N° 1702

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France,

 

 

 

 

Président

M. Charles RODWELL

 

Rapporteur

M. Alexandre LOUBET

Députés

 

——

 

 

 

TOME I

RAPPORT

 

 

 

 Voir les numéros : 787 rectifié et 1006.

 


La commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France est composée de : M. Charles Rodwell, président ; M. Alexandre Loubet, rapporteur ; M. Karim Benbrahim ; Mme Françoise Buffet (le 10 juillet 2025) ; M. Roger Chudeau (jusqu’au 4 juillet 2025) ; M. Pierre Cordier ; M. Mickaël Cosson ; M. Laurent Croizier ; M. Julien Dive ; M. Emmanuel Fernandes ; M. Charles Fournier ; M. Julien Gokel ; Mme Florence Goulet ; M. Sébastien Huyghe ; M. Tristan Lahais ; Mme Marie Lebec ; M. Robert Le Bourgeois ; M. Aurélien Le Coq ; Mme Sandra Marsaud (jusqu’au 9 juillet 2025 et à compter du 11 juillet 2025) ; Mme Élisa Martin ; M. Denis Masséglia ; M. Emmanuel Maurel ; M. Éric Michoux ; Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback ; M. Pierre Pribetich ; M. Jean-Philippe Tanguy ; M. Matthias Tavel ; M. Michaël Taverne (à compter du 5 juillet 2025) ; M. Thierry Tesson ; M. Vincent Thiébaut ; M. Stéphane Viry ; M. Lionel Vuibert ; M. Frédéric Weber.

 


SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DE M. CHARLES RODWELL, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

Introduction du président

Appréciation générale du président sur les travaux de la commission d’enquête

1. Un intitulé et un champ d’investigation mal définis : le Rassemblement national peine à justifier la pertinence de cette commission d’enquête

2. Les travaux de cette commission d’enquête confirment le succès de la politique économique menée depuis 2017 pour réindustrialiser la France

3. Les propositions formulées par le rapporteur illustrent les incohérences majeures du Rassemblement national en matière de politique économique et industrielle

Les propositions portées par Charles Rodwell, président de la commission d’enquête, et son groupe Ensemble pour la République pour accélérer la réindustrialisation de la France

I. Un choc social et fiscal pour les Français

A. Poursuivre la baisse massive du coût du travail, pour permettre aux entreprises d’embaucher plus et aux Français de mieux gagner leur vie

B. Baisser puis supprimer les impôts de production payés par nos entreprises, en finançant ces baisses par le renforcement des taxes carbone aux frontières nationales et européennes

C. Faciliter la transmission de nos entreprises industrielles, en élargissant massivement le « Pacte Dutreil »

II. Un choc d’investissement pour nos entreprises, notamment pour nos PME

A. Mettre notre commande publique au service de nos PME, en créant un « Small Business Act » à la française

B. Financer massivement le réarmement industriel de la France, en adoptant un régime de retraites par capitalisation

C. Financer massivement le réarmement industriel de la France, en mobilisant la puissance financière de l’Europe

III. Un choc de liberté et de déréglementation pour notre pays

A. Un choc de liberté et de déréglementation à l’échelle nationale

B. Un choc de liberté et de déréglementation à l’échelle européenne

Conclusion du président

Introduction du rapporteur

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR POUR LEVER LES DIX FREINS MAJEURS À LA RÉINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE

REMERCIEMENTS DU RAPPORTEUR

PremiÈre pARTIE :  40 ANS DE DÉSINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE

I. La France, une puissance industrielle dÉsormais affaiblie

A. Quarante annÉes d’effondrement industriel

1. La chute de la production industrielle et du poids de l’industrie dans le PIB

a. Une tendance longue au déclin industriel

b. Une stabilisation fragile de la contribution de l’industrie au produit intérieur brut

2. La disparition de millions d’emplois industriels et la fermeture des sites de production

a. Une perte lente des compétences associées aux emplois industriels

b. Des créations d’usines au point mort après une fragile reprise

c. Une situation inquiétante des PME industrielles

d. Une hausse inquiétante des défaillances d’entreprises depuis 2021, en particulier pour les PME et ETI

3. L’affaiblissement de la balance commerciale depuis le milieu des années 2000

a. Une spécialisation productive en question

b. Un faible nombre d’entreprises exportatrices

c. L’exemple de la filière automobile

d. L’exemple de la filière pharmaceutique

B. Une dÉsindustrialisation franÇaise plus forte que chez nos voisins europÉens

1. Une tendance à la désindustrialisation commune aux pays occidentaux

2. Une désindustrialisation plus prononcée en France

3. L’Europe comme principale destination des délocalisations industrielles de la France

II. Depuis 2017, une relance affichÉe mais un bilan contrastÉ

A. Des politiques ambivalentes …

1. De grandes ambitions affichées et des mesures qui vont dans le bon sens…

a. La baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises visait à améliorer la compétitivité-prix de l’industrie… mais elle a été neutralisée par le coût normatif et administratif croissant

b. La réforme du dispositif d’apprentissage a amélioré l’attractivité des emplois industriels

c. Les dispositifs de soutien public à l’industrie ont été améliorés

d. La structuration des filières depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy a incontestablement renforcé la capacité de l’industrie

e. La réponse publique face aux chocs économiques exceptionnels a permis de protéger l’emploi industriel

2. …mais contredites par d’autres choix politiques

a. La hausse de l’endettement public et les choix budgétaires

b. Les effets contre-productifs des réformes engagées depuis 2017

c. Les effets des réformes du baccalauréat

d. Des politiques énergétiques qui ont gravement affecté la compétitivité-coût de l’industrie française

e. Une inflation normative et administrative qui menace l’industrie française

B. … Qui n’ont pas empÊchÉ le déclin du socle industriel et la perte de fleurons nationaux…

1. Des choix d’investissements qui soutiennent l’innovation mais négligent la base productive des PME et ETI

a. Les PME et ETI forment des chaînes de sous-traitance implantées localement sur lesquelles repose la résilience de l’industrie

b. Les PME et ETI apportent une contribution essentielle à l’emploi industriel

c. Une politique industrielle qui néglige trop souvent les PME et ETI industrielles

d. Des PME laissées seules face à une complexité et une instabilité des normes administratives et fiscales

2. La perte de nombreux fleurons stratégiques, en dépit des priorités affichées

a. Une perte inexorable de fleurons industriels

b. Les choix de délocalisations opérés par certains groupes industriels ont durablement altéré le potentiel industriel français

c. La perte des fleurons industriels français se poursuit

d. « Mère de toutes les industries » (), la chimie française est particulièrement exposée

e. Le secteur automobile symbolise l’échec de la politique industrielle des trente dernières années

C. …ET ont seulement permis une stagnation de la dÉsindustrialisation plutôt qu’un changement de cap

1. Des résultats mitigés

a. Entre 2017 et 2024, la France a connu une baisse objective de la production industrielle et manufacturière

b. L’année 2024 marque une nouvelle accélération de la désindustrialisation

c. Dans un contexte international incertain, l’attractivité de la France pour les investissements industriels semble se réduire

d. La fin prématurée du « printemps de la réindustrialisation »

e. Les effets ambivalents de l’amélioration de l’attractivité

2. Des ambitions affichées peu réalistes

a. Des objectifs incohérents

b. L’objectif affiché n’est pas atteignable

c. L’objectif d’une production industrielle représentant 15 % du produit intérieur brut implique de revoir entièrement la stratégie énergétique française

DeuxiÈme pARTIE : UNE DÉGRADATION INDUSTRIELLE AGGRAVÉE PAR DES CHOIX POLITIQUES

I. Un cadre macroÉconomique europÉen et mondial historiquement dÉfavorable À l’industrie française

A. Une activitÉ industrielle qui pÂtiT des politiques europÉennes

1. Une « politique européenne de la concurrence » centrée sur les consommateurs, plus propice aux délocalisations qu’aux consolidations industrielles

a. Une lutte excessive contre les concentrations nuisant à la création de « champions industriels »

b. Une vision exclusivement concentrée sur le consommateur au détriment du producteur

c. Une concurrence intra-européenne encouragée par l’UE

2. Des marges d’intervention réduites, à tous les niveaux, pour les États

a. Un contrôle accru des aides d’État

b. Une évolution tardive des règles de la commande publique

c. Une faible marge de manœuvre dans la politique budgétaire française

d. Une politique monétaire dans les mains des autorités européennes

3. Une inflation des exigences normatives jusqu’à l’absurde

a. Une dérive normative

b. Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes

4. Des financements bancaires limités du fait des règles prudentielles

B. Une dÉsindustrialisation accÉlÉrÉe par la mondialisation non maÎtrisÉe

1. Une large ouverture à la concurrence mondiale qui a accru les vulnérabilités européennes

a. Un choix idéologique de l’ouverture tous azimuts

b. Un bilan du libre-échange négatif pour l’industrie française

c. La fragilisation du tissu industriel européen

d. Le développement des dépendances envers l’extérieur

e. Une prise de conscience encore timide

2. Une « régulation commerciale » européenne tardive et encore inadaptée : les inquiétudes suscitées par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)

a. Une politique de défense commerciale à appliquer

b. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, un mécanisme à repenser d’urgence

II. Une trÈs rÉcente « nouvelle politique industrielle » europÉenne, sous-dimensionnÉe et qui tarde À se mettre en œuvre

1. Un début de réaction bienvenu

a. Une nouvelle politique industrielle qui réforme plutôt que de changer de vision

b. Des besoins de simplification et de concentration des ressources

2. Mais qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux

a. Des moyens qui restent insuffisants en comparaison de l’effort de nos concurrents

b. Une politique qui refuse de rompre avec ses dogmes

III. Une politique industrielle nationale trop timorÉe

A. Une compÉtitivitÉ-prix qui reste desservie par la fiscalitÉ, le coÛt du travail et l’inflation normative

1. Le frein fiscal

a. Une fiscalité sur l’activité insuffisamment réduite

b. L’enjeu d’une taxation de la transmission d’entreprise qui n’oblige pas à vendre ou à sacrifier l’entreprise

2. Le frein d’un coût du travail déséquilibré

3. Le frein des « surcoûts » normatifs

a. Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse »

b. Le coût de l’instabilité et de la complexité normatives

4. Le frein du prix de l’énergie

B. DEs actions en deÇà des enjeux d’attractivitÉ

1. Le frein de la lourdeur de l’instruction administrative des projets industriels

a. Les tentatives de limitation des procédures

b. Des pistes de réforme à mettre en œuvre sans attendre

2. Le frein du manque d’innovation

a. Le rôle de l’innovation

b. Plusieurs facteurs contribuent au retard européen en matière d’innovation

c. En France, ce retard est aggravé par un niveau insuffisant de dépense en recherche et développement (R&D)

d. La position scientifique et technique française se dégrade

e. Le décrochage dans les technologies d’avenir

f. Si les politiques d’investissement ont tenté de combler cet écart, force est de constater que leur effet demeure limité

g. Les investissements de France 2030 pâtissent d’un ciblage trop large et d’une procédure trop administrée

h. Les aides fiscales à l’innovation sont insuffisantes ou mal calibrées

3. Le frein de l’inadéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences des filières industrielles

a. La réindustrialisation est contrainte par une pénurie généralisée de compétences

b. À moyen terme, ces tensions de recrutement pourraient s’accentuer

c. L’offre de formation est suffisante pour répondre, en théorie, aux besoins de l’industrie

d. Une mobilité des travailleurs relativement faible, renforçant le besoin d’une réindustrialisation par le socle de PME et d’ETI

C. Le manque de volontÉ politique pour renforcer les flux financiers vers l’investissement productif

1. Le frein du financement privé

a. Parmi les secteurs de l’économie marchande, l’industrie se distingue par son volume d’investissement

b. Un système financier français globalement performant, reposant sur le crédit bancaire

c. Pour autant, le volume potentiel de crédit bancaire est sous-exploité

d. L’industrie française recourt au financement désintermédié coté ou non-coté, en complément du crédit bancaire

e. Les investisseurs institutionnels pourraient contribuer davantage à la réindustrialisation

f. L’insuffisance de l’investissement non-coté

g. Les entreprises industrielles peinent à se financer en fonds propres, indispensables aux investissements productifs

2. Le frein du financement public

a. Résultat d’une culture planificatrice autant que des limites du financement privé, le soutien public à l’industrie est un atout

b. Néanmoins, l’ampleur du financement engagé interroge, alors que la progression continue de l’endettement public appelle une rationalisation de la dépense

c. Un dispositif incomplet

IV. Un Tissu industriel fragilisÉ par des choix stratÉgiques nocifs

A. La dÉsindustrialisation a longtemps rÉsultÉ d’un renoncement politique assumÉ

1. Le renoncement politique assumé des politiques d’industrialisation

2. La dégradation de l’image de l’industrie et des métiers afférents

B. La dilution du pouvoir de dÉcision a parachevÉ le dÉmantÈlement de l’État-stratÈge

C. Le refus du patriotisme Économique a trop souvent privÉ nos industries de protection

1. L’incapacité des politiques d’achats publics à favoriser l’industrie française

a. Une commande publique insuffisamment mobilisée

2. L’abandon de certains de nos fleurons stratégiques

a. Une guerre économique généralisée

b. Un contrôle des investissements étrangers en France insuffisamment robuste

c. Des menaces de plus en plus présentes

d. La menace de l’extra-territorialité juridique

e. Une infiltration dans le monde de la recherche

D. L’industrie a ÉtÉ sacrifiÉe sur l’autel de dogmes Écologiques excessifs et punitifs

1. Le frein énergétique

a. Des politiques qui ont longtemps négligé, voire maltraité, notre atout nucléaire

b. La faute de l’abandon de l’extraction propre d’énergie fossile

c. L’abandon de notre avantage historique du prix de l’électricité

2. Le frein des ressources stratégiques

a. Un enjeu essentiel pour la réindustrialisation

b. La consommation mondiale de ressources stratégiques devrait croître de façon importante dans un futur proche

c. L’industrie française se retrouve exposée par la dépendance européenne

d. Une réponse publique encore insuffisante

e. Ces enjeux appellent une réponse publique cohérente, alignée sur les intérêts industriels de la France

3. Le frein des exigences environnementales excessives

a. L’industrie, pilier de la lutte contre le changement climatique

b. Les auditions montrent malheureusement que la législation environnementale oublie parfois de raison garder

4. Le frein foncier

a. L’objectif de zéro artificialisation nette, un nœud coulant pour la réindustrialisation

b. L’enjeu de la mobilisation des friches

TroisiÈme pARTIE : LA FRANCE DOIT LEVER LES FREINS À SA RÉINDUSTRIALISATION

I. La France doit se donner les moyens d’une stratégie nationale de long terme

A. LA FRANCE DOIT DÉTERMINER DES PRIORITÉS FORTES ET DES RESPONSABILITÉS CLAIREMENT DÉFINIES

1. Une nouvelle industrie pour une nouvelle puissance industrielle française

a. Une réponse urgente pour mener à bien la réindustrialisation

b. Les atouts d’une renaissance industrielle

c. Les entreprises innovantes, un enjeu de puissance

d. La réduction de certains déséquilibres commerciaux, un enjeu d’indépendance nationale

e. Organiser la modernisation de l’industrie française

2. Rendre sa place à l’État stratège et améliorer la collaboration avec les acteurs de l’industrie

a. Restaurer le rôle de l’État

b. Soutenir les collectivités territoriales dans une démarche partenariale

c. S’appuyer sur une administration d’État déconcentrée capable de prendre les décisions au niveau local

d. Améliorer la coopération des entreprises en renforçant les filières industrielles

e. Valoriser le travail, mieux associer les salariés et les syndicats

B. La France doit convaincre les Français de participer À la reconquÊte industrielle

1. Améliorer l’image de l’industrie française

a. Une perception persistante et déformée de l’industrie

b. De nouveaux leviers à utiliser

2. Renforcer la formation initiale et continue en faveur de l’industrie

a. Mieux adapter la formation initiale aux besoins industriels

b. Renforcer la formation continue

C. la France doit concilier ouverture de son Économie et sÉcurité Économique

1. Renforcer le soutien à l’export et à l’internationalisation des entreprises

a. Un dispositif de soutien à l’export à renforcer

b. L’attractivité du territoire français pour les investisseurs étrangers à mieux valoriser

2. Protéger les entreprises industrielles françaises

a. Doter la France d’une stratégie de sécurité industrielle

b. Renforcer la protection des données des entreprises

c. Se prémunir de l’espionnage

d. Renforcer la réponse aux utilisations abusives du droit ou lawfare

e. Renforcer le contrôle des investissements étrangers

II. La France doit crÉer les conditions favorables À la rÉindustrialisation

A. Lever les freins À la compÉtitivitÉ-coÛt de nos entreprises

1. Rétablir notre souveraineté énergétique pour bénéficier de notre atout compétitif

a. Consolider nos capacités de production énergétique

b. Retrouver notre atout principal d’un prix de l’électricité attractif et stabilisé

2. Adopter une fiscalité de croissance pour libérer le travail et l’activité

a. Poursuivre le réalignement compétitif en matière de fiscalité de production

b. Permettre une stabilité fiscale par la maîtrise des dépenses publiques

c. Prendre en compte l’impact des normes sur les PME

d. Faciliter la transmission des entreprises pour préserver la détention domestique des entreprises et développer les ETI

e. Encourager l’actionnariat salarié et la participation dans l’industrie française

3. Renouer avec le pragmatisme normatif pour simplifier la vie des entreprises

B. RÉduire les freins aux implantations industrielles

1. Concilier la non-artificialisation des sols avec la réindustrialisation du pays

2. Adapter la protection de la biodiversité aux réalités locales et aux enjeux industriels

3. Mobiliser le potentiel des friches et des plateformes industrielles

4. Renforcer le déploiement et la cohérence des « sites clés en main »

5. Accélérer les procédures

6. Favoriser la réutilisation des déchets industriels

C. Lever les freins financiers À la rÉindustrialisation

1. Mettre la commande publique au service de l’industrie et de l’innovation

a. Structurer la demande publique pour soutenir la stratégie industrielle nationale

b. Conditionner l’usage des fonds européens à un principe de préférence européenne

c. Conditionner l’accès aux marchés publics aux entreprises extra-européennes prenant des engagements utiles à la réindustrialisation

d. Donner la liberté aux acheteurs publics de favoriser notre industrie dans les marchés publics

e. Faire de la commande publique un levier de stimulation de l’innovation

2. Adopter des stratégies d’investissement public soutenant à la fois l’innovation et le tissu productif

a. Mieux cibler les crédits d’impôts et les programmes d’investissements publics dans l’industrie

b. S’inspirer du plan France Relance plutôt que de France 2030

c. Améliorer la compétitivité hors-prix des entreprises

d. Rationaliser et conditionner l’accès aux aides publiques à l’industrie

e. Desserrer l’étau des prêts garantis par l’État pour oxygéner les entreprises concernées

3. Développer de nouvelles solutions de financements en mobilisant les atouts non-mobilisés de notre pays

a. Mobiliser l’épargne et le système de bancassurance pour financer la réindustrialisation

b. Mettre en place un fonds souverain pour mobiliser les atouts français au service de l’industrie

III. L’Europe doit devenir un vrai levier d’opportunitÉs pour notre industrie

A. Garantir le juste-Échange À l’Échelle mondiale par un protectionnisme proportionnÉ aux frontiÈres europÉennes

1. La guerre commerciale en cours doit conduire à mettre fin à la naïveté européenne

2. Pour une vraie politique de protection de l’industrie européenne

3. Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à rééquilibrer

B. Soutenir l’industrie par l’arrÊt de l’inflation normative et par la force du marchÉ europÉen

1. Adapter le corpus réglementaire aux défis industriels

a. Mettre un frein à la production réglementaire

b. Offrir un cadre adapté au développement des technologies d’avenir comme l’intelligence artificielle

2. Mettre la demande communautaire au service de l’industrie européenne

a. Le budget européen est financé par l’argent des Français

b. Équiper les défenses européennes par l’industrie européenne

c. Exiger le même niveau de transparence des entreprises extra-européennes

d. Mettre en place l’Europe des apprentis

3. Conserver en Europe les capitaux européens

C. Favoriser l’Émergence de projets europÉens par l’assouplissement du droit de la concurrence et la dÉfinition d’objectifs communs

1. Améliorer les politiques européennes de soutien à l’industrie

2. Réformer la politique de concurrence européenne

3. Renforcer les coopérations pour assurer la sécurité économique de l’Europe

Liste des propositions du rapporteur

Examen du rapport en commission

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE ET LIENS VERS LES COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Contributions Écrites reÇues

Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution des dÉputÉs membres du groupe Ensemble pour la République

Contribution de Julien Dive et de Pierre Cordier, dÉputÉs membres du groupe Droite Républicaine

sigles et acronymes

 


 

   AVANT-PROPOS DE M. CHARLES RODWELL,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

Introduction du président

« La meilleure façon de réaliser ses rêves est de se réveiller ». Ces mots de Paul Valéry traduisent parfaitement l’exigence qui est attendue de nous, Français et Européens, face aux basculements géopolitiques transatlantiques et mondiaux de notre époque. Le mirage de la « mondialisation heureuse » dans lequel nous avons voulu baigner est bien terminé.

La décennie 2020 doit sonner le réveil des Européens vis-à-vis des réalités du monde dans lequel ils vivent : celles d’un monde en guerre économique, structurée par la confrontation entre deux hyperpuissances, les États-Unis et la Chine. Une confrontation qui, sans réaction urgente et massive de notre part, provoquera la marginalisation définitive de notre continent.

En la matière, nous pouvons saluer le volontarisme politique du Président de la République, dans le combat qu’il mène pour l’indépendance de la France et la puissance de l’Europe.

Car oui, depuis cinq ans, nous avons connu de nombreux basculements politiques et économiques, dont les conséquences sont sans précédent pour les Français. Le choc de la crise sanitaire de la Covid-19 a révélé le danger extrême de nos dépendances industrielles cautionnées depuis des décennies. Le choc de la crise énergétique, provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a nécessité une intervention massive des États européens à travers leurs plans d’urgence, pour un investissement total de 800 milliards d’euros. Le choc de la fermeture de dizaines de marchés stratégiques chinois aux entreprises françaises et européennes, s’inscrit dans la volonté du président Xi Jinping de passer d’une « économie de paix » à une « économie de guerre ». Enfin, le choc de l’Inflation Reduction Act déployé par l’administration Biden et le choc de la politique fiscale et douanière de l’administration Trump, frappent de plein fouet l’industrie européenne. Les sinistres frasques du président Trump ont le mérite d’être parfaitement limpides. Oui, les États-Unis ont définitivement tourné le dos à l’Europe.

Depuis cinq ans, ces basculements économiques doivent constituer des signaux d’alarme vitaux pour les Européens. Pour la France comme pour l’Europe, il est bien minuit moins le quart.

***

C’est dans ce contexte que s’est inscrite cette commission d’enquête parlementaire destinée à « établir les freins à la réindustrialisation de la France » : commission issue du droit de tirage exercé par le groupe Rassemblement national, dont est membre son rapporteur Alexandre Loubet, et que j’ai eu l’honneur de présider au nom de mon groupe Ensemble pour la République.

Pour faire face à ces défis existentiels pour notre pays, mon groupe et moi-même sommes convaincus qu’il est crucial et urgent de refonder les liens qui unissent le pouvoir politique et les pouvoirs économiques en France - incluant les organisations représentatives salariales et patronales. C’est le sens de notre contribution à cette commission d’enquête.

Seul leur alignement complet permettra à notre nation de surmonter les basculements géostratégiques de ce siècle, au service de l’indépendance et de la prospérité du peuple français.

Cet alignement politico-économique, toutes les autres grandes nations de ce monde l’ont bâti, au service de leur prospérité et de leur puissance. C’est le cas de régimes autoritaires, parmi lesquels figurent la pétromonarchie saoudienne – à travers le projet NEOM – et la Chine, dont le pouvoir politique a sciemment organisé, depuis près d’un siècle, la montée en puissance de ses industries lourdes et technologiques et massivement subventionné leurs surcapacités de production, pour partir à la conquête des marchés mondiaux.

Mais bien des démocraties ont, elles aussi, volontairement bâti l’alignement total de leurs pouvoirs politiques, représentant leurs peuples respectifs, et de leurs pouvoirs économiques. L’alliance des géants de la Tech américaine avec Donald Trump fait écho à la place centrale qu’occupe la puissance financière de la City de Londres au cœur des intérêts vitaux de la nation britannique. Le rôle crucial que jouent les industries pharmaceutique, informatique, chimique et automobile dans le « décollage » de la démocratie indienne s’apparente aux intérêts vitaux partagés entre les cœurs battants de la démocratie (Bundestag) et du patronat (Mittelstand) allemands, pour bâtir les fondements de la renaissance de la première puissance économique européenne. C’est bien au service de leurs peuples respectifs, que ces démocraties ont résolument consenti à ce puissant alignement.

Le contraste entre les modèles bâtis par ces puissances et l’extrême défiance qui caractérise les liens qu’entretiennent, en France, les pouvoirs politique et économiques, est aussi saisissant qu’alarmant.

Je ne compte plus le nombre de témoignages recueillis lors de cette commission d’enquête et lors de mes déplacements partout en France, de chefs d’entreprise et de salariés de l’industrie française qui ont le sentiment de se battre « avec une cible dans le dos » ; qui « s’accrochent » pour sauver leurs parts de marchés ou pour en conquérir de nouveaux, tout en étant « matraqués » politiquement, fiscalement, socialement et administrativement chez eux, en France.

Tous – chefs d’entreprise et salariés de l’industrie française – associent cette défiance aux quarante années de désindustrialisation qu’a subies la France entre la fin des années 1970 et la fin des années 2010 – période durant laquelle les crises et les politiques économiques et industrielles portées notamment par des gouvernements socialistes ont fait fondre de moitié la part de l’industrie dans notre PIB, de 20 % à 10 %.

Tous sont unanimes sur le succès de la politique économique menée depuis 2017 sous l’autorité d’Emmanuel Macron, qui a constitué un tournant sans précédent pour mettre fin à ces quarante ans de désindustrialisation. Tous considèrent qu’une remise en cause de cette politique – que le Rassemblement national appelle de ses vœux – serait une erreur majeure et tous appellent au contraire à poursuivre le soutien massif à la production en France et en Europe.

Mais tous appellent, avant toute chose, à une refonte totale de notre paradigme politique et économique, pour faire face aux multiples défis qui bousculent leur quotidien et pour répondre aux basculements géopolitiques et économiques qui frappent la France et l’Europe.

Nous considérons qu’ils ont absolument raison : que leur diagnostic est juste, que leurs intentions sont louables et que leurs préconisations sont fondamentales pour l’avenir de notre pays.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de la présentation d’une série de mesures, notre groupe Ensemble pour la République et moi-même proposons de refonder notre doctrine économique, sur la base d’un objectif : l’alignement complet et total du pouvoir politique et de nos pouvoirs économiques, au service de l’indépendance et de la prospérité du peuple français.

***

En ce sens, cette commission d’enquête a permis d’engager un débat idéologique fondamental entre la politique économique et industrielle que nous voulons porter pour la France dans les années à venir, et celle du Rassemblement national : un débat entre ceux qui veulent continuer de baisser les impôts pour soutenir nos entrepreneurs et réindustrialiser la France, et ceux qui voient dans le matraquage fiscal une solution pérenne pour financer nos déficits ; un débat entre ceux qui voient la coopération européenne comme la seule solution crédible pour résister à l’étau géopolitique et économique dans lequel la Chine et les États-Unis tentent d’enfermer notre continent, et ceux qui la rejettent ; un débat, enfin, entre ceux qui veulent financer la protection des Français et la souveraineté industrielle de notre pays par l’adoption d’un régime de retraite par capitalisation, et ceux qui le refusent par pur dogmatisme.

Cette commission d’enquête a aussi été l’occasion, pour notre groupe parlementaire Ensemble pour la République et un grand nombre de députés du socle commun, d’adresser un message simple au Gouvernement : dans un monde plongé dans l’instabilité politique et économique, la clé de la confiance, c’est la constance.

Nous lui adressons ce message, au nom des 2,7 millions de Français qui ont retrouvé un emploi depuis sept ans et au nom des milliers d’entrepreneurs français et étrangers qui investissent dans notre pays ; ces entrepreneurs que nous avons massivement soutenus pendant la crise sanitaire, qui ont ouvert plus de 450 usines dans toutes nos régions et qui ont permis à la France de devenir et de rester le pays européen le plus attractif depuis cinq ans.

Nous appelons le Gouvernement à sauver la politique de l’offre que nous avons conduite depuis 2017, sous l’autorité du président de la République Emmanuel Macron et du ministre Bruno Le Maire, d’un démantèlement en règle.

Nous l’appelons à continuer de baisser massivement les impôts, en lui proposant des pistes crédibles pour les financer. En sept ans, nous les avons baissés de plus de 50 milliards d’euros. Accepter, désormais, d’augmenter durablement les cotisations, de faire exploser l’impôt sur les sociétés et de suspendre la baisse des impôts de production, constituerait une hérésie économique.

Nous appelons le Gouvernement à poursuivre les réformes structurelles fondamentales pour l’avenir de notre pays, à l’image de celles que nous avons menées depuis sept ans pour sauver notre régime de retraite de la faillite et pour mieux rémunérer le travail des Français. Deux grands combats nous semblent absolument prioritaires : celui de la retraite par capitalisation, à l’échelle de la France ; et celui de l’union des marchés de capitaux, à l’échelle de l’Europe.

Enfin, nous appelons le Gouvernement à mener une politique de déréglementation massive de l’économie, sans considération pour les cris d’orfraie que pousseront quelques sempiternels idéologues, pour libérer les Français et leurs entreprises de l’étouffement économique.

***

Les propositions que je formule, en tant que président de cette commission d’enquête, sont le fruit d’échanges nourris et passionnants organisés avec des centaines d’acteurs privés et publics, lors de nos auditions ou d’échanges plus informels, que je tiens à remercier chaleureusement.

Ces propositions s’inscrivent toutes au cœur de la refonte doctrinale que mon groupe et moi-même appelons de nos vœux : celle d’un alignement complet et total du pouvoir politique et de nos pouvoirs économiques, au service de l’indépendance et de la prospérité du peuple français.

Ces propositions s’inscrivent également, délibérément, dans le contexte contraint auquel nous sommes tous soumis. Ceci, pour une raison simple : elles doivent pouvoir être mises en œuvre le plus rapidement possible par le Gouvernement et par le Parlement, dès la préparation et le vote du prochain budget. Ce contexte, c’est celui de l’éclatement des forces politiques et d’absence de majorité à l’Assemblée nationale ; d’une situation financière extrêmement contrainte, après des décennies de dégradations de nos comptes publics ; et de bouleversements économiques et géopolitiques mondiaux qui frappent directement la France et l’Europe.

C’est dans ce contexte, que je suis très heureux de remettre ces propositions à mes collègues parlementaires et au Gouvernement. Elles poursuivent trois objectifs intrinsèquement complémentaires : un choc social et fiscal pour les Français ; un choc d’investissement pour nos entreprises, notamment pour nos PME ; un choc de liberté et de déréglementation pour notre pays.

Ce sont les trois piliers de la seule politique qui nous permettra de soutenir notre industrie et de rétablir définitivement les comptes publics par la création de richesse.

Fils spirituel autoproclamé de Ronald Reagan, Donald Trump s’apprête à écrire un nouveau chapitre de l’histoire géopolitique et économique mondiale. Son volontarisme agressif pour combattre l’expansion de la puissance chinoise, place la France et l’Europe devant un choix simple et fondamental : produire pour bâtir notre prospérité et notre indépendance, ou tout simplement disparaître.

À tous, je vous souhaite une bonne lecture.


Appréciation générale du président
sur les travaux de la commission d’enquête

Dans le cadre du « droit de tirage » prévu à l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, permettant à chaque groupe politique minoritaire ou d’opposition d’obtenir, une fois au cours de chaque session ordinaire annuelle, la création d’une commission d’enquête, le groupe Rassemblement national a fait le choix de demander la création d’une commission d’enquête « visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France ».

Chargé de rapporter cette demande au nom de mon groupe Ensemble Pour La République devant la commission des Affaires économiques, je n’ai pu que constater, dans mon rapport ([1]), qu’elle respectait les conditions de recevabilité juridique prévues par l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le Règlement de l’Assemblée nationale. À aucun moment, nous n’avons eu à nous prononcer sur l’opportunité du choix du groupe Rassemblement national sur le fond, seul responsable en droit de définir les termes et le champ de la commission d’enquête qui doit, selon l’article 6 de l’ordonnance précitée, « recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’Assemblée ».

1.   Un intitulé et un champ d’investigation mal définis : le Rassemblement national peine à justifier la pertinence de cette commission d’enquête

Bien que la recevabilité juridique de cette commission d’enquête soit difficilement contestable au regard de l’ordonnance précitée, l’intitulé ainsi que le périmètre d’investigation définis par le Rassemblement national dans le cadre de la résolution à l’origine de sa création soulèvent des interrogations quant à la pertinence de cette commission d’enquête tant sur le fond que sur la forme.

Premièrement, l’intitulé choisi par le Rassemblement national pour cette commission d’enquête visant à « établir » les freins à la réindustrialisation de la France a pu susciter l’étonnement légitime de nombreuses personnes auditionnées, mais aussi d’observateurs extérieurs et de députés membres de la commission. En effet, pris au sens littéral, l’emploi du terme « établir » — qui signifie installer, instaurer, mettre en place — laisse penser, de manière paradoxale, que l’objet de cette commission d’enquête serait de proposer et de mettre en place des obstacles à la réindustrialisation de la France. Malgré les profondes divergences que nous entretenons avec le Rassemblement national, notamment en matière de politique économique, il ne peut être raisonnablement envisagé que l’objectif poursuivi par le rapporteur du Rassemblement national à travers la création de commission d’enquête ait été de rechercher et de proposer d’instaurer des freins à la réindustrialisation de la France. Il s’agit donc vraisemblablement d’une maladresse de formulation, qui trouve d’ailleurs un certain écho dans l’orientation des travaux proposée par le rapporteur sur le fond.

Deuxièmement, la nécessité de recourir aux prérogatives spécifiques d’une commission d’enquête parlementaire, dotée de pouvoirs de contrôle et de moyens d’investigation importants, pour « établir les freins à la réindustrialisation de la France » paraît discutable, au regard du champ et des orientations d’investigation définis par le Rassemblement national. Ce choix interroge en particulier car le sujet traité – les freins à la réindustrialisation de la France –  présente un caractère essentiellement prospectif, comme l’a d’ailleurs confirmé le rapporteur qui a souligné à plusieurs reprises sa volonté et celle de son groupe de n’aborder de manière « succincte » les raisons structurelles de la désindustrialisation de la France durant ces quatre dernières décennies. L’article unique de la résolution déposée par le RN précise ainsi que « les travaux de cette commission d’enquête consisteront essentiellement à établir les difficultés – et leurs causes – que rencontrent actuellement les acteurs industriels dans leurs activités existantes, leurs projets de développement et les créations d’entreprise ; ils permettront ensuite d’élaborer des propositions concrètes pour lever les freins à la réindustrialisation de la France. » Compte tenu de l’objet de cette commission et des orientations de travail ainsi définis par le Rassemblement national, ces travaux auraient ainsi pu relever d’une mission d’information ou d’un rapport d’information de la commission des affaires économiques plutôt que d’une commission d’enquête dont les moyens matériels et humains importants ainsi que les prérogatives spécifiques n’apparaissaient pas nécessairement justifiées en l’espèce (droit de citation directe des personnes, pouvoirs de contrôle sur place et sur pièce, poursuites pénales potentielles,…).

Troisièmement, la question de la pertinence, voire de l’utilité, de la création cette commission d’enquête se pose dans la mesure où l’analyse de la désindustrialisation de la France et des enjeux de la réindustrialisation ont déjà fait l’objet de nombreux ouvrages, publications, rapports, missions et commissions d’enquête, que ce soit à l’initiative du Parlement, du gouvernement ou de divers organismes publics et privés. Ce point a d’ailleurs été relevé par de nombreuses personnes auditionnées qui, tout en soulignant l’importance cruciale des enjeux de la réindustrialisation, ont exprimé des réserves quant à l’intérêt et à la portée réelle que pourrait avoir cet énième rapport pour l’action publique. La réindustrialisation s’impose aujourd’hui comme un impératif pour la France, faisant l’objet d’un consensus politique large, à l’exception de certains groupes politiques de gauche et d’extrême gauche, qui continuent de manifester une opposition de principe à l’industrie, souvent fondée sur des considérations purement idéologiques. Pour le résumer simplement, les causes historiques de la désindustrialisation sont déjà connues et largement documentées, les obstacles persistants et les menaces pesant sur l’industrie française sont bien identifiés, et les mesures pour y faire face continuent d’être portées par le gouvernement qui est engagé, depuis 2017, dans une politique volontariste sans précédent en faveur de la réindustrialisation de la France.

Dans ce contexte, l’intérêt récemment affiché par le Rassemblement national pour l’industrie et la réindustrialisation, à travers la création de cette commission d’enquête, apparaît à la fois tardif et opportuniste. Les constats dressés par le rapporteur reprennent pour l’essentiel des analyses déjà établies, sans apporter d’éléments véritablement nouveaux, et traduisent souvent une compréhension erronée de nombreux enjeux économiques et industriels de notre pays. Plus préoccupant encore, une part significative des orientations et recommandations formulées par le rapporteur dans le cadre de cette commission d’enquête entrent en contradiction manifeste avec les programmes électoraux successifs du Rassemblement national, ainsi qu’avec les positions de vote de son groupe parlementaire au cours de ces dernières années, à l’Assemblée nationale et au Parlement européen. Cette incohérence est particulièrement flagrante en ce qui concerne la « politique de l’offre », critiquée et combattue de manière récurrente par Marine Le Pen depuis des années.

À la suite de la réunion constitutive du 5 mars 2025, j’ai eu l’honneur d’être appelé à présider cette commission d’enquête, au nom de mon groupe Ensemble Pour La République. En tant que président, je me suis efforcé de respecter et de faire respecter les règles applicables aux commissions d’enquête et les droits de ses membres, quel que soit leur groupe politique. Dans ce cadre, j’ai notamment tenu à garantir à chacun des membres de la commission d’enquête, à commencer par son rapporteur M. Alexandre Loubet, que puissent être entendus les interlocuteurs de leur choix et qu’ils puissent intervenir librement dans le cadre des auditions. 

Au total, nous avons ainsi tenu 54 auditions, durant 93 heures, avec 147 personnes : ministres, anciens ministres, administrations publiques, dirigeants d’entreprises, fédérations professionnelles, responsables syndicaux, experts et économistes. La commission d’enquête a également reçu de nombreuses sollicitations et contributions spontanées. L’ensemble des personnes et organismes qui n’ont pas pu être entendus faute de temps disponible ont été appelés à faire part de leurs observations et propositions dans une contribution écrite. En tant que président, je tiens à remercier l’ensemble de ces personnes pour leur disponibilité et pour l’intérêt qu’ils ont manifesté pour les travaux de cette commission d’enquête. Malgré les interrogations persistantes sur le bien-fondé de cette commission d’enquête demandée par le Rassemblement national, ces travaux ont permis d’entendre une grande variété d’acteurs, dont les témoignages ont constitué des contributions de grande qualité et des éclairages particulièrement enrichissants.

2.   Les travaux de cette commission d’enquête confirment le succès de la politique économique menée depuis 2017 pour réindustrialiser la France

Les travaux de cette commission d’enquête ont confirmé un constat désormais largement partagé : la politique économique menée depuis 2017 a permis d’engager la réindustrialisation de la France et a constitué, en ce sens, un véritable tournant après plus de trente ans de déclin industriel dans notre pays. 

À ce titre, il convient de rappeler que le décrochage économique et industriel de la France et de l’Europe s’inscrit dans une dynamique structurelle de très long terme :

 Au moment de la signature du traité de Maastricht en 1992, si le PIB de la future zone euro et celui des États-Unis avaient été égaux, il y aurait aujourd’hui 30 points d’écart en faveur du PIB américain.

 Au niveau national, la part l’industrie dans le PIB français s’est effondrée en 40 ans, passant de plus de 20 % en 1980 à environ 10 % en 2016.

La proposition de résolution du Rassemblement national tendant à la création de cette commission d’enquête, déposé par Alexandre Loubet, Marine Le Pen et les députés du Rassemblement national, soulignait d’ailleurs dans son exposé des motifs que les pouvoirs publics ont « pris conscience de la nécessité d’agir » pour enrayer la désindustrialisation en rappelant « l’objectif ambitieux fixé par Emmanuel Macron de relever la part de l’industrie dans le PIB national à 15 % d’ici à 2035 afin de rattraper la moyenne européenne ». La résolution du RN va même jusqu’à reconnaître que les mesures prises ces dernières années vont « dans le bon sens » citant notamment le programme d’investissement France 2030, le sommet Choose France, la baisse de l’impôt sur les sociétés, la baisse progressive des impôts de production, le développement de l’apprentissage, le soutien à la décarbonation et les mesures de simplification adoptées dans le cadre du projet de loi relatif à l’industrie verte. À ce titre, nous ne pouvons que regretter que le RN n’ait pas soutenu cette politique et, plus encore, que ses députés se soient systématiquement opposés par leur vote à la plupart de ces réformes.

Tout au long des auditions de la commission d’enquête, le rapporteur a pourtant lui-même confirmé que ces mesures – qui constituent les piliers de la politique économique menée par Emmanuel Macron depuis 2017 – ont produit des résultats probants pour réindustrialiser notre pays. À cet égard, il convient de souligner que les recommandations du rapporteur ne proposent à aucun moment de revenir sur les acquis de cette politique, à une exception près : le pilier environnemental et écologique de cette politique. En tant que président de cette commission d’enquête, je ne peux que regretter, sincèrement et ouvertement, cette complète remise en cause de notre politique en matière de transition énergétique, de décarbonation de l’industrie et de protectionnisme environnemental de nos entreprises et de nos marchés, qui s’inscrivent pourtant dans une absolue complémentarité avec la réindustrialisation de notre pays. Ce choix du Rassemblement national constitue, selon moi, une hérésie économique et écologique.

La politique de l’offre que nous avons conduite depuis 2017 – saluée par une quasi-unanimité des personnes auditionnées – s’est traduite par des réformes cruciales de l’économie française, fondées sur trois piliers principaux : une baisse massive des impôts pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises et mieux rémunérer le travail, des réformes structurelles d’ampleur pour libéraliser le marché du travail et simplifier la vie des entreprises, un investissement massif et assumé dans l’appareil productif français.

  1.    Une baisse massive et sans précédent des impôts pour renforcer la compétitivité des entreprises et mieux rémunérer le travail.

Si la France conserve l’un des taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés de l’Union européenne, la plupart des acteurs auditionnés reconnaissent l’ampleur des réformes de la fiscalité française menées depuis 2017, qui ont permis une baisse massive des impôts de 52 milliards d’euros par an en huit ans. Cette baisse de la pression fiscale est par ailleurs répartie de manière équilibrée entre les ménages (26 milliards d’euros) et les entreprises (26 milliards).

Ces réformes comprennent notamment :

       La baisse de l’impôt sur les sociétés, passé de 33% en 2017 à 25% en 2022, complétée par une baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros par an depuis 2021, pour soutenir la compétitivité des entreprises françaises, notamment dans le secteur industriel.

       La baisse sans précédent du coût du travail grâce à une réduction massive des cotisations sociales, équivalant à un gain de 20 milliards d’euros par an pour les entreprises et de 5 à 6 milliards d’euros pour les salariés notamment grâce à la suppression des cotisations maladie et chômage. En complément, les heures supplémentaires ont été exonérées d’impôt sur le revenu (7 500 € par an et par salarié) pour mieux rémunérer le travail.

       Le crédit d’impôt recherche (CIR), créé en 1983, amplifié en 2018, a été pérennisé chaque année pour un montant moyen de 7,5 Mds€ par an pour l’État. Il constitue aujourd’hui l’un des dispositifs fiscaux les plus attractifs des pays de l’OCDE en matière de R&D.

       Le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), adopté dans le cadre de la loi industrie verte d’octobre 2023, constitue aujourd’hui l’une des mesures les plus incitatives en Europe pour le soutien au financement et au développement des industries vertes (batteries électriques, panneaux solaires, éolien, pompes à chaleur).

       L’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital (hors immobilier et produits d’épargne réglementée) a permis à la fois de simplifier (taux unique sans prise en compte de la tranche d’imposition) et d’alléger la fiscalité de l’épargne.

À ceux qui pourraient remettre en cause le bien-fondé de ces mesures, sur la base d’un raisonnement de court terme fondé sur un manque à gagner pour nos comptes publics lié à la baisse de nos taux de fiscalité, nous leur répondons une chose simple : la sur-fiscalisation de nos entreprises, notamment industrielles, pendant trente ans, a absolument et totalement échoué. La part de l’industrie dans le PIB français a chuté de dix points en trente ans, entraînant l’explosion de nos déficits public et commercial.

À l’inverse, la politique de l’offre menée depuis près de dix ans, notamment à l’initiative du président Emmanuel Macron et de son ministre Bruno Le Maire, a permis la création de 2,7 millions d’emplois en France. Ces 2,7 millions d’emplois ont rapporté près de 40 milliards d’euros aux comptes publics, notamment grâce à la chute du versement des allocations chômage et à la hausse mécanique du versement des cotisations salariales et patronales. La chute record de 8 points du taux d’imposition sur les sociétés a permis la création de dizaines de milliers d’entreprises et d’emplois en France qui, à leur tour, ont engendré… une hausse sans précédent du rendement de notre fiscalité sur les sociétés.

  1.    Des réformes structurelles d’ampleur pour libéraliser le marché du travail et simplifier la vie des entreprises

Dans la lignée de la loi Travail du 8 août 2016, les réformes engagées depuis 2017 ont transformé en profondeur le droit du travail français, en apportant plus de flexibilité et de sécurisation aux entreprises, conjointement à une amélioration des conditions de travail et de formation des salariés. Ces réformes ont joué un rôle clé dans le redressement de l’image d’attractivité de la France et leur importance a été soulignée par la très grande majorité des acteurs économiques auditionnés. Elles ont permis aux entreprises françaises de créer plus de 2,7 millions d’emplois en France depuis 2017.

On peut notamment citer les réformes suivantes :

       Les ordonnances Travail du 22 septembre 2017, dites « ordonnances Macron » : instauration d’un barème d’indemnités en cas de licenciement abusif, réduction à un an du délai de contestation du licenciement, création d’une instance unique de dialogue social, primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, mise en place de la Rupture conventionnelle collective (RCC). Entre 2010 et 2020, -55,6% de saisines prud’homales ont ainsi notamment été constatées.

       La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 a notamment permis de réformer en profondeur le système d’apprentissage en le rendant plus attractif pour les jeunes et plus simple pour les entreprises, avec un succès immédiat et continu depuis 2018 : le nombre d’apprentis en France est passé de 321 000 en 2018 à 732 000 en 2021 (+128%), 987 800 en 2023, pour atteindre plus d’un million d’apprentis au 31 décembre 2024.

       La loi d’urgence relative au fonctionnement du marché du travail du 21 décembre 2022 a également introduit plusieurs mesures visant à répondre aux importantes pénuries de main-d’œuvre que connaissent plusieurs secteurs, notamment en modulant la durée maximale d’indemnisation du chômage en fonction du niveau du taux de chômage.

       La loi pour le plein emploi, du 18 décembre 2023, a acté la transformation de l’opérateur Pôle Emploi devenu France Travail, dont les missions sont renforcées dans un double objectif de renforcer l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi et d’améliorer l’accompagnement des entreprises dans leur processus de recrutement. En ce sens, la loi instaure notamment un contrat d’engagement comportant une obligation d’au moins 15 heures d’activité par semaine pour les demandeurs d’emploi nécessitant un accompagnement ou les allocataires du RSA.

Cette politique assumée d’incitation au retour et au maintien dans l’emploi (modulation de la durée et du montant des indemnités d’assurance chômage, contrat d’engagement, …) s’est également concrétisée avec la réforme des retraites adoptée en avril 2023 ([2]), à l’initiative du Gouvernement et de la majorité présidentielle, qui prévoit notamment l’allongement de la durée de cotisation et le passage de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour la majorité des salariés français. Là encore, le RN s’est frontalement opposé à cette réforme et continue de s’y opposer alors que celle-ci est une composante essentielle de la politique de l’offre que nous portons pour augmenter la quantité de travail et de richesse produite dans notre pays. 

En parallèle, le Gouvernement a mené depuis 2017 une politique massive de simplification administrative pour alléger la charge et les contraintes pesant sur les entreprises françaises. Parmi les nombreuses réformes menées, on peut notamment citer :

       La loi ESSOC du 10 août 2018 (pour un État au service d’une société de confiance) : instauration d’un droit à l’erreur et abaissement des pénalités de retard, assouplissement du contrôle du travail, principe du « dites-le nous une fois » avec l’instauration d’un dispositif unique d’accès à 1 400 services « France Connect », dématérialisation de plus de 250 démarches administratives.

       La Loi ÉLAN du 23 novembre 2018 (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : simplification des normes, lutte contre les recours abusifs en matière d’urbanisme, accélération des délais de jugement dans le domaine de l’urbanisme.

       La Loi PACTE du 11 avril 2019 (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) : création d’une plateforme en ligne pour les formalités des entreprises, exonération de cotisations retraite pour les impatriés, simplification des introductions en bourse, fléchage de l’épargne vers le financement d’investissements productifs et création du plan d’épargne retraite (PER).

       La loi ASAP du 7 décembre 2020 (accélération et simplification de l’action publique) : accélération et sécurisation des implantations industrielles au regard des réglementations sur l’environnement ou les sites classés (absence de modification rétroactive sur le gros œuvre en cours d’examen de l’autorisation environnementale ; application des réglementations à droit constant au démarrage du projet, dans les mêmes conditions que pour les installations existantes) ; possible recours à la consultation électronique du public plutôt qu’à une enquête publique lorsque le projet d’implantation ne nécessite pas d’évaluation environnementale.

       La loi ENR du 10 mars 2021 (accélération de la production d’énergies renouvelables) : réduction des délais d’instruction des projets d’énergie renouvelable (trois mois en « zone d’accélération ») ; création d’un référent-facilitateur à l’instruction des projets, nommé par le représentant de l’État dans le département, institution d’un médiateur des énergies renouvelables ; encadrement des contentieux des autorisations environnementales (possibilité pour le juge de permettre la régularisation au lieu d’une annulation totale; fonds de garantie pour compenser les pertes en cas d’annulation).

       La loi relative à l’industrie verte du 23 octobre 2023 : mise à disposition de 50 sites labellisés « France 2030 », accélération de la dépollution des friches industrielles ; réduction des délais d’implantations industrielles (objectif de réduction par 2 de 17 à 9 mois) ; création d’une procédure exceptionnelle simplifiée pour les projets d’intérêt national majeur (PINM) ; facilitation du recyclage des déchets industriels, sanctions en cas de recours abusifs contre les projets industriels; meilleure prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique.

       Le projet de loi « Simplification de la vie économique », actuellement examiné au Parlement, permettra notamment de supprimer des dizaines de démarches administratives applicables aux entreprises, en particulier aux plus petites d’entre elles (TPE-PME, indépendants, artisans, commerçants) et d’accélérer le déploiement des projets économiques les plus structurants tels que les centres de données. Face aux nombreuses régressions écologiques et absurdités introduites par le RN et LFI lors de l’examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, nous soutenons pleinement un rétablissement de ce texte dans sa version initiale présentée par le Gouvernement et enrichie par la suite par le Sénat.

  1.    Un investissement massif et assumé dans l’appareil productif français

Sous l’impulsion du Président de la République Emmanuel Macron, le Gouvernement s’est résolument engagé à mener une politique de soutien massif à l’offre, fondée sur un principe clé : l’effet de levier que l’investissement public peut exercer pour stimuler l’investissement privé. En cela, cette politique s’inscrit d’ailleurs dans la lignée de celles des prédécesseurs d’Emmanuel Macron (lancement des plans d’investissement d’avenir en 2010, sous le mandat de Nicolas Sarkozy ; création de BPIFrance en 2012, sous le mandat de François Hollande).

Cette politique d’investissement, résolument tournée depuis 2017 vers un soutien massif à l’offre productive française et à son financement, comprend notamment :

       Le plan France Relance de près de 100 milliards d’euros, mis en œuvre à la sortie de la crise du Covid-19. Le plan de sauvetage de l’économie française pendant la crise et le plan France Relance qui l’a suivi ont permis à la France de mieux y résister que ses voisins, notamment sur le front de l’emploi. Cette résilience de l’économie française est largement reconnue par les personnes entendues lors de la commission d’enquête, qui soulignent notamment la capacité qu’ont eue les entreprises françaises de préserver les emplois et d’afficher des taux d’investissement supérieurs à ceux de leurs homologues européens tout au long de la crise.

       Le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros, permet de financer des investissements massifs dans la décarbonation et les technologies d’avenir, en ciblant 10 secteurs prioritaires (IA, quantique, hydrogène, nucléaire, semi-conducteurs, batteries, …) et avec une priorité donnée à l’appui à des acteurs émergents. Lancé en 2021, le Plan France 2030 a d’ores et déjà permis le déploiement de près de 40 milliards d’euros d’investissement pour soutenir plus de 7500 projets appelés à créer 155 000 emplois en France. Il s’est également traduit par le dépôt de plus de 6000 brevets par les entreprises accompagnées.

       La mobilisation et une meilleure orientation des capitaux privés de l’économie française, notamment par la création du plan d’épargne retraite (PER) dans la Loi PACTE et par le lancement de l’initiative Tibi.

       La loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France adoptée en juin 2024, permet de soutenir la croissance des petites, moyennes et grandes entreprises françaises en mobilisant davantage de capitaux d’investisseurs, français, européens et internationaux. Elle vise également à conforter la position de la place de Paris en tant que premier centre financier en Europe.

       C’est également dans cet esprit qu’au niveau européen, le Président de la République et son Gouvernement se sont pleinement mobilisés pour l’adoption en décembre 2020 du plan de relance et d’investissement européen (NextGenerationEU) doté de plus de 800 milliards d’euros, pour la création et le déploiement des alliances industrielles européennes (PIIEC) et pour le lancement de fonds européens de scale-up.

Cette politique engagée depuis 2017 par le Président de la République et le Gouvernement pour relancer l’économie et réindustrialiser la France porte ses fruits, comme en attestent plusieurs indicateurs clés :

       La France est sortie du chômage de masse : fin 2024, le taux de chômage était de 7,3 %, proche de son plus niveau le plus bas de ces quarante dernières années (7,1% en 1982).

       Entre 2017 et 2024, la France a connu un niveau de création d’emplois rarement observé : en 2017, l’emploi salarié dans l’industrie a cessé de reculer pour la première fois depuis 17 ans. Cette dynamique s’est ensuite accélérée : plus de 2,7 millions d’emplois ont été créés en France depuis 2017, dont plus de 150 000 emplois industriels ([3]).

       Pour la première fois depuis des décennies, la France ouvre plus d’usines qu’elle n’en ferme : sur la période 2007-2016, Trendeo dénombrait ainsi 700 fermetures d’usines nettes des annonces d’ouvertures, alors que 316 annonces d’ouvertures d’usines nettes des fermetures ont été comptabilisées sur la période de 2017 à 2023. Depuis 2022, le baromètre industriel de l’État recense 450 ouvertures nettes d’usines supplémentaires en France.

       Pour la sixième année consécutive en 2024, la France est le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements directs étrangers. La France maintient en particulier sa position de première destination européenne pour les projets industriels (415 projets en 2024) et son premier rang pour les projets de Recherche et de Développement (104), position acquise en 2018. En 2024, la France a ainsi attiré plus d’un quart des projets manufacturiers étrangers en Europe ([4]). Depuis la création du sommet Choose France en 2018, à l’initiative d’Emmanuel Macron, ce sont plus de 87 milliards d’euros d’investissements qui ont été annoncés par des investisseurs internationaux, générant la création de 163 000 emplois directs ou indirects en France.

***

Dans la lignée de ces succès sans précédent, deux visions s’affrontent. Celle du Rassemblement national, incarnée par la voix de son rapporteur, qui a appelé à « vaincre » la politique de l’offre lors de la préparation du budget de la France pour l’année 2025. Et la vision que nous portons avec Gabriel Attal et notre groupe Ensemble Pour La République, pour poursuivre et renforcer la politique de l’offre déployée par le Président de la République Emmanuel Macron, depuis 2017 au service de l’indépendance industrielle de la France et de l’Europe.

3.   Les propositions formulées par le rapporteur illustrent les incohérences majeures du Rassemblement national en matière de politique économique et industrielle

Parmi les 130 propositions présentées par le rapporteur Alexandre Loubet, un très grand nombre d’entre elles ont suscité notre vive interrogation, par le danger que ces propositions représentent pour l’industrie française et la lutte contre le changement climatique, par leur extrême démagogie, ou bien par leur opposition totale avec la politique économique du Rassemblement national dont la présidente a appelé publiquement - rappelons-le - à « abattre » la politique de l’offre d’Emmanuel Macron.

En ce sens, les propositions du rapporteur appellent à trois séries de remarques de notre part.

Premièrement, nous considérons que de nombreuses propositions du rapporteur seraient non seulement inapplicables, mais surtout particulièrement préjudiciables pour notre industrie si elles venaient à être mises en œuvre.

Les propositions du rapporteur concernant l’environnement en sont une illustration criante. Dans la droite ligne du projet anti-écologique du RN, le rapporteur Alexandre Loubet propose notamment « d’arrêter » tout financement public aux énergies renouvelables (solaire et éolien) et de démanteler notre réglementation extra-financière et environnementale, en refusant d’appliquer de manière unilatérale les directives européennes sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D).

L’abandon de tout soutien public aux énergies éolienne et solaire, tel que proposé par le rapporteur du Rassemblement national, mettrait gravement en péril notre mix énergétique, fondé sur la complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables. Cette décision mettrait ainsi à mal l’indépendance énergétique de la France en accentuant notre dépendance à l’importation d’hydrocarbures venus du Moyen-Orient, de la Russie et des États-Unis. Ce moratoire sur le financement des énergies renouvelables menacerait également directement les 150 000 emplois directs et indirects que compte aujourd’hui la filière industrielle des énergies renouvelables en France, dont 30 000 dans l’éolien et 50 000 dans le solaire.

Quant à la non-application de notre réglementation extra-financière et environnementale, que le rapporteur propose d’imposer brutalement et sans concertation aucune, celle-ci reviendrait à anéantir du jour au lendemain les efforts de milliers d’entreprises françaises – les plus vertueuses du monde en matière de décarbonation – et ainsi à les priver d’un avantage compétitif majeur. Nous considérons en effet que nos réglementations extra-financières, que nous voulons simplifier massivement, constituent le meilleur moyen pour l’Europe de retrouver son indépendance en matière réglementaire et comptable. Elles comptent parmi les instruments les plus puissants dont dispose l’Europe pour restreindre l’accès à son marché commun aux entreprises étrangères pratiquent un dumping social, environnemental et fiscal. En désaccord total avec la proposition du rapporteur du RN, qui constitue une hérésie tant économique qu’écologique, nous proposons donc une refonte totale de nos réglementations extra-financières et environnementales (CSRD, CS3D), sur la base notamment du paquet Omnibus en cours de déploiement, pour en faire de véritables instruments de protection et de compétitivité de nos entreprises.

Plus largement, nous constatons avec une extrême inquiétude qu’absolument toutes les propositions présentées par le rapporteur en lien avec la politique environnementale de la France et de l’Europe appellent – unanimement ! – à une remise en cause sans précédent de tous nos efforts de lutte contre le changement climatique, de protection de l’environnement et de décarbonation de notre économie. Un tel recul constitue pour nous une complète hérésie, tant d’un point de vue écologique qu’économique.

Dans un autre registre, le rapporteur propose de généraliser l’étalement des échéances de remboursement des Prêts garantis par l’État (PGE) jusqu’à dix ans et de faciliter leur conversion en fonds propres, sans définir précisément le champ des entreprises ou des prêts concernés. Dans le contexte budgétaire particulièrement critique de notre pays, une telle mesure ferait peser un risque financier majeur pour nos finances publiques. Elle constituerait par ailleurs une profonde injustice pour les entreprises n’ayant pas bénéficié de PGE ou ayant déjà remboursé leur prêt. Enfin, cette proposition mal calibrée transformerait profondément la nature et les conditions de ces prêts, initialement conçus comme exceptionnels et temporaires, remettant ainsi en cause le fonctionnement même du dispositif des PGE. Cette mesure conduirait également à fragiliser le bilan des banques concernées et la crédibilité de l’État en tant que garant. Dans une logique plus responsable et plus réaliste, nous considérons que les difficultés de remboursement des PGE doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas, en lien avec les services compétents de l’État, notamment le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) et ses déclinaisons locales.

Enfin, parmi les nombreux exemples de recommandations formulées par le rapporteur que nous considérons comme néfastes pour l’industrie française, celui-ci reprend une proposition emblématique de la gauche : le renforcement de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises. Cette mesure rejoint les propositions portées de longue date par les groupes de gauche à l’Assemblée nationale, et plus récemment par le sénateur communiste Fabien Gay dans le cadre de la commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises. Pourtant, l’expérience récente montre, notamment durant le quinquennat de François Hollande, que les contreparties imposées aux entreprises en matière d’emplois, d’investissements ou de salaires sont particulièrement complexes à mettre en œuvre, souvent contre-productives et difficiles à évaluer. Elles sont également une source de lourdeur administrative et de surcoûts pour les entreprises et pour l’État, ce qui est paradoxal pour le rapporteur qui prétend par ailleurs vouloir « lever les contraintes normatives qui pénalisent l’implantation industrielle ».

Le rapporteur propose par ailleurs d’instaurer un « gel des charges patronales » sur les salaires, dans la limite de trois smic, « en contrepartie d’une hausse des salaires » qui pourrait, selon lui, aller jusqu’à 10 %. Il nous semble bien peu réaliste et dangereux de conditionner la baisse des charges sociales pesant sur les entreprises à une hausse de salaires qui serait imposée par l’État. Loin de cette logique socialiste du Rassemblement national, nous faisons un choix clair : faire confiance à nos entreprises et à nos chefs d’entreprise pour réindustrialiser notre pays, plutôt que leur imposer davantage de normes et de contrôles administratifs. En ce sens, nous proposons notamment de transformer une partie significative des subventions publiques aux entreprises en avances remboursables. Cette approche plus responsabilisante permettra également de dégager des marges budgétaires pour réduire les cotisations sociales qui pèsent sur nos entreprises et leurs salariés. Nous proposons d’appliquer cette baisse de charges de 20 milliards d’euros de manière uniforme sur l’ensemble de la grille de salaire - contrairement au RN qui la limite à trois fois le SMIC - afin de réduire également le coût du travail qualifié, qui joue un rôle clé pour l’industrie. En proposant de limiter les exonérations de charges patronales à un plafond de salaire, nous constatons que le rapporteur n’a malheureusement pas tiré les enseignements de la réduction des cotisations patronales, dite « réduction Fillon », dont les effets de seuil comme les effets terribles de « trappes à bas salaire » sont aujourd’hui largement documentés.

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Deuxièmement, une part significative des propositions formulées par le rapporteur entre en contradiction directe avec les programmes électoraux successifs du Rassemblement national et avec les positions de vote de son groupe parlementaire, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen. Cet opportunisme de situation suscite de fortes interrogations de notre part, que nous nous permettons donc de relayer.

Sur l’Europe d’abord, les propositions du rapporteur révèlent les criantes contradictions du projet idéologique porté par le RN. Le rapporteur souhaite par exemple favoriser « l’émergence de champions européens par l’amélioration du dispositif des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) ». Nous pourrions nous féliciter de cette prise de conscience tardive du Rassemblement national quant à l’intérêt de la coopération industrielle européenne. Malheureusement, le RN s’est systématiquement opposé aux initiatives portées dès 2018 par le Président de la République Emmanuel Macron pour déployer les PIIEC. En rejetant toute contribution de la France au budget de l’UE, les députés du RN ont par ailleurs voté de fait contre le financement de ces projets industriels à l’Assemblée nationale comme au Parlement européen. Rappelons à ce titre que le groupe RN a déposé et fait voter un amendement visant à supprimer la contribution financière de la France au budget de l’Union européenne (– 5 milliards d’euros) lors du dernier débat budgétaire à l’Assemblée nationale en octobre 2024 (PLF 2025). Faut-il également rappeler que les députés du RN ont tous voté contre le plan de relance et d’investissement européen adopté fin 2020 en réponse à la crise sanitaire ? Ce plan historique doté de 800 milliards d’euros a pourtant permis de financer, grâce à des emprunts communs à des taux préférentiels, des centaines de dispositifs de soutien à nos industries en France et dans de nombreux pays européens. Il nous semble donc utile de rappeler au rapporteur qu’il n’y a pas de PIIEC possible et pas d’alliance industrielle possible sans financement commun à l’échelle européenne. Ces propositions font ainsi preuve d’une incompatibilité fondamentale avec le projet du RN, réaffirmé récemment par Marine Le Pen, de « stopper tout financement pour l’Europe ». Nous appelons donc le rapporteur à clarifier sa position et celle de son parti sur cet enjeu crucial du financement de l’indépendance industrielle de la France et de l’Europe.

Nous sommes par ailleurs surpris de constater que le rapporteur reprend l’une des propositions que nous avons formulées dès les premières auditions et qui figure parmi les propositions clés de notre avant-propos (cf. Baisser puis supprimer les impôts de production payés par nos entreprises, en finançant ces baisses par le renforcement des taxes carbone aux frontières nationales et européennes ci-dessous) : le renforcement de nos taxes carbone aux frontières (notamment via le MACF) pour financer la baisse des impôts pour nos entreprises. Si nous pouvons nous réjouir d’avoir ainsi inspiré le rapporteur, nous soulignons une fois de la contradiction majeure du RN qui n’a jamais soutenu le MACF ni aucun mécanisme de tarification commune du carbone au Parlement européen.  Il convient également de rappeler que les alliés du RN Viktor Orbán en Hongrie et Giorgia Meloni en Italie et leurs députés européens se sont systématiquement opposés à ces taxes européennes, tout comme ils se sont opposés à la taxation des géants du numérique portée par la France, ce qui a permis à Donald Trump de la remettre en cause à l’échelle mondiale. En s’alignant ainsi sur les intérêts des États-Unis pour fracturer l’unité européenne, le RN et ses alliés pseudo-souverainistes sont les premiers à sacrifier la souveraineté de l’Europe et des pays européens.

Les incohérences les plus flagrantes du rapporteur concernent la politique de l’offre, qui constitue la clé de voûte de l’immense succès de la politique économique conduite par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire pour sauver l’industrie française après quarante ans de désindustrialisation. Depuis 2017, le Rassemblement national n’a eu de cesse de s’opposer à la politique économique portée par le Président de la République, fondée sur le soutien à l’offre productive, que Marine Le Pen appelait encore récemment à « abattre » lors du débat budgétaire de l’automne 2024 - une déclaration qui fait écho à celles des députés Sébastien Chenu ou Laure Lavalette, qui ont chacun appelé à « vaincre la politique de l’offre d’Emmanuel Macron ». Vote après vote, budget après budget, motion de censure après motion de censure, les députés du Rassemblement national se sont systématiquement opposés, main dans la main avec la gauche, à toutes les mesures que nous avons portées depuis 2017 pour soutenir nos entreprises et notre industrie et réformer notre économie. Parmi les exemples particulièrement éloquents de réformes clés de notre politique de l’offre que le RN a refusé de soutenir : la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) et des impôts de production,  la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales pour baisser le coût du travail, le plan France Relance à la suite de la crise du Covid-19 (PLF 2021), le plan d’investissement France 2030, la réforme de l’apprentissage, la réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites, ... Que le rapporteur du Rassemblement national vienne aujourd’hui reconnaître que la politique de l’offre pourrait être bénéfique pour réindustrialiser la France — allant même jusqu’à sous-entendre qu’elle n’aurait pas été assez loin durant ces dernières années — relève d’un reniement spectaculaire voire d’une forme de provocation.

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Troisièmement, il est frappant de constater qu’un bon nombre de propositions du rapporteur ont déjà été mises en œuvre ou sont déjà en cours de déploiement. D’autres encore ne font que poursuivre des réformes largement engagées par le Gouvernement, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne.

C’est notamment le cas des propositions présentées par le rapporteur concernant la simplification de la vie des entreprises et des Français. En la matière, le rapporteur préconise « une baisse de l’impôt paperasse, notamment par le lancement d’un chantier de simplification ». Nous regrettons sincèrement que le rapporteur n’ait pas défini plus précisément le sens de cette notion pourtant mentionnée par lui lors de chaque audition, suscitant bien souvent l’incompréhension des interlocuteurs auditionnés.

En dehors de cette déclaration d’intention peu concrète, le rapporteur se contente trop souvent, selon nous, de reprendre des recommandations maintes fois formulées dans les nombreux rapports et travaux consacrés à la réindustrialisation et à la simplification économique. Plusieurs des recommandations qu’il formule figurent ainsi dans les rapports de Guillaume Kasbarian de 2019 et de Laurent Guillot de mars 2022, mais aussi dans notre propre rapport sur l’attractivité de la France que nous avons remis au gouvernement en décembre 2023 ([5]). La proposition de renforcer le rôle des préfets en tant que chef d’orchestre de l’accélération des projets industriels, notamment par le renforcement de leur pouvoir de dérogation, constitue notamment une mesure que nous portons de longue date et qui a également été mise en avant dans les rapports précités. C’est également le cas de sa proposition visant à « garantir pendant cinq ans la stabilité des règles environnementales opposables aux projets industriels implantés sur les friches industrielles et les sites clés en main ». Force est de constater que cette proposition s’apparente à un simple copié-collé, dans une version moins aboutie, de notre propre proposition visant à mettre à disposition de tout projet industriel un contrat d’implantation assorti d’un bouclier réglementaire de cinq ans. Cette proposition, que nous avions formulée dans le rapport que nous avons remis au gouvernement en décembre 2023, est détaillée dans la troisième partie de cet avant-propos de manière plus complète et opérationnelle que celle du rapporteur. Nous l’invitons donc à en prendre connaissance.

