présentés précisément par le groupe Excellence lors d’un entretien à La Réunion. Si le seuil de vente à perte se calcule produit par produit, il convient de juger de la marge non pas sur un produit isolé mais sur la totalité du chiffre d’affaires du point de vente du détaillant.

Il est également indéniable que la concentration verticale de certains acteurs, comme le Groupe Bernard Hayot (GBH), leur permet une efficience et une accumulation de marges du fait de leur puissance économique sur le marché.

En effet, « en tant que telles, ce ne sont pas des sur-marges qui sont en cause, mais bien une addition de marges pratiquées aux différentes étapes du processus d’importation, de transport et de distribution qui peuvent conduire à des majorations de prix pour le consommateur final » ([241]). En présence de phénomènes d’intégration verticale, les éventuelles marges sont néanmoins perçues par une seule et même structure.

Les pouvoirs dont dispose la commission d’enquête ont permis au rapporteur d’exiger des grands groupes auditionnés la fourniture de données sur leurs marges :

– le groupe GBH a fourni les chiffres détaillés par territoire, déclarant des marges avant comprises entre 14,1 % à La Réunion et 22 % à Mayotte ([242]) ;

– le groupe Parfait estime que « [ses] marges avant sont de l’ordre de 20/22 % » ([243]) ;

– le groupe SAFO déclare que « le niveau de marge brute de nos magasins avoisine les 21 % » ([244]) ;

– le groupe CréO déclare « positionner notre marge entre 15 et 16 % quand les hypermarchés sont plutôt aux alentours de 23 et 25 % de marge » ([245]) , en sachant que son modèle de hard discounter repose sur les marques de distributeurs.

Ces données doivent néanmoins être lues à la lumière du rôle prépondérant joué par les grossistesimportateurs et, en conséquence, de l’existence d’importantes marges arrière (cf. infra).

Dans ce processus complexe, faisant intervenir de nombreux intermédiaires, l’importateur-grossiste représente en effet, comme évoqué supra, un acteur incontournable de la chaîne d’approvisionnement, dont le rôle est de mutualiser les achats. Ainsi qu’il a été dit, il a longtemps été le mode privilégié d’approvisionnement, jusqu’à ce que le développement des accords de franchise permette aux enseignes locales de commander de l’ordre du tiers de leur marchandise aux centrales d’achat du groupe franchiseur, situées en Hexagone.

Il est surtout un acteur supplémentaire qui, comme exposé supra, réalise des marges, ce qui constitue un maillon supplémentaire dans la hausse des prix en Outre‑mer. L’Autorité de la concurrence avait expliqué le choix des distributeurs ultramarins de recourir à ces intermédiaires au détriment des plates-formes régionales, comme c’est le cas pour les hyper et les supermarchés de l’Hexagone, « par les services rendus par ces derniers dans la gestion des stocks, les prises de commande, la mise en rayon, et l’animation commerciale, qui leur permettraient de réduire leurs coûts de main d’œuvre » ([246]).

Dans les faits, l’Autorité a constaté en 2009 que se sont constituées au profit de ces opérateurs des exclusivités territoriales de marques (de droit ou de fait), conduisant les distributeurs ultramarins à ne pouvoir arbitrer qu’entre un nombre limité de fournisseurs et comportant donc des risques de dérapage en matière de prix.

Certains grossistes‑importateurs en tirent avantage. Le surcoût lié au recours à un tel intermédiaire – 5 à 10 % – correspond à un certain nombre de services, dans la mesure où ils « prennent en charge des services logistiques, et assurent également une fonction de "force de vente" en proposant aux distributeurs des services de mise en rayon et d’animation commerciale » ([247]). Ils offrent ainsi aux distributeurs une plus grande flexibilité dans les commandes et un accès à un plus grand nombre de références, et gèrent même parfois directement certains rayons (le recours aux centrales d’achat, moins flexibles et ne prenant pas en charge le stockage et la mise en place ([248]), concernant les produits les plus consommés).

L’existence de phénomènes de concentration verticale est un autre problème lié au rôle des grossistes. En effet, « Certains grossistes importateurs sont aussi distributeurs. Ils approvisionnent leurs propres magasins, mais aussi ceux de leurs concurrents, ce qui les incite à maintenir des niveaux de prix et des taux de marges élevés. Certains groupes sont ainsi en position de force depuis l’importation jusqu’à la vente au consommateur final, ce qui leur donne un pouvoir de marché leur permettant d’agir sur les prix. » ([249])

Néanmoins, même en l’absence d’accords d’exclusivité entre distributeurs et grossistes appartenant à un même groupe – qui sont désormais prohibés (cf. supra) – la concurrence effective demeure réduite, car l’intérêt d’un fournisseur à être représenté par un nouveau grossiste, qui doit trouver sa place face aux autres et aux centrales d’achat, est réduit.

Ainsi, à La Réunion, un acteur de la distribution a mis en exergue le pouvoir dont disposent certains agents de marque : étant les importateurs attitrés de certaines marques, ils exigent du distributeur qu’il commande la totalité de la gamme, même lorsque la centrale d’achat hexagonale permettrait d’obtenir des prix plus intéressants sur certains produits. Aussi même si cet acteur de la distribution évite autant que possible de s’approvisionner chez certains agents de marque, notamment ceux contrôlés par un de ces concurrents, il est dans la nécessité d’y recourir pour certains produits pour lesquels il est l’unique agent de marque ou le meilleur importateur en termes de dates limites de consommation.

La force de frappe économique de grands groupes oligopolistiques tels GBH se mesure également à travers la question des promotions et des marges arrière.

En effet, « La grande distribution pratique largement les marges arrière, qui ne profitent pas au consommateur. Celles-ci correspondent à des remises de fin d’année que le fournisseur accorde ou des revenus au titre de la coopération commerciale. Ce dispositif a pour effet de fragiliser les producteurs locaux et de déstabiliser les commerçants de proximité. Selon le rapport de M. Christophe Girardier réalisé pour l’OPMR de La Réunion, la part prépondérante des marges arrière est à l’origine du niveau élevé des prix des produits de fond de rayon. » ([250])

Les marges arrière « consistent en une entente légale entre le fournisseur et le distributeur. Lorsqu’un objectif de vente fixé est atteint, le fournisseur cède une partie de sa marge au distributeur. » ([251]) Elles doivent être intégrées dans le seuil de vente à perte. Désormais, en application de l’article L. 442-1 du code du commerce, constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’une convention, « de pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention […] en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ».

Selon les informations recueillies par la délégation au cours de son déplacement à La Réunion, un véritable « système GBH » existe, consistant pour ce groupe à exiger 7 à 8 % de marges arrière des producteurs locaux pour que leurs produits soient distribués. Celles-ci financent des « promotions » qui ne bénéficient pas au distributeur. L’argent que celui-ci est prêt à perdre sur ce type d’opération, concernant les produits les plus vendus, est « rattrapé » sur les autres produits.

Le rapporteur de la commission d’enquête, usant de ses pouvoirs d’enquête sur pièce, est parvenu à obtenir de certains grands groupes les évaluations suivantes sur leurs marges arrière – déclarations volontaires qu’il n’a pas été possible de vérifier par d’autres canaux :

– le groupe Parfait chiffre les marges arrière entre 3 % et 6 % ([252]) ;

– le groupe GBH a indiqué au rapporteur que « le taux moyen de marge arrière est, sur tous nos territoires, inférieur à 7,3 % » ([253]).

Cette pratique ajoute encore à l’opacité sur les marges qui règne en maître sur l’ensemble du secteur de la grande distribution Outre‑mer. C’est pourquoi le rapporteur juge intéressante la proposition du groupe Excellence, adhérent de E. Leclerc à La Réunion, de légiférer pour « "transformer" les marges arrière en remise sur facture, ce qui permet de calculer un prix plus juste » et permet un meilleur contrôle de cette pratique par les autorités. C’est en effet le meilleur moyen de s’assurer que les marges réalisées par les grands groupes profitent bien au consommateur.

Proposition n° 2 : Afin que les marges arrière profitent au consommateur, rendre plus transparent leur usage, en les faisant apparaître sous forme de remise sur la facture des produits concernés et en garantissant leur affectation au profit du consommateur.

Les organigrammes reproduits supra révèlent l’extrême complexité de l’organisation des grands groupes. Devant un tel constat, le rapporteur ne peut que s’interroger sur l’objectif d’un tel morcellement, sans pouvoir, toutefois, accéder clairement aux réponses.

Les informations reçues font également apparaître l’existence de multiples sociétés, notamment en matière immobilière, dont le chiffre d’affaires et le résultat sont très faibles.

En toute hypothèse, il rappelle que l’article L. 2313‑8 du code du travail permet la mise en place d’une instance représentative du personnel commune à plusieurs entreprises si celles-ci sont reconnues comme faisant partie d’une seule et même unité économique et sociale.

Une unité économique et sociale (UES) est une entité regroupant plusieurs entités juridiquement distinctes, qu’elles soient dotées de la personnalité morale ou non. Créée par accord collectif ou décision judiciaire, elle rationalise les questions liées à la représentation du personnel (CSE), et certaines obligations de l’employeur (participation aux résultats de l’entreprise notamment).

Pour qu’une UES soit reconnue, il est nécessaire que soient caractérisées au sein de l’entité considérée ([254]) :

– une unité économique, soit « une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré ainsi qu’une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités » ;

– une unité sociale, soit « une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés ».

Lorsque que l’existence d’une unité économique et sociale est reconnue, c’est à ce niveau que doit être mis en place un comité social et économique et que les dispositions relatives à la participation et à l’intéressement trouveront à s’appliquer, en fonction des résultats du groupe entier, au profit de l’ensemble des salariés.

Proposition n° 3 : Encourager les salariés des grands groupes de distribution à demander la reconnaissance d’une unité économique et sociale.

« D’après de nombreux observateurs, la concentration dans la grande distribution serait un facteur important de vie chère. Le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire est relativement peu ouvert à la concurrence […] Une partie du problème est liée aux positions dominantes acquises par certains importateurs et distributeurs qui limitent la concurrence. » ([255])

En effet, la force de frappes de grands groupes tels GBH s’exprime aussi dans la diminution du nombre d’acteurs économiques, quoi qu’en disent leurs dirigeants. Ainsi, dans le cadre, par exemple, de l’opération de l’achat du groupe Vindémia par GBH (cf. infra), l’étude réalisée par Bolonyocte Consulting affirme que « [malgré] les affirmations publiques des dirigeants de GBH selon lesquelles, d’une part, la part de marché du groupe au terme de l’opération serait inférieure à celle du groupe Vindemia avant l’opération, c’est en réalité la situation inverse qui s’est produite ; d’autre part, l’opération projetée serait de nature "à renforcer substantiellement l’équilibre concurrentiel de la grande distribution à La Réunion", c’est là encore l’inverse qui se produit avec un renforcement très significatif de la concentration du marché » ([256]).

La concentration horizontale, la formation d’oligopoles, voire de monopoles dénoncée par le rapporteur, est donc une réalité, dénoncée par ce rapport : « [le rachat de Vindémia] permet donc au groupe GBH de parvenir à une part de marché régionale (sur l’ensemble de l’ile de La Réunion) d’environ 37 % ([257]). Une telle réalité s’accompagne de surcroit de la formation d’un duopole totalisant les deux tiers du marché, l’enseigne Leclerc occupant la deuxième place avec une part de marché d’environ 29 %. […] Le groupe GBH dans sa structure conglomérale atteindra ainsi un chiffre d’affaires global à La Réunion de l’ordre de 1,8 milliard d’euros, totalisant environ 45 % des dépenses de consommation courantes des ménages réunionnais. » ([258]) Et ce même rapport de poursuivre : « Un tel pouvoir de marché a déjà déstabilisé le marché aval de la distribution généraliste en plaçant ses acteurs et ce compris le deuxième acteur du duopole le groupe Leclerc, en situation de ne plus pouvoir exercer leurs activités dans un environnement concurrentiel équilibré. » ([259])

Poursuivant l’analyse des conséquences de cette opération en matière de concurrence, ce rapport expose que « L’emprise très forte exercée par le groupe GBH sur beaucoup d’acteurs placés de fait en dépendance économique avec lui, dont la propension à demander l’anonymat dans le cadre des auditions menées en est d’ailleurs l’une des expressions, rend évidemment très difficile la matérialisation des effets en matière d’atteinte à la concurrence de son pouvoir de marché décuplé, par l’impossibilité de trouver des acteurs acceptant d’en témoigner. Néanmoins, après avoir identifié au préalable les différents domaines ou ces effets pouvaient se manifester, Bolonyocte Consulting a pu clairement en observer certains, les caractériser et démontrer qu’ils relevaient bien d’atteinte manifeste à la concurrence. Ces quelques effets caractérisés représentant la part émergée d’un ensemble beaucoup plus vaste, n’en sont pas moins très significatifs et représentatifs de conséquences de plus grande ampleur, déstructurantes et très préjudiciables aux équilibres économiques et concurrentiels du territoire, de la montée en puissance du pouvoir de marché du groupe GBH du fait de l’opération de concentration. » ([260])

En conclusion, « la forte concentration du marché et donc l’insuffisance de pluralisme qui en découle ne peut qu’être que préjudiciable aux intérêts des consommateurs comme à ceux des acteurs du marché autres que ceux constituant le duopole et se traduira nécessairement par une augmentation des prix, imposés à court ou moyen terme par les acteurs dominants. Elle se traduira également par une diminution de la diversité de l’offre comme de son caractère innovant, notamment s’agissant de la production locale. » ([261])

Ainsi, comme l’estime la délégation Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental, « la concentration de grands groupes de distribution, qui ne profite pas au consommateur, déséquilibre la chaîne de valeurs, sape la cohésion sociale et fragilise l’ensemble des acteurs économiques. » ([262])

Proposition n° 4 : Engager une négociation avec les grands groupes de distribution ultramarins, devant aboutir dans un délai de douze mois, afin d’obtenir une baisse de l’ordre de 10 à 20 % des prix sur la majorité de leurs références, par diminution des marges de l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution.

d.   Quand les écarts de prix sont aussi importants, le secret des affaires ne doit pas empêcher les populations de connaître les origines de ce phénomène et de vérifier si les distributeurs tiennent leurs promesses

Au cours des auditions menées par le rapporteur, le secret des affaires a été largement invoqué afin d’empêcher l’accès aux informations que la population demande pourtant légitimement.

Dans ce contexte, les déclarations de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont suscité un grand espoir chez les Ultramarins. « Je ferai la transparence sur les marges » ([263]), avait-il en effet promis, promesse qu’il a semblé renouveler lors de son audition. En effet, il affirme « la transparence est le début de la vérité des prix. Sans transparence sur les marges, il est impossible d’établir la vérité des prix et une concurrence juste et efficace » ([264]).

Les économistes auditionnés, notamment M. Sébastien Mathouraparsad ([265]), confirment que l’étroitesse des marchés permet des marges élevées et engendre des phénomènes de concertations. M. Michaël Goujon suppose également qu’en « situation d’oligopoles ou de monopoles, ces entreprises peuvent exercer un pouvoir de marché en gonflant leurs marges de manière déraisonnable » ([266]). L’opacité fait donc obstacle d’une part, à la compréhension des mécanismes de formation des prix, et d’autre part, à une concurrence plus juste puisque la structure des marges des entreprises constitue une information stratégique pour comprendre le fonctionnement du marché ultramarin. Il existe un déséquilibre notoire entre la protection d’informations sensibles des entreprises et la nécessité de promouvoir la concurrence et la transparence.

Le constat est unanime : le secteur de la grande distribution en Outre‑mer et plus largement les économies ultramarines, se caractérisent par une grande opacité. Bien que régulièrement justifiée par le secret des affaires – dont il n’est pas nié qu’il est nécessaire, dans une certaine mesure, au bon fonctionnement de l’économie – une telle opacité n’est plus supportable pour les populations ultramarines, qui exigent plus de transparence afin de comprendre les mécanismes de formation des prix, dont le caractère outrancier est pointé du doigt de manière univoque par les consommateurs ultramarins. Incontestablement, ils sont victimes quotidiennement de cette absence de transparence.

Les auditions ont mis en avant l’opposition entre le secret des affaires et le contrôle des prix, des marges et des revenus, pourtant essentiel, ainsi qu’il a été dit, à la compréhension de la cherté de la vie Outre‑mer. Faute de pouvoirs adéquats, les organismes tels que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ([267]) l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) ([268]) ou encore les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) ([269]) demandant l’accès à des données sur les prix et les marges se sont vus opposer le secret des affaires.

Parmi les grands distributeurs, interrogés par la commission d’enquête, nombreux sont ceux qui ne se sont pas cachés de ne pas respecter l’obligation annuelle de publication des comptes des sociétés bien qu’imposée par la quatrième directive européenne consolidée sur les comptes annuels des sociétés de capitaux ([270]) assumant même clairement cette violation du droit :

– le groupe Société antillaise frigorifique (SAFO) se justifie par « des raisons de confidentialité » ([271]). Il ajoute qu’il s’agit « de territoires extrêmement restreints et que l’information a une valeur qui est différente d’autres territoires où les acteurs sont plus nombreux » ;

– le Groupe Bernard Hayot (GBH) s’explique par cette phrase : « En Outremer, très peu d’entreprises déposent leurs comptes. La seule raison, c’est qu’elles essaient de se protéger et de ne pas confier à leurs concurrents des informations sensibles et importantes » ([272]) ;

– le groupe CréO banalise également cette pratique. Il estime que « cette pratique est habituelle en Martinique, où très peu d’entreprises de la distribution alimentaire déposent de comptes » car selon lui « une entreprise veut toujours être discrète sur ses résultats et il s’agit d’une nécessité » ([273]) ;

– le groupe Parfait ne dépose pas ses comptes « pour des raisons de confidentialité » ([274]).

Les sanctions prévues sont en effet loin d’être dissuasives.

L’article 47 de la quatrième directive européenne précitée impose que les comptes annuels régulièrement approuvés, le rapport de gestion et le rapport établi par la personne chargée du contrôle des comptes fassent l’objet d’une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de chaque État membre ; il prévoit ainsi que « des sanctions appropriées doivent être prévues en cas de non-respect de l’obligation de publicité imposée par le présent paragraphe ».

En droit français, en matière pénale, le manquement à l’obligation de dépôt par une société constitue, au sens des articles R. 247-3 du code de commerce et 131‑13 du code pénal, une contravention de cinquième classe passible d’une amende de 1 500 euros puis de 3 000 euros en cas de récidive. Cette infraction se prescrit par un délai d’un an à compter de la date à laquelle les comptes auraient dû être déposés au greffe.

En matière civile, l’article L. 123-5-1 du code de commerce autorise le président du tribunal de commerce, à la demande de tout intéressé, du ministère public ou selon sa propre initiative, à adresser au dirigeant une injonction de procéder au dépôt des comptes annuels de la société. En cas de retard dans le dépôt des comptes, à la demande de tout ou du ministère public, le président du tribunal de commerce peut mettre en place une astreinte. Il peut aussi désigner une personne chargée de procéder au dépôt de ces comptes. En cas d’absence de réaction, le président constate le non-dépôt des documents et oblige la société à payer cette astreinte. Le président du tribunal peut aussi mener une enquête sur la situation économique et financière de l’entreprise et, à la suite de cette enquête, mettre en œuvre une procédure d’alerte ou ouvrir une procédure de liquidation judiciaire.

En l’absence de sanctions dissuasives, les dirigeants de ces distributeurs estiment qu’il serait plus coûteux de révéler ces données jugées stratégiques que de se soumettre aux sanctions prévues par la loi. Le rapporteur estime qu’il est impossible de continuer à laisser bafouer la loi en toute impunité.

Ce sentiment d’impunité renforce la défiance du consommateur ultramarin qui n’a alors ni information sur les marges et la formation des prix, ni garantie de la tenue des engagements pris par les grands distributeurs en faveur d’une baisse des prix et d’un maintien d’une concurrence équilibrée.

Malgré les arguments avancés par ces grands distributeurs selon lesquels le non-dépôt des comptes est une nécessité pour survivre dans un marché si exigüe, un contre-exemple intéressant méritant d’être pris en considération est celui de M. Xavier Clavel, directeur général de SCGR, gestionnaire du supermarché Agooti en Guyane. Il a choisi de partager les informations suivantes lors de son audition : « L’année dernière, notre chiffre d’affaires s’est élevé à 3 155 000 euros, avec une marge théorique de 16,78 %. » ([275]) Cette démonstration de transparence va à l’encontre des déclarations rappelées ci-dessus et M. Clavel justifie cela en affirmant qu’il n’a « rien à cacher, peut-être contrairement à certains ».

Il est à noter que la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre‑mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre‑mer, en son article 22, offre la possibilité suivante : « Les entreprises soumises à une mesure de régulation économique en application des articles L. 410-2 et L. 410-3 du code de commerce ou qui bénéficient d’une aide publique en faveur de leur activité économique sont tenues de répondre, dans un délai de deux mois, à toute demande du représentant de l’État dans le territoire de lui transmettre leurs comptes sociaux et la comptabilité analytique de l’activité régulée ou subventionnée. » ([276]) Le but était d’améliorer la transparence en donnant ce pouvoir à ce représentant de l’État. Cependant, n’étant qu’une possibilité à la discrétion de ce représentant, il serait intéressant de rendre ce dispositif systématique afin de garantir son efficacité.

Proposition n° 5 : Garantir la publicité des comptes en prévoyant leur transmission automatique aux autorités en charge de la concurrence (préfet, Deets et OPMR) et en assortissant le non-respect d’une peine dissuasive déterminée en pourcentage du chiffre d’affaires, d’au moins 1 % de celui-ci, peine majorée en cas de récidive.

Afin de répondre aux questions du rapporteur au sujet de la transparence des prix et des marges, des documents ont été demandés aux grands distributeurs auditionnés, mais les réponses obtenues restent parcellaires et n’ont pas permis de répondre efficacement à l’ensemble des questions que se pose la commission d’enquête. Le manque de transparence et par conséquent, l’impossibilité de mener une étude approfondie du fonctionnement du marché de la grande distribution rend impossible la mise en œuvre des réponses adaptées à la cherté de la vie Outre‑mer. Si le ministre M. Bruno Le Maire avait suscité beaucoup d’engouement et d’espoir par ses déclarations, il n’a pas manqué de décevoir les attentes du rapporteur en concluant son audition par ces propos : « Les marges relèvent du secret des affaires. On peut les contrôler, mais pas les rendre publiques. Faisons attention car un excès de transparence risque de mettre en péril l’activité économique. »

Pour le rapporteur, le secret des affaires ne peut servir de paravent pour permettre à des groupes puissants d’abuser de leurs positions sur le marché de la distribution, au détriment du pouvoir d’achat de nos concitoyens ultramarins.

Proposition n° 6 : Prévoir une exception aux dispositions du code du commerce protégeant le secret des affaires afin de permettre aux institutions chargées de défendre la concurrence et de protéger les consommateurs d’avoir accès aux informations relatives à la répartition de la chaîne de valeur.

 


—  1  —

II.   Les outils spÉcifiques mis en place pour rÉguler les prix outre-mer n’ont pas atteint leurs objectifs

A.   La reconnaissance historique que les marchÉs ultramarins nÉcessitent une rÉgulation spécifique

Malgré la fin du contrôle des prix, prévue par l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, des mesures spécifiques ont été maintenues dans les Outre-mer, au regard notamment de leurs spécificités économiques et des importantes difficultés sociales que ces territoires connaissent.

1.   Les prix du carburant règlementés mais sans atteindre l’objectif de prix bas

Les marchés de carburants dans les DOM dérogent au principe général de la liberté des prix instauré par l’ordonnance du 1er décembre 1986 et codifié à l’article L. 410-2 du code de commerce qui dispose que « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Il est possible de déroger à ce principe dans des conditions décrites au même article : « Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d’État peut réglementer les prix après consultation de l’Autorité de la concurrence. »

Aux yeux du rapporteur, il ne fait pas de doute que la situation de vulnérabilité des territoires ultramarins, qui sont confrontés à des situations de monopole et d’oligopole ou à des difficultés d’approvisionnement de manière récurrente, répond aux conditions définies par cet article pour permettre de déroger au principe général de la liberté des prix. Il apparaît donc essentiel de se saisir des possibilités juridiques offertes pour garantir le pouvoir d’achat et le bien-être des citoyennes et citoyens ultramarins.

Le Conseil de la concurrence avait considéré dans un avis 88-A-04 du 16 mars 1988 que cette réglementation des prix était possible du fait que dans les différents DOM « l’approvisionnement en produits pétroliers est assuré par une seule entreprise qui contrôle à, la fois les opérations en raffinerie [cas des Antilles], d’importation [cas des Antilles et de la Guyane] et de stockage [cas des Antilles, de la Guyane et de La Réunion] et où l’absence de concurrence au stade des prix de gros limite la concurrence par les prix dans la distribution de détail. ».

Introduit par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer, l’article L. 410-3 a consolidé ce dispositif en prévoyant que « dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, et dans les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence, le Gouvernement peut arrêter, après avis public de l’Autorité de la concurrence et par décret en Conseil d’État, les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros de biens et de services concernés, notamment les marchés de vente à l’exportation vers ces collectivités, d’acheminement, de stockage et de distribution. Les mesures prises portent sur l’accès à ces marchés, l’absence de discrimination tarifaire, la loyauté des transactions, la marge des opérateurs et la gestion des facilités essentielles, en tenant compte de la protection des intérêts des consommateurs. ». Cet article ouvre donc la possibilité de remédier aux éventuels dysfonctionnements des marchés de gros des biens et services concernés dans des conditions moins contraignantes que celles de l’article L.410-2. En effet, les mesures de régulation autorisées par l’article L. 410-3 n’exigent plus une situation de monopole, mais le simple constat d’une limitation du libre jeu de la concurrence, et peuvent ne pas porter uniquement sur les prix, ce qui ouvre la possibilité de prendre des mesures structurelles d’organisation des marchés.

L’ensemble des Outre-mer dispose d’un système d’administration des prix des carburants hormis quelques territoires, comme les îles de Saint‑Martin et Saint‑Barthélemy. Le cas échéant, les prix sont fixés mensuellement selon une structure semblable.

On distingue ainsi trois modèles de détermination des prix des carburants, selon le degré de régulation et l’autorité de régulation :

‑ une fixation des prix par le préfet s’agissant de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte (DOM) ; en droit, les prix sont plafonnés, dans les faits, ils sont identiques, quel que soit le distributeur ;

‑ une fixation des prix par les collectivités territoriales s’agissant de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

‑ un marché libre s’agissant des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Dans les départements français d’Amérique (DFA), soit en Guyane, Guadeloupe et Martinique, l’approvisionnement est assuré par la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), qui détient un triple monopole de fait sur l’importation des produits pétroliers bruts ou finis, sur le raffinage et sur le stockage.

À La Réunion, la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) détient un monopole sur le stockage et assure le remplissage des bouteilles de gaz. En revanche, l’importation en carburants – depuis Singapour – est réalisée par les sociétés en charge de la distribution (Total-Réunion, Ola Energy Réunion, Vivo Energy et la SRPP), regroupées au sein d’un comité des importateurs d’hydrocarbures (CIH) afin de mutualiser les opérations d’approvisionnement.

À Mayotte, l’importation des produits raffinés, le stockage et la distribution de tous les carburants sont sous le monopole de Total Énergies, via des filiales pour la distribution.

En Polynésie française, la distribution est également gérée par ces grossistes qui approvisionnent un réseau de 56 stations en 2017, sous leur enseigne et les prix de vente sont les mêmes sur toutes les îles.

Enfin, les prix ne sont régulés ni à Saint-Barthélemy, ni à Saint-Martin. À Saint-Barthélemy la société Rubis, qui se fournit auprès de la SARA, dont elle est actionnaire, est en charge de l’approvisionnement et fixe librement les prix pour les deux stations de l’île. À Saint-Martin, alors que le marché est très restreint, l’importation de produits finis aux normes européennes est assurée par six acteurs, le stockage et la distribution de carburants sont assurés par cinq autres acteurs qui signent des contrats d’approvisionnement avec une ou plusieurs sociétés.

Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) consacré à la régulation du prix des carburants et du gaz dans les départements français d’Amérique ([277]), rendu en mai 2022 mais non publié, a été communiqué au rapporteur dans le cadre de ses pouvoirs d’enquête sur pièce et sur place.

Il révèle que le taux d’effort des ménages sur ces produits indispensables à la vie quotidienne est plus élevé dans ces départements à niveau de vie comparable : 5,8 % contre 3,7 % en moyenne pour la population française. Près du tiers de la population des DFA dépense ainsi un dixième de son revenu en carburant. Pour les entreprises, les fédérations professionnelles confirment en outre que la hausse des prix des carburants constitue un handicap majeur pour certaines professions très dépendantes de cet intrant comme les transporteurs routiers, le bâtiment et les travaux publics, l’agriculture ou la pêche.

Les prix de vente aux consommateurs résultent principalement de l’addition du prix de vente de la SARA, commun aux trois DFA, et d’une marge de gros et d’une marge de détail propres à chacun. Comme le décrit Olivier Cotta, directeur général de la SARA, « Le code de l’énergie ne définit pas une marge mais un résultat net fixe pour la SARA. Il se fonde sur l’activité de raffinage et de logistique, rémunérée à 9 % des capitaux propres, soit environ 5,5 % des capitaux mis en œuvre en 2013. Ensuite, la prestation au titre des stocks stratégiques, qui est limitée à 1,9 million d’euros par an, représente une rémunération moyenne de 3,8 % des capitaux mis en œuvre depuis sa mise en place en 2016. » ([278])

En Guadeloupe, Guyane et Martinique, la mission de l’Inspection générale des finances a ainsi constaté que « Les prix des carburants sont, depuis 2011, supérieurs à ceux de la métropole (+13 centimes/l sur le supercarburant et +7 centimes/l pour le gazole en moyenne) ou des autres DOM. Cet écart relativement réduit n’est atteint qu’au prix d’une fiscalité sur les carburants maintenue inférieure d’un tiers par les collectivités territoriales qui en sont affectataires. » – l’État ne percevant aucune fiscalité sur les carburants distribués Outre-mer.

Aussi le rapporteur constate que les prix des carburants sont maitrisés grâce à ce régime d’administration des prix.

« Hors fiscalité, les coûts amont (approvisionnement et production) et les marges de distribution représentent respectivement 82 % et 18 % des surcoûts constatés par rapport à la métropole. S’agissant de la distribution, elle se caractérise par un faible niveau de concurrence, lié à l’intégration verticale entre stades de gros et de détail puisque 80 % des stations-services sont propriété des grossistes (compagnies pétrolières) et sous régime de location gérance ».

Ce système fait l’objet de contestations par les élus et les consommateurs, moins pour son principe que pour son opacité, réelle ou supposée.

Cependant la mission estime que « le système de régulation des marges aval présente des biais, en particulier l’alignement généralisé sur les marges plafond, conduisant à un système de prix uniques, et des pressions sur les préfets. Néanmoins la mission estime que le rapport coût-bénéfices d’une libéralisation de la distribution est actuellement défavorable et recommande plutôt de prioriser une action sur l’amont de la filière, au moins dans un premier temps. En effet, les marges réglementées ont peu évolué au cours des dernières années, voire se sont érodées en termes réels, celles de la métropole les rattrapant progressivement (l’écart actuel n’est plus que d’environ 1 centime/l). De plus, le niveau de concurrence structurellement faible rendrait l’évolution des prix incertaine. Enfin, l’aval de la filière est particulièrement sensible socialement et politiquement, avec une capacité de blocage importante. »

Proposition n° 7 : S’appuyer sur le dispositif existant d’administration des prix des carburants pour réduire les marges des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et réduire le taux d’effort des ménages pour assurer leur mobilité.

2.   Le bouclier qualité-prix : un outil limité à améliorer

Le bouclier qualité-prix (BQP) a été évoqué à de nombreuses reprises lors des travaux de la commission. Il s’agit assurément d’un outil au centre des mesures aujourd’hui mises en œuvre pour lutter contre la cherté de la vie dans les Outre-mer.

Instauré par la loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, dite « loi Lurel » et régi par l’article L. 410‑5 du code de commerce, ce dispositif repose sur la négociation annuelle d’un accord de modération du prix global d’une liste de produits de consommation courante.

Les négociations commencent après un avis émis par l’observatoire des prix, des marges et des revenus du territoire. Elles réunissent les organisations professionnelles du commerce de détail, leurs fournisseurs et le représentant de l’État. Elles doivent aboutir dans un délai d’un mois. L’accord qui en résulte fait l’objet d’un arrêté préfectoral. Les négociations sont annuelles, l’accord devant être signé et publié au recueil des actes administratifs et par voie électronique avant le 1er mars.

Ce dispositif de promotion permanente concerne une centaine de produits très consommés, les distributeurs restant libres du choix de la marque pour chaque article. Une signalétique « BQP » permet d’identifier les produits concernés par ce dispositif.

Ce dispositif ne saurait toutefois être considéré comme totalement satisfaisant. L’ancien ministre, M. Victorien Lurel, le décrivait lors de son audition comme un dispositif « qui certes fonctionne, mais qui pourrait être sérieusement amélioré » ([279]).

L’État refuse de prendre des mesures impératives de contrôle des prix que le code de commerce lui confie pourtant : le code de commerce donne en effet au Gouvernement la possibilité, dans les départements d’outre-mer et après avis public de l’Autorité de la concurrence, d’arrêter les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements limitant le libre jeu de la concurrence (article L. 410-3) et de réglementer le prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité (article. L. 410-4).

Or, selon les réponses écrites aux questions adressées par le rapporteur au ministre M. Bruno Le Maire, « l’encadrement des prix est une solution lourde à mettre en œuvre, et qui ne doit l’être que lorsqu’il n’existe pas d’alternative compte-tenu des caractéristiques du marché ou, parfois, de circonstances exceptionnelles. C’est la raison pour laquelle, notamment, le prix des carburants est encadré en Outre-mer. L’encadrement des prix de produits de première nécessité présente l’inconvénient de plafonner les prix pour tous les consommateurs, y compris au bénéfice de ceux dont le niveau de pouvoir d’achat, suffisamment élevé, ne justifie pas une telle mesure. C’est la raison pour laquelle, hormis dans des circonstances exceptionnelles (ex : gel hydroalcoolique pendant la crise sanitaire), il est préférable d’éviter ce type de mesures. Dans le cas des Outre-mer, le bouclier qualité-prix constitue une alternative pragmatique à l’encadrement des prix. »

Le rapporteur s’interroge pourtant sur la différence, en termes de « caractéristiques du marché » ou de « circonstances exceptionnelles », entre les carburants et les produits de première nécessité, notamment alimentaires.

Ainsi, faute de véritable régulation des prix, fut inventé le bouclier qualité-prix (BQP), un mécanisme que Mme Pau-Langevin décrit ainsi : « ce n’est pas vraiment de l’économie administrée, car elle consiste à choisir un certain nombre d’articles essentiels de la vie courante et à obtenir, par une négociation avec les acteurs économiques, des prix relativement bas et contrôlés. » ([280])

En Martinique par exemple, le BQP se présente ainsi :

– un panier de 134 produits pour les grandes surfaces, à 390 euros ;

– un panier de 72 produits pour les moyennes surfaces, à 260 euros ;

– un panier de 35 produits pour les supérettes, à 110 euros.

Le rapporteur relève donc que le prix moyen des produits du BQP martiniquais oscille, selon le panier, entre 2,9 et 3,6 euros. De plus, il tient à souligner que le bénéfice du BQP ne peut s’obtenir qu’en achetant la liste précise des produits qui y sont inclus, ce qu’il juge parfaitement irréaliste.

Les chiffres fournis par le groupe GBH témoignent d’ailleurs d’un succès modeste de ce dispositif, même si ceux-ci varient fortement d’un produit à l’autre :

«  à La Réunion, le BQP, pèse environ 2,5 % du chiffre d’affaires alimentaire (hors marché) au sein de nos hypermarchés et supermarchés ;

«  à la Martinique, le BQP, pèse environ 3 % du chiffre d’affaires alimentaire au sein de nos hypermarchés ;

«  en Guyane, le BQP pèse environ 4,5 % du chiffre d’affaires alimentaire ;

«  en Guadeloupe, le BQP pèse près de 3 % du chiffre d’affaires alimentaire. ».

Lors de son audition, le ministre des Outre-mer a souhaité mettre en avant les récentes évolutions de cet outil : « La méthode de l’Oudinot du pouvoir d’achat n’est plus celle d’un simple bouclier qualité-prix (BQP) fixé une fois par an. » Le BQP a en effet été « [étendu] à d’autres produits, au travers du BQP+. » ([281]) Un « BQP bricolage » a ainsi été créé à La Réunion.

Le rapporteur soutient le principe d’une extension, mais celle-ci reste bien trop limitée pour faire face à la souffrance sociale existante dans les territoires ultramarins.

L’article L. 410‑5 du code de commerce donne au BQP la forme d’un accord de modération négocié annuellement par le représentant de l’État avec les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et leurs fournisseurs, qu’ils soient producteurs, grossistes ou importateurs. Il concerne donc « le prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante ».

Chaque enseigne est donc libre d’y participer ou non. De plus, aucune disposition n’encadre cette « modération » par des objectifs chiffrés.

Dans ces conditions, est-il vraiment étonnant que « le dialogue [soit] assez difficile pour maintenir le panier avec des produits de qualité » ([282]) ? Les distributeurs sont en effet également tentés d’y inclure des produits à faible valeur nutritionnelle ou peu sains. C’est ainsi que l’ancienne ministre Mme Annick Girardin déclarait avoir « demandé, au vu de la liste initiale de produits, que l’on travaille avec des nutritionnistes afin que le dispositif ne favorise pas seulement des produits qui seraient à déconseiller pour la santé » ([283]).

Enfin, la commission d’enquête a pu, au cours de l’audition des responsables de l’OPMR compétents pour ce territoire, se pencher sur la situation toute particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur ce territoire, en effet, « une seule enseigne participe au dispositif du BQP » ([284]).

Le dispositif BQP consiste donc pour l’État à solliciter des distributeurs un effort en faveur des consommateurs. Ce faisant, il se dédouane, d’une certaine façon, de sa responsabilité.

Comme le déclarait M. François Hermet : « L’État […] ne fait pas grand-chose concernant le BQP. Son rôle se borne à proposer un dialogue entre les différents acteurs pour les inciter à négocier. En revanche, il n’apporte pas d’aide directe dans le BQP. » ([285])

Pour reprendre les déclarations de M. Bertrand Huby, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion : « Concernant le prix global du panier, nous pourrions éventuellement ajouter un niveau supplémentaire qui porterait sur la fiscalité des produits inclus dans le BQP. » ([286])

Un avis des OPMR préalable aux négociations est obligatoire, et c’est même parfois le seul avis que les OPMR rendent.

En effet, M. Patrick Plantard, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, déclarait : « Les OPMR ont pour objet d’analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus sur chacun dans cinq territoires et de fournir ainsi aux pouvoirs publics et à la population une information régulière sur leur évolution. » ([287])

En revanche, et alors même qu’ils sont présentés comme les institutions devant être au centre de l’ensemble de la problématique du coût de la vie dans les Outre-mer, la loi n’impose pas d’associer les OPMR aux négociations. Leur participation à la procédure ne tient donc qu’au bon vouloir des préfectures : « Cette information [fournie par les OPMR] passe par un avis rendu dans le cadre du bouclier qualité-prix (BQP), qui précède les négociations menées par la préfecture auxquelles l’OPMR ne participe pas selon les textes. » ([288])

Le rapporteur salue en la matière, la méthode employée par la préfecture de la Martinique et ainsi exposée par Mme Laurence Gola de Monchy : « Nous travaillons de manière étroite avec M. Plantard, que nous faisons venir régulièrement. Nous estimons en effet qu’il est important que le président de l’OPMR soit présent pour valider les travaux que nous réalisons avec l’ensemble de la chaîne de distribution de la Martinique. » ([289])

Ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les préfectures : « L’OPMR a été associé au BQP+, avec des degrés de participation différents selon les préfectures. En Martinique, la participation est assez importante, mais elle l’est beaucoup moins en Guyane. En Guadeloupe, cela dépend des intervenants. » ([290])

Le rapporteur estime indispensable la participation des OPMR aux négociations sur le BQP.

Proposition n° 8 : Faire des observatoires des prix, des marges et des revenus des acteurs à part entière des négociations du bouclier qualité-prix et de la définition du panier de produits concernés.

L’OPMR serait en outre le meilleur interlocuteur pour recueillir les souhaits des consommateurs sur la définition et la composition du BQP.

Proposition n° 9 : Confier aux observatoires des prix, des marges et des revenus la réalisation d’enquête auprès des consommateurs sur la définition des produits à inclure dans le bouclier qualité-prix.

Plusieurs personnes auditionnées, notamment les représentants de la société civile et des OPMR, ont souligné les limites de ce dispositif :

 « Sur le réel impact du BQP sur les prix, il faut rappeler que le BQP porte sur 3 % simplement des références d’un hypermarché. Le fait de réussir à baisser les prix sur 3 % des références a-t-il un véritable impact sur les prix en général ? Je ne le pense pas. En revanche, le BQP a un rôle social, qui est de permettre à des familles rencontrant des problèmes financiers, du fait de la cherté de la vie, d’avoir un minimum vital de consommation. On s’aperçoit qu’il y a peu de concurrence, en matière de BQP, dans les différentes enseignes. D’une façon plus ou moins évidente, les enseignes s’alignent pour afficher un prix quasiment identique sur les articles constituant ce panier BQP. » ([291])

« Le BQP constitue un outil ; un outil utile à l’urgence sociale. Règle-t-il la question du pouvoir d’achat ? Véritablement, non. Je pense qu’au niveau de notre territoire, il est à un stade qui est plutôt abouti. Le faire évoluer davantage me paraît assez compliqué. En revanche, ce qui peut être utile, et qui a été entrepris cette année, c’est peut-être d’élargir le champ du BQP, qui, jusqu’à présent, était cantonné aux produits alimentaires de première nécessité, pour l’ouvrir davantage sur des services, et notamment, comme tente de le faire le préfet de La Réunion, sur des pièces touchant la sécurité automobile, sachant que cet élément coûte très cher au niveau du pouvoir d’achat, ou sur des matériaux de bricolage, dans le cadre de l’amélioration de l’habitat. » ([292])

« Je me suis préoccupé du bouclier qualité-prix dès mon arrivée. C’était une bonne idée, mais il comporte plusieurs anomalies et il faut complètement le rénover si l’on veut qu’il marche. Selon les sondages – je ne m’engage donc pas sur ce chiffre – le BQP représente entre 1,5 et 2 % du chiffre d’affaires de la grande distribution : il n’est donc pas significatif. Pour qu’il le soit, c’est-à-dire pour qu’il touche un maximum de foyers en difficulté, il faudrait qu’il s’élève à au moins 5 ou 6 % du chiffre d’affaires. Cela permettrait peut-être de toucher entre 10 et 15 % des gens les plus en difficulté. » ([293])

Les critiques les plus étonnantes sont celles qui émanent des distributeurs eux-mêmes :

« Nous participons au bouclier qualité-prix. Je pense que c’est un bon début qui, malheureusement, ne satisfait pas la population en totalité. C’est vrai que cela représente un montant assez important des achats alimentaires, mais le ressentiment de la population est que ce n’est pas suffisant. Ça représente aujourd’hui 134 produits, dont 60 % de fruits et légumes. Les gens en profitent, mais ce n’est pas suffisant. » ([294])

Le groupe Parfait complète ainsi cette déclaration par écrit : « Oui notre enseigne met en œuvre le BQP. Selon les produits cela peut représenter plus de 50 % du chiffre d’affaires de la famille ou de la sousfamille. Toutefois, le nombre de produits n’est pas suffisant pour la population, et de plus malheureusement l’ensemble de la chaine et des intervenants ne participe pas au BQP. »

Le meilleur constat est peut-être celui fait par GBH en réponse aux questions écrites du rapporteur : « Le BQP permet de rassurer le consommateur dans la mesure où cet outil est conçu et contrôlé par l’État. »

Le rapporteur note que des études sont en cours sur l’efficacité du BQP, selon la directrice générale des outre-mer ([295]) et le ministre de l’économie ([296]).

Il souhaite une large communication du résultat de ces études, afin de pouvoir déterminer les évolutions que devra nécessairement connaître ce dispositif.

Selon l’article L. 410-2 du code du commerce, « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé » autorisent une intervention de l’État, comme ce fut le cas avec les masques et le gel hydroalcoolique pendant la crise de la Covid-19.

Comme l’ont démontré les développements du présent rapport, le fonctionnement du marché de la distribution alimentaire Outre-mer est, pour votre rapporteur, manifestement anormal. Dans ce cadre, il revient à l’État de prendre ses responsabilités et de mettre en place un dispositif de blocage des prix sur les articles de première nécessité.

En Polynésie française, aux termes de la loi du pays n° 2022-44 du 19 décembre 2022, les produits de première nécessité (produits ou services nécessaires à la vie courante des ménages et/ou à la santé des personnes et/ou à la lutte contre une calamité naturelle) et les produits de grande consommation (produits ou services habituellement utilisés dans la vie courante et destinés aux ménages) sont identifiés dans une liste réglementaire et se caractérisent par l’encadrement de leur prix :

– soit par la fixation d’un prix plafond (exemple : la baguette à 60 francs CFP) ;

– soit en réglementant la marge maximale en valeur absolue.

Pour le rapporteur, il conviendrait de transposer ce dispositif à l’ensemble des marchés de la distribution en Outre-mer.

Proposition n° 10 : Passer d’une logique de maîtrise volontaire des prix à une logique de réglementation des prix des produits de première nécessité, afin d’en abaisser significativement leurs prix.

3.   Certains outils prévus par les lois Lurel et Bareigts n’ont pas été utilisés

Les pouvoirs publics ont délibérément choisi de ne pas mettre en œuvre un certain nombre d’outils à leur disposition, qui auraient pourtant pu leur permettre de juguler la hausse des prix.

C’est ce que constate, avec amertume, le délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, M. Francis Amand : « Un article de la loi Lurel qui traite du BQP spécifie que lorsque le préfet n’est pas satisfait de la négociation ou du résultat de la négociation, il peut imposer des choses. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Essayez d’utiliser tous les outils de la loi Lurel. Cela n’a pas été utilisé. De même, le tarif de gros n’a pas été utilisé. L’injonction structurelle n’a pas été utilisée. La réécriture de différents articles de la loi Lurel pourrait les rendre plus efficaces. » ([297])

L’ancienne ministre Mme Erika Bareigts faisait elle, lors de son audition, le constat de l’échec de ce qui avait été présenté comme un small business act ultramarin, c’est-à-dire de la possibilité pour les acheteurs publics, consacrée par l’article 73 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi Érom », de « réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises locales » : « Nous avons intégré dans la loi Érom la mesure expérimentale de la « stratégie du bon d’achat » (SBA) à destination des 90 % de TPE et PME qui constituent notre tissu économique, afin de leur faire une place au sein de la commande publique. Malheureusement, cette mesure n’a pas été reconduite. Cependant, malgré ses imperfections, elle a permis d’ouvrir un chemin, qui doit se poursuivre. En effet, si ces entreprises n’ont pas la possibilité de travailler grâce à la commande publique, elles demeureront fragiles. Et si elles restent fragiles, elles [ne] pourront augmenter ni les salaires, ni leur nombre de leurs salariés. » ([298])

Quant à l’article 63 de cette même loi, qui permettait au préfet pour une durée de cinq ans, à Mayotte et en Guyane, de négocier chaque année avec les grandes et moyennes surfaces présentes sur le territoire un tarif professionnel maximal pour leur activité de gros, il est répondu par écrit aux questions écrites du rapporteur à M. Bruno Le Maire que « l’autorité préfectorale, qui pouvait mettre en œuvre ce dispositif expérimental spécifique dans ces deux départements, n’a pas identifié de nécessité d’activer le mécanisme évoqué » ([299]).

B.   Le droit de la concurrence : un levier À restaurer

Comme le rappelle Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, « À mon sens, la façon la plus rapide et efficace pour favoriser une baisse des prix est d’ouvrir à la concurrence. » ([300])

1.   Des règles nationales régulièrement mises en œuvre sans distinction dans les marchés ultramarins aux caractéristiques distinctives

Régis par l’article 73 de la Constitution, les DROM relèvent, conformément au principe d’identité législative, du droit national de la concurrence et de l’Autorité nationale de la concurrence.

Cela est également le cas, quoiqu’ils ressortent de l’article 74 de la Constitution, de la plupart des collectivités d’outre‑mer, dans la mesure où le droit de la concurrence n’est pas au nombre des matières relevant des domaines de compétences attribués à ces collectivités par chacune des lois organiques statutaires qui leur sont applicables.

En revanche, la Polynésie française, relevant, comme exposé supra, d’un régime de spécialité organique quasi‑total, fixe ses propres règles en matière de concurrence, regroupées dans un code de la concurrence local ([301]). Elle a également mis en place une Autorité polynésienne de la concurrence autonome.

En ce qui concerne le droit de la concurrence européen, il est applicable dans les régions ultrapériphériques faisant partie du marché unique ; il n’est pas applicable dans les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) ([302]), sauf lorsque des pratiques ou des concentrations auraient des effets au sein du marché européen.

« J’ai le sentiment que de nombreux dossiers [de l’Autorité de la concurrence] concernent l’Outre-mer. En revanche, il peut y avoir une forme de déception dans les résultats. » ([303])

L’activité des organismes chargés de garantir la concurrence dans les territoires ultramarins est réelle, et porte sur de nombreux domaines de l’économie : télécommunications, produits de grande consommation, bâtiments et travaux publics, manutention portuaire, pêche et aquaculture, etc.

L’Autorité de la concurrence a ainsi rendu depuis sa création en 2008 :

– 29 décisions en matière de pratiques anticoncurrentielles, pour un montant total d’amende de plus de 162 millions d’euros ;

– une décision pour non-respect d’engagements, une décision pour obstruction à l’enquête et une décision pour réalisation anticipée d’une opération de concentration, pour un montant total d’amende de 7,3 millions d’euros ;

– 10 décisions relatives à l’interdiction des accords exclusifs d’importation, pour un montant total d’amende de plus 2,3 millions d’euros ;

– 68 décisions en contrôle des concentrations, dont 18 décisions d’autorisation assorties d’engagements et une décision d’autorisation assortie d’injonctions ;

– 16 avis, dont 2 avis « transversaux » qui livrent un diagnostic général sur le fonctionnement de la concurrence dans les DROM, et 14 avis plus sectoriels et/ou portant sur des projets de textes de nature réglementaire.

En ce qui concerne la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf), les indices de pratiques anticoncurrentielles (point de départ d’une décision) qu’elle a établis en 2022 dans les Outre-mer représentaient 18 % du total national. Sur la période 2019-2022, le taux de mise en enquête des indices de pratiques anticoncurrentielles dans les Outre-mer (26,2 %) est supérieur à la moyenne nationale (16,45 %) ([304]).

Toutefois, force est de constater que ces institutions ne sont aujourd’hui pas en mesure de faire cesser durablement les atteintes à la concurrence, alors qu’elles sont l’une des causes du renchérissement des produits et services proposés aux ultramarins.

En effet, la situation de ces territoires est particulière, comme le constatait l’Autorité elle-même en 2009 :

« [L]’étroitesse des marchés ultramarins conduit les entreprises locales à concentrer leurs moyens de production et de commercialisation afin d’accroître leur efficacité productive. Toutefois, ce processus de concentration peut également s’effectuer au détriment de l’intensité concurrentielle. […] Ainsi que le remarque l’OCDE, le nombre limité d’acteurs sur la plupart de ces marchés étroits peut également faciliter le maintien de cartels et d’arrangements collusifs : les interactions répétées entre ce petit nombre d’acteurs réduit en effet la nécessité d’arrangements contractuels détaillés nécessaires pour soutenir la mise en œuvre d’une entente. » ([305])

Autrement dit, dans les Outre-mer, « l’étroitesse du marché local et la barrière naturelle constituée par l’éloignement géographique ne favorisent pas la concurrence, [et] on y trouve donc des marchés très concentrés, avec des situations facilitées de collusion » ([306]).

Face à ces spécificités structurelles et généralisées de la question de la concurrence dans les Outre-mer, l’action de l’Autorité de la concurrence dans ces territoires ne peut qu’être globale, spécifique, adaptée, et donc différente de celle menée dans l’Hexagone.

Ce n’est pas le cas aujourd’hui : pour l’Autorité, les territoires ultramarins semblent être des territoires « un peu différents », mais pas au point, toutefois, de concevoir que les questions de concurrence y sont sensiblement différentes de celles à l’œuvre dans l’Hexagone, et que l’application du droit de la concurrence doit, en conséquence, être aussi sensiblement différente.

La stratégie Outre-mer de l’Autorité de la concurrence – comme d’ailleurs celle de la Dgccrf – reste aujourd’hui presque intégralement à construire, que ce soit dans son action ou dans son organisation.

De plus, de nombreux outils visant à lutter contre les atteintes à la concurrence semblent peu utilisés.

2.   Un droit partiellement spécifique aux Outre-mer, mais dont certains dispositifs restent méconnus et trop peu utilisés

a.   L’injonction structurelle : un outil puissant pour agir en amont, à condition de disposer d’assez d’informations

Créée par la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer, dite « loi Lurel », l’injonction structurelle est un dispositif inscrit à l’article L. 752-27 du code de commerce, permettant à l’Autorité de la concurrence d’enjoindre à une entreprise ou à un groupe d’entreprises, détenant une position dominante qui soulève des préoccupations de concurrence, de modifier, compléter ou résilier des accords voire, s’il s’agit du seul moyen permettant de garantir une concurrence effective, de céder des actifs.

Cette procédure, spécifique aux Outre-mer entrant dans le champ de compétence de l’Autorité de la concurrence nationale, s’exerce « eu égard aux contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques ». Les préoccupations de concurrence soulevées du fait de la position dominante doivent résulter de la pratique « de prix ou de marges élevées […] en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur concerné ». Autrement dit, l’existence dans la loi du dispositif de l’injonction structurelle est le témoignage même de la spécificité des Outre-mer au regard de la question de la concurrence, mais plus encore d’une probabilité accrue, de ce fait, que ces territoires connaissent un coût de la vie plus élevé que dans l’Hexagone. Pour cette raison, l’article L. 752‑26 alors en vigueur, permettant à l’Autorité d’agir, sur l’ensemble du territoire, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique, n’apparaissait ni suffisant ni efficace dans les économies ultramarines.

Dans le détail, la procédure de l’injonction structurelle est ainsi décrite par l’Autorité de la concurrence elle‑même :

« L’Autorité adresse un rapport motivé à l’entreprise ou au groupe d’entreprises détenant une position dominante, si elle constate d’une part, que cette concentration excessive porte atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée et, d’autre part, que cette atteinte se traduit, dans la même zone, par des prix ou des marges élevés en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique considéré. Dans le cas où l’atteinte à une concurrence effective perdurerait, l’Autorité a la possibilité, par une décision motivée, d’enjoindre aux acteurs concernés de modifier, de compléter ou de résilier les accords et actes à l’origine des prix ou marges élevés constatés et de procéder à la cession d’actifs si cette mesure est la seule à même de garantir une concurrence effective. En cas d’inexécution de ces injonctions, l’Autorité dispose d’un pouvoir de sanction. » ([307])

Plus simplement, « l’injonction structurelle […] permet à l’Autorité de contraindre une enseigne à céder des magasins » ([308]).

L’injonction structurelle est un dispositif particulièrement fort, constituant, selon les mots de M. Victorin Lurel, alors ministre des Outre-mer, lors de la présentation de la loi précitée devant le Sénat, « l’échelon ultime d’une grille de sanctions » ([309]). Il consiste en effet, d’une certaine façon, à prendre ex ante – sur la base de préoccupations de concurrence liées à une position dominante, et non d’abus avérés de cette position dominante – des mesures semblables à celles pouvant être imposées aux entreprises dans le cadre d’une procédure de contrôle des concentrations ou de sanction de pratiques anticoncurrentielles. Pour cette raison, cette forme de « responsabilité sans faute » a fait l’objet de fortes critiques, y compris de la part de la doctrine.

L’intention du Gouvernement était claire, et proche des constatations qui sont celles du rapporteur à l’issue des travaux de la présente commission d’enquête. C’est pourquoi il n’est pas inutile de revenir aux propos qui furent, en 2012, lors de la première lecture du texte précité devant l’Assemblée nationale, ceux du ministre M. Victorin Lurel pour décrire précisément l’esprit de cette mesure, en expliquer le dispositif et exposer en quoi la structure économique des Outre-mer la rend absolument nécessaire. Bien au-delà, le ministre exprimait alors un constat lucide des mécanismes à l’œuvre derrière la question des marges et des prix excessifs en Outre‑mer :

« Tout d’abord, veut-on sanctionner un comportement ou une structure de marché ? Aucun doute ne doit subsister, il n’est pas question de sanctionner une simple structure de marché. Pour être très clair, sanctionner un distributeur parce qu’il a plus de 50 % de parts de marché ou deux distributeurs parce qu’ils sont les seuls sur le marché et que nous préférerions qu’ils soient trois, ce n’est pas l’objet du texte.[…]

« Seul un comportement bien caractérisé est en cause : celui d’une entreprise en position dominante qui ne craint l’arrivée d’aucun concurrent compte tenu de l’étroitesse du marché et qui exploite sa rente de monopole au détriment de populations captives et souvent désargentées. C’est fréquemment le cas dans les Outre-mer.

« Deuxièmement, ce comportement est-il un abus de dominance ou une infraction qui sanctionne un comportement de rente ? Vous l’avez compris, l’article L. 752-26 du code de commerce est entièrement bâti autour de la notion d’abus de position dominante ; il est inappliqué […] et probablement inapplicable, comme le reconnaît l’Autorité de la concurrence. En effet, les abus par marges excessives sont soumis par la jurisprudence à un test très sévère, pour une raison simple : le juge considère que, si les marges sont confortables, des concurrents se précipiteront pour en profiter. Mais cela ne se passe pas ainsi dans les petits marchés d’Outre-mer où les barrières à l’entrée sont fortes : éloignement, faible population, rareté du foncier, montants de la mise initiale… Donc, dans l’Outre-mer, on peut jouir de sa rente de monopole, l’histoire l’a démontré et le présent le démontre encore. »

« Revenir à la notion d’abus, sous quelque forme que ce soit, est la garantie de l’échec. […] Le Gouvernement veut un texte applicable […]

« Nous ne visons donc que ce comportement précis : celui d’une enseigne qui pratiquerait des prix bas si elle se trouvait en situation de concurrence et qui, du fait de sa dominance, se permet de pratiquer des prix beaucoup plus élevés. Cela existe partout dans les Outre-mer. […]

« Troisièmement, doit-on viser les prix ou les marges, ou bien les deux ? […] Nous avons choisi de viser les deux pour des raisons pratiques évidentes.

« La rente de monopole, c’est la marge abusive. Or, tous nos débats le montrent, les prix sont élevés. Est-ce justifié ? Comment le savoir sans des investigations sérieuses sur les coûts et les marges ?

« Il faut donc viser les prix, car les prix élevés se détectent facilement, mais il ne faut pas s’en tenir aux seuls prix. Il importe d’aller jusqu’à la révélation de marges élevées, car c’est par cette seconde étape que l’on démontre une rente.

« Sans test de prix, on ne détecte rien ; sans test de marge, on ne prouve rien. Il faut donc garder les deux et se donner les moyens d’agir. […] 

 « Le fond de l’affaire, chacun l’a bien compris, est facile à résumer : les acteurs, en particulier de la grande distribution, savent que l’article L. 752-26 du code de commerce qui sanctionne les abus de position dominante n’est pas applicable, mais ils commencent à se dire que notre article L. 752-27 risque de l’être et qu’il va exercer une réelle pression pour dissuader de pratiquer des prix et des marges de rente. Si tel était le cas, notre objectif serait atteint. » ([310])

Cette intention claire n’a néanmoins pas préservé l’article L. 752‑27 de plusieurs modifications.

En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a créé un dispositif d’injonction structurelle unique, applicable aux Outre-mer comme à l’Hexagone, soumis toutefois à des conditions plus restrictives : une entreprise placée dans une situation de concentration excessive parce qu’elle est, d’une part, en situation de position dominante et qu’elle détient, d’autre part, une part de marché supérieure à 50 % peut faire l’objet d’une injonction si elle est à l’origine d’une atteinte à la concurrence effective.

Si ce dispositif unifié entendait s’inspirer de celui jusqu’alors en vigueur dans les seuls Outre-mer, la conséquence de son adoption s’est traduite, pour ces territoires ultramarins, par une restriction des conditions. En effet, pour mettre en jeu l’injonction structurelle, une « préoccupation de concurrence ne suffisait plus » : une « atteinte à la concurrence effective » devait être démontrée.

Toutefois, le volet hexagonal de ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel, lors de son examen a priori, pour cause d’atteinte excessive à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété ; il n’est donc jamais entré en application ([311]). Seul est resté le volet ultramarin, dans cette nouvelle rédaction plus restrictive.

Se prononçant sur cette nouvelle rédaction de cette procédure Outre-mer, l’Autorité de la concurrence, dans son avis de 2019 ([312]), a estimé que ce dispositif, s’il apparaissait « particulièrement adapté pour permettre la remise en cause de situations acquises », était désormais devenu trop restrictif : d’après l’Autorité, ces nouvelles conditions « apparaissent extrêmement difficiles à remplir en pratique et entravent la capacité de l’Autorité à faire usage de son pouvoir d’injonction, quand bien même la situation particulière de la concurrence le justifierait ». Elle recommandait donc de « revenir à deux conditions cumulatives inspirées du dispositif initial », ce que le législateur a fait par la loi n° 2020‑1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite « loi Ddadue ». Cette nouvelle rédaction étend par ailleurs au commerce de gros ce dispositif, initialement limité au commerce de détail.

L’Autorité de la concurrence a donc eu gain de cause et dispose à nouveau de cet outil puissant qu’est l’injonction structurelle pour agir sur les économies ultramarines lorsque leur situation au regard du droit de la concurrence le nécessite.

Cela a-t-il été le cas ? Répondant par écrit aux questions du rapporteur, l’Autorité déclare que « le pouvoir d’injonction structurelle n’a pas encore été mis en œuvre à ce jour ». Elle ajoute qu’elle « n’hésitera pas à y recourir si les conditions légales sont réunies », mais ne l’a pas fait dans les « dix dossiers d’injonction structurelle [qu’elle a] traités » ([313]).

N’y aurait-il donc jamais eu de situation réunissant les conditions nécessaires pour faire usage de cette disposition ? Si tel est le cas, comment comprendre la demande de l’Autorité, formulée en 2019, de disposer d’un outil utilisable, en assouplissant ses conditions de mise-en-œuvre pour revenir à la rédaction de 2012 ? Le rapporteur note évidemment les rappels de l’Autorité quant au standard de preuve élevé exigé, au caractère strictement proportionné des mesures ordonnées et à l’exigence d’une procédure contradictoire, mais relève que ce haut niveau d’exigence n’est pas exceptionnel dans le domaine du droit de la concurrence.

Comment s’explique, dès-lors, cette autocensure, ce manque d’ambition de l’Autorité de la concurrence ou, pour reprendre les mots de Benoît Cœuré lui-même lors de son audition, cette « réserve » ([314]) ? Pourquoi l’Autorité se prive‑t‑elle d’un outil aussi puissant ?

Le rapporteur reconnait les difficultés matérielles inhérentes à la mise en œuvre de l’injonction structurelle. Outre la caractérisation d’une situation de position dominante, un travail statistique permanent de suivi des prix et des marges est en effet nécessaire pour détecter les chiffres s’éloignant de la moyenne, ce que la Dgccrf ne fait pas, même si ce service met tout en œuvre pour détecter les endroits et les secteurs où une telle enquête, ponctuelle, peut s’avérer nécessaire.

Interrogé sur ce point, le professeur Walid Chaiehloudj propose d’instaurer, pour les entreprises ultramarines – ou certaines d’entre-elles – une obligation annuelle de relevé et de notification des prix et des marges ([315]). Le rapporteur salue cette proposition, qu’il accompagne d’un rappel de la nécessité de consacrer davantage de moyens humains à l’action en faveur de la concurrence dans les Outre-mer. Face aux limites matérielles, les autorités doivent faire preuve d’un réel volontarisme.

La question des limites juridiques est plus sensible. Les arguments évoqués par M. Benoît Cœuré lors de son audition sont de plusieurs ordres.

Le président de l’Autorité de la concurrence fait tout d’abord référence à la censure du Conseil constitutionnel de 2015, laquelle n’a, toutefois, pas concerné les dispositions relatives à l’Outre-mer. Au contraire : dans son commentaire de cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle son approche différente, dans une précédente décision concernant la Nouvelle‑Calédonie ([316]), au regard « de la situation particulière de la concurrence dans certains secteurs économiques » de ce territoire, où il existe une procédure d’injonction structurelle en cas de « préoccupations de concurrence ». Cette décision a d’ailleurs été évoquée en ces termes, lors de son audition, par la professeure Carine David : « On sait également, parce que le Conseil constitutionnel a pu le dire à l’occasion d’une décision relative à une loi du pays sur la concurrence en Nouvelle-Calédonie, que l’on peut déroger, pour les collectivités, notamment ultramarines, au droit commun, pour tenir compte de spécificités du marché local. » ([317])

Pour M. Matthieu Buchberger, maître de conférences à l’Université de Paris-Panthéon-Assas, le Conseil constitutionnel a, par cette décision, « consacré la validité » de l’injonction structurelle en « prenant en compte le particularisme de ces petites économies » ([318]).

Le commentaire de la décision par le Conseil constitutionnel salue d’ailleurs, dans une note de bas de page sans doute pas totalement anodine, le « soin » pris par le législateur de 2015 à préciser dans le code de commerce que le dispositif applicable Outre-mer se justifie « eu égard aux contraintes particulières de ces territoires découlant notamment de leurs caractéristiques géographiques et économiques » ([319]).

Ces éléments ne suffisent bien entendu pas à garantir la constitutionnalité de cette mesure. Ils semblent néanmoins attester de ce que le Conseil constitutionnel pourrait considérer la situation spécifique des Outre-mer comme justifiant des atteintes plus importantes que dans l’Hexagone à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété au nom du droit de la concurrence, notamment sous la forme de l’injonction structurelle. Le rapporteur n’a par ailleurs aucun doute sur le fait que la rédaction actuelle de l’article L. 752‑27 a été élaborée avec le plus grand soin, puisque les responsables de la Dgccrf lui ont déclaré, lors de leur audition, avoir « joué un rôle clé dans les travaux de conception [et] de rédaction » ([320]).

En 2020, dans un avis relatif à la concentration des marchés et à la concurrence en Corse ([321]), l’Autorité de la concurrence manifestait d’ailleurs son enthousiasme à l’égard du dispositif d’injonction structurelle dans sa rédaction issue de la loi Ddadue, en écartant toute préoccupation d’inconstitutionnalité. Elle proposait non seulement l’extension de ce dispositif à la Corse, mais également « dans des territoires métropolitains présentant des caractéristiques géographiques et économiques similaires, également susceptibles d’y affecter le fonctionnement de la concurrence locale » car toute portion du territoire où existent des « caractéristiques particulières justifiant le renforcement de l’injonction structurelle » nécessite que les pouvoirs publics mettent en application cet article pour rétablir les conditions d’une concurrence effective et in fine limiter les marges au profit du consommateur.

Cet outil ne peut être mis en œuvre sur la seule base de présomptions, il est nécessaire de disposer de données et d’analyses qui convaincront non seulement l’Autorité de la concurrence, mais également les juges qui pourront être saisis en appel. Comme le rappelait le président Benoit Cœuré : « Les standards de preuve, qui sont européens et dictés par la jurisprudence, sont très élevés, presque tous les dossiers vont en appel et en cassation, et nous avons en face de nous des entreprises et des avocats en général très inventifs et très compétents. Nous devons donc rassembler une très grande masse de preuves, ce qui prend beaucoup de temps et ne nous permet pas d’avoir simultanément un très grand nombre de dossiers à l’instruction. » ([322])

Pour le rapporteur, il est donc regrettable que l’Autorité de la concurrence se refuse à utiliser un outil dont l’intérêt est justement de lui permettre d’agir tôt, en présence de préoccupations de concurrence, c’est-à-dire sur la base d’un standard de preuve qui, quoiqu’il demeure exigeant, a été abaissé par la loi Ddadue à la demande de l’Autorité de la concurrence elle-même.

Le rapporteur appelle donc à une véritable utilisation de l’injonction structurelle – de surcroît après l’élargissement de son champ au commerce de gros – laquelle passe à la fois par une hausse des moyens humains consacrés à la détection des anomalies pouvant justifier son autorisation et par l’abandon de la réserve dont cet outil fait l’objet de la part de l’Autorité de la concurrence. Quant au risque juridique, il n’est pas exceptionnel : il n’est donc que temps de l’assumer.

Le rapporteur regrette la suppression du dispositif, similaire, d’injonction structurelle – qui existait à l’article LP. 641‑3 du code de la concurrence polynésien – par l’article LP. 23 la loi du pays n° 2018‑31 du 9 août 2018 portant modification de la partie législative du code de la concurrence.

Ce dispositif était quasiment identique à celui créé en 2012 dans l’Hexagone, même s’il ne se limitait pas au commerce de détail et pouvait également être utilisé « lorsqu’une entreprise ou un groupe d’entreprise [détenant], dans une zone de chalandise une part de marché dépassant 35 %, représentant un chiffre d’affaires supérieur à 600 000 000 francs FCP ([323]) ».

Il estime que la justification donnée à cette suppression par le rapport accompagnant ce texte est peu satisfaisante, à savoir que cette suppression – au profit du maintien d’un dispositif similaire à celui alors en vigueur dans l’Hexagone sous la forme de l’article L. 752‑26 du code de commerce – « offre une meilleure sécurité juridique aux entreprises, alors que le choix alternatif d’une sanction sans abus serait pour sa part susceptible de freiner considérablement les investissements privés et les stratégies de développement des entreprises, dans un territoire qui subit déjà de fortes contraintes économiques ».

Le rapporteur s’associe aux propos tenus par Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, lors de son audition par la commission : « la possibilité de remettre en cause une position dominante soulevant des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, en prononçant le cas échéant des injonctions structurelles, [qui] a disparu de l’ordonnancement juridique polynésien avec la modification du code de la concurrence, ne [laisse] pratiquement aucune chance d’agir sur la structure actuelle des marchés pour les rendre plus concurrentiels ».

De plus, « même seulement potentiel, ce dispositif a un effet dissuasif : comme la mise en œuvre des injonctions structurelles implique de démontrer l’existence de prix élevés dans un secteur où un acteur est dominant, il est dans son intérêt de ne pas y pratiquer des prix exorbitants » ([324]).

b.   L’interdiction des accords exclusifs d’importation

Dans son rapport de septembre 2009 sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM ([325]), l’Autorité de la concurrence a souligné les spécificités du circuit d’approvisionnement des marchés ultramarins. Ceux‑ci sont encore souvent caractérisés par la présence d’un importateur‑grossiste malgré le développement des franchises et des approvisionnements auprès des centrales d’achat (cf. supra).

Dans les faits, l’Autorité a constaté en 2009 que se sont constituées au profit de ces opérateurs des exclusivités territoriales de marques (de droit ou de fait), conduisant les distributeurs ultramarins à ne pouvoir arbitrer qu’entre un nombre limité de fournisseurs et comportant donc des risques de dérapage en matière de prix.

C’est pourquoi la loi Lurel a procédé à l’interdiction des accords exclusifs d’importation. Consacrée par l’article L. 420‑2‑1 du code de commerce, elle consiste à prohiber « les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ».

Cependant, une exception à la prohibition est toutefois possible si « [leurs] auteurs peuvent justifier qu’ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ».

Autrement dit, cette mesure vise à rétablir la concurrence intra-marque lorsqu’elle n’existe plus du fait que l’ensemble des distributeurs d’un territoire sont dans l’obligation de se fournir chez un unique grossiste-importateur, sauf lorsque cette exclusivité se traduit par un avantage économique pour le consommateur.

Dans la ligne de son avis de 2019 ([326]), l’Autorité de la concurrence se satisfait d’un bilan « globalement positif » de l’application de cette disposition, dont elle constate qu’elle a « conduit certains acteurs à revoir leurs relations contractuelles afin de se mettre en conformité avec le nouveau cadre législatif ». Des entreprises n’ayant pas mis en conformité leurs contrats ont été sanctionnées, et l’Autorité prévoit de poursuivre ce travail.

Lors de son audition, Me Genty corroborait ce constat positif : « Un travail considérable a été réalisé. […] Un véritable travail a été mené parce que cette pratique était très répandue et […] on voit qu’elle s’est largement améliorée. » ([327])

Affinant son analyse, l’Autorité constate que « la généralisation des pratiques consistant pour les fabricants à sélectionner périodiquement leurs grossistes non exclusifs à partir de procédures d’appel d’offres ou de mise en concurrence transparentes et non discriminatoires » ([328]). Elle « conclut ainsi que la mesure a eu pour effet de soumettre un certain nombre d’acteurs qui jouissaient auparavant d’une exclusivité de droit ou de fait, à une mise en concurrence régulière », celle-ci ayant « ainsi eu le mérite d’instaurer davantage d’incertitude dans des marchés qui se caractérisaient par une grande inertie et d’ouvrir des opportunités pour d’éventuels nouveaux entrants ». Néanmoins, « les limites du dispositif concernent principalement ses effets immédiats sur la concurrence intra-marque, dans la mesure où l’étroitesse des marchés ultramarins ne rend pas toujours économiquement viable la commercialisation d’une même marque par un nombre important d’acteurs différents. Une exclusivité de fait se substitue donc parfois à l’ancienne exclusivité de droit. »

Le bilan de l’application de cette mesure doit donc être poursuivi. Une attention toute particulière doit en outre être apportée aux situations dans lesquelles l’existence d’une telle exclusivité n’est pas formalisée contractuellement, mais relève d’un ensemble de pratiques devant être analysées par la méthode du faisceau d’indices. Une telle situation nécessite en effet le recueil d’un certain nombre d’éléments de preuve.

Ainsi, si le rapporteur se satisfait des dix décisions rendues par l’Autorité de la concurrence sur la base de cette disposition spécifique à l’Outre‑mer, il souhaite que celle-ci soit l’occasion de l’émergence, au sein des services de l’Autorité comme de ceux de la Dgccrf, d’une véritable « compétence outre‑mer » globale.

En ce qui concerne le droit polynésien, appliqué par l’Autorité de la concurrence de la Polynésie française, la situation est particulière, dans la mesure où la prohibition des accords exclusifs d’importation, énoncée à l’article LP. 200‑3 du code polynésien de la concurrence, a été abrogée par la loi du pays n° 2018‑31 du 9 août 2018 portant modification de la partie législative du code de la concurrence, sous la justification que ce type d’accord serait « reconnu comme pouvant être bénéfique aux consommateurs » ([329]), et ce alors même que le droit polynésien comportait une clause d’exception similaire à celle du code de commerce ([330]). Le contrôle de ces accords est donc désormais réintégré dans le droit commun des ententes.

Lors de son audition, le professeur Walid Chaiehloudj a exprimé sa surprise face à ce « retour en arrière » en Polynésie française : « Selon mes informations, c’était quand même une question très politique qui n’était pas liée finalement qu’au droit de la concurrence. Avoir la possibilité de réprimer directement un accord exclusif d’importation est très important en termes de charge de la preuve. Cela nous permet aussi de sanctionner rapidement des opérateurs qui bloquent la concurrence intramarque, c’est-à-dire la concurrence entre produits identiques. En NouvelleCalédonie, des opérateurs étaient les seuls à distribuer certaines marques et agissaient un peu comme des faiseurs de prix sur le marché, avec la possibilité de marges considérables. » ([331])

Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, abonde en ce sens : « L’interdiction des accords exclusifs d’importation a été supprimée en 2018 ou 2019. Il s’agissait pourtant d’un outil préventif intéressant, qui supprimait une incitation à la captation de la marge, augmentait la pression concurrentielle de la part du fournisseur ou de l’importateur et incitait ce dernier à se dépasser et à répercuter une partie de sa marge sur le prix de vente pour rester compétitif. On nous oppose souvent que les exclusivités d’importation n’ont pas fait leurs preuves. Peut-être le mécanisme était-il trop récent. En tout cas, il est sûr que cette suppression n’incite pas les opérateurs à baisser les prix et que cela ne va pas dans le sens d’une ouverture à la concurrence. » ([332])

La prohibition des accords exclusifs d’importation est donc un outil puissant, car il permet d’intervenir en amont de la répression des ententes et abus de position dominante auxquels ces derniers peuvent donner lieu, mais dont il est toujours délicat d’apporter la preuve. La disparition de cet outil du droit polynésien est donc regrettable.

Le rapporteur appelle néanmoins l’ensemble des acteurs du respect du droit de la concurrence dans les Outre-mer à la plus grande vigilance quant à l’existence d’exclusivités de fait, qui se sont substituées aux exclusivités de droit.

Les entretiens réalisés par des délégations de la commission d’enquête sur place ont révélé que les marchés ultramarins restent dans les faits caractérisés par la présence d’agents de marque, qui disposent d’une exclusivité de fait ; ce sont en effet des acteurs historiques disposant d’accords anciens avec des marques nationales, donc en capacité d’importer et de stocker ces produits – généralement des produits secs – en grand volume. Un grossiste‑importateur qui voudrait les concurrencer ne disposerait ni des contrats, ni des volumes, ni de la capacité de stockage nécessaire. En outre, cette filière d’approvisionnement étant en régression au profit d’un circuit court et du recours aux centrales d’achat, aucun nouvel acteur n’a intérêt à investir pour concurrencer les acteurs en place.

Par ailleurs, une situation tout aussi problématique peut se poser en cas de concentration verticale, lorsque grossiste et distributeur appartiennent à un même groupe. Dans ce contexte d’intégration verticale, le grossiste peut en effet être tenté d’accorder des conditions plus favorables de vente des produits importés au distributeur auquel il est lié, ou d’imposer des conditions plus restrictives aux distributeurs extérieurs, par exemple des prix plus élevés, ne lui permettant pas de concurrencer le distributeur intégré. En outre, cet agent de marque est souvent chargé de répartir des budgets de coopération commerciale, destinés à financer l’animation commerciale sur le lieu de vente au profit de la marque représentée.

C’est pourquoi l’Autorité de la concurrence nationale recommandait, en 2019, d’ « introduire dans le code de commerce une nouvelle disposition permettant de sanctionner le fait, pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité [d’importation] de fait, de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intragroupe » ([333]). La loi Ddadue du 3 décembre 2020 a mis en œuvre cette recommandation en introduisant ce principe au sein du second alinéa de l’article L. 420-2-1 du code de commerce.

Constatant la structure économique particulière du secteur de la grande distribution dans les Outre-mer, caractérisée par une grande intégration verticale et horizontale, le rapporteur estime aujourd’hui impératif que cette disposition soit appliquée avec la plus grande fermeté, afin de permettre aux distributeurs non-intégrés, dépendants, au moins en partie, de grossistes parfois liés à des distributeurs, de pouvoir concurrencer ces mêmes distributeurs. Le rapporteur demande ainsi à la Dgccrf et à l’Autorité de la concurrence de faire de l’application de cette nouvelle disposition un axe significatif de leur programme d’enquête. En effet, il a lui-même été saisi de plusieurs cas dans lesquels des distributeurs lui ont indiqué les tarifs de gros proposés à des détaillants par la filiale grossiste-importateur de GBH étaient supérieurs aux prix de détail auxquels ces mêmes produits étaient vendus aux consommateurs dans les enseignes du groupe GBH – ce qui pourrait constituer une discrimination, par GBH, de ces distributeurs extérieurs au sens du second alinéa de l’article L. 420-2-1 du code de commerce, quoiqu’il serait nécessaire, au-delà de la comparaison de ces deux prix, d’examiner les volumes concernés par ces pratiques.

Proposition n° 11 : Intensifier les contrôles pour garantir que les grossistes – importateurs de marques n’avantagent pas les distributeurs membres du même groupe au détriment des distributeurs extérieurs et garantissent à tous les distributeurs l’accès aux meilleurs prix sans discrimination.

c.   Les seuils spécifiques en matière de contrôle des concentrations

Le contrôle des concentrations consiste en l’examen obligatoire, par les autorités de concurrence, des projets de rachat et fusion supérieurs à certains seuils, afin d’examiner leurs conséquences en termes d’atteinte éventuelle à la concurrence et de constitution de positions dominantes. Lorsque le contrôle est obligatoire, ces opérations doivent être notifiées aux autorités de concurrence.

Dans l’Hexagone, les opérations sont notifiables lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 150 millions d’euros et lorsque le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 50 millions d’euros.

De par leur ampleur, le contrôle de certaines opérations de concentration plus importantes dépend de la Commission européenne.

En matière de contrôle des opérations de concentration Outre-mer, les seuils au-delà desquels leur notification est obligatoire sont abaissés.

En effet, selon le III de l’article L. 430-2 du code de commerce, une opération de concentration est notifiable lorsqu’au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans un ou plusieurs DROM, à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna ou dans les COM de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, Saint‑Martin et Saint‑Barthélemy, à condition que :

– le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration soit supérieur à 75 millions d’euros ;

– le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés soit supérieur à 15 millions d’euros, ou à 5 millions d’euros dans le secteur du commerce de détail sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l’ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale.

Pour François Huyghues Despointes, président du directoire du groupe SAFO, ce montant spécifique de 5 millions d’euros – contre 15 millions d’euros dans l’Hexagone  « représente une grosse supérette Outre-mer » ([334]).

L’Autorité de la concurrence, répondant par écrit aux questions du rapporteur, estime ce seuil satisfaisant : « [ce] seuil […] est suffisamment bas pour permettre à l’Autorité de contrôler un grand nombre d’opérations, y compris celles portant sur la cession d’un seul supermarché. Depuis l’introduction de ce seuil, l’Autorité a contrôlé 45 opérations sur ce fondement, en plus des 22 opérations examinées au titre des seuils non-spécifiques à l’Outre-mer. » ([335])

Ce n’est toutefois pas l’avis de M. Walid Chaiehloudj, lors de son audition : « Pour parler de la Martinique ou de la Guyane, nous exerçons un contrôle des concentrations particulier pour le commerce de détail. À partir de 5 millions d’euros, nous pouvons contrôler la concentration, mais le texte a été limité au commerce de détail. Si nous identifions des concentrations importantes en termes de domination, il me semble important d’élargir le texte, sans le limiter au commerce de détail afin que l’autorité puisse intervenir sur tous les marchés. Le commerce de détail est un volet de la cherté des prix, mais pas seulement. » ([336])

Le rapporteur appelle donc à prévoir un seuil de contrôle des concentrations Outre-mer abaissé à 5 millions d’euros dans tous les domaines d’activités économiques, et non pas uniquement dans celui du commerce de détail.

Proposition n° 12 : Contrôler les concentrations Outre-mer dans tous les secteurs économiques dès que le chiffre d’affaires réalisé dans les territoires ultramarins atteint 5 millions d’euros.

d.   Le contrôle de l’aménagement commercial : s’inspirer du droit néo‑calédonien pour limiter l’expansion de tout acteur économique qui détiendrait déjà plus de 20 % d’un marché

L’aménagement commercial est indissociable des questions de concurrence. Il permet en effet – de surcroît dans les territoires ultramarins dans lesquels le foncier est rare – d’exercer un contrôle très en amont de la puissance commerciale des différents distributeurs dans chaque zone de chalandise et d’empêcher la constitution de situations oligopolistiques, voire monopolistiques.

Le contrôle de l’aménagement commercial consiste, conformément à l’article L. 752‑1 du code de commerce, à soumettre à l’obtention d’une autorisation d’exploitation commerciale, les projets de création ou d’extension d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. Compte tenu de la taille des territoires ultramarins, de l’exiguïté de leur marché intérieur, le rapporteur serait très favorable à ramener ce seuil d’autorisation d’aménagement commercial à 300 mètres carrés au lieu de 1 000 mètres carrés.

Proposition n° 13 : Fixer le seuil de l’autorisation d’aménagement commercial à 300 mètres carrés dans les territoires ultramarins.

En la matière, il est intéressant d’examiner les compétences particulières de l’Autorité polynésienne de la concurrence, présentées par sa présidente, Mme Johanne Peyre, lors de son audition : cette Autorité remplit en effet « une mission particulière que n’exerce pas l’Autorité de la concurrence nationale, à savoir le contrôle des aménagements commerciaux. Il s’agit d’un instrument préventif intéressant, car les petites économies insulaires ont tendance à être très concentrées. Ce contrôle des concentrations permet de faire de la prévention au niveau macro des entreprises et de préserver un fonctionnement concurrentiel des zones de chalandise. Il porte sur tout ce qui a trait à l’implantation de surfaces commerciales, aux changements d’enseignes et à l’accroissement des surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés. » ([337])

Une telle compétence n’est pas, dans les autres territoires, du ressort de l’Autorité de la concurrence, mais de celle des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC). Sans prôner forcément un transfert de cette compétence à l’Autorité nationale – qui contrôle déjà indirectement, par le biais du contrôle des concentrations, les opérations d’aménagement commercial relevant de la croissance externe des entreprises –, le rapporteur tient à rappeler que l’article L. 752‑6‑1 du code de commerce confère aux CDAC des Outre-mer la faculté de saisir pour avis l’Autorité si la part de marché d’une entreprise sollicitant une autorisation d’exploitation commerciale est susceptible, à l’issue de cette opération, de dépasser 50 % de la zone de chalandise. Constatant toutefois que l’avis 19-A-12 ne cite qu’un seul avis rendu par l’Autorité sur la base de cet article, le rapporteur appelle les CDAC à s’en servir systématiquement.

Le professeur Ferdinand Mélin-Soucramanien évoquait ainsi la possibilité d’imposer une limite en matière d’aménagement commercial au cours de son audition : « On parle depuis plusieurs années d’un moratoire sur les grandes surfaces commerciales, notamment à La Réunion. […] La loi Élan de 2018 le permet. […] C’est le préfet qui a la possibilité de suspendre l’installation des grandes surfaces commerciales pendant une période de trois ans au terme de cette circulaire. » ([338]).

En effet, l’article L. 752‑1‑2 du code de commerce, créé par la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan », permet au préfet de suspendre l’examen des projets d’implantation commerciale menaçant la réalisation d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ([339]). Si le rapporteur note les strictes conditions de mises en œuvre de cette disposition, il invite néanmoins les représentants de l’État dans les territoires à mener, à chaque fois que les conditions d’un projet d’aménagement y répondent, un examen approfondi de son applicabilité.

Le rapporteur rappelle qu’avait existé, de 1993 à 2008, un véritable plafond en matière d’aménagement commercial, exprimé en surface : M. André Thien Ah Koon, député de La Réunion, avait en effet fait adopter un amendement inséré au sein de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 1973, dite « loi Royer », tendant à limiter à 25 % des surfaces commerciales d’un département d’outre-mer la possibilité d’extension d’un opérateur.

En effet, l’article L. 752‑10 du code de commerce était ainsi libellé :

Article L. 752 10 du code de commerce (abrogé)

Dans les départements d’outre-mer, sauf dérogation motivée de la commission départementale d’équipement commercial, l’autorisation demandée ne peut être accordée lorsqu’il apparaît qu’elle aurait pour conséquence de porter au-delà d’un seuil de 25 % sur l’ensemble du département, ou d’augmenter, si elle est supérieure à ce seuil, la surface de vente totale des commerces de détail à prédominance alimentaire de plus de 300 mètres carrés de surface de vente, que celle-ci concerne l’ensemble du projet ou une partie seulement, et appartenant :

1° Soit à une même enseigne ;

2° Soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle cette société possède une fraction du capital comprise entre 10 et 50 %, ou une société contrôlée par cette même société au sens de l’article L. 233-3 ;

3° Soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé exerçant sur elle une influence au sens de l’article L. 233-16, ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun.