Le rapporteur propose par ailleurs de généraliser les études d’impact économique préalables aux nouvelles normes fiscales et réglementaires, d’assouplir l’application de la réglementation zéro artificialisation nette (ZAN) pour les projets industriels, d’accélérer les procédures par le renforcement du principe du « silence vaut acceptation » de l’administration, de privilégier le recours au régime de déclaration plutôt que d’autorisation, ou encore de faire du préfet le « seul chef d’orchestre de la politique économique de l’État dans les territoires ». Or, toutes ces propositions sont… déjà mises en œuvre ou en cours de déploiement ! Ceci, notamment grâce à la loi Industrie verte votée en octobre 2023 et au plan de simplification présenté début 2024 par Bruno Le Maire, qui a donné lieu au projet de loi de simplification de la vie économique actuellement examiné au Parlement (texte malheureusement défiguré par l’introduction de nombreuses régressions écologiques et absurdités par le RN et LFI lors de son examen  à l’Assemblée nationale ; nous soutiendrons pleinement, pour notre part, un rétablissement de ce texte dans sa version initiale présentée par le Gouvernement et enrichie par la suite par le Sénat) :

       Sur le foncier industriel, les propositions du rapporteur visant à « assouplir le dispositif de zéro artificialisation nette » pour les projets industriels ne font que reprendre les amendements que nous avons portés avec le ministre de l’Industrie Marc Ferracci, notamment dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique.

       Sur le pouvoir de dérogation du préfet, les mesures proposées par le rapporteur sont identiques ou presque à celles déjà incluses dans la proposition de loi visant à « renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires », adoptée par le Sénat le 10 juin 2025. Le renforcement du pouvoir du préfet, notamment en matière économique, est également au cœur de la réforme annoncée le 8 juillet dernier par le Premier ministre pour « renforcer les moyens et les marges de manœuvre des préfets », à la suite des premières mesures qui avaient été mises en œuvre par Elisabeth Borne en septembre 2023.

Nous tenons donc à signaler au rapporteur que de nombreuses mesures qu’il propose ont déjà été mises en œuvre ou sont en cours de mise en œuvre par le Gouvernement.

Sur cet enjeu crucial de la simplification de la vie de nos entreprises, dont le Gouvernement a fait une priorité depuis 2017, comme sur tant d’autres, les propositions du rapporteur interviennent bien tardivement. Plutôt que de recommander une énième fois des propositions déjà publiées dans de nombreux rapports ou déjà mises en œuvre, il aurait été plus utile que le RN les soutienne systématiquement lorsqu’elles ont été examinées au Parlement ou portées par le Gouvernement par voie réglementaire.

Nos remarques concernant les propositions du rapporteur concernant la simplification de la vie des entreprises, valent également pour ses propositions concernant le financement de notre industrie, qui apparaissent souvent désuètes voire obsolètes. Ainsi, dans la droite ligne du programme économique de Marine Le Pen, le rapporteur propose par exemple de mettre en place un « fonds souverain français » pour « soutenir l’innovation et l’industrie ». Or ce fonds existe déjà puisque c’est précisément le rôle de BPIFrance, qui gère aujourd’hui plus de 50 milliards d’euros d’actifs, comme l’a notamment rappelé son directeur général Nicolas Dufourcq lors de son audition. Dès lors, nous avons du mal à percevoir la plus-value de cette proposition, qui traduit surtout, selon nous, une connaissance partielle ou partiale de l’écosystème français de financement de nos entreprises.

Le rapporteur préconise par ailleurs de « mobiliser l’épargne des français » pour « libérer le financement nécessaire à la réindustrialisation ». Dans ce cadre, il propose notamment de « flécher une part du plan épargne retraite (PER) et de l’assurance-vie » vers l’industrie. Là encore, rien de nouveau : le rapporteur ne fait que reprendre des propositions maintes fois formulées dans des dizaines rapports, dont beaucoup sont par ailleurs déjà mises en œuvre ou en cours de déploiement. À ce titre, on peut notamment citer les mesures adoptées dans le cadre de loi Pacte de 2019 (création du PER, modernisation de l’assurance-vie et des plans d’épargne en action PEA et PEA PME pour mieux flécher l’épargne des Français vers les investissements productifs) et de la loi industrie verte d’octobre 2023 dont tout un volet visait précisément à mobiliser l’épargne privée pour financer l’industrie verte avec notamment le lancement d’un plan d’épargne avenir climat pour les jeunes, la création d’un label Industrie Verte et utilisation générale de labels simples pour identifier et fiabiliser les investissements en faveur de la décarbonation de l’économie, le développement des fonds ELTIF2 ainsi que du capital-investissement vert dans le cadre de l’assurance-vie et de l’épargne retraite. En la matière, il convient également de citer le plan annoncé le 20 mars dernier par le Gouvernement pour renforcer le financement de l’industrie de défense, dans le contexte de la guerre en Ukraine. À travers ce plan, les investisseurs publics français, au premier rang desquels la Caisse des dépôts et BPIFrance, investiront 1,7 milliard d’euros pour renforcer les fonds propres des entreprises de la défense. Grâce au co-investissement d’investisseurs privés, ce sont ainsi jusqu’à 5 milliards d’euros qui pourront être mobilisés au bénéfice de notre BITD. En parallèle, chaque Français pourra également soutenir cette montée en puissance, grâce au fonds retail lancé par BPIFrance, avec une taille cible de 450 millions d’euros. Ce fonds permettra aux épargnants de devenir actionnaire des entreprises du secteur de la défense dès 500 euros investis.

Sur le financement de l’industrie, nous tenons plus globalement à souligner l’hypocrisie et l’incohérence du Rassemblement national, qui rejette les deux leviers cruciaux que nous défendons pour financer le réarmement industriel de la France et de l’Europe : l’introduction d’un pilier de capitalisation obligatoire et universelle dans notre régime de retraite à l’échelle nationale, d’une part, et le déploiement de l’union des marchés de capitaux à l’échelle européenne, d’autre part (cf. Financer massivement le réarmement industriel de la France, en adoptant un régime de retraites par capitalisation et Financer massivement le réarmement industriel de la France, en mobilisant la puissance financière de l’Europe ci-dessous). En refusant de soutenir ces deux projets absolument clés pour l’indépendance industrielle de la France et de l’Europe, le RN empêche nos entreprises de bénéficier d’un potentiel de financement massif auquel ont accès leurs concurrents du monde entier et les expose à une dépendance accrue vis-à-vis des capitaux étrangers, notamment des États-Unis.

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Considérant que l’immense majorité des constats et des propositions formulés par le rapporteur Alexandre Loubet sont faussés, dangereux, démagogiques ou en totale contradiction avec la réalité du programme et des positions du Rassemblement national, qui s’est systématiquement opposé à la politique économique que nous portons depuis 2017, nous avons donc fait le choix de ne pas cosigner ce rapport, que nous rejetons pleinement sur le fond.

À l’issue des quatre mois de travaux de cette commission d’enquête, nous avons par ailleurs fait le choix de présenter nos propres conclusions et nos propres propositions, que nous exposons dans les pages suivantes de cet avant-propos.

Les propositions portées par Charles Rodwell, président de la commission d’enquête, et son groupe Ensemble pour la République pour accélérer la réindustrialisation de la France

La volonté du Rassemblement national « d’abattre » la politique de l’offre d’Emmanuel Macron – selon les mots de Marine Le Pen – ne relève pas du fantasme. Elle constitue bien un axe central de son projet économique, qui menace directement la compétitivité industrielle de notre pays. Des propos tenus depuis six mois, une conclusion émerge : en matière économique, le RN se situe, bien souvent, plus à gauche que la gauche française. Leur seule différence majeure : l’agenda anti-environnemental du RN constitue une hérésie aussi bien écologique qu’économique.

Face à la folie économique et fiscale que nous promettent le Rassemblement national et la gauche française, Charles Rodwell et son groupe Ensemble pour la République portent un autre projet, fondé sur les propositions présentées dans cet avant-propos. Selon eux, seul un alignement complet entre le pouvoir politique et les pouvoirs économiques en France – incluant les organisations représentatives salariales et patronales – permettra à notre nation de surmonter les défis existentiels de ce siècle auxquels elle fait face.

Les autres grandes nations de ce monde, notamment les démocraties, ont bâti l’alignement total de leurs pouvoirs politiques, représentant leurs peuples respectifs, et de leurs pouvoirs économiques. Allemagne, États-Unis, Inde, Royaume-Uni : c’est bien au service de leurs peuples, que ces démocraties ont résolument consenti à ce puissant alignement.

Le contraste entre les modèles bâtis par ces puissances et l’extrême défiance qui caractérise les liens qu’entretiennent, en France, les pouvoirs politique et économiques, est aussi saisissant qu’alarmant. En la matière, les témoignages recueillis lors de cette commission d’enquête et par ailleurs, pleuvent. Tant de chefs d’entreprise et de salariés de l’industrie française ont le sentiment de se battre « avec une cible dans le dos », « matraqués » politiquement, fiscalement, socialement et administrativement chez eux, en France.

Tous – chefs d’entreprise et salariés de l’industrie française – associent cette défiance aux quarante années de désindustrialisation qu’a subies la France. Tous sont unanimes sur le succès de la politique économique menée depuis 2017 sous l’autorité d’Emmanuel Macron, qui a constitué un tournant sans précédent pour mettre fin à ces quarante ans de désindustrialisation. Tous considèrent qu’une remise en cause de cette politique – que le Rassemblement national appelle de ses vœux – serait une erreur majeure et tous appellent au contraire à la poursuivre.

Mais tous appellent, avant toute chose, à une refonte totale de notre paradigme politique et économique, pour faire face aux multiples défis qui bousculent leur quotidien et pour répondre aux basculements géopolitiques et économiques qui frappent la France et l’Europe. Nous considérons qu’ils ont absolument raison : que leur diagnostic est juste, que leurs intentions sont louables et que leurs préconisations sont fondamentales pour l’avenir de notre pays.

C’est la raison pour laquelle l’ensemble des mesures proposées par Charles Rodwell et son groupe Ensemble pour la République servent, unanimement, un seul objectif : l’alignement complet et total du pouvoir politique et des pouvoirs économiques en France, au service de l’indépendance et de la prospérité de notre pays. C’est la refonte de notre doctrine économique nationale qu’ils appellent de leurs vœux.

C’est au service de cette doctrine que Charles Rodwell présente les trois séries de propositions de son avant-propos. Ces propositions s’inscrivent délibérément dans le contexte contraint auquel nous sommes tous soumis. Ceci, pour une raison simple : elles doivent pouvoir être mises en œuvre le plus rapidement possible par le Gouvernement et par le Parlement, dès la préparation et le vote du prochain budget. Ce contexte, c’est celui de :

 l’éclatement des forces politiques et d’absence de majorité à l’Assemblée nationale ;

 une situation financière très contrainte, après des décennies de dégradation de nos comptes publics ;

 les bouleversements économiques et géopolitiques mondiaux qui frappent directement la France et l’Europe.

Les propositions portées par Charles Rodwell et son groupe Ensemble pour la République s’articulent, ainsi, autour des trois piliers de la seule politique qui nous permettra de soutenir durablement notre industrie et de rétablir définitivement les comptes publics par la création de richesse :

I. Un choc social et fiscal pour les Français ;

II. Un choc d’investissement pour nos entreprises, notamment pour nos PME ;

III. Un choc de liberté et de déréglementation pour notre pays.


  1.   Un choc social et fiscal pour les Français

Pour soutenir durablement notre industrie et rétablir définitivement nos comptes publics par la création de richesse, nous proposons en premier lieu d’engager un choc fiscal et social massif au bénéfice des Français et de nos entreprises, qui s’articule autour de trois propositions majeures :

 La poursuite de la baisse du coût du travail, pour permettre aux entreprises d’embaucher plus et aux Français de mieux gagner leur vie.

 La baisse puis la suppression des impôts de production payés par nos entreprises, financées par le renforcement des taxes carbone aux frontières nationales et de l’Europe.

 L’élargissement massif du « Pacte Dutreil », tant au niveau de ses bénéficiaires que de ses taux, pour assurer la transmission de nos entreprises industrielles.

A.   Poursuivre la baisse massive du coût du travail, pour permettre aux entreprises d’embaucher plus et aux Français de mieux gagner leur vie

Les réformes engagées depuis 2017 sous l’impulsion du Président de la République Emmanuel Macron ont permis d’initier un choc de compétitivité inédit en France, porté par une réduction massive des cotisations sociales, représentant un gain annuel d’environ 20 milliards d’euros pour les entreprises et de 5 à 6 milliards d’euros pour les salariés, notamment grâce à la suppression des cotisations maladie et chômage.

Parmi les principales réformes menées, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS), portant sur les rémunérations versées aux salariés, ont été remplacés dès le 1er janvier 2019 par une baisse pérenne de cotisations sociales. Cela s’est traduit en une réduction générale prenant en compte les cotisations de retraite complémentaire légalement obligatoires et la contribution patronale d’assurance chômage ainsi que par une baisse de 6 points du taux de cotisation patronale d’assurances maladie-maternité-invalidité-décès, au titre des rémunérations annuelles ne dépassant pas 2,5 fois le smic. En complément, les heures supplémentaires ont été exonérées d’impôt sur le revenu (7 500 euros par an et par salarié) pour mieux rémunérer le travail.

Malgré ces réformes sans précédent, le coût du travail reste globalement plus élevé dans notre pays que dans la plupart des pays de la zone euro et de l’OCDE, notamment le coût du travail qualifié, qui constitue un facteur déterminant pour la compétitivité de nos entreprises industrielles et pour leur capacité à monter en gamme.

Tous secteurs confondus, le coût moyen de l’heure de travail s’élève à 44,4 euros en France, 44,2 euros en Allemagne, 30,6 euros en Italie, 25,9 euros en Espagne, à fin 2024. La France se situe ainsi à la sixième place des pays de la zone euro ayant le coût de travail le plus élevé, derrière le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche, les Pays-Bas et l’Irlande. Dans le secteur industriel, le coût horaire de la main d’œuvre atteint 47 euros en France, contre 40,3 euros en moyenne dans la zone euro, 48,4 euros en Allemagne, 32,1 euros en Italie et 27,6 euros en Espagne. La France se classe ainsi au 5ème rang des pays de la zone euro avec le coût de travail le plus élevé dans l’industrie ([6]).

Ce constat implacable a également été souligné par l’ensemble des chefs d’entreprises et représentants du monde économique auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête. 

Face à la concurrence accrue des pays européens et extraeuropéens et face à l’augmentation des coûts de production liée notamment à l’énergie, il apparaît plus que jamais nécessaire d’engager un nouveau choc de compétitivité en France. C’est pourquoi nous proposons une baisse de 20 milliards d’euros des cotisations sociales patronales, appliquée de manière uniforme sur l’ensemble de la grille de salaire, afin de réduire également le coût du travail qualifié, clé pour l’industrie. À court terme, nous proposons ainsi de privilégier une baisse des cotisations patronales car celle-ci permettra de réduire de manière immédiate le coût du travail pour l’ensemble des entreprises avec un effet direct et massif sur leur compétitivité, leur capacité à embaucher, à investir, à exporter et à augmenter la rémunération de leurs salariés.

Cette mesure ne constituerait qu’une première étape du plan économique et fiscal présenté par Gabriel Attal le 29 juin dernier, pour notre parti Renaissance, qui inclut notamment une proposition de baisse de 40 milliards d’euros des cotisations sociales, par la suppression de la part salariale des cotisations vieillesse.

Nous assumons de considérer qu’il ne nous semble pas pertinent d’exiger des contreparties formelles et rigides de la part des entreprises en termes d’emplois, d’investissement ou de hausses de salaires, car l’expérience montre que telles contreparties sont la fois complexes à mettre en œuvre et difficilement mesurables. Ainsi, en l’absence de toute contrepartie, la transformation du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales en 2019 s’est bel et bien traduite par un choc de compétitivité immédiat pour les entreprises françaises, leur permettant de créer 2,7 millions d’emplois en quelques années.

Dans le contexte budgétaire particulièrement contraint que nous connaissons, avec un déficit public à 5,8 % et un et ratio de dette publique à 113,2 % du PIB en 2024, nous avons sciemment fait le choix de ne soumettre que des propositions dont nous pouvons assurer le financement total. Toute autre logique serait parfaitement contreproductive et irresponsable.

C’est pourquoi, pour financer cette baisse des cotisations, nous proposons de porter simultanément deux propositions, qui visent à faire évoluer radicalement le financement de la protection sociale en France, refusant de la faire peser, plus longtemps, exclusivement sur le travail :

       Une réallocation de 10 milliards d’euros d’aides publiques allouées aux entreprises vers le financement de la protection sociale. Parmi les aides publiques ciblées, nous proposons de réduire les fonds sectoriels de soutien et les niches fiscales les plus inefficientes - à la suite d’une évaluation complète et actualisée l’ensemble des avantages fiscaux et réductions d’impôt dont bénéficient les entreprises et les particuliers - d’une part, et de transformer une grande partie des subventions allouées aux entreprises en avances remboursables d’autre part. Concrètement, toute aide publique versée aux entreprises devrait inclure une clause de remboursement conditionnel (non automatique), prévoyant un remboursement partiel ou total des aides perçues par l’entreprise dès lors que celle-ci réalise des résultats économiques et financiers positifs. Ce recours systématique aux avances remboursables plutôt qu’aux subventions s’appliquerait tant aux aides versées en période de crise (ex : mesures de soutien aux entreprises durant la crise Covid), qu’aux dispositifs de soutien à l’innovation ou à l’investissement dont peuvent bénéficier les entreprises hors période de crise.

       Un transfert de cotisations sur la TVA à hauteur de 10 milliards d’euros, en relevant l’ensemble des taux de TVA d’1 point, à l’exception du taux réduit de TVA que nous souhaitons maintenir à 5,5% dans la mesure où il couvre notamment des produits de première nécessité. Cette hausse modérée des taux de TVA ([7])  permettra ainsi de faire basculer une partie du financement de la protection sociale du travail vers la consommation, tout en taxant mécaniquement plus fortement les produits importés.

B.   Baisser puis supprimer les impôts de production payés par nos entreprises, en finançant ces baisses par le renforcement des taxes carbone aux frontières nationales et européennes

Un large consensus parmi les économistes et chefs d’entreprises estime aujourd’hui que les impôts de production constituent une hérésie économique, parce qu’ils frappent les entreprises avant même qu’elles ne réalisent un bénéfice. Ils pèsent donc directement sur les coûts de production des entreprises françaises, ce qui pénalise fortement leur compétitivité, ainsi que leur capacité à investir et à créer des emplois en France.

C’est la raison pour laquelle la baisse des impôts de production a été initiée dès 2021 par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, dans le cadre du plan de relance déployé à la suite de la crise de la Covid-19. Depuis 2021, les impôts de production ont ainsi baissé de 10 milliards d’euros par an, avec la diminution de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et l’abaissement de 3 % à 2 % du taux de plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET).

Malgré ces baisses sans précédent, les impôts de production demeurent l’un des derniers postes de coûts identifiés comme sensiblement supérieurs à celui de nos partenaires européens :

 Selon les données d’Eurostat, le poids total des impôts sur la production dans le PIB en 2023 est nettement plus élevé en France (4,5 % du PIB) que dans la moyenne de la zone euro (2,2 % du PIB) ou de l’Union européenne (2,4 % du PIB) et qu’en Allemagne (0,9 % du PIB).

 En comparant le poids des impôts de production dans la valeur ajoutée des entreprises plutôt que dans le PIB, il apparaît que les impôts de production représentaient 6,3 % de cette valeur ajoutée en France en 2019, 4,9 % en intégrant la baisse des impôts des de production de 2021 et la suppression programmée de la CVAE, contre 0,8 % en Allemagne, 1,7 % en Espagne et 1,6 % aux Pays-Bas et 2,9 % en Italie.

Dans ce contexte, le report de la trajectoire de suppression de la CVAE – initialement prévue pour 2024, repoussée une première fois à 2027, puis désormais reportée à 2030 par la loi de finances pour 2025 – a marqué un coup d’arrêt à la politique volontariste engagée depuis 2017 par le Gouvernement pour faire baisser la pression fiscale sur les entreprises, qu’on ne peut que regretter.

Dans un contexte de finances publiques fortement dégradées, avec un déficit public dépassant les 6 % du PIB en 2024, il serait irréaliste et irresponsable de proposer une suppression intégrale de l’ensemble des impôts de production dès 2026. Néanmoins, il nous semble essentiel de conserver cet objectif à court terme. Dans un premier temps et face au risque d’adoption de nouvelles mesures de report lors des prochains débats budgétaires (PLF 2026, PLF 2027), nous proposons d’accélérer la trajectoire de baisse et de suppression de la CVAE, dont l’échéance a été repoussée, à ce stade, à 2030.

Pour financer cette mesure, plusieurs pistes sont envisageables, parmi lesquelles une hausse de la TVA. Nous considérons néanmoins que le levier de la hausse de la TVA doit être prioritairement mobilisé pour compenser une réduction des cotisations sociales des entreprises et des salariés, car toute augmentation de cette taxe sur la consommation des Français ne peut, selon nous, avoir d’autre finalité que de mieux rémunérer le travail et de financer la protection sociale (cf. notre proposition en ce sens dans Poursuivre la baisse massive du coût du travail, pour permettre aux entreprises d’embaucher plus et aux Français de mieux gagner leur vie ci-dessous).

Nous assumons de porter une proposition nouvelle, pour financer la baisse puis la suppression des impôts de production que paient les entreprises françaises : renforçons nos mécanismes de taxes carbone aux frontières nationales et européennes et affectons leur produit, au niveau national, au financement de la baisse puis de la suppression progressive des impôts de production.

Notre objectif est assumé : taxons bien plus fortement l’importateur chinois ou américain qui pollue pour vendre en Europe, pour financer la baisse des impôts payées par les entreprises qui produisent en France et en Europe. Une telle mesure permettrait ainsi de concilier un triple impératif de compétitivité de nos industries, de protection commerciale et de transition écologique. 

Composante clé du paquet climat « Fit for 55 » présenté en juillet 2021 par la Commission européenne, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est un instrument réglementaire européen permettant de soumettre les produits importés dans l’Union européenne à une tarification carbone équivalente à celle supportée par les industriels européens, afin de lutter contre les « fuites de carbone ». À l’initiative du Président Emmanuel Macron, la France s’est fortement mobilisée pour sa mise en œuvre.

Dans un contexte d’offensives commerciales croissantes notamment de la  Chine et des États-Unis, face à une concurrence de plus en plus déloyale d’entreprises étrangères qui ne respectent ni nos standards environnementaux ni nos règles en matière de droit de la concurrence, nous considérons que le MACF doit devenir l’une des clés de voûte de notre arsenal de défense commerciale et de protection de notre industrie - au même titre que les mesures anti-subventions (droits compensateurs) adoptées par l’Union européenne en octobre 2024 à l’encontre des véhicules électriques à batterie en provenance de Chine. Nous soutenons toutes les prises d’initiatives du Président de la République Emmanuel Macron et du gouvernement français prises en ce sens.

Actuellement en phase d’expérimentation et d’essai, le MACF doit entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2026. Si l’ensemble des acteurs économiques interrogés soulignent les objectifs louables de ce mécanisme, celui-ci est fortement critiqué pour sa complexité administrative, son coût de mise en conformité élevé pour les entreprises, notamment pour les PME, ses difficultés d’application dans certains secteurs et l’absence de prise en compte de la chaîne de valeur en aval. Enfin, plusieurs possibilités de contournement du mécanisme ont également été identifiées, parmi lesquelles le « resource shuffling » - une stratégie qui consiste pour les pays tiers à n’exporter vers l’Union européenne que les matériaux produits à partir d’électricité décarbonée afin de limiter le coût de l’ajustement financier du MACF.

Face à ces risques de contournement et aux critiques formulées par les industriels européens quant à sa complexité et à son iniquité, plusieurs réformes du mécanisme sont nécessaires et actuellement en cours de discussion au niveau européen :

 L’extension progressive du champ d’application du MACF à certains produits en aval de la chaîne de valeur (produits finis et semi-finis). Cette position a été défendue par la France et a été reprise par la Commission européenne dans le Plan d’action pour l’acier et les métaux présenté le 19 mars dernier par le commissaire Stéphane Séjourné, qui prévoit une extension du dispositif à certains produits aval basés sur l’acier et l’aluminium.

 L’extension du champ d’application du MACF à de nouveaux secteurs industriels ([8]) particulièrement exposés au risque de fuite de carbone et à une forte concurrence internationale, tels que le raffinage, la chimie ou le secteur automobile.

 L’application d’un taux de taxation moyen à l’échelle d’un pays pour simplifier l’application du dispositif et en éviter les contournements et fraudes. Comme l’a précisé le ministre chargé de l’Industrie Marc Ferracci, l’objectif de cette réforme défendue par la France est de raisonner à l’échelle de l’ensemble des industries du pays concerné plutôt qu’usine par usine pour empêcher des pays comme la Chine de recourir à la pratique du « resource shuffling ».

 La simplification massive du dispositif du MACF pour réduire la charge administrative et les coûts de mise en conformité qui pèsent sur les entreprises européennes, en particulier les PME. En ce sens, le paquet Omnibus en cours de discussion au niveau européen prévoit d’exempter 90 % des entreprises du MACF (qui émettent seulement 1 % des émissions de CO2) tout en maintenant un mécanisme global permettant de couvrir 99 % des émissions de CO2 liées aux importations de fer, d’acier, d’aluminium et de ciment dans l’UE ([9]) . Au-delà de cette mesure d’exemption pour les petites entreprises faiblement émettrices, le paquet Omnibus prévoit plusieurs mesures de simplification pour tous les importateurs de marchandises couvertes par le MACF, concernant notamment la procédure d’autorisation, les processus de collecte de données, le calcul des émissions intrinsèques, les règles de vérification des émissions, et le calcul de la responsabilité financière des déclarants MACF. Nous nous félicitons de ces avancées obtenues, notamment, sous l’impulsion de la France et du vice-Président de la Commission européenne Stéphane Séjourné.

Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ([10]), les systèmes de tarification du carbone ont généré 103 milliards de dollars dans le monde en 2024, soit 2,3 fois plus qu’en 2018, alors même que seules 28 % des émissions mondiales de CO étaient couvertes par un mécanisme de tarification cette même année. L’institut I4CE estime ainsi que les recettes liées à la taxation du carbone pourraient atteindre jusqu’à 2 600 milliards de dollars si l’ensemble des émissions de 2024 étaient tarifées à 50 dollars par tonne de CO.

Dans ce contexte, le MACF, qui constitue l’un des dispositifs de tarification du carbone les plus avancés au monde, représente un puissant levier de protection économique et de financement pour les pays européens, dont il est impératif d’exploiter tout le potentiel au service de la réindustrialisation de notre continent. En ce sens, nous proposons de :

  1. Refonder et simplifier en profondeur le MACF, sur la base des réformes actuellement menées au niveau européen décrites ci-dessus, que nous soutenons pleinement.
  2. Permettre aux États membres d’affecter directement et intégralement les recettes générées par le MACF ainsi réformé et renforcé – y compris les excédents attendus de son futur élargissement – au financement de mesures de baisse de la fiscalité des entreprises au niveau national, et en France, à la suppression des impôts de production.

Si la mise en œuvre rapide du renforcement de nos mécanismes de taxation carbone aux frontières de l’Europe, ainsi que l’affectation des recettes générées aux États membres pour réduire la fiscalité pesant sur leurs entreprises, devait se heurter au blocage de certains gouvernements nationaux ou de certaines forces politiques au Parlement européen, nous considérons que la France devrait alors prendre l’initiative d’instaurer un mécanisme de taxation carbone aux frontières à l’échelle nationale, dans l’objectif de jouer un rôle moteur auprès de ses partenaires européens.

À ceux qui prétendent, comme le Rassemblement national, que la France n’aurait pas la capacité de jouer ce rôle moteur pour imposer une telle mesure à l’échelle européenne, nous leur rappelons un exemple concret qui démontre le contraire : la taxation des géants du numérique. En 2019, face à l’impossibilité de parvenir à un accord sur la taxation des géants du numérique à l’échelle européenne et à l’échelle internationale, en raison notamment de l’opposition des États-Unis et de plusieurs États européens, la France a pris l’initiative seule de mettre en place une taxe nationale sur les services numériques, qui a rapporté plus de 750 millions d’euros de recettes à la France en 2024. Sous l’impulsion du Président Emmanuel Macron et du ministre Bruno Le Maire, l’initiative de la France avait ainsi permis de relancer les discussions au niveau international, conduisant, en juin 2021 à un premier accord du G7 puis en octobre 2021 à un accord global entre 136 pays réunis au sein de l’OCDE pour la mise en place d’une imposition minimale des multinationales à hauteur de 15 % à l’échelle mondiale, incluant la taxation des géants du numérique. Aujourd’hui, plus de 35 pays ont mis en œuvre un dispositif de taxation des entreprises du numérique à l’échelle nationale.

Face aux offensives commerciales croissantes de la Chine et des États-Unis, qui menacent directement notre industrie, c’est cette même méthode de négociation que la France doit employer et ce même rôle moteur qu’elle doit jouer au niveau européen pour obtenir la mise en place rapide d’un mécanisme renforcé de taxation carbone aux frontières de l’Europe permettant de taxer les importateurs étrangers qui polluent pour financer une baisse des impôts qui pèsent sur nos entreprises.

La possibilité d’imposer une taxe commune sur les géants du numérique à l’échelle européenne et internationale est aujourd’hui fragilisée par l’opposition du président américain Donald Trump, qui peut également compter sur la complicité de plusieurs dirigeants européens, au premier rang desquels Viktor Orbán en Hongrie et Giorgia Meloni en Italie, alliés du Rassemblement national. Dans ce combat, comme dans celui de la taxe carbone aux frontières, le RN se trouve donc à la croisée des chemins : entend-il continuer de cautionner la politique économique et commerciale agressive des États-Unis, à l’instar de ses alliés européens, ou bien préfère-t-il soutenir les initiatives que nous portons pour protéger nos entreprises et garantir l’indépendance industrielle de la France et de l’Europe ?

C.   Faciliter la transmission de nos entreprises industrielles, en élargissant massivement le « Pacte Dutreil »

Pas de puissance industrielle pour la France au 21e siècle, sans entreprises ni industries stables et pérennes. C’est au nom de ce principe simple mais fondamental, que nous sommes convaincus de la nécessité de refonder le pacte Dutreil ; non pas pour le remettre en cause - sempiternelle obsession totalement déconnectée de la gauche française -, mais bien pour le renforcer et l’élargir.

La France compte environ 6 000 entreprises de taille intermédiaire, contre plus de 15 000 en Allemagne et plus de 8 000 en Italie, alors même qu’elle comptait un nombre comparable d’ETI à celui de l’Allemagne au début des années 1980. Pourquoi un tel écart ? Notamment parce que la France a condamné le développement de ses PME par une fiscalité punitive sur leur transmission.

En 2003, dans un moment où la France était plongée dans une phase de désindustrialisation accélérée à la sortie des désastreuses années Mitterrand, la création et la mise en œuvre du pacte dit « Dutreil » - du nom du ministre Renaud Dutreil qui a permis la création de ce dispositif- a sauvé une grande partie de l’industrie française en permettant le développement de ses PME et en facilitant massivement leur transmission.

Instauré par la loi de finances pour 2000 et renforcé par la loi du 1er août 2003, le pacte « Dutreil » permet une exonération de droits de donation ou de succession (droits de mutation à titre gratuit) pour les transmissions de parts ou d’actions de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à concurrence de 75 % de leur valeur. Dispositif clé pour assurer la pérennité des entreprises françaises dans le cadre des successions, il permet notamment d’éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise ne soient obligés, lors de son décès, de prélever sur l’entreprise des sommes excessives pour acquitter les droits ou de céder l’entreprise à un tiers dans un contexte croissant d’acquisition de PME et ETI françaises par des groupes étrangers.

Ce dispositif reste aujourd’hui plus que jamais un levier essentiel pour assurer la transmission des entreprises industrielles en France : entre 2018 et 2020, plus de 2 000 pactes Dutreil ont été signés chaque année et près de 3 000 en 2021 et en 2022. Sans le pacte Dutreil, la majorité des transmissions d’entreprises familiales seraient aujourd’hui tout simplement impossibles à financer. Le remettre en cause, comme le proposait récemment la proposition de loi du député communiste Nicolas Sansu « visant à un meilleur encadrement du pacte Dutreil », s’apparenterait ni plus ni moins qu’à un suicide économique.

Charles Rodwell et son groupe Ensemble pour la République proposent de porter une démarche absolument inverse : refondons le Pacte Dutreil pour faciliter et accélérer la transmission de nos entreprises et pour en massifier les bénéfices pour leurs salariés. La nécessité de cette refonte est fondée sur au moins trois raisons.

D’abord, le dispositif actuel, mis en œuvre en 2023, apparaît aujourd’hui comme insuffisant : 25 % des transmissions de PME et d’ETI en France sont familiales, contre 80 % en Suède, 70 % en Italie et 65 % en Allemagne, selon les chiffres présentés par Renaud Dutreil lors de son audition ([11]). La transmission de nos entreprises reste donc extrêmement fragile et celles-ci, très exposées à une vente à la découpe.

Deuxième raison, l’âge moyen élevé de nos chefs d’entreprise va engendrer la transmission de plusieurs milliers d’entreprises, dans les prochaines années. En 2024, le METI estimait que 27 % des dirigeants de PME-ETI avaient plus de 60 ans, contre 15 % en 2005. La part des dirigeants de 66 ans et plus a plus que doublé, passant de 5,5 % en 2005 à 12,4 % en 2024. Ainsi, la direction générale des entreprises (DGE) estimait en 2022 que 250 000 entreprises seraient concernées par une potentielle cession d’ici à 2032. Il y a donc urgence à agir.

Enfin, si le vote du pacte Dutreil en 2003 a révolutionné la transmission d’entreprises en France, il n’a pas pu anticiper au moins deux transitions que connaît désormais une immense majorité de nos PME et de nos ETI : la robotisation et la numérisation. Or, ces deux transitions sont absolument vitales pour assurer la compétitivité et la pérennité de nos entreprises, notamment dans le contexte de concurrence accrue à laquelle elles font face à l’échelle mondiale.

La robotisation et la numérisation des entreprises françaises leur imposent une mobilisation absolument massive de leurs capitaux, alors même que celles-ci accusent déjà un retard très préoccupant vis-à-vis de leurs concurrentes européennes et mondiales dans ces deux transitions. À titre d’illustration :

       Numérisation : les entreprises françaises sont moins bien numérisées que les entreprises allemandes, suédoises, espagnoles et italiennes sur de plusieurs critères de numérisation du Digital Intensity Index 2022 ([12]). Les PME françaises sont en dessous de la moyenne européenne pour huit d’entre eux concernant l’emploi de spécialistes en technologies de l’information et de la communication (TIC), la vitesse de connexion internet, l’utilisation de réunions à distance, la formation des employés en TIC, l’utilisation de mesures de sécurité en TIC, et la réalisation de ventes en ligne.

       Robotisation : le retard des entreprises industrielles françaises est tout aussi préoccupant s’agissant de leur robotisation. En 2023, la France comptait 186 robots pour 10 000 employés dans l’industrie manufacturière, contre 1012 en Corée du Sud, 770 à Singapour, 429 en Allemagne, et 347 en Suède ([13]).

C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour une refonte urgente et massive du pacte Dutreil, afin que celui-ci tienne mieux compte de la valeur des actifs des entreprises concernées liée à leur robotisation et à leur numérisation, au moment de leur transmission.

Nous considérons que ces enjeux appellent une refonte en profondeur de la fiscalité française de transmission, dans le sens d’un allègement significatif, de manière bien plus ambitieuse et structurée que les propositions formulées par le rapporteur Alexandre Loubet, qui se contente de recommander une extension de la durée d’engagement dans le cadre du pacte Dutreil.

Ainsi, nous proposons de refonder le pacte Dutreil sur deux principes majeurs.

Premier principe, donnons une liberté réelle et totale aux chefs d’entreprise de transmettre leur entreprise à qui ils le souhaitent. Des milliers de chefs d’entreprises sont angoissés par une seule question : « à qui vais-je ou puis-je transmettre mon entreprise ? ». C’est la raison pour laquelle nous soutenons que nos chefs d’entreprise doivent pouvoir transmettre celle-ci à leurs enfants, mais également – s’il le souhaitent – aux membres de leur famille élargie, ainsi qu’aux cadres de direction ou aux salariés de leur entreprise. La liberté totale de transmission constituerait une bascule sociale et économique sans précédent, permettant à nos entreprises de répondre aux grands défis de ce siècle.

Second principe, permettre de transmettre plus, à moindre coût. Les modes de calcul des allègements fiscaux liés à l’imposition de la transmission de nos entreprises doivent être refondés, afin de mieux prendre en compte l’intensité capitalistique grandissante de nos entreprises liée à leur robotisation et à leur numérisation. En un mot, baissons de nouveau la fiscalité de la transmission, pour sauver la robotisation et la numérisation à long terme de nos entreprises.

Dans le cas où la refonte du pacte Dutreil – que nous considérons comme absolument cruciale – ne serait pas retenue par le Gouvernement ou bien serait rendue impossible par la situation politique et parlementaire, nous proposons d’allonger la durée minimale de détention des titres dans les pactes à dix ans (soit une durée totale des engagements de conservation collectif et individuel qui passerait de 6 à 10 ans) à la condition impérative que cette contrainte supplémentaire soit assortie d’une forme de « bonus » en contrepartie, c’est-à-dire une réduction supplémentaire des droits de transmission. Nous souscrivons pleinement à la proposition formulée en ce sens par Renaud Dutreil lors de son audition.

À ceux qui pourraient remettre en cause le bien-fondé de ces mesures, sur la base d’un raisonnement de court terme fondé sur un manque à gagner pour nos comptes publics lié à la chute du rendement de notre fiscalité sur la transmission, nous leur répondons une chose simple : la sur-fiscalisation de nos entreprises, notamment industrielles, pendant trente ans, a absolument et totalement échoué. La part de l’industrie dans le PIB français a chuté de dix points en trente ans, entraînant l’explosion de nos déficits public et commercial.

Toute comparaison avec les pays qui nous entourent confirme une réalité : l’équilibre entre les recettes et les coûts engendrés par les allègements fiscaux liés à la fiscalité de la transmission d’entreprises ne peut être apprécié qu’à l’aune d’une durée d’au moins vingt ans. Cet équilibre est bien largement bénéfique pour les entreprises, et largement excédentaire pour les finances publiques des pays concernés.

C’est bien pour cela que nous proposons de signer un nouveau pacte Dutreil, pour faciliter et accélérer la transmission de nos entreprises et pour en massifier les bénéfices pour leurs salariés.

II.   Un choc d’investissement pour nos entreprises, notamment pour nos PME

Pour soutenir durablement notre industrie et rétablir définitivement nos comptes publics par la création de richesse, nous proposons ensuite d’enclencher un choc d’investissement pour nos entreprises, notamment pour nos PME, qui repose sur les trois axes suivants :

-         La création d’un « Small Business Act à la Française », afin de mettre notre commande publique au service de nos PME ;

-         Le financement massif du réarmement industriel de la France, en adoptant un régime de retraite par capitalisation ;

-         Le financement massif du réarmement industriel de la France, par la mobilisation de la puissance financière de l’Europe.

A.   Mettre notre commande publique au service de nos PME, en créant un « Small Business Act » à la française

Plus de 170 milliards d’euros par an, près de 8 % du PIB au niveau national, plus de 2000 milliards d’euros et 15 % du PIB à l’échelle de l’Union européenne (2023) ([14]) : le rôle joué par la commande publique dans notre économie et dans la vie de milliers de nos entreprises est absolument cardinal. Or, son potentiel est encore insuffisamment exploité au service de notre politique environnementale, de notre politique industrielle et de l’attractivité de notre pays, alors que d’autres pays, comme les États-Unis ou la Chine, en ont fait un levier majeur de leur politique industrielle et commerciale depuis des décennies.

Tout au long des auditions de la commission d’enquête, nous avons d’ailleurs pu noter à quel point un nombre considérable d’entreprises et d’acteurs économiques regrettent l’absence ou l’insuffisante prise en compte du critère de « préférence européenne, française et locale » – de manière directe ou indirecte – dans les mesures publiques de soutien à l’achat et dans l’attribution des marchés publics. Ces mêmes acteurs sont nombreux à avoir alerté la commission d’enquête sur la nécessité pour le législateur et le Gouvernement de s’inspirer des contrats de préférence locale sur lesquels est fondée une part importante de la commande publique en Allemagne.

Dans ce contexte, nous proposons de mobiliser pleinement la commande publique au service de nos entreprises, en particulier de nos PME, à travers trois mesures clés :

  1. Instaurer un « Small Business Act » à la française pour réserver une part des marchés publics aux PME

Le « Small Business Act » (SBA), adopté en 1953 par le Congrès américain, constitue un texte fondateur de la politique économique et industrielle des États-Unis, en faveur de ses petites et moyennes entreprises. Modifié à de nombreuses reprises depuis sa création, cette loi cadre proclame que « le Gouvernement doit aider, conseiller et protéger dans toute la mesure du possible les intérêts de la petite entreprise, afin de préserver l’esprit de libre concurrence, d’assurer qu’une proportion équitable des marchés publics soit passée avec de petites entreprises, et de maintenir en la renforçant l’économie de la Nation dans son ensemble ». Le SBA propose aux PME une trentaine de programmes d’aide qui répondent à quatre priorités principales : l’accès aux marchés publics, la défense des PME, la formation, le conseil et l’assistance technique et les aides au financement.

La France et l’Union européenne disposent déjà de certains mécanismes et instruments juridiques visant à favoriser la participation des PME à la commande publique : la possibilité de réserver certains marchés ou lots à des PME ([15]), la simplification des procédures pour les marchés inférieurs à un certain seuil, ou encore l’allotissement obligatoire pour éviter que les appels d’offres ne soient systématiquement captés par de grands groupes. À l’échelle européenne, la directive 2014/24/UE sur la commande publique encourage les États membres à favoriser l’accès des PME à la commande publique, notamment via l’allotissement, la réduction des procédures administratives et une transparence accrue. Un certain nombre des dispositifs nationaux précités découlent ainsi de cette réglementation européenne.

Malgré les nombreuses avancées obtenues ces dernières années à l’échelle nationale et européenne, les résultats restent insuffisants :  la part des PME dans le montant total des marchés publics reste stable aux alentours de 30 %, alors même qu’elles représentent 60 % du nombre total des marchés passés ([16]). Ainsi, moins de 40 % des investissements engagés dans le cadre de la commande publique bénéficient directement aux PME, alors qu’elles représentent plus de 99 % des entreprises en France et 60 % de l’emploi dans le secteur marchand.

Ce phénomène s’explique notamment par un manque d’attractivité et d’accessibilité de la commande publique pour les PME, qui perçoivent les règles qui l’encadrent comme encore trop complexes et inadaptées à des petites entreprises et donc dissuasives. Dans ce contexte, il est impératif de renforcer l’accès de nos PME à notre commande publique afin de maintenir leur ancrage territorial dans toutes nos régions, en particulier dans les territoires ruraux et périurbains, de soutenir leur croissance en ETI et de favoriser de fait les entreprises françaises vis à vis de leurs concurrentes européennes et extra-européennes.

En ce sens, nous proposons d’instaurer un véritable « Small Business Act » à la française, qui consisterait à passer d’un cadre encore très largement incitatif aujourd’hui à un cadre contraignant et obligatoire, notamment pour réserver l’accès à certains contrats de la commande publics aux PME, en dessous d’un seuil prédéfini par la loi et adaptable selon la catégorie d’acheteur public et le secteur économique concerné.

Nous proposons ainsi de définir un premier seuil général à 200 000 euros, avec une possibilité de modulation en fonction de la catégorie d’acheteur public et du secteur économique concerné.

Au-delà de ces marchés publics strictement réservés aux PME, nous soulignons la nécessité de compléter les mesures mises en œuvre depuis plusieurs années au niveau national et européen  pour renforcer la part minimale des contrats de la commande publique attribués aux PME, pour simplifier les procédures d’accès à la commande publique spécifiquement dédiées aux PME, et pour accroître  les objectifs de sous-traitance PME imposés aux titulaires des gros marchés publics et marchés publics complexes. L’ensemble de ces mesures doit également s’accompagner d’une transparence renforcée de la part des acheteurs publics pour faciliter l’accessibilité de l’ensemble des contrats de la commande publique aux plus petites entreprises.

  1. Simplifier l’accès des PME à une commande publique durable et stratégique

L’absence de prise en compte suffisante - directe ou indirecte - d’une « part française » dans les contrats de commande publique est un sentiment largement partagé par de nombreux élus et agents publics, notamment dans les collectivités territoriales. Beaucoup déplorent de ne pas disposer de tous les leviers et de l’expertise juridique nécessaires pour élaborer des marchés et des contrats publics permettant de favoriser les entreprises locales, françaises et européennes, sans contrevenir au code de la commande publique et au droit européen en la matière. En miroir, ce sentiment est également partagé par des milliers de TPE et PME qui ne disposent pas toujours des ressources et de l’expertise nécessaires pour candidater à certains marchés publics qui leur sont théoriquement ouverts.

Cet état des lieux est d’autant plus dommageable dans un contexte où de nombreuses réformes récentes ont été mises en œuvre au niveau national et européen pour développer une commande publique plus durable, permettant aux entreprises industrielles françaises et européennes, plus vertueuses sur le plan environnemental, de bénéficier d’un avantage compétitif considérable face à leurs concurrents internationaux, chinois et américains en particulier. À ce titre, on peut notamment citer la loi Climat et Résilience (2021), qui a introduit l’obligation de clauses environnementales dans les marchés publics et prévu la création d’outils d’analyse du coût du cycle de vie – incluant les coûts environnementaux – dès 2025, et la loi industrie verte adoptée en 2023 qui comporte plusieurs dispositions visant à renforcer la prise en compte des exigences environnementales et sociales dans la commande publique. La loi précise notamment que « l’appréciation de l’offre économiquement la plus avantageuse peut également être déterminée sur le fondement d’une pluralité de critères comprenant les aspects environnementaux de l’offre au-delà du seul critère prix ».

Afin de contribuer à apporter une réponse à cette situation paradoxale et dommageable pour nos entreprises, pour nos collectivités locales et pour la relance industrielle de notre pays, nous proposons de prendre trois mesures vitales, pour rendre notre modèle de commande publique durable et stratégique, beaucoup plus accessible à nos PME et à nos ETI.

Première mesure : promouvoir des modèles-types de commande publique durable, assortis d’une circulaire « mode d’emploi » à destination des acheteurs publics.

Ces modèles doivent permettre de soutenir juridiquement les collectivités locales dans l’élaboration de leurs appels d’offres, d’informer en amont les industriels sur les exigences requises et de sécuriser l’action des élus locaux qui souhaitent mieux prendre en compte les critères de préférence locale et nationale dans l’attribution de leurs marchés et contrats publics.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité du Plan national pour des achats durables (PNAD) 2022-2025 ([17]) porté par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion territoriale et copiloté par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Deuxième mesure : accélérer le déploiement des « kits achats durables » élaborés par l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) à destination des acheteurs publics, pour les aider à mieux cartographier, prioriser et piloter leurs achats durables par secteur ; mieux définir leurs besoins en intégrant des objectifs de développement durable et d’innovation ; et mieux connaître leurs obligations et les outils pour y répondre, par segments d’achats.

Enfin, troisième mesure : promouvoir une commande publique qui valorise davantage l’exigence de souveraineté économique, en lien avec le déploiement de la politique d’attractivité « d’attaque » que nous proposons ([18]). En ce sens, il semble prioritaire de lancer une mission parlementaire ou d’experts, dédiée à la modélisation de la valeur économique de la souveraineté sur le long terme, insuffisamment mise en avant aujourd’hui au titre des avantages comparatifs de la France sur des contrats stratégiques ; à l’étude approfondie des marges de manœuvre permises par l’application des directives européennes actuelles, ainsi que des évolutions accessibles et nécessaires à mettre à l’ordre du jour des négociations des instances européennes (ce, dans la dynamique très positive entamée en ce sens depuis la sortie de la crise du Covid-19 : plan de relance européen, lancement des PIIEC, politique d’aides d’Etat etc.) ; et enfin, à l’étude comparative des dispositions prises par les nations avec lesquelles nous sommes en compétition, pour promouvoir une commande publique qui valorise leur propre souveraineté économique.

  1. Renforcer nos mécanismes de préférence française et européenne dans l’ensemble des achats publics

Dans un contexte de guerre commerciale exacerbée à l’échelle internationale, marqué par des pratiques de plus en plus déloyales de la part de certains pays (hausse des droits de douanes, aides publiques directes et massives aux entreprises exportatrices, violations répétées des règles de l’Organisation mondiale du commerce en matière de concurrence et de commerce,...), la France et l’Union européenne doivent impérativement renforcer la protection de leurs entreprises industrielles, en particulier les plus petites d’entre elles, qui sont les plus vulnérables.

Au-delà du nécessaire renforcement de nos dispositifs de protection commerciale (MACF notamment), qui seront évoqués ultérieurement, nous soulignons la nécessité de renforcer les mécanismes de préférence française et européenne dans l’ensemble des achats publics, aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle de l’Union européenne. 

En ce sens, nous partageons pleinement les orientations formulées par le Conseil national de l’industrie (CNI), dans son avis du 13 juin dernier « Pour faire de la préférence européenne un levier de réindustrialisation ». Les priorités identifiées par le CNI s’articulent autour des trois axes suivants :

 Faire de la préférence européenne le principe directeur des achats publics. En ce sens, le principe de préférence européenne dans les marchés publics, acté par la Commission européenne à la suite du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne, doit pouvoir se baser sur l’origine des produits et non plus seulement sur la nationalité des entreprises. Par ailleurs, l’accès aux marchés publics européens doit être interdit par principe, sauf exception, aux pays tiers avec lesquels nous n’avons pas conclu d’accord d’accès réciproque afin de rétablir une véritable réciprocité.

 Étendre au-delà des achats publics la possibilité d’instaurer un principe de préférence européen aux dispositifs publics. Comme le souligne le CNI, la mobilisation des critères de préférence européenne doit pouvoir être étendue aux financements européens (BEI, Fonds Innovation ETS, Horizon Europe, fonds relevant de la politique de cohésion), aux mécanismes de soutien public (enchères ENR, dispositifs de soutien aux ménages et aux entreprises, partenariats public-privé) ou encore aux obligations réglementaires présentant des obligations d’équipement ayant un impact sur la demande de produits industriels.

 Mieux informer les consommateurs français et européens par la mise en place d’un marquage obligatoire de l’origine des produits importés dans l’Union Européenne, à l’instar de ce qui est déjà mis en œuvre par certaines filières agro-alimentaires, conformément à la proposition formulée par Yves Jégo dans son rapport Simplifier l’appréhension de l’origine des produits pour valoriser les filières françaises et européennes, remis le 28 mai dernier au Gouvernement.

Dans ce cadre, depuis la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 - qui a joué un rôle décisif en la matière - nous nous félicitons que la Commission européenne ait fait de la réciprocité en matière de marchés publics et du renforcement des mécanismes de préférence nationale et européenne dans la commande publique une priorité de son action, notamment dans le contexte des tensions commerciales croissantes avec la Chine et les États-Unis. À ce titre, nous tenons à saluer l’action du vice-président Stéphane Séjourné, qui a rappelé son engagement sur ce sujet lors de son audition en indiquant sa volonté d’engager une large consultation de l’ensemble des acteurs européens de la commande publique, en particulier les pouvoirs adjudicateurs, les représentants des régions et des communes afin d’identifier de nouvelles clauses susceptibles de favoriser la préférence nationale et européenne dans les achats publics.

B.   Financer massivement le réarmement industriel de la France, en adoptant un régime de retraites par capitalisation

En s’arc-boutant sur un régime par répartition obsolète et en défendant le retour de l’âge de départ à 62 ans, le Rassemblement national condamne nos entreprises à voir leurs cotisations exploser et les empêche de bénéficier d’un financement massif auquel ont accès leurs concurrents du monde entier.

Le Rassemblement national condamne aussi, à terme, la retraite de millions de Français les plus modestes, en portant la chimère d’un régime par répartition à bout de souffle qui ne les protège déjà plus suffisamment. Car c’est bien là que se trouve toute l’hypocrisie de leur prise de position : des millions de Français capitalisent déjà des milliards d’euros chaque année, pour bâtir un capital et un financement pérennes de long terme de leur retraite. Ces millions de Français, ce sont notamment les Français les plus aisés et les détenteurs de plans d’épargne retraite (11 millions de Français ont ouvert un PER depuis le vote de la Loi Pacte en 2019) et de comptes d’assurance-vie (la collecte nette de l’assurance-vie a atteint 29,4 milliards d’euros en 2024).

Charles Rodwell et son groupe Ensemble pour la République sont eux convaincus que l’introduction d’un pilier de capitalisation est le seul moyen de protéger la retraite de tous les Français et de sauver notre régime de la faillite. Elle est aussi le seul moyen viable de financer massivement le réarmement industriel de notre pays, par la création de grands fonds de pension nationaux destinés à investir massivement dans les entreprises françaises et européennes. C’est la raison pour laquelle nous proposons la création d’un pilier massif de capitalisation pour financer nos retraites.

Deux réalités absolument irréfutables soutiennent notre proposition.

Première réalité, notre régime par répartition est bâti sur une pyramide de Ponzi à bout de souffle, qui menace de s’écrouler. Lors de la fondation du régime par répartition en 1946, ses fondateurs eux-mêmes avaient prévenu de l’impossibilité de pérenniser ce régime pour des décennies. Ceci, pour une raison principale : chaque génération voit ses retraites financées par les cotisations tirées du travail de la suivante.

Notre régime par répartition repose en ce sens sur un rapport simple et fondamental : le rapport entre les actifs et les retraités. Or, dans les années 1950 ce rapport était d’environ quatre actifs pour un retraité. Aujourd’hui, ce rapport a atteint le seuil de moins de deux actifs pour un retraité.

L’effondrement de ce rapport signifie une chose simple : malgré ses réformes successives, notre régime de retraites par répartition est désormais fondé sur une impasse financière. Son déficit global atteindra au moins 8 milliards d’euros en 2030 et plus de 30 milliards d’euros en 2045. Les dettes accumulées du seul régime général (excluant donc celles des 42 régimes alternatifs) dépasseront les 300 milliards d’euros au milieu du siècle.

Cette impasse financière a une conséquence : sans refonte totale de notre régime de retraites, nos entreprises et leurs salariés devront payer de plus en plus, pour financer les pensions de retraités de moins en moins protégés, sans résorber un déficit exponentiel du régime.

Seconde réalité, l’écart abyssal de création de richesses entre l’Europe et les États-Unis tient à une cause principale : les États-Unis financent massivement leur économie grâce à leurs fonds de pension nourris directement par la capitalisation de la retraite de tous les Américains.

Une comparaison peut résumer l’ensemble de notre propos : au moment de la signature du traité de Maastricht en 1992, si le PIB de la future zone euro et celui des États-Unis avaient été égaux, il y aurait aujourd’hui 30 points d’écart en faveur du PIB américain. Si ces deux PIB avaient été égaux en 2010, au lendemain de la crise financière mondiale, le PIB des États-Unis serait désormais de 16 points supérieur à celui de la zone euro.

Cette comparaison fictive traduit une réalité : l’Europe est décrochée économiquement par les États-Unis. Elle est incapable, à terme, d’assurer la prospérité nécessaire à ses habitants et un investissement suffisant au développement de ses entreprises.

Selon une étude récente de l’Institut économique Molinari ([19]), à la fin de l’année 2023, la capitalisation boursière totale des entreprises européennes représentait 65 % du PIB de l’UE, contre 177 % du PIB aux États-Unis. Ce décalage de 112 points de PIB représenterait ainsi un retard de capitalisation boursière estimé à 19 300 milliards d’euros pour l’UE. Or, la faible capitalisation boursière en France et en Europe est directement liée à notre déficit massif d’épargne retraite : selon les calculs de l’Institut Molinari, l’UE accusait ainsi fin 2023 un retard de 19 700 milliards d’euros en volume de capitalisation retraite par rapport aux États-Unis. L’épargne retraite représentait seulement 28 % du PIB de l’UE, contre 143 % en moyenne aux États-Unis, soit un écart de près de 115 points de PIB.

Comme ont pu le rappeler plusieurs chefs d’entreprises auditionnés lors de notre commission d’enquête, le déficit relatif d’épargne longue en France et en Europe a des conséquences directes sur la capacité de financement de nos entreprises. En effet, l’épargne retraite est généralement investie à long terme, sur des horizons de plusieurs décennies, ce qui en fait un levier crucial pour soutenir la capitalisation boursière. L’absence d’un véritable socle d’épargne retraite en Europe, fondée sur des mécanismes de capitalisation, prive ainsi nos entreprises de financements indispensables à leur croissance et à leur indépendance vis-à-vis d’investisseurs étrangers.

Nous ne comptons plus le nombre de rapports qui, depuis au moins trente ans, déplorent l’incapacité pour les entreprises françaises et européennes - quelle que soit leur taille - de trouver les financements nécessaires à leur développement en France et en Europe et qui soulignent le dilemme auquel celles-ci sont confrontées : soit de à lever des fonds à l’étranger, soit de faire entrer des investisseurs internationaux à leur capital, soit de délocaliser leurs activités et leurs centres de décision à l’étranger.

En la matière, les exemples pleuvent, toutes filières industrielles confondues. On peut notamment citer le cas emblématique de Criteo, entreprise pionnière de la French Tech, qui s’était tournée dès sa création vers des fonds d’investissement américains pour financer son développement et qui avait pris la décision d’intégrer le Nasdaq plutôt qu’une place boursière européenne lors de son introduction en bourse en 2013. Dans un tout autre registre, l’actionnariat de TotalEnergies, fleuron historique de l’industrie française, constitue un autre exemple particulièrement révélateur : plus de 40 % du capital groupe est aujourd’hui détenu par des investisseurs américains, tandis que la part des actionnaires français, proche de 30 % il y a un peu plus de dix ans, est tombée à environ 15 % en 2024.

Ces exemples ont un point commun : le sous-financement de notre économie et de nos entreprises lié au manque de fonds de pension en France et en Europe.

Seule la généralisation des fonds de pension en France et en Europe, notamment dans les pays qui en sont dépourvus, permettra de combler durablement ce déficit pour financer massivement l’innovation et le réarmement industriel de la France.

C’est la raison pour laquelle Gabriel Attal a proposé d’introduire une part de capitalisation dans notre système de retraite sans recourir à un mécanisme obligatoire à ce stade.

Nous proposons d’aller plus loin, pour compléter sa proposition initiale, en introduisant un pilier de capitalisation dans notre régime de retraite, via l’instauration d’un mécanisme universel et obligatoire et accessible à tous, en complément d’un pilier de retraite par répartition sur la base du régime existant.

Le fonds d’amorçage de ce pilier de capitalisation - de plusieurs dizaines de milliards d’euros - pourrait notamment être financé par la vente de participations de l’État dans des entreprises non-stratégiques ; l’investissement, ensuite, de ces fonds dans des entreprises françaises et européennes donne tout son sens à cette proposition.

Alternativement, son financement pourrait être assuré par la création d’un fonds obligatoire en complément de la retraite par répartition, par la mise place d’un plan d’épargne retraite pour chaque travailleur dans les entreprises qui en ont les moyens et par la suppression du forfait social pour les plus petites entreprises, tel que le propose notamment Gérald Darmanin.

C.   Financer massivement le réarmement industriel de la France, en mobilisant la puissance financière de l’Europe

Se revendiquant ouvertement « souverainiste », le Rassemblement national préfère pourtant cautionner la politique économique et commerciale agressive de Donald Trump, qui frappe de plein fouet nos industries françaises et européennes, plutôt que soutenir une approche commune fondée sur la mobilisation de la puissance financière de l’Europe au service de l’indépendance industrielle de la France. Cette impasse idéologique rappelle celle de leurs alliés hongrois et italiens, dans un moment où les « souverainistes » Viktor Orban et Giorgia Meloni se bornent à jouer le rôle de Chevaux de Troie pour l’Amérique trumpiste en Europe.

Ainsi, dans un contexte de guerre économique, structuré par la confrontation entre les États-Unis et la Chine, le refus systématique du RN de ses alliés européens, à travers leurs votes successifs au Parlement européen, de soutenir le recours aux instruments financiers européens pour financer nos industries constitue une faute politique majeure.

Dans la droite ligne de la politique portée par Emmanuel Macron depuis 2017 et des orientations formulées par Mario Draghi dans son rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne ([20]), auxquelles nous souscrivons, nous assumons, au contraire, de porter un projet politique au cœur duquel s’inscrit la mobilisation de la puissance financière de l’Union européenne, pour financer le réarmement industriel de la France et des pays européens. Ceci, à travers trois leviers principaux :

  1.   Institutionnaliser les emprunts communs à l’échelle de l’Union européenne pour permettre aux États membres de se financer à des taux préférentiels

Fin 2020 à la suite de la crise du Covid, les États membres ont, à l’initiative de la France, trouvé un accord historique pour émettre une dette commune en autorisant la Commission européenne à emprunter, au nom de l’Union européenne, sur les marchés financiers pour financer le programme de relance et d’investissement NextGeneration UE doté de 800 milliards d’euros. Ce mécanisme inédit a ainsi permis de lever rapidement des financements massifs sur les marchés financiers à des taux plus favorables que ceux dont auraient pu bénéficier la plupart des États membres à titre individuel. Contrairement aux mensonges proférés par le RN et ses alliés qui se sont systématiquement opposés à la mise en œuvre de ce dispositif au Parlement européen, les financements ont ensuite été redistribués par la Commission européenne à chacun des États membres pour financer leurs plans de relance et d’investissement nationaux.

Fort de ce succès, nous considérons qu’il est crucial de pérenniser et d’institutionnaliser des mécanismes d’emprunt commun à l’échelle de l’Union européenne. En effet, comme le souligne le rapport de Mario Draghi, la mise en place d’emprunts communs à l’échelle de l’Union européenne constitue un levier indispensable pour financer la transition écologique et numérique des pays européens et combler leur retard de compétitivité vis-à-vis des États-Unis, avec des besoins d’investissement estimés entre 750 et 800 milliards d’euros par an.

  1.   Accélérer le déploiement de l’Union des marchés de capitaux

Lancée en 2014 par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, l’Union des marchés des capitaux (UMC) est une initiative qui vise à approfondir le développement et l’intégration des marchés de capitaux dans l’ensemble de l’Union européenne, dans l’objectif d’offrir de nouvelles sources de financement aux entreprises et d’élargir les possibilités d’investissement des épargnants tout en leur permettant de diversifier leurs risques. Plus de dix ans après et malgré les différents plans d’action menés, notamment à l’initiative de la France, la fragmentation des marchés financiers européens demeure plus que jamais une réalité, qui limite considérablement la capacité de financement des entreprises européennes à travers l’investissement transfrontalier. 

Grâce à son épargne abondante, l’Europe dispose pourtant d’un potentiel de financement exceptionnel, aujourd’hui largement inexploité : le stock d’épargne cumulé des pays de l’Union européenne est estimé à plus de 35 000 milliards d’euros en 2022, dont une large partie est investie en dehors de l’Europe, principalement vers des titres de créance étrangers, au détriment des besoins de financement européens. Chaque année, ce sont ainsi plus de 300 milliards d’euros d’épargne européenne qui sont investis hors d’Europe, principalement aux États-Unis. Pour y remédier, Mario Draghi souligne la nécessité d’accélérer la réalisation effective de l’Union des marchés de capitaux (UMC), en harmonisant davantage les cadres juridiques et en simplifiant les règles d’accès aux marchés financiers pour les entreprises, notamment les PME industrielles. Il insiste également sur l’importance de développer des instruments d’épargne longue pour orienter durablement les flux de capitaux vers l’économie réelle.

Entre 2017 et 2024, le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ont joué un rôle moteur pour inscrire l’accélération du déploiement de l’Union des marchés de capitaux comme priorité stratégique dans l’agenda économique de l’Union européenne. Le constat du déclin de la compétitivité économique de l’Europe, que les rapports d’Enrico Letta et de Mario Draghi imputent notamment à la faiblesse des marchés de capitaux européens, a conduit les dirigeants européens à donner une nouvelle impulsion au projet. Sous l’impulsion notamment d’Emmanuel Macron, les chefs d’État et de gouvernement des États membres ont ainsi appelé, lors d’une réunion informelle à Budapest le 8 novembre 2024, à la constitution d’une « Union de l’épargne et de l’investissement » – un projet qui englobe à la fois les banques et les marchés de capitaux – à même de mobiliser l’épargne abondante des Européens pour répondre aux besoins de financement massifs qu’impliquent les transitions écologique et numérique et combler le retard de compétitivité de l’Europe face aux États-Unis. Malgré les progrès accomplis, l’UMC demeure inachevée.

À l’instar de l’ensemble des acteurs financiers et économiques que nous avons pu auditionner, nous sommes convaincus de la nécessité d’accélérer le déploiement de l’Union des marchés de capitaux, notamment autour des axes prioritaires suivants :

 Développer des produits d’épargne européen de long terme. À ce titre, nous nous félicitons du lancement du label « Finance Europe », sous l’impulsion conjointe des Ministres de l’Économie français et espagnol et de plusieurs de leurs homologues européens, le jeudi 5 juin dernier à Bercy. Ce label, mis à disposition des banques, assurances et autres acteurs financiers européens permettra, grâce à un référentiel commun ([21]), d’orienter les épargnants européens vers des produits financiers leur permettant à la fois d’améliorer le rendement de leur épargne et de flécher leurs investissements vers le financement d’entreprises européennes. Cette initiative soutenue à ce jour par la France, l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Estonie, Luxembourg, les Pays-Bas et les Portugal et ouverte à tous États membres de l’UE volontaires, concrétise ainsi le projet porté de longue date par Bruno Le Maire lorsqu’il était ministre de l’Économie.

 Garantir un meilleur accès aux financements pour les petites et moyennes entreprises et les start-ups innovantes, notamment par la création d’un véritable régime européen de cotation pour les PME industrielles.

 Relancer la titrisation pour augmenter la capacité des banques européennes à financer les entreprises, en adoptant un cadre prudentiel mieux adapté. Nous soutenons pleinement les préconisations formulées en ce sens par le rapport Noyer ([22]). Parmi celles-ci, il est essentiel de réviser le cadre prudentiel applicable aux assureurs afin de leur permettre de retrouver un rôle moteur d’investisseurs sur le marché de la titrisation, d’alléger les obligations de reporting des acteurs financiers européens pour faciliter l’émission et l’acquisition d’actifs titrisés, et d’ajuster les règles prudentielles auxquelles les banques françaises et européennes sont soumises afin que la pondération des risques liés à la titrisation pèse moins sur leur ratio de solvabilité. Ceci impliquerait de renégocier au moins partiellement les règles établies dans le cadre du Comité de Bâle.

 Mettre en place une supervision financière plus intégrée à l’échelle de l’UE. Nous souscrivons aux orientations des rapports de Mario Draghi, Enrico Letta et Christian Noyer qui appellent tous les trois à l’institution d’une autorité unique de supervision des marchés financiers, sur le modèle de la Securities and Exchange Commission américaine, afin d’assurer une application uniforme de la réglementation européenne qui favorise les transactions transfrontières, tout en garantissant mieux la stabilité financière.

Le développement d’un marché des capitaux pleinement intégré à l’échelle de l’Union européenne constitue un prérequis indispensable pour mobiliser les ressources financières massives dont nos économies auront besoin dans les années à venir. C’est également un levier crucial pour réduire notre dépendance actuelle aux financements extra européens, en particulier en provenance des États-Unis.  Il constitue donc bien l’une des clés de voûte pour bâtir l’indépendance financière, économique et industrielle de la France et de l’Europe au 21e siècle.

  1.   Renforcer les alliances industrielles européennes (PIIEC) dans nos secteurs stratégiques

Dans un monde plus que jamais en guerre économique, l’Europe fait face à la concurrence directe de la Chine qui dispose de surcapacités de production se déversant massivement sur les marchés européens et des États-Unis qui bénéficient des effets de masse de leur politique financière expansive, qui irrigue largement leur économie.

Face à cette double réalité, les peuples européens sont confrontés à un choix crucial :

 L’isolement, la division et la concurrence exacerbées entre les 27 États européens. C’est l’option à laquelle semble adhérer le Rassemblement national, en refusant toute logique d’adhésion de la France aux alliances financières, économiques et industrielles européennes. Or cet isolement et ces divisions ont fait le lit de l’affaissement collectif des industries aérospatiale et automobile européennes.

 Ou bien le renforcement massif de nos alliances financières (UMC), économiques et industrielles européennes, pour permettre aux peuples européens de faire face, ensemble, aux défis de ce siècle. C’est le choix que nous faisons : celui d’une coopération stratégique entre nations souveraines partageant de manière concertée certaines compétences clés, dans le but de préserver leur indépendance à l’échelle nationale et européenne.

C’est dans cet esprit que nous soutenons pleinement le déploiement des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), qui permettent à plusieurs États membres, en partenariat avec des entreprises privées, des acteurs financiers et des centres de recherche, de s’unir pour développer et financer des projets industriels et technologiques de grande ampleur. Ces projets peuvent ainsi notamment déroger temporairement aux règles habituelles du droit européen de la concurrence, en particulier en matière d’aides d’État, afin de déployer des investissements massifs et rapides dans les secteurs jugés les plus stratégiques et prioritaires :  batteries, semi-conducteurs, matériaux, hydrogène, santé, cloud.