Son abrogation par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie était justifiée en ces termes par le rapporteur du texte : « Cette disposition est […] absolument contraire au droit communautaire, et témoigne en outre d’une conception curieuse de la concurrence puisque le droit de la concurrence interdit l’abus d’une position dominante, et non la position dominante en soi. » ([340]). Il s’avère en effet que la Commission européenne s’oppose à ce que le législateur définisse une part de marché au-delà de laquelle un acteur économique ne pourrait aller, que cela soit par croissance organique ou par croissance externe.

Cet ancien article L. 752‑10 est en revanche à rapprocher des dispositions en vigueur en Nouvelle‑Calédonie ([341]), où « toute opération dans le secteur du commerce de détail doit être notifiée, quelle que soit la surface de vente concernée, lorsque l’exploitant ou le futur exploitant dispose, à l’issue de l’opération, d’une part de marché égale ou supérieure à 25 % dans la zone de chalandise concernée et un chiffre d’affaire supérieur à 600 000 000 F CFP » ([342]).

S’inspirant de ces dispositions, le rapporteur propose de compléter les dispositions spécifiques aux opérations de concentration dans les Outre‑mer par une obligation de notifier toute opération dans le secteur du commerce de détail, quelle que soit la surface de vente concernée, lorsque l’exploitant ou le futur exploitant dispose, à l’issue de l’opération, d’une surface commerciale égale ou supérieure à 20 % dans la zone de chalandise ou la collectivité ultramarine concernée. Une telle opération ne pourrait être autorisée qu’à l’issue d’une enquête de concurrence approfondie qui devra en démontrer l’intérêt pour le consommateur à ce qu’un acteur détienne plus de 20 % d’un marché spécifique.

Proposition n° 14 : Conditionner toute opération de concentration qui aboutirait à ce qu’un acteur économique détienne plus de 20 % de part de chiffre d’affaires d’un marché ultramarin à une enquête démontrant l’intérêt pour le consommateur de cette opération de concentration.

3.   Les dispositifs actuels ne semblent pas permettre de lutter assez efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles

a.   La question de l’efficacité et de l’effectivité des conditions imposées par les Autorités de la concurrence

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Max Dubois a précisé ses propos qualifiant le rachat de Vindémia par le groupe GBH de « coup de trop » ([343]). De par son ampleur, cette opération a en effet été au cœur de nombreux échanges au cours des travaux de la commission d’enquête.

Le 24 janvier 2020, la société Groupe Bernard Hayot (GBH) active dans la quasi-totalité des territoires d’outre-mer, ainsi que dans l’Hexagone et dans d’autres pays a annoncé sa volonté de prendre le contrôle exclusif de la société Vindémia Group, qui regroupait les enseignes du groupe Casino à La Réunion et à Mayotte.

L’ampleur de cette opération se mesure notamment aux nombreux secteurs d’activité dans lesquels ces deux groupes étaient actifs dans ce territoire : distribution alimentaire (trois hypermarchés Carrefour) et distribution spécialisée, restauration rapide, distribution automobile, grossiste-importateur de produits à dominante alimentaire (Bamyrex et Sorelait), plateforme logistique et centrale d’achats, (Bamappro, Ficarex), centrale de référencement (Profima Réunion), production de produits laitiers (Sorelait), enseignes de bricolage (Mr Bricolage) et de sport (Décathlon) pour GBH ; distribution, à dominante alimentaire ou spécialisée, libre‑service de gros, magasins, supermarchés et supérettes franchisés, enseignes franchisées de proximité, grossiste-importateur de produits à dominante alimentaire (SDCOM), plateforme logistique, centrale d’achats, centrale de référencement, distribution de produits non alimentaires (Agora, Espace Garden, magasins Fnac franchisés) pour Vindémia.

Au regard du chiffre d’affaire en jeu et du nombre de magasins concernés, cette opération était donc soumise à l’autorisation de l’Autorité de la concurrence, laquelle, après de nombreuses auditions et tests de marché, l’a autorisée dans sa décision 20‑DCC‑072 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot ([344]), en l’assortissant toutefois de mesures correctives issues d’engagements pris par GBH. Saisi de plusieurs recours contre cette décision, le Conseil d’État l’a récemment validée ([345]).

L’Autorité a en effet identifié des risques d’atteinte à la concurrence dans certaines zones de chalandise, sur les marchés de la distribution au détail à dominante alimentaire, de la distribution des livres et de l’approvisionnement amont.

Les engagements pris par GBH sont de deux ordres :

 pour l’aval, céder sept magasins  dont quatre hypermarchés  afin de « garantir une animation concurrentielle, notamment en prix, en faveur des consommateurs » ; les deux repreneurs de ces magasins, agréés par l’Autorité qui le a estimés sérieux et à même d’assurer le respect de la concurrence, étaient Make Distribution et le groupe Tak ;

 pour l’amont, maintenir le niveau d’approvisionnements en production locale (engagement qui exclut les filiales réunionnaises de GBH du fait de son caractère intégré) et, pour les fournisseurs en potentiel état de dépendance économique, les aider, s’ils le souhaitent, à sortir de cet état en mettant en place plusieurs mécanismes d’aide.

Faisant le bilan de cette opération, M. Max Dubois, lors de son audition, en a toutefois livré un diagnostic très sévère :

« GBH a obtenu le droit de réaliser cette opération de fusion – l’une des plus importantes jamais réalisée dans les territoires d’outre-mer – contre l’avis de tous les parlementaires de La Réunion, qui ont fait connaître leur opposition au rachat des magasins Vindémia par GBH dans une lettre qu’ils ont tous signée.

« Dans son premier avis, rendu en 2019, l’Autorité de la concurrence a pointé un risque lié à cette concentration. Un an plus tard, elle a refusé de passer à la phase 2 de son instruction et a considéré que l’opération pouvait avoir lieu, sous réserve de la cession de quatre magasins. De mémoire, le chiffre d’affaires de Vindémia, à La Réunion, s’élevait à 650 millions, à quoi s’ajoute celui réalisé dans les "3 M", Mayotte, Maurice et Madagascar, qui était de 200 millions.

« Les quatre magasins ont été vendus par GBH, en toute légalité bien sûr. Le retour a été cinglant pour les finances publiques : trois ans plus tard, le groupe qui les avait rachetés, constitué autour de Run Market – qui n’est pas un spécialiste de la grande distribution – affichait une perte de 130 millions et était en situation de déposer le bilan. Pour sauver environ 700 emplois, il a fallu en appeler au comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et Bercy a dû se munir d’une grosse éponge pour effacer une grande partie de la dette – grossièrement, les prêts garantis par l’État (PGE) – avant que les banques ne soient appelées à la rescousse. Le coup d’éponge s’est élevé à 85 millions.

« Bref l’Autorité de la concurrence affirme que tout va pour le mieux dans cette opération, le Groupe Bernard Hayot cède quatre magasins et trois ans plus tard, l’argent public, notre argent, est utilisé pour régler la note. Un repreneur mauricien a été trouvé, le groupe IBL, mais il a subordonné la reprise à un coup d’éponge de l’État sur les dettes fiscales et sociales et sur les PGE, et à une intervention pour inciter les banques à faire de même. Je crains donc d’avoir eu raison de monter au créneau, il y a trois ans, pour expliquer que cette opération représentait un grand danger. Je n’étais d’ailleurs pas seul : M. Girardier, du cabinet d’étude Bolonyocte, l’avait également fait. J’ajoute que malgré cette reprise par un groupe tout à fait sérieux, la survie de l’opération demeure à mon sens problématique.

« Il y a donc eu des alertes, et les politiques de La Réunion ont à l’unanimité demandé que l’Autorité de la concurrence, au minimum, engage la phase 2 de son instruction. Elle ne l’a pas fait, et ni le Président de la République, ni Bruno Le Maire n’ont jugé bon d’utiliser leur pouvoir d’évocation en ce sens. Que s’est-il donc passé ?

« Pourtant, les rapports de l’Autorité de la concurrence expliquent tous qu’il faut éviter les concentrations ! Mais chaque fois que la question se pose, les avocats montent au créneau et plus rien n’est possible. Le dysfonctionnement est patent. » ([346])

Est ici soulignée, en particulier, la difficulté, relevée au cours de plusieurs auditions, de tirer, dans les territoires ultramarins les conséquences des éventuelles mesures de cession demandées, dans le cadre de sa mission de contrôle des concentrations, par l’Autorité de la concurrence. En effet, l’étroitesse du marché, qui justifie d’ordonner ces cessions, se traduit parfois par l’absence d’acteurs économiques qui soient tout à la fois tiers à l’opération considérée et suffisamment solides pour reprendre les actifs dont la cession a ainsi été ordonnée. Dans une telle situation, paradoxalement, une mesure ordonnée par l’Autorité de la concurrence pour accroître la concurrence peut, in fine, conduire à la réduire.

Ce bouleversement du paysage concurrentiel a fait l’objet de nombreuses observations portées à l’attention d’une délégation de la commission d’enquête lors de son déplacement à La Réunion du 14 au 16 juin 2023.

Commandée par l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, une étude du cabinet Bolonyocte établie en septembre 2022 ([347]) dresse un portrait tout aussi sévère des conséquences de cette opération, même si le rapporteur a pu prendre connaissance des réserves des services de l’État sur les chiffres sur lesquels le cabinet se fonde et des critiques des acteurs du secteur de la distribution quant à sa méthodologie et ses conclusions.

Sur la structuration du marché de la distribution généraliste, l’opération aurait entraîné une hausse de la concentration, les deux premiers acteurs totalisant ensemble environ 66 % de part de marché (GBH 37 % et Leclerc 29 %). GBH verrait sa part de marché plus que doubler (+ 118 %). À l’exception de l’enseigne U (+ 1 point) la part de marché des autres acteurs serait en baisse significative du fait de la montée en puissance du duopole GBH/Leclerc.

Détenue par GBH, l’enseigne Carrefour est désormais présente dans toutes les zones et atteindrait une part de marché supérieure à 30 % dans 5 zones sur 7. Leclerc reste présent dans 6 zones, mais sa part de marché, en croissance dans certaines zones, reculerait en revanche dans d’autres face à la montée en puissance de GBH.

L’opération porterait le chiffre d’affaires de GBH sur le marché de la distribution généraliste de 370 millions d’euros en 2019 à plus de 950 millions d’euros fin 2022. À La Réunion, son chiffre d’affaires global serait donc de l’ordre de 1,8 milliard d’euros, soit environ 45 % des dépenses de consommation courantes.

Le rapport voit donc dans les conséquences de cette opération un phénomène de « spirale concentrative » tel qu’identifié par la Commission européenne dans sa décision Promodès du 25 janvier 2000 ([348]).

De plus, une dépendance économique excessive des fournisseurs et producteurs locaux à l’égard de GBH existerait désormais sur le marché de la distribution généraliste, dépassant le seuil d’alerte de 22 % défini par les autorités de concurrence européennes et en particulier l’Autorité de la concurrence en France.

La montée en puissance de GBH, combinée avec son intégration verticale, c’est-à-dire le contrôle de plusieurs grossistes, entrainerait un verrouillage du marché de l’approvisionnement de gros, et des acteurs de la production locale par des pratiques discriminatoires.

Le rapport conclut donc au renforcement de la concentration duopolistique, y compris au détriment de Make distribution, acquéreur des enseignes dont la cession a été ordonnée, et dont les difficultés ont conduit à un plan de sauvegarde et sa reprise par un entrepreneur mauricien IBL.

Analysant ensuite l’efficacité des engagements pris par GBH, le rapport relève que le mandataire chargé de leur contrôle aurait identifié 40 à 60 fournisseurs en situation de dépendance économique vis‑à‑vis du groupe GBH : aucun d’entre eux n’aurait demandé à bénéficier du dispositif interne devant permettre de les accompagner, s’ils le souhaitent, vers la sortie de cet état.

Et le rapport de conclure : « Ces constats viennent établir l’absence totale d’efficience des principaux engagements comportementaux pris par GBH. »

Cette affaire emblématique invite donc à jeter un regard plus que critique sur l’efficacité des mesures correctives ordonnées par l’Autorité de la concurrence, notamment dans le cadre du contrôle des concentrations.

Une autre interrogation relevée au cours des travaux de la commission concerne certaines réserves posées par l’Autorité de la concurrence, en matière de contrôle des concentrations, en lien avec le modèle d’exploitation par franchise, en Outre-mer, de certaines enseignes qui ne recourent pas à ce modèle dans l’Hexagone.

Comme le rappelait M. Max Dubois lors de son audition : « les groupes intégrés Carrefour, Casino, Auchan ne sont pas directement présents Outre-mer ; ils passent systématiquement par des franchisés. […] Il est possible de nous interroger sur les raisons pour lesquelles ces enseignes ne viennent pas en propre. […] Pour notre part, nous considérons qu’ils n’ont pas estimé le rapport potentialités/complexités suffisamment intéressant. » ([349]).

C’est par exemple le cas dans la décision « NG Kon Tia » de l’Autorité de la concurrence ([350]). Cette décision, concernant la Guyane, portait sur l’acquisition, par la Société Antillaise Frigorifique (SAFO) – qui détient un contrat d’enseigne avec le groupe Carrefour, même si certains magasins de cette enseigne sont exploités par GBH –, de la société NDIS, exploitant l’hypermarché Super NKT. La seule autre enseigne présente dans la zone concernée étant Hyper U, l’Autorité conclut que « l’opération aurait entraîné un risque de disparition d’une enseigne d’hypermarché ». ([351])

Face à ce risque, l’Autorité a imposé plusieurs engagements détaillés à la société SAFO quant à l’hypermarché Super NKT – le supermarché cible de l’opération. Elle s’est en effet, engagée à conclure avec le groupe Carrefour, pour cinq ans, un contrat prévoyant pour ce magasin cible, moyennant le versement d’une cotisation mensuelle :

– l’obligation d’être exploité sous une enseigne du groupe Carrefour ne comportant pas la marque Carrefour, Carrefour Market ou Market ni aucun signe distinctif rappelant ces marques ;

 – l’obligation d’assurer seule et sous son entière responsabilité ses opérations publicitaires et de communication ;

– un droit de préemption de son fonds de commerce pour le groupe Carrefour ;

– la possibilité de bénéficier d’une assistance et d’une aide du groupe Carrefour dans son exploitation ;

– la possibilité d’avoir accès aux produits à marques propres et premiers prix du groupe Carrefour ;

– la possibilité, tout en demeurant libre de mener le programme commercial de son choix, de bénéficier, de l’assistance du groupe Carrefour dans son aspect et sa présentation, ainsi que dans la communication d’un programme commercial et des éléments nécessaires à sa mise en œuvre ;

– sur la base de documents types, le bénéfice d’une assistance en matière administrative, fiscale et financière de la part du groupe Carrefour, sans que cette assistance puisse aboutir à une immixtion dans sa gestion.

Ainsi, quand bien même ce contrat prévoit « que la société SAFO est seule responsable de la détermination de sa politique tarifaire » pour le magasin cible, qu’elle « conserve sa liberté de déterminer unilatéralement […] l’assortiment du magasin cible » ([352]) , qu’elle « n’est liée par aucune obligation d’approvisionnement auprès du groupe Carrefour pour ce qui concerne le magasin cible » et que SAFO renonce « à toute offre commune de publicité commerciale, d’offre promotionnelle ou de remise fidélisante […] entre le magasin cible et tout point de vente exploité sous une enseigne comportant la marque Carrefour », force est de constater que les liens entre l’enseigne Carrefour et ce « magasin cible » sont néanmoins loin d’être minces.

Les engagements imposés par l’Autorité de la concurrence ont toutefois été validés par le Conseil d’État ([353]), qui estime qu’ « il n’est pas requis que les engagements suppriment intégralement les effets de la concentration mais seulement qu’ils soient de nature à assurer le maintien d’une concurrence suffisante après l’opération », et surtout que « l’engagement d’utiliser une enseigne du groupe Carrefour ne portant pas la dénomination Carrefour est de nature à limiter le renforcement de l’enseigne Carrefour sur le marché en cause ».

Le rapporteur s’interroge néanmoins : comment le magasin peut-il rester indépendant de Carrefour tout en bénéficiant de son assistance administrative ? Comment peut-il bénéficier de l’ensemble des produits Carrefour en étant « protégé » par l’absence d’obligation de les acheter ? Surtout : comment peut-il demander à Carrefour de concevoir « son aspect et sa présentation » en demeurant une franchise à même de concurrencer le groupe Carrefour ? Carrefour prendrait-il le soin d’aménager cette enseigne différemment de ses propres magasins ?

Ces interrogations se retrouvent aussi dans le caractère particulièrement succinct, voire presque caricatural, des justifications données, lors de son audition, par M. François Huyghues Despointes, président du directoire du groupe SAFO, quant à cette opération : « l’Autorité de la concurrence nous a demandé de prendre un certain nombre d’engagements. Le premier ([354]) était de ne pas exploiter une enseigne comprenant le nom "Carrefour". Le magasin porte aujourd’hui l’enseigne Supeco qui fait partie du groupe Carrefour, mais ne contient pas le nom "Carrefour". » ([355]).

Au Robert, à la suite d’une décision similaire ([356]), c’est sous l’enseigne « Euromarché », qui avait pourtant disparue ([357]) , qu’est exploité le magasin racheté.

Pour le rapporteur, les consommateurs ultramarins ne sont pas dupes : ce n’est pas en changeant le nom d’un supermarché que l’on rétablit la concurrence.

b.   En matière de contrôle des concentrations, la question de la pertinence de la détermination des parts de marchés et des zones de chalandise au regard des spécificités des territoires ultramarins

En matière de contrôle des concentrations, la question de la détermination des zones de chalandises est essentielle, car elle conditionne l’examen des parts de marché détenues par les parties à l’opération faisant l’objet de la décision, ainsi que les conséquences qu’aurait l’opération envisagée sur la répartition de ces parts.

Or, sur les territoires singuliers que sont les Outre-mer, a fortiori lorsqu’il s’agit d’îles et de surcroît lorsqu’elles sont particulièrement exigües, la réalité de ces zones peut être très particulière. Dans un contexte de vie chère et/ou de rareté des produits, les consommateurs peuvent être amenés à parcourir une plus grande distance pour acquérir un certain bien. L’Autorité de la concurrence l’a d’ailleurs reconnu dans le cas de la restauration rapide en Corse, en définissant une zone géographique spécifique plus large qu’ailleurs, correspondant à « à une zone accessible en trente minutes de trajet en voiture » ([358]). Elle indique d’ailleurs dans ses lignes directrices que « Les spécificités topographiques des zones étudiées peuvent également être prises en compte dans l’analyse, par exemple lorsque ces zones sont situées dans les départements et collectivités d’outre-mer. » ([359]). Ainsi, en Martinique, l’Autorité a pu considérer que « la conurbation regroupant Fort-de-France, Schœlcher et Le Lamentin est structurée autour d’un réseau de transport très dense et que les zones de chalandises des magasins à dominante alimentaire situés dans cette zone s’interpénètrent très fortement, justifiant de considérer la plaine foyalaise comme une seule et même zone de chalandise » ([360]).

Interrogée sur ce sujet, l’Autorité reconnaît néanmoins que cette définition des zones en fonction de la distance ou du temps de déplacement des consommateurs – dites zones isochrones – peut ne pas être adaptée aux spécificités des territoires ultramarins. En toute hypothèse, une définition des zones de chalandise par cette méthode, même pondérée par la prise en compte des spécificités du territoire, demeure une projection théorique revenant à estimer la clientèle potentielle de telle ou telle enseigne, par des méthodes dont il faudrait déterminer si elles parviennent, dans les territoires ultramarins, à des résultats suffisamment proches de la réalité.

En revanche, l’Autorité indique avoir, dans plusieurs dossiers, privilégié la méthode des « empreintes réelles », autrement dit « la zone de chalandise réelle du magasin cible, puisqu’elle représente la zone géographique dans laquelle résident effectivement les clients à l’origine de 80 % des ventes du magasin ou, à défaut, celle où résident 80 % de ses clients » ([361]). Cette méthode « permet d’obtenir une photographie précise des clients qui fréquentent habituellement le magasin » : elle est donc beaucoup plus proche des réalités du territoire, mais elle ne peut qu’être utilisée en présence de données précises et fiables, d’autant plus qu’elles sont parfois communiquées par la partie notifiante elle-même. Pour le rapporteur, la méthode des empreintes réelles devrait devenir la méthode par défaut de contrôle des concentrations Outre-mer. Une procédure de transmission régulière à la Dgccrf des informations nécessaires à l’application de cette méthode pourrait être rendue obligatoire, indépendamment de toute opération, pour les entreprises répondant à la deuxième condition du III de l’article L. 430‑2, adaptant les seuils de contrôle des concentrations dans les Outre-mer.

4.   Des moyens insuffisants, une coordination défaillante

a.   L’Autorité de la concurrence : une instance qui apparaît comme éloignée des territoires ultramarins et de leurs spécificités

« L’Autorité de la concurrence est établie à Paris et elle ne dispose pas d’un maillage territorial », rappelait M. Benoît Cœuré lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale au titre de l’article 13 de la Constitution ([362]).

L’Autorité ne manque néanmoins pas de rappeler ([363]) qu’elle « veille tout particulièrement au respect de la concurrence en Outre-mer, qui figure au nombre de ses priorités ». Elle évoque ainsi « l’attention particulière [qu’elle porte] à l’Outre-mer, qui constitue un axe prioritaire de son action » et se dit « déterminée à poursuivre son engagement en mobilisant tous les instruments à sa disposition, afin de dynamiser la concurrence dans les DROM et de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs ultramarins » ([364]).

Dans le détail, en matière d’activité contentieuse Outre-mer, l’Autorité déclare avoir rendu, depuis sa création en 2008 :

– 29 décisions en matière de pratiques anticoncurrentielles, pour un montant total d’amende de plus de 162 millions d’euros ;

– une décision pour non-respect d’engagements, une décision pour obstruction à l’enquête et une décision pour réalisation anticipée d’une opération de concentration, pour un montant total d’amende de 7,3 millions d’euros ;

– 10 décisions relatives à l’interdiction d’accords exclusifs d’importation, pour un montant total d’amende de plus de 2,3 millions d’euros.

En 2022, 23 % des décisions contentieuses rendues concernaient les Outre-mer, ce qui représente une amélioration notable, par rapport à la période 2009‑2019, où ce taux était estimé à 10 % ([365]).

En matière de contrôle des concentrations Outre-mer, l’Autorité déclare avoir pris, sur la même période, 68 décisions, dont 18 décisions d’autorisation assorties d’engagements et une décision d’autorisation assortie d’injonctions. L’Autorité n’a jamais interdit d’opération de concentration Outre-mer.

Enfin, au titre de sa compétence consultative, l’Autorité a adopté quatorze avis « sectoriels » et surtout deux avis « transversaux » : l’avis 09-A-45 du 08 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer et l’avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer. Ces deux avis sont essentiels à la compréhension des mécanismes économiques à l’œuvre en Outre-mer, et le rapporteur appelle donc de ses vœux l’actualisation, aussi souvent que possible, de ce travail commandé par le gouvernement. Ce processus pourrait s’inscrire dans une démarche plus globale de revalorisation de la fonction consultative de l’Autorité.

Cela supposerait néanmoins l’émergence, au sein de l’Autorité de la concurrence, d’une réelle spécialisation dans la connaissance des spécificités des marchés ultramarins et des particularités, évoquées supra, des difficultés que ces territoires connaissent en termes de droit de la concurrence.

Or, le rapporteur note que l’Autorité déclare elle-même que « [ses] moyens limités […] (environ 200 ETP pour l’ensemble de ses missions) ne permettent cependant pas une veille active sur les conditions de concurrence et notamment la répartition des marges dans les DROM » ([366]).

Un renforcement des effectifs de l’Autorité de la concurrence semble donc nécessaire, ainsi que la création, en son sein, d’une équipe conséquente dédiée spécifiquement et exclusivement à l’Outre-mer.

Proposition n° 15 : Renforcer les effectifs de l’Autorité de la concurrence et créer en son sein une équipe dédiée spécifiquement et exclusivement à l’Outre-mer et dotée de moyens spécifiques.

Par ailleurs, afin d’assurer une coordination et une alerte en continu sur les dossiers ultramarins que l’Autorité de la concurrence pourrait se saisir, il serait utile de prévoir, au sein de chaque Deets, la désignation d’un correspondant permanent local de l’Autorité.

Proposition n° 16 : Prévoir, au sein de chaque direction ultramarine de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, la désignation d’un correspondant permanent de l’Autorité de la concurrence.

b.   La Dgccrf et les pôles C : un service qui ne dispose pas des moyens d’effectuer un suivi continu de la situation concurrentielle en Outre‑mer

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est un acteur essentiel de l’action en faveur de la concurrence dans les territoires ultramarins.

Présente de manière déconcentrée dans les territoires ultramarins relevant de sa compétence à travers les pôles C des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) – contrairement à l’Autorité de la concurrence, qui ne dispose pas d’un maillage territorial –, elle est à l’origine de la plupart des affaires concernant des pratiques anticoncurrentielles, en jouant un rôle essentiel d’enquête et de recueil des indices. La Dgccrf peut également instruire les affaires pour le compte de l’Autorité et reste compétente pour les marchés de dimension locale. Unique en Europe, la dualité Dgccrf/Autorité de la concurrence exige une coopération constante entre ces deux entités. C’est d’autant plus le cas en Outre-mer, où, en l’absence d’équipes locales permanentes de l’Autorité de la concurrence, les équipes de la Dgccrf sont les mieux à même de connaître les territoires et leurs spécificités, et donc de définir des stratégies pertinentes d’enquête en vue de mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles.

Cette coopération renforcée est formalisée dans un protocole de coopération adopté en 2019, et dont le rapporteur a obtenu communication au titre de ses pouvoirs d’enquête. Celui-ci énonce, sans plus de précisions, que « Cette coopération renforcée porte notamment sur l’action menée en Outremer, qui fait l’objet d’une attention particulière, compte tenu des difficultés concurrentielles identifiées dans ces territoires. » ([367])

Pour juger de la place qu’occupe les Outre-mer dans l’organisation et dans l’activité de la Dgccrf, il faut donc examiner d’autres éléments. Dans les soixante-quatre pages du Bilan d’activité 2021  Programme national d’enquête 2022 ([368]) de la Dgccrf, par exemple, les Outre-mer ne sont mentionnés que pour signaler l’existence des Deets et pour rendre compte des résultats d’une enquête relative à la quantité de sucres ajoutés dans les produits vendus Outre-mer. Dans la partie « Programme national d’enquêtes 2022 » – qui tient, il est vrai, en quatre pages –, les Outre‑mer ne sont pas évoqués.

Plus largement, dans l’ensemble des territoires relevant de la compétence de la Dgccrf, d’importants efforts d’organisation demeurent souhaitables.

En effet, les brigades interrégionales d’enquête et de concurrence (BIEC), chargées de recueillir les indices de pratiques anticoncurrentielles, ne sont parfois pas spécifiques aux territoires ultramarins concernés. La Dgccrf a par exemple confirmé, au cours de son audition – et alors qu’existe une BIEC spécifique aux Antilles – que Mayotte et surtout La Réunion, pourtant le plus peuplé des Outre-mer, dépendent de la BIEC de Paris. Le rapporteur s’étonne du fait que le choix n’ait pas été fait de séparer, dans le périmètre de structures aussi importantes, les autres territoires ultramarins.

Dans le cas particulier de Saint‑Martin, le rapporteur a pu constater, au cours du déplacement d’une délégation de la commission d’enquête, l’absence sur le territoire de tout agent de la Deets, imputée par les responsables de la Dgccrf, lors de leur audition, à « la vie des services » et qualifiée de vacance « conjoncturelle » ; cela peut surprendre, s’agissant d’un territoire situé sur une île traversée par une frontière ouverte, séparant la France d’un territoire néerlandais n’appartenant pas à l’Union européenne.

Dans un référé de 2019 ([369]), la Cour des comptes préconisait d’ailleurs, de façon générale, de « faire évoluer l’organisation territoriale de la Dgccrf en l’adaptant aux enjeux économiques des territoires, afin de disposer de structures de taille suffisante regroupant, si nécessaire, le traitement des pratiques anticoncurrentielles (PAC) et des pratiques restrictives de concurrence (PCR) ».

c.   L’Autorité polynésienne de la concurrence : une autorité qui arrive difficilement à trouver les moyens de réguler localement des groupes puissants

Créée par la loi du pays n° 2015‑2 du 23 février 2015, l’Autorité polynésienne de la concurrence demeure encore « dans l’attente de son plein envol » ([370]).

Sa compétence s’étend, il est vrai, à un territoire géographiquement et économiquement singulier, ainsi que le décrit sa présidente, Mme Johanne Peyre, lors de son audition : « 300 000 habitants sont répartis sur plus d’une centaine d’îles, 75 % de la population étant regroupée dans les îles du Vent, principalement à Tahiti et Moorea. La Polynésie est très éloignée des producteurs internationaux. Comme dans toutes les petites économies insulaires, on observe un degré très élevé de concentration des opérateurs économiques. C’est un phénomène fréquent dans les économies de cette taille, où seul un nombre restreint d’acteurs économiques peuvent véritablement opérer de manière efficace. Par voie de conséquence, cela réduit la concurrence.

« On observe également un degré élevé de concentration par agrégat : un nombre limité d’acteurs contrôlent une large part de l’économie locale au travers de holdings actives dans les différents secteurs de l’économie. » ([371])

Il s’agit notamment et principalement du groupe Wane qui détient « sur l’ensemble de la Polynésie française, […] plus de 50 % des surfaces de ventes sur le segment des supermarchés et hypermarchés "sous enseigne" » ([372]).

Face à cette situation, les moyens de l’Autorité polynésienne de la concurrence, tels que les décrit Mme Peyre, apparaissent très limités : « Nous sommes une petite équipe, d’une dizaine de personnes. L’APC se compose d’un service d’instruction, d’un collège, qui est l’organe de décision, ainsi que d’un service de la présidence comportant un bureau de la procédure, qui fait office de secrétariat et de greffe de notre autorité. » ([373])

Les moyens juridiques à la disposition de l’Autorité sont aussi plus faibles que dans les autres Outre‑mer, en raison de la suppression du droit polynésien de la prohibition des accords exclusifs d’importation et de l’injonction structurelle.

Dans cette situation, le bilan est donc mitigé, comme le constate M. Stéphane Retterer dans l’article cité supra. D’après lui, si des avancées réelles sont constatées dans le secteur des télécommunications, « aucune décision de fond en matière de pratiques anticoncurrentielles n’a été prise » entre le début de la pandémie de Covid-19 et le début de l’année 2022.

Cette activité faible s’est de plus accompagnée de difficultés organisationnelles, les deux aspects s’étant retrouvés mêlés dans « l’affaire des boissons réfrigérées », visant le groupe Wane et ayant connu un cheminement pour le moins insatisfaisant.

Par décision du 22 août 2019 l’Autorité avait pris, à l’encontre du groupe Wane, une décision lui infligeant une amende d’environ deux millions d’euros en raison d’abus de position dominante dans le secteur de la distribution de boissons.

En réponse, Wane a présenté une requête pour cause de suspicion légitime relative au président de l’Autorité devant la cour d’appel de Paris, laquelle a été jugée fondée. L’affaire a donc été renvoyée devant l’Autorité nationale de la concurrence, laquelle s’est estimée incompétente, mettant fin à la procédure. De plus, à la suite de ces dysfonctionnements, le collège de l’Autorité a demandé au président de la Polynésie française de prononcer la démission d’office du président de cette Autorité, ce fut fait le 29 juillet 2020.

Le rapporteur veut néanmoins croire que le refus opposé au groupe Wane par l’Autorité, le 23 juin 2022, de l’ouverture d’un magasin Carrefour à Moorea augure du début de sa pleine capacité.

Le rapporteur tient enfin à saluer la franchise dont Mme Peyre a fait preuve lors de son audition, ainsi que les nombreuses et intéressantes pistes avancées par elle pour améliorer la lutte contre les pratiques et les phénomènes anticoncurrentiels dans les Outre-mer.

5.   Dans un contexte de concurrence réduite, l’importance primordiale de l’initiative des saisines

a.   Malgré l’existence de l’injonction structurelle, la nature du droit de la concurrence exige un niveau de preuve très élevé pour ouvrir une enquête

Fondée sur des préoccupations de concurrence, l’injonction structurelle fait figure d’exception dans un droit attaché à la preuve d’une faute, c’est-à-dire d’un abus de position dominante. La définition de la position dominante elle-même se prête à de nombreuses interprétations, rendant sa caractérisation malaisée.

En effet, la détermination de l’existence d’une position dominante d’un acteur économique dépend de critères relatifs, liés notamment à son environnement, son domaine d’activité, etc. De plus, la caractérisation d’un abus implique une enquête approfondie. Pour ces raisons, les procédures relatives aux pratiques anticoncurrentielles se caractérisent par leurs délais particulièrement élevés et de fréquents appels interjetés contre les décisions prises.

S’interrogeant sur la possibilité de définir des seuils absolus de position dominante, Me Nicolas Genty répond :

« C’est très compliqué parce que ça dépend des marchés, des produits, de la manière dont on les qualifie, de l’évolution. Aujourd’hui, cette manière d’identification est multifactorielle. On a bien évidemment les parts de marché détenues par l’entreprise – c’est le premier critère – mais on utilise un certain nombre d’autres critères. Par exemple, une entreprise qui détiendrait 50 % de parts de marché, alors que son premier concurrent en détiendrait cinq, serait à l’évidence une entreprise en position dominante. Celle qui détiendrait 50 % sur un marché à deux intervenants, avec un autre qui détient 50 %, ne serait pas en position dominante. Bien évidemment, nous savons qu’au-delà de 80 %, nous sommes dans la super dominance et il n’y a plus tellement de questions qui se posent. » ([374])

Le professeur Walid Chaiehloudj indique pour sa part : « Notre problématique est l’accès aux preuves. Déterminer une position dominante s’avère compliqué. Il faut d’abord délimiter un marché pertinent, identifier une position dominante au-dessus de 50 % au regard de la jurisprudence, s’intéresser au comportement et démontrer que ce comportement permet d’exclure d’autres entreprises du marché. » ([375])

Face à des standards de preuve aussi élevés, l’enjeu, pour pouvoir permettre l’ouverture des enquêtes en assurant la sécurité juridique des décisions prises par les institutions actives en matière de concurrence, est, d’une part, de disposer de moyens d’enquête – notamment humains – importants, et, d’autre part, de développer une doctrine économico‑juridique solide en matière de définition de la position dominante et de l’abus de cette position.

Plus largement, l’enjeu général est, pour le rapporteur, d’aboutir à une méthodologie des autorités de concurrence la plus proche possible des réalités économiques spécifiques des territoires ultramarins. Il rejoint donc la suggestion de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, de mener une étude économique pouvant permettre « d’établir une méthodologie, à adapter en fonction de la taille des marchés, de leur structure ou des barrières à l’entrée » et de « monter un groupe de travail rassemblant l’Autorité de la concurrence nationale pour les DROM, l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie et l’APC » afin d’être « épaulés par des économistes spécialisés en droit de la concurrence » ([376]).

Proposition n° 17 : Faire réaliser une étude sur le rôle des grands groupes intégrés dans les marchés ultramarins de la distribution, pouvant déboucher sur une méthodologie et des guides d’appréciation des concentrations adaptés aux réalités ultramarines.

b.   Augmenter et mieux cibler les enquêtes de la Dgccrf : une question de moyens et de volonté politique

En matière de concurrence, la spécialisation outre-mer de la Dgccrf semble à construire, alors même qu’elle est absolument nécessaire pour, selon les mots de M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés, « faire les bonnes enquêtes, c’est-à-dire aller voir les marchés qui effectivement dysfonctionnent et pour lesquels on peut prendre des décisions » ([377]).

La création de structures d’enquêtes spécifiques aux Outre-mer – notamment une BIEC La Réunion‑Mayotte – est indispensable. Aucun territoire relevant de la compétence de la Dgccrf ne doit, à quelque moment que ce soit, se trouver dépourvu d’agents de ce service.

Comme le professeur Walid Chaiehloudj, le rapporteur estime nécessaire que la Dgccrf dispose de « plus d’agents » pour que « les entreprises aient conscience qu’elles peuvent être contrôlées à n’importe quel moment. » ([378]). En effet, si les Outre-mer bénéficient d’un traitement particulier sous forme d’une surpondération du nombre d’agents de la Dgccrf de 20 %, lui permettant de bénéficier de 92 équivalents temps plein (ETP) au lieu des 75 que son poids démographique devrait lui voir attribuer, ces effectifs demeurent néanmoins très faibles au regard des difficultés particulières de ces territoires. Pour reprendre les mots de Me Genty : « Les économies insulaires fonctionnent de manière spécifique et à un moment, si on veut avoir la possibilité d’y appliquer des textes assez sophistiqués, il faut des moyens considérables pour faire en sorte que le droit soit appliqué. »

Or, si les effectifs de la Dgccrf en Outre‑mer ne sont pas faibles, ils sont loin d’être suffisants :

Cibles d’effectifs de la Dgccrf outre-mer

 (en équivalents temps plein)

 

2022

2023

Guadeloupe

25,8

22,3

Martinique

24,8

21,4

Guyane

11

10

Réunion

26,5

28,7

Saint-Pierre-et-Miquelon

2

2

Mayotte

5,8

7,7

Total

95,9

92,1

Source : données communiquées par la Dgccrf au rapporteur en réponse à ses questions.

Enfin, la question des orientations données aux enquêtes de la Dgccrf est indissociable de celle du volontarisme politique et des orientations décidées par le gouvernement. Pour le dire autrement : « la Dgccrf, qui est une administration de l’État, fait ce qu’on lui demande de faire. […] Lorsque le ministre ou le gouvernement nous demande de réaliser une enquête, nous la réalisons. » ([379])

À cet égard, le rapporteur espère que la citation suivante, issue de l’audition de Monsieur le ministre délégué aux Outre-mer, sera suivie d’effet : « Je voudrais, je vous l’ai dit, que la Dgccrf mène une action plus prononcée dans l’ensemble des territoires ultramarins. » ([380])

Proposition n° 18 : Augmenter les effectifs de la Dgccrf dans les Outre‑mer pour lui permettre d’y effectuer plus d’enquêtes sur ces marchés spécifiques.

c.   Mieux faire connaître les prérogatives de saisine des Autorités, notamment aux collectivités territoriales et aux OPMR

En matière de droit de la concurrence, la question des saisines est essentielle. En effet, en présence de pratiques collusives et de l’exigence d’un très haut niveau de preuve pour ouvrir une enquête, l’agent économique qui signale des pratiques anticoncurrentielles prend le risque de subir des représailles – et notamment des entraves ou des prix majorés pour assurer la continuité de son approvisionnement – en réponse à sa décision de se désolidariser de l’entente, alors même qu’il doit fournir à l’autorité saisie des éléments circonstanciés.

Face à cette difficulté, le code de commerce ouvre à d’autres acteurs la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles ([381]). Il s’agit des collectivités territoriales et des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Cette disposition est essentielle, car ces autorités, extérieures aux éventuels cartels, n’ont pas d’intérêt économique à les voir perdurer.

Si l’Autorité déclare avoir « déjà été saisie par un OPMR de pratiques susceptibles de constituer des infractions au droit de la concurrence », elle constate cependant que « l’usage de cette faculté par les OPRM et les collectivités territoriales reste à ce jour très limité » ([382]). Pour les OPMR, cela pourrait découler de leur manque de moyen, ne leur permettant pas de mener les travaux nécessaires à la détection de telles pratiques.

Qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des OPMR, ou des acteurs économiques, il est en toute hypothèse nécessaire, dans les territoires des Outre-mer, de faire naître une véritable culture de la concurrence : le rôle des acteurs du respect du droit de la concurrence – au premier chef desquels les directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets), interlocuteurs territoriaux naturels – la faculté de les saisir et la nécessité de faire de cette saisine un réflexe en présence d’une pratique anticoncurrentielle avérée – qu’il faut savoir identifier – doivent faire l’objet, dans ces territoires, d’une communication constante, claire et offensive.

En matière consultative, collectivités territoriales et OPMR doivent également se saisir de leur faculté de saisir l’Autorité de « toute question de concurrence » ([383]).

d.   Un régime spécifique en faveur des lanceurs d’alerte ?

Le programme de clémence fait partie des outils dont dispose l’Autorité de la concurrence dans son combat contre les pratiques anticoncurrentielles telles que les cartels, les ententes, les monopoles, les trusts ou les abus de position dominante.

Le programme de clémence est un outil de détection qui va inciter les entreprises coupables à venir se dénoncer auprès de l’Autorité de la concurrence à la suite de pratiques anticoncurrentielles. La démarche repose donc sur le conseil et le volontariat, mais elle est fortement incitative dans la mesure où l’entreprise qui se dénonce pourra bénéficier de ladite clémence de la part des autorités.

Cette clémence prend la forme d’une immunité totale ou partielle, c’est-à-dire que l’entreprise qui a le courage de venir se dénoncer verra ses amendes potentielles annulées en totalité ou considérablement réduites. Le caractère de l’exonération, totale ou partielle, dépend principalement de la vitesse à laquelle l’entreprise avouera sa faute.

Si l’entreprise fautive avoue avoir participé à des ententes et se dénonce en premier, elle pourra obtenir une immunité totale et ne paiera aucune amende : c’est ce qui s’appelle l’immunité de premier rang. Les entreprises qui viendront se dénoncer dans un second temps bénéficieront quant à elles de la clémence de second rang (réduction d’amende).

Les entreprises qui souhaitent faire appel au programme de clémence doivent également fournir des preuves de leurs infractions. Par ce procédé, l’Autorité de la concurrence entend défendre les règles de libre concurrence et dissuader les acteurs du marché de recourir à des pratiques déloyales qui nuiront au consommateur final.

Il n’en reste pas moins que les informations les plus susceptibles d’amener les autorités de concurrence à ouvrir une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles sont nécessairement des informations internes aux entreprises soupçonnées, auxquelles collectivités comme OPMR ne peuvent que difficilement avoir accès.

Si aucune de ces entreprises ne se décide à briser le pacte collusif pour aller, dénoncer, preuves à l’appui, les détails de ces pratiques aux autorités de concurrence, seuls des salariés ou anciens salariés des entreprises en question peuvent le faire. En faveur de ces salariés, véritables lanceurs d’alerte, les autorités de concurrence, appuyées par les pouvoirs publics, doivent donc mettre en place un véritable régime de protection, voire même d’incitation.

Proposition n° 19 : Mettre en place un programme permettant de protéger les lanceurs d’alerte fournissant des éléments relatifs à des entraves à la concurrence.

6.   La nécessité de dépasser le droit de la concurrence : utiliser le droit de la consommation, le droit des pratiques restrictives de la concurrence et le droit des négociations commerciales

Si le droit de la concurrence est indéniablement un outil à mettre en œuvre pour lutter contre le problème du coût de la vie dans les Outre‑mer, Me Nicolas Genty soulignait lors de son audition qu’il est néanmoins « très compliqué à maîtriser et à mobiliser » ([384]).

Il avançait néanmoins une solution : « Nous avons la chance en France d’avoir une double réglementation, qui existe dans très peu de pays au monde. Je parle de pratiques anti-concurrentielles et de pratiques restrictives de concurrence. […] Je trouve que l’on ne met pas assez en œuvre la question du traitement des pratiques restrictives de concurrence pour contrôler des activités déviantes. […] Nous avons la possibilité d’intervenir assez rapidement avec des outils légers, face à une entreprise qui, grâce à sa position, abuserait par exemple de son pouvoir pour soumettre ses partenaires à des conditions déséquilibrées dans les contrats, ce qu’on appelle le déséquilibre significatif. Nous pouvons lutter encore avec des outils plutôt légers, puisque c’est une assignation devant un tribunal de commerce parce qu’un acteur a commis des pratiques discriminatoires, parce qu’il a rompu les relations commerciales, parce qu’il a obtenu des avantages injustifiés, etc. Je pense qu’on a trop peu de fonctionnements en globalité, c’est-à-dire de réflexions sur l’articulation de ces deux droits. »

« En NouvelleCalédonie, la même Autorité traite des pratiques anticoncurrentielles et des pratiques restrictives de concurrence. Je pense qu’avancer sur les deux permet de trouver un très bon équilibre sans forcément mobiliser un outil complexe, comme l’abus de position dominante […]. » ([385])

Le droit des pratiques restrictives de concurrence permet donc aux distributeurs victimes de pratiques entravant leur activité d’agir vite. Les pratiques prohibées sont exposées aux articles L. 442‑1 à L. 442‑8 du code de commerce : il s’agit notamment de la revente à perte, du déséquilibre significatif, de l’avantage sans contrepartie et de la rupture brutale des relations commerciales.

Ce droit demeure néanmoins méconnu. Pour reprendre les mots de Me Genty, « Je trouve qu’on méprise souvent cet outil, et à mon sens à tort, parce que c’est un outil magnifique de régulation indirecte du marché, mais quand même de régulation du marché. » ([386])

Le rapporteur estime donc qu’il serait par exemple nécessaire de mener, dans l’ensemble des territoires ultramarins où cette législation s’applique, de larges campagnes de communication à l’attention des acteurs économiques, afin de leur faire connaître les armes dont ils disposent face aux pratiques illégales d’autres acteurs économiques plus puissants. Il estime également absolument nécessaire de mettre en place, dans chaque territoire une procédure simple et unique de signalement de ces pratiques, par exemple sous la forme d’un guichet unique, qui garantisse également la protection du plaignant contre tout risque de représailles.

Proposition n° 20 : Mener, dans l’ensemble des territoires ultramarins, de larges campagnes de communication et de formation à l’attention des acteurs économiques autour des pratiques restrictives de concurrence et créer un guichet unique pour les saisines.

Le rapporteur rappelle également que l’article L. 442‑4 du code de commerce ouvre également la faculté de saisir les juridictions de pratiques restrictives de concurrence au ministère public, au ministre chargé de l’économie ou au président de l’Autorité de la concurrence. Ainsi, il appelle, dans ce domaine également, à une action résolue des pouvoirs publics, notamment pour orienter les enquêtes des services de la Dgccrf vers la détection de ces pratiques, dont la sanction permet d’agir rapidement, en amont de l’éventuelle constitution d’oligopoles et de monopoles. Il appelle également les pouvoirs publics à agir à la place des entreprises victimes lorsque celles‑ci ont peur de le faire.

De surcroît, des constatations faites au titre du droit des pratiques restrictives de concurrence peuvent mener à l’ouverture de procédures au titre des pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, le professeur Chaiehloudj expliquait que « grâce aux affaires de pratique restrictive de concurrence, nous avons observé des cas d’ouverture d’affaires en pratiques anti-concurrentielles » ([387]).

Proposition n° 21 : Dans les Outre‑mer, augmenter spécifiquement le nombre d’enquêtes consacrées aux éventuelles pratiques restrictives de concurrence.

Un autre outil avancé par le professeur Walid Chaiehloudj pour lutter plus efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles dans les Outre‑mer est l’action privée en réparation d’un dommage liée à des pratiques anticoncurrentielle ou private enforcement, c’est-à-dire le fait pour les entreprises ayant subi un préjudice du fait de ces pratiques d’assigner en réparation de ce préjudice, devant les juridictions civiles, les entreprises qui s’en sont rendues coupables. Selon lui, cette « culture de la réparation privée » n’existe pas encore dans les Outre-mer, malgré son caractère « beaucoup plus dissuasif que la simple mise en œuvre du droit de la concurrence par l’autorité » et que les amendes qu’elle inflige. Il décrit cette procédure comme étant « le moyen […] de tordre le cou aux entreprises qui se dirigent vers ces pratiques-là » ([388]).

Proposition n° 22 : Encourager, dans les Outre‑mer, les actions privées des entreprises en réparation des dommages subis du fait de pratiques anticoncurrentielles.

 


—  1  —

III.   Un État historiquement dÉfaillant dans ses interventions et ambigu dans sa volontÉ d’agir

A.   La question des causes structurelles liÉes aux finances publiques

1.   Le sous-financement des collectivités territoriales : une réalité qui n’a été prise en compte que récemment et non intégralement compensée

Comme le souligne la Cour des comptes dans sa communication de mars 2022 ([389]), « l’exécution et la présentation des dépenses de l’État en faveur des Outre-mer constitue aussi le révélateur des imperfections et des faiblesses de la politique menée par l’État en faveur des Outre-mer […], l’action de l’État oscille en effet entre des logiques contradictoires : d’une part, la volonté de régler des situations d’urgence et de crise, frappant régulièrement ces territoires et, d’autre part, le soutien dans la durée de l’effort de convergence entre ceux-ci et la métropole. Les difficultés chroniques d’exécution des dépenses afférentes et les présentations budgétaires à visée globalisante de l’effort budgétaire et fiscal de l’État traduisent cette situation ».

Le rapport du sénateur Georges Patient et du député Jean-René Cazeneuve ([390]) affirmait déjà, en décembre 2019, que « les difficultés budgétaires des communes des DROM interpellent par leur ampleur et leur généralisation ». En effet, le rapport affirme que « si les communes bénéficient Outre-mer de recettes importantes grâce à l’apport de la fiscalité indirecte, elles ont aussi des dépenses structurellement supérieures aux communes métropolitaines qui peuvent s’expliquer notamment par des facteurs géographiques (les risques naturels, les distances, le climat), démographiques (en particulier à Mayotte et en Guyane), sociaux (pauvreté, chômage) ou juridiques (surrémunération) ».

Le rapport pointe ainsi une « dégradation très marquée » des comptes des communes des DROM : « sur 129 communes, 46 ont des délais de paiement supérieurs à 30 jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement et 24 ont vu leur budget arrêté par le préfet en 2018, dont 16 pour la troisième fois consécutive. 20 communes cumulent l’ensemble de ces critères d’alerte ».

Par ailleurs, le rapporteur estime que ce sous-financement des collectivités territoriales ultramarines vis-à-vis de leurs besoins de fonctionnement s’est profondément aggravé dans les quatre DROM historiques, notamment dans le cadre de la mise en œuvre d’une contribution solidaire au redressement des finances publiques (CRFP) à partir de 2014.

En effet, dès 2014, afin de financer le redressement de la dette publique, l’État a fait participer les collectivités territoriales des quatre DROM historiques, malgré leurs difficultés de financement reconnues. De leur côté, les collectivités d’outre-mer et Mayotte et leurs communes ont été exemptés de CRFP.

Selon une étude de la mairie de Fort-de-France réalisée à partir de données de la direction générale des collectivités locales et communiquée au rapporteur, depuis 2014, l’État a ainsi prélevé en cumulé 984 millions d’euros sur le budget des communes des quatre DROM :

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Description générée automatiquement

Entre 2013 et 2017, la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités territoriales a été réduite de près de 11 milliards d’euros. Pour éviter qu’une telle baisse de ressources ne pénalise les communes de l’Hexagone en difficulté, l’État a considérablement augmenté leurs dotations de péréquation : mais, selon le rapporteur, si cette progression de la péréquation a compensé à plus de 100 % leurs pertes dès 2017, elle n’a compensé que 35 % des manques à percevoir subis par les communes des DROM. D’après les informations recueillies par le rapporteur, la perte nette des communes des DOM était de l’ordre de 70 millions d’euros en 2017.

Déjà fragilisées par la crise socio-économique qui sévit depuis 2009 et par la réduction des dotations à partir de 2014, les communes des Antilles doivent faire face à un effondrement démographique qui a pour conséquence une diminution de leurs recettes fiscales et des dotations qui lui sont attribuées.

Évolution comparÉe de la population de 2000 à 2018

 (indice base 100 en 2000)

Source : mairie de Fort-de-France, d’après Insee.

Ces difficultés sont par ailleurs corroborées par l’évolution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) : ce prélèvement sur les recettes de l’État, qui constitue la principale aide de l’État aux collectivités territoriales en matière d’investissement, est une dotation versée aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et destinée à assurer une compensation, à un taux forfaitaire, de la charge de TVA que ces derniers supportent sur leurs dépenses réelles d’investissement et qu’ils ne peuvent pas récupérer par la voie fiscale.

Évolution du FCTVA de la ville de Fort-de-France de 2010 à 2021

 (en euros)

Source : mairie de Fort-de-France.

Cette recette aurait ainsi chuté, pour la commune de Fort-de-France selon les chiffres fournis par son maire à la délégation de la commission d’enquête, de 11 millions d’euros à 85 000 euros entre 2010 et 2021, conséquence de dépenses d’investissement en berne.

En effet, en raison de ces difficultés financières, Fort-de-France se trouve dans l’incapacité d’investir. Elle ne peut pas non plus mobiliser des subventions qui doivent être préfinancées par l’emprunt et aggravent son endettement. Par conséquent, ce n’est pas, cela relativise la question de la faiblesse de l’ingénierie locale invoquée par la Cour des comptes comme une cause de la faible mobilisation des crédits de l’État ([391]).

En outre, le rapporteur estime que les politiques publiques actuelles déstabilisent le développement fiscal des Antilles. En effet, dans une perspective de péréquation nationale, les communes antillaises sont sommées d’être solidaires avec les DOM les plus pauvres, alors même qu’elles sont d’ores et déjà fortement pénalisées par une situation financière et fiscale difficile.

Dans le cadre de la péréquation verticale d’abord, la réforme de la DACOM, engagée depuis 2020, a surtout bénéficié à la Guyane et à Mayotte, mais relativement assez peu aux communes antillaises, comme le montre ce tableau tiré du rapport spécial sur le projet de loi pour 2023.

ÉVOLUTION DE LA DACOM PAR DÉPARTEMENT ET COLLECTIVITÉ DE 2019 À 2022

 (en euros)

 

Nombre de communes

Population DGF 2022

DACOM 2019

DACOM 2020

DACOM 2021

DACOM 2022

Évolution 2022/2019

Guadeloupe

32

411 629

37 547 790

39 378 198

41 426 671

43 502 783

+ 15,9%

Martinique

34

382 885

35 318 560

36 806 504

38 424 282

39 856 272

+ 12,8%

Guyane

22

286 452

26 093 226

29 892 656

36 526 207

42 839 170

+ 64,2%

La Réunion

24

881 781

78 225 290

85 595 486

95 522 665

106 068 515

+ 35,6%

Mayotte

17

277 215

23 702 540

26 779 639

31 440 875

37 017 416

+ 56,2%

St Pierre et Miquelon

2

6 672

1 116 272

1 233 856

1 252 807

1 272 303

+ 14,0%

Wallis-et-Futuna

3

12 158

1 103 672

1 154 951

1 193 918

1 234 094

+ 11,8%

Polynésie française

48

288 382

25 762 476

26 959 442

27 869 029

28 806 865

+ 11,8%

Nouvelle-Calédonie

33

334 862

29 322 269

31 253 730

32 308 202

33 395 424

+ 13,9%

TOTAL

215

2 882 036

258 192 095

279 054 462

305 964 656

333 992 842

+ 29,4 %

Source : Assemblée nationale, commission des finances, rapport spécial annexe n° 39 « Relations avec les collectivités territoriales » sur le projet de loi de finances pour 2023, par Mme Marina Ferrari et M. Joël Giraud https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b0292-tiii-a39_rapport-fond

La dotation d’aménagement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) affectée aux communes d’outre-mer (DACOM)

La DACOM est composée :

– d’une quote-part alimentée par une fraction de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR).

– d’une quote-part alimentée par la dotation nationale de péréquation (DNP).

Depuis 2020, en application de l’article 250 de la loi de finances pour 2020, cette DACOM est répartie de la manière suivante :

– une part est destinée aux communes et circonscriptions des collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie (DACOM COM). En 2023 cette enveloppe est de 68 235 568 euros ;

– une part destinée aux communes des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, répartie selon les mêmes modalités qu’en 2020 et égale à 75 % de la masse mise à répartition à ce titre l’an dernier (DACOM DOM ou DACOM socle). En 2023 cette enveloppe est de 131 101 814 euros ;

– une dotation de péréquation des communes des départements d’outre-mer (DPOM), égale à la différence entre le montant total de la DACOM et les deux parts mentionnées ci-dessus. En 2023 son montant est de 168 420 650 euros.

Les masses mises en répartition au titre de la DACOM s’élèvent donc en 2023, à 367 758 032 euros, en hausse de 10,1 % par rapport à 2022.

Source : Direction générale des collectivités locales, Note technique relative aux modalités de répartition de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer au titre de l’exercice 2023.

 

Pour le rapporteur, d’après les informations qu’il a pu obtenir par le maire de Fort-de-France, la situation concernant la péréquation verticale pourrait se résumer ainsi :

ÉVOLUTION DE LA DGF des outre-mer entre 2014 et 2022

 (en euros)

Source : mairie de Fort-de-France.

Selon le rapport Patient-Cazeneuve, le montant de la dotation forfaitaire des communes (qui représente 16 % des recettes de fonctionnement des communes ultramarines) « a diminué entre 2014 et 2017 de 33 % en Guadeloupe, 32 % en Martinique et à La Réunion et 15 % en Guyane. Sur la même période, la dotation forfaitaire des communes à l’échelle nationale a diminué de 42,8 % ». Mais le rapporteur estime que pour les communes où vivent les 17 millions de Français hexagonaux les plus pauvres, cette diminution a été intégralement compensée.

D’une part, les collectivités ultramarines ont globalement subi une baisse de leur dotation forfaitaire, du fait d’une baisse de leurs dotations au titre de la CRFP. Cette baisse n’a cependant pas concerné Mayotte et les COM, comme évoqué précédemment.

D’autre part, la hausse de la DACOM entre 2014 et 2022 - représentant au total une augmentation de plus de 155 millions d’euros pour l’ensemble des territoires ultramarins – aurait été obérée, pour les communes antillaises, par la baisse concomitante de la dotation forfaitaire.

Les collectivités des deux DROM antillais – Martinique et Guadeloupe – verraient leur DGF diminuer sur cette période, dans la mesure où elles n’ont pas pu bénéficier de la réforme de la DACOM, ciblée en priorité sur la Guyane, Mayotte et, dans une moindre mesure, sur La Réunion.

En outre, le rapporteur regrette que, pour évaluer le rattrapage de la DACOM, l’octroi de mer ait été pris en compte comme indicateur de richesse sans que les charges spécifiques des communes ultramarines n’aient été prises en compte de manière concomitante. Dans ce cadre, le rapporteur affirme que l’écart de dotations avec l’Hexagone a été sous-évalué par les autorités publiques : la majoration du potentiel financier des DOM par l’octroi de mer a ainsi contribué à diviser par trois les montants de DACOM perçus par les communes des DOM.

Dans cette perspective, le rapport du sénateur Patient et du député Cazeneuve ([392]) insiste sur « le caractère paradoxalement défavorable aux communes ultramarines des modalités de calcul des dotations de péréquation, malgré l’application d’une majoration de 33 % de la population ». Selon ce même rapport, une étude, confiée en 2017 par le ministère des Outre-mer au cabinet Partenaires Finances locales, a en effet estimé que l’intégration des DOM dans le système hexagonal de péréquation aurait conduit en 2017 à un écart de 58,2 millions d’euros avec la DACOM actuelle. Sans prise en compte de l’octroi de mer, l’écart était estimé à 165,2 millions d’euros.

Or le Comité des finances locales, qui en 2020 avait annoncé vouloir intégrer l’octroi de mer dans le potentiel financier des communes ultramarines, a finalement dans sa délibération de juillet 2021 renoncé à cette initiative controversée. Il importe de tirer les conclusions de cette décision.

Proposition n° 23 : Ne pas considérer l’octroi de mer comme un indicateur de richesses fiscales potentielles pour le calcul des dotations de péréquation des communes ultramarines.

Enfin, la DACOM avait pour objectif de compenser les charges de centralité des villes chefs-lieux des Outre-mer. La dotation de péréquation des communes (DPOM) a donc été majorée de 1,5 point pour ces villes. Or, comme la principale ville de Guadeloupe, Pointe-à-Pitre, est un chef-lieu d’arrondissement et non un chef-lieu de département, cette majoration a été étendue à tous les chefs-lieux d’arrondissement de plus de 10 000 habitants.

Au final d’après les informations obtenues par le rapporteur, les collectivités locales des Antilles, qui représentent près de 40 % de la population des DOM, ne perçoivent que 13 % de l’enveloppe.

rÉpartition du bonus centralité des villes-centre d’outre-mer en 2022

 (en euros)

Source : mairie de Fort-de-France.

rÉpartition du bonus centralitÉ des villes-centre d’outre-mer en 2022

 (en euros par habitant)

Source : mairie de Fort-de-France, d’après données DGCL.

De plus, Basse-Terre, en Guadeloupe, ne devrait plus être éligible à cette majoration démographique, sa population descendant sous le seuil de 10 000 habitants. Or, tout comme pour Fort-de-France, en Martinique, les charges de centralité des chefs-lieux apparaissent disproportionnées en Guadeloupe, du fait de la petite taille démographique de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre (10 000 et 16 000 habitants) qui supportent des charges de centralité pour plus de 400 000 habitants.

S’agissant de la péréquation horizontale ensuite, qui consiste à attribuer aux collectivités défavorisées une partie des ressources des collectivités les moins défavorisées, il existe le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) depuis 2012. L’article L. 2336-5 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi les conditions de répartition de l’enveloppe revenant aux communes et établissements publics de coopération intercommunale des départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte. Or, dans le cadre de ce calcul, sont ciblés prioritairement les DOM les plus pauvres, soit la Guyane et Mayotte principalement, alors qu’un calcul similaire à celui qui s’applique aux autres collectivités aurait permis à l’ensemble des DROM de bénéficier de cette péréquation nationale.

Pour le rapporteur, cette situation n’est pas tenable pour la Guadeloupe et la Martinique car elle maintient ces territoires dans une impasse, alors que ces collectivités sont cruciales pour répondre aux besoins des populations et des entreprises et éviter les délais de paiement qui les pénalisent.

Selon une étude qui lui a été communiquée par le maire de Fort-de-France, les modalités de calcul du FPIC sont bien défavorables aux communes des DOM, en particulier aux communes de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion.

Le Président de la République avait d’ailleurs reconnu, en 2019, que la péréquation destinée aux DOM était insuffisante. Il s’était alors engagé à un rattrapage de 85 millions d’euros : 55 millions au titre de la DACOM et 30 millions pour le FPIC. Or, à ce stade, seul un rattrapage de la DACOM a été réalisé de manière échelonnée entre 2020 et 2023.

Dans ce cadre, le rapporteur estime que la péréquation nationale, telle qu’elle est exercée de nos jours, n’est pas tenable pour les collectivités locales antillaises, qui se transforment en poudrière sociale dans la plus grande indifférence.

Versement FPIC des communes des DOM
et simulation d’application du droit commun en 2022

 (en euros par habitant)

Source : mairie de Fort-de-France.

Il est donc nécessaire pour le rapporteur de compenser intégralement le sous-financement passé des collectivités territoriales d’outre-mer, en indexant cette compensation sur le coût de la vie, et d’amorcer ce rattrapage par l’État dès le prochain projet de loi de finances, dans une logique d’investissement à destination des citoyens et des territoires ultramarins.

Proposition n° 24 : Rétablir le montant des dotations des collectivités locales d’outre-mer au niveau de 2013 avant l’application de la contribution solidaire au redressement des finances publiques, avec rattrapage de l’inflation et indexation sur le coût de la vie pour les années suivantes.

La crise des finances locales transforme les territoires, quels qu’ils soient, en poudrière sociale, ce qui a ainsi nécessité l’appui de l’État à la ville de Marseille pour plus de cinq milliards d’euros ces dernières années.

2.   Les délais de paiement des collectivités ultramarines, contribution au renchérissement du coût de la vie

La loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, codifiés dans le code de la commande publique, fixent le délai de paiement à 30 jours pour l’État, les collectivités locales et leurs établissements publics.

Selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration ([393]), accompagnés d’une réorganisation du circuit de la dépense, la réglementation et les éventuelles pénalités ont eu un effet vertueux, puisque les services de l’État ont payé leurs achats et marchés publics avec un délai de paiement moyen de 21,5 jours en 2018 dans l’Hexagone et de 20,5 jours Outre-mer. Les collectivités locales hexagonales respectent dans leur grande majorité ce délai de 30 jours.

A contrario, la majorité des collectivités locales Outre-mer dépassent largement le délai réglementaire de paiement. Ces délais ont tendance à augmenter depuis plusieurs années allant parfois jusqu’à plus d’un an, ce qui fragilise le tissu économique en mettant la trésorerie de nombreuses entreprises en difficulté, et a pu conduire certaines d’entre-elles à des procédures de redressement judiciaire, voire de liquidation judiciaire.

D’après les données de la DGFIP citées par le rapport Patient-Cazeneuve ([394]), le délai de paiement moyen des communes des DROM est de 59,35 jours en 2018, soit près du double du délai réglementaire de 30 jours, alors qu’il est en moyenne de 19,36 jours dans les communes hexagonales. Il est en hausse sur les trois dernières années. Sur les 129 communes des DOM, 46 (soit 35 %) présentent un délai moyen de paiement supérieur à 60 jours. Le délai moyen de paiement est également élevé pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dans les DOM : il est de 53,30 jours contre 23,49 jours dans l’Hexagone.

Il est également en hausse sur les trois dernières années étudiées. Sur les 23 EPCI à fiscalité propre des DOM, 7 (soit 30 %) présentent un délai moyen de paiement supérieur à 60 jours. Si la situation s’est améliorée à La Réunion (43 jours en moyenne), les délais restent excessivement longs en Martinique (87 jours en moyenne) et Guadeloupe (76 jours en moyenne). Par ailleurs, environ la moitié des factures sont payées dans le délai de 30 jours.

Les difficultés financières des collectivités locales ultramarines, qui se sont aggravées avec la baisse des dotations de l’État (167 millions d’euros en moins par an toutes collectivités confondues) se diffusent ainsi dans l’économie, notamment par le rallongement des délais de paiement, particulièrement aux Antilles. Aussi l’analyse décrite ci-après du rapport de l’Inspection générale de l’administration ne tient pas compte de l’environnement financier contraint résultant de politiques publiques nationales défavorables dans lequel évoluent les collectivités des DOM, en particulier les communes antillaises.

Le recours à ce qui s’apparente à un « crédit fournisseur », en l’occurrence gratuit et discret, est la première cause des délais de paiement excessifs. Des causes secondaires identifiées peuvent avoir des incidences sur les délais globaux de paiement (DGP) excessifs, en les majorant, mais comme les données chiffrées de chaque collectivité montrent une remarquable constance des dépassements de délais dans le temps, ces données sont le signe manifeste d’une pratique continue du paiement hors délai, elle-même résultant pour l’essentiel de la facilité que constitue ce crédit fournisseur « occulte ». Certains pourraient y voir une forme de cavalerie budgétaire.

La seconde cause des délais excessifs, qui peut se combiner avec la première, tient à la mauvaise organisation du circuit de la dépense, un phénomène qui touche quasi-exclusivement les services des ordonnateurs locaux, et de façon marginale ceux du comptable. Comme l’ont fait régulièrement les chambres régionales des comptes (CRC) dans leurs rapports de contrôle budgétaire des collectivités d’outre-mer, on doit constater que très souvent leurs budgets sont insincères puisqu’ils n’intègrent pas les « restes à payer » sur exercices antérieurs dans les dépenses de l’exercice à venir, facilitant ainsi ce système de fuite en avant ou de cavalerie budgétaire. Le recours au crédit fournisseur gratuit est d’autant plus attractif, que les collectivités Outre-mer ne payent pas les intérêts moratoires ni l’indemnité forfaitaire qui sont légalement dus lorsque le délai de 30 jours est dépassé, sans encourir de sanctions. De nombreux outils de financement, à faible coût, sont pourtant à disposition des entreprises ou des collectivités, mais ceux-ci atteignent vite leurs limites quand les collectivités en cause sont dans une impasse de trésorerie chronique, faute de maîtriser leurs dépenses et alors qu’elles rechignent souvent à percevoir les recettes dont elles pourraient disposer.

Le rapporteur ne partage pas cette analyse : les effets de la baisse des dotations de l’État et l’exemple de la ville de Fort-de-France, détaillé plus haut, montrent que lorsqu’une collectivité est en difficulté, il lui est difficile de mobiliser les subventions nécessaires pour lui permettre d’investir. Pour desserrer l’étau autour des collectivités et par ricochet autour des entreprises, il importe déjà que l’État redonne aux collectivités locales les marges de manœuvre qu’il leur a enlevées.

Selon l’IGA, l’amélioration des délais de paiement passerait par un rétablissement de leur trésorerie qui exige qu’elles retrouvent des taux d’épargne brute significativement excédentaires et qu’elles recourent à des lignes de trésorerie. Le rétablissement de délais normaux imposerait un fort investissement des exécutifs locaux qui doivent mettre en place la comptabilité d’engagement, la dématérialisation de la réception des factures et réorganiser le circuit de la dépense. Certaines mesures pourraient également avoir un effet incitatif : il s’agit tout d’abord d’imposer aux collectivités de payer effectivement les intérêts moratoires (IM) et les indemnités forfaitaires (IF) afin de supprimer la gratuité du crédit fournisseur. Pour cela, si l’ordonnateur se soustrait à son obligation, il faudrait que le mandatement des IM et IF puisse être mise en œuvre directement par le comptable public. Par ailleurs, il serait opportun d’assurer trimestriellement, au plan local, la publicité des délais globaux de paiement de chaque collectivité, et d’en prévoir une information de l’assemblée délibérante à la clôture annuelle des comptes.

Ces retards de paiement ont un impact majeur sur la situation des entreprises : elles se retrouvent souvent en difficulté pour payer les charges salariales et se trouvent de fait en situation de prêteur aux collectivités.

Dans les situations les plus dramatiques, ces retards peuvent être à l’origine de faillites.

Les collectivités elles-mêmes subissent des surcoûts conséquents dans leurs achats et leurs investissements, les entreprises majorant leurs prix pour anticiper les délais de paiement.

Le rapporteur remarque que les solutions doivent être globales : les délais de paiement pourraient difficilement être réduits si les ressources des collectivités, aujourd’hui diminuées par des politiques publiques défavorables qui concernent particulièrement les DOM, étaient rétablies par la péréquation nationale des ressources des communes.

3.   Le rôle d’une fiscalité à adapter aux réalités des territoires ultramarins

a.   L’octroi de mer

Au sein des frais d’approche, figure une fiscalité spécifique aux territoires ultramarins : l’octroi de mer.

i.   L’octroi de mer, une taxation ancienne spécifique aux Outre-mer, dont l’objectif de protection de l’économie locale a été consacré par la jurisprudence constitutionnelle

Émanant du « droit de poids » créé en 1670 par Colbert, l’octroi de mer disparaît en 1789 puis est réintroduit en Martinique en 1819. Son application est étendue en 1825 à la Guadeloupe, en 1850 à La Réunion et en 1878 à la Guyane. Les conseils généraux reçoivent alors la compétence de voter les tarifs d’octroi de mer qui doivent toutefois être soumis à l’approbation du pouvoir central. Ayant pour initialement vocation à financer le régime colonial français, l’octroi de mer s’est progressivement transformé en barrière douanière pour protéger l’économie locale d’outre-mer face aux flux de produits importés. En cela, « l’octroi de mer ne constitue pas seulement une mesure d’ordre budgétaire, destinée à financer les services publics ultramarins, mais [….] a toujours eu une dimension économique de portée protectionniste » ([395]). Dans cette perspective, le régime d’octroi de mer a été pérennisé avec la départementalisation de 1946.

Un différentiel de taux entre les biens produits localement (octroi de mer interne) et les biens identiques importés (octroi de mer externe) a été instauré par la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer, afin de permettre aux économies ultramarines de compenser les handicaps structurels auxquels elles doivent faire face. La loi n° 84-747 du 2 août 1984 relative aux compétences des quatre régions de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion a transféré aux conseils régionaux la compétence pour fixer les tarifs de l’octroi de mer dans ces départements. Le taux de l’octroi de mer est donc fixé de manière indépendante par délibération du conseil régional pour la Guadeloupe et La Réunion, des collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique ou du conseil départemental à Mayotte. Il ne peut toutefois excéder 60 %, sauf pour les alcools et le tabac. « Le taux d’octroi de mer […] peut varier de zéro à 15 %. Le taux moyen d’octroi de mer est de 15 % en Guyane et de 7 % en Guadeloupe et à la Martinique. Il est de 4 % à La Réunion. Ce sont des questions de choix. », expliquait l’ancienne ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin, lors de son audition ([396]).

Les opérations soumises à l’octroi de mer sont les suivantes :

– les importations de marchandises, frais de port inclus : le coût de l’acheminement est donc inclus dans la base taxable ;

– les livraisons de biens, faites à titre onéreux, par des personnes qui y exercent des activités de production (les « assujettis ») dont le chiffre d’affaires est supérieur à 550 000 euros depuis la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 ([397]).

Par ailleurs, afin de soutenir la production locale, les exonérations sont nombreuses et concernent essentiellement, de plein droit, les exportations et, de manière facultative selon la décision des assemblées délibérantes, des livraisons de productions locales faites par des personnes assujetties dont le chiffre d’affaires atteint un certain seuil d’imposition.

Cependant, la compatibilité de l’octroi de mer avec le droit de l’Union européenne a été remise en question, notamment lorsque la Cour de justice des Communautés européennes estima, dans le cadre de l’arrêt Hansen de 1978 ([398]), que l’ensemble des dispositions du traité de Rome et du droit dérivé avait vocation à s’appliquer de plein droit aux DOM. Dès lors, l’octroi de mer fut menacé d’être regardé comme une taxe d’effet équivalent à un droit de douane. Or, compte tenu du régime de faveur dont bénéficient les producteurs locaux, certaines sociétés importatrices se sont prévalues du principe d’égalité pour contester le régime d’imposition qui leur était applicable. Ainsi, la mise en place d’un encadrement du différentiel de taxation entre produits locaux et produits importés fait partie des conditions exigées par l’Union européenne depuis 2004.

Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2018 ([399]), a considéré que le législateur avait entendu préserver le tissu économique local en tenant compte des difficultés particulières auxquelles ces régions ultramarines sont confrontées et qui grèvent la compétitivité des entreprises locales. Depuis lors, les écarts de taxation à l’octroi de mer entre produits locaux et produits importés ne peuvent pas être regardés comme constitutifs d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Aujourd’hui, l’octroi de mer est donc très largement régi par des règles européennes au titre des mesures spécifiques concernant les régions ultrapériphériques (RUP). Ainsi, un examen de la compatibilité du régime et une autorisation spécifique est délivrée périodiquement par l’Union européenne pour autoriser le maintien d’un différentiel de taxation encadré et contrôlé entre la production locale et les produits importés, pendant une période déterminée. La dernière décision du Conseil du 7 juin 2021 autorise ce régime pour la période de 2022 à 2027 ([400]). Le régime de l’octroi de mer n’est donc pas remis en cause.

Si l’Union européenne venait à remettre en cause ce régime à l’avenir, cela ne mettrait pas en cause l’existence de l’octroi de mer en tant que ressource fiscale des collectivités ultramarines, mais la possibilité d’appliquer des taux différenciés entre produits locaux et produits importés.

ii.   Un régime d’imposition important pour les collectivités et les services publics comme pour le maintien d’un écosystème industriel local

En 2021, le produit de l’octroi de mer s’est élevé à près de 1,4 milliard d’euros, en hausse de 13,56 % par rapport à 2020 et de 23,34 % par rapport à 2015, après un essoufflement entre 2009 et 2019.

Cet impôt apparaît essentiel pour le financement des collectivités territoriales, pour le maintien de services publics de proximité et pour sauvegarder un écosystème industriel local. « Les sommes en jeu sont extrêmement élevées : le produit de l’octroi de mer est passé, de 2019 à 2022, de 1,2 à 1,47 milliard d’euros » assure le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. ([401])

Ce régime fiscal est favorable aux collectivités territoriales ultramarines, dans la mesure où il conjugue deux impositions distinctes, mais au régime identique, formées :

– d’une part, de l’octroi de mer, dont le produit est affecté au budget des communes et pour une moindre part aux budgets de la collectivité territoriale en Guyane et du département de Mayotte ;

– et d’autre part, à titre complémentaire, de l’octroi de mer régional dont le produit est affecté aux budgets de la région Guadeloupe, de la collectivité territoriale de Guyane, de la collectivité territoriale de Martinique, du département de Mayotte et de la région La Réunion.

Dans ce cadre, l’ancienne ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin affirmait pendant son audition que « l’octroi de mer constitue l’outil fiscal des collectivités locales et constitue la première recette des DROM, soit 45 % de leurs recettes, la plupart du temps. Il détermine donc les projets d’avenir de la collectivité […] L’octroi de mer constitue un outil de développement économique qui a fait ses preuves sur les territoires ». ([402]) L’octroi de mer apparaît central pour assurer le financement et le développement de services publics locaux.

Comme le résume le président du groupe CréO, « en premier lieu, l’octroi de mer est une nécessité pour financer l’ensemble de nos collectivités. Ensuite, je pense qu’il s’agit d’une manière de protéger et de favoriser le développement de l’industrie locale, ce qui me semble tout autant nécessaire. Il faut également favoriser la compétition dans les industries locales. » ([403])

Dès lors, parce que l’octroi de mer est central pour l’économie locale, il apparaît déterminant dans la préservation des emplois : « 26 000 entreprises sont non assujetties. Il faut ajouter tous ceux qui se situent sous le seuil de 550 000 euros. Ces 26 000 entreprises […] représentent à peu près 80 000 emplois privés dans le secteur marchand, un nombre considérable pour les départements d’outre-mer. Si on essayait de rechercher un ordre de grandeur métropolitain, on parlerait de dix à quinze millions d’emplois en métropole » assure le délégué général adjoint d’Eurodom lors de son audition ([404]). Selon l’Association martiniquaise pour la promotion de l’industrie, la production locale génère 55 000 emplois dans les DOM. Une déstabilisation de l’octroi de mer ne manquerait pas d’avoir des répercussions considérables sur l’emploi local.

L’octroi de mer garantit enfin une autonomie fiscale des DOM ; cette gouvernance locale est nécessaire dans des territoires éloignés et isolés exigeant une souplesse de la gestion locale. À cet égard, toute réforme et refonte de l’octroi de mer devrait garantir en premier lieu l’autonomie fiscale des régions ou collectivités uniques.

iii.   Contrairement aux idées reçues, l’octroi de mer n’est pas la première cause de la vie chère

Lors des différentes auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête, l’octroi de mer a souvent été désigné comme responsable du renchérissement de la vie dans les territoires ultramarins.

En effet, l’octroi de mer, parce qu’il renchérit le coût des produits importés vers les territoires ultramarins, contribuerait à répercuter une hausse sur les prix des produits importés, que payent in fine les consommateurs ultramarins. En ce sens, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estime que « l’octroi de mer, taxation spécifique aux territoires ultramarins dont le but originel est de protéger la production locale de la concurrence extérieure par des exonérations spécifiques, se répercute mécaniquement sur les prix à payer par les consommateurs. À titre d’exemple certains produits, par exemple dans l’alimentaire, ont des niveaux d’octroi de mer élevés : les produits de boulangerie-pâtisserie et de pâtes alimentaires (17,7 %) ; la viande et les produits à base de viande (11,1 %). » ([405])

Selon l’Autorité de la concurrence, « l’octroi de mer s’élève en moyenne à environ 7 % des coûts totaux des distributeurs et grossistes examinés, soit un poids supérieur à celui du fret » ([406]), ce qui reste raisonnable.

Ce constat est globalement partagé par les différents acteurs auditionnés.

La directrice générale des outre-mer assure par exemple que « l’octroi de mer contribue de manière claire au coût de la vie, [via] des taxes s’appliquant aux produits importés, même en l’absence de production locale équivalente » ([407]).

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique explique lors de son audition que « la fiscalité mériterait d’être refondue. L’octroi de mer renchérit le prix des biens, jusqu’à 5 % parfois, et constitue le premier poste de coût dans les frais d’approche des produits importés. Par exemple, la farine est taxée à 30 % en Martinique et en Guadeloupe, contre un taux de TVA de 5,5 % dans l’Hexagone, soit un écart de 24,5 % sur un paquet de farine pour la seule fiscalité. Produit de base de l’alimentation en Martinique comme dans beaucoup d’autres endroits, le riz y est taxé à hauteur de 20 % au titre de l’octroi de mer, alors que chacun sait que les rizières ne pullulent pas en Martinique. Tout cela représente un surcoût extrêmement important. » ([408])

Le président de la compagnie maritime Marfret affirme ainsi que, certes, « cette taxe constitue une recette essentielle pour les collectivités locales, mais c’est également le composant le plus important (48 %) des frais d’approche des marchandises importées. L’ADLC relevait en 2019 que l’octroi de mer est "de nature à renchérir les prix à la consommation", et qu’il pèse sur les gains de productivité dans les secteurs historiques, et sur l’investissement et l’emploi dans les nouveaux secteurs. » ([409])

Cependant, si l’octroi de mer peut contribuer mécaniquement à renchérir le prix des biens de consommation importés, pour le rapporteur son impact reste bien marginal par rapport à la hausse des prix exubérante qui s’est effectivement répercutée sur le pouvoir d’achat des consommateurs ultramarins. En ce sens, la direction générale des outre-mer suggérait « de connaître l’impact de l’octroi de mer sur ces marges : certains acteurs économiques nous disent que l’octroi de mer n’étant pas déductible, il s’ajoute aux marges, alors même que le nombre d’intermédiaires est déjà plus élevé en outre-mer et que la chaîne de marges est donc plus importante, avec un effet majorant de l’octroi de mer. Nous avons réalisé un travail très fin, produit par produit, à l’occasion du dernier renouvellement de l’approbation du dispositif de l’octroi de mer. Il a mis en évidence de nombreuses situations anormales dans lesquelles le consommateur peut être pénalisé, au-delà du taux moyen d’octroi de mer ». ([410])

En somme, l’octroi de mer n’apparaît pas comme le déterminant principal dans le renchérissement des prix en Outre-mer.

iv.   L’octroi de mer est vivement critiqué

Néanmoins, l’octroi de mer fait l’objet de nombreuses autres critiques.

Tout d’abord, certains lui reprochent d’avoir trop d’objectifs concomitants, parfois même antinomiques, comme le souligne la directrice générale de l’outre-mer : « rappelons que l’octroi de mer, créée au XVIIe siècle, poursuit deux objectifs qui peuvent s’avérer contradictoires. Le premier est un objectif historique : il s’agit de fournir aux collectivités les moyens nécessaires à leurs politiques publiques locales. Le second est tout aussi nécessaire : il s’agit de protéger la production locale, face à des produits importés qui pourraient lui faire une concurrence déloyale » ([411]). Certains associent également l’octroi de mer à un instrument de régulation des échanges commerciaux, dans la mesure où des taux différents peuvent être fixés en fonction des produits importés, ce qui peut favoriser, ou à l’inverse desservir, certains secteurs d’activités.

Or, cette multiplication des objectifs va à l’encontre même de la « règle de Tinbergen » qui pose comme principe que, en politique économique, le nombre d’instruments doit être égal au nombre d’objectifs visés. En somme, il faudrait donc un instrument dédié à la résolution d’un seul problème. Ainsi, il serait inefficace de donner plus d’un objectif à un instrument économique, ce qui est actuellement le cas pour l’octroi de mer.

Ainsi, comme on l’a vu, l’octroi de mer doit garantir une autonomie fiscale pour des territoires isolés et vulnérables.

De plus, l’octroi de mer aurait de nombreux effets de bords : « en taxant, ces produits importés, l’octroi de mer fait en sorte de rendre ces importations moins attractives. Or, certains dysfonctionnements sont apparus dans certains territoires et pour certaines gammes de produits. […] Ces dysfonctionnements conduisent à pénaliser le consommateur lorsque celui-ci est obligé, en l’absence de production locale, d’acheter un produit importé néanmoins taxé au titre de l’octroi de mer. Cela pénalise également la concurrence, dès lors que les entrepreneurs qui subiraient une asymétrie d’information du point de vue des taux d’octroi de mer fixés par les collectivités, peuvent être dissuadés de s’installer. Cela pénalise enfin l’État, qui paie l’octroi de mer pour des produits de service public importés : je pense aux médicaments, au sang, aux avions et hélicoptères des pompiers ainsi qu’aux matériels de la police et de la gendarmerie. » ([412])

En outre, pour certaines personnes entendues, il est particulièrement dommageable pour le pouvoir d’achat du consommateur ultramarin que l’octroi de mer soit appliqué aux productions locales : « Destinée à protéger les productions locales de la concurrence que pourrait leur imposer les produits importés, l’octroi de mer a vocation à s’appliquer aux importations pour les rendre moins compétitives et inciter le consommateur à acheter local. Il reste que l’octroi de mer, perçu d’abord comme une taxe de rendement par les collectivités, est également appliqué aux productions locales ce qui renchérit le coût des produits. Ces travers méritent d’être expertisés et corrigés si l’on veut reconquérir du pouvoir d’achat pour les consommateurs sans réduire pour autant les ressources des collectivités » estime la direction générale des outre-mer ([413]).

Le rapporteur souligne que la taxation de la production locale reste dérisoire, voire quasi-nulle à La Réunion. Cette taxation est récente et se justifie pour répondre aux injonctions de l’Union européenne exigeant un différentiel encadré de taux. Cette taxation n’a pas en premier lieu une vocation de rendement. D’ailleurs, c’est cette confusion qui avait amené l’État à abaisser le seuil d’assujettissement à l’octroi de mer à 300 000 euros en 2015, afin d’augmenter les recettes des collectivités locales. Cette mesure n’a eu aucun impact sur le rendement de cet impôt, mais a été une véritable catastrophe pour les petites entreprises. 6 ans après l’État a dû revenir sur cette mesure, au augmentant le seuil d’exonération à 550 000 euros par la loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

Au vu de ce précédent, le rapporteur appelle à la plus grande prudence, s’agissant d’une réforme ou refonte de l’octroi de mer qui serait assise davantage sur une manière de « ressenti » ou « ressentiment » à l’égard de l’octroi de mer qui n’émarge pas au budget de l’État.

Selon la DGOM, le fait que l’octroi de mer puisse taxer l’importation de productions qui ne sont pas réalisées localement apparaît comme une aberration économique. En effet, selon un distributeur ultramarin, « l’assiette de l’octroi de mer ne porte pas toujours aujourd’hui sur des produits locaux. Je pense qu’il faudrait la faire évoluer, en conservant une protection pour les produits locaux, mais en élargissant l’assiette sur des produits qui ne sont pas des produits de base alimentaires. Aujourd’hui, les personnes les plus modestes sont celles qui souffrent des décalages de prix les plus importants avec la métropole. Ceci est inacceptable, dans le pays de l’égalité […]. En résumé, je suggère d’élargir l’assiette de l’octroi de mer, en modifiant les produits qui la composent, tout en protégeant les productions locales » ([414]).

En ce sens, le rapporteur de la commission d’enquête estime qu’il serait normal que les produits à forte valeur ajoutée portent davantage le poids des augmentations que les produits à faible valeur ajoutée et de première nécessité et que la lutte contre la pauvreté passe par d’autres leviers sans effet de bord.

Par ailleurs, l’octroi de mer ne touche que les produits, et donc pas les services, qui constituent une part croissante de la consommation (services télécoms, services de télévision) qui échappent à cette taxation.

Le régime actuel de l’octroi de mer conduirait ensuite à un paradoxe, que souligne l’ancienne ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin : dans la mesure où l’octroi de mer constitue une part de recette déterminante pour les collectivités territoriales ultramarines, « l’intérêt d’une collectivité réside davantage dans la hausse des importations (qui rapportent davantage) que dans le développement de l’activité locale, sauf à aider celle-ci davantage » ([415]).

Autre paradoxe : l’octroi de mer s’exerce d’un territoire ultramarin à un autre, ce qui fait qu’un exportateur guyanais peut voir ses produits taxés lorsqu’ils arrivent dans les Antilles. Il n’y a donc pas de mécanisme de solidarité entre territoires ultramarins, alors qu’il conviendrait de développer ces enjeux d’intégration régionale. Par ailleurs, l’octroi de mer crée une forme de concurrence fiscale délétère entre les territoires ultramarins proches : « ce type de fiscalité posait un problème en ce qui concerne les bons fonctionnements du marché antillais unique. Pourquoi ? Parce que cela empêche une union douanière dans la mesure où les taux d’octroi de mer sont différents entre les deux départements d’outre-mer. […] il y a une différence entre les deux territoires, ce qui risque évidemment de détourner le commerce du territoire qui taxe le plus vers le territoire qui taxe le moins. C’est un encouragement aussi à la concurrence fiscale entre les deux, puisqu’ils pourraient être incités à baisser leurs taxes. » ([416])

Enfin, le régime de l’octroi de mer est critiqué pour sa complexité, son manque de lisibilité et sa volatilité.