Grâce au rôle moteur joué par la France, le premier PIIEC a été lancé en 2018 dans le domaine de la microélectronique. Depuis, les États de l’Union européenne ont bâti une dizaine de PIIEC, mobilisant plus de 90 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans 21 États membres. La France est aujourd’hui engagée dans sept de ces projets, dont certains qu’elle a elle-même initiés, comme le PIIEC Santé ou le PIIEC Cloud qu’elle co-pilote avec l’Allemagne. En 2024, sur les 60 sites industriels français dans les domaines de l’hydrogène, des batteries, de la microélectronique, plus de la moitié sont financés partiellement ou totalement via un PIIEC, ce qui illustre l’intérêt majeur de ces alliances industrielles européennes pour notre pays.

C’est la raison pour laquelle, nous appelons à renforcer ces alliances industrielles européennes en défendant notamment les deux priorités que porte le Président de la République auprès de nos partenaires européens : 

 Simplifier le cadre et les règles applicables aux PIIEC pour en accélérer le déploiement ;

 Élargir leur champ d’application à de nouveaux secteurs industriels, prioritairement à la chimie, l’acier et à l’intelligence artificielle.


III.   Un choc de liberté et de déréglementation pour notre pays

Malgré les progrès accomplis et les nombreux travaux engagés, les investisseurs français et étrangers rencontrés tout au long de la mission nous ont alertés sur la durée et la complexité des procédures d’installation et d’extension de sites industriels, et l’insécurité juridique qui en résulte. Ces éléments restent des freins majeurs à la réindustrialisation de la France et à son attractivité pour les investisseurs du monde entier.

La modification fréquente de la norme ou des décisions prises par les pouvoirs publics au cours du cycle de vie d’un investissement, se traduisent par des retards et des coûts supplémentaires pour les entreprises, qui conduisent bien trop souvent à l’abandon pur et simple des projets d’implantation. Elle implique aussi une mobilisation des ressources productives de l’entreprise : un rapport récent de la délégation aux entreprises du Sénat fustige le surcoût de la charge administrative pour les sociétés, estimé à quelque 3% du PIB par le gouvernement. Actuellement, 1 ressource sur 10 en entreprise en France serait dédiée à la mise en conformité administrative ([23]).

Dans ce contexte, il est impératif d’enclencher un nouveau choc de déréglementation pour libérer nos entreprises de l’étouffement économique et leur permettre de créer massivement de la richesse dans notre pays. 

Dans cette partie, nous proposons ainsi d’engager un choc de déréglementation :

 À l’échelle nationale, par la création d’un contrat d’implantation accessible à tout projet industriel, la réorganisation du travail parlementaire et réglementaire (10% du temps consacré à la simplification), la limitation drastique, définie par la loi, du volume des textes réglementaires, et l’interdiction stricte de la surtransposition des normes européennes par nos administrations publiques, entre autres mesures de simplification.

 À l’échelle européenne, par la refonte totale de nos réglementations extra-financières et environnementales (CSRD, CS3D), sur la base notamment du paquet Omnibus, pour en faire des instruments de protection de nos entreprises – les plus vertueuses au monde en matière environnementale – contre la concurrence déloyale d’entreprises étrangères.

A.   Un choc de liberté et de déréglementation à l’échelle nationale

Dans le prolongement de mes travaux parlementaires sur l’attractivité de la France ([24]) nous portons tout d’abord une série de propositions à mettre en œuvre à l’échelle nationale pour réduire la durée et la complexité des procédures d’installation et d’extension de sites industriels, ainsi qu’à renforcer la sécurité juridique au bénéfice des porteurs de projets.

Ces propositions sont notamment la création d’un contrat d’implantation accessible à tout projet industriel, la réorganisation du travail parlementaire et réglementaire (10 % du temps consacré à la simplification), la limitation drastique, définie par la loi, du volume des textes réglementaires et l’interdiction stricte de la surtransposition des normes européennes par les administrations publiques françaises.

  1.   Créer un contrat d’implantation assorti d’un bouclier réglementaire de 5 ans accessible à tout projet industriel

Tout au long des auditions de la commission d’enquête et à travers les nombreux témoignages que nous avons reçus, nous avons été confrontés à des dizaines de situations, parfois ubuesques, dans lesquelles les « changements de pied » de l’administration concernant l’application d’une norme ou d’une décision ont conduit à l’abandon d’un projet industriel, d’implantation ou d’extension.

Les procédures auxquelles sont soumis les porteurs de projets industriels en matière d’environnement, d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de protection du patrimoine sont le plus souvent citées par les chefs d’entreprises et investisseurs. La sécurité juridique des projets industriels constitue donc un enjeu prioritaire pour notre politique industrielle et pour l’attractivité de notre pays. 

Dans ce contexte, le contrat d’implantation développé dans la région Hauts-de-France à partir de 2017 a été présenté par de nombreux interlocuteurs comme l’un des cadres les plus « sécurisants » rencontrés par l’investisseur dans la phase de mise en œuvre de son projet d’installation ou d’extension.

Le contrat d’implantation de la région des Hauts-de-France

Mis en œuvre dans la région des Hauts-de-France depuis 2017, ce contrat - adapté à chaque projet d’implantation - repose sur un engagement réciproque :

 Les pouvoirs publics (État-région-EPCI) s’engagent à faciliter l’accès au foncier à échéance définie, les démarches, les aides et les recrutements.

 De son côté, l’entreprise apporte ses propres garanties (emplois créés ou préservés, formation, respect des brevets).

Le contrat définit également le calendrier du projet (début de la construction, production) et met à la disposition de l’investisseur une organisation dédiée, reposant sur une équipe « projet » dotée d’un pilote qui devient, pour l’entreprise, un correspondant en interface avec l’ensemble des parties prenantes.

La co-signature de ce document par le représentant de l’État en région est souvent considérée comme un atout majeur par les investisseurs rencontrés, ne serait-ce que pour leur permettre d’identifier un point d’entrée pour les accompagner dans leurs démarches administratives.

Le contrat d’implantation constitue également un engagement sécurisant au sein de l’entreprise, en particulier pour les filiales françaises de groupes étrangers implantées en France : il formalise l’engagement de la maison-mère du groupe en faveur de son projet d’implantation locale, dont la pérennité est assurée même en cas de changement de responsable du projet au sein du groupe.

Le contrat d’implantation développé dans la région Hauts-de-France présente toutefois trois types de limites dans sa forme actuelle. Première limite, il n’est doté d’aucune valeur juridique et s’assimile plutôt à une « charte de bonnes conduites » entre parties prenantes. Il serait très utile de « légitimer » cet outil en lui conférant une existence légale, condition également nécessaire à sa généralisation à l’échelle nationale.

Deuxième limite, il est mobilisé par l’entreprise quand celle-ci le juge utile, mais ses implications concrètes restent limitées pour l’investisseur comme pour les pouvoirs publics. En particulier, il ne permet pas d’engagements sur le délai de mise à disposition du site de production et sur la pérennité de sa qualification en tant que site industriel « clés en main » dans la durée.

Troisième limite, il est très dépendant du taux de rotation des représentants de l’État dans la région : chaque nouvel arrivant doit être approché pour confirmer la pérennisation du contrat, par exemple en cas de changement de préfet.

Nous proposons donc de généraliser le contrat d’implantation, en lui donnant une valeur légale et en l’assortissant d’un « boulier réglementaire » de cinq ans au bénéfice du porteur du projet d’implantation.

La réussite de ce contrat d’implantation dépendrait de trois conditions majeures, que nous détaillons ci-dessous.

Première condition, quels seraient les signataires de ce contrat d’implantation ? Trois parties prenantes publiques : le président de la région concernée ; le président de la communauté d’agglomération concernée, le préfet de région, au nom de l’État. L’investisseur privé (français ou étranger), porteur du projet d’implantation ou d’extension.

Deuxième condition, quels types d’engagements pourraient être pris par les signataires du contrat d’implantation ? Les trois signataires publics – État, région, communauté d’agglomération – garantissent à l’investisseur, dans le cadre de son projet d’implantation ou d’extension :

1. Un délai maximal de mise à disposition du site industriel « clé en main », des infrastructures et services associés (structures de formation, accès aux transports, à l’énergie, à l’eau, aux réseaux numériques.) et les éventuels financements publics obtenus par le porteur de projet.

2. À droit constant, une stabilité totale de la réglementation locale et nationale applicable au projet, pour une durée de 5 ans à compter de la signature du contrat. Afin de sécuriser le cadre juridique applicable à la signature du contrat, l’investisseur pourra s’appuyer sur un « rescrit administratif » qui liste l’ensemble des procédures, des régimes et des décisions applicables au projet, en particulier dans le domaine de l’urbanisme, de l’environnement, de la protection du patrimoine et de l’aménagement du territoire. Ce « gel des normes » garanti au porteur de projet à compter de la signature du contrat, devra nécessairement se limiter aux normes règlementaires et ne pourra notamment pas inclure les dispositions législatives ou conventionnelles qui entreraient en application postérieurement à la signature du contrat d’implantation.

3. En cas d’évolution législative postérieure à la signature du contrat d’implantation, ou bien de situation de blocage non-prévue dans le contrat signé, celui-ci pourra prévoir :

 une mise à disposition rapide de l’ensemble des services compétents de l’État et des collectivités territoriales « en mode projet » au bénéfice de l’investisseur.

 un rappel explicite, à l’ensemble des parties prenantes, de la possibilité de solliciter le préfet pour qu’il fasse usage de son pouvoir de dérogation aux normes réglementaires.

 un accès prioritaire au dispositif France Expérimentation mis à disposition de l’investisseur et des collectivités concernées, pour trouver une solution visant à lever les blocages juridiques existants.

En contrepartie, le chef d’entreprise ou investisseur signataire du contrat d’implantation pourra apporter des garanties librement fixées après concertation avec l’État et les collectivités, adaptées aux enjeux économiques locaux. Par l’engagement écrit pris par l’investisseur sur la pérennité de son projet, ce contrat d’implantation renforcé constitue ainsi, également, une sécurité pour les collectivités.

Enfin, troisième condition, le recours au contrat d’implantation se fera uniquement sur la base du volontariat de l’ensemble des parties. Ce, pour deux raisons principales : d’abord, il doit constituer un outil d’attractivité au service des collectivités territoriales qui souhaiteront s’en saisir. L’objectif recherché est la création d’une émulation positive : une « concurrence saine » entre les intercommunalités d’une même région, ainsi qu’entre les différentes régions à l’échelle nationale. Ensuite, les collectivités doivent pouvoir cibler librement les projets industriels qu’elles souhaitent attirer sur leur territoire, en fonction de leurs besoins et de leur capacité à proposer aux potentiels investisseurs un site clé en main adapté aux caractéristiques du projet.

Le contrat pourra également prévoir des clauses librement adaptables par les parties, en fonction des spécificités de chaque projet. Il pourra notamment prévoir que le non-respect des engagements mutuels engage la responsabilité de l’administration (État et collectivités) ou de l’investisseur, avec d’éventuelles sanctions et pénalités financières associées.

Afin de généraliser le contrat d’implantation, en lui donnant une valeur légale et en l’assortissant d’un « bouclier réglementaire » de cinq ans, deux séries principales de mesures réglementaires et législatives sont à prendre.

La première concerne l’inscription du contrat d’implantation dans la loi (code général des collectivités territoriales – CGCT) pour permettre sa généralisation à l’échelle nationale, pour lui donner une valeur légale et pour créer un régime juridique spécifique applicable aux différentes législations et réglementations encadrant l’instruction des projets industriels par l’administration.

La seconde consiste à mettre à disposition des collectivités et des services déconcentrés de l’État un modèle-type de contrat d’implantation, préparé dans le cadre d’un groupe de travail associant les directions concernées du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et du ministère de l’Économie et des finances, ainsi que les représentants des collectivités territoriales volontaires.

Le contrat d’implantation proposé doit tirer toutes les leçons
de « l’échec » du certificat de projet

Créé par l’ordonnance du 26 janvier 2017 (article L. 181-6 du code de l’environnement), ce dispositif ouvrait la possibilité à un porteur de projet soumis à autorisation environnementale, de solliciter auprès de l’administration un certificat lui permettant d’identifier les régimes, procédures et décisions nécessaires pour réaliser son projet, en lui offrant un cadrage et un calendrier d’instruction en amont du dépôt de la demande d’autorisation, dans l’objectif de réduire les risques d’irrégularités de la procédure. Les indications figurant dans le certificat permettaient ensuite à son bénéficiaire d’engager la responsabilité de l’administration lorsque leur inexactitude ou la méconnaissance des engagements du calendrier fixé lui avaient porté préjudice.

La loi relative à l’accélération des énergies renouvelables (février 2023) a acté la suppression du certificat de projet, compte tenu du faible succès de ce mécanisme, rarement sollicité par les porteurs de projets, notamment dans le secteur industriel. Les différentes consultations menées par votre rapporteur confirment que ce dispositif présentait un intérêt limité aux yeux des porteurs de projets, notamment parce qu’il ne permettait pas de cristalliser les règles en vigueur au jour de la délivrance du certificat de projet. Par ailleurs, en pratique, il n’était pratiquement jamais accepté par les services instructeurs, qui refusaient de se voir imposer un calendrier plus contraint que celui fixé par la loi, comme le relevait déjà Laurent Guillot ([25]), qualifiant ce dispositif « d’inopérant ».

Tirant toutes les leçons des failles de ce dispositif, le contrat d’implantation « renforcé » proposé par votre rapporteur se distingue du certificat de projet sur plusieurs points, qui le rendent à la fois plus sécurisant et plus attractif tant pour les investisseurs privés que pour les acteurs publics :

 Le recours à un contrat plutôt qu’à un certificat de projet (acte administratif unilatéral) permet un engagement mutuel et contraignant de l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le projet industriel, au travers de la signature du porteur de projet (investisseur privé), de l’État (préfet) et des collectivités territoriales compétentes (région et EPCI).

 Le champ des engagements que pourront prendre les signataires du contrat est beaucoup plus large que celui du certificat de projet, qui se limite à l’autorisation environnementale : mise à disposition du terrain et des infrastructures associées, délais de versement des financements publics obtenus par le porteur de projet etc.

 Le « bouclier réglementaire » proposé à l’investisseur signataire du contrat d’implantation ne se limitera pas à l’autorisation environnementale, mais aura vocation à englober l’ensemble des normes réglementaires locales et nationales applicables (environnement, urbanisme, aménagement du territoire, protection du patrimoine), avec une cristallisation des règles en vigueur - à droit constant - au jour de la signature du contrat d’implantation.

Au-delà de la procédure d’instruction du projet, le contrat d’implantation permettra une mise à disposition de l’ensemble des services compétents de l’État et des collectivités territoriales « en mode projet » au service de l’investisseur.

 

Le contrat d’aménagement pour les collectivités locales

Dans le même esprit que la mise en œuvre d’un contrat d’implantation pour les entreprises, nous proposons au Gouvernement d’expérimenter la création d’un contrat d’aménagement pour les collectivités locales.

Notre objectif : sécuriser les collectivités locales dans la labellisation de leurs sites « clés en main », en leur proposant un « bouclier réglementaire » de 5 ans des normes réglementaires locales et nationales applicables aux sites.

Dans toutes les régions françaises, les élus et les industriels rivalisent d’ingéniosité pour surmonter le défi du manque de foncier économique disponible, en le valorisant et en menant la reconquête de leurs friches, au service de la relance industrielle de leur territoire. Dans ce cadre, de nombreux élus locaux ont fait le choix de saisir pleinement du dispositif des « sites industriels clés en main » porté par l’État,  pour  accueillir des activités industrielles ou logistiques en purgeant les terrains des principales procédures d’instruction environnementale, d’urbanisme et d’archéologie préventive, afin de permettre l’implantation du porteur de projet dans des délais réduits et maîtrisés.

Pour les collectivités locales concernées, la préparation de ces « sites clés en main », dans le respect du cahier des charges fixé par l’État, s’est traduite par des investissements financiers majeurs pour aménager leur foncier, réhabiliter leurs friches et mettre à niveau les infrastructures et utilités associées (transports, accès à l’énergie, à l’eau aux réseaux numériques, ...).

Dans les régions les plus attractives qui sont parvenues à attirer des projets industriels ou logistiques sur ces sites, l’investissement des collectivités concernées a été pleinement rentabilisé. Dans d’autres territoires, où l’implantation de nouveaux projets peine à se concrétiser, les élus locaux sont confrontés à une vacance de leurs « sites industriels clés en main » et à une absence de retour sur investissement, qui peuvent être particulièrement préjudiciables pour les finances de leurs collectivités.

Cette situation est d’autant plus problématique que, bien souvent, les retards dans la concrétisation des projets d’implantation sont dus à des facteurs totalement extérieurs à la volonté ou à l’action des collectivités (raccordements électriques opérés par RTE, négociations sur le co-financement du projet avec les administrations centrales ou les opérateurs nationaux etc.).

Nombreuses sont donc les agglomérations et les communes qui se retrouvent confrontées à des difficultés croissantes pour maintenir leur « site clés en main » dans la durée, en raison, notamment, de la caducité des études environnementales, d’urbanisme, d’archéologie préventive menées par anticipation sur les sites, et des changements de normes locales ou nationales ayant pu intervenir dans ces domaines. C’est par exemple le cas des inventaires faune-flore que les collectivités sont parfois contraintes de renouveler intégralement sur quatre saisons (12 mois), ce qui se traduit non seulement par d’importants retards dans la mise à disposition du site mais aussi par des coûts supplémentaires qu’elles doivent supporter, pour réaliser les études et expertises nécessaires.

Face à cette situation, les élus concernés demandent légitimement une « sécurisation » et une pérennisation de la labellisation de leurs « sites clés en main » dans le temps.

Pour répondre à ces situations, qui pourraient se multiplier dans les années à venir avec la montée en puissance du dispositif « sites industriels clés en main », nous recommandons de sécuriser et de pérenniser ces sites conformes au cahier des charges fixé par l’État, en leur appliquant un « bouclier réglementaire » au profit des collectivités locales. Ce bouclier réglementaire pourrait prendre la forme d’un contrat d’aménagement prévu dans la loi. 

À l’image du contrat d’implantation que nous proposons pour les entreprises, la réussite de ce contrat d’aménagement pour les collectivités dépendrait de trois conditions majeures, que nous détaillons ci-dessous.

Première condition, quel instrument juridique est nécessaire à la mise en œuvre d’un contrat d’aménagement pour les sites labellisés « clés en main » ? Deux mécanismes juridiques alternatifs peuvent être envisagés pour pérenniser et sécuriser les « sites industriels clés en main » au profit des collectivités.

La solution la plus ambitieuse, que nous recommandons, consiste à donner une valeur légale aux sites « clés en main », par la création d’un « contrat d’aménagement sites industriels clés en main » dans la loi (code général des collectivités territoriales), liant les collectivités territoriales et l’État sur la « sécurisation » de ces sites.

À défaut, une autre solution consisterait à s’appuyer sur un dispositif législatif existant : l’opération de revitalisation de territoire (ORT), créé par la  loi ÉLAN de 2018 ([26]). Une fois le projet de territoire défini par une collectivité, en lien avec l’État et les partenaires associés, l’ORT prévoit signature d’une convention commune offrant de nouvelles opportunités juridiques et fiscales au projet, notamment pour la mise en place d’une dispense d’autorisation d’exploitation commerciale ; l’accès prioritaire à certaines aides ; la facilitation de projets au travers de dispositifs expérimentaux, comme le permis d’innover ou le permis d’aménager multi-site ; et une meilleure maîtrise du foncier, notamment par le renforcement du droit de préemption urbain et du droit de préemption dans les locaux artisanaux.

En tout état de cause, la mise en œuvre de ce dispositif devra s’appuyer sur la mise à disposition des collectivités et des services déconcentrés de l’État d’un modèle-type de contrat d’aménagement, concerté et préparé dans le cadre d’un groupe de travail associant notamment le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) et plusieurs collectivités territoriales volontaires.

Deuxième condition, quels signataires du contrat d’aménagement ? Trois parties prenantes publiques : le préfet de région, pour le compte de l’État ; le président de la région concernée en tant que chef de file sur le développement économique ; et le président de la communauté d’agglomération ou de la commune qui souhaite « sécuriser » son « site industriel clés en main ».

Troisième condition, quels types d’engagements pourraient être pris par les signataires du contrat d’aménagement ? L’EPCI gestionnaire du « site industriel clés en main » s’engage à le maintenir à niveau conformément au cahier des charges fixé par l’État, notamment en termes d’accès aux infrastructures et utilités. La région s’engage à accompagner l’agglomération dans sa démarche de « maintien à niveau » du site ciblé, notamment en matière d’accès aux infrastructures du site ou par un soutien financier direct.

À droit constant, l’État s’engage à une stabilité totale des normes et des décisions applicables au site « clés en main », avec notamment une garantie de validité de l’ensemble des études et procédures environnementales, d’urbanisme et d’archéologie préventive anticipées dans le cadre de la labellisation du site, pour une durée de 5 ans à compter de la signature du contrat d’aménagement. En cohérence avec ce dispositif, la mission recommande notamment d’imposer aux administrations d’instruction en charge, une durée de validité minimale de 5 ans pour l’ensemble des inventaires « faune-flore » via une modification du code de l’environnement.

  1.   Réduire massivement le poids des normes législatives et réglementaires qui pèsent sur nos entreprises : cinq propositions concrètes

En complément des nombreuses lois que nous avons votées depuis 2017 et des mesures en cours d’examen, notamment dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, nous formulons cinq propositions concrètes pour réduire drastiquement le poids des normes législatives et réglementaires qui pèsent sur nos entreprises :

  1. S’inspirer du modèle des lois d’exception adoptées pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et pour la reconstruction de Notre-Dame pour faciliter la vie de nos entreprises, notamment dans le secteur industriel. Plusieurs outils juridiques mis en œuvre dans le cadre de ces lois d’exception pourraient être utilement étendus à l’industrie lorsqu’ils ne sont pas encore utilisés dans ce domaine, ou appliqués de manière plus systématique lorsqu’ils le sont déjà partiellement. Parmi ceux-ci peuvent être notamment cités :

 Le recours à l’article 38 de la Constitution pour habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des « mesures d’urgence pour l’industrie » qui sont normalement du domaine de la loi, notamment pour cibler des secteurs industriels prioritaires (IA, nucléaire, hydrogène, chimie, santé, ...) et des législations spécifiques (urbanisme, foncier, patrimoine, commande publique, …). Le recours aux ordonnances doit ainsi permettre au Gouvernement de mettre en œuvre rapidement des mesures prioritaires pour l’industrie, dans un contexte marqué par l’absence de majorité à l’Assemblée nationale et la difficulté qui en découle de faire adopter des textes législatifs, qui sont souvent entravés par des stratégies d’obstruction des oppositions.

 Le recours plus systématique au droit à l’expérimentation reconnu au pouvoir législatif et règlementaire (article 37-1 de la Constitution) et aux collectivités territoriales (article 72 de la Constitution), qui devrait également s’accompagner de la montée en puissance de France expérimentation.

 Le recours au pouvoir de dérogation du préfet doit être renforcé et sécurisé, notamment sur la base des dispositions de la proposition de loi récemment adoptée par le Sénat sur ce sujet ([27]). L’ensemble des personnes interrogées confirment que son usage demeure encore trop limité pour les projets industriels.

 Le dispositif du permis à double état ([28]) – permettant qu’une autorisation d’urbanisme unique soit délivrée pour une construction ayant deux objets distincts dans le temps. Concrètement, cet outil permet aux services instructeurs d’analyser à la fois la légalité de la construction dans son état provisoire (dans sa destination olympique dans le cas des Jeux Olympiques) et dans son état définitif (une fois les JO terminés). Ce mécanisme facilite ainsi l’instruction des demandes d’autorisation tout en sécurisant le projet de construction et réduit nécessairement le risque contentieux, dès lors qu’une seule autorisation d’urbanisme est susceptible de recours au lieu de deux. Ce dispositif exceptionnel pourrait servir de modèle pour concevoir des mécanismes analogues dans le secteur industriel, où les projets sont souvent évolutifs et nécessitent une grande adaptabilité.

  1. Insérer des « clauses d’extinction » dans toute nouvelle norme édictée par l’administration. L’objectif de ces clauses serait de prévoir que les normes réglementaires en question ne sont applicables que pour une durée limitée (par exemple 3 ans) et ne deviennent définitives que si l’administration est en mesure de démontrer leur efficacité et leur utilité.
  2. Limiter le nombre de mots dans les textes réglementaires édictés par l’administration. Pour limiter l’inflation normative, il est proposé de s’inspirer de la pratique du « word count » mise en œuvre avec succès par certains États américains qui limitent le nombre de mots que leurs administrations peuvent utiliser pour rédiger les actes réglementaires. Afin de garantir une portée contraignante pour l’ensemble des administrations, nous proposons d’inscrire dans la loi ce principe de limitation du volume des textes réglementaires, avec un plafond défini pour chaque catégorie d’actes règlementaires (décrets, arrêtés, circulaires et instructions, délibérations des autorités administratives...). Cette proposition a notamment été évoquée par le ministre chargé de l’Industrie Marc Ferracci lors de son audition.
  3. Inscrire dans la loi, un principe général d’interdiction stricte de surtransposition des normes européennes, sauf exception dont la demande devra spécifiquement être adressée au ministre en charge. Le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), qui transmet déjà aux ministères un décompte du nombre de mots utilisés dans leurs textes réglementaires, pourrait ensuite être chargé d’effectuer ce contrôle de manière contraignante afin de renforcer la sobriété normative, la clarté des textes et la sécurité juridique au bénéfice de l’ensemble des usagers. Cette mission de contrôle du SGG devra être doublée de missions parlementaires d’évaluation régulières et contraignantes afin de garantir le strict respect de ce principe par l’ensemble des administrations françaises.
  4. Conformément à la proposition formulée par Gabriel Attal et le parti Renaissance, nous proposons enfin une refonte profonde de l’organisation du travail parlementaire et réglementaire afin, notamment, que 10 % du temps parlementaire puisse être consacré exclusivement à la simplification.

B.   Un choc de liberté et de déréglementation à l’échelle européenne

Depuis plusieurs mois, de nombreuses entreprises françaises et européennes alertent légitimement la représentation nationale et les pouvoirs publics sur les contraintes, les charges et les risques auxquels elles sont exposées du fait de la complexité de la réglementation européenne qui pèse sur elles. Parmi les normes systématiquement citées par les chefs d’entreprise lors de nos auditions figurent notamment la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD), la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) ainsi que le règlement sur la taxonomie verte.

Ces normes sont aujourd’hui légitimement perçues comme excessivement complexes et génératrices d’une charge administrative disproportionnée pour les entreprises françaises et européennes, en particulier pour les PME et ETI industrielles qui ne disposent pas toujours de l’expertise et des ressources nécessaires pour s’y conformer, alors même que leurs concurrents extra-européens, notamment américains et chinois, ne sont soumis à aucune obligation équivalente. Plus alarmant encore, plusieurs industriels français de premier plan alertent sur le risque stratégique que représente la publication de certaines données sensibles exigées par ces réglementations.

Les dirigeants de nos fleurons industriels, à l’instar d’Airbus, soulignent que la transparence imposée par ces textes pourrait en effet conduire à la divulgation d’informations techniques, commerciales ou industrielles, exploitables par des concurrents étrangers et ainsi susceptibles de mettre gravement en péril la compétitivité de nos entreprises et notre souveraineté.

Ces alertes ont également été relayées par Mario Draghi dans son rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, qui estime notamment que le reporting de durabilité de l’UE et son dispositif de devoir de vigilance constituent « une source majeure de charge réglementaire » qui devrait être allégée dans l’intérêt des entreprises européennes. Dès le mois de janvier 2025, le gouvernement français a pris l’initiative de demander officiellement à l’Union européenne une « pause réglementaire massive » pour « engager la révision de législations, même adoptées récemment, dont il apparaît qu’elles ne sont plus adaptées au nouveau contexte de concurrence internationale ». Parmi celles-ci figurent la directive relative au devoir de vigilance des entreprises CS3D dont la France a proposé le report sine die de l’entrée en vigueur et la directive CS3D dont la France propose une simplification massive, notamment pour les entreprises les plus exposées.

En réponse, la Commission européenne a présenté le projet de directive Omnibus le 26 février 2025, qui prévoit un vaste paquet de mesures visant à simplifier et réduire les formalités administratives liées au reporting extrafinancier (CSRD), au devoir de vigilance (CS3D), à la taxonomie verte et au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

À l’instar de nombreux acteurs économiques auditionnés, nous saluons ces initiatives et le rôle moteur joué par le gouvernement français pour obtenir cette vaste refonte de notre réglementation extra-financière et environnementale à l’échelle européenne. Nous notons d’ailleurs que le rapporteur du Rassemblement national Alexandre Loubet a lui-même reconnu à plusieurs reprises lors des auditions que l’action du gouvernement français et de la Commission européenne dans ce domaine « allait dans le bon sens ».

A contrario, nous nous opposons frontalement à la position du RN et de son rapporteur, qui proposent une suppression de nos législations et réglementations extra-financières et environnementales à l’échelle européenne. Une telle décision serait une hérésie tant économique qu’écologique. Elle reviendrait à anéantir les efforts de milliers d’entreprises françaises engagées dans la décarbonation de leurs activités et à les priver d’un avantage compétitif majeur vis-à-vis de leurs concurrents internationaux sur nos marchés intérieurs.

Nous sommes, nous, convaincus que la France et l’Europe peuvent faire de leurs réglementations extra-financières, environnementales et sociales, des instruments de protection majeure de nos entreprises – les plus vertueuses au monde en matière environnementale – contre le dumping social et environnemental exercé par les entreprises de nombreux pays étrangers.

Ces réglementations extra-financières constituent le meilleur moyen pour l’Europe de retrouver son indépendance en matière réglementaire et comptable. Elles comptent, par ailleurs, parmi les instruments les plus puissants dont dispose la Commission européenne et les États membres pour restreindre l’accès à leur marché commun aux entreprises du monde entier qui pratiquent un dumping social, environnemental et fiscal outrancier.

C’est pourquoi la suppression pure et simple de ces normes extra financières constituerait une complète hérésie économique et écologique. Plutôt que de les supprimer, nous sommes convaincus de la nécessité de les réécrire et de les simplifier, pour en faire de réels et puissants instruments au service de la décarbonation de notre économie et de la protection de nos entreprises, notamment industrielles. En ce sens, nous soutenons pleinement la mise en œuvre du paquet Omnibus et les nombreuses initiatives prises par le gouvernement français et la Commission pour simplifier nos réglementations européennes.

Parmi les aménagements et les mesures correctives en cours de mise en œuvre aux niveaux national et européen, notamment à l’initiative du gouvernement français, nous soutenons pleinement les propositions suivantes :

 La restriction du périmètre des entreprises soumises aux obligations de reporting de la CSRD en relevant les seuils d’éligibilité, pour préserver au maximum les entreprises les plus vulnérables, notamment les PME et ETI.

 La réduction massive du nombre d’indicateurs requis par la directive CSRD pour l’ensemble des entreprises qui y sont assujetties, tout en préservant les une différenciation entre les entreprises cotées et non cotées. Comme l’a souligné la ministre Agnès Pannier-Runacher, « il faut s’inspirer de la loi de Pareto pour s’assurer que 20 % du reporting permettent de comprendre 80 % de la performance ».

 La révision de la définition de la « chaîne de valeur » utilisée dans les directives CSRD et CS3D, en concertation avec les entreprises et leurs organisations représentatives, pour limiter le surplus de charge administrative et les risques financiers et judiciaires que ces textes font peser sur les entreprises européennes.


Conclusion du président

La commission d’enquête a adopté le 10 juillet 2025 le rapport d’enquête du député Alexandre Loubet, en lui reconnaissant ainsi le droit, au nom de son groupe Rassemblement national, qui en est à l’origine, de le présenter au public.

Conformément à l’usage républicain en vigueur dans le cadre des commissions d’enquête de l’Assemblée nationale, nous avons fait le choix de ne pas entraver la publication de ce rapport.

Nous considérons néanmoins que l’immense majorité des conclusions et propositions formulées par le rapporteur Alexandre Loubet sont faussées, dangereuses, démagogiques ou en totale contradiction avec la réalité du programme et des positions du Rassemblement national, qui s’est opposé de manière systématique à la politique économique que nous portons depuis 2017. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de ne pas cosigner ce rapport, que nous rejetons pleinement sur le fond. C’est également pour cette raison que nous avons fait le choix de présenter nos propres conclusions et nos propres propositions, que nous tirons de ces quatre mois de travaux. Nous les exposons dans cet avant-propos du rapport.

Je remercie une nouvelle fois tous les contributeurs et les personnes auditionnées pour leurs apports cruciaux au service de la réindustrialisation de notre pays. Ce sont eux qui ont fait toute la richesse de cette commission d’enquête. Enfin je tiens à remercier chaleureusement mon équipe parlementaire et l’ensemble des administrateurs de l’Assemblée nationale mobilisés tout au long des travaux de cette commission d’enquête.

Charles Rodwell
Député de la 1ère circonscription des Yvelines
Président de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale
visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France

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*     *

 


   Introduction du rapporteur

« Étant le peuple français, il nous faut

ou bien accéder au rang d’un grand État industriel,

ou bien nous résigner au déclin. »

Charles de Gaulle, allocution du 14 juin 1960 ([29]).

 

La commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France, créée par l’Assemblée nationale le 18 février 2025, est issue d’une proposition de résolution déposée le 20 janvier 2025 par les députés membres du groupe Rassemblement National.

Lors de la conférence des Présidents du 21 janvier 2025, Mme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National, a choisi de demander la création de cette commission d’enquête dans le cadre de l’exercice du « droit de tirage » prévu par le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, donnant droit aux groupes politiques minoritaires ou d’opposition d’obtenir la création d’une commission d’enquête une fois par session ordinaire.

Cette proposition de résolution a été renvoyée à la commission des affaires économiques, qui a constaté le 20 février 2025 que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête étaient réunies.

La commission d’enquête est composée de trente députés issus de tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale. Le 5 mars 2025, elle a élu son bureau et désigné notamment Charles Rodwell président et Alexandre Loubet rapporteur.

*

Le sujet de l’état de l’industrie française et de la désindustrialisation de notre pays a suscité un grand nombre de travaux académiques, ainsi que des rapports publics sur les politiques industrielles entreprises en France, notamment depuis quinze ans. La présente commission d’enquête fait suite à plusieurs autres études produites au sein de l’Assemblée nationale et de la sphère publique, ayant pour thème la désindustrialisation et les solutions à lui apporter, dont notamment :

– le rapport d’enquête n° 4923 du 19 janvier 2022 « Pour un renouveau industriel français », issu de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament, présidée par Guillaume Kasbarian et rapportée par Gérard Leseul ;

– le rapport de la Cour des comptes de novembre 2024 « 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles ».

En application des termes de la résolution constitutive, la présente commission d’enquëte s’est donnée trois principaux objectifs :

– analyser succinctement les raisons structurelles de la désindustrialisation ces dernières décennies ;

– établir les difficultés que rencontrent actuellement les acteurs industriels dans leurs activités existantes, leurs projets de développement et les créations d’entreprise ;

– élaborer des propositions concrètes pour lever les freins à la réindustrialisation de la France.

En tenant 54 auditions permettant d’entendre 147 personnes convoquées, pour une durée totale de 93 heures et 20 minutes entre le 13 mars et le 13 juin 2025, en plus de nombreuses contributions écrites, la commission d’enquête s’est efforcée de changer de perspective, pour passer d’une dénonciation de la désindustrialisation à l’étude d’une politique industrielle qui constitue une véritable stratégie de réindustrialisation.

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La réindustrialisation est un processus complexe qui s’inscrit en réaction à une phase de désindustrialisation que connaît la France au moins depuis la fin des Trente Glorieuses, lors de la seconde moitié des années 1970. La politique de réindustrialisation prend ainsi le contrepied des délocalisations, de l’importation croissante de biens manufacturés, de la perte de l’emploi industriel et de la baisse tendancielle de la part de l’industrie dans le produit intérieur brut (PIB).

Pour comprendre l’étendue des problèmes liés à la désindustrialisation, la commission d’enquête a fait l’étude englobante des secteurs de l’industrie. Au sens large, l’» industrie » désigne l’ensemble des activités économiques « qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché. » ([30]) Les activités industrielles comprennent l’exploitation des sources d’énergie et des richesses minérales du sol, ainsi que de la fabrication de biens matériels à partir de matières premières ou de matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations. Avec la construction, elle compose le « secteur secondaire » dans la classification des moyens de production ordinaire des activités économiques. Ce secteur est caractérisé par la mécanisation et l’automatisation des facteurs de travail, ainsi que par la centralisation des moyens de production, ce qui le différencie de l’artisanat.

L’industrie est à la fois diverse, répartie au sein des 29 branches professionnelles constituées et des 19 filières identifiées dans le cadre du Conseil national de l’industrie, et unie par un même objectif : transformer la matière pour fournir des biens de qualité.

Au total, la Cour des comptes relève que les entreprises industrielles sont peu nombreuses dans notre pays, environ 274 200 en 2021, soit 7 % de l’ensemble des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. Ces entreprises industrielles emploient 3,2 millions de salariés en équivalents temps plein (ETP), soit 23 % des emplois salariés, et réalisent une valeur ajoutée de 325 milliards d’euros, soit 28 % de la valeur ajoutée des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers ([31]).

L’industrie, qui représente près de 70 % des exportations françaises, est le principal facteur de dégradation de la balance commerciale française. En montant total, la France est un des pays les plus déficitaires de l’Union européenne, avec une balance commerciale de 81 milliards d’euros en 2024. Alors que la valeur ajoutée industrielle française a augmenté de 20 % de 2000 à 2019, elle a augmenté de 61 % en Allemagne et de 28 % en Italie sur la même époque, témoignant d’une dynamique industrielle nettement inférieure aux autres pays européens semblables, notamment pour l’industrie manufacturière ([32]).

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L’industrie est le levier de la puissance d’un pays, tant pour réussir dans la mondialisation que pour assurer son indépendance. Elle est le moteur de sa prospérité sociale et économique, de son progrès technique et technologique. Elle est la colonne vertébrale de ses territoires et la solution sine qua non pour relever les défis écologiques du XXIe siècle.

Pourtant, la France est le pays qui s’est le plus désindustrialisé d’Europe. En trente ans, nous avons perdu plus de 2,5 millions d’emplois industriels et la part de l’industrie dans le PIB est passée de 17 % à seulement 9 % en 2024. Les crises sanitaire, énergétique, financières et géopolitiques ont mis à nu la fragilité de notre économie et révélé nos dépendances. Elles ont aussi fait émerger une prise de conscience : celle de la nécessité de rebâtir une industrie forte et souveraine. Le Président de la République Emmanuel Macron a ainsi exprimé cette ambition en fixant l’objectif de porter la part de l’industrie de 9 à 15 % du PIB d’ici 2035.

Depuis près d’une décennie, la France a donc engagé plusieurs actions dans l’intention de relancer son industrie, parmi lesquelles France Relance, France 2030, Choose France, la French Tech, le programme Territoires d’industrie, la baisse de fiscalité sur les entreprises, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègement pérenne de cotisations sociales patronales, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, etc. Ces initiatives, saluées par le rapporteur, ont permis de ralentir le phénomène de désindustrialisation et de créer 130 000 emplois industriels nets.

Cependant, ce bilan doit être contrasté depuis 2017 avec une baisse de la production industrielle globale de 6,7 %, des déficits commerciaux records, une stagnation du nombre de chômeurs à environ 5,5 millions toutes catégories confondues et plusieurs politiques que le rapporteur considère contraires aux impératifs de réindustrialisation : inflation normative qui plombe la compétitivité et accroît la complexité administrative, plan de soutien à l’industrie qui néglige le socle industriel de base (petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire), coup d’arrêt à la filière nucléaire, objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, explosion de la dette de + 1 200 milliards d’euros, suppression des mathématiques obligatoires au lycée, etc.

L’année 2024 a malheureusement connu une forte reprise de la désindustrialisation avec 24 000 emplois industriels supprimés, une balance commerciale négative de 81 milliards d’euros et, pour la première fois depuis 2015, davantage de fermetures d’usines que d’ouvertures. À ce constat s’ajoute une Europe restée trop longtemps un frein à notre industrie, qui doit désormais faire face à l’exacerbation de la guerre commerciale mondiale, menée tant par les États-Unis avec leurs menaces de tarifs douaniers que par la Chine avec ses productions en surcapacités et massivement subventionnées.

Parce que réindustrialiser notre pays est une nécessité vitale, il est urgent de rompre avec les logiques qui ont guidé les politiques économiques de ces trois dernières décennies. C’est pourquoi le Groupe Rassemblement National a décidé de lancer une commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France.

Face à la dégradation continue de la situation industrielle française, tant en termes d’emplois que de valeur ajoutée, depuis les chocs pétroliers de la seconde moitié des années 1970, le rapporteur de la commission d’enquête a choisi de ne pas s’appesantir sur l’histoire ancienne du déclin industriel français. Il a préféré se concentrer sur l’histoire récente et les causes de la désindustrialisation, les implications politiques d’un recul industriel particulièrement marqué en France par rapport à ses voisins puis de dresser les solutions afin d’inverser la tendance à l’avenir.

Pourquoi le mouvement de désindustrialisation, constaté entre les années 1970 et les années 2010 dans l’ensemble des pays développés, a-t-il en particulier touché la France avec une chute de la part de l’industrie de 17 % à 9,1 % du PIB entre 1995 et 2019 alors même que la tradition gaullienne des grandes politiques industrielles nous plaçait parmi les puissances de ce monde ?

Quelles leçons la France doit-elle tirer des facteurs de la forte désindustrialisation qu’elle a affrontée puis du ralentissement connu ces dernières années ?

Est-il envisageable d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République Emmanuel Macron d’une production industrielle équivalente à 15 % du PIB en 2035 ou dans les années qui suivront ?

Après avoir analysé comment, à la suite des grandes politiques industrielles qui ont fait de l’industrie un fer de lance de la souveraineté française, la désindustrialisation s’enclenche progressivement à partir des chocs pétroliers des années 1970, puis s’aggrave dans les années 2000, pour stagner durant les deux derniers quinquennats (I), il faudra mettre en lumière les responsabilités politiques qui ont contribué à l’aggravation du phénomène de désindustrialisation en France, qu’il s’agisse d’un retard manifeste dans la prise de conscience politique des enjeux industriels ou de choix stratégiques ayant eu des effets néfastes sur le tissu productif national (II). Enfin, le rapporteur analysera les moyens de lever les freins à la réindustrialisation, en traçant une feuille de route pour l’industrie française sur le long terme, en définissant une stratégie claire, en améliorant les conditions de production et en utilisant plus intelligemment le levier européen pour soutenir l’industrie française (III).

Le rapporteur appelle de ses vœux à un sursaut industriel pour la France. À l’issue de ces travaux, il exprime une conviction profonde : la France a tous les atouts nécessaires à sa réindustrialisation ; encore faut-il lever les freins qui entravent leur mobilisation.

Dans ce rapport, il formule donc 130 recommandations, requérant pour certaines d’entre elles des ajustements du cadre législatif, mais exigeant pour d’autres une volonté politique puissante et le courage de défendre nos intérêts nationaux. Ce rapport en trace les orientations et se veut constituer une véritable feuille de route pour y parvenir.

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   SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR
POUR LEVER LES DIX FREINS MAJEURS
À LA RÉINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE

1er frein : une stratégie industrielle qui s’avère peu lisible.

Afin de réindustrialiser la France, le rapporteur appelle à définir une stratégie industrielle nationale qui repose sur trois priorités (proposition n° 1) :

– la puissance, par le développement des innovations de rupture ;

– l’indépendance par le développement de filières de substitution aux importations stratégiques et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ;

– la modernisation de l’appareil productif en matière de décarbonation, robotisation, numérisation et montée en compétences.

Cette politique doit reposer sur une planification industrielle nationale pluri-décennale (proposition n° 6). Elle doit être pilotée nationalement par un ministère de plein exercice chargé l’industrie, de l’énergie et de la formation aux métiers industriels (proposition n° 8) aux côtés des comités stratégiques de filière, avec des contrats de filière renforcés (propositions nos 11, 12, 13 et 27), des objectifs de réindustrialisation dans les secteurs clés (proposition n° 2) et le développement de filières de substitution aux importations en soutenant leur développement et/ou en conditionnant l’accès du marché européen à des transferts de technologies et à la création de coentreprises (proposition n° 4). Localement, la stratégie industrielle nationale doit être déclinée en renforçant le rôle et les prérogatives des préfets (propositions nos 9 et 10).

2ème frein : une image de l’industrie qui demeure injustement dégradée.

Afin d’améliorer l’image de l’industrie et de ses métiers, le rapporteur émet de nombreuses propositions telles que le développement du tourisme industriel (proposition n° 19) et des campagnes de communication, en particulier auprès des jeunes (propositions nos 17 à 22).

3ème frein : un système de formation qui présente de multiples carences.

Afin de disposer d’une main d’œuvre qualifiée et en nombre suffisant, le rapporteur préconise :

– de refonder le système de formation initiale, par la modulation du collège avec des parcours différenciés (proposition n° 25) et le renforcement de l’enseignement des sciences, notamment avec le rétablissement des mathématiques obligatoires au lycée (proposition n° 24) ;

– d’adapter la formation secondaire aux besoins économiques et des territoires, notamment en confiant au ministère de l’industrie la responsabilité des filières industrielles au sein des lycées professionnels (proposition n° 28), en généralisant la présence des représentants d’entreprises dans les établissements (proposition n° 26) et en développant les écoles de production (proposition n° 31). Le rapporteur souhaite aussi donner la priorité aux filières industrielles dans le dispositif d’apprentissage (proposition n° 29). Il appelle enfin à opérer une refonte de l’offre de formation de France Travail, de France Compétences et des opérateurs associés (proposition n° 34) ;

– de mettre place un droit à la formation continue technologique (proposition n° 33).

4ème frein : une compétitivité-prix qui est plombée par l’énergie, la fiscalité et les normes.

Afin d’améliorer les conditions de la production et de l’innovation sur notre sol, le rapporteur propose trois chantiers majeurs pour impulser un choc de compétitivité :

– une énergie abondante, décarbonée et attractive, notamment par un mix énergétique reposant sur l’alliance du nucléaire et de l’hydraulique (propositions nos 47 à 53) et un prix compétitif et stable dans la durée qui reflète les coûts de production et de fourniture en France (propositions nos 54 et 55) ;

– une fiscalité de croissance, notamment par la définition d’un plafond fiscal stable dans la durée pour offrir de la visibilité et sécuriser les choix d’investissements à moyen et long terme (proposition n° 59), par la baisse des impôts de production (proposition n° 56) et de transmission avec la réforme du Pacte Dutreil (propositions nos 61 et 62), ou encore par le gel de charges en contrepartie d’une hausse de salaires (proposition n° 14) ;

– une baisse de « l’impôt paperasse », notamment par l’engagement d’un chantier de simplification (proposition n° 67), la généralisation des études d’impact économique préalables aux nouvelles normes fiscales et réglementaires (proposition n° 60) et le refus d’appliquer les directives CSRD et CS3D (proposition n° 69). Il convient également de concilier décarbonation et impératifs économiques, par exemple en systématisant les clauses de revoyure relatives aux objectifs et délais de décarbonation des secteurs industriels (proposition n° 49) et en flexibilisant drastiquement les contraintes relatives à l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, tant en reportant les délais qu’en incluant de nouvelles technologies autorisées (proposition n° 68).

5ème frein : des contraintes normatives qui pénalisent l’implantation industrielle.

Afin de favoriser l’accès au foncier et de faciliter les implantations, le rapporteur préconise notamment :

– d’exempter les projets industriels de l’objectif de zéro artificialisation nette (proposition n° 71) ;

– d’accorder des dérogations à certaines contraintes environnementales (RIIPM) pour les projets industriels qui s’implantent sur les friches et plateformes industrielles (proposition n° 76) ;

– d’accélérer les procédures par le renforcement du principe du « silence valant acceptation » de l’administration (proposition n° 82) et le recours privilégié au régime de déclaration plutôt que d’autorisation (proposition n° 83).

6ème frein : un socle industriel de base qui se retrouve négligé par les politiques publiques.

Afin de soutenir les objectifs de la stratégie industrielle nationale, le rapporteur propose un plan de soutien fondé sur deux piliers :

– soutenir les innovations et les acteurs émergents, par un plan massif d’investissement pour succéder à France 2030, avec de nouvelles priorités, un accès simplifié et déconcentré, et atteindre l’objectif de 3 % du PIB en R&D (propositions nos 96 et 97) ;

– soutenir la modernisation du socle industriel de base (PME et ETI), par un système unifié de crédits d’impôts, facilement accessibles par déclaration fiscale, portant sur les investissements en décarbonation, robotisation et numérisation (proposition n° 98).

Afin d’assurer l’efficacité des aides publiques, le rapporteur préconise le renforcement de la conditionnalité des aides publiques (proposition n° 101) et une clause de retour à bonne fortune en cas d’amélioration significative du bilan de l’entreprise (proposition n° 102).

7ème frein : une commande publique qui reste sous-employée.

Afin de structurer la demande au service de la réindustrialisation, le rapporteur préconise notamment trois mesures phares :

– étendre le recours aux centrales d’achat public (proposition n° 86) ;

– instaurer un critère de priorité locale dans le droit des marchés publics (proposition n° 89) ;

– consacrer 2 % des achats courants de l’État à des innovations de PME (proposition n° 93).

8ème frein : des potentiels de financements qui restent sous-mobilisés.

Afin de libérer le financement nécessaire à la réindustrialisation, le rapporteur propose notamment :

– d’assouplir les contraintes prudentielles (proposition n° 104) ;

– de mobiliser l’épargne des Français sur la base du volontariat, atout insuffisamment exploité : seul 0,3 % du stock d’épargne des Français (plus de 6 000 milliards d’euros) permettrait de répondre aux besoins en financement de la réindustrialisation, estimés à 20 milliards d’euros annuels pour passer de 9 à 15 % d’industrie dans le PIB en 10 ans. Afin de soutenir l’innovation et l’industrie, notamment en private equity, il propose de créer un fonds souverain français (proposition n° 110) et de flécher une part du plan épargne retraite (PER) et de l’assurance-vie (propositions nos 106 et 108) ;

– d’étaler les échéances de remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) jusqu’à 10 ans et autoriser leur conversion en fonds propres au cas par cas (proposition n° 103).

9ème frein : des politiques d’export et de sécurité économique qui demeurent insuffisantes.

Afin de concilier l’ouverture et la sécurité de notre économie, le rapporteur préconise notamment :

– de structurer la politique publique d’export, par un soutien plus important aux entreprises (propositions nos 35 à 37), le principe de conditionner les aides publiques au développement à de nouveaux débouchés (proposition n° 38) et le développement de réseaux privés d’entreprises françaises à l’export comme en Italie (proposition n° 39) ;

– d’organiser une véritable politique publique d’intelligence et de sécurité économiques, par la création d’un secrétariat d’État et d’une délégation parlementaires dédiés (propositions nos 40 et 41), des actions de prévention contre les ingérences (propositions nos 42 à 45), ou encore le renforcement du dispositif de contrôle des investissements étrangers en France (proposition n° 46).

10ème frein : une Europe qui continue d’entraver la relance industrielle.

Afin de faire de l’Europe un levier d’opportunités pour notre industrie, le rapporteur propose notamment :

– d’agir en faveur du « juste-échange » par un protectionnisme proportionné, notamment en réformant la taxe carbone aux frontières (MACF) (proposition n° 113), en répartissant ses recettes aux États membres pour financer l’amélioration de leur compétitivité (proposition n° 114) ou encore en mettant fin aux négociations de la Commission visant à lever les surtaxes sur les importations de véhicules électriques chinois (proposition n° 111) ;

– de sortir de la naïveté européenne en stoppant l’inflation normative (propositions nos 116 et 117), en renforçant la préférence européenne dans les marchés publics (propositions nos 120 à 122) et en assouplissant les règles encadrant les aides d’État (proposition n° 128). Il souhaite aussi favoriser l’émergence de champions européens par l’amélioration du dispositif des PIIEC et une révision des règles relatives aux concentrations (propositions nos 126 et 127).

– de développer des coopérations renforcées entre États membres, en faveur d’une autonomie stratégique du continent, notamment en matière de sécurisation des chaînes d’approvisionnement et de sécurité économique (propositions nos 129 et 130).

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   REMERCIEMENTS DU RAPPORTEUR

Le rapporteur tient à saluer le travail du président de la commission d’enquête, Charles Rodwell, avec qui la collaboration a toujours été constructive, respectueuse et chaleureuse, malgré leurs divergences politiques assumées. Il remercie également les députés qui ont activement pris part aux auditions et contribué, par leurs questions et réflexions, à la richesse des échanges, de même que l’ensemble des personnes auditionnées, dont les témoignages et analyses ont constitué une source précieuse d’information et de réflexion tout au long des travaux.

Le rapporteur adresse ses plus sincères remerciements à l’équipe du secrétariat de la commission d’enquête, ainsi qu’à l’ensemble du personnel de l’Assemblée nationale, dont le remarquable professionnalisme et la disponibilité ont permis le bon déroulement des auditions et la réalisation de ce rapport. Il tient à exprimer sa profonde reconnaissance à Aloïse Delizy, collaboratrice du Groupe Rassemblement National, et à Rémy Berthonneau, son collaborateur parlementaire, pour leur concours et leur soutien si précieux durant les quatre mois de travaux intenses de cette commission d’enquête.

Il remercie enfin la présidente Marine Le Pen pour la confiance qu’elle lui a témoignée et qui l’honore, en lui confiant la responsabilité d’être rapporteur de cette commission d’enquête lancée par le Groupe du Rassemblement National, une mission qu’il a eu à cœur d’exercer avec passion, engagement et objectivité.

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   PremiÈre pARTIE :
40 ANS DE DÉSINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE

I.   La France, une puissance industrielle dÉsormais affaiblie

Dans l’histoire de l’industrie française, la seconde moitié du XXe siècle occupe une position singulière car elle voit se succéder deux périodes que tout oppose. De 1945 au milieu des années 1970, pendant les Trente Glorieuses, la France connaît une période de croissance économique forte caractérisée par le plein emploi dont l’industrie est le moteur. Après le premier choc pétrolier qui marque un véritable point de bascule, la situation de l’industrie nationale se dégrade continument au point que la France est aujourd’hui le pays le plus désindustrialisé d’Europe, avec des conséquences catastrophiques pour l’emploi, la balance du commerce extérieur et le niveau de vie.

La désindustrialisation actuelle n’est pas le premier choc qu’a subi l’industrie française. Pour remettre l’évolution économique dans la perspective du temps long, il convient de rappeler l’état de l’économie française au sortir de la Seconde Guerre mondiale. La chute de la production industrielle est alors vertigineuse : 60 % par rapport à 1938 et même 70 % en comparaison de son niveau de 1929. En 1945, les mines de charbon ne fournissent plus que 25 millions de tonnes contre 47 millions avant la guerre, la sidérurgie 1,6 million de tonnes d’acier au lieu de 6,2 millions et les cimenteries 126 000 tonnes contre 296 000 ([33]). Tout concourt à expliquer cet effondrement : les bombardements des usines, le pillage par l’Allemagne des machines et des matières premières, les difficultés d’approvisionnement en énergie et matières premières... Quant à la relance, elle s’avère difficile en 1945 face aux deux goulots d’étranglement que constituent le démantèlement des transports et la pénurie de charbon, source d’énergie essentielle de l’époque, qui a fortement contribué à l’essor industriel et à la richesse de la France et a façonné des territoires entiers, à l’instar de celui de la Moselle.

Face à cet état de marasme profond, le projet gaulliste de reconstruction industrielle avait non seulement pour ambition de retrouver le niveau d’approvisionnement d’avant-guerre mais, au-delà, de rendre à la France sa puissance industrielle et souveraine. Une politique industrielle au service de l’indépendance nationale et du progrès social, technique et technologique grâce à l’industrie, reposant sur le rôle central d’un État stratège à la fois planificateur, investisseur et organisateur du tissu industriel.

Cette politique de puissance se traduit par une vague de nationalisations conformément au programme du Conseil national de la Résistance et engagée de 1944 à 1948, notamment dans les secteurs industriels stratégiques tels que les houillères du Nord et du Pas-de-Calais en décembre 1944, Renault en janvier 1945, Gnome‑et‑Rhône (armement) en mai, les Transports aériens en juin, l’approvisionnement en gaz et en électricité en avril 1946 (création d’Électricité de France, issue de la nationalisation de plus de 1 500 entreprises locales pour centraliser la production, le transport et la distribution d’électricité), l’ensemble des mines de charbon françaises avec l’intégration du bassin houiller lorrain dans les Charbonnages de France en 1946 et Air France en juin 1948 ([34]).

Une politique volontariste de modernisation industrielle a été mise en place au début l’année 1946. Sous la houlette du Commissaire général au plan Jean Monnet, le « plan Monnet », qui devait initialement s’étendre de 1946 à 1950, fut prolongé jusqu’en 1952 afin de coïncider avec les financements du programme de rétablissement européen dit « Plan Marshall » pour la reconstruction de l’Europe après la guerre. Cette planification avait pour objectif de constituer des filières puissantes dans six secteurs majeurs : le charbon, l’électricité, le ciment, le machinisme agricole, le transport et l’acier.

Parallèlement, de grands projets ([35]) industriels ciblés sont lancés, comme la constitution d’une filière nucléaire, avec la création du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) le 18 octobre 1945. De cette initiative naîtra en 1948 la première pile atomique dénommée « Zoé », avant que son mode de production ne s’industrialise en 1952 sur divers sites comme Saclay et Marcoule ([36]). C’est au cours des années 1945 à 1968 que les volets énergétiques, industriels et militaires de la branche atomique française prennent forme, aux côtés d’autres branches industrielles de référence.

De grands programmes d’infrastructures sont également impulsés, comme le réseau autoroutier à partir de 1955 ou la modernisation des réseaux ferroviaires avec l’électrification du réseau dès la fin des années 1950.

Emblématique de cette politique industrielle ambitieuse, le secteur aéronautique français se structure avec la création d’Airbus en 1970 et parvient progressivement à concurrencer le champion américain Boeing grâce au soutien de l’État, par des aides remboursables et la commande publique([37]).

C’est à la constitution de ces secteurs industriels-clés qu’Éric Trappier, président du groupe industriel Marcel Dassault et président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), rend hommage en audition : « Dans les années 1960, la France s’était fortement industrialisée, principalement dans les domaines du nucléaire militaire et civil – le premier pour assurer la souveraineté de la dissuasion nucléaire française, le second afin de garantir une indépendance énergétique fondamentale pour l’industrie –, de l’aviation civile et militaire – outre le groupe que je représente, il faut compter les réussites d’Airbus et de Safran –, du train, avec le TGV, et de l’automobile, grâce aux décennies d’expérience de Peugeot, Renault et de leurs sous-traitants, qui ont tous contribué à la réussite du moteur thermique en France. » ([38])

Cette politique volontariste a permis à la France de retrouver son rang de puissance industrielle, pionnière en innovation dans de nombreux secteurs ; elle a entraîné la multiplication par quatre de la production industrielle entre 1946 et 1973, soit une croissance annuelle moyenne de 5 à 6 %, assurant non seulement le redressement économique du pays, mais aussi le financement de l’État-providence. Ce modèle français de solidarité nationale s’est traduit par la généralisation de la Sécurité sociale, le développement des services publics, l’élévation du niveau de vie et la réduction des inégalités, consolidant ainsi le pacte social autour des fruits de la croissance.

Après ces décennies d’interventionnisme fort de l’État, suit une période de démantèlement progressif de la politique industrielle au cours des années 1970, qui s’accélère dans la seconde moitié des années 1980.

« Après le premier choc pétrolier, – sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing – le pouvoir a combiné un discours libéral, organisé autour du thème du désengagement de l’État, et une politique interventionniste brouillonne. » ([39]) L’abandon de la politique industrielle volontariste s’accélère sous la présidence de François Mitterrand, avec la promotion du « moins d’État » et l’arrêt du soutien financier aux grands groupes industriels en difficulté. La disparition de Creusot-Loire en juin 1984, pourtant considéré comme un fleuron national dans le domaine de la sidérurgie, est significative : « Cet épisode marque une double rupture, avec la politique volontariste de la gauche mais autant sinon plus avec le modèle économique national de l’après-guerre. » ([40])

Aux nationalisations d’après la Seconde Guerre mondiale et de 1982 succèdent alors une série de privatisations, initiées à partir de 1986, avec la mise en place du gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac et la nomination de Alain Madelin comme ministre de l’Industrie. Les privatisations se poursuivront sous les gouvernements suivants et ce, malgré les alternances : Saint-Gobain en 1986, Renault (partiellement) en 1990, Rhône-Poulenc en 1993, Total et Pénichey en 1995, Usinor‑Sacilor en 1996, Air France (partiellement) en 1999 ou encore Thomson Multimédia en 2000, etc.

La continuité de ce processus témoigne d’un profond changement de mentalité, et s’inscrit dans le mouvement de libéralisation des échanges internationaux et d’intégration européenne qui, comme le rappelle l’historien Jean-Claude Daumas, « imposait le respect des règles de la concurrence » et le « choix du marché unique qui condamnait toute préférence nationale en matière de commandes publiques ».([41])

A.   Quarante annÉes d’effondrement industriel

1.   La chute de la production industrielle et du poids de l’industrie dans le PIB

a.   Une tendance longue au déclin industriel

Les chocs pétroliers de 1974 et 1979 combinés à la fin des politiques volontaristes de l’État stratège marquent la fin des Trente Glorieuses et l’amorce d’un long processus de désindustrialisation : « c’est un choc d’offre, et quantité de PME tombent » estime Nicolas Dufourcq ([42]). Non seulement le double choc pétrolier alourdit la facture énergétique des entreprises mais nombre de ces dernières commencent à délocaliser leurs ateliers dans les pays où la main d’œuvre est bon marché. « Je date le début de ce mouvement désastreux à la décision prise par certaines grandes entreprises des télécommunications de délaisser l’industrie au profit des services en se disant que la Chine serait notre fournisseur et notre fabricant », raconte Éric Trappier ([43]).

La fermeture en Meurthe-et-Moselle des hauts fourneaux de Longwy en 1979, le redéploiement d’une partie des activités de Michelin en 1984 ou le départ de la Somme de Lee Cooper en 1988 constituent des exemples marquants de cette période de retournement économique et industriel ([44]).

Les secteurs de la sidérurgie, du textile, du charbonnage et de la construction navale sont les plus durement touchés. Dans la branche textile, les effectifs passent de 425 000 emplois en 1974 à moins de 100 000 en 1983. La sidérurgie connaît des difficultés comparables et les hauts fourneaux passent d’une production de 27 millions de tonnes d’acier en 1974 à 17 millions en 1983, faisant chuter le nombre de salariés de 151 000 en 1974 à 43 000 en 1992 ([45]).

Dès lors, la baisse de la part de l’industrie dans le PIB français se poursuit inexorablement ([46]). Alors que l’industrie représentait environ 28,8 % du PIB en 1970, sa part descend à 27,6 % du PIB en 1980, 24,3 % en 1990, 21,1 % en 2000, 17,6 % en 2010, avant de se stabiliser autour de 16 % du PIB à partir de 2015 – puis de connaître un fragile premier réamorçage à partir de l’année 2021.

Cette tendance s’applique à l’ensemble du secteur industriel, dont on rappelle qu’il additionne l’ensemble des activités économiques combinant des facteurs de productions pour produire des biens matériels destinés au marché ([47]). L’industrie, au sens des nomenclatures statistiques française et européenne, regroupe donc les secteurs de l’industrie manufacturière mais également les industries extractives (gravières, sablières, etc.), la production et la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné, ainsi que la production et la distribution d’eau, l’assainissement, la gestion des déchets et la dépollution.

Une baisse tendancielle de l’industrie dans la valeur ajoutée

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Source : Perspective Monde, Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, Université de Sherbrooke (Canada) https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays/?codeStat=NV.IND.TOTL.ZS&codePays=FRA&codeTheme=2

Pourtant ce déclin a essentiellement concerné l’industrie manufacturière, qui représente autour de 85 % du secteur industriel en matière de salariés, de valeur ajoutée et de chiffre d’affaires.

Le graphique suivant, transmis à la commission d’enquête par Agnès Bénassy-Quéré, sous-gouverneure à la Banque de France, décrit un fort recul de la part de l’industrie manufacturière dans le PIB de la France : il montre une tendance de long terme à la baisse, passant d’environ 22 % en 1960 à moins de 10 % aujourd’hui. On observe toutefois une certaine stabilisation depuis 2010, « comme si un plancher avait été atteint ou que des politiques avaient permis d’enrayer cette baisse. » ([48])Pour Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, « depuis dix ans, l’hémorragie a été interrompue et un frémissement se fait sentir, se traduisant par une légère remontée du nombre d’emplois et de sites actifs en France. Cependant, cette remontada demeure très timide et l’industrie française demeure en queue de peloton en Europe. » ([49])

Une stabilisation de la part de l’industrie dans le PIB à partir de 2008

 

Source : document diffusé lors de l’audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous gouverneure à la Banque de France, compte rendu n°10, 26 mars 2025.

b.   Une stabilisation fragile de la contribution de l’industrie au produit intérieur brut

La part de la valeur ajoutée industrielle s’est stabilisée en France entre 2011 et 2019 autour de 14 %. Elle atteint 15 % en 2023 grâce au secteur de l’énergie, en raison de l’inflation des prix de l’énergie et du rebond des exportations françaises d’électricité à la faveur de la remontée du parc nucléaire. Quant à la part de l’industrie manufacturière, elle reste également stable entre 2011 et 2019, à 11 % de la valeur ajoutée totale de l’économie ([50]).

Toutefois, la stabilisation de la part de la production manufacturière dans le PIB français est remise en cause à partir de 2022. Ce que confirme Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, devant la commission d’enquête : « l’industrie [manufacturière] française est passée de 14,7 % du PIB en 1995 à 9,1 % en 2019, avec une légère remontée à 9,7 % fin 2023, avant de redescendre à 9,3 % fin 2024. » ([51]) La comptabilité nationale confirme cette dégradation. En 2022, « la production industrielle ralentit fortement (+ 0,5 % en 2022, après + 7,1 % en 2021 et – 10,5 % en 2020), pénalisée par la baisse de la production de la branche gaz-électricité, qui est affectée par les arrêts de centrales nucléaires, et par le ralentissement des branches manufacturières (à l’exception de la cokéfaction-raffinage, qui rebondit nettement) » ([52]), rappelle l’Insee.

En 2023, la production industrielle croît légèrement (+ 0,5 %, après - 0,4 %), avec des situations très contrastées suivant les branches. La production de matériels de transport, encore très dégradée par rapport à son niveau d’avant-crise, accélère nettement en 2023 (+ 11,3 %, après + 7,8 %). À l’inverse, la production d’autres produits manufacturés se replie de nouveau (- 3,6 % après - 0,9 %), notamment pour les industries les plus énergivores (chimie, papeterie, métallurgie), très pénalisées par la hausse des prix de l’énergie ([53]).

Puis en 2024, « la production industrielle ralentit nettement en lien avec la baisse de la production manufacturière (– 0,9 %), pénalisée par une chute en matériels de transport (– 6,0 %). La production d’automobiles baisse fortement en 2024, en raison notamment de problèmes d’approvisionnement et de la transition vers l’électrique de plusieurs chaînes de production. Par ailleurs, la production en énergie augmente de nouveau, sous l’effet de la hausse de la production d’électricité des centrales nucléaires. » ([54])

En résumé, entre 2017 et 2024 la production industrielle de la France a baissé de 6,7 % et la production manufacturière de 6 % ([55]), confirmant la poursuite du phénomène de désindustrialisation sous la présidence d’Emmanuel Macron.

2.   La disparition de millions d’emplois industriels et la fermeture des sites de production

a.   Une perte lente des compétences associées aux emplois industriels

La baisse de la part de valeur industrielle dans le PIB français depuis les années 1970 s’est accompagnée d’un déclin continu de l’emploi industriel. Après un apogée en 1974, avec 5,4 millions d’actifs – soit près du quart du total des emplois – l’emploi industriel amorce un recul, qui ne s’interrompt pas jusqu’au mitan des années 2010 ([56]). La part de la population active dans l’industrie passe ainsi de 23 % en 1974 à 22,1 % en 1980 à 17,8 % en 1989, puis 12 % en 2014 avant de se stabiliser autour des 10 % à partir de 2017.

Une transformation profonde de la structure de l’emploi

 

Source : INSEE, tiré de Nicolas Dufourcq, « Infographie. La Désindustrialisation de la France : 1995-2015 », IGPDE.

L’emploi industriel poursuit donc un long déclin au cours des vingt dernières années, puis s’est stabilisé depuis 2017. Entre 2000 et 2022, le nombre de personnes en emploi salarié en établissements industriels a diminué de près de 900 000 postes, soit une perte équivalente à un cinquième des effectifs ([57]). Cependant, « la tendance à la baisse s’est inversée fin 2017, avec une reprise des emplois stables à partir de 20182019, ces derniers se substituant à l’intérim [...] Au total, en tenant compte des intérimaires, la hausse de l’emploi dans un établissement industriel n’est que de 11 100 salariés [en 2023]. » ([58]) Entre 2017 et 2024, un timide retournement industriel se concrétise donc avec la création de 130 000 emplois salariés en équivalent temps plein (ETP), et ce, malgré les divers chocs exogènes dus à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine ([59]).

La stagnation des indicateurs de productivité du travail en France sur la même période (progression moyenne de + 0,1 % à + 0,3 % par an) conduit toutefois à relativiser ce rebond ([60]).

Il reste que l’industrie aura perdu plus de 2 millions d’emplois salariés depuis 1975. Ce constat s’explique en partie par un facteur structurel souligné par Agnès Bénassy-Quéré : « il est important de noter que la part de l’industrie dans l’emploi a connu une baisse plus marquée que sa part dans le PIB, en raison des gains de productivité plus importants dans ce secteur que dans les services. » ([61])

b.   Des créations d’usines au point mort après une fragile reprise

Une autre manière d’analyser le processus de désindustrialisation est de considérer le nombre net de créations et de suppressions d’entreprises industrielles sur la période, comme le propose Emmanuel Combe : « ce mouvement [de désindustrialisation] semble s’être enrayé à partir de 2016-2017, si l’on en juge par le nombre d’emplois industriels et la création nette d’usines. »([62]) Cet indicateur, bien que perfectible ([63]), met en évidence un solde net positif d’annonces d’ouvertures de sites industriels à partir de 2016-2017.

La création d’usines demeure encore précaire pour la période récente 20222024, comme le rappelle le baromètre industriel de l’État de la direction générale des entreprises (DGE) : « les résultats du baromètre témoignaient d’une réindustrialisation forte en 2022 et en 2023 avec respectivement 176 et 189 ouvertures nettes en tenant compte des extensions et réductions significatives. En 2024, avec 89 ouvertures nettes recensées au total, les résultats sont plus modérés, la relève du deuxième semestre s’inscrit ainsi dans la continuité du premier semestre. La réindustrialisation ralentit mais elle se poursuit : depuis 2022, on recense plus de 450 ouvertures nettes sur tout le territoire et ces résultats témoignent de la continuité de la dynamique industrielle dans le pays. » ([64])

Ces données de la DGE nécessitent toutefois d’être fortement relativisées, d’une part car elles incluent les extensions d’usines et pas seulement les ouvertures, d’autre part car certains sites constituent des usines à faible valeur ajoutée.

Le solde net des ouvertures de sites industriels depuis 2017

Ouvertures d'usines et créations d'emplois industriels : les nuages  s'amoncellent pour 2024

Source : Bastien Bonnefous, « Ouvertures d’usines et créations d’emplois industriels : les nuages s’amoncellent pour 2024 », Le Monde, 18 février 2024 – données issues de l’étude de Trendeo sur l’emploi et l’investissement pour 2023 du 18 février 2024.

Un autre indicateur sur les créations d’usines apparaît toutefois beaucoup moins optimiste. Ainsi, l’indicateur réalisé par Trendeo prend en compte les ouvertures et fermetures de sites où sont exercées des activités de fabrication, de production/distribution d’énergie ou de traitement des déchets/recyclage. Par ailleurs, il ne prend en compte que les sites – créés ou fermés – avec un minimum de 10 salariés, alors que la DGE ne mentionne pas de critère de taille. Le ministère comptabilise les ouvertures et fermetures de sites effectives, tandis que Trendeo comptabilise les annonces, qui peuvent être en avance de 12 à 36 mois (même si, pour la plupart des projets, ils sont réalisés dans les 12 mois suivant leur annonce). Trendeo source ces données dans l’ensemble de la presse ; le ministère mobilise des bases de données publiques (permis déposés ou accordés). Enfin, la DGE comptabilise les extensions de sites et les réductions de capacité, que Trendeo fait figurer dans un « indicateur Usines Trendeo étendu ».

Ce baromètre Trendeo précise que les années 2022 et 2023 n’ont connu respectivement que 94 et 36 ouvertures de sites. En 2024, la désindustrialisation s’accélère avec un solde négatif de - 15, en comptant pour la première fois depuis 2015 davantage de fermetures d’usines que d’ouvertures.

Comme l’a affirmé David Cousquer, directeur de Trendeo, devant la commission d’enquête, « Le graphique que je vous ai transmis compare l’indicateur de la DGE à l’indicateur Trendeo "cœur", enrichi par l’intégration des extensions et réductions. Vous pouvez constater qu’ils présentent des tendances extrêmement proches. Le ministère a choisi de communiquer sur l’indicateur étendu, qui reste positif, alors que l’indicateur cœur est négatif, aussi bien pour la DGE que pour Trendeo. Il s’agit d’une question de communication et je ne peux reprocher au ministère de ne pas être particulièrement alarmiste dans son approche. Notre indicateur est un choix délibéré, mais il présente également des avantages. » ([65])

Evolutions du nombre de sites industriels selon Trendéo et la DGE : indicateurs cœurs (créations et suppressions nettes) et indicateurs &étendus (intégrant les extensions ou réductions de taille de sites industriels existants)

Source : document diffusé par David Cousquer, directeur de Trendeo, lors de son audition, 27 mars 2025.

c.   Une situation inquiétante des PME industrielles

Le professeur Olivier Lluansi estime donc qu’» entre 2021 et début 2023, nous avons connu un « printemps de la réindustrialisation » au cours duquel de nouvelles activités industrielles ont été créées, dont une partie était liée au rattrapage de la crise du Covid mais dont une autre partie était sans doute plus structurelle et plus profonde. » ([66])

Enfin, l’affaiblissement de notre tissu industriel est démontré par la nature et la valeur ajoutée des établissements créés dans l’industrie manufacturière. Si l’Insee constate une hausse de 28 % des établissements dans l’industrie manufacturière, il souligne que « le nombre d’établissements de micro-entrepreneurs passe de 10 500 en 2014 à 27 700 en 2022, un essor marqué dans la fabrication d’articles de bijouterie fantaisie et d’articles similaires ; ou dans l’industrie de l’habillement (+ 11 900 établissements). » ([67]) Ainsi en 2022, 310 100 établissements de l’industrie manufacturière étaient économiquement actifs, parmi lesquels 122 500 étaient des micro-entreprises et 77 000 des sociétés de type par actions simplifiées (SAS). Entre 2017 et 2022, le nombre de micro-entreprises de l’industrie manufacturière est ainsi passé de 58 500 à 122 500 ; les SAS ont légèrement augmenté de 53 600 à 77 000, tandis que les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ont baissé de 86 200 à 76 000 et les entreprises individuelles classiques ont respectivement diminué de 39 600 à 28 500.

d.   Une hausse inquiétante des défaillances d’entreprises depuis 2021, en particulier pour les PME et ETI

Comme le remarque Vincent Vicard, directeur adjoint du CEPII : « d’autres indicateurs sont plutôt positifs, comme le nombre d’ouvertures d’usines, qui était favorable jusqu’à cette année, contrairement à ce que nous avions connu entre 2000 et 2017. Cet indicateur s’est toutefois inversé en 2024, avec plus de fermetures que d’ouvertures. » ([68]) La tendance haussière des défaillances du second semestre 2024 devrait se poursuivre en 2025 avec un niveau moyen de défaillances d’usines entre 2023 et 2024 supérieur à celui des années pré-Covid. Elle révèle entre autres raisons la difficulté rencontrée par de nombreuses entreprises à rembourser les prêts garantis par l’État (PGE) qui leur ont été consentis en réponse à la crise économique en 2020, et sur lesquels nous reviendrons.

 

Évolution du nombre de défaillances d’entreprises depuis 2017

Source : bases Bodacc et FARE, tiré des Thémas de la DGE, n°28, février 2025.

La stagnation industrielle que nous traversons, consécutive à des décennies de forte désindustrialisation, touche en premier lieu les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ainsi, comme le rappelle la direction générale des entreprises (DGE), en 2024 les défaillances ont augmenté de 60 % par rapport à la moyenne pré-crise (2017 à 2019) pour les petites entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, soit un rythme nettement plus rapide que pour les défaillances de très petites entreprises, qui ont crû de 16 %. Les moyennes entreprises connaissent le plus fort accroissement des défaillances sur la période, avec une augmentation de 70 % par rapport à la période pré-crise précitée ([69]). L’augmentation de la taille moyenne des entreprises défaillantes fait ainsi craindre une hausse de l’emploi industriel menacé. Cette dégradation du tissu productif menace structurellement la relance industrielle future du pays puisque les PME et ETI, socle industriel de base nécessaire au développement de l’ensemble des filières et de nombreuses innovations, représentent 70 % du potentiel de réindustrialisation de la France selon une étude du laboratoire d’idées de la Banque publique d’investissement (BPIFrance) ([70]).

Évolution du nombre de défaillances d’entreprises depuis 2017

Source : Thibaud Cazanave, « Comment expliquer l’augmentation des faillites d’entreprises ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 28, février 2025

3.   L’affaiblissement de la balance commerciale depuis le milieu des années 2000

Conjuguée à une concurrence industrielle exacerbée à l’international, la diminution, voire la disparition de pans entiers de l’industrie française a largement contribué au déséquilibre du commerce extérieur français.

Alors que la balance commerciale française était significativement excédentaire jusqu’à la fin des années 1990, avec un excédent correspondant à 3,4 % du PIB en 1999, celle-ci s’est détériorée dans les années 2000, pour laisser place à un déficit croissant à partir de 2007 et atteindre un point bas en 2014. De fait, l’excédent relativement stable de la balance des échanges de services ne permet plus, depuis 2006, de compenser le déclin des exportations de biens, et le solde commercial de la France est ainsi devenu structurellement déficitaire à partir de 2006([71]). La crise énergétique conjoncturelle, couplée à la dégradation structurelle du tissu industriel français, a provoqué des records abyssaux de déficit commercial global d’environ 162 milliards d’euros en 2022, 100 milliards en 2022 et 81 milliards en 2024 ([72]).

Pour autant, la spécialisation commerciale de la France est telle que, pendant longtemps, notre pays n’était pas incité à rééquilibrer son solde commercial des biens manufacturés. Comme le rappelle une note de la Banque de France, « la contribution [du solde commercial] au processus de désindustrialisation résulte d’un effet de spécialisation plus que d’une détérioration du solde commercial total de la France (effet d’épargne nette). En effet, le contre-choc pétrolier du milieu des années 1980 et la moindre dépendance au pétrole de l’économie française ont contribué à résorber le déficit énergétique alors que le solde commercial total est revenu depuis une dizaine d’années à un niveau proche de celui des années 1975−1985. À niveau d’épargne nette inchangé, la France a donc besoin d’exporter moins de biens manufacturés pour financer une facture énergétique plus faible. » ([73])

La dégradation de la balance commerciale française

Source : Insee (comptes annuels), tiré de Yannick Kalantzis, Camille Thubin, « Les causes de la désindustrialisation en France », Bloc-notes Eco de la Banque de France, 13 novembre 2017 https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/les-causes-de-la-desindustrialisation-en-france

a.   Une spécialisation productive en question

La Cour des comptes identifie quatre principaux secteurs de spécialisation commerciale en France, tous industriels : « En 2023, la France se positionne parmi les principaux exportateurs mondiaux dans quatre secteurs clés historiques : premier exportateur pour les boissons (15,2 % des parts des exportations en valeur) et pour les parfums et cosmétiques (15,2 % également), et deuxième exportateur mondial pour le cuir et la bagagerie (14 %) ainsi que l’aéronautique et le spatial (13,6 %). L’activité industrielle s’est globalement spécialisée sur les secteurs de haute et moyenne technologie (industrie aéronautique, civile et militaire, chimie-pharmacie) et sur les secteurs dits de basse technologie (agroalimentaire) dont la part augmente. Les replis les plus marqués concernent certains secteurs dits de moyenne technologie comme l’automobile, les produits électriques et les machines et équipements. » ([74])

Ainsi, lorsque l’exportation de ces produits connaît une évolution négative depuis le début des années 2000, la balance commerciale française s’en trouve d’autant plus déficitaire : « Selon les données du centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), depuis le début des années 2000, la gamme des produits manufacturés exportés par la France n’a pas connu d’évolution positive. La part des exportations de biens manufacturiers haut de gamme (près de 40 % en 2000) est passée sous la barre des 40 % entre 2006 et 2010 et entre 2014 et 2019. »([75]) Toutefois, pour relativiser le poids de l’industrie dans le déficit commercial français, Agnès Bénassy-Quéré souligne qu’ « il est crucial de comprendre que le déficit n’est pas une fatalité ; la France a connu des périodes d’excédent. Le solde commercial ne dépend pas uniquement de la compétitivité, mais aussi de facteurs tels que le prix de l’énergie, les décalages de conjoncture entre pays, les soldes budgétaires et les dynamiques démographiques et d’épargne. » ([76]) Le solde commercial n’est donc pas un indicateur pur de la position de l’industrie française.

b.   Un faible nombre d’entreprises exportatrices

La Cour des comptes souligne, dans son rapport de novembre 2024, que les entreprises industrielles françaises sont peu nombreuses à exporter et que ce sont essentiellement les grandes entreprises, bien insérées dans la mondialisation, qui exportent : « [Les entreprises industrielles] représentent 28 % de la valeur ajoutée des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers, soit 325 milliards d’euros, 28 % de l’investissement et surtout 62 % du chiffre d’affaires à l’exportation. Les entreprises du secteur industriel sont très diverses. Un petit nombre d’entre elles, 18 000, sont organisées sous forme de groupes de sociétés, soit 7 % des entreprises industrielles mais 81 % des salariés en ETP, 86 % de la valeur ajoutée (VA), 89 % du chiffre d’affaires et 93 % des exportations. Ces entreprises sous forme de groupes sont composées de 68 700 unités légales, c’est-à-dire des filiales dont les activités ne sont pas nécessairement industrielles. Ainsi, un peu plus de la moitié seulement de ces unités (53 %) a une activité industrielle mais celle-ci représente 225 milliards d’euros de valeur ajoutée et 2,16 millions de salariés en ETP. Les autres exercent une activité ne relevant pas de l’industrie : activités financières, sièges... » ([77])

Un appareil exportateur concentré sur les grandes entreprises

Champ : secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers.

Source : Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024.

c.   L’exemple de la filière automobile

Les auditions de la commission d’enquête ont fait ressortir que le secteur de l’automobile est particulièrement touché par la réduction des exportations, détériorant encore davantage la balance commerciale de la France. Selon Eurostat et l’Organisation mondiale du commerce, le solde des échanges extérieurs du secteur est passé d’un excédent de + 13 milliards d’euros en 2004 à un déficit de –  15 milliards d’euros en 2019, reflétant une baisse des parts de marché à l’exportation. En revanche, l’Allemagne a accru son excédent commercial de près de + 30 milliards d’euros et sa production de 19 % sur cette même période ([78]).

Source : Myriam Fogelman et Amine Didioui, « Transformations et défis de la filière automobile », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 4, octobre 2022

Selon Agnès Bénassy-Quéré, professeure d’économie et seconde sous‑gouverneure à la Banque de France, « le secteur automobile mérite une attention particulière. On observe un mouvement de délocalisation de l’assemblage des constructeurs automobiles, visible dans la balance des paiements avec un effondrement du solde des biens, partiellement compensé par le solde du négoce. » ([79]) Le renversement de la balance commerciale des automobiles françaises devrait ainsi être lu comme le résultat, notamment, d’une réallocation internationale de leurs chaînes de valeur. Elle traduit également une perte de richesse délocalisée et une chute de près de 39 % du nombre d’emplois puisque le secteur automobile comptait 318 400 emplois salariés au premier trimestre 2004 contre 195 800 au quatrième trimestre 2019.

Par ailleurs, la dégradation de la filière automobile française va s’accélérer. Selon une étude réalisée par l’institut Xerfi dans le cadre de l’engagement de développement de l’emploi et des compétences de la filière automobile, la France a déjà perdu en cinq ans près de 40 000 emplois industriels dans le secteur automobile, soit plus de 10 % des effectifs, à un rythme annuel moyen supérieur à 2 %. D’ici à 2035, échéance pour l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique, une perte supplémentaire de quelques 75 000 emplois industriels est prévisible, soit plus de 22 % des effectifs, à un rythme annuel moyen de 2,5 % ([80]).

Les difficultés du secteur automobile ont par ailleurs d’importantes conséquences négatives sur des filières annexes. Le fabricant de semi-conducteurs STMicroelectronics, dont l’activité dépend fortement de celle de l’automobile, a par exemple exprimé l’intention de réduire ses effectifs d’environ 2 800 postes dont un tiers en France (sur 50 000 dans le monde) sur la base de départs volontaires ; le groupe concentre progressivement ses activités vers l’Asie.

Les spécificités de la filière automobile

Source : Document diffusé lors de l’audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous gouverneure à la Banque de France, compte rendu n°10, 26 mars 2025.

La cause principale évoquée devant la commission d’enquête par son directeur général Jean-Marc Chéry n’est autre que la contraction de la production automobile française et la nécessité de se rapprocher des marchés asiatiques en essor : « Nous avions adapté nos investissements et nos capacités de production pour répondre aux besoins de l’industrie automobile tels qu’ils étaient anticipés il y a deux ou trois ans. Nous avons été particulièrement proactifs dans la mise en place de capacités industrielles pour soutenir ce secteur. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation très instable, en raison de la feuille de route d’électrification, du niveau de contraintes imposées et de la disparition des barrières à l’entrée pour les moteurs thermiques. Pour nous, cela se traduit par des baisses de chiffre d’affaires à deux chiffres en 2024 et 2025, ce qui représente un défi majeur à court terme. » ([81])

d.   L’exemple de la filière pharmaceutique

Pour autant, le secteur automobile n’est pas le seul à connaître des difficultés. Le secteur pharmaceutique subit également un net recul de ses exportations consécutif à une réduction significative de ses activités depuis les années 2000. Étienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, dresse le bilan suivant : « À l’échelle mondiale, la production [pharmaceutique] française est passée de 5,8 % en 2008 à 2,9 % en 2023. Autrefois à la première place en matière d’accès aux médicaments, la France figure désormais au sixième rang des pays producteurs de médicaments en valeur, derrière la Suisse, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Le constat est inquiétant : sur les 508 médicaments autorisés en Europe entre 2017 et 2022, 48 seulement sont fabriqués en France, contre 122 en Allemagne, 97 en Irlande, 74 aux Pays-Bas. [...] Le décrochage de la France en matière d’industrie pharmaceutique a de lourdes conséquences, en raison du caractère stratégique du secteur – pierre angulaire de notre souveraineté et de notre compétitivité – pour la France et pour l’Europe. Notre dépendance aux importations de médicaments s’est accrue et constitue aussi une perte de chance pour les citoyens. »([82]) Ainsi, en plus d’impliquer une délocalisation de la production et des emplois de même qu’une perte de richesses pour la nation, le creusement de la balance commerciale traduit l’accroissement de nos dépendances et la dégradation de notre souveraineté.

B.   Une dÉsindustrialisation franÇaise plus forte que chez nos voisins europÉens

1.   Une tendance à la désindustrialisation commune aux pays occidentaux

Excepté l’Allemagne, les grands pays européens et les États-Unis ont tous connu une baisse significative de leur part industrielle dans le PIB depuis les années 1970, et particulièrement depuis les années 1990, avant de se stabiliser depuis 2010 ([83]). Plus globalement au sein de l’Europe, sur la période 2000-2017, le phénomène concerne davantage les pays de l’Ouest plus avancés, que les pays de l’Est. Cependant, « en comparaison avec d’autres pays européens, la France partait déjà d’un niveau plus bas que l’Allemagne ou l’Italie en 1991. » ([84])

Part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut

Source : document diffusé lors de l’audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, compte rendu n°10, 26 mars 2025.

2.   Une désindustrialisation plus prononcée en France

Si cette tendance est généralisée dans l’ensemble des économies avancées, la comparaison des parts de valeur ajoutée industrielle dans le PIB révèle une désindustrialisation nettement plus marquée en France. C’est ce que souligne Agnès Bénassy-Quéré : « cette évolution globale vers la désindustrialisation est bien plus marquée en France que dans les économies comparables. La part occupée par l’industrie dans la production de richesses en France se révèle inférieure à la moyenne européenne (15,9 %). L’industrie compte pour 25,8 % du PIB en Allemagne (dont 21,1 % pour l’industrie manufacturière), 19,7 % du PIB en Italie, 16,1 % en Espagne. La France se présente comme l’économie la plus désindustrialisée du G7 avec celle du Royaume-Uni. » ([85]) Selon Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, « en 1980, le ratio industrie/PIB était similaire en France et en Allemagne. Depuis, celui-ci a baissé de 50 % en dans notre pays contre seulement 15 % outre-Rhin. » ([86])

À l’instar de pays avancés comme le Royaume-Uni ou des États-Unis, la France a connu de manière plus prononcée l’effet conjugué des gains de productivité de l’industrie, du développement de l’économie de services et de l’augmentation des délocalisations et de la sous-traitance ([87]).

De même, la baisse de l’emploi industriel français a été en moyenne plus élevé que dans les autres économies comparables sur la période 1995-2017. Selon la direction générale des entreprises, « la France a connu une importante perte de 900 000 emplois manufacturiers, soit une baisse de 27 %, quand ce chiffre déclinait de 13 % en UE et de 6 % en Allemagne. » ([88])

3.   L’Europe comme principale destination des délocalisations industrielles de la France

La désindustrialisation plus marquée de la France s’explique enfin par phénomène prononcé de délocalisation de ses industries, principalement en Europe. En effet, comme le souligne l’Insee, « en moyenne annuelle sur la période 19952017, environ un millier d’entreprises auraient délocalisé, correspondant à 25 000 emplois par an. Les délocalisations apparaissent en majorité industrielles, et près de la moitié à destination de pays européens. Les emplois qualifiés de l’industrie, y compris les ouvriers qualifiés, sont surreprésentés parmi les emplois délocalisés. » Par ailleurs, il est précisé dans cette même analyse que « l’Europe représente la destination majoritaire des flux d’importations spécifiques imputables aux délocalisations françaises, toutes périodes confondues. En 2017, 62 % des délocalisations sont européennes. Près de la moitié des délocalisations en 2017 s’effectuent vers les pays frontaliers : au premier rang desquels l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. » ([89])

Source : Camille Beaurepaire et Victor Lavialle, « Plus de 10 000 emplois délocalisés chaque année de 2011 à 2017, en baisse par rapport à la décennie antérieure », Insee Références, 7 décembre 2022

II.   Depuis 2017, une relance affichÉe mais un bilan contrastÉ

A.   Des politiques ambivalentes …

1.   De grandes ambitions affichées et des mesures qui vont dans le bon sens…

En 2012, le rapport Gallois ([90]) établissait un diagnostic, confirmé par le Conseil national de productivité en 2019 ([91]), soulignant la perte de compétitivité-coût de la France durant les années 2000. Lancée en septembre 2013 par le ministre chargé de l’économie Arnaud Montebourg dans l’objectif de positionner la France dans trente-quatre secteurs industriels d’avenir, la stratégie « Nouvelle France industrielle » fut alors conçue comme un levier pour soutenir l’innovation et la compétitivité des entreprises françaises. Parallèlement, à partir de 2013, les politiques de baisse du coût du travail connaissent une nouvelle accélération avec la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) puis, en janvier 2015, du Pacte de responsabilité et de solidarité. Par la suite, à partir de 2017, les objectifs affichés par Emmanuel Macron en matière de politique industrielle ont visé, d’une part, à se concentrer sur la compétitivité-prix pour l’ensemble du secteur industriel et, d’autre part, à soutenir certaines filières d’avenir considérées comme des innovations de rupture. L’ambition affichée était de passer à 15 % d’industrie dans le PIB à horizon 2035 en partant de 9 % en 2023, objectif irréalisable au regard des politiques engagées selon plusieurs études (cf. L’objectif affiché n’est pas atteignable ci-dessous).

a.   La baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises visait à améliorer la compétitivité-prix de l’industrie… mais elle a été neutralisée par le coût normatif et administratif croissant

  1.   Une baisse bienvenue de la fiscalité des entreprises

La France, qui se caractérise par une structure de prélèvements pesant davantage sur l’appareil productif et de façon moindre sur la consommation ([92]), a réduit le taux de taxation de ses entreprises non financières entre 2019 et 2023, bien que plus tardivement que ses voisins. Alors qu’en 2019, la France appliquait le taux moyen effectif de taxation ([93]) des entreprises non financières le plus élevé de l’Union européenne (UE) (35 %), ce taux était de 25 % en 2022, soit un niveau inférieur à celui de l’Allemagne (28,8 %) et de l’Espagne (29 %) et se rapprochant de celui de l’Italie (23,9 %). Des mesures de réduction sont intervenues au cours des dix dernières années, en particulier en 2015 dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité puis à l’occasion du plan de relance en 2021. Ces évolutions ont notamment visé l’impôt sur les sociétés (IS) et les impôts de production. Ainsi, la création du CICE (- 20 milliards d’euros), la baisse du taux de l’IS (– 11 milliards d’euros), la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans le cadre du plan de relance (– 8 milliards d’euros) et les allègements de cotisations sociales du Pacte de responsabilité de 2015 (– 6 milliards d’euros) ont constitué les principaux efforts.

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche (CIR), outil de compétitivité pour les entreprises, a fait l’objet d’une importante réforme en 2007 pour une mise en œuvre en 2008. Pour le rapporteur, cet outil de compétitivité doit être préservé.

Au total, selon la Cour des comptes ([94]), la baisse des prélèvements obligatoires entre 2013 et 2022, nette des mesures de hausse également intervenues sur la période, atteint 40,3 milliards d’euros en comptabilité nationale. À noter que ces mesures sur les prélèvements obligatoires, transversales, n’ont pas ciblé spécifiquement l’industrie.

  1.   La réforme des impôts de production

Les impôts de production, définis par l’Insee comme la fiscalité pesant sur les entreprises indépendamment de leur profitabilité ([95]), affectent la rentabilité et la capacité à exporter des entreprises industrielles. Au cours de la période 2012-2022, les débats ont porté en particulier sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), dont la suppression a été annoncée en 2015 puis interrompue, et sur la CVAE, qui a été diminuée à partir de 2021. L’évaluation par l’Institut des politiques publiques (IPP) des mesures de réduction des impôts de production (CVAE et cotisation foncière des entreprises) du plan de relance ([96]) confirme que l’industrie manufacturière en est bien le premier bénéficiaire. L’industrie manufacturière a bénéficié de 32 % de la réduction totale des impôts de production, soit 3,2 milliards d’euros en 2021 (36 % en incluant la production d’énergie). Cette étude estime que ces mesures ont pu contribuer à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité de la France pour l’implantation de sites de production industrielle.

  1.   La recherche d’un environnement fiscal favorable aux entreprises

Selon Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, la réforme de la fiscalité des entreprises constitue le point nodal de la politique industrielle depuis 2017 : « La politique industrielle a été essentiellement fiscale : baisse des impôts de production ; baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) ; montée en puissance de mesures plus anciennes telles que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le pacte de responsabilité et la réforme du crédit d’impôt recherche (CIR), qui bénéficie notamment aux plus petites entreprises. » ([97]) De même pour Marc Lhermitte, qui publie un baromètre de l’attractivité économique de la France pour EY Consulting, « en 2017, après une période de réveil de notre attractivité, qui ne date pas de l’élection d’Emmanuel Macron, mais du rapport de Louis Gallois du 5 novembre 2012 et de l’encouragement offert par la réduction – toute relative – du coût du travail grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous avons observé une forte progression des annonces d’investissement et d’implantation étrangers. Cette progression a été accélérée par les mesures annoncées au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, notamment celle concernant la réduction progressive de l’impôt sur les sociétés (IS) et les ordonnances de réforme du marché du travail du 22 septembre 2017 dites "ordonnances Pénicaud". » ([98])

Outre son effet réel sur le bilan des entreprises industrielles, la politique fiscale a incontestablement participé à la diffusion d’un environnement jugé propice à l’investissement industriel.

Selon Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « Concernant le rapatriement des investissements étrangers, un très net effort a été réalisé pour accroître l’attractivité de la France. Cela se reflète clairement dans les investissements directs étrangers (IDE), les baromètres et les implantations d’entreprises. Bien que ce point soit multifactoriel, la politique fiscale a indéniablement contribué à cette amélioration. » ([99])

De même, Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), note que « l’impôt sur les sociétés a été ramené de 35 % à 25 %, ce qui place la France dans la bonne moyenne européenne, proche des États-Unis, et la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a pérennisé l’allégement des charges identifiées par le rapport Gallois de 2012 entre 2,5 et 3,5 smic. En complément, le maintien du crédit d’impôt recherche (CIR) a été fondamental pour permettre aux entreprises, grandes ou petites, d’innover ; sans innovation, il n’y a pas d’industrie. » ([100])

  1.   Un mouvement contrecarré par la hausse de « l’impôt paperasse »

Cette « politique de l’offre », débutée en 2013, voit ses effets atténués, voire neutralisés, à cause de l’inflation normative européenne et française.

Si le rapporteur souligne l’utilité des normes pour sécuriser juridiquement les entreprises, les citoyens ou encore protéger l’environnement et le climat, il dénonce avec fermeté la méthode, ponctuée d’obligations de résultat décorrélées de la faisabilité économique. Avec peu de consultation et en l’absence d’études d’impact, l’Union européenne et la France sont arrivées à un point de rupture, ses règlements ne créant souvent aucune valeur. Étayés par le rapport Draghi, le poids normatif et sa complexité exponentielle fragilisent considérablement les entreprises européennes et tricolores dans la compétition internationale. Ce « maquis réglementaire » ([101]) favorise la désindustrialisation (cf. Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse ci-dessous).

Les législations européennes telles que la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises dite « CSRD » et la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité dite « CS3D » (cf. Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes ci-dessous), amplifiées par la surtransposition, « ce mal endémique » pour lequel « la France porte également sa part de responsabilité » ([102]), grèvent la compétitivité.

Au total, cette hausse des charges administratives vient remettre en cause les gains fiscaux accordés (cf. Une inflation des exigences normatives jusqu’à l’absurde ci-dessous).

b.   La réforme du dispositif d’apprentissage a amélioré l’attractivité des emplois industriels

  1.   Une réforme de l’apprentissage répondant aux attentes des industriels

Entamée en 2017, la réforme du système d’apprentissage et de la formation professionnelle a œuvré à l’amélioration du vivier de compétences dont disposent les entreprises industrielles.

Outre ses dispositions relatives à l’assurance-chômage, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite « loi Avenir professionnel » ([103]), a libéralisé l’offre de formation en apprentissage et mis en place de nouvelles modalités de financement, confiant aux branches professionnelles la fixation des niveaux de prise en charge des coûts des contrats d’apprentissage, afin de les adapter aux priorités d’emploi. Cette loi a par ailleurs créé une aide à l’embauche d’alternants, revalorisée en 2020 dans le cadre du plan de relance à 5 000 euros pour un alternant mineur et 8 000 euros pour un alternant majeur, pour les contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2022. En 2023, cette aide a été réformée en une aide exceptionnelle de 6 000 euros maximum la première année, assorties de conditions pour les plus grandes entreprises. Dans sa forme actuelle([104]), l’aide maximum allouée par contrat est fixée à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, 2 000 euros pour les entreprises de 250 salariés et plus et 6 000 euros pour le recrutement d’apprentis en situation de handicap.

Pour les entreprises interrogées, la réforme de l’alternance a incontestablement contribué à renforcer l’attractivité des emplois industriels. À ce titre, Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), soulignait : « Il faut aussi relever les réussites : la France est passée de 340 000 apprentis à près d’un million et 80 % des apprentis qui sont passés par nos entreprises ont ensuite trouvé un emploi. À ce titre, je tiens à saluer le travail effectué en collaboration avec France Travail, qui est allé vers les petites entreprises pour les aider à définir leurs besoins ou à rédiger des offres d’emploi. Ce déploiement engendrera des résultats ; j’en suis convaincu. » ([105]) Les dispositifs d’alternance participent ainsi à améliorer l’adéquation des compétences aux besoins des industriels, et à fidéliser les étudiants. Pour Stéphanie Lagalle-Baranès, directrice générale de l’opérateur de compétences interindustriel Opco 2i, « à l’issue des parcours en alternance, il n’y a pas d’évaporation ou très peu. Le taux d’insertion dans un emploi industriel atteint 75 % à 80 %, voire 100 % au sein de certaines promotions. L’offre de formation par apprentissage – assurée, dans le secteur industriel, par 2 000 centres de formation d’apprentis (CFA) – répond bien aux besoins des entreprises, sans problème d’insertion à l’issue. » ([106])

Plus largement, ce dispositif participe à l’amélioration de l’image de l’industrie. Selon le directeur général adjoint de France compétences, « même si le nombre de contrats ciblant des diplômes de niveaux 3, 4 et 5 reste moins important, le fort développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, dans la lignée de la réforme de 2018, a contribué à changer l’image de cette modalité de formation. Au-delà des aspects purement quantitatifs, il s’agit là d’un succès important de ces dernières années. » ([107])

De même, les industriels auditionnés voient d’un bon œil la réforme du lycée professionnel entamée en 2021. Ainsi selon Alexandre Saubot, président de France Industrie : « Concernant la formation, et plus spécifiquement la formation initiale, la réforme des lycées professionnels a été lancée il y a environ un an. Il est important de noter que l’industrie ne représente qu’une partie des filières des lycées professionnels, moins de la moitié des cursus. Dans ce domaine, nous constatons que là où existe une collaboration étroite avec le monde économique, notamment via nos fédérations présentes sur le territoire, les résultats sont généralement positifs. En revanche, l’absence d’échanges peut conduire à des inadéquations en termes de filières ouvertes ou d’équipements utilisés pour la formation, ce qui impacte négativement l’employabilité des diplômés dans un secteur industriel soumis à de fortes contraintes de compétitivité et de réactivité. » ([108])

Si le rapporteur soutient le dispositif d’apprentissage, il déplore que le secteur industriel ne soit pas davantage favorisé : l’industrie ne représentait effectivement que 14 % des entrées en apprentissage en 2023, contre 74 % dans le tertiaire. La construction et l’agriculture concernent quant à elles respectivement 10 % et 2 % ([109]).

  1.   Une modernisation attendue des dispositifs de formation, associée au plan d’investissement dans les compétences

La loi Avenir professionnel a réorganisé le paysage de la formation professionnelle en facilitant l’accès à la formation continue grâce à plusieurs dispositifs, notamment la désintermédiation et la monétisation des droits à formation acquis sur le compte personnel de formation (CPF).

D’autre part, depuis 2018, plusieurs dispositifs de soutien à la formation des salariés en vue d’une transition professionnelle ont évolué : le projet de transition professionnelle (PTP), succédant au congé individuel de formation (CIF), permet aux salariés du secteur privé de financer une formation certifiante visant une reconversion, tandis que le fonds national de l’emploi (FNE-Formation) cofinance depuis 2023 des actions de formation en entreprise pour préserver et développer les compétences des salariés.

Surtout, les entreprises industrielles ont bénéficié des financements du plan de relance et du plan d’investissement dans les compétences (2018-2022) qui visait à former et accompagner deux millions de jeunes et de demandeurs d’emploi, éloignés de l’emploi en raison de leur faible niveau de qualification.

Il faut également relever que la loi de 2018 a facilité la création d’écoles de formation, souvent prévues par les contrats stratégiques de filière et plébiscitées par les industriels auditionnés, et recentré la mission légale confiée aux opérateurs de compétences sur le soutien aux plans de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés.

  1.   Une réforme de l’organisation du service public de l’emploi

Visant à améliorer les transitions sur le marché de l’emploi, la réforme de la formation a été complétée par un travail de structuration du service public de la formation professionnelle et de l’emploi. Ainsi, l’opérateur de compétences (Opco) 2i, créé en application de la loi Avenir professionnel, représente « vingt-neuf branches, qui réunissent 80 000 entreprises – un peu plus de 80 % d’entre elles comptant moins de cinquante salariés – et emploient 3 millions de salariés. » ([110]) Selon son vice-président, l’Opco2i a pour mission « d’accompagner l’ensemble des branches et des entreprises dans tous leurs travaux prospectifs en matière de formation et de compétences. C’est notre cœur de métier d’analyser l’évolution des métiers et les enjeux pour les différentes branches afin d’adapter l’outil de formation aux besoins de compétences. » ([111]) De même, un nouvel opérateur, France compétences, a été créé pour améliorer la régulation de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage. Selon son directeur, France compétences accompagne les entreprises industrielles « dans tous leurs travaux prospectifs en matière de formation et de compétences. C’est notre cœur de métier d’analyser l’évolution des métiers et les enjeux pour les différentes branches afin d’adapter l’outil de formation aux besoins de compétences. » ([112])

c.   Les dispositifs de soutien public à l’industrie ont été améliorés

  1.   L’élargissement de l’accompagnement proposé par la Banque publique d’investissement (BPIFrance)

À partir de 2008, les politiques publiques de soutien à l’industrie se multiplient. Ainsi, la création de BPIFrance en 2012 ([113]) marque une inflexion de la politique industrielle, saluée par le rapporteur, en diversifiant les moyens dont dispose l’État pour soutenir les entreprises. En visant explicitement à stimuler l’investissement privé par l’investissement public, BPIFrance devient un acteur majeur et son offre de services se renforce. Outre son activité traditionnelle de financement et d’apport en garantie – via notamment des prêts à court, moyen et long terme, des crédits-bails, des prêts sans garantie – BPIFrance s’est enrichie depuis 2017 par la création de BPIFrance Assurance Export, dans le but de proposer des garanties publiques à l’export. De même, en 2019, naît BPIFrance Création, plus spécifiquement destinée à accompagner les entrepreneurs sur tout le territoire. Elle concentre un effort financier important de la part de l’État afin de soutenir l’investissement. Face à la crise du Covid-19, BPIFrance est devenue opérateur des prêts garantis par l’État (PGE). Ainsi selon son directeur général Nicolas Dufourcq, « les entrepreneurs ont avant tout besoin d’acteurs financiers proches d’eux, ancrés dans leur territoire et prêts à prendre des risques à leurs côtés. Le modèle que nous avons développé en France avec la BPIFrance répond parfaitement à ce besoin. Avec 50 agences réparties sur tout le territoire, nous offrons une gamme complète de services financiers, du financement en fonds propres aux garanties d’exportation, en passant par les crédits à court et long terme, le tout sans garantie et avec un soutien à l’innovation. »  ([114])

Le rapporteur regrette toutefois que le rôle de BPIFrance demeure limité, notamment par l’insuffisance de ses capacités financières et par la restriction de ses missions en matière d’apport en fonds propres, malgré les besoins en capitaux pour investir à long terme des PME industrielles.

Une gamme de services proposée par BPIFrance aux industriels

Source : document transmis par BPIFrance au rapporteur en réponse à ses questions

  1.   Le plan France 2030

De même, le lancement en 2021 du plan d’investissement France 2030 a constitué un développement important de la politique industrielle de l’État. S’inscrivant dans la lignée des programmes d’investissement d’avenir (PIA), France 2030 consacre un total de 54 milliards d’euros, pour une durée de cinq ans, à l’investissement dans les entreprises, les universités et les organismes de recherche afin de répondre aux défis écologiques et d’attractivité, et de faire émerger les futurs champions de nos filières d’excellence identifiés par le Gouvernement. Le plan, piloté par le Secrétariat général pour l’investissement rattaché au Premier ministre, est mis en œuvre au plan opérationnel par quatre opérateurs : l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), BPIFrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

De manière générale, et malgré ses limites, notamment concernant la complexité des modalités d’accès et les priorités choisies, France 2030 suscite l’assentiment des auditionnés. Ainsi, selon Alexandre Saubot, président de France Industrie : « Je porte un jugement très positif sur France 2030. Ce dispositif de soutien à l’innovation s’inspire largement du rapport du collège d’experts dirigé par Benoît Potier "Faire de la France une économie de rupture technologique" de février 2020, qui reflète les préoccupations de nos grandes filières industrielles. Ses objectifs et ses méthodes sont pertinents. [...] France 2030 a précisément identifié les domaines où l’action publique peut avoir un impact maximal, compte tenu des ressources limitées. [...] France 2030, malgré les lourdeurs administratives inhérentes à la gestion de fonds publics, est bien conçu et mis en œuvre. » ([115]) De même, pour François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, « France 2030 produit un travail extraordinaire. L’impact du mandat "Compétences et métiers d’avenir" est extrêmement notable en matière de formation, y compris d’écoles professionnelles. Certaines subventions pour les appels à projets Première Usine, opérées par BPIFrance, engendrent des effets particulièrement évidents. S’agissant d’innovation, nous avons déjà évoqué les petits réacteurs modulaires nucléaires. Sans le SGPI et sans France 2030, nous n’aurions pas pu progresser dans ce domaine. » ([116]) Néanmoins, l’effet d’entraînement de ce programme sur le tissu industriel des PME et ETI demeure limité (cf. Les investissements de France 2030 pâtissent d’un ciblage trop large et d’une procédure trop administrée ci-dessous).

  1.   Le programme Territoires d’industrie

En matière de soutien aux industriels, les acteurs publics et privés auditionnés ont une bonne appréciation du dispositif Territoires d’industrie. Comme le rappelle Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, chargée de sa mise en œuvre : « Ce dispositif vise à accompagner la réindustrialisation à travers une approche nouvelle. Aujourd’hui, 2 000 projets ont pu être accompagnés dans le cadre de ce programme. Dans la deuxième phase de Territoires d’industrie, débutée en novembre 2023, 183 territoires d’industrie ont été labellisés pour la période 2023-2027. Ils regroupent 630 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), soit plus de la moitié des EPCI de France. L’objectif du programme consiste à apporter un soutien et à encourager une politique de développement industriel territoriale grâce à une collaboration étroite entre élu local et industriel du territoire. Ce binôme travaille afin d’accélérer les projets industriels, identifier les forces du territoire et trouver les leviers en compagnie d’un écosystème local. [...] repose sur une double approche : un travail territorialisé avec des acteurs de terrain et un accompagnement en ingénierie associé à un dispositif de soutien à l’investissement. » ([117])

La création de Territoires d’industrie, comme des sites « clés en main » ou le dispositif « Rebond industriel », saluée par le rapporteur, répondait bien à un besoin selon François Wohrer : « En 2018, au moment du lancement du programme Territoires d’industrie, la Banque des territoires ne disposait pas véritablement d’une offre spécifique pour l’industrie, puisque l’essentiel de l’activité avait été transféré à BPIFrance. Depuis, nous avons mis en place une offre structurée qui a permis de dégager 1,5 milliard d’euros sur la période 2020-2023, afin de financer plus de quarante-cinq usines. [...] Sur la [nouvelle] période 2023-2027, nous avons prévu d’investir dans l’industrie en général près de 1 milliard d’euros. Sur ce montant, 600 millions d’euros seront consacrés essentiellement à la transition écologique, un des axes clés de la Banque des territoires. » ([118])

Dans l’ensemble, les sites Territoires d’industrie font l’objet d’une appréciation positive, de la part des collectivités territoriales comme des industriels. Si la Cour des comptes ([119]) a montré que les projets avaient généré peu d’effets en termes d’emplois industriels, ils ont néanmoins permis d’amorcer un rapprochement des acteurs publics et privés à l’échelle locale et d’améliorer la situation financière des entreprises concernées. Dans l’ensemble, les atouts de ce dispositif sur la productivité semblent donc excéder ses limites pour l’emploi industriel. C’est en tout cas le bilan qu’en tire le professeur Olivier Lluansi, qui a contribué à la conception de ce programme, qui y voit un « accélérateur de productivité » ([120]). Il déclarait lors de son audition : « Le bilan dressé par la Cour des comptes est contrasté. Il reconnaît l’importance de la dynamique territoriale, confirmée également par une mission d’information sénatoriale sur le sujet ([121]). Certains projets de Territoires d’industrie n’ont pas fonctionné, mais ils sont minoritaires. La grande majorité d’entre eux note la qualité de la collaboration renforcée entre des mondes qui se parlaient sans doute déjà, mais pas suffisamment : celui des élus et des administrations locales, et le territoire industriel. La Cour des comptes met en avant deux principaux résultats économiques. Le premier est très surprenant : les Territoires d’industrie n’ont pas créé plus d’emplois industriels que les autres territoires ; c’est décevant. C’est tout l’intérêt de ces évaluations, qui permettent à ceux qui appliquent les politiques publiques de prendre connaissance des réussites et des échecs. Le second résultat est plus encourageant : la valeur ajoutée créée par les entreprises industrielles situées dans les Territoires d’industrie a augmenté de 38 %, comme si ces derniers avaient été des accélérateurs de productivité, alors qu’elle a plus ou moins stagné au niveau de 2018 dans les autres territoires. [...] Ces 38 % ont rapporté 9 à 10 milliards à la puissance publique – en cotisations sociales et impôts –, pour un coût initial pour l’État de 1 milliard. Très peu de politiques publiques ont un retour sur investissement de 90 % ». ([122])

Le projet Territoire d’Industrie Lacq-Pau-Tarbes, dont la commission d’enquête a auditionné les responsables, donne l’exemple d’une politique globalement utile. Selon Dominique Mockly, référent industriel, « notre territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes est incarné. En effet, nous conduisons une véritable gestion de projet et intervenons dans le cadre d’une véritable co-animation. Les réunions mises en place interviennent à deux niveaux : un niveau stratégique sur la feuille de route, et un niveau plus opérationnel, pour accompagner régulièrement des entreprises industrielles de taille moyenne ou petite. » ([123]) Plus précisément, selon Audrey Le Bars, directrice de projet pour ce Territoire d’industrie, le programme permet une concertation utile acteurs publics et locaux sur les besoins des industriels en matière de formation et de gestion foncière : « La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPECT) nous a permis de mener un travail prospectif à horizon de trois ans ; les résultats de ce diagnostic prospectif nous ont rassurés, puisqu’il a établi que 3 000 emplois allaient pouvoir être créés sur le territoire. En conséquence, les acteurs de l’emploi, de la formation et des compétences, très nombreux, ont décidé d’adapter les besoins de formation au niveau du territoire. La cartographie de l’offre de formations offerte par les plans régionaux de formation (PRF) sur le territoire que nous avons établie a révélé des carences, des "trous dans la raquette". Nous nous sommes donc appuyés sur les dispositifs nationaux pour répondre véritablement à nos besoins, au plus près des bassins industriels. Nous avons ainsi établi par exemple une école de production sur la chaudronnerie-soudure à Tarbes, mais aussi travaillé avec les industriels de la métallurgie sur l’avion décarboné de demain dans le cadre d’un consortium de dix acteurs. Nous avons pu massifier le projet pour répondre aux enjeux et les industriels ont investi 57 millions d’euros pour les besoins de formations et de compétences sur le territoire. Un campus des métiers et des qualifications émergera également sur le bassin de Lacq, autour de la transition écologique. » ([124])

d.   La structuration des filières depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy a incontestablement renforcé la capacité de l’industrie

En réponse à la crise financière de 2008, la structuration des filières industrielles s’est progressivement renforcée au cours de la dernière décennie.

Créé en 2010 ([125]), le Conseil national de l’industrie (CNI) regroupe syndicats, entreprises, représentants de l’État et personnalités qualifiées. Il participe, depuis 2013, à l’élaboration des feuilles de route et des contrats de filière avec des engagements croisés entre l’État et les industriels.

Depuis 2017, le rôle des comités stratégiques de filière (CSF) a été renforcé. Chaque CSF permet d’identifier et de mettre en œuvre plusieurs projets structurants collectifs prenant la forme de contrats de filière tripartites qui engagent les entreprises industrielles, l’État et organisations syndicales. Le périmètre du CNI s’est progressivement élargi et compte aujourd’hui vingt comités stratégiques de filières, qui assurent le déploiement d’une centaine de projet de filière. Selon le ministère de l’Économie et des Finances, les contours des CSF, leurs niveaux de maturité et leurs modes opératoires varient. De même, les résultats des projets pilotés ne sont pas tous mesurables avec précision. Cependant, la structuration des filières est une avancée bienvenue, qui mérite d’être renforcée.

Les vingt comités stratégiques de filière

Aéronautique : présidé par Guillaume Faury, président-directeur général d’Airbus et président du groupe des équipementiers aéronautiques, de défense et spatiaux (GIFAS), il compte 1 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 77,7 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 formalise une série de projets structurants dans trois axes : décarbonation du secteur, réindustrialisation, attractivité des métiers.

Industries agro-alimentaires : présidé par Jean-François Loiseau, président de la coopérative céréalière Axéréal et de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), il compte 17 300 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 167 milliards d’euros. Le contrat de filière 2018-2021 et son avenant 2022-2023 organisent les grands enjeux de la filière tels que le projet NUM-ALIM ou le projet Protéines du futur.

Automobile : présidé par Luc Chatel, président de la Plateforme de la filière automobile (PFA), il compte 149 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 155 milliards d’euros. Le contrat filière 2024-2027 définit six axes majeurs autour de l’automobile.

Bois : présidé par Dominique Weber, président du groupe Weber Industries, il compte 60 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 53 milliards d’euros. Le contrat de filière 2023-2026 définit quatre principales orientations.

Chimie et matériaux : présidé par Frédéric Gauchet, président de France Chimie, il compte 8 770 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 120 milliards d’euros. Le contrat de filière 2023-2027 se concentre sur trois axes et quinze projets.

Eau : présidé par Pierre Pauliac, directeur de la division eau chez Suez, il compte 5 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 22 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 s’articule autour de cinq axes.

Ferroviaire : présidé par Henri Poupart-Lafarge, président-directeur général d’Alstom, il compte 1 300 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 est contruit à partir de quatre principaux axes.

Industries pour la construction : présidé par Pierre-Etienne Bindschedler, président-directeur général de Soprema France, il compte 602 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 171 milliards d’euros. Le contrat de filière 2018-2022 traçait six thèmes d’action.

Industries électroniques : présidé par Frédérique Le Grevès, vice présidente-directrice générale de STMicroelectronics, et vice-présidé par Vicent Bédouin, président du groupe Lacroix, il compte 1 100 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros. Six objectifs étaient définis dans le contrat de filière 2018-2022.

Industriels de la mer : présidé par Philippe Berterottière, président-directeur général du groupe Gastransport&Technigaz (GTT), il compte 80 000 emplois directs et représente un chiffre d’affaires de 35,5 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 s’organise autour de quatre axes et de vingt projets structurants.

Industries des nouveaux systèmes énergétiques : co-présidé par Laurent Bataille, président de Schneider Electric France, et par Stéphane Michel, directeur général chez TotalEnergies, il compte 210 000 emplois directs et indirects et représente un chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 souhaite faire de la transition énergétique une opportunité de réindustrialiser la France.

Industries et technologies de santé : présidé par Emmanuelle Valentin, présidente de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), il compte 3 100 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 90 milliards d’euros. Le contrat de filière 2023-2026 s’établit autour de cinq axes et de seize projets.

Industries de sécurité : présidé par Marc Darmon, président du groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrrestres et aéronautiques (GICAT), il compte 4 400 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 36.6 milliards d’euros. Le contrat de filière 2024-2027 forge quatre principaux axes d’action.

Infrastructures du numérique : présidé par Nicolas Guérin, président de la Fédération française des télécoms, il compte 130 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 51,8 milliards d’euros. Le contrat de filière 2023-2025 est composé de six axes.

Logiciels et solutions numériques de confiance : présidé par Michel Paulin, membre du conseil d’administration de Quandela, il compte 3 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros. Le contrat de filière 2025-2028 s’articule autour de cinq projets structurants et de vingt-huit propositions.

Mines et métallurgie : présidé par Christel Bories, présidente-directrice générale d’Eramet, il compte 2 650 entreprises et représente un chiffres d’affaires de 36 milliards d’euros. L’actualisation en 2022 de la feuille de route de décarbonation vient en complément du contrat de filière 2019-2022 qui avait identifié sept projets structurants et quatre actions simples.

Mode et luxe : présidé par Nicolas Houzé, membre du directoire du groupe Galeries Lafayette et directeur général des Galeries Lafayette, il compte 615 600 emplois directs et indirects et représente un chiffre d’affaires de 154 milliards d’euros. Le contrat de filière 2023-2027 identifie quatre axes.

Nucléaire : présidé par Xavier Ursat, directeur exécutif du groupe en charge de la direction ingénierie et projets nouveau nucléaire au sein d’EDF, il compte 2 500 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 47,5 milliards d’euros. Le contrat de filière 2025-2028 compte quatre axes et dix-sept projets.

Solutions industrie du futur : présidé par Frédéric Sanchez, président de l’Alliance industrie du futur, il compte 32 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros. Le contrat de filière 2021-2023 se structurait en quatre axes.

Transformation et valorisation des déchets : présidé par Jean-François Nogrette, directeur général de Véolia France, il compte 1 600 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 19,3 milliards d’euros. Le contrat de filière 2019-2022 comptait six projets structurants.

Le rôle des comités stratégiques de filières est confirmé par Thomas Courbe, directeur général des entreprises : « le CNI et les comités stratégiques de filière ont déjà un rôle très important. Le CNI joue en effet un rôle consultatif crucial auprès de l’industrie pour la définition des politiques publiques et la mise en œuvre des réponses aux crises. Son implication a été déterminante dans l’élaboration des réponses aux différentes crises, notamment pour dimensionner les outils de réponse à la crise énergétique. Le CNI a également contribué de manière significative à la mise en œuvre de la planification de la décarbonation de l’industrie. Depuis 2019, nous avons initié et réalisé une planification des efforts et des investissements nécessaires à la décarbonation de l’industrie française, en vue d’atteindre les objectifs européens, particulièrement ceux du Pacte vert européen. Cette démarche a été élaborée en étroite collaboration avec le CNI. Celui-ci constitue également un lieu de concertation et de coordination avec les régions, celles-ci étant représentées en son sein. Cette configuration permet d’associer les régions à la définition de notre politique industrielle, aux côtés des représentants de l’industrie. Le CNI joue aussi un rôle au niveau de chaque filière. Nous nous concentrons sur la réalisation de projets très concrets, répondant aux besoins spécifiques de chaque filière et coconstruits avec elle. Ces projets, par nature très divers, apportent des réponses concrètes aux enjeux identifiés. » ([126]) Parmi les projets réussis et mis en œuvre en collaboration avec les filières, Thomas Courbe cite notamment l’exemple de l’Université des métiers du nucléaire, lancée en 2021 pour relever le défi des compétences de la filière : « Cette dernière, particulièrement réussie, permet d’identifier les besoins et de soutenir le développement de formations adaptées aux enjeux considérables du secteur nucléaire dans les années à venir en termes de compétences. » ([127])

En se fixant un périmètre d’action précis, en se dotant d’une gouvernance reflétant celle de la filière – la présidence du CSF étant généralement portée par une personnalité industrielle représentative du secteur – et en s’accordant sur des projets structurants listés dans un contrat engageant l’État et les acteurs privés, ces comités constituent des atouts précieux pour la réindustrialisation. Leur rôle dans la préparation des grands chantiers de transformation, comme l’industrie du futur, la transition verte ou l’adaptation des compétences, devra être renforcé.

e.   La réponse publique face aux chocs économiques exceptionnels a permis de protéger l’emploi industriel

  1.   Une protection publique pour soutenir les entreprises face aux chocs économiques

Dans l’ensemble, la réponse publique apportée aux chocs qui ont affecté l’industrie française depuis 2020 ont permis d’atténuer leurs répercussions. L’ampleur de ces crises est inédite : l’industrie française a été confrontée depuis 2020 à la pandémie de Covid-19, à laquelle a succédé la crise inflationniste résultant de l’invasion russe de l’Ukraine et, plus récemment, le choc économique causé par les incertitudes commerciales. Lors de la crise sanitaire liée au Covid-19, des mesures urgentes ont été mises en œuvre pour assurer la survie des entreprises, notamment la prise en charge publique du chômage partiel et les prêts garantis par l’État (PGE). Le plan d’investissements France relance (2020) a ensuite mobilisé 100 milliards d’euros pour renforcer la compétitivité et la souveraineté économique, baisser les impôts de production, financer en fonds propres des entreprises et soutenir l’investissement dans l’innovation et l’industrie. En 2022, les mesures du plan de résilience économique et sociale, notamment la remise à la pompe, le bouclier tarifaire sur le gaz et l’aide aux transporteurs publics routiers, a allégé les conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine. De plus certaines mesures liées au plan d’urgence, en particulier l’activité partielle et les prêts garantis par l’État ont été prolongées.

Selon la Cour des comptes ([128]), le coût des aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises de 2020 et 2022 s’est élevé à 92,4 milliards d’euros. Le soutien financier total (y compris les prêts garantis et report du paiement des cotisations sociales) s’est élevé à 260,4 milliards d’euros, soit 10 % du PIB. La Cour estime que le bilan de ces mesures est contrasté : si elles ont été efficaces pour soutenir la trésorerie des entreprises, préserver le tissu économique et sauvegarder l’emploi, le possible cumul des dispositifs « a augmenté le risque de versement de compensations indues au regard du préjudice subi. » ([129]) La Cour pointe notamment les difficultés de l’administration pour évaluer les besoins et la situation financière, certaines aides ayant été versées sans vérification des pertes subies.

  1.   Des prêts garantis par l’État bienvenus mais aux conséquences lourdes sur l’endettement des industries

La Cour des comptes a rappelé la réussite indéniable du dispositif de prêts garantis par l’État, dont ont bénéficié 700 000 entreprises pour un montant total de 140 milliards d’euros. Cette analyse est partagée par Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, qui estime néanmoins que ce dispositif doit rester temporaire : « les montants engagés durant la crise sanitaire ont effectivement été considérables, dépassant les 140 milliards d’euros. Actuellement, l’encours est légèrement supérieur à 30 milliards d’euros, avec des amortissements mensuels avoisinant les 2 milliards. Il est important de souligner que les PGE constituaient une solution temporaire face à une crise exceptionnelle. Ils ne sont probablement pas l’outil le plus adapté pour financer l’investissement à long terme, ayant été conçus comme des solutions de survie pendant la période de la pandémie de Covid. Le faible taux d’appel en garantie, actuellement d’environ 4 %, témoigne du succès de cette mesure. Dans le contexte actuel, où la crise sanitaire est derrière nous, les professionnels ne jugent pas impératif d’étendre ce dispositif à d’autres utilisations. » ([130])

Néanmoins, comme le rappelle l’ancien ministre Arnaud Montebourg ([131]), les conséquences des PGE sur l’endettement des entreprises industrielles sont préoccupantes : « Les prêts garantis par l’État (PGE), ce sont des dettes : l’État a prêté de l’argent, et maintenant, il faut faire du recouvrement auprès des entreprises. [...] Lorsque les banques procèdent au recouvrement de leurs créances, elles envoient les entreprises au tapis ! Structurellement, il est impossible de rembourser en cinq ans un prêt équivalent à 25 % de son chiffre d’affaires sans se retrouver dans le rouge. Les entreprises ne sont pas nécessairement profitables tous les ans, elles connaissent des hauts et des bas. Faute d’avoir tenu compte de ces cycles de vie, les PGE se sont retournés contre elles ; c’étaient des aides, c’est devenu des cercueils. Il faut échelonner davantage les échéances de remboursement. Aux États-Unis, les prêts Covid ont été contractés sur trente ans ; néanmoins, ils seront remboursés et cet argent ne sera pas perdu, contrairement aux subventions. » ([132])

  1.   Le dispositif précieux de l’activité partielle de longue durée

Cette bonne appréciation porte également sur le dispositif de chômage partiel mis en place en 2020. Selon Éric Trappier, président de Dassault Aviation et de l’UIMM : « L’activité partielle de longue durée (APLD), inventée au sein de l’UIMM, a sauvé les emplois durant le Covid en permettant de conserver les savoir-faire au sein des entreprises. » ([133]) De même, selon Alexandre Saubot, président de France Industrie : « Les dispositifs de chômage partiel, en particulier, se sont révélés particulièrement pertinents, permettant aux entreprises de s’adapter tout en préservant le lien avec leurs collaborateurs, à l’instar du modèle allemand. » ([134])

Pour mémoire, selon la Cour des comptes ([135]), s’agissant de l’activité partielle, la France a retenu les enseignements de la crise financière de 2008 en la mettant immédiatement au cœur de sa réponse en faveur de l’emploi, avec des moyens financiers considérables (33,8 milliards d’euros prévus en 2020, dont 22,6 milliards d’euros ouverts sur le budget de l’État et 11,2 milliards d’euros à la charge de l’Unédic) et un régime parmi les plus favorables en Europe.

Répartition des soutiens financiers de l’État aux entreprises entre 2020 et 2022

Source : Cour des comptes, Garantir l’efficacité des aides de l’État face aux entreprises pour faire face aux crises, note thématique, juillet 2023.

  1.   Les mesures déployées en 2022 pour répondre à la crise énergétique

Enfin, un plan de résilience économique et sociale a été annoncé en mars 2022 pour contrer la hausse des coûts de l’énergie et de l’inflation. Selon les données de la Cour des comptes en 2023 ([136]), le coût des soutiens aux entreprises prévus sur la période 2022-2023 peut être évalué à 24,8 milliards d’euros, dont 18,5 milliards d’euros au titre des dispositifs transversaux, notamment le bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité, et 6,3 milliards d’euros au titre des aides ciblées, notamment les remises à la pompe.

Mais comme l’a déterminé la Cour des comptes en mars 2024, « selon les chiffrages disponibles à date, le coût pour l’État des diverses mesures [exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie] adoptées depuis l’automne 2021, y compris celles prévues par la loi de finances pour 2024, représenterait un total de près de 72 milliards d’euros au titre des années 2021 à 2024, concentré sur 2022 (24,1 milliards d’euros) et 2023 (37,6 milliards d’euros). » ([137]) Un coût exorbitant pour le contribuable qui a certes permis de limiter les effets des hausses des prix énergétiques dans le système actuel des règles du marché européen de l’énergie, mais qui aurait pu être drastiquement réduit si la France avait retrouvé son prix souverain de l’électricité reflétant les coûts de production, en se libérant des règles européennes de tarification de l’énergie fondées sur le coût marginal de la dernière unité de production appelée (cf. L’abandon de notre avantage historique du prix de l’électricité ci-dessous).

2.   …mais contredites par d’autres choix politiques

Bien qu’elles aient contribué à ralentir la désindustrialisation, ces mesures n’ont pas permis d’amorcer une réindustrialisation durable. Il apparaît en effet que leurs bénéfices pour le potentiel industriel aient été limités voire neutralisés par certains choix politiques incohérents avec les ambitions industrielles affichées.

a.   La hausse de l’endettement public et les choix budgétaires

En premier lieu, il ressort des auditions que la hausse de l’endettement public a contraint le Gouvernement à resserrer progressivement les moyens publics alloués à la réindustrialisation. Alors que le plan France Relance avait mobilisé des moyens conséquents pour soutenir les entreprises françaises (100 milliards d’euros, dont 40 milliards issus du plan de soutien de l’Union européenne), les contraintes pesant sur les dépenses publiques ont progressivement réduit certaines mesures pourtant plébiscitées par les industriels, plutôt que réduire certaines dépenses moins utiles.

  1.   Le Gouvernement est revenu sur la baisse de la fiscalité des entreprises

La loi de finances pour 2025 ([138]) a modifié les dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et au crédit d’impôt innovation, instauré une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises ([139]), une taxe sur le rachat de titres par les grandes entreprises ([140]) et prévu le décalage temporel de la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 2027 à 2030 ([141]).

De même, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([142]) procède à une révision des allégements de cotisations sociales, pour un montant estimé de 1,6 milliards d’euros ([143]), abaisse le seuil d’exonération de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage ([144]) et réforme le dispositif Jeunes entreprises innovantes ([145]).

Ainsi, pour Alexandre Saubot, président de France Industrie : « Le budget 2025 suscite de vives inquiétudes dans le secteur industriel. Le rabotage du crédit d’impôt recherche, l’écrêtement des charges sociales et la mise en place d’une surtaxe qui pénalise davantage les entreprises produisant en France que celles important leurs produits, sont autant de mesures qui semblent aller à l’encontre de l’ambition de réindustrialisation. Il est indispensable que le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 adopte une orientation différente, sous peine de voir les porteurs de projets industriels se détourner de la France, voire de l’Europe. » ([146])

De même, pour qualifier ces mesures, le président-directeur général du groupe LVMH Bernard Arnauld évoque la notion de « taxe sur le made in France » ([147]).

  1.   Les auditions ont mis en évidence les conséquences négatives de la baisse de dotation du fonds Vert

La loi de finances initiale a fixé la dotation budgétaire du fonds Vert à 1,15 milliard d’euros pour 2025, contre 2,5 milliards d’euros en 2024 ([148]). Ainsi, selon Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France : « Sur le Grand Chalon, nous avons regretté que la relance du programme Territoires d’industrie ait pris autant de temps, mais également que l’enveloppe de 100 millions d’euros accordée au titre du fonds vert pour accompagner des projets portés par les entreprises ait été immédiatement rabotée de 30 %. Heureusement, les moyens consacrés aux chefs de projet "Territoires d’industrie", des animateurs au service de plusieurs intercommunalités, ont été maintenus. Ils permettent d’apporter de l’ingénierie à des territoires qui en étaient parfois dépourvus. » ([149]) Cette réduction des moyens est d’autant plus regrettable qu’elle affecte le financement alloué au recyclage foncier, comme l’a indiqué à la commission d’enquête le représentant de la Banque des territoires : « La diminution du fonds Vert par la dernière loi de finances a entraîné une diminution des moyens alloués au recyclage foncier (axe 3 du fonds Vert). Or cette enveloppe, qui ne permettait déjà pas de répondre à tous les besoins, est aujourd’hui le seul dispositif national de subventions pour la dépollution de friches. Ceci est très problématique pour répondre à l’enjeu de besoin de foncier additionnel à destination de l’industrie (estimé à 22 000 hectares par la mission de mobilisation du foncier industriel menée par le préfet Rollon Mouchel-Blaisot en 2023). » ([150]) Pour la Banque des territoires, « une enveloppe d’un à deux milliards d’euros semble nécessaire pour accélérer la préparation de nouveaux sites et l’installation de nouveaux sites industriels pour répondre aux besoins de la réindustrialisation. » ([151])

Le rapporteur regrette que la baisse de dotation du fonds Vert ait été appliquée sur des postes de dépenses si importants, alors même que le groupe du Rassemblement National, auquel il appartient, avait appelé à privilégier des coupes budgétaires dans les domaines non stratégiques, tels que la construction d’équipements routiers cyclables.

  1.   La diminution du soutien public au dispositif d’apprentissage concentre les critiques

D’une part, le montant de l’aide à l’embauche d’un apprenti a été modifié pour les contrats conclus à compter du 24 février 2025 et échelonné en fonction de la taille des entreprises ([152]). D’autre part, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 a réduit le seuil d’exonération des cotisations sociales sur la rémunération des apprentis à 50 % du smic (contre 79 % auparavant), soit environ 900 euros brut ([153]). En particulier, Éric Trappier, président de l’UIMM, a souligné cet enjeu : « Le cinquième frein réside dans le recul de l’apprentissage. Les dirigeants de petites entreprises, que je rencontre une fois par mois, trouvent dommage d’avoir touché à cet outil, qui était une réussite française. Les grandes entreprises seront plus touchées ; elles prendront moins d’apprentis, et cela pèsera sur toute la filière. » ([154])

À moyen terme, l’opérateur de compétence Opco 2i s’inquiète également d’une remise en cause des aides à l’apprentissage pour les étudiants de l’enseignement supérieur : « Alors que le système fonctionne bien, les arbitrages budgétaires qui pourraient être rendus prochainement risquent de le casser. D’aucuns estiment qu’il faudrait supprimer ou réduire l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Ce serait une bêtise, car l’extension de cette modalité de formation a amélioré son image : l’apprentissage n’est plus considéré comme une voie de garage, comme dans les années 1970 et 1980. La possibilité de suivre un apprentissage en licence ou en master a également permis d’attirer dans ces niveaux de qualification des jeunes qui ne s’y seraient pas risqués dans le cadre d’un enseignement traditionnel ; au sein de l’entreprise, ils voient concrètement ce que sont les mathématiques ou les sciences appliquées au poste de travail. Il y a aussi un enjeu de justice sociale, car les apprentis sont payés, ce qui leur permet de financer leurs études. En supprimant l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, on réduirait donc le nombre de jeunes briguant ces diplômes. » ([155])

Comme évoqué précédemment, dans ce contexte de baisse budgétaire, il apparaît indispensable de sanctuariser l’apprentissage dans le domaine industriel, qui ne représente que 14 % des entrées en apprentissage en 2023, contre 74 % dans le tertiaire, par exemple en recentrant les aides sur les lycées professionnels plutôt que sur les études longues.

b.   Les effets contre-productifs des réformes engagées depuis 2017

En second lieu, les auditions ont souligné certains effets contreproductifs des réformes engagées depuis 2017. Il en va ainsi du ciblage des allègements généraux de cotisations sociales, dont le coût est évalué à 80 milliards d’euros en 2023 ([156]), et qui peut exercer un effet désincitatif sur la progression salariale et la productivité, comme l’a souligné la mission dite Bozio‑Wasmer ([157]). S’il juge positivement cette politique d’allégements de cotisations sociales, le président de France Industrie, Alexandre Saubot, remarque cet écueil : « Cependant, les systèmes d’allègements très dégressifs engendrent des effets pervers, largement documentés, notamment dans le rapport de la mission confiée à Antoine Bozio et Ėtienne Wasmer concernant le rééquilibrage de la pente des cotisations. La concentration des allègements sur les bas salaires crée une incitation à la faible qualification, ce qui pose des problèmes en termes d’ascenseur social et d’investissement dans la formation. Cette situation est particulièrement préoccupante pour l’amélioration de la productivité et la mobilité sociale. Nous avons construit un système qui, économiquement, décourage des pratiques vertueuses tant pour les entreprises que pour leurs collaborateurs et pour le pays dans son ensemble. Nous préconisons donc des schémas qui, sans détruire massivement l’emploi peu qualifié, permettraient d’aplatir cette courbe pour en limiter au maximum les effets négatifs. C’est une approche que nous soutenons particulièrement dans l’industrie. L’industrie a été fortement pénalisée par les deux écrêtements successifs en 2022 et 2024. Cette situation soulève des questions de cohérence avec les objectifs de compétitivité et de souveraineté que nous avons évoqués en introduction. » ([158]) Il s’agit là d’un « étau » ([159]) dans lequel sont piégées les entreprises, selon le terme employé par Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne.