Dans cette perspective, et suivant les conclusions du rapport Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) ([417]), certaines voix estiment que l’octroi de mer n’est pas en outil efficace de politique fiscale, d’où l’idée de le faire évoluer.

v.   Vers une réforme de l’octroi de mer ?

Faire évoluer le système de l’octroi de mer pour répondre aux difficultés précédemment évoquées s’apparente à un défi d’ampleur. En effet, comme l’explique la directrice générale des outre-mer : « Il existe des points de vue très divergents quant à l’opportunité d’une réforme de l’octroi de mer et quant à l’efficacité d’une telle réforme si elle était conduite. [….] Rien n’a été fait, jusqu’à présent, du fait de l’absence de consensus politique et parce qu’il n’avait pas été décidé d’inscrire ce sujet à l’agenda. Le Président de la République a annoncé l’ouverture de ce chantier durant sa campagne et cette discussion va démarrer. » ([418])

Cette réforme délicate devra en effet tenir compte de multiples enjeux : « il s’agira de concilier – en lien avec les collectivités locales, puisque c’est une ressource très importante pour elles – le besoin, légitime, de ressources des collectivités locales, l’absence de pénalisation du consommateur lorsque celui-ci n’a d’autre choix que de consommer des produits importés et la nécessité d’offrir aux entrepreneurs visibilité et stabilité, afin que ceuxci puissent s’engager dans le développement de l’économie ultramarine en toute sécurité. Le Président de la République s’était engagé, lors de sa campagne, à ouvrir la discussion sur l’octroi de mer et le ministre délégué aux Outre-mer souhaite pouvoir engager cette discussion au cours des semaines qui viennent. » ([419])

Le rapport Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) ([420]), publié en mars 2020, développe trois scénarios pour faire évoluer l’octroi de mer, visant chacun une suppression progressive de ce régime à horizon de trois, sept ou dix ans, qui serait compensée par une augmentation différenciée des taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le rapport estime que l’un de ces scénarios pourrait mener à une baisse des prix située entre 0,5 et 5 % suivant les DROM, à une baisse du taux de chômage jusqu’à 4 %, à une augmentation de la production et du produit intérieur brut (PIB) par tête dans chaque DROM avec une variation allant de 1 à 2%.

Il importe de relever que selon ce rapport, la suppression de l’octroi de mer ne produirait pas de gains significatifs pour la Martinique, notamment en matière de croissance économique et de créations nettes d’emplois, la situation étant différente d’un DOM à l’autre. D’où l’intérêt, pour le rapporteur, d’analyser les situations et solutions territoire par territoire.

Durant l’audition des auteurs de ce rapport, le rapporteur s’est toutefois montré très critique vis-à-vis de cette analyse, qu’il estime plus théorique que réaliste. Il émet ainsi plusieurs reproches.

D’abord, cette étude aurait pris un prisme restreint, uniquement ciblé sur le régime d’octroi de mer, en remettant certes cet impôt dans le contexte des recettes fiscales, mais sans analyser dans leur globalité les différents régimes de fiscalité des territoires ultramarins et sans envisager la question des transferts de l’État aux collectivités territoriales.

Ensuite, le rapporteur estime que la suppression de l’octroi de mer reviendrait à supprimer des emplois dans le secteur public des collectivités, alors même qu’ils rendent des services essentiels aux citoyens ultramarins, comme dans le domaine de l’entretien des équipements publics, des routes, de la sécurité, des écoles ou encore de la cantine scolaire.

Par ailleurs, une suppression de l’octroi de mer réduirait encore plus les marges de manœuvre des collectivités territoriales et supposerait de compenser cette perte de recette auprès des collectivités territoriales. Or, le rapport d’information sénatorial sur Les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020 ([421]) estimait qu’en 2018, le produit total de l’octroi de mer s’élevait à un peu plus de 1,2 milliards d’euros. La même année, la TVA n’aurait rapporté que 965 millions pour les trois DOM concernés : dans ce contexte, il faudrait augmenter considérablement les recettes de la TVA pour permettre une compensation, toute chose égale par ailleurs, de la potentielle suppression de l’octroi de mer. Or, le rapporteur de la commission d’enquête insiste sur le fait que, tandis que le produit de la TVA est collecté par l’État au niveau national sans profiter directement à l’économie de nos territoires, l’octroi de mer sert lui davantage aux Outre-mer dans la mesure où son produit est directement réinjecté dans l’économie locale des territoires ultramarins, ce qui contribue à leur développement.

Enfin, alors que les auteurs du rapport ont affirmé lors de leur audition que « si l’on supprimait l’octroi de mer, les populations les plus pauvres seraient les premières bénéficiaires de la baisse des prix » ([422]). Pour le rapporteur, cette affirmation apparaît totalement déconnectée des réalités : de nos jours, malgré certaines réductions d’octroi de mer, les territoires ultramarins ne parviennent pas à faire baisser les prix à la consommation. Ainsi le rapporteur note que la baisse des taux de l’octroi de mer en Martinique après la crise de 2009 a représenté une dépense budgétaire importante qui s’est répercutée négativement sur l’économie locale, sans le moindre effet sur le coût de la vie.

Par ailleurs, la suppression de l’octroi de mer ferait peser un risque important sur la pérennité du tissu économique local : « lors du renouvellement de 2004, de nombreux différentiels ont été supprimés en raison d’un manque d’anticipation locale. Beaucoup d’entreprises se sont donc retrouvées face à la concurrence sauvage sans la protection de l’octroi de mer. Les chiffres en un an ont été colossaux. On a perdu 17 % du chiffre d’affaires réalisé dans les industries agroalimentaires. On a perdu 13 ou 15 % du chiffre d’affaires dans le secteur de la pêche, en particulier dans la transformation des produits de la pêche. » ([423])

En outre, l’octroi de mer est un régime fiscal qui comprend de nombreux avantages :

– c’est un système stable qui apporte plus de visibilité qu’un système d’aide directe : « Pour remplacer le système des exonérations par un système de subventions, il faudrait trouver 450 millions d’euros tous les ans, votés par le Parlement, uniquement pour les entreprises des départements d’outre-mer » ([424]) estime le délégué général adjoint d’Eurodom ;

– c’est un système souple et flexible : la collectivité territoriale a la possibilité de piloter son développement économique comme elle le souhaite. Elle peut fixer des taux sur chacun des secteurs, voire sur chaque ligne de produits, à la différence d’un outil comme la TVA qui ne contient que deux ou trois niveaux de taux. Ainsi, la direction générale des outre-mer (DGOM) dénombre en Guyane 36 taux différents pour l’octroi de mer appliqué à l’importation et 20 taux pour l’octroi de mer applicable à la production locale ; respectivement 21 et 19 pour la Martinique, 19 et 17 pour La Réunion, 16 et 14 pour la Guadeloupe, ou encore 8 et 10 pour Mayotte ([425]) ;

– c’est un système simple pour les plus petites entreprises : il n’y a pas de dossier à remplir pour l’octroi de mer. Il n’y a pas de demande annuelle d’aides ou de subventions à remplir ;

– c’est un système robuste juridiquement, validé par le Conseil de l’Union européenne ([426]), par la Commission européenne ([427]) et par la Cour de justice de l’Union européenne ([428]). Envisager une réforme de l’octroi de mer suppose donc de faire preuve de prudence, car cela implique la réouverture des négociations à l’échelon communautaire.

Pour toutes ces raisons, la suppression de l’octroi de mer est à exclure, selon le rapporteur de la commission d’enquête. Le ministre de l’économie étant du même avis : « sa suppression pure et simple provoquerait beaucoup de déception et de colère dans les territoires. Le statu quo aussi. Pour la première fois, un consensus semble se dégager en faveur des mesures préconisées par l’Autorité de la concurrence : simplification de la grille des taux, réexamen des règles de fonctionnement, simplification des échanges avec les collectivités locales. Nous devons saisir cette occasion historique, celui d’avoir un compromis avec les collectivités locales. » ([429])

Lors de son audition, M. Bruno Le Maire a détaillé sa méthode pour engager une réforme de l’octroi de mer. Le ministre de l’économie insiste d’abord sur la nécessité de réformer l’octroi de mer avec l’aval et l’association des responsables politiques locaux. Il pointe également un chantier d’ampleur : « cela demande un travail technique très lourd et très complexe : des milliers de produits sont concernés, les systèmes de taxation sont parfois différents d’un produit à l’autre. Les sommes en jeu sont extrêmement élevées : le produit de l’octroi de mer est passé, de 2019 à 2022, de 1,2 à 1,47 milliard d’euros. On ne parle donc pas d’une redistribution de petites sommes. Enfin, quand on fait une réforme, il vaut mieux viser un objectif, et un seul. Le mien est de baisser les prix ». Il évoque la poursuite d’un travail technique, produit par produit, en mettant la taxation en regard de la production locale. Pour le ministre, l’octroi de mer ne serait intéressant que sur les seuls produits fabriqués dans ces territoires : « c’est une protection. Les Outre-mer ont besoin de cette protection tarifaire – j’assume le terme. En revanche, pour les produits qui n’en sont pas issus, comme le riz – il existe des projets de développement de la riziculture, mais très modestes au regard de la consommation de riz – je suis favorable à une baisse de la taxation, de façon que nos compatriotes payent le juste prix », déclare-t-il. Enfin, autre point de vigilance : « Il faudra effectivement trouver un moyen de compenser la baisse de recettes pour les collectivités locales. »

En somme, le ministre résume ainsi la situation : « Je ne propose pas la suppression de l’octroi de mer parce que je pense que le remède serait pire que le mal, notamment parce que l’on mettrait en grandes difficultés beaucoup de collectivités locales. En revanche, il faut donc examiner la question type de produit par type de produit, en conservant un dispositif de protection tarifaire pour ceux qui sont fabriqués dans ces territoires et en levant toutes les taxes sur les produits qui ne sont pas disponibles sur ces territoires, tout en veillant à compenser la baisse de recettes pour les collectivités. » ([430])

L’éventuelle diminution de la taxation doit pouvoir bénéficier directement au consommateur ultramarin via une baisse effective des prix. Or, cela n’a pas toujours été le cas, comme l’explique le député néo-calédonien Nicolas Metzdorf : « Lorsque nous avons supprimé cette protection tarifaire pour les produits que nous ne produisions pas, en portant à 0 % le taux de cette taxe sur ces produits, la baisse ne s’est pas répercutée sur le pouvoir d’achat des consommateurs, car les importateurs et grossistes ont gardé pour eux la marge ainsi dégagée. Si donc vous deviez revoir les règles de l’octroi de mer et réduire certaines taxes à l’entrée, n’oubliez pas de contrôler les importateurs et les grossistes, faute de quoi cette mesure n’aura pas d’effet sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. » ([431]) Le ministre de l’économie partage cet avis : « J’ai toujours été très réservé sur les baisses de taux de TVA sur les prix à la consommation, car elles ne finissent en général jamais dans la poche du consommateur. Il faut intégrer ce grand défi dans nos réflexions : si nous baissons l’octroi de mer sur le riz, ce ne doit pas être le grossiste ou l’opérateur qui conserve la marge » ([432]).

En cas de réforme de l’octroi de mer, il faut donc être particulièrement vigilant vis-à-vis de l’imputabilité de la baisse de prix : il faut qu’elle soit effectivement bénéfique pour le consommateur, et non qu’elle serve à garnir les marges des grossistes-importateurs.

Le rapporteur se montre cependant sceptique sur la capacité des pouvoirs publics à imposer un code de « bonne conduite » aux entreprises garantissant que le consommateur profiterait d’une éventuelle baisse des prix : ce qui est vrai pour une éventuelle baisse de la TVA est également vrai pour l’octroi de mer, c’est-à-dire une dépense budgétaire sans retour sur investissement.

Pour protéger le libre jeu du marché au sein de l’Union européenne, le paragraphe 1 de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ([433]) pose un principe général d’interdiction des aides d’État.

Dès lors, les différentiels de taux d’octroi de mer apparaissent dérogatoires au droit européen de la concurrence : ils font l’objet d’une autorisation de la Commission européenne. En effet, l’article 349 du TFUE ([434]) précité permet d’introduire dans les régions ultrapériphériques des mesures spécifiques, dérogatoires aux traités, en raison de l’existence de handicaps structurels ayant une incidence sur la situation socio-économique de ces territoires.

Dans ce cadre, comme l’assurait lors de son audition la directrice générale des outre-mer : « Nous avons obtenu de l’Union européenne, après un long travail, l’autorisation du renouvellement, jusqu’en 2027, de l’octroi de mer, lequel est considéré comme une aide d’État. » ([435])

Dès lors, cette autorisation pluriannuelle pourrait s’apparenter à un obstacle potentiel à la réforme, à court terme, du régime d’octroi de mer.

Cependant, le gouvernement estime qu’il est possible de poser les jalons d’une telle réforme bien avant cette échéance, en notifiant la Commission d’un changement de régime, comme l’affirme M. Bruno Le Maire : « Sur la réforme de l’octroi de mer, le régime a été accordé pour les cinq années 2022-2027, mais je ne compte pas attendre 2027 pour introduire les premières étapes de la réforme de l’octroi de mer. Tout ce qui permettra d’avancer rapidement sur cette voie aura mon soutien : nous pourrons notifier à la Commission européenne le changement de régime que nous aurons adopté. Je plaide donc pour que nous avancions rapidement et puissions enregistrer des premiers progrès dans les mois qui viennent, que des étapes soient franchies avant 2027, et qu’elles soient notifiées à la Commission européenne. » ([436])

Proposition n° 25 : Aboutir à un accord avec les collectivités territoriales ultramarines pour simplifier, rendre plus lisible et plus équitable le régime de l’octroi de mer.

b.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : un impôt trop souvent absent de la réflexion sur les solutions face au problème du coût de la vie en Outre-mer

Les questions de l’octroi de mer et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne peuvent être considérées séparément l’une de l’autre. Comme le rappelle le rapporteur : « la fiscalité ne se limite pas à l’octroi de mer : il faut compter aussi avec la TVA » ([437]). En ce sens, l’ancienne ministre des Outre-mer, Mme Georges Pau-Langevin, déclarait lors de son audition : « Il faudrait trouver un autre système pour éviter de renchérir le coût de la vie, ce qui suppose de trouver un équilibre avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). » ([438])

Les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM) disposant du statut de région ultrapériphérique (RUP) ([439]) font partie du territoire douanier de l’Union européenne, ce qui signifie qu’ils sont soumis aux règles et aux taux de TVA de l’Union européenne. Néanmoins, « les taux de TVA sont plus faibles que dans l’Hexagone : 8,5% et 2,1% en Guadeloupe, Martinique et La Réunion contre 20 et 5,5% dans l’Hexagone. En outre, la TVA n’est pas appliquée en Guyane et à Mayotte. Tout cela a un coût pour l’État estimé à 4 milliards d’euros » ([440]) affirme le ministère des Outre-mer dans ses réponses aux questions adressées par le rapporteur.

Certes, les territoires ultramarins bénéficient d’un régime de TVA allégé par rapport à l’Hexagone. Cependant ce régime particulier répond, d’une part, aux difficultés structurelles et conjoncturelles de ces territoires ultramarins, notamment en termes de niveau de vie qui est en moyenne nettement inférieur à celui de l’Hexagone, de taux de précarité et de chômage accru ou encore de forte captivité des consommateurs vis-à-vis des prix pratiqués sur le marché, du fait des contraintes d’éloignement, d’insularité et d’exiguïté dans les Outre-mer.

D’autre part, ce régime de TVA vient s’ajouter à celui de l’octroi de mer pour les consommateurs de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion : « Soit vous choisissez de conserver l’octroi de mer, qui permet l’autofinancement des collectivités ; soit vous choisissez le modèle de la TVA, dont les recettes repartent dans le "pot commun" de la Nation, laquelle vous reverse une partie de la fiscalité ainsi obtenue pour financer vos politiques publiques. Dans la situation actuelle, les deux se superposent, ce qui crée naturellement une situation difficile pour le consommateur » expliquait le député néo-calédonien Nicolas Metzdorf lors de l’audition de la direction générale des outre-mer ([441]).

Dans ce cadre, le rapporteur de la commission d’enquête insiste sur le fait que, tandis que la TVA est collectée et redistribuée pour l’ensemble des territoires français, y compris l’Hexagone, les recettes perçues au titre de l’octroi de mer restent au sein du territoire régional concerné et participent donc au financement et au développement de l’économie locale. Il regrette ainsi que les différents rapports portant sur la relation entre fiscalité et coût de la vie en Outre-mer soient ciblés uniquement sur l’octroi de mer, alors que celui-ci finance d’abord des services publics à la population et compense le manque de dotations de l’État aux collectivités locales.

Dans ce contexte, le rapporteur tenait à interroger le ministre de l’économie sur ce sujet pendant son audition : « On pourrait récolter 1 milliard d’euros de TVA correspondant à une richesse créée sur les territoires ultramarins, mais qui échappe à ces derniers. Comment, dans la réforme que vous allez proposer et qui doit exprimer une vision globale de la situation, comptez-vous faire pour que l’argent récupéré au titre de la TVA puisse rester et être injecté dans ces territoires ? » ([442]) Ce dernier n’ayant pas répondu directement, laissant simplement entrevoir sa réticence vis-à-vis d’une réforme qui consisterait à réduire les taux de TVA en Outre-mer, comme l’a montré la baisse des taux d’octroi de mer aux Antilles : « J’ai toujours été très réservé sur les baisses de taux de TVA sur les prix à la consommation, car elles ne finissent en général jamais dans la poche du consommateur. » ([443])

Pourtant, la direction générale des outre-mer (DGOM) affirme que « de nombreux niveaux de taxation [lui] ont été signalés comme étant incohérents » ([444]). La DGOM ne manque pas d’exemples de produits de première nécessité totalement importés. Le beurre, l’huile de tournesol et les petits pots pour bébés sont notamment taxés à 20 %. En comparaison, le taux de TVA dans l’Hexagone est aussi à 5.5 %. La DGOM évoque également les produits de protection hygiénique, de première nécessité, qui sont taxés jusqu’à deux fois le niveau de TVA en Hexagone. Or, les niveaux de taux d’octroi de mer ne sont pas connus des consommateurs car ils ne figurent pas sur le ticket de caisse, contrairement à la TVA.

Il convient donc de repenser l’articulation entre octroi de mer et TVA. À défaut de supprimer la TVA, il faudrait que son impact puisse également servir à l’économie locale (cf. infra).

4.   Les interventions de l’État : un outil défaillant

« Je constate que l’État contribue fortement à soutenir le pouvoir d’achat des ultra-marins. Il consacre des moyens financiers importants pour diminuer le prix des biens et services » ([445]) assurait le ministre délégué des Outre-mer lors de son audition.

Pour appuyer ses propos, le ministre mentionne plusieurs outils :

– les taux de TVA réduits ou non appliqués en Guyane et à Mayotte,

– le fait que l’État ne perçoive aucune taxe sur les carburants consommés en Outre-mer,

– ou encore le tarif réglementé de vente d’électricité, qui permet aux Ultramarins de payer le même prix que dans l’Hexagone, malgré des coûts de la production locale 3 à 4 fois supérieurs, selon les estimations de la Commission de régulation de l’énergie ([446]).

Pourtant, la communication de la Cour des comptes réalisée à la demande de la commission des Finances du Sénat Les financements de l’État en Outre-mer: Une stratégie à concrétiser, un Parlement à mieux informer([447]) publié en mars 2022 dresse un constat d’inefficacité des politiques budgétaires et fiscales menées en Outre-mer.

En effet, les inégalités de niveau de vie, notamment liées au coût de la vie, persistent entre les Outre-mer et l’Hexagone, et ce malgré un objectif de convergence des territoires ultramarins avec les départements hexagonaux posé par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer, dite « loi Érom » et malgré d’importants investissements réalisés par l’État : « En 2021, cet effort s’est traduit par un montant important de dépenses budgétaires votées (20,9 milliards d’euros), mais aussi par des dépenses fiscales particulièrement élevées (6,3 milliards d’euros) - soit un effort financier global en augmentation de 11 % par rapport à 2020. » ([448]).

De son côté, le rapporteur de la commission d’enquête récuse les termes « d’effort budgétaire et fiscal », estimant que cette expression connote l’idée que les territoires ultramarins coûteraient de l’argent à la France hexagonale, alors même qu’ils sont un atout qui rapporte de la valeur au territoire. Pour avoir une analyse plus fine et proche de la réalité, il conviendrait de mesurer la valorisation apportée par les territoires ultramarins, plutôt que d’axer toujours les analyses budgétaires sous le prisme du coût que représenterait les Outre-mer.

Ce budget global (dépenses budgétaires et dépenses fiscales) destiné à soutenir les politiques publiques ultramarines se serait donc élevé en 2021 à 27,3 milliards d’euros, hors dépenses sociales. Si cet effort financier a eu tendance à augmenter chaque année depuis une dizaine d’années, la courbe s’infléchit depuis 2019.

Par ailleurs, il est à noter que les contributions fiscales et budgétaires de l’État ne sont pas uniformément réparties entre les territoires. Parmi les DROM, la Guyane et la Guadeloupe bénéficient des dépenses budgétaires les plus élevées (10 000 euros par habitant de moins de 60 ans), tandis qu’à Mayotte elles sont les plus faibles (6 000 euros). Néanmoins, elles ont le plus augmenté en Guyane et à Mayotte, « dont les besoins en équipements et services, essentiellement sociaux et scolaires, restent importants du fait de leur évolution démographique rapide et de la structure particulièrement jeune et dynamique de leur population » ([449]).

RÉpartition territoriale des dépenses budgÉtaires de l’État
par habitant de moins de 60 ans

 (en euros par habitant)

Source : Cour des comptes d’après DPT 2020 et données Insee

Cependant, ces contributions budgétaires et fiscales, qui peuvent sembler importantes de prime abord, sont en réalité insuffisantes pour pallier la problématique du coût de la vie dans les Outre-mer, notamment au regard du renchérissement des prix à la consommation dans les territoires ultramarins et des difficultés de niveau de vie que subissent les populations ultramarines, encore en 2023.

Dans cette perspective, le rapport de la Cour des comptes souligne les défaillances de l’action de l’État. Il est notamment très critique vis-à-vis des régimes d’exonération, de limitation et de déductions fiscales : « Les dépenses fiscales, dont l’efficacité et l’efficience au profit des Outre-mer n’ont jamais été clairement démontrées, représentent un manque à gagner significatif pour le budget de l’État, alors même qu’elles ne sont jamais évaluées sérieusement. » ([450])

Ce paradoxe a notamment été souligné lors de l’audition du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Il a ainsi été interrogé sur l’évaluation des dispositifs d’allègements fiscaux et de défiscalisation qui s’appliquent pour les Outre-mer depuis trente ans. En effet, il a été souligné le manque d’évaluation justifiant la position de l’État, notamment en ce qui concerne l’impact des dispositifs d’allègements fiscaux vis-à-vis de la création d’emplois. « J’ai lancé en début d’année une mission sur la défiscalisation et nous devrions en connaître les résultats dans le courant de l’été. Nous évaluerons les dispositifs de défiscalisation avec beaucoup de rigueur en étudiant l’option de verdir cette dépense fiscale » assurait M. Bruno Le Maire lors de son audition ([451]).

Le rapporteur ne peut que souscrire à cette entreprise, réclamée par la Cour des comptes lors de son audition. Il se demande cependant si l’évaluation portera sur l’efficacité recherchée en regard du budget de l’État où des besoins des territoires. Il considère que si les outils fiscaux dérogatoires dont bénéficient les territoires ultramarins ne parviennent pas à gommer les contraintes par nature structurelles, les supprimer ou les abaisser comme cela a déjà été largement entamé depuis une décennie, afin de réduire le déficit de l’État, ne fera que livrer un peu plus ces territoires au chaos.

Proposition n° 26 : Établir un programme pluriannuel exhaustif d’évaluation des dépenses fiscales en faveur des territoires ultramarins, afin de rendre la dépense fiscale plus efficace en fonction des objectifs poursuivis, notamment en termes de baisse des inégalités ou de création d’emplois.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes signale également une « sous-exécution régulière des crédits affectés » ([452]) : les engagements financés par la mission Outre-mer n’atteindraient que 32 % des montants des contrats de convergence et de transformation (CCT) aux trois quarts de leur calendrier de mise en œuvre.

Cette sous-exécution des crédits serait en partie due, selon la Cour des comptes, à un manque d’expertise des collectivités, elle-même liée à un manque d’accompagnement : « Les faibles capacités administratives ou techniques des collectivités appelées à réaliser les investissements financés par l’État et, le cas échéant, par des fonds européens nécessitant une forte expertise administrative, peuvent expliquer, compte tenu de la complexité de certains investissements, la sous-exécution régulière des crédits affectés. » ([453]) Or dans le même temps, « plus de la moitié de ces dépenses sont désormais des dépenses d’intervention qui font l’objet d’engagements contractuels de l’État et des collectivités territoriales concernées ».

Dans ce cadre, la Cour pointe un manque de moyens humains et d’organisation pour rendre pleinement effectifs les dispositifs budgétaires et fiscaux mis en place par l’État : « Pour la plupart récents, les dispositifs d’appui à l’ingénierie sont confrontés à des difficultés en matière de ressources humaines et pâtissent d’un manque de coordination et donc de visibilité » ([454]).

Le rapporteur considère que faire de l’ingénierie locale une des responsables de la sous-consommation de crédits est une conclusion hâtive. Beaucoup de collectivités, notamment antillaises, sont dans l’incapacité de mobiliser les financements de l’État ou de l’Union européenne en raison de difficultés de financement structurelles renforcées par la baisse des dotations de l’État (cf. infra.).

Il convient donc également de permettre aux Ultramarins partis se former et acquérir des diplômes, de revenir pour que ces forces vives irriguent les projets de développement de ces territoires (cf. supra).

Proposition n° 27 : Généraliser les plateformes d’ingénierie basées dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, et améliorer la coordination des dispositifs d’ingénierie au profit de ces territoires en faisant de ces plateformes l’interlocuteur des collectivités.

Dans cette perspective, le rapporteur de la commission d’enquête estime qu’il est urgent de consolider la politique budgétaire et fiscale de l’État en faveur des Outre-mer, en s’assurant, que les crédits ouverts au profit des populations ultramarines ne soient pas non consommés. Une solution serait de développer la gestion locale des crédits de l’État et la fongibilité des lignes budgétaires : si des crédits ne pouvaient pas être utilisés pour une action, du fait de l’absence de mise en place d’un projet, ils devraient être redéployés localement au profit d’autres actions prioritaires.

Proposition n° 28 : Faciliter localement la gestion et la consommation des crédits dédiés à l’Outre-mer, en accroissant la fongibilité des crédits entre les différents budgets opérationnels de programme contributeurs aux contrats de convergence et de transformation.

B.   Un manque d’ambition de l’État pour quantifier, Étudier et dÉnoncer l’ensemble de ces phÉnomènes

Au fil des auditions, la commission d’enquête a découvert l’ampleur de l’absence de donnée et de transparence concernant les Outre-mer, ne permettant pas in fine de dresser des constats qui reflètent l’étendue réelle des difficultés rencontrées par les populations ultramarines.

1.   La faiblesse de la statistique publique

« L’absence de données, on en parle toujours concernant les Outre-mer. Les structures économiques ne nous donnent pas suffisamment de données précises. Il faudrait surtout essayer de motiver l’Insee. » déclarait l’ancienne ministre des Outre-mer, Mme George Pau-Langevin, lors de son audition ([455]). Certes, les données issues de la statistique publique sont essentielles dans la mesure où elles permettent d’objectiver des situations et de tirer des constats qui servent d’appui à la décision publique. Cependant, les auditions menées par la commission d’enquête ont montré que le domaine de la statistique publique en Outre-mer pouvait encore être largement amélioré.

a.   Une donnée essentielle face à l’opacité

La commission d’enquête a constaté tout au long de ses travaux que l’analyse du coût de la vie devait faire face à une sérieuse difficulté : le secret des affaires.

En effet, pour protéger leurs informations stratégiques ayant une valeur commerciale, les entreprises peuvent se prévaloir des dispositions de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, qui transpose en droit français la directive n° 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.

Cette confidentialité des données crée ainsi nécessairement de l’opacité sur la structuration du marché, ce que de nombreux acteurs auditionnés ont déploré.

En ce sens, le premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, M. Bertrand Huby, déclarait : « Nous avons demandé directement à l’administration des douanes des informations sur ce démarrage de la constitution des prix, mais on nous a opposé le secret des affaires. Nous avons donc saisi le préfet, qui, lui-même, s’est vu rétorquer la même réponse au niveau de Bercy. » ([456])

Le constat est identique pour le président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Patrick Plantard : « Les OPMR ont tenté de passer des marchés pour mesurer les marges des différents opérateurs de la chaîne de formation des prix. Mais à chaque fois, nous avons au mieux réussi à passer un seul marché. Cette année, nous avons ainsi tenté d’en faire de même, sous la houlette de l’OPMR de Martinique. Concrètement, la préfecture a mis des moyens à disposition pour passer ce marché, afin d’analyser les marges entre les sorties d’usine et les ventes chez les commerçants. Malheureusement, le secret des affaires nous a été opposé, comme cela avait été le cas pour mes prédécesseurs. Il nous a été rétorqué que nous n’étions pas habilités à accéder à ces données. Nous avons donc dû abandonner, en sachant que nous avions également regroupé l’OPMR de Guadeloupe et celui de Guyane dans cette opération, compte tenu de nos contraintes budgétaires. » ([457])

Ainsi, les différents acteurs qui souhaitent faire la lumière sur la formation des prix dans les territoires ultramarins ont dû faire le constat de leur impuissance : « Sur la connaissance des marges, nous nous sommes heurtés, qu’il s’agisse de l’étude menée il y a quelques mois à Saint-Pierre-et-Miquelon ou de celle menée à la demande de la CCI de Martinique, à un problème récurrent : nous n’avons aucun pouvoir d’investigation. Nous sommes à la merci des producteurs d’informations que sont les distributeurs, qui nous opposent systématiquement le secret des affaires. Nous savons que, par définition, une étude reposant sur des questionnaires adressés aux divers maillons de la chaîne n’obtiendra aucune réponse utile » ([458]) affirme Olivier Sudrie, économiste principal au cabinet DME.

Il est particulièrement étonnant que ce constat concerne même l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), comme l’a expliqué le directeur interrégional La Réunion – Mayotte de l’Insee, M. Loup Wolff, lors de son audition : « la direction régionale de l’Insee à La Réunion et Mayotte a bien demandé des données sur les marges et donc sur le prix des biens importés aux différentes phases de leur vie. Malheureusement, le secret des affaires nous a été opposé sur ces sujets. Nous sommes confrontés à la question de la confidentialité des données, notamment sur les phases de fret voire de distribution, ce que nous déplorons tous. » ([459])

Une autre difficulté rencontrée pour analyser la structure économique et sociale des territoires ultramarins est le manque de données de qualité. En effet, les responsables de l’Insee expliquent que « les problèmes de qualité rencontrés sont à la fois des problèmes d’exhaustivité des sources administratives (non complétude) et de qualité des traits d’identité et des adresses. Or ces données sont nécessaires pour couvrir l’ensemble de la population et pour réaliser des appariements entre plusieurs sources de données, par exemple pour apparier sources fiscales et sources sociales dans le cadre du dispositif Filosofi (fichier localisé social et fiscal), qui permet d’établir des statistiques sur les revenus et la pauvreté à l’échelle infra-nationale. Les difficultés sont variables selon les DROM, elles sont plus marquées en Guyane et surtout à Mayotte. » ([460])

Enfin lors des auditions, le rapporteur de la commission d’enquête a été sidéré d’entendre plusieurs grands groupes, historiquement implantés dans les territoires ultramarins, assumer – sous serment et de façon délibérée – préférer être sanctionnés plutôt que de déposer les comptes annuels de leurs entreprises au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc), et ce alors même qu’il s’agit d’une obligation légale aux termes des dispositions présentes aux articles L. 232-21 à L. 232-26 du code du commerce.

C’est notamment le cas du président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA) et président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), François Huyghues Despointes : « nous n’avons pas déposé les comptes pour des raisons de confidentialité. […] Nous considérons que nous sommes sur des territoires extrêmement restreints et que l’information a une valeur qui est différente d’autres territoires où les acteurs sont plus nombreux. La douane a récemment caviardé ses statistiques pour protéger le secret des affaires, parce que sur certaines positions douanières, moins de trois opérateurs opéraient. Sur ces lignes, elle a tout simplement supprimé les noms et ne fournit plus les chiffres. Nous étions un peu dans la même logique. » ([461])

C’est également une pratique chez le Groupe Bernard Hayot, comme l’expliquait son directeur général, Stéphane Hayot, lors de son audition : « vous nous demandez pourquoi nous ne publions nos comptes. Plus de 50 % des entreprises à l’échelle nationale ne publient pas leur compte. En Outre-mer, très peu d’entreprises déposent leurs comptes. La seule raison, c’est qu’elles essaient de se protéger et de ne pas confier à leurs concurrents des informations sensibles et importantes. […] Nous déposons bien entendu nos comptes auprès de Bercy et des autorités fiscales. De ce point de vue, nous respectons la loi, mais c’est vrai, comme à peu près la plupart des entreprises d’Outre-mer, nous essayons de nous protéger. » ([462])

Le groupe Parfait est également concerné, comme le reconnaissait son président, Robert Parfait : « Non, nous ne déposons pas nos comptes pour des raisons de confidentialité. Je crois que personne ne dépose réellement les comptes étant donné l’étroitesse du marché et le fait qu’on veut vite savoir ce qui se passe. Par contre, nous déposons nos comptes aux services fiscaux, à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), à nos banques et à nos partenaires sociaux. » ([463])

De son côté, le président du groupe CréO, M. Patrick Fabre, assure « que cette pratique est habituelle en Martinique, où très peu d’entreprises de la distribution alimentaire déposent de comptes. Nos concurrents vous ont évoqué des raisons stratégiques. […] Une entreprise veut toujours être discrète sur ces résultats et il s’agit d’une nécessité. Comme je vous l’ai indiqué au début de mon exposé, j’ai créé des entreprises et j’ai plusieurs fois déposé mon bilan. Les entrepreneurs passent leur temps à se concentrer sur la pérennité de leurs entreprises. Vivant sur un territoire contraint, sans véritable potentiel de développement, nous sommes très discrets sur notre activité vis-à-vis de la concurrence. » ([464])

Face à ces pratiques, le ministre de l’économie relativise : « La difficulté sur les marges est qu’elles relèvent du secret des affaires. C’est très compliqué d’aller donner les marges des entreprises. On n’a pas la possibilité de divulguer les marges des entreprises car c’est ce qui fait leur prospérité. On peut contrôler les prix et les marges, mais pas les rendre publiques. Faisons attention car un excès de transparence risque de mettre en péril l’activité économique. » ([465])

Le rapporteur estime, bien au contraire, que cette pratique répandue et connue du non-respect assumé des dispositions prévues dans le code du commerce pose problème : « j’entends que la pratique est d’aller à l’encontre de la loi pour des raisons de confidentialité, c’est un signal de non-transparence vérifié qui n’est pas acceptable. » déclarait-il lors de l’audition du Groupe Bernard Hayot ([466]). D’autant que l’article L. 611‑2 du code du commerce prévoit que lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.

Pour le rapporteur, il est donc urgent de faire de la transparence afin de faire la lumière sur la constitution des prix dans les territoires ultramarins. En effet, une telle opacité entretenue est de nature à sous-entendre que les acteurs en question désirent dissimuler certaines informations au grand public. Ces pratiques ne contribuent donc pas à restaurer un lien de confiance déjà fortement amoindri entre les consommateurs ultramarins et les acteurs de la grande distribution.

La problématique de l’analyse du coût de la vie en Outre-mer est donc confrontée à une triple opacité, comme le résume l’ancien ministre de l’Outre-mer et actuel président de la Fédération des entreprises des Outre-mer (Fedom), M. Hervé Mariton : « il y a, comme souvent, des limites justifiées par le secret des affaires, la carence des données Outre-mer et le non-dépôt assez fréquent des comptes. » ([467])

Face à ce constat, la statistique publique devrait fournir les données permettant d’objectiver les difficultés vécues par les populations ultramarines et de connaître les causes du phénomène de vie chère dans les Outre-mer pour informer les pouvoirs publics et les citoyens et y apporter des solutions adéquates.

Cependant, « nous avons une béance statistique, un déficit statistique » déplore l’ancien ministre des Outre-mer, M. Victorin Lurel. Il regrette en effet un manque de transparence : « La décomposition des prix de revient et donc des marges n’est pas connue. […] Le secret statistique doit être levé ». ([468])

b.   L’Insee et l’Office statistique polynésien : de faibles moyens et un manque de connaissances des spécificités des Outre-mer

i.   L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)

L’Insee est chargé de produire et diffuser des statistiques sur les cinq départements et régions d’outre-mer comme sur l’ensemble des régions et départements de France hexagonale. Pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, l’Insee a les mêmes obligations que pour la France hexagonale. Pour les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution ainsi que pour la Nouvelle-Calédonie, les obligations juridiques explicites de l’Insee en matière de statistiques concernent la réalisation du recensement de la population et le calcul des populations légales et, en ce qui concerne Saint-Martin, les règlements statistiques européens, qui couvrent le territoire économique européen composé de la France hexagonale et des six régions ultrapériphériques françaises, les cinq DROM et Saint-Martin.

L’Insee déclare déployer « les mêmes outils et protocoles pour les DROM que pour la France métropolitaine, dans la mesure du possible » ([469]). Pour établir ces statistiques, l’Insee s’appuie d’une part sur des enquêtes par sondage réalisées directement auprès d’un échantillon de personnes ou d’entreprises et d’autre part sur l’exploitation de données administratives, de données fiscales ou sociales.

S’agissant des enquêtes, les mêmes protocoles d’enquête et de collecte sont proposés en général dans toutes les régions françaises. Mais l’Insee reconnait que « le taux de réponse par internet est nettement plus faible dans les DROM qu’en France métropolitaine » ([470]). C’est le cas par exemple en ce qui concerne le recensement de la population : les taux les plus bas sont dans les DROM.

Par ailleurs, la collecte sur le terrain peut également être rendue plus compliquée en Outre-mer par la difficulté à bien repérer les logements ciblés pour l’enquête, notamment du fait de la nature de l’habitat dans certaines zones. Des enquêtes cartographiques sur le terrain sont donc réalisées spécifiquement dans les DROM pour bien repérer ces logements.

En outre, une autre difficulté réside dans le poids de l’économie informelle. La direction interrégionale La Réunion – Mayotte de l’Insee a ainsi mené une enquête statistique sur les entreprises mahoraises informelles (ESEMI) réalisée de juillet 2021 à mars 2022. L’enquête conclut au fait que « Les entreprises mahoraises informelles sont nombreuses : elles représentent les deux tiers des entreprises mahoraises. Mais elles créent peu de valeur : les entreprises mahoraises informelles contribuent à raison de 9 % de la valeur ajoutée générée par l’ensemble des entreprises mahoraises non agricoles et non financières. Ce poids de l’informel est nettement plus élevé à Mayotte que dans l’ensemble des départements français (les comptes nationaux l’estiment à 1 %), mais reste largement minoritaire – puisque les activités concernées sont très généralement de faible volume et à faible valeur ajoutée. » ([471])

S’agissant des données administratives, l’Insee mobilise notamment les données fiscales pour plusieurs productions statistiques, notamment pour établir la base de sondage qui sert à tirer les échantillons d’enquêtes et les statistiques sur les revenus des ménages ou les comptes des entreprises. Pour ce qui concerne les données fiscales mobilisées pour l’étude des revenus des personnes par exemple, elle admet que « la complétude des données n’est pas toujours avérée dans les DROM, avec des situations variables selon le département : il peut manquer des personnes, les traits d’identité (comme les noms, prénoms, dates et lieux de naissance) sont plus fréquemment incomplets que dans l’Hexagone et les données d’adressage sont de moins bonne qualité » ([472]). Or, ne pas tenir compte des personnes manquantes dont les adresses ou traits d’identité sont incomplets conduirait à produire des statistiques biaisées, donc fausses. C’est pourquoi l’Insee est amené à adapter son dispositif d’observation des revenus et de la pauvreté dans les DROM.

L’Insee tente ainsi de prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins. D’abord, chaque mois un indice de prix pour les départements et régions d’outremer est produit et diffusé, ce qui n’est pas le cas pour les autres régions et départements. Le panier de biens et services ainsi repose sur des relevés de terrain et retrace les caractéristiques de la consommation locale. Il est actualisé chaque année en fonction des évolutions de la consommation. La liste des types de produits suivis pour l’indice des prix est spécifique à chaque DROM : « Ainsi, sont suivis dans tel DROM, et dans différentes formes de vente, le prix de la viande de cabri ou de la zourite surgelée » ([473]). Le poids de chaque poste est également ajusté pour chaque DROM grâce aux données des comptes nationaux et régionaux et de l’enquête Budget de Famille réalisée spécifiquement dans chaque DROM.

S’agissant de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), elle résulte d’un appariement, au niveau individuel, entre les données de l’enquête Emploi en continu du quatrième trimestre de chaque année et des données administratives comme les revenus déclarés à l’administration fiscale, les impôts payés et les prestations sociales perçues. C’est ainsi la source statistique de référence pour observer la pauvreté monétaire et les inégalités de niveau de vie. Or, « du fait de la moindre qualité des sources administratives (traits d’identité de moins bonne qualité, doublons ou incomplétude des adresses dans les DROM), avec des situations assez différentes selon les départements, une proportion significative de personnes enquêtées lors de l’enquête Emploi n’est pas retrouvée dans les sources administratives et cet appariement n’est donc pas encore réalisé en routine pour les DROM » ([474]) reconnaît l’Insee.

Il existe toutefois un dispositif pour établir des statistiques sur les niveaux de vie et la pauvreté au niveau régional ou départemental : c’est le Fichier localisé social et fiscal (Filosofi), issu d’un rapprochement des fichiers fiscaux et sociaux, qui est aujourd’hui la référence pour les régions situées en Hexagone, ainsi que pour la Martinique et La Réunion. Cependant, la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte n’ont jusqu’alors pas pu être intégrées dans Filosofi pour les raisons précitées, l’Insee assurant que « les expertises se poursuivent pour étendre cette couverture dès que les données le permettront » ([475]).

Pour pallier ce problème, l’échantillon de l’enquête Budget de famille (BDF) a été renforcé spécifiquement dans les DROM, afin de permettre notamment de calculer l’ensemble des indicateurs de pauvreté et d’inégalités monétaires dans ces territoires et de les comparer entre eux et avec la France hexagonale. Cette enquête permet également d’analyser la pauvreté en fonction de variables sociodémographiques (catégorie socio-professionnelle, diplôme, etc.).

Tout d’abord, le rythme des enquêtes de comparaison spatiale des prix (ECSP) apparaît insuffisant pour mesurer l’écart des prix entre les DROM et l’Hexagone. En effet, cette enquête, réalisée par l’Insee depuis 2010, n’est menée que tous les cinq à six ans du fait de l’étendue du travail à mener pour recueillir, analyser et traiter les données recueillies. La dernière édition de cette enquête a ainsi été réalisée en 2015 et a intégré pour la première fois Mayotte, nouvellement département d’outre-mer. Or, ces données datées ont longtemps été les seules disponibles, notamment au moment de l’investigation menée par la commission d’enquête. L’édition suivante de cette enquête, dont le recueil des données était initialement prévu pour 2021, a en effet été repoussée et les relevés effectués en mars et avril 2022 du fait de la crise sanitaire. La publication des premiers résultats n’est intervenue qu’en juillet 2023 ([476]) .

Par ailleurs, le rapporteur interroge la méthodologie utilisée pour mesurer les écarts de prix entre la France hexagonale et les territoires ultramarins.

Le rapporteur de la commission d’enquête regrette en effet que les enquêtes réalisées, indispensables pour éclairer la situation des territoires ultramarins, soient fondées sur des comparaisons qui apparaissent manquer de pertinence. En effet, il estime qu’« il faut comparer ce qui est comparable, ce que [l’Insee] ne [fait] pas. La région Martinique ou la région Guyane ne correspondent pas à la France hexagonale. Pour pouvoir comparer, il faut disposer de caractéristiques identiques, ce qui n’est pas le cas. La région Île-de-France n’a rien à voir avec la région Martinique, par exemple » ([477]). Le rapporteur déplore donc un manque de crédibilité des données statistiques évoquées.

Par ailleurs, il estime que la comparaison de l’inflation entre l’Hexagone et les Outre-mer ne peut être effectuée sans prendre en compte, avec précision, les spécificités structurelles des territoires ultramarins : « Quand vous comparez l’inflation dans nos territoires et en France, il s’agit de l’inflation conjoncturelle. Mais il faut savoir que dans nos territoires, il existe également une inflation structurelle : nos coûts de vie sont historiquement supérieurs à l’augmentation conjoncturelle. Ainsi, dans la fiabilité des sources et des méthodes utilisées pour effectuer des comparaisons, il faut que les analyses soient plus précises et pragmatiques. Comparer l’inflation en France hexagonale et en Martinique n’a pas de valeur pour moi, puisque, structurellement, les prix en Martinique sont supérieurs de 40 %, auxquels il faut ajouter l’inflation conjoncturelle. La France n’a pas d’inflation structurelle, puisqu’elle ne subit pas de coûts liés à son éloignement, son insularité ou l’exiguïté de son marché intérieur. » ([478])

Cette difficulté est d’autant plus renforcée qu’il existe des spécificités différentes au sein même de chaque territoire ultramarin, comme en témoignait par exemple le député de Guyane M. Jean-Victor Castor : « Lorsque vous effectuez vos statistiques, regardez-vous la réalité des prix et du coût de la vie à l’intérieur même d’un territoire dit d’outre-mer ? Par exemple en Guyane, on dénombre huit communes isolées sur vingt-deux. Le bidon de gaz coûte 25 euros lorsqu’il arrive sur l’île de Cayenne, mais son prix passe à 100 euros à Saül. Disposez-vous de ces éléments, qui sont essentiels ? En effet, le coût de la vie n’est pas le même sur le littoral et à l’intérieur des terres. Il s’agit là d’un véritable problème. » ([479]) Or, le directeur interrégional Antilles-Guyane, M. Jean-Baptiste Herbet, a admis que ce niveau de spécificité au sein même des territoires ultramarins n’est pas pris en compte et que cela n’est pas à l’ordre du jour : « Il n’est pas prévu à ce jour d’avoir des statistiques spécifiques pour la Guyane de l’intérieur. Nos statistiques, dont le coût n’est pas négligeable pour l’Insee, s’effectuent sur l’ensemble de la Guyane. » ([480])

En outre, le rapporteur a interrogé l’Insee sur sa capacité à remonter l’actionnariat des entreprises pour identifier les monopoles et les oligopoles dans certains secteurs. En effet, si l’examen individuel des taux de marge de chaque entreprise donne le sentiment d’une absence d’exagération, les intermédiaires peuvent être au nombre de quatorze dans les territoires ultramarins dans le secteur de la grande distribution, quand ils se limitent généralement à trois en France hexagonale. Or, l’Insee a reconnu lui-même être limité dans ses enquêtes par l’opacité de l’information sur le marché de la grande distribution : « Nous butons sur une difficulté liée au fait que, sur certaines étapes de la formation de ces prix (le fret et la distribution notamment), le cadre est quasi monopolistique. Dès lors, ces informations ne sont plus d’ordre statistique, mais des informations liées au secret statistique des entreprises. Il nous est donc très difficile d’obtenir les informations qui nous permettraient d’effectuer le travail évoqué par M. le rapporteur » expliquait le directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, M. Loup Wolff ([481]).

Pour pouvoir comparer de manière robuste les niveaux de vie des populations, le rapporteur de la commission d’enquête estime qu’il faut disposer des séries de revenus par habitant en parité de pouvoir d’achat. Or, l’Insee reconnait que « la méthodologie de la parité de pouvoir d’achat n’a pas été mise en place pour les DROM » ([482]). Néanmoins, il est à noter que l’enquête de comparaison spatiale des prix fournit cette information sur le champ de la consommation des ménages.

Le rapport du conseil économique social et environnemental Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer : fractures et opportunités publié en octobre 2020 témoignait déjà de biais statistiques existants dans le calcul de la pauvreté monétaire en Outre-mer : « La mesure du taux de pauvreté monétaire est minorée par le service statistique public. La France, comme les autres pays de l’Union européenne, privilégie une mesure relative de la pauvreté monétaire. Partout en France, sauf dans les Outre-mer, l’Insee calcule le taux de pauvreté à partir d’un seuil qui correspond à 60 % du niveau de vie médian national et qui varie selon la situation familiale. L’Insee n’inclut pas non plus tous les territoires ultramarins dans le calcul et la publication du taux de pauvreté au niveau national. La Martinique et La Réunion sont intégrées à ce mode de calcul à partir d’une référence nationale depuis 2016. En revanche, ce n’est pas le cas de la Guyane, de la Guadeloupe et de Mayotte. Le seuil de pauvreté de référence devrait être le même pour toutes les régions françaises, or, l’Insee utilise un seuil de pauvreté local, spécifique à chaque Département, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte. Ce mode de calcul fait apparaître des taux de pauvreté bien plus faibles, puisque le revenu médian local y est inférieur à celui de l’Hexagone. Ainsi, en 2011, 20,1 % des Guadeloupéens, 30,2 % des Guyanais et 32,4 % des Mahorais sont considérés comme vivant sous le seuil de pauvreté selon cette convention. Or, si l’on applique le niveau de vie médian national, 49,1 % des Guadeloupéens, 61,2 % des Guyanais et 84,5 % des Mahorais vivaient sous le seuil de pauvreté national en 2011, soit plus du double. Ce mode de calcul tend à minorer fortement les situations de pauvreté qui sont pourtant massives en Outre-mer. Pourtant, lorsqu’elle caractérise la distribution des revenus dans les différents territoires de l’Hexagone, l’Insee calcule des taux de pauvreté en prenant pour référence le revenu médian national, et non local. Les taux de pauvreté régionaux, départementaux ou communaux sont ainsi calculés par rapport au revenu médian national. La référence à un niveau de vie local ou national ne mesure pas la même réalité. En retenant comme référence le niveau de vie médian local, l’Insee mesure la part de la population en difficulté qui vit sur le territoire. La pauvreté monétaire est ainsi considérée comme un indicateur d’inégalité au sein de chaque territoire ultramarin. En prenant le niveau de vie médian national comme référence, elle mesure l’inégalité au sein du territoire par rapport à l’ensemble de la population au niveau national. De fait, l’Insee ne mesure pas le même fait et il faudrait pouvoir disposer des deux indicateurs. L’Insee justifie ce mode de calcul différent par le manque de disponibilité de données administratives. » ([483])

Par ailleurs, le rapporteur considère que les indices de concentration des revenus tels que l’indice de Gini avant et après impôts sont centraux pour rendre compte du niveau d’inégalité de revenus entre territoires. À ce sujet, l’Insee explique que « le coefficient de Gini après impôt a été calculé pour la Martinique et La Réunion à partir de la source Filosofi (2017). Les coefficients calculés atteignaient respectivement de 0,33 et 0,35 en 2017, ce qui positionne la Martinique et La Réunion dans des situations très similaires et plus inégalitaires qu’en France métropolitaine, qui affiche un indice de Gini de 0,29 en 2017 » ([484]). Pour la Guyane, l’indice de Gini était de 0,429 en 2017 ([485]). Or, ces données sont datées et ne peuvent donc refléter avec exactitude la réalité des inégalités vécues au sein des territoires ultramarins.

Dans cette perspective, les indicateurs statistiques devraient mieux mettre en regard la réalité des niveaux de prix et de revenus sur chaque territoire pour refléter davantage la réalité du niveau de vie de la population et se rapprocher de leur perception. Il convient donc de remédier à ces inégalités de traitement statistique qui empêchent aujourd’hui de prendre pleinement la mesure de la pauvreté dans les territoires ultramarins.

ii.   L’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF).

Quatre organismes interviennent sur le sujet des prix en Polynésie :

– la direction générale des affaires économiques (DGAE), dont le rôle est de mettre en œuvre les politiques économiques du gouvernement de la Polynésie française. C’est l’organe spécialiste de la réglementation des prix, qui suit l’évolution des prix et des coûts, contrôle les pratiques en matière de prix et intervient pour faire respecter la réglementation ;

– l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), qui assure le bon fonctionnement des marchés au service des consommateurs et des entreprises de la Polynésie française. Elle dispose d’un pouvoir d’enquête, de sanction et de conseil en matière de régulation économique ;

– l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), qui assure le rôle de banque centrale dans les collectivités d’outre-mer ayant pour monnaie le franc pacifique, à savoir la Nouvelle‑Calédonie, Wallis‑et‑Futuna et la Polynésie française. Ses quatre grandes missions sont la stratégie monétaire, la stabilité financière, les services à l’économie et les spécificités ultramarines ;

– l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), qui produit et diffuse des informations statistiques sur l’économie, la société et l’environnement de la Polynésie française. Pour ce faire, près de cinquante agents exercent des missions de collecte et d’analyse de données, réalisent des enquêtes et des études et diffusent de l’information.

Les deux sujets d’expertise de l’ISPF sont le niveau de vie et le niveau de prix en Polynésie française. L’ISPF mesure les prix au travers de l’indice des prix à la consommation (IPC), indicateur également utilisé en France hexagonale. Cependant, cet indice est mesuré à partir d’un panier de dépenses propre aux ménages polynésiens, déterminé par l’enquête Budget des familles. Sur une période donnée, ils interrogent chaque famille sur ce qu’elle dépense et, grâce à cela, ils obtiennent des pondérations qui sont appliquées aux variations de prix observées chaque mois par une équipe de sept personnes sur près de 14 000 prix. « En métropole, on relève le prix des bonnets en laine ; nous, nous ne pouvons pas le faire, car c’est une offre qui n’existe pas chez nous. Il y a donc certains produits du panier dont nous ne tenons pas compte, parce qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une comparaison pertinente », expliquait lors de son audition la responsable du département prix à l’ISPF ([486]).

L’audition de l’ISPF a révélé un manque de moyen pour effectuer plus régulièrement des enquêtes statistiques, la dernière datant de 2015, afin d’assurer une transparence sur les prix en Polynésie française : « Nous sommes cinquante personnes à travailler à temps plein à l’institut. Nous ne sommes pas en mesure de réaliser une enquête "budget des familles" tous les cinq ans, comme nous le souhaiterions, afin de suivre plus finement l’évolution des dépenses et des ressources des ménages. La dernière enquête date de 2015. Pour réaliser des études plus régulières, il nous faudrait être plus nombreux. » ([487])

iii.   La nécessité d’une exploitation académique des données récoltées

Enfin, pour le rapporteur, il conviendrait que ces enquêtes et données chiffrées sur l’économie, la consommation et les prix dans les territoires ultramarins puissent faire l’objet de plus d’études et de recherches universitaires, notamment dans les universités ultramarines.

Proposition n° 29 : Demander à l’agence nationale de la recherche de lancer des appels à projets spécifiques dotés de crédits dédiés à la recherche sur l’économie, la consommation et les prix dans les territoires ultramarins.

2.   Les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) : l’impuissance de structures sans ressources

a.   Des structures pléthoriques mais à l’activité limitée

À la suite de revendications apparues à La Réunion dès les années 1970 pour demander de mesurer les différentiels de prix constatés avec l’Hexagone, la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’Outre-mer ([488]) a créé les observatoires des prix et des revenus (OPR), dont les modalités ont été fixées tardivement par le décret n°2007-662 du 2 mai 2007 ([489]). Ce décret confiait aux OPR la mission d’analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution, initialement sous la présidence du préfet.

En 2009, après la crise sociale en Guyane, qui s’est ensuite étendue à la Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, se sont tenus des États généraux de l’Outre-mer. Le décret n° 2010-763 du 6 juillet 2010 ([490]) a renforcé l’autonomie des observatoires : la présidence par les préfets a été substituée à celle, jugée plus neutre, de magistrats des Chambres régionales des comptes. À cette époque, trois magistrats avaient été désignés aux Antilles et en Guyane, soit un pour chaque territoire – les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy étant rattachées à la Guadeloupe.

La loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer prévoit et organise la présence des OPR devenus des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) : « En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, un observatoire des prix, des marges et des revenus analyse le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et fournit aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution. » ([491]) Cette information passe par un avis rendu dans le cadre du bouclier qualité-prix (BQP), qui précède les négociations menées par la préfecture auxquelles l’OPMR ne participe pas selon les textes.

Le décret n° 2016-1394 du 17 octobre 2016 a créé des observatoires pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, « mais ce n’est qu’en 2019 qu’ils ont été installés. Ils sont depuis en sommeil. » ([492]) indiquait lors de son audition M. Patrick Plantard, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Dans les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, un OPMR a été créé, avec pour les territoires antillais et de Guyane, une présidence commune.

b.   Une absence presque totale de moyens, aucun budget dédié

Les auditions menées par la commission d’enquête ont mis en lumière un manque de moyens criants des OPMR : certains OPMR sont devenus des institutions inertes du fait de leur manque de ressources pour accomplir leur mission.

« L’OPMR est censé publier des données portant sur les niveaux et la structure des coûts de passage portuaire. Dans les faits, ces publications ne sont pas intervenues, car nous n’avons pas accès à ces informations. Nous sommes régulièrement confrontés au refus des différents opérateurs économiques, qui ne veulent pas nous communiquer ces informations. L’OPMR est cependant informé de toutes réglementations sur les marchés ou l’encadrement des prix, notamment celui des carburants et des bouteilles de gaz. L’OPMR peut également publier des rapports thématiques, soit à la demande de son président, soit à la demande de ses membres. Ces derniers sont les parlementaires, les présidents de collectivités, les représentants de l’État (directeurs des finances publiques, directeur de la Deets, de l’Insee et de l’Iedom), les présidents de comité économique et social, des représentants des organisations syndicales (patronales et salariés) et des personnes qualifiées.

« L’OPMR se réunit au moins une fois par an lors de sa plénière ; mais en règle générale, nous nous réunissons trois ou quatre fois dans l’année en fonction des besoins. Actuellement, les réunions sont plus nombreuses en Martinique et en Guadeloupe qu’en Guyane, compte tenu des distances et des contraintes de déplacement. Aucune réunion ne s’est tenue depuis deux ans à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

« J’assure la présidence des cinq OPMR et chaque préfecture met à disposition un équivalent temps plein (ETP), qui assure le secrétariat de l’OPMR. Généralement l’agent en question est aussi celui qui organise des débats dans le cadre des négociations annuelles pour le BQP. Suivant les territoires, le budget de l’OPMR est environ de 50 000 euros et il est géré par chaque préfecture. » ([493]) expliquait le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Ce dernier reconnait lui-même ne pas pouvoir se consacrer à temps plein à cette mission, pourtant cruciale pour analyser le coût de la vie dans les territoires ultramarins : « cette présidence me mobilise beaucoup, compte tenu des tâches qui me sont par ailleurs assignées. Je fais cela sur mes loisirs, en quelque sorte. » Quand le rapporteur de la commission d’enquête l’interroge : « Vous êtes quasiment un bénévole, n’est-ce pas ? », ce dernier répond par l’affirmative : « On peut le formuler de cette manière » ([494]). Le degré d’activité de l’OPMR semble donc dépendre de la bonne volonté de ses acteurs et du temps qu’ils peuvent y consacrer, de manière subsidiaire à leurs autres fonctions.

« L’OPMR dispose de moyens humains limités » ([495]) reconnaissait la présidente de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon.

De son côté, le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy déplorait une sous-dotation de moyens pour réaliser le mandat qui leur a été confié : « Aujourd’hui, nous nous heurtons au même problème : nous manquons de moyens humains pour rédiger un cahier des charges et assurer le suivi. Nous n’avons pas forcément les moyens, ni en termes de temps, ni en termes de budget. Nous pourrions faire plus si nous disposions d’un ETP à temps plein associé à un budget spécifique. » ([496])

L’OPMR de La Réunion évoque également ces difficultés budgétaires : « Concernant les moyens dont dispose l’observatoire des prix, ils sont limités. En effet, en dehors de la ligne de crédits qui est partagée avec le SGAR [secrétariat général pour les affaires régionales], à hauteur de 100 000 euros, et qui sert au SGAR pour toutes ses missions concernant la cherté de la vie à La Réunion, l’observatoire des prix ne dispose d’aucun budget. […] Sur le suivi des prix, […] les moyens de l’observatoire sont extrêmement faibles. De façon générale, le suivi des prix se fait au travers du bouclier qualité-prix et des travaux menés avec le pôle C de la Dieccte. Ce service réalise les contrôles sur le terrain dans tous les supermarchés et hypermarchés de La Réunion. […] il faudrait conduire une étude supplémentaire, par exemple en 2024, pour voir la réalité de la grande distribution à La Réunion après le rachat des quatre hypermarchés qui étaient très déficitaires par le nouvel entrant étranger. Comme j’ai pu déjà l’indiquer, il nous faudrait alors du budget supplémentaire pour pouvoir mener cette étude. » ([497])

c.   Des OPMR déconnectés des territoires qu’ils doivent observer ?

Autre sujet d’étonnement : la grande déconnexion des OPMR vis-à-vis des territoires auxquels ils sont censés être rattachés.

Ainsi, Mme Laurence Mouysset, vice-présidente de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France et présidente de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon, déclarait ne s’être rendu qu’une fois sur ce territoire ultramarin, sur un mandat de cinq ans commencé en 2019 : « En tant que présidente, je travaille essentiellement par visioconférence et, depuis ma prise de fonction, je ne me suis rendue qu’une seule fois sur le territoire, en 2019. » ([498])

De même, le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy reconnaissait que « les contraintes de déplacement, notamment en Guyane, limitent de facto les participations [aux discussions du BQP +] […] Je me rends six à sept fois par an en Martinique, mais seulement une ou deux fois en Guyane » ([499]). « En Guyane, notre budget est limité et ne nous permet pas forcément de faire venir le président de l’OPMR de manière très régulière » expliquait le responsable étude, information, observation et évaluation à la préfecture de Guyane, chargé du secrétariat de l’OPMR de Guyane.

De plus, alors qu’il y avait un président pour chaque territoire, il a été décidé de rassembler les OPMR sous la présidence d’un seul acteur, qui peine depuis lors à accomplir sa mission sur l’ensemble des territoires qui lui sont confiés : « Chaque président d’OPMR est nommé par le président de la Cour des comptes sur proposition du président de la chambre régionale des comptes. Il existe cinq chambres, une par territoire, sur le même modèle que les OPMR. Nous sommes donc dix magistrats pour l’ensemble de ces territoires. Initialement, il y avait trois présidents : un pour la Martinique, un pour la Guadeloupe et un pour la Guyane. Ensuite, un autre président de chambre a choisi de confier l’ensemble des OPMR à un seul magistrat ; puis ceux-ci ont été dédiés au président de section, qui fait aussi office de vice-président de la chambre. L’objectif recherché ici était la spécialisation de ce magistrat, qui peut avoir une expérience sur les cinq territoires. » ([500]) assurait lors de son audition le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

d.   Des observatoires des marges qui n’ont aucun accès aux informations sur les marges

Au fil des auditions, les OPMR sont en effet apparus comme des structures impuissantes pour connaître la réalité du niveau des prix, des marges et des revenus dans les territoires ultramarins.

Il ressort en effet des auditions menées par la commission d’enquête que le mandat confié aux OPMR ne donne que de maigres résultats. Ce paradoxe étant souligné par le rapporteur : « L’OPMR est censé se nourrir d’informations, mais selon ce que vous nous avez indiqué, vous n’avez pas accès aux informations relatives aux marges et aux revenus […] Concrètement, vous avez abandonné, alors que la mission de l’État devrait se poursuivre. » ([501]).

Par exemple, « les OPMR ont tenté de passer des marchés pour mesurer les marges des différents opérateurs de la chaîne de formation des prix. Mais à chaque fois, nous avons au mieux réussi à passer un seul marché » ([502]) assurait le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. « Je n’ai jamais saisi l’Autorité de la concurrence et aucun de mes prédécesseurs ne l’a fait, à ma connaissance. L’OPMR a été associé au BQP+, avec des degrés de participation différents selon les préfectures. En Martinique, la participation est assez importante, mais elle l’est beaucoup moins en Guyane. En Guadeloupe, cela dépend des intervenants » ([503]) reconnaissait-il également. L’activité de chaque OPMR est donc à géométrie variable. Il conviendrait pourtant d’impliquer davantage ces structures dans les négociations du bouclier qualité-prix (BQP) ou dans le dispositif de réglementation des prix des produits de première nécessité que le rapporteur appelle de ses vœux (cf. infra).

Proposition n° 30 : Prévoir que l’accord de réglementation (blocage) des prix des produits de première nécessité, conclu entre l’État et les distributeurs, soit négocié et cosigné par l’observatoire des prix, des marges et des revenus.

De son côté, les représentants de l’OPMR de La Réunion expliquaient également toute la difficulté qu’ils éprouvent pour avoir accès aux marges : « L’étude sur les marges illustre toute la complexité de l’exercice, puisque, par définition, cela fait partie des données qui sont, sans être totalement opaques, du moins relativement cachées, et qui portent sur des éléments que les acteurs économiques n’ont pas tendance à forcément communiquer. Notre difficulté est donc de collecter des informations sur véritablement les marges […] Nous essayons, au-delà de la maîtrise du prix global du panier, d’avoir une visibilité sur les marges des acteurs sur les produits qui participent à la composition de cet outil. Nous sommes tenus à ce qu’ils nous disent, c’est-à-dire qu’ils indiquent que leur marge est une marge minimum, juste pour financer ce qu’ils disent être les coûts de fonctionnement. Nous n’avons pas d’autres moyens de vérifier si les dires de ces acteurs économiques sont avérés, ou pas, au final. […] Concernant les marges en particulier, et c’est toute la difficulté aujourd’hui, la difficulté est de définir la manière d’aborder des études qui permettent, ou qui obligent les acteurs économiques à communiquer leurs éléments d’informations sur les marges. Cela soulève véritablement la question du pouvoir de l’observatoire des prix de contraindre les acteurs économiques à communiquer ces données. Concrètement, nous ne les avons pas. […] Nous avons questionné à plusieurs reprises le service du pôle C (Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie) de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) pour avoir un peu plus d’informations. Or on peut constater que les membres de ce service sont un peu démunis, dans la mesure où ils nous répondent qu’ils ne peuvent qu’appliquer les textes, ce qui est déjà très bien en soi, mais que ces textes ne leur permettent pas de répondre aux demandes de la commission Carburants de l’observatoire des prix de La Réunion. […] Un autre élément bloque un peu concernant la communication de ces éléments. Cet élément réside dans la fiabilité des données fournies. Les textes prévoient que ces acteurs économiques doivent avoir une comptabilité analytique pour dissocier les secteurs réglementés et les secteurs non réglementés. Or ils n’ont pas tous cette comptabilité analytique. Les textes prévoient l’obligation de fournir – je parle surtout pour les stations-service – chaque année les données concernant cette comptabilité analytique et la répartition des résultats en fonction de divers champs. D’abord, tous les acteurs ne communiquent pas ces informations, et, pour ceux qui communiquent ces éléments, ils les communiquent selon des formes diverses, qui donnent déjà un travail au pôle C pour essayer de recouper et d’en faire une analyse, qui est partielle. Toutefois, ces éléments ne permettent pas véritablement à la commission Carburants d’essayer de faire une analyse un peu plus poussée pour pouvoir intervenir sur l’évolution de ce sujet. » ([504])

Ce constat d’impuissance est déploré par le rapporteur de la commission d’enquête : « L’OPMR est un outil d’observation, mais apparemment il observe uniquement les informations que les acteurs privés l’autorisent à voir. » ([505])

De même, l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon « ne rend au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon qu’un avis par an, portant sur le dispositif de bouclier qualité-prix (BQP). Il n’y a pas eu d’avis sur la politique économique ou de cohésion sociale » déclarait sa présidente ([506]).

Par ailleurs, les OPMR ont recours à de l’expertise extérieure pour mener leurs études : « En 2022, nous avons engagé différents types d’étude, notamment grâce à l’appui d’un cabinet d’études extérieur, le cabinet DME, qui nous a permis de travailler sur les marges et la décomposition des prix. […] Le préfet envisage d’engager une étude détaillée sur la structuration des prix, en complément de celle réalisée dans le cadre de l’OPMR. Cette étude, portée par l’État et la collectivité territoriale, impliquera également le cabinet DME. » expliquait notamment la présidente de l’OPMR de Saint-Pierre-et-Miquelon ([507]). Cette externalisation s’explique par un manque de ressources et des contraintes budgétaires accrues.

Enfin, les auditions ont laissé transparaitre un manque d’ambition globale de certains OPMR, comme le soulignait le rapporteur : « L’Autorité de la concurrence déplore un manque de saisine de la part des OPMR. De votre côté, vous avez reconnu ne pas l’avoir saisie. Chaque outil d’État est censé remplir sa part de mission pour éviter que les oligopoles et les monopoles se développent, ce qui est malheureusement le cas actuellement. Or je pense que vous disposez malgré tout d’un minimum d’accès aux informations vous permettant d’avoir des indications sur les positions dominantes dans le transport maritime ou dans d’autres domaines de la vie économique. Pourquoi, sur cette base minimale, ne saisissez-vous pas l’Autorité de la concurrence qui a toutes les prérogatives pour accéder aux informations nécessaires au contrôle ? ». Le président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy répondant : « La saisine de l’Autorité de la concurrence n’a jamais été effectuée par mes prédécesseurs ni par moi-même. Je retiens que je pourrai l’envisager » ([508]).

Le rapporteur de la commission d’enquête regrette de tels manquements et un tel degré d’inactivité : « les cinq OPMR dont vous avez la charge se retrouvent vidés, incapables et totalement impuissants. Cette décrédibilisation de l’État est inacceptable. Il est donc nécessaire de mettre en place des initiatives, d’autant plus que d’autres OPMR fonctionnent ailleurs, même lorsqu’ils manquent de moyens. Je pense […] à La Réunion. La mission de service public que l’OPMR doit assumer ne peut pas être affectée par des manquements aussi importants et une telle inactivité, au détriment de l’intérêt général. Dans nos territoires, la situation est catastrophique en termes de pauvreté et de précarité. […] Il n’est pas normal que l’État, à travers les OPMR, soit absent des problématiques de marge et de revenu dans nos territoires. » ([509])

Cette situation d’inertie est d’autant plus alertant que l’État ne semble pas prendre la mesure du manque de moyen et de résultats des OPMR dans leur ensemble : « Nous partageons pleinement la volonté de développer la concurrence dans les territoires d’outre-mer et d’éviter les phénomènes de concentration, qui conduisent nécessairement à des surcoûts. En la matière, le nécessaire est fait, même si nous pouvons toujours faire davantage. D’abord, nous disposons, en matière de transparence des marges, d’une analyse ciblée et ponctuelle, aussi approfondie que possible, effectuée par l’observatoire des prix et des marges. Nous pouvons lui demander d’accélérer son travail et d’aller encore plus loin : je prends note de votre remarque et nous ferons le nécessaire pour que ces analyses soient plus approfondies « déclarait le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique lors de son audition ([510]).

De son côté, le ministre des Outre-mer déclarait : « Depuis 2019 – je n’y suis donc pour rien –, l’aide octroyée aux OPMR a doublé. Elle atteint 600 000 euros. Je ne suis pas favorable à ce que l’on salarie les personnes qui y participent. Les représentants des services de l’État apportent une dimension professionnelle, et les représentants des consommateurs un côté militant. Si j’avais l’argent pour le faire, je préférerais l’utiliser pour diminuer le prix du transport aérien. » ([511])

Pourtant, face à ces aveux d’impuissance d’institutions qui déplorent ne pas disposer des moyens à la hauteur de l’enjeu crucial qu’elles doivent couvrir sur un périmètre géographique important, le rapporteur estime qu’il conviendrait de revaloriser le budget des OPMR pour leur donner pleinement les moyens d’exercer leurs missions au sein des territoires ultramarins. « Si l’observatoire des prix se voyait doté de moyens supplémentaires en termes de budget, on pourrait imaginer des suivis beaucoup plus réguliers sur l’évolution des prix. Ce travail se ferait en liaison avec l’Insee, chargée des calculs sur l’inflation, et avec des professionnels ; mais cela supposerait un budget supplémentaire […] Pourtant, je pense qu’au niveau budgétaire les sommes ne seraient pas énormes. Une étude vaut entre 25 000 et 30 000 euros. À supposer que l’on veuille réaliser trois ou quatre études par an, nous ne parviendrions même pas à 100 000 euros, pour obtenir des études du même type que celles qui ont été réalisées l’année dernière, et qui ont fait beaucoup de bruit, simplement parce qu’elles ont mis en évidence des comportements qui pouvaient être préjudiciables aux consommateurs » assurait le président de l’OPMR de La Réunion ([512]).

Proposition n° 31 : Doter chaque observatoire des prix, des marges et des revenus d’un budget propre dont son président serait l’ordonnateur.

Lors des auditions des différents OPMR et dans le cadre des entretiens qu’il a pu mener sur place, le rapporteur a cherché à déterminer quel serait le moyen de déterminer de manière adéquate les frais permettant à une structure de mission telle qu’un OPMR de fonctionner au quotidien mais aussi de commander des études et des expertises auprès d’experts extérieurs. Selon le ministre délégué chargé des Outre-mer, le coût des 11 OMPR existants serait de l’ordre de 600 000 euros ([513]).

Le rapporteur a conçu une formule de revalorisation et de détermination du budget à allouer à chaque OPMR, fondé sur une allocation socle de 50 000 euros et une part représentative de la population de chaque territoire, de l’ordre de 25 centimes par habitant.

Dans ce cadre, le budget global de l’ensemble des OPMR des dix territoires ultramarins doublerait, pour dépasser légèrement un million d’euros, ce qui semble un montant raisonnable pour les finances de l’État.

pROPOSITION DE dÉtermination DU BUDGET DES OPMR

(en euros)

Territoire

Nombre d’habitants

Budget de base

Budget indexé sur le nombre d’habitants

TOTAL

Réunion

873 102

50 000 €

218 275 €

268 275 €

Guadeloupe

375 845

50 000 €

93 961 €

143 961 €

Martinique

347 686

50 000 €

86 921 €

136 921 €

Mayotte

310 022

50 000 €

77 505 €

127 505 €

Guyane

301 099

50 000 €

75 274 €

125 274 €

Saint-Martin

32 358

50 000 €

8 089 €

58 089 €

Wallis-et-Futuna

11 558

50 000 €

2 889 €

52 889 €

Saint-Barthélemy

10 585

50 000 €

2 646 €

52 646 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 092

50 000 €

1 523 €

51 523 €

TOTAL

 

 

 

1 017 086 €

Proposition n° 32 : Déterminer le budget annuel des OPMR en additionnant un socle de 50 000 euros et une somme variant en fonction de la population.

Rien n’interdira, dans ce cadre, à plusieurs OPMR d’organiser en commun la réalisation d’études, dans les règles de la commande publique.

e.   Un exemple réunionnais à suivre : l’OPMR peut-il jouer un rôle de modèle ?

Lors des auditions, l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion s’est démarqué par son volontarisme. L’OPMR de La Réunion a par exemple établi une convention avec la direction régionale de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) à La Réunion. Dans ce cadre, l’Insee les associe à un certain nombre d’études et exécute pour leur compte, à titre gratuit, une étude par an : » cette année, l’étude portera sur la précarité à La Réunion » expliquait le président de l’OPMR de ce territoire ([514]).

« Nous avons beaucoup travaillé sur les prix ; il nous faut travailler un peu plus sur les revenus, ce à quoi nous nous attachons depuis cette année […] Nous avons, de ce fait, beaucoup travaillé sur les prix, notamment par des études réalisées sur la grande distribution et sur les impacts potentiels sur des rachats, par exemple, pour examiner ces points en termes de situation de marchés et de concurrence » déclarait Jocelyn Cavillot, vice-président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion ([515]). L’OPMR a institué plusieurs ateliers et commissions, qui travaillent de trois à cinq membres et qui rédigent ensuite un rapport qui est rendu public. Un site dédié a par ailleurs été créé, avec l’ensemble des rapports publiés par l’OPMR, ce qui n’est pas le cas de tous les autres OPMR.

L’OPMR se retrouve à l’intersection des corps constitués – élus, chambres consulaires, collectivités locales, organisations syndicales, associations de consommateurs. Depuis 2019, des citoyens tirés au sort participent aux travaux de l’OPMR de La Réunion, l’objectif étant de donner une dynamique supplémentaire au fonctionnement de l’observatoire.

L’OPMR de La Réunion a, quant à elle, saisi l’Autorité de la concurrence à plusieurs reprises : « nous avons saisi l’Autorité de la concurrence concernant l’étude que nous avons menée l’année dernière sur le secteur de la grande distribution, pour avoir un certain nombre de précisions de sa part. L’Autorité de la concurrence s’était prononcée avant le mouvement de rachat d’un certain nombre d’hypermarchés par un des grands acteurs de la grande distribution de La Réunion. Malheureusement, l’Autorité de la concurrence nous a opposé le secret de son activité, et elle n’a pas entendu nous donner de réponse et nous autoriser à auditionner la personne qu’elle avait mandatée à La Réunion pour suivre le déroulement du plan qu’elle avait mis en place, avec les obligations qu’elle avait formulées pour le repreneur ou l’acheteur des quatre hypermarchés à La Réunion.

« Nous avons saisi également à plusieurs reprises l’Autorité de la concurrence, mais visiblement celle-ci ne tient pas trop à jouer le jeu d’un dialogue avec l’observatoire des prix de La Réunion. […] Sur les carburants, tel a été le cas deux fois. Sur la grande distribution, nous avons saisi l’Autorité de la concurrence sur ces éléments. Nous n’avons pas eu de réponse. Nous sommes d’ailleurs en attente d’une réponse concernant une saisine sur le carburant pour une pratique anticoncurrentielle. Nous l’avons également saisie sur la grande distribution ; nous n’avons pas eu de réponse, mais il faut rappeler aussi que l’affaire est en cours. » ([516])

Il est donc crucial de revaloriser les OPMR pour qu’ils puissent jouer un rôle de premier plan dans la détection de renchérissement anormal du coût de la vie dans les territoires ultramarins. Doté d’un budget propre, l’OPMR de La Réunion pourrait ainsi fournir un modèle à suivre par les autres observatoires.

3.   Le Délégué interministériel à la concurrence : une autre institution sans mission et sans moyens

La commission d’enquête a également tenu à entendre le délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, nommé en décembre 2018, pour faire le bilan de son action : « J’ai accepté ma mission, fin 2018-début 2019, consistant à essayer de développer la concurrence dans les marchés ultramarins. Je rappelle que cette mission visait à donner corps à une promesse que le Président de la République avait faite à ses interlocuteurs ultramarins qui stigmatisaient le déficit de concurrence et l’empire des grands groupes sur les départements » a ainsi déclaré M. Francis Amand lors de son audition ([517]).

Pourtant, le délégué interministériel à la concurrence a fait part de sa grande désillusion vis-à-vis de la mission qui lui a été confiée : « L’exécution de ma mission n’a pas été aussi idyllique que ce que j’avais imaginé, je vous le concède tout de suite. Mon action a été relativement modeste, mais pas absente, même si elle n’a pas été extrêmement visible. En tout état de cause, elle a été moins importante que celle que j’aurais voulu pouvoir mener, parce que la question des moyens est cruciale. […] C’est vrai que lorsque je suis arrivé en début 2019, j’avais espoir d’avoir les moyens de regarder la chaîne de valeurs d’un certain nombre de produits qui auraient été par exemple désignés par les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), de remonter les choses et de voir effectivement comment les prix se formaient. J’ai commencé à le faire. Notamment, j’ai regardé la chaîne de valeurs des produits importés, qui permet de voir les remises de fin d’année qui ne bénéficient jamais aux consommateurs. C’est un travail de détail, mais il faut rentrer dans les comptes. Je ne peux pas saisir les comptes des entreprises et je dépends de ce qu’on me dit. Je pensais que j’arriverais à le faire, mais très vite, je me suis aperçu que je n’aurais pas les moyens. Ou alors, il aurait fallu que j’abandonne des missions que j’avais par ailleurs. » ([518])

Il insiste ainsi, comme les OPMR, sur un véritable manque de ressources, notamment en termes de moyens humains : « Je n’ai pas de moyens. Je suis un homme seul. » ([519]) Il explique pourtant avoir réclamé plus de ressources pour l’aider à accomplir sa mission, sans résultats : « J’ai réclamé dès le départ une personne supplémentaire pour m’assister dans mes travaux concernant l’Outre-mer […] j’ai réclamé des moyens à plusieurs reprises, mais je n’ai jamais pu les obtenir alors que j’avais des candidats. Je peux même raconter une anecdote. J’avais trouvé une personne que la délégation à l’encadrement supérieur de Bercy me mettait à disposition. Cette personne, tout à fait compétente, connaissait l’Outre-mer parce qu’elle avait été sous-préfète à Saint-Pierre-et-Miquelon, et se disait très motivée. Nous n’avons jamais réussi à trouver le régime indemnitaire qui lui aurait permis d’être payée pour cette mission. C’est dommage, parce qu’avec ce renfort, nous avions vraiment commencé à travailler de manière plus active. » ([520]) Par ailleurs, lorsque la commission d’enquête l’interroge sur les moyens humains, matériels et juridiques dont il dispose, il répond : « En pratique aucun – même si les services de la DGOM sont toujours prêts à m’aider. J’ai eu temporairement un bureau et une adresse mèl à la DGOM; et un accès conservé à la revue de presse et au réseau Resana des OPMR. […] Aucun moyen juridique me permettant d’exercer une supervision ou une coordination des différents départements ministériels concernés. » ([521])

Il explique également devant la commission d’enquête que sa mission de délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer n’était que subsidiaire à ses autres responsabilités : « Mes travaux concernant l’Outre-mer […] n’étaient qu’une partie de mes missions, puisque j’avais des missions aussi de contrôle financier et de médiation dans les filières agricoles. J’étais très sollicité dans ces activités-là et donc je ne consacrais pas un plein temps à l’Outre-mer. En 2019, j’ai fait quasiment un mi-temps sur l’Outre-mer. En 2020, j’ai plutôt fait un tiers-temps. Cela s’est un peu diminué au fur et à mesure. » ([522]) Il a en effet communiqué à la commission d’enquête les informations suivantes concernant la part de temps qu’il consacrait à cette mission : « 2019 : 40 % ; 2020 : tiers temps ; 2021 : 20% ; 2022 : 15%. » ([523])

L’audition a révélé, comme pour les OPMR, une certaine déconnexion des acteurs avec les territoires ultramarins, M. Francis Amand reconnaissant lui-même ne pas travailler sur tous les territoires : « Non, c’est une autre difficulté, puisque je suis à Paris. Les réunions s’effectuent en visioconférence » ([524]). De plus, il reconnaît avoir fait peu de déplacement sur place, faute de budget : « Je suis allé deux fois à La Réunion, dont une fois avec Mme Girardin. Je ne suis pas allé ailleurs puisque je n’avais pas de crédits de mission. Par contre, j’ai eu des contacts avec les représentants du patronat antillais lors de leur passage à Paris. J’essayais de nouer des contacts comme cela » ([525]).

Par ailleurs, sa mission, mal définie dès le départ, aurait été amoindrie : « Ma mission de délégué interministériel à la concurrence s’est changée en délégué à la surveillance des prix, ce qui n’est pas la même chose. Avec notamment l’obtention de la part des opérateurs d’engagements vertueux ou de modération des prix. » ([526])

Il énumère ainsi les obstacles qui auraient empêché le bon déroulement de sa mission :

« Je dois dire que j’ai eu du mal à avancer. Quand vous voulez faire changer le régime de dédouanement à la direction générale des douanes, vous vous heurter assez vite à des réticences administratives, mais je l’ai fait et des choses ont été faites […]. S’agissant des obstacles rencontrés, je peux donner trois exemples.

« Sur la vente à perte, on m’a dit non, c’est tabou, on ne va pas commencer à détricoter le code de commerce avec des choses particulières. On me disait aussi que l’opposition à la vente à perte visait à éviter que le petit commerce souffre par rapport aux grands. Je leur disais qu’il souffrait déjà et que cela ne changeait pas grand-chose. Si vous voulez défendre le petit commerce, pourquoi n’utilisez-vous pas la disposition de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer dite "loi Lurel" qui permet d’obliger, dans plusieurs départements d’outre-mer, les grands commerçants à faire des tarifs de gros aux petits ? Cette disposition me semblait assez intelligente, mais elle n’a pas été mise en œuvre. Il y avait donc des solutions.

« J’ai fait des propositions pour traiter les concentrations spécifiques à l’Outre-mer en donnant au ministre, donc à l’action publique, plus de pouvoir. On m’a dit non, parce que le droit à la concurrence doit être exempt de tout soupçon d’intervention publique. C’est un tabou en droit de la concurrence. Donc là aussi, on ne voulait pas.

« J’ai aussi fait des propositions pour donner plus de puissance au bouclier qualité-prix (BQP), sur son champ et son objectif. Un article de la loi Lurel qui traite du BQP spécifie que lorsque le préfet n’est pas satisfait de la négociation ou du résultat de la négociation, il peut imposer des choses. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Essayez d’utiliser tous les outils de la loi Lurel. Cela n’a pas été utilisé. De même, le tarif de gros n’a pas été utilisé. L’injonction structurelle n’a pas été utilisée. La réécriture de différents articles de la loi Lurel pourrait les rendre plus efficaces. J’avais toujours des oppositions de droit ou de conception de l’intervention des pouvoirs publics dans l’économie. Si vous avez des conceptions extrêmement libérales, vous considérez que le ministre doit intervenir le moins possible. […] Quand on ne veut pas changer, on trouve toujours des raisons. J’ai proposé mes idées, mais la décision revient à Bercy. » ([527])

Il évoque ainsi une efficacité réduite compte tenu de la réticence des services de l’État à modifier leurs pratiques, des contraintes de la crise sanitaire et de l’absence de renfort à compter de fin 2020.

Le délégué interministériel a, dans ce cadre, longuement insisté sur son impuissance : « je n’avais pas de moyens, je n’avais pas autorité sur les services de la DGCCRF, je n’avais autorité sur personne. Donc c’est difficile dans ces cas-là de faire des choses. […] J’ai une lettre de mission, mais pas de position institutionnelle. C’est bien la difficulté. Je n’ai pas autorité pour faire ceci ou cela. Je ne peux faire que de la suggestion aux gens qui décident. […] Je n’avais pas autorité, autre que morale, pour faire changer les choses ». Il parle d’un rôle de « conseil, de boîte à idées », mais insiste sur son manque de pouvoir de coercition : « je n’avais pas de pouvoir d’investigation, de pouvoir de commandement sur les gens qui ont des pouvoirs d’investigation » ([528]).

L’ensemble de ces insuffisances ont de facto mené à une carence de résultats : « J’ai fait beaucoup de propositions qui me semblaient de nature à permettre un accroissement de la concurrence, mais je n’ai pas réussi à les faire passer. Peut-être ai-je manqué de qualité de conviction. […] J’ai beaucoup œuvré, et sans succès à nouveau, pour que le ministre demande un examen approfondi des concentrations SAFO et NG Kon Tia en Guyane ou GBH et Vindémia, et puisse même se réserver la possibilité d’évoquer l’affaire de manière à imposer aux opérateurs des engagements de cession plus importants ou des engagements comportementaux. » ([529])

Il déplore également son isolement institutionnel : « Aucun indice d’entente ou d’abus de position dominante ne m’a été transmis, la DGCCRF n’impliquant pas – malgré mes demandes – le délégué dans la chaîne de traitement de ces indices. Cette situation résulte probablement de ce que l’administration locale n’a fait aucune promotion du délégué auprès des acteurs. » ([530])

Il mentionne en outre son impossibilité d’alerter directement l’Autorité de la concurrence, même lorsqu’il pouvait repérer d’éventuelles situations anticoncurrentielles : « Je n’ai pas le pouvoir de saisir l’Autorité. Ce pouvoir est limité à un certain nombre d’opérateurs. » ([531])

Son audition a également témoigné d’un manque d’ambition et de réticences récurrentes des différentes structures de l’État : « J’avais des contacts réguliers avec les collègues des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) ultramarines, mais je ne pouvais rien leur imposer. J’avais des contacts réguliers avec les cabinets des ministres pour rappeler l’ambition gouvernementale de développer la concurrence en Outre-mer, de faire des choses pour SAFO et NG Kon Tia ou pour GBH et Vindémia. Ils ne m’ont pas suivi, ce que je peux comprendre. Ils ont reconnu qu’il y avait un intérêt, mais ont estimé qu’il ne fallait pas mettre le pied dans un chemin qui va les amener à être sollicités à tout moment. » ([532])

Face à ces difficultés, le délégué interministériel à la concurrence explique avoir proposé à l’automne 2022, avec l’appui du ministre chargé des Outre-mer, une nouvelle lettre de mission, plus complète, lui permettant notamment d’avoir accès aux données fiscales et d’avoir recours aux services locaux et centraux pour identifier les freins à la concurrence ainsi que les barrières à l’entrée de nouveaux acteurs. Cependant, il explique que « la démarche n’a pas été finalisée parce que les administrations rechignent. Elles se demandent ce qu’est cet objet administratif non identifié qui vient faire la mouche du coche, demander de travailler dans certains sens, bousculer les procédures. » ([533])

Cette nouvelle lettre de mission n’aurait pas été finalisée car le ministre des Outre-mer aurait manifesté un changement d’approche : « Le ministre a par ailleurs considéré que le développement de la concurrence n’était pas le moyen le plus efficace de faire baisser rapidement les prix compte tenu des structures des marchés et du manque de compétitivité des opérateurs et que des résultats pouvaient être obtenus en invitant les principaux opérateurs à s’impliquer davantage en ce sens. J’ai pris acte de ce changement d’approche et confirmé au ministre que je m’y ralliais avec enthousiasme. » ([534])

À défaut de mettre fin à cette fonction, il apparaît nécessaire de formaliser son rôle.

Proposition n° 33 : Définir le rôle du délégué interministériel en lui confiant une mission à plein temps d’investigation et d’alertes, en recourant aux moyens des Deets, et d’animer les institutions chargées de la concurrence dans les Outre-mer, dont les OPMR.

4.   Une proximité parfois troublante entre certains responsables politiques et économiques, laissant peser un soupçon d’influence

Au cours des auditions menées par la commission d’enquête, s’est fait jour une proximité entre certains responsables politiques et les grands groupes économiques, d’une nature telle qu’elle contribue à faire peser un soupçon d’influence et de dépendance réciproque.

L’ancien ministre des Outre-mer, M. Victorin Lurel, a ainsi témoigné devant la commission d’enquête des pressions dont il a été la cible : « Le Président de la République M. François Hollande, mon ami, et le Premier ministre M. Jean-Marc Ayrault, mon camarade socialiste, sont venus me voir après le lobbying de Total. J’ai présenté ma démission ce jour-là pour démontrer que je ne céderai pas sur ce point. Je demandais la suppression de 5 euros et pouvais faire un compromis à 3,65 dollars. Il me semble que le tarif a été fixé à 4,7 euros après mon départ du ministère, ce qui contribue à la vie chère, au prix des carburants. […] dans cette affaire, j’ai constamment été confronté aux lobbys à l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), que j’ai vue à la télévision dans des négociations avec les grandes surfaces pour le sucre. » ([535]) Les grands acteurs économiques ont ainsi, semble-t-il, les moyens de faire plier un ministre de la République en s’adressant où il faut.

L’ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, M. Max Dubois, insistait ainsi lors de son audition sur les connivences qu’il a pu observer entre le ministère des Outre-mer et les grands groupes, tels que le Groupe Bernard Hayot (GBH) qui contrôle une part déterminante des marchés de la grande distribution alimentaire, de la distribution automobile et des activités industrielles : « Ces lobbys […] bénéficient de la connivence du monde politique. […] Je me rappelle avoir dit un jour à mon ministre, qui fut jadis un ami, qu’il en était à sa sixième ou septième réception avec Bernard Hayot et qu’il y a tout de même d’autres gens à voir, qui sont aussi de puissants acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer ! De même, quand, en plein Oudinot du pouvoir d’achat, le même Jean-François Carenco commence par expliquer aux journalistes qu’il vient d’avoir Bernard Hayot au téléphone, tout le monde m’appelle pour me demander si M. Hayot ne serait pas mon véritable patron ! Cette connivence est intolérable. L’action publique doit être menée par des personnes guidées par le souci de l’équité, et non par une fascination pour l’argent ou la réussite. Dans les affaires dont je vous parle, on n’est jamais hors-la-loi, mais souvent en marge de la morale. » ([536])

Interrogé sur ces déclarations, le délégué général adjoint d’Eurodom et dirigeant du cabinet de lobbying Action Europe, M. Benoit Lombrière déclarait : « J’ignore ce que signifie "connivence politique avec le ministère des Outre-mer". Nous travaillons avec le ministère de l’Outre-mer, le ministère de l’agriculture, quelles que soient les majorités politiques. » ([537])

Cette pression des grands groupes apparaît délétère dans un contexte déjà marqué par une grande défiance des ultramarins vis-à-vis des élites économiques et politiques. L’écart semble en effet continuer de se creuser entre les territoires dits d’outre-mer, faisant pleinement partie de la République, et la France hexagonale, renforçant d’autant plus la souffrance ressentie par les populations ultramarines du fait du coût de la vie.

Le sentiment de déconnexion des décisionnaires, implantés en France hexagonale, vis-à-vis des problématiques réellement subies par les Ultramarins, ajoute encore au mécontentement et à la crispation sociale. Ainsi, tandis que le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique déclarait lors de son audition : « Je partage la volonté de développer la concurrence, car c’est ce qui fait baisser les prix. Beaucoup de choses ont déjà été faites et nous sommes évidemment ouverts à toutes les améliorations et à tous les renforcements possibles » ([538]), certains membres de la commission d’enquête ont tenu à souligner l’écart entre la réalité observée et les propos avancés.

En ce sens, le député de La Réunion, M. Frédéric Maillot, interpellait le ministre : « Monsieur le ministre, vous vous dites favorable à une plus grande concurrence, mais il y a une grande différence entre ce que vous dites et ce qui est fait. À l’issue de la crise des gilets jaunes – et c’était tout un symbole pour nous l’État a en effet donné son aval pour que le Groupe Bernard Hayot rachète le groupe Vindémia, ce qui met La Réunion en situation duopolistique. » ([539])

De son côté, le rapporteur de la commission d’enquête déclarait lors de l’audition du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : « Vous avez évoqué l’idée de garantir la concurrence mais, faute de moyens, les OPMR ne disposent d’aucun élément relatif aux marges et aux revenus. Le délégué interministériel à la concurrence, isolé, ne peut rien faire. Quant à l’injonction structurelle, elle est très insuffisamment utilisée. Il n’y a donc, malgré les indicateurs que vous avez donnés, pas de moyens concrets pour actualiser notre connaissance de la réalité de tous les mécanismes de transferts de marges, de surmarges et, surtout, d’accumulation de marges. » ([540])

Pour le rapporteur, le pouvoir politique doit s’émanciper de la pression des grands groupes économiques pour défendre l’intérêt général des populations et agir avec justice ; les règles encadrant les relations avec les représentants d’intérêts doivent ainsi être renforcées de manière à garantir la transparence dans les liens et les relations entre décideurs publics et décideurs économiques.

Proposition n° 34 : Rendre publics et faire contrôler par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les liens et les échanges entre décideurs publics et représentants d’intérêts.

C.   Le constat du rapporteur : des politiques publiques qui n’ont pas pris la mesure des enjeux

Le constat fait par le rapporteur tend ainsi à confirmer l’idée d’une consolidation des oligopoles et des monopoles : d’une part il y a toujours moins d’acteurs sur les marchés essentiels, tels que ceux de la grande distribution ou du transport aérien ; d’autre part il y a toujours plus de concentrations économiques, qu’elles soient horizontales ou verticales.

Le rapporteur ne peut que constater qu’il s’agit avant tout d’agissements d’acteurs visant à protéger leurs marchés captifs, sous la supervision d’un État aveugle et sourd. Les nombreuses structures étatiques, censées assurer un degré minimum de concurrence et surveiller le niveau des prix, des marges et des revenus, apparaissent impuissantes pour accomplir leur mission du fait d’une insuffisance de moyens humains, temporels, matériels, voire juridiques, mais aussi d’un manque de volonté politique de l’État.

Les marchés ultramarins restent captifs et les secteurs économiques sont peu productifs et peu concurrentiels.

Or dans certains marchés, la stimulation de la concurrence a abouti à une baisse réelle des prix ; le cas de la téléphonie mobile suffit à l’illustrer.

L’État n’a pas mis en place les moyens pour connaitre et combattre ces agissements.

Cette voracité économique, couplée à un renchérissement des prix lié à des déterminants structurels et conjoncturels, conduit nécessairement à un accroissement des inégalités de niveau de vie, vis-à-vis de la France hexagonale comme au sein même des territoires ultramarins.

Cette situation, de nature à exacerber les crispations sociales, déjà fortement présentes dans ces territoires éloignés du pouvoir central, n’est pas acceptable pour le rapporteur de la commission d’enquête. Il convient dès lors d’avancer urgemment vers une nouvelle approche et un nouveau modèle économique pour les territoires dits d’outre-mer, encourageant notamment la production locale et la concurrence sur les marchés ultramarins, pour répondre aux nombreuses préoccupations de ces territoires.

Si le rapporteur a plusieurs propositions à faire pour atteindre ces résultats, cela ne pourra que venir par une prise de conscience et une action forte des Ultramarins : aussi le rapporteur souhaite que dans chaque territoire, des États généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat soient organisés, en réunissant représentants de l’État et des collectivités locales, représentants des entreprises et des travailleurs, acteurs de la défense du consommateur, forces vives de la société civile et associations, experts et chercheurs universitaires, dont les membres des OPMR, pour trouver ensemble des solutions plus adaptées aux réalités de leur territoire.

Proposition n° 35 : Organiser dans les douze mois dans chaque territoire ultramarin des États généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat Outre-mer.

 


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IV.   La nÉcessitÉ de renouveler les outils et les solutions

A.   Stimuler la concurrence en accordant des facilitÉs temporaires aux nouveaux entrants

1.   Des marchés fermés

La situation des marchés ultramarins, spécifiques, fermés et captifs est bien résumée par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) : « Les DROM sont marqués par une spécialisation productive historiquement développée autour du secteur agricole et en particulier centrée sur les monocultures d’exportation. Cette modalité d’insertion dans la division internationale du travail s’aligne sur les principes de l’économie de plantation […]. Cette relation d’échange privilégiée assortie de dispositifs de protection marchands en faveur des économies périphériques a structuré un ordre économique non concurrentiel, transformant ces économies en marchés captifs (de type oligopolistique voire quasi-monopolistique pour certaines catégories de produits avec pour conséquence un niveau élevé de prix et une faible diversité de l’offre) et non compétitifs. » ([541])

Ainsi, « on constate un accaparement des richesses par une seule partie de la population, donc une situation oligopolistique, une absence de concurrence, ce qui exerce un effet important sur les prix et donc directement sur le pouvoir d’achat des populations de la France d’Outre-mer » ([542]).

Le caractère captif des marchés va de pair avec l’absence d’incitation à réaliser des gains d’efficacité pour faire baisser les prix.

Ainsi, les acteurs de la distribution interrogés par la commission d’enquête ont pu reconnaitre que certains de leurs concurrents avaient un mode d’approvisionnement plus efficient, mais sans en tirer la conclusion qu’ils pourraient s’en inspirer pour faire baisser les prix au profit du consommateur.

La captivité et l’accaparement des richesses s’expriment aussi dans la concentration du foncier aux mains d’un petit nombre d’acteurs privilégiés, entravant ainsi le développement d’une agriculture tournée vers les territoires et non vers l’exportation.

Ces phénomènes sont autant de limites à l’émergence de nouveaux acteurs économiques pour stimuler la concurrence.

2.   Stimuler la concurrence

a.   Encourager la création de TPE-PME locales et favoriser la démocratie économique

Dans de telles conditions, il est très difficile de créer une activité économique à même de permettre un accroissement de la concurrence, même en tant que petite et moyenne entreprise (PME) voire très petite entreprise (TPE). En témoigne la hausse du nombre de défaillances d’entreprises en Outre-mer, supérieur aux chiffres de l’Hexagone.

DÉfaillances des entreprises ultramarines

 

Aux difficultés liées à la structure économique de ces territoires s’ajoute des démarches longues et parfois elles-mêmes facteurs de complication.

En témoigne l’exemple des créateurs de l’entreprise Le Meunier des Antilles, qu’une délégation de la commission d’enquête a pu rencontrer en Martinique en mai 2023.

Il s’agit d’un projet familial et local porté par MM. Patrice Carreau Gaschereau, gérant, et Sébastien Dormoy, directeur général, visant à concurrencer, sur le marché de la production de farine de blé, l’opérateur historique dominant le marché martiniquais et son équivalent guadeloupéen. En Martinique, la nouvelle entreprise ambitionne d’occuper 30 % de ce marché, en fournissant principalement boulangers et restaurateurs.

Le projet est un succès : au cours des douze premiers mois, 170 conteneurs de blé ont été importés, 3 400 tonnes de farine ont été fabriquées et 14 emplois ont été créés. Les prix de vente sont restés stables depuis la création de l’activité en mai 2022.

MM. Carreau Gaschereau et Dormoy relèvent néanmoins les nombreux problèmes logistiques inhérents à la création d’une activité économique dans ce territoire :

– le stockage, qui, dans l’hypothèse où l’approvisionnement par bateau est interrompu quelle qu’en soit la raison, doit être d’au moins un mois ;

– les quantités minimales de commande imposées par les fournisseurs en raison de l’étroitesse du marché ;

– le coût du transport inter-îles de la marchandise produite en Martinique pour accéder à d’autres marchés (Guadeloupe : 8 % du prix ; Saint‑Martin : 9,6 % du prix ; Guyane : 12,7 % du prix) ;

– l’opacité de la surcharge carburant (BAF), élément important du coût d’approche ;

– l’octroi de mer ;

– le manque de main d’œuvre qualifiée.

Ces facteurs imposent aux entreprises ultramarines de disposer d’une trésorerie conséquente avant même le plein lancement de leur activité. Cette trésorerie leur est de surcroît nécessaire pour faire face aux éventuelles difficultés administratives qu’elles peuvent rencontrer au cours de leur processus de création.

Ainsi, en l’espèce, le processus a été freiné par le refus de la direction régionale des finances publiques (Drfip) d’accorder au projet l’agrément nécessaire au bénéfice de certains dispositifs d’incitation fiscale. Cette décision a été attaquée devant le tribunal administratif, qui a enjoint à la Drfip d’accorder cet agrément au projet. Les entrepreneurs ont dû ensuite former, avec succès, un recours gracieux contre la décision de la collectivité territoriale de Martinique de classer sans suite la demande de soutien à ce projet, prise à la suite du refus de l’agrément fiscal. Ces difficultés particulières s’ajoutent à la complexité inhérente à la procédure de demande d’un permis de construire pour l’usine et d’une aide au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER). Au total, quatre années ont séparé le dépôt des dossiers de demande de financement (juillet 2018) du début de l’activité commerciale (avril 2022).

Ainsi, pour encourager la création de PME locales, le rapporteur estime qu’il est impératif que l’ensemble des acteurs administratifs impliqués assurent un traitement plus simple et plus rapide de demandes de financements et de subventions, afin de ne pas faire peser sur la trésorerie des entreprises en cours de création une charge qu’elles ne peuvent supporter.

Proposition n° 36 : Simplifier les procédures et raccourcir les délais d’instruction pour les financements et subventions aux TPE et PME.

b.   Atteindre un objectif de développement endogène

L’un des objectifs de l’appel de Fort-de-France est d’« instaurer une nouvelle politique économique fondée sur [les] atouts, notamment géostratégiques et écologiques » des territoires ultramarins.

Les outils, les moyens et les compétences permettant à ces territoires d’accéder à un développement économique, offrant à l’ensemble de leurs habitants l’espoir d’accéder à une réelle prospérité, doivent être pensés et maîtrisés par ceux qui les habitent. Cela passe par le développement d’une ingénierie locale, connaissant le territoire et ses spécificités, afin de contribuer au mieux à sa mise en valeur. Il n’est en effet pas possible de chercher à agir pour le développement économique de ces territoires en en ignorant les réalités et en mettant de côté les entreprises locales, qui les connaissent le mieux.

C’est ce qu’explique M. Max Dubois lors de son audition, citant comme exemple le domaine des travaux publics : « Il existe dans les territoires d’outre-mer un certain nombre d’entreprises de bâtiment et travaux publics solides, puissantes, respectant la réglementation et disposant des capacités techniques nécessaires pour accéder aux marchés, mais ces derniers sont le plus souvent attribués à des groupes hexagonaux, qui utilisent ces entreprises comme des sous-traitants. Les conglomérats qui viennent pomper la richesse de ces territoires n’y sont donc pas nécessairement implantés. » ([543])

Le développement économique des Outre-mer ne peut être qu’un développement endogène, profondément attaché aux réalités et aux atouts de chaque territoire et à la nécessité de faire vivre leurs économies.

Il passe aussi nécessairement par une véritable volonté politique d’en reconnaître les richesses et de les exploiter : tourisme, agriculture, énergies renouvelables, pêche, etc. sont autant de possibilités de faire vivre économiquement les Outre-mer à travers le savoir‑faire de leurs habitants.

3.   Aider les nouveaux entrants de manière temporaire

Sur les marchés en situation d’oligopole, la concurrence ne peut être stimulée que par l’arrivée de nouveaux acteurs, malheureusement entravée par les nombreuses difficultés évoquées supra.

Ainsi, l’arrivée de Free sur le marché des télécoms a par exemple permis, dans les Outre-mer, de faire baisser les prix des différents services.

De même, à La Réunion, une note fournie à la délégation de la commission d’enquête par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) a permis de démontrer comment l’arrivée en 2012 d’un troisième acteur économique sur le marché du ciment a conduit, en concurrençant le duopole alors en place, à une baisse significative des prix : « Un nouvel acteur arrive sur le marché et connait des problèmes de conformité de son ciment, que les acteurs historiques s’empressent de dénoncer auprès du Pôle C de la Dieccte. Une fois ces problèmes résolus, Vishor pénètre rapidement le marché, en proposant un produit de qualité et un tarif de gros particulièrement compétitif. Cependant, les distributeurs ne répercutent pas intégralement cet avantage tarifaire, pour augmenter leurs marges. Il est à noter un élément important: à La Réunion, se commercialise alors la tonne de ciment la plus chère du monde : entre 200 et 220 euros la tonne […] En 2016, malgré le duopole Teralta-Holcim, la société Vishor a conquis des parts de marché et est considérée comme une alternative sérieuse pour l’achat de ciment. D’autant plus qu’elle a diversifié son offre, avec 3 types de ciment. Les deux acteurs dominants n’ont eu d’autre choix que de baisser leurs prix de vente. Le prix de la tonne de ciment a baissé drastiquement : elle se commercialise entre 150 et 190 euros. » ([544])

Le rapporteur estime qu’il pourrait en être de même dans le domaine de l’aérien, avec la création d’une quatrième compagnie aérienne dans la Caraïbe. Ce projet, dénommé « Toucan » et porté par le Conseil représentatif des français d’Outre-mer (Crefom) avec l’expertise d’Airbus consulting, devrait reposer à 40 % sur des financements publics, dont 29 % de l’État.

Proposition n° 37 : À l’instar du projet Toucan, favoriser la création d’une nouvelle compagnie aérienne par zone océanique (océan Atlantique, océan Indien, océan Pacifique) pour développer la concurrence.

De façon générale, le rôle des pouvoirs publics est en effet prépondérant dans la capacité des nouveaux entrants à pénétrer un secteur économique. Dans le contexte difficile des économies ultramarines, des dispositifs permettant aux nouveaux entrants de bénéficier d’une aide temporaire des pouvoirs publics devraient donc être créés.

Ainsi, pour créer une nouvelle compagnie aérienne en capacité de concurrencer les compagnies desservant les Outre-mer, il est nécessaire qu’elle puisse opérer à partir de l’aéroport de Paris-Orly. Or, le nombre de vols opérables depuis cette plate-forme étant contingenté et les créneaux de décollage étant reconduits aux compagnies présentes historiquement sur la plateforme, un nouvel entrant ne pourra s’y implanter – ou devra racheter des droits de décollage à une compagnie déjà présente, dans des conditions légales discutables, s’agissant d’une autorisation administrative, et à un prix important.

En parallèle, l’efficacité des dispositifs existants et leur capacité à dynamiser les économies ultramarines, notamment en matière de concurrence, doivent être évaluées. En toute hypothèse, aucun mécanisme d’aide publique aux acteurs économiques ne doit financer les monopoles et oligopoles en place, ni leur permettre de se renforcer.

En effet, comme le soulignait Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer : « Les barrières à l’entrée sur les marchés sont toujours aussi importantes. Il faut trouver des moyens de faire tomber les barrières. M. Thierry Dahan, qui a été rapporteur général de l’Autorité de la concurrence et conseiller spécial de M. Lurel pour la loi, avait déclaré que la concurrence supposait la présence de concurrents. On a du mal à les faire naître. Pour les faire naître, il faut de temps en temps redistribuer les cartes. L’injonction structurelle permet de casser des oligopoles. Il faut aussi faciliter l’entrée dans tous les sens. De nombreuses aides bénéficient aux entreprises ultramarines et il convient de les utiliser en faveur des nouveaux entrants, sans que ce ne soit toujours les mêmes acteurs. C’est un travail régulier de bureau. » ([545])

Proposition n° 38 : Permettre, de manière temporaire, aux nouveaux entrants sur un marché monopolistique ou oligopolistique de bénéficier de conditions dérogatoires, voire d’aides spécifiques, pour établir une concurrence au profit du consommateur.

B.   Lutter contre l’Économie de rente et encourager la production locale

1.   Des aides qui n’aident que les gros acteurs en place

Les dysfonctionnements des systèmes d’aides existants en font malheureusement des facteurs contribuant aux maintien des oligopoles et des monopoles et à la consolidation de la rente dont ils bénéficient. Le fonctionnement de la filière banane en est un exemple parlant.

En effet, « la structuration de la filière banane est révélatrice d’un certain nombre de verrouillages. Si ce niveau d’organisation favorise les grandes exploitations répondant aux critères du modèle productif dominant (grandes surfaces, exploitations intensives en capital technique, rendements élevés), il montre la difficulté des petites unités de production à s’inscrire dans ce modèle, y compris pour certaines techniques de la transition agroécologique. En témoignent les revendications récentes (octobre 2020) de petits producteurs de bananes quant à la répartition de la valeur ajoutée. » ([546])

La commission d’enquête a pu constater elle‑même ces difficultés et blocages au cours d’une rencontre, en Martinique, avec plusieurs petits producteurs de bananes, de fruits, et de légumes, qui confirment tous ce constat.

Face à eux se dresse donc une économie de rente, fermement dénoncée par Max Dubois lors de son audition, au regard notamment des termes du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) spécifique à la filière banane, approuvé par la Commission européenne le 22 août 2007 ([547]).

 « L’économie de rente [c’est] l’art et la manière de compenser largement un business par les fonds publics. C’est le cas de la culture de la banane. Sur les 320 millions du fonds européen et français Posei (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), qui vise à favoriser la diversification en augmentant le taux de couverture et la souveraineté alimentaire pour toutes les productions végétales et animales sur tous les territoires, hors territoires du Pacifique, le secteur de la banane martiniquaise et guadeloupéenne préempte 130 millions et le secteur de la canne à sucre 70 millions. Sur 320 millions, 200 sont donc consacrés à des filières d’exportation. Ceux qui sont sous cet arrosoir d’argent public bénéficient d’une économie de rente. Dans certains territoires, la rente vient du pétrole, dans d’autres, des minerais. Dans nos territoires d’outre-mer, elle est constituée par l’argent public. » ([548]) 

Le Cirad confirme ce constat : « la filière [banane] a reçu, en 2018, 79,5 % des aides du Posei dévolues à la Martinique, soit plus de 96,5 millions d’euros » ([549]).

Le système décrit par M. Max Dubois relève ainsi d’une véritable stratégie de verrouillage de cette rente économique : « [Les producteurs de bananes] créent des organisations de producteurs (OP), car les fonds Posei ne sont distribués par l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (Odeadom), qui est un organisme public, qu’à des organisations de ce type. Pour créer une OP, qu’on fasse du poulet ou de la christophine, il faut cinq producteurs. Dans la banane, il en faut cent. C’est le premier taquet, qui peut quand même sembler bizarre. Le deuxième est qu’il faut produire au minimum 20 000 tonnes. On s’est dit, j’imagine, qu’il y avait tout de même beaucoup de petits producteurs – ils étaient 520 à l’époque. Voilà les deux conditions qu’il faut respecter pour créer une organisation de producteurs dans la banane. Autrement dit, c’est quasiment impossible.

« Vient ensuite le système de vote, qui a été établi en fonction des références historiques : le petit producteur qui fait cent tonnes a droit à une voix et les producteurs importants, comme Aubery et Hayot, que je cite au hasard, peuvent en avoir cinquante-six. Lors des réunions chez Banamart ([550]), le type qui pèse un est donc assis à côté de celui qui pèse cinquante-six. Les choses sont faites pour que les plus gros puissent tirer le plus de bénéfices possible de cette rente. » ([551])

Ce système de vote permet aux gros planteurs, liés aux grands groupes, d’imposer leurs décisions aux petits planteurs, même quand elles impliquent pour eux des coûts injustifiés, sans aucune contrepartie. Le rapporteur a pu recueillir des témoignages de tels agissements. L’organisation de producteurs est en effet en charge du versement aux producteurs de l’aide perçue au titre du Posei et prélève sur cette somme certains frais dont il faudrait examiner la pertinence.

2.   Des protections accordées sans contrepartie

Qu’il s’agisse des fonds accordés au titre du Posei ou des avantages fiscaux à la création d’une économie locale, il est nécessaire de contrôler que les protections conduisent à la hausse de la concurrence et à la dynamisation de l’économie, et non à la consolidation des oligopoles et des grands groupes déjà en place. Cela n’est malheureusement pas le cas.

Ainsi, évoquant à nouveau les dysfonctionnements de la filière banane, Max Dubois poursuit en exposant en quoi les fonds accordés au titre du Posei le sont sans contrepartie, qu’il s’agisse de la quantité produite, du nombre d’emplois créés ou du soutien aux petits producteurs. « En 2007, on discute au niveau européen de la meilleure façon d’accompagner la banane. Deux chiffres sont alors retenus par la Commission européenne, qui s’appliquent encore aujourd’hui : un droit à produire de 318 000 tonnes – c’est la référence historique – et une aide européenne à hauteur de 404 euros la tonne. Le chiffre de 129 millions [d’aides accordées à la filière banane au titre du Posei] résulte tout simplement de la multiplication de 318 000 par 404 ».

Mais il a été décidé dans le même temps que « si on [ne produit] que 80 % [de ces 318 000 tonnes], on [reçoit] toujours les 129 millions. Depuis que cela a été signé, on n’a jamais produit 318 000 tonnes, mais 260 000 – en touchant 404 euros la tonne sur 318 000 tonnes.

De plus, « il existe également le mécanisme de la reconstitution des stocks […] : s’il y a des intempéries, vous touchez 100 % des Posei et on vous donne un certain nombre d’années pour reconstruire vos bananeraies – années durant lesquelles vous continuez à toucher 100 % des Posei. » ([552])

La protection des producteurs est légitime, notamment en cas d’intempéries, mais bénéficie-t-elle aussi aux petits producteurs ?

Ce n’est pas le cas. Les petits producteurs ne recueillent pas les bénéfices du système d’aides actuellement existant. « [En 2007,] il y avait deux conditions [à l’octroi des fonds du Posei à la filière banane] : maintenir le dynamisme de la filière – on est passé de 520 à 300 petits producteurs – et garantir les revenus des petits producteurs – tous ceux que je connais sont dans une situation extrêmement difficile. Les plus gros exploitent leurs terrains. Ce sont des terrains plats : ils peuvent mécaniser et obtiennent une productivité convenable, de l’ordre globalement, même si cela peut osciller, de cinquante tonnes par an et par salarié. Les tout petits producteurs, eux, en produisent dix, parce qu’ils travaillent sur des pentes escarpées où il faut tirer à la main des régimes de bananes qui pèsent soixante kilos. En revanche, les aides sont à la tonne : celui qui a du terrain plat et qui se mécanise à 404 euros, comme celui qui travaille à dos d’hommes. Or 404 euros, c’est sous la rente pour l’un et c’est à peine de quoi vivre pour l’autre. Telle est la situation. Nos petits producteurs vivent donc mal. » ([553])

De même, le nombre d’emplois créés par la filière ne serait pas aussi important qu’annoncé :

« M. le ministre Olivier Véran à [a déclaré que] la filière banane était très importante parce qu’elle employait une personne sur vingt dans les Antilles – ce qui représente, grosso modo, 13 000 emplois. Or, pour bien connaître la filière, je vous assure que dans les Antilles, tout confondu, productifs et improductifs, emplois directs et indirects, elle n’excède pas 5 000 emplois.

« Le chiffre d’un emploi sur vingt est celui des lobbys. Ils l’utilisent partout parce que, pour garder leur manne, les grands producteurs ont besoin de dire qu’ils pèsent très lourd. Si vous expliquez qu’ils ne représentent que 5 000 emplois, même si cela reste beaucoup, ce n’est pas assez important. Mais j’ai été surpris que le ministre Véran utilise des chiffres de faussaires. Les rapports de l’Odeadom, que je me ferai un plaisir de vous passer, sont clairs sur ce sujet. Ils expliquent depuis des années que la filière est en train de disparaître, pour ce qui est des petits producteurs. » ([554])

Au regard de ces constats, le rapporteur estime indispensable de conditionner les protections et avantages accordés aux acteurs économiques à de réelles contreparties – création d’emplois, investissements, qualité, baisse des prix – faisant l’objet de contrôles réguliers, notamment avant leur renouvellement. Qu’il s’agisse des financements accordés au titre du Posei ou des dispositifs d’incitation fiscale, le principe doit être celui d’aides temporaires, renouvelées si le besoin est réel, et non de rentes accordées sans limitation.

3.   Des barrières qui favorisent les recherches de rente

L’un des principaux critères du contrôle des aides accordées à l’économie locale doit être la contribution effective de ces aides à la résorption du problème du coût de la vie, c’est-à-dire à la baisse des prix et à la hausse des niveaux de revenus.

Or, la production locale de substitution aux importations ne contribue pas à réduire les prix aussi souvent que l’on pourrait s’y attendre. Au contraire, les gros producteurs locaux ont tendance à profiter des barrières à l’importation et du faible degré de concurrence pour augmenter leurs propres prix. Or, « les politiques de prix élevés adoptées par certains industriels locaux vont bien à l’encontre du développement de l’emploi local recherché par ces dispositifs » ([555]).

L’impact réel de ces protections de marché sur l’emploi dans l’industrie locale est difficile à évaluer. Ces protections de marché génèrent également des marges tout aussi difficiles à évaluer, tout comme leur répartition entre salaire et profit. Citant l’exemple de la production locale de café, d’eau et de yaourts, l’Autorité de la concurrence écrivait ainsi en 2009 : « L’étude des comportements de prix des opérateurs locaux montre que les dispositifs spécifiques les protégeant de la concurrence des importations sont surtout utilisés pour accroître leurs marges plus que pour développer un système productif pérenne, à même de participer au développement des industries locales. » ([556])

4.   Réformer le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei).

Le Posei doit financer prioritairement la diversification de la production, et non les filières canne et banane : ce constat apparaît simple et évident. Pourtant, rien n’a été fait, alors même que le problème est identifié depuis plus de dix ans. Les petits producteurs rencontrés par une délégation de la commission d’enquête n’ont pu que le confirmer.

En effet, la Cour des comptes écrivait dès 2011, à l’occasion d’un contrôle de l’Odeadom que dans les Outre-mer : « La production agricole devrait […] être plus tournée vers la satisfaction de la consommation locale et des demandes liées au tourisme, plutôt que vers les cultures exportatrices. » ([557])

« Les aides à l’agriculture des départements d’outre-mer ont été concentrées sur les filières exportatrices, banane et canne […]. L’objectif de maintenir le revenu des producteurs a conduit à accroître fortement le montant des aides, alors même que la production et les effectifs employés décroissaient.

« Il en résulte, en particulier aux Antilles, un niveau d’aides anormal, rapporté tant à la production qu’aux surfaces cultivées et à l’emploi. Corrélativement, les productions locales d’autres cultures ne reçoivent qu’une part très minoritaire des aides, et la « sanctuarisation « des enveloppes destinées à la banane et à la canne a même entraîné des réfactions. » ([558])

« L’objectif d’amélioration de l’approvisionnement alimentaire par des produits locaux n’a pas été atteint, et cette situation pèse lourdement sur la balance commerciale. »

« Malgré un niveau élevé, puisqu’elles représentent en moyenne 28 % de la valeur de la production, les aides à l’agriculture des départements d’outre-mer n’atteignent pas leur objectif, et leur logique doit être révisée. » ([559])

En 2014, Serge Letchimy, alors député et président du conseil régional de Martinique, confirmait ce constat : « Le Posei agricole pose en lui-même une série de difficultés. D’abord, il profite à des productions limitées, banane et canne essentiellement ainsi que, de manière partielle, à l’élevage. En Martinique par exemple, moins de 25 % des agriculteurs en bénéficie ; 45 % d’entre eux sont dans le secteur de la banane. Le dispositif favorise ainsi de manière insuffisante la diversification de la production restreignant le développement des marchés à destination de la consommation locale, ce qui a pour effet de renforcer la dépendance vis-à-vis des importations. » ([560])

Ce constat est malheureusement encore vrai aujourd’hui : comme l’ont constaté les députés Estelle Youssouffa et Marc Le Fur dans leur rapport réalisé au nom de la délégation aux Outre-mer sur l’autonomie alimentaire des Outre-mer ([561]), le Posei ne sert toujours pas, aujourd’hui, à nourrir les Ultramarins puisque, comme exposé supra, les filières d’exportation captent toujours la majorité des fonds versés et verrouillent les décisions prises dans les organisations professionnelles.

Aussi, le rapporteur estime‑t‑il absolument nécessaire de réformer le Posei avec deux objectifs : la diversification de la production et la démocratie économique pour les petits producteurs.

Proposition n° 39 : Réformer les règles d’attribution des fonds du Posei afin de les conditionner notamment à un critère de diversification de la production locale au service de l’autonomie alimentaire et non uniquement de développement des filières d’exportation.

 

Proposition n° 40 : Accompagner les petits producteurs dans leur regroupement au sein d’organisations professionnelles administrées de façon démocratique et solidaire et libérées de l’emprise des grands groupes et des gros producteurs.

5.   Encourager les circuits courts

Dans certaines situations très particulières et exceptionnelles, il peut s’avérer utile qu’un distributeur développe lui‑même la production d’un bien pour en faire baisser le prix. C’est le cas du groupe Wane en Polynésie :

« Nous avons ainsi créé, il y a quelques années, une ferme agricole, car il était très compliqué d’approvisionner nos magasins de Tahiti en certains fruits et légumes, notamment la tomate et la salade. Là aussi, il existe un protectionnisme qu’il faut souligner : l’importation de tomates est interdite. À une certaine période, nous n’avions plus de tomates dans nos magasins. Lorsque nous en avions, la tomate (pour laquelle nous nous approvisionnions auprès de producteurs locaux) était vendue à un prix astronomique. La marge étant réglementée, comme pour tous les produits classés PPN (produits de première nécessité), nous vendions la tomate à plus de sept ou huit euros le kilogramme dans nos magasins.

« Nous avons décidé de [créer] cette ferme agricole, dans laquelle nous avons investi beaucoup d’argent. L’objectif est de maîtriser la filière au moins pour la tomate, la salade et certains autres produits. Cela nous garantit une disponibilité quotidienne et permanente de ces produits dans nos magasins. Cela nous permet surtout de proposer un prix très inférieur à celui qui prévalait antérieurement. Lorsque nous avons commencé à vendre la tomate, nous étions en dessous de cinq euros le kilo, ce qui représentait une baisse de prix de 30 % à 40 %, voire 50 %. Détenir cette ferme nous assure aussi une bonne qualité sanitaire de ces produits. C’est également très important, car la plupart des produits que l’on nous vendait contenaient des quantités très élevées de pesticides. Nous pratiquons dans cette ferme une agriculture raisonnée et responsable. » ([562])

Le reste du temps, pour survivre face aux grands groupes et aux gros planteurs, les petits producteurs ont besoin de débouchés dans la grande distribution locale. En effet, l’augmentation de la part d’approvisionnement local ne peut être vertueuse si elle contribue à renforcer le pouvoir des grands groupes. La production locale ne peut pas être une strate supplémentaire de la concentration verticale.

D’autre part, les petits producteurs doivent pouvoir vivre de leur production. Ils ne doivent pas être soumis au pouvoir de marché des grands groupes. Or, le rapporteur a eu connaissance de pratiques de la grande distribution consistant à imposer aux petits producteurs des prix de vente inférieurs aux prix de revient.

En effet, lorsque les grands groupes sont à la fois majoritaires en voix comme producteurs dans les organisations professionnelles et majoritaires en parts de marché comme distributeurs, les petits producteurs n’ont aucune maîtrise du prix de ce qu’ils vendent, et donc de leurs revenus.

À La Réunion, un modèle vertueux semble s’être mis en place. Le groupe LM, principal grossiste en fruits et légumes, est adossé à la société d’intérêt collectif agricole (SICA) « Terre réunionnaise », coopérative détenue à 75 % par les producteurs et à 25 % par les opérateurs. Ils établissent ensemble un planning de production et le groupe LM s’engage à acheter 100 % de la production ainsi programmée avec les producteurs à un prix fixé par référence au marché de gros et jamais inférieur au prix de revient modélisé par lui. Ainsi, la moitié des fruits et légumes consommés sur l’île sont issus de la production locale.

D’autres filières sont également bien structurées à La Réunion, telle la filière « viande » ([563]). L’Association réunionnaise du bétail, de la viande et du lait (ARIBEV), structure interprofessionnelle créée en 1979, regroupe les différents intervenants des filières porcine, bovine et laitière (CPPR, SICA-REVIA, SICA-LAIT), ainsi que les importateurs, les transformateurs et les distributeurs. L’ARIBEV recueille les cotisations volontaires de ses membres et gère également plusieurs fonds d’intervention : la Caisse pour l’orientation et la régulation du marché du porc (CORMAP), le Fonds de développement de l’élevage bovin (FODEBO) et le Fonds de développement de l’élevage laitier (FODELAIT), lesquels financent diverses actions en faveur des éleveurs réunionnais.

Dans une économie ultramarine où les prix sont renchéris par la multiplication des intermédiaires et donc des marges, il est aussi essentiel de réduire le nombre d’intervenants sur la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse des produits importés ou de la production locale. Cela passe par le développement des circuits courts, voire des circuits de vente directe, qui existent déjà dans certains territoires, parfois à travers la création de coopératives de commerçants indépendants ([564]).

La commission d’enquête a eu la possibilité d’apprécier un exemple original d’un modèle de distribution différent lors de l’audition des responsables de l’enseigne « Agooti », implantée en Guyane, à Cayenne.

L’exemple Agooti : un défi réussi contre les grands groupes

La création de l’enseigne Agooti tire son origine du refus opposé à son fondateur, Monsieur Xavier Clavel, de racheter une enseigne déjà existante.

 « S’agissant de la concentration Safo et NG Kon Tia, j’ai essayé d’aider la personne […] qui voulait reprendre une partie de ce qui avait été revendu à la suite de l’avis de l’Autorité, mais qui n’arrivait pas à le faire. […] Je parle de M. Clavel. Je crois que son entreprise était SCGR et il voulait absolument pénétrer le marché. Il me semblait avoir les compétences. Il avait déjà un pré-engagement d’une enseigne de franchisés non présente en Guyane et qui aurait pu dynamiser la concurrence et augmenter la diversité de l’offre à Cayenne et autour. On aurait aimé demander au cabinet du ministre d’intervenir. » ([565])

« L’Autorité de la concurrence avait contraint SAFO à céder sa partie de gros à un tiers. Je m’étais positionné car cela pouvait m’intéresser, pour différents magasins. Mais la procédure finalement retenue a été assez illogique selon moi : l’Autorité de la concurrence a demandé à SAFO de choisir le repreneur, c’est-à-dire son futur concurrent. » ([566])

Face à ce refus, M. Clavel n’a pas renoncé et a créé son enseigne, Agooti, avec un modèle original et différent. Néanmoins, cela n’a pas été sans difficultés, comme l’ont décrit, au cours de leur audition, Xavier Clavel, directeur général, et Emmanuel Caussé, responsable de la communication et de la publicité :

« Il faut savoir, sans paranoïa, que certaines personnes sont puissantes en Guyane et que la pression économique, même légale, peut entraver la démarche de "rebelles" qui essayent de s’installer. »

« Il est extrêmement difficile de créer un magasin de toutes pièces […], notamment pour trouver des locaux et contracter avec des banques. »

 

« Nous avons eu la chance de trouver une banque qui nous a fait confiance pour nous installer. Nous n’avons pas plus bénéficié d’aides financières. La banque publique d’investissement (BPIFrance) a abondé d’un euro chaque euro que nous avions emprunté à la banque et je les en remercie. »

« Les difficultés rencontrées pour ouvrir ce point de vente ont d’abord porté sur le local proprement dit. En effet, les locaux premium sont « réservés » à certains grands groupes et nous n’y avons pas accès. Avant même qu’ils soient mis en vente ou en location, ils sont déjà pris. Nous avons donc rencontré des problèmes avant de finalement trouver un local, qui n’est pas fonctionnel. »

« Il existe très peu d’offres de locaux disponibles à Cayenne et encore moins en Guyane. Le foncier est ici un problème récurrent, dont vous avez déjà dû entendre parler. Ici, la terre appartient à l’État. […]s’il existe la moindre surenchère sur un terrain, les petits acteurs guyanais ont peu de chance de résister face à des grands groupes, dont la puissance financière est toute autre. »

« Le local qui héberge aujourd’hui le supermarché était le seul choix possible ; personne ne monterait un magasin dans ce type de local dans l’Hexagone, car il manque de places de parking et il n’est pas situé sur un grand axe routier. Il est situé dans une zone industrielle, à l’écart des grands axes routiers et son parking et extrêmement petit. »

« Nous essayons tous les jours de nous bagarrer pour le faire connaître et peu à peu, de plus en plus de gens le fréquentent. Les Guyanaises et les Guyanais savent qu’il ne s’agit pas du magasin le plus confortable, mais ils n’y viennent pas pour ces raisons-là : ils viennent parce que leur panier de course y sera sensiblement moins cher. Aujourd’hui, les différences sont moins marquantes, compte tenu de l’inflation. Certains de nos clients ne peuvent tout simplement plus venir. »

Le modèle d’approvisionnement est original :

« Notre approvisionnement est issu à 40 % de la centrale Casino, à laquelle nous sommes affiliés, à 40 % d’importateurs locaux et à 20 % de la production locale. Nous stockons directement dans le magasin, sur les racks au-dessus des rayons pour optimiser la place et économiser des coûts de dépôt de stockage, de préparation et de livraison, que nous devrions sinon répercuter sur le prix proposé au client final. »

« Sur l’import, je n’ai aucun intermédiaire. Je passe moi-même les commandes à la centrale Casino, qui charge les conteneurs qui me sont livrés en Guyane. Je les mets ensuite à la vente. Nous avons choisi de ne pas faire appel à des centrales logistiques ou de centrales d’achat. Casino nous facture directement. »

« S’agissant de nos imports, nous passons nos commandes six semaines avant la livraison auprès de notre centrale Casino. Le transitaire est indépendant de notre société, mais quand le conteneur arrive, il est dépoté et nous mettons en rayon immédiatement, sans intermédiaire. Nous avons supprimé tous les intermédiaires pour être compétitifs.

« Pour les autres importateurs, nous payons leurs coûts de stockage et d’approvisionnement. Pour les produits locaux, il faut distinguer d’une part les grosses unités comme les yaourts sur lesquels nous payons à 30 jours ; et d’autre part les petits producteurs de fruits et légumes, que nous payons à la livraison, pour leur donner plus d’oxygène. »

 

Aujourd’hui, les résultats sont là pour les entrepreneurs comme pour les consommateurs :

« Lundi dernier, j’ai réalisé un relevé de prix hors promotion sur quelques produits de grande consommation dans les quatre plus grosses enseignes concurrentes. Aujourd’hui, nous vendons 29,99 euros du lait en poudre en boîte de très grande marque, avec une marque de 17,84 %, qui est déjà élevée. Les autres enseignes proposent le même produit à 35,42 euros ; 35,79 euros et 38,92 euros. Les taux de marge atteignent ainsi jusqu’à 37 % sur du lait. En outre, pour calculer ma marge, je me fonde sur mon prix d’achat, qui est forcément plus élevé que le leur parce que mes volumes sont moindres.

« De même, quand je vends 2,55 euros des biscuits chocolatés de forme ronde, ils sont ailleurs à 3,99 euros, soit un taux de marge de 50 %. Je pense donc qu’il existe un problème.

« Comment faisons-nous ? Je suis très transparent, je n’ai rien à cacher, peut-être contrairement à certains. Nous travaillons en triple net, c’est-à-dire que nous achetons un prix net, sans demander de remise sur facture, ni de marge arrière. Ensuite, nous prenons notre marge, qui peut varier selon le type de produit. Notre calcul est donc simple. »

« Nous nous focalisons avant tout sur du libre-service car nous ne disposons pas de suffisamment d’espace pour proposer d’autres services. L’année dernière, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 3 155 000 euros, avec une marge théorique de 16,78 %. Cette marge peut paraître faible, mais elle est tout à fait cohérente avec les standards de l’Hexagone, où j’ai été directeur de points de vente pendant dix ans.

« Ce magasin vend à tous, particuliers ou professionnels. Les tarifs sont dégressifs à partir de trois produits, mais les mêmes prix s’appliquent à tous, sans cartes de membre. La fréquentation est très intéressante, puisque nous sommes parvenus à générer certains samedis 600 passages en caisse alors que nous ne disposons que de huit places de parking. Nos clients sont très satisfaits des prix que nous pratiquons, ce qui me fait dire que nous sommes dans le vrai. » ([567])

Concernant l’économie coopérative, porteuse de démocratie économique, le rapporteur se réjouit de l’existence, dans chacun des DROM ainsi qu’à Saint‑Martin, d’un dispositif local d’accompagnement (DLA) chargé d’accompagner, dans leur développement, les structures de l’économie sociale et solidaire utiles au territoire.

L’action des dispositifs locaux d’accompagnement

Accompagner le développement des structures d’utilité sociale

Le DLA s’adresse aux structures employeuses de l’économie sociale et solidaire (ESS) telles qu’elles sont définies par la loi de juillet 2014, dont notamment : les associations employeuses, les coopératives à finalité sociale (Scop, Scic), les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), les entreprises agréées « Entreprises solidaires d’utilité sociale. »

Il s’agit plus particulièrement de structures qui :

– rencontrent des difficultés sur des dimensions stratégiques de leur projet ;

– s’interrogent sur leur stratégie de développement ;

– souhaitent consolider leur activité et pérenniser leurs emplois.

Les thématiques d’accompagnement

Le DLA est avant tout et principalement au service des besoins de développement de la structure de l’ESS. Le chargé d’accompagnement met en place un parcours d’accompagnement à destination de la structure afin de l’accompagner dans sa dynamique de changement en fonction des priorités établies pendant la phase de diagnostic partagé.

Les 5 thématiques d’intervention prioritaires :

– Projet et stratégie ;

– Modèle socio-économique et gestion financière ;

– Consolidation des emplois ;

– Gouvernance et organisation interne ;

– Développer ses partenariats.

Source : site www.info-dla.fr d’Avise

Le rapporteur souhaite enfin que les exécutifs des territoires ultramarins actent la nécessité de ces changements radicaux de leurs stratégies économiques, par exemple au travers des schémas régionaux et territoriaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) élaborés conformément à l’article L. 4251‑13 du code général des collectivités territoriales.

Article L. 4251‑13 du code général des collectivités territoriales

La région élabore un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

Ce schéma définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l’économie sociale et solidaire. Il définit également les orientations en matière de développement de l’économie circulaire, notamment en matière d’écologie industrielle et territoriale.

Le schéma organise, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d’aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements, en application des articles L. 1511-3 , L. 1511-7 et L. 1511-8 , du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie.

Les orientations du schéma favorisent un développement économique innovant, durable et équilibré du territoire de la région ainsi que le maintien des activités économiques exercées en son sein.

Le schéma fixe les actions menées par la région en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Le schéma identifie les secteurs et bassins d’emploi impactés par la transition écologique et détermine des objectifs de soutien à la reconversion professionnelle.

Le schéma peut contenir un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités territoriales des États limitrophes.

Le schéma peut contenir un volet sur les orientations en matière d’aides au développement des activités agricoles, artisanales, industrielles, pastorales et forestières.

C.   À court terme, dÉpasser la tarification du fret en volume pour concentrer les mesures fiscales et aides au fret sur les produits de premiÈre utilitÉ sociale

1.   Mettre en œuvre la proposition du préfet de la Martinique et du président du conseil exécutif et baisser conjointement l’octroi de mer sur les produits concernés

Le préfet de la Martinique a fait parvenir au rapporteur une note complète proposant un mécanisme de concentration de l’aide de 750 euros par conteneur équivalents quarante pieds accordée par la compagnie CMA CGM sur les produits dits « de première nécessité », lesquels feraient par ailleurs l’objet d’une baisse d’octroi de mer de la part de la collectivité territoriale de Martinique.

Bien que la réalité de cette aide et de ses effets soit remise en cause par les distributeurs, il s’agirait d’une inflexion bienvenue au principe de tarification du fret en volume et non en valeur, qui majore proportionnellement bien plus les prix des produits de première utilité sociale que ceux, plus élevés, des produits de moindre utilité.

Ce projet a été adressé par la préfecture à la compagnie CMA CGM. Il est extrêmement détaillé, y compris dans ses modalités de fonctionnement.

Proposition de la préfecture de la Martinique visant à recentre l’aide CMA CGM sur le transport des produits de première nécessité

Dispositif proposé :

Le dispositif serait calqué sur le fonctionnement du dispositif existant d’aide au fret qui compense les surcoûts de transport des produits primaires de leur lieu de production au lieu de transformation.

Chaque expédition contenant des produits éligibles ferait l’objet, a posteriori, d’une déclaration pour percevoir une compensation permettant de fixer le poids relatif du transport. Les produits éligibles seraient définis selon leurs codes douaniers : une liste de codes douaniers qui feront l’objet d’une baisse d’octroi de mer et correspondent aux produits du BQP+ a déjà été élaborée par la préfecture de la Martinique et la CTM.

Ceci permettra d’utiliser des documents d’expédition déjà produits par les importateurs, en particulier le document administratif unique (DAU). Ce document permet de connaître la valeur totale expédiée, la valeur des produits éligibles, le coût du transport total et donc de calculer le montant de l’aide CMA CGM. Il peut être complété des factures de marchandises, de logistique et de transport pour constituer un dossier complet de demande d’aide.

Exemple :

Le scénario d’exemple est celui d’un conteneur d’une valeur totale de 13 000 € (section 22 du DAU) dont 5 000 € (section 42) sont éligibles au dispositif d’aide, avec un coût du transport de 6 000€ (section 47). Le poids ad valorem du transport sur la totalité des marchandises est de 46% (6 000 / 13 000), et la part du transport sur les produits éligibles est de 2 308 € (valeur éligible / valeur totale x montant du transport soit 5 000 / 13 000 × 6 000).

Pour neutraliser le coût du transport sur les produits éligibles, l’aide s’élèverait dans cet exemple à 2 308 €. Soit une baisse de plus de 30 % du prix CAF (coûts, assurance et fret) de ces produits. »

Flux administratifs et financiers :

L’importateur constituerait lui-même son dossier de demande d’aide et l’enverrait :

• soit à la compagnie maritime pour émission d’un avoir

• soit, comme c’est le cas pour l’aide au fret, à un tiers de confiance - tel un cabinet désigné à cet effet (qui pourrait être contrôlé ponctuellement par la Deets) – qui détermine le montant de l’aide, établit et envoie les demandes d’avoirs.

Les fréquences d’envoi des dossiers et d’émission des avoirs peuvent être précisées, par exemple une fois par mois pour simplifier le flux administratif. Les importateurs connaissant le mécanisme d’aide peuvent provisionner son montant dans leurs prix de revient, permettant un effet immédiat sur les prix de vente. »

 

Financement :

Ce dispositif serait financé par la remise temporaire de CMA CGM convertie en une enveloppe globale, lissée sur un an pour avoir une durée similaire au BQP+. À échéances régulières, en cas de surconsommation ou de sous-consommation, le calcul de la subvention peut être modulé. »

Avantages du dispositif :

• Il s’appuie sur un dispositif ayant déjà fait les preuves de sa faisabilité technique, l’aide au fret.

• Il porte effet dès le premier colis expédié et ne nécessite pas de conteneurs “complets” ou de quantités importantes de produits éligibles.

• Il s’adosse à un document officiel, le DAU, faisant foi vis-à-vis des douanes et engageant la responsabilité de son mandant.

• Il permet une traçabilité et une transparence complètes, avec la possibilité de suivre l’effort, de l’importateur au consommateur, en passant par le distributeur.

• L’intensité s’ajuste automatiquement en fonction de la valeur de l’expédition: si un produit éligible voyage dans un conteneur plus valorisé, la part d’aide sera plus faible et inversement.

• Il permet aux compagnies maritimes de maintenir leurs niveaux de facturation actuels, ainsi que leurs accords existants avec leurs clients transitaires ou chargeurs. ([568])

CMA CGM a assuré par écrit avoir eu de nombreux échanges avec la préfecture de la Martinique et « se [tenir] à disposition pour étudier tous les dispositifs ou mécanismes visant à répercuter la baisse déjà consentie par CMA CGM de 750 euros par conteneur de 40 pieds importé » ([569]). Ils opposent néanmoins l’impossibilité d’identifier les produits susceptibles de bénéficier du dispositif, en l’absence de connaissance du contenu des conteneurs transportés et de la proportion de marchandise éligible.

Toutefois, la préfecture, qui a identifié les codes douaniers des produits éligibles en lien avec la collectivité territoriale de Martinique (CTM), base ce mécanisme sur celui, déjà existant, de l’aide au fret. Elle propose de confier le calcul à un tiers de confiance choisi par CMA CGM, auquel les entreprises adresseraient leurs demandes d’aide. Celles-ci se baseraient sur le document administratif unique (DAU), dont la fonction même est de permettre la taxation des marchandises transportées en fonction de leur nature et de leur quantité. Ainsi, nul besoin, pour mettre en place cette aide, que CMA CGM connaisse le contenu des conteneurs transportés.

La difficulté évoquée par CMA CGM n’est donc pas insurmontable et le rapporteur espère que l’accord permettant la mise en place de ce dispositif en Martinique pourrait donc, être signé le plus rapidement possible.

Proposition n° 41 : Mettre en œuvre la proposition du préfet de la Martinique et du Président du conseil exécutif de Martinique permettant de concentrer l’aide de CMA CGM sur les produits de première utilité sociale.

2.   Créer une aide au fret spécifique pour les produits de première nécessité en Outre-mer

Le mécanisme de l’aide au fret est exposé en détail infra.

Toutefois, le rapporteur tient à s’associer à la proposition des membres de la délégation sénatoriale aux Outre-mer d’étudier la possibilité de créer « une aide au fret sur les produits de consommation courante qui ne fragiliserait pas les productions locales », particulièrement dans les situations de double insularité ([570]).

3.   Garantir le report in fine sur les prix de ces mesures

Quelles que soient les mesures d’aide prises, il est nécessaire de s’assurer qu’elles profitent bien au consommateur en faisant baisser les prix, et qu’elles ne viennent pas s’ajouter à la rente dont les grands groupes bénéficient déjà.

Ainsi, dans son projet de mécanisme évoqué supra, la préfecture de Martinique écrit‑elle, au sujet du projet de charte qui formaliserait cet accord :

« Dans son modèle actuel, [cette] charte qui sera signée par tous les acteurs concernés, et notamment les distributeurs, comporte une obligation de répercussion des baisses décidées par les acteurs en amont, tels que les compagnies maritimes et la CTM.

« Actuellement, la Deets effectue à la fois des contrôles sur pièce (réception des prix pratiqués sur les produits du BQP - et désormais tous les produits correspondant aux codes douaniers définis - par les distributeurs) et effectue aussi des contrôles sur place (relevé des prix en magasin).

« Avec le dispositif envisagé, la Deets disposerait également (i) des montants versés par CMA CGM et (ii) des unités concernées par cette aide (i.e. du nombre de produits concernés par l’aide effectivement proposés à la vente). Elle peut ainsi calculer le montant d’aide octroyé par produit, qui devra se traduire par une baisse équivalente dans les rayons sur les produits concernés, ce qu’elle pourra contrôler tant par son contrôle sur pièce que sur place. » ([571])

Pour le rapporteur, tout dispositif d’aide aux acteurs économiques devrait être accompagné de conditions similaires :

– un engagement écrit des acteurs économiques à répercuter le bénéfice des aides reçues sur les prix ;

– une obligation pour les bénéficiaires de ces aides de transmettre régulièrement à la Deets les données nécessaires au contrôle du respect de ces engagements ;

– des contrôles ciblés par la Deets, sur pièce et sur place, du respect de ces engagements ;

– une publication des résultats de ces contrôles.

Proposition n° 42 : Organiser l’évaluation périodique et publique de tous les dispositifs d’aides ou de protection destinées à favoriser la production locale pour déterminer si ces régimes bénéficient aux consommateurs et non aux seuls acteurs économiques.

D.   Agir pour la continuitÉ territoriale numÉrique

L’illectronisme touche davantage les populations ultramarines que les hexagonaux. En effet, 20 % d’entre eux en souffrent contre 15 % de la population vivant dans l’Hexagone. Cette fracture s’accompagne notamment d’un accès à la fibre optique moins généralisé ainsi que d’un nombre plus élevé d’élèves par ordinateur. Il existe donc un réel déséquilibre en Outre-mer, où la continuité territoriale numérique n’est pas garantie.

État des lieux de la connectivitÉ fixe en outre-mer à fin septembre 2021

Source : ARCEP.

nombre d’ÉlÈves par ordinateur
dans les Écoles et Établissements publics en 2018

 

Hexagone + DROM

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

Écoles élémentaires

7,3

16,9

12,3

13,8

Collèges

3,2

5,6

3,1

4,5

Lycée d’enseignement général et technologique (LEGT)

2,3

4,4

2,2

4,5

Source : Ministère de l’Education nationale et de la jeunesse

Il semble donc indispensable de renforcer l’infrastructure des télécommunications. Cela implique d’investir dans le déploiement et la modernisation des infrastructures, notamment en augmentant la couverture des réseaux à haut débit, en installant des câbles sous-marins ou en passant par l’achat de capacités sur les systèmes satellitaires et en améliorant la capacité des réseaux existants. Cela contribuera à réduire les interruptions de service et à améliorer la qualité de la connexion internet.

Les câbles sous-marins et liaisons hertziennes sont donc aujourd’hui des infrastructures essentielles pour tous les territoires ultramarins.

État de l’infrastructure d’accès à Internet en Outre-mer

Guyane

En Guyane, la connexion concerne essentiellement la côte. La Guyane est reliée au câble sous-marin Americas II. Depuis 2013, une liaison terrestre en fibre optique a été réalisée avec Macapa, au Brésil, le projet SPANY. L’intérieur des terres est desservi par des liaisons satellitaires et hertziennes.

Mayotte

Mayotte est reliée au réseau mondial par satellite et depuis avril 2012 par le câble sous-marin LION2 reliant notamment Mayotte au câble LION35. Conséquence de l’ouverture du câble LION2, le lien fourni par satellite sera prochainement définitivement interrompu.

La Réunion

Depuis juin 2002, le câble SAT3/WASC/SAFE long de 27 850 km dessert La Réunion. Ce câble relie l’Espagne à l’Inde en passant par l’Afrique du Sud. Le câble a été financé par un consortium de 36 membres à hauteur initiale de 600 millions de dollars. Seul Orange dessert des liaisons concernant La Réunion sur ce câble.

Le câble LION et son prolongement LION2 connectent eux La Réunion au Kenya.

La Guadeloupe et la Martinique

La Guadeloupe est reliée par le câble sous-marin Guadeloupe numérique.

Les Antilles sont reliées par un câble Orange, ainsi que par le câble Americas II.

La Région Guadeloupe a lancé une procédure d’appel d’offres. La société Global Caribbean Network (GCN) et le conseil régional de la Guadeloupe ont signé au mois de novembre 2004 un contrat de délégation de service public pour la fourniture, la pose et l’exploitation d’un câble sous‑marin reliant la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy à Porto Rico (États-Unis). Ce projet d’intérêt général, dont le montant d’investissement s’élève à 21,9 millions d’euros (75 % d’aide du Feder et 25 % de fonds provenant de son actionnaire principal, le groupe Loret), fait l’objet d’une concession de vingt ans.

Le deuxième câble (du délégataire Global Caribbean Network) qui relie les îles à Porto Rico est opérationnel depuis 2006.

Le câble sous-marin de la société MCN (Middle Caribbean Network) a une capacité de 2,5 Gbit/s, et une capacité finale de 1 Tbit/s. Il s’agit du troisième câble reliant la Martinique au reste du monde, après l’ECFS (East Caribbean Fiber System) et Americas2. Il est en service depuis 2007 et a coûté sept millions d’euros. Il relie l’île à l’internet de Porto Rico.

Le câble ECFS (en) (East Caribbean Fiber System) est long de 1 730 kilomètres. Sa capacité totale est de 1,34 Tbit/s. Il dessert les îles de la caraïbe (y compris Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin, …) depuis Trinidad jusqu’aux Îles Vierges britanniques où il est connecté avec le câble CBUS qui permet d’acheminer le trafic jusqu’à New York. Il a été mis en service en 1995. Il est détenu par Cable & Wireless, Orange et AT&T. Orange y dispose d’un monopole sur l’atterrissement du câble dans les territoires français.

Le câble Americas II relie le Brésil à la Floride. Il connecte en particulier la Guyane et la Martinique. Le câble a été mis en service en 2000.

Depuis début 2019, « Kanawa », le nouveau câble sous-marin d’Orange relie la Guyane et la Martinique.

SaintPierre-et-Miquelon

Saint-Pierre-et-Miquelon a confié en 2009 à la société Sodepar une étude relative à la connexion de Saint-Pierre‑et‑Miquelon au réseau optique mondial du Canada. Saint-Pierre et Miquelon est également relié au réseau mondial par faisceau hertzien.

Il est fondamental pour la puissance publique d’investir, de financer et déployer des câbles sous-marins souverains, c’est-à-dire propriété de la collectivité publique, qui pourra exercer ainsi maîtriser le prix de vente aux opérateurs et exercer un contrôle sur les prix qu’ils proposent à leurs clients, entraînant un impact sur le pouvoir d’achat.

Par exemple, en Martinique, un projet de déploiement d’un tel câble est à l’étude, permettant d’améliorer les liaisons entre l’espace caribéen et le reste du monde.

Le choix de la destination d’atterrissement peut se faire de manière plus ambitieuse, en visant un territoire du Sud (Brésil, Cap‑Vert ou Sénégal), ou l’Europe (Canaries ou Portugal). L’option « Sud » symbolise un déploiement ambitieux, les routes Internet « Sud – Sud » (Amérique Latine et Afrique) étant peu développées face aux routes « Nord – Nord » (États-Unis – Europe). Cela permettrait ainsi à la Martinique de disposer d’une passerelle importante et d’un positionnement géostratégique mondial, offrant notamment à l’Afrique un accès à l’Amérique Latine et aux États-Unis sans passer par l’Europe. Le coût serait plus important, aux alentours de 130 millions d’euros. L’option « Europe » vers les Canaries ou le Portugal serait la plus chère (supérieure à 150 millions d’euros) mais assurerait à l’Union européenne une souveraineté technique en termes de sécurité informatique en évitant toute interception possible par une puissance étrangère.

Les recettes de cet investissement proviendraient de la revente de service aux opérateurs, et de redevances payées par les collectivités en substitution des marchés publics d’accès à Internet.

La propriété du câble permettrait aussi d’allouer des ressources pour de l’aménagement numérique territorial et régional, avec une forme d’aide directe aux entreprises (par exemple la gratuité des communications Martinique-Guadeloupe) et le développement des échanges caribéens, par l’interconnexion des points d’échanges Internet Martinique-Guadeloupe, et toute île desservie.

D’autre part, la continuité numérique s’incarne aussi dans la nécessité de créer des outils et des logiciels améliorant le fonctionnement des collectivités ultramarines et optimisant le travail des agents de l’administration ce qui implique de lancer des appels d’offres en ce sens. Du point de vue de l’usager, les démarches en ligne doivent être banalisées : tous les actes de la vie quotidienne doivent pouvoir être accomplis de manière dématérialisée dans le but de moderniser le service public et de faciliter la réalisation des démarches par les citoyens et les entreprises en Outre-mer. Il est néanmoins important de toujours maintenir, pour chaque procédure administrative, une alternative simple d’accès à la procédure dématérialisée.

En matière d’illectronisme et de connaissance des outils numériques, priorité doit être donnée à la sensibilisation et à la formation : des programmes visant à promouvoir l’utilisation d’Internet et à développer les compétences numériques des Ultramarins de tous âges doivent être mis en place. Un guichet unique venant en aide aux personnes victimes de la fracture numérique doit être créé, notamment afin de les accompagner dans leurs démarches administratives.

Il est également nécessaire, pour ce faire, de renforcer les équipements informatiques dans les écoles et d’en augmenter le nombre.

La réalisation du Plan France Très Haut Débit doit être poursuivie en Outre-mer. Si « la généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné et de la 4G pour l’ensemble des Français est indispensable à la résorption des fractures numériques » et si « elle devient d’ailleurs de plus en plus une condition sine qua non d’attractivité des territoires » ([572]), cela vaut a fortiori pour les Outre-mer.

E.   RÉformer le financement des hôpitaux ultramarins

Un remodelage du financement de la santé dans les territoires ultramarins pourrait reposer par la définition d’un objectif financier de territoire, un objectif régional de dépenses de l’assurance maladie, adapté aux difficultés de chaque territoire ultramarin, et l’exigence d’une péréquation du surcoût lié à l’insularité.

Dans tous les départements d’outre-mer, les établissements hospitaliers font face à des surcoûts spécifiques liés à leur situation géographique.

Selon la direction générale de l’offre de soins (DGOS), les principaux postes de surcoûts identifiés dans les Outre-mer sont liés aux majorations légales de salaires, aux prix des produits de santé – auxquels s’ajoutent les frais d’approche – ; les surcoûts de « titre 3 » (hôtellerie, énergie, alimentation), le coût des travaux plus élevés – en raison de l’insularité et des conditions naturelles ; la difficulté des évacuations sanitaires, ou encore les flux migratoires.

C’est pourquoi des coefficients géographiques sont appliqués dans les établissements de santé ultramarins, que ce soit pour les tarifs nationaux de l’assurance maladie, les forfaits annuels et la dotation complémentaire des établissements de santé. Ils sont actuellement de 27 % pour la Guadeloupe et la Martinique, 31 % pour La Réunion et la Guyane. Depuis 2006, l’ensemble des territoires ultramarins a bénéficié d’un relèvement de ces coefficients. Par exemple, en 2016, des travaux ont été conduits afin de revaloriser le coefficient de la Guadeloupe, passant de 26 % à 27 % en 2017.

Pour autant, au regard des différentes charges décrites précédemment, il apparaît que les coefficients géographiques actuels ne permettent pas d’absorber les surcoûts subis par les établissements hospitaliers Outre-mer. C’est ce qu’avait d’ailleurs conclu le rapport de Jean-Marc Aubert Réforme des modes de financement et de régulation : vers un modèle de paiement régulé, remis à la ministre des Solidarités et de la santé en janvier 2019 ([573]).

Ce rapport souligne d’ailleurs qu’à chaque fin d’année, une aide exceptionnelle en trésorerie est accordée a posteriori aux établissements de santé, en cas de difficultés permanentes et substantielles constatées. En effet, la grande majorité des établissements ultramarins connaissent des difficultés financières que les pouvoirs publics pallient depuis de nombreuses années, sans réelle remise à plat de l’ensemble du système – « ces difficultés étant liées non seulement à des spécificités objectives de leur réalité mais aussi à des erreurs de gestion antérieure. »

Il est donc urgent, en vue d’assurer un financement réaliste et adapté à la situation des Outre-mer, d’entamer une réflexion globale, non seulement sur les coefficients géographiques, mais également sur le financement global de ces établissements, afin de mieux tenir compte des spécificités de chaque territoire ultramarin.

Les surcoûts ultramarins ne sont pas systématiquement pris en compte dans le dimensionnement des dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) ou de dispositifs spécifiques (convention unique recherche, montants forfaitaires, centres de vaccination contre la Covid-19...).

Les recettes des établissements publics sont par ailleurs affectées par les montants élevés de créances irrécouvrables.

Par ailleurs, les centres de recours isolés que sont les centres hospitaliers universitaires ultramarins doivent assurer la mise en place, et le maintien, l’adaptabilité qualitative et quantitative d’un certain nombre de prises en charge de pathologies. De plus, ces établissements doivent développer une offre de soins de proximité et de recours structurellement déficitaire au vu du bassin desservi.

Il est donc nécessaire de mettre en place un financement des missions d’intérêt général dédié pour financer cet aspect nécessaire dans une logique d’égalité des chances des patients de ces territoires. L’enjeu serait donc d’évoluer vers un modèle adaptable en capacité de gommer une partie de ces surcoûts.

En effet, les difficultés actuelles entravent le bon fonctionnement des hôpitaux ultramarins, bloqués dans une architecture déficitaire, alors que la taille des territoires contribue à faire d’eux des employeurs et des clients majeurs dans le tissu économique. Le renoncement aux soins crée un cercle vicieux du déficit, qui freine l’investissement et induit un déficit de qualité et d’image.

Proposition n° 43 : Revoir les coefficients géographiques et augmenter les dotations de financement des missions d’intérêt général des hôpitaux ultramarins pour compenser les surcoûts liés à l’insularité.

F.   Encourager les Échanges Économiques rÉgionaux

1.   Deux régimes distincts de gestion de la politique commerciale

En matière de politique commerciale, les Outre-mer français dépendent de deux régimes distincts, suivant qu’ils appartiennent ou non au marché unique européen :

les régions ultrapériphériques (RUP) – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Martin, mais aussi les îles Canaries (Espagne), les Açores et Madère (Portugal) – font partie du territoire douanier européen : la politique commerciale et les accords commerciaux relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne (articles 3 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Le traité de Lisbonne a étendu cette compétence aux investissements directs étrangers et a conféré au Parlement européen le rôle de colégislateur, avec le Conseil, sur les questions commerciales. Au nom de tous les pays de l’Union européenne, la Commission européenne traite de questions relatives au commerce, notamment par la négociation d’accords commerciaux avec des pays tiers, sur la base d’un mandat délivré par le Conseil. Ces accords sont conclus à la majorité qualifiée, sauf dans le cas des accords portant sur le commerce de services, la propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, les services audiovisuels et culturels, les services sociaux, d’éducation et de santé, que le Conseil doit adopter à l’unanimité ;

les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) – la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon les Terres australes et antarctiques françaises et Wallis-et-Futuna, ainsi qu’Aruba, Bonaire, Saint-Eustatius et Saba, Curação, Sint-Maarten (Pays-Bas) et le Groenland (Danemark) – ne font pas partie de l’union douanière et peuvent ainsi déterminer eux-mêmes leurs règles commerciales et les accords de libre-échange.

Ainsi si les PTOM disposent de la capacité de développer des échanges avec les territoires de leur bassin géographique, les RUP et donc essentiellement les départements d’outre-mer (DOM) doivent le faire dans un cadre européen.

2.   Des échanges économiques largement dirigés vers l’Hexagone et vers l’Europe

Comme le récapitule M. Sébastien Mathouraparsad ([574]), pour l’ensemble des DOM, la plupart des secteurs sont essentiellement orientés vers la satisfaction des besoins du marché intérieur. Seul le secteur de l’hôtellerie-restauration tire une partie importante de ses revenus des ventes à l’exportation.

IntensitÉs sectorielles à l’exportation pour l’ensemble des Dom

 (en %)

figure im11

Source : Sébastien Mathouraparsad, Bernard Decaluwé, op. cit.

Le rhum et la banane sont évidemment deux produits phares du commerce extérieur des Outre-mer. Les Antilles écoulent à l’étranger respectivement 28 % pour la Guadeloupe et 30 % pour la Martinique de leur production. La Guadeloupe et La Réunion exportent plus de la moitié de leur production de rhum (respectivement 51 % et 52 %), la Martinique le tiers et la Guyane 13 %.

Dans la branche de l’énergie, près de 20 % de la production de l’ensemble des DOM est exportée. Toutefois, des différentiations apparaissent clairement. La Guyane exporte plus de la moitié de sa production d’industries extractives qui correspond à de l’or (51 %) et La Réunion en exporte 21 %. À La Réunion également, les importations de produits raffinés sont essentiellement réexportées et en Martinique une partie des importations de produits bruts est raffinée pour approvisionner le marché local et le reste du raffinage est destiné aux marchés régionaux (Guadeloupe et Guyane essentiellement).

Le transport est le service le plus exporté en Guyane (81 %) en raison des activités du spatial. La production du secteur spatial étant essentiellement le résultat de contrats avec l’étranger, toute sa production est exportée. Grâce à ce secteur, la Guyane est l’économie la plus exportatrice des DOM.

Ainsi on constate donc que la production ultramarine est essentiellement tournée vers la satisfaction du marché intérieur et que sa capacité d’expansion est relativement limitée. Seuls trois ou quatre secteurs peuvent s’appuyer sur les marchés étrangers pour favoriser leur croissance. Les branches les plus génératrices de recettes d’exportation sont les transports (en Guyane et en Guadeloupe), l’industrie extractive (en Guyane et à La Réunion), la banane (aux Antilles) et le rhum dont le commerce permet à toutes les régions d’écouler presque 50 % de la production, les filières banane et canne-sucre-rhum bénéficiant de mesures de soutien particulières.

Si l’on examine les zones destinatrices des exportations des DOM, la forte exportation de la Martinique vers les pays caribéens, repose principalement sur les exportations de carburant à destination de la Guadeloupe. Cet élément mis à part, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique sont très semblables. Si La Réunion importe peu des pays océaniens, en revanche cette destination représente plus du quart de ses exportations totales.

Exportations par zone par Dom

(en %)

figure im13

Source : Sébastien Mathouraparsad, Bernard Decaluwé, op. cit.

Pour l’ensemble des DOM, 62 % de la demande de produits industriels sont couverts par des importations.

Si l’on analyse les données plus fines par types de produits et par territoire, l’approvisionnement en produits de raffinerie, biens manufacturiers et industries agroalimentaires dépend des marchés étrangers. Le rhum est essentiellement importé en Guyane (79 % de la consommation est d’origine importée) alors que les autres territoires profitent d’une production locale. Autre particularité guyanaise, seule cette région importe des activités spécialisées, scientifiques et techniques, importations liées aux activités du Centre national d’études spatiales (Cnes). Par ailleurs, seule La Réunion importe du carburant raffiné. Dans les départements français d’Amérique, c’est une entreprise qui importe le pétrole brut en Martinique avant de le raffiner et desservir les marchés guadeloupéens et guyanais.

Taux de pÉnÉtration sectorielle des importations par Dom 

(en %)

figure im14

Source : Sébastien Mathouraparsad, Bernard Decaluwé, op. cit.

Du point de vue de la fiscalité qui touche le commerce extérieur, les produits du rhum, des activités scientifiques, des autres services des produits agroalimentaires sont les plus taxés (surtout le rhum en Guyane et les activités scientifiques en Martinique).

Si on prend l’exemple martiniquais, selon le bilan économique 2021 de l’Insee, la France hexagonale reste le partenaire commercial privilégié de la Martinique. Hors produits pétroliers, 73 % des importations proviennent de France hexagonale (+ 1 point par rapport à 2020) et 74 % des exportations y sont envoyées (+ 1 point par rapport à 2020).

Derrière la France hexagonale, l’Union européenne (hors France et produits pétroliers) est le second fournisseur de la Martinique avec une part de 13 % des importations, stable par rapport à 2020. Les échanges avec les autres pays de la Caraïbe (hors produits pétroliers) restent faibles avec 1,3 % du montant des importations et 0,8 % de celui des exportations.

En résumé, les chiffres indiquent clairement que les quatre régions affichent les mêmes symptômes : faiblesse de l’activité réelle à l’exportation et domination des entreprises étrangères pour l’approvisionnement en produits importés. Mais, ils révèlent aussi qu’elles ont certaines différences qui tendent à les caractériser.

3.   Les possibilités de développer les échanges nécessitent d’utiliser le cadre européen mais également de veiller à ne pas concurrencer les productions locales

Un nouvel accord de partenariat a été conclu le 3 décembre 2020 entre l’Union européenne (UE) et les pays de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Cet accord s’inscrit dans une tradition d’échanges engagés avec la Convention de Lomé de 1975.

L’accord de Cotonou du 23 juin 2000 a succédé aux conventions de Lomé (1975, 1979, 1984, 1989), qui avaient instauré un régime commercial très favorable pour les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique). Dans le cadre des conventions de Lomé, les produits exportés des pays ACP vers l’Union européenne (UE) étaient exemptés de droits de douane et n’étaient pas soumis aux restrictions quantitatives sur les importations, à l’exception notable des produits agricoles soumis à une organisation commune de marché (OCM) ou à une réglementation européenne.

L’accord de Cotonou a établi un nouveau régime commercial fondé sur un libre-échange tenant compte de la situation des pays ACP. En application depuis 2003, pour une durée de 20 ans, il prévoit une aide financière révisable tous les cinq ans (13,5 milliards d’euros pour les cinq premières années).

Plus complet que les accords de Lomé, cet accord de Cotonou repose sur trois axes : coopération au développement, coopération économique et commerciale et dialogue politique. 

Dans ce cadre, l’Union européenne a négocié des accords de partenariat avec différentes organisations régionales.

Ainsi, avec l’Amérique centrale (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama), un accord d’association, premier accord de région à région de ce type conclu par l’Union européenne, a été signé en juin 2012 et ratifié par le Parlement européen en décembre 2012. Cet accord pose comme objectif la mise en place d’un partenariat politique privilégié et libéralise également le commerce des produits industriels et la pêche, en éliminant la plupart des droits de douane sur les échanges agricoles. Le chapitre commercial de l’accord est entré provisoirement en vigueur en 2013 (à des dates différentes selon les pays).

Selon l’étude menée en 2023 par la Commission européenne sur l’impact de cet accord ([575]) , bien que les exportations globales de sucre de la Guadeloupe et de La Réunion n’aient pas été significativement affectées par l’accord, les exportations concurrentes des pays d’Amérique centrale ont partiellement impacté le sous-secteur des exportations de sucres spéciaux à haute valeur ajoutée. L’étude affirme notamment que les exportations de sucres spéciaux en provenance des pays ACP ne représentent qu’1,5% de l’ensemble du marché du sucre de l’Union européenne. L’accord UE-Amérique Centrale a également entraîné une augmentation notable des exportations de bananes en provenance d’Amérique centrale vers l’Union européenne, avec le Costa Rica et le Guatemala en tant que principaux bénéficiaires de ce marché. Ces pays ont gagné des parts de marché auprès des pays Andins et des pays de l’Union européenne, y compris les régions ultrapériphériques, sur un marché de la banane en expansion au sein de l’Union européenne. Toutefois, le rapport souligne que le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) ainsi que les programmes de développement rural ont contribué à soutenir la production de bananes au sein de l’Union européenne, malgré l’augmentation des volumes d’importation et de la concurrence sur le marché européen. Le rapport explique également que la Commission européenne reste vigilante quant à l’évolution du marché de la banane de l’Union européenne, y compris les flux commerciaux des régions ultrapériphériques vers l’UE.

Cette étude met en évidence la nécessité de prendre en compte les spécificités des RUP dans la mise en œuvre des accords commerciaux et indique que des mesures de soutien adéquates et adaptées doivent être mises en place pour garantir la compétitivité des industries bananières et sucrières de ces régions face à la concurrence des pays d’Amérique centrale.

Avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), les négociations en vue d’un accord d’association, englobant le dialogue politique, la coopération et le libre-échange, ont commencé en 1999. Au bout de vingt ans de négociations (suspendues entre 2004 et 2010), l’Union européenne et le Mercosur sont parvenus, en juin 2019, à un accord politique sur le chapitre relatif au commerce de l’accord d’association et, en juin 2020, sur les dernières questions restées en suspens dans ses chapitres consacrés à la politique et à la coopération. Le texte de l’accord va faire l’objet d’une révision juridique et sera ensuite envoyé au Parlement européen et aux États membres pour être ratifié. Une fois l’accord entré en vigueur, les exportations de l’Union vers le Mercosur bénéficieraient de la suppression des droits de douane sur 91 % des marchandises ainsi que de l’abaissement des droits sur un certain nombre de ses produits. L’Union supprimerait, quant à elle, les droits sur 92 % des biens importés du Mercosur, mais maintiendrait les contingents tarifaires sur les produits agricoles sensibles.

Les relations UE-Caraïbes se caractérisent par une superposition de cadres institutionnels. L’interlocuteur essentiel de l’Union européenne dans le cadre du dialogue birégional est le Cariforum. Sur les seize membres que compte l’organisation, quatorze — Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Dominique, la Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Suriname et Trinité-et-Tobago — sont membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom). La République dominicaine (État signataire de l’accord de Cotonou et de l’APE) et Cuba (doté d’un statut spécial) en sont également membres.

Dans le cadre de ces accords, les RUP ont donc la possibilité d’importer des produits pouvant se substituer à des produits venant du continent européen, avec deux limites : la question des normes applicables (cf. supra) ; mais également le maintien de quotas d’importation sur les produits agricoles, notamment ceux qui pourraient venir concurrencer les productions des RUP.

Dans ce cadre, de nouvelles solutions restent à trouver et à intégrer aux accords commerciaux entre l’Union européenne et les blocs régionaux ACP :

– des clauses de sauvegarde, permettant d’éviter une concurrence inégale sur les productions communes au bloc régional partenaire et aux RUP, comme le prévoit le projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur ?

– des quotas pour les productions les plus sensibles ?

– une réciprocité asymétrique en matière d’ouverture commerciale ?

Dans sa réponse aux questions écrites envoyées par le rapporteur de la commission d’enquête, M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, affirme que « La France consulte et tient compte des intérêts offensifs et défensifs des DROM dans la position qu’elle porte au Conseil de l’UE : consultations des administrations concernées et des fédérations professionnelles dans les secteurs clés. Nous maintenons une vigilance permanente sur les filières sensibles et l’UE reconnaît notre expertise en la matière. Les principaux intérêts des Outre-mer dans le cadre des accords de libre-échange concernent la banane, le sucre et le rhum. Des mesures de sauvegarde peuvent aussi être instituées, lorsque les conditions sont réunies et que cela est nécessaire, afin de protéger les marchés ultramarins. L’État a également proposé au moment de la révision de la politique commerciale de l’UE d’améliorer l’intégration régionale des territoires ultramarins en portant, par exemple, une évolution de l’approche sur les études d’impact ex ante et ex post de nos accords commerciaux au niveau UE, de manière à fournir des chiffrages sectoriels spécifiques aux RUP et donc des éléments d’appréciation, notamment pour adopter d’éventuelles mesures de sauvegarde. La France continue de porter cette approche auprès de la Commission lors de chaque nouvelle négociation commerciale. Il pourrait aussi être proposé à la Commission, si les DROM y voient un intérêt, de développer des modalités de dialogue entre les RUP et les pays du groupe ACP dans le cadre des APE. » ([576])

Proposition n° 44 : Exiger la prise en compte des risques et des potentialités dans le développement des échanges avec les régions ultrapériphériques lors de la signature des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays de leur zone géographique.

4.   Le développement d’une diplomatie économique dans le cadre régional

La loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des Outre-mer dans leur environnement régional, dite « loi Letchimy », a élargi les possibilités de coopération régionale en libérant davantage l’action extérieure des collectivités territoriales. En effet, ces dispositions permettent, sous certaines conditions, aux collectivités territoriales françaises de signer des conventions avec des États. Cette possibilité, jusqu’alors réservée au seul cadre juridique des outils européens existants, limitativement énumérés à l’alinéa premier de l’article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales, se trouve désormais étendue « pour les besoins d’une coopération territoriale ou régionale ».

Le champ de l’action extérieure des collectivités territoriales a été ouvert à tous les accords internationaux antérieurs approuvés par la France, à l’exécution de tout programme de coopération régionale également approuvé par la France, mais également à tout autre groupement de coopération transfrontalière, régionale ou interterritoriale à venir. Cette évolution, qui a été progressive, tend à permettre aux collectivités territoriales de développer davantage leurs échanges avec les pays de leur environnement régional. En effet, bien que la coopération régionale décentralisée actuelle semble portée par un succès certain, des obstacles, de fait ou de droit, subsistent et limitent sa pleine efficacité. Ainsi, la loi Letchimy permet aux collectivités territoriales d’inscrire leurs efforts de coopération dans un cadre juridique précis, ce qui ne fait que légitimer leur rayonnement au sein de leurs environnements régionaux respectifs.

Bien que la loi vise essentiellement à combattre les obstacles à la coopération extérieure des collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 73 de la Constitution, elle entraîne une évolution majeure au profit de toutes les collectivités territoriales françaises, notamment frontalières, désormais porteuses d’une diplomatie de proximité.

Ainsi, parmi les forums de coopération de la Caraïbe, la Guadeloupe et la Martinique sont membres associés de l’Association des États de la Caraïbe depuis 2014, comme Saint-Martin depuis 2016. Au sein de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale, la Martinique est membre associé depuis 2015 et la Guadeloupe depuis 2019.

Depuis 2012, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique se sont portées candidates pour adhérer à la Communauté caribéenne (Caricom). Or, ce n’est que le 5 juillet 2023 que leur candidature a été acceptée pour devenir à terme membres associés de cette organisation à vocation d’intégration régionale ([577]). Au cours de ces cinquante dernières années, l’organisation a créé des institutions régionales qui interviennent dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, de la gestion des catastrophes naturelles, le changement climatique et la sécurité, même si la mise en place d’un espace économique commun n’a pas encore abouti. Cependant, les opportunités ouvertes par cette adhésion sont énormes tant en termes de développement économique que de partenariats multiples.

Proposition n° 45 : Renforcer les dispositions de la loi n° 2016-1657 relative à la coopération régionale afin de permettre aux territoires ultramarins de développer les coopérations notamment économiques avec leurs voisins.

5.   Élargir le marché et développer des productions à échanger

Cependant, le développement des échanges nécessite également le développement d’une production endogène (cf. infra), qui permette de développer non seulement les importations mais également de proposer des produits à valeur ajoutée issus d’une production locale.

En effet, les productions des voisins des DOM sont souvent très similaires aux productions internes, avec des salaires et des coûts de production nettement inférieurs.

Dans ce cadre, il convient de favoriser le développement de produits à échanger à valeur ajoutée, qui correspondent aux besoins des États proches et aux potentialités des DOM.

Ainsi dans le cadre du programme-cadre organisant l’action extérieure de la collectivité territoriale de Martinique dans un territoire du bassin caribéen adopté par l’Assemblée de Martinique le 23 mars 2023, la collectivité territoriale prévoit de négocier des accords dans ses champs de compétences avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux au sein du Bassin Amérique-Caraïbe. Ces accords pourront notamment permettre la mise en œuvre concrète d’Erasmus Caraïbe, prévoir de nouvelles coopérations médicales notamment en matière de cancérologie et faciliter les échanges de matières premières pour la diversification des sources d’approvisionnement.