Par ailleurs comme le souligne Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, la France « se distingue par la surfiscalisation du travail qualifié » ([160]). Les prélèvements sur le travail représentent 6 points de salaire brut en plus en France en moyenne entre 1,4 et 2,5 smic, puis 11 points entre 2,5 et 3,5 smic, et davantage au-delà, par rapport à un benchmark européen constitué de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et des Pays-Bas ([161]). Pour permettre le développement de l’industrie et attirer les talents, les allègements de charges entre 2,5 et 3,5 fois le montant du smic profitent particulièrement à ce secteur (cf. Le frein d’un coût du travail déséquilibré ci-dessous).

c.   Les effets des réformes du baccalauréat

En troisième lieu, les efforts engagés depuis 2017 ont été contredits par la réforme entreprise dans le domaine éducatif, et notamment la réforme du baccalauréat général et du baccalauréat technologique ([162]).

Ces mesures ont contribué à la dégradation du niveau scolaire qui constitue un frein à la réindustrialisation du pays, à l’instar de la suppression de l’enseignement des mathématiques du tronc commun à partir de la classe de première, avec la réforme portée par Jean-Michel Blanquer et entrée en vigueur en 2019. Cet enseignement a finalement été rétabli en 2023, mais seulement en option.

Pourtant, la France est parmi les plus mauvais élèves d’Europe en termes de niveau de mathématiques : dernière pour les élèves de CM1 et avant-dernière pour les élèves de quatrième, selon les résultats de l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss) ([163]). Il apparaitrait plutôt nécessaire d’augmenter les exigences et le volume horaire de l’enseignement des mathématiques. Pour Louis Gallois, président de La Fabrique de l’Industrie, « on ne peut bâtir un pays industriel, appuyé sur l’innovation et la recherche, sans mathématiques : elles sont indispensables pour former des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens. Or la situation des mathématiques en France est très préoccupante. » ([164]) De même, pour Olivier Andriès, directeur général de Safran, « Le deuxième atout de notre pays, toujours reconnu comme tel, est l’excellence de nos écoles d’ingénieurs. C’est elle qui a incité des entreprises étrangères, notamment dans le domaine du numérique, à venir s’installer en France. Mais, depuis quelques années, le niveau d’exigence en mathématiques à l’école n’a fait que s’émousser. C’est triste, parce que c’est une bombe à retardement. Les mathématiques sont fondamentales, pas par principe mais parce qu’elles forment l’esprit et la rigueur intellectuelle, en particulier des ingénieurs qui ont à résoudre des problèmes complexes. Elles ne devraient donc pas seulement être une option. Elles ont fait la force de l’enseignement français pendant des années, mais nous ne pouvons que constater que cette force s’émousse. » ([165])

Dans l’ensemble, ces incohérences traduisent l’absence d’une stratégie globale et de mobilisation sur le long terme. Ce constat est établi par Marie-Pierre de Bailliencourt pour l’institut Montaigne : « Nous n’avons pas de véritable stratégie d’ensemble. La loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte affiche l’ambition de faire passer l’activité industrielle de 11 % à 15 % du PIB. Nous avons élaboré des plans et pris des mesures à cet effet – vous-même, monsieur le président, y avez contribué par un rapport qui préconise des mesures visant à attirer les investissements directs étrangers (IDE). Toutefois, des mesures éparses ne font pas une stratégie, et le saupoudrage échoue à répondre aux besoins. J’en donnerai un exemple simple : 5 milliards, c’est la totalité de ce que la France investit dans la technologie ; 50 milliards, c’est ce que l’entreprise TSMC investit en un an dans une seule usine à Taïwan. Nous avons un problème d’échelle et il faut le résoudre. » ([166])

d.   Des politiques énergétiques qui ont gravement affecté la compétitivité-coût de l’industrie française

Alors que le choix du nucléaire avait permis à la France de disposer d’une énergie décarbonée, abondante et à un prix attractif, les choix faits de privatiser le secteur de l’énergie, puis de fragiliser EDF, avant de voir, de manière absurde, limiter le renouvellement du parc nucléaire ont conduit à la disparition d’un avantage compétitif essentiel du territoire français.

En menant des politiques contraires aux besoins de l’industrie, les différents gouvernements ont contribué à créer de toutes pièces un frein à la réindustrialisation de la France (cf. Le frein énergétique ci-dessous).

e.   Une inflation normative et administrative qui menace l’industrie française

L’inflation normative constatée à l’échelle nationale comme au niveau européen accroît la complexité et le coût pour nos entreprises, voire menace des filières entières.

La complexité en question peut, par exemple, s’illustrer par les nombreuses contraintes environnementales excessives qui freinent l’implantation et le développement des industries à l’instar du dispositif de zéro artificialisation nette (ZAN) (cf. L’objectif de zéro artificialisation nette, un nœud coulant pour la réindustrialisation ci-dessous) ou de la rigidité de certaines règles en matière de protection des espèces animales et végétales (cf. Adapter la protection de la biodiversité aux réalités locales et aux enjeux industriels ci-dessous).

Par ailleurs, certaines normes menacent l’avenir de filières entières à l’instar de l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, qui entraînera la suppression de plus de 100 000 emplois en 10 ans selon la Plateforme automobile (PFA) (cf. La réglementation des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules dite « CAFE » et l’arrêt de la vente des véhicules thermiques ci-dessous).

B.   … Qui n’ont pas empÊchÉ le déclin du socle industriel et la perte de fleurons nationaux…

1.   Des choix d’investissements qui soutiennent l’innovation mais négligent la base productive des PME et ETI

Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de chaire au CNAM, estime que « deux tiers du potentiel de réindustrialisation réside dans le tissu industriel existant, alors que la majorité des outils de politique publique depuis 2009, particulièrement mis en exergue dans le plan France 2030, visent les startups et les innovations de rupture. Le décalage est assez net entre mes conclusions et le discours politique actuel. » ([167])

a.   Les PME et ETI forment des chaînes de sous-traitance implantées localement sur lesquelles repose la résilience de l’industrie

Cette analyse est corroborée par une récente étude de la direction générale des entreprises ([168]), selon laquelle les ETI constituent des acteurs économiques majeurs de la réindustrialisation, contribuant pour un quart à l’activité française. Cette étude note qu’en 2022, l’économie française comptait près de 6 800 ETI, qui pesaient pour 25 % des effectifs salariés, 29 % du chiffre d’affaires et 26 % de la valeur ajoutée. Les ETI se caractérisent par une forte implantation dans l’industrie : 29 % d’entre elles sont industrielles et environ un tiers de leurs effectifs est industriel, contre moins d’un quart pour l’ensemble des entreprises des secteurs principalement marchands.

En comparant notre modèle industriel au « Mittelstand » allemand ([169]), cette étude relève que, de manière générale, les modèles productifs allemands et français présentent des différences importantes. La force du modèle économique allemand repose sur la diversité de ses PME, spécialisées dans des domaines divers et réparties sur l’ensemble du territoire. À l’inverse, le marché français est beaucoup plus concentré autour de ses grandes entreprises : deux tiers du chiffre d’affaires total est généré par les 7 100 grandes entreprises (GE) et ETI, dont 38 % pour les seules GE. Les entreprises de plus de 250 salariés représentent ainsi une part de la valeur ajoutée de l’économie nationale légèrement plus grande en France : 56 % contre 52 % en Allemagne. C’est une part bien plus importante que celle de l’Italie (38 %), autre pays souvent cité dans les comparaisons sur les ETI et qui se caractérise par de fortes exportations.

Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, confirmait ce constat lors de son audition : « Les ETI françaises sont au nombre de 7 200 ; se caractérisent par un chiffre d’affaires allant de 50 millions d’euros à 1,5 milliard d’euros et un nombre de salariés compris entre 250 et 5 000. Cette catégorie propre, créée en 2008, permet d’intégrer un tissu d’entreprises moyennes et grandes, dont 40 % sont industrielles. Elles assurent le tiers des exportations de notre pays ; 86 % d’entre elles sont exportatrices et pour la moitié d’entre elles, les exportations représentent 50 % de leur chiffre d’affaires. » ([170])

b.   Les PME et ETI apportent une contribution essentielle à l’emploi industriel

En maillant le territoire français, les PME et les ETI contribuent à la réindustrialisation et créent des emplois dans tous les bassins de vie. En effet selon cette même étude de la direction générale des entreprises, les PME et ETI permettent une décentralisation de l’activité productive autour des bassins de vie français. Leur rôle en faveur de la réindustrialisation est attesté : sur les 1 600 usines présentes sur le territoire en 2021, 37 % appartiennent à des ETI et concentrent 44 % du chiffre d’affaires, alors que 12 % appartiennent à des GE pour 33 % du chiffre d’affaires. En moyenne, une usine détenue par une ETI emploie 56 personnes, dont 71 % sur des métiers industriels, contre 35 par usine pour une grande entreprise, dont 68% de métiers industriels, et 42 pour une PME, dont 73% de métiers industriels.

c.   Une politique industrielle qui néglige trop souvent les PME et ETI industrielles

Pour soutenir les ETI et la transformation des PME de croissance en ETI, plusieurs dispositifs ont été mis en place.

Dès 2008, date à laquelle la notion d’ETI a été créée, Oséo (ancêtre de BPIFrance) a, par exemple, mis en place le programme Innovation Stratégique Industrielle (ISI) pour soutenir des projets d’innovation collaboratifs d’ampleur, à visée industrielle, rassemblant au moins 3 structures dont 2 entreprises, l’une des entreprises étant chef de file. Les projets éligibles doivent contribuer à l’émergence ou au développement de nouveaux « champions européens ou mondiaux ».

Autre exemple en 2015, avec le programme « Accélérateur » visant à accompagner les dirigeants de PME et ETI par BPIFrance.

La « Stratégie Nation ETI », initiée en janvier 2020, soutient aussi notre économie à travers le développement des ETI françaises et le renforcement de la prise en compte de leurs spécificités dans la conception des politiques publiques. Plus récemment, le programme ETIncelles, lancé en novembre 2023, accompagne les PME de croissance dans leur passage à l’échelle pour devenir des ETI, avec un objectif simple : fluidifier leurs relations avec l’administration et lever les freins administratifs qui entravent leur développement.

Toutefois, le principal programme national d’investissements publics sous Emmanuel Macron traduit les priorités de sa politique industrielle : elle se focalise sur les innovations de rupture et néglige par conséquent les PME et ETI existantes. Or, les acteurs rappellent que la croissance des jeunes pousses repose sur les start-ups, soit l’innovation, mais aussi sur le scale-up – apprendre à grandir et à industrialiser le process mis en œuvre.

Ce choix est reconnu par Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance : « L’industrie est omniprésente dans France 2030, mais le programme exige un haut degré d’innovation. Ainsi, un projet industriel, même prometteur en termes d’emplois et d’implantation, ne sera pas retenu s’il ne présente pas une innovation technologique significative. Pour les projets de réindustrialisation moins disruptifs technologiquement, d’autres sources de financement doivent être mobilisées. Cela peut inclure le capital-investissement traditionnel ou encore la garantie de projets stratégiques évoquée précédemment. » ([171])

En effet, le plan France 2030, qui repose sur une logique d’appels à projets et demande d’importants moyens administratifs pour y répondre au regard de sa complexité, s’accorde difficilement avec le manque de ressources humaines des PME et ETI. Ainsi pour Sébastien Martin : « En passant de France relance à France 2030, les industriels ont eu le sentiment que leurs interlocuteurs ne parlaient plus le même langage. Une industrielle m’a ainsi confié que le jury France 2030 est particulièrement exigeant. De fait, de nombreux responsables de PME, PMI et ETI se sentent quelque peu éloignés de ce programme France 2030. En revanche, le mode de fonctionnement de France relance était plus centré sur un dialogue avec les territoires, un dialogue facilité par les sous-préfets à la relance. Il est nécessaire de retrouver un outil plus simple que France 2030, pour continuer à accompagner la modernisation de notre outil productif. N’oublions pas que la croissance endogène représente une part essentielle du PIB de l’industrie dans notre pays, mais aussi des emplois qui y sont associés. En conséquence, il n’est pas possible de se fonder sur une stratégie, « hémiplégique », essentiellement basée sur la rupture technologique, voire sur l’implantation de projets exogènes, et négliger simultanément l’accompagnement du rattrapage de nos entreprises industrielles. » ([172])

Ce constat est corroboré par Alexandre Montay, délégué général du METI : « Lors du plan France Relance, nous avons relevé la mise en place d’une véritable "équipe de France" à travers les collectivités territoriales, l’État et des préfets, qui a produit une mobilisation assez forte sur des appels à projets, lesquels ont été bien structurés en direction des territoires. Ceux-ci ont permis aux ETI d’en bénéficier, puisqu’elles ont obtenu 18 % des appels à projets "réindustrialisation". Le bilan est donc assez satisfaisant, dans la mesure où ces actions ont contribué à redynamiser l’investissement industriel. Le bilan France 2030 est à ce stade beaucoup plus mitigé, puisque 6 % des ETI y sont éligibles. En effet, les grandes lignes directrices de l’investissement de France 2030 ne sont pas dirigées vers le socle industriel que vous mentionnez, mais vers des technologies de rupture, quand les ETI se positionnent plutôt dans l’innovation incrémentale. » ([173])

Gilles Mure-Ravaud, représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), confirme ce constat : « Si les ETI sont éligibles à 6 % des appels à projets de France 2030, les PME le sont encore moins. Nous n’y sommes pas vraiment associés, mais souhaitons que les appels d’offres soient plus lisibles, que les délais soient plus longs pour nous permettre de répondre. » ([174])

Néanmoins Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, rappelait, lors de son audition, que « sur les 38 milliards précédemment évoqués, 55 % ont été alloués à des TPE, PME et ETI. Plus précisément, 17 % ont été attribués à de grandes entreprises et 28 % à des entreprises privées ainsi qu’à des organismes de recherche d’universités. Je souligne ces chiffres car ils démontrent clairement que ce plan n’était nullement orienté vers les grandes entreprises stratégiques, mais bien vers les PME et ETI. » ([175])

d.   Des PME laissées seules face à une complexité et une instabilité des normes administratives et fiscales

De manière générale, les PME et ETI sont particulièrement vulnérables à la complexité administrative et aux dégradations de la compétitivité-coût. Plusieurs facteurs sont régulièrement évoqués.

● En premier lieu, les ETI sont spécifiquement exposées aux évolutions de la fiscalité sur la transmission d’entreprise. D’après Philippe d’Ornano, co‑président du METI : « Le premier enjeu de l’industrialisation ou plutôt de la désindustrialisation française concerne la transmission d’entreprises, puisque l’un des grands faits ayant provoqué la diminution du nombre d’ETI en France porte sur le blocage des transitions d’entreprises, lequel a provoqué un affaiblissement industriel considérable. Le doublement en 1983 des droits de succession et l’impôt sur la fortune sur une partie des actifs d’entreprise a provoqué la vente massive de nombre d’ETI françaises entre les années 1980 et les années 2000. Il existait en 1980 autant d’ETI en France qu’en Allemagne, mais la situation s’est considérablement modifiée par la suite : en 2008, il y en avait 4 600 en France contre 12 500 en Allemagne – patrie du Mittelstand – 10 500 en Angleterre et 8 500 en Italie. À bas bruit, en vingt ans, a été provoquée la vente d’un nombre important des entreprises qui avaient réussi depuis l’après-guerre. » ([176])

En janvier 2022, le co-président du METI se montrait particulièrement pessimiste, devant la délégation sénatoriale aux entreprises pour la mission de suivi relative à la transmission d’entreprise, en relevant que « même avec le pacte Dutreil, le décalage perdure entre la France et l’Italie. » ([177])

Le METI appelait donc à une stabilité du cadre fiscal, et en particulier à la stabilité du pacte Dutreil ([178]). La stabilité et le renforcement du pacte Dutreil sont donc essentiels pour que la France devienne une nation dotée de nombreuses ETI (cf. L’enjeu d’une taxation de la transmission d’entreprise qui n’oblige pas à vendre ou à sacrifier l’entreprise ci-dessous).

● En second lieu, les PME et ETI sont exposées à la variation des prix de l’énergie et du coût du travail, à la complexité administrative et aux difficultés d’accès au financement. Cette complexité se matérialise par exemple dans les difficultés d’accès à la commande publique, comme l’a souligné Gilles Mure-Ravaud pour la CPME : « S’agissant des commandes publiques, [...] nous avons l’impression que les acheteurs manquent de formation et s’arcboutent sur des positions extrêmement rigides face à des petites entreprises qui n’ont pas les moyens de remplir des appels d’offres d’une manière très fine. » ([179])

● En troisième lieu, les PME et ETI accusent un retard conséquent en termes de robotisation et de numérisation, qui pénalise la compétitivité du socle industriel. Une étude de BPIFrance ([180]) menée en 2022 relevait qu’en moyenne, les entreprises françaises avaient 194 robots pour 10 000 employés contre 371 en Allemagne et 932 en Corée du Sud. « Il y a quatre fois moins de robots en France qu’en Allemagne. Il y a six ans, nous avions réalisé une étude qui montrait que lorsque l’on plaçait une ETI française en Allemagne, elle réaliserait 70 % de profits en plus chaque année » ([181]), estime Philippe d’Ornano. Ce constat est étayé par Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) : « Il est souvent reconnu que la France possède les meilleurs chercheurs, produit des technologies de pointe. Mais nous ne sommes pas toujours capables de les mettre en œuvre. Il faut soutenir tous ceux qui pourraient concourir à donner des outils de production performants et améliorer la productivité de nos entreprises. » ([182]) De même, selon le rapport annuel de la Fédération internationale robotique, en 2023 nous comptons 186 robots pour 10 000 employés dans l’industrie manufacturière, loin derrière le Danemark (306), la Suède (347) et l’Allemagne (429) et surtout Singapour (770) ou la Corée du Sud (1012) ([183]).

De plus, en 2023, selon la Commission européenne, 52 % des PME françaises avaient un niveau « d’intensité numérique de base », contre 57,7 % en moyenne dans l’Union européenne. Concernant le cloud, la même année, 22,9 % des sociétés françaises ont recours à au moins une solution cloud, soit deux fois moins que la moyenne de nos partenaires ([184]).

Notre pays accuse également d’importants retards en matière de numérisation : alors que 58 % des dirigeants français considèrent que l’intelligence artificielle (IA) est un enjeu de survie à moyen terme, seulement 32 % des PME et ETI l’utilisent ([185]).

Ces données factuelles montrent un important décrochage français face aux transformations nécessaires à la productivité et à l’innovation de l’industrie. Ainsi, nombreux sont les retards que connaissent les entreprises françaises face aux transitions nécessaires à la modernisation du tissu productif.

● Enfin, ces difficultés se cristallisent dans la vulnérabilité des chaînes de sous-traitance. En effet, la défaillance d’une entreprise industrielle génère des conséquences en cascade sur l’ensemble de la chaîne de valeur. C’est ce qui ressort notamment des propos de Philippe d’Ornano : « La relation avec la sous-traitance constitue un sujet très important, y compris dans les secteurs où la France demeure très compétitive. En effet, c’est à travers la sous-traitance que nos filières peuvent être affaiblies. Cet affaiblissement peut provoquer la perte des savoir-faire. Nous voyons ainsi apparaître de nouveaux centres de production et de sous-traitance dans des grandes zones ou des grands pays, avec des compétiteurs financés et soutenus par des États, mettant en péril les points forts qui demeurent en France. Il est donc crucial de porter une attention particulière aux filières, à la sous-traitance et, plus globalement, à la chaîne de valeur. » ([186])

Comme en atteste le rapport de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament de janvier 2022, les PME et ETI constituent le poumon économique de notre pays : « La force de l’industrie française avec ses grands groupes est aussi sa faiblesse puisqu’ils ne réalisent que 15 à 20 % de leur chiffre d’affaires sur le sol français. » ([187]) Le rapporteur insiste sur l’importante complémentarité entre nos grands groupes et nos PME et ETI, qui constituent le socle industriel de base nécessaire aux chaînes de valeur des premiers.

Finalement, l’absence d’un tissu dense de PME et d’ETI grève la capacité de réindustrialisation de la France. Alors que le maillage territorial permettrait de créer des emplois industriels et de soutenir la capacité d’innovation, l’accumulation des difficultés liées à la complexité normative, au coût du travail et de l’énergie ou aux difficultés de financement constitue un obstacle majeur à la réindustrialisation.

2.   La perte de nombreux fleurons stratégiques, en dépit des priorités affichées

a.   Une perte inexorable de fleurons industriels

Comme le rappelle une note récente de X-Alternative et Intérêt général, deux collectifs de polytechniciens et de hauts fonctionnaires ([188]), de 2008 à 2023 une quinzaine d’entreprises stratégiques françaises ont été rachetées par des acteurs étrangers. Parmi celles-ci figurent des industriels historiques comme Atos, Alstom énergie, Egis, Exxelia, Latécoère, Manurhin, Souriau Connection Technologies, Arcelor, Pechinay, Gemplus, Groupe PSA, Sanofi, Lacroix Group... Onze de ces entreprises sont passées sous pavillon des États-Unis. À chaque fois, ces délocalisations ou rachats emportent dans leur chute nombre de PME, ETI, sous-traitants et fournisseurs qui se retrouvent privés de leur principal client. Selon les auteurs de cette note, il s’est agi d’une « grande braderie » des fleurons industriels nés de la planification française des années 1960 et qui avaient permis l’émergence de grandes réussites comme le Mirage, le TGV, le Concorde, les ordinateurs Thomson, les premières centrales nucléaires et les barrages hydroélectriques.

Il est important de rappeler que le gouvernement aurait pu bloquer, grâce au « veto de Bercy », l’acquisition de chacune de ces entreprises stratégiques françaises par un investisseur étranger, au nom de la protection des intérêts fondamentaux de la nation en matière d’ordre public, de sécurité ou de défense nationale (cf. Un contrôle des investissements étrangers en France insuffisamment robuste ci-dessous).

b.   Les choix de délocalisations opérés par certains groupes industriels ont durablement altéré le potentiel industriel français

En 2021, les entreprises multinationales industrielles contrôlées par des groupes français comptaient 2,5 millions de salariés dans leurs filiales à l’étranger, représentant 61 % de leurs effectifs globaux ([189]). Cela équivaut à un tiers de l’ensemble des effectifs employés à l’étranger par les multinationales françaises, tous secteurs confondus. Les filiales étrangères des multinationales françaises emploient ainsi davantage de personnes que celles des groupes allemands, italiens ou espagnols.

c.   La perte des fleurons industriels français se poursuit

C’est notamment le constat établi par David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, selon lequel « nous avons à affronter un second choc chinois, bien plus violent et pernicieux que le premier. » ([190]) Ce second choc se trouve appliqué en particulier dans le secteur automobile : « En effet, l’automobile, qui représente un peu moins de 10 % des emplois en Europe, compte pour 30 % de la recherche et développement et pour 50 % de la recherche et développement privée. Pour un Chinois, mettre par terre l’industrie automobile européenne revient à mettre à bas tout l’écosystème de recherche européen. Nos trois leaders de semi-conducteurs européens – STMicroelectronics, Infineon et NXP, sociétés respectivement franco-italienne, allemande et hollandaise –, font chacun plus de 50 % de leur chiffre d’affaires dans l’automobile, mais toutes trois sont largement absentes de l’intelligence artificielle. » ([191])

d.   « Mère de toutes les industries » ([192]), la chimie française est particulièrement exposée

Comme le souligne Geoffroy Sigrist de Syensqo France, « La chimie emploie en France un peu plus de 200 000 personnes. Or une étude ([193]) montre que dans les trois à cinq ans, entre 15 000 et 20 000 emplois sont menacés et que quarante-sept sites sont directement à risque. Au niveau européen, vingt-et-un sites majeurs ont fermé entre 2023 et 2024, entraînant la réduction des capacités de production européenne de onze millions de tonnes. » ([194])

Ainsi le rachat de l’entreprise Vencorex par le groupe chinois Wanhua et l’abandon de ses activités stratégiques sont une nouvelle illustration de la perte d’un fleuron industriel français, dont les conséquences sur le bassin d’emploi ne sauraient être sous-estimées. Comme le rappelle Jean-Luc Béal, son PDG : « Les répercussions s’étendront aux sous-traitants et à la collectivité. Si les emplois ne sont pas recréés dans le même bassin, cela affectera le maintien des emplois indirects. Les estimations généralement avancées évoquent un impact indirect de quatre à cinq fois le nombre d’emplois directs. » ([195])

Élu dans la circonscription où se trouve la plateforme pétro-chimique de Carling, l’une des plus importantes de France, le rapporteur tient à souligner le rôle structurant de cette industrie dans l’aménagement de son territoire, le tissu d’entreprises locales et les défis à relever pour assurer la pérennité du secteur notamment en termes de décarbonation.

e.   Le secteur automobile symbolise l’échec de la politique industrielle des trente dernières années

Historiquement un secteur majeur de l’industrie française, l’automobile a connu une forte diminution de la production réalisée en France (– 28 % entre 2004 et 2019). Comme le rappelle la Cour des comptes ([196]), la valeur ajoutée du secteur automobile français représentait un tiers de celle du secteur allemand en 2000, contre moins d’un dixième en 2012 et 2020. Comme leurs homologues européens, les constructeurs automobiles français ont développé leur production dans des pays tiers afin de s’implanter sur les marchés étrangers en expansion ([197]). Ainsi en 2019, les filiales étrangères représentaient près des deux-tiers des effectifs des groupes automobiles français, contre un peu plus de la moitié pour l’ensemble des multinationales dont le siège est situé en France. Ce choix s’explique notamment par leur forte sensibilité aux coûts de production et leur spécialisation sur des segments de véhicules d’entrée et de milieu de gamme. En 2022, seules 19 % des voitures vendues en France étaient produites localement, contre 31 % en Allemagne et 58 % aux États-Unis. La majorité des véhicules vendus dans l’Hexagone provient d’autres pays européens (63 %). Cette hausse des importations, tant des marques étrangères que françaises, alimente le déficit commercial du secteur automobile, qui s’élevait à 24 milliards d’euros en 2023, contre 3,3 milliards en 2012, selon l’Insee. Par ailleurs, la transition vers le moteur électrique imposée en 2035 entraîne une transformation profonde du modèle économique de la filière, dont les impacts nets restent encore incertains : elle entraînera la suppression de quelques 75 000 emplois industriels, soit plus de 22 % des effectifs ([198]), sans même compter ceux des services et de la distribution, elle accroîtra nos dépendances au regard des terres rares nécessaires à la fabrication des véhicules, ou encore elle devra faire face à la faible demande des ménages.

C.   …ET ont seulement permis une stagnation de la dÉsindustrialisation plutôt qu’un changement de cap

1.   Des résultats mitigés

a.   Entre 2017 et 2024, la France a connu une baisse objective de la production industrielle et manufacturière

De nombreux indicateurs incontestables témoignent de la poursuite du phénomène de désindustrialisation sous la présidence d’Emmanuel Macron. En effet, entre 2018 et 2024, la production industrielle de la France a chuté de 6,7 % et la production manufacturière de 6 %, la productivité du travail a stagné sur la même période (progression moyenne de +0,1% à +0,3 % par an) ([199]) et le déficit commercial s’est creusé jusqu’à atteindre 81 milliards d’euros en 2024.

De plus, en 2024, près de 24 000 emplois industriels ont été supprimés et, selon Trendeo, la France a connu davantage de fermetures d’usines que d’ouvertures pour la première fois depuis 2015, tandis que le baromètre industriel de l’État démontre l’essoufflement du nombre d’ouvertures de sites.

Évolution de l’indice de production industrielle entre 2017 2024

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Source : François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, https://x.com/FrancoisGeerolf/status/1816121032928874928

Cependant, comme en atteste le baromètre du nombre de projets industriels, réalisé par le cabinet Ernst and Young (EY) pour Business France ([200]), la France reste le pays le plus attractif pour les investissements industriels en Europe depuis plus de 20 ans. L’indicateur de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’environnement des affaires, publié tous les six ans, montre également une amélioration ([201]) : la France a progressé en se situant à la 9ème place en 2024, devant l’Italie et l’Allemagne, après s’être située à la 12ème place en 2018. Si les investissements étrangers en France peuvent être bénéfiques pour créer de l’activité et stimuler l’innovation, ils peuvent se traduire par des acquisitions de fleurons stratégiques.

De plus, la financiarisation excessive de l’industrie française par des capitaux étrangers affaiblit toute stratégie nationale, dégrade les chaînes de valeur et éloigne notre tissu productif d’un nécessaire ancrage territorial. Le risque de délocalisation est plus important.

Ce bilan est ainsi analysé par Marc Lhermitte, associé au sein d’EY Consulting et auteur de ce baromètre : « En 2013, nous attirions au total 515 implantations et extensions. La France était en troisième position européenne, loin derrière le Royaume-Uni (799 projets) et l’Allemagne (701 projets). Notre image était celle d’un pays coûteux, complexe et changeant – quand les qualités de notre pays étaient peut-être moins mises en lumière – au moment où se déployaient d’importants investissements industriels dans une Europe en voie d’élargissement vers l’Est. En 2017, après une période de réveil de notre attractivité, qui ne date pas de l’élection d’Emmanuel Macron, mais du rapport de Louis Gallois du 5 novembre 2012 et de l’encouragement offert par la réduction – toute relative – du coût du travail grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous avons observé une forte progression des annonces d’investissement et d’implantation étrangers. Cette progression a été accélérée par les mesures annoncées au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, notamment celle concernant la réduction progressive de l’impôt sur les sociétés (IS) et les ordonnances de réforme du marché du travail du 22 septembre 2017 dites "ordonnances Pénicaud". En 2018, nous dépassions l’Allemagne pour atteindre la deuxième position et en 2019, nous prenions la première place européenne en nombre de projets. En 2019, c’est particulièrement dans les activités de production, dans les usines que nous avons marqué les esprits : 409 projets en France (soit 34 % des parts de marché en Europe) contre 161 projets en Allemagne et 132 projets au Royaume-Uni. Cette progression était probablement liée en grande partie à un effet de rattrapage. En 2023, nous avons conservé cette première place européenne pour la cinquième année consécutive avec plus de 1 200 investissements au total, dont 530 implantations ou extensions d’usines, ce qui nous plaçait loin devant le Royaume-Uni (150) affaibli par le Brexit et la Pologne (95). » ([202])

La France accueille davantage d’investissements directs étrangers (IDE) que ses partenaires européens. En revanche, ils se concentrent principalement sur les extensions d’usines plutôt que sur la création, contrairement à ses voisins. Par conséquent, le baromètre EY démontre qu’ils créent tendanciellement moins d’emplois. Ce constat appelle à développer de nouvelles solutions de financements pour notre économie (cf. Développer de nouvelles solutions de financements en mobilisant les atouts non-mobilisés de notre pays ci-dessous).

b.   L’année 2024 marque une nouvelle accélération de la désindustrialisation

Comme évoqué précédemment, le cabinet Trendeo relève une désindustrialisation du pays en 2024 en constatant, pour la première fois depuis 2015, davantage de fermetures d’usines que d’ouvertures, avec un solde négatif de – 15. Le baromètre industriel du ministère de l’économie ([203]) relève quant à lui un fort essoufflement de la réindustrialisation en 2024 avec un solde net de 89 ouvertures d’usines contre 189 en 2023. Les ouvertures nettes d’usines en 2024 concernent l’industrie verte (+ 27) et l’agroalimentaire (+ 20), tandis que les fermetures nettes touchent le transport (– 12) et la mécanique (– 2). Cette nouvelle tendance se trouve confirmée par le ralentissement du nombre d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) délivrés pour les projets industriels et par l’accélération du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi initiés dans l’ensemble des secteurs. En particulier, les secteurs les plus énergo‑intensifs ont connu une nette décélération : la plasturgie (- 2), la mécanique (– 2) et le transport (– 12). Le secteur du transport est également confronté à des difficultés, et plus particulièrement l’automobile qui comptait 31 des 36 fermetures du secteur.

Ainsi, Marc Lhermitte explique que « depuis mars 2022 et au fil des années 2023 et 2024, cette dynamique de réinvestissement semble marquer le pas. Les courbes s’infléchissent, les enquêtes d’opinion témoignent toutes d’un trouble et d’inquiétudes face au contexte mondial, européen et national. [...] Notre enquête réalisée il y a quelques semaines montre qu’aucune entreprise n’annule ses projets en France sous l’effet d’un contexte national et international plus difficile. En outre, 30 % des 200 dirigeants interrogés les maintiennent, mais 50 % d’entre eux les réduisent ou les reportent face au contexte international et national. » ([204])

c.   Dans un contexte international incertain, l’attractivité de la France pour les investissements industriels semble se réduire

Cette tendance se retrouve dans l’évolution de la perception qualitative de la France pour les investisseurs américains, comme le note Olivier Marchal, président de Bain & Cie France : « Le baromètre Bain-AmCham 2025 sur l’attractivité de la France pour les investisseurs américains est établi sur la base de l’expression d’opinions de 151 dirigeants d’entreprises américaines implantées en France et qui y dégagent un chiffre d’affaires global de 95 milliards d’euros. En 2025, les perceptions de ces entreprises sur les perspectives économiques du pays s’établissent à leur plus bas depuis dix ans. La perception de l’attractivité de la France par rapport aux autres pays européens demeure positive ; 39 % des sociétés américaines ont cette opinion, contre 17 % d’opinions négatives. En revanche, cette bonne perception s’érode de manière assez substantielle cette année, largement en raison du manque de stabilité politique et des perspectives économiques maussades. Dans le détail, les sociétés industrielles partagent le même constat, dans une tonalité encore plus assombrie. Ainsi, 54 % d’entre elles font état d’un avis négatif concernant les perspectives économiques du pays contre 45 % pour l’ensemble des entreprises et seulement 18 % d’entre elles conservent une perception positive de la France. » ([205])

d.   La fin prématurée du « printemps de la réindustrialisation »

Pour certaines des personnes auditionnées, l’année 2024 pourrait marquer la reprise du long mouvement de désindustrialisation, qui aurait été temporairement suspendu entre 2017 et 2023, qualifié de « printemps de la réindustrialisation » par Olivier Lluansi ([206]). Cette analyse est corroborée par l’analyse d’indicateurs complémentaires de l’attractivité de la France pour les investissements étrangers.

C’est notamment le constat établi par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), et dont témoigne Vincent Vicard : « Nous ne sommes pas dans une phase de réindustrialisation marquée, mais plutôt dans une période de stabilisation de l’industrie, sans rebond significatif. Il est vrai que nous observons une augmentation de l’emploi industriel d’environ 100 000 postes par rapport à 2019, dont une part importante provient du secteur agroalimentaire. D’autres indicateurs sont plutôt positifs, comme le nombre d’ouvertures d’usines, qui était favorable jusqu’à cette année, contrairement à ce que nous avions connu entre 2000 et 2017. Cet indicateur s’est toutefois inversé en 2024, avec plus de fermetures que d’ouvertures. Cependant, d’autres indicateurs sont moins encourageants. En effet, la production industrielle est en repli par rapport à 2019 et le solde commercial des biens manufacturés reste relativement constant, avec une légère amélioration en 2024. Bien que la crise énergétique ait entraîné une dégradation liée aux importations énergétiques, le solde manufacturier est resté relativement stable, ne reflétant pas une réindustrialisation massive. »  ([207])

Cette analyse est partagée par Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode : « Sur la base de nos travaux, le constat que nous avons formulé récemment est que la réindustrialisation n’a pas vraiment commencé. Nous constatons des amorces et percevons des signes positifs, à tout le moins que nous voulons interpréter comme tels. Nous avons sans doute interrompu la descente amorcée au début des années 2000, sinon avant, d’après les chiffres de la part de la France dans les exportations européennes, dans la valeur ajoutée industrielle européenne et dans l’emploi industriel européen, et d’après ceux du commerce extérieur français dans son ensemble. Ces indicateurs suggèrent qu’une stabilisation a eu lieu au cours des dernières années. Certes, l’emploi industriel s’est redressé depuis 2017. Toutefois, sa part dans l’emploi marchand non agricole a continué à diminuer. Nous sommes dans un entre-deux où nous pensons discerner des effets des politiques de l’offre sans apercevoir un franc rebond autorisant à parler de réindustrialisation. » ([208])

Quel indicateur pour mesurer la désindustrialisation ?

L’indicateur pertinent pour mesurer la désindustrialisation prête à débat.

L’indicateur le plus répandu mesure la part que représente la production des entreprises industrielles – concept lui-même soumis à des délimitations variables selon que l’on y inclut l’ensemble des entreprises exerçant une activité industrielle ou seulement celles dont l’activité principale relève de l’industrie ([209]) – dans la production nationale. Cet indicateur présente deux inconvénients majeurs : d’une part, son évolution dépend autant de la progression du secteur industriel que de la tendance générale de la production nationale (au dénominateur) ; d’autre part, une baisse du ratio peut cacher en réalité une augmentation plus rapide de la productivité dans le secteur industriel que dans les autres secteurs de l’économie.

Ces limites sont identifiées par la Cour des comptes ([210]) et la direction générale des entreprises ([211]) ; cette dernière a diversifié la gamme des indicateurs de référence (métiers industriels, nombre de sites, délais). Au niveau macroéconomique, la Cour des comptes préconise de se concentrer sur l’évolution du solde de la balance commerciale des biens en distinguant le solde des biens manufacturiers du solde des produits énergétiques.

De même, Olivier Lluansi préconise de privilégier l’indicateur de la balance commerciale des biens, plus facilement mesurable et aisément compréhensible du grand public. « L’industrie est souvent mesurée en points de PIB, mais elle a pour finalité la souveraineté. Or l’équilibre de la balance commerciale est un élément de souveraineté. Nos concitoyens sont sans doute peu nombreux à mesurer les choses en points de PIB ; en revanche, ils comprennent tous l’équilibre entre ce qu’on achète et ce qu’on vend. Il se trouve qu’une balance commerciale structurellement équilibrée équivaut à peu près à 12 ou 13 points de PIB, c’est-à-dire l’objectif ambitieux, mais réaliste, fixé par France Stratégie. » ([212])

e.   Les effets ambivalents de l’amélioration de l’attractivité

L’amélioration de l’attractivité de la France en matière d’investissements industriels a par ailleurs des effets ambivalents.

● En effet, si la progression du volume des investissements directs à l’étranger permet l’ouverture de nouveaux sites industriels (ou l’extension de sites existants), elle peut également impliquer une perte de contrôle des entreprises industrielles présentes sur le territoire national, dégradant ainsi les chaînes de valeur et éloignant notre tissu productif d’un nécessaire ancrage territorial. S’il ne faut pas brider la liberté économique, il convient de rester vigilant, en particulier dans les secteurs stratégiques.

● De plus, l’amélioration des flux d’investissements entrants ne doit pas occulter l’essentiel : le solde total des investissements directs à l’étranger reste négatif. Comme le souligne Mathieu Plane pour l’OFCE : « la France, plus attractive qu’il y a une dizaine d’années, connaît une augmentation des investissements directs étrangers (IDE), mais nous continuons à investir davantage à l’étranger que nous n’attirons d’investissements en France. Le solde net des investissements en direction de l’étranger, par rapport aux investissements en France, est positif. Cela se traduit par des revenus importants rapatriés de l’étranger, s’élevant à environ 80 milliards d’euros » ([213]). Si ces flux sortants traduisent le plus souvent la bonne performance des groupes industriels français à l’international, qui leur permet d’investir à l’étranger et d’y développer de nouvelles filiales, « la question à poser est de savoir si nous pourrions rapatrier une partie des filiales situées à l’étranger afin d’accroître le nombre d’entreprises du CAC 40 présentes sur le territoire. » ([214]) En effet, les avantages d’une industrie implantée sur le territoire national excèdent les seuls revenus de la production et se mesurent en termes d’emplois industriels directs et indirects autant qu’en termes de valeur ajoutée. Autrement dit, il serait préférable d’équilibrer conjointement la balance commerciale des biens et la balance des paiements plutôt que de combler le déficit commercial par un excédent de la balance paiements. La répartition des revenus de l’industrie aurait, dans cette situation, un effet redistributif plus important.

C’est l’analyse que propose Mathieu Plane : « Actuellement, notre stock d’investissements industriels détenus à l’étranger avoisine les 700 milliards d’euros, soit environ le double de ce que les étrangers détiennent en France dans le secteur industriel. Cela explique les importants rapatriements de dividendes et génère des revenus significatifs pour la France. Cela a un impact positif sur la balance courante, car cela comble le déficit commercial. Cependant, il est important de différencier les salaires perçus par les travailleurs et les dividendes, qui bénéficient aux détenteurs du capital. La problématique est la manière dont se diffusent ces revenus. » ([215])

● Enfin, sur le long terme, rien ne garantit par ailleurs que l’augmentation des ouvertures de sites industriels s’inscrive dans la durée. La hausse des défaillances d’entreprises récemment observée pourrait laisser craindre un retour rapide de la tendance à la désindustrialisation. Selon la Banque de France ([216]), à fin février 2025, le nombre de défaillances atteignait 66 107 en cumul sur les douze derniers mois, soit + 12,5 % en progression annuelle. Une part importante de ces défaillances pourrait s’expliquer par un rattrapage naturel après le soutien dont ont bénéficié les entreprises durant la pandémie du Covid. Selon Agnès Benassy-Quéré, sous-gouverneure à la Banque de France et professeure d’économie, « Des travaux publiés par la direction générale des entreprises (DGE), et d’autres que nous allons publier, montrent que les entreprises qui font actuellement faillite sont généralement les moins productives. Cela indique un phénomène de rattrapage. Les entreprises qui font faillite maintenant sont majoritairement celles qui auraient probablement fait faillite plus tôt sans les divers mécanismes de soutien et dispositifs publics mis en place pour les entreprises. » ([217])

2.   Des ambitions affichées peu réalistes

a.   Des objectifs incohérents

Face à ce constat d’ensemble, les objectifs que retient le Gouvernement ne peuvent qu’appeler, au mieux, au scepticisme. En effet l’objectif affiché de porter la part de la production industrielle à 15 % du produit intérieur brut à horizon 2035 ([218]) apparaît trop ambitieux.

Comme le souligne la Cour des comptes, « La désindustrialisation est une tendance générale dans les pays industrialisés, qui s’explique par des évolutions structurelles. Fixer un objectif macro-économique de croissance de la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB impliquerait de limiter la dynamique relative de développement des services par rapport à l’industrie. Or, pour de nombreuses entreprises industrielles, il est essentiel de développer les services associés aux biens, particulièrement dans le contexte de la transition numérique. Cette cible requiert également une amélioration sensible de la compétitivité-coût et hors-coût des entreprises industrielles par rapport aux autres pays, qui bénéficient pour certains d’avantages comparatifs difficilement surmontables. » ([219])

Selon BPIFrance ([220]), au regard des hypothèses de croissance du PIB et de prix retenues à l’horizon 2035, augmenter le poids de l’industrie manufacturière de 9,7 % à 12 % du PIB supposerait une augmentation de la valeur ajoutée de l’industrie de 5,3 % par an à prix courant et de 3,5 % par an à prix constant. Cette cible porterait la valeur ajoutée manufacturière à 506 milliards d’euros en 2035 contre 273 milliards d’euros en 2023, soit un écart de 233 milliards d’euros. Une telle augmentation nécessiterait un doublement de la croissance de la valeur ajoutée industrielle par rapport au rythme permettant la stabilisation de la part de l’industrie manufacturière dans le PIB et un triplement par rapport à celui observé sur la période 2011-2019. La valeur ajoutée manufacturière en volume devrait en effet augmenter de 9 à 10 milliards d’euros par an entre 2024 et 2035 (contre 3 à 4 milliards d’euros par an en cas de stabilisation de la part de l’industrie manufacturière dans le PIB à horizon 2035). Selon BPIFrance, 70 % de cette croissance (162 milliards d’euros) peut être réalisée grâce à des entreprises existantes. De nouveaux projets industriels (créations d’entreprises et implantations issues d’IDE) seront nécessaires pour les 30 % restants. Cela correspondrait par exemple à l’équivalent de près de 110 à 190 grands projets de nouvelles usines et gigafactories d’ici 2035.

b.   L’objectif affiché n’est pas atteignable

L’objectif de réindustrialisation à 15 % du PIB en 2035, annoncé depuis 2023 par le Président de la République Emmanuel Macron et son ministre de l’Économie Bruno Le Maire, semble ne reposer sur aucun fondement rationnel. Le rapporteur dénonce une opération de communication, avec des ambitions affichées qui étaient déconnectées des réalités. Et ce, en connaissance de cause de la part de l’exécutif.

En effet, en novembre 2023, l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire a commandé à Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire au sein du CNAM, ancien délégué aux territoires d’industrie, un rapport visant à étudier la réindustrialisation à l’horizon 2035. Remis en avril 2024, ce rapport intitulé : « Réflexion sur l’avenir de nos politiques industrielles » a finalement été enterré par le gouvernement et n’a jamais été rendu public.

Dans le cadre des prérogatives d’enquête sur pièce et sur place des rapporteurs de commission d’enquête, le rapporteur a pu se faire communiquer cette étude approfondie.

Elle démontre que les objectifs ambitieux annoncés par l’exécutif sont irréalisables et infondés, expliquant très probablement les raisons pour lesquelles ce rapport n’a jamais été rendu public.

Interrogé lors de son audition par le rapporteur sur les raisons pour lesquelles son rapport a été enterré par le Gouvernement, Olivier Lluansi déclare : « Premièrement, dans cette étude prospective, les spécialistes de France Stratégie que vous avez reçus ce matin ont qualifié d’irréaliste la perspective de réindustrialiser la France à hauteur de 15 % du PIB à l’horizon de 2035. Mon engagement pour la réindustrialisation de notre pays ne fait aucun doute et j’aurais adoré signer un rapport concluant qu’il faut viser 15 %, mais j’ai décidé d’adopter une position plus réservée. Après des années d’engagements non tenus, il serait décevant de faire à nouveau des promesses inatteignables ; visons des cibles ambitieuses, mais réalistes. Deuxièmement, j’estime que deux-tiers du potentiel de réindustrialisation réside dans le tissu industriel existant, alors que la majorité des outils de politique publique depuis 2009, particulièrement mis en exergue dans le plan France 2030, visent les start-ups et les innovations de rupture. Le décalage est assez net entre mes conclusions et le discours politique actuel. À mon sens, ces deux éléments ne sont pas étrangers à la décision de ne pas publier mon rapport. » ([221])

En effet, selon ce rapport, les hypothèses d’une réindustrialisation ambitieuse reposent sur la conjonction de facteurs difficiles à réunir dans les conditions actuelles, notamment :

– la disponibilité énergétique ; un tel objectif nécessiterait de produire beaucoup plus d’électricité qu’aujourd’hui ; or, « en attendant les nouvelles capacités d’électricité décarbonée (pas encore de renouvellement du parc nucléaire d’ici 2035), cette réindustrialisation ne serait plus totalement décarbonée » ([222]) ;

– les besoins fonciers dépasseraient 80 000 hectares, ce qui entre en contradiction directe avec les objectifs actuels de zéro artificialisation nette. Pour Olivier Lluansi : « le principe du ZAN (et pas seulement ses actuelles modalités) serait probablement inapplicable » ([223]) ;

– sur le plan social, la création de 150 000 emplois industriels par an jusqu’en 2035 supposerait une reconversion massive des travailleurs des services, environ deux millions d’actifs, la France comptant à ce jour 5,7 millions de chômeurs, toutes catégories confondues. Cela impliquerait aussi une transformation profonde du marché du travail et du système de formation, dont les capacités devraient doubler malgré des budgets déjà conséquents. Olivier Lluansi explique que « l’appareil de formation aux métiers industriels devrait être doublé. Pour mémoire les dépenses actuelles de formations aux métiers de l’industrie sont évaluées à près de 3 milliards d’euros. »

Comme précisé dans ce rapport, « Les projections dites à "15 %" restent envisageables, mais elles supposent un cumul exceptionnel de conditions pour se réaliser ». Or, elles « relèveraient d’une mobilisation collective exceptionnelle dont nous n’avons pas la mesure aujourd’hui. Il suffit de constater les incohérences dans le débat public entre notre ambition et les certaines décisions récentes sur le prix de l’électricité, les modalités du "zéro artificialisation net", la fiscalité, etc. » ([224])

Dans son livre Réindustrialiser, le défi d’une génération ([225]), tiré des travaux de son rapport, Olivier Lluansi remet également en question l’objectif gouvernemental d’atteindre 15 % de PIB pour l’industrie en 2035, en le qualifiant de « ni réaliste, ni fondé ».

Ce constat est aussi partagé par les auteurs de l’étude conduite par France Stratégie ([226]) sur la base de quatre scénarios de réindustrialisation (8 %, 10 %, 12 % ou 15 % de part de production manufacturière dans le produit intérieur brut). Selon Grégory Claeys, directeur du département économie au sein de France Stratégie : « Loin de décrire une réindustrialisation, le scénario à 8 % marquerait même une rupture avec la tendance passée. En revanche, le scénario à 10 %, qui n’a pas l’air très ambitieux puisque le taux actuel est de 9,5 %, serait un retour à la tendance observée depuis les années 1950. Ce ne serait déjà pas si mal. Le scénario à 12 % dessine une performance inédite depuis les années 1960-1970. Si le scénario à 15 % se matérialisait, ce serait du jamais vu – la courbe s’envole sur le graphique. » ([227])

Ainsi l’objectif d’une réindustrialisation à hauteur de 15 % du PIB implique une pression extrême sur les ressources. Selon Clément Beaune, Haut-commissaire au plan : « Dans le scénario à 15 %, la réindustrialisation exerce une pression très forte et différenciée sur les ressources. [...] Cette forte pression montre que, si nous voulons que la réindustrialisation soit crédible, il ne suffit pas de la décréter, il faut trouver des réponses aux contraintes ou blocages concernant au moins ces quatre types de ressources. » ([228]) Cet objectif nécessiterait également un effort considérable en termes de formation : « Le scénario à 12 % exigerait la création de 740 000 emplois nouveaux entre 2022 – c’était le point de départ de l’étude – et 2035. Pour simplifier, disons qu’il faudrait créer environ 50 000 emplois nouveaux nets dans l’industrie chaque année, alors que le rythme a été de quelque 15 000 créations par an pendant les sept dernières années, ce qui est déjà bien par rapport aux années précédentes. L’objectif est ambitieux mais réalisable. » ([229]) De plus, selon Olivier Lluansi, « pour mener à bien la réindustrialisation [à hauteur de 15 % du PIB] au cours des dix années à venir, nous devons investir 200 milliards supplémentaires. » ([230])

c.   L’objectif d’une production industrielle représentant 15 % du produit intérieur brut implique de revoir entièrement la stratégie énergétique française

C’est ce qu’indique Clément Beaune, « La ressource en énergie est un facteur clé de la réindustrialisation. En l’état des choses, le scénario à 15 % serait incompatible avec la trajectoire de production d’énergie envisagée par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) [...] Même en optant pour des choix politiques différents, la pression resterait très forte car un horizon de dix ans est très proche quand il s’agit de produire l’énergie décarbonée nécessaire à cette ambition de réindustrialisation. Partant de la situation actuelle, on touche aux limites de nos capacités de production dès le scénario à 12 %. » ([231])

Dès lors, le hiatus qui existe entre les ambitions affichées et les moyens mis en œuvre appelle une inflexion d’ensemble de la politique industrielle.


   DeuxiÈme pARTIE : UNE DÉGRADATION INDUSTRIELLE AGGRAVÉE PAR DES CHOIX POLITIQUES

Les causes de la désindustrialisation de la France et les freins à la relance de son développement industriel sont multiples, certaines conjoncturelles, d’autres plus structurelles, les unes liées au contexte mondial et au cadre européen, les autres propres à notre pays.

I.   Un cadre macroÉconomique europÉen et mondial historiquement dÉfavorable À l’industrie française

Comme l’a rappelé à la commission d’enquête le Haut-Commissaire au plan Clément Beaune ([232]), le débat sur la réindustrialisation se situe en partie à l’échelon européen.

La politique industrielle relève en effet d’une compétence partagée entre l’Union européenne (UE) et ses États membres, conformément au Traité de Maastricht de 1992, repris dans l’article 173 du traité sur le fonctionnement de l’UE de 2007. Elle s’inscrit en outre dans les limites des politiques communes du marché intérieur, de la concurrence et du commerce.

De fait, bien que fondée à l’origine sur un projet industriel ambitieux – la communauté européenne du charbon et de l’acier –, l’Union européenne a progressivement préféré renforcer la politique de la concurrence à la place, voire au détriment de la politique industrielle. L’article 173 du TFUE pose explicitement la subordination de celle-ci au droit de la concurrence et aux règles du marché intérieur : il précise que toute politique industrielle ne saurait prendre place que « conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels » ; et ajoute que « le présent titre ne constitue pas une base pour l’introduction, par l’Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ».

La politique industrielle européenne n’a dès lors pas d’outils propres, et la primauté donnée au droit de la concurrence a « restreint les leviers de politique industrielle nationale, sans pour autant les compenser par une politique industrielle proprement européenne, sinon au moyen de mesures "horizontales" générales visant à améliorer l’efficacité du marché intérieur », relevait en 2021 un rapport d’information de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, constatant l’absence de politique industrielle européenne – jusqu’à la crise du Covid‑19 ([233]).

La politique de la concurrence européenne a non seulement bridé les pouvoirs d’intervention des États membres, mais a, jusqu’à peu, plutôt favorisé la concurrence intra-communautaire que cherché à protéger les entreprises européennes d’une compétition mondiale de plus en plus agressive.

A.   Une activitÉ industrielle qui pÂtiT des politiques europÉennes

1.   Une « politique européenne de la concurrence » centrée sur les consommateurs, plus propice aux délocalisations qu’aux consolidations industrielles

La politique de la concurrence est un des piliers de la construction européenne. Si elle est nécessaire pour prévenir les distorsions de concurrence nuisibles aux consommateurs comme aux entreprises au sein du marché unique, et peut stimuler l’innovation en encourageant l’émulation entre les acteurs économiques, on peut aussi s’interroger sur la responsabilité dans le décrochage de l’industrie européenne, d’une mise en œuvre manquant de perspective et d’une conception de la concurrence longtemps concentrée sur le seul intérêt des consommateurs.

La politique de la concurrence fait partie des compétences exclusives attribuées à la Communauté économique européenne par le traité de Rome de 1957 (devenu traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) de 2007, cf. son article 3, paragraphe 3).

Elle est en effet considérée comme essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur, et notamment à la libre circulation des marchandises et des capitaux. Elle se fonde en particulier sur les articles 101 à 109 du TFUE et sur le protocole n°27 sur le marché intérieur et la concurrence du Traité de Maastricht de 1992, lequel précise qu’un système de concurrence « non faussée » fait partie intégrante du marché intérieur. La politique de la concurrence repose sur la conviction que « la concurrence permet aux entreprises de se mesurer les unes aux autres dans des conditions d’égalité entre les États membres, tout en les incitant à s’efforcer de proposer aux consommateurs les meilleurs produits au prix le plus avantageux. » ([234])

a.   Une lutte excessive contre les concentrations nuisant à la création de « champions industriels »

À ce titre, le droit européen de la concurrence interdit les ententes anticoncurrentielles, contrôle les processus de concentration, via les fusions-acquisitions, lutte contre les abus de position dominante et interdit, sauf exceptions, les aides des États aux entreprises. Il s’applique en outre à toutes les entreprises opérant sur le marché européen, y compris de nationalité extracommunautaire.

Spécialiste du droit de la concurrence, Emmanuel Combe souligne que le droit européen de la concurrence peut servir la politique industrielle ([235]). L’interdiction des cartels protège nos entreprises contre « des pratiques souvent mises en œuvre par des entreprises non européennes ». Par exemple, lorsque la Commission a condamné le 5 mars 2019 la mise en place d’un cartel relatif aux airbags entre Autoliv et TRW, cela bénéficie aux constructeurs automobiles européens victimes de ce cartel. Les sanctions pour abus de position dominante de Google, pour un montant cumulé de 8 milliards d’euros, sont aussi « une forme indirecte de politique industrielle » car elles visent à empêcher qu’un géant n’utilise son pouvoir pour entraver la croissance de petites entreprises prometteuses. Emmanuel Combe rappelle également le rôle qu’a joué la mise en concurrence de plusieurs laboratoires dans l’émergence rapide d’un vaccin contre le Covid-19 aux États-Unis.

Toutefois, si elle peut se concilier avec une politique industrielle, la politique de concurrence ne saurait en tenir lieu. Le droit de la concurrence peut autoriser ou interdire certaines opérations, mais il n’est pas adapté pour promouvoir certains secteurs industriels en fonction de priorités stratégiques, alors que la politique industrielle cherche à favoriser l’émergence d’acteurs industriels solides et à soutenir le tissu productif existant.

Au surplus, l’application du droit de la concurrence par la Commission européenne s’est avérée peu propice au confortement ou même à la création de grands groupes industriels de dimension mondiale.

Dans leur rapport de 2019, l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGE) relevaient que si le contrôle des concentrations n’aboutit qu’à un faible nombre de rejets, il est appliqué plus rigoureusement dans l’Union européenne que dans les États tiers : la Commission tend notamment à assortir ses autorisations de fusions à des engagements structurels, « conduisant dans un cas sur deux depuis 2010 à la cession d’actifs stratégiques à des concurrents extra-européens. » ([236])

Emmanuel Combe constatait lui-même en audition que la défense par les gains, la efficiency defense, n’est pas encore véritablement prise en compte. Selon lui, un travail est à mener pour que des fusions, dont il est démontré qu’elles auront des effets de gains d’efficacité, notamment sur l’innovation, soient autorisées si ces effets d’efficacité viennent compenser une éventuelle atteinte à la concurrence.

Le rapport d’information de la commission des affaires européennes précité déplorait quant à lui que la politique de concurrence ne tenait « pas suffisamment compte de l’environnement international et de sa dynamique stratégique », comme l’illustre le refus par la Commission européenne en 2019 de la fusion d’Alstom et de Siemens qui devait permettre, avec le soutien des gouvernements français et allemand, de créer un champion européen du ferroviaire pour faire face à la concurrence internationale, particulièrement chinoise. Déjà en 2019, l’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies recommandaient de « mieux tenir compte de l’arrivée potentielle sur le marché intérieur de concurrents extra-européens notamment lorsqu’ils bénéficient de subventions. » ([237])

Par ailleurs, si la constitution de « champions » sur un marché qui n’existe pas encore ne relève ni du droit des ententes, ni du droit de l’abus de position dominante, et peut bénéficier de subventions publiques, rappelle Emmanuel Combe ([238]), ces soutiens publics font néanmoins l’objet du contrôle européen des aides d’État – un contrôle tout à fait « singulier dans le monde », observe l’IGF. La mise en place en 2014 du cadre dérogatoire des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC, cf. Une trÈs rÉcente « nouvelle politique industrielle » europÉenne, sous-dimensionnÉe et qui tarde À se mettre en œuvre ci-dessous), qui permettent aux États membres de subventionner certains projets industriels, et son assouplissement en 2021 représentent néanmoins un « véritable – et bienvenu – changement de philosophie », selon les termes de François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE ([239]).

Le rapporteur déplore qu’aucun géant européen n’ait émergé ces dernières décennies, alors que la France et l’Europe avaient réussi à créer des champions par le passé, à l’instar d’Airbus (ou EADS) en 1970 qui est capable aujourd’hui de concurrencer Boeing. En audition, Louis Gallois, ancien président-directeur général d’EADS, considérait que « si l’on appliquait encore les règles européennes en vigueur jusqu’à la crise liée au Covid19, il ne serait probablement pas possible de créer Airbus » – tout en reconnaissant que ces règles ont évolué ces dernières années avec le dispositif des PIIEC. « De fait, on a pris conscience de la nécessité – sur laquelle du reste insiste le rapport Draghi – de constituer des entreprises européennes plus fortes », commente-t-il ([240]).

Toutefois, plusieurs personnalités auditionnées par la commission d’enquête ont insisté sur la complexité et l’aspect partiel des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC). Ainsi Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, rappelle que « les PIIEC sont une très bonne idée, mais difficile à mettre en œuvre. Chaque fois que l’Union européenne invente un tuyau, il a cinquante robinets, avec un inspecteur derrière chacun – c’est lourd. Nous pouvons mener des alliances dans le domaine de la défense, pour construire des produits que nous n’avons pas. » ([241]) Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), a indiqué que si les PIIEC soutiennent les projets d’investissement, ils n’apportent aucune aide à la production : « Concernant les PIIEC, je tiens à souligner que ces dispositifs ont été absolument indispensables pour développer la filière de production de batteries en Europe. Bien que les acteurs européens, notamment Northvolt et ACC, en aient effectivement bénéficié, la principale difficulté liée à ce dispositif réside dans le fait qu’il ne finance que les investissements. Or, comme je l’ai mentionné précédemment, la production de batteries s’inscrit dans une perspective de long terme. Malheureusement, nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation où un acteur français a besoin d’une aide à la production. » ([242])

Comme l’ont démontré plusieurs auditions de la commission d’enquête, le rapporteur considère que le dispositif des PIIEC reste encore bien trop complexe et restreint pour permettre l’émergence d’acteurs européens majeurs dans des secteurs stratégiques. Pire, imposer aux entreprises de réaliser des activités de diffusion de la propriété intellectuelle acquise grâce à un PIIEC relève d’une naïveté à laquelle il convient de mettre fin.

b.   Une vision exclusivement concentrée sur le consommateur au détriment du producteur

Non seulement le droit de la concurrence européen a longtemps freiné les ambitions industrielles, mais l’on constate plus globalement que l’Union européenne a également manqué de vision stratégique dans les domaines industrielsa fortiori par comparaison avec la Chine et les États-Unis. Comme le rappelle François Geerolf, quand le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) a été lancé, elle ne disposait d’aucune industrie des renouvelables intermittents et les Chinois dominaient la production de panneaux photovoltaïques. Alors que l’industrie européenne de l’automobile était leader au niveau mondial, la révolution de la voiture électrique n’a pas été anticipée ; la Chine est aujourd’hui le premier producteur de véhicules électriques et l’Europe dépend des fournisseurs asiatiques pour son approvisionnement en batteries.

Cet aveuglement vient de la conviction des pouvoirs publics que les atouts de l’Europe lui permettraient de conserver son avance. Mais une de ses causes est sans doute aussi à trouver du côté de la prééminence donnée par les politiques européennes à la quête du moindre coût pour les consommateurs européens.

Selon l’analyse de François Geerolf, « en Europe, on considère d’abord le consommateur », à tel point que « ce qu’on appelle "politique de concurrence" englobe en réalité toutes les politiques qui considèrent uniquement le consommateur, sans prendre en compte son rôle de producteur ou de travailleur. Toutes les politiques, y compris la politique commerciale et le fait de décider que les marchés publics doivent aller au moins cher, sont considérées comme une forme de politique de la concurrence ». Dès lors, poursuit-il : « Quand nous créons de la demande, la question est de savoir si nous allons au moins cher ou si nous favorisons localement l’émergence de nouveaux producteurs. Cette question, qui s’est posée, n’est pas évidente, mais je constate que l’approche européenne a traditionnellement été de privilégier le moindre coût, sans entrave au commerce. » ([243])

Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, dit de même : « Au niveau européen, le consommateur a été privilégié de façon permanente, notamment à travers une politique de la concurrence » ([244]), avec en conséquence l’abandon de toute forme de politique industrielle, un « gros mot à Bruxelles jusqu’à une période récente » selon les affirmations en audition de l’ancien commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton ([245]).

Le droit de la concurrence européen est-il de nature idéologique, comme le pense Christian Saint-Étienne ([246]), titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, se concentrant sur les parts de marché plutôt que sur la capacité des entreprises à innover comme aux États-Unis ?

Le rapporteur en est convaincu. Il déplore que cette approche n’ait guère laissé de place à d’autres considérations essentielles, comme l’intérêt général, la souveraineté nationale des États membres, l’autonomie européenne ou même l’emploi local dans la définition et l’application de ses règles. Lorsque deux logiques se confrontent – « entre l’Europe des consommateurs qui veut le moins de barrières douanières pour acheter le moins cher possible et l’Europe des producteurs, le débat n’est pas clarifié » ([247]), comme le décrit Geoffroy Roux de Bézieux, ancien président du Medef –, la priorité a été, jusqu’à peu, donnée à la neutralité de marché plutôt qu’à la stratégie industrielle.

c.   Une concurrence intra-européenne encouragée par l’UE

Ajoutons que, dans la même logique, l’Union européenne a objectivement encouragé la concurrence intra-européenne et les délocalisations vers les États membres offrant des régimes sociaux et fiscaux plus avantageux pour améliorer la compétitivité-prix des produits européens ; elle est même allée jusqu’à permettre d’importer les bas salaires dans les pays à hauts salaires avec la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein » sur les travailleurs détachés.

Comme évoqué précédemment, l’Insee souligne qu’ « en moyenne annuelle sur la période 1995-2017, environ un millier d’entreprises auraient délocalisé, correspondant à 25 000 emplois par an. Les délocalisations apparaissent en majorité industrielles, et près de la moitié à destination de pays européens. Les emplois qualifiés de l’industrie, y compris les ouvriers qualifiés, sont surreprésentés parmi les emplois délocalisés. » ([248]) Par ailleurs, il est précisé dans cette même analyse que « l’Europe représente la destination majoritaire des flux d’importations spécifiques imputables aux délocalisations françaises, toutes périodes confondues. En 2017, 62 % des délocalisations sont européennes. Près de la moitié des délocalisations en 2017 s’effectuent vers les pays frontaliers : au premier rang desquels l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. » ([249])

Toujours en 2017, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions – Eurofound) évaluait à 118 760 le nombre d’emplois pouvant être liés à un transfert de la production vers d’autres États membres en 13 ans ([250]). Une étude de l’Insee d’avril 2023 constatait encore qu’entre 2018 et 2020, 1,7 % des entreprises de 50 salariés ou plus des secteurs principalement marchands non agricoles implantées en France ont délocalisé une ou plusieurs activités, dont quatre sur dix dans l’industrie manufacturière, et que l’Europe était la première zone d’accueil des délocalisations (à 72 %). Elle relevait que les entreprises délocalisent d’abord pour des motifs de compétitivité-prix, profitant ainsi de pouvoir réduire les coûts de la main-d’œuvre – avant l’objectif de s’implanter dans de nouveaux marchés ([251]). De fait, en 2018, d’après Eurostat, les salariés français gagnaient en moyenne 35,80 euros de l’heure, contre 10,10 euros en Pologne – cotisations sociales inclues –, sans que l’écart se soit beaucoup réduit depuis, malgré l’élaboration de quelques règles à l’instar de la mise en place de niveaux minimums de salaires au sein du marché unique.

Alexandre Saubot, président de France Industrie, a rappelé notamment comment l’intégration d’une dizaine de pays d’Europe de l’Est dans l’Union européenne en 2004 « a créé une vaste zone de libre-échange avec des conditions de concurrence inégales. » ([252])

Les balances commerciales se sont ainsi creusées entre la France et ces pays d’Europe de l’Est. En avril 2024, un article des Échos constatait que « les échanges avec les ex-pays de l’Est, qui dégageaient un excédent pour les produits hexagonaux de 1,5 milliard d’euros en 2004, sont désormais déficitaires de près de 10 milliards d’euros, sous l’effet de la migration de la production française depuis l’élargissement de l’UE » ([253]), en premier lieu dans le secteur de l’automobile , où le déficit français s’est élevé à près de 8 milliards d’euros l’an dernier, avec des importations multipliées par dix par rapport à 2004. Au premier semestre 2023, plus d’une voiture électrique sur cinq importée d’Europe dans l’Hexagone venait de Slovaquie, selon les douanes ([254]). Il apparaît évident que la dégradation des comptes français s’explique en partie par les délocalisations et les investissements réalisés dans la région et que l’industrie automobile a été en première ligne dans ces évolutions. Ainsi, en 2021, les 3 580 filiales des entreprises tricolores installées dans les pays d’Europe centrale et orientale employaient 570 700 salariés et réalisaient un chiffre d’affaires supérieur à 105 milliards d’euros. En Pologne notamment, la France est devenue le troisième employeur et le deuxième investisseur étranger, derrière l’Allemagne.

Par ailleurs, la balance commerciale de la France avec l’ensemble des pays de l’Union européenne s’est fortement dégradée depuis le début des années 2000, pour atteindre un déficit de 33 milliards d’euros en 2024, après un déficit commercial record de 60 milliards d’euros en 2022 avec l’ensemble des pays européens ([255]). Cette situation alarmante traduisant l’accroissement de nos dépendances démontre l’impératif d’améliorer notre compétitivité-prix.

Dans l’environnement concurrentiel fort du marché unique, le rapporteur regrette que la France se retrouve privée de son atout compétitif majeur, à savoir son énergie : l’avantage comparatif de notre mix électrique fondé sur l’attractivité du nucléaire, en plus de sa décarbonation, de son abondance et de sa pilotabilité, se retrouve effectivement neutralisé par les règles européennes de tarification de l’électricité (cf. L’abandon de notre avantage historique du prix de l’électricité ci‑dessous).

2.   Des marges d’intervention réduites, à tous les niveaux, pour les États

La coopération européenne pourrait donner aux États membres la possibilité d’additionner leur puissance en s’appuyant sur leurs avantages comparatifs respectifs, pour déployer des politiques communes. Mais en confiant certaines compétences stratégiques aux organes européens et en développant des cadres réglementaires européens exigeants, cette intégration a réduit et fait perdre aux États membres des atouts, marges et moyens d’action significatifs en faveur de leur industrie. Autrement dit, la progressive perte de souveraineté des États membres les dépossède de leurs politiques industrielles.

a.   Un contrôle accru des aides d’État

Nous avons démontré précédemment comment la politique de la concurrence européenne a limité la constitution de géants européens de l’industrie, en fondant un contrôle des aides des États aux entreprises sans équivalent dans le reste du monde.