Elle prévoit ainsi de faciliter l’importation de matières premières pouvant permettre la constitution de filières d’activité et d’industries nouvelles de transformation, pouvant constituer des productions destinées à la consommation locale mais surtout à l’exportation de produits manufacturés et créer des emplois localement, afin d’agir sur le déficit démographique de la Martinique.

Ces productions à échanger pourraient être des produits mais également des services : les départements d’outre-mer disposent d’infrastructures publiques en matière d’éducation ou de santé qui pourraient permettre de proposer des services à valeur ajoutée dans l’espace régional. Ainsi les structures hospitalières ultramarines pourraient être le point de départ d’une politique raisonnée de développement de la recherche, d’offres de services médicaux spécialisés et notamment hospitaliers à destination d’une clientèle régionale, qui n’a pas souvent accès à une prestation médicale de qualité dans les autres pays de la zone.

Il serait possible de construire des territoires de spécialisation mettant en valeur les savoir-faire et les expertises locales des territoires ultramarins, permettant de développer une offre de services, par exemple dans le domaine de la santé ou de la biodiversité, pour devenir des centres régionaux (hub) de services, de recherche et d’innovation.

Proposition n° 46 : Construire des territoires de spécialisation proposant une offre de services à haute valeur ajoutée, notamment en matière médicale et éducative, pouvant être exportée dans un cadre régional.

Cette stratégie pourrait s’inscrire dans « la stratégie martiniquaise du triangle du progrès », défendue par M. Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Martinique : « Une volonté de réancrer la Martinique dans sa région, à l’interface entre l’Europe, bien sûr, mais aussi les Amériques et la Caraïbe. Nous ne pouvons plus être dépendants des flux exclusifs orientés vers et depuis l’Hexagone. » ([578]) L’objectif consiste en l’importation de matières premières en provenance de la Grande Caraïbe et des Amériques afin d’être transformé en Martinique en vue d’une exportation vers l’Europe, l’Afrique et le reste du monde, en tirant profit du positionnement géographique et institutionnel de la Martinique, territoire français et région ultra-périphérique, afin de créer de l’emploi et contribuer à la structuration de filières d’entreprises de transformation en créant de la valeur ajoutée et en attirant de l’investissement productif sur le territoire martiniquais.

Il apparaît nécessaire de développer une offre industrielle d’activités de transformation, à partir de matières premières importées des voisins géographiques des bassins régionaux les plus proches. Ces produits transformés pourraient ensuite être exportés vers l’Hexagone ou les autres pays de l’Union européenne. Il s’agit de créer des filières nouvelles issues de potentialités économiques existantes pour générer de l’activité, donc de la richesse et de l’emploi localement. Cela permettra d’augmenter la production locale, mais aussi de négocier les coûts du transport maritime en faisant repartir des conteneurs remplis des produits d’exportation.

Proposition n° 47 : Développer des filières d’industries de transformation ayant vocation à exporter des produits manufacturés localement.

G.   Encourager la vente des produits provenant des Outre-mer dans l’Hexagone 

Si les territoires ultramarins concentrent leurs importations sur les produits provenant de la France hexagonale, il est difficile d’estimer que les produits ultramarins soient commercialisés à hauteur de ce qu’il faudrait dans les réseaux de distribution hexagonaux.

Or, il s’agit d’un élément crucial, non seulement pour favoriser le développement d’activités économiques productives, mais également pour optimiser le retour des conteneurs, qui aujourd’hui repartent trop souvent à vide, faute de produits à exporter. Ainsi, comme le reconnait Stéphane Hayot, « en Martinique, par exemple, le coût d’acheminement d’un conteneur vide de métropole jusqu’à destination s’élève à plus de 5 000 euros » ([579]). En l’absence de clients pour commander l’acheminement de conteneurs entre les Outre-mer et l’Europe, les armateurs répercutent le coût de retour des conteneurs sur leurs tarifs.

L’absence de perspective de développement économique peut également avoir des conséquences sur sa desserte, et in fine sur les coûts d’acheminement pour le consommateur ultramarin. En réponse aux questions écrites du rapporteur, l’armateur Mærsk a ainsi écrit qu’il « procédait en effet à l’affrètement d’espaces auprès de CMA CGM à destination des Antilles françaises. Cet affrètement d’espaces a pris fin au 31 mars 2023. L’arrêt de cette activité s’explique notamment par le faible volume de marchandises transportées vers les Antilles et une balance commerciale déficitaire. Mærsk n’était pas en mesure d’obtenir des conditions compétitives et de maintenir ainsi une activité de fret économiquement viable vers les Antilles. La desserte des Antilles par Mærsk était déjà déficitaire depuis de nombreuses années. » ([580]) . De la même manière, à Mayotte, une délégation de la commission d’enquête a pu constater combien la baisse du nombre de rotations de navires vient compliquer la vie des distributeurs et des Mahorais en rallongeant fortement les délais d’acheminement entre l’Europe et Mayotte.

Si les règles du marché unique européen interdisent de prioriser la production nationale sur les autres productions dans l’espace économique européen, il importe de développer les exportations vers l’Hexagone en créant des débouchés pour la production locale ultramarine.

Cela pourrait passer par la multiplication des actions autour de la valorisation et de sensibilisation aux qualités des produits ultramarins dans l’Hexagone. Les évènements tels que la Grande Exposition du Fabriqué en France doivent favoriser la présence de produits ultramarins : en 2021 sur 126 produits, 9 provenaient des Outre-mer.

Il conviendrait également de renforcer les partenariats entre l’Hexagone et les collectivités des Outre-mer, à l’image de l’accord entre le président du conseil exécutif de Martinique, Serge Letchimy et la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse dont le but est de favoriser l’importation en Hexagone de produits martiniquais, par exemple en favorisant le recours aux produits ultramarins en circuits courts dans la restauration des lycées.

Proposition n° 48 : Conclure avec d’autres régions françaises des accords de recours à des produits ultramarins dans le cadre du droit de la commande publique.

Il faudrait également renforcer la visibilité des produits des Outre-mer dans les commerces d’Hexagone en investissant dans des campagnes de promotion de grande ampleur mais aussi en mettant en valeur les produits sur les étals des magasins.

Enfin, il serait possible de créer des marques d’excellence afin de valoriser les productions ultramarines et renforcer les labels existants. Des labels sont déjà mis en place, par exemple en Guadeloupe, le label « Môso Tè La » a été mis en place afin de protéger les récoltes non polluées par le chlordécone ou autres pesticides, à La Réunion, le label « 100 % La Réunion » garantit des productions intégralement locales.

Il existe également le label européen dit « RUP » permettant de valoriser la qualité et la localité notamment des produits guyanais et antillais.

Proposition n° 49 : Favoriser la production ultramarine en organisant mieux sa promotion et son exposition en direction du consommateur hexagonal.

H.   Aller plus loin : vers un nouveau modÈle Économique

Si ces propositions précitées sont attendues, elles ne seront qu’une première étape.

Dans l’esprit du rapporteur, il importe d’enclencher une dynamique de développement des territoires ultramarins, dans une démarche d’aide à la fois massive et temporaire.

Face à un malade en arrêt cardiaque, il convient d’entreprendre sans attendre un déchoquage, afin de le réanimer et de lui permettre de retrouver pleinement toutes ses fonctions vitales. C’est le sens de l’effort qu’il demande à l’État en faveur des territoires ultramarins.

1.   Déchoquer les économies ultramarines par un effort massif et temporaire

a.   Rétablir le niveau de l’abattement fiscal pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages

D’une manière générale, le calcul de l’impôt sur le revenu obéit aux mêmes règles dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte) que dans l’Hexagone. Ainsi, l’impôt brut obtenu en appliquant le même barème qu’en France hexagonale supporte, s’il y a lieu, le plafonnement des effets du quotient familial.

Toutefois, en vertu d’une disposition en vigueur depuis 1960 ([581]) modifiée et codifiée depuis lors au 3 du I de l’article 197 du code général des impôts (CGI), pour les contribuables domiciliés dans ces départements, le montant de l’impôt obtenu par application du barème est diminué d’une certaine proportion.

La réduction d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables domiciliés dans les DOM avait pour objectif d’adapter le régime fiscal à chacun d’entre eux, compte tenu de leur situation économique propre et des nécessités de leur développement en tenant compte notamment du coût de la vie. Il s’agissait de tenir compte du coût de la vie dans ces départements et de faciliter le recrutement des cadres et des techniciens.

Le montant de l’impôt ainsi déterminé est ainsi réduit :

– de 30 %, pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion ;

– de 40 %, pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte.

Dans le cadre de l’article 16 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, le Gouvernement a entrepris d’abaisser les montants maximaux de la réduction d’impôt sur le revenu pour résidence dans les départements d’outre-mer :

– pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, le plafond de la réduction d’impôt possible est passé de 5 100 euros à 2 450 euros ;

– pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte, le plafond de la réduction d’impôt possible est passé de 6 700 euros à 4 050 euros.

Selon les évaluations des voies et moyens annexés au projet de loi de finances pour 2019 ([582]), la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables domiciliés Outre-mer représentait, en 2017, une dépense fiscale de 402 millions d’euros et a bénéficié à 449 304 foyers.

Le Gouvernement a estimé qu’« En contradiction avec l’objectif poursuivi, ce dispositif ne bénéficie pas aux contribuables les plus modestes. Il est concentré sur les ménages les plus aisés et vient limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il ne contribue donc pas à réduire les inégalités de revenus, plus marquées dans les départements d’outre-mer qu’en métropole. » ([583])

Selon le Gouvernement, 86 % de l’avantage fiscal était concentré sur les contribuables dont le revenu est situé parmi les 20 % les plus élevés. Complétant ce constat, l’évaluation préalable précisait qu’au titre des revenus de l’année 2016, le plafonnement « ne concerne qu’une part infime des contribuables bénéficiaires » : seuls 2,1 % des contribuables bénéficiaires du dispositif en 2017 atteignaient les plafonds.

D’après l’évaluation préalable, cette mesure aurait permis un gain de recettes de 70 millions d’euros. Cette somme a servi à alimenter le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) créé par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer et qui a pour objet d’apporter une aide financière aux personnes publiques qui réalisent dans les départements et collectivités d’outre-mer des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local, en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement.

Le rapporteur observe que cela revient à faire financer le développement des investissements Outre-mer en grande partie par la solidarité des contribuables de l’Outre-mer eux-mêmes, et non par la solidarité nationale, alors que la très grande majorité d’entre eux sont déjà en grande et grave difficulté.

Cependant, le rapporteur estime que cette mesure, qui a touché particulièrement les classes moyennes (toutes les personnes dont le revenu mensuel est égal ou supérieur à 2 450 euros en Guadeloupe et en Martinique) a porté un coup direct et sec au pouvoir d’achat des ménages des départements et régions d’outre-mer, disproportionnée dans ce contexte où la vie chère représente un défi majeur. Ces mêmes citoyens ne bénéficient pas d’un niveau de services publics d’État comparables à celui de l’Hexagone.

Il conviendrait ainsi de revenir sur cette mesure incomprise par les Ultramarins.

Proposition n° 50 : Rétablir les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer.

b.   Garantir le réinvestissement des recettes de TVA dans le développement de chaque territoire

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est perçue dans trois départements et régions d’outre-mer, en sus de l’octroi de mer. Ces territoires ultramarins bénéficient d’un régime de TVA allégé par rapport à l’Hexagone :

‑ les taux de TVA sont plus faibles que dans l’Hexagone : en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, 8,5 % pour le taux normal au lieu de 20 % et 2,1 % pour le taux réduit en lieu et place de 5,5 % ;

‑ en outre, la TVA n’est « provisoirement » pas appliquée en Guyane et à Mayotte ([584]).

Cependant ce régime particulier répond, d’une part, aux difficultés structurelles et conjoncturelles de ces territoires ultramarins, notamment en termes de niveau de vie qui est en moyenne nettement inférieur à celui de l’Hexagone, de taux de précarité et de chômage accru ou encore de forte captivité des consommateurs vis-à-vis des prix pratiqués sur le marché, du fait des contraintes d’éloignement, d’insularité et d’exiguïté dans les Outre-mer.

Selon le rapport de la Ferdi ([585]) précité, la TVA collectée dans les DROM rapporte pratiquement un milliard d’euros à l’État :

Produits des Principaux impôts collectÉs dans les DROM en 2017

(en millions d’euros)

  

Impôt sur les sociétés (IS)

Impôt sur le revenu (IR)

TVA

Droits d’enregis-trement

Impôts locaux

Octroi de mer (OM)

Total

Guadeloupe

78

173,7

218,8

17

407

259,4

1153,9

Martinique

101

204,8

227,8

23

400

257,1

1 213,7

Guyane

31

72,5

 

3

135

172,0

413,5

La Réunion

197

394,1

518,1

40

809

425,8

2 384,0

Mayotte

18

32,7

 

1

34

83,7

169,4

Total

425

877,8

964,7

84

1 785

1 197,9

5 334,4

Contrairement aux autres impôts – octroi de mer, droits d’enregistrement et impôts locaux, dont les impôts fonciers, la taxe d’habitation, la contribution foncière des entreprises, la contribution économique territoriale et la taxe locale sur les mutations – le produit de la TVA alimente le budget de l’État et non celui des collectivités locales – départements, régions, collectivités uniques, communes ou leurs groupements.

Pour le rapporteur, la situation économique des départements et régions d’outre-mer justifie que cette recette d’État n’alimente pas le budget général et soit réinjectée pour aider le territoire où elle a été collectée.

Dans ce cadre, M. Sébastien Mathouraparsad a émis une proposition intéressante sur l’utilisation du produit de la TVA collectée dans les DROM, lors de son audition : « on pourrait conserver le produit de la TVA, utiliser le premier alinéa de l’article 294 du code général des impôts, qui exonère de cette taxe la Guyane et Mayotte, et reverser ce produit aux ménages modestes, situés sous le seuil de bas revenu. Cela créerait du revenu pour ces agents. Il faut conditionner le bénéfice des aides : la perception de l’allocation par ces ménages serait subordonnée à la consommation de produits locaux, ce qui stimulerait la production locale et créerait de l’emploi. […] En Guadeloupe, [ce scénario] aboutirait à une réduction de 2 points du taux de pauvreté – ce qui revient à faire passer 8 000 personnes au-dessus du seuil de bas revenu –, de 2 points du taux de chômage, et une augmentation de 1 point du taux de croissance. Ce dispositif vertueux permettrait ainsi de travailler à résoudre des problèmes criants : pauvreté, chômage, faiblesse de la production locale. » ([586])

Si un dispositif qui ne permettrait que l’achat de produits locaux serait sans doute incompatible avec les règles du marché unique européen, il serait possible d’atteindre le même objectif en ciblant indirectement des gammes de produits et de services qui sont essentiellement produits localement : les produits frais issus des circuits courts et les services en présentiel.

Proposition n° 51 : Affecter les recettes de TVA de chaque département d’outre-mer concerné (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) aux ménages modestes sous la forme d’une allocation spécifique et conditionnée ne pouvant être dépensée qu’en achats de services et de produits issus des circuits courts.

c.   Renforcer les zones franches d’activité nouvelle génération dans les DROM en portant à zéro toute la fiscalité des PME et en supprimant notamment les cotisations sociales pour les embauches sous conditions

i.   Les zones franches d’activités nouvelle génération

Créé par l’article 19 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, le régime d’aide à finalité régionale, dénommé « Zones franches d’activités nouvelle génération » (ZFANG), s’inscrit dans le cadre des politiques publiques conduites en Outre-mer pour développer le tissu économique de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion, de la Guyane et de Mayotte. Cette aide au fonctionnement vise à optimiser le financement du cycle d’exploitation des entreprises et à améliorer leur compétitivité.

Le dispositif accompagne prioritairement certains secteurs clefs pour le développement des territoires ultramarins. Ce dispositif simplifie et met en cohérence les dispositifs fiscaux zonés applicables Outre-mer, en remplaçant en Outre-mer les dispositifs de zones de revitalisation rurale et de zones franches urbaines et en renforçant le régime des zones franches d’activités par des taux d’exonération relevés et recentrés sur les activités et les territoires les plus en difficulté.

Les entreprises implantées dans les ZFANG peuvent bénéficier d’abattements sur l’imposition sur les bénéfices, sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et facultativement d’une exonération de cotisation foncière des entreprises.

Elles doivent, à la clôture de l’exercice au titre duquel est pratiqué l’abattement, employer moins de 250 salariés et réaliser un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. Les PME doivent exercer comme activité principale l’une des activités suivantes : activité agricole, activité industrielle, activité commerciale, activité artisanale.

En ce qui concerne l’impôt sur les bénéfices, le montant de l’abattement est égal à 50 % des bénéfices pour un montant maximum égal à 150 000 euros par an. L’abattement s’applique aux bénéfices et plus-values réalisées dans les DOM, à l’exclusion des plus-values de réévaluation d’éléments d’actifs. Un taux majoré de 80 % est applicable pour les entreprises situées en Guyane et Mayotte, et pour les entreprises situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion exerçant leur activité dans certains secteurs d’activité (recherche et développement, technologie de l’information et de la communication, tourisme, agro-nutrition, environnement, énergies renouvelables, bâtiments et travaux publics, transformation de produits destinés à la construction, production cosmétique et pharmaceutique).

Lorsque l’entreprise réalise des bénéfices soumis à des taux d’abattement différents, l’abattement total ne peut excéder 300 000 euros, dont 150 000 euros au plus sur les bénéfices éligibles à l’abattement de droit commun.

En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le taux de l’abattement est fixé à 50 % de la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et à 80% pour les immeubles situés en Guyane ou à Mayotte ou selon certaines conditions.

De la même manière, les entreprises éligibles au dispositif ZFANG bénéficient d’un abattement de cotisation foncière des entreprises de 80 % minimum. Il peut être de 100% pour les entreprises situées en Guyane ou à Mayotte, en Guadeloupe, Martinique ou à La Réunion, sous certaines conditions.

ii.   Les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en Outre-mer

Les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer poursuivent comme objectif de favoriser le développement économique et social des DOM, des COM et de la Nouvelle-Calédonie, et ainsi d’aider les entreprises ultramarines non seulement à se créer, mais également à se développer et diversifier leurs activités.

Les bénéficiaires des aides fiscales diffèrent selon les mécanismes d’aide mobilisés et les territoires sur lesquels les investissements sont réalisés.

S’agissant des investissements productifs ou des logements intermédiaires ou sociaux exploités dans les COM, territoires disposant de l’autonomie fiscale, l’investissement est systématiquement réalisé dans le cadre de schémas intermédiés. Ils consistent notamment en des schémas locatifs, dans lesquels des personnes tierces à l’exploitation, les investisseurs, vont réaliser un investissement, le louer, pendant cinq ans généralement, à l’entreprise exploitante et bénéficier de l’avantage fiscal. En contrepartie, ces investisseurs sont notamment tenus de rétrocéder une partie de l’avantage fiscal global obtenu à l’exploitant, sous forme d’une baisse du montant des loyers et d’une diminution du prix de cession de l’investissement, au terme du délai légal de conservation. Le montant de l’avantage fiscal rétrocédé à l’exploitant diffère selon les mécanismes et le taux de l’avantage fiscal.

S’agissant des investissements réalisés dans les DOM, l’entreprise exploitante peut, lorsque son chiffre d’affaires est inférieur à certaines limites, réaliser son investissement via un schéma locatif d’investissement. Elle peut en outre réaliser directement l’investissement et bénéficier en intégralité du montant de l’avantage fiscal.

Enfin, concernant les investissements réalisés dans le secteur du logement social dans les DOM, le bénéfice de l’aide fiscale est réservé aux seuls organismes de logements sociaux (OLS) réalisant directement, ou en crédit-bail, leurs opérations de construction, d’acquisition ou de réhabilitation de logements sociaux. Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés sont également éligibles, sous conditions, lorsqu’elles sont bénéficiaires de prêts locatifs sociaux.

iii.   Les taux majorés de crédit d’impôt recherche (CIR) et de crédit d’impôt innovation (CII).

Les entreprises engageant des dépenses de recherche et développement (R&D) et d’innovation dans un DOM bénéficient d’un taux majoré de crédit d’impôt recherche (taux normal porté de 30 à 50 %) et de crédit d’impôt innovation (taux porté de 30 à 60 %), prévus à l’article 244 quater B du code général des impôts.

iv.   La nécessité de passer à un régime de zones franches globales, exonérant temporairement de cotisations sociales et de prélèvements fiscaux la création de nouveaux emplois

Lors de son audition, M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer, a déclaré qu’il allait proposer au Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) la création de zones franches globales non seulement sur l’imposition des entreprises, mais également sur les cotisations sociales dues pour l’emploi de travailleurs salariés ([587]).

Lors du déplacement d’une délégation de la commission d’enquête à La Réunion en juin 2023, le président du conseil départemental, M. Cyrille Melchior, a ainsi apporté son soutien à la création de zones franches « bleues et vertes », concernant notamment l’agriculture biologique, l’aquaculture et la transformation agricole, dans des domaines créateurs d’emplois et de valeur ajoutée.

En Martinique, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale, M. Serge Letchimy, propose de créer autour du grand port maritime une zone franche d’importation, de transformation et d’exportation et de deux ports francs, permettant le développement de nouvelles activités économiques.

Le rapporteur reprend cette proposition, en souhaitant que soit prévu un régime exonérant de cotisations sociales toute création d’emplois dans les départements et régions d’outre-mer. Il conviendra naturellement que l’État en compense les effets sur les recettes des collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale.

Proposition n° 52 : Créer un dispositif de ports francs et de zones franches globales dans les départements et régions d’outre-mer, exonérant temporairement (pendant une décennie) de cotisations sociales et de prélèvements fiscaux les emplois créés par les TPE et PME dans les secteurs créateurs de valeur ajoutée.

v.   S’assurer que les nouveaux emplois créés aillent prioritairement à la jeunesse locale

Cependant, le rapporteur souhaite que ces nouveaux emplois créés ne constituent pas le prétexte pour recruter des diplômés venant d’ailleurs et laissent de côté la jeunesse ultramarine.

Si la Constitution interdit de mettre en place des discriminations entre les Français, elle permet cependant de reconnaitre que la situation géographique des personnes habitant dans des zones à développer peut justifier qu’une politique incitative soit mise en place.

Ainsi, les emplois francs, aide à l’embauche expérimentée depuis le 1er avril 2018, puis généralisée au 1er janvier 2020, constituent une réponse concrète et innovante à ces difficultés rencontrées par les résidents des quartiers prioritaires en étant une aide destinée aux résidents des quartiers prioritaires de la politique de la Ville.

Dans la même idée, une aide temporaire pourrait permettre de prioriser les habitants de chaque territoire ultramarin dans le recrutement des nouveaux emplois créés dans le cadre du dispositif de zones franches globales.

Proposition n° 53 : Conditionner les aides à l’embauche, dans le cadre des zones franches globales ou de tout autre dispositif favorisant les embauches, au recrutement de résidents du territoire ultramarin concerné.

d.   Aider massivement à la rénovation des logements privés

Le nombre de logements vacants issus de l’habitat des propriétaires bailleurs et des propriétaires occupants est extrêmement important. Or il s’agit d’une offre de logement considérable potentielle, qui pourrait être mobilisée.

Pour les ménages aux revenus modestes et très modestes, l’aide MaPrimeRénov’ Sérénité finance des travaux de rénovation globale permettant un gain énergétique (en énergie primaire) d’au moins 35 %. L’aide couvre jusqu’à 35 % ou 50 % du coût des travaux (hors taxes et bonus, selon les revenus du demandeur). Or ces aides ont pu, par le passé, atteindre 80 %.

Proposition n° 54 : Augmenter les aides publiques affectées à la réhabilitation de l’habitat des propriétaires bailleurs et propriétaires occupants pour permettre une prise en charge de 80 % du coût des travaux.

2.   Aller vers une compensation intégrale de l’éloignement géographique

a.   Pour les marchandises : pour une durée limitée, un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement

Actuellement coexistent deux régimes d’aide au fret : une aide au fret nationale et une aide au fret européenne.

Cependant, leur champ d’action reste limité à l’acheminement des moyens de production : « S’agissant des aides au fret, elles ne répondent absolument pas à l’enjeu de la vie chère, en particulier dans les contextes de double ou triple insularité, et sont avant tout des soutiens au développement de filières locales de production. » ([588])

L’article 24 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 a créé une aide au fret nationale, qui participe aux actions de transport suivantes :

« Le transport vers une entreprise ultramarine des matières premières ou produits entrant dans un cycle de production en provenance de pays tiers et des départements et collectivités territoriales ultramarines ;

« Le transport des matières premières et produits issus d’un cycle de production dans une entreprise ultramarine vers les départements et collectivités territoriales ultramarines ;

« L’importation de déchets en provenance de l’Union européenne, des départements et collectivités territoriales ultramarines et des pays tiers ;

« Le transport de déchets vers l’Union européenne et les départements et collectivités territoriales ultramarines. » ([589])

Cette aide a donc pour objectif (les déchets mis à part) d’améliorer la compétitivité des activités de production dans les Outre-mer. En revanche, les importations de produits de consommation ne peuvent en bénéficier.

La base de l’aide est égale au coût prévisionnel annuel hors taxes des dépenses de transport le plus économique, maritime ou aérien, incluant les assurances, les frais de manutention et de stockage temporaire avant enlèvement.

Le dispositif national de l’aide au fret vient en complément de crédits européens mobilisés aux mêmes fins. À côté de l’aide au fret de l’État, une aide au fret européenne analogue peut donc être mobilisée.

Dans la plupart des territoires l’instruction des dossiers de demande est ainsi effectuée par les services instructeurs de l’autorité de gestion FEDER, avant transmission du dossier aux services déconcentrés de l’État en amont du versement de l’aide nationale.

L’aide européenne peut couvrir jusqu’à 100 % du coût du fret annuel, tandis que l’aide nationale ne peut prendre en charge que 50 % au maximum. Toutefois, le montant de l’aide apportée par l’État ne peut dépasser 25 % de la base éligible, lorsque l’entreprise bénéficie de l’aide européenne.

Selon les chiffres du rapport sénatorial, en 2019, l’aide au fret national représentait 4,2 millions d’euros et l’aide au fret européenne 22,1 millions d’euros.

On observe que la part État est très faible et que la part européenne, nettement plus significative, tend à diminuer.

Néanmoins, les modalités de fonctionnement font que les deux dispositifs d’aide au fret sont perçus comme lourds et complexes par les entreprises concernées.

Les délais sont très longs et son impact économique s’en trouve relativisé. Concernant le dispositif européen, la Fedom assure qu’ « il faut un diplôme d’expert-comptable ou de très bons conseils pour remplir les dossiers d’aide au fret » ([590]).

Il faut aussi rappeler que toutes les importations ne sont pas éligibles mais uniquement les produits entrant dans un cycle de production.

Il en résulte une sous-consommation des crédits votés, alors même que ceux-ci sont déjà faibles, en particulier s’agissant de l’aide au fret de l’État.

En 2022, les crédits ouverts en LFI s’élèvent à 8,3 millions d’euros en AE et 7 millions d’euros en CP. La consommation constatée au 6 octobre 2022 s’établit à 9,4 millions d’euros en AE mais à seulement 1,5 million d’euros en CP (21 %).

Ainsi comme le remarquent les sénateurs, « les interlocuteurs ont tous considéré que l’aide au fret n’était pas un outil adapté pour diminuer la charge du fret sur le coût de la vie dans les Outre-mer. Les montants disponibles, les activités éligibles et la complexité des dossiers n’en font pas un outil opérationnel. Hormis quelques grandes entreprises de transformation, les acteurs économiques s’en détournent. » ([591])

Ainsi, ils proposent de « simplifier l’aide au fret et étudier les conditions d’une aide au fret sur les produits de consommation courante qui ne fragiliserait pas les productions locales. » ([592]).

Si le rapporteur peut reprendre cette préconisation, il lui semble en toute hypothèse nécessaire de s’assurer que l’avantage ainsi procuré aux transporteurs soit bien répercuté sur les prix, au bénéfice des consommateurs. Sous cette condition, une compensation intégrale des coûts d’acheminement des produits de première nécessité pourrait être expérimentée.

Afin que ce régime puisse être utilisé par les PME et TPE, le rapporteur estime également que la simplification des procédures administratives de demande de ces aides doit être une priorité : un dispositif inapplicable et inappliqué n’aurait aucun sens.

Proposition n° 55 : Expérimenter, pour une durée limitée, un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité.

b.   Pour les passagers aériens : un régime garantissant le droit à la mobilité de tous les Ultramarins

i.   Aujourd’hui, un dispositif limité et inefficace

L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité a pour mission de « faciliter la mobilité des Ultramarins » ([593]). Leurs dispositifs principaux sont les suivants :

« Le premier dispositif est le passeport pour la mobilité des études (PME) pour les étudiants. Il permet à des étudiants de poursuivre des études supérieures lorsque ces études n’existent pas sur place ou sont saturées. À l’extérieur, c’est dans la zone régionale ou dans l’Hexagone.

« Le deuxième dispositif est le passeport pour la mobilité de la formation professionnelle (PMFP). Il est destiné à favoriser la mobilité dans le cadre d’une formation professionnelle, lorsqu’elle n’existe pas sur place ou que les structures la dispensant sont saturées dans la zone ou dans l’Hexagone.

« Le troisième dispositif est l’aide à la continuité territoriale (ACT). Il est destiné à favoriser ou à entretenir les liens familiaux, et il permet à des Ultramarins de voyager une fois tous les trois ans révolus à partir de leur territoire vers l’Hexagone. » ([594])

Il est reproché à ces aides d’être trop peu connues et d’être accordées à des conditions trop restrictives notamment concernant l’aide à la continuité territoriale, résultant en une sous-utilisation des dispositifs existants et à un échec de Ladom dans son rôle de facilitation de la mobilité des ultramarins.

De plus, les ACT ne s’adaptent pas selon la période malgré la volatilité des prix des billets d’avion. En effet, les 50 % du prix du billet sont calculés sur la moyenne du prix du billet payé par les bénéficiaires de l’ACT. Ce prix plancher est bas en raison des populations ayant recours à cette aide qui réservent très en avance des billets hors saison. Les dispositifs ne sont donc pas assez souples et adaptés aux besoins locaux.

Comme les aides de Ladom manquent de visibilité ou sont considérées comme étant trop complexes, « après la refonte et la recentralisation de la politique de continuité territoriale à partir de 2009, certaines collectivités ultramarines ont maintenu ou développé des aides régionales à la continuité territoriale à côté du dispositif national » ([595]). Ces dispositifs parallèlement mis en place tentent de répondre aux mêmes besoins mais paradoxalement, ne font pas forcément l’objet de coordination entre les acteurs.

Le rapporteur estime donc qu’il faut réformer Ladom en profondeur, sur le modèle mis en place pour assurer la continuité territoriale en Corse, afin de garantir l’équité dans la continuité territoriale et le retour des forces vives.

ii.   Mettre en place un nouveau dispositif de continuité territoriale inspiré du modèle corse

La continuité territoriale, au sens de l’article L. 1803-1 du code des transports, est essentielle pour favoriser le développement économique et l’enrichissement des territoires d’outre‑mer et de leurs habitants en réduisant la fuite des forces vives, en augmentant la possibilité de suivre des formations et de faire des études supérieures dans l’Hexagone tout en permettant in fine de rendre ces territoires plus attractifs. L’inefficacité du modèle actuellement existant pèse donc fortement sur le développement des territoires ultramarins et participe donc, ce faisant, à la consolidation du problème du coût de la vie dans ces territoires.

Article L. 1803-1 du code des transports

Dans les conditions déterminées par les lois et règlements, les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer, au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies, une politique nationale de continuité territoriale.

Cette politique repose sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Elle tend à atténuer les contraintes de l'insularité et de l'éloignement et à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer. Peuvent en bénéficier, dans des conditions prévues par la loi, des personnes résidant en France métropolitaine.

Certains pays semblent avoir mieux compris la nécessité d’un réel effort budgétaire pour compenser l’éloignement, comme le souligne le rapport du Sénat sur la continuité territoriale([596]).

Quand en France l’effort budgétaire de l’État est de 16 euros par habitant des Outre-mer, il est en Espagne de 223 euros par habitant des Baléares, des Canaries et de Ceuta.

Pour assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent, l’effort de l’État français est de 257 euros par habitant, avec un dispositif de subvention différent.

Ce « modèle corse » a pour base l’article L. 1121‑1 du code des transports, qui l’érige en service public et renvoie, pour sa mise en œuvre, aux articles L. 4424‑18 et L. 4424‑19 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Article L. 4424‑18 du code général des collectivités territoriales

La collectivité territoriale de Corse définit, sur la base du principe de continuité territoriale destiné à atténuer les contraintes de l’insularité et dans les conditions de l’article L. 4425-26, les modalités d’organisation des transports maritimes et aériens entre l’île et toute destination de la France continentale, en particulier en matière de desserte et de tarifs.

Article L. 4424‑19 du code général des collectivités territoriales

Des obligations de service public sont imposées par la collectivité territoriale de Corse sur certaines liaisons aériennes ou maritimes pour assurer le principe de continuité territoriale. Ces obligations ont pour objet, dans le cadre adapté à chaque mode de transport, de fournir des services passagers ou fret suffisants en termes de continuité, régularité, fréquence, qualité et prix et, le cas échéant, de capacité, pour atténuer les contraintes liées à l’insularité et faciliter ainsi le développement économique de l’île, l’aménagement équilibré du territoire insulaire et le développement des échanges économiques et humains entre l’île et la France continentale.

Lorsque la collectivité territoriale de Corse décide de soumettre des liaisons de desserte aérienne à des obligations de service public, elle peut, dans le respect des procédures de publicité applicables, désigner pour l’exploitation de ces liaisons des compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation de transporteur aérien délivrée par un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen.

Lorsque la collectivité territoriale de Corse décide de soumettre des liaisons de desserte maritime à des obligations de service public, elle peut, dans le respect des procédures de publicité et de mise en concurrence applicables, désigner pour l’exploitation de ces liaisons des compagnies maritimes dont la flotte est immatriculée dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen et battant pavillon de cet État membre ou partie, sous réserve que les navires de cette flotte remplissent toutes les conditions fixées par cet État membre ou partie pour être admis au cabotage.

Pour les liaisons de dessertes aériennes ou maritimes, la collectivité territoriale de Corse peut également établir un régime d’aides individuelles à caractère social pour certaines catégories de passagers.

La particularité de ce service public est d’être décentralisé depuis la loi n° 91‑428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse. C’est donc aujourd’hui la Collectivité de Corse qui assure la gestion des obligations de service public relatives au transport entre la Corse et la France, bien que le dispositif « demeure intégralement financé par l’État, à travers une dotation de continuité territoriale (DCT) » ([597]), conformément à l’article L. 4425‑26 du CGCT. « D’un montant de 187 millions d’euros, la DCT est allouée annuellement pour financer les obligations faites aux transporteurs. » ([598])

Au sein de la CTC, la gestion appartient à l’office des transports de Corse (OTC). Cet établissement « négocie notamment les conventions de délégation de service public avec les compagnies et gère l’enveloppe de la DCT » ([599]).

Ces délégations de service public permettent, pour l’aérien, des liaisons régulières entre les aéroports de l’île et ceux de la France continentale. En échange d’une compensation financière, elles imposent aux transporteurs « des obligations en termes de capacités, de fréquences des liaisons, ainsi que des tarifs fixés via le « tarif résident », qui permet aux « résidents corses » de bénéficier d’un tarif préférentiel » ([600]). Le tarif est d’environ 100 euros TTC pour l’aller‑retour vers Marseille ou Nice et 199 euros TTC pour Paris. Le statut de résident est désormais défini en fonction de la domiciliation fiscale, l’avis d’impôt sur le revenu faisant foi.

Pour le rapporteur, ce régime doit être aujourd’hui étendu à l’ensemble des Outre‑mer dans toutes ses composantes : gestion décentralisée par les collectivités locales, financement par l’État, obligation fixées dans des délégations de service public, bénéfice sur la base d’un statut de résident.

Proposition n° 56 : Appliquer aux Outre‑mer le dispositif de continuité territoriale et le dispositif de financement afférent actuellement en vigueur en Corse.

Ce dispositif, financé par l’État, nécessiterait donc de porter l’effort de l’État au niveau de l’aide proposée à chaque résident de Corse, ce qui nécessiterait un budget de l’ordre de 560 millions d’euros – en lieu et place du budget actuel de Ladom de 35 millions d’euros.

Proposition n° 57 : Augmenter les crédits budgétaires affectés à l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité pour garantir le droit à la mobilité de tous les Ultramarins.

iii.   Un dispositif qui doit aider au retour des forces vives

Face au besoin de retour des forces vives, l’action de Ladom est aujourd’hui insuffisante.

Le directeur général évoque, en la matière, une possible coopération avec les collectivités : « Si nous travaillons demain sur la question de la mobilité dans les deux sens et du retour, ce travail avec les collectivités locales sera extrêmement important, et même indispensable si l’on veut qu’il fonctionne. » ([601])

Il est néanmoins aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin en ajoutant aux aides gérées et octroyées par Ladom un véritable dispositif d’aide au retour des citoyens ultramarins. C’est le sens de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 8 juin 2023 ([602]). Ce texte permet en effet le financement d’une partie du billet des ultramarins résidant en France hexagonale, souhaitant rentrer dans leur territoires d’origine, et justifiant d’une création d’activité ou d’une promesse d’embauche dans certains secteurs.

Proposition n° 58 : Mettre en place une aide au retour en faveur des citoyens ultramarins résidant temporairement dans l’Hexagone et désireux de revenir pour créer une activité ou occuper un emploi.

En outre, il faut également permettre aux Ultramarins qui appartiennent à la fonction publique de pouvoir être affectés plus facilement dans leur territoire d’origine.

L’article 85 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « loi Erom » a modifié l’article 60 de la 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui précise les conditions dans lesquelles sont organisées les mutations et qui fixe des priorités pour certains fonctionnaires qui souhaitent se rapprocher de leur conjoint, qui sont en situation de handicap ou qui exercent leurs fonctions dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles.

Elle a inscrit une nouvelle priorité au bénéfice des fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM) dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie.

Plusieurs administrations, notamment le ministère de l’éducation nationale, accordaient déjà des bonifications particulières pour les agents dont le centre des intérêts matériels et morals était situé dans les DOM ou les COM. La formalisation du CIMM comme priorité légale d’affectation par la loi Erom a permis de sécuriser le dispositif et d’en étendre le périmètre d’application à l’ensemble des fonctionnaires de la fonction publique d’État.

Les priorités légales d’affectation ne constituent cependant pas une garantie d’affectation, comme le reconnait le rapport qui a fait un bilan de la mise en œuvre de ce dispositif en juillet 2021 ([603]), notamment pour une première affectation.

Le rapporteur souhaite renforcer ce dispositif, en permettant aux lauréats d’un concours de la fonction publique originaire d’un territoire ultramarin de

Proposition n° 59 : Mettre en place une priorité d’affectation dans leur territoire d’origine pour les lauréats des concours de la fonction publique dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans ce territoire ultramarin.

3.   Assurer l’opérationnalité des outils de régulation économique actuellement confiés au Gouvernement : la question de l’adaptation des normes

Tout au long des auditions et des rencontres que la commission d’enquête a pu mener, la question de l’inadaptation des normes à la situation locale des territoires ultramarins est revenue sans cesse.

L’État français ne peut pas faire bon usage de ses outils de régulation économique sans adapter les normes aux réalités des économies, des peuples et des territoires ultramarins.

L’article 73 de la Constitution dans ses alinéas premier et 2, prévoit que, si les lois et règlements sont bien applicables de plein droit dans les départements et les régions d’outre-mer, ils peuvent néanmoins faire l’objet d’adaptations.

L’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que « le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions [ultrapériphériques], y compris les politiques communes ».

Cependant, le nombre de normes inadaptées qui lui ont été signalées ne cesse de grandir.

a.   Un souci qui n’est toujours pas pris en compte lors de l’élaboration de la norme

Comme l’a détaillé la délégation aux Outre-mer dans un rapport consacré à l’inadaptation des normes en matière de BTP à l’outremer ([604]), les objectifs des normes peuvent être louables, mais en poursuivant un objectif défini de manière trop général, elles ne produisent pas les mêmes effets :

« Le droit applicable au secteur du bâtiment et des travaux publics repose sur un socle de principes contraignants, largement communs à l’Hexagone et aux Outre-mer, destinés notamment à garantir la sécurité des personnes, à couvrir les risques et prévenir les dommages aux ouvrages, à faciliter l’insertion des personnes handicapées, à protéger l’environnement et à garantir la transparence de la commande publique. Les populations ultramarines méritent le même degré de protection que les autres, si bien qu’il est légitime de requérir un niveau d’exigence semblable partout.

« Les règlements et les normes encadrant la construction poursuivent, de surcroît, des objectifs variés qui s’imposent sur tout le territoire national, comme l’amélioration du confort de l’habitat, la préservation de la qualité de la construction, le développement de l’innovation et des productions locales ou encore l’accélération de la transition énergétique. Ces objectifs, qui servent l’intérêt général, valent donc pour les Outre-mer comme pour l’Hexagone.

« Que l’universalité des finalités et des fondements de la réglementation et de la normalisation de la construction et de l’habitat soit justifiée par le nécessaire respect du principe d’égalité n’autorise cependant pas à faire l’économie d’une réflexion particulière sur les voies et les moyens de leur mise en oeuvre Outre-mer. Cela nécessite un examen des processus d’élaboration, des contenus, de la cohérence et des conditions concrètes d’application des textes normatifs concernant le secteur du bâtiment dans des contextes ultramarins marqués par la différence et la diversité.

« L’affichage d’objectifs et de principes louables et la définition de normes exigeantes n’ont pas le pouvoir par eux-mêmes de transformer les pratiques, de lever les obstacles concrets, de résoudre les incohérences et d’arbitrer les cas de conflit de règles. Les mêmes objectifs et les mêmes normes ne produisent pas les mêmes effets dans tous les contextes d’application. »

Souvent si l’objectif est louable, il n’est pas atteint par des normes qui sont pensées pour la situation européenne ou hexagonale, qui ne prennent pas en compte des réalités très différentes dans chaque territoire ultramarin et qui n’ont pas les mêmes conséquences dans le contexte particulier de ces territoires.

b.   Une préoccupation qui est désormais prise en compte a posteriori par la DGOM

Consciente du problème, la direction générale des Outre-mer (DGOM) a entrepris un travail de recension et transmis au rapporteur une liste détaillant les normes identifiées comme étant inadaptées et dont la modification est en cours de négociations avec la Commission européenne.

Dans un premier temps, trois grandes catégories de normes inaptes ont été identifiées :

– les normes relatives aux produits de construction ;

– les normes relatives aux aides d’État ;

– les normes relatives à la flotte de pêche.

Les échanges entre les autorités françaises et la Commission européenne ont permis d’engager un processus d’adaptation des normes relatives aux produits de construction dans les RUP. Les autorités françaises ont également transmis à la Commission européenne des demandes d’adaptation des normes dans le domaine de la pêche et des aides d’État.

● Les normes attenantes aux matériaux de construction :

« Les échanges préalables entre les autorités françaises et la Commission européenne ont permis de prendre en compte les caractéristiques particulières des RUP en amont de la révision du règlement n°305/2011 du 9 mars 2011 sur les produits de construction. Ainsi, la proposition de règlement établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction prévoit la possibilité pour les États membres de déroger à l’obligation de marquage CE de ces produits dans les RUP (article 2). Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) et le Ministère chargé des Outre-mer ont préparé un projet de décret, qui entrera en vigueur après la modification du règlement européen relatif aux produits de construction, pour créer des commissions locales chargées d’autoriser un marquage dérogatoire RUP. » ([605])

● Les normes attenantes aux aides d’État

Des aides publiques peuvent être versées aux activités purement locales. Cependant, il existe une absence de définition des activités dites « purement locales » attribuant à la Commission européenne le pouvoir d’apprécier cette réalité. Elle vérifie « si l’activité économique étudiée met en concurrence plusieurs entreprises européennes » car ces aides ne doivent pas représenter une entrave aux échanges des États membres de l’Union européenne comme prévu à l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ([606]). Les risques soulevés par la DGOM résident dans cette appréciation au cas par cas de la Commission :

« Cette situation crée une insécurité juridique qui fragilise le soutien aux acteurs économiques dans les RUP, où les probabilités d’activités purement locales sont plus élevées compte tenu de l’étroitesse et de l’éloignement des marchés : le tissu économique des RUP est moins relié au marché intérieur, moins concurrentiel, avec une clientèle souvent spécifique ». Par conséquent, les autorités françaises ont proposé à la Commission « une liste de critères caractérisant une activité purement locale dans les RUP » et notamment :

« L’activité bénéficiaire de l’aide n’est pas susceptible d’attirer des clients étrangers ou alors de façon marginale ;

« La mesure n’est pas susceptible d’attirer des investisseurs européens. »

Enfin, la DGOM a signalé que « La Commission européenne a approuvé le 9 mars dernier une révision du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC). « ayant pour but « de permettre aux États membres de simplifier l’octroi de financements publics à un large éventail de catégories d’aides et d’entreprises, sans autorisation préalable de la Commission européenne. »

La sélection se fera dorénavant en fonction « des plus faibles coûts au regard de l’efficience environnementale «.

Dans le cadre des aides environnementales dans le cadre du règlement général d’exemption par catégorie, les autorités françaises avaient demandé à exclure des procédures européennes les « projets des zones non interconnectées du périmètre des mises en concurrence nationale » – ce qui aurait pu concerner les DROM. Malheureusement, la Commission a rejeté cette demande alors que les projets y sont plus coûteux en termes d’efficience environnementale, par conséquent, les projets des RUP n’auront que très peu de chance de toucher ces financements publics. La DGOM alerte : « Une telle interprétation restrictive de l’obligation de mise en concurrence pourrait particulièrement freiner l’innovation en matière environnementale dans ces territoires fortement dépendants des énergies fossiles pour lesquels la transition énergétique est un enjeu majeur. » Les autorités françaises sont en attente d’une demande d’interprétation de la part de la Commission européenne. Il conviendra donc de réfléchir à adapter ce dispositif pour ne pas pénaliser les territoires ultramarins encore une fois.

● Les normes attenantes à la flotte de pêche :

Trois textes sont mis en cause par la DGOM :

« a) Les lignes directrices pour l’examen des aides d’État dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture du 17 mars 2023 qui subordonnent les aides d’État au renouvellement à la preuve de l’équilibre du segment ciblé dans le rapport capacitaire (condition imposée lors de la révision des précédentes lignes directrices en 2018). Ces lignes directrices autorisent les aides au renouvellement dans les RUP (par exception au droit commun) mais subordonnent l’octroi d’aides au renouvellement à la preuve de l’équilibre entre les capacités et les possibilités de pêche du segment du navire concerné par l’aide. » À ce sujet, la DGOM précise que « des travaux sont en cours avec la Commission européenne pour solliciter une adaptation des méthodes de calcul de l’équilibre des segments dans le rapport capacitaire pour les RUP » ;

« b) Le règlement du 7 juillet 2021 relatif au fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) interdit de financer les opérations qui augmentent la capacité de pêche ou la capacité à trouver du poisson (article 13), ce qui interdit de financer les dispositifs de concentration des poissons ancrés par le biais du FEAMPA.

« c) Le règlement relatif aux aides de minimis ([607]) en matière de pêche et d’aquaculture du 27 juin 2014 modifié interdit de verser des aides de minimis pour le financement du renouvellement de la flotte de pêche et des dispositifs de concentration des poissons ancrés. Cette interdiction apparaît d’autant plus disproportionnée que ces aides, du fait de leur faible montant (inférieur à 30 000 euros), sont insusceptibles d’affecter les échanges entre les États membres et ne constituent pas des aides d’État. » Concernant ce point, « dans le cadre de la révision du règlement relatif aux aides de minimis en matière de pêche, les autorités françaises ont saisi la Commission d’une demande d’autorisation du versement d’aides de minimis dans les RUP pour le financement du renouvellement de la flotte de pêche et des dispositifs de concentration des poissons ancrés. »

Concernant les minimis hors pêche :

« Les caractéristiques des RUP reconnues par l’article 349 du TFUE conduisent à des surcoûts structurels pour les entreprises ultramarines et nuisent à leur compétitivité sur le marché intérieur :

« – Les économies ultramarines cumulent des niveaux de rémunérations relativement élevés avec un fort taux de chômage ;

« – L’éloignement et l’insularité rendent les économies ultramarines dépendantes des transports aérien et maritime, qui augmentent les coûts d’approche ;

« – Du fait d’un moindre pouvoir de négociation, les achats d’intrants sont renchéris pour les entreprises ;

 – Les taux du crédit bancaire aux entreprises Outre-mer sont supérieurs à ceux pratiqués en métropole.

« Le plafond unique entre Europe continentale et Outre-mer conduit donc à avantager les entreprises de métropole, qui n’ont pas de surcoûts à compenser. »

La DGOM nous informe que cette question est également en discussion : « Les autorités françaises ont ainsi demandé à la Commission de procéder à un rehaussement des plafonds pour les RUP au profit des entreprises implantées dans les territoires ultramarins dans le cadre du processus en cours de révision du règlement relatif aux aides de minimis générales et aux aides de minimis en faveur des services d’intérêt économique général (SIEG). Cette majoration, fondée sur une moyenne des surcoûts constatés, pourrait être de 20 % par rapport aux futurs plafonds des aides qu’une entreprise unique pourra recevoir sur une période de 3 ans. »

Le rapporteur ne peut que soutenir cette démarche. Cependant, il lui semble qu’il faudrait que les territoires puissent eux-mêmes analyser et alerter les autorités françaises de l’inadaptation de certaines normes nationales ou européennes. Dans le cadre de l’article 53, les demandes d’adaptation des normes nationales devraient pouvoir être mises en place par ordonnance, après avoir été détectées et proposées par une instance nationale regroupant l’ensemble des départements et régions d’outre-mer.

Proposition n° 60 : Mettre en place une instance nationale de représentation des départements et régions d’outre-mer chargée de la veille et de la proposition d’adaptation des lois, règlements et normes européennes au contexte ultramarin.

4.   Augmenter significativement les niveaux de revenus Outre-mer afin de compenser le différentiel du coût de la vie

Souvent le complément de rémunération est pointé du doigt pour être la cause de la vie chère. Seulement, des études ont montré qu’il n’était pas la cause de tous les maux mais bien vectrice de développement pour les territoires et les populations.

Des auditionnés ont cité une étude afin de prévoir ce qu’un complément de rémunération généralisé, élargi du secteur public, coûterait peu à l’État, environ 2 % de leur effort budgétaire. Mais surtout, l’estimation des conséquences économiques de ces aides est très prometteuse :

– une croissance de 1,8% de la valeur ajoutée marchande ;

– une augmentation de près de 620 millions d’euros de la consommation des ménages (dont 210 millions d’euros environ de consommation « induite ») ;

– la création ou la confortation de près de 3 300 emplois (soit 1,2% du total de l’emploi marchand).

Le rapporteur souhaite ainsi que l’État s’attaque à la question des niveaux de revenus, et du différentiel du coût de la vie, sous trois angles.

Pour lutter contre la grande pauvreté dans les départements et régions d’outre-mer, il conviendrait que l’ensemble des prestations sociales versées par l’État et les collectivités territoriales telles que les allocations familiales, les aides au logement, le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) ou la prime d’activité soient majorées sur la base du différentiel de coût de la vie tel que déterminé par l’Insee pour chaque territoire – le surcoût pour les collectivités et les organismes sociaux étant compensé par l’État.

Par ailleurs, comme c’est déjà le cas dans le cadre d’expérimentations, il conviendrait que l’ensemble des prestations sociales fassent l’objet d’un dispositif de versement automatique.

Proposition n° 61 : Majorer les prestations sociales légales versées Outre-mer d’un complément représentant le différentiel du coût de la vie observé dans l’Hexagone et organiser leurs versements automatiques, notamment dans les territoires ultramarins.

En outre, le rapporteur souhaite mettre à contribution les grands groupes opérant dans les Outre-mer pour mettre en place un rattrapage substantiel des revenus sous la forme d’une prime de vie chère pour les salariés du secteur privé destiné à compenser les effets du coût de la vie.

Il propose donc d’expérimenter la mise en place d’une telle prime pour l’ensemble des salariés, sous forme d’une allocation destinée à être dépensée par l’achat de produits locaux (services en présentiel ou produits issus des circuits courts).

Proposition n° 62 : Expérimenter la création d’une prime de vie chère pour les salariés du secteur privé en Outre-mer, destinée à financer l’achat de produits et services locaux.

Pour financer cette mesure, une taxe pourrait être prélevée sur les profits de l’ensemble des grands groupes, en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans les territoires ultramarins. Ainsi, les grandes entreprises pourraient financer l’amélioration du pouvoir d’achat de leurs propres salariés et contribuer à la relance de la consommation, limitant ainsi l’impact sur leurs comptes.

Proposition n° 63 : Financer la prime de vie chère des salariés du secteur privé par la création d’une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant dans les Outre-mer.

En outre, il faudrait que l’État et les collectivités territoriales mettent autour d’une même table représentants des employeurs et des salariés ultramarins, afin de fixer une augmentation significative des salaires – l’objectif que le rapporteur souhaiterait voir atteint serait de l’ordre de 20 %.

Proposition n° 64 : Organiser par l’État et les collectivités territoriales une conférence sociale réunissant représentants des salariés et des employeurs ultramarins, afin de fixer le principe d’une augmentation significative des salaires ultramarins de l’ordre de 20 %.

I.   Aller plus loin : de nouvelles solutions politiques

Comme le rappelait Aimé Césaire en 1997 dans un entretien au Courrier de L’UNESCO, « Hegel explique qu’il ne faut pas opposer le singulier à l’universel, que l’universel, ce n’est pas la négation du singulier, mais que c’est par l’approfondissement du singulier que l’on va à l’universel. »

C’est dans ce cadre que le rapporteur souhaite réfléchir à une refondation des liens particuliers qui unissent les territoires ultramarins dans le cadre de la République.

1.   Considérer la question du coût de la vie en lien avec celle des institutions et des aspirations exprimées dans l’Appel de Fort‑de‑France, associant droit à l’égalité et droit à la différence

Le 17 mai 2022, « l’Appel de Fort-de-France » ([608]) était signé par Mme Huguette Bello, présidente de la région Réunion, M. Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe, M. Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique, M. Guy Losbar, président du conseil départemental de la Guadeloupe, M. Louis Mussington, président de la collectivité de Saint-Martin, M. Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte, et M. Gabriel Serville, président de la collectivité territoriale de Guyane. Depuis Fort-de-France où ils étaient réunis dans le cadre de la Conférence des régions ultrapériphériques, ces sept représentants de régions, départements et collectivités de la France ultramarine lançaient « un appel solennel à l’État pour un changement profond de la politique des Outre-mer ». Ils préconisaient une refonte profonde des relations entre l’État et les pouvoirs publics locaux pour lutter contre « le mal développement » et pour la recherche de nouvelles perspectives.

Dans ce cadre, les territoires ultramarins appellent à repenser les liens particuliers qui les unissent : « Mettre en lumière notre identité ne s’oppose pas à l’affirmation de l’universel. L’égalité n’est pas l’ennemi du droit à la différence. La différenciation régionale n’est pas une injure à la République. Le marteler ne suffit pas : les actes doivent suivre, particulièrement en ce qui concerne les Outre-mer. C’était le sens de l’Appel de Fort-de-France. » ([609])

Ces mots de Serge Letchimy rappellent que le droit à l’égalité, conquis de haute lutte, ne saurait exclure une nécessaire adaptation des règles en vigueur, lorsque le principe d’identité législative s’applique, aux réalités des territoires ultramarins. Or, ce n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui. Dans les Outre-mer, le droit à la différenciation, droit naturel, n’est pas reconnu politiquement.

Cette adaptation est pourtant un enjeu de la résorption du problème du coût de la vie dans les Outre-mer, dans la mesure où les règles et les décisions prises en la matière doivent l’être au plus près et conformément à la réalité de ces territoires et de leurs spécificités.

En effet, comme le dit la professeure Carine David : « On confond, quand on parle de principe d’égalité Outre-mer, la fin et les moyens […] l’égalité doit être le résultat et pas la façon d’y arriver. » ([610])

Cette confusion restreint excessivement le champ d’action des Outre-mer de l’article 73 de la Constitution. En effet, toujours selon Carine David : « Le cadre constitutionnel permet-il aujourd’hui de mettre en place des règles adaptées ? J’aurais tendance à dire que oui, mais si et seulement si les collectivités ultramarines évoluent dans le cadre de l’article 74. On retombe donc sur la question de cette catégorisation des collectivités, parce qu’on sait très bien que si les collectivités de l’article 73 veulent prendre en main cette compétence et intervenir dans ce champ, elles n’ont actuellement pas les moyens, parce que leur pouvoir normatif est insuffisant, de mettre en place des règles. Elles ne disposent en effet que d’un pouvoir normatif de gestion et non pas d’un pouvoir réglementaire autonome, comme c’est le cas des collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie, au premier rang desquelles la Polynésie française. » ([611])

Le rapporteur estime que ce régime actuel n’est pas satisfaisant et ne répond pas aux enjeux d’un développement endogène.

Proposition n° 65 : Simplifier l’adaptation du droit national aux réalités ultramarines en confiant aux collectivités ultramarines, de manière individuelle ou collective, la mission de proposer les adaptations nécessaires.

En particulier, le mécanisme des habilitations – permettant aux DROM, conformément aux alinéas 2 et 3 de l’article 73 de la Constitution, d’adapter la loi ou le règlement à leurs caractéristiques et contraintes particulières dans les matières où s’exercent leurs compétences et de fixer les règles applicables dans certaines matières – ne semble pas efficace : « La capacité d’adaptation des lois et des règlements par l’habilitation ne fonctionne pas, même si elle a été assouplie à deux reprises depuis sa création. » ([612])

« On sait très bien que les habilitations aujourd’hui sont rejetées par l’ensemble des collectivités ultramarines parce qu’on en connaît les travers trop complexes, trop stricts. […] Si on a des problématiques liées aux habilitations, c’est parce que le législateur organique, quand il a mis en œuvre l’article 73 sur la question des habilitations, a fait en sorte que l’outil soit restrictif. On peut faire évoluer l’outil, mais je ne pense pas, même en le faisant évoluer, que cela réponde à ce que demandent aujourd’hui des collectivités comme la Martinique ou la Guyane. Il y a nécessité de faire évoluer le pouvoir normatif. » ([613])

Pour sa part, le rapporteur estime que ce régime d’habilitation présente trois difficultés majeures :

– ces habilitations sont segmentées,

– elles ne peuvent être accordées par le législateur que pour des durées trop limitées ;

– le processus d’habilitation est extrêmement long et complexe ;

Ainsi, à ce jour, seules trois habilitations à prendre des mesures législatives ont abouties :

– en matière de maîtrise de la demande en énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables pour le conseil régional de la Guadeloupe,

– en matière de planification énergétique, d’économie d’énergie, y compris en matière de réglementation thermique pour la construction de bâtiments, pour la collectivité territoriale de la Martinique,

– en matière de développement des énergies renouvelables, transports intérieurs de passagers et de marchandises terrestres et maritimes pour la collectivité territoriale de la Martinique.

En outre, La Réunion est exclue de ce deuxième mécanisme, ce que regrette le professeur Ferdinand Mélin‑Soucramanien : « Le Parlement a voté la loi, et en l’occurrence la loi fondamentale, mais les Réunionnais n’ont jamais été consultés sur cet alinéa 5 de l’article 73, qui leur renvoie le message consistant à dire :"Vous n’êtes pas capables de recourir à ces habilitations. Donc on ferme le ban". » ([614])

2.   Sortir du débat article 73 / article 74

Ainsi, la dichotomie constitutionnelle entre les territoires relevant de l’article 73 et ceux de l’article 74 de la Constitution apporte donc plus de restrictions qu’elle n’offre de libertés. L’identité législative de principe des DROM de l’article 73 semble désormais trop rigide et ne correspond plus aux aspirations des Ultramarins. Dans le même temps, et comme exposé supra, la spécialité législative de principe des COM de l’article 74 est parfois très largement renversée par les statuts organiques des différents territoires.

Selon le rapporteur, un certain centralisme jacobin a conçu le régime de l’égalité des droits issue de l’article 73 comme étant « l’ennemi » de la différenciation prévue par l’article 74, ce qui semble opposer très clairement ces deux régimes, alors que cela ne devrait pas être le cas.

Comme le dit l’ancien Garde des sceaux Jean‑Jacques Urvoas : « Je ne crois plus à la pertinence de la dichotomie 73 et 74 parce que les repères se sont brouillés. Des statuts à façon sont apparus et on est, ce qui me paraît plutôt une bonne voie, dans la construction pour chaque territoire d’un costume constitutionnel, institutionnel, juridique et politique qui pourrait correspondre le mieux possible à la volonté locale si elle existe, ou de maintenir le statu quo s’il est réclamé. » ([615])

Il poursuit en proposant de construire « un cadre qui différencierait le temps constitutionnel et le temps juridique, qui générerait par la suite une loi organique pour chaque territoire, qui permettrait aux uns de conserver le statu quo, aux autres d’étendre leurs compétences, aux troisièmes de modifier leurs organisations institutionnelles, puisque je crois profondément à la subsidiarité. L’État ne pensera pas à la place des territoires, le ministre ou le Premier ministre ou le Président, qui prétendraient mieux savoir ce dont les territoires ultramarins ont besoin feraient fausse route. En tout cas, personnellement, je n’y adhérerai pas.

« Le but de ce cadre unifié ne serait pas de pousser les collectivités de l’article 73 vers l’autonomie. Ce ne serait pas de recentrer les pouvoirs de ceux de l’article 74. Ce serait simplement de permettre de construire quelque chose qui dissiperait les ambiguïtés parce qu’aujourd’hui, pour beaucoup, rester sur l’article 73, c’est se priver d’un certain nombre de compétences, mais pour d’autres, l’article 74, c’est nécessairement basculer vers l’autonomie. » ([616])

En toute hypothèse, le rapporteur estime que le cadre institutionnel dans lequel évoluent aujourd’hui les Outre-mer est désormais inadapté. Celui‑ci doit évoluer, au cours d’un processus qui prenne en compte les aspirations de chaque territoire et de ses habitants en offrant à chacun le cadre qui lui convient le mieux.

Le rapporteur estime que ce nouveau cadre doit permettre des délégations de compétences plus importantes aux institutions des territoires d’outre-mer qui le souhaitent.

Il est convaincu que nous devons trouver la possibilité d’une synthèse qui allie à la fois le maintien des acquis issu de l’égalité des droits avec des acquis nouveaux qui viendrait de son association avec le droit à la différence, nouveau droit à acquérir.

Proposition n° 66 : Dépasser la dichotomie entre article 73 et article 74 de la Constitution pour mettre en place un statut constitutionnel permettant à chaque territoire ultramarin de choisir son statut organique et les compétences nécessaires à la mise en place de son développement.

3.   Accorder des compétences normatives permettant de réglementer les prix et la protection de la concurrence aux collectivités qui le souhaitent

Dans un environnement économique et concurrentiel aussi particulier que celui des territoires ultramarins, les réponses apportées en matière de régulation doivent être fortes et rapides. Elles doivent se faire en réaction immédiate aux phénomènes constatés sur le territoire et ne pas contribuer à les amplifier.

Or, comme le note le professeur Mélin-Soucramanien, « ce sont parfois les politiques publiques de l’État – je pense en particulier à la défiscalisation – qui conduisent à cette cherté de la vie, à ce renchérissement du coût de la vie dans les Outre-mer. C’est la raison pour laquelle, pour ma part, je pense qu’un transfert de ces compétences ou au moins une meilleure association des collectivités territoriales d’outre-mer à la prise de décision sur ces questions, est aujourd’hui indispensable. » ([617])

Les compétences pour lutter contre le problème du coût de la vie doivent donc être du ressort des exécutifs locaux et non des préfets : « C’est le préfet qui a la possibilité de suspendre l’installation des grandes surfaces commerciales pendant une période de trois ans au terme de cette circulaire. C’est bien, mais estce bien normal ? Ne serait-ce pas précisément à la présidente de région ou au président du département de le faire ? Pour ma part, je pense que ces décisions doivent être assumées localement. » ([618])

Enfin, ces pouvoirs doivent être conséquents : régulation des prix, de l’importation, de la création de nouvelles surfaces commerciales, voire plafond local en matière de concentration (disposition « anti-trust »). Pour résoudre enfin le problème du coût de la vie, les collectivités qui n’en disposent pas encore doivent avoir à leur disposition une boite à outils complète et efficace.

Proposition n° 67 : Accorder aux collectivités ultramarines qui le souhaitent des compétences normatives leur permettant notamment de réglementer les prix, l’aménagement commercial, la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, la protection du consommateur et les règles de la concurrence.

4.   Envisager le transfert aux collectivités qui le souhaitent de l’ensemble des pouvoirs normatifs, y compris fiscaux, nécessaires au développement économique

Comme le résumait récemment M. Serge Letchimy, « Il faut […] mettre en cohérence nos stratégies de développement portées localement par les élus locaux et tous les outils existants pour parvenir à leur réalisation. » ([619])

En effet, dans la continuité d’un nouveau cadre institutionnel qui permettrait enfin aux Outre-mer de pleinement se responsabiliser, de libérer les initiatives et de s’épanouir, les territoires qui ne le peuvent pas encore devraient pouvoir fixer eux‑mêmes les règles dans l’ensemble des domaines afférents au développement économique : aménagement du territoire, transport, énergie, écologie, etc. Cela pourrait également s’étendre à la fiscalité, au-delà du cadre actuel de l’octroi de mer, lorsque cela est nécessaire pour agir en matière de coût de la vie et de développement économique.

La vision du rapporteur est claire : les normes qui s’appliquent à un territoire et qui déterminent son avenir économique doivent être conçues sur ce territoire, par ceux qui le connaissent le mieux et qui y vivent.

Proposition n° 68 : Envisager le transfert aux collectivités ultramarines qui le souhaitent de l’ensemble des pouvoirs normatifs, y compris fiscaux, nécessaires au développement économique et social : aménagement du territoire, transport, énergie, écologie, régulation économique, échanges commerciaux, développement économique, aides et subventions, continuité territoriale, ainsi que la fiscalité afférente.

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   Propositions du rapporteur

Les vingt propositions prioritaires du rapporteur
pour un déchoquage social et Économique
des territoires ultramarins

Proposition n° 4 : Engager une négociation avec les grands groupes de distribution ultramarins, devant aboutir dans un délai de douze mois, afin d’obtenir une baisse de l’ordre de 10 à 20 % des prix sur la majorité de leurs références, par diminution des marges de l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution.

Proposition n° 10 : Passer d’une logique de maîtrise volontaire des prix à une logique de réglementation des prix des produits de première nécessité, afin d’en abaisser significativement leurs prix.

Proposition n° 35 : Organiser dans les douze mois dans chaque territoire ultramarin des États généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat Outre-mer.

Proposition n° 50 : Rétablir les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés dans les départements d’Outre-mer.

Proposition n° 36 : Simplifier les procédures et raccourcir les délais d’instruction pour les financements et subventions aux TPE et PME.

Proposition n° 39 : Réformer les règles d’attribution des fonds du Posei afin de les conditionner notamment à un critère de diversification de la production locale au service de l’autonomie alimentaire et non uniquement de développement des filières d’exportation.

Proposition n° 40 : Accompagner les petits producteurs dans leur regroupement au sein d’organisations professionnelles administrées de façon démocratique et solidaire et libérées de l’emprise des grands groupes et des gros producteurs.

Proposition n° 52 : Créer un dispositif de ports francs et de zones franches globales dans les départements et régions d’outre-mer, exonérant temporairement (pendant une décennie) de cotisations sociales et de prélèvements fiscaux les emplois créés par les TPE et PME dans les secteurs créateurs de valeur ajoutée.

Proposition n° 53 : Conditionner les aides à l’embauche, dans le cadre des zones franches globales ou de tout autre dispositif favorisant les embauches, au recrutement de résidents du territoire ultramarin concerné.

Proposition n° 56 : Appliquer aux Outre-mer le dispositif de continuité territoriale et le dispositif de financement afférent actuellement en vigueur en Corse.

Proposition n° 51 : Affecter les recettes de TVA de chaque département d’outre-mer concerné (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) aux ménages modestes sous la forme d’une allocation spécifique et conditionnée ne pouvant être dépensée qu’en achats de services et de produits issus des circuits courts.

Proposition n° 59 : Mettre en place une priorité d’affectation dans leur territoire d’origine pour les lauréats des concours de la fonction publique dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans ce territoire ultramarin.

Proposition n° 61 : Majorer les prestations sociales légales versées Outre-mer d’un complément représentant le différentiel du coût de la vie observé dans l’Hexagone et organiser leurs versements automatiques, notamment dans les territoires ultramarins.

Proposition n° 63 : Financer la prime de vie chère des salariés du secteur privé par la création d’une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant dans les Outre-mer.

Proposition n° 64 : Organiser par l’État et les collectivités territoriales une conférence sociale réunissant représentants des salariés et des employeurs ultramarins, afin de fixer le principe d’une augmentation significative des salaires ultramarins de l’ordre de 20 %.

Proposition n° 1 : Compléter le dispositif prévu par la loi Lurel en interdisant aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs dans les territoires ultramarins aux tarifs pratiqués dans n’importe quelle région de l’Hexagone pour les mêmes prestations.

Proposition n° 41 : Mettre en œuvre la proposition du préfet de la Martinique et du Président du conseil exécutif de Martinique permettant de concentrer l’aide de CMA CGM sur les produits de première utilité sociale.

Proposition n° 55 : Expérimenter, pour une durée limitée, un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité.

Proposition n° 68 : Envisager le transfert aux collectivités ultramarines qui le souhaitent de l’ensemble des pouvoirs normatifs, y compris fiscaux, nécessaires au développement économique et social : aménagement du territoire, transport, énergie, écologie, régulation économique, échanges commerciaux, développement économique, aides et subventions, continuité territoriale, ainsi que la fiscalité afférente.

Proposition n° 47 : Développer des filières d’industries de transformation ayant vocation à exporter des produits manufacturés localement.


Les autres propositions du rapporteur

Proposition n° 2 : Afin que les marges arrière profitent au consommateur, rendre plus transparent leur usage, en les faisant apparaître sous forme de remise sur la facture des produits concernés et en garantissant leur affectation au profit du consommateur.

Proposition n° 3 : Encourager les salariés des grands groupes de distribution à demander la reconnaissance d’une unité économique et sociale.

Proposition n° 5 : Garantir la publicité des comptes en prévoyant leur transmission automatique aux autorités en charge de la concurrence (préfet, Deets et observatoire des prix, des marges et des revenus) et en assortissant le non-respect d’une peine dissuasive déterminée en pourcentage du chiffre d’affaires, d’au moins 1 % de celui-ci, peine majorée en cas de récidive.

Proposition n° 6 : Prévoir une exception aux dispositions du code du commerce protégeant le secret des affaires afin de permettre aux institutions chargées de défendre la concurrence et de protéger les consommateurs d’avoir accès aux informations relatives à la répartition de la chaîne de valeur.

Proposition n° 7 : S’appuyer sur le dispositif existant d’administration des prix des carburants pour réduire les marges des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et réduire le taux d’effort des ménages pour assurer leur mobilité.

Proposition n° 8 : Faire des observatoires des prix, des marges et des revenus des acteurs à part entière des négociations du bouclier qualité-prix et de la définition du panier de produits concernés.

Proposition n° 9 : Confier aux observatoires des prix, des marges et des revenus la réalisation d’enquête auprès des consommateurs sur la définition des produits à inclure dans le bouclier qualité-prix.

Proposition n° 11 : Intensifier les contrôles pour garantir que les grossistes – importateurs de marque n’avantagent pas les distributeurs membres du même groupe au détriment des distributeurs extérieurs et garantissent à tous les distributeurs l’accès aux meilleurs prix sans discrimination.

Proposition n° 12 : Contrôler les concentrations Outre-mer dans tous les secteurs économiques dès que le chiffre d’affaires réalisé dans les territoires ultramarins atteint 5 millions d’euros.

Proposition n° 13 : Fixer le seuil de l’autorisation d’aménagement commercial à 300 mètres carrés dans les territoires ultramarins.

Proposition n° 14 : Conditionner toute opération de concentration qui aboutirait à ce qu’un acteur économique détienne plus de 20 % de part de chiffre d’affaires d’un marché ultramarin à une enquête démontrant l’intérêt pour le consommateur de cette opération de concentration.

Proposition n° 15 : Renforcer les effectifs de l’Autorité de la concurrence et créer en son sein une équipe dédiée spécifiquement et exclusivement à l’Outre-mer et dotée de moyens spécifiques.

Proposition n° 16 : Prévoir, au sein de chaque direction ultramarine de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, la désignation d’un correspondant permanent de l’Autorité de la concurrence.

Proposition n° 17 : Faire réaliser une étude sur le rôle des grands groupes intégrés dans les marchés ultramarins de la distribution, pouvant déboucher sur une méthodologie et des guides d’appréciation des concentrations adaptés aux réalités ultramarines.

Proposition n° 18 : Augmenter les effectifs de la Dgccrf dans les Outre-mer pour lui permettre d’y effectuer plus d’enquêtes sur ces marchés spécifiques.

Proposition n° 19 : Mettre en place un programme permettant de protéger les lanceurs d’alerte fournissant des éléments relatifs à des entraves à la concurrence.

Proposition n° 20 : Mener, dans l’ensemble des territoires ultramarins, de larges campagnes de communication et de formation à l’attention des acteurs économiques autour des pratiques restrictives de concurrence et créer un guichet unique pour les saisines.

Proposition n° 21 : Dans les Outre-mer, augmenter spécifiquement le nombre d’enquêtes consacrées aux éventuelles pratiques restrictives de concurrence.

Proposition n° 22 : Encourager, dans les Outre-mer, les actions privées des entreprises en réparation des dommages subis du fait de pratiques anticoncurrentielles.

Proposition n° 23 : Ne pas considérer l’octroi de mer comme un indicateur de richesses fiscales potentielles pour le calcul des dotations de péréquation des communes ultramarines.

Proposition n° 24 : Rétablir le montant des dotations des collectivités territoriales d’Outre-mer au niveau de 2013 avant l’application de la contribution solidaire au redressement des finances publiques, avec rattrapage de l’inflation et indexation sur le coût de la vie pour les années suivantes.

Proposition n° 25 : Aboutir à un accord avec les collectivités territoriales ultramarines pour simplifier, rendre plus lisible et plus équitable le régime de l’octroi de mer.

Proposition n° 26 : Établir un programme pluriannuel exhaustif d’évaluation des dépenses fiscales en faveur des territoires ultramarins, afin de rendre la dépense fiscale plus efficace en fonction des objectifs poursuivis, notamment en termes de baisse des inégalités ou de création d’emplois.

Proposition n° 27 : Généraliser les plateformes d’ingénierie basées dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement, et améliorer la coordination des dispositifs d’ingénierie au profit de ces territoires en faisant de ces plateformes l’interlocuteur des collectivités.

Proposition n° 28 : Faciliter localement la gestion et la consommation des crédits dédiés à l’Outre-mer, en accroissant la fongibilité des crédits entre les différents budgets opérationnels de programme contributeurs aux contrats de convergence et de transformation.

Proposition n° 29 : Demander à l’agence nationale de la recherche de lancer des appels à projets spécifiques dotés de crédits dédiés à la recherche sur l’économie, la consommation et les prix dans les territoires ultramarins.

Proposition n° 30 : Prévoir que l’accord de réglementation (blocage) des prix des produits de première nécessité, conclu entre l’État et les distributeurs, soit négocié et cosigné par l’observatoire des prix, des marges et des revenus.

Proposition n° 31 : Doter chaque observatoire des prix, des marges et des revenus d’un budget propre dont son président serait l’ordonnateur

Proposition n° 32 : Déterminer le budget annuel des observatoires des prix, des marges et des revenus en additionnant un socle de 50 000 euros et une somme variant en fonction de la population.

Proposition n° 33 : Définir le rôle du délégué interministériel en lui confiant une mission à plein temps d’investigation et d’alertes, en recourant aux moyens des Deets, et d’animer les institutions chargées de la concurrence dans les Outre-mer, dont les observatoires des prix, des marges et des revenus.

Proposition n° 34 : Rendre publics et faire contrôler par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les liens et les échanges entre décideurs publics et représentants d’intérêts.

Proposition n° 37 : À l’instar du projet Toucan, favoriser la création d’une nouvelle compagnie aérienne par zone océanique (océan Atlantique, océan Indien, océan Pacifique) pour développer la concurrence.

Proposition n° 38 : Permettre, de manière temporaire, aux nouveaux entrants sur un marché monopolistique ou oligopolistique de bénéficier de conditions dérogatoires, voire d’aides spécifiques, pour établir une concurrence au profit du consommateur.

Proposition n° 42 : Organiser l’évaluation périodique et publique de tous les dispositifs d’aides ou de protection destinées à favoriser la production locale pour déterminer si ces régimes bénéficient aux consommateurs et non aux seuls acteurs économiques.

Proposition n° 43 : Revoir les coefficients géographiques et augmenter les dotations de financement des missions d’intérêt général des hôpitaux ultramarins pour compenser les surcoûts liés à l’insularité.

Proposition n° 44 : Exiger la prise en compte des risques et des potentialités dans le développement des échanges avec les régions ultrapériphériques lors de la signature des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays de leur zone géographique.

Proposition n° 45 : Renforcer les dispositions de la loi n° 2016-1657 relative à la coopération régionale afin de permettre aux territoires ultramarins de développer les coopérations notamment économiques avec leurs voisins.

Proposition n° 46 : Construire des territoires de spécialisation proposant une offre de services à haute valeur ajoutée, notamment en matière médicale et éducative, pouvant être exportée dans un cadre régional.

Proposition n° 48 : Conclure avec d’autres régions françaises des accords de recours à des produits ultramarins dans le cadre du droit de la commande publique.

Proposition n° 49 : Favoriser la production ultramarine en organisant mieux sa promotion et son exposition en direction du consommateur hexagonal.

Proposition n° 54 : Augmenter les aides publiques affectées à la réhabilitation de l’habitat des propriétaires bailleurs et propriétaires occupants pour permettre une prise en charge de 80 % du coût des travaux.

Proposition n° 57 : Augmenter les crédits budgétaires affectés à l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité pour garantir le droit à la mobilité de tous les Ultramarins.

Proposition n° 58 : Mettre en place une aide au retour en faveur des citoyens ultramarins résidant temporairement dans l’Hexagone et désireux de revenir pour créer une activité ou occuper un emploi.

Proposition n° 60 : Mettre en place une instance nationale de représentation des départements et régions d’outre-mer chargée de la veille et de la proposition d’adaptation des lois, règlements et normes européennes au contexte ultramarin.

Proposition n° 62 : Expérimenter la création d’une prime de vie chère pour les salariés du secteur privé en Outre-mer, destinée à financer l’achat de produits et services locaux.

Proposition n° 65 : Simplifier l’adaptation du droit national aux réalités ultramarines en confiant aux collectivités ultramarines, de manière individuelle ou collective, la mission de proposer les adaptations nécessaires.

Proposition n° 66 : Dépasser la dichotomie entre article 73 et article 74 pour mettre en place un statut constitutionnel permettant à chaque territoire ultramarin de choisir son statut organique et les compétences nécessaires à la mise en place de son développement.

Proposition n° 67 : Accorder aux collectivités ultramarines qui le souhaitent des compétences normatives leur permettant notamment de réglementer les prix, l’aménagement commercial, la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, la protection du consommateur et les règles de la concurrence.

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   Examen en commission

Au cours de sa réunion du 20 juillet 2023, la commission d’enquête procède, à huis clos, à l’examen du projet de rapport de Johnny Hajjar.

M. le président Guillaume Vuilletet. Nous achevons cet après-midi les travaux de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

En cinq mois de travaux, nous aurons consacré près de soixante-dix heures à conduire quarante-neuf auditions, qui nous auront permis d’entendre 125 personnes. Deux délégations ont été envoyées en mission, à la Martinique et à Saint-Martin, puis à Mayotte et à La Réunion, où elles ont réalisé trente-trois entretiens et tables rondes.

Je remercie vivement nos collègues qui ont suivi nos travaux. Comme je m’y étais engagé, toutes nos auditions ont été accessibles en visioconférence et retransmises en direct. J’ai aussi veillé à ce que tous les membres de la délégation aux Outre-mer, y compris ceux qui n’étaient pas membres de la commission d’enquête, soient invités à y participer. Enfin, j’ai donné la parole à tous les députés présents pour interroger les personnes auditionnées.

Mes chers collègues, vous avez pu consulter sur place le projet de rapport préparé par notre rapporteur, qui va présenter ses conclusions. Ensuite, je vous ferai part de mes observations et je donnerai la parole aux membres de la commission d’enquête.

M. Johnny Hajjar, rapporteur. Aujourd’hui débute, avec la présentation de ce rapport, une étape importante pour l’avenir de nos peuples et territoires dits d’outre-mer.

Je tiens tout d’abord à remercier tous les collègues députés qui ont activement participé aux auditions et contribué aux travaux de la commission d’enquête, dont le président Guillaume Vuilletet ainsi que les vice-présidentes Maud Petit et Estelle Youssouffa, qui ont chacun et chacune pris leur mission à bras-le-corps. Je tiens également à remercier particulièrement l’équipe du secrétariat de la commission d’enquête, qui a produit un travail conséquent de synthèse, jusqu’à la dernière minute, dont est issu le projet de rapport qui vous est aujourd’hui soumis.

La commission d’enquête, créée par une résolution adoptée à l’unanimité et consacrée au coût de la vie – sujet souvent réduit à la vie chère qui en est une conséquence – s’est intéressée à dix territoires dits d’outre-mer situés du Pacifique à l’océan Indien, en passant par l’Atlantique.

Nous avons mené un travail approfondi pendant cinq mois, avec peu de moyens au regard des enjeux et des défis à relever. Le coût de la vie est au cœur de notre lutte pour la dignité et la justice de nos peuples respectifs, pour l’amélioration de leurs conditions de vie, pour la réduction des inégalités – notamment de niveaux de vie – vis-à-vis des Français résidant dans l’Hexagone, dans le respect de l’égalité des droits et de nos différences.

Les informations recueillies au cours des cinq mois d’enquête m’ont permis de rédiger le rapport de 330 pages que je vous présente aujourd’hui. Il offre un éclairage sur un sujet crucial pour le quotidien des familles, des entreprises, des associations et des collectivités, et constitue un premier pas important sur le chemin vers une espérance en ouvrant des perspectives nouvelles.

Ce rapport, qui était très attendu, n’est pas un aboutissement mais un commencement ; il n’est pas un simple état des lieux ; il propose une nouvelle vision dynamique et pragmatique, un nouveau paradigme ; il n’est pas un objectif mais un moyen pour atteindre le bien-être, l’épanouissement collectif et individuel ainsi que le progrès, en plaçant l’être humain au centre de nos préoccupations.

Nous avons étudié la question, historique dans ces territoires, du coût de la vie de manière très factuelle, en mettant en lumière ses causes structurelles et conjoncturelles.

Nous avons aussi analysé le modèle économique dans de nombreux secteurs d’activité – transport aérien et maritime, télécommunications, logement, santé, etc. –, avec une attention particulière pour l’organisation et le fonctionnement du puissant secteur de la grande distribution.

Bien sûr, nous avons examiné les différents déterminants du coût de la vie que sont le niveau des revenus, le niveau des prix, le sous-financement des collectivités et l’action de l’État.

Enfin, nous nous sommes attachés à faire des propositions concrètes à court, moyen et long terme afin d’offrir des solutions et des perspectives aux peuples dits ultramarins et à leurs territoires pour un avenir meilleur.

Comme vous le savez, le coût de la vie dans les territoires concernés tient à un niveau de revenus dans les territoires ultramarins très inférieur à ceux de l'Hexagone et des inégalités qui se sont accrues ; un niveau des prix beaucoup plus élevé – de 9 % à La Réunion à 16 % en Guadeloupe – et des écarts de prix qui n’ont cessé de se creuser, selon les chiffres pour 2022 publiés la semaine dernière par l’Insee ; une perte sèche de dotations de l’État depuis près d’une quinzaine d’années par les collectivités publiques locales qui n’a pas été intégralement compensée. Par ailleurs, les multiples défaillances continues de l’État ont ajouté aux difficultés ; elles ont accru les inégalités avec l’Hexagone mais aussi à l’intérieur des territoires d’outre-mer, tout en augmentant leur vulnérabilité économique et sociale, donc le coût de la vie. Pourtant, ce problème global, multifactoriel et profond a des conséquences pour tous et dans tous les domaines de la vie économique et sociale de nos territoires.

La combinaison de ces facteurs a produit des conséquences insupportables – mal développement, insécurité, précarité et extrême pauvreté, crises socio-économiques récurrentes – qui peuvent devenir irréversibles et provoquer davantage encore de dégâts humains, voire le chaos social.

Quelles sont donc les causes réelles et précises du problème du coût de la vie ? Les causes structurelles – l’éloignement, l’insularité, l’exiguïté des marchés – sont réelles, mais il n’est pas possible de leur en attribuer la responsabilité exclusive. Surtout, elles ne sont ni fatales ni sans solutions.

En effet, comme le démontre mon rapport, le modèle économique des territoires ultramarins est caractérisé par une concurrence très limitée, une production locale insuffisante voire très faible, des importations historiques et massives depuis la France et l’Europe, des oligopoles et des monopoles ainsi que la présence de très nombreux intermédiaires dans la chaîne d’approvisionnement, chacun réalisant sa marge.

Certains grands groupes sont eux-mêmes composés de très nombreuses petites entreprises. Ils utilisent un schéma organisationnel complexe qui leur permet à la fois de multiplier des marges plus petites, mais plus nombreuses, et de renforcer leur groupe en pratiquant la concentration verticale et horizontale – je pense à GBH et SAFO pour la franchise Carrefour. L’enseigne Leclerc, qui est un distributeur coopératif regroupant des adhérents, est tout aussi importante, mais moins segmentée. Ces deux réseaux forment un duopole puissant, présent dans de très nombreux territoires dits d’outre-mer. Les autres grands groupes, plus modestes, sont très loin derrière.

En outre, il existe des importateurs, fournisseurs, grossistes locaux puissants, ce qui ajoute un intermédiaire supplémentaire à la chaîne d’approvisionnement, donc une marge supplémentaire. Ceux-ci détiennent un monopole de fait de la distribution de certaines marques nationales, à défaut d’un monopole de droit tombant désormais sous le coup de l’interdiction des accords exclusifs d’importation. Ce monopole de fait les place en position de faiseurs de prix.

Les outils mis en place par l’État pour réguler certains prix en outre-mer et pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles se sont révélés inefficaces. Enfin et surtout, l’État reste historiquement défaillant dans ses interventions et sa volonté d’agir est insuffisante.

Je souhaite, avec ce rapport, lancer un message d’alerte sur la situation urgente et critique des territoires ultramarins, mais aussi donner une espérance nouvelle, car les solutions existent et les potentialités de ces territoires sont réelles, reconnues et importantes.

Quelle est cette situation critique et urgente ? C’est celle de peuples et de territoires confrontés à l’incapacité de l’État à agir, à résoudre les problèmes inhérents à leurs particularités et à résorber les inégalités issues d’une histoire coloniale qui a laissé ses empreintes prédatrices dans les économies contemporaines. C’est celle de peuples et de territoires enfermés dans un modèle de consommation largement calqué sur celui de l’Hexagone, donc fondé sur l’importation de marchandises, au détriment d’une production locale qui peine à créer la richesse nécessaire pour permettre aux petits producteurs de vivre dignement de leur travail et à tendre vers l’autonomie alimentaire. C’est celle de peuples et de territoires prisonniers de quelques grands groupes de la grande distribution, toujours à la recherche d’une concentration plus importante. Ces derniers maîtrisent la totalité de la chaîne logistique et des méthodes d’approvisionnement, rachètent les entreprises dans une logique d’intégration horizontale et verticale, et sont en situation d’oligopole de fait, notamment pour l’approvisionnement en gros de certains produits. Tout cela, sans réaction des autorités chargées de garantir la concurrence et les droits des consommateurs comme le voudrait la démocratie économique. Les grands groupes finissent par déterminer les prix du marché dans de très nombreux secteurs, prix que leurs concurrents sont contraints d’accepter, faute d’alternative pour s’approvisionner.