Les articles 107 à 109 du TFUE posent en effet un principe général d’interdiction des aides d’État lorsqu’elles risquent de fausser la concurrence. Les aides d’État sont en conséquence présumées incompatibles avec le marché intérieur, sous réserve des catégories d’aides déclarées compatibles par dérogation, ces exceptions visant à pallier les défaillances du marché et à promouvoir des objectifs d’intérêt commun générant des externalités positives. Sauf exception, toute aide nouvelle ou toute modification d’une aide existante – ou régime d’aides si elles peuvent être octroyées à plusieurs bénéficiaires – doit être notifiée par l’État et autorisée par la Commission, avant sa mise en œuvre, sans quoi elle est considérée comme illégale ([256]).

La révision du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), par le règlement (UE) n ° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur, a tout de même apporté un certain assouplissement au contrôle des aides d’État en couvrant de nouvelles catégories exemptées de notification, dans lesquelles peuvent s’inscrire les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), et en relevant les seuils d’aides (taux d’aide et montants maximaux), assouplissement accentué en 2017, 2021 et 2024, pour faciliter en particulier les soutiens des États dans les infrastructures, la transition énergétique et numérique et les cofinancements dans la recherche et l’innovation.

Il n’en reste pas moins que ce cadre ne permet pas de soutenir des fleurons industriels face à la concurrence extracommunautaire, ni de cibler des exonérations de cotisations sur la seule industrie pour améliorer sa compétitivité : du point de vue des institutions européennes, il s’agirait en effet d’une forme de subvention et d’une distorsion de concurrence. Ce cadre européen ne permet pas non plus d’offrir des crédits d’impôts massifs sous condition de relocalisation – « Il semble que nous ne pourrions pas mettre en place un équivalent français de l’IRA américain pour subventionner les technologies vertes » ([257]), constate Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – pas plus que ne serait possible l’instauration d’un dispositif inspiré du Small Business Innovation Research (Sbir) américain, qui vise à orienter une partie de la commande publique vers les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes, car les règles européennes imposent qu’elle s’adresse à l’ensemble de l’industrie européenne. Y compris lorsque la situation est critique comme pour le secteur automobile électrique (hors batteries), les aides d’État ne sont pas légion, comme le souligne le Secrétariat général des affaires européennes ([258]).

À noter que certains États membres, à l’instar du Luxembourg et de l’Allemagne, savent s’opposer à l’assouplissement des restrictions relatives aux aides d’État, notamment lorsque les enjeux sont liés au secteur de l’énergie et peuvent constituer un avantage pour la France. Par exemple, lors du Conseil de l’énergie du 17 octobre 2023 consacré à la réforme du marché de l’électricité, la France, soutenue par ses affinitaires, souhaitait que les « contrats pour différence » (CFD) ([259]) puissent aussi s’appliquer aux installations existantes, comme son parc nucléaire et hydraulique, afin de sécuriser leurs revenus grâce à ce mécanisme de soutien. Alors que la décarbonation de l’économie européenne doit dépasser les clivages partisans et que l’intérêt général doit primer, le Luxembourg et ses alliés ont, par exemple, refusé le texte tel qu’il était rédigé, car il contenait une dérogation permettant aux États d’aider plus facilement les mécanismes de capacité. Ils estimaient que ces règles ne garantissaient pas l’équité de concurrence entre pays européens notamment car la France allait « obtenir 10 milliards d’euros de rente infra-marginales » ([260]).

b.   Une évolution tardive des règles de la commande publique

Les commandes et marchés publics sont encadrés par des principes inspirés du droit européen de la concurrence : à commencer par la liberté d’accès et l’égalité de traitement de tous, l’obligation de passer par des procédures de mise en concurrence à partir d’un certain seuil de dépenses et une absence de discrimination fondée sur la nationalité des candidats.

Quelques dispositifs permettent des aménagements à cette règle :

– pour écarter des pays tiers : depuis juin 2022, le règlement 2022/1031 ([261]) vise à favoriser une plus grande réciprocité dans l’ouverture des marchés publics en permettant d’écarter d’office des entreprises issues de pays tiers qui ont mis en place des restrictions sérieuses et récurrentes à l’accès des entreprises européennes à leurs contrats de la commande publique et refusent de lever ces restrictions. Avant 2022, les acheteurs pouvaient écarter les offres de pays tiers, ou, à l’inverse, accorder un avantage aux entreprises ou prestations originaires de l’Union européenne – ou d’un pays tiers couvert par un accord d’égal accès à la commande publique – en matière de marchés publics ou de concessions de défense ou de sécurité, de marchés publics de fournitures des entités adjudicatrices, ou dès lors que le marché public entrait dans le champ des exceptions à l’offre de couverture européenne prévue par les accords relatifs à l’accès aux marchés publics conclus par l’UE (art. L. 2153‑1 du code de la commande publique) ;

– mais aussi pour créer des conditions susceptibles de favoriser l’accès des entreprises locales, avec en particulier la prise en compte des considérations environnementales et sociales.

On peut évoquer le sourcing qui permet à l’acheteur public d’identifier les fournisseurs locaux, la dispense de publicité et de mise en concurrence pour un marché innovant, des spécifications techniques promouvant des offres protectrices de l’environnement, etc.

Depuis 2018, l’article L. 2112‑4 du code français de la commande publique prévoit même que « l’acheteur peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d’un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l’Union européenne ». Toutefois, cet outil reste encore très peu utilisé ([262]), notamment parce que les acheteurs doivent démontrer que l’exigence de localisation est nécessaire, proportionnée et directement liée à l’objet du marché.

De manière plus globale, l’usage de ces mécanismes reste conditionné au strict respect des règles de transparence et de concurrence : le droit européen impose que les conditions d’exécution et les critères d’attribution, notamment, ne doivent pas être perçus comme instaurés dans le seul but de permettre un approvisionnement local ou privilégier l’emploi de proximité, et l’acheteur doit être en capacité de démontrer leur caractère non-discriminatoire. Aussi, ces recours restent-ils limités, faute de réelle appropriation par les acheteurs publics, notamment eu égard au risque de sanction pénale qu’ils encourent.

On pourrait penser que ni la défense des intérêts industriels nationaux ou même européens, ni celle de l’emploi français ou européen ne permettent de dépasser les exigences du droit européen de la concurrence. Pourtant, force est de constater que l’Allemagne y parvient.

En outre, selon un rapport de l’Institut Jacques-Delors ([263]) évoqué par Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, « les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), toujours mises en avant pour justifier le fait de ne pas favoriser les produits fabriqués en France ou en Europe, sont peut-être interprétées de manière trop stricte. » ([264])

Les États membres sont ainsi privés, tant par la restriction des aides publiques que dans l’utilisation de leurs marchés publics, de leviers d’action directs en faveur de leurs industries, tout en ayant également perdu, pour les pays de la zone euro, l’instrument de compétitivité macroéconomique de la politique monétaire et une certaine marge de manœuvre de leur politique budgétaire nationale.

c.   Une faible marge de manœuvre dans la politique budgétaire française

Les États membres de la zone euro se sont engagés, par le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 en vue de la création de la monnaie unique, à maintenir leur déficit en dessous de 3 % du PIB et leur dette publique à un niveau inférieur ou égal à 60 % de leur PIB. À la suite de la crise financière de 2008, le pacte a été renforcé par le « six-pack » en 2011, puis par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), comprenant le « pacte budgétaire » en 2013 ([265]), avec la mise en place de nouvelles sanctions ([266]) et l’introduction d’une « règle d’or » (article 3 du traité) qui engage les États signataires à avoir des comptes publics « en équilibre ou en excédent » sur l’ensemble d’un cycle économique ([267]).

Entre 2017 et 2024, la majorité des grandes économies de l’Union européenne ont peiné à respecter les critères de Maastricht (déficit inférieur à 3 %, dette inférieure 60 %). La France s’en est écartée durablement par un important dérapage de ses finances publiques. Son déficit public, tombé à 2,3 % en 2018, a atteint 5,8 % en 2024, contre un objectif initial de 4,4 % ([268]). Sa dette publique était de 98,3 % du PIB en 2017, elle a bondi à 113,0 % en 2024, soit près du double du seuil européen. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, la France a donc vu sa dette exploser de 1 200 milliards d’euros, dont seulement 200 milliards environ sont imputables à la crise liée à la pandémie de Covid-19.

En comparaison, l’Allemagne, excédentaire avant 2020, est repassée sous les 3 % de déficit dès 2022 et maintient une dette autour de 63 % du PIB. L’Italie, structurellement endettée, affiche quant à elle une dette de 138 % et un déficit toujours supérieur à 7 %. L’Espagne, bien qu’en légère amélioration, reste à 105 % de dette et un déficit proche de 4 %.

En 2024, aucun pays de la zone euro ne respecte simultanément les deux critères de Maastricht. Environ la moitié des États membres dépassent le seuil de déficit, notamment la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et la Slovaquie. Seuls quelques pays (comme l’Irlande, les Pays-Bas, ou la Finlande) maintiennent une dette proche ou sous les 60 %, mais parfois avec un déficit au-dessus de 3 %. Globalement, la zone euro présente une situation dégradée, avec une moyenne de dette autour de 90 % du PIB et un déficit moyen supérieur à 3,5 %, signalant une non-conformité généralisée aux règles budgétaires.

Si la règle d’or admet la possibilité de soutenir son économie par un déficit exceptionnel, elle n’en contraint pas moins fortement la politique budgétaire d’un État sur le plus long terme, réduisant en conséquence ses capacités à soutenir son développement industriel dans la durée. En effet, la hausse de l’endettement public a contraint le Gouvernement à resserrer progressivement les moyens publics alloués à la réindustrialisation, y compris certaines mesures pourtant plébiscitées par les industriels.

En outre, la situation alarmante des finances publiques de la France la conduira vraisemblablement à augmenter ses impôts dans les années à venir, ce qui n’est pas souhaitable, ou à réaliser d’importantes économies dans ses dépenses. Telle est l’analyse de François Geerolf : « Pour atteindre l’objectif de 3 % du PIB d’ici 2028, des hausses d’impôts seront inévitables, affectant particulièrement les entreprises industrielles. Dans ce contexte, il sera difficile de rester attractif face à des pays comme les États-Unis, qui adoptent une approche opposée en matière de subventions. » ([269])

d.   Une politique monétaire dans les mains des autorités européennes

Autre outil délégué aux autorités européennes depuis 1999 : la politique monétaire. Alexandre Saubot a rappelé qu’avant sa participation à la zone euro, la France pouvait réguler « sa compétitivité par la dévaluation du franc face à ses principaux partenaires commerciaux, notamment les États-Unis et l’Allemagne. L’entrée dans l’euro a supprimé ce levier. » ([270])

Pour Louis Gallois, la perte de compétitivité de notre industrie est liée aux politiques macroéconomiques menées à partir des années 1990. « Celles-ci se sont traduites par l’accrochage du franc au deutsche mark, qui a eu une double conséquence. La première est une augmentation des taux d’intérêt consécutive à celle qui s’est produite en Allemagne : les investissements massifs dans la réunification ont conduit les Allemands à emprunter et donc à faire monter les taux. Cela a commencé à déstabiliser le corps industriel français, très sensible aux prix, du fait de son positionnement sur la moyenne gamme où la compétition se joue davantage sur les prix que sur la réputation ou sur la qualité, c’est-à-dire sur la valeur ajoutée. La deuxième conséquence est l’accrochage du franc et du deutsche mark à l’euro dans des conditions de parité que l’actuel président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Xavier Ragot, estime marquées par une surévaluation d’une quinzaine de pour cent. Nous en avons longuement été affectés, surtout dans les années 2006-20l2 quand l’euro s’est raffermi par rapport au dollar dans des proportions considérables, jusqu’à valoir 1,6 dollar. Cela a eu un fort impact sur la compétitivité de l’industrie française. » ([271])

De fait, la régulation de l’Eurosystème (la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des pays de la zone euro) a donné priorité à la stabilité des prix – maintenir l’inflation à 2 % est le principal mandat de la Banque centrale européenne (BCE). Cela contribue à entretenir une surévaluation de notre monnaie, peu favorable aux exportations, et qui a sans doute renforcé la compétition intra‑communautaire. François Geerolf observe en effet que la concurrence est plus violente entre des pays qui ont des coûts de production différents et qui partagent la même monnaie qu’entre des pays qui ont des coûts de production différents et qui ont des monnaies différentes. La disparition du risque de change a notamment garanti aux producteurs étrangers la stabilité des prix de vente en France, ce qui n’était pas le cas auparavant puisqu’ils risquaient la dévaluation ([272]).

Dans la compétition mondiale actuelle et face aux besoins d’investissements massifs, on peut s’interroger sur l’opportunité d’un objectif d’inflation aussi contraint. Pour réduire la forte inflation qu’a connue l’Europe depuis la reprise économique après la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine, la BCE a été amenée à fortement augmenter ses taux directeurs ([273]) : l’emprunt des particuliers et des entreprises auprès des établissements de crédit est devenu plus coûteux, ce qui permet en principe de contenir l’inflation mais freine également la croissance. En octobre 2023, ces taux ont atteint leur plus haut niveau en 22 ans, et n’ont commencé à décroître qu’à partir de juin 2024. La politique monétaire européenne a ainsi réussi à contenir l’inflation galopante qui dévorait le pouvoir d’achat des citoyens européens. Mais ce faisant, elle a aussi lourdement pesé sur l’endettement et les capacités d’investissement des entreprises. Or, le renchérissement du crédit touche particulièrement les activités très capitalistiques comme l’industrie.

S’il estime que la priorité donnée à la stabilité des prix a conduit à restreindre les moyens de nos industries de se développer, le rapporteur salue en revanche le judicieux et efficace recours de la BCE à l’assouplissement quantitatif – ou quantitative easing (QE) – pour lutter contre la déflation pendant plus de 10 ans, permettant de repousser les menaces de récession sur le continent européen.

Utilisé à partir de 2010 par la Banque centrale européenne, l’assouplissement quantitatif consiste, pour une banque centrale, à acheter, de façon massive et généralisée, des actifs (notamment des titres de dette publique) aux banques commerciales et à d’autres acteurs. Ces achats massifs créent de la liquidité dans le système bancaire et entraînent une baisse des taux d’intérêt, qui permet aux ménages, aux entreprises et aux États de continuer à se financer dans de bonnes conditions, favorisant, par la consommation et l’investissement, la relance de l’activité et la remontée du taux d’inflation. L’ensemble des actifs détenus par l’Eurosystème au titre de son programme d’achat d’actifs (Asset purchase programme, APP) a atteint son niveau le plus élevé en 2022, à près de 3 250 milliards d’euros (dont plus de la moitié au titre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie de 2020). Auditionnée par la commission d’enquête, Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, a confirmé le caractère très expansionniste de la politique monétaire menée par la BCE de 2015 à 2022 ([274]).

3.   Une inflation des exigences normatives jusqu’à l’absurde

Le premier levier d’action de l’Union européenne est la production de règles communes – et son corollaire, le contrôle de leur mise en œuvre. L’activisme réglementaire européen est d’autant plus fort que l’Union dispose d’un budget d’intervention limité.

De fait, s’agissant des entreprises, force est de constater que des divergences réglementaires entre États peuvent constituer d’importantes distorsions de concurrence au sein du marché unique. La culture française de surtransposition des directives européennes peut, par exemple, cantonner les entreprises sur leur marché national, limitant leur croissance, ou générant des surcoûts quand elles souhaitent commercialiser leurs produits dans un autre pays européen, comme le rappelle Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique : « les échanges intra-communautaires] ne sont théoriquement soumis à aucun droit de douane. Toutefois, les différences réglementaires entre États membres représentent l’équivalent de 50 % de droits de douane pour les biens et de 110 % pour les services. Ainsi, une entreprise française qui souhaite commercialiser un bien en Allemagne doit avoir une filiale, un représentant légal, un cabinet d’audit qui expertise la réglementation allemande et suit ses évolutions. En définitive, le coût pour l’entreprise est très important, alors même que nous sommes un marché commun. » ([275])

La production normative européenne a également pour ambition de donner corps aux valeurs défendues par la majorité des États et citoyens européens, jusqu’à porter ce que l’on appelle des « normes de comportement internationales », comme en matière de lutte contre le changement climatique. On peut aussi citer, même s’il n’est pas sans faille, la construction d’un cadre normatif et jurisprudentiel relatif à la protection des données personnelles s’imposant au-delà de ses frontières.

a.   Une dérive normative

Toutefois, cette production normative a aussi un revers : une prolifération d’obligations et de normes qui finit par apparaître comme un fardeau à nombre d’acteurs économiques – sans compter que notre pays n’hésite à alourdir ce fardeau quand il s’agit de transposer les directives européennes, comme nous le verrons ultérieurement.

Un rapport d’information du Sénat de décembre 2024 ([276]) fait le point sur cette dérive normative. Il cite notamment BusinessEurope, l’organisation qui représente les entreprises au niveau européen, laquelle relève qu’entre 2017 et 2022, l’Union européenne a imposé un total de 850 nouvelles obligations aux entreprises, représentant plus de 5 000 pages de législation supplémentaires. Une étude du Service de recherche du Parlement européen ([277]) montre par ailleurs que les charges administratives de l’UE représentaient en 2014 un coût annuel de l’ordre de 150 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB européen.

Le rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, que l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a remis à la présidente de la Commission européenne le 9 septembre 2024, dénonce également la charge réglementaire élevée qui pèse sur les entreprises européennes et continue de croître ([278]).

Cette inflation des normes européennes représente une charge supplémentaire pour les entreprises, qui doivent, au surplus, s’adapter en permanence à des règles en constante évolution ; cette régulation complexifie parfois les productions et génère d’importants surcoûts, qui ne sont pas toujours évalués. Alexandre Saubot, président de France industrie, déplore en particulier « une tendance à la multiplication des normes et des règles, souvent sans considération suffisante pour la capacité des acteurs économiques à les mettre en œuvre dans des conditions raisonnables. » ([279])

Dans une tribune d’avril 2024, la directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), Agnès Verdier-Molinié, signe l’analyse suivante : « Alors que le PIB de la France représente 17% de l’Union, on peut estimer que la part des charges administratives européennes pesant sur notre pays est de 20 milliards d’euros. Cela veut dire que sur l’impôt papier que nous subissons en France, environ 100 milliards, 80 % émane de l’activité législative nationale, 20 % de l’activité européenne. » ([280]) Elle estime ainsi que le seul coût d’application des normes issues de l’Union européenne représente près de 20 milliards d’euros annuels pour les entreprises françaises.

Une autre critique est l’insuffisante différenciation entre les grands groupes et les PME-ETI. Le rapport Draghi observe lui-même que la réglementation européenne pèse proportionnellement davantage sur ces dernières. Alexandre Saubot rappelle, quant à lui, que même si l’Union européenne prévoit de les exempter, les plus petites entreprises peuvent malgré tout se retrouver obligées d’appliquer certaines obligations en tant que fournisseurs des plus grandes structures. C’est notamment l’une des difficultés soulevées par la mise en œuvre du devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.

b.   Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes

Trois réglementations récentes illustrent les problèmes posés, parfois jusqu’à l’absurde, aux entreprises européennes.

  1.   La directive CSRD

La directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou Corporate Sustainability Reporting Directive, dite « directive CSRD », étend les obligations de reporting extra‑financier des grandes entreprises et PME cotées en bourse sur les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités.

La seule application de la CSRD coûterait, selon les estimations de 2021 de la Commission européenne, 4,6 milliards d’euros aux entreprises européennes la première année d’application, puis 3,6 milliards d’euros chaque année ([281]). Dans un communiqué du 19 décembre 2024, le METI déclare que « Les coûts associés, pour les ETI françaises, du reporting lié à CSRD s’élève à près de 4 milliards d’euros sur deux ans soit près de 13 % de leurs investissements. » ([282])

Par exemple, « l’exécution de la CSRD est catastrophique et doit être revue » ([283]), selon la directrice financière du Groupe LVMH Cécile Cabanis. Cette directive fragilise en premier lieu les petites et moyennes entreprises ; disposant d’un nombre limité de ressources et faisant partie intégrante de la chaîne de valeurs, elles peinent à survivre à sa complexité. Pour les grands groupes, elle bride leur activité en réallouant des ressources en personnel vers ce travail de mise en conformité. Bien que les acteurs économiques ne disposent pas de chiffres précis, unanimes, ils déclarent que « le coût de la mise en application de la CSRD s’élève à plusieurs millions » ([284]), rien que pour LVMH. « Son impact reste très significatif » ([285]) et « cela coûte très cher, prend beaucoup de temps et ne crée pas de valeur » ([286]).

Plus généralement, France Industrie estime que son application représenterait un coût de 2 milliards d’euros annuels pour l’ensemble des entreprises françaises.

Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion de l’Université de Poitiers, remarque que la CSRD « a des défauts, mais aussi le mérite de créer un compte rendu ou reporting unique avec une banque de données européenne plutôt que de faire du reporting dans tous les sens sur diverses plateformes. » ([287]) Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne, reconnaît quant à elle qu’il s’agit d’une « très belle idée », mais que cela reste « un pari selon lequel l’investissement dans le verdissement de l’économie et le renforcement de la responsabilité des entreprises en matière sociale, économique et environnementale constituera un gage de productivité et ira dans le sens que le monde doit prendre. » ([288])

En attendant, le dispositif met en place, selon elle, « une ingénierie bureaucratique et administrative complètement hallucinante, qui prévoit des milliers de points de contrôle et qui nécessite de consacrer énormément de ressources humaines et matérielles ». Tous les acteurs industriels auditionnés par la commission d’enquête témoignent du colossal travail que représente le traitement de ce questionnaire. L’entreprise d’Alexandre Saubot a, par exemple, consacré cette année 5 % de son budget de R&D au premier rapport réalisé sur les 1 200 à 1 600 points de données du dispositif : « J’espère une baisse l’année prochaine, mais je n’en suis même pas certain. Ce qui est particulièrement frustrant, c’est que ce rapport ne contient aucune information utile qui ne figurait déjà dans nos rapports annuels précédents. Nous avions déjà mis en place un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges), une stratégie climat, et nous présentions déjà de nombreuses informations pertinentes. » ([289])Le leader mondial français de la fabrication de pneumatiques, Michelin, dénonce également un « impact très significatif » de la CSRD ([290]).

De plus, la réalisation et la publication du rapport soulèvent plusieurs difficultés : Éric Trappier, président de Dassault Aviation et président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), notamment, alerte sur le fait que ce rapport « exige la certification de commissaires aux comptes presque exclusivement américains et, parfois, la publication de données sensibles », donnant un accès direct à des informations stratégiques que les entreprises ne souhaitent pas dévoiler à leurs concurrents internationaux. Les entreprises s’interrogent également jusqu’à quel niveau doit se faire le reporting quand une grande partie de leurs fournisseurs sont étrangers.

En avril dernier, ces diverses problématiques ont convaincu le Parlement européen de reporter de deux ans l’application de la CSRD aux entreprises initialement concernées à partir de 2026, et la loi française n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite « loi DDADUE », de le reporter de deux ans pour l’ensemble des entreprises concernées. Le rapporteur déplore que la France ait été le premier pays à avoir transposé cette directive, tandis que 17 pays de l’Union européenne ne l’appliquent toujours pas, dont l’Allemagne.

Le rapporteur note que la CSRD avait été défendue auprès des institutions européennes par plusieurs ministres, dont Bruno Le Maire en personne, qui s’était félicité que l’«  Europe peut revendiquer son avance en matière extra-financière, et il est légitime qu’elle joue un rôle de premier plan et soit un normalisateur pour l’extra-financier. » ([291])

Dans le cadre de consultations préalables à l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte début 2023, le ministre de l’Économie de l’époque, Bruno Le Maire, avait reçu dans son bureau à Bercy le rapporteur qui représentait le groupe Rassemblement National. Ce dernier lui avait alors fait part de son opposition à la transposition de la directive CSRD dans le droit français, défendue par le gouvernement. Quand le rapporteur a rappelé ce rendez-vous à Bruno Le Maire lors des auditions de la commission d’enquête plus d’un an après, l’ancien ministre a déclaré : « je suis également favorable à la suspension de la CSRD ; vous [le rapporteur] aviez vu juste à ce sujet. » ([292])Le rapporteur et son groupe politique avaient voté en faveur du texte Industrie verte à l’Assemblée nationale, mais s’étaient opposés à l’article transposant la CSRD, soutenu notamment par la majorité présidentielle et le gouvernement.

  1.   La directive CS3D

La directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ou Corporate Sustainability Due Diligence Directive, dite « directive CS3D », est plus problématique encore car elle tend à imposer aux entreprises de mettre en œuvre des processus visant à prévenir, atténuer ou supprimer les incidences négatives de leurs activités et celles de leur chaîne d’approvisionnement sur les droits de l’Homme et l’environnement.

L’exigence n’est pas sans suite pour les entreprises puisqu’elles pourront désormais être tenues juridiquement responsables si l’un de leurs fournisseurs habituels ne respecte pas les normes du droit du travail ou si ses activités portent atteinte à l’environnement. Les sociétés qui ne respectent pas les règles pourraient alors se voir infliger des amendes allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial.

Le Medef, mais aussi la CPME, dans la mesure où, bien qu’exemptées, les PME peuvent être impactées par leur appartenance à une chaîne de valeur, ont exprimé leurs craintes : les acteurs économiques s’inquiètent des conséquences du dispositif puisqu’aucune entreprise, quelle que soit sa taille, n’est aujourd’hui réellement en mesure de contrôler l’entièreté de sa chaîne de valeur ou d’activités.

Lors de son audition par la commission d’enquête, le directeur général adjoint du groupe LVMH Stéphane Bianchi a déclaré concernant la CS3D : « En France, nos sous-traitants sont au nombre de 13 500 [...] je pense qu’il s’agit [la directive sur le devoir de vigilance] d’un vœu pieux. Comment peut-on croire qu’il est possible, dans le monde actuel, de maîtriser l’ensemble de notre chaîne en garantissant un risque zéro ? C’est tout aussi impossible que d’être certain à 100 % qu’en empruntant les passages piétons, on ne sera pas renversé par une voiture. Là encore, cela nous préoccupe beaucoup. Certains de nos représentants ont annoncé qu’ils souhaitaient revoir le dispositif. Inutile de vous dire que nous y sommes très favorables. Nous ne disons pas qu’il ne faut rien faire, mais il faut savoir raison garder. » ([293])

La mise en œuvre de la CS3D est différée et progressive, mais sans être suspendue, avec une entrée en vigueur échelonnée entre juillet 2027 et juillet 2029. Si les eurodéputés du Rassemblement National avaient suscité une vive opposition à la CS3D au Parlement européen en votant contre, la gauche et le camp présidentiel l’ont massivement soutenue. Le 19 mai 2025, lors du Sommet Choose France, le Président de la République Emmanuel Macron a fini par revenir sur sa position en déclarant devant les participants : « la CS3D et quelques autres régulations ne doivent pas être simplement repoussées d’un an mais écartées. » ([294])

  1.   La réglementation des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules dite « CAFE » et l’arrêt de la vente des véhicules thermiques

On constate enfin une déconnexion des réalités du marché de la trajectoire définie par le règlement (UE) 2019/631 du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, dit souvent « réglementation CAFE » (pour Corporate Average Fuel Economy, par référence à la réglementation américaine similaire) sur l’automobile. Celui-ci impose aux constructeurs de limiter progressivement les émissions de CO2 des véhicules neufs qu’ils commercialisent, les obligeant à vendre une proportion croissante de véhicules électriques, avec en ligne de mire la fin des ventes de véhicules thermiques en 2035. Les constructeurs européens s’y préparent, affirme en audition Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) ([295]).

Toutefois, il observe aussi que la trajectoire vers le 100 % électrique à l’horizon 2035 impose un objectif intermédiaire de 22 % de ventes de véhicules électriques en 2025, accompagné d’une réduction des émissions de CO2 de 15 %, alors qu’à ce jour, la part de marché des véhicules électriques plafonne autour de 15 % en Europe. De fait, cette technologie coûte environ 50 % plus cher qu’un moteur essence, dit-il, ce qui pose des questions d’accessibilité pour le grand public. Pour la première fois depuis cinq ans, la Plateforme de l’automobile constate une baisse des ventes de véhicules électriques, avec une diminution de 6 % en moyenne en Europe, de 27 % en Allemagne après la suppression des aides à l’achat et de 18 % en France sur les six derniers mois.

« Nous avons sans doute commis l’erreur d’oublier le consommateur », remarque Nicolas Le Bigot, « alors que c’est lui qui détermine la réalité du marché et impulse les dynamiques de vente. On ne peut décréter un basculement technologique et industriel de cette ampleur par la seule contrainte réglementaire. » ([296]) David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, a quant à lui alerté sur le risque lié aux productions en surcapacités et avancées technologiques chinoises dans le secteur automobile : « En effet, l’automobile, qui représente un peu moins de 10 % des emplois en Europe, compte pour 30 % de la recherche et développement et pour 50 % de la recherche et développement privée. Pour un Chinois, mettre par terre l’industrie automobile européenne revient à mettre à bas tout l’écosystème de recherche européen. Nos trois leaders de semi-conducteurs européens – STMicroelectronics, Infineon et NXP, sociétés respectivement franco-italienne, allemande et hollandaise –, font chacun plus de 50 % de leur chiffre d’affaires dans l’automobile, mais toutes trois sont largement absentes de l’intelligence artificielle. » ([297])

Les responsables de Toyota France, également auditionnés, indiquent qu’ils respecteront la loi en 2035. « En revanche, nous sommes à l’écoute des clients et ne sommes donc pas convaincus que les prochains modèles commercialisés seront 100 % électriques [...] Il faut faire la différence entre ce qui est imposé et ce que veut le client. La réglementation européenne CAFE oblige les constructeurs à produire toujours plus de véhicules électriques, sans que les consommateurs soient véritablement incités à acquérir ces derniers. Pour continuer de développer cette technologie et atteindre la neutralité carbone, il conviendrait d’adopter des mesures fiscales stables et durables pour orienter le choix du consommateur vers un véhicule qui corresponde à ses besoins, reste accessible et lui permette de participer à la décarbonation du parc automobile. » ([298])

Dans le même temps, le virage technologique imposé à marche forcée par l’UE place les acteurs chinois dans une situation avantageuse par rapport aux industriels européens. La Chine s’est en effet imposée comme premier producteur mondial de véhicules depuis 2020 et premier exportateur depuis 2022. Les importations chinoises représentent aujourd’hui un quart du marché européen des véhicules électriques. La Chine contrôle également environ 75 % de la chaîne de valeur de la production des batteries, ce qui lui confère une avance stratégique.

Mario Draghi a également observé dans son rapport précité que le secteur automobile illustre parfaitement le manque de planification à l’échelle européenne, avec une politique climatique engagée sans politique industrielle.

Quels que soient la pertinence des choix technologiques et les atouts du véhicule électrique pour la décarbonation des mobilités, les calendriers doivent être tenables, rappelle avec inquiétude Eric Trappier, président de l’UIMM : « Ce que nous reprochons au pacte vert, c’est d’imposer d’aller toujours plus vite. [...] En gardant le moteur thermique le temps de faire monter en puissance le moteur électrique, on rendrait peut-être les voitures européennes plus compétitives sur le long terme. Surtout, cela aurait l’avantage de retarder leur mise en concurrence avec les voitures chinoises, qui sont beaucoup plus compétitives et beaucoup moins chères. » ([299]) L’UIMM avait prévu que l’interdiction des véhicules thermiques en 2035 entraînerait la perte de 100 000 emplois. Une hécatombe qui devrait se réaliser. Nous avons effectivement assisté à la multiplication d’annonces de restructurations et de fermetures d’usines à travers l’Europe tout au long de l’année 2024. Selon la PFA, sur le seul premier semestre 2024, environ 32 000 suppressions de postes ont été enregistrées chez les équipementiers européens, et depuis 2019, ce sont près de 38 000 emplois industriels qui ont été perdus, soit plus de 10 % des effectifs à un rythme annuel moyen supérieur à 2 %. Comme le rappelle l’étude Xerfi précitée, d’ici à 2035, échéance pour l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique, une perte supplémentaire de près de 75 000 emplois industriels est prévisible, soit plus de 22 % des effectifs, à un rythme annuel moyen de 2,5 % ([300]).

Le rapporteur déplore que le gouvernement français ait et continue de soutenir le projet européen de fixer la fin de vente des véhicules légers neufs thermiques d’ici 2035, d’autant plus, sans défendre une flexibilité sur les technologies qui seront autorisées.

À ces évolutions s’est ajouté le fait qu’avec des ventes de véhicules électriques en berne dans l’Union européenne, les constructeurs européens risquaient des amendes pour le non-respect de leurs objectifs de réduction des émissions en 2025. Ils demandaient donc que l’effort exigé sur 2025 soit lissé.

Le 3 mars dernier, la présidente de la Commission européenne a donc annoncé un mécanisme de flexibilité prenant en compte les émissions sur trois ans, de 2025 à 2027, au lieu d’une seule année, une manière de donner un délai aux retardataires pour se rattraper, sans pénaliser les bons élèves qui disposeront de leur côté d’un crédit d’émissions. Toutefois, le 7 mai, Xavier Horent, délégué général de Mobilians, s’inquiétait que cet aménagement ne soit toujours pas voté ([301]).

L’industrie automobile, pilier de l’économie européenne, est victime de la « surabondance de normes, leur inadaptation et leur manque de concertation [...] ne faisant pas l’objet d’une évaluation suffisante en termes d’impact » ([302]), selon Xavier Horent, délégué général de Mobilians. D’ici 2030, plus de cent réglementations sont prévues, s’échelonnant chaque année et contraignant les constructeurs à constamment mettre à jour leurs véhicules déjà en cours de production. « La lenteur de la réaction européenne est manifeste, tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, et l’arsenal réglementaire actuel de la Commission européenne ne répond pas à l’urgence de la situation. » ([303])

Malgré les nombreuses alertes soulevées par le secteur, la Commission européenne a persisté dans sa stratégie du tout électrique, illustrant au demeurant son enfermement « derrière des murailles idéologiques, avec une approche qui pèche par excès d’autocentrisme, tandis que le pragmatisme se constate chez nos concurrents », à commencer par les Chinois et les Américains. Cette révolution technologique aurait dû être accompagnée et nécessite d’agir urgemment : » L’Europe est désormais le pays émergent face à une Chine développée. » ([304])

Malheureusement, les faibles réactions ne sont toujours pas effectives. Xavier Horent poursuit, en effet, en affirmant que cette « décision idéologique du législateur européen, relayée par nos autorités françaises » a imposé « une échéance rigide sans mettre en place les conditions et la flexibilité nécessaires au succès de cette politique industrielle », et s’illustre par de dramatiques conséquences économiques et sociales.

Pour concevoir des véhicules électriques, l’Europe doit produire des batteries afin de dégager de la plus-value et ne pas être uniquement une usine d’assemblage. Cependant, les batteries européennes sont restées « au stade de concepts, de mythes sans résultats concrets ». Face à l’avancée technologique chinoise, estimée à environ quinze ans, les constructeurs « se tourneront vers des batteries chinoises, qui sont entre 25 % et 30 % moins chères. » ([305]) Pire encore, la Commission européenne ne semble pas avoir pris conscience de l’urgence de la situation, comme le démontre le faible montant alloué « pour couvrir les trois à cinq années nécessaires à la montée en puissance de la production de batteries par les acteurs européens, afin d’atteindre un niveau de compétitivité comparable à celui des acteurs chinois. » ([306])

Comme le reconnaît le Secrétariat général aux affaires européennes, « des acteurs non européens ont acquis, en matière de batteries et de véhicules électriques, une avance technologique qu’il convient désormais de rattraper, en fixant un cap stratégique qui ne laisse planer aucune ambiguïté quant aux décisions industrielles à prendre, car rien ne serait pire, en l’occurrence, que de maintenir notre filière dans une incertitude technologique durable qui la pousserait à disperser ses efforts de recherche, de formation et d’investissements. » ([307])

Avec leurs véhicules électriques extrêmement compétitifs, les Chinois inondent le marché européen, amplifié par les restrictions américaines. Comme le souligne avec justesse le directeur général de BPIFrance, les tarifs douaniers ont tardé à se mettre en place : « Il aurait fallu, il y a déjà trois ans, augmenter les tarifs douaniers sur les véhicules chinois. Il était injustifiable que la Chine taxe les voitures européennes à 30 % alors que nous ne taxions les leurs qu’à 10 %. » ([308])

Pourtant, au regard des difficultés en matière d’offre (les constructeurs) et de demande (le marché) que rencontre le secteur automobile français et européen, le rapporteur s’inquiète des négociations menées par la Commission européenne pour lever les surtaxes appliquées aux importations de véhicules électriques chinois, issues de filières subventionnées qui produisent en surcapacités et pourraient inonder le marché européen, d’autant plus avec la fermeture progressive du marché américain. En effet, depuis fin octobre 2024, l’Union européenne applique une surtaxe allant jusqu’à 35 % sur les voitures à batterie de fabrication chinoise qui s’ajoute aux 10 % de taxe déjà en place. Interrogé par le rapporteur lors de son audition par la commission d’enquête, le ministre de l’Industrie et de l’énergie Marc Ferracci a répondu : « Concernant les négociations sur une éventuelle levée de la surtaxe à l’importation de véhicules électriques chinois, notre position est très claire : nous nous y opposons. » ([309])

Plus tragiquement, la France s’associe à une mesure contraignant les entreprises à des obligations de quotas annuels d’acquisition de véhicules électriques. Alors même que le monde économique européen tourne au ralenti, que le coût de ces véhicules est supérieur à celui des thermiques, le gouvernement français s’obstine avec cette mesure ([310]).

4.   Des financements bancaires limités du fait des règles prudentielles

Enfin, les travaux de la commission d’enquête ont mis en exergue la contrainte notable qu’imposent les règles prudentielles à la distribution des crédits par les banques européennes et à l’utilisation par les assurances européennes de leurs capacités financières.

Ces règles prudentielles ont pour objectif de protéger les institutions financières contre les risques qui peuvent mettre en péril leur santé financière et les intérêts de leurs clients. La crise financière de 2008 a montré l’utilité d’imposer des limites pour éviter certaines prises de risque trop importantes, prévenir les faillites et réduire les risques de contagion. Les propositions de réglementation bancaire du Comité de Bâle dites « accords de Bâle III » sont parties du constat que la sévérité de la crise s’expliquait en grande partie par la croissance excessive des bilans et hors bilans bancaires (avec notamment l’important développement des produits dérivés), tandis que dans le même temps le niveau et la qualité des fonds propres destinés à couvrir les risques se dégradaient. En outre, de nombreuses institutions ne disposaient pas non plus de réserves suffisantes pour faire face à une crise de liquidité. Le système bancaire s’est alors révélé incapable d’absorber les pertes qui se sont enchaînées. La crise des subprimes a par ailleurs convaincu la Commission européenne de légiférer pour se prémunir des risques dits systémiques des défaillances en chaîne des acteurs du monde financier.

La directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice, dite « directive Solvabilité II », s’applique aux assurances des pays membres de l’Union européenne et vise à garantir qu’elles disposent toujours des fonds propres nécessaires pour faire face aux risques qu’elles encourent dans leur activité, y compris les risques exceptionnels. Cela nécessite des fonds propres suffisamment stables pour honorer à tout moment les engagements pris envers les clients.

La directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice, dite « directive Solvabilité II »

Les normes de la directive Solvabilité II reposent sur trois piliers :

– Le pilier 1 vise à définir les normes quantitatives de calcul des provisions techniques et des fonds propres dont l’assureur doit disposer pour couvrir ses risques ;

– Le pilier 2 fixe en interne des normes qualitatives de suivi des risques et explique la manière dont les autorités de contrôle exercent leur pouvoir de surveillance ;

– Le pilier 3 concerne la communication financière, avec l’objectif de favoriser la transparence de l’information transmise au public et aux autorités de contrôle.

En France, c’est l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui s’assure du respect de la directive Solvabilité II.

Les accords de Bâle III publiés le 16 décembre 2010 et mis en application par la législation européenne concernent, quant à eux, la solvabilité des banques.

Les accords de Bâle III du 16 décembre 2010

Les banques doivent maîtriser leurs principaux risques : risques de solvabilité, de liquidité, de crédit, risque opérationnel, etc. Pour les prévenir, le dispositif de Bâle III, renforcé par les textes européens, impose aux banques de :

– disposer d’un niveau élevé de fonds propres, calculé en proportion des actifs détenus ;

– s’assurer que les risques auxquels un établissement est exposé ne dépassent pas un certain montant dit « ratio de levier », calculé en fonction de ses fonds propres ;

– respecter des ratios de liquidité visant à ce que la société soit capable à tout instant de respecter ses engagements ;

– avoir un système de gouvernance et un dispositif de contrôle interne fiables et adaptés.

En Europe, les exigences de Bâle III ont été transposées dans deux cadres réglementaires principaux :

– la directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, dite Capital Requirements Directive IV (CRD IV), une directive qui encadre la gestion des risques par les banques et leur gouvernance ;

– le règlement n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, dit Capital Requirements Regulation (CRR), qui fixe des obligations directement applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, notamment en matière de fonds propres et de liquidité.

La supervision des établissements s’effectue à l’échelle européenne, dans le cadre du « mécanisme de surveillance unique », assuré par la BCE et l’ACPR en France.

Il reste que ces règles sont la première cause avancée par les établissements financiers pour expliquer leurs « difficultés » à flécher davantage de financements privés vers les investissements industriels (cf. Le frein du financement privé ci-dessous).

Pour Augustin de Romanet, président de Paris Europlace et ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, il est difficile d’affirmer catégoriquement que ces règles (Solvabilité II et Bâle III) ont restreint l’accès au crédit, étant donné que les entreprises en France et en Europe sont financées à 75 % par le crédit bancaire. « Nous ne pouvons donc pas parler d’un véritable resserrement du crédit ou credit crunch pour les entreprises. Cependant, il est indéniable que le volume de ces crédits pourrait être considérablement augmenté en recourant à la titrisation dans des proportions similaires à celles observées aux États-Unis. » ([311]) De fait, seulement 0,2 % du bilan des banques européennes est titrisé, contre 1,3 % aux États-Unis.

Augustin de Romanet souligne un autre effet de bord des accords de Bâle III, qui pourrait aussi expliquer une moindre appétence des banques pour les prêts aux PME : « Ce qui est certain, c’est [que les règles du Comité de Bâle] ont réduit la rentabilité de leurs capitaux engagés. »

Interrogée, la représentante de la Banque de France dit avoir comparé les normes prudentielles en Europe et aux États-Unis, dans une étude qu’elle doit publier prochainement : elle montre que les normes sont à peu près identiques au total, mais que « c’est beaucoup plus compliqué en Europe, où il y a une espèce de millefeuille » ([312]). C’est aussi une complexité pour les intermédiaires financiers.

Quant aux règles pour les assurances, Augustin de Romanet rapporte qu’elles sont jugées tellement prudentes qu’elles ont pratiquement interdit le financement en actions. Le délégué général adjoint de Paris Europlace, Olivier Vigna, observe pour sa part que la directive Solvabilité II est une spécificité européenne sans équivalent : « Cette situation crée une distorsion de concurrence évidente par rapport aux assureurs établis dans d’autres régions du monde. » ([313])

Augustin de Romanet reconnaît en revanche certaines difficultés d’accès aux financements auprès du système de bancassurance à cause de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) trop stricts : « Concernant les critères ESG, la guerre en Ukraine a profondément modifié la donne. Auparavant, tout ce qui touchait à la défense était proscrit. [...] En revanche, la plupart des entreprises reconnaissent désormais la nécessité de financer les défenses traditionnelles comme les avions ou l’artillerie, pour permettre aux pays de se défendre. ». Il affirme que « Les critères ESG, initialement bloquants car trop généraux, sont maintenant appliqués avec plus de nuance. Les banques et les compagnies d’assurance ont développé des critères sophistiqués pour distinguer les financements militaires nécessaires de ceux à éviter. Concernant l’arme nucléaire, une approche similaire est adoptée. Le financement de l’industrie nucléaire est accepté pour l’armement et l’énergie, bien que des débats persistent avec les Allemands, un peu jaloux du succès français, sur certains aspects de l’industrie nucléaire. » ([314])

B.   Une dÉsindustrialisation accÉlÉrÉe par la mondialisation non maÎtrisÉe

En audition, Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a su résumer l’état d’esprit et la passivité qui ont prévalu dans l’Union européenne, jusqu’à ces toutes dernières années, s’agissant de son industrie : « Sans doute faut-il reconnaître, en creux, la fin d’un paradigme dominant en Europe, qui s’est nourri des décennies durant de la division internationale du travail et de la tertiarisation de l’économie européenne. À l’époque, si les pouvoirs publics avaient peut-être conscience de perdre des usines et des emplois, ils pensaient que la valeur ajoutée européenne leur permettrait de conserver une longueur d’avance. Les deux dernières décennies nous ont montré combien nous avons sous-estimé la concurrence venue d’Asie et des États-Unis. » ([315])

1.   Une large ouverture à la concurrence mondiale qui a accru les vulnérabilités européennes

a.   Un choix idéologique de l’ouverture tous azimuts

L’origine de la construction européenne est fondée sur un idéal de libre‑échange et de concurrence non faussée – et non limité aux frontières communautaires –, idéal inscrit dans le préambule du Traité de Rome de 1957 et réaffirmé à chaque révision des traités européens. L’article 206 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dit ainsi que l’Union entend contribuer « au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». C’est donc tout naturellement que l’Union européenne a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée en 1994 par l’accord de Marrakech pour succéder à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (dit GATT) et dont le but est de favoriser le libre-échange dans les relations commerciales internationales.

De cet idéal de libre-échange ont découlé un droit de la concurrence intra‑communautaire rigoureux, comme évoqué précédemment, mais aussi une politique commerciale commune excessivement ouverte.

Depuis la création de la Communauté économique européenne, l’Union douanière, puis la définition de la politique commerciale commune sont de la compétence exclusive de l’UE – cela inclut la négociation des accords commerciaux internationaux –, même s’il revient aux États membres de la mettre en œuvre sur leurs territoires (cf. les articles 3 et 207 du TFUE).

b.   Un bilan du libre-échange négatif pour l’industrie française

Le bilan des accords de libre-échange dressé par un récent rapport de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale ([316]) montrait qu’en 2023, l’UE était signataire, avec 74 États partenaires, de 42 accords de libre‑échange – sans compter l’accord avec le Marché commun du Sud dit Mercosur en négociation depuis 1999. L’UE s’impose ainsi comme la zone économique ayant conclu le plus grand nombre d’accords de libre-échange au monde, les échanges concernés représentant la moitié de son activité commerciale. Aucun accord de libre-échange ne régit en revanche les échanges de l’UE avec les États-Unis et la Chine.

Ces accords ouvrent de nouveaux marchés aux entreprises européennes, ce qui peut être vital quand la demande européenne s’avère insuffisante et représente un important levier de développement pour les petites et moyennes entreprises ; mais ils facilitent réciproquement l’accès du marché européen aux entreprises des pays partenaires, qui sont plus à même de faire valoir leurs éventuels avantages compétitifs.

Le rapport de la commission des affaires européennes relève ainsi d’importants effets négatifs : outre que la France en tire peu de bénéfices en raison de sa désindustrialisation, le rapport s’interroge sur l’empreinte carbone de la croissance des échanges internationaux que ces accords favorisent, dans une certaine contradiction avec les objectifs de l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre – rappelons que les importations seraient responsables de 51 % des émissions de gaz à effet de serre européennes et que la moitié de l’impact carbone de la France est également liée à nos importations. Il s’avère par ailleurs impossible de contrôler la conformité de l’ensemble des produits entrants au sein du marché unique aux normes sanitaires souhaitées par l’UE, imposant une concurrence déloyale avec des biens importés aux standards bien moins exigeants que ceux imposés aux producteurs européens.

Enfin, le respect des droits de l’Homme ou le droit du travail appliqué dans certains pays partenaires ne sont guère pris en considération dans ces accords ; ceux‑ci ne prévoient aucun engagement contraignant en ce sens, y compris s’agissant du travail forcé ou du travail des enfants.

Au reste, la conclusion d’un accord ne protège pas des pratiques déloyales. De fait, qu’il y ait accord de libre-échange ou pas, l’OMC n’a pas réussi à éviter l’asymétrie des relations commerciales entre pays membres.

Mais, pendant longtemps, l’Union européenne s’est comportée comme si son modèle de valeurs – le libre-échange et la concurrence non faussée, puis la neutralité carbone plus récemment – était partagé et respecté par tous, alors qu’elle est peut-être la seule grande zone d’échanges au monde à jouer pleinement le jeu. Son approche d’ouverture commerciale l’a ainsi rendue vulnérable aux stratégies moins puristes, ou plus cyniques, de ses principaux partenaires.

Ce constat est démontré dans deux domaines – sans parler du retour brutal du protectionnisme douanier américain :

– le taux d’ouverture des marchés publics : en Europe, il s’élève à environ 80 %, contre un peu plus de 30 % aux États-Unis. Ajoutons que si les entreprises chinoises et américaines ont systématiquement accès aux appels d’offres publics de l’Union, les entreprises européennes sont souvent exclues des marchés publics chinois ou américains (au niveau fédéré). En Chine, des restrictions fortes sont en effet imposées à l’accès à la commande publique des entreprises non chinoises – ainsi qu’aux investissements étrangers : exigences de contenu local, transferts de technologie forcés, traitement préférentiel des entreprises chinoises, sans compter la fixation de normes et spécifications techniques propres ;

– le soutien aux entreprises nationales : il est admis de la part des États fédérés américains. Quant à la Chine, on sait depuis longtemps qu’elle ne joue pas selon les mêmes règles, même si elle est devenue membre de l’OMC en 2001. Sa stratégie de conquête de parts de marché est planifiée depuis plusieurs années (plan stratégique national « Made in China 2025 » déployé depuis 2015, initiative « nouvelles routes de la soie », etc.), avec une logique de productions en surcapacités ; et l’État y joue un rôle très actif et substantiel : les entreprises d’État participent à la mise en œuvre de son agenda économique ; un système financier très dépendant des institutions publiques facilite le financement des acteurs industriels sans que l’on puisse distinguer ce qui relève de formes de subventions déguisées ; il existe au demeurant divers mécanismes de soutiens publics facilitant l’émergence de géants nationaux et la pratique de prix bas à l’export…

S’agissant des pratiques asymétriques chinoises, l’IGF et le CGE, dans leur rapport de 2019 ([317]), observent que les distorsions économiques liées au subventionnement public sont bien documentées dans certains secteurs comme l’aluminium. En revanche, bien que les transferts forcés de technologie semblent être une réalité dans de nombreux autres secteurs, ils restent difficiles à prouver en raison de leur caractère indirect et non-réglementé. Ils concluaient, dès cette époque, que « la réussite de la stratégie de la Chine se fera, en l’absence de réaction, au détriment notamment des intérêts de l’économie européenne ».

À l’inverse, l’Union européenne a choisi – pour la beauté des principes et par naïveté selon le rapporteur– de brider les soutiens publics aux entreprises et de pratiquer une politique d’ouverture sans prendre directement en considération les intérêts de son industrie.

c.   La fragilisation du tissu industriel européen

Le résultat est une fragilisation aggravée de ses acteurs industriels, en position beaucoup moins avantageuse que leurs concurrents américains ou chinois dans la conquête (ou la conservation) des parts de marché.

Un rapport d’information de la commission des affaires européennes sur la souveraineté industrielle de mai 2024 ([318]) relève que l’ouverture au commerce international et la mondialisation des chaînes de valeur expliquaient environ 40 % de la diminution de la part de l’industrie en France entre 1980 et 2007, selon une étude de l’Insee de 2010 – qui précise cependant qu’une partie de cet impact découle de la propension des groupes français à délocaliser leur production (cf. Les choix de délocalisations opérés par certains groupes industriels ont durablement altéré le potentiel industriel français ci-dessus).

d.   Le développement des dépendances envers l’extérieur

Une deuxième conséquence est l’accroissement des dépendances aux chaînes de valeur globalisées. Cela a dégradé les balances commerciales européennes, mais a surtout créé de grandes vulnérabilités, économiques, stratégiques et même sanitaires :

– dépendance technologique vis-à-vis des géants du numérique : « Nous sommes une colonie numérique des États-Unis », a déploré Arnaud Montebourg, « L’Union européenne n’a jamais voulu intervenir dans ce domaine pour non pas seulement mettre des amendes – qui, par rapport au chiffre d’affaires de ces acteurs mondiaux surpuissants, sont des tickets de métro –, mais prendre des mesures d’interdiction sur les marchés comme il en existe dans beaucoup d’autres continents » ([319]). Il s’agit, par exemple, d’une des conséquences de la non-création de géants européens à cause des règles européennes ;

– dépendance en composants essentiels pour les nouvelles technologies comme les micro-processeurs ;

– dépendance en matériaux stratégiques. Elle sera analysée ultérieurement s’agissant de la France (cf. Le frein des ressources stratégiques ci-dessous). Depuis 2011, l’action européenne en la matière consiste avant tout à publier, tous les trois ans, une liste des matières premières identifiées comme « critiques », car sujettes à des risques de pénurie d’approvisionnement compte tenu de la concentration de la production entre les mains de certains pays producteurs. La double transition écologique et numérique est venue exacerber ces dépendances, engendrant une forte demande en métaux rares ainsi qu’en composants technologiques complexes ou incontournables, tels que les batteries et les aimants, peu ou pas produits en Europe. Les goulots d’étranglement créés par la crise sanitaire ont notamment montré la forte dépendance mondiale à Taïwan, qui assure 65 % des capacités mondiales de fonderie des semi-conducteurs : une réalité qui doit nous alerter au regard des risques de crise géopolitique liée aux menaces chinoises à l’égard de Taïwan ;

– dépendance encore à l’égard des médicaments : autrefois leader dans la production de médicaments, l’Europe dépend aujourd’hui de l’Asie pour son approvisionnement en produits pharmaceutiques. Selon l’Agence européenne des médicaments (EMA), en 2017, près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne provenaient de pays tiers, et environ 80 % des principes actifs des médicaments passés dans le domaine public étaient produits en Inde et en Chine ([320]). Ce sont même 80 à 90 % des antibiotiques utilisés dans le monde qui sont fabriqués en Asie, principalement en Chine.

D’aucuns soulignent qu’il serait facile pour des acteurs étrangers de transformer cette dépendance en une vulnérabilité critique, pouvant compromettre la sécurité et les capacités de défense de l’Europe. La pandémie de Covid-19 a mis en évidence les risques et les conséquences créés par la délocalisation de ces productions. Pourtant aujourd’hui encore, tous les pays européens sont confrontés à des pénuries de médicaments, en grande partie à cause de la fragilité des chaînes d’approvisionnement qui reposent sur des chaînes de valeur longues et complexes.

Il est également pertinent d’évoquer l’ensemble des biens intermédiaires que l’Europe doit importer depuis l’étranger pour sa propre production industrielle. Sur ce point, cependant, la France n’est pas le pays le plus exposé : notre production industrielle n’inclurait directement que 39 % d’intrants étrangers (dont plus de la moitié provient de pays de l’Union).

La dépendance européenne sur les intrants

Selon son analyse publiée en 2021, portant sur 5 200 produits, l’UE dépend fortement de fournisseurs étrangers pour 137 produits relevant d’écosystèmes dits sensibles, qui représentent 6 % de la valeur du total des importations de l’UE.

Plus de la moitié de ces produits proviennent de Chine, du Viêtnam et du Brésil.

Trente-quatre produits sont des produits chimiques et des matières premières pour des industries à forte consommation d’énergie et la santé, qui ont un faible potentiel de diversification des fournisseurs ou de substitution par une production européenne et qui représentent 0,6 % de la valeur du total des produits importés.

L’UE affiche ainsi des dépendances dans six domaines stratégiques : matières premières, batteries, principes pharmaceutiques actifs, hydrogène, semi-conducteurs, technologies en nuage et de pointe.

Au niveau national, en 2021, le Conseil d’analyse économique (CAE) dénombrait 644 produits pour lesquels l’approvisionnement est concentré dans un petit nombre de pays fournisseurs, parmi lesquels des minerais et des appareils médicaux. ([321])

Cette dépendance aux intrants étrangers n’est pas propre à la France : en 2019, selon la direction générale du Trésor, la production industrielle française présentait une part plus élevée d’intrants étrangers que l’Italie et l’Espagne, mais moins élevée que l’Allemagne, la Pologne et les Pays-Bas.

e.   Une prise de conscience encore timide

Dans tous ces cas, un choc, d’ordre sanitaire, climatique, naturel, économique ou encore géopolitique, est susceptible de rompre leurs chaînes d’approvisionnement. L’Union européenne a pris brutalement conscience de ces menaces depuis la crise du Covid19 et la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine.

Avec le creusement de son déficit à l’égard de la Chine, l’UE a également pris soudainement la mesure du durcissement de la compétition internationale et de la fragilité de ses industries, qui doivent faire face à d’importantes transitions (décarbonation, robotisation, numérique, etc.), mais aussi s’adapter à un environnement international plus conflictuel – souligne Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) ([322]).

Source : Guillaume Derrien, «  Union européenne : du déficit commercial à l’excédent », Eco Flash BNP Paribas n° 24-06, 25 avril 2024 https://economic-research.bnpparibas.com/pdf/fr-FR/Union-europeenne-deficit-commercial-excedent-25/04/2024,49535

Ces prises de conscience ont amené l’UE à infléchir sa politique en matière d’industrie. Une réaction d’autant plus nécessaire que l’offensive douanière menée par le président Donald Trump depuis le début de l’année 2025, en réduisant l’accès au marché américain et en incitant la Chine à écouler en Europe davantage de produits pour lesquels elle dispose de surcapacités de production, quitte à les brader, vient étrangler encore un peu plus des entreprises européennes déjà ébranlées.

Dès lors, si la réindustrialisation vise à relancer le développement des capacités industrielles de notre pays, il importe avant tout de protéger, autant que possible, les acteurs existants.

Car comme le rappelle Christian Auboyneau, directeur général de l’association DZA Entreprises étrangères en France, « une usine peut quitter le territoire en un an, suscitant des traumatismes profonds, mais il faut dix ou vingt ans pour la faire revenir. Il faut donc veiller aux entreprises présentes dans notre pays… » ([323])

Cette alerte prend tout son sens face aux annonces de licenciement de géants comme le groupe allemand ThyssenKrupp qui a décidé fin 2024 de supprimer 11 000 emplois dans son pays ou ArcelorMittal qui envisage d’en supprimer 1 400 sur l’ensemble de l’Union et probablement, de délocaliser, à terme une partie de ses productions d’acier dans des pays à bas coûts. En cause : la chute drastique de la consommation en Europe, en particulier dans les secteurs de l’automobile et de la construction ; la concurrence de l’acier chinois bon marché et produit en très grande quantité ; les prix élevés de l’énergie dans la plupart des pays européens ; et, désormais, la hausse des droits de douane de 50 % aux États-Unis.

2.   Une « régulation commerciale » européenne tardive et encore inadaptée : les inquiétudes suscitées par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)

De fait, la révision de la stratégie industrielle européenne s’est amorcée il y a moins de cinq ans, en 2020, après la prise de conscience des risques d’une délocalisation trop poussée des chaînes d’approvisionnement. La réaction de l’UE sur son volet commercial a toutefois été légèrement antérieure.

a.   Une politique de défense commerciale à appliquer

L’Union dispose, en vertu de l’article 207 du TFUE, de quelques outils de défense commerciale face à des concurrents originaires de pays tiers ne respectant pas les règles du jeu de l’OMC.

Les mécanismes européens de défense commerciale

L’action de l’UE repose sur des instruments et procédures formalisés notamment par deux textes fondamentaux : le règlement (UE) 2015/478 du 11 mars 2015 relatif au régime commun applicable aux importations et le règlement (UE) 2016/1036 du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne.

a) Les mesures anti-dumping

En vertu du règlement (UE) 2016/1036, la Commission européenne peut instaurer des mesures spécifiques de compensation en cas de dumping avéré et lorsque ce dumping a causé un préjudice important pour une entreprise de l’Union vendant un produit similaire.

Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur – soit le pays d’origine normalement ; toutefois, ce peut être un pays intermédiaire, notamment lorsque les produits concernés n’y sont pas fabriqués.

Les mesures antidumping consistent en l’application de droits de douane supplémentaires aux produits importés à l’origine du dumping, à la demande des producteurs affectés et après enquête de la Commission. Ces mesures sont réexaminées tous les cinq ans.

b) Les mesures de sauvegarde

– Dans un premier temps, le règlement (UE) 2015/478 reconnaît à l’UE la faculté de prendre des mesures de surveillance, « lorsque l’évolution des importations d’un produit originaire d’un pays tiers menace de causer un dommage aux producteurs de l’Union et [...] si les intérêts de l’Union l’exigent ».

La mise en libre pratique des produits sous surveillance préalable de l’Union est alors subordonnée à la présentation d’un document de surveillance.

– Dans un second temps, la Commission européenne peut prendre des mesures de sauvegarde, avec effet immédiat, « lorsqu’un produit est importé dans l’Union en quantités tellement accrues et/ou à des conditions ou selon des modalités telles qu’un dommage grave est causé ou risque d’être causé aux producteurs de l’Union « et « afin de sauvegarder les intérêts de l’Union ». Ces mesures ne peuvent être prises à l’égard des membres de l’OMC que si ces deux conditions sont réunies.

Engagées à la demande d’un État membre ou de la propre initiative de la Commission, les mesures de sauvegarde peuvent avoir objet :

i) d’abréger la durée de validité des documents de surveillance ;

ii) de modifier le régime d’importation du produit en question en subordonnant sa mise en libre pratique à la présentation d’une autorisation d’importation, qui se traduit généralement par un contingentement.

Ainsi, plus de 180 mesures antidumping étaient en vigueur lors de la publication du rapport de la commission des affaires européennes de 2024 précité, qui protègeraient quelques 500 000 emplois dans l’Union. Mais ce premier dispositif ne s’applique qu’à des dossiers individuels, repose sur l’initiative d’un producteur européen et nécessite un temps d’enquête jugé trop long. Le second a une portée plus globale ; or, il a été peu ou pas utilisé pendant longtemps.

Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance a ainsi déclaré devant la commission d’enquête : « Il est essentiel de partir du terrain, des entrepreneurs et des produits pour appréhender la réalité du marché. Les industriels sont parfaitement capables d’identifier les situations de dumping ou vente à perte. Michelin a dû fermer deux usines face à des concurrents chinois vendant au simple prix de la matière première. Face à ces pratiques, nous devons adopter une approche méthodique et musclée. Il faut faciliter et accélérer le traitement des plaintes pour dumping déposées par les industriels européens. Cela nécessite un renforcement significatif des effectifs de la direction générale du commerce de la Commission européenne. L’objectif est d’éviter les situations où une plainte déposée met des années à être traitée, rendant la décision finale inefficace. Nous avons besoin d’une instruction rapide et de mesures de sauvegarde immédiates. » ([324])

Ce n’est qu’en 2018, pour la première fois depuis 2002, que la Commission a fait usage de mesures de sauvegarde dans l’optique de protéger la sidérurgie européenne. Constatant la baisse tendancielle des exportations dans plusieurs catégories de produits sidérurgiques et la hausse parallèle des importations européennes, la Commission a alors instauré des quotas à l’importation pour chaque catégorie de produits, calculés sur la base de la moyenne des importations entre 2015 et 2017, quotas au-delà desquels s’applique un droit de douane additionnel de 25 %. La prolongation et l’éventuel renforcement du dispositif sont en cours de discussion.

La mise en œuvre de ces mesures était plus qu’urgente face aux menaces sur la survie même producteurs européens ; mais on peut regretter qu’elles arrivent quand le secteur est déjà si fragilisé, et que leur reconduction prenne autant de temps à être confirmée par l’UE – sans compter que l’efficacité de ces mesures est amoindrie par des stratégies de contournement. Il semble en particulier que la Chine encourage activement l’implantation d’établissements chinois hors du pays, afin de les soustraire aux droits de douane additionnels.

Se posent aussi des questions sur le niveau « vertueux » des droits de douane appliqués par l’UE, dans le cadre de ces mesures de sauvegarde, ou non.

L’Union commence à réagir, par exemple, au tsunami des petits colis arrivant de Chine, qui ne sont pas soumis aux droits de douane parce que chacun coûte moins de 150 euros, un contournement des barrières profondément inéquitable et « aux effets dévastateurs » pour le secteur du textile, commente Christian Saint-Étienne. Près de 6 milliards de petits colis sont attendus sur le territoire européen en 2026, dont la plupart contiennent du textile et des produits « qui ne respectent pas les normes européennes », selon le commissaire européen Stéphane Séjourné. Des propositions sont actuellement en discussion au Conseil pour supprimer cette exemption et coordonner les douanes européennes afin d’assurer un contrôle équivalent dans chaque port et chaque aéroport.

En revanche, la tarification des véhicules électriques chinois, dont les volumes et les prix menacent d’asphyxier le secteur automobile européen, mériterait un débat : Christian Saint-Étienne et David Baverez soulignent que des taxes à 15 %, 18 % pour BYD ou même 30 % pour un seul d’entre eux restent bien inférieures aux marges « de 30 points » qu’ils dégageraient avec un yuan légèrement sous-évalué et une politique chinoise qui subventionne l’exportation des producteurs ([325]). Les droits de douane ont tardé à se mettre en place : « il aurait fallu, il y a déjà trois ans, augmenter les tarifs douaniers sur les véhicules chinois. Il était injustifiable que la Chine taxe les voitures européennes à 30 % alors que nous ne taxions les leurs qu’à 10 %. » ([326]) Par ailleurs, les négociations menées par la Commission européenne pour lever les surtaxes portant sur les importations de véhicules électriques chinois inquiètent les acteurs français de la filière automobile.

La nouvelle « régulation » commerciale européenne est censée s’appuyer sur deux autres mécanismes :

– l’introduction d’une exigence de réciprocité dans les marchés publics internationaux par le règlement (UE) 2022/1031 du 23 juin 2022 dit IPI, précédemment évoqué. Il est toutefois trop tôt pour vérifier la réalité de sa mise en œuvre. En outre, l’IPI ne couvre que les marchés publics à partir des seuils de 15 millions d’euros pour les travaux et les concessions, et de 5 millions d’euros pour les biens et les services (soit, au total, 15 % des marchés publics en nombre et 70 % des marchés publics en valeur) ;

– le nouvel ajustement carbone aux frontières (MACF ou, en anglais, Carbon border adjustment mechanism - CBAM).

b.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, un mécanisme à repenser d’urgence

Formalisé par le règlement (UE) 2023/956 du 10 mai 2023, il doit soumettre, à compter du 1er janvier 2026, certains produits importés dans le territoire douanier de l’Union européenne à une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux industriels européens fabriquant ces mêmes produits (dans le cadre du système d’échange des quotas d’émissions carbone, dit SEQE-UE ou ETS). Il s’applique en particulier aux intrants nécessaires à la production sur le sol européen autour de six produits : ciment, fer et acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène.

L’objectif premier de ce dispositif est de lutter contre les fuites de carbone, et plus largement d’inciter les fabricants extra-européens qui veulent accéder au marché de l’Union à adopter des technologies et des pratiques plus propres. La phase transitoire de déclaration a commencé le 1er octobre 2023 et se terminera le 31 décembre 2025. Ensuite, seuls les importateurs détenant le statut « Déclarant MACF autorisé » pourront importer les marchandises concernées, en achetant auprès des autorités nationales des certificats « MACF », dont le prix sera indexé sur le cours du carbone dans le système ETS.

Mais le dispositif suscite de nombreuses critiques et beaucoup d’inquiétudes de l’ensemble des acteurs économiques auditionnés par la commission d’enquête – y compris les entreprises étrangères produisant en Europe. Tous admettent qu’un dispositif limitant les effets de bord de la taxation du carbone appliquée par l’Union européenne à plusieurs de ses secteurs économiques via le système ETS est une bonne chose.

Alexandre Saubot, président de France Industrie, observe que, « sur le plan philosophique, l’idée de mettre un prix au carbone pour mesurer et inciter à des pratiques favorables à la planète et à la décarbonation de nos économies fait globalement consensus. » ([327]) Néanmoins, l’Amérique du Nord ne taxant pas le carbone, et la Chine ne le faisant que de manière marginale, sans le répercuter sur ses exportateurs, le dispositif ETS « crée un biais de concurrence » au détriment des entreprises européennes, d’autant que le prix du carbone est devenu significatif (à près de 62 euros la tonne en avril) ([328]).

C’est pour cette raison que des systèmes de quotas d’émissions gratuits ont été accordés à certains secteurs (les entreprises les plus exposées aux risques de délocalisation de la production) afin de préserver leur compétitivité en Europe et à l’international. Mais ces quotas gratuits n’incitent évidemment pas à plus de vertu.

Le MACF propose une autre approche pour rééquilibrer les situations : appliquer aux importations la même taxation carbone que l’Europe impose à ses propres produits. L’idée semble logique, cependant nombreux sont ceux qui soulignent les défauts de sa mise en œuvre dans la version actuelle du mécanisme :

– La première limite concerne le contournement : le système étant basé sur une déclaration de l’exportateur, il est difficile de vérifier si les produits importés ont été fabriqués avec de l’énergie carbonée ou non. La capacité de certains pays à produire des certificats pour s’exonérer de la taxe à l’entrée pose un problème. Comment vérifier, par exemple, que la Chine n’aura pas utilisé ses 20 à 30 % d’énergie décarbonée pour fabriquer ses exportations ? Cela pourrait même désavantager ses concurrents européens ;

Le resource shuffling

Le « resource shuffling » désigne une réallocation des exportations des producteurs des pays tiers de leurs biens les plus décarbonés vers l’UE afin de limiter le coût de l’ajustement financier du MACF.