Même si le travail d’investigation doit être poursuivi et complété, nous avons découvert des mécanismes extrêmement troublants et contraires à l’éthique économique. Nous avons notamment pu confirmer l’existence des marges arrière. Les grands groupes intégrés accumulent, à chaque étape, les marges tout en maintenant l’opacité du système, ce qui empêche de savoir où vont les bénéfices accumulés. En tout état de cause, les marges arrière exigées par certains distributeurs n’atterrissent jamais dans la poche du consommateur, car les prix ne baissent pas.

Il a fallu les pouvoirs d’une commission d’enquête pour convoquer les dirigeants des grands groupes – GBH, SAFO, CréO, Parfait, Wane – et leur demander de s’expliquer sur leur fonctionnement, notamment sur l’accumulation de marges que leur permet la concentration. Il a fallu aussi ces prérogatives pour obliger à s’exprimer les dirigeants de la compagnie CMA CGM, en position dominante en matière d’approvisionnement des Outre-mer. Ils ne sont pas parvenus à me convaincre de leur générosité et des faibles marges qu’ils réaliseraient alors qu’ils sont manifestement en situation de position dominante. Je rappelle que cette compagnie a réalisé un bénéfice net de 23 milliards d’euros en 2022.

La situation critique et urgente, c’est celle de citoyens ultramarins pour lesquels l’État ne joue pas son rôle de régulateur et ne propose aucune solution adaptée à leurs réalités pour parvenir à une gouvernance plus responsable et respectueuse de l’humain. Or, l’égalité des droits des Ultramarins avec leurs compatriotes vivant en France hexagonale est tout simplement une question de dignité et de justice.

La situation critique et urgente, c’est celle de collectivités territoriales souffrant d’un sous-financement chronique, alors que, selon le rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer » de Georges Patient et Jean-René Cazeneuve, les communes et les intercommunalités ultramarines ont été défavorisées dans l’attribution des dotations de l’État. Les mesures de péréquation n’ont pas compensé intégralement ce déficit ni pris en compte des années de sous-dotation. La capacité des territoires à réaliser des investissements importants et à en récolter les bénéfices dans le temps est donc aujourd’hui fortement amputée.

Voilà la situation critique et urgente que subissent les Outre-mer et leurs habitants. Or, face à une telle situation, le remède doit être fort. Nous n’en sommes plus aux mesures palliatives, mais bien à un plan de déchoquage économique et social en faveur des Outre-mer. Quand le malade fait un arrêt cardiaque, il faut le réanimer rapidement en relançant la circulation sanguine, en mobilisant les forces vives et en lui redonnant, dans un premier temps, oxygène et nourriture avant qu’il ne puisse retrouver son autonomie de fonctionnement.

Ce rapport porte l’espoir de sortir d’une spirale vicieuse pour entrer dans un cercle vertueux. L’État, en partenariat avec les collectivités territoriales et les forces vives locales, doit mettre en place un grand plan d’investissement productif, comportant des moyens financiers exceptionnels. Il s’agit, pendant au moins une décennie, de créer de la confiance, d’inciter les investisseurs privés à investir, de favoriser le développement d’activités, de créer de l’emploi, d’augmenter les revenus afin d’accroître le niveau de vie des peuples des territoires ultramarins et de réduire durablement les inégalités avec l’Hexagone.

Le plan de déchoquage que je propose est courageux et ambitieux ; il prend enfin pleinement en considération les spécificités ultramarines. Aimé Césaire rappelait en citant Hegel qu’ « il ne faut pas opposer le singulier à l’universel, que l’universel, ce n’est pas la négation du singulier, mais que c’est par l’approfondissement du singulier que l’on va à l’universel ».

Le plan comporte soixante-huit propositions, non exhaustives. Je souhaite vous présenter brièvement les plus importantes. La commission d’enquête n’étant qu’un premier pas, chacun de nos territoires doit se saisir de la question en organisant, avec toutes ses forces vives, des états généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat Outre-mer afin de créer une dynamique partagée.

Il faut ensuite aboutir à une véritable baisse des prix pour les consommateurs de l’ordre de 10 à 20 %, en négociant avec les grands groupes une diminution des marges de l’ensemble des acteurs de la filière, mais aussi en passant d’une logique de maîtrise volontaire des prix – celle du bouclier qualité-prix – à une logique de blocage des prix des produits de première nécessité.

En ce qui concerne le coût du fret maritime, il faut, d’une part, expérimenter un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité, et d’autre part, concentrer l’aide de 750 euros de CMA CGM sur les produits de première utilité sociale, comme le proposent le préfet de la Martinique et le président du conseil exécutif de Martinique.

En matière de revenus, il faut permettre aux Ultramarins d’avancer vers l’égalité réelle avec les Hexagonaux. Pour cela, il est nécessaire d’augmenter significativement les salaires ultramarins, de l’ordre de 20 %, en réunissant une conférence sociale ; de créer une prime de vie chère pour les salariés du secteur privé, de 20 % également, financée par une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant Outre-mer ; de rétablir les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu des contribuables ultramarins ; d’affecter les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des trois départements d’outre-mer dans lesquels elle existe – Guadeloupe, Martinique et La Réunion – aux ménages modestes sous la forme d’une allocation destinée à acheter des services et des produits issus des circuits courts ; de majorer les prestations sociales légales versées Outre-mer d’un complément égal au différentiel de coût de la vie avec l’Hexagone.

Pour venir en aide aux petits entrepreneurs, acteurs incontournables du développement endémique, il faut mettre fin aux concentrations et aux rachats, qui mettent les grands groupes de distribution en situation d’oligopole et de faiseur de prix ; contrôler plus strictement les grands groupes intégrés, et notamment leurs filiales grossistes importatrices, afin qu’ils ne puissent plus discriminer les petits distributeurs ; simplifier et accélérer les procédures de demande de financement de création d’entreprises pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ; réformer les règles d’attribution du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei) pour qu’il finance la diversification agricole au profit de l’autonomie alimentaire et non seulement les filières d’exportation ; accompagner les petits producteurs pour qu’ils sortent de l’emprise des grands groupes et des gros producteurs.

Des zones franches globales et des ports francs doivent être créés dans les départements et régions d’outre-mer. Les TPE et PME seront exonérées pendant dix ans de cotisations fiscales et sociales, à condition de créer des emplois et de recruter. Les aides à l’embauche seront conditionnées au recrutement de résidents du territoire ultramarin concerné.

Afin de créer des activités économiques endogènes, il faut développer des filières industrielles de transformation de matières premières importées de l’environnement régional – j’ai pris l’exemple du Brésil pour approvisionner la Martinique – et organiser l’exportation de produits locaux – bois pour la construction, matériels mobiliers, plantes médicinales – et des pôles d’exportation de services.

La position géostratégique des territoires ultramarins, leurs potentialités ainsi que leurs expertises locales sont des atouts pour devenir des hubs de recherche et d’innovation dans des domaines comme la santé, le numérique ou l’aérien.

Afin que les Outre-mer bénéficient d’une véritable continuité territoriale, il faut leur appliquer le dispositif en vigueur pour la Corse en y affectant un financement public équivalent. Il faut également encourager le retour des forces vives en instaurant une priorité d’affectation dans leur territoire d’origine des lauréats ultramarins des concours de la fonction publique – les fonctionnaires d’État originaires de Corse demandant une mutation se voient octroyer 1 400 points de bonus pour revenir dans leur île, les Guadeloupéens les Martiniquais et les Réunionnais seulement 1 000.

Enfin, et surtout, dans le respect de la volonté des peuples des territoires ultramarins, et dans le droit fil de l’appel de Fort-de-France, il faut aller plus loin sur le plan institutionnel, autrement dit envisager le transfert aux collectivités ultramarines qui le souhaitent du pouvoir normatif nécessaire au développement économique et social. Cela concerne aussi bien l’aménagement du territoire, les transports, l’énergie, écologie, la régulation économique, les échanges commerciaux, le développement économique, les aides et subventions, la continuité territoriale que la fiscalité.

Il s’agit d’appliquer le principe de subsidiarité. En effet, ceux qui connaissent le mieux les territoires ultramarins sont ceux qui y habitent. Aucun progrès dans leur développement ne pourra être fait sans eux. Aucun progrès ne sera possible sans responsabilité ni responsabilisation locales. Aucun progrès ne sera réaliste sans libérer l’initiative locale publique et privée.

Il s’agit de trouver les outils au service du développement, adaptés aux identités singulières et aux réalités des territoires ultramarins, pour conjuguer le droit à l’égalité et le droit à la différence. Nous sommes naturellement à la fois égaux en droit et différents par nos cultures, nos modes de vies et nos positions géographiques. Il faut en finir avec le principe jacobin qui fait de l’égalité des droits l’ennemi du droit à la différence. Le plan de déchoquage, qui s’étalera sur au moins une décennie, doit être coconstruit avec les Ultramarins.

En conclusion, ce plan de développement endogène, économique, social, politique, démocratique et avant tout humaniste, vise tout simplement, par le prisme du coût de la vie, à apporter enfin aux Français des territoires d’outre-mer l’égalité de niveau de vie corollaire de l’égalité des droits.

Nous n’avons plus le droit d’hésiter, nous n’avons plus le droit de chercher des excuses, nous n’avons plus le droit de remettre les choses à plus tard. Nous devons agir maintenant ensemble, et c’est ce que propose le rapport. Ce rapport prône la solidarité, le partenariat, et l’unité au service de l’intérêt général.

Il ouvre un chemin et des perspectives : il s’agit d’un outil d’aide à la décision et surtout d’une manière de se projeter dignement, collectivement, solidairement et en pleine responsabilité vers un mieux vivre ensemble et un mieux-être ensemble.

Pour conclure, je citerai encore une fois Aimé Césaire, « Ma conception de l’universel est celle d’un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers. »

M. le président Guillaume Vuilletet. Je tiens à mon tour à remercier le bureau de la commission, ainsi que les membres du secrétariat de la commission d’enquête qui ont permis son fonctionnement.

Fruit de cinq mois de travaux, le rapport d’enquête est avant tout l’aboutissement d’un travail consensuel.

Le 9 février 2023, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le principe de la création de notre commission d’enquête. Le choix de recourir à cet organe, ainsi que les circonstances de l’adoption de la résolution qui l’a créé, n’ont rien d’anodin. Mon collègue député de la Martinique, Johnny Hajjar, ainsi que le groupe Socialistes, ont voulu donner à ce travail une double dimension solennelle. Une commission d’enquête a une charge symbolique forte et dote ses membres de prérogatives exceptionnelles. Le recours à un vote en séance publique, au lieu de l’usage du droit de tirage dont disposent les groupes d’opposition, permet de s’assurer que tous les bancs mesurent pleinement l’importance du sujet.

Enfin, cette solennité a également des conséquences pénales : le refus de déposer devant une commission d’enquête ou de lui fournir les documents utiles est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ; le faux témoignage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Je veux saluer le travail considérable, réalisé dans une ambiance constructive et sereine, grâce à la participation active des vingt-huit députés membres issus de tous les groupes politiques.

Les auditions ont été complétées par deux déplacements, à la Martinique et à Saint-Martin puis à La Réunion et à Mayotte. Ces missions ont l’immense avantage de nous permettre d’appréhender les réalités au plus près des territoires mais elles ont aussi le défaut de ne pas astreindre les personnes rencontrées aux mêmes exigences que lors de nos auditions.

Si la commission d’enquête a suscité une telle adhésion et si ses travaux ont été autant suivis, c’est bien parce que la réalité de la vie chère en Outre-mer est indiscutable. La confirmation en est donnée par les chiffres de l’enquête de comparaison spatiale des niveaux de prix entre territoires français, réalisée par l’Insee en 2022 et dont les premiers résultats ont été publiés pendant les travaux de notre commission. Ces chiffres témoignent non seulement que les prix restent plus élevés dans les départements d’outre-mer que dans l’Hexagone – d’un écart de 9 % à La Réunion à 16 % en Guadeloupe –, mais ils montrent également que ces écarts se sont accentués depuis la précédente enquête en 2015.

Si l’on considère les seuls produits alimentaires, le déséquilibre est encore plus fort : les prix payés par les ménages des départements d’outre-mer sont de 30 % à 42 % plus élevés. Cela n’a rien d’anodin dans des territoires où les taux de pauvreté pulvérisent les normes nationales. Pour ces populations en grande fragilité, l’impact de la cherté des produits de première nécessité est d’une grande brutalité, en dépit du bouclier qualité prix qui a vocation à l’atténuer.

Je rejoins le rapporteur, l’appréciation sur le niveau général des prix doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur la qualité de vie globale, prenant en considération le niveau des revenus et la qualité des services dont peut disposer la population.

Les territoires ultramarins connaissent des retards structurels importants par rapport à l‘Hexagone, qui s’expliquent, pour certains, par leur situation spécifique. Toutefois, le retard d’équipement est d’abord lié à un sous-investissement de l’État pendant des décennies. Il faut reconnaître au Gouvernement et à la majorité qui le soutient d’avoir enclenché la dynamique de rattrapage grâce aux contrats de convergence et de transformation, prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle Outre-mer. Cependant, il faudra du temps pour que cette démarche se traduise par des progrès concrets et visibles pour les Ultramarins.

Le constat de départ est donc simple et bien documenté : il y a un effet de ciseaux entre le niveau général élevé des prix et la faiblesse des revenus d’une part importante de la population des territoires ultramarins. L’objectif de notre commission a donc d’abord été de tenter de comprendre pourquoi les prix sont si élevés.

La présidence de commission d’enquête a ceci de paradoxal qu’il lui revient d’introduire un rapport dont l’auteur appartient au camp politique opposé au sien. Cela n’empêche pas la qualité du travail commun et des relations personnelles. Je veux, à ce titre, remercier tout particulièrement le rapporteur Johnny Hajjar. Nous n’avons jamais caché nos divergences mais l’honnêteté et l’estime réciproques nous ont permis de nous écouter et d’établir des constats communs.

Il n’en reste pas moins que nos visions divergent sur de nombreux points, soit que nous accordions une importance différente à tel ou tel phénomène, soit que nous considérions telle ou telle donnée comme faisant partie – ou pas – du problème.

Ainsi, je regrette une appréhension de la situation parfois trop globale de la part du rapporteur, ce qui donne le sentiment que le rapport vise simplement à justifier l’exposé des motifs de la proposition de résolution visant à créer cette commission d’enquête. Je ne suis pas certain que le lecteur, à l’issue de sa lecture, ait une réponse claire à la question posée.

 Enfin, certaines conclusions que le rapporteur tire des auditions me semblent problématiques.

Pour une part l’explication de la vie chère est évidente : les territoires ultra-marins sont lointains, insulaires ou quasi insulaires, les marchés sont de taille limitée et la contrainte foncière y est très grande. Un marché limité et lointain, dont les seules voies d’approvisionnement nécessitent de longs trajets en mer, coûte cher, ce qui emporte des conséquences considérables sur les prix.

Toutefois, d’autres causes, tenant aux comportements des acteurs de la chaîne d’approvisionnement en particulier, ne contribuent-elles pas également à accroître ce phénomène ? Je rejoins le rapporteur lorsqu’il juge que la multiplication des intermédiaires pour l’approvisionnement est sans doute l’occasion d’une multiplication des marges que chacun d’entre eux s’octroie. La question que pose la chaîne d’approvisionnement est double.

D’une part, le rôle de certains acteurs est-il superfétatoire et leur marge injustifiée, au point que les détaillants ultramarins pourraient s’en passer facilement ? Les travaux de notre commission d’enquête ne le montrent pas. Même les grossistes importateurs, dont le pouvoir de marché peut être important selon les marques et les produits, ont été jugés nécessaires au fonctionnement des marchés : s’ils sont en perte de vitesse face au développement de l’approvisionnement direct depuis les centrales d’achat hexagonales – c’est la principale évolution qu’a connue le commerce de détail ultramarin ces dernières années  – ils fournissent des services indispensables, même s’ils sont chers, en raison de leurs facultés d’importation, de stockage et de placement en magasin des produits des grandes marques qui constituent le modèle de consommation commun à l’Hexagone et aux Outre-mer.

D’autre part, l’un ou l’autre de ces acteurs peut-il bénéficier d’un pouvoir de marché lui permettant de peser significativement et à son profit sur les prix d’un produit ? Il existe en effet des monopoles ou des oligopoles de fait mais il est difficile de déterminer s’ils constituent des barrières à l’entrée d’autres acteurs ou si ces situations ne résultent pas de la taille et des contraintes de fonctionnement des différents marchés en tant que tels.

À cet égard, pour prendre la situation du fret, qui est fondamentale dans des économies insulaires, il ne me semble pas ressortir de nos auditions et des documents obtenus que l’opérateur n° 1 dans la desserte des Outre-mer cherche à augmenter indûment ces marges : il essaie plutôt de favoriser un parcours de livraison permettant un approvisionnement régulier des territoires. Les incidents de livraison soulèvent bien plutôt des difficultés quant à l’approvisionnement en produits frais, lesquels supposent des capacités de stockage très élevées.

Par ailleurs, le rapporteur est convaincu que l’intégration verticale des différents éléments de la chaîne de constitution des prix donne en tant que tel un pouvoir de marché exorbitant et qu’une telle situation existe notamment au sein du groupe GBH. En cela, il adhère aux témoignages à charge d’un certain nombre d’acteurs. Je ne peux passer sous silence que le groupe GBH nous a adressé un courrier contredisant formellement ces conclusions et apportant un certain nombre d’éléments en ce sens. C’est là une conséquence directe de la transparence de nos débats.

Que cette concentration verticale existe, qu’elle permette une technicité, une connaissance des contraintes spécifiques de l’approvisionnement Outre-mer et qu’elle soit sans nul doute source de profit est une chose ; que ces profits soient excessifs et à l’origine de la cherté de la vie en est une autre. Mon avis est à cet égard plus nuancé que celui du rapporteur.

En revanche, nous serons entièrement d’accord quant à la faiblesse des moyens déployés par l’État pour caractériser et combattre d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles. Que ce soient les services chargés de la protection des consommateurs et de la répression des fraudes, les organes de contrôle comme les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et, sans doute, les douanes, l’appareil public, qui doit garantir un fonctionnement concurrentiel du marché, n’est pas à la hauteur, ce qui participe d’ailleurs d’une forme d’opacité du fonctionnement de ces marchés, laquelle fait le lit d’une large suspicion.

De même, ces services ne sont pas en mesure de faire respecter l’intégralité des lois de la République. C’est visiblement le cas avec la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer dite « loi Lurel » et les lois portant sur ce que l’on appelle les marges arrière, où la réalité de la contractualisation commerciale n’est pas toujours vérifiable et où la pratique proscrite de vente forcée de services de mise en rayon paraît pourtant subsister.

Par ailleurs, l’obligation de dépôt des comptes doit être respectée et suppose l’instauration de sanctions incomparablement plus sévères que celles qui existent. Il est également nécessaire, comme dans l’Hexagone, de généraliser la transmission des tickets de caisse aux services fiscaux.

La meilleure garantie d’une pression vertueuse sur les prix – cela se vérifie sur les fournisseurs d’accès internet par exemple –, c’est une concurrence qui permette à tous les acteurs solvables d’entrer sur les marchés où les prix sont manifestement maintenus à un prix excessif par accord tacite de quelques acteurs.

Un mot sur le bouclier qualité-prix. Personne ne nie que ce dispositif ait un impact sur la capacité d’achat des habitants, mais la question de son périmètre se pose car de nombreux points de vente de proximité choisissent de ne pas l’appliquer, ce qui limite son effet. En outre, il faut répondre à la remarque selon laquelle, dans ce dispositif, l’effort est réalisé par les distributeurs à travers leurs marges ainsi que par les collectivités – qui limitent le taux de l’octroi de mer – mais absolument pas par l’État.

D’autres freins, parfois absurdes, pèsent sur les prix. Je pense en particulier à la problématique des normes, qui explique notamment les surcoûts de construction. C’est également le cas s’agissant de la consommation courante, puisque 95 % des importations sur ces territoires viennent d’Europe et de l’Hexagone en particulier. Je pourrais citer aussi la situation ubuesque de l’eau à Saint-Martin, où les différences de normes ont interdit l’interconnexion des réseaux entre les deux parties de l’île, et à la situation dramatique de la distribution d’eau à Mayotte, où la gouvernance se montre incapable de réaliser les investissements nécessaires pour faire face à une sécheresse exceptionnelle. Il faut agir pour que les préfets puissent intervenir rapidement et de manière continue.

Les Outre-mer doivent pouvoir sereinement élargir leurs échanges commerciaux avec leurs voisins lorsqu’ils y voient un avantage. Sur ce point, je suis d’accord avec le rapporteur. Ce n’est en revanche pas le cas sur d’autres points.

Le rapport ne mentionne pas le terme de sur-rémunération, ce qui montre que le caractère explosif de ce sujet et de ses conséquences sur les inégalités de revenus et le niveau des prix a été largement éludé. Il est évidemment impossible de remettre en cause la sur-rémunération des fonctionnaires d’État et des fonctionnaires territoriaux, qui soutient à hauteur de plus d’1,5 milliard la consommation locale, mais il serait absurde de ne pas reconnaître un effet inflationniste sur les prix des produits de consommation – qui trouvent ainsi une clientèle solvable de plus de 40 % des ménages – et sur les coûts de production, suite à une contagion de la sur-rémunération dans le secteur privé.

Une telle situation laisse sur le bord du chemin les populations les plus fragiles, les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs pauvres. Je ne crois pas que la proposition du rapporteur visant à étendre la sur-rémunération avec une prise en charge de l’État, fût-elle limitée à 20 %, soit de bonne politique. Sans création de valeur équivalente, cette mesure au coût prohibitif aurait un simple effet inflationniste. En revanche, il convient de renforcer l’accès aux droits, en particulier pour les personnes âgées, de même que la formation grâce notamment à un essor supplémentaire du régiment du service militaire adapté (RSMA), de favoriser la régularisation des activités relevant aujourd’hui de l’économie informelle et d’aider les porteurs de projets, en particulier les jeunes ultramarins qui ont été formés dans l’Hexagone.

Je pense aussi à la question de la fiscalité. Les récentes et prudentes préconisations du comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 18 juillet en vue d’une réforme de l’octroi de mer doivent être retenues. La défense et illustration de l’octroi de mer, décrite par le rapporteur comme ayant un impact « raisonnable », me paraît cependant trop rapide. L’octroi de mer représente une ressource indispensable à la stabilité des recettes des collectivités locales mais il doit être réformé pour en gommer les aspérités les plus choquantes et renforcer son second objectif : le soutien à la production locale.

S’agissant du premier point, je souligne l’opacité du dispositif puisqu’il n’apparaît pas sur le ticket de caisse. Sa perception à l’arrivée, avant toute vente, aboutit non seulement à grever la trésorerie des entreprises mais à une obligation de paiement d’une taxe sur des frais de transport. S’agissant du second, une meilleure prise en compte de l’artisanat dans la production locale, la stabilisation et une plus grande prévisibilité de la détermination des taux et la recherche d’une cohérence des taux à l’échelle des territoires français de la même zone géographique me paraissent autant de pistes utiles. Quant à la question de son application aux activités de service, aujourd’hui non taxées, nous n’avons pas réuni assez d’éléments pour nous forger une conviction. En définitive, il est injuste de faire porter un poids trop excessif sur cette taxe dans la hausse des prix – son remplacement par une TVA à taux normal aurait des effets sensiblement similaires –  mais cela ne doit pas faire oublier les autres points.

Il convient d’aborder aussi la question des finances et des responsabilités des collectivités territoriales.

Je rappelle que c’est la majorité actuelle qui a porté le budget des Outre-mer à près de 3 milliards de budget direct et 22 milliards de dépenses fiscales, donc indirectes, contre respectivement 2 et 17 milliards à la fin du quinquennat de François Hollande.

Il faut également mentionner les contrats de redressement en Outre-mer (Corom), démarche d’accompagnement contractualisé dont le budget a été renforcé et dont l’efficacité est visible dans de nombreuses communes, avec un rétablissement de l’équilibre et une reprise de l’investissement.

J’entends l’argument du rapporteur, reprenant les chiffres du rapport de mission parlementaire Soutenir les communes des départements et régions d'Outre-mer établi en 2019 par Jean-René Cazeneuve et Georges Patient dit « rapport Patient-Cazeneuve », soulignant que les gouvernements précédents n’auraient pas dû avoir les mêmes exigences de soutien à l’effort de redressement des finances publiques à l’égard des communes des départements d’outre-mer comparativement à celles de l’Hexagone : moins 14 % de dotation globale de fonctionnement (DGF) forfaitaire en Martinique pour la période 2014-2017 contre moins 42 % pour les communes de l’Hexagone. Il est néanmoins trop simple de faire porter sur l’État l’entière responsabilité de la situation financière d’un certain nombre de collectivités locales. Les politiques de recrutement, de sélection des compétences peuvent parfois être interrogées. De même, les retards de paiement ne sont pas neutres vis-à-vis du coût des prestations des entreprises concernées. La façon d’éponger le non-paiement de la commande publique est souvent d’augmenter le prix de la commande privée. Je ne crois pas que ce rapport ait la vocation, en creux, de justifier le bilan de la gestion budgétaire de telle ou telle collectivité. En revanche, il faut amplifier la démarche des Corom et, sans doute, établir un système d’affacturage qui permette un paiement rapide de la commande publique sans bloquer l’investissement des collectivités.

Le but de cette introduction n’était pas de dresser une liste exhaustive des remarques, qui sera plus à-propos dans la contribution que je livrerai avant la publication du rapport. Je reconnais le travail commun qui a été accompli et je salue sa qualité. En tant qu’élus de la nation et en responsabilité, nous devons assumer nos positions et nos divergences pour faire avancer un débat qui ne s’achèvera pas avec la publication de ce rapport et nous devons aussi réfléchir à différentes solutions. Compte tenu de ces divergences, je ne peux approuver une part significative des conclusions du rapport mais il n’est pas question d’en bloquer la publication. Je m’abstiendrai donc.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes

Mme Cécile Rilhac (RE). Nous partageons largement les diagnostics posés sur les causes de la vie chère dans nos territoires ultramarins. M. le rapporteur souligne notamment les raisons structurelles du fort coût de la vie, en particulier l’éloignement, avec les problèmes induits par le coût des transports aériens ou maritimes, ce qui renchérit le coût des importations alors que les Outre-mer dépendent de nombre d’entre elles, dont celles de la viande et des céréales.

La faible concurrence des acteurs de la grande distribution, un petit nombre d’acteurs qui concentrent les parts de marché, de grands groupes comme le groupe Bernard Hayot (GBH), qui contrôlent plusieurs secteurs – alimentation, automobile, bricolage – et le rachat du groupe Vindémia par ce dernier contribuent également à la hausse des prix.

Je partage votre appel à l’achèvement de la convergence entre les tarifs bancaires de l’Hexagone et ceux de l’Outre-mer, la tarification des établissements bancaires y étant anormalement supérieure et, surtout, injustifiée.

Les problèmes d’accès au foncier et au logement en général, le chômage – qui en 2018 dépassait 24 % à La Réunion et atteignait 38 % à Mayotte –, les prix, les écarts avec la métropole, qui varient de 12 % aux Antilles, de 11,7 % en Guyane et de 7 % à La Réunion comme à Mayotte sont autant de problèmes.

Même si je regrette qu’il n’aille pas plus loin dans sa remise en cause, je partage également certaines réserves du rapporteur en ce qui concerne l’octroi de mer, taxe ancienne sur les marchandises qui frappe à la fois les importations de marchandises et les activités de production en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, et qui constitue une ressource financière essentielle des communes.

L’octroi de mer est paradoxal et comporte des effets contre-productifs au point que l’intérêt d’une collectivité puisse résider davantage dans la hausse des importations que dans le développement de l’activité locale, sauf à l’aider plus encore. De surcroît, il nuit à la collectivité ultramarine puisqu’il s’exerce d’un territoire ultramarin à un autre.

Enfin, il est ambitieux de prévoir, dans les douze mois, l’organisation dans chaque territoire ultramarin d’états généraux du coût de la vie chère.

Notre rapporteur a accompli un travail considérable en cinq mois – cinquante auditions, plus de cent vingt-cinq personnes entendues – et nous ne pouvons que l’en féliciter. Toutefois, nous émettons certaines réserves quant aux propositions formulées, dont nombre d’entre elles ne sont pas réalistes.

Ainsi, nous ne pouvons pas valider la proposition de bloquer les prix sur les produits de première nécessité ce qui, dans les faits, augmenterait les pénuries et contribuerait au développement d’une économie parallèle déjà trop importante, comme tel est d’ailleurs le cas dans la Hongrie de Viktor Orbán.

Je m’interroge à propos du conditionnement des aides à l’embauche au recrutement de résidents ultramarins, alors que nous sommes revenus sur les emplois francs et leur dimension territoriale trop fermée.

Certaines propositions, en outre, ne sont ni financées ni finançables. Je songe à l’expérimentation d’un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité ou au financement systématique de 80 % du coût des travaux de réhabilitation du bâti en lieu et place des propriétaires.

Nous regrettons que le rapport n’aborde pas la question de la sur-rémunération des fonctionnaires en Outre-mer, de même que l’absence de mention concernant la hausse du budget des Outre-mer sous l’actuelle majorité, avec 3 milliards de budget direct et 22 milliards de dépenses fiscales, donc indirectes, contre respectivement 2 et 17 milliards à la fin du quinquennat de François Hollande.

À regret, notre groupe s’abstiendra. Nous apporterons bien entendu une contribution afin d’expliquer notre position d’une manière plus étayée dans les jours à venir.

M. Roger Chudeau (RN). Nous saluons le choix d’une telle thématique pour une commission d’enquête parlementaire. Si la question du coût de la vie dans la France des Outre-mer a déjà fait l’objet d’un rapport à l’Assemblée nationale, en 2020, de la part de la délégation aux Outre-mer, elle n’a jamais été traitée d’une façon aussi approfondie.

Le rapport dresse un constat lucide sur les causes et les conséquences du coût de la vie dans la France d’Outre-mer : le marché ultramarin est fermé ; une trop grande concentration des distributeurs locaux nuit à la concurrence ; l’absence de concurrence, notamment entre les compagnies maritimes, renchérit considérablement le coût de la vie.

Les observatoires des prix, des marges et des revenus doivent être sérieusement renforcés tant ils ne sont pas en mesure de remplir leurs missions.

Les entreprises doivent respecter l’obligation de dépôt des comptes et les pouvoirs publics doivent le faire respecter ou sanctionner son absence.

La question de la sur-rémunération des « expatriés » doit être examinée de plus près. Notre position à ce propos n’est pas encore arrêtée mais, incontestablement, celle-ci fausse le marché intérieur au détriment des « autochtones ». Il s’agit là d’un problème de fond.

Nous regrettons un angle mort quant aux effets dévastateurs de l’immigration incontrôlée à Mayotte et en Guyane, qui déstabilisent la société et l’économie de ces deux départements.

Plusieurs points sont sujets à caution.

Vous insistez sur une sorte de souveraineté fiscale des départements et régions d’outre-mer (Drom), or, la souveraineté ne relève que de l’État central et ne saurait être déléguée. De même, vos considérations sur les articles 73 et 74 de la Constitution suscitent de notre part une certaine circonspection – nous considérons même que cette question est hors-sujet.

Nos préconisations sur le coût de la vie Outre-mer figurent dans le programme présidentiel de Marine Le Pen de 2020. La constitution d’un ministère d’État de la France d’Outre-mer et de la politique maritime doté des moyens permettant d’engager une véritable politique nous paraît indispensable. La situation actuelle est presque indigne de la République et ne permet pas de régler les problèmes des Drom et des communautés d’outre-mer.

La réforme de l’octroi de mer a suscité entre nous quelques petites crispations. Nous souhaitons non pas qu’il disparaisse mais qu’il soit réformé et que la perte de recette qu’entraînerait probablement une telle réforme soit compensée à l’euro près par une augmentation des dotations globales de fonctionnement des Drom.

Enfin, nous souhaitons que la France des Outre-mer devienne un espace recherché pour les investisseurs internationaux, y compris ceux des territoires proches de nos Drom. Nous devons créer un choc de confiance au lieu de considérer l’économie comme une sorte d’adversaire alors qu’elle est un allié objectif et indispensable du développement en particulier.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra.

M. Perceval Gaillard (LFI-NUPES). Ce rapport, très dense, constitue une base de travail et une mine d’informations.

Nous soutenons la très grande majorité de ses préconisations qui, pour la plupart, reprennent les propositions politiques que nous avons défendues lors de diverses élections mais aussi celles d’un certain nombre d’experts, dont M. Christophe Girardier.

Ce rapport se consacre largement à la question de la formation des prix, qui est essentielle, mais un peu moins à celle des revenus et des salaires. En dépit de plusieurs propositions, le déséquilibre est patent.

Enfin, la question des frais bancaires, quoique je n’aie pas encore lu l’ensemble du rapport, ne fait l’objet d’aucune proposition alors que les abus sont réels et qu’ils ont des conséquences sur le coût de la vie, tant pour les particuliers que pour les entreprises privées.

Nous voterons en faveur de l’adoption de ce rapport et nous proposerons vraisemblablement une contribution écrite sur certains points qui pourraient être améliorés.

M. Mansour Kamardine (LR). Même si j’ai eu peu de temps pour consulter le rapport, je partage les constats qu’il dresse. Je suis en revanche plus perplexe sur un certain nombre de points. Sur un plan sémantique, par exemple, nous ne parlons pas quant à nous des « peuples » d’outre-mer mais des populations. Il y a un peuple français, formé de plusieurs populations.

Des propositions sont intéressantes s’agissant des zones franches ou de l’application de mécanismes en vigueur aux Açores ou ailleurs concernant la mobilisation des fonds européens afin de créer des emplois locaux.

Outre la question des frais bancaires, votre réflexion devrait également tenir compte de celle des tarifs de communication puisque les mêmes opérateurs, à Mayotte et à La Réunion, pratiquent des tarifs différents dans ces deux territoires.

Tel que défini, le modèle économique me laisse également un peu perplexe. Je prendrai la liberté de vous envoyer une contribution car nous considérons que les Outre-mer n’ont pas besoin d’une plus grande autonomie mais d’une plus grande présence de l’État qui, dans certains domaines, est défaillant. Le problème des ultramarins, ce n’est pas tant la connaissance des problèmes qui se posent que le retard des solutions attendues. Oui, il faut agir vite ! Ainsi, nous ne découvrons pas les problèmes d’immigration à Mayotte mais nous avons mis dix ou vingt ans avant de chercher à les résoudre ! Du coup, tout le monde s’est ému des initiatives qui ont été prises alors qu’elles allaient dans le bon sens. Nous devons donc réfléchir au modèle économique que nous voulons.

J’insiste également sur les aspects institutionnels. Aux Antilles, la volonté d’autonomie est palpable. Telle n’est pas l’orientation politique des Mahorais. Nous, nous avons connu l’autonomie. Avec les Comores, Mayotte a été une collectivité d’outre-mer autonome au point de pouvoir contrôler la nomination d’un recteur, d’un colonel de gendarmerie, d’un procureur. Nous avons vu les résultats… Une telle autonomisation conduit à l’indépendance et ce n’est pas la direction que Mayotte veut prendre, laquelle est fière d’être un département français et entend le rester. Dans ce rapport sur le thème de la vie chère, la question institutionnelle revient comme un cheveu sur la soupe à travers des revendications certes légitimes aux yeux de ceux qui les expriment mais auxquelles je ne peux adhérer.

Je ne voterai pas en faveur de l’adoption de ce rapport mais, comme un certain nombre de mes collègues, je m’abstiendrai afin qu’il soit publié car, avec d’autres, nous nous sommes battus pour que cette commission d’enquête soit constituée.

Mme Maud Petit (Dem). Je m’exprimerai en mon nom personnel. Je salue le travail effectué par le rapporteur, le président et nos collègues pour comprendre les mécanismes du coût de la vie Outre-mer. Dans l’ensemble, vos propositions me paraissent intéressantes, mais je crains qu’elles ne puissent pas être appliquées très rapidement. Voilà pourtant des années que les populations ultramarines attendent que l’on s’empare du sujet du coût de la vie. Des réponses immédiates auraient été les bienvenues, même si un travail de fond est indispensable. J’émettrai quelques réserves, notamment sur la demande d’autonomie, qui correspond aux aspirations des territoires antillais mais pas du tout à celles de Mayotte, par exemple. L’État doit être présent, même s’il faut peut-être renforcer la déconcentration. Par ailleurs, je ne pense pas que la création de compagnies aériennes par zone océanique constitue une solution. En revanche, je suis très favorable au développement de filières industrielles de transformation et d’exportation de produits manufacturés localement, notamment vers l’Hexagone. À titre personnel, je voterai en faveur du rapport.

M. Philippe Naillet (SOC). Je salue la justesse de votre diagnostic, Monsieur le rapporteur, et la qualité du travail accompli. J’espère que votre opiniâtreté ne s’arrêtera pas au stade du rapport. Nous avons voulu cette commission d’enquête à l’unanimité car la cherté de la vie dans nos territoires est insupportable et est perçue comme une injustice. Le rapport montre que les monopoles, les conglomérats ont une responsabilité dans ce phénomène. Nos populations ont compris que, depuis des décennies, des opérateurs économiques profitent de notre insularité, de notre éloignement, pour s’enrichir. Les prix des produits alimentaires sont supérieurs de 37 % à La Réunion par rapport à ceux pratiqués dans l’Hexagone, et 37 % de la population réunionnaise se trouve en dessous du seuil de pauvreté. Nous devons corriger cela. Par ailleurs, nous ne devons plus accepter qu’au motif du secret des affaires, les comptes, à l’instar des marges arrière, ne soient pas transparents. Ne nous laissons pas distraire par un débat sur la fiscalité. On peut réfléchir aux corrections à apporter à l’octroi de mer, mais je rappelle qu’à La Réunion, il n’y aurait pas eu développement de filières sans cette taxe. Les collectivités locales sont en première ligne. Or, 30 % du financement des communes proviennent de l’octroi de mer.

Je terminerai en citant un proverbe peul : « si tu avances, on te lancera des sagaies, si tu recules, on te lancera des sagaies, alors à quoi sert de reculer » ?

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Je salue moi aussi le travail du rapporteur et le sérieux des auditions, qui ont permis de poser un diagnostic et de comprendre les mécanismes en cause. On lit dans le rapport que les prix sont supérieurs de 30 à 40 % dans nos territoires. La population ressent une forme de brutalité. J’aurais apprécié que le rapport propose plus de mesures normatives destinées à inverser le rapport Sud-Nord, notamment en favorisant une logique de commercialisation entre les pays du Sud. À titre d’exemple, le fer sud-africain coûte entre quatre et cinq fois moins cher que celui venant d’Europe. Il faut aussi prendre en compte la dimension écologique. Des normes « RUP » pour les régions ultrapériphériques pourraient remplacer les normes européennes. Il manque également des propositions sur les salaires et le foncier : rappelons que les Réunionnais ne peuvent plus acheter de foncier sur leur territoire. Nous devons à présent nous mettre au travail. Nous allons amender nombre de propositions afin que les gens obtiennent, plus que du pouvoir d’achat, du pouvoir de vivre.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Tout en saluant ce travail dense et important, je voudrais exprimer un certain nombre de regrets. Tout d’abord, contrairement à l’orientation prise lors de votre déplacement à Mayotte, le rapport n’accorde que peu de place à la question de l’eau, qui est pourtant l’un des facteurs essentiels de la cherté de la vie sur le territoire mahorais. Qu’elle vienne du robinet ou qu’elle soit vendue au supermarché, l’eau y est la plus chère de France. J’évoquerai ce point dans ma contribution.

L’accent mis sur les questions institutionnelles me parait hors sujet, pour ne pas dire militant et en décalage avec le positionnement d’autres départements ultramarins, même si je respecte la démarche que certains peuvent avoir.

Le choix qui a été fait de privilégier l’indicateur de Fisher pour mesurer le coût de la vie ne me satisfait pas. Je vous renvoie au rapport d’information sur l’autonomie alimentaire des Outre-mer que mon collègue Marc Le Fur et moi-même avons rédigé. Une étude de la préfecture de Mayotte montre que, pour un même panier alimentaire, la différence de prix entre Mayotte et l’Hexagone est de 161 %, ce que ne reflète pas le présent rapport. Par cohérence avec le travail de la délégation aux Outre-mer, je souhaite que l’on utilise les mêmes données.

En matière de téléphonie, le rapport est lacunaire concernant Mayotte. La quasi-totalité des forfaits proposés pour les communications de l’Hexagone vers les départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) ne concernent pas Mayotte.

Je regrette que le rapport ne fasse aucune mention de la situation d’Air Austral, si ce n’est à propos des aides dont la compagnie réunionnaise a bénéficié. Cette dernière est perçue par les Mahorais comme une société prédatrice. Elle connaît des conflits d’intérêts majeurs avec la direction générale de l’aviation civile (DGAC) et a réussi à exclure Corsair des liaisons avec Mayotte, ainsi qu’à restreindre les créneaux de Kenya Airways. La question du transport aérien est essentielle pour Mayotte. Or, le rapport a porté la focale sur les Antilles, comme si la situation monopolistique qui prévaut dans l’océan Indien était jugée normale. Cela me déçoit beaucoup car, pour le consommateur mahorais, c’est une requête ancienne et très légitime. Je ne sais pas comment on peut dire que les prix de l’aérien à Mayotte ont baissé alors qu’ils ont explosé du fait de la disparition de la concurrence au profit d’Air Austral.

Le rapport n’évoque pas non plus les dépenses des foyers pour les études de leurs enfants dans l’Hexagone, qui pèsent lourd sur leur pouvoir d’achat.

Le centre hospitalier de Mayotte indique que les évacuations sanitaires concernent principalement les étrangers. Pour se faire soigner, les Mahorais se cotisent. J’aurais souhaité que vous citiez la Défenseure des droits, qui décrit le territoire mahorais comme un désert médical.

Je regrette que le rapport survole un certain nombre de points car la cherté de la vie est un sujet essentiel du débat politique mahorais depuis une quinzaine d’années.

S’agissant de l’octroi de mer, tout le monde ne partage pas la position de M. Serge Letchimy. Il faut faire preuve de nuance. J’invite la délégation aux Outre-mer à entendre toutes les positions et pas seulement celles des conseillers départementaux et régionaux. Les principaux concernés sont tout de même les maires, qui sont engagés, à Mayotte, dans un face-à-face très tendu avec la préfecture. La disparition de l’octroi de mer les placerait dans une position encore plus difficile vis-à-vis de l’État. Les collectivités mahoraises sont très pauvres ; le produit des impôts locaux est extrêmement faible.

Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT s’abstiendra, ce qui ne nous empêchera pas d’apporter notre contribution écrite aux travaux.

M. Johnny Hajjar, rapporteur. Nous avons travaillé sur un périmètre constitué par dix territoires, du Pacifique à l’océan Indien. Il est impossible de faire une étude individualisée pour chacun d’eux. Il faut piocher dans le rapport les mesures qui vous intéressent et mettre de côté les autres. Comme nous l’avons écrit, l’évolution institutionnelle est suggérée à ceux qui le veulent. Chacun est libre, en fonction de sa situation, de la volonté populaire, de s’engager vers plus ou moins d’autonomie. Nous avons essayé de couvrir le spectre le plus large possible, mais le rapport n’est ni figé ni exhaustif. Avec le président, nous avons travaillé de manière constructive pour trouver des solutions au problème de la vie chère. Nous souhaitons tous des actions immédiates, mais ce type de mesures réclame du temps.

Monsieur Kamardine, vous ne donnez pas le même sens que moi au mot « peuple ». J’emploie ce terme au sens sociologique et non étatique. À mes yeux, il ne doit pas être associé à l’indépendance, même si les deux concepts ont été liés historiquement. Il faut faire évoluer notre cadre de pensée. Le peuple renvoie à un territoire, une géographie, une culture. En ce sens, on peut parfaitement être français et martiniquais, par exemple. Il ne faut voir dans le terme de peuple aucune connotation négative mais au contraire une démarche d’ouverture. Cela va de pair avec la volonté d’assurer l’égalité des droits et le droit à la différence. L’une n’est pas l’ennemie de l’autre.

Si l’on relève de l’article 74 de la Constitution, on perd les acquis de l’article 73 ; et si l’on relève de l’article 73, on « perd » des leviers institutionnels. Pardonnez-moi, mais je suis choqué que nous n’ayons que deux habits pour vivre toute une vie. Pour vous habiller, vous n’avez pas que deux vêtements ! Et si votre taille ne correspond pas aux tenues que l’on vous propose, vous vous faites faire un tailleur sur mesure. Tout ce que nous demandons, c’est que chacun puisse avoir un vêtement sur mesure, et que l’égalité des droits soit respectée. Certains veulent ressembler davantage à la France, prendre Paris pour modèle : c’est leur droit. Moi, je veux être français, tout en étant martiniquais. Géographiquement, je ne serai jamais à Paris : je vis à 8 000 kilomètres, ma culture n’est pas exactement la même et je ne mange pas nécessairement la même chose que les parisiens, mais je suis français. L’un n’est pas l’ennemi de l’autre : nous ne sommes pas opposés. C’est vraiment une nouvelle conception des choses que je souhaite proposer aux députés de la nation – car je n’ai aucune difficulté à parler de la nation française.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les frais bancaires : ils font bien l’objet de l’une de mes propositions.

Nous proposons de réformer et de simplifier l’octroi de mer. Toute la question est de savoir où mettre le curseur. J’ai entendu que le Gouvernement souhaite le réformer en profondeur et qu’un rapport préconise de le transformer en TVA, mais ce n’est pas le même type de taxe, ni le même type d’outil : le produit de la TVA est versé à l’État central, alors que le produit de l’octroi de mer reste localisé Outre-mer. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut simplifier l’octroi de mer et en corriger certaines anomalies : il reste à préciser comment.

J’aimerais revenir sur le mot « sur-rémunération », que j’ai effectivement choisi de ne pas utiliser, parce que l’expression « prime de vie chère » me paraît plus explicite. On a tendance à oublier que, historiquement, la surrémunération avait un lien avec le coût de la vie. Quand on a accordé aux fonctionnaires travaillant Outre-mer une surrémunération de 40 %, dans les années 1950, c’était pour lutter contre la vie chère. Il me paraît plus judicieux de parler, désormais, de « prime de vie chère ». Et je propose d’en accorder une aux salariés du privé.

Il me paraît nécessaire d’augmenter le niveau des revenus, qui est apparu, au terme de notre travail de fond, comme l’un des déterminants du coût de la vie. On me dit qu’une augmentation des revenus va entraîner une hausse du niveau des prix. Il faudrait donc renoncer à augmenter les revenus ? Ce n’est pas possible ! Augmenter les revenus, c’est augmenter la consommation et, par là, la création de richesse et de valeur ajoutée sur le territoire. Pour que l’économie fonctionne, il faut que l’argent circule. Lorsque je gagne 1 000 euros, je peux dépenser davantage que lorsque je touche 400 euros.

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut augmenter la production locale, mais il faut des consommateurs qui aient les moyens de l’acheter. On peut débattre de son niveau, mais il faut une augmentation des revenus. Par ailleurs, je vous invite à bien lire le rapport : je ne demande pas que l’État finance une augmentation des revenus de 20 %, je propose de créer une taxe sur les grands groupes qui font des profits dans nos territoires. Surtout, je pense qu’il faut organiser une conférence sociale, au sein de laquelle tous les acteurs concernés pourront discuter du niveau de cette augmentation et de ses modalités de financement. Il faut prendre en compte les petites entreprises, qui ne peuvent pas assumer ces hausses, et beaucoup d’autres paramètres, mais ce n’était pas au rapport de trancher ces questions.

Monsieur Chudeau, je sais que, pour vous, tous nos maux viennent de l’immigration, mais j’avoue ne pas voir le rapport entre celle-ci et le coût de la vie. Je veux par ailleurs rappeler que l’immigration ne se vit pas de la même manière, selon le territoire ultramarin où l’on se trouve, ce qui nous ramène à la grande diversité des situations locales. À cet égard, je regrette que Mme Estelle Youssouffa soit partie : je lui aurais dit que je ne pouvais pas entrer dans les particularités de chacun des territoires ultramarins. Si je l’avais fait pour Mayotte, j’aurais dû le faire pour tous. Or c’était impossible. C’est d’ailleurs pour cela que je vous invite à déposer des contributions individuelles, décrivant les particularités de chaque territoire, et j’invite Mme Youssouffa à le faire pour Mayotte.

Nous ne pouvions pas tenir compte de son rapport d’information sur l’autonomie alimentaire des Outre-mer, puisqu’il n’a paru que très récemment. Nous avons fait le choix d’utiliser des indicateurs différents mais récemment établis par l’Insee, afin d’être au plus près de la réalité des territoires. Par ailleurs, quand nous avons rencontré les représentants des compagnies aériennes, nous n’étions pas allés à Mayotte et n’avions pas encore analysé la situation d’Air Austral. Mais l’une de nos propositions vise à créer une nouvelle compagnie aérienne par zone océanique, pour développer la concurrence.

S’agissant de l’évolution institutionnelle, je répète que chaque territoire ira où il veut. J’ai proposé un panel de solutions et chacun y puisera ce qui l’intéresse.

J’aimerais, pour finir, vous lire quelques mots de Confucius, qui feront écho au proverbe peul : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu as contre toi ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire et l’immense majorité de ceux qui ne veulent rien faire. » J’ai formulé soixante-huit propositions et je rappelle que ce rapport est un commencement : j’invite tous les groupes à s’en saisir. Ce qui est certain, c’est que l’inaction et le statu quo ne sont pas une option. La situation est dramatique et il faut trouver des solutions au plus vite. J’en ai proposé plusieurs : engager une négociation devant aboutir, dans un délai de douze mois, à une baisse des prix de 10 à 20 % ; organiser une conférence sociale et des états généraux ; rétablir les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu des contribuables ultramarins ; introduire plusieurs mesures d’ordre économique.

La commission adopte le rapport.

M. le président Guillaume Vuilletet. Le rapport est donc adopté : il sera publié dans un délai de cinq jours francs à compter de l’annonce de cette adoption, soit le jeudi 27 juillet.

Je vous rappelle que vous avez jusqu’au mardi 25 juillet à midi pour envoyer, à titre individuel ou collectif, une contribution qui sera annexée au rapport.

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   Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de M. Guillaume Vuilletet, DÉputÉ (RE) du Val‑d’Oise, prÉsident de la commission d’enquÊte

En complément de mon avant-propos, je souhaite exposer plusieurs axes qui n’ont pas été développés dans le corps du rapport dans le sens qui transparait des auditions et des entretiens sur le terrain que la commission a pu mener, ainsi que des propositions complémentaires alternatives à celles formulées par le rapporteur.

  1.   Les collectivités locales et la puissance publique

Dans les territoires ultramarins, la commande publique a un rôle moteur dans le fonctionnement de l’économie locale, en particulier pour le secteur du bâtiment et des travaux publics. Les collectivités locales procèdent souvent, pour autant, à des paiements dans des délais excessifs. Cela entraîne une augmentation des prix des marchés. Les entreprises intègrent, dans la mesure du possible, le coût de leur refinancement, ce qui affecte la qualité des prestations ainsi que les délais de livraison ou d’achèvement des travaux. De plus, la concurrence est réduite, seules les entreprises financièrement solides peuvent accéder aux marchés publics. Cette situation a un impact préjudiciable sur la confiance accordée par les citoyens et les acteurs économiques envers les collectivités locales, compromettant ainsi leur image et leur exemplarité. De plus, elle nourrit les soupçons de fraude, de prévarication et de corruption.

C’est malheureusement aussi fréquemment le cas pour les établissements publics de santé.

  1.   Les contrats Corom sont efficaces et permettent aux collectivités locales de revenir à un niveau de dépense cohérent

Pour aider les communes des DROM présentant des difficultés pour équilibrer leur budget, la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a créé les contrats de redressement outre-mer (Corom). Les communes contractantes s’engagent sur une trajectoire de redressement de leurs finances et d’amélioration de leur gestion, notamment par une réduction de ses délais de paiement aux entreprises.

En contrepartie, l’État s’engage à accompagner ces collectivités en mettant à leur disposition une assistance technique et une subvention exceptionnelle de fonctionnement, sous condition que la commune atteigne les objectifs définis dans son contrat.

Neuf communes ont bénéficié d’un Corom, soit un soutien de l’État d’un montant total de 30 millions d’euros pour la période 2019-2022. Douze nouveaux Corom sont en cours de négociation entre l’État et les communes sélectionnées. 

Ce dispositif d’accompagnement est donc basé sur :

 un effort de diagnostic et d’ingénierie préalable qui doit être mené au niveau local avec l’appui de l’agence française de développement (AFD) ;

  un accompagnement afin de mener certaines réformes structurelles indispensables concernant par exemple la fiscalité (meilleure identification des bases), la maîtrise de certaines dépenses de fonctionnement, l’amélioration de la gestion de la chaîne de la dépense ou de la sincérité des comptes ;

 la restauration des marges de manœuvre en section de fonctionnement, notamment sur la maitrise des frais de personnel, qui reste un enjeu majeur dans les collectivités ultramarines ;

 une aide de l’État au processus de redressement, apportée en fonction des efforts de la collectivité ;

 une perspective pluriannuelle afin de redresser la situation financière de la collectivité contractante.

Neuf communes bénéficiaient du soutien de l’État pour un montant total de 30 millions d’euros pour la période 2019-2022.

Le rapport d’information réalisé par MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch au nom de la commission des finances du Sénat ([620]) détaille plusieurs cas de redressement des finances publiques locales.

Basse-Terre : un exemple de pleine réussite

En 2022, pour la commune de Basse-Terre, située en Guadeloupe, l’expérimentation s’est traduite par une amélioration notable allant au-delà de la trajectoire du contrat.

Le déficit cumulé sur les deux sections de fonctionnement et d’investissement est passé de 567 246 euros en 2018 à un excédent de 8,4 millions d’euros en 2022.

Fin 2022, la section de fonctionnement présente pour la première fois depuis cinq ans un excédent à hauteur de 1,4 million d’euros contre un déficit de 4 millions d’euros en 2018. Le résultat cumulé de la section d’investissement est, pour sa part, passé de 3,5 millions d’euros à 6,9 millions d’euros.

Les capacités d’autofinancement brute et nette sont désormais positives, ce qui a permis une légère reprise des dépenses d’équipement qui passent de 123 euros par habitant en 2018 à 181 euros par habitant en 2022.

Sur la même période, l’encours de dette a diminué de 33,5 %, passant de 7,4 millions d’euros à 4,9 millions d’euros.

Les produits ont augmenté de 8,2 % quand, parallèlement les charges ont diminué de 5,5 % ; plus spécifiquement, les charges de personnel ont enregistré, entre 2018 et 2022 une baisse de 2,2 %.

Le contrat a permis une maîtrise des charges à caractère général et de personnel. De même, il a eu pour conséquence des taux de subventionnement importants pour des projets d’investissement portés par des acteurs majeurs ainsi qu’une amélioration de la trésorerie.

L’exemple de Saint-Benoît

La commune de Saint-Benoît, située à La Réunion, a également connu une amélioration notable qui doit se poursuivre sur la section d’investissement.

Fin 2022, les déficits cumulés sur les deux sections de fonctionnement et d’investissement s’élevaient à 4,8 millions d’euros contre 3,6 millions d’euros en 2018, 6,3 millions d’euros en 2019, 10,8 millions d’euros en 2020 et 7 millions d’euros en 2021.

La section de fonctionnement présente un excédent cumulé de 4,6 millions d’euros après deux années consécutives de déficit établi à 12,1 millions d’euros en 2020 et 4,4 millions d’euros en 2021.

En revanche, le résultat cumulé de la section d’investissement se détériore puisqu’il passe d’un déficit de 4,8 millions d’euros en 2018 à un déficit de 9,4 millions d’euros soit son niveau le plus faible depuis cinq ans. Cette situation s’explique par une grande volatilité des dépenses et recettes d’investissement qui enregistrent des amplitudes importantes d’une année sur l’autre.

Les capacités d’autofinancement brute et nette augmentent respectivement de 115 % et 410 % dans un contexte où les produits de gestion ont augmenté de 11,3 % entre 2018 et 2022 alors que, dans le même temps, les charges ont enregistré une hausse de seulement 4,3 %. Cette situation permet une reprise des dépenses d’équipement qui passent de 64 euros par habitant en 2020 à 168 euros par habitant en 2022.

L’encours de dette reste stable mais le fonds de roulement diminue et demeure négatif même s’il se reconstitue légèrement en 2021 et 2022.

Les contrats Corom ont donc permis de mettre en place une dynamique volontariste des communes contractantes afin d’assainir leur situation financière. En effet, les communes concernées manifestent une réelle volonté de s’engager durablement sur une trajectoire financière permettant une amélioration significative de leur situation. En fléchant des subventions exceptionnelles sur le paiement des fournisseurs, l’État s’est attaché à ce que ce dispositif bénéficie au tissu économique local, ainsi qu’aux donneurs d’ordre, car les entreprises n’auront plus à intégrer les coûts des délais de paiement dans leurs offres.

  1.   L’affacturage inversé : une solution aux retards de paiement à expertiser

La majorité des collectivités locales en Outre-mer dépassent largement le délai réglementaire de paiement. Ces délais ont tendance à augmenter depuis plusieurs années allant parfois jusqu’à plus d’un an. Cela fragilise le tissu économique en mettant la trésorerie de nombreuses entreprises en difficulté, comme le détaille le rapport établi par l’Inspection générale de l’administration en 2019 sur ce sujet ([621]).

Le dispositif de l’affacturage inversé

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « loi PACTE » précise dans son article 106, le dispositif de l’affacturage inversé et la possibilité d’application dans le cadre des marchés publics.

Article 106 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « loi PACTE »

I. –  Les acheteurs mentionnés à l’article L. 1210-1 du code de la commande publique peuvent, avec l’accord du fournisseur, demander à un établissement de crédit, une société de financement ou un FIA mentionné à l’article L. 313-23 du code monétaire et financier d’assurer le paiement anticipé de certaines de ses factures.

L’acquisition des créances par l’établissement de crédit, la société de financement ou le FIA s’opère par cession de créance ou subrogation conventionnelle.

II. – La mise en œuvre de la faculté prévue au I du présent article ne fait pas obstacle aux contrôles que les comptables publics exercent conformément aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la gestion budgétaire et comptable publique.

Dans ce dispositif, l’acheteur paye immédiatement son fournisseur via un établissement financier. La collectivité doit assurer le coût financier de l’avance de fonds faite par cet établissement, et effectuer à l’échéance le remboursement de la dette.

Cet avantage pour le fournisseur réside dans le fait que sa facture est réglée « au comptant », bien avant le délai réglementaire. Toutefois, pour les collectivités, cela nécessite la mise en place d’une chaîne de la dépense apte à rendre la créance certaine pour les fournisseurs ainsi qu’un système d’information avec l’établissement financier.

De plus, dans la mesure où la collectivité a annoncé à l’avance aux fournisseurs potentiels le recours à ce mode de règlement, elle doit bénéficier en retour d’une minoration du prix de la commande.

La probabilité qu’un acteur privé propose des prestations d’affacturage inversé en outre-mer est faible, compte tenu du risque de défaut trop important. Un mécanisme de « dé-risking » financé par l’État est sans doute indispensable. Afin de réduire l’aléa moral, le dispositif pourrait être proposé de façon prioritaire aux communes ayant conclu un contrat Corom. Il est aussi nécessaire de faire prendre en compte cette contrainte par les collectivités locales en renforçant l’inscription d’office des intérêts moratoires et des intérêts forfaitaires.

Proposition du président n° 1 : Lancer une expérimentation du dispositif de l’affacturage inversé dans un territoire ultramarin après une phase d’expertise visant à préciser les conditions pour qu’un établissement financier propose ce service.

 

Proposition du président n° 2 : Lorsqu’une collectivité territoriale ne règle pas la moitié de ses factures dans un délai de 120 jours, limiter le pouvoir d’ordonnateur du maire ou du président de la collectivité locale.

 

Proposition du président n°3 : Renforcer, en cas de manquement répété, l’inscription d’office des intérêts moratoires et des indemnités forfaitaires dans les budgets communaux par la préfecture.

  1.   Favoriser l’expertise au sein des les collectivités locales

Malgré l’engagement financier important de l’État dans les territoires ultramarins, des inégalités persistent en matière de transports, d’infrastructures, d’assainissement, d’électricité, de télécommunications et d’accès au logement social.

L’intensité de ces besoins a conduit l’État à multiplier les plans de développement en faveur de ces territoires qui demeurent fragiles en raison de leur situation financière et de la difficulté à recruter du personnel qualifié. Les capacités administratives et techniques limitées des collectivités appelées à réaliser les investissements financés par l’État et, le cas échéant, par des fonds européens nécessitant une forte expertise administrative, peuvent expliquer la sous-exécution régulière des crédits affectés.

Les engagements financiers de l’État doivent être mieux suivis, tant au niveau central qu’au niveau local, par le développement d’un appui à l’ingénierie locale permettant de garantir la bonne exécution des crédits alloués. La plupart des collectivités territoriales ne disposent pas en interne des compétences suffisantes pour conduire l’ensemble des projets. L’accompagnement des collectivités souffre encore d’un manque de coordination, préjudiciable à la bonne conduite des projets.

Proposition du président n° 4 : Créer une réserve opérationnelle ultramarine, permettant d’affecter des fonctionnaires d’encadrement en attente d’affectation ou en retraite à des projets ou des missions ponctuelles au sein des services des collectivités locales ultramarines.

 

Proposition du président n° 5 : Mobiliser Expertise France, le Cerema et le groupe SCET (Services conseil expertises territoires) filiale de la Caisse des dépôts, afin de permettre de recruter des profils qualifiés en faveur des collectivités ultramarines.

  1.   Les questions de sur-rémunération et d’inégalité de revenus

Les territoires ultramarins se caractérisent par des inégalités de revenus nettement plus marquées que dans l’Hexagone. Cette disparité s’explique en partie par le croisement de deux réalités : la surrémunération et la précarité de l’emploi.

La surrémunération permet à une partie de la population d’Outre-mer de vivre convenablement, et de faire face à la cherté de la vie dans les territoires ultramarins. Elle participe également à l’attractivité de l’emploi public en Outre-mer, souvent au détriment de l’activité privée pour laquelle elle provoque aussi une hausse des rémunérations.

Paradoxalement, la surrémunération met en relief les conditions de vie dégradées d’une large partie de la population ultramarine. Ce dispositif est financé par des transferts financiers et non par la création de valeur locale. Même s’il répond aux impératifs de vie chère, on ne peut pas exclure qu’il entretienne, par lui-même, une forme d’inflation exogène. Comme cette sur-rémunération correspond à un soutien de la demande locale de plus d’un milliard et demi d’euros par an, il n’est pas envisageable de la supprimer. Pour autant, elle laisse sur le côté les personnes en fragilité qui n’en bénéficient pas.

Afin d’éradiquer les inégalités de revenus, le rapporteur propose de généraliser la sur-rémunération à l’ensemble des revenus publics et privés. Cette proposition me paraît irréaliste, inefficace et inflationniste.

Lors de son audition, le représentant de la Cour des comptes a indiqué que celle-ci s’apprêtait à envoyer au Gouvernement des propositions relatives à la sur-rémunération, notamment en adaptant son taux à la cherté de la vie telle que constatée par l’Insee dans chacun des territoires ultramarins. Cela pourrait être une piste, tout au moins pour les nouveaux recrutés dans la fonction publique.

Mais en définitive, la meilleure réponse à ce déséquilibre est la hausse des revenus des personnes les plus en fragilité qui se situent fréquemment en dessous du seuil de pauvreté.

Cela peut passer par un meilleur accès aux droits. Je pense en particulier au recours à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) pour les personnes ayant de très faibles retraites.

Il est clair que le meilleur moyen pour diminuer les écarts de revenus en Outre-mer est de favoriser la création de richesses, ce qui passe par des dispositifs déjà existants tels que des exonérations de charges dont bénéficient les territoires mais aussi un effort particulier en matière de formation et un soutien important aux porteurs de projets tel qu’il apparaît d’ailleurs dans les conclusions du comité interministériel des Outre-mer (Ciom).

Un autre axe pour appréhender les questions de revenus et d’inégalités dans les Outre-mer serait de réduire la dichotomie entre une économie officielle et un secteur informel.

Les activités du secteur informel génèrent une partie importante des revenus en Outre-mer. Il paraît donc nécessaire de formaliser les activités du secteur informel en mettant en place un mécanisme d’accompagnement des activités non déclarées.

Un vecteur pourrait être un accompagnement vers la digitalisation des transactions qui permettrait d’en garantir la traçabilité tout en donnant un meilleur accès au droit des personnes concernées.

Proposition du président n°6 : Renforcer l’accès aux droits des personnes âgées par une meilleure promotion de l’ASPA, par une démarche « d’aller vers » et une meilleure information des ayants droit.

 

Proposition du président n° 7 : Faire des territoires ultramarins des lieux d’expérimentation de la dématérialisation des transactions par le développement de solutions de paiement généralisées et entreprendre de faire entrer l’économie informelle dans les cadres de la légalité.

  1.   Le fret maritime

Le transport maritime de marchandises représente la quasi-totalité des échanges de produits entre l’Hexagone et les départements et régions d’Outre-mer. Cela fait du prix du transport maritime l’un des éléments déterminants dans la fixation des prix des produits importés depuis la France et les pays européens vers les territoires ultramarins. Ce coût est particulièrement élevé en raison de la distance considérable entre ces territoires. Ce coût est aussi dû à l’accumulation des coûts d’approche de transit et d’assurance.

Pour faire face aux surcoûts qui résultent du fret maritime, le Gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs d’aide au fret. En 2022, la France a obtenu de la Commission européenne la mise en œuvre d’un régime cadre de soutien au fret, notamment au nom de l’égalité réelle promise aux citoyens ultramarins. Ce dispositif consiste en une prise en charge, à hauteur de jusqu’à 50 %, des dépenses liées au fret. Le montant de l’aide est limité à 25 % du coût du fret, si l’entreprise bénéficie d’une aide financière dans le cadre de l’allocation additionnelle spécifique de compensation des surcoûts aux régions ultrapériphériques, prévue par le Fonds européen de développement régional (FEDER).

Malgré les efforts fournis par le Gouvernement, le coût du fret demeure trop élevé. Pour cette raison, une intervention publique paraît nécessaire sur plusieurs aspects qui participent au coût élevé du fret :

 la durée du transport par voie maritime est très longue, et ne permet pas de garantir une livraison à date ce qui nécessite donc le financement d’un stock plus important par les entreprises locales ;

 les territoires ultramarins connaissent des contraintes logistiques : il y a un manque d’espace suffisant de stockage, qui, mêlé à la rareté et à la cherté du foncier, renchérit le coût d’entreposage ;

 l’accroissement de la production locale permettrait d’augmenter l’activité économique dans les territoires ultramarins. Cela ne résoudra pas la problématique des prix élevés mais participera à la création des emplois et donc au renforcement du pouvoir d’achat des citoyens ultramarins ;

 l’aide au fret prend une importance particulière. La production locale nécessite souvent l’importation d’intrant ou des produits semi-finis.

En application de l’article 193 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, le ministère des Outre-mer a remis le 30 juin dernier un rapport au Parlement sur l’évaluation du dispositif national d’aide au fret et les crédits budgétaires dédiés. Ce rapport vise à expliquer les défaillances du système, en particulier sa complexité et les délais de mise en œuvre. Cela concerne aussi le déficit d’articulation entre les dispositifs nationaux et le Fonds européen de développement régional (FEDER). Pour autant, il en conclut à la nécessité de maintenir ce dispositif.

Quatre recommandations sont faites que je fais miennes :

1. Assurer un meilleur portage de l’aide nationale par les services déconcentrés de l’État ;

2. Adapter les modalités d’instruction du volet État et assurer un meilleur dialogue partenarial avec les autorités de gestion des programmes FEDER en amont de l’instruction ;

3. Renforcer la visibilité et la prévisibilité de l’aide au fret pour les structures des bénéficiaires ;

4. Étendre d’accessibilité de l’aide au fret au tissu de TPE-PME et à l’artisanat.

Dans le même temps, la question de la desserte de certains territoires, notamment à Mayotte, par les compagnies maritimes apparait comme un enjeu : si les territoires ultramarins français n’apparaissent pas comme suffisamment attractifs, les lignes régulières des compagnies maritimes les délaisseront au profit d’autres escales dans la région.

Proposition du président n° 8 : Étudier la faisabilité de l’établissement d’un système de financement régional pour les compagnies de cabotage, afin d’assurer une meilleure capacité d’approvisionnement dans les régions voisines des territoires ultramarins.

 

Proposition du président n° 9 : Examiner la proposition du groupe GBH visant à établir une liste des produits qui seraient exonérés de l’octroi de mer et dont la facturation du fret serait calculée sur la valeur et non sur le volume des marchandises transportées.

 

Proposition du président n° 10 : Mettre en œuvre les recommandations du rapport du ministère des Outre-mer sur l’évaluation de l’aide au fret.

  1.   L’inadaptation des normes de construction

Certaines normes nationales et européennes de construction ne sont pas adaptées à la réalité et aux spécificités des territoires ultramarins. L’inadaptation de ces normes pose problème à deux niveaux.

  1.   Elle entraîne une hausse significative des prix :

L’architecture actuelle des normes applicables au BTP ne tient pas compte des véritables besoins ultramarins en matière de construction. Cette disparité rend la réalisation des projets de construction dans ces régions complexe et coûteuse. Par exemple, les réglementations visant à rendre les bâtiments accessibles aux personnes à mobilité réduite ne sont pas adaptées aux spécificités des territoires ultramarins. Une des mesures prévues par ces réglementations est la construction de pentes de 6 à 12 % pour l’accessibilité des bâtiments. Cependant, cette mesure est inadaptée à la topographie des nombreux territoires ultramarins. C’est notamment le cas à La Réunion, où environ 90 % du territoire est montagneux, avec une pente moyenne naturelle de 15 %, rendant impossible la construction de pentes conformes aux conditions requises.

M. Philippe Pourcel, directeur adjoint de CDC habitat, l’a évoqué au cours de son audition : « Concernant les pentes, l’application brutale des normes d’accessibilité nous pousse à réaliser des ouvrages assez invraisemblables, avec des rampes interminables par exemple. Des sujets d’accessibilité se posent au regard de la topographie de nos territoires, ainsi que des sujets de transcription de règles nationales qui ne suivent pas de logique d’application. » ([622])

  1.   Elle interdit un approvisionnement régional :

La plupart des matériaux de construction utilisés dans les territoires ultramarins proviennent d’Europe. Cela résulte de l’absence d’échanges commerciaux à l’échelle régionale, en raison de la non-conformité aux normes de l’Union européenne, dites marquage « CE ». L’interdiction de l’approvisionnement régional a un impact sur le coût de la construction, ce qui se répercute directement sur le coût du logement en Outre-mer limite l’offre de logement.

Par exemple, à La Réunion, il est nécessaire d’importer les matériaux de construction – tel le fer à béton – depuis l’Europe, alors que l’Afrique du Sud est un pays proche géographiquement, avec un marché du bâtiment en plein essor. M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion l’a évoqué : « À notre échelle, l’Afrique du Sud serait un fournisseur. Ce pays construit également des logements et son marché ne semble pas s’écrouler. Peut-être y trouverions-nous des matériaux avec lesquels travailler. » ([623])

Plus globalement, la transposition et l’application du droit européen et du droit français dans les territoires ultramarins ne sont pas adaptées. Ces normes ne prennent pas en compte les spécificités des territoires d’Outre-mer, ce qui est susceptible d’entraîner une augmentation des prix et de constituer un obstacle à l’approvisionnement régional, parfois moins coûteux. 

En application du décret n° 2020-412 du 8 avril 2020, le préfet peut déroger à une réglementation nationale dans certains domaines :

 subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;

 aménagement du territoire et politique de la ville ;

 environnement, agriculture et forêts ;

 construction, logement et urbanisme ;

 emploi et activité économique ;

 protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

 activités sportives, socio-éducatives et associatives.

La possibilité de prendre une décision contraire à une norme nationale est encadrée par des conditions strictes.

La dérogation doit impérativement être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales.

La décision du préfet doit également répondre aux conditions suivantes :

 déroger à une norme réglementaire (mais pas à la Constitution, à une loi ou une norme européenne) ;

 être une demande individuelle uniquement (cas par cas) ;

 appartenir à un domaine qui relève des seules compétences du préfet et des matières dictées par le décret (emploi et activité économique, construction, logement et urbanisme, etc.) ;

 ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens ;

 ne pas porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ;

 l’arrêté dérogatoire doit être motivé et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.

Si ces dispositions vont dans le bon sens, leur mise en œuvre doit être simplifié et leur impact doit pouvoir être généralisé, si cela se justifie.

Le rapporteur mentionne plusieurs initiatives entreprises par la direction générale des Outre-mer pour plaider auprès des institutions européennes en faveur d’adaptations des régimes juridiques européens qui semblent inappropriés en Outre-mer. Je soutiens cette démarche, comme celle consistant à confier à une instance regroupant les collectivités ultramarines la mission de détecter en amont les problèmes liés à la création normative – y compris lors du processus législatif français – et de demander avant l’édiction de la norme des adaptations au contexte ultramarin.

Proposition du président n° 11 : Étendre et simplifier le pouvoir d’adaptation normative du préfet en matière de normes de construction, d’accessibilité, de surfaces des pièces, d’invendus et de distribution.

 

Proposition du président n° 12 : Créer des commissions locales d’adaptation des normes dans chaque territoire d’Outre-mer, regroupant différents corps de métier (architectes, acteurs du BTP, donneurs d’ordres publics, aménageurs), chargées d’adapter les normes de construction, les règles de l’art aux spécificités territoriales et de proposer des équivalences de normes concernant l’approvisionnement en matériaux en dehors de l’Union européenne.

  1.   La chaîne de formation des prix

Il ressort des auditions de la commission d’enquête que la chaîne de formation des prix est déformée. Cela résulte de plusieurs facteurs, dont :

  1.   La multiplicité d’intermédiaires dans le circuit commercial :

La multiplicité d’intermédiaires participe à la hausse des prix des produits car chaque intermédiaire réalise des marges. Il convient alors de s’interroger sur la nécessité de chacune des étapes composant la chaîne de formation des prix.  À ce propos, même si le rôle du grossiste-importateur est souvent remis en cause, il peut se révéler nécessaire, en particulier lorsqu’il s’agit d’approvisionner les petites surfaces indépendantes.

  1.   Des pratiques anticoncurrentielles :

Il existe une réelle concurrence entre les différentes enseignes, une compétition âpre entre les acteurs économiques qui n’hésitent pas à user de leur pouvoir de marché. À ce sujet, je rejoins les propos du rapporteur : l’abus de position dominante résulte d’une intégration verticale, et non horizontale.

Proposition du président n° 13 : Demander à l’Autorité de la concurrence de réaliser des études permettant d’évaluer et de déterminer l’utilité et le niveau des marges de chacune des étapes dans la chaîne d’approvisionnement et de formation des prix.

 

Proposition du président n° 14 : Renforcer le nombre d’agents compétents en matière de concurrence au sein des pôles C des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf) en Outre-mer, en cohérence avec la proposition du comité interministériel des Outre-mer du 18 juillet dernier.

 

Proposition du président n° 15 : Vérifier que les marges arrière correspondent à des paiements de prestations de services ou de coopération commerciale correspondent à la facturation équilibrée d’un service rendu.

  1.   La répression des fraudes

Lors des auditions, plusieurs grandes entreprises, présentes de longue date dans les territoires ultramarins, ont affirmé préférer risquer d’être sanctionnées par une contravention plutôt que de déposer les comptes annuels de leurs sociétés au registre du commerce et des sociétés (RCS) en vue de leur publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc), bien que cela soit une obligation légale en vertu des dispositions des articles L. 232-21 à L. 232-26 du code du commerce.

Sur ce point, je rejoins l’avis du rapporteur. Les entreprises présentes dans les territoires ultramarins doivent impérativement publier leurs comptes. Pour cela, il me paraît nécessaire de réviser et durcir le régime des sanctions.   

Proposition du président n° 16 : Réprimer l’absence de dépôt des comptes annuels d’une société par une amende de 3 % de son chiffre d’affaires.

 

Proposition du président n° 17 : Sanctionner l’absence de transmission des tickets de caisse à l’administration fiscale.

 

Proposition du président n° 18 : Renforcer les moyens des services fiscaux et des directions de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) pour lutter contre les fraudes.

  1.   La fiscalité

Sur la fiscalité, je rejoins les propos du rapporteur : l’octroi de mer n’est pas le seul facteur responsable de l’inflation en Outre-mer. Il garantit les ressources dynamiques aux collectivités territoriales et favorise la production locale. Son montant s’élève à 1,47 milliard d’euros en 2022.

Néanmoins, même si l’octroi de mer permet de générer des ressources importantes, il présente des défauts qui méritent d’être examinés :

 l’octroi de mer est applicable en sortie de douane, et est acquitté avant que le produit soit vendu. Ce procédé génère un besoin de trésorerie et participe à la hausse du coût de stockage ;

 l’octroi de mer est une source des marges pour chacun des intermédiaires, il peut se transformer en éléments de concurrence entre les territoires dans un même bassin océanique. Dans le cas du marché antillais, les différences de régime peuvent donner lieu à une concurrence fiscale entre les territoires et de l’optimisation pour les importateurs ;

 l’octroi de mer est intégré dans le coût de transit de biens, donc pris en compte dans l’établissement des marges des opérateurs. Il est excessivement complexe et instable, ce qui nuit à sa lisibilité pour les opérateurs économiques et au développement du commerce en ligne ;

 l’octroi de mer se caractérise par une opacité. Le consommateur ne connaît pas le niveau de taxation des biens qu’il achète. Payé à l’entrée du territoire ou par le producteur local, le montant d’octroi de mer est inclus dans la fabrication des prix mais ne peut être indiqué sur le ticket du consommateur ;

 l’octroi de mer ne s’applique pas aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel relatif à une activité de production est inférieur à 550 000 euros. Cela fait qu’ils ne sont pas pris en compte comme « production locale » dans la détermination d’un taux d’octroi de mer externe sur les mêmes produits importés. À titre d’exemple, la délégation de la commission d’enquête a été alerté de la disparition des activités de création de bijoux fantaisie à Mayotte. La production mahoraise de bijouterie, qui était le fait de petits artisans, s’est retrouvée confrontée à une production asiatique importée, disposant d’un taux minime d’octroi de mer, au motif qu’elle n’apparaissait pas dans les statistiques de collecte en tant que production locale soumise à l’octroi de mer interne. Cette production locale a été confrontée sans soutien à une concurrence internationale et a donc disparue rapidement. En effet, un taux minime d’octroi de mer pour les produits importés peut fragiliser la production locale, si celle-ci n’est pas prise en compte car réalisée par des petites entreprises.

Face à ces inconvénients, transformer l’octroi de mer en TVA pourrait être une solution. Cela permettrait de renforcer la transparence, de stabiliser les taux et les prix, et serait avantageux pour les services car ils sont exonérés de l’octroi de mer. Le rapport Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) ([624]) montre que cette solution est envisageable.

Pour autant, la transformation de l’octroi de mer en TVA aurait aussi des risques tels que l’augmentation significative des prix des services dans les territoires ultramarins et l’absorption de la réduction des prix par les marges.

En outre, elle ferait nécessairement perdre le pouvoir de taux aux collectivités ultramarines, même si une partie du produit de la TVA généralisée pourrait leur être affectée.

L’une des propositions du rapporteur vise à verser le montant de la TVA collectée dans les territoires ultramarins. Cette proposition ne me paraît pas la plus efficace. Le budget alloué à l’Outre-mer est d’environ 25 milliards d’euros, crédits budgétaires et dépenses fiscales confondus, alors même que la TVA collectée dans les trois DOM où elle existe est de l’ordre d’un milliard d’euros. Il faut respecter le principe budgétaire de non-affectation des recettes aux dépenses.

Il faut donc, comme le prévoit le Ciom, engager une refonte de l’octroi de mer pour découpler le financement des collectivités locales du soutien à la production locale. Cela permettra de diminuer la pression fiscale sur les produits de grande consommation et de stimuler la concurrence locale.

Proposition du président n° 19 : Garantir la visibilité de l’octroi de mer en le faisant apparaitre sur les tickets de caisse.

 

Proposition du président n° 20 : Établir un dispositif de déductibilité de l’octroi de mer et de paiement après la vente du produit à son consommateur final.

 

Proposition du président n° 21 : Mettre en place des taux d’octroi de mer homogène entre territoires du même espace régional et stabiliser leur mode de révision.

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Contribution des dÉputÉs membres du groupe Renaissance

La réalité de la vie chère en Outre-mer est incontestable : les prix y sont supérieurs de 15,8 % en Guadeloupe, de 13,8 % en Martinique, de 13,7 % en Guyane, de 8,9 % à La Réunion et 10,3 % à Mayotte qu’en métropole ([625]). Or, si ces écarts ne sont pas nouveaux, ils ont tendance à se creuser d’année en année : en 2018, les écarts observés étaient de +12 % aux Antilles, +11,7 % en Guyane et +7 % à La Réunion et à Mayotte. Au regard de cette dynamique préoccupante, le groupe Renaissance a voté en faveur de la constitution de la présente commission d’enquête, permettant ainsi au groupe Socialistes de ne pas faire usage de son droit de tirage pour voir aboutir cette demande.

Le groupe Renaissance tient à souligner l’implication et le sérieux du rapporteur de la commission d’enquête, Johnny Hajjar, et de son président, Guillaume Vuilletet. En application de la règle qui veut que majorité et opposition se partagent la direction des travaux d’une commission d’enquête, il a été décidé d’attribuer le poste de rapporteur à un membre du groupe Socialistes et la présidence de la commission à un membre du groupe Renaissance. Or ces derniers ont su travailler dans un esprit de concorde, ce qui a permis à la commission de mener des auditions riches et approfondies : en cinq mois de commission, cinquante auditions ont été organisées, et plus de cent vingt-cinq personnes entendues, ce qui est considérable. Les députés de l’ensemble des groupes politiques ont pu bénéficier d’une large liberté de parole sur le fond et la forme, et le président a fait l’excellent choix d’associer l’ensemble des membres de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale aux auditions.

Au terme de cinq mois de travail, le rapporteur Johnny Hajjar a soumis son rapport aux membres de la commission d’enquête, qui se sont ensuite prononcés sur sa publication par un vote à huis clos. Bien qu’il salue la qualité et l’ampleur du travail fourni par le rapporteur, fidèlement traduit par le présent rapport de plus de trois cents pages et d’une tenue rédactionnelle irréprochable, le groupe Renaissance a fait le choix de s’abstenir quant à la publication de ce dernier. En effet, si les députés du groupe partagent en grande partie les diagnostics et constats réalisés par le rapporteur, ils considèrent que nombre des propositions et préconisations formulées par ce dernier sont irréalisables ou ne sont pas pertinentes.

  1.   Nous partageons nombre des constats réalisés par le rapporteur sur les causes structurelles du coût de la vie en Outre-mer, bien que nous estimions que certains sujets n’ont pas été traités
  1.      Le haut niveau du coût de la vie en Outre-mer est bien sûr lié à la situation spécifique des différents territoires ultra-marins (éloignement, insularité…), même si cette situation n’explique pas entièrement l’écart des coûts avec la métropole. La grande dépendance des Outre-mer aux importations venues de métropole, y compris pour les produits de première nécessité, y participe grandement : l’ensemble des Outre-mer importe la quasi-totalité de ses céréales et une partie importante de sa viande, même si les territoires ultra-marins couvrent un peu mieux leurs besoins en œufs et en fruits et légumes frais. Certains territoires sont particulièrement vulnérables, avec des taux de couverture de 12 % pour la Martinique, 21 % en Guadeloupe, 23 % à La Réunion, et 25 % en Polynésie française. La Guyane (40 %), Mayotte (41 %) et la Nouvelle-Calédonie (57 %) s’en sortent un peu mieux : ils sont quasiment autosuffisants pour les fruits, les légumes et les œufs mais restent fortement dépendant des importations pour la viande de volaille et le lait. À noter certaines « anomalies » : les Outre-mer ont une ZEE en moyenne deux fois plus étendue que celle de la France continentale, or les importations en produits de pêche représentent 40 % de la consommation locale. Au bout de la chaîne d’importation, le prix des produits est naturellement renchéri par le fret maritime, les contraintes logistiques liées au transport de produits alimentaires et l’octroi de mer. Nous regrettons d’ailleurs que le faible niveau de productions locales n’ait pas été abordé de manière plus approfondie dans le rapport. Ainsi, si le rapport formule quelques recommandations afin d’encourager la production locale, le rapporteur n’a pas défini les causes de la faiblesse actuelle de ces productions. Plusieurs phénomènes mériteraient d’être questionnés, comme la progression de l’artificialisation des sols dans des territoires où la population est en recul, comme en Guadeloupe et en Martinique, ou le fait que les cultures d’exportation contraignent le développement d’une agriculture nourricière, ou encore le manque de structuration des filières : en effet, une meilleure structuration de ces dernières pourrait les rendre plus compétitives, permettant notamment une mutualisation des moyens, des économies d’échelle et une ouverture sur d’autres marchés comme la restauration collective.
  2.      L’existence de monopoles ou oligopoles « de fait » dans les territoires ultra-marins ne peut être contestée. Ainsi, ce sont souvent trois ou quatre groupes qui se partagent le marché dans chaque secteur donné. En Polynésie française, quatre groupes d’enseignes de la grande distribution possèdent la quasi-totalité du marché : les enseignes Carrefour (Carrefour, Champion et Easy Market) sont gérées par le groupe Wane, acteur majeur de la grande distribution, qui détient 52 % du marché, les enseignes U (Hyper U, Super U et U Express) représentent 34 % du marché suivies par l’enseigne LS Proxi (presque 8 %) et l’enseigne nouvellement créée Happy Market partenaire d’Intermarché à 5,6 %. Cette réalité existe dans d’autres secteurs clé des économies ultra-marines, comme le fret maritime (où CGA CGM détient 62 % des parts de marché en Martinique, 64 % en Guadeloupe, 84 % en Guyane…). À ce sujet, le rapporteur a utilement mis en évidence le fait que l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs pouvait contribuer à réduire drastiquement les écarts de prix avec la métropole, en s’appuyant sur l’exemple de l’entrée du groupe Free sur le marché réunionnais, qui a réduit la concurrence à tel point que les tarifs télécoms pratiqués sur le marché réunionnais sont désormais comparables à ceux pratiqués en Hexagone. Nous partageons également les constats réalisés par le rapporteur en ce qui concerne le manque de contrôles engagés pour faire cesser les pratiques anti-concurrentielles, qui sont pourtant relativement fréquentes. De même, il est indiscutable que l’opacité du fonctionnement des marchés joue en faveur de la hausse des prix. Une disposition de la loi Lurel sur la régulation économique des Outre-mer a permis aux collectivités territoriales de saisir l’autorité de la concurrence sur toute pratique jugée anticoncurrentielle, mais elle n’a jamais été utilisée, ce qui est regrettable. 
  3.      Le poids de l’octroi de mer sur les économies ultra-marines. Instauré sous Louis XIV dans les années 1670, cet impôt est une taxe spécifique à la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte et La Réunion. Tous territoires confondus, l'octroi de mer représentait 1,47 milliard d'euros en 2022, soit 270 millions de plus qu'en 2019. L'octroi de mer est calculé sur le montant total d'un produit, frais de port inclus. C'est le conseil régional ou les collectivités territoriales qui décident du niveau de taxation. Le taux varie en fonction du type et de l'origine des produits. L'octroi de mer ne peut dépasser 60 %, sauf pour les alcools et le tabac, où le taux peut grimper jusqu'à 90 %, et même jusqu'à 135 % à Mayotte. En cas d'absence de production locale ou parce que les produits sont considérés comme de première nécessité, les autorités locales peuvent choisir d'appliquer des taux nuls ou faibles. Ainsi, La Réunion ne taxe pas ou peu les produits locaux, à quelques rares exceptions près. Selon l’Autorité de la concurrence, l’octroi de mer représente en moyenne 7 % du prix du produit pour un distributeur (mais peut monter à des niveaux bien supérieurs pour certains produits de grande consommation), soit un niveau supérieur à celui du fret. Nous regrettons que le rapporteur postule que « l’octroi de mer n’est pas le déterminant principal dans le renchérissement des prix en Outre-mer », sans étayer ni argumenter son affirmation. Le rapporteur cite notamment la direction générale des Outre-mer, qui a mis en évidence le fait que certains acteurs économiques sur-répercutent l’octroi de mer sur le prix final des produits, pour avancer que ce n’est pas l’octroi de mer en lui-même qui pose problème mais bien le fait que certains acteurs en abusent. Or, cela revient à passer sous silence le fait que l’ensemble des personnes entendues sur la question de l’octroi de mer ont confirmé son effet néfaste sur le niveau des prix. D’autre part, le fait que certains puissent abuser de l’octroi de mer pour renchérir les prix montre que le système de l’octroi de mer est opaque, ce qui devrait poser question. Il n’est rien dit non plus sur le caractère arbitraire de cette taxe, qui est, rappelons-le, librement déterminée par chaque collectivité territoriale, aboutissant à des situations disparates, voire incohérentes : à titre d’exemple, l’octroi de mer est nul pour la farine à Mayotte, mais de 4 % à La Réunion. La piste d’une harmonisation des niveaux de l’octroi de mer par type de produit n’est pas évoquée dans le présent rapport, ce que nous déplorons.
  4.      Le rapport se refuse à utiliser le terme de « sur-rémunération » des fonctionnaires, alors que ce vocable est depuis longtemps utilisé pour nommer les conséquences de la politique de compensation (ou encore « prime de vie chère ») pour les fonctionnaires sur place, ce que nous percevons comme une manière de relativiser ses effets. Instaurée dans les années 1950, la majoration des rémunérations a été mise en œuvre pour attirer des fonctionnaires qualifiés en Outre-mer et atténuer les disparités économiques entre les territoires ultramarins et l’Hexagone. Comme le souligne le rapport, « pour les fonctionnaires hexagonaux, l’ensemble des primes représente en moyenne 20 à 22 % des revenus ; pour les fonctionnaires basés en Outre-mer, c’est en moyenne 50 à 60 % », avec une dépense budgétaire estimée à 1,178 milliard d’euros en 2012 au titre de la sur-rémunération, selon la Cour des Comptes. Or, s’il n’est bien sûr pas question de remettre en cause le principe même d’une prime de vie chère plus importante dans les territoires ultra-marins qu’en Hexagone, les effets inflationnistes de ce système sont absolument évidents, et ont entraîné un effet de contagion sur les postes à responsabilité du privé, consacrant la mise en place d’un système « à deux vitesses », avec d’une part des salaires très élevés pour les postes très qualifiés (20 % des populations les plus aisées dans les DROM disposent d’un revenu moyen équivalent aux 20 % des plus aisés dans l’Hexagone, selon la Cour des Comptes) et des salaires très bas pour les autres employés. Le groupe Renaissance regrette notamment que le rapporteur résume le débat sur la sur-rémunération à la question de son maintien ou de sa suppression, sans envisager de moyens de réformer cette politique de sur-rémunération, renforçant par la même le sentiment que cette question a été éludée.
    1.   Nous émettons des réserves quant aux préconisations formulées par le rapporteur pour remédier à la vie chère en Outre-mer

Aux yeux des députés du groupe Renaissance, le rapport formule nombre de propositions irréalistes, non-financées et non finançables.

  1.      Plusieurs mesures représentent un coût visiblement exorbitant, comme l’idée d’expérimenter un dispositif de compensation intégrale des coûts d’acheminement pour les produits de première nécessité, de financer systématiquement 80 % du coût des travaux de réhabilitation du bâti, en lieu et place des propriétaires, ou encore l’extension de la sur-rémunération au secteur privé. En plus d’être irréalistes, ces mesures sont de nature à créer de l’inflation supplémentaire, et créent le risque d’accroître les difficultés des personnes qui ne sont pas intégrées à ces politiques. Ainsi, les chômeurs et retraités risqueraient d’être très pénalisés par l’extension de la sur-rémunération au secteur privé, qui risque de faire augmenter encore les prix.
  2.      Nous nous opposons fermement à la préconisation du blocage des prix sur les produits de première nécessité. Nous rappelons que cette mesure a été mise en place par Viktor Orban en Hongrie et a conduit à d’importantes pénuries dans les rayons, ainsi qu’à la mise en place d’un marché parallèle. Il semble extrêmement dangereux de chercher à mettre en place cette mesure en Outre-mer, alors que le fonctionnement des marchés est opaque et que l’économie informelle est déjà très développée. Plus qu’inefficace, nous considérons que cette mesure est dangereuse pour la sécurité alimentaire des territoires ultra-marins.
  3.      La création d’une taxe sur les profits des entreprises opérant en Outre-mer risque de dissuader les entreprises d’entrer sur le marché et donc de renforcer la concurrence, elle est donc contre-productive.
  4.      Le transfert des pouvoirs normatifs de l’État vers les collectivités territoriales est une proposition irresponsable, voire démagogique ou électoraliste. En effet, certaines collectivités d’Outre-mer font face à des difficultés financières importantes et sont critiquées pour la façon dont elles gèrent leurs comptes. Aux yeux du groupe Renaissance, il convient de renforcer les synergies entre État et collectivités territoriales, à l’image de ce qui se pratique via les contrats Corom, plutôt que de donner de nouvelles compétences à ces dernières.
  5.      À titre subsidiaire, le groupe Renaissance fait savoir qu’il trouve très voire trop ambitieux de se fixer pour objectif l’organisation d’états généraux des Outre-mer à échéance d’un an. En revanche, le groupe soutient la proposition du rapporteur qui vise à interdire aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs dans les territoires ultra-marins.

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Contribution des dÉputÉs membres du groupe Rassemblement national

Le groupe Rassemblement National a souhaité exprimer un avis sur le rapport de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

Cet avis partage un certain nombre de constats établis par le rapport (I.), se détache de certaines pistes émises (II.) et rappelle les solutions préconisées par le groupe Rassemblement National en la matière (III.).

  1.   Des constats assez largement partagés sur le coût de la vie et ses déterminants dans la France des outre-mer

Le groupe RN tient d’abord à saluer le choix de cette thématique pour une commission d’enquête parlementaire. Si la question du coût de la vie dans la France des Outre-mer a déjà fait l’objet d’un rapport de l’Assemblée, en 2020, de la délégation aux Outre-mer, elle n’a jamais fait l’objet d’investigations aussi approfondies par le biais d’une commission d’enquête parlementaire.

Hormis une référence datée et inutile à l’esclavagisme en début de rapport, le rapport proposé dresse un constat assez lucide sur le coût de la vie dans la France des Outre-mer, les secteurs particulièrement touchés et les déterminants de la vie chère.

En particulier, il est exact que le marché ultra-marin est fermé, en raison du surcoût des immobilisations (territoires montagneux et surfaces utilisables soumises à une forte pression immobilière), du surcoût du stockage, d’un coût plus élevé du travail, et d’une trop forte concentration des distributeurs locaux, qui nuit à la concurrence. Ce manque de concurrence entre distributeurs locaux pourrait, comme le suggère le rapport, faire l’objet d’un renforcement des investigations de l’Autorité de la concurrence.

Par ailleurs, les territoires ultra-marins, éloignés de l’Hexagone de plusieurs milliers de kilomètres, en dépendent pour leur approvisionnement en produits alimentaires ou manufacturés et en matières premières. 95 % des échanges de produits entre l’Hexagone et les territoires ultra-marins s’effectuent par la voie maritime, avec une situation concurrentielle variable selon les destinations, ce qui pose la question de la concurrence entre compagnies maritimes. À ce titre, il faut noter que les marges effectuées par certaines compagnies maritimes en période inflationniste ont choqué nombre de parlementaires, qui ont proposé, lors des discussions sur le budget pour 2023, divers amendements sur les superprofits. Le groupe RN a posé en la matière ses propres amendements, dont certains visaient nommément certaines grandes compagnies maritimes. Par ailleurs, le groupe soutient toute velléité de constitution d’une nouvelle compagnie aérienne pour desservir l’outre-mer.

Enfin, le rapport fait le constat, très juste, d’un manque de connaissance sur les mécanismes de formation des prix et des marges dans la France des outre-mer. C’était pourtant la mission dévolue aux sept observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) présents en outre-mer, créés en 2007, et dont les auditions ont largement montré les limites, à l’exception notable de l’OPMR de La Réunion. Aussi, le groupe RN partage le constat fait par le rapport et appuiera l’augmentation des moyens prônée pour les OPMR, ou les partenariats à nouer, par exemple avec l’Insee.

Au rang des constats toutefois, le rôle de l’immigration est sous-estimé par le rapport. Parce qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, le rapport aurait dû revenir sur les conditions d’un retour effectif à l’ordre républicain dans la France des Outre-mer et en particulier dans les départements de Mayotte et de la Guyane, qui sont le plus exposés à la criminalité, à la violence et aux effets délétères d’une immigration massive. À Mayotte en particulier, où la moitié de la population est étrangère, la politique du logement et les faiblesses d’infrastructures sont très directement liées à l’immigration anarchique.

  1.   Certaines pistes du rapport sont sujettes à caution

Il apparaît dommageable que le rapport mélange des problématiques tout à fait légitimes – le coût de la vie – avec des considérations – nécessitant des débats approfondis et distincts – sur la situation institutionnelle de la France des Outre-mer.

Ainsi, les préconisations du rapport allant dans le sens d’une souveraineté fiscale des DROM ne peuvent recevoir une approbation tacite du groupe RN, le sujet nécessitant un débat préalable, concerté, et approfondi.

De même, les développements allant sur le terrain des dispositions des articles 73 et 74 de la Constitution ne peuvent que susciter une prudente circonspection.

Enfin, la question du statut de la France des Outre-mer vis-à-vis de l’Union européenne, notamment via l’application de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ne paraît pas opportune à aborder dans le cadre d’un tel rapport. Cette ligne de crête institutionnelle ne doit, toutefois, pas empêcher de constater certains effets délétères des normes européennes, qui peuvent affecter les prix en outre-mer, par exemple sur les matériaux de construction.

  1.   Les préconisations spécifiques du groupe RN sur le coût de la vie en outre-mer

Tout d’abord, la nécessité de redonner toute sa place aux Français d’Outre-mer et à ses territoires exige qu’un grand ministère soit créé. Cette solution est plus globale que les ajustements de réorganisation technique des services ministériels prônés par le rapport.

La constitution d’un ministère d’État de la France des Outre-mer et de la politique maritime que le groupe appelle de ses vœux contribuerait à ce que toutes les questions dont il a la charge soient parfaitement prises en compte par les autres départements ministériels.

Par ailleurs, le groupe souhaite une réforme profonde de l’octroi de mer, dans des conditions proposées et fixées depuis plusieurs années par le RN.

Applicable en Guadeloupe, en Martinique, à la Guyane, à La Réunion et à Mayotte, l'octroi de mer ne devrait être applicable qu'aux biens importés hors Union européenne et pour protéger le marché local. La taxe resterait ainsi applicable pour les produits entrant en concurrence avec ceux fabriqués dans les cinq départements concernés, ainsi que pour tous les produits importés des pays non membres de l’Union européenne. Une réforme de l’octroi de mer exonérant les produits français et de l’Union européenne permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux habitants d’Outremer.

La perte de recettes pour les collectivités locales qu’entraînerait cette réforme serait compensée à l’euro près par une augmentation de leur dotation globale de fonctionnement.

Par ailleurs, la France des Outre-mer doit devenir un espace recherché pour les investisseurs. Il faut donc créer les conditions qui favorisent l’investissement, gage de développement économique, et créer un choc de confiance à destination des investisseurs.

Aussi, aux différentes préconisations du rapport en matière de soutien à l’investissement, le groupe RN préfère un dispositif fiscal plus simple, plus lisible, se rapprochant de l’état d’esprit de la « loi Pons » (article 22 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986) – sans les abus initiaux de cette loi – pour créer un environnement attractif et stable pour les investisseurs.

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Contribution de MM. Jean-Hugues RATENON et Perceval GAILLARD, DÉputÉs (LFI-NUPES) de la RÉunion

L’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion a publié le 5 septembre 2022 une étude sur le secteur de la grande distribution à La Réunion, réalisée par le cabinet Bolonyocte Consulting.

Cette étude estime à 7,5 milliards d’euros la consommation des ménages à La Réunion, et la consommation courante à 3,8 milliards d’euros (produits alimentaires, vêtements, meubles, articles d’entretien, transports, loisirs...).

Les ménages réunionnais privilégient à 79 % les grandes surfaces pour leurs achats alimentaires qui pèsent pour 17 % dans leur budget de consommation (330 euros par mois). Ils achètent dans ces grandes surfaces 77 % de leurs produits alimentaires, soit davantage que dans l’Hexagone ou qu’aux Antilles (69 %).

On décompte en 2019 à La Réunion 17 hypermarchés allant jusqu’à 6 000 m2 et 88 supermarchés allant jusqu’à 2000 m2. Cette grande distribution génère un chiffre d’affaires d’environ 2 milliards d’euros en 2018.

Fin 2022, le seul groupe Carrefour possède environ 37 % de part de marché régionale, devant Leclerc qui atteint entre 27 et 29 %. Derrière, le groupe U est à 14-16 % de part de marché. Le duopole Carrefour-Leclerc totalise à lui seul les deux tiers du marché. Tous les autres acteurs étant relégués en dessous de 10 %.

Selon les derniers chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) du 12 juillet 2023, « le coût de la vie est supérieur à La Réunion de plus de 9 % ».

Mais toujours, selon les données de l’Insee, « les produits de l’alimentaire sont plus chers de 37 % par rapport à l’Hexagone ».

La communication (25 % plus chers) et les loisirs (14 % plus chers)

Le prix des voitures est lui 14% plus élevé que dans l’Hexagone, tout comme le prix des pièces détachées.

Depuis 2010 l’écart n’a cessé de se creuser et que les prix n’ont pas cessé d’augmenter.

Autre aspect, il faut mettre ces écarts de prix en face des revenus.

Et à La Réunion, « le ménage moyen gagne un revenu inférieur de 27 % au ménage de l’Hexagone », précise l’INSEE.

Inflation qui à La Réunion a pris 1,6 % en un mois en mai et 8,4 % sur les 14 derniers mois.

Face à ces constats rien ne bouge.

Ce constat a bien été celui réalisé par les auteurs de la proposition visant à la création de la commission d’enquête.

Rappelons que celle-ci avait pour objectif « d’étudier et d’évaluer l’ensemble des mécanismes qui concourent au coût de la vie dans les départements et régions d’Outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution. »

Il était fait notamment état de « la conjonction de facteurs structurels et conjoncturels concourant à la problématique de la vie chère ; un niveau de vie et des revenus « largement inférieurs » dans les DROM par rapport au niveau de vie hexagonal, un niveau général des prix dans les DROM largement supérieur au niveau hexagonal, un sous- financement des collectivités territoriales ultramarines, et enfin une rupture d’égalité et d’équité entre les DROM et l’Hexagone, notamment à travers un désengagement financier de l’État ciblé (suppression de dépenses fiscales et sociales, augmentation des impôts, baisse des dotations moins compensée) ».

Il apparaît à la lecture rapide (imposée par le cadre juridique d’étude du rapport de ladite commission) que les thèmes ont tous été abordés : la question des revenus, la question des prix ; la question du sous-financement des collectivités territoriales ultramarines, bien qu’abordée, ne semble pas être allée jusqu’au bout de la réflexion.

Tout comme la question du désengagement financier de l’État. En effet, si le rapport présenté pour l’acceptation de la commission d’enquête évoque cette question, il apparaissait difficile, à ce moment-là, d’évoquer les nouvelles suppressions des dispositifs de défiscalisation.

Le gouvernement pourrait bien prendre appui sur le énième rapport de la Cour des comptes pour procéder à la suppression de nouvelles niches fiscales.

Dans sa note, la Cour des comptes souligne quatre secteurs qui, dit-elle, sont à examiner en priorité, du fait de « dépenses foisonnantes ».

À commencer par le logement : la remise en cause de dispositifs d’aides à la construction ou à la rénovation de logement – et cela quelle que la forme de l’aide – serait de nature à pénaliser ou à freiner toute nouvelle opération ; ce serait une catastrophe, la « crise du logement » étant – et depuis longtemps –- l’une des priorités à prendre en compte, et sur laquelle il est impératif de maintenir des aides ciblées.

Certes, la timide avancée du comité interministériel des Outre-mer (CIOM) pourrait permettre de limiter les dégâts. Si elle venait à être mise en place réellement.

Autre secteur décrié par la Cour des comptes : le crédit d’impôt recherche (CIR), sur lequel la commission des finances de l’Assemblée nationale a planché. Reste à identifier précisément l’impact du CIR sur les entreprises ultramarines, afin d’appréhender ce que tout changement (diminution, suppression, ...) pourrait entraîner.

Et bien évidemment, la Cour des comptes s’est penchée sur les dépenses fiscales relatives aux Outre-mer. Selon le rapport, « En 2022, elles ont représenté par moins de 6,9 milliards d’euros ». Les magistrats s’interrogent – tout à fait légitimement – sur leur efficacité : « un quart d’entre elles étaient notées 0 dans un ancien rapport de 2011, car n’atteignant pas l’objectif principal poursuivi ni l’effet direct recherché ».

Autre sujet d’inquiétude pour les Outre-mer, toujours sur la question des « niches fiscales », est pointé par la Cour des comptes : « le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile 5,7 milliards d’euros par an pour les finances publiques , ou encore de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraites qui coûte 4, 4 milliards d’euros par an ».

Le rapport de la commission d’enquête ne pouvait pas prendre en compte ces domaines précis, la note de la Cour des comptes étant arrivée trop tardivement. Néanmoins, si le gouvernement devait emboîter le pas aux préconisations de la Cour des comptes, cela aurait un impact significatif sur les Outre-mer. Et par voie de conséquence, provoquerait une diminution des effets des mesures proposées dans le rapport de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d’outre-mer.

Est évoquée aussi, dans le rapport précédent le lancement de la commission d’enquête, la question du « sous financement structurel des collectivités ultramarines ». Là aussi, le sujet n’est pas nouveau, il a été abordé dans de nombreux rapports. Celui de la commission d’enquête, tout en l’abordant, apporte quelques préconisations ; mais celles-ci pourront être balayées d’un simple revers de main lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, au motif de « la nécessité de contenir le déficit ».

Et quand bien même les mesures du CIOM, si elles venaient à être mises en place rapidement, auraient-elles un effet positif, celui-ci serait minoré par les demandes de la Cour des comptes. Il n’en reste pas moins intéressant qu’une des propositions de la commission d’enquête propose « d’accroître la fongibilité des crédits entre les différents budgets opérationnels », ce qui est positif.

Toujours dans le rapport initiant la création de la commission d’enquête, il est bien évidemment question de la formation des prix. il évoque « le nombre important d’intermédiaires dans la chaîne de production et de distribution », « l’accumulation des marges des acteurs tout au long de la chaîne », ainsi que « des éléments de fiscalité ».

Sur la question du nombre important d’intermédiaires, le rapport de la commission d’enquête reste très évasif. Néanmoins, il contient une série de propositions visant à étoffer le rôle, le poids de l’OPMR (observatoire des prix, des marges et des revenus), ainsi que de toutes les structures et établissements travaillant au contrôle des prix et de la concurrence.

Ces mesures sont intéressantes et il conviendra de les faire mettre en place. Tout en étant conscient que les impacts des travaux ne seront pas immédiats.

Sur la question du fret maritime, le rapport précédent l’approbation de la commission d’enquête évoquait le « problème de l’armateur CMA CGM ».

Deux remarques sur la question :

1. les propositions contenues dans le rapport de la commission d’enquête sur le sujet sont très timides, malheureusement.

2. seule une analyse extrêmement approfondie des chiffres donnés par les compagnies maritimes et armateurs permettra d’identifier éventuellement quelques anachronismes ; néanmoins, lors de l’audition, la direction de CMA CGM a bien annoncé la fin de la « ristourne » accordée pendant quelques mois. Cela va donc obligatoirement impacter les prix à la consommation. Sauf si le gouvernement prenait les mesures nécessaires... mais ne rêvons pas.

La réponse à la problématique du coût du billet d’avion trouve une réponse cinglante : appliquer aux Outre-mer le « modèle corse ». Une étude un peu plus poussée sera néanmoins nécessaire afin d’exiger la mise en place de la mesure.

L’autre versant de la question de la « vie chère outre-mer », après la formation des prix, est la question des revenus ; le rapport de la commission d’enquête aborde bien le sujet et formule des propositions.

Ces propositions vont dans le bon sens, il faudra néanmoins changer le cadre juridique pour certaines propositions. Notamment celles qui visent à « majorer les prestations sociales légales versées aux outre-mer d’un complément représentant le différentiel du coût de la vie, observé dans l’Hexagone et organiser leur versement automatique notamment dans les territoires ultramarins ».

Il en va de même pour la proposition de « financer la prime de vie chère des salariés du secteur privé par la création d’une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant dans les outre-mer ».

Ces propositions sont fondamentales, pour lutter contre l’injustice et l’inégalité légalement instituée – depuis 1946 – dans les DROM. Nous y souscrivons entièrement. Parce que c’est ainsi, en agissant AUSSI voire SURTOUT sur les revenus, que la situation d’extrême pauvreté trouvera un début de commencement de résorption.

Ces propositions – comme d’autres contenues dans le rapport de la commission d’enquête – supposent obligatoirement un changement de paradigme dans les politiques publiques.

Elles nécessitent impérativement de changer l’approche qu’ont eue les gouvernements successifs, voulant une assimilation et non une intégration tant dans l’ensemble français qu’européen, voire dans l’environnement régional.

Ces propositions sont le fondement d’un nouveau « contrat » entre les Outre-mer et l’Hexagone, afin de parvenir à une égalité de fait, une équité totale, quitte – et c’est indispensable pour y parvenir – à procéder à la mise en place de mesures que certains jugeraient « inégalitaires », ou créant une « rupture d’égalité ». Alors même que les DROM vivent en permanence avec ce principe de « rupture d’égalité ». Sinon, quel aurait été la finalité de cette commission d’enquête.

Et en tout état de cause, elles devront s’articuler avec les pistes de travail contenues dans les conclusions du CIOM. Notamment, la question de la réforme de la fiscalité (et surtout de l’octroi de mer) ou celle de la labellisation « RUP » (au lieu de CE) pour certains produits provenant des pays riverains des DROM, certifiés aux normes européennes (dans le but de favoriser les échanges de proximité).

Nous tenons en priorité à la prise en compte de ces préconisations générales.

        Donner des pouvoirs d’investigations et coercitifs à l’OPMR

        Développer les circuits courts notamment avec les pays de la zone.

        Création d’une antenne de l’Autorité de la concurrence à La Réunion. Une BIEC (Brigade Interrégionale d’Enquête Concurrence).

En outre, nous demandons la prise en compte des propositions de Christophe Girardier qui sont, à notre sens, susceptibles d’apporter rapidement des effets positifs :

I.  À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter du 1er septembre 2023, la part de marché maximale que pourra occuper un groupe de distribution ne pourra excéder 25 %, dans chacune des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint- Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

II.  L’analyse permettant la détermination des parts de marché respectives de la distribution, sera réalisée sous la responsabilité du Président de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) territorialement compétent, dans les 6 mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi et elle sera réactualisée chaque année.

Cette analyse sera rendue publique.

Pour la détermination des parts de marché au sein de chaque territoire, les groupes de distribution devront communiquer au Président de l’OPMR, l’ensemble des documents comptables et financiers permettant d’analyser les positions respectives. Les modalités et les conditions de cette communication seront fixées par décret. En cas de dépassement du seuil de 25 % de part de marché, le distributeur devra sous un délai de rigueur de 12 mois suivant la publication rendue publique par l’OPMR, prendre les mesures nécessaires afin de faire revenir sa part de marché en deçà du seuil, sous peine de sanction.

 

Compléter l’article L. 430-2 du code de commerce par un VI ainsi rédigé :

« VI- Lorsqu’une opération de concentration envisagée dans une ou plusieurs collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, dans les îles Wallis et Futuna ou dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, est soumise aux dispositions des articles L. 430-1 et suivants, elle devra nécessairement et à peine de nullité, être préalablement présentée en session publique de l’observatoire des prix des marges et des revenus du ou des territoires concernés et soumise à un vote. »

 

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter du 1er septembre 2023, dans chacune des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et Miquelon et de Wallis-et-Futuna, toute nouvelle implantation commerciale d’une surface supérieure à 1500 m2 est suspendue.

 

À l’article L410-6 du code de commerce, rédiger ainsi le I :

« I.- Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, après avis public de l’observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétent, le représentant de l’Etat négocie chaque année avec les grandes et moyennes surfaces présentes sur le territoire un tarif professionnel maximal pour leur activité de gros à l’égard des petites surfaces de commerce de détail enregistrées au registre du commerce et des sociétés. »

En effet la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique prévoit à l’article L. 410-6 du code du commerce :

I.  À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 2017, dans le Département de Mayotte et en Guyane, après avis public de l’observatoire des prix, des marges et des revenus territorialement compétent, le représentant de l’État négocie chaque année avec les grandes et moyennes surfaces présentes sur le territoire un tarif professionnel maximal pour leur activité de gros à l’égard des petites surfaces de commerce de détail enregistrées au registre du commerce et des sociétés.

II.  En l’absence d’accord dans un délai d’un mois à compter de l’ouverture des négociations, le représentant de l’État arrête, sur la base des négociations mentionnées au I, le tarif professionnel maximal ainsi que ses modalités d’encadrement. Les modalités de calcul d’un tarif maximal consistent en un pourcentage de majoration par rapport au prix d’achat des grandes et moyennes surfaces ou en un pourcentage de minoration par rapport aux prix facturés aux consommateurs. »

Pourquoi car il apparaît clairement que les petits commerçants de l’île de La Réunion, ne bénéficient pas de tarifs d’achat leur permettant d’être compétitifs et donc d’exercer leur rôle d’acteur du commerce de proximité. Néanmoins malgré l’entrée en vigueur de cette loi le 2 mars 2017, l’État ne l’a jamais appliquée à Mayotte.

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Contribution de M. Mansour Kamardine, DÉputÉ de Mayotte, au nom des dÉputÉs membres du Groupe Les RÉpublicains

Le groupe LR tient, en premier lieu, à saluer l’important travail de la commission d’enquête et l’implication pleine de son président et de son rapporteur.

Les causes principales de la cherté de la vie dans les territoires d’outre-mer sont identifiées depuis de nombreuses années. Néanmoins, le travail effectué par la commission d’enquête était nécessaire pour préciser les mécanismes tendant à faire subir aux ultramarins une triple peine : un coût de la vie largement supérieur à la moyenne nationale, des revenus sensiblement inférieurs aux normes métropolitaines et une étroitesse de l’offre de produits et de services.

À notre sens, la stimulation de la concurrence est et demeurera la principale voie de maîtrise des coûts de la vie, avec la régulation des surcoûts de transport et l’encadrement des pratiques de détermination des prix concernant les marchés monopolistiques ou oligopolistiques.

La lutte contre la corruption en général et la lutte contre l’influence administrative et politique des grands groupes économique sont, également, indispensables pour contenir la cherté de la vie dans les collectivités d’outre-mer, au bénéfice de l’intérêt général, c’est-à-dire de l’intérêts des populations, notamment des plus fragiles.

Concernant les recommandations du rapport, le groupe LR adhère à la plupart d’entre elles. Néanmoins, le parti pris idéologique autonomiste, qui a présidé à la formulation de certains d’entre-elles, notamment les propositions n° 66, n° 67 et n° 68, conduit le groupe LR à émettre des réserves formelles. Ses recommandations portant sur l’évolution institutionnelle des collectivités ultramarines outrepassent le périmètre de la commission d’enquête. Cette orientation s’apparente, à notre sens, à une fuite en avant qui enclenche, à l’insu des populations, des mécaniques indépendantistes.

Enfin, le groupe LR souhaite proposer et appuyer certaines actions en particulier :

 la régulation des prix des produits et des services lorsqu’ils sont situés dans des marchés monopolistiques ou oligopolistiques (téléphonie, internet, transport maritime, transport aérien, services bancaires…) ;

 l’élargissement de l’offre des produits, de biens et de services via les outils numériques (plateformes et sites d’achat à distance) en simplifiant les procédures de taxation et de dédouanement ;

 la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, de la norme « RUP » (région ultrapériphérique de l’Europe) permettant l’augmentation du recours aux achats dans les bassins régionaux des territoires ultramarins tel que prévu par le Comité interministériel des Outre-mer du 18 juillet dernier ;

 la possibilité, en co-construction avec les collectivités d’outre-mer, de mettre en place, sur l’ensemble de leur territoire, une zone économique, fiscale et douanière spéciale (ZES) sur le modèle des ZES des RUP portugaises et espagnoles, afin de stimuler l’investissement privé, l’emploi du secteur privé et l’intégration économique régionale de nos territoires d’outre-mer ;

 l’érection de la lutte contre la corruption comme élément prioritaire de la politique pénale outre-mer, afin d’établir une concurrence libérale saine et de supprimer les coûts directs et indirects liés à la corruption. À cet égard, le rôle d’exemplarité de l’État est une nécessité à ériger, notamment à Mayotte, où les difficultés actuelles d’accès à l’eau potable sont inhérentes à de critiquables pratiques de gouvernance des acteurs du privé, comme du public, y compris étatiques. Il en est de même concernant le port de Mayotte, où les surcoûts des services portuaires, privatisés de facto par un opérateur, se répercutent sur l’ensemble de la chaîne de valeur au détriment du consommateur final, sans réaction des autorités publiques malgré de multiples signalements judiciaires auprès du procureur de la République, y compris transmis par la chambre régionale des comptes ;

 l’étude la mise en œuvre d’un financement innovant – type de la taxe sur le transport aérien permettant d’accroître les ressources de l’aide publique au développement – permettant de subventionner le transport maritime vers les territoires d’outre-mer, en prélevant un montant modique par conteneur, par exemple, sur l’ensemble du transport maritime ;

 la réforme de l’octroi de mer en le transformant, par exemple, en TVA dont les montants perçus par l’État seraient restitués, à l’euro près, aux collectivités ultramarines ;

 la réalisation, dans l’ensemble des outre-mer, d’un plan de modernisation et de mise à niveau des infrastructures de base (eau, routes, énergie…), notamment à Mayotte concernant les routes nationales, l’université, l’aéroport et le port.

Au final, le groupe LR souhaite que soit engagée une large concertation en vue de l’adoption, sous 12 mois, d’une loi d’orientation et de programmation outre-mer permettant d’intégrer les propositions susmentionnées.

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Contribution de M. Philippe Naillet, DÉputÉ (Soc) de la RÉunion

La succession des crises sanitaire et économique depuis 2020 a renforcé les indicateurs et l’impression de la cherté de la vie dans les départements et régions d’Outre-mer, territoires où les inégalités, les taux de pauvreté, les taux de chômage, les prévalences des maladies chroniques (diabète, obésité, maladies liées à la surconsommation d’alcool, etc.) sont plus importants que partout ailleurs en France.

Le coût de la vie, c’est d’abord celui des besoins primaires : se nourrir, se loger, se soigner.

S’il est établi qu’à La Réunion, par exemple, les prix pratiqués dans le secteur de l’habillement sont équivalents à ceux constatés dans l’Hexagone, ceux relatifs aux produits alimentaires, au secteur du logement – notamment les loyers – ou à la santé sont fortement plus élevés, atteignant des écarts mettant en péril l’accès à ces besoins dits primaires pour une grande partie de la population. 

Ces prix plus élevés s’inscrivent dans un contexte de revenus plus faibles. Dans notre département, le taux de pauvreté était selon l’Insee d’environ 36 % en 2020. D’ailleurs, La Réunion est le département français, hors Mayotte, où les retraités perçoivent les plus basses pensions, en moyenne autour de 880 euros. Or, se nourrir coûte 37 % plus cher qu’en France hexagonale. De ce fait, le secteur de la grande distribution alimentaire représente l’un des enjeux centraux actuels du coût de la vie.

Le rachat de Vindémia en 2019 a suscité beaucoup d’inquiétudes, autant chez les autorités que chez les consommateurs réunionnais, notamment avec la possibilité d’un rachat par GBH qui détenait déjà une très grosse part du marché de la grande distribution. Les enjeux sont d’autant plus importants puisque la consommation alimentaire constitue près de 15% du budget des ménages réunionnais en 2022, selon l’Insee. 

Il est donc important de réglementer ce secteur. Pourtant, un premier constat est la non-application de la loi EGAlim dans les Outre-mer qui prévoit un encadrement des marges arrière chez les distributeurs. Or, la course aux promotions n’a cessé de s’accélérer ces dernières années à La Réunion chez certaines enseignes à qui l’on reproche d’avoir une politique trop promophile et anticoncurrentielle. Ces grandes surfaces, toujours plus grandes et plus nombreuses, à l’heure où l’artificialisation des sols est un enjeu majeur pour l’avenir de nos territoires sont un mauvais signal au moment où nos sols disponibles pour la construction de logements ou le développement de l’agriculture locale important pour notre sécurité alimentaire se réduisent. Elles sont aussi largement moins créatrices d’emplois que les petites ou moyennes surfaces de commerce quand elles ne les remplacent pas. Ce modèle actuel de « temple de la consommation » ne représente donc d’intérêt ni pour notre environnement, ni pour le développement économique.

Plus que le seul secteur de la grande distribution, c’est sur la structure de certains secteurs marchands qu’il convient d’agir tant le manque de concurrence, ou la fausse concurrence des différentes enseignes appartenant aux mêmes groupes, participe au renchérissement des prix. Cette situation dénoncée depuis plusieurs années a été confortée dans son analyse lors des nombreuses auditions de la commission. Plus le nombre d’acteurs sur un marché est restreint, moins la concurrence est grande, moins les intérêts du consommateur et/ou du “petit” producteur seront pris en compte. La possibilité pour de nouveaux acteurs à entrer sur un marché rentable et à rendre attractif celui-ci, tout en favorisant des ressources humaines et financières locales, est donc un enjeu pour chacun de nos territoires aux contraintes connues. C’était le sens des dispositifs comme la stratégie du bon achat (ou small business act) expérimentée durant 5 ans mais éteinte récemment ou de l’amendement dit « Tien Ah Koon » de la loi Royer abrogée. Si ces deux mesures étaient perfectibles, elles étaient surtout des dispositions à forte potentialité pour les petites et moyennes entreprises locales et concouraient à limiter à court, moyen ou long terme les monopoles et oligopoles qui font perdurer dans leur intérêt les économies de comptoir. Dès lors, il convient de renforcer le cadre juridique contribuant à une plus grande concurrence dans les secteurs où celle-ci est (trop) restreinte (grande distribution, automobile, bricolage, ,..) en fixant secteur par secteur, un plafond de part de marché – en volume ou en valeur – qu’un même groupe ne pourrait dépasser. L’élargissement vertueux de la concurrence horizontale se fera d’autant plus au profit des habitants, notamment des plus précaires, que le contrôle amont/aval sera lui aussi diversifié.

Mais la modification de la législation et la réglementation actuelles serait vaine si les moyens de contrôle ne permettent pas aux autorités d’une part et aux associations de consommateurs et à l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) d’autre part, d’accomplir pleinement leurs missions. Afin de garantir la transparence et de stimuler la concurrence, il est crucial de renforcer les ressources humaines et juridiques des autorités compétentes telles que le pôle concurrence de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités dans les territoires, et de renforcer les règles de transparence, comme le préconise le rapport. 

En complément, l’amélioration du statut des OPMR et de leurs membres, en parallèle avec une augmentation des moyens tel que recommandé par le rapporteur, constitue également une mesure essentielle.

Le logement est également un point central tant il est important dans la construction et le parcours de vie de chacune et chacun. Le secteur est en très forte tension notamment à Mayotte, en Guyane ou à La Réunion. En effet, d’une part, le niveau de surcoût des matériaux de construction est élevé (+ 39 % à La Réunion, + 35 % à Mayotte en 2018 par rapport à l’Hexagone selon l’Autorité de la concurrence), et d’autre part, les loyers sont plus élevés que dans l’Hexagone. Une véritable bombe sociale nous attend si le prochain plan logement outre-mer n’est pas plus ambitieux que l’actuel et si les nombreuses recommandations (coût et aménagement du foncier, normes, loi de programmation pluriannuelle de la Ligne budgétaire unique...) formulées à travers les rapports parlementaires, les amendements, les élus et les acteurs locaux plus généralement restent dénuées d’actes. Par ailleurs, à l’instar des zones touristiques hexagonales, la tension sur le logement locatif principal est renforcée par le retrait du marché de nombreux appartements et maisons au profit de locations temporaires. Il est urgent que la proposition de loi de notre collègue le député Inaki Echaniz soit adoptée.

En matière de transports, les alternatives au tout-voiture doivent rapidement être mises en œuvre avec le soutien indispensable de l’État et de l’Europe pour accélérer le développement des mobilités douces. Je crois ainsi au transport en commun à haut niveau de service avant le redéploiement d’un système ferroviaire adapté à La Réunion. 

Le coût de la vie, c’est aussi une question de pouvoir d’achat 

Ainsi, la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins passera parallèlement par l’accélération de leur développement, par le recul de la pauvreté et par l’augmentation des ressources des ménages. Le développement des filières agricoles, de la formation initiale et continue dans l’ensemble les secteurs d’avenir non délocalisables (économie bleue, production d’énergies renouvelables, recherches et développement, ...) pour chacun des territoires avec leurs spécificités, doit participer, dans le cadre de coopérations économiques vertueuses et équilibrées, à la réduction de nos dépendances et donc de la réduction des inégalités.

Nous devons aussi continuer le travail de redistribution des revenus en repensant par exemple les aides aux salariés sous forme de salaires ou d’avantages liés aux conventions collectives dont le travail d’application doit être accéléré. Dans la fonction publique territoriale, la situation des contractuels mérite toute notre attention.

Pour conclure, il est essentiel de déverrouiller le système économique en place dans les territoires ultramarins. Les opérateurs économiques ne peuvent plus être autorisés à profiter de l’absence de concurrence et de l’insularité de ces régions pour maintenir une cherté de vie largement injustifiée. Une véritable ouverture du marché est nécessaire, accompagnée de régulations adéquates pour empêcher des monopoles indésirables. Cependant, cette ouverture ne doit pas nous faire oublier l’importance de la production locale. Dans les territoires ultramarins, il est crucial de sortir d’un modèle qui a réduit les populations à de simples consommateurs. Il est impératif de remettre l’accent sur la valorisation des ressources locales et d’encourager la souveraineté alimentaire afin que les habitants des départements d’Outre-mer deviennent des acteurs actifs de leur économie.

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Contribution de M. FrÉdÉric Maillot, DÉputÉ (GDR-NUPES) de la RÉunion

Propositions CEP – Vie chère en Outre-mer

Foncier, protection du foncier :

 Limiter les projets de centres commerciaux à une surface de 1 500 m2 à La Réunion en limitant également les autorisations de « construction horizontale » mobilisant trop de foncier au détriment des agriculteurs

 Créer un accès privilégié au foncier pour les personnes issues de Outre-mer en s’inspirant du modèle corse

 Favoriser l’accès du foncier agricole aux jeunes agriculteurs primo-accédants en réformant les critères d’attribution de la SAFER 

Développement économique :

 Réformer le code du commerce pour y intégrer des dispositions mieux adaptées aux économies ultramarines : seuils, critères et délais spécifiques

 Développer le commerce Sud-Sud dans les bassins océaniques des Outre-mer, en tissant des liens avec les pays partenaires de la zone tout en garantissant des normes sanitaires aux moins équivalentes aux normes européennes

 Adapter la loi EGAlim au contexte des Peiy d’Outremer

 Taxer les grandes surfaces au-delà de 2 000 m2 au profit d’un fonds de développement local, géré par la Région

 Interdire pour les marchés de la distribution généralistes ou spécialisées des structurations « verticales » avec un même acteur sur les marchés amont et aval

 Instaurer une Autorité de la concurrence locale afin d’effectuer des contrôles plus fréquents au plus près de la réalité du marché local 

Normes et coût :

 Demander une mission de rationalisation des normes coûteuses aux Outremer. Les normes inadaptées ayant pour conséquences une augmentation des coûts doivent être supprimées

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Contribution de Mme Estelle Youssouffa, DÉputÉe de Mayotte, pour le groupe LibertÉs, IndÉpendants, Outre-mer et Territoires

  1.   La « vie chÈre » du point de vue du prix des Biens

La « vie chère » dans les Outre-mer concerne en premier lieu le prix des marchandises, et notamment l’alimentation qui est le premier poste de dépenses des familles. D’autres produits dits « de première nécessité » sont caractérisés par des surcoûts et pèsent sensiblement dans le panier des ménages ultramarins.

Le « Bouclier Qualité Prix », qui concerne un certain nombre de produits alimentaires mais pas uniquement (BQP+), devrait être élargi à un plus grand nombre de biens de première nécessité (hygiène, santé, ...), voire à des achats de marchandises nécessaires au quotidien (par exemple, en matière de transport, les pièces détachées automobiles), en tenant compte des spécificités propres à chaque territoire et des besoins propres à chaque population.

S’il existe une convergence d’avis quant au constat de la « vie chère » en Outre-mer, les analyses quant à ses causes sont profondément divergentes, ce qui se reflète dans les propositions et recommandations émises par les uns et les autres.

  1.   Un constat de la « vie chère » partagé

Le diagnostic est unanime : la « vie chère » est une réalité et les écarts de prix entre l’Hexagone et les Outre-mer sont significatifs. Il résulte des diverses auditions menées dans le cadre de la présente commission d’enquête, ainsi que des documents préalablement établis (notamment l’Avis de l’Autorité de la Concurrence n°19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer), une convergence des positions quant aux facteurs tenant à la géographie : l’insularité, l’éloignement et l’isolement, les reliefs difficiles, la démographie et l’étroitesse des marchés intérieurs, …

Ces éléments factuels, parfois maladroitement dénommés « handicaps structurels » (ce sont aussi de véritables atouts notamment en termes d’attractivité touristique), ne sauraient toutefois expliquer à eux-seuls, et pour une large partie, la faiblesse de la concurrence dans les Outre-mer.

L’exemple du coût du fret, incluant le coût de l’énergie afférente au transport, illustre l’impact direct de l’éloignement des territoires ultramarins des marchés européens sur le prix des marchandises.

Les positions, tant des acteurs institutionnels et politiques que des économistes auditionnés, sont également convergentes quant à une nécessité d’une meilleure transparence notamment sur les marges des acteurs économiques, et sur la pertinence d’impulser dans chaque territoire ultramarin un développement endogène ouvert sur son environnement régional, en lieu et place de modèle transposé ou de « mise sous cloche ».

Le cas particulier des matériaux de construction, nécessaires aux chantiers du BTP et notamment au secteur essentiel du logement, mérite un focus : un consensus se dégage désormais sur la pertinence d’un allègement de normes afin de permettre un approvisionnement au sein de l’environnement régional de chaque territoire ultramarin, mais avec le souci d’une adaptation assurant une équivalence notamment en termes de caractéristiques anti-sismiques (y compris dans le cas d’une activité volcanique) et anti-cycloniques.

    Le « Bouclier Qualité Prix » de chaque territoire ultramarin devrait être élargi à un plus grand nombre de biens de la vie quotidienne, notamment ceux de première nécessité

    Le groupe LIOT partage le diagnostic sur la « vie chère » dans les Outre-mer et demande à l’État de mettre en œuvre des outils opérationnels permettant d’obtenir plus de transparence, ainsi que de créer les conditions favorables à un développement endogène des territoires ultramarins, tout en tenant compte d’une inévitable période de transition durant laquelle la solidarité nationale doit continuer à s’exercer, voire à s’amplifier en fonction de la conjoncture.

    L’allègement de normes est fortement encouragé dès lors que l’équivalence est assurée notamment en termes de qualité, d’hygiène et de sécurité.

  1.   Des analyses divergentes

Si les paramètres géographiques ne souffrent aucune contestation, le poids de l’Histoire n’est pas suffisamment pris en compte : dans quelle mesure, certains territoires ultramarins sont-ils toujours considérés par quelques opérateurs économiques comme des « économies de comptoir » ?

Il est toutefois préoccupant de constater de profondes divergences quant aux analyses exposées, notamment entre, d’une part, les multinationales, ainsi que certains acteurs institutionnels et, d’autre part, des économistes.

Des divergences significatives sont également apparues à de nombreuses reprises, notamment au fil des différentes auditions, entre le Président de la commission d’enquête et le Rapporteur, ce qui explique notamment le vote final d’abstention de la représentante du groupe LIOT sur le rapport présenté.

Les causes de la « vie chère » avancées par les uns pointent avant tout la majoration du traitement des fonctionnaires, l’impact de l’octroi de mer (appelant à sa réforme en profondeur), ou l’insuffisante rentabilité de la production locale (ce qui touche à la question de la souveraineté alimentaire des Outre-mer)…

Or, une analyse plus profonde cible notamment la position dominante de grands groupes ainsi que les phénomènes de concentration (horizontale et verticale) dans un contexte de monopole, duopole ou oligopole, la multiplication des intermédiaires et l’existence de « marges arrières » cumulées qui impactent les prix des produits.

Des outils législatifs pour assurer la concurrence ont été renforcés, notamment de nouveaux pouvoirs d’injonction, de contrôle et de sanction dévolus à l’Autorité de la concurrence par la loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer (dite « loi Lurel ») avec notamment l’article L. 420-2-1 introduit au code de commerce, complétée par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (dite « loi Erom »),  mais leur mise en œuvre interroge et leur efficacité fait clairement débat...

Les solutions recommandées varient donc en fonction de ces analyses divergentes et sont in fine diamétralement opposées : ce sont donc deux visions bien distinctes de la problématique de la « vie chère » en Outre-mer qui s’affrontent.

Le libéralisme économique trouve ses limites lorsque le paysage concurrentiel ne peut être considéré comme pluraliste et suffisant. L’intervention de la puissance publique permet d’encadrer, voire de bloquer, les prix dans une situation de concurrence imparfaite.

    Le groupe LIOT estime que l’intérêt général des populations doit primer dans l’analyse du fléau de la « vie chère » en Outre-mer ainsi que dans les mesures à mettre en œuvre.

    Les décisions stratégiques doivent associer étroitement les territoires et leurs élus locaux, voire faire l’objet d’une concertation avec les populations ultramarines, afin d’aboutir à un consensus le plus large possible, notamment sur la réforme de l’octroi de mer dont la suppression est unanimement rejetée mais dont l’ampleur de la réforme à venir est diversement appréciée (profonde révision ou simples ajustements). Le groupe LIOT ne saurait en effet se positionner en l’état sur le fond de la réforme à venir, mais entend préconiser une méthode basée sur la concertation et le consensus, ainsi que la prise en compte des spécificités propres à chacune des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

    A l’instar de notre proposition récurrente de TVA à 0 % (notamment sur les produits de première nécessité) qui serait étendue à l’ensemble des Outre-mer, la baisse éventuelle de l’octroi de mer sur certains produits doit bénéficier en totalité aux consommateurs, mais en aucun cas accentuer les marges des opérateurs économiques, via des effets d’aubaine.

    Les collectivités territoriales, dont une part substantielle des ressources repose sur l’octroi de mer, doivent avoir la garantie que toute perte de recettes sera intégralement compensée le cas échéant, avec un dispositif permettant de conserver le dynamisme de cette taxe qui fluctue avec la consommation.

    S’agissant de la « sur-rémunération des fonctionnaires » en Outre-mer, il est pris acte de la position gouvernementale de ne pas y toucher. Il est rappelé que le pouvoir d’achat tiré de ce complément de rémunération est injecté localement notamment dans les secteurs des services d’aides à la personne, de l’hôtellerie, de la restauration, des loisirs…

    Des propositions fortes et intéressantes contre le monopole de grands groupes ont été formulées lors des auditions dans le cadre de la commission d’enquête, notamment un plafonnement à 25 % du chiffre d’affaires d’un marché ultramarin pour un seul et même acteur économique, ou la limitation à 1 500 m² de surface de tout centre commercial en Outre-mer.

  1.   La « vie chÈre » du point de vue des tarifs des services
    1.   Les services « de première nécessité »

Les services de distribution liés aux « réseaux secs » (électricité, gaz, télécommunications) et aux « réseaux humides » (eau et assainissement) pourraient intégrer le Bouclier Qualité Prix élargi à ces services que l’on peut considérer comme étant de première nécessité, sous réserve d’un intérêt local pour les populations concernées : ces choix doivent donc être effectués au cas par cas par les représentants de chacun des territoires ultramarins.

Cela permettrait le cas échéant de pérenniser le bouclier tarifaire en ce qui concerne l’électricité, voire le gaz (à La Réunion, le prix de la bouteille de gaz est actuellement gelé à 15 € par décisions du conseil régional et du conseil départemental), tant pour les ménages que pour les entreprises notamment les TPE-PME.

S’agissant des services publics de l’eau potable et de l’assainissement – compétences des intercommunalités depuis la loi NOTRe – le risque est significatif de voir leurs tarifs continuer à augmenter sous l’effet des importants investissements à venir (construction d’usines de dessalement, renouvellement de canalisations obsolètes, réalisation d’unités de potabilisation…). Si l’on applique le principe « l’eau paie l’eau », le coût de ces investissements, mais aussi les frais de fonctionnement qui vont en découler, devront être supportés par l’usager.

Compte tenu de la situation socio-économique sinistrée des territoires ultramarins et de la pauvreté de leurs populations, l’État devrait prendre en charge ces coûts supplémentaires et plafonner les redevances d’eau et d’assainissement tant pour les familles que pour les TPE-PME, tout en compensant en totalité les pertes de recettes pour les collectivités locales.

Les services liés aux réseaux secs et humides pourraient être qualifiés « de première nécessité » et intégrer le Bouclier Qualité Prix élargi dans les territoires ultramarins qui le jugent pertinent, tout en assurant une compensation à l’euro près de la perte de recettes corrélatives pour les collectivités territoriales concernées.

En cas de coupures aggravées et répétées du service public de distribution d’eau potable (notamment à Mayotte et en Guyane), des dispositions adéquates doivent pouvoir être rapidement mises en œuvre telles que le blocage du prix de l’eau en bouteille à un tarif acceptable pour les familles.

  1.   Les services de transports

Le transport de personnes, et en particulier le transport aérien fait l’objet d’une attention particulière. Les mesures prises, notamment la proposition de loi du groupe LIOT (co-auteurs : Olivier Serva et Max Mathiasin) visant à renforcer le principe de continuité territoriale en Outre-mer, adoptée le 8 juin à l’Assemblée nationale, sont des avancées certaines qu’il convient de saluer.

Il reste toutefois à amplifier la lutte contre la « vie chère » dans ce secteur en concrétisant les mesures envisagées et annoncées, notamment les recommandations de la commission d’enquête sur la « vie chère » en Outre-mer, ainsi que les propositions du Comité Interministériel des Outre-mer (CIOM) afin d’aboutir à une égalité réelle en termes de continuité territoriale pour les ultramarins.

L’attention est attirée sur la situation de Saint-Pierre et Miquelon, pourtant le territoire ultramarin le plus proche de l’Hexagone, mais dont les prix (environ 1600 € à 1800 € pour un adulte en classe économique) et durée des vols (24h avec escale) sont les plus importants : la solution résiderait dans la mise en place de vols directs sur 6 mois (au lieu de 2,5 mois par an actuellement) ce qui permettrait une diminution des prix et de la durée du transport aérien.

En ce qui concerne le transport de marchandises, en particulier le transport maritime, si son rôle en termes de surcoût n’est pas contesté, les positions divergent sensiblement quant à son impact réel dans le coût final des marchandises : il est pertinent d’approfondir la question afin de chiffrer de manière précise cet impact et de prendre le cas échéant les mesures correctives proportionnées.

S’agissant de Saint-Pierre et Miquelon, une délégation de service public (DSP) couvre le transport de marchandises entre Halifax (Canada) et ce territoire ultramarin : afin de maîtriser le coût du fret et donc des biens, il est préconisé d’étendre cette DSP  aux produits importés depuis l’Europe (dont les prix sont en forte augmentation depuis plusieurs années), et ainsi lutter efficacement contre la vie chère qui s’y caractérise par une inflation spectaculaire (plus de 21 points ces 20 dernières années par rapport au niveau constaté sur la même période 2001-2021 dans l’Hexagone, et 7 fois plus forte en 2022 par rapport à la décennie passée).

La lutte contre les « ententes illicites », tant horizontales que verticales, qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, et contribuent à des prix anormalement élevés et à la vie chère, doit être plus efficace en Outre-mer avec notamment des moyens de contrôle plus conséquents et des sanctions (notamment financières) plus sévères et effectives à intégrer à la réglementation en vigueur, en particulier au Code de Commerce.

    La continuité territoriale des personnes et des biens doit être amplifiée dans les Outre-mer dans un souci d’égalité de traitement par rapport à l’Hexagone, notamment en améliorant le transport sanitaire en particulier par un accompagnement renforcé de la mobilité des familles faisant face à la maladie d’un enfant, en opérant une revalorisation des montants de l’aide à la continuité territoriale par territoire ultramarin, en élargissant le rôle de LADOM notamment en termes d’accompagnement des ultramarins candidats au retour au pays, ...

   Les manquements constatés au droit européen et national de la concurrence dans les territoires ultramarins doivent être sanctionnés de manière plus dissuasive et exemplaire, par le biais notamment d’amendements à intégrer au code de commerce.

  1.   Les services financiers

Les services financiers (services bancaires, assurances…), dont les tarifs peuvent être qualifiés d’abusifs, pèsent de manière significative dans le budget des ménages.

Il serait judicieux au préalable d’actualiser les données relatives aux frais bancaires en Outre-mer, notamment par un rapport d’information ou une commission d’enquête, afin de mieux lutter par la suite, au moyen de mesures législatives adaptées, contre certains frais excessifs et pratiques abusives.

Une réflexion devrait également être engagée s’agissant des taux d’intérêts trop élevés et de l’apport personnel exigé pour les emprunts bancaires, dans un souci d’améliorer l’accès à la propriété notamment pour les classes moyennes en Outre-mer.

Ce dernier point doit s’accompagner d’un maintien des dispositifs de défiscalisation en faveur de la construction de logements, notamment sociaux mais pas uniquement. Si les aides fiscales à la rénovation des « passoires thermiques » sont pertinentes tant dans l’Hexagone que dans les Outre-mer, celles favorisant la réalisation de logements neufs (conditionnées à un plafonnement des loyers, voire des charges locatives dont la part a tendance à s’accroître) sont essentielles (en particulier dans les territoires marqués par une croissance démographique), afin de satisfaire les besoins des familles modestes mais également des classes moyennes.

En ce qui concerne les assurances, les tarifs élevés se traduisent par un nombre important de particuliers ultramarins non assurés : un chantier législatif est à lancer sur ce point afin d’aboutir à des prix acceptables et à un taux de couverture optimal, d’autant que les Outre-mer sont les plus exposés au changement climatique (notamment face à la montée du niveau de la mer et aux catastrophes naturelles de plus en plus destructrices).

Le groupe LIOT a voté les mesures ponctuelles, conjoncturelles et urgentes contre la « vie chère » notamment dans les Outre-mer, mais constate que le « saupoudrage » n’est pas suffisant : des mesures fortes doivent être prises pour s’attaquer aux racines structurelles de la « vie chère » en Outre-mer, et ce dès les prochains textes législatifs (notamment le PLF2024).

En parallèle, la création d’activités et d’emplois locaux durables dans des secteurs porteurs et/ou d’avenir (tourisme, formation, aide à la personne, numérique, transition écologique et énergétique, économie circulaire, biodiversité, …) permettrait une hausse pérenne du pouvoir d’achat et donc de la consommation, et corrélativement une baisse durable des prix.

En ce sens, la création de zones franches globales (incluant donc une exonération de charges fiscales et sociales pour les opérateurs économiques), notamment à l’export (produits à forte valeur ajoutée bénéficiant des labels français et européens), dans les Outre-mer est une initiative pleinement soutenue.

Des décisions devraient également être prises s’agissant de la question foncière tant pour les ménages que les entreprises : à ce titre, une prolongation (voire une amplification) des mesures législatives en faveur de la sortie de l’indivision en Outre-mer, telle que préconisée par le CIOM, est une mesure pertinente.

Une réflexion pourrait enfin être engagée sur le conditionnement des acquisitions ou réalisations foncières à une obligation de résidence d’au moins 5 ans dans les territoires d’Outre-mer, pour mieux lutter contre la spéculation immobilière et l’augmentation corrélative des prix de l’immobilier.

  1.   Focus Mayotte

La vie chère à Mayotte : un défi quotidien pour ses habitants

Le coût élevé de la vie à Mayotte est constitutif du quotidien des Mahorais, impactant leur pouvoir d'achat, leur accès au logement, aux biens essentiels et leur qualité de vie. L'accès aux droits fondamentaux que sont l'éducation, la santé et une alimentation adéquate sont compromis avec un impact direct sur l’espérance et la qualité de vie dans le 101ème département français.

  1.   Surpopulation et immigration : les conséquences économiques

La croissance démographique incontrôlée et préoccupante de Mayotte est largement due à l'afflux massif d'immigrants clandestins ces dernières années. Bien que les chiffres officiels soient difficiles à établir en raison de la nature clandestine de l'immigration, les estimations montrent une augmentation considérable du nombre d'habitants au cours des dernières années.

Les estimations officielles menées par l’Insee, au début de l’année 2022, porte à 310 000 le nombre d’habitants sur l’île. Néanmoins cette estimation ne peut suffire à elle-même car elle ne traduit pas la proportion de présence étrangère. D’après les chiffres de la préfecture de Mayotte, un peu moins de 50 % de la population serait de nationalité étrangère (140 000 et 150 000 personnes) et entre un tiers et la moitié de la population serait en situation irrégulière (70 000 et 100 000 personnes).

Ces chiffres sont remis en cause par les élus locaux qui s’appuient sur les naissances annuelles de plus de 10 000 bébés. Les statistiques basées sur la consommation de riz, aliment de base local, laissent entrevoir une population réelle supérieure à 450 000 habitants.

En 2020, 23 000 tonnes de riz ont été importées, soit un volume de 81kg de riz par personne sur l’année. Et 20 300 tonnes en 2021 ([626]) soit environ 70kg de riz par personne pour l’année si on tient compte des 300 000 personnes estimées par l’Insee. Or la moyenne retenue par l’OCDE des consommations dans les pays d’Afrique se situe à environ 31 kg par an et par personne.

Cette immigration clandestine pose un défi pour les autorités qui sont incapables de contrôler les frontières mais aussi de calibrer les infrastructures et les services publics sur la population réelle. La demande imprévue et sans cesse croissante d’eau, de logement, d'éducation, de soins de santé et d'emplois met à rude épreuve tout l’équilibre de l'île. Cela dégrade l'accès aux services de base pour les citoyens mahorais, créant des tensions entre les populations locales et les nouveaux arrivants.

L'économie de Mayotte se caractérise par une forte dépendance au secteur public, représentant plus de 50 % du PIB, ainsi que par des retards persistants en matière d'infrastructures de base et de services essentiels à la population. L'accès limité à l'eau et à l'électricité, le réseau routier saturé, l'absence de transports collectifs, les contraintes aéroportuaires, l'habitat anarchique, la gestion déficiente des déchets et l'assainissement lacunaire sont autant de problèmes qui déstabilisent Mayotte.

Une forte proportion de foyers fiscaux à faibles revenus :

En 2023, Mayotte est le département le plus pauvre de France, avec 77 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté national. Bien que ce taux ait diminué depuis 2011 (84 %) ([627]), il reste cinq fois plus élevé que celui de la France hexagonale. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant à Mayotte est seulement de 9 978 euros, comparé à 23 400 euros à La Réunion et 34 100 euros au niveau national. ([628]) De plus, le taux de chômage atteint 34 % de la population active. Le niveau de salaire moyen à Mayotte est inférieur à celui de l'Hexagone, malgré un coût de la vie plus élevé. Pour les familles nombreuses en particulier, les salaires ne suffisent pas à couvrir les dépenses quotidiennes. Le niveau de salaire à Mayotte est en moyenne plus bas que dans l'Hexagone, bien que le coût de la vie y soit plus élevé.

En 2021, 75 464 foyers fiscaux mahorais ont déclaré́ leurs revenus (-0,8 % sur un an) parmi lesquels 76,7 % sont non imposables. 62,5 % des foyers mahorais déclarent un revenu en dessous de 10 000€ et seulement 6% déclarent un revenu supérieur à 50 000€ ; cette répartition témoigne de la faiblesse du niveau de vie des ménages mahorais en comparaison au reste du territoire national et des autres DOM. ([629])

Pour autant, ces statistiques sont à interroger. En effet, quel est l’impact sur ce niveau de salaire moyen de l’immigration cherchant à régulariser sa situation ? Jusqu’à quel niveau les données sont-elles biaisées par la forte proportion de déclarants qui souhaitent accéder aux démarches administratives de régularisation de leur situation sur le territoire ? Les demandeurs de carte de séjour et droits d’asile, déclarent leurs revenus pour obtenir une fiche qui constitue une des pièces de leur dossier attestant leur présence sur le territoire et entrent ainsi dans les statistiques des foyers fiscaux à faible revenus. Cela peut être anecdotique sur le territoire national mais significatif à Mayotte qui compte quand même la moitié de sa population d’origine étrangère.

  1. - Le coût de l’économie clandestine et de l’insécurité

La forte proportion d'immigrés en situation irrégulière à Mayotte contribue à une économie clandestine et illégale difficile à quantifier, mais dont l'impact est réel. Dans le secteur agricole, qui fournit une partie de l'alimentation de l'île, les autorités préfectorales doivent régulièrement retirer du marché noir des fruits et légumes volés ou contaminés par des produits phytosanitaires interdits, importés par des embarcations clandestines. Le trafic maritime clandestin amène aussi sur l'île des animaux destinés à la consommation humaine, sans contrôle sanitaire adéquat. L'immigration entraîne également une disponibilité très élevée de main-d'œuvre clandestine ou régularisée. Alors que les Mahorais aspirent à l'égalité sociale et à la conformité aux normes depuis la départementalisation de 2012, le marché du travail local se caractérise par un taux de chômage élevé et une surabondance de main-d'œuvre à bas coût, peu respectueuse des lois du travail et dépendante des employeurs pour le maintien de leur titre de séjour.

La prévalence de l'économie clandestine entraîne des pertes pour les finances publiques et décourage les entrepreneurs qui se sentent soumis à des contraintes et des contrôles face à une concurrence jugée déloyale. L'insécurité et la violence entravent l'activité économique, poussant de nombreux chefs d'entreprise à développer leurs activités dans les territoires voisins, séparés de leur lieu de résidence et leur famille à Mayotte en raison de ces problèmes. Les agriculteurs sont également durement touchés par les vols, avec des pertes significatives de récoltes et de bétail, causées en partie par des immigrés clandestins. En conséquence, le tissu économique fragile de l'île compromet les chances de prospérité nécessaires pour sortir de la pauvreté.

Dans ce contexte, on peut estimer que l’immigration clandestine et l’insécurité ont un impact direct sur la cherté de la vie avec un déséquilibre du marché du travail nivelé par le bas pour les salaires, une pression sur la demande alimentaire et un surcoût induit par la protection des biens et des personnes. La puissance publique ne peut lever l’impôt sur tout un pan de l’économie mahoraise qui se développe dans plus complète illégalité : cette absence de contributions à la dépense publique est d’autant plus dommageable que Mayotte a un cruel besoin des services de l’État et d’infrastructures gourmandes en deniers publics.

  1. - Le coût de l’insécurité

Des faits de délinquance et de criminalité graves, y compris des actes de torture et de mutilation, ont été signalés ces dernières années à Mayotte. La population fait face à des violences extrêmes, notamment des attaques de bandes armées cagoulées et des agressions contre des chefs religieux et des élus.  Un sentiment d’insécurité s’est développé et se traduit par l’équipement des domiciles pour se protéger des attaques des bandes armées et des cambriolages de plus en plus nombreux, des violences physiques de plus en plus graves.

En 2018, Mayotte a connu un dramatique épisode où des habitants ont péri, condamnés à mourir brûlés devant des pompiers impuissants ne pouvant libérer ces occupants d’une maison trop bien protégée par des grilles à toutes les issues. Les maisons mahoraises sont devenues bunkers et prisons avec des barbelés, des grilles aux fenêtres et aux portes, des systèmes d’alarmes et vidéo de surveillance, des clôtures en parpaings hautes et solides pour éviter de se faire envahir...ces frais de sécurisation sont consentis par les ménages sans aucune compensation. Les trajets du quotidien sont aussi des lieux de violence avec caillassages et attaques incessantes sur les routes. Les assurances habitation et voitures sont plus chères à Mayotte et les foyers supportent directement le coût des réparations des véhicules et des maisons. Tout cela à un coût sur le portefeuille des ménages, sur le paysage de l’île et la santé mentale des Mahorais.

A titre d’exemple, le département de Mayotte est un marché public pour le transport scolaire de 45 millions d'euros en 2023 auxquels il faut ajouter une enveloppe budgétaire supplémentaire pour la protection contre la casse des véhicules. Les assurances ne prenant pas en charge les bris de vitres sont des frais supplémentaires à supporter par les transporteurs. En 2022 pour illustrer les dépenses liées à l’insécurité, le transporteur scolaire Matis a, en 3 mois, selon la journaliste Géniale Attoumanie, compté 91 caillassages pour des réparations à hauteur de 100 000 €.

Les établissements scolaires se sécurisent en installant des barbelés, systèmes d’alarmes et de détection, des murs élevés en guise de clôtures, le tout financés par le rectorat sur des budgets qui pourraient servir à améliorer l’offre éducative. « En tout un budget de 1,2 million d’euros sera consacré à la sécurité. Entre autres 200 000 euros de clôture, 60 000 euros pour le gardiennage et 200 000 euros de barreaux », avait détaillé Stéphane Planchand, à l’époque directeur de cabinet du vice-recteur, en 2016.

Le coût de l’insécurité c’est aussi la baisse d'attractivité pour les mahorais résidents qui vont jusqu'à séparer leurs familles en scolarisant leurs enfants hors Mayotte pour les protéger des violences. À leurs frais, les familles prennent en charge les dépenses liées à ce choix : transports, installation, scolarisation… Pour les familles modestes, on installe ses enfants chez un membre de la famille vivant à La Réunion ou dans l’Hexagone. En plus du coût financier, ce sont des familles qui se séparent dans l’espoir d’offrir une scolarité en sécurité et un cadre de vie plus épanouissant à leurs enfants, ce sacrifice ayant un impact psychologique que l’on ne peut quantifier mais que l’on imagine aisément : déracinement, éloignement des proches dans le jeune âge, dislocation des familles.

On peut considérer que la violence à Mayotte a un coût direct et indirect sur les foyers et la dépense publique avec une dépense impérative pour sécuriser les biens et les personnes sans aucune compensation. Cette dépense est déduite des investissements pour les services publics ou des budgets des ménages ou imputées en surcoûts sur les biens et services vendus sur l’île.

  1. - L’hôpital sous pression et l’absence d’offre de soin pour les contribuables

L’analyse de la densité médicale montre un écart important entre Mayotte et l’Hexagone. Selon les données de l’ARS, au 1er janvier 2022, le nombre de professionnels est de 47 médecins généralistes pour 100 000 habitants. L’écart se creuse davantage pour les médecins spécialistes, dont le chiffre est cinq fois inférieur à l’Hexagone en 2022 avec 35 spécialistes. En 2022, 289 infirmiers pour 100 000 habitants sont comptabilisés sur le territoire, soit un nombre quatre fois inférieur à celui de l’Hexagone. La densité de sages- femmes est, contrairement aux autres professionnels, assez importante étant au-dessus de celle de l’Hexagone avec 230 en 2022 ([630])

Au 1er janvier 2022, le secteur privé libéral reste encore très limité avec seulement 30 médecins libéraux sur l’ensemble de l'île, soit 12 médecins libéraux pour 100 000 habitants. Les professionnels de santé́ libéraux sont répartis sur toute l'île. Néanmoins, une majorité́ se situe à Mamoudzou, créant des inégalités territoriales. ([631])

Les évacuations sanitaires (Evasan) sont prises en charge pour les soins ne pouvant être assurés sur le plateau technique de Mayotte ou par la télémédecine. En 2021, 1463 Evasan ont été réalisés dont 1361 vers La Réunion, 95 vers l’Hexagone et 5 vers les Comores. 93% des demandes des Evasan sont faites par le CHM et 3% par les médecins généraux que les Mahorais consultent.

Plus de 75 % des patients du CHM sont des non-assurés sociaux (c’est à dire des Étrangers en Situation Irrégulière, ESI) : ce ne sont donc pas les Mahorais qui partent en Evasan. Les places sont comptées, priorisant les grandes urgences et cas graves qui sont majoritairement des patients dans des états cliniques souvent très dégradés. Les Mahorais qui n’attendent pas l’urgence pour consulter, passent après.

Face à ce manque de prise en charge et d’accès aux soins publics à Mayotte et la pauvreté de l’offre de soins privée, les Mahorais n’ont d’autres choix que de partir se faire soigner en dehors de l’île à leurs propres frais. Ils sont contraints de payer en déboursant au minimum 1500 € à 2000 € par voyage pour partir à La Réunion ou dans l’Hexagone à la recherche d’une consultation, d’un spécialiste et autres bilans médicaux dont ils ne bénéficient pas à Mayotte. Ils prennent à leurs frais billet d’avion à des prix exorbitants couplé à l’achat de dernière minute lié à l’urgence, contraints à prendre ce qu’il y a faute de concurrence et de disponibilité de vols et sièges en avion, déplacements sur le territoire (billets de trains, taxis..) et logement.

Par un système dérogatoire, le Centre hospitalier de Mayotte ne pratique pas la tarification à l'activité mais bénéficie d’une dotation annuelle qui s'élève en moyenne à 240 millions d'euros par an au cours des cinq dernières années. Si l'on considère qu'environ 40 % de la file active du CHM n'a pas d'affiliation sociale (proportion en hausse ces dernières années), on peut estimer que la part des dépenses annuelles du CHM pour la prise en charge des non-assurés sociaux est d'environ 96 millions d'euros, soit 480 millions d'euros sur les cinq dernières années. ([632])

La saturation du système de santé et la priorité accordée aux soins des étrangers à Mayotte est régulièrement dénoncé par les collectifs de citoyens mahorais qui citent une note de service datée du 30 novembre 2015 du directeur du CHM rétablissant la gratuité des soins pour les patients du CHM, conformément à l'ordonnance n° 2012-785 du 31 mai 2012. À partir de cette date, les patients du CHM, n'ont plus eu à payer les sommes de 10 euros pour une consultation simple, 15 euros pour voir un spécialiste, 10 euros pour les mineurs en cas d'urgence, et 300 euros pour un accouchement en urgence.

La saturation du centre hospitalier et la faiblesse structurelle de la santé privée à Mayotte a entraîné une transformation du service départemental de protection maternelle et infantile : la PMI est quasiment devenue un second hôpital. La file active des soins prodigués aux personnes non affiliées représente près de 50 % du total des séjours hospitaliers au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), plus de 60 % des consultations réalisées en centres périphériques du CHM et plus de 90 % des consultations en protection maternelle et infantile (PMI).

Le vice-président en charge des affaires sociales au conseil départemental de Mayotte, Madi Velou, explique que l’immigration déstabilise les comptes de la collectivité locale qui finance une partie des services sociaux : « Le premier poste qui nous coûte cher, c’est celui de l’aide sociale à l’enfance (ASE) – protection maternelle Infantile (PMI). Lorsque l’État avait compensé nos charges liées à l’immigration en 2015 avec un versement de 180 millions d’euros, il avait exigé de les virer sur un budget annexe. Cette somme a été utilisée pour faire fonctionner les services chaque année, pour une vaste campagne de vaccination de 20 millions d’euros, notamment pour des maladies importées, et qu’il faudra réitérer. En 2022, nous avons dépensé 65 millions d’euros sur ces deux services, pour 24 millions d’euros. »

NOMBRE DE PATIENTS FRANÇAIS OU ÉTRANGERS SOIGNÉS CHAQUE ANNÉE
AU CENTRE HOSPITALIER DE MAYOTTE ([633])

 

2020

2021

2022

Nombre de patients français

87 072

97 811

93 626

Nombre de patients étrangers

77 455

89 934

85     67

  1.   L’île de Mayotte n’échappe pas à la vie chère : un phénomène structurel des territoires ultramarins

En raison de son éloignement géographique et de son manque d'infrastructures de production, Mayotte dépend largement des importations pour ses produits de première nécessité. Cette dépendance engendre des coûts logistiques élevés, qui se reflètent directement dans les prix des denrées alimentaires, du carburant, des médicaments et autres produits essentiels. En conséquence, les ménages mahorais doivent consacrer une part importante de leur budget pour se procurer ces biens essentiels.

2.1 - L’alimentation le logement, la téléphonie : les secteurs de première nécessité les plus touchés

Le différentiel de prix entre Mayotte et l'Hexagone est estimé à 161 % par les services de la préfecture de Mayotte interrogés en novembre 2022. Un panier type de 137 produits alimentaires et hygiéniques de base, d'une valeur de 391 euros sur le territoire hexagonal, est évalué à 517 euros à La Réunion et à 630 euros à Mayotte, soit un niveau de 161 par rapport à Paris où il est de 100. Les produits alimentaires et les boissons non alcoolisées représentent le poste de consommation principal des habitants de Mayotte, occupant en moyenne 25 % de leur budget (hors loyers), soit bien plus que les 16 % observés en France métropolitaine. ([634])

La production agricole locale est insuffisante par rapport aux besoins alimentaires. Ainsi, les taux de couverture sont inégaux et relativement faibles, à l'exception de trois filières très spécifiques : les œufs, le manioc et les bananes. À part ces trois exceptions, les autres taux de couverture sont très faibles, que ce soit pour les volailles, les autres viandes (bovins, caprins, ovins, etc.), les produits laitiers, les céréales et notamment le riz, aliment de base importé à 99,9 %, etc. La situation est également décevante pour les fruits et légumes, dont seulement 41,6 % sont produits localement malgré des terres fertiles et des conditions climatiques favorables qui pourraient permettre une plus grande production. ([635])

Le Bouclier qualité prix (BQP), vanté à La Réunion, ne parvient pas à fonctionner efficacement à Mayotte malgré sa signature en août 2022. Composé de seulement 74 produits, soit moins de la moitié de ceux disponibles à La Réunion (plus de 150 produits), le BQP voit ses prix augmenter chaque mois, à l'opposé de l'effet escompté. Malgré l'engagement de deux opérateurs importants (Bourbon distribution de Mayotte et Sodifram/Sodiscount), 22 % des produits sont absents chez l'un des opérateurs, tandis que ce chiffre s'élève à 44 % chez l'autre. L'administration préfectorale admet l'échec et reconnaît que de nombreux documents justificatifs ne sont pas fournis, que l'affichage des prix est défaillant, que l'identification des produits n'est pas satisfaisante et que l'étiquetage peut être trompeur. De plus, la concordance entre les prix affichés et ceux inscrits sur les tickets de caisse n'est que de 85 % à 91 % seulement. ([636])

Le logement à Mayotte pose un défi majeur en raison de la rareté du foncier et des coûts élevés des matériaux de construction. La demande dépasse largement l'offre, entraînant une flambée des prix des loyers et de l'immobilier en général. Cela rend le logement inabordable pour de nombreuses familles modestes, qui doivent consacrer une part significative de leur budget au logement. Certaines familles se trouvent ainsi contraintes de vivre dans des conditions précaires ou de partager un logement avec plusieurs générations.

Dans le cadre de la lutte contre la vie chère, le ministre de l'économie et des finances a saisi l'Autorité de la concurrence pour évaluer la situation concurrentielle sur les marchés de matériaux de construction à Mayotte. Les prix des matériaux de construction sont 35 % plus élevés à Mayotte par rapport à la France hexagonale. Ces matériaux, tels que le ciment, les granulats, l'enduit de façade, le bois de charpente, les tôles de toiture ou les carreaux de céramique, sont utilisés pour la construction ou la réhabilitation de logements. Dans un marché exigu, on peut observer un duopole avec 2 distributeurs (IBS et ETPC) qui ont fixé un prix commun sur les prix des produits de concassage.

Le prix à la tonne ([637]) :

  Mayotte : 50€

 Réunion : env. 20€

 Bretagne : 5 à 8€

Les paramètres jouant sur le coût des matériaux sont inconnus, un octroi de mer est appliqué même s’ils sont produits sur place (2 %) et la question du réel coût de construction est commune à tous les autres DOM.

Concernant la téléphonie mobile et internet, les coûts sont parmi les plus élevés de la région. L'éloignement géographique de l'île et la faible densité de population limitent les perspectives de rentabilité pour les opérateurs, ce qui se traduit par des tarifs plus élevés pour les consommateurs. Cela peut entraîner des difficultés d'accès à la communication pour de nombreux habitants, en particulier ceux aux revenus modestes. Cela peut également pénaliser les petites entreprises et les travailleurs indépendants dépendant de la communication mobile.

Selon les constations de l’Arcep, à ce jour, les prix des services mobiles à très haut débit à Mayotte sont élevés comparativement à La Réunion et à l’Hexagone :

À Mayotte, les offres ADSL ont des tarifs allant du simple au double, compris en 30 € et 60 € par mois. Elles sont relativement chères si l’on considère les revenus de la population, ce qui peut être l’un des facteurs expliquant le faible taux de pénétration sur le territoire. Elles sont également élevées en comparaison avec les offres proposées à La Réunion et dans l’hexagone, en considérant le niveau de service obtenu : jusqu’à 20 Mbit/s à Mayotte contre 200 Mbit/s à La Réunion pour le même prix. ([638])

La 4G fixe peut constituer une alternative aux offres ADSL, pour des particuliers n’y ayant pas accès. Un seul opérateur propose ce service à Mayotte : SFR, géré depuis La Réunion. Les tarifs sont relativement élevés et l’utilisation de ce type de service est limitée à 100 Go d’Internet. Le coût de la box peut être pris en charge par une subvention publique, sous réserve d’éligibilité́ par le PFTHD. ([639])

De même que pour les offres ADSL, les ordres de grandeur tarifaires sont les mêmes à Mayotte qu’à La Réunion ou dans l’Hexagone. Toutefois, sous un même prix ne se cache pas la même offre : le double de Go d’Internet est proposé à La Réunion ou dans l’Hexagone par rapport à Mayotte.  Alors que la région de La Réunion est la région française la mieux couverte en fibre optique (au 1er janvier 2020, environ 99 % des locaux étaient raccordés à la fibre), Mayotte reste un territoire marginalisé qui paie plus cher que tout le monde l’accès à la téléphonie et à internet. ([640])

Pour améliorer la situation, il serait essentiel de travailler en étroite collaboration avec les opérateurs pour encourager des tarifs plus abordables et des forfaits mieux adaptés aux besoins de la population mahoraise. De plus, investir dans les infrastructures de télécommunications réduirait les coûts de fonctionnement des opérateurs et leur permettrait de proposer des offres plus compétitives. Des initiatives visant à promouvoir la concurrence entre les opérateurs pourraient également contribuer à faire baisser les prix.

2.2 - Une cherté de la vie structurelle accentuée par le manque d’infrastructures sur place

La desserte maritime de Mayotte présente de nombreuses lacunes et entraîne des retards significatifs dans l'approvisionnement de l'île. Selon Ida Nel, présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG), gestionnaire du port de Longoni, les conteneurs qui mettaient auparavant 14 jours pour venir de Marseille dans les années 1998-2000 nécessitent aujourd'hui 50 à 70 jours.

Les armateurs placent l'île en fin de ligne et ne respectent pas toujours les calendriers annoncés, ce qui entraîne des détours inattendus des conteneurs avant d'atteindre Mayotte, affectant la conservation des produits frais. Certains produits arrivent dans un état impropre à la consommation, provoquant un gaspillage important pour les entreprises de distribution, estimé jusqu'à un million d'euros par an.

Le coût du transport en conteneur est également un facteur à prendre en compte, avec des prix en nette augmentation ces dernières années. Pour Mayotte, le coefficient multiplicateur du prix des produits lié au coût du transport est de 1,80, soit plus élevé que la moyenne mondiale qui est de 1,38. Cela signifie qu'un produit d'un euro coûtera 1,80 euros s'il est expédié à Mayotte.

Le port de Longoni, mis en service il y a 31 ans, s'est rapidement détérioré et n'est plus aux normes. Il est peu utilisé par un nombre limité de compagnies. Des travaux de réparation ont été entrepris, mais leur retard a des conséquences sur le positionnement du port de Longoni comme base arrière du projet gazier de Total au Mozambique, qui représente une réelle opportunité pour l'économie de l'île. ([641])

La liaison maritime entre La Réunion et Mayotte n'est ni fiable ni régulière, et les capacités de déchargement et d'entreposage du port sont limitées. Des projets sont en cours pour améliorer la situation, notamment la construction d'un quai flottant et d'une nouvelle zone de stockage, mais les capacités surfaciques limitées entraînent un coût élevé de location d'espace de stockage.

Le manque d'exportation de produits depuis Mayotte entraîne également un coût élevé du transport, car les conteneurs repartent à vide, contrairement à d'autres régions comme les Antilles. La situation entraîne des coûts élevés pour les produits importés, tels que les tomates provenant d'Europe par avion et vendues à des prix élevés sur l'île.

La Piste longue : priorité pour un ciel mahorais concurrentiel

La piste de l’aéroport de Dzaoudzi ne mesure que 1 930 mètres, ce qui en fait l’une des plus courtes au monde accueillant des vols long-courrier et limite le type d’appareils capables de s’y poser. Avec une capacité réduite, la rentabilité de la ligne est moindre : à ce jour, la compagnie Air Austral est le seul acteur historique desservant continuellement Mayotte. Sa position dominante nourrit des soupçons d’abus avec des pratiques tarifaires et commerciales qui ont fait de Mayotte une destination hors de prix.  En haute saison, les prix moyens d’un aller/retour Paris-Dzaoudzi avoisinent 912 €, les prix pouvant atteindre jusqu’à 1430 € en classe économique. Plus de 60 % des vols sont opérés par Air Austral (+10 % avec leur partenariat Air France), 17 % par Kenya Airways et 8 % par Corsair. Seul Air Austral opère des vols directs (sans escale à Nairobi ou à La Réunion). Les aides à la continuité territoriale (jusqu’à 600 € tous les 3 ans par bénéficiaire), les négociations sur les taxes d'aéroport et limitation des prix du kérosène ne sont pas des solutions durables contre les prix exorbitants des billets d'avion pour Mayotte : le changement doit être systémique avec une infrastructure aéroportuaire agrandie à hauteur de l’évolution démographique, des besoins et moyens financiers  de la population qui doit pouvoir circuler librement pour se soigner, travailler, étudier, retrouver proches et membres de la famille hors du 101ème département. Dans ce contexte, les élus locaux réclament depuis plus de 30 ans le rallongement de la piste de Mayotte à 2 600 mètres pour permettre d’accueillir des gros-porteurs en vol direct moins chers et potentiellement l’arrivée de nouvelles compagnies aériennes pour une saine concurrence au bénéfice des voyageurs mahorais. Promesse du Président Emmanuel Macron faite en octobre 2019, la Piste longue n’est toujours pas lancée en 2023…

Il est aussi urgent d’augmenter la flexibilité de la tour de contrôle et augmenter la connectivité de l’aéroport Marcel-Henry de Mayotte avec les plateformes voisines. La tour de contrôle et le nombre de contrôleurs actuels ne permettent pas ce fonctionnement et contraignent l’aéroport à travailler avec des petites plages horaires en journée uniquement.

Malgré cela, les Mahorais voyagent et le marché est prometteur. Le trafic aéroportuaire de Mayotte a connu une augmentation de 85,4% de 2004 à 2015 puis une baisse due à la crise COVID ([642]) :

 Pré-covid en 2019 : 387 869 passagers

 Post-covid en 2021 : 257 115 passagers

L'absence d'une compagnie aérienne locale dédiée entraîne une dépendance accrue envers les compagnies aériennes nationales ou internationales pour desservir Mayotte. En l'absence de concurrence directe, les prix des billets d'avion sont souvent plus élevés, ce qui limite l'accessibilité pour de nombreux résidents et visiteurs. Avec un nombre limité de compagnies aériennes opérant vers Mayotte, la fréquence des vols peut être réduite, et les horaires peuvent ne pas être adaptés aux besoins des passagers.

Une compagnie aérienne locale favoriserait le développement économique de Mayotte en améliorant la mobilité des entreprises et des entrepreneurs. Cela pourrait également encourager les investissements étrangers et favoriser l'éclosion de nouvelles opportunités commerciales. Le secteur du tourisme à Mayotte pourrait grandement se développer par la présence d’une compagnie aérienne locale, en proposant des tarifs compétitifs et des liaisons directes vers des destinations clés, attirant ainsi plus de touristes et stimulant l'économie locale.

  1.   La crise de l’eau

La crise de l'eau à Mayotte est un facteur supplémentaire, aggravant et multisectoriel qui a un impact dévastateur sur l'économie de l'île. Cette crise est due principalement à une demande croissante en eau potable résultant de la rapide croissance démographique, ainsi qu'à la rareté des ressources en eau douce disponibles. La situation est alarmante car les nappes phréatiques sont limitées et les périodes de sécheresse liées au dérèglement climatique se multiplient.

Cela fait des années que Mayotte subit quotidiennement des coupures d’eau mais depuis Juillet 2023, la crise est plus aiguë que jamais :  les retenues collinaires qui stockent l’eau de pluie sont quasiment vides et la Préfecture a décidé de rationner la population avec des coupures de 24 heures d’affilée dans certaines zones et dans les villes les plus peuplées, il n’y a pas d’eau entre 16 heures et 8 heures du matin. Privant ainsi sur cette plage horaire, les travailleurs mahorais, loin de leur domicile, qui ne peuvent effectuer de réserve utile aux activités quotidiennes du foyer. Aucune mesure ou aménagement n’a été pris concernant les publics fragiles (personnes âgées, personnes atteintes de pathologies, les femmes enceintes ou les enfants).

Rare et peu qualitative, l’eau qui s’écoule des robinets mahorais fait naître des doutes, à raison. L’ARS a déjà averti que l’eau n’est pas potable pendant les 4 premières heures. Lorsque les réserves sont au plus bas, l’eau se concentre en métaux lourds et autres minéraux comme le fluor, le manganèse, l’arsenic ou les sulfates. Cette concentration rend l’eau plus difficile à traiter alors que le faible débit ou l’augmentation de la température peut aussi provoquer le développement de bactéries. Sans eau courante, les risques sanitaires explosent avec la transmission de maladies de peau mais aussi le choléra, la dysenterie, l'hépatite A, la fièvre typhoïde... Risque sanitaire maximum alors que Mayotte est un désert médical.

Dans ce contexte, les familles mahoraises paient leur facture d’eau du robinet vide mais doivent aussi impérativement acheter des packs d’eau à leur frais. Actuellement, un pack d’eau de 6 bouteilles se vend au minimum 5 euros à Mayotte contre 1,15 euro dans l’Hexagone. Face au rationnement et aux pénuries en eau dans les supermarchés, les familles se sont organisées avec un marché parallèle pour importer de l’eau potable par conteneur : la palette de 20 packs d’eau se monnaie 500 euros.