Dans le cadre de la sidérurgie, cela consiste donc, pour un pays tiers dont la production n’est pas soumise à une taxation des émissions de carbone, à exporter vers l’Europe de l’acier produit avec des procédés moins émetteurs de CO2 (des fours électriques), tout en réservant l’acier plus émetteur (produits par des hauts fourneaux) à son marché intérieur ou d’autres marchés sans pour autant avoir fait de nouveaux investissements dans la décarbonation. Cette pratique fragilise l’efficacité environnementale du MACF et fausse les efforts globaux de décarbonation.

Pour éviter ce contournement, il est proposé de définir un taux de taxation par pays, en fonction du contenu carbone de l’ensemble de la production, et non pas un taux en fonction de l’aciérie d’orgine des produits importés.

– La seconde difficulté concerne le risque de déplacement de la production : aujourd’hui, le MACF ne couvre que les importations de matériaux de base et des principaux produits mono-matériaux (jusqu’aux vis et aux écrous), mais pas ces mêmes matériaux lorsqu’ils sont intégrés dans des produits manufacturés plus complexes (voitures, etc.). Or, si l’on taxe le tube d’acier mais pas la pièce fabriquée à partir de ce tube, il devient plus avantageux de le transformer, hors d’Europe, en une pièce non soumise au MACF pour éviter la taxe.

Ensuite, si l’acier primaire sera soumis au MACF, pas l’acier recyclé, cela peut avoir des effets pervers de réallocation des ressources ;

– Cela renchérit par ailleurs des intrants utilisés par l’industrie européenne, et donc ses coûts finaux si elle n’a pas d’approvisionnements alternatifs, ce qui contribuera à dégrader un peu plus sa compétitivité.

De l’avis de nombreux acteurs économiques et experts entendus, il serait nécessaire de mieux inclure les produits manufacturés. Mais cela suppose que nous soyons capables « d’évaluer correctement le contenu carbone des produits semi-finis et finis », comme l’affirme Alexandre Saubot. L’organisation France Industrie dit travailler sur cette question depuis plus de trois ans, mais ne pas avoir encore trouvé de réponses satisfaisantes : « Contrairement à l’application de droits de douane ou de TVA, qui se basent sur un prix facturé, l’évaluation du contenu carbone d’une pièce complexe s’avère extrêmement difficile. » ([329])

France Industrie propose donc que ce dispositif n’entre pas en vigueur tant que ces interrogations ne seront pas résolues de façon satisfaisante ; et s’il faut avancer malgré tout, à l’instar du rapporteur, elle préconise « plutôt une taxation forfaitaire par pays, basée sur l’appréciation de la décarbonation de l’économie concernée ».

L’organisation représentant l’industrie française regrette enfin que les récentes annonces de la Commission européenne ne traitent que partiellement le problème en exonérant les petits importateurs, ce qui ne résout pas les enjeux de compétitivité liés aux gros volumes de CO2 et aux coûts importants supportés par les grands acteurs. Dans ce contexte, elle souhaiterait – comme plusieurs autres auditionnés – le maintien, voire l’élargissement des quotas gratuits. « Ces quotas constituent aujourd’hui le seul outil et la seule garantie de compétitivité en Europe et hors d’Europe pour certains secteurs comme l’acier, le ciment, la chimie et l’aluminium. »

Auditionné par la commission d’enquête, le commissaire européen Stéphane Séjourné rappelle que les députés européens ont adopté le 22 mai 2025 un premier paquet de mesures dans le cadre de la proposition de directive dite « omnibus » permettant notamment d’exempter du MACF 90 % des entreprises important ou exportant une faible quantité des produits concernés, et indique que la Commission européenne est « en train de réfléchir à trois modifications. D’abord, le dispositif pourrait être étendu au secteur aval alors qu’il est aujourd’hui limité aux produits bruts [...]. De la même manière, il y a des manques dans les matières concernées par le dispositif, qui pourra être complété. Par ailleurs, une de nos équipes travaille spécifiquement sur la lutte contre le contournement. Enfin, il faut soutenir l’export pour éviter que le dispositif constitue un handicap de ce point de vue. » ([330])

À six mois de l’entrée en vigueur du mécanisme, il est urgent de lever ces difficultés et incertitudes. Les enjeux sont majeurs : il y a deux ans, le think tank La Fabrique de l’Industrie, co-présidé par Louis Gallois, ancien commissaire général à l’investissement, et Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, a publié une note montrant que, associée aux prix élevés de l’énergie et à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain de 2022, la mise en place du MACF allait coûter à l’industrie française plus de 150 000 emplois ([331]).

II.   Une trÈs rÉcente « nouvelle politique industrielle » europÉenne, sous-dimensionnÉe et qui tarde À se mettre en œuvre

1.   Un début de réaction bienvenu

Les difficultés d’approvisionnement apparues pendant la crise sanitaire ont fortement révélé à l’Union européenne l’ampleur de ses vulnérabilités, l’affaiblissement critique de ses capacités à produire des biens nécessaires et la dureté de la compétition internationale.

Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, témoigne de ce renversement de perspective chez les européens, conforté par l’accentuation de la guerre commerciale mondiale ces derniers mois : « Plus que jamais, nous sommes conscients que toute dépendance peut être utilisée contre nous dans le monde de rapport de force dans lequel nous sommes entrés ». Avec les enjeux d’autonomie de l’Europe et d’indépendance des nations européennes, de la survie de leur économie et de leurs industries, se joue aussi la nécessité d’être en capacité de pouvoir équilibrer les rapports de force : par exemple, « pourquoi l’administration américaine, d’abord va-t-en-guerre, donne-t-elle l’impression de faire marche arrière très vite sur les droits de douane ? Tout simplement parce que les Chinois ont dit que, très bien, on allait discuter, mais qu’en attendant ils n’allaient plus exporter un gramme de terres rares – ce qui signifierait que toute usine automobile serait mise à l’arrêt au bout de trois semaines », comme l’assure l’ancien commissaire européen ([332]).

a.   Une nouvelle politique industrielle qui réforme plutôt que de changer de vision

La Commission européenne a ainsi annoncé, dès le 10 mars 2020, une « nouvelle politique industrielle » ([333]), considérant que « l’Union ne devrait pas être naïve face aux menaces qui pèsent sur la concurrence et le commerce équitables ». Elle a été renforcée en mai 2021 pour tenir compte des enseignements de la crise du Covid-19.

Cette nouvelle stratégie vise, selon la Commission européenne, à réduire les dépendances de l’Europe et à favoriser le développement des filières prioritaires, et suppose, pour ce faire, une approche plus souple des grandes politiques européennes. Outre la nouvelle régulation commerciale et la flexibilisation des règles sur les aides d’État, déjà évoquées, cela se concrétise d’abord par :

– le règlement (UE) 2023/1781 du 13 septembre 2023 établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème européen des semi-conducteurs dit European Chips Act de 2023, activement porté par le commissaire européen Thierry Breton. Il a rappelé, lors de son audition par la commission d’enquête, qu’au début des années 2000, l’Europe produisait encore 30 % des volumes mondiaux, mais que sa part n’était plus que de 8 % au début des années 2020, alors que, dans le même temps, la place des semi-conducteurs était devenue centrale dans la majorité des productions industrielles ;

– et le « Plan industriel du Pacte vert » (Green deal industrial plan) du 1er février 2023.

Son premier pilier, le règlement (UE) 2024/1735 du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », dit « règlement Industrie zéro émission nette » ou Net-Zero Industry Act (NZIA), n’est toutefois publié que le 28 juin 2024. Il compte stimuler la production de « technologies vertes » en visant, en particulier, à simplifier le cadre réglementaire pour accélérer la délivrance des permis. Il prévoit par ailleurs la possibilité que les appels d’offres publics puissent en partie prendre en compte le contenu européen des projets en la matière. Cependant le rapporteur s’alarme que la Commission européenne ait initialement exclu partiellement l’énergie nucléaire des « technologies vertes » malgré sa décarbonation. En effet, contrairement aux énergies intermittentes, le nucléaire était relégué à une catégorie annexe de « technologies contribuant à la neutralité climatique » et ne figurait initialement pas dans les « technologies net-zéro stratégiques » énumérées à l’article 3 de la proposition de règlement, qui bénéficient des objectifs de production locale et de procédures accélérées. L’énergie nucléaire a fini par être intégrée dans la liste stratégique définitivement adoptée.

Le règlement « Industrie zéro émission nette » ou Net-Zero Industry Act (NZIA)

Le NZIA impose 30 % de critères autres que le prix dans les appels d’offres pour le développement des installations d’énergie renouvelable, et introduit de nouvelles obligations pour les marchés publics : entre autres, lorsque l’approvisionnement de l’Union européenne, s’agissant d’une technologie donnée, provient à plus de 50 % de pays tiers, les acheteurs devront inclure dans leurs contrats des clauses s’opposant à ce que plus de 50 % de la valeur de la technologie « zéro net » ou de ses composants proviennent d’un seul et même pays tiers.

Le deuxième pilier du Green deal a pour objectif d’identifier les matières premières critiques (règlement (UE) 2024/1252 du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques dit CRMA) essentielles aux nouvelles chaînes de valeur vertes et d’en diversifier les approvisionnements, notamment par l’identification des éventuels gisements européens et le recyclage, en soutenant le développement d’un écosystème industriel dédié sur le territoire européen.

De manière générale, le rapporteur note la responsabilité du Green Deal dans l’inflation normative de l’Union européenne, qui participe à complexifier la vie des entreprises et à plomber leur compétitivité. Il dénonce une série de textes empreints d’une idéologie qui dévoie parfois les intentions louables de décarboner l’industrie et la production électrique du continent (cf. Les auditions montrent malheureusement que la législation environnementale oublie parfois de raison garder ci-dessous).

Emmanuel Macron est également conscient de cette surcharge administrative et a appelé de ses vœux, en 2023 par exemple, à une « pause réglementaire européenne » ([334]) sur les normes environnementales. En 2024, il déclare « qu’il faut éliminer les charges bureaucratiques inutiles, développer notre cadre réglementaire de manière à stimuler la dynamique économique, mieux promouvoir nos intérêts et favoriser la mobilisation des investissements publics et privés nécessaires » ([335]) pour que l’Europe soit compétitive.

Entretemps, la guerre en Ukraine a déclenché une violente crise des prix de l’énergie, puis les nouvelles hostilités douanières américaines et les surcapacités de production chinoises ont aggravé la guerre commerciale mondiale.

b.   Des besoins de simplification et de concentration des ressources

Le rapport de Enrico Letta, intitulé « Beaucoup plus qu’un marché » et présenté en avril 2024 ([336]), et celui de Mario Draghi, sur l’avenir de la compétitivité européenne, présenté en septembre 2024 ([337]), ont également fait évoluer la compréhension des enjeux et du contexte, ainsi que la réflexion européenne sur les mesures à prendre. Plusieurs de leurs constats et conclusions convergent :

– le besoin de simplifier le cadre réglementaire, de mieux lier politique industrielle et politique commerciale et de réviser les règles de concurrence pour les adapter aux défis d’innovation et de résilience ;

– et la nécessité de mobiliser des ressources publiques et privées pour combler les déficits d’investissement dans les secteurs critiques (en particulier le numérique, la santé et les filières de la transition énergétique).

Le rapport de Mario Draghi décrypte plus spécifiquement les racines et les causes du décrochage économique européen que sont le déficit d’innovation de l’UE, l’augmentation du prix de l’énergie, les vulnérabilités de l’Europe en matière d’approvisionnement et les contraintes normatives.

La nouvelle Commission européenne installée en janvier a décidé en conséquence d’accentuer sa nouvelle stratégie industrielle avec son Pacte pour une industrie propre du 26 février 2025, qui prétend vouloir faire de la décarbonation un moteur de croissance et de compétitivité pour les industries à forte intensité énergétique et les technologies vertes européennes.

« L’industrie est devenue un élément essentiel de l’agenda de l’ensemble des institutions européennes – Commission, Parlement et Conseil », affirme le commissaire européen Stéphane Séjourné. Devant la commission d’enquête, il résume ainsi le constat sur lequel l’Union construit sa nouvelle approche : « l’industrie européenne est prise en étau par plusieurs facteurs exogènes sur lesquels il nous faut agir, dans un contexte géopolitique très complexe. Tout d’abord, le coût de l’énergie, encore trop élevé, prend à la gorge des secteurs emblématiques comme la sidérurgie ou la chimie.

« Il y a également une atonie de la demande – flagrante dans le secteur de l’automobile – et des distorsions de concurrence, certains pays tiers menant une politique extrêmement offensive au niveau international, avec une surenchère assez décomplexée des subventions publiques. Jusqu’à présent, nous étions le continent le plus ouvert et les clauses de sauvegarde manquaient pour protéger un certain nombre de nos industries. La Commission européenne a désormais instauré des outils et un arsenal législatif visant à systématiser les clauses de sauvegarde et à mieux utiliser nos capacités de défense commerciale.

« L’industrie européenne est aussi freinée par des facteurs endogènes, sur lesquels nous pouvons agir, puisqu’ils dépendent uniquement de nos politiques publiques : la complexité de certains cadres réglementaires européens ; des barrières persistantes sur le marché intérieur [...] ; le déficit de main-d’œuvre [...] ; et l’écosystème européen du capital-risque, structurellement timide. [...] Ces facteurs font clairement planer sur l’Europe un spectre de décrochage, mis en lumière par le rapport de Mario Draghi. » ([338])

Stéphane Séjourné confirme que les clauses des marchés publics devraient être révisées dans les prochains mois. « On observe sur ce dernier point un très net changement d’état d’esprit, avec la volonté d’intégrer une préférence européenne à l’achat dans des secteurs stratégiques, de façon à stimuler la demande [...] ou à soutenir des marchés qui manquent de demande, comme le recyclage et l’automobile ».

La simplification sera également « un marqueur important. Nous voulons développer une nouvelle culture réglementaire visant à réduire la charge administrative et à soutenir l’investissement ». Deux premières propositions de directives de simplification dites « omnibus » – puisqu’elles modifieraient plusieurs textes européens existants – ont été envoyées au Parlement sur les sujets industriels. La première vise à réduire les obligations de déclaration ou reporting en matière de durabilité. Le commissaire européen confirme que la charge réglementaire des entreprises équivaudrait à 37,5 milliards pour l’ensemble de l’Union cette année.

Un autre projet de texte complète la démarche en proposant une définition européenne des entreprises de taille intermédiaire (ETI – entre 250 et 750 salariés) afin de leur faire bénéficier des mêmes exemptions que les PME. Aujourd’hui, « le passage de 250 à 251 salariés [a] pour effet de déclencher une cinquantaine de réglementations. » ([339])

La seconde proposition de directive « omnibus » concerne les investissements et doit permettre de dégager jusqu’à 50 milliards d’euros, qui seront réinvestis en fin d’année dans des actions de dérisquage grâce à l’outil InvestEU, lequel apporte des garanties d’emprunt à des projets risqués au niveau européen.

Parallèlement, l’outil des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) monte en puissance. On a vu (cf. Une lutte excessive contre les concentrations nuisant à la création de « champions industriels » ci-dessus) que les PIIEC relèvent d’un cadre, défini en 2014, mis en œuvre à compter de 2018 et progressivement renforcé à partir de 2021, qui autorise les États membres à subventionner certains projets industriels par dérogation aux règles encadrant les aides d’État.

Les différents acteurs auditionnés saluent leur déploiement. Les responsables d’Automotive Cells Company (ACC), par exemple, témoignent que l’existence d’un PIIEC a été décisif pour la décision d’investissement ([340]), et Nicolas Le Bigot, de la Plateforme de l’automobile ([341]), que ce dispositif a été indispensable pour développer la filière de production de batteries en Europe.

Clément Beaune indique que la France est engagée dans sept d’entre eux, qui concernent les technologies d’avenir telles que l’hydrogène, les batteries, la microélectronique ou le cloud ([342]).

Pour Stéphane Séjourné, les PIIEC constituent « un très bon instrument de coopération entre les États membres. La Commission envisage d’ailleurs d’y participer elle-même, en tant qu’entité, ce qui n’est actuellement pas le cas » ([343]) – elle valide uniquement les aides d’État qui sont octroyées dans ce cadre.

2.   Mais qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux

Le rapport de Mario Draghi fait le cruel constat d’un important écart d’innovation de l’Union européenne avec ses principaux concurrents.

L’investissement européen s’est en effet concentré sur les technologies matures – celles qui ont atteint un niveau de développement suffisant – alors que de nombreuses entreprises américaines se sont spécialisées dans les technologies novatrices et le secteur numérique. Ainsi, en 2021, les entreprises européennes ont investi 270 milliards d’euros de moins que les entreprises américaines en recherche et innovation (R&I). À lui seul, le budget annuel cumulé de R&D des quatre géants américains du numérique que sont Google, Meta, Apple et Microsoft atteint 150 milliards de dollars, soit la moitié de l’écart entre les deux continents, souligne Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA) ([344]).

Évolution des dépenses en recherche et développement (en % du PIB) en Italie, France, Union européenne, Chine, Allemagne, États-Unis et Corée du sud
entre 1996 et 2022

Source : Données de la Banque mondiale issues des statistiques de l’Unesco https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GB.XPD.RSDV.GD.ZS?end=2022&locations=KR-EU-FR-US-DE-IT-CN&name_desc=false&start=1996&view=chart

Ce retard d’innovation dégrade la productivité européenne, et est à l’origine de dépendances fortes, pour s’approvisionner en composants nécessaires aux produits d’avenir, vis-à-vis du petit nombre de pays qui ont su développer les technologies et les chaînes de production correspondantes. Le retard est tel dans certains cas, que ces produits étrangers se retrouvent sans ou avec peu de concurrents européens face à eux sur les marchés communautaires.

a.   Des moyens qui restent insuffisants en comparaison de l’effort de nos concurrents

L’UE a désormais l’ambition de rattraper son handicap grâce à divers instruments financiers :

– les PIIEC : la Cour des comptes, dans son rapport sur 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie, note que, de 2018 au 1er juin 2024, la Commission européenne aura autorisé 10 PIIEC pour un montant total d’aides publiques de 37,2 milliards d’euros ([345]) ;

– le programme InvestEU, précité : ouvert de 2021 à 2027, il a pour objectif de mobiliser plus de 370 milliards d’euros d’investissements, grâce à un important effet de levier (chaque euro d’argent public mis en garantie permettant de lever 15 euros d’investissement). Ces garanties concernent surtout des projets très risqués, que les banques ne soutiendraient pas en l’absence d’opérateurs publics, mais contribuant à l’investissement durable, l’innovation, etc. Stéphane Séjourné a indiqué que l’Union a récemment levé 25 milliards d’euros supplémentaires pour renforcer ce fonds.

Le commissaire européen à l’industrie précise que la Commission européenne a également « mis plus de 100 milliards d’euros sur la table, à travers divers dispositifs, pour accompagner la décarbonation de l’industrie. » ([346])

L’ensemble des crédits européens actuellement mobilisés avoisinent les 300 milliards d’euros, « ce qui paraît peu », reconnaît Stéphane Séjourné, et sont dispersés entre cinquante fonds.

De fait, ces investissements sont nettement inférieurs à ceux que les États-Unis et la Chine mettent en œuvre.

On ignore le montant des subventions nationales et régionales versées aux industries chinoises, mais elles seraient massives, de l’avis de tous les observateurs, et assurées sur une durée suffisante pour lancer une nouvelle industrie.

En matière de batteries, l’entreprise ACC rappelle que la Chine a investi dès les années 2005-2010 dans la chaîne de valeur amont et aval, allant de la production de cellules à l’extraction, le raffinage et le recyclage, dans ses propres usines, des matériaux essentiels comme le lithium et le cobalt. Elle a développé des capacités de production de grandes tailles, permettant des économies d’échelle et une réduction des coûts en bénéficiant de subventions tant à l’investissement qu’à la production. Enfin, ses entreprises continuent d’investir activement dans la recherche et le développement, ce qui leur permet de rester à la pointe de la technologie. Contemporary Amperex Technology Co. Limited (CATL) compte par exemple plus de 20 000 ingénieurs, chercheurs et techniciens dans ses centres de recherche, contre 800 pour ACC. Le résultat de cette stratégie globale est que 90 % du marché des cellules et modules pour batteries est détenu par des acteurs asiatiques, chinois essentiellement, et que l’avance industrielle chinoise sur les opérateurs européens est à peu près de 20 ans ([347]).

Distribution géographique globale des produits intervenant dans la chaîne d’approvisionnement des batteries électriques

Source : Agence internationale de l’énergie, Global Supply Chains of EV Batteries, juillet 2022 https://www.iea.org/reports/global-supply-chains-of-ev-batteries

Quant aux États-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, ou IRA) a consacré 369 milliards de dollars sur dix ans à des mesures de soutien au développement de l’industrie verte américaine – soit au moins 60 milliards d’euros de plus que le total des divers dispositifs européens. Elles sont au surplus très accessibles, y compris pour les entreprises étrangères, s’agissant des crédits d’impôts.

L’IRA vise avant tout à protéger les industries américaines et à favoriser la relocalisation de la production industrielle (conjugué au Bipartisan Infrastructure Deal de 2021 et au Chips and Science Act de 2022). L’objectif est de soutenir l’offre et la demande de technologies vertes produites sur le territoire américain, au travers de clauses de contenu local. Des subventions peuvent également être accordées dans les trois secteurs clés que sont les véhicules électriques, l’investissement dans les technologies durables et l’énergie décarbonée.

ACC explique que les aides offertes par l’IRA réduisent significativement les coûts de production pour les entreprises qui s’implantent Outre-Atlantique. Cela est particulièrement attractif dans la production de batteries pour laquelle les industriels recevaient une subvention de 35 dollars par Kwh produit, à laquelle s’ajoutaient 10 dollars pour l’assemblage des modules. Grâce à ce dispositif de soutien, le différentiel de compétitivité-coût entre les producteurs agissant sur le territoire américain et les concurrents asiatiques est effacé.

En tout état de cause, et en adoptant une logique à l’échelle continentale, les moyens financiers prévus pour la nouvelle stratégie industrielle européenne paraissent sous-dimensionnés par rapport aux niveaux recommandés par Mario Draghi – même si ces montants englobent les investissements privés : selon lui, 750 à 800 milliards d’euros d’investissements seraient nécessaires chaque année pour que l’Union puisse réaliser sa transition verte et digitale et qu’elle rattrape son retard de compétitivité.

b.   Une politique qui refuse de rompre avec ses dogmes

Autre limite opérationnelle : le refus doctrinal d’accorder des aides à la production.

Les aides européennes financent la R&D et la construction de l’outil industriel (les dépenses d’investissement ou capital expenditure). En revanche, jusqu’à peu, la Commission européenne refusait les aides à la production, pour accompagner la phase de montée des cadences (ramp up expenditure) et celle de l’industrialisation à l’échelle (scale up expenditure), qui peuvent s’avérer difficiles pour une nouvelle filière complexe comme la production de batteries.

Il a fallu attendre la faillite de Northvolt en Suède pour que la Commission prenne conscience de la problématique. Nicolas Le Bigot, de la Plateforme de l’automobile observe qu’ « en réponse, la Commission a prévu une enveloppe d’1,8 milliard d’euros d’aides à la production. Néanmoins, ce montant est largement insuffisant pour couvrir les trois à cinq années nécessaires à la montée en puissance de la production de batteries par les acteurs européens, afin d’atteindre un niveau de compétitivité comparable à celui des acteurs chinois. » ([348])

Stéphane Séjourné a toutefois annoncé que la Commission européenne étudie la mise en place d’un fonds de compétitivité qui couvrirait l’ensemble de la vie des entreprises, de la recherche jusqu’à la mise à l’échelle industrielle.

L’Union européenne évolue donc sur le front industriel, et des réformes se dessinent. On peut toutefois regretter que le bon sens se heurte bien trop souvent aux dogmes de la concurrence et à l’idéologie d’une écologie parfois excessive eu égard à l’urgence de la situation pour des dizaines de milliers d’emplois et pour notre autonomie.

Le temps européen n’est toujours pas à la hauteur des enjeux, comme l’illustre Xavier Horent, délégué général de Mobilians : « La lenteur de la réaction européenne est manifeste, tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, et l’arsenal réglementaire actuel de la Commission européenne ne répond pas à l’urgence de la situation. Les initiatives telles que l’’Airbus de la batterie’ sont restées au stade de concepts, de mythes sans résultats concrets. Entre-temps, des acteurs majeurs comme Northvolt ont fait faillite. Il est urgent de s’interroger sur la pérennité de nos producteurs de batteries dans les mois à venir. » ([349])

De fait, comme le dit l’ancien commissaire Thierry Breton, « si nous n’allons pas assez vite, le reste du monde ne nous attendra pas et les entreprises iront s’installer ailleurs ».

Au point que l’on s’interroge clairement sur la capacité des institutions européennes à s’adapter aux nouveaux défis. Le commissaire européen Stéphane Séjourné reconnaît que la réactivité devient un facteur de compétitivité. « Nous avons besoin de retrouver de la flexibilité réglementaire, d’aller vite ». Mais – « C’est une vraie différence avec les Américains » – le vote d’un texte européen peut prendre jusqu’à dix-huit mois, entre sa parution et le vote par le Conseil et le Parlement européen ; la transposition d’une directive prend encore plus de temps.

Par exemple, annoncé il y a plus de deux ans, le règlement NZIA n’a été adopté qu’un an après, et ses actes délégués et d’exécution n’ont été publiés que ce mois de février 2025.

Le commissaire Stéphane Séjourné se veut néanmoins rassurant : « Les textes omnibus, qui nous permettent d’être très réactifs dans un contexte de changements géopolitiques, nous rendent également très offensifs face aux entreprises qui se poseraient la question de délocaliser. » ([350])

Se pose aussi la question de la capacité de l’Union européenne à répondre aux demandes de simplification quand on entend, par exemple, plusieurs acteurs économiques se plaindre de la complexité des dispositifs de soutien, y compris les PIIEC.

Pierre-André de Chalendar, ancien président de Saint-Gobain, en témoigne : « Les mécanismes européens ont connu des progrès, mais cela reste très compliqué. L’Europe a adopté le règlement du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie "zéro net" (NZIA) en réponse à la loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis ; il était censé simplifier les procédures mais – j’ai lu ce texte de plusieurs centaines de pages – les critères pour bénéficier des aides sont d’une grande complexité. » ([351])

Enfin, on peut également s’interroger sur la pleine volonté de l’Union européenne à soutenir activement son industrie. Les freins apparaissent encore importants, tant d’un point de vue idéologique que financier.

L’ancien commissaire européen Thierry Breton considère que « le droit de la concurrence doit s’adapter davantage aux nouvelles réalités du monde, y compris pour ce qui est de notre souveraineté. Les règles de concurrence ne doivent pas être un dogme [...] Les PIIEC ont été créés pour ouvrir des fenêtres, mais il faut aller plus loin. » ([352]) Un point de vue partagé par d’autres acteurs et experts auditionnés.

Faisant encore le constat du « peu de politique industrielle menée au niveau européen », Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), pense qu’« il s’agit davantage d’une question de philosophie sur laquelle s’est construite l’Union européenne que d’une question de règles. En effet, les règles ont évolué avec les PIIEC, mais les montants restent limités comparés aux dépenses aux États-Unis sous la présidence de Joe Biden ». Certes, le rapport de Mario Draghi a marqué un changement dans le consensus sur la politique industrielle : « On passe d’une politique industrielle horizontale, favorisant les dépenses de R&D non ciblées, à un consensus sur la nécessité d’une politique industrielle verticale, ciblant certains secteurs. Cependant, la mise en œuvre reste limitée ». Vincent Vicard cite une étude de l’Institut Jacques-Delors en Allemagne montrant que la plupart des aides d’État depuis la pandémie de Covid-19 sont peu ciblées sur les secteurs stratégiques ou verts : « Au niveau européen, des objectifs extrêmement ambitieux, comme le NZIA, sont fixés, mais avec peu de moyens financiers. Il y a un manque de capacité à mobiliser des fonds de manière coordonnée au niveau de l’Union européenne, contrairement à la Chine ou aux États-Unis. » ([353])

Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, souligne également « le manque de volonté ou de capacité à mobiliser les financements nécessaires » ([354]), en dépit des diagnostics des rapports Draghi et Letta s’agissant de l’insuffisance des investissements en R&D.

On constate en tout état de cause que la « nouvelle politique industrielle » annoncée par l’Union européenne ne répond pas suffisamment aux besoins de protection, de soutien et d’accompagnement de l’industrie européenne.

L’entreprise ACC le rappelle dans sa contribution écrite : « Bien que le Green Deal offre des opportunités significatives pour l’industrie des batteries électriques en Europe, il présente également des défis majeurs. Un soutien public accru, une réglementation cohérente, et des investissements soutenus sont essentiels pour que l’Europe puisse rivaliser avec ses concurrents mondiaux et atteindre ses objectifs climatiques. » ([355])

III.   Une politique industrielle nationale trop timorÉe

Auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France » et ancien directeur général adjoint de Saint-Gobain, Laurent Guillot rappelle qu’une implantation industrielle est appelée à durer des dizaines d’années. Choisir la localisation de sa future activité est logiquement le fruit d’une réflexion approfondie sur l’environnement, « lequel doit être aussi fiable que possible » ([356]).

Selon Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, les premiers facteurs gouvernant une décision d’investissement et sa localisation sont l’écosystème déjà présent, et en son sein le stock de capital ; ensuite l’accès aux ressources, notamment à la main-d’œuvre, au foncier et à l’énergie. Vient enfin l’environnement de l’activité : les infrastructures, les services publics, notamment de transport, les télécommunications et le logement : « Il faut se souvenir que l’industrie est souvent installée dans des territoires ruraux et périurbains, où la question du transport et de son coût est centrale [...] Le dynamisme du marché intérieur joue aussi. » ([357])

Chacun de ces facteurs pèse de façon variable selon les entreprises, mais ils presque tous sont cités par les entreprises auditionnées par la commission d’enquête. On les retrouve pour la plupart dans deux exemples d’implantations industrielles : Novo Nordisk, portée par des investisseurs étrangers et qui poursuit son développement en France, et une autre en potentiel devenir : Automotive Cells Company (ACC).

La réussite de Novo Nordisk en France

D’origine danoise, Novo Nordisk est implantée en France depuis plus de 66 ans. Installée en 1961, l’usine de Chartres est le premier site industriel en Europe en dehors du Danemark. La surface du site n’a cessé de se développer depuis : sa surface a été décuplée ; plus de 500 millions d’euros y ont été investis au cours des vingt dernières années et les emplois sont passés de 600 à 1800. En novembre 2023, Novo Nordisk a décidé d’investir 2,1 milliards d’euros supplémentaires pour doubler encore la taille de l’usine de Chartres.

Étienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, explique que s’ils ont fait le choix de la France, « c’est qu’elle possède de formidables atouts : une main-d’œuvre hautement qualifiée et reconnue ; un très bon ancrage dans le territoire, avec des partenaires et des fournisseurs locaux ; des infrastructures de pointe ; du foncier à disposition ; un accompagnement local. De plus, la France est compétitive dans le domaine de la décarbonation, ce qui permet la production de médicaments verts. Il existe un certain nombre d’éléments facilitateurs : le crédit d’impôt recherche (CIR), dont nous souhaitons qu’il perdure, voire qu’il soit abondé ; le dispositif du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), qui permet aux entreprises de santé de bénéficier de mesures d’attractivité ». La politique menée depuis 2017 donnait aussi d’» excellents signaux ». Il précise que leur dernier projet d’extension a pu se faire « grâce à la libération rapide du foncier nécessaire ». ([358])

Parmi ces différents facteurs, il est intéressant de noter que la présence à proximité d’un écosystème industriel développé (de fournisseurs partenaires, de centres de recherche et de formations associés, etc.) est signalée par plusieurs industriels comme un déterminant crucial de leurs décisions d’implantations : pour définir la compétitivité de la France, Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général de STMicroelectronics France, cite la qualité de ses infrastructures, la disponibilité et le coût des intrants comme l’électricité, l’accès aux compétences mais aussi l’existence d’écosystèmes industriels établis : « La France bénéficie historiquement d’écosystèmes régionaux forts : les télécommunications dans l’Ouest, l’électronique dans le Sud-Est, l’aérospatiale dans le Sud-Ouest et l’industrie automobile dans le Nord et l’Est. Ces écosystèmes sont fondamentaux pour attirer de nouvelles industries ou en développer de nouvelles ». Il observe plus globalement qu’«  il y a vingt ou trente ans, les délocalisations étaient principalement motivées par la réduction des coûts, notamment pour les aspects de production nécessitant une main-d’œuvre importante. Aujourd’hui, notre stratégie de localisation est davantage liée aux écosystèmes. Il importe d’être présents là où les écosystèmes sont forts et stratégiques. » ([359])

Les critères d’implantation selon ACC

Créée en 2020 par le Groupe Stellantis et Total, rejoint par Mercedes-Benz, la coentreprise ACC développe et fabrique des batteries lithium-ion, notamment à Douvrin et Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais.

La décision pour ACC d’implanter son centre de R&D, son usine pilote et ses deux premiers blocs de production en France est la conjonction de plusieurs facteurs qui ont été chacun évalués : ([360])

– le niveau d’aides publiques et l’existence d’un PIIEC ont été déterminants ;

– de même que la facilité d’implantation de la gigafactory grâce à l’utilisation d’un site industriel existant en cours de transformation ;

– l’accès à une énergie nucléaire décarbonée avec un prix inférieur à la moyenne européenne ;

– l’accès à des compétences de bon niveau (écoles d’ingénieurs, universités scientifiques), sans parler de son partenariat avec la Région Nouvelle-Aquitaine pour fonder une école de la batterie « Battena » ;

– la coopération possible avec les instituts de recherche publique ;

– enfin, la bonne qualité des infrastructures.

Ce fut également un critère du choix de l’entreprise japonaise Toyota de s’installer dans le nord de la France : « Lorsqu’on part de zéro, on s’inscrit dans une logique de développement qui s’étend aux fournisseurs, lesquels sont avant tout des partenaires. Les salaires et la logistique représentent chacun 10 % du coût complet d’une voiture, les fournisseurs, 80 %. Il est donc essentiel de s’implanter au cœur d’un tel écosystème. Le fait que la majorité de nos fournisseurs se trouvent à moins de trois heures de TMMF représente un avantage déterminant », raconte Rodolphe Delaunay, président-directeur général de Toyota Motor Manufacturing France ([361]).

Le revers de cette stratégie est que lorsque cet écosystème s’affaiblit, les entreprises sont incitées à se tourner vers d’autres territoires. Jean-Marc Chéry évoque ainsi les dynamiques mondiales à l’œuvre aujourd’hui : « Force est de constater que les meilleurs écosystèmes mondiaux se trouvent désormais en Chine et dans la région Asie-Pacifique. Notre entreprise doit s’adapter à ces évolutions dynamiques et à cette complexité croissante », en faisant référence aux difficultés que traverse le secteur automobile français et européen dont dépend fortement l’activité de STMicroelectronics. « Forts de notre héritage en France et en Italie, de la compétitivité intrinsèque de ces pays en termes de compétences et d’infrastructures, ainsi que de l’attractivité liée aux politiques incitatives et à la présence de nos grands clients, nous pouvons encore rivaliser mondialement dans ces secteurs à l’horizon 2025 », assure-t-il. Mais il explique que « pour nous adapter, il est nécessaire d’accroître notre présence en Chine ».

Quoi qu’il en soit, les autres facteurs restent influents : on les retrouve en miroir parmi les freins cités dans les enquêtes des auteurs de « baromètres » destinés à mesurer l’attractivité de la France, que la commission d’enquête a auditionnés, ainsi que par les acteurs industriels qu’elle a entendus. Facteurs auxquels s’ajoutent quelques « handicaps », conjoncturels ou structurels, dont deux qui pèsent particulièrement sur l’attractivité de notre pays auprès des investisseurs : celui du coût et celui de sa complexité administrative.

Pour Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, du côté des facteurs dissuasifs, « il y a d’abord le coût : celui du travail, qui découle du niveau des charges sociales ; celui du foncier, qui découle de sa fiscalité ; celui des consommations intermédiaires, notamment l’énergie et les services aux entreprises. Il y a ensuite l’écosystème juridico-administratif, la complexité administrative et les délais d’obtention des autorisations étant deux sujets de préoccupation régulièrement cités par les industriels auxquels nous parlons. » ([362])

Le baromètre de la compétitivité réalisé par Syntec Conseil identifie les mêmes principaux freins depuis dix ans : la fiscalité pesant sur les entreprises ; le coût du travail – notamment celui du travail qualifié – et les lourdeurs administratives.

Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, indique que les industriels étrangers qu’ils interrogent depuis plus de 20 ans sur l’attractivité de la France « nous invitent à prolonger l’effort de compétitivité et de visibilité engagé depuis dix ans, à ne surtout pas l’arrêter en chemin. [...] Leur troisième exigence est la suivante : la vie de leur entreprise n’a pas besoin d’être protégée ou privilégiée mais simplifiée et allégée. » ([363])

Représentant les industriels étrangers implantés en France, Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, confirme ces propos : « Les actions que nous devons mener s’articulent autour de quatre points : la fiscalité, la souplesse du marché du travail, la simplification administrative et la visibilité énergétique. » ([364])

Et bien que l’entreprise Novo Nordisk soit engagée dans un grand projet d’extension de son usine à Chartres, son directeur général en France, Étienne Tichit, avertit : « Nous essayons de porter haut les couleurs de la France au Danemark. Cependant, une prise de conscience s’est opérée en matière de compétitivité : il nous est difficile de continuer à envisager une accélération en l’absence d’une prévisibilité suffisante des taxes et des prix, voire du contexte général. La concurrence internationale s’est exacerbée, si bien que l’attractivité de la France représente un défi permanent. Nous réalisons nos investissements en fonction de l’attractivité macroéconomique et sectorielle dans les différents pays. Elle repose sur trois leviers : les conditions de production – les savoir-faire, l’énergie, la localisation en lien avec les lieux de production, la faisabilité en termes d’accès ; la prévisibilité financière et normative ; la régulation économique spécifique aux produits de santé – l’inflation, le coût du travail et de la mise aux normes ne sauraient être reportés sur le patient et sur le consommateur final. [...] Depuis plusieurs années, nous constatons un déséquilibre entre les leviers d’attractivité. Il s’explique par un décrochage sectoriel. Si les coûts de production n’ont jamais constitué un atout pour la France eu égard à d’autres pays, ils sont plus que jamais sous pression, en raison de l’absence de revalorisation et de la très faible reconnaissance de l’innovation sur le sol français. Par ailleurs, le cadre réglementaire est devenu instable et imprévisible, privant nos entreprises des perspectives à moyen terme nécessaires à la conciliation des enjeux industriels, de recherche et développement et de santé. Les conditions de production sont de plus en plus difficiles. Elles sont caractérisées par une fiscalité toujours plus élevée et des coûts globaux en nette hausse, en particulier ceux de l’énergie. L’inflation normative – la sur-régulation du médicament – est quant à elle devenue totalement imprévisible… » ([365])

Le présent III et le IV suivant analysent la nature et l’ampleur de ces freins, ainsi que les résultats et les insuffisances des politiques menées sur chacun de ces freins depuis une dizaine d’années.

Car force est de constater que malgré les grandes annonces et les mesures prises, les résultats ne sont pas encore à la hauteur des défis de la réindustrialisation de notre pays.

On pourrait partager les doutes de François Geerolf, économiste au département des études de l’OFCE et enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées : « Malgré un apparent consensus sur la nécessité de réindustrialiser, je doute que celui-ci soit aussi profond qu’il y paraît ». Il lui semble, précise-t-il, « qu’un des freins à la réindustrialisation réside dans l’absence de consensus clair sur notre volonté réelle de réindustrialiser et sur le coût que nous sommes prêts à y consacrer. Cela explique en grande partie notre échec jusqu’à présent. » ([366])

A.   Une compÉtitivitÉ-prix qui reste desservie par la fiscalitÉ, le coÛt du travail et l’inflation normative

Le poids global des prélèvements obligatoires est une des premières critiques adressées à notre pays par les acteurs industriels.

En 2012, le rapport de Louis Gallois ([367]), alors Commissaire général à l’investissement, constatait le creusement de l’écart de compétitivité-coût de la France avec les pays européens comparables, en particulier l’Allemagne. Alors que la France connaissait une progression relativement rapide des coûts pesant sur ses entreprises, l’Allemagne a mis en œuvre une politique volontariste de modération salariale et avait transféré une partie de la fiscalité des entreprises sur les ménages.

La France a alors pris, au fil des années, plusieurs mesures de diminution des prélèvements obligatoires, qui ont permis de réduire ces écarts de compétitivité, mais sans les résorber, constate la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2024 sur les 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie, comme le montre le tableau ci-dessous ([368]).

Source : Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024

Ces chiffres doivent être relativisés car les mesures sur les prélèvements obligatoires ne ciblaient pas spécifiquement l’industrie et les statistiques utilisées par la Cour des comptes reflètent leurs impacts sur l’ensemble des entreprises. Une étude de Rexecode d’octobre 2024 ([369]) a toutefois calculé que l’ensemble des prélèvements en amont du résultat d’exploitation – que l’entreprise dégage ou non du bénéfice – représentent encore 7 points de valeur ajoutée de plus en France qu’en Allemagne pour l’industrie, soit un montant de plus de 20 milliards d’euros.

Source : Olivier Redoulès, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Rexecode Repères n° 11, 3 octobre 2024

1.   Le frein fiscal

Malgré la réforme engagée en 2021, les impôts de production payés par les entreprises ont augmenté de 77,6 milliards d’euros en 2016 à 90,2 milliards en 2023, soit de 12,6 milliards d’euros et 16,2 %, mais ils ont légèrement diminué en pourcentage du PIB, de 3,5 % en 2016 à 3,2 % en 2023 ([370]).

Le graphique suivant présente ces évolutions année par année de 2016 à 2023 en pourcentage du PIB. Elles sont marquées par une relative stabilité de ces ratios de 2016 à 2019, par une hausse en 2020, du fait surtout de la baisse de la valeur du PIB, par une baisse en 2021, surtout du fait du rebond du PIB et des nouvelles mesures fiscales, puis par une nouvelle hausse en 2022 et une nouvelle baisse en 2023.

Les impôts sur la production en pourcentage du PIB

Source : François Ecalle, « Les impôts sur la production de 2016 à 2023 », FIPECO Les commentaires de l’actualité, 20 novembre 2024

a.   Une fiscalité sur l’activité insuffisamment réduite

  1.   Les mesures prises depuis douze ans

Les mesures de réduction des prélèvements obligatoires ont commencé par l’instauration en 2013 d’un crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) destiné à modérer le coût du travail, mais qui fut ensuite progressivement remplacé par des baisses de cotisations sociales patronales à partir de 2015 – dont on examinera ultérieurement les effets sur l’industrie.

On a vu en première partie que les autres mesures fiscales ont porté, d’abord, sur l’impôt sur les sociétés (IS), passé de 33 % en 2017 à 25 % en 2022 – atténué par ailleurs par des crédits d’impôts, parmi lesquels le crédit d’impôt recherche (CIR) dont l’industrie bénéficie substantiellement (voir plus loin) –, puis sur les impôts de production, qui ont fait l’objet de plusieurs réformes successives depuis le rapport d’Yves Dubief et Jacques le Pape de 2018 ([371]). Celui-ci constatait en effet que l’industrie continuait d’être pénalisée par un poids trop important des prélèvements, au regard de sa capacité contributive comme de son poids dans l’économie, et soulignait le poids particulier des impôts de production pour l’industrie – par ailleurs acquittés même quand l’entreprise ne dégage aucun profit.

« Ces impôts sont terribles car les entreprises doivent les acquitter avant d’avoir dégagé le moindre centime de résultat », commente Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain ([372]). Dans son rapport précité, la Cour des comptes relève en outre qu’« en ciblant les entreprises indépendamment de leur profitabilité, ces impôts affectent leur rentabilité et leur capacité à exporter. » ([373])

La baisse en demi-teinte des impôts de production

Les baisses d’impôts de production décidées dans le cadre du plan de relance adopté en 2020 ont concerné la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la contribution foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière (TF).

Selon l’étude précitée de Rexecode, elles ont représenté, à fin 2023, 11,1 milliards d’euros, dont 4,5 milliards d’euros pour l’industrie (soit 40 % du total, démontrant leur capacité à mieux cibler l’industrie). En supplément des mesures du plan de relance, la CVAE a diminué de moitié en 2023, soit une baisse de 4,2 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros pour l’industrie (24 %). Elle a de nouveau baissé en 2024 pour 1,1 milliard d’euros, dont près de 0,3 pour l’industrie. Au total, les mesures portant sur les impôts de production depuis 2017 représenteraient, pour l’industrie, une baisse de 5,6 milliards d’euros.

Toutefois, à ce bilan, Rexecode intègre aussi :

– La somme des quatre principales mesures sur la fiscalité énergétique est une hausse de 0,1 milliards d’euros, pour l’industrie, entre 2017 et 2024, avec l’alourdissement de la fiscalité sur les carburants et sur le gaz sous l’effet de la mise en œuvre de la composante énergie climat en 2018 (+ 400 millions d’euros pour l’industrie), et, à partir de 2024, le rétablissement partiel de l’accise sur électricité (ex-TICFE), après sa baisse pendant la crise de l’énergie, la rehausse de l’accise sur le gaz et la réduction de la niche de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) portant sur le gazole non routier (GNR) ;

– Les mesures de fiscalité écologique représentent, pour l’industrie, une hausse de 300 millions d’euros depuis 2017, mais particulièrement à partir de 2024, avec notamment la forte hausse de la taxe générale pour les activités polluantes (TGAP) ;

– Les mesures affectant l’impôt sur les sociétés. La baisse du taux de l’IS a représenté une économie de 2,1 milliards d’euros pour l’industrie entre 2017 et 2023 et le maintien du CIR, 4,3 milliards d’euros en 2021 pour l’industrie sur un total de 7,2 milliards d’euros. Mais en sens opposé sont intervenues des mesures de hausse pour 300 millions d’euros (fiscalité des brevets, plafonnement du CIR, fin du suramortissement sur les investissements numériques) et le montant de l’IS a été aussi affecté par des mesures concernant d’autres prélèvements, qui ont modifié son assiette (+ 3,1 milliards d’euros).

En outre, la suppression du CICE et l’augmentation induite de l’IS n’ont été que partiellement neutralisées, pour l’industrie, par la baisse corrélative des cotisations sociales patronales, aboutissant à une hausse globale des prélèvements de près de 0,8 milliards d’euros, selon Rexecode.

L’étude de Rexecode évoque enfin des « charges obligatoires non fiscales », telles que les quotas-carbone restitués par l’industrie pour ses émissions directes de gaz à effet de serre, qui sont passées de 10 millions d’euros en 2017 à 500 millions d’euros en 2024, et les éco-contributions au titre de la « responsabilité élargie du producteur » (REP) issues de la loi AGEC de 2020 ([374]) qu’elle évalue à 1,5 milliards d’euros.

Cette étude n’est toutefois pas exhaustive : Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), évoque notamment l’augmentation des impôts locaux, et Étienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, la future éco-taxe sur la pollution des eaux usées qui incombera aux industries pharmaceutiques ([375]).

Finalement, pour Rexecode, les prélèvements obligatoires sur l’industrie (cotisations sociales comprises) auront baissé de 5,7 milliards d’euros entre 2017 et 2024 – mais de seulement 3,7 milliards d’euros en prenant en compte les charges obligatoires non fiscales ([376]).

  1.   Des progrès appréciables, mais insuffisants

Les mesures prises ont permis d’alléger le poids des prélèvements obligatoires dans la valeur ajoutée industrielle :

– la part des impôts de production dans cette valeur ajoutée a diminué de 1,7 point (de 5,3 % en 2017 à 3,6 % en 2023) ;

– celle de l’ensemble des prélèvements obligatoires est passée de 23,8 % en 2017 à 19,9 % en 2023, soit une baisse de près de 4 points de valeur ajoutée ([377]).

Cependant l’industrie française reste mal positionnée en comparaison de celles des grands pays européens au global (voir supra) et même s’agissant des impôts de production. Sur ces derniers, qui représentent 3,6 % de la valeur ajoutée industrielle (nets des subventions), la France est encore loin devant l’Allemagne qui est à la moyenne de la zone euro (0,4 %). L’écart en impôts de production (nets) est ainsi de 3,2 points de valeur ajoutée, ce qui représente 10 milliards d’euros pour l’industrie, d’après les estimations de Rexecode.

Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, observe que « Si nous appliquions les mêmes impôts de production, au sens large, qu’en Allemagne, les entreprises industrielles françaises payeraient 20 milliards de moins d’impôts. Cette somme représente l’investissement nécessaire supplémentaire pour notre trajectoire de réindustrialisation. » ([378])

S’ils applaudissent aux mesures de réduction fiscale prises ces dernières années, les acteurs économiques déplorent trois importantes limites :

– que ces réformes ne se poursuivent pas, au moins pour tenir les engagements pris, s’agissant notamment de la trajectoire d’extinction de la CVAE. « Suspendre les décisions de baisse ou de suppression de ces impôts qui surtaxent l’industrie va à l’encontre de l’objectif de réindustrialisation », commente Alexandre Saubot, président de France Industrie ([379]). Ce report a été malheureusement causé par la grave dégradation des finances publiques.

Et éviter un retour en arrière : s’ils sont « pleinement conscients à France Industrie et dans [leurs] entreprises de la situation des finances publiques et de l’insoutenabilité de notre trajectoire budgétaire, comme l’a rappelé le premier ministre ce matin. [Leur] ligne de conduite est de veiller à ce que les mesures prises n’entraînent pas une surtaxation de l’industrie par rapport aux autres grands secteurs, étant donné que nous sommes les plus exposés à la concurrence internationale [...] Concernant la politique de compétitivité, nous demandons simplement que le niveau de prélèvement sur nos entreprises soit aligné sur la moyenne européenne, comparable à celui de nos grands voisins italiens, allemands ou espagnols », précise-t-il ;

– l’instabilité fiscale qui caractérise notre pays est par ailleurs considérée comme un frein pour les investisseurs, comme le rappelle l’entreprise ACC : « L’instabilité fiscale et réglementaire peut par ailleurs créer un environnement incertain pour les entreprises qui se projettent en France dans un projet à plus de 20 ans. Cette situation complique la planification à long terme et augmente la prime de risque associée aux projets à financer » ([380]). Jean-Marc Chéry, directeur général du groupe STMicroelectronics, alerte quant à lui : « Cette instabilité perçue peut en effet être rédhibitoire pour des investisseurs extérieurs qui n’ont pas encore d’ancrage émotionnel dans le pays. » ([381]) Une instabilité fiscale qui se serait accrue avec les fortes hausses d’impôts sur les entreprises, prévues par le gouvernement de Michel Barnier avant qu’il soit censuré le 4 décembre 2024 ;

 l’impôt paperasse, à savoir le coût croissant et exorbitant des contraintes normatives et administratives, qui a compensé les bénéfices des allègements fiscaux (cf. Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse ci-dessous).

b.   L’enjeu d’une taxation de la transmission d’entreprise qui n’oblige pas à vendre ou à sacrifier l’entreprise

Les auditions menées par la commission d’enquête ont fait ressortir un autre enjeu crucial : celui de préserver le patrimoine industriel français lors de l’étape délicate de la transmission d’entreprise.

Lorsqu’il occupait le poste de directeur de cabinet du ministre du budget Alain Lambert, en 2002, l’actuel président de Paris Europlace Augustin de Romanet se souvient avoir été alerté par des chefs d’entreprise du nord de la France d’un problème majeur : les actionnaires de leurs entreprises familiales envisageaient de s’établir en Belgique, car les dividendes perçus ne leur permettaient pas d’acquitter l’impôt sur la fortune en France : « Alain Lambert a immédiatement saisi l’enjeu d’intérêt général que représentait le maintien en France des patrimoines et des centres de décision de ces entreprises. Il a donc initié la création d’un dispositif, qui est devenu par la suite le pacte Dutreil » – succédant aux pactes Sauter, Migaud puis Strauss-Kahn ([382]).

Renaud Dutreil, alors ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, également auditionné par la commission d’enquête, nous rappelle que « le capitalisme familial souffrait énormément en 2002, après l’augmentation très marquée de la fiscalité sur la transmission décidée par la majorité socialiste élue en 1981 ». Entre 1981 et 2001, un très grand nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises ont ainsi disparu, alors qu’elles ont augmenté en Italie, en Angleterre, en Allemagne et en Suède ([383]).

Il explique que la plupart des familles qui détiennent un patrimoine économique le placent pour l’essentiel dans leur entreprise. Par conséquent, lorsque l’État leur demande de payer 45 % d’impôts au titre de la transmission, elles se retrouvent fragilisées. « Pour s’acquitter de cet impôt, l’entreprise doit, la plupart du temps, soit distribuer énormément de dividendes, soit céder du capital. À l’époque, un très grand nombre d’ETI françaises étaient donc rachetées, non pas par des familles françaises, mais par des entreprises étrangères ».

En effet, malheureusement, faute de repreneurs étrangers à la famille en état de racheter l’ensemble, de nombreuses entreprises ferment ou sont rachetées par des acteurs étrangers : « des capitaux étrangers avec, à terme, des délocalisations et la perte sèche de nos technologies, de notre savoir-faire au profit de nos concurrents étrangers. [...] Faciliter la transmission de ces entreprises constitue donc à la fois un rempart contre la prédation, dont le risque est plus menaçant en période de crise, et une arme pour défendre la souveraineté économique de la France. » ([384])

Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), rappelle qu’il existait en 1980 autant d’ETI en France qu’en Allemagne. Mais le doublement en 1983 des droits de succession et l’application de l’impôt sur la fortune sur une partie des actifs d’entreprise a provoqué la vente massive de nombre d’ETI françaises : en 2008, il n’y en avait plus que 4 600 en France contre 12 500 en Allemagne, 10 500 en Angleterre et 8 500 en Italie ([385]).

Le dispositif instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite « loi Dutreil », permet, sous certaines conditions, de faire bénéficier la transmission d’une entreprise familiale – par donation ou succession –d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de sa valeur (article 787 B du code général des impôts) ([386]).

Pour Renaud Dutreil, le nouveau régime était « dicté uniquement par un intérêt patriotique » : « Il s’agissait essentiellement de protéger la détention par des familles françaises d’entreprises françaises » et éviter ainsi que le capital passe dans des mains qui n’ayant plus de lien avec leur territoire, décident de délocaliser. Le dispositif aurait permis de faire remonter à 6 000 le nombre des ETI en France. Malgré tout, « nous demeurons très en retard », note-t-il. « En Suède, le taux de transmission intrafamiliale atteint 80 %, contre près de 70 % en Italie et 65 % en Allemagne. Dans notre pays, il est inférieur à 25 %. » ([387])

Philippe d’Ornano a attiré l’attention de la commission d’enquête sur le fait qu’une ETI sur deux sera transmise lors des sept prochaines années : « Se joueront alors les vingt prochaines années de l’économie française. Nous avons perdu trente ans en raison de ce blocage des transmissions d’entreprises, qui n’a été corrigé qu’au début des années 2000 ».

Il souligne que depuis la fin des années 1990, le taux moyen d’imposition pour les transmissions est de 5 % en Europe – sept pays exemptent même les transmissions d’entreprises. En France, compte tenu de la taxation des dividendes qu’il faut distribuer pour pouvoir financer une transmission d’entreprise, l’imposition représente 17,5 % de la valeur de l’entreprise en ligne directe et 22 % à 23 % en ligne indirecte, avec les pactes Dutreil.

Augustin de Romanet a, certes, eu vent de cas d’utilisation abusive du pacte Dutreil, impliquant par exemple la transmission de yachts ou d’autres biens inappropriés. Mais l’intérêt général d’un régime adapté est très supérieur : « Ces situations doivent être sanctionnées par le biais de l’abus de droit et des poursuites individuelles. Cependant, je tiens à souligner solennellement que remettre en cause le pacte Dutreil aujourd’hui constituerait un recul considérable pour les entreprises industrielles familiales, qui n’auraient pas les moyens de rester sur notre territoire. » ([388])

Le renforcement du pacte Dutreil apparaît donc essentiel pour que la France devienne une nation dotée de nombreuses ETI. Au-delà de favoriser l’emploi et la création de valeur dans un territoire, l’actionnariat ou le capitalisme familial réduit le risque de délocalisation en dehors du pays car il favorise l’investissement à long terme. Un prochain rapport de la Cour des comptes de pourrait préconiser des mesures pour durcir les conditions du dispositif, sans remettre en cause le bien‑fondé de cette démarche ([389]).

2.   Le frein d’un coût du travail déséquilibré

On a vu en première partie que les flux d’investissements industriels étrangers en France ont été moins riches en emplois que ceux réalisés chez nos voisins européens, pour les nombreux facteurs évoqués dans cette partie tels que la fiscalité, le prix de l’énergie, l’impôt paperasse, l’accès au foncier, mais aussi le coût du travail. « Nous réattirons des projets industriels, mais ceux-ci ne créent pas suffisamment d’emplois », observe Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting. Il en conclut que « manifestement, la création d’emplois se heurte au coût chargé de la main d’œuvre, parmi les plus élevés en Europe, quand bien même notre productivité corrige en partie cette donnée » ([390]) – une performance que démontre l’étude de la Cour des comptes sur les 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie, mais qui ne réussit qu’à repositionner notre pays dans la moyenne européenne ([391]). On peut aussi considérer que la main d’œuvre, dont le coût est parmi les plus élevés d’Europe, est compensée en partie grâce à la productivité.

Facialement le coût horaire de la main d’œuvre française reste parmi les plus élevés des pays de l’UE – montre également ce même rapport.

Source : Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024

Pour autant, « cette situation ne résulte pas principalement du haut niveau des salaires mais plutôt de celui des coûts non-salariaux [les charges patronales], qui figurent parmi les plus élevés des pays de l’UE, en lien avec le niveau de protection sociale et ses modalités de financement », commente la Cour des comptes.

Évolution du coût du travail

Source : Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024

De fait, historiquement, la France a choisi de financer une grande partie de sa protection sociale par des prélèvements sur le travail, contrairement à d’autres pays qui ont opté pour des prélèvements par l’impôt ou la consommation, rappelle le président de France Industrie Alexandre Saubot ([392]).

L’étude de Rexecode d’octobre 2024 ([393]) fait les mêmes constats :

– au premier trimestre 2024, le coût d’une heure travaillée en France dans le secteur de l’industrie manufacturière était de 46,3 euros dont 14,6 euros de cotisations employeurs, à comparer à un coût moyen en zone euro de 39,2 euros de l’heure donc 9,9 euros de charges employeurs ;

Source : Olivier Redoulès, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Rexecode Repères n° 11, 3 octobre 2024

– pourtant, le salaire horaire brut moyen n’est pas beaucoup plus élevé dans l’industrie manufacturière française que dans la moyenne de la zone euro (31,7 euros contre 29,3 euros). La différence réside dans un niveau de cotisations employeurs qui reste en première place avec 14 % de la valeur ajoutée, contre 10 % pour l’Allemagne et la moyenne de la zone euro. Par ailleurs durant son audition, Olivier Redoulès précise ainsi que « Le coût du travail en France est légèrement inférieur à ce qu’il est en Allemagne ou aux Pays-Bas » ([394]) concernant le secteur de l’industrie manufacturière.

Un partage de la charge qui fait aujourd’hui débat parmi les acteurs économiques, tel Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, qui en souligne « les conséquences sur la compétitivité des entreprises, les entreprises industrielles en particulier, qui sont confrontées à la concurrence internationale », et le conteste spécialement s’agissant de certains risques : « Ce modèle couvre des domaines relevant du travail comme la retraite ou le chômage mais aussi d’autres qui, de mon point de vue, renvoient davantage à la solidarité nationale comme la famille et la santé. » ([395])

Les débats autour de la réforme du régime de retraite

La France a fait le choix de financer son modèle social par le travail. Un débat public traverse l’opinion sur la question du système de retraites, thème soulevé à maintes reprises par le président de cette commission d’enquête, Charles Rodwell, provoquant un débat au sein de la commission d’enquête.

Comme le souligne à juste titre Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et ancien président du groupe ADP, « il n’est nullement question de remettre en cause le système de retraite par répartition dont les vertus sont indéniables. » ([396]) Les dispositifs complémentaires de retraite favorisant les intérêts composés, c’est-à-dire la capitalisation facultative, sont déjà en place (ex. : le plan d’épargne retraite).

Prétendre que la hausse du pouvoir d’achat immédiat des salariés serait résolue par un passage à la retraite par capitalisation ne serait factuellement pas avéré. En effet, « La capitalisation ne résout pas le déséquilibre à moyen terme de notre système, principalement affecté par l’évolution démographique défavorable du ratio actifs-retraités. » ([397])

Ainsi, Alexandre Saubot, président de France Industrie et directeur général du groupe Haulotte, indique que l’instauration d’un système par capitalisation obligatoire impliquerait une triple charge pour les actifs : « financer le système actuel non équilibré, supporter une augmentation de leurs cotisations pour le nouveau dispositif et investir dans un système dont ils ne bénéficieront que dans quinze à vingt ans » ([398]) ; et, pour les entreprises, une charge supplémentaire qui plomberait leur compétitivité.

Au-delà des enjeux d’amélioration du taux d’emploi chez les jeunes et les seniors, le rapporteur souligne que pour répondre aux besoins en financements de la réindustrialisation, la France dispose d’un atout encore non mobilisé : l’épargne des Français, qui peut être utilisée sur la base du volontariat et dont l’emploi d’une part marginale suffirait, en contrepartie d’une rémunération attractive. Son mécanisme sera développé ci-dessous (cf. Mettre en place un fonds souverain pour mobiliser les atouts français au service de l’industrie).

En ce qui concerne les coûts du travail en général, des réformes substantielles ont bien été mise en œuvre à partir de 2013 pour en modérer le poids. Mais si elles ont eu des résultats avérés, elles ont moins bénéficié à l’industrie qu’aux services.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dans un premier temps, puis le Pacte de responsabilité et de solidarité, à partir de janvier 2015, avec les réductions de cotisations sociales se substituant au CICE, auraient tout de même permis d’alléger l’industrie de 4,7 milliards d’euros de charges patronales, selon l’étude Rexecode précédemment citée.

Cependant, en raison de salaires souvent plus élevés, l’industrie a tiré un moindre profit de ces réformes que le secteur des services :

– ces réductions se sont en effet concentrées sur les bas salaires (inférieurs à 2,5 smic). Seule l’extension de la réduction des cotisations famille aux salaires allant de 2,5 à 3,5 smic bénéficie, en proportion, davantage à l’industrie que le reste des allègements ;

– en outre, la transformation du crédit d’impôt en réduction de charges patronales a pénalisé l’industrie en renforçant les allègements en dessous de 1,6 smic et en les diminuant entre 1,6 et 2,5 smic, dans la mesure où « l’industrie est le seul grand secteur de notre économie soumis à la concurrence internationale dont les trois quarts de la masse salariale se situent au-dessus de 1,6 smic » –rappelle le président de France Industrie Alexandre Saubot.

Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques, relève que l’industrie ne reçoit ainsi que 13 % de la totalité de ces exonérations ([399]), alors qu’elle représente 70 % des exportations. « De plus, les taux d’exonération dans les secteurs industriels, tels que la pharmacie, la chimie, l’électronique, l’informatique et la fabrication de matériel de transport, sont bas, autour de 5 %. En revanche, dans les services, comme la restauration, ces taux peuvent dépasser 20 %. Nous confondons donc un peu la politique fiscale et la politique industrielle. » ([400])

Un des revers de ces réformes est – selon les termes d’Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode – la « surfiscalisation » comparative du travail qualifié en raison de ses salaires plus élevés.

Ainsi que Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, le souligne, « le total des cotisations d’un smic s’élève à 17 % du brut en France, contre 46 % en Allemagne. Mais pour le travail qualifié d’un ingénieur en usine doté de dix à quinze ans d’expérience et payé cinq fois le smic, les cotisations s’établissent à 55 % du brut en Allemagne, et à 80 % en France. Pour un salaire équivalent à dix fois le smic, elles s’élèvent à 49 % en Allemagne, mais à 83 % en France. Il existe donc un écart de 34 % sur le salaire brut, qui constitue un surcoût pour l’entreprise et dont le salarié ne profite pas. » ([401])

Mais la distorsion apparaît dès que les rémunérations dépassent 1,4 smic, selon une étude publiée par Rexecode en début d’année pour la fédération Syntec : à ce niveau, les prélèvements obligatoires sont supérieurs à leurs équivalents ailleurs en Europe, la France « se distingue par la surfiscalisation du travail qualifié » ([402]). Les prélèvements sur le travail représentent 6 points de salaire brut en plus en France en moyenne entre 1,4 et 2,5 smic, puis 11 points entre 2,5 et 3,5 smic, et davantage au-delà, par rapport à un benchmark européen constitué de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et des Pays-Bas ([403]). L’écart s’accroît à mesure qu’on progresse sur l’échelle salariale, sans qu’il ne soit compensé par un revenu différé ou par des prestations sociales plus élevée, indique Olivier Redoulès ([404]). Les charges grèvent non seulement la compétitivité de l’entreprise, mais aussi le pouvoir d’achat des salariés. Elles peuvent aussi limiter certaines montées en compétences pour éviter leur alourdissement. Faute de salaires importants, l’expatriation est un choix de plus en plus assumé.

Cette distorsion a une double conséquence :

– Comme l’observe Olivier Andriès, directeur général de Safran, « l’attractivité de ses écoles d’ingénieurs et la compétitivité de ses activités d’engineering font encore la force de notre pays. Mais le coût des ingénieurs en France est très élevé, à cause des cotisations patronales. C’est le deuxième coût le plus élevé dans le monde, après les États-Unis ». ([405]) Plusieurs acteurs industriels reconnaissent que c’est l’existence du crédit d’impôt recherche qui permet de rééquilibrer les choses. Il permet de rendre nos activités de recherche et de développement compétitives, pour Olivier Andriès, qui ajoute que « l’enjeu n’est pas seulement d’avoir des bureaux d’études et des centres de recherche [en France]. Enraciner des activités de développement en France permet de conserver des activités industrielles. En effet, dans le monde industriel, il faut une proximité entre le développeur, c’est-à-dire l’ingénieur qui conçoit un produit, et [...] l’industriel qui va devoir le produire, pour permettre un dialogue nourri entre les deux » ;

– Quant aux salariés qualifiés, « qui ont le choix du lieu de travail et qui voient la différence entre la valeur ajoutée qu’ils doivent créer pour leur entreprise et ce qu’ils touchent à la fin du mois, ils constatent qu’ils sont moins bien lotis en France que dans d’autres pays européens », remarque Olivier Redoulès. De fait, les enquêtes annuelles de la fédération Ingénieurs et scientifiques de France (IESF) citées par François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, montreraient que la principale raison de l’expatriation des jeunes ingénieurs français est la perspective de salaires plus élevés à l’étranger, notamment en raison du déplafonnement des cotisations sociales ([406]).

Comme Matthieu Courtecuisse, PDG du cabinet de conseil Sia, l’affirme au Figaro dans une interview du 27 juin 2025 : « Aucun grand pays n’accepterait un tel exode massif de ses cerveaux et de ses meilleures forces vives. Imagine-t-on les Américains laisser 30 % des diplômés nationaux du MIT ou de Stanford partir en Europe ? Ce serait un scandale d’État. Au contraire, les États-Unis cherchent à amplifier le "brain drain" européen et indien pour mieux se confronter à leur ennemi systémique chinois. Et si doubler le nombre d’ingénieurs formés en France est un bon objectif, encore faudra-t-il les garder à l’issue de leur formation. À titre d’exemple, 25 % à 30 % des jeunes polytechniciens sont aujourd’hui recrutés à l’étranger à la fin de leur cursus, si bien que la direction de l’école a réfléchi à changer les dates de stage en dernière année afin d’obliger les étudiants à revenir terminer leur formation à Palaiseau. » ([407])

Notons que, réciproquement, ces allègements de charges centrés sur les bas salaires n’incitent pas à faire évoluer les compétences des emplois les moins qualifiés, ni à augmenter leurs rémunérations tout au long de leur vie professionnelle.

Les Français ressentent la triste réalité de la « trappe à bas salaires », également appelée « smicardisation ». Ce phénomène désigne une situation dans laquelle, à partir d’un certain seuil, à savoir 2,5 smic, la pression fiscale devient telle que ni les salariés ne souhaitent renégocier leur salaire, ni les employeurs ne sont enclins à l’augmenter. Bien que les revalorisations successives du smic aient voulu protéger le pouvoir d’achat des salariés, le décrochage des autres salaires par rapport à l’inflation est devenu plus marqué. Depuis la fin de l’année 2020, il a augmenté de 17 % à la faveur de neuf revalorisations, contribuant à resserrer l’éventail des salaires. Le rythme des hausses du smic a dépassé celui des négociations salariales menées par les entreprises et les branches professionnelles pendant cette période. Cela décourage l’amélioration des compétences et favorise l’expatriation. Ce phénomène a d’ailleurs été souligné par le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de de sa déclaration de politique générale du 30 janvier 2024 ([408]).

Évolutions du smic, des salaires, de l’inflation et du pouvoir d’achat
(indice 100 au 2e trimestre 2008)

SHBOE : salaire horaire de base des ouvriers et des employés

SMPT : salaire moyen par tête

IPC : indice des prix à la consommation (hors tabac)

Source : Groupe d’experts sur le SMIC, Rapport 2024, 13 décembre 2024 https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/groupe-dexperts-smic-rapport-2024

De manière plus générale, Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, voit également l’effet négatif sur le pouvoir d’achat des Français et le soutien de la demande adressée aux industriels d’un salaire net très inférieur aux montants bruts versés par leurs employeurs.