Les conséquences de cette crise de l’eau sont graves et touchent différents secteurs de l'économie mahoraise. L'agriculture, qui est vitale pour l'île, dépend fortement de l'eau d'irrigation. Cependant, en raison de la pénurie d'eau, la production agricole a diminué, entraînant des pertes de revenus pour les agriculteurs et une augmentation des prix des denrées alimentaires locales.

Les hôpitaux et les établissements d'enseignement ont du mal à maintenir des normes acceptables en matière de santé et d'hygiène, ce qui peut entraîner une augmentation des maladies hydriques et une baisse de la qualité de l'éducation. Face à cette situation critique, des mesures insuffisantes ont été proposées pour résoudre la crise. Le syndicat des eaux à Mayotte est en restructuration et sous le coup d'une enquête du Parquet national financier, ce qui limite les solutions potentielles. De plus, les négociations avec les distributeurs d'eau n'ont pas permis de trouver une solution satisfaisante pour tous.

Des solutions existent cependant pour atténuer cette crise de l'eau. Une importation massive et urgente de bouteilles d'eau à distribuer gratuitement à l'ensemble de la population pourrait être mise en place avec le soutien des forces militaires, comme cela a été fait pendant la crise du Covid-19.  Enfin, pour assurer un approvisionnement en eau plus stable pour les foyers, le financement subventionné de citernes individuelles pour tous les foyers avec permis de construire et/ou taxe d'habitation pourrait être envisagé.

Il est essentiel d'agir rapidement et de manière concertée pour résoudre cette crise de l'eau à Mayotte, afin de protéger l'économie, la santé et la qualité de vie de la population de l'île.

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   PERSONNES AUDITIONNÉES par la commission d’enquÊte et liens vers les comptes rendus des auditions

Les comptes rendus de l’ensemble des auditions
sont consultables à l’adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-cout-vie-collectivites/documents?typeDocument=crc

Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique des réunions de la commission d’enquête.

16 mars 2023

– M. Michaël Goujon, professeur à l’Université Clermont Auvergne, Centre National de la Recherche Scientifique, Institut de Recherche sur le Développement, Centre d’Études et de Recherches sur le Développement International.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu

– Mme Françoise Rivière, responsable de la Cellule Économie et Stratégie, Docteur en sciences économiques au Département Afrique de l’Agence française de développement (AFD).

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu

24 mars 2023

– Mme Claire Cerdan, géographe, chercheuse habilitée à diriger des recherches au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

– M. Jean-François Hoarau, professeur en sciences économiques et M. François Hermet, maître de conférences, au Centre d’économie et de management de l’océan Indien (CEMOI) de l’université de La Réunion.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

 M. Olivier Sudrie, économiste principal au cabinet DME, maître de conférences à l’université de Paris-Saclay, chercheur au Centre d’études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités, et M. Bertrand Savoye, chargé de programmes de recherche au sein du département Diagnostics économiques et politiques publiques de la direction Innovation, stratégie et recherche de l’Agence française de développement.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

 M. Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

 M. Jean-Pierre Chalus, président du directoire du grand port maritime de la Guadeloupe, président de l’Union des ports de France, et Mme Mathilde Pollet, responsable des affaires économiques et européennes au sein de l’Union des ports de France.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

 M. Benoît Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence, Mme Gwenaëlle Nouet, rapporteure générale adjointe, chef du service de la concurrence 5, et M. Jérôme Schall, conseiller aux affaires européennes et institutionnelles au sein de l’Autorité de la concurrence.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

30 mars 2023

– M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

 M. Saïd Ahamada, directeur général de L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), et Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de LADOM.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

 Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom). directrice générale de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), Mme Marina Randriamisaina, responsable de l’Observatoire économique et monétaire de l’Iedom-IEOM, et M. Olivier Simon, adjoint à la responsable de l’Observatoire économique et monétaire de l’Iedom-IEOM.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

 Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane, et M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

 Mme Laurence Mouysset, vice-présidente de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France et de la chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon, et Mme Ludivine Quédinet, cheffe du pôle coordination des politiques publiques au sein de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

 M. Patrick Plantard, président de section des chambres régionales des comptes, président des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Sylvain Beaubois, responsable étude, information, observation et évaluation à la préfecture de Guyane, chargé du secrétariat de l’OPMR de Guyane, Mme Laurence Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture de la Martinique, et M. Marc Solinhac, chef de bureau de la réglementation économique à la préfecture de la Martinique, chargé du secrétariat de l’OPMR de la Martinique.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

6 avril 2023

– Table ronde des représentants des chambres de commerce et d’industrie membres de l’ACCIOM – Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer :

– Mme Carine Sinaï-Bossou, présidente de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la région Guyane ;

– M. Philippe Jock, président de la CCI de la Martinique ;

– Mme Delphine Dagort, présidente de la chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie, de métiers et de l’artisanat (CACIMA) de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– Mme Angèle Dormoy, présidente de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM) ;

– M. Nassroudine Mlanao, membre de la CCI de Mayotte ;

– M. Johny Arnachellum, membre de la CCI de La Réunion ;

– M. Thierry Greaux, directeur général de la chambre économique multiprofessionnelle (Cem) de Saint-Barthélemy ;

– et M. Pierre Dupuy, directeur général de l’Association des Chambres de commerce et d’industrie des outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

– M. Philippe Liou, directeur par intérim de l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), et Mme Florence Bouliou, responsable du département prix à l’ISPF.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

– Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

13 avril 2023

 Table ronde consacrée au coût du logement outre-mer, réunissant :

- Mme Sabrina Mathiot, directrice de l’Union sociale pour l’habitat Outre-mer ;

- Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement et M. Ibrahima Dia, directeur outre-mer ;

- M. Philippe Pourcel, directeur général adjoint en charge du réseau des outremer de CDC Habitat et Mme Anne Frémont, directrice des affaires publiques ;

- M. Philippe Robin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) Océan Indien ;

- M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion ;

- M. Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, représentant la Fédération française du bâtiment.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223008_compte-rendu

 M. Hervé Mariton, ancien ministre de l’Outremer, président de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM), et M. Laurent Renouf, délégué général de la FEDOM.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu

– Table ronde réunissant des armateurs :

- M. Philippe Lestrade, président de MSC France ;

- M Raymond Vidil, président de Marfret ;

- M. Claus Ellemann-Jensen, directeur général de Hapag Lloyd France.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223010_compte-rendu

 M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO).

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

 M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

11 mai 2023

 Audition de la direction générale de l’aviation civile :

- M. Pierre Girard, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective à la direction du transport aérien ;

- M. Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu

 Table ronde réunissant des compagnies aériennes desservant les outre-mer :

- M Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, accompagné de Mme Martine Haas, directrice de la communication et des affaires publiques de Corsair ;

- M. Joseph Bréma, président du directoire d’Air Austral ;

- M. Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial passage d’Air France-KLM, M. Benjamin Lechaud, directeur revenue management intercontinental d’Air France-KLM et M. Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d’Air France ;

- M. Jean-Marc Hastings, directeur France et Europe d’Air Tahiti Nui ;

- M. Charles-Henri Strauss, directeur des affaires juridiques de French Bee.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu

– M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223014_compte-rendu

 Table ronde, concernant les enjeux démographiques et sociologiques :

- M. Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, ancien vice-président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), conseiller pour l’outre-mer auprès de la direction à l’Institut national d’études démographiques ;

- M. Didier Breton, professeur de démographie à l’Université de Strasbourg.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223015_compte-rendu

 Table ronde réunissant des représentants de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes :

- M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés ;

- M. André Schwob, chef du service du soutien au réseau ;

- M. Gautier Duflos, chef du bureau analyse économique et veille stratégique ;

- M. Bertrand Jéhanno, chef du bureau politique et droit de la concurrence.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223016_compte-rendu

 M. Francis Amand, chef de mission de contrôle économique et financier, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu

17 mai 2023

 M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle‑Calédonie et Me Nicolas Genty, avocat en droit commercial, de la distribution et de la concurrence.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

 Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des outre-mer, ancienne députée.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

– Mme Anne-Marie Geourjon, maitre de conférences, responsable de programmes à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) et M. Bertrand Laporte, maître de conférences-HDR à l’Université Clermont Auvergne et membre du Centre d’étude et de recherche sur le développement international, auteurs du rapport Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

 M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), M. Michel Lapeyre, directeur général de GBH Océan Indien et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour à la Martinique.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

 Mme Nancy Wane, mandataire sociale et dirigeante des sociétés commerciales du Groupe Louis Wane, M. Jean-Luc Jaumouille, directeur administratif et financier et Mme Stéphanie Ducerf, responsable du service juridique de Smart (Groupe Louis Wane).

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

25 mai 2023

 Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, M. Frédéric Joram, adjoint de la directrice générale, Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques, Mme Gwenaëlle Chapuis, adjointe au sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État, M. Didier Herry, chef du bureau des collectivités locales, et Mme Nathalie Konaté, adjointe au chef du bureau de la réglementation économique et fiscale au sein de la direction générale des outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

 Mme Annick Girardin, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des outre-mer, ancienne députée.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

 M. Jean-Pierre Hardy, président du conseil d’administration de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles-Guyane (SARA) et M. Olivier Cotta, directeur général.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

 Mme Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis de La Réunion, ancienne ministre des outre-mer, ancienne députée.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

– M. Xavier Clavel, directeur général du groupe SCGR exploitant l’enseigne Agooti, et M. Emmanuel Caussé, responsable de la communication et de la publicité.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

– M. Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amonts.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

1er juin 2023

 M. Benoit Lombrière, délégué général adjoint d’Eurodom.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

– M. Rodolphe Saadé, président-directeur général du groupe CMA CGM, et M. Grégory Fourcin, directeur central des lignes maritimes.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

 Table ronde réunissant les opérateurs de télécommunications présents dans les outre-mer :

- M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques d’Orange, Mme Claire Chalvidant, directrice des relations institutionnelles, et M. Thierry Kergall, directeur Orange Antilles et Guyane ;

- Mme Marie Lhermelin, secrétaire générale adjointe, directrice des relations institutionnelles et de l’engagement du groupe Altice-SFR, et M. Grégory Burlinchon, directeur outre-mer ;

- M. Melchior de Malleray, directeur général de Free Caraïbe, et Mme Ombeline Bartin, directrice des affaires publiques de Free – Groupe Iliad ;

- M. Jacques du Puy, président de Canal+ International, et Mme Aline Alix-Donat, directrice générale de Canal+ Outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

– Table ronde consacrée aux aspects institutionnels du coût de la vie outre-mer, réunissant :

- M. Jean-Jacques Urvoas, professeur à l’université de Bretagne-occidentale, ancien ministre, ancien député ;

- M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux, président du conseil d’administration de l’Institut national du service public, président de l’Association des juristes en droit des outre-mer, ancien déontologue de l’Assemblée nationale ;

- Mme Carine David, professeur à l’université des Antilles – pôle Martinique.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

– M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, M. Bernard Édouard, secrétaire général, et M. Kévin Parfait, administrateur.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

7 juin 2023

 M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

8 juin 2023

 M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

6 juillet 2023

 M. Christophe Girardier, président de Bolonyocte Consulting.

– M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller maître à la Cour des comptes.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223025_compte-rendu


   PERSONNES rencontrÉes par les dÉlÉgations
de la commission d’enquÊte

MARTINIQUE

2 mai 2023

– M. Stéphane Berniac, directeur général adjoint du Centre hospitalier universitaire de Martinique

– M. Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique

– MM. Patrice Carreau Gaschereau, gérant et Sébastien Dormoy, directeur de l’entreprise « Le meunier des Antilles »

– M. Franck Grancher, président du Syndicat des commissionnaires en douanes et transitaires de Martinique

3 mai 2023

– M. Jean-Remy Villageois, président du directoire du Grand port maritime de la Martinique

– M. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France

– M. Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique, et Mme Laurence Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture

– M. Rodolphe Sauvonnet, directeur régional des finances publiques de la Martinique

– MM. Hugues-Lionel Galy, directeur interrégional des douanes Antilles-Guyane, et Stéphane Dubois, adjoint au directeur interrégional des douanes

– M. Bernard Édouard, président du MEDEF de Martinique

– Mme Marie France Mars, secrétaire de la CPME de Martinique

SAINT-MARTIN

4 mai 2023

– M. Alain Richardson, premier vice-président de la collectivité de Saint-Martin en charge de l’économie et des ressources, Mme Bernadette Davis, vice-présidente en charge du cadre de vie et M. Albert Holl, directeur général des services

– M. Vincent Berton, préfet délégué auprès du représentant de l’État dans les collectivités de Saint‑Barthélemy et de Saint‑Martin et M. Fabien Sese, secrétaire général

– M. Patrice Seguin, président du Club du tourisme, entrepreneur dans le domaine de l’hôtellerie, et Véronique Legris, directrice des opérations du Club du tourisme

– M. Jean‑François Rabillet, président directeur‑général de Super U Saint‑Martin et MM. Frédéric Vuillier et Karim Fournier, directeurs d’enseignes Super U

5 mai 2023

– Mmes Melissa D. Gumbs et Ludmila de Weever, députées au Parlement de Sint‑Maarten

MAYOTTE

12 juin 2023

– M. Thierry Suquet, préfet de Mayotte

– Mme Maxime Ahrweiller Adousso, secrétaire général pour les affaires régionales de Mayotte

– Mme Zainabou Madjinda, responsable du pôle Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) de Mayotte

– M. Christian Lacoume, directeur régional des douanes de Mayotte

– Mme Françoise Fournial, directrice de la Société mahoraise des eaux (SMAE).

– M. Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte et Mme Bibi Chanfi, deuxième vice-présidente chargée du développement économique et de la coopération décentralisée

– Mme Safina Soula présidente du collectif des citoyens de Mayotte

– Mme Saandati Abdou, présidente des Femmes Leaders,

– M. Fatihou Ibrahim, président du collectif des citoyens de Mayotte

– M. Ousséni Balache, membre de l’association Les Assoiffés,

– M. Ali Nizari, président de l’Union départementale des familles (UDAF).

13 juin 2023

 Mme Ida Nel, présidente directrice générale de Mayotte Channel Gateway, délégataire du port de Longoni

 M. Anthoumani Miradji, directeur du Carrefour Market de Petite Terre et M. Erwan Brenaut, directeur général-adjoint de Vindémia

LA RÉUNION

14 juin 2023

– Mme Christelle Portier, adjointe au directeur régional des finances publiques de La Réunion

– Mme Nathalie Infante, secrétaire général pour les affaires régionales de La Réunion

– M. Vassili Czorny, adjoint à la secrétaire générale pour les affaires régionales de La Réunion

– M. Pascal Fortin, chargé de mission au secrétariat général, secrétaire général de l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion

– Mme Damienne Verguin, directrice de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) de La Réunion

– M. Patrick Chauchon, directeur-adjoint, responsable du pôle Concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie à la Deets de La Réunion

– M. Philippe La Cognata, directeur de l’agence La Réunion de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer

– M. Ludovic Cailly, directeur de la Banque française commerciale océan Indien

– M. Imraan Issa, directeur de BNP Paribas La Réunion

– M. Fabrice Guilhem, directeur commercial Réunion-Mayotte de la Caisse d’Épargne CEPAC

– M. Vincent Corduan, directeur de La Banque postale La Réunion

– M. Adam Ravate, directeur général du groupe I.A. Ravate

– M. Éric Legrigeois, président du Grand port maritime de La Réunion

– M. Pascal Thiaw-Kine et Mme Catherine Chong Fah Shen, groupe Excellence – Leclerc

15 juin 2023

– M. Florian Cousineau, directeur général de la Société réunionnaise des produits pétroliers

– M. Aldo Letimier, président de Run market – Make distribution, M. Arnaud Tassart, directeur général délégué, M. François Rombault, directeur général délégué opérationnel

– M. Cyrille Melchior, président du conseil départemental de La Réunion

– M. Patrick Lebreton, premier vice-président du conseil régional de La Réunion, M. Wilfrid Bertille, conseiller régional, Mme Claudine Dupuy, directrice générale des services, M. Idriss Omarjee, directeur de cabinet de la présidente, M. Patrick Guillaumin, directeur général adjoint, M. Henry Jean-Baptiste, directeur de l’économie

16 juin 2023

– M. Dany Leveneur, président de LM Distribution

– M. Henri Lebon, président du groupe Urcoopa et M. Philippe Puissegur, directeur général

– Mme Laure-Hélène Ribola, secrétaire générale de l’Association réunionnaise interprofessionnelle du bétail des viandes et du lait et de l’Association réunionnaise interprofessionnelle de la volaille

– M. Pascal Quineau, président du Crédit agricole de La Réunion, M. Didier Grand, directeur général, Mme Prisca Ringin Velleyen et Mme Yasmine Balbolia

*

*     *

 


—  1  —

   Acronymes et sigles utilisÉs

 

AAH

Allocation adulte handicapé

ACCIOM

Association des chambres de commerce et d’industrie des Outre‑mer

ACP

Afrique-Caraïbes-Pacifique

ACT

Aide à la continuité territoriale

ANIA

Association nationale des industries alimentaires

APA

Aide au pouvoir d’achat ou Allocation personnalisée d'autonomie

APC

Autorité polynésienne de la concurrence

ARCEP

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

ARIBEV

Association réunionnaise du bétail, de la viande et du lait

ASI

Allocation supplémentaire d’invalidité

ASS

Allocation de solidarité spécifique

BAF

Bunker adjustment factor – facteur d’ajustement de soute (surcharge représentative des frais de carburant et du change)

BDF

Budget de famille

BFR

Besoin en fonds de roulement

BIEC

Brigades interrégionales d’enquête et de concurrence

BIT

Bureau international du travail

Bodacc

Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales

BPIFrance

Banque publique d’investissement

BQP

Bouclier qualité-prix

Bumidom

Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer

Caricom

Caribbean Community – Communauté des Caraïbes

CCISM

Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin

CCT

Contrats de convergence et de transformation

CDAC

Commission départementale d'aménagement commercial

CEM

Chambre économique multiprofessionnelle de Saint-Barthélemy

Cemoi

Centre d’économie et de management de l’océan Indien

CESE

Conseil économique, social et environnemental

CGCT

Code général des collectivités territoriales

CGI

Code général des impôts

CIH

Comité des importateurs d’hydrocarbures

CIMM

Centre des intérêts matériels et moraux

CIOM

Comité interministériel des Outre-mer

Cirad

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Ciri

Comité interministériel de restructuration industrielle

CNAF

Caisse nationale d’allocations familiales

Cnes

Centre national d’études spatiales

COM

Collectivité d’outre‑mer (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Polynésie française, Wallis-et-Futuna)

CORMAP

Caisse pour l’orientation et la régulation du marché du porc

CRC

Chambre régionale des comptes

Crefom

Conseil représentatif des français d’Outre-mer

CRFP

Contribution au redressement des finances publiques

CSTB

Centre scientifique et technique du bâtiment

CTM

Collectivité territoriale de Martinique

DACOM

Dotation d’aménagement des communes d’outre-mer

DAU

Document administratif unique

DCT

Dotation de continuité territoriale

Deets

Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

DFA

Départements français d’Amérique (Guadeloupe, Guyane, Martinique)

DGAC

Direction générale de l’aviation civile

DGAE

Direction générale des affaires économiques

Dgccrf

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DGF

Dotation globale de fonctionnement

DGOM

Direction générale des outre-mer

DGOS

Direction générale de l’offre de soins

DGP

Délais globaux de paiement

Dieccte

Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

DLA

Dispositif local d’accompagnement

DNP

Dotation nationale de péréquation

DOM

Département d’outre‑mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte)

DPOM

Dotation de péréquation des communes des départements d’outre-mer

Drees

Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

Drfip

Direction régionale des finances publiques

DROM

Départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte)

DSR

Dotation de solidarité rurale

DSU

Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale

ECSP

Enquête de comparaison spatiale des prix

EDM

Électricité de Mayotte

EHIS

European health interview surve – Enquête européenne par interview sur la santé

EPCI

Établissement public de coopération intercommunale

ERFS

Enquête revenus fiscaux et sociaux

Esemi

Enquête statistique sur les entreprises mahoraises informelles

Erom

Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle Outre‑mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique

ETP

Équivalent temps plein

EVP

Équivalent vingt pieds

Fctva

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

Feampa

Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture

Feder

Fonds européen de développement régional

Fedom

Fédération des entreprises des Outre-mer

FEI

Fonds exceptionnel d’investissement

Ferdi

Fondation pour les études et recherches sur le développement international

Filosofi

Fichier localisé social et fiscal

FNAM

Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers

Fodebo

Fonds de développement de l’élevage bovin

FPIC

Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

GBH

Groupe Bernard Hayot

IDH

Indice de développement humain

Iedom

Institut d’émission des départements d’outre‑mer

IEOM

Institut d’émission d’outre-mer

IF

Indemnité forfaitaire

IGF

Inspection générale des finances

IM

Intérêts moratoires

Insee

Institut national de la statistique et des études économiques

IPC

Indice des prix à la consommation

ISPF

Institut de la statistique de la Polynésie française

Ladom

Agence de l’Outre‑mer pour la mobilité

MFV

Enquête Migrations, famille et vieillissement

MIGAC

Mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation

MSA

Mutualité sociale agricole

MSC

Mediterranean Shipping Company

MTECT

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

NTIC

Nouvelles technologies de l’information et de la communication

OCM

Organisation commune de marché

Odeadom

Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer

OLS

Organisme de logements sociaux

OMS

Organisation mondiale de la santé

OP

Organisation de producteurs

OPMR

Observatoire des prix, des marges et des revenus

OPR

Observatoire des prix et des revenus

ORT

Opération de revitalisation de territoire

PCH

Prestation de compensation du handicap

PEID

Petit État insulaire en développement

PGC

Produit de grande consommation

PGE

Prêt garanti par l’État

PIB

Produit intérieur brut

PME

Petites et moyennes entreprises

PMFP

Passeport pour la mobilité de la formation professionnelle

Posei

Programme d’actions spécifiques à l’éloignement et à l’insularité

PTOM

Pays et territoire d’outre‑mer : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna (France) ; Groenland (Danemark) ; Aruba, Bonaire, Saint-Eustatius et Saba, Curação, Sint-Maarten (Pays-Bas)

QPV

Quartier prioritaire de la politique de la ville

R&D

Recherche et développement

RCS

Registre du commerce et des sociétés

RGEC

Règlement général d’exemption par catégorie

RSA

Revenu de solidarité active

RUP

Région ultrapériphérique : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, La Réunion, Saint-Martin (France) ; îles Canaries (Espagne) ; Acores, Madère (Portugal)

SAFO

Société antillaise frigorifique

SARA

Société anonyme de la raffinerie des Antilles

SBA

Stratégie du bon d’achat

SDGA

Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique

SICA

Société d’intérêt collectif agricole

SIEG

Services d’intérêt économique général

SRDEII

Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

SRPP

Société réunionnaise de produits pétroliers

STSEE

Service territorial de la statistique et des études économiques de Wallis et Futuna

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

THC

Terminal handling charges – frais de manutention au terminal

TPE

Très petite entreprise

TVA

Taxe sur la valeur ajoutée

UDAF

Union départementale des associations familiales

UE

Union européenne

UES

Unité économique et sociale

USH

Union sociale pour l’habitat

USHOM

Union sociale pour l’habitat Outre-mer

VFR

Visiting friends and relatives – voyageurs affinitaires pour raisons familiales ou amicales

VLSFO

Very low sulfur fuel oil – fuel à très faible teneur en soufre

ZEE

Zone économique exclusive

ZFANG

Zone franche d’activités nouvelle génération

*

*     *

 


([1]) Jean-René Cazeneuve et Georges Patient, Soutenir les communes des départements et régions d’outre-mer, pour un accompagnement en responsabilité, rapport de mission parlementaire, décembre 2019, https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2019_12_rapport_-_soutenir_les_communes_des_departements_et_regions_doutre-mer_-_17.12.19.pdf

([2]) Audition de M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux, président du conseil d’administration de l’Institut national du service public, président de l’Association des juristes en droit des Outre‑mer, ancien déontologue de l’Assemblée nationale, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([3]) Jean-Christophe Gay, La France d’Outremer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, p.182.

([4]) Jean-Christophe Gay, La France d’Outremer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, pp. 95‑96.

([5]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre‑mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([6]) Jean-Christophe Gay, La France d’Outremer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, p. 75.

([7]) Accord de Guyane du 21 avril 2017 - Protocole « Pou Lagwiyann dékolé », Journal officiel du 2 mai 2017 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034519630 

([8]) Jean-Christophe Gay, La France d’Outremer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, p. 135.

([9]) Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, professeur à l’université de Bretagne-occidentale, ancien ministre, ancien député, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([10]) Le coefficient de Gini, ou indice de Gini, est une mesure statistique permettant de rendre compte de la répartition d’une variable (salaire, revenus, patrimoine) au sein d’une population. Autrement dit, il mesure le niveau d’inégalité de la répartition d’une variable dans la population. Ce coefficient est typiquement utilisé pour mesurer l’inégalité des revenus dans un pays. Le coefficient de Gini est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l’égalité parfaite où personne n’améliore sa condition aux dépens des autres au cours du temps et 1, qui ne peut être atteint, signifierait une inégalité parfaite.

([11]) L’indice de développement humain ou IDH est un indice statistique composite visant à évaluer le taux de développement humain des pays du monde. L’IDH se fondait initialement sur trois critères : le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’éducation des enfants de 17 ans et plus.

([12]) Assemblée nationale, compte-rendu intégral de la première séance du mardi 4 octobre 2016, https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170001.asp#P853697

([13]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des Outre‑mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([14]) Jean‑Christophe Gay, « Outre‑mer, une France d’ailleurs en souffrance », Carto, n°77, mai-juin 2023, pp. 14‑23.

([15]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre‑mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([16]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Ali Benhaddouche, Clémentine Garandeau (Insee), Thierry Beltrand, Teddy Combet, Damien Gordon (Institut d’Émission d’Outre‑mer « Entre 2014 et 2021, la croissance économique de Saint-Martin est entravée par l’ouragan Irma et la crise sanitaire », Analyses Guadeloupe, n° 70, 21 juin 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7633923

([17]) Direction générale des Outre‑mer, Votre guide ultramarin, p. 43, https://www.calameo.com/read/000886379b87d15e5c574

([18]) Direction générale des Outre‑mer, Votre guide ultramarin, p. 49, https://www.calameo.com/read/000886379b87d15e5c574.

([19]) Assemblée nationale, délégation aux Outre-mer, L’autonomie alimentaire des Outre-mer, par Marc Le Fur et Estelle Youssouffa, 4 juillet 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/dom/missions-de-la-delegation/autonomie-alimentaire-outre-mer

([20]) Délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_cohésion.pdf

([21]) Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), Les services de communications électroniques dans les départements et collectivités d’Outremer – année 2021 - Observatoire des marches des communications électroniques, 7 juillet 2022, p. 27, https://www.arcep.fr/fileadmin/cru-1677573101/reprise/observatoire/march-an2021/obs-marches-2021-OUTREMER_juil2022.pdf

([22]) Délégation à l’outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_cohésion.pdf

([23]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM », Ludovic Audoux, Pascal Prévot, INSEE Focus, n° 270, 11 juillet 2022, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6459395

([24]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « Enquête budget de famille 2017. De fortes disparités de consommation selon le niveau de vie à La Réunion », Claire Grangé, INSEE Analyses, n°44, décembre 2019, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4263031

([25]) Délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_cohésion.pdf

([26]) Réponses de la collectivité territoriale de Martinique aux questions écrites du rapporteur.

([27]) Ibid.

([28]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre‑mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([29]) Audition de Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles, 24 mars 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu#

([30]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/avis/concernant-le-fonctionnement-de-la-concurrence-en-Outremer.

([31]) Mathilde Gerardin, Insee, Produits intérieurs bruts régionaux de 2000 à 2020, D’importantes disparités, de l’Outremer à l’Île‑de‑France, 2022.

([32]) Audition de M. Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, conseiller pour l’Outre‑mer auprès de la direction à l’Institut national d’études démographiques, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223015_compte-rendu#

([33]) Insee, Ludovic Audoux, Arnaud Wilczynski, « Le halo autour du chômage, 2,5 à 5 fois plus présent dans les DOM qu’en France métropolitaine », Insee Focus n° 303, 28 juin 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7637681

([34]) Audition de Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, conseiller pour l’Outre‑mer auprès de la direction à l’Institut national d’études démographiques, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223015_compte-rendu# 

([35]) Le système éducatif dans les académies ultramarines, Cour des comptes, 10 décembre 2020, https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-12/20201210-58-2-systeme-educatif-academies-ultramarines.pdf

([36]) Journée défense et citoyenneté 2018, Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, https://www.education.gouv.fr/journee-defense-et-citoyennete-2018-plus-d-un-jeune-francais-sur-dix-en-difficulte-de-lecture-9998 

([37]) Assemblée nationale, délégation aux Outre‑mer, L’enseignement dans les Outremer dans les territoires en dépression démographique, rapport d’information n° 4204, 1er juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/om/l15b4204_rapport-information#_Toc256000006

([38]) Audition de Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles, 24 mars 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu# 

([39]) Audition de Claire Cerdan, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu#

([40]) Insee, « De nombreuses entreprises informelles pour peu de richesse créée. Enquête sur les entreprises mahoraises en 2015 », Insee Analyses Mayotte n° 16, 8 février 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3320117

([41]) PrimeView, le tissu économique des territoires ultramarins à l’aune des départements métropolitains, septembre 2020 https://www.primeview.fr/Territoires_ultramarins/Synthese_Rapport_Territoires_Ultramarins.pdf

([42]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) Claire-Lise Dubost, « En outre-mer, une santé déclarée moins bonne qu'en Métropole, surtout pour les femmes », Études et résultats n° 1057, 18 avril 2018 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/en-outre-mer-une-sante-declaree-moins-bonne-quen-metropole-surtout

([43]) Sous la direction de Caroline Méjean, Alimentation et nutrition dans les départements et régions d’Outremer, mars 2020 https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers20-11/010077284.pdf

([44]) Assemblée nationale, rapport d’enquête n° 2440 de Mme Justine Benin sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, 26 novembre 2019 https://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commissions-d-enquete-de-la-xv-eme-legislature/commission-d-enquete-sur-l-utilisation-du-chlordecone-et-du-paraquat/(block)/RapEnquete

([45]) Organisation mondiale de la santé (OMS), Violence à l’encontre des femmes, 9 mars 2021, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women 

([46]) Défenseure des droits, Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits – Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles  du 23 novembre au 3 décembre 2022, 20 mars 2023, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_rapport-antilles_20230317.pdf

([47]) Délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Dominique Rivière et Ernestine Ronai, Combattre les violences faites aux femmes dans les Outremer, 29 mars 2017, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Rapports/2017/2017_09_violences_femmes.pdf

([48]) Jean-Christophe Gay, La France d’Outremer : Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021, p.107.

([49]) Audition de Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles, 24 mars 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu# 

([50]) Marine Haddad, « L’effet d’une politique d’État sur les migrations DOM-métropole. Les enseignements des recensements de 1962 à 1999 », Population, 2018/2 (Vol. 73), p. 191-224. https://www.cairn.info/revue-population-2018-2-page-191.htm

([51]) Audition de Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe, conseiller pour l’Outre‑mer auprès de la direction à l’Institut national d’études démographiques, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223015_compte-rendu#

([52]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu#

([53]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu# 

([54]) Citée dans : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte, Ludovic Audoux, Claude Mallemanche, Pascal Prévot (mission appui DOM, Insee), INSEE Première, n°1804, 1er juillet 2020, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622377

([55]) Audition de M. Saïd Ahamada, directeur général de L’Agence de l’Outre‑mer pour la mobilité (LADOM) et de Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de LADOM, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu 

([56]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu#

([57]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et de M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu#

([58]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des Outre‑mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([59]) Conseil d’orientation pour l’emploi, Le travail non déclaré, février 2019 https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/coe-rapport-travail-non-declare-fevrier-2019.pdf

([60]) Insee, « Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte », Insee Première n° 1804, juillet 2020 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622377

([61]) Audition de Mme Claire Cerdan, géographe, chercheuse habilitée à diriger des recherches au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu 

([62]) Insee , La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM, juillet 2022, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6459395#onglet-2

([63]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu# 

([64]) Jean-François Hoarau, « La « vie chère » comme une manifestation de la vulnérabilité structurelle des Départements et Régions d’Outre-mer français : entre faits stylisés et enseignements de la littérature académique », Géographie, économie, société, 2021/3 (Vol. 23) https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2021-3-page-303.htm

([65]) Ibid.

([66]) Cour des comptes, Les compléments de rémunération des fonctionnaires d’État Outremer : refonder un nouveau dispositif, rapport public annuel 2015, février 2015, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/128-RPA2015-complements-remunerations-fonctionnaires-Etat-Outremer.pdf

([67]) Ibid.

([68]) Audition de Mme Françoise Rivière, docteur en sciences économiques, responsable de la cellule Économie et stratégie au département Afrique de l’AFD, 16 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu 

Audition de M. Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

Audition de M. Olivier Sudrie, économiste principal au cabinet DME, maître de conférences à l’université de Paris-Saclay, chercheur au Centre d’études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités et de M. Bertrand Savoye, chargé de programmes de recherche au sein du département Diagnostics économiques et politiques publiques de la direction Innovation, stratégie et recherche de l’Agence française de développement, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu 

([69]) Ibid.

([70]) Audition de M. Jean-François Hoarau, professeur en sciences économiques et de M. François Hermet, maître de conférences, au Centre d’économie et de management de l’océan Indien (CEMOI) de l’université de La Réunion, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

([71]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outremer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outremer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu 

([72]) Audition de M. Jean-François Hoarau, professeur en sciences économiques, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

([73]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([74]) Audition de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages de l’Insee, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([75]) Insee, Karine Dufour, Martin Monziols, « En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires », Insee Première, 11 juillet 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7648939

([76]) l’écart moyen ou indice de Fisher correspond à la moyenne géométrique des écarts de prix calculés, l’un sur la base du panier de consommation moyen du DOM, l’autre sur la base du panier moyen de France hexagonale.

([77]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([78]) Ibid.

([79]) Audition des représentants des chambres de commerce et d’industrie membres de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des Outre‑mer (ACCIOM) , 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([80]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du groupe Bernard Hayot, M. Michel Lapeyre, directeur général GBH Océan Indien, et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour Martinique, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([81]) Audition de M. Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amont, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([82]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu#

([83]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([84]) Audition de Mme Laurence Mouysset, vice-présidente de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France et de la chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon M. Guillaume-Armand Grasset, directeur des politiques publiques et Mme Ludivine Quédinet, cheffe du pôle coordination des politiques publiques au sein de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon, 30 mars 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([85]) Ibid.

([86]) Audition de M. Thierry Greaux, directeur général de la chambre économique multiprofessionnelle (Cem) de Saint-Barthélemy, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([87]) Audition de Mme Françoise Rivière, docteur en sciences économiques, responsable de la cellule Économie et stratégie au département Afrique de l’AFD, 16 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu 

([88]) Audition des représentants des chambres de commerce et d’industrie membres de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des Outre‑mer (ACCIOM) , 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([89]) Audition de Mme Angèle Dormoy, présidente de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM), 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu 

([90]) Audition de M. Philippe Liou, directeur par intérim de l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) et de Mme Florence Bouliou, responsable du département prix à l’ISPF,  6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([91]) Ibid.

([92]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([93]) Ibid.

([94]) Iedom – Observatoire économique et monétaire, Fascicule de résultats sectoriels, 2020, https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ratios_sectoriels_martinique_2020.pdf (page 9)

([95]) Ibid.

([96]) Iedom – Observatoire économique et monétaire, Fascicule de résultats sectoriels, 2021, p. 9 https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ratios_sectoriels_martinique_2021.pdf

([97]) Ibid.

([98]) Audition de M. Michaël Goujon, professeur à l’Université Clermont Auvergne, chercheur au Centre national de la recherche scientifique, Institut de recherche sur le développement et Centre d’études et de recherches sur le développement international, 16 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu

([99]) Audition Mme Nancy Wane, mandataire sociale et dirigeante des sociétés commerciales du Groupe Louis Wane, M. Jean-Luc Jaumouille, directeur administratif et financier et Mme Stéphanie Ducerf, responsable du service juridique de Smart (Groupe Louis Wane), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([100]) Audition de Mme Sabrina Mathiot, directrice de l’Union sociale pour l’habitat Outre‑mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223008_compte-rendu

([101]) Bolonyocte Consulting, État des lieux du marché de la distribution généraliste de détail à dominante alimentaire à La Réunion, étude pour l’OPMR de La Réunion, 5 septembre 2022, https://www.opmr.re/wp-content/uploads/2022/10/Bolonyocte_OPMR_Etude-Etat-du-marche-GSA_Rapport-final_18102022-VFD.pdf

([102]) Audition de M. Michaël Goujon, professeur à l’Université Clermont Auvergne professeur à l’Université Clermont Auvergne, chercheur au Centre national de la recherche scientifique, Institut de recherche sur le développement et Centre d’études et de recherches sur le développement international, 16 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu

([103]) Conseil économique, social et environnemental, Climat, cyber, pandémie : le modèle assurantiel français mis au défi des risques systémiques, avis du 13 avril 2022, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2022/2022_07_risques_emergents_systeme_assurantiel.pdf

([104]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([105]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, de M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane et de M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([106]) « Jean-François Carenco : "Caper le prix des billets comme certains le demandent, c’est juste un propos irresponsable" » France-Antilles Martinique, 6 décembre 2022 https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/politique/jean-francois-carenco-caper-le-prix-des-billets-comme-certains-le-demandent-cest-juste-un-propos-irresponsable-824686.php

([107]) Table ronde réunissant des compagnies aériennes desservant les Outre‑mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([108]) Table ronde réunissant des compagnies aériennes desservant les Outre‑mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([109]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([110]) Audition de M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([111]) Audition de M. Joseph Bréma, président du directoire d’Air Austral, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([112]) Audition de M. Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d’Air France-KLM, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([113]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([114]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu# 

([115]) Audition de M. Joseph Bréma, président du directoire d’Air Austral, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([116]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu# 

([117]) Audition de M. M. Benjamin Lechaud, directeur revenue management intercontinental d’Air France-KLM, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([118]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([119]) Audition de M. Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d’Air France-KLM, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([120]) Audition de M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([121]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([122]) Audition de M. Éric Michel, directeur général Antilles d’Air Caraïbes, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([123]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([124]) Audition de M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([125]) Audition de M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([126]) Ibid.

([127]) Ibid.

([128]) Audition de M. Éric Michel, directeur général Antilles d’Air Caraïbes, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([129]) Audition de M. Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223013_compte-rendu#

([130]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([131]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([132]) M. Johny Hajjar, rapporteur, audition de la DGAC, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([133]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([134]) Réponse écrite de la DGAC aux questions complémentaires du rapporteur.

([135]) Audition de M Emmanuel Vivet, sous-directeur des transports et services aériens à la direction du transport aérien, 11 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223012_compte-rendu#

([136]) Union sociale pour l’habitat, Chiffres clés du logement social - Edition Outre-mer 2022  https://www.union-habitat.org/centre-de-ressources/politique-du-logement-mouvement-hlm/chiffres-cles-du-logement-social-edition-5

([137]) Audition de Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([138]) Ibid.

([139]) Ibid.

([140]) Audition de Philippe Pourcel, directeur adjoint de CDC habitat, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([141]) Audition de Mme Sabrina Mathiot, directrice de l’Union sociale pour l’habitat Outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([142]) Audition de M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([143]) Audition de Philippe Pourcel, directeur adjoint de CDC habitat, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([144]) Ibid.

([145]) Audition de M. Stéphane Brossard, président de la commission technique de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([146]) Audition de Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu

([147]) Ibid.

([148]) Audition sous forme de table ronde, consacrée au coût du logement outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu

([149]) Luc Broussy, rapport interministériel sur l’adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique, mai 2021, https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/280055.pdf

([150]) Tableau issu du rapport de la Fondation Abbé Pierre, Agir contre le mal-logement dans les départements et territoires d’Outremer, février 2023, https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-02/2023%E2%80%A2Synth%C3%A8seProposition-OM.pdf

([151]) Audition de Mme Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([152]) Table ronde, réunissant les opérateurs de télécommunications présents dans les outre-mer, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([153]) Audition de M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques d’Orange, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([154]) ARCEP, Les services de communications électroniques dans les départements et collectivités d’outre-mer, 7 juillet 2022, https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/observatoire/march-an2021/obs-marches-2021-OUTREMER_juil2022.pdf

([155]) Insee, Karine Dufour, Martin Monziols, « En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires », Insee Première n° 1958, 11 juillet 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/764893

([156]) Réponses de Free – Groupe Iliad aux questions écrites du rapporteur.

([157]) Réponses de Altice-SFR aux questions écrites du rapporteur.

([158]) ARCEP, Les services de communications électroniques dans les départements et collectivités d’outre-mer, 7 juillet 2022, https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/observatoire/march-an2021/obs-marches-2021-OUTREMER_juil2022.pdf

([159]) Réponses de Altice-SFR aux questions écrites du rapporteur.

([160]) Autorité de la concurrence, décision 09-D-24 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM, 28 juillet 2009, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-05/declic-outremer.pdf (p.40).

([161]) Autorité de la concurrence, décision 09-MC-02 relative aux saisines au fond et aux demandes de mesures conservatoires présentées par les sociétés Orange Réunion, Orange Mayotte et Outremer Télécom concernant des pratiques mises en œuvre par la société SRR dans le secteur de la téléphonie mobile à La Réunion et à Mayotte, 16 septembre 2009, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-05/declic-outremer.pdf (p.43).

([162]) Autorité de la concurrence, décision 09-D-36 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, 9 décembre 2009, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-05/declic-outremer.pdf (p.46).

([163]) Réponses de Altice-SFR aux questions écrites du rapporteur.

([164]) Réponses de Free – Groupe Iliad aux questions écrites du rapporteur.

([165]) ARCEP, Communiqué de presse Qualité de service mobile, 13 avril 2023, https://www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/qualite-de-service-mobile-130423.html

([166]) Audition de Mme Ombeline Bartin, directrice des affaires publiques de Free - Groupe Iliad, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([167]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, 4 juillet 2019, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf 

([168]) Défenseure des droits, Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits – Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles du 23 novembre au 3 décembre 2022, 20 mars 2023, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_rapport-antilles_20230317.pdf

([169]) Il s’agit d’une standardisation des structures par âge des différents territoires, très différentes selon les territoires avec notamment La Réunion, la Guyane et surtout Mayotte qui ont une population plus jeune que la métropole.

([170]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), « Premiers résultats  de l’enquête santé européenne (EHIS) 2019 », Les dossiers de la DREES, n° 78, avril 2021, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-04/DD78.pdf

([171]) Insee, Karine Dufour, Martin Monziols, « En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires », Insee Première n° 1958, 11 juillet 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/764893

([172]) Défenseure des droits, op. cit.

([173]) Sénat, commission des affaires sociales, Mayotte : un système de soins en hypertension, rapport d’information n° 833 (2021-2022) de Mme Catherine Deroche , MM. Jean-Luc Fichet , Dominique Théophile et Mme Laurence Cohen, 27 juillet 2022, https://www.senat.fr/rap/r21-833/r21-8331.pdf

([174]) Article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale.

([175]) Défenseure des droits, Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits – Constats et recommandations du Défenseur des droits à la suite du déplacement d’une délégation aux Antilles  du 23 novembre au 3 décembre 2022, 20 mars 2023, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_rapport-antilles_20230317.pdf

([176]) Cour des comptes, Le système éducatif dans les académies ultramarines, Communication à la commission des finances du Sénat, 10 décembre 2020, https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-12/20201210-58-2-systeme-educatif-academies-ultramarines.pdf

([177]) Ibid.

([178])Ibid.

([179]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([180]) Ibid.

([181]) Observatoire des tarifs bancaires aux particuliers dans les DOM  et la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, rapports semestriels, avril 2023, https://www.senat.fr/fileadmin/Commissions/Finances/2022-2023/Rapport_provisoire_COROM.pdf

([182]) Audition de Mme Marie-Anne Poussin-Delmas, présidente de l’Institut d’émission des départements d’Outre‑mer (Iedom), directrice générale de l’Institut d’émission d’Outre‑mer (IEOM), 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([183]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, 4 juillet 2019, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf  

([184]) MSC – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([185]) A.P. Møller-Mærsk – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([186]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([187]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([188]) Ibid.

([189]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, 4 juillet 2019, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf 

([190]) CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([191]) A.P. Møller-Mærsk – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([192]) Marfret – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([193]) Ibid.

([194]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, 4 juillet 2019, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf  

([195]) Selon l’Insee : le prix FAB (franco à bord) est le prix d’un bien à la frontière du pays exportateur, comprenant la valeur des biens ou des services au prix de base, des services de transport et de distribution jusqu’à la frontière, les impôts moins les subventions.

([196]) Mediterranean Shipping Company (MSC) - Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([197]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([198]) CMA CGM – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([199]) Ibid.

([200]) Ibid.

([201]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), M Michel Lapeyre, directeur général de GBH Océan Indien et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour à la Martinique, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([202]) Audition de M. Rodolphe Saadé, président-directeur général du groupe CMA CGM, et M. Grégory Fourcin, directeur central des lignes maritimes, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

([203]) Ibid.

([204]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), M Michel Lapeyre, directeur général de GBH Océan Indien et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour à la Martinique, 17 mai 20223, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([205]) Audition de M. Rodolphe Saadé, président-directeur général du groupe CMA CGM, et M. Grégory Fourcin, directeur central des lignes maritimes, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

([206]) Marfret – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([207]) A.P. Møller-Mærsk – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([208]) A.P. Møller-Mærsk – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([209]) Audition M. Philippe Lestrade, président de MSC France, de M. Claus Ellemann-Jensen, directeur général de Hapag Lloyd France et ancien directeur de Maersk France et M. Raymond Vidil, président de Marfret, 13 avril 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223010_compte-rendu

([210]) Ibid.

([211]) Audition de M. Stéphane Hayot directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu#

([212]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([213]) Insee, Karine Dufour, Martin Monziols, « En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires », Insee Première n° 1958, 11 juillet 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/764893

([214]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([215]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf 

([216]) Audition de Xavier Cabarrus, directeur des activités amont du groupe CréO, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu 

([217]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([218]) Ibid.

([219]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([220]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outremer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([221]) Ibid.

([222]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([223]) Audition de Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail du groupe CréO, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([224]) Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre‑mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre‑mer.

([225]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([226]) Audition de M. Stéphane Hayot directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu#

([227]) Audition de Xavier Cabarrus, directeur des activités amont du groupe CréO, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([228]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([229]) Audition de Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour Martinique, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu#

([230]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([231]) Audition de M. Patrick Fabre, président du groupe CréO, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([232]) Audition de M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([233]) Audition de M. Stéphane Hayot directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu#.

([234]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([235]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu#

([236]) Ibid.

([237]) Audition de M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([238]) Ibid.

([239]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([240]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outremer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([241]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([242]) Groupe Bernard Hayot – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([243]) Groupe Parfait – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([244]) SAFO – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([245]) Audition de M.  Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amonts, 25 mai 2023, assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([246]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outremer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([247]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outremer, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([248]) « Nous achetons un peu plus de 50 %, toujours localement, à travers les grossistes et agents locaux. Pourquoi ? Nous n’avons pas la capacité de stocker toutes les références des magasins. Comme je vous l’ai dit, nous parlons de plus de 30 000 références. Nous ne pouvons pas avoir toutes ces références. Notre organisation, toujours pour être les moins chers possible, consiste à fonctionner avec des stocks minimums. » Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([249]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([250]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([251]) Ibid.

([252]) Groupe Parfait – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([253]) Groupe Bernard Hayot – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([254]) Cour de cassation,  Chambre sociale, 21 novembre 2018, 16-27.690 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037676937

([255]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf)  

([256]) Bolonyocte Consulting, État des lieux du marché de la distribution généraliste de détail à dominante alimentaire à La Réunion, étude pour l’OPMR de La Réunion, 5 septembre 2022, https://www.opmr.re/wp-content/uploads/2022/10/Bolonyocte_OPMR_Etude-Etat-du-marche-GSA_Rapport-final_18102022-VFD.pdf 

([257]) Ce chiffre serait en réalité plus proche de 30 % en 2021, selon les informations fournies au rapporteur par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Deets) de La Réunion.

([258]) Bolonyocte Consulting, op.cit.

([259]) Ibid.

([260]) Ibid.

([261]) Ibid.

([262]) Conseil économique, social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, 14 octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([263]) Julien Sartre, « Entretien. Bruno Le Maire : « Je ferai la transparence sur les marges », France-Antilles Guadeloupe, 24 mai 2023, https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/politique/entretien-bruno-le-maire-je-ferai-la-transparence-sur-les-marges-937173.php

([264]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([265]) Audition de M Sébastien Mathouraparsad, maître de conférences en sciences économiques à l’université des Antilles, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu#

([266]) Audition de M Michaël Goujon, chercheur au Centre national de la recherche scientifique, Institut de recherche sur le développement et Centre d’études et de recherches sur le développement international, 16 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223002_compte-rendu#.

([267]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, de M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane et de M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([268]) Audition de M. Philippe Liou, directeur par intérim de l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) et de Mme Florence Bouliou, responsable du département prix à l’ISPF, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([269]) Auditions des OPMR, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu# et https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([270]) Quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978 modifiée, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés http://publications.europa.eu/resource/cellar/6dc43a2e-ff41-4af8-ae50-214c02e54404.0010.03/DOC_1

([271]) Audition de M François Huyghues Despointes, président du directoire du groupe SAFO, 13 avril 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu#

([272]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([273]) Audition de M.  Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amonts, 25 mai 2023, assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([274]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu#

([275]) Audition de M. Xavier Clavel, directeur général de SCGR, gestionnaire du supermarché Agooti, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu.

([276]) Article 22 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre‑mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre‑mer.

([277]) Inspection générale des finances, rapport sur la régulation du prix des carburants et du gaz dans les départements français d’Amérique, par Eric Paridimal, Alain Triolle, Jean-Baptiste Rozières et Valentine Messina, mai 2022 (non publié).

([278]) Audition de M. Olivier Cotta, directeur général de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles-Guyane, 25 mai 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([279]) Audition de M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223014_compte-rendu

([280]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre-mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([281]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([282]) Audition de Mme Laurence Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture de la Martinique, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([283]) Audition de Mme Annick Girardin, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des Outre-mer, ancienne députée, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([284]) Audition de Mme Laurence Mouysset. vice-présidente de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France et de la chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([285]) Audition de M. François Hermet, maître de conférences au Centre d’économie et de management de l’océan Indien (CEMOI) de l’université de La Réunion, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

([286]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([287]) Audition de M. Patrick Plantard, président de section des chambres régionales et territoriales des comptes, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu.

([288]) Ibid.

([289]) Audition de Mme Laurence Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture de la Martinique, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([290]) Audition de M. Patrick Plantard, président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, op.cit.

([291]) Audition de M. Bertrand Huby, président de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, op. cit.

([292]) Audition de M. Jocelyn Cavillot, vice-président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([293]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([294]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([295]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([296]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([297]) Audition de M. Francis Amand , chef de mission de contrôle économique et financier, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu

([298]) Audition de Mme Ericka Bareigts. , maire de Saint-Denis de La Réunion, ancienne ministre des Outre-mer, ancienne députée, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([299]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, op. cit.

([300]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([301]) Code de la concurrence de Polynésie française, disponible en ligne à http://lexpol.cloud.pf/LexpolAfficheTexte.php?texte=581570

([302]) Aurélie Zoude-Le-Berre, article « Compétence », in Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, 1er février 2023, https://www.concurrences.com/fr/dictionnaire/competence-85895

([303]) Audition de Me Nicolas Genty, avocat en droit commercial, de la distribution et de la concurrence, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([304]) Chiffres fournis par le ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en réponse aux questions écrites du rapporteur.

([305]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, paragraphe 38 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([306]) Gaël Lagadec et Catherine Ris, article « Prix (et problématique de la « vie chère » en Outre-mer) », in Dictionnaire juridique des Outre-mer, sous la direction de Mathieu Maisonneuve et Géraldine Giraudeau, LexisNexis, 2021, p. 456.

([307]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer, paragraphes 65 et 66 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([308]) Délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outremer : fractures et opportunités, octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_cohésion.pdf

([309]) Sénat, compte rendu intégral des débats de la séance du 26 septembre 2012, https://www.senat.fr/seances/s201209/s20120926/s20120926004.html

([310]) Ibid.

([311]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2015/2015715DC.htm

([312]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([313]) Audition de Mme Mme Gwenaëlle Nouet, rapporteure générale adjointe de l’Autorité de la concurrence. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

([314]) Audition de M. Benoit Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence, 24 mars 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

([315]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([316]) Conseil constitutionnel, Commentaire de la décision n° 2013‑3 LP du 1er octobre 2013, Loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/20133lp/ccc_3lp.pdf

([317]) Audition de Mme Carine David, professeure à l’université des Antilles – pôle Martinique, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([318]) Matthieu Buchberger, article « Concurrence » in Dictionnaire juridique des Outre-mer, sous la direction de Géraldine Giraudeau et Mathieu Maisonneuve, LexisNexis, 2021, p. 101.

([319]) Conseil constitutionnel, Décision  20133 LP du 1er octobre 2013, Loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/20133LP.htm

([320]) Audition de M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf), 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223016_compte-rendu

([321]) Autorité de la concurrence, avis n° 20-A-11 du 17 novembre 2020 relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2020-11/20a11_.pdf

([322]) Audition de M. Benoit Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence, 24 mars 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223004_compte-rendu

([323]) Un peu plus de 5 millions d’euros.

([324]) Autorité polynésienne de la concurrence, avis n° 2019-A-02 du 19 septembre 2019 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française, paragraphe 404, https://autorite-concurrence.pf/wp-content/uploads/2021/12/AVIS_MECANISMES_IMPORTATIONS_DISTRIBUTION.pdf

([325]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf

([326]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer, op. cit.

([327]) Ibid.

([328]) Réponse de l’Autorité de la concurrence aux questions écrites du rapporteur.

([329]) Assemblée de la Polynésie française, rapport sur le projet de loi du pays portant modification de la partie législative du code de la concurrence, présenté au nom de la commission de l’économie, des finances, du budget et de la fonction publique par Mmes Virginie Bruant et Armelle Merceron, représentantes, rapporteures du projet de loi du pays,2 mars 2018 http://www.assemblee.pf/travaux/downloadTexte/1264986

([330]) À l’article LP. 200-5 du code polynésien de la concurrence, qui prévoyait aussi la possibilité d’un arrêté d’exemption du conseil des ministres, pris après avis de l’Autorité polynésienne de la concurrence.

([331]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([332]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([333]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([334]) Audition de M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([335]) Réponses de l’Autorité de la concurrence aux questions écrites du rapporteur.

([336]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([337]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([338]) Audition de M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux, président du conseil d’administration de l’Institut national du service public, président de l’Association des juristes en droit des Outre-mer, ancien déontologue de l’Assemblée nationale, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([339]) Plusieurs opérations de revitalisation de territoire sont en cours dans les outre-mer, cf. ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Opération de revitalisation de territoire (ORT), 6 avril 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/operation-revitalisation-territoire-ort

([340]) Assemblée nationale, commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire rapport sur le projet de loi de modernisation de l’économie (n° 842), par M. Jean-Paul Charié, 22 mai 2008 https://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r0908.asp

([341]) Ce territoire ne fait certes pas partie du champ d’études de la présente commission d’enquête, mais le rapporteur considère qu’il lui appartient de s’intéresser au droit spécifique de la concurrence qui y est en vigueur, lorsqu’il lui apparaît qu’il peut servir de source d’inspiration aux autres territoires ultramarins.

([342]) Article Lp. 432-1, II, du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.

([343]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([344]) Autorité de la concurrence, décision 20-DCC-072 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2020-06/19-197_version_publique.pdf

([345]) Conseil d’État, 3ème et 8ème chambres réunies, n° 440948, 3 juillet 2023 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-07-03/440948 

([346]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([347]) Bolonyocte Consulting, État des lieux du marché de la distribution généraliste de détail à dominante alimentaire à La Réunion, étude pour l’OPMR de La Réunion, 5 septembre 2022, https://www.opmr.re/wp-content/uploads/2022/10/Bolonyocte_OPMR_Etude-Etat-du-marche-GSA_Rapport-final_18102022-VFD.pdf

([348]) Affaire n° COMP/M. 1684, Carrefour/Promodès, points 45 et 46 : « Dans le secteur de commerce de détail, il existe une interdépendance étroite entre le marché de la distribution et le marché de l’approvisionnement. Ce sont les parts de marché détenues par les sociétés de distribution sur les marchés de la vente qui déterminent le volume de leurs achats, qui sera d’autant plus grand que la part détenue par le détaillant sur le marché de la vente est élevée. Or, plus le volume des achats est important, plus les conditions d’achat accordées à la société de distribution par ses fournisseurs sont, en règle générale, favorables. Cette société pourrait ensuite, toutes choses égales par ailleurs, utiliser ces conditions d’achat favorables de différentes manières afin d’améliorer sa position sur le marché de la distribution (par exemple par une croissance interne ou externe, mais également par la mise en œuvre de stratégies ciblées de réduction des prix, dirigées contre la concurrence). L’amélioration de la position sur le marché de la distribution entraînerait alors à son tour une nouvelle amélioration des conditions d’achat, et ainsi de suite. La spirale qui vient d’être décrite pourrait conduire à une concentration de plus en plus forte tant sur le marché de la distribution que sur le marché de l’approvisionnement. Les consommateurs finals peuvent, certes, bénéficier d’un tel processus, dans la mesure où il peut y avoir une phase de concurrence intensive sur le marché de la distribution pendant laquelle la société de distribution, disposant d’une forte puissance d’achat répercutera sur les consommateurs les avantages obtenus à la vente. Toutefois, cette situation ne durera que jusqu’à ce que se mette en place, sur les marchés de la distribution, une structure entraînant une réduction sensible de l’intensité de la concurrence (c’est-à-dire, dans le cas présent, le risque de la domination du marché par une seule ou plusieurs sociétés). À ce moment-là, le consommateur final n’aurait plus que des possibilités de choix très limitées. » https://ec.europa.eu/competition/mergers/cases/decisions/m1684_6_fr.pdf

([349]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([350]) Autorité de la concurrence, décision n° 19-DCC-180 du 27 septembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société NDIS par la société SAFO https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision-de-controle-des-concentrations/relative-la-prise-de-controle-exclusif-de-la-societe-ndis

([351]) Ibid.

([352]) Ibid.

([353]) Conseil d’État - 3ème et 8ème chambres réunies, 22 juillet 2022, n° 436274, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/appealsd/2022-07/CE_436274.pdf

([354]) SAFO s’est également engagée à céder l’activité de grossiste du groupe racheté.

([355]) Audition de M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([356]) Autorité de la concurrence, décision n° 18-DCC-142 du 23 août 2018 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés SDRO et Robert II par la société Groupe Bernard Hayot, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments/18DCC142versionpublique.pdf

([357]) Rachetée par Carrefour, la société Euromarché a été radiée en 2015 : https://www.societe.com/societe/euromarche-780060414.html

([358]) Autorité de la concurrence, décision n° 15-DCC-170 du 10 décembre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Financière Quick par la société Burger King France, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//15DCC170VersionPublication.pdf

([359]) Autorité de la concurrence, Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020, paragraphe 544, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/Lignes_directrices_concentrations_2020.pdf

([360]) Autorité de la concurrence, décision n° 22-DCC-254 du 22 décembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de l’hypermarché Géant Casino La Batelière et de la société H Immobilier par le groupe Parfait, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2023-01/21-221%20publique-Décision%2022DCC254%20.pdf

([361]) Autorité de la concurrence, Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020, paragraphe 835, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/Lignes_directrices_concentrations_2020.pdf

([362]) Assemblée nationale, commission des affaires économiques, compte rendu n° 29, mercredi 11 janvier 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion-eco/l15cion-eco2122029_compte-rendu

([363]) Par exemple dans un encart accompagnant, sur son site internet, la présentation de sa décision 21-D-23 du 7 octobre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne et de spiritueux à La Réunion (Cattier) : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/distribution-la-reunion-la-societe-cattier-sanctionnee-pour-avoir-mis-en,.

([364]) Réponses aux questions écrites du rapporteur à l’Autorité de la concurrence.

([365]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([366]) Réponse de l’Autorité de la concurrence aux questions écrites du rapporteur.

([367]) Protocole de coopération entre l’Autorité de la concurrence et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, 14 juin 2019.

([368]) Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf), Bilan d’activité 2021  Programme national d’enquête 2022, 11 juillet 2022, https://www.economie.gouv.fr/files/2022-07/ra-Dgccrf-21-digital.pdf?v=1658475775

([369]) Cour des comptes, Référé « Politique de la concurrence – L’action de l’Autorité de la concurrence et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes », 14 mars 2019 https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-06/20190604-refere-S2019-0568-autorite-concurrence-Dgccrf.pdf

([370]) Stéphane Retterer, « L’Autorité polynésienne de la concurrence : Dans l’attente de son plein envol », Concurrences, N° 3-2022, septembre 2022, , pp. 226-233 https://www.concurrences.com/fr/review/numeros/no-3-2022/international/l-autorite-polynesienne-de-la-concurrence-dans-l-attente-de-son-plein-envol

([371]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([372]) Autorité polynésienne de la concurrence, avis n° 2019-A-02 du 19 septembre 2019 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française, point 291.

([373]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, op. cit.

([374]) Audition de Me Nicolas Genty, avocat en droit commercial, de la distribution et de la concurrence, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([375]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([376]) Audition de Mme Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([377]) Audition de M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf), 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223016_compte-rendu

([378]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, 17 mai 2023, op.cit.

([379]) Audition de M. Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la Dgccrf, 11 mai 2023, op.cit.

([380]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([381]) Article L. 462‑5 du code de commerce.

([382]) Réponses de l’Autorité de la concurrence aux questions écrites du rapporteur.

([383]) Article L. 462‑1 du code de commerce.

([384]) Audition de Me Nicolas Genty, avocat en droit commercial, de la distribution et de la concurrence, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([385]) Ibid.

([386]) Ibid.

([387]) Audition de M. Walid Chaiehloudj, professeur des universités, co-responsable du Centre du droit économique et du développement de l’Université de Perpignan, membre non permanent de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle Calédonie, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([388]) Ibid.

([389]) Cour des comptes, Les financements de l’État en outre-mer : une stratégie à concrétiser, un Parlement à mieux informer – Communication à la Commission des finances du Sénat, mars 2022, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-financement-Etat-outre-mer_0.pdf

([390]) Jean-René Cazeneuve et Georges Patient, Soutenir les communes des départements et régions d’outre-mer, pour un accompagnement en responsabilité, rapport de mission parlementaire, décembre 2019, https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2019_12_rapport_-_soutenir_les_communes_des_departements_et_regions_doutre-mer_-_17.12.19.pdf

([391]) Cour des comptes, Les financements de l’État en outre-mer : une stratégie à concrétiser, un Parlement à mieux informer – Communication à la Commission des finances du Sénat, mars 2022, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-financement-Etat-outre-mer_0.pdf

([392]) Jean-René Cazeneuve et Georges Patient, Soutenir les communes des départements et régions d’outre-mer, pour un accompagnement en responsabilité, rapport de mission parlementaire, décembre 2019, https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2019_12_rapport_-_soutenir_les_communes_des_departements_et_regions_doutre-mer_-_17.12.19.pdf

([393]) Inspection générale de l’administration, Les délais de paiement des collectivités locales outre-mer, rapport établi par Philippe Debrosse et Dominique Pannier, 15 octobre 2019 https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/274958.pdf

([394]) Jean-René Cazeneuve et Georges Patient, Soutenir les communes des départements et régions d’outre-mer, pour un accompagnement en responsabilité, rapport de mission parlementaire, décembre 2019, https://www.gouvernement.fr/upload/media/default/0001/01/2019_12_rapport_-_soutenir_les_communes_des_departements_et_regions_doutre-mer_-_17.12.19.pdf

([395]) Article « Octroi de mer » in Dictionnaire juridique des Outre-mer, sous la direction de Mathieu Maisonneuve et Géraldine Giraudeau, LexisNexis, 2001, p. 371.

([396]) Audition de Mme Annick Girardin, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des Outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu 

([397]) Seuil d’assujettissement rétabli à 550 000 euros à compter de 2022, après avoir été abaissé à 300 000 euros par la loi n° 2015-762 du 29 juin 2004.

([398]) Arrêt de la Cour de justice des communautés européennes, 10 octobre 1978, H. Hansen jun. & O. C. Balle GmbH & Co. contre Hauptzollamt de Flensburg. Affaire 148/77. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A61977CJ0148 

([399]) Décision du Conseil constitutionnel, 7 décembre 2018, n°2018-750/751 QPC, Société Long Horn International, https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018750_751QPC.htm 

([400]) Décision (UE) 2021/991 du Conseil du 7 juin 2021 relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises et modifiant la décision no 940/2014/UE https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32021D0991&qid=1624263837162

([401]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([402]) Audition de Mme Annick Girardin, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des Outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu  

([403]) Audition de M.  Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amonts, 25 mai 2023, assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([404]) Audition de M. Benoit Lombrière, délégué général adjoint d’Eurodom. 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

([405]) Réponses de l’Insee aux questions écrites du rapporteur.

([406]) Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/integral_texts/2019-08/19a12.pdf

([407]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([408]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([409]) Audition de M Raymond Vidil, président de Marfret, 13 avril 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223010_compte-rendu

([410]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([411]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([412]) Ibid.

([413]) Réponses de Mme Sophie Brocas, directrice générale des outre-mer, aux questions écrites du rapporteur.

([414]) Audition de M.  Patrick Fabre, président du groupe CréO, M. Raphael Sanchez, directeur général de l’activité retail, et M. Xavier Cabarrus, directeur des activités amonts, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([415]) Audition de Mme Annick Girardin, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ancienne ministre des Outre-mer, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu 

([416]) Audition de Mme Anne-Marie Geourjon, responsable de programmes à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) et M. Bertrand Laporte, membre du Centre d’études et de recherches sur le développement international, 28 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([417]) Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français, rapport d’étude, sous la direction de Anne-Marie Geourjon et Bertrand Laporte, 25 mars 2020, https://ferdi.fr/publications/impact-economique-de-l-octroi-de-mer-dans-les-departements-d-outre-mer-francais

([418]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([419]) Ibid.

([420]) Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français, rapport d’étude, sous la direction de Anne-Marie Geourjon et Bertrand Laporte, 25 mars 2020, https://ferdi.fr/publications/impact-economique-de-l-octroi-de-mer-dans-les-departements-d-outre-mer-francais

([421]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport d’information Les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020, juillet 2020, https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-651-notice.html

([422]) Audition de Mme Anne-Marie Geourjon, responsable de programmes à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) et M. Bertrand Laporte, membre du Centre d’études et de recherches sur le développement international, 28 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu  

([423]) Audition de M. Benoit Lombrière, délégué général adjoint d’Eurodom. 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

([424]) Ibid.  

([425]) Réponses de la direction générale des outre-mer aux questions écrites du rapporteur.

([426]) Décision (UE) 2021/991 du Conseil du 7 juin 2021 relative au régime de l’octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises et modifiant la décision n° 940/2014/UE https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32021D0991

([427]) Commission européenne, Proposition de décision du Conseil relative au régime de l’impôt « octroi de mer » dans les régions ultrapériphériques françaises et modifiant la décision n° 940/2014/UE, mars 2021, https://taxation-customs.ec.europa.eu/system/files/2021-03/proposal_for_a_council_decision_concerning_the_dock_dues_scheme_in_the_french_outermost_regions_and_amending_decision_no_9402014eu_fr.pdf

([428]) CJCE, 19 février 1998, Paul Chevassus-Marche c. conseil régional de La Réunion, C-212/96, Rec., p. I-743 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A61996CJ0212

([429]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([430]) Ibid.

([431]) Ibid.

([432]) Ibid.

([433])Paragraphe 1 de l’article 107 du TFUE : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12008E107 

([434]) Article 349 du TFUE : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A12012E349

([435]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([436]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([437]) Ibid.

([438]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre-mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([439]) Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Martin.

([440]) Ministère des outre-mer, réponses aux questions écrites du rapporteur.

([441]) Audition de Mme Sophie Brocas, préfète, directrice générale des outre-mer, 25 mai 2023,  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223019_compte-rendu

([442]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([443]) Ibid.

([444]) Direction générale des outre-mer, réponses aux questions écrites du rapporteur.

([445]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([446]) La péréquation tarifaire permet aux consommateurs des zones non interconnectées de bénéficier des tarifs réglementés de vente applicables dans la partie continentale de l’Hexagone. Cependant, les coûts de production de l’électricité dans ces zones sont en moyenne presque cinq fois supérieurs à la part énergie de ces tarifs – représentative des coûts de production comptables d’EDF – occasionnant pour les opérateurs historiques, EDF Systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI) et Électricité de Mayotte (EDM), des surcoûts qui font l’objet d’une compensation par l’État et repose sur tous les contribuables, pour un montant annuel de 2,2 milliards d’euros au titre de 2021 pour les zones non interconnectées.

([447]) Cour des comptes, Les Financements de l’État en outre-mer, Une stratégie à concrétiser, un Parlement à mieux informer, mars 2022, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-financement-Etat-outre-mer_0.pdf

([448]) Ibid.

([449]) Ibid.

([450]) Ibid.

([451]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([452]) Cour des comptes, les financements de l’État en outre-mer, Une stratégie à concrétiser, un Parlement à mieux informer, mars 2022, https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-financement-Etat-outre-mer_0.pdf

([453]) Ibid.

([454]) Ibid.

([455]) Audition de Mme George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits, ancienne ministre des Outre-mer, ancienne députée, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([456]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([457]) Audition de M. Patrick Plantard, président de section des chambres régionales et territoriales des comptes, président des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars, 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu 

([458]) Audition de M. Olivier Sudrie, économiste principal au cabinet DME, maître de conférences à l’université de Paris-Saclay, chercheur au Centre d’études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités et de M. Bertrand Savoye, chargé de programmes de recherche au sein du département Diagnostics économiques et politiques publiques de la direction Innovation, stratégie et recherche de l’Agence française de développement, 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu

([459]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, de M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane et de M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([460]) Réponses de l’Insee aux questions écrites du rapporteur.

([461]) Audition de M. François Huyghues Despointes, président du Syndicat des distributeurs et grossistes alimentaires de Martinique (SDGA), président du directoire du groupe Société antillaise frigorifique (SAFO), 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([462]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), M Michel Lapeyre, directeur général de GBH Océan Indien et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour à la Martinique, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([463]) Audition de M. Robert Parfait, président du groupe Parfait, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu# 

([464]) Audition de M. Patrick Fabre, président du groupe CréO, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([465]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([466]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), M Michel Lapeyre, directeur général de GBH Océan Indien et M. Christophe Bermont, directeur des magasins GBH Carrefour à la Martinique, 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([467]) Audition de M. Hervé Mariton, ancien ministre de l’Outre-mer, président de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), et de M. Laurent Renouf, délégué général de la FEDOM, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu

([468]) Audition de M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223014_compte-rendu

([469]) Réponses de l’Insee aux questions écrites du rapporteur.

([470]) Ibid.

([471]) Ibid.

([472]) Ibid.

([473]) Ibid.

([474]) Ibid.

([475]) Ibid.

([476]) Insee, Karine Dufour, Martin Monziols, « En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires », Insee Première, 11 juillet 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7648939

([477]) Audition de Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), de M. Aurélien Daubaire, chef du département des prix à la consommation et des enquêtes ménages, de M. Jean-Baptiste Herbet, directeur interrégional Antilles-Guyane et de M. Loup Wolff, directeur interrégional La Réunion-Mayotte de l’Insee, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu

([478]) Ibid.

([479]) Ibid.

([480]) Ibid.

([481]) Ibid.

([482]) Réponses de l’Insee aux questions écrites du rapporteur.

([483]) Conseil économique social et environnemental, délégation à l’Outre-mer, Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer : fractures et opportunités, octobre 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2020/2020_22_pouvoir_achat_coh%C3%A9sion.pdf

([484]) Réponses de l’Insee aux questions écrites du rapporteur.

([485]) Insee, Niveaux de vie et pauvreté en Guyane en 2017 : la moitié des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté, juillet 2020,  https://www.insee.fr/fr/statistiques/4623886

([486]) Audition de M. Philippe Liou, directeur par intérim de l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) et de Mme Florence Bouliou, responsable du département prix à l’ISPF, 6 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223007_compte-rendu

([487]) Ibid.

([488]) Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’Outre-mer, Journal officiel n° 0289 du 14 décembre 2000 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000387814 

([489]) Décret n° 2007-662 du 2 mai 2007 relatif à la création d'un observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Journal officiel n° 103 du 3 mai 2007 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000649671 

([490]) Décret n° 2010-763 du 6 juillet 2010 relatif au fonctionnement de l'observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000022447790

([491]) Article L. 910-1 A du code du commerce, issu de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000026657458/

([492]) Audition de M. Patrick Plantard, président de section des chambres régionales et territoriales des comptes, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu 

([493]) Ibid.

([494]) Ibid.

([495]) Audition Mme Laurence Mouysset, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu  

([496]) Audition de M. Patrick Plantard, président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, op.cit.

([497]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et de M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([498]) Audition Mme Laurence Mouysset, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon, de M. Guillaume-Armand Grasset, directeur des politiques publiques et de Mme Ludivine Quédinet, cheffe du pôle coordination des politiques publiques au sein de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu  

([499]) Audition de M. Patrick Plantard, président des OPMR de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, op.cit.

([500]) Ibid.

([501]) Ibid.

([502]) Ibid.

([503]) Ibid.

([504]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et de M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu  

([505]) Ibid.

([506]) Audition de Mme Laurence Mouysset, présidente de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de Saint-Pierre-et-Miquelon,, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu  

([507]) Ibid.

([508]) Audition de M. Patrick Plantard, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223006_compte-rendu 

([509]) Ibid.

([510]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([511]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre‑mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([512]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et de M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu  

([513]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer, 7 juin 2023, op.cit.

([514]) Audition de M. Bertrand Huby, premier conseiller de chambre régionale des comptes, président de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion, de M. Jocelyn Cavillot, vice-président, et de M. Pascal Fortin, secrétaire général de l’OPMR de La Réunion, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu  

([515]) Ibid.

([516]) Ibid.

([517]) Audition de M. Francis Amand, chef de mission de contrôle économique et financier, ancien médiateur des relations commerciales agricoles, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu  

([518]) Ibid.

([519]) Ibid.

([520]) Ibid.

([521]) Réponses de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer aux questions écrites du rapporteur.

([522]) Audition de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, 11 mai 2023, op. cit.

([523]) Réponses de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer aux questions écrites du rapporteur.

([524]) Audition de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, 11 mai 2023, op. cit.

([525]) Ibid.

([526]) Ibid.

([527]) Ibid.

([528]) Ibid.

([529]) Ibid.

([530]) Réponses de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer aux questions écrites du rapporteur.

([531]) Audition de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu  

([532]) Ibid.

([533]) Ibid.

([534]) Réponses de M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les outre-mer, aux questions écrites du rapporteur.

([535]) Audition de M. Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer, 11 mai 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223014_compte-rendu

([536]) Audition de Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer,  13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu  

([537]) Audition de M. Benoit Lombrière, délégué général adjoint d’Eurodom. 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223021_compte-rendu

([538]) Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 8 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223024_compte-rendu

([539]) Ibid.

([540]) Ibid.

([541]) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Étude sur les freins et leviers à l’autosuffisance alimentaire : vers de nouveaux modèles agricoles dans les départements et régions d’Outre-mer, 24 mars 2021, https://agritrop.cirad.fr/597946/7/Marzin%20et%20al%202021%20Trajectoire%20autosuffisance%20alimentaire%20des%20DROM%283%29.pdf

([542]) Audition de Mme Claire Cerdan, géographe, chercheuse habilitée à diriger des recherches au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), 24 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223003_compte-rendu 

([543]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([544]) Note communiquée au rapporteur par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de La Réunion.

([545]) Audition de M. Francis Amand , chef de mission de contrôle économique et financier, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu

([546]) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Étude sur les freins et leviers à l’autosuffisance alimentaire : vers de nouveaux modèles agricoles dans les départements et régions d’Outre-mer, 24 mars 2021, https://agritrop.cirad.fr/597946/7/Marzin%20et%20al%202021%20Trajectoire%20autosuffisance%20alimentaire%20des%20DROM%283%29.pdf 

([547]) Posei France, Programme portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union, Règlement (CE) n° 247/2006 du Conseil du 30 janvier 2006 https://www.odeadom.fr/wp-content/uploads/2012/11/Programme_valide_-UE_POSEI_banane.pdf

([548]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223011_compte-rendu

([549]) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), op. cit.

([550]) L'Union des producteurs de bananes de la Martinique, ou « Banamart », regroupe 420 planteurs des deux groupements martiniquais, Gipam et Icabam, représentant près de 90 % des exploitations et du tonnage bananier.

([551]) Audition de M. Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des Outre-mer, 13 avril 2023, op. cit.

([552]) Ibid.

([553]) Ibid.

([554]) Ibid.

([555]) Autorité de la concurrence, avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outre-mer https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//09a45.pdf 

([556]) Ibid.

([557]) Cour des comptes, « La politique de soutien à l’agriculture des départements d’Outre-mer », rapport public annuel 2011, février 2011, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/13_politique_de_soutien_agriculture_departements_outre_mer.pdf

([558]) Ibid.

([559]) Ibid.

([560]) Serge Letchimy, L’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : Contribution à l’application du cadre dérogatoire au service d’un projet global de développement des régions ultrapériphériques, rapport de mission parlementaire, 24 avril 2013, https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/134000312.pdf

([561]) Assemblée nationale, délégation aux Outre-mer, L’autonomie alimentaire des Outre-mer, Marc Le Fur, Estelle Youssouffa, 4 juillet 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/delegations-comites-offices/dom/missions-de-la-delegation/autonomie-alimentaire-outre-mer

([562]) Audition Mme Nancy Wane, mandataire sociale et dirigeante des sociétés commerciales du Groupe Louis Wane, M. Jean-Luc Jaumouille, directeur administratif et financier et Mme Stéphanie Ducerf, responsable du service juridique de Smart (Groupe Louis Wane), 17 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu

([563]) Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, « fiche filière viande bovine », Agreste, août 2021 https://daaf.reunion.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/202100617_Filiere_bovine_cle811591.pdf

([564]) Assemblée nationale, délégation aux Outre-mer, rapport d’information n° 3638 sur le coût de la vie dans les Outre-mer, par M. Lénaïck Adam et Mme Claire Guion-Firmin, 3 décembre 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/om/l15b3638_rapport-information

([565]) Audition de M. Francis Amand , chef de mission de contrôle économique et financier, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, 11 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223017_compte-rendu

([566]) Audition de M. Xavier Clavel, directeur général de SCGR, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([567]) Audition de M. Xavier Clavel, directeur général de SCGR, gérant associé du groupe GXC et M. Emmanuel Caussé, responsable de la communication et de la publicité de SCGR, 25 mai 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223020_compte-rendu

([568]) Préfecture de Martinique, Aide CMA CGM sur le transport des produits de première nécessité, deuxième proposition de mécanisme, note communiquée au rapporteur.

([569]) Réponses de CMA CGM aux questions écrites du rapporteur.

([570]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([571]) Préfecture de Martinique, Aide CMA CGM sur le transport des produits de première nécessité, deuxième proposition de mécanisme, note communiquée au rapporteur.

([572]) Annexe au projet de loi de finances 2022, Plan France Très Haut Débit, https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/13858

([573]) Jean-Marc Aubert, Réformes des modes de financement et de régulation : vers un modèle de paiement combiné – rapport de la Task Force « Réforme du Financement du système de santé », janvier 2019 https://www.vie-publique.fr/rapport/38685-modes-de-financement-et-de-regulation-vers-un-modele-de-paiement-combine

([574]) Sébastien Mathouraparsad, Bernard Decaluwé, « Une analyse comparative des économies des DOM à travers les matrices de comptabilité sociale », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, janvier 2018, https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2018-1-page-61.htm

([575]) Commission européenne, Commission Staff Working Document Evaluation : Impact of the implementation of part IV (Trade Pillar) of the EU-Central America Association Agreement, SWD(2023) 221 final, 20 juin 2023 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/ES/TXT/?uri=SWD:2023:220:FIN

([576]) Réponses du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions écrites du rapporteur.

([577]) Caroline Popovic, « La Martinique est en passe de devenir membre associé de la Caricom », Martinique La Première, 6 juillet 2023 https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/la-martinique-est-en-passe-de-devenir-membre-associe-de-la-caricom-1411982.html

([578]) « Martinique : « Il faut en finir avec cette vieille tradition de la République paternaliste » », Serge Letchimy, Le Monde, 6 juillet 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/martinique-il-faut-en-finir-avec-cette-vieille-tradition-de-la-republique-paternaliste_6180859_3232.html

([579]) Audition de M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), 17 mai 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223018_compte-rendu.pdf

([580]) A.P. Møller-Mærsk – Réponses aux questions écrites du rapporteur.

([581]) Loi n° 60-1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d’application dans les DOM des dispositions de la loi n°59-1572 du 28 décembre 1959 et portant divers aménagements fiscaux dans ces départements.

([582]) Ministère de l’économie et des finances, Annexe au projet de loi de finances pour 2019, évaluation des voies et moyens, https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2019/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2019-archive

([583]) Ibid.

([584]) Article 294 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée n’est provisoirement pas applicable dans les départements de la Guyane et de Mayotte. ».

([585]) Ferdi, Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’Outre-mer français, rapport d’étude de Anne-Marie Geourjon et Bertrand Laporte, 25 mars 2020, https://ferdi.fr/publications/impact-economique-de-l-octroi-de-mer-dans-les-departements-d-Outre-mer-francais

([586]) Sébastien Mathouraparsad, Bernard Decaluwé, « Une analyse comparative des économies des DOM à travers les matrices de comptabilité sociale », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, janvier 2018, https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2018-1-page-61.htm

([587]) Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer, 7 juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223023_compte-rendu

([588]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([589]) Ibid.

([590]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport d’information sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les Outre-mer en 2020, 16 juillet 2020, https://www.senat.fr/rap/r19-651/r19-651_mono.html  

([591]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([592]) Ibid.

([593]) Audition de M. Saïd Ahamada, directeur général de L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom) et de Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de Ladom, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([594]) Ibid.

([595]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([596]) Sénat, délégation aux Outre-mer, rapport n° 488 sur la continuité territoriale Outre-mer, par Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne, 30 mars 2023, https://www.senat.fr/rap/r22-488/r22-488.html

([597]) Ibid.

([598]) Ibid.

([599]) Ibid.

([600]) Ibid.

([601]) Audition de M. Saïd Ahamada, directeur général de L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom) et de Mme Joëlle Le Normand, directrice des missions, du réseau et des partenariats de Ladom, 30 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223005_compte-rendu

([602]) Proposition de loi n° 1159 visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en Outre-mer, déposée le mardi 25 avril 2023, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 juin 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0130_texte-adopte-seance

([603]) Direction générale de l’administration et de la fonction publique, Bilan de l’application de la priorité légale d’affectation prévue pour les fonctionnaires qui justifient du centre de leurs intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les art. 73 & 74 de la Constitution ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, juillet 2021 https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Publications/Publications%20DGAFP/2021/Bilan-de-application-priorite-legale-affectation-fonctionnaires-art73-et-art74.pdf

([604]) Sénat, délégation aux Outre-mer, Le BTP Outre-mer au pied du mur normatif : Faire d’un obstacle un atout rapport d’information n° 601 (2016-2017) par M. Éric Doligé , Mmes Karine Claireaux et Vivette Lopez, 29 juin 2017 https://www.senat.fr/rap/r16-601/r16-601.html

([605]) Réponses écrites de la direction générale des outre-mer aux questions écrites du rapporteur.

([606]) Article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12008E107 

([607]) « La Commission européenne a adopté le 18 décembre 2013 le nouveau règlement « de minimis » qui concerne toutes les catégories d’entreprises, quelle que soit leur taille. Il autorise des aides n’excédant pas le plafond de 200 000 euros par entreprise consolidée sur une période de 3 exercices fiscaux. » https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr 

([608]) L’Appel de Fort-de-France, communiqué de presse, 18 mai 2022 https://regionreunion.com/actualite/toute-l-actualite/article/communique-de-presse-regions-l-appel-de-fort-de-france

([609]) Serge Letchimy, « Martinique :il faut en finir avec cette vieille tradition de la République paternaliste », Le Monde, 6 juillet 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/martinique-il-faut-en-finir-avec-cette-vieille-tradition-de-la-republique-paternaliste_6180859_3232.html

([610]) Audition de Mme Carine David, professeure à l’université des Antilles – pôle Martinique, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([611]) Ibid.

([612]) Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, professeur à l’université de Bretagne-occidentale, ancien ministre, ancien député, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([613]) Ibid.

([614]) Audition de M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux, président du conseil d’administration de l’Institut national du service public, président de l’Association des juristes en droit des Outre-mer, ancien déontologue de l’Assemblée nationale, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([615]) Audition de M. Jean-Jacques Urvoas, professeur à l’université de Bretagne-occidentale, ancien ministre, ancien député, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([616]) Ibid.

([617]) Audition de M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur à l’université de Bordeaux, président du conseil d’administration de l’Institut national du service public, président de l’Association des juristes en droit des Outre-mer, ancien déontologue de l’Assemblée nationale, 1er juin 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223022_compte-rendu

([618]) Ibid.

([619]) Serge Letchimy, « Martinique : « Il faut en finir avec cette vieille tradition de la République paternaliste » », Le Monde, 6 juillet 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/martinique-il-faut-en-finir-avec-cette-vieille-tradition-de-la-republique-paternaliste_6180859_3232.html

([620]) Sénat, commission des finances, Les contrats de redressement outre-mer (COROM) : pour des moyens à la hauteur des enjeux, rapport d’information n° 756 (2022-2023), déposé le 21 juin 2023 https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-756-notice.html

([621]) Inspection générale de l’administration, Les délais de paiement des collectivités locales outre-mer, rapport établi par Philippe Debrosse et Dominique Pannier, 15 octobre 2019 https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/274958.pdf

([622]) Audition de Philippe Pourcel, directeur adjoint de CDC habitat, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([623]) Audition de M. Stéphane Sanz, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion, 13 avril 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cecvom/l16cecvom2223009_compte-rendu#

([624]) Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’outre-mer français, rapport d’étude, sous la direction de Anne-Marie Geourjon et Bertrand Laporte, 25 mars 2020, https://ferdi.fr/publications/impact-economique-de-l-octroi-de-mer-dans-les-departements-d-outre-mer-francais

([625]) Données INSEE de 2022.

([626]) Rapport Agreste Mayotte, septembre 2022.

([627]) Revenus et pauvreté à Mayotte en 2018, Les inégalités de niveau de vie se sont creusées – INSEE.

([628]) Rapport annuel économique 2022, Mayotte – IEDOM.

([629]) Rapport annuel économique 2022, Mayotte – IEDOM.

([630]) IEDOM, rapport annuel économique, Mayotte 2022.

([631]) IEDOM, rapport annuel économique, Mayotte 2022.

([632]) Rapport d’information n°1295, Flux migratoires au Sud de l’Europe et à Mayotte : il est urgent d’agir.

([633]) Données de l’Agence régionale de santé (ARS) Mayotte, rapport d’information n°1295, Flux migratoires au Sud de l’Europe et à Mayotte : il est urgent d’agir.

([634]) Données du rapport d’information n°1502 Les conditions d’une autonomie alimentaire pour les outre-mer.

([635]) Rapport d’information n°1502.

([636]) Rapport d’information n°1502.

([637]) Avis 18-A-09 du 03 octobre 2018 relatif à la situation concurrentielle sur les marchés des matériaux de construction à Mayotte et à La Réunion - Autorité à la concurrence.

([638]) SDTAN, Schéma directeur territorial d’aménagement numérique du département de Mayotte, avril 2021.

([639]) SDTAN, Schéma directeur territorial d’aménagement numérique du département de Mayotte, avril 2021.

([640]) SDTAN, avril 2021

([641]) Rapport d’information n°1295, Flux migratoires au Sud de l’Europe et à Mayotte : il est urgent d’agir.

([642]) Le désenclavement de Mayotte - CESEM juin 2023.