En tout état de cause, bien que le passage aux 35 heures de travail hebdomadaire en 2000 ait entraîné un renchérissement du coût horaire des salariés français, les auditionnés ont été rares à l’évoquer parmi les freins à la réindustrialisation de notre pays. Olivier Marchal a rappelé que le nombre d’heures travaillées par habitant est supérieur de 10 % en Allemagne, par rapport aux 600 heures annuelles en France, et de 16 % en Europe ([409]). Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France assure qu’ « en dépit d’une baisse de la productivité ces dernières années, la France demeure un pays extrêmement efficace ». Au reste, selon lui, le fait que la France travaille moins n’est pas tant lié au temps de travail proprement dit qu’au fait que les Français arrivent d’une plus tardivement sur le marché du travail, notamment du fait de l’allongement des études ou de la saturation des offres d’emploi, et le quittent plus tôt, en particulier car les séniors peinent à être embauchés. « Mais lorsque les Français sont au travail, ils sont excellents, très productifs et très attentionnés. » ([410])

Pour autant, la France conserverait une image encore insuffisamment rassurante pour les investisseurs s’agissant du droit du travail, malgré les réformes intervenues, si l’on en croit Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting : « Bien que notre droit du travail ait été aménagé pour renforcer la flexibilité, la rapidité et la fluidité, il inspire encore trop de défiance, notamment lorsqu’il s’agit d’envisager les aléas dans le temps et les éventuelles procédures collectives. Ce dernier élément est capital : dans leur plan d’investissement, les entreprises évaluent le risque par pays en cas de retournement de conjoncture. » ([411])

Par ailleurs, en complément de la question du coût du travail se pose celle de la productivité (cf. Des PME laissées seules face à une complexité et une instabilité des normes administratives et fiscales ci-dessus).

3.   Le frein des « surcoûts » normatifs

Le rapporteur souligne le poids croissant des coûts engendrés par l’inflation normative, à la fois européenne (voir supra) et nationale, et par la complexité administrative qui caractérise notre pays : coûts administratifs, coûts de conformité, mais aussi coûts liés aux retards et à l’incertitude induits par les évolutions réglementaires.

Christophe Couesnon, président de Syensqo France, témoigne des divers impacts de la fuite en avant normative pour son entreprise : « Je ne nie pas le besoin d’une réglementation. [...] Mais au niveau européen, nous avons malgré tout été confrontés à 14 000 textes supplémentaires, parfois contradictoires, en l’espace de cinq ans. La valeur ajoutée que nous devons consacrer à répondre à ces exigences réglementaires est passée de 4 % à 10 %, soit plus que les efforts de R&D du secteur de la chimie. De ce fait, le temps de développement et de réactivité est aussi très fortement affecté. [Cette inflation réglementaire] mène à une inflation de coûts, mais ne permet pas une différenciation de compétition, ni un avantage, quand il faudrait faire de ces contraintes une opportunité. En effet, les produits importés du reste du monde ne sont pas nécessairement contraints à ces réglementations, notamment en ce qui concerne le mode de fabrication. » ([412])

Ces surcoûts représentent en effet un boulet supplémentaire pour la compétitivitéprix des industries européennes.

a.   Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse »

Nous avons précédemment évoqué le fait que les charges administratives engendrées par la production normative de l’UE auraient représenté en 2014 un coût annuel de l’ordre de 150 milliards d’euros pour l’ensemble des entreprises européennes, soit 1,3 % du PIB européen, selon une étude du Service de recherche du Parlement européen ([413]). Interrogée par le rapporteur, la Banque de France dit ([414]) ne pas avoir étudié les impacts des formalités et procédures administratives, mais cite, entre autres, deux études européennes : la première, relayée par le Stoiber Group 2014, considère qu’une baisse des coûts administratifs liés aux réglementations pourrait entraîner une hausse de 1,4 % du niveau du PIB européen (150 milliards d’euros par an en 2014) ; la seconde, issue d’une autre étude de 2023 du Service de recherche du Parlement européen ([415]) estimerait les coûts liés au manque d’harmonisation des réglementations dans l’UE à 200 milliards d’euros en 2023, soit environ 1,3 % du PIB européen.

Le rapporteur rappelle que les majorités politiques qui sont responsables de cette inflation normative étaient et restent toutes soutenues par les majorités présidentielles successives de la France.

La politique de l’offre, débutée en 2013, voit ses effets atténués, voire neutralisés à cause de l’inflation normative européenne et française. Si le rapporteur souligne l’utilité des normes pour sécuriser juridiquement les entreprises, les citoyens ou encore protéger l’environnement et le climat, il dénonce avec fermeté la méthode, ponctuée d’obligations de résultat décorrélées de la faisabilité économique. Avec peu de consultations et en l’absence d’études d’impact, l’Union européenne et la France sont arrivées à un point de rupture, ces règlements ne créant souvent aucune valeur. Étayés par le rapport Draghi, le poids normatif et sa complexité exponentielle fragilisent considérablement les entreprises européennes et tricolores dans la compétition internationale. Ce « maquis réglementaire » favorise la désindustrialisation.

S’agissant des entreprises françaises, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) estimait le poids annuel des normes d’origine européenne à une vingtaine de milliards d’euros en 2022 (sur 120 milliards d’euros à l’échelle de l’Europe) et celui des normes nationales à 80 milliards d’euros, soit un total de 100 milliards d’euros ([416]).

Le coût administratif de la législation européenne pour les entreprises françaises était estimé à au moins 37 milliards d’euros annuels par l’étude de Contribuables Associés de juillet 2008 ([417]), ce qui conduirait, à réglementation constante – alors que l’inflation normative est avérée –, à un montant proche des 50 milliards d’euros aujourd’hui.

Les constats des acteurs de terrain vont tristement dans ce sens : ainsi, Philippe d’Ornano, co-président du METI, observe que les normes ont été multipliées par sept depuis 2010, soit 28 milliards d’euros de coûts additionnels estimés pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises ([418]). Et Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), souligne que la moindre certification ISO 9 002 (maîtrise de la qualité de tous les processus) ou ISO 14 0001 (management environnemental) est très onéreuse. ([419])

Cette contrainte réglementaire est amplifiée en France, de l’aveu même de l’ancien ministre de l’Économie durant sept ans, Bruno le Maire : « oui, la France est la championne toutes catégories de la surtransposition des directives. » ([420])

Que ce soit à cause de l’instabilité créée par « des recours très dissuasifs » ([421]), aléa impulsé par « certains acteurs [...] souvent de manière très organisée et parfaitement délibérée », la « surcouche réglementaire » ([422]) nuit durablement à notre potentiel économique. Sanofi, membre du groupe G5 santé, réunissant les dirigeants de huit entreprises françaises du secteur pharmaceutique, s’insurge contre ce « millefeuille (qui) enfle et frise l’explosion » ([423]).

On peut même se questionner si cet « impôt paperasse » n’aurait pas annulé le bénéfice des réductions de prélèvements obligatoires opérées ces douze dernières années. Le ressenti du rapporteur a été corroboré par les propos du Président directeur général d’Airbus Guillaume Faury : « les ordres de grandeur qui me sont rapportés sont effectivement comparables aux allègements fiscaux évoqués. Il est regrettable de constater que nous avons potentiellement perdu d’un côté ce que nous avons gagné de l’autre. » ([424]) Le rapporteur note qu’il apparaît clairement que la politique de l’offre menée par Emmanuel Macron, via des allègements fiscaux pour les entreprises, a été fortement neutralisée par la croissance du poids de « l’impôt paperasse » (cf. Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse ci-dessous).

Une certitude est que ces charges réglementaires sont particulièrement coûteuses pour les petites et moyennes entreprises (PME) : « Je suis convaincu que les petites entreprises sont plus directement frappées par le formalisme que les grands groupes, qui disposent de départements ou de directions pour se charger de ces questions. [...] De même, il est difficile pour une PME de dix à quinze salariés de répondre à des appels d’offres ou de remplir des démarches pour le CICE », dit David Cousquer, directeur de Trendeo ([425]). Une difficulté relayée par le rapport Draghi : « Plus de la moitié des PME en Europe indiquent que les obstacles réglementaires et la charge administrative constituent leur principal problème. » ([426])

Cette analyse a été corroborée durant leur audition par Michel Picon, président de l’U2P : « La production des normes s’adresse essentiellement à ces grandes entreprises, charge ensuite aux plus petites de s’y adapter » ([427]) ; et Gilles Mure-Ravaud, représentant de la CPME : « Aujourd’hui la réindustrialisation est freinée par un empilement de normes, qui provoquent des délais excessifs et un manque de lisibilité. Comme la taille de nos entreprises est limitée, elles manquent de personnels pour travailler sur la partie administrative. Nous en appelons donc à un véritable choc de simplification. » ([428])

b.   Le coût de l’instabilité et de la complexité normatives

Aux surcoûts, s’ajoutent des handicaps « hors prix » :

– l’instabilité, qui contraint les entreprises à adapter leurs processus de production et de gestion et crée de l’incertitude. Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), observe : « La norme n’est pas un mal en soi ; nous avons besoin de normes. Mais le problème intervient lorsque ces normes créent de l’instabilité, de la complexité » ([429]) ;

– la complexité réglementaire et son impact sur la lisibilité de la norme ;

– les écarts de transposition, que ce soit dans le temps, comme la CSRD que la France a été le premier pays à appliquer, ou en matière de sur-tranposition dont notre pays est – hélas – plutôt coutumier (cf. Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes ci-dessus).

Le directeur général de Novo Nordisk souligne également un principe de précaution français très limitant : « Ce principe explique en grande partie que, depuis mon retour sur le territoire français, il y a cinq ans, je n’aie commercialisé aucun produit ou innovation de santé remboursé en France » alors qu’il l’est ailleurs depuis plusieurs années. « Le principe de précaution est important, mais ne doit pas compromettre la santé des Français. Les mesures prises en Europe, qui permettent d’avoir un point d’entrée pour les études cliniques, un protocole unique, sont bénéfiques à notre industrie et à l’Union. L’évaluation centralisée du bénéfice du médicament en Europe pourrait améliorer les choses, pour peu que les États ne procèdent pas à une réévaluation. Il faut s’assurer que chacun a un accès identique au médicament, dans le cadre d’un marché véritablement unique. » ([430])

En tout état de cause, Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, relève que le rapport annuel sur l’index de complexité des affaires dans le monde classe la France à l’avant-dernier rang dans le monde, seule la Grèce parvenant à faire moins bien dans ce classement ([431]).

4.   Le frein du prix de l’énergie

Enfin, les réformes du marché de l’électricité et l’abandon d’EDF et de ses centrales nucléaires ont conduit à transformer le prix de l’énergie en France, atout historique, en désavantage pour la compétitivité et l’attractivité de notre territoire.

En menant des politiques contraires aux besoins de l’industrie, les différents gouvernements ont contribué à créer de toutes pièces un frein à la réindustrialisation de la France (cf. Le frein énergétique ci-dessous).

B.   DEs actions en deÇà des enjeux d’attractivitÉ

1.   Le frein de la lourdeur de l’instruction administrative des projets industriels

La procédure d’instruction par les services de l’État des projets de développement industriels est un exemple emblématique de la complexité administrative française.

À titre d’exemple, les schémas récapitulatifs des procédures auxquelles sont soumises les entreprises souhaitant développer une implantation industrielle :

Les procédures à suivre pour développer une implantation industrielle

Source : direction générale des entreprises, Guide de l’implantation industrielle, 2023 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2023/Guides/guide-implantation-industrielle.pdf

Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, constate par ses enquêtes que les investisseurs étrangers procèdent très majoritairement par extension de leurs usines existantes : ces extensions ont représenté 89 % des investissements industriels en 2023. Il explique cette préférence non seulement par les coûts salariaux, mais aussi par l’acceptabilité des projets industriels dans certains territoires et par la difficulté face aux délais et au mille‑feuille territorial et réglementaire de la France ([432]).

Louis Gallois, ancien commissaire général à l’investissement, souligne l’enjeu de délais administratifs qui ne découragent pas les projets de développement : « Quand Luc Rémont, [ex-]président d’EDF, dit lors d’une conférence le 10 décembre dernier : "C’est l’enfer d’investir en France", il fait référence aux délais ; les entreprises ne peuvent pas attendre deux ans l’autorisation de s’implanter sur un site. Les Allemands ne sont pas meilleurs que nous, c’est une consolation, mais elle est maigre. » ([433])

Dans son rapport sur la simplification des implantations d’activités économiques de janvier 2022, Laurent Guillot faisait un constat plus problématique encore. Le problème n’est pas les délais prévus par la loi française : « Si l’on considère les délais théoriques en France et en Allemagne, deux pays soumis aux mêmes réglementations européennes, on constate que ces délais sont proches, à un mois près [...] Ils sont en revanche bien plus courts en Pologne, pourtant soumise, elle aussi, aux règles communautaires. Bruxelles n’est donc pas en cause en la matière », observe-t-il ([434]).

En revanche, « les délais réels sont quant à eux très différents ; en France – dix-sept mois –, ils sont même deux fois plus longs que les délais théoriques, donc, globalement, deux fois plus longs qu’en Allemagne – neuf mois – et trois fois plus longs qu’en Pologne – cinq ou six mois en Pologne. »

Ces délais sont d’autant plus conséquents qu’ils s’ajoutent à d’autres étapes pouvant s’imposer dans le montage d’un dossier de développement industriel, comme l’étude « faune-flore quatre saisons », qui demande un minimum d’un an ([435]), et l’étude d’archéologie préventive.

Se pose évidemment la contrainte des moyens administratifs dédiés. Lors de son audition, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, a indiqué que 19 000 dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) – dont les projets industriels – sont en instruction. Les demandes se sont multipliées sans que le nombre de fonctionnaires chargés de les traiter n’ait été adapté ([436]). Comme le rappelle Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, « si les Dreal et les Dreets manquent d’efficacité, c’est aussi parce qu’elles manquent de moyens. Elles sont les premières victimes de la complexification administrative, puisqu’elles doivent multiplier les contrôles sans que s’accroissent leurs effectifs. [...] Les fonctionnaires que je fréquente quotidiennement font tout leur possible pour faire avancer les dossiers, mais ils sont confrontés à un surcroît de travail et doivent attendre les retours des uns et des autres. » ([437])

Une pression croissante que confirme Marc Hoeltzel, directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est : « Nos équipes font face à des exigences croissantes en termes de volume de dossiers à traiter », et qui n’irait pas en s’arrangeant, remarque-t-il : « L’introduction de nouvelles procédures, telles que [les dérogations procédurales relatives aux travaux de raccordement aux réseaux publics d’électricité] liées aux articles 27 et 28 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023 dite "loi Aper", crée des situations complexes et non standardisables. » ([438])

Cette difficulté montre l’ambivalence des réponses dérogatoires : d’un côté, elles allègent les exigences normatives et procédurales sur des dossiers que les responsables publics considèrent comme prioritaires ; de l’autre, elles compliquent la tâche des services instructeurs.

Une autre difficulté à l’origine de l’allongement des délais réels incombe aussi aux porteurs de projet eux-mêmes et aux bureaux d’études qu’ils sollicitent, comme en témoigne Emmanuelle Gay, directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France : « La qualité des dossiers présentés par les industriels, qui dépend largement de l’expertise des bureaux d’études, est un facteur déterminant. Nous menons une action d’accompagnement auprès de ces bureaux pour garantir leur maîtrise des évolutions législatives et réglementaires, souvent rapides, ainsi que des enjeux techniques. Notre objectif est de favoriser la production de dossiers clairs, concis et complets dès leur soumission, ce qui facilite considérablement l’instruction et optimise les délais d’autorisation. » ([439])

Quoi qu’il en soit, la complexité des procédures pèse pleinement dans la dérive des délais. Le problème n’est pas nouveau et le législateur comme les services de l’État se sont efforcés ces dernières années d’apporter simplification et optimisation.

a.   Les tentatives de limitation des procédures

Plusieurs lois se sont attaquées au problème ; mais on évoquera en particulier la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui a eu précisément pour objectif de simplifier les exigences procédurales afin de faciliter et accélérer le traitement des projets industriels, spécialement ceux qui contribuent au développement des filières « vertes » participant à la décarbonation de nos usages et de notre économie.

Les apports de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

Parmi les évolutions introduites par ce texte, on citera notamment :

– S’agissant de la procédure d’autorisation environnementale dont relèvent les projets industriels, l’article 4 qui permet, entre autres, le déroulement simultané des phases d’examen et de consultation du public. En principe, cela doit réduire le temps de procédure à trois mois pour la phase commune, auxquelles s’ajoutent trois semaines pour le rapport du commissaire enquêteur et deux mois pour la phase de décision, soit un peu moins de six mois, contre les 17 mois évoqués par l’étude d’impact du projet de loi ;

– La reconnaissance du caractère de projet répondant à une « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) pour les projets qualifiés d’intérêt national majeur « en raison de leur importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale » (PINM, article 19), les projets d’implantation industrielle « verte » faisant l’objet d’une déclaration de projet par l’État (article 17) et les projets industriels faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (article 21). Cette reconnaissance d’une RIIPM est la première étape pour obtenir des dérogations aux exigences de protection renforcée des espèces protégées (L. 411-2 du code de lenvironnement) ;

– En droit de l’urbanisme, la procédure ad hoc de mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme ou de planification, pour permettre la réalisation d’un PINM, de l’article 19. Elle est engagée directement et sans délai par l’État ; la participation du public se fait par voie électronique et l’évaluation environnementale de la mise en compatibilité est fondée sur une simple analyse des incidences notables. Cela doit permettre de ramener la procédure de révision à sept ou huit mois ;

– La reconnaissance du statut de PINM lui ouvre en outre le bénéfice des dérogations de l’article 27 de la loi Aper, qui permettent d’accélérer leur raccordement aux réseaux publics d’électricité ;

– Enfin, l’article 5 qui permet l’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale pour plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement (en lien avec l’industrie par exemple) envisagés dans les huit ans à venir sur un même territoire délimité et homogène. Ces projets sont alors dispensés de débat public propre ou de concertation publique propre, sauf décision contraire de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Les différents services instructeurs auditionnés par la commission d’enquête ont indiqué que les réformes issues de la loi relative à l’industrie verte et de ses décrets d’application parus un an après sont encore trop récentes pour confirmer leurs effets durablement bénéfiques sur les délais – « ce qui est crucial tant pour les pétitionnaires que pour nos équipes », commente Emmanuelle Gay, DRIEAT d’Île-de-France.

La réforme, opérée entre 2014 et 2017, de l’autorisation environnementale unique avait tout de même marqué une première étape en fusionnant plusieurs autorisations auparavant distinctes qui traitent de tous les aspects de l’implantation : les aspects environnementaux, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, ainsi que les questions foncières et le raccordement électrique des sites industriels. Les auditionnés rappellent par ailleurs que de nombreuses activités industrielles s’inscrivent dans le cadre d’autorisations distantes : des procédures se déroulant sans enquête publique ni passage en conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) – mais elles ne sont généralement pas comptabilisées dans les statistiques de suivi des délais d’instruction.

Les représentants des services instructeurs soulignent certains points forts de la réforme de 2023, et expliquent les mesures déjà prises pour accélérer les temps d’instruction : ainsi, Marc Hoeltzel, DREAL du Grand Est, applaudit au fait qu’» elle incite désormais le pétitionnaire à nous solliciter le plus tôt possible. Cette approche s’avère efficace pour optimiser les délais et renforcer la solidité des dossiers. Cette évolution a entraîné une refonte de nos méthodes d’instruction. Nous avons formé l’ensemble de nos inspecteurs et adopté une logique d’inspecteur unique, désigné dans les dix jours suivant le dépôt du dossier. Les différentes phases sont clairement séquencées, avec un examen initial du dossier sous 45 jours, ce qui limite les demandes de compléments, souvent source de prolongation des délais ». La nouvelle organisation des différentes unités départementales placées sous l’autorité des préfets fonctionne « comme un guichet unique », offrant aux chefs d’entreprise un interlocuteur privilégié pour leurs projets d’implantation ([440])

Marc Hoeltzel souligne que la coordination est un facteur clé dans la réussite des projets industriels : « Nous la menons d’abord en interne, impliquant divers services au-delà de nos unités départementales, tels que les services biodiversité, urbanisme et énergie. Pour les implantations majeures, les comités de pilotage instaurés par les préfets de département, réunissant l’ensemble des services concernés, s’avèrent particulièrement efficaces. Cette approche permet de fixer des jalons, de respecter les délais et d’identifier rapidement les éventuelles difficultés procédurales. Cette coordination autour de l’échelon préfectoral est une pratique à pérenniser ».

Des premiers résultats sont visibles, affirment-ils : Emmanuelle Gay, directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France indique que leur délai moyen d’instruction est actuellement de neuf mois, avec un objectif de réduction à deux mois dans les cas les plus favorables ([441]).

La direction générale des entreprises (DGE) indique que les projets d’implantation industrielle déposés par Holosolils, Gravithy, Carbon, Eastman, Marcegaglia et Imérys bénéficient aujourd’hui du statut de projets d’intérêt national majeur (PINM). À titre d’exemple, l’entreprise Carbon, qui prévoit de créer une giga-usine de panneaux photovoltaïques dans la zone industrielle de Fos-sur-Mer, a obtenu son autorisation environnementale en 6 mois et sécurisé son raccordement grâce à l’outil de priorisation des projets stratégiques ([442]).

De même, Marc Hoeltzel constate que la moyenne des délais de traitement des projets industriels (hors activités minières et/ou énergétiques), en combinant les dossiers d’autorisation et ceux liés à l’enregistrement, est inférieure à un an. « Nous parvenons souvent à approcher les neuf mois. [...] Il est évident que les bonnes pratiques [...], telles que l’utilisation du comité de pilotage et le dialogue en amont, sont des éléments clés pour respecter les délais. [...] Plus tôt nous établissons des contacts avec l’industriel, plus rapidement nous pouvons le conseiller et l’accompagner pour que ces études environnementales soient les plus précises possible. [...] L’accompagnement industriel se positionne en amont du délai d’instruction, contribuant à sa normalisation et à son respect. Il est crucial d’avoir une vision globale des contraintes dès le départ ».

Un accompagnement individualisé – autour de la procédure d’autorisation et au-delà, (maîtrise foncière, dialogue avec l’État, les élus et le public) – a été un élément déterminant pour la réussite d’implantations industrielles stratégiques, comme en témoignent plusieurs acteurs industriels. Toyota a ainsi bénéficié d’un sous-préfet dédié, Laurent Fiscus, pour les aider dans toutes leurs démarches. De même, Olivier Andriès, directeur général de Safran salue la volonté des autorités locales de piloter collectivement le dossier de son implantation à Rennes: « Ce n’est pas toujours simple, car notre organisation territoriale n’est pas simple, entre l’État, la région, le département et les communautés de communes. Mais, globalement, quand on identifie un site et quand on commence à entrer dans un dialogue avec les partenaires locaux, il y a du répondant. » ([443])

David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, confirme que « vu du siège, il est complexe, voire nébuleux, de faire aboutir un projet en France. L’obtention des autorisations et la coordination des services y sont plus compliquées que ce dont les Danois ont l’habitude, chez eux ou dans d’autres pays. La question de la simplification et de l’accompagnement pourrait être résolue par un guichet unique. [...] Voilà une piste d’amélioration : une seule personne servant de point d’entrée pour simplifier les démarches, coordonner les actions et synchroniser les agendas afin de faciliter la compréhension du parcours et la maîtrise du temps. Cela existe dans d’autres pays européens pour les projets d’investissement significatifs. » ([444])

Les auditions de la présidente de Régions de France et présidente du conseil régional d’Occitanie, Carole Delga ([445]), et des responsables publics mobilisés par le développement du Grand port maritime de Dunkerque et de son bassin industriel, Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, et Maurice Georges, président du directoire du Grand port maritime de Dunkerque (GPMD), font penser que les acteurs publics locaux ont pris conscience de ce besoin d’accompagnement des industriels, au moins s’agissant des grands projets ([446])

Parallèlement, la direction générale des entreprises a élaboré plusieurs outils, dont un guide de l’implantation industrielle, publié en mai 2025 et destiné aux porteurs de projets et aux acteurs publics qui les accompagnent, et se mobilise à différents niveaux : notamment, dans les DREETS, le service économique de l’État en région (SEER) accompagne les projets structurants et à enjeux en s’appuyant sur les référents filières et/ou départementaux, dès la phase d’identification et de prospection d’un porteur de projet pour proposer avec la région une offre globale (accompagnement foncier, identification des interlocuteurs à associer, accompagnement ingénierie et soutiens financiers) ; les services de la DGE suivent eux-mêmes les grands projets stratégiques présentant des difficultés ou un ralentissement liés aux spécificités du projet, à chaque étape, jusqu’à s’assurer du bon déroulé des procédures d’autorisation ([447]).

Par ailleurs, un réseau de 13 « sous-préfets référents France 2030 et à l’accélération des projets industriels » a pris la suite des sous-préfets à la relance en mars 2023. En plus d’accompagner le déploiement du plan France 2030, par la mobilisation des acteurs locaux pour la détection des projets, ils sont chargés de mettre en place un suivi rapproché en « mode projet » des implantations, afin de s’assurer que, localement, les services de l’État accompagnent bien les porteurs de projets industriels et réduisent les délais d’obtention de l’autorisation environnementale ([448]). Une initiative inspirée de l’affectation du sous-préfet Laurent Fiscus pour accompagner l’implantation de Toyota en France, dont l’usine a ouvert en 2001 : comme l’affirme Rodolphe Delaunay, président-directeur général du site Toyota Motor Manufacturing France (TMMF), « La nomination de ce sous-préfet nous a forcément aidés à remplir nos tâches administratives et à organiser la formation de nos salariés. » ([449])

b.   Des pistes de réforme à mettre en œuvre sans attendre

Le rapporteur salue l’ensemble de ces démarches et efforts, sans toutefois avoir pu en apprécier l’efficacité eu égard à leur caractère très récent.

En tout état de cause, les auditions ont permis d’identifier plusieurs points à améliorer, parmi lesquels :

– un certain manque de cohérence de la doctrine administrative. De ses travaux sur la simplification des implantations d’activités économiques, Laurent Guillot déduit que la dérive des délais ne relève principalement « ni des lois ni des règlements, mais de leur application. En allant sur le terrain, dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou les préfectures, j’ai rencontré des fonctionnaires de bon niveau, engagés et défenseurs de l’intérêt public. Par conséquent, le problème tient au management public et à la définition des priorités. Ces fonctionnaires de bonne qualité, appréciés, sont confrontés à des instructions contradictoires entre lesquelles on leur demande d’arbitrer, ce qui très difficile lorsque des intérêts s’opposent »  ([450]) ;

– cela concerne tout particulièrement l’obligation de compensation aux atteintes à la biodiversité des projets industriels.

Régis Passerieux, ancien commissaire à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre, témoigne qu’il existe aujourd’hui des demandes de la part de plusieurs sites industriels, qui ont écrit aux directions en leur demandant d’harmoniser et de clarifier les méthodologies de compensation environnementale. « J’ai connu plusieurs projets qui se sont présentés sur des zones humides. Nous avons posé le problème de la compensation et avons été confrontés à des doctrines toutes différentes. Par exemple, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) prévoit une compensation multipliée par quatre. Il a fallu que je déniche une jurisprudence du Conseil d’État de 2019 qui établit que l’on ne peut pas appliquer les critères du Sdage directement sur le plan local, si des règles de planification intermédiaire ne sont pas établies. Après avoir obtenu la compensation des seules fonctionnalités mises en place, j’ai été amené à définir ces fonctionnalités. Dans la commission de projet que nous avions mise en place, l’OFB est arrivée avec son guide pratique qui aurait valeur de norme [...]. Il a fallu exercer mon autorité pour maintenir le principe de compensation des dégradations seules. Le problème est que les élus, les gestionnaires portuaires nous ont demandé de trancher ce point. En Allemagne, les procédures sont plus standardisées, » observe-t-il. « En France, nous avons à l’inverse l’impression d’une absence d’arbitrages, en raison de l’émiettement des acteurs. En outre, les administrations centrales et locales ne sont pas toujours facilitatrices. Par exemple, au sein d’une même direction régionale, il peut exister des "avis sincères" différents. » ([451])

Il s’agit d’une difficulté également relevée par la DGE dans ses réponses écrites, au point d’être devenue « un frein clair à l’effort national de réindustrialisation dans un contexte de raréfaction du foncier disponible et de complexité administrative ». Elle constate que « le cadre de la compensation souffre d’un manque de clarté, évoluant de pratiques d’un département à l’autre et d’exigences non proportionnelles aux enjeux de réindustrialisation ». La compensation en zone humide (et donc en zones portuaires) est particulièrement complexe et difficile à anticiper pour les porteurs de projets à qui il peut être demander de compenser plus de 300 % des surfaces de zones humides altérées sur des zones particulières rares à trouver ([452]).

De plus, les espèces animales et végétales protégées sont listées par arrêtés ministériels pour l’ensemble du territoire, alors que le degré de risque de disparition d’une espèce peut varier selon la zone géographique. Ainsi, des espèces dites « à protéger » peuvent être faiblement menacées dans certaines zones géographiques au regard de leur prolifération ; une prolifération qui non seulement ne justifie pas des procédures et contraintes excessives qui ralentissent le développement de projets industriels, mais qui en plus peut compliquer la mise en place des compensations dans des zones saturées. Ainsi, interrogé par le rapporteur sur la pertinence d’une régionalisation de « la liste des espèces protégées afin de tenir compte de leur répartition nationale et d’adapter la réglementation aux réalités locales », Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine a déclaré : « Je partage entièrement vos propos. Nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer la différenciation territoriale de nos politiques publiques nationales » ([453]);

– Christophe Simonnet, directeur général de Faubourg Promotion (groupe IDEC), signale, pour sa part, quelques points de simplification nécessaires dans les procédures actuelles. À commencer par l’absence de délais d’instruction clairs. Il déplore, par ailleurs, qu’il arrive « fréquemment » que les services instructeurs décident après plusieurs mois d’instruction qu’un dossier initialement déposé en enregistrement doit basculer en autorisation. « Cette situation est particulièrement problématique, car elle n’est pas prévisible au moment du dépôt initial, malgré l’expertise des bureaux d’études impliqués. L’industriel se trouve ainsi confronté à un changement de procédure inattendu après une période d’instruction déjà conséquente. Cette complexité et cette imprévisibilité peuvent décourager les investisseurs. À titre d’exemple, l’industriel Bridor, pour lequel nous devions construire une importante usine, a finalement décidé d’investir ailleurs en Europe, suite à ces complications. » ([454])

Cela étant, la DGE a indiqué dans ses réponses écrites que plusieurs obstacles réglementaires ont été identifiés et font l’objet de travaux au sein des services de l’État, entre autres sur les procédures d’autorisation environnementales et d’urbanisme. « Il s’agit ici de rendre plus lisible le droit existant pour les porteurs de projets, d’harmoniser les pratiques d’évaluation et d’améliorer l’accompagnement des porteurs de projets. C’est notamment l’objet de la feuille de route du génie écologique » lancée le 24 juin par le Gouvernement ([455]).

La DGE travaille aussi sur une autre problématique soulignée par certains des acteurs auditionnés : la persistance d’une insécurité juridique au-delà de la prise de décision administrative, en raison de la multiplication des recours contentieux.

Le poids des procédures contentieuses

À ce sujet, la DGE écrit : « Le recours contentieux en matière de permis de construire ou d’autorisation environnementale est en augmentation constante et peuvent pénaliser l’activité économique lorsque les délais de traitement des contentieux s’allongent dans le temps. En moyenne, la durée d’un contentieux s’élève à 4 ans et peut s’étendre jusqu’à 7 années si tous les recours devaient être exercés par le requérant. Il peut être par ailleurs observé une certaine sédimentation de l’activité contentieuse du fait de l’importance du flux de contentieux supérieur au stock ».

La DGE a préparé un projet de décret en Conseil d’État relatif à l’accélération des procédures contentieuses et comprenant les dispositions suivantes :

– la suppression du double degré de juridiction (suppression de l’étape du tribunal administratif) pour les contentieux portant sur certaines décisions relatives aux projets soumis à autorisation environnementale (AE) ;

– la réduction des délais de jugement à 10 mois pour les PINM et les projets constituant une opération d’aménagement à destination de l’industrie ou d’entrepôt dont la superficie est supérieure ou égale à 40 000 m² d’emprise au sol ;

– l’extension à tous les contentieux portant sur les décisions relatives aux projets soumis à AE du dispositif de cristallisation des moyens au terme d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.

La DGE a saisi le conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) qui examinera le projet de décret lors de sa séance du 2 juillet 2025. La commission supérieure du Conseil d’État a également été saisie, sans retour à ce jour.

Enfin, la commission d’enquête a souhaité entendre la Commission nationale du débat public (CNDP) sur son poids dans les procédures administratives.

Le rapporteur reconnaît l’intérêt que certains industriels qui le souhaitent puissent organiser des débats publics relatifs à leurs projets, avec des arbitres reconnus pour favoriser acceptabilité sociale et l’ancrage territorial. Cependant, il lui semble que, telle qu’elle existe, la CNDP allonge surtout les délais et alourdit les procédures.

Le débat sur le poids des débats publics organisés par la CNDP

On rappelle que la Commission nationale du débat public (CNDP) doit être saisie avant toute prise de décision administrative, des projets dont le coût (bâtiments, infrastructures, équipements) est supérieur à 600 millions d’euros (article L. 121-8 du code de l’environnement).

Elle décide ensuite, au cas par cas, si le projet relève d’un débat public, d’une concertation préalable ou d’aucune de ces modalités de participation du public.

En théorie, un débat public dure au maximum 4 mois (pouvant être prolongé de 2 mois), la publication de son bilan et de son compte rendu nécessitant deux mois supplémentaires. Dans les faits, il peut dépasser les 12 mois. La concertation publique prend entre 15 jours et 3 mois. Mais l’ensemble de la procédure s’étend entre 6 et 8 mois si on décompte à partir du tout début du processus.

David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, s’étonne que la procédure mise en œuvre dépende du montant des investissements plutôt que de la réalité de l’impact sur l’environnement et que l’instruction du permis de construire soit bloquée tant que la CNDP ne s’est pas prononcée. Si le montant de leur investissement dans l’extension de leur usine à Chartres avait été annoncé dès le début du processus et que la procédure habituelle avait été suivie, les délais auraient été rallongés d’un an, et leur maison-mère aurait sans doute renoncé ([456]).

Stéphane Raison, ancien président d’Haropa Port et du Grand Port maritime de Dunkerque, évoque le cas de Tesla qui a abandonné un projet d’implantation à Dunkerque à la perspective d’un débat public d’un an, mais aussi, plus théoriquement, celui d’une usine qui voudrait s’installer dans une zone déjà entièrement consacrée à l’industrie ([457]).

Marc Papinutti, président de la CNDP, remarque cependant qu’elle intervient dans une phase très en amont, bien avant les phases aval d’enquête publique et toutes les autorisations, et que les projets industriels ne génèrent pas massivement des débats publics (deux seulement sur une trentaine de saisines industrielles sur la période 2021‑2023).

Les entreprises lui rapportent que les saisines constituent pour elles un moyen de « s’accrocher » aux territoires ou de revenir sur des territoires n’ayant plus d’industries. « Dans ces derniers cas, les entreprises apprécient souvent ces concertations, qui leur permettent de retisser des liens avec les territoires et les habitants » ([458]) – ce dont témoigne Frédérique Le Grevès, présidente de STMicroelectronics France : « Nous avons bénéficié de l’accompagnement de la Commission nationale du débat public (CNDP). L’élément crucial dans ce contexte est de privilégier la transparence et l’accompagnement, ce que nous sommes parvenus à réaliser avec la CNDP [...], ce qui nous a permis d’établir un dialogue et un engagement de toutes les parties prenantes, tant au niveau local que national ». ([459])

Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, a constaté que le recours à la CNDP est particulièrement pertinent pour des projets d’envergure car « elle apporte un élément rassurant supplémentaire ». ([460])

François Noisette, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, relève que les professionnels de la CNDP facilitent l’émergence du compromis nécessaire entre divers enjeux parfois contradictoires ([461]).

Laurent Guillot considère qu’il est important, à la fois vis-à-vis de la communauté et des principes démocratiques, qu’il y ait une concertation. « Si elle est bien menée, elle est fondamentale pour un industriel car elle permet de nouer une relation avec le territoire, et ce dans la durée. [...] L’engager le plus tôt possible permet d’avoir des discussions approfondies avec les citoyens et les pouvoirs publics. » Pour autant, une saisine systématique de la CNDP ne lui paraît pas justifiée – sauf si elle permet de gagner du temps ([462]).

2.   Le frein du manque d’innovation

a.   Le rôle de l’innovation

Dans un contexte de compétition économique internationale toujours plus forte, la capacité d’innovation des industries françaises constitue un élément déterminant de leur compétitivité actuelle et future. C’est ce que souligne Emmanuel Combe : « Bien que le différentiel de compétitivité-coût avec l’Allemagne ait été résorbé, notre problème réside dans l’autre aspect de la compétitivité, à savoir le hors-prix. Un client ne regarde pas uniquement le prix, mais le rapport entre le prix et l’utilité, c’est-à-dire la qualité. La France rencontre des difficultés dans certains secteurs, notamment dans les biens de consommation, comme le montrent les études Rexecode. Nous avons comblé l’écart de coût, ce qui était nécessaire, mais c’était peut-être la partie la plus facile. La compétitivité hors prix est un enjeu de long terme, impliquant l’éducation et la R&D sur une période de dix à quinze ans. » ([463])

Pourtant, les États membres de l’Union européenne accusent un retard conséquent sur leurs concurrents en matière d’innovation C’est le constat que présente Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne dans un rapport remis en septembre 2024 à la Commission européenne ([464]). Ce dernier met en lumière le rôle de second plan joué par les entreprises au sein de l’Union européenne dans le développement de technologies émergentes mondiales. Il note que, parmi les cinquante plus grandes entreprises technologiques mondiales, seulement quatre sont européennes. Ce constat est corroboré en France par l’analyse du Conseil national de la productivité ([465]), selon lequel les entreprises américaines ont investi plus de 335 milliards de dollars entre 2013 et 2023 dans l’intelligence artificielle, contre 103 milliards en Chine et seulement 8 milliards en France.

b.   Plusieurs facteurs contribuent au retard européen en matière d’innovation

● En premier lieu, le rapport Draghi souligne la « structure industrielle statique » de l’Union européenne, qui résulterait, d’une part, de la faiblesse de l’investissement et, d’autre part, de la fragmentation de son secteur financier. De manière générale, Mario Draghi souligne l’incomplétude du marché intérieur et la nécessaire consolidation des secteurs en réseau, notamment les télécoms.

● En second lieu, il souligne également le manque d’universités d’excellence. Alors que les États-Unis comptent vingt-et-un instituts de recherche dans les cinquante premiers mondiaux, l’Union européenne n’en compte que trois et son retard vis-à-vis de la Chine s’accentue.

● En outre, Mario Draghi estime l’investissement nécessaire pour rattraper le retard de compétitivité de l’Union européenne entre 750 et 800 milliards d’euros par an. Il préconise un ensemble de mesures permettant de soutenir financièrement l’innovation, notamment la mise en place d’une « Union de la recherche et de l’innovation », laquelle approfondirait le cadre existant de l’espace européen de la recherche (EER). Dans ce cadre, le rapport suggère la création de plans nationaux de recherche, élaborés en coopération avec les universités, les organisations de recherche technologique et les entreprises. Il propose également de dynamiser l’innovation en augmentant le financement des organismes de recherche de premier plan, à l’image du Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN).

● Enfin, le rapport Draghi préconise d’améliorer le financement de l’innovation de rupture et des start-ups en réformant le cadre normatif du secteur financier et en développant les fonds publics. Le rapport propose à ce titre une simplification et une harmonisation des règles boursières européennes.

Ce constat est confirmé avec lucidité par Christian Saint-Étienne : « L’industrie actuelle et de demain est électrifiée, robotisée et numérisée. Ce n’est plus le XIXe siècle et cela ressemble de plus en plus à des laboratoires. » Et pourtant « l’Union européenne a raté la troisième révolution industrielle. Plus de deux cents chercheurs dans le monde travaillent sur cette dernière depuis que l’on a compris que nous assistions à une nouvelle révolution, après celle de la machine à vapeur dans les années 1780 et celle de l’électricité dans les années 1880. Nous avons mis vingt ans à nous rendre compte que nous étions entrés dans la révolution informatique dans les années 1980. » ([466])

c.   En France, ce retard est aggravé par un niveau insuffisant de dépense en recherche et développement (R&D)

La dépense intérieure de recherche et développement française représente 2,28 % du PIB en 2020, en deçà de l’objectif fixé par l’Union européenne (3 %) ([467]). Si elle est supérieure à la moyenne de l’UE (2,19 %), cette part demeure inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE (2,68 %) et continue de stagner depuis une dizaine d’années. Représentant 2,22 % du PIB français en 2023, la R&D s’élève pour l’année 2024 à environ 57 milliards d’euros.

Dépenses intérieures de recherche et de développement (en % de PIB)

 Commentaire (INSEE) : les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) correspondent à la somme des moyens financiers, nationaux et étrangers, mobilisés pour l’exécution des travaux de R&D sur le territoire national par le secteur des administrations françaises (DIRDA) et par le secteur des entreprises (DIRDE). Elle comprend les dépenses courantes (masse salariale des personnels de R&D et dépenses de fonctionnement) et les dépenses en capital (achat d’équipements nécessaires à la réalisation de travaux internes à la R&D et opérations immobilières réalisées dans l’année).

Source : Conseil national de productivité, Un monde en mutation – productivité, compétitivité et transition numérique, tableau de bord statistique, avril 2025

Les entreprises réalisaient 66 % de la dépense totale de R&D en 2020, un niveau inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (72 %), mais légèrement supérieur à la moyenne de l’UE (65 %) et comparable à l’Allemagne (67 %). Comme le souligne Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), « entre 1996 et 2021, la dépense de R&D de la France est restée figée à 2,2 % du PIB, alors que l’Union européenne est passée de 1,6 % à 2,1 %, l’OCDE de 2 % à 2,7 % et la Corée du Sud de 2,2 % à 4,1 %. Cette stagnation française ne tient pas à l’investissement public, globalement équivalent dans les différents pays (entre 0,7 et 1 % du PIB), mais bien à la faiblesse de la dépense privée. En réalité, dans les secteurs où la France est historiquement forte, comme l’automobile, elle investit autant que ses concurrents. Ce qui manque, ce sont des secteurs à forte intensité de R&D, à hauteur de 10 à 15 %, tels que la pharmacie ou le numérique. » ([468])

Les entreprises françaises investissent peu dans les technologies d’avenir en proportion de leur investissement total

Source : Conseil national de productivité, Un monde en mutation – productivité, compétitivité et transition numérique, tableau de bord statistique, avril 2025

d.   La position scientifique et technique française se dégrade

En 2021, la France recense 2,4 % des publications scientifiques mondiales contre 3,5 % en 2011 et se situe au dixième rang des pays de l’OCDE ([469]). Selon le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) ([470]), entre le début et la fin de la décennie 2010, la part des publications scientifique de la France a baissé d’un quart dans le corpus total, à 2,4 % en 2017‑2022. Dans le même temps, la part des publications de l’Allemagne a baissé d’un sixième, elle est de 3,9 % du corpus total en 2017-2022. Au sein du corpus total des publications, le tassement des indicateurs d’impact scientifique de la France observé depuis le milieu de la décennie 2010 se confirme. En 2016-2021, parmi les pays comptant le plus de publications, la Suisse, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis ont des indicateurs d’impact de 30 à 40 % au-dessus de la moyenne mondiale, quand la France se situe dans la moyenne.

e.   Le décrochage dans les technologies d’avenir

Ce décrochage se constate dans la maîtrise des technologies d’avenir, comme l’intelligence artificielle ou les biotechnologies. Comme le souligne Éric Labaye : « Une récente étude australienne ([471]) a classé les pays leaders dans quarante-quatre technologies clés. Les États-Unis et la Chine sont présents dans chacune de ces catégories. Le Royaume-Uni l’est dans vingt-neuf, l’Allemagne dans dix-sept et la France dans seulement deux. » ([472]) Selon cette étude de l’Australian strategic policy institute (ASPI) ([473]) établissant un classement des cinq pays maîtrisant le mieux chacune des technologies d’avenir, la Chine est le pays le plus innovant dans trente-sept des quarante-quatre technologies-clés, dans des domaines cruciaux comme la défense, l’espace, la robotique, l’énergie, l’environnement, les biotechnologies, l’intelligence artificielle, les matériaux avancés et les technologies quantiques. Les États-Unis arrivent en deuxième position pour la plupart des technologies et sont en tête dans les domaines du calcul haute performance, de l’informatique quantique et les vaccins. Viennent ensuite le Royaume-Uni et l’Inde, qui figurent parmi les cinq premiers pays dans vingt-neuf technologies-clés, la Corée du Sud dans vingt d’entre elles et l’Allemagne dans dix-sept, l’Australie dans neuf technologies, l’Italie sept, l’Iran six, le Japon et le Canada quatre. La Russie, Singapour, l’Arabie saoudite, la France, la Malaisie et les Pays-Bas se classent parmi les cinq premiers pour une ou deux technologies seulement.

f.   Si les politiques d’investissement ont tenté de combler cet écart, force est de constater que leur effet demeure limité

En effet, la doctrine des programmes d’investissements d’avenir entre 2010 et 2020 priorisait les soutiens aux projets innovants destinés à augmenter le potentiel de croissance de l’économie, accélérer la transition écologique et accroître la résilience socio-économique du pays. Aussi, les principaux secteurs bénéficiaires des programmes d’investissements d’avenir (PIA) ont été le nucléaire, l’aéronautique, le spatial et l’énergie. Le comité de surveillance du PIA ([474]) a toutefois dressé en 2019 un bilan contrasté des bénéfices de ces plans pour l’industrie. S’ils ont, certes, soutenu l’innovation et la modernisation des secteurs historiques tels que l’aéronautique, l’automobile, le nucléaire ou le spatial, et qu’ils ont pallié les failles de marché en matière de financements des jeunes entreprises, les PIA ne sont pas parvenus à anticiper les ruptures technologiques. L’intelligence artificielle n’a par exemple pas constitué un axe fort, à la différence d’autres pays, et l’élaboration de la stratégie semble avoir insuffisamment pris en compte les travaux de veille et de prospective sur les ruptures technologiques. En conséquence, les effets des PIA 1 à 3 sur la spécialisation productive de l’économie, l’industrialisation et la compétitivité sont limités.

Ce constat a présidé à la création de France 2030, inspiré du rapport Potier ([475]), qui estimait qu’en concentrant les moyens et en décloisonnant les interventions publiques et privées via une nouvelle gouvernance public-privé et des moyens adaptés (les stratégies d’accélération), la France pourrait jouer un rôle de leader sur dix marchés-clefs prioritaires à l’horizon 2030. Le PIA 4, annoncé en 2020 et doté de 20 milliards d’euros, a amorcé ainsi un renforcement des soutiens à l’innovation. Il a ensuite été intégré au programme France 2030 annoncé le 12 octobre 2021. Au total, France 2030 bénéficie d’un budget de 54 milliards d’euros sur cinq ans – 34 milliards d’euros de nouveaux crédits (30 milliards d’euros pour des subventions et 4 milliards d’euros pour des investissements en fonds propres via BPIFrance) et les 20 milliards d’euros du PIA 4. Ainsi, selon Éric Labaye : « Sept à huit des secteurs identifiés dans ce rapport, comme le quantique, le spatial, l’alimentation, la santé ou la cybersécurité, se retrouvent aujourd’hui au cœur de France 2030. Il s’agit des secteurs dans lesquels la France a les moyens de construire une position forte, avec le soutien approprié de la puissance publique. » ([476])

France 2030 contribue insuffisamment à l’innovation des PME et d’ETI, qui constitue pourtant le socle industriel français. Eric Labaye explique : « France 2030 se concentre effectivement sur l’innovation et les ruptures technologiques et ne cible donc pas directement les PME traditionnelles de l’industrie classique, bien que celles-ci aient également besoin d’innover. Pour ces PME, l’enjeu principal réside dans la diffusion des nouvelles technologies. » ([477]) Si le Gouvernement a lancé en 2021 une stratégie intitulée « Start-ups industrielles et deep tech » qui vise à accompagner le passage à l’échelle une fois franchis les premiers stades du développement technologique, force est de constater que son ampleur est modérée et son financement limité (2,3 milliards d’euros essentiellement constitués de prêts). Dans le cadre de cette stratégie, et en lien avec les financements qu’elle accorde via son « Plan Start-ups et PME industrielles », la Banque publique d’investissement (BPIFrance) recensait 2 523 start-ups à vocation industrielle en 2023 ([478]) dans différents secteurs stratégiques : la santé (24 %), l’énergie (11 %), l’agro-industrie (11 %), l’électronique (11 %), les biens de consommation (9 %), la chimie industrielle et les matériaux (8 %), la mobilité (8 %), la valorisation des déchets et les dispositifs de dépollution (8 %), la robotique, l’impression 3D et les drones (6 %) ([479]).

Pourtant, la base industrielle constitue un vivier d’innovation crucial. C’est notamment ce qu’estime David Cousquer : « Il est souvent indiqué que la solution consiste à monter en gamme. Je crois, à l’inverse, que le problème général de l’industrie française réside dans son incapacité à reconquérir le bas de gamme. Le focus sur le haut de gamme conduit à se concentrer sur quelques niches, en ouvrant la place aux productions étrangères pour les objets du quotidien. » ([480])

g.   Les investissements de France 2030 pâtissent d’un ciblage trop large et d’une procédure trop administrée

C’est le constat établi par la commission d’évaluation de France 2030, qui soulignait en 2023 un effet d’entraînement positif sur les filières industrielles et l’écosystème de start-ups, mais mettait en exergue les limites du plan ([481]). Le comité se félicite de la naissance d’une demi-douzaine de start-ups s’insérant dans la course internationale à l’ordinateur quantique, ainsi que d’une vingtaine de projets innovants du secteur spatial. En matière de santé également, France 2030 soutient un tissu d’acteurs émergents dans le secteur des biothérapies et de la bioproduction thérapeutique. Toutefois, le comité alerte sur la nécessité d’améliorer le ciblage du programme : les champs d’investissement pourraient en effet être réduits à une vingtaine – contre une quarantaine actuellement – et le financement des projets dont l’efficacité n’est pas avérée devrait être arrêté plus rapidement.

Selon Eric Labaye, « les premières évaluations conduites montrent que France 2030 a permis un soutien massif à l’innovation dans des secteurs jugés pertinents par les acteurs économiques, qu’ils soient publics ou privés. En plus de l’impulsion forte dans les filières soutenues, le programme a également joué un rôle important dans la dynamisation des compétences [...]. Un autre élément clé, souvent sous-estimé, est l’impact territorial de France 2030, aujourd’hui reconnu comme un levier essentiel d’impact. » ([482]) Néanmoins, Bruno Bonnell reconnaît l’échec partiel de la stratégie d’accélération en matière d’hydrogène et de celle relative au développement des batteries électriques, en notant que « sur les dix objectifs mentionnés, la dynamique est bien engagée pour huit d’entre eux. Concernant les véhicules électriques, deux objectifs connaissent un décalage. Le premier concerne l’hydrogène vert. Malgré l’importance de l’hydrogène dans notre stratégie de décarbonation, nous constatons que certaines applications, notamment dans la mobilité, prennent plus de temps que prévu à se concrétiser. Par exemple, Airbus a reporté son projet d’avion à hydrogène et Alstom a décalé de plusieurs années son projet de locomotive à hydrogène. La compétition des batteries s’intensifie, remettant en question certains usages initialement envisagés pour l’hydrogène dans la mobilité légère. » ([483])

Malgré les efforts de simplification des gouvernements successifs, l’innovation reste bridée par les normes administratives qui méconnaissent les besoins des entreprises et induisent une distance regrettable entre l’écosystème de recherche et l’industrie, comme le relevait l’Inspection générale des finances en 2018 ([484]). La complexité du système français d’innovation, et en particulier de France 2030, est reconnue par l’ensemble des acteurs, y compris par Éric Labaye : « Aujourd’hui, l’État donne une impulsion à travers le SGPI, mais la question est de savoir comment cette impulsion se traduit en résultats concrets. Dans le domaine de la santé, par exemple, il peut soutenir le développement d’un biomédicament mais, avant que ce traitement n’arrive jusqu’au patient, il faut passer par la HAS, la fixation des prix, l’autorisation de mise sur le marché, et bien d’autres étapes. Nous observons ainsi des points de friction, dans l’écosystème français, entre l’investissement initial dans les phases de recherche amont et la mise effective sur le marché. [...] Nous constatons en effet que certaines entreprises choisissent de débuter leurs projets en France, profitant de l’excellence des chercheurs en biologie ou en informatique, mais préfèrent ensuite se développer à l’étranger, où le cadre est plus simple. Ce travail collectif de fluidification et de coordination au sein de l’écosystème est, à mes yeux, la priorité absolue » ([485]).

Les entreprises rencontrent des difficultés pour répondre aux appels à projets de France 2030 et regrettent les délais de versement des fonds. Ainsi, selon Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), « Les retours du terrain sur les méthodes d’appels d’offres [de France 2030] sont extrêmement compliqués. [...] Bien que la santé constitue un enjeu stratégique d’indépendance et de souveraineté, nous déplorons la très grande difficulté des entreprises de ce secteur à pouvoir émarger à France 2030 et à remplir les conditions d’attribution de ces appels à manifestations d’intérêts ou appels à projets. » ([486]) Ce constat est corroboré par Eric Labaye, selon lequel « entre le dépôt d’un projet et l’attribution effective d’une aide, il peut s’écouler des mois, alors que dans l’économie réelle, tout se joue à l’échelle de la semaine. » ([487])

En conséquence, France 2030 est un outil moins adapté à la réindustrialisation que le plan France relance, dont les aides reposaient sur une logique de guichet et qui a permis un ciblage plus large des PME et ETI. Pour Alexandre Montay du METI, « lors du plan France Relance, nous avons relevé la mise en place d’une véritable "équipe de France" à travers les collectivités territoriales, l’État et des préfets, qui a produit une mobilisation assez forte sur des appels à projets [...] Ceux-ci ont permis aux ETI d’en bénéficier, puisqu’elles ont obtenu 18 % des appels à projets "réindustrialisation". [...] Le bilan de France 2030 est à ce stade beaucoup plus mitigé, puisque 6 % des ETI y sont éligibles. En effet, les grandes lignes directrices de l’investissement de France 2030 ne sont pas dirigées vers le socle industriel que vous mentionnez, mais vers des technologies de rupture, quand les ETI se positionnent plutôt dans l’innovation incrémentale. » ([488])

h.   Les aides fiscales à l’innovation sont insuffisantes ou mal calibrées

Le Conseil d’analyse économique rappelait dans une étude de 2022 ([489]) que le soutien public à la R&D privée en France est un des plus importants de l’OCDE. L’État finance près de 20 % des dépenses de R&D privée à travers des incitations fiscales, contre 6 % en moyenne dans l’OCDE. Le crédit d’impôt recherche, en particulier, bénéficie aux entreprises de l’industrie électrique et électronique (15,5 %), pharmaceutique (11,1 %), construction navale, aéronautique et ferroviaire (6,7 %), automobile (6,4 %) et de la chimie (4,8 %) ([490]). Cependant, la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’innovation (CNEPI) a constaté, dans son évaluation du CIR publiée en 2021 ([491]), un effet d’entraînement modéré (de l’ordre d’un euro additionnel pour un euro de dépense fiscale) sur les activités de R&D.

Néanmoins on rappellera que le CIR permet de freiner la délocalisation des centres de R&D, et par conséquent, des sites de production industrielle. Cette analyse est avancée par France Stratégie ([492]), dont une étude identifie les facteurs du choix de localisation des unités de production en Europe. Il en ressort que, si les multinationales privilégient avant tout la réduction des coûts de production dans leurs choix d’implantation, la localisation des centres d’innovation contribue néanmoins à ancrer une partie des sites industriels. Ainsi, pour une entreprise, l’existence d’un centre de production en France augmente la probabilité d’y installer un centre d’innovation d’environ 74 %. En retour, l’existence d’un centre d’innovation en France augmente la probabilité d’y installer un centre de production de l’ordre de 62 %.

Aussi, l’ensemble des industriels auditionnés ont rappelé l’importance du crédit d’impôt recherche (CIR) pour soutenir l’investissement et l’innovation. Alors qu’en 2004, il s’établissait à 1,5 milliard d’euros et en 2009 à 4,5 milliards d’euros pour un peu plus de 14 000 dossiers, il devrait représenter, en 2025, 7,7 milliards d’euros pour près de 15 500 entreprises ([493]).

Comme le rappelle Olivier Marchal, le CIR constitue bien un facteur d’attractivité important pour la France : « Pour autant, nous ne sommes pas si mauvais : dans notre baromètre, 76 % des entreprises américaines estiment que l’écosystème d’innovation en France est bon, que les ingénieurs qualifiés sont de très grande qualité, de même que nos infrastructures technologiques. De plus, certains dispositifs sont appréciés comme ceux de France 2030 ou le crédit d’impôt recherche qui fait par ailleurs l’objet de critiques concernant des effets d’aubaine. Néanmoins, lors de mes discussions avec des chefs d’entreprise, tous me disent que le CIR a été déterminant dans le maintien ou l’implantation de leurs centres de R&D. Ces dispositifs ont ainsi fourni une aide précieuse dans des investissements risqués. » ([494]) De même, selon Louis Gallois, « le crédit d’impôt recherche (CIR) a produit ses effets. J’y suis viscéralement attaché : grâce à lui, les petites entreprises font autant de recherche qu’elles le peuvent et les grandes mènent leurs recherches en France et pas ailleurs. » ([495])

Par ailleurs, le CIR permet de rendre compétitive la R&D en France comme l’affirme le président de Michelin Florent Menegaux : son groupe « continuera naturellement à faire de la recherche avec ou sans crédit d’impôt, mais depuis que nous avons accès au CIR, nous avons relocalisé une grande partie de notre recherche en France, où nous avons augmenté nos effectifs de 250 personnes. Tout cela parce que le coût d’un chercheur est compétitif. [...] Je le redis, le CIR a permis le rapatriement de beaucoup de choses en France et il a eu un impact considérable sur l’écosystème français de la recherche. » ([496]) Des propos confirmés par Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance, qui a déclaré devant la commission d’enquête : « Au risque de vous surprendre, j’estime que le CIR participe davantage de la politique de l’emploi que de la politique de la recherche. Il s’agit en quelque sorte du CICE des ingénieurs. » ([497])

3.   Le frein de l’inadéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences des filières industrielles

a.   La réindustrialisation est contrainte par une pénurie généralisée de compétences

Selon la Cour des comptes ([498]), au premier trimestre 2024, 52 % des entreprises dans l’industrie rencontraient des difficultés de recrutement et 19 % se disaient limitées dans leur activité par le manque de personnel. Cette proportion est supérieure à celle constatée en Italie ou en Espagne. Les tensions s’exercent sur un large spectre de métiers industriels concernés par France 2030, notamment pour les techniciens de maintenance et les ouvriers qualifiés. De même, une mission d’inspection interministérielle conduite en 2023 relevait que « la tension de fond sur les recrutements industriels reste la problématique la plus difficile à résoudre, dans un contexte de concurrence accrue sur le marché du travail et de baisse du taux de chômage, alors même que les entreprises industrielles ont déjà plus fortement recours à l’intérim et au service public de l’emploi que d’autres secteurs. » ([499])

Ce constat est corroboré par les auditions menées par la commission d’enquête. Selon Aymeric Morin, directeur général adjoint en charge de l’offre de services de France Travail, si les tensions de recrutement tendent à diminuer, elles restent à un niveau élevé : « Le contexte se dégradant, les difficultés de recrutement diminuent, mais elles restent élevées – en 2024, elles ont concerné 59 % des offres dans l’industrie, soit 2 points de plus que la moyenne nationale. [...] Depuis 2023, plus de 370 000 offres concernant les métiers de l’industrie ont été déposées, et 6 % des demandeurs d’emploi sont inscrits sur ces métiers. Parmi les 1,5 million d’entreprises qui recrutent, environ 95 000 sont industrielles. [...] L’industrie se caractérise par des tensions de recrutement un peu plus élevées que dans le périmètre tous secteurs mais le taux et le délai de pourvoi des offres y sont aussi bons. » ([500])

De surcroît, ces tensions de recrutement sont fortement dispersées selon les branches et les territoires étudiés. Comme le rappelle Pascal Le Guyader, « la désindustrialisation a été contenue entre 2020 et 2023 ; l’évolution des effectifs salariés repart à la hausse avec 150 000 créations nettes d’emplois mais on note une hétérogénéité selon les secteurs : certaines branches recrutent beaucoup – le luxe, l’énergie ou la santé –, d’autres sont plutôt en involution d’emploi – le caoutchouc, le papier carton ou la chaussure. Cette hétérogénéité s’observe aussi dans les territoires. Selon nos constats et les remontées des conseillers, sur 216 000 recrutements en 2024, 60 % ont été jugés difficiles. Les métiers les plus cités sont : la maintenance générale et mécanique, en électricité, en électronique ; la chaudronnerie ; les soudeurs ; la conduite d’équipement et le contrôle qualité. Les difficultés de recrutement concernent toutes les catégories de collaborateurs – les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs. » ([501])

b.   À moyen terme, ces tensions de recrutement pourraient s’accentuer

Selon les projections réalisées par La Fabrique de l’industrie, le besoin de nouveaux profils formés aux métiers industriels s’élève à 110 000 par an en moyenne jusqu’en 2035 ([502]). Ce scénario s’appuie sur un solde net des créations d’emplois dans l’industrie de 170 000 en 2030, et d’environ 300 000 en 2035. De même, France Stratégie ([503]) estime qu’une part de production industrielle qui atteindrait 12 % du PIB pourrait nécessiter la création de 740 000 emplois entre 2022 et 2035, accentuant les tensions de recrutement dans des métiers déjà sous contrainte. Cette projection est d’autant plus inquiétante que les moyennes d’âge des métiers en tension sont parfois très élevées. Les taux de départ en fin de carrière dépasseront 35 % dans certains métiers d’ouvriers de l’industrie dès 2030, par exemple dans les industries graphiques, la métallurgie, l’électricité et l’électronique ou encore la mécanique.

c.   L’offre de formation est suffisante pour répondre, en théorie, aux besoins de l’industrie

Selon la Fabrique de l’industrie ([504]), les diplômés de niveau 3 de nature industrielle et sortant du système éducatif représentaient en 2022 un effectif d’environ 38 000 personnes, auxquels s’ajoutaient 64 000 jeunes actifs de niveau 4 (baccalauréat professionnel ou bac technologique industriel) et 23 000 jeunes de niveau bac +2. Au total, plus de 125 000 jeunes par an étaient donc diplômés pour se présenter sur le marché de l’emploi à un métier industriel. Pourtant, 67 % des entreprises industrielles faisaient état de difficultés de recrutement, contre 32% en moyenne entre 1991 et 2022. Par ailleurs, Olivier Lluansi note « un taux d’évaporation faramineux de 50 % » dans ces filières de formation, qu’il impute, d’une part, à une crise de vocation et une mauvaise orientation, d’autre part, à un mauvaise « carte des formations » en la qualifié de « verticale ». « Son organisation en filières ne tient absolument pas compte de la faible mobilité des Français, qui est une réalité sociologique structurelle : ces derniers changent plus de métier et de secteur que de maison. » ([505])

Selon la mission d’inspection précitée, « La situation est paradoxale : à court et moyen terme, le volume de personnes formées pour occuper un métier dans l’industrie est supérieur aux besoins en recrutement, or les tensions de recrutement augmentent. » ([506])

Les raisons de ce paradoxe sont connues :

 L’image de l’industrie demeure dégradée, pénalisant l’attractivité des formations et des métiers industriels. Dans une note d’information de 2023, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ([507]) relevait par exemple un lien entre formation et emploi relativement faible pour les métiers industriels dans le domaine des métaux et de la mécanique. Parmi les lycéens professionnels ayant suivi une formation en métaux et mécanique et en situation d’emploi six mois après leur sortie d’études, seuls 28 % exerçaient un métier en lien avec leurs études (contre 33 % en moyenne). Olivier Lluansi parle à ce titre « d’évaporation » des compétences ([508]).

Un lien distendu entre la formation aux emplois industriels et l’emploi industriel

Source : Christel Collin, Nathalie Marchal « Six apprentis sur dix et un lycéen professionnel sur trois, en emploi six mois après leur sortie de formation en 2020, exercent un métier en lien avec leur domaine de formation », Note d’information de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, n° 23.28, juin 2023

● La proportion d’étudiantes en sciences et technologies progresse peu. Selon une étude du cabinet Gender Scan ([509]) réalisée en partenariat avec la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), la proportion de femmes diplômées des filières sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) baisse en France de 6 % entre 2013 et 2024, quand elle progresse de 19 % en moyenne européenne.

Cette sous-représentation des femmes, et plus largement des jeunes issus de milieux sociaux défavorisés, vers les métiers industriels et scientifiques pénalise le développement de l’industrie et de son image. Cette baisse a été accentuée par la réforme Blanquer de 2019, supprimant du tronc commun les mathématiques. « Avec un effet plus grand depuis 2019 : le décrochage s’est accentué avec la réforme du bac et l’instauration d’un choix de deux spécialités. Alors que l’écart entre les filles et les garçons choisissant le bac "sciences" tendait à se réduire, la possibilité, ouverte initialement par la réforme, d’abandonner les mathématiques en classe de première est venue signer un retour en arrière net. L’effectif des filles qui suivent des cours de maths a chuté de 61 %. » ([510]) En 2022, un garçon avait 2,3 fois plus de chances qu’une fille d’avoir un bac « sciences », les filles s’autocensurant plus que les hommes. Depuis cette réforme, la proportion de bacheliers disposant d’un baccalauréat « sciences » est passée de 52 % à 27 % en 2022, entraînant de légitimes inquiétudes quant aux compétences futures nécessaires au développement de l’innovation.

Une ouverture insuffisante des formations scientifiques aux femmes et aux étudiants issus de milieux populaires

Source : Gender Scan, Enquête Gender Scan Etudiants ingénieur 24, 20 février 2024, https://www.genderscan.org/Docs/CP_Etudiants_Ecoles_Ingenieurs_2024.pdf

● La proportion des jeunes bacheliers en filière professionnelle est insuffisante. Selon l’Insee, ([511]) depuis 1985 et l’objectif d’accompagner une part plus importante d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, la proportion de bacheliers dans une génération a augmenté de 50 points, pour atteindre près de 80 % pour la session 2023 : 44 % dans la voie générale, 16 % dans la voie technologique et 20 % dans la voie professionnelle. Après un palier dans les années 2000 (1995‑2010), autour de 62 %, cette proportion est ensuite repartie à la hausse sous l’impact de la réforme de la voie professionnelle (suppression du brevet d’études professionnelles (BEP) préparé en deux ans, baccalauréat professionnel en trois ans). En 2020 et 2021, avec les aménagements liés à la crise sanitaire, la proportion de bacheliers a fortement augmenté avant de retrouver, depuis 2022, son niveau d’avant‑crise.

Évolution des bacheliers par voie depuis 1970

Source : Insee, Formations et emploi, édition 2025, 12 février 2025

● La rationalisation de l’offre de formation aux métiers industriels. Comme le rappelle la Fabrique de l’industrie ([512]), depuis le début des années 1990, nous assistons à une rationalisation de l’offre de formation aux métiers industriels. Au cours des trente dernières années, La Fabrique de l’industrie recense au moins 105 fermetures d’écoles de formation aux métiers industriels dépendant de l’Éducation nationale ou privées, et peu ou pas d’ouvertures. Cette tendance ne s’est pas inversée durant la décennie 2010-2020, hormis peut-être le cas spécifique des écoles de production. La note cite en particulier l’école industrielle de Rouen, fermée en 2013, ou le lycée Paul Dassenoy de Morhange-en-Moselle, fermé en 2014. Le centre AFPA de Roanne a également fermé en 2020 alors qu’il proposait une formation unique de confection et de retouche des vêtements sur mesure.

Olivier Lluansi confirme ce constat : « Nous avons été frappés de constater à quel point notre politique de formation est verticale. Son organisation en filières ne tient absolument pas compte de la faible mobilité des Français, qui est une réalité sociologique structurelle : ces derniers changent plus de métier et de secteur que de maison. » ([513])

Dans ce contexte de faible mobilité professionnelle et territoriale des travailleurs, la relance industrielle nécessite un ancrage local fort, porté par un réseau dense d’entreprises industrielles. C’est dans cette logique que s’inscrit la création de l’Université des métiers du nucléaire, lancée en 2021, qui vise à répondre aux besoins massifs en compétences de la filière. En fédérant les acteurs locaux industriels, les établissements de formation et parties prenants publiques, elle contribue à structurer des parcours qualifiants de proximité. Ce modèle sectoriel et décentralisé semble constituer un levier pertinent pour favoriser l’ancrage des savoir-faire, renforcer l’attractivité des métiers industriels et accompagner la réindustrialisation depuis les territoires dans un secteur précis.

d.   Une mobilité des travailleurs relativement faible, renforçant le besoin d’une réindustrialisation par le socle de PME et d’ETI

Selon Emmanuel Combe, « il y a clairement un problème d’attractivité de l’industrie, mais aussi potentiellement un problème de mobilité géographique. En France, le facteur travail est relativement peu mobile, notamment en raison de difficultés d’accès au logement. Pour que les start-ups se développent, elles doivent pouvoir attirer des talents et des compétences. C’est donc la question de la mobilité du travail entre les entreprises et sur le plan géographique qui se pose. » ([514])

Puisque l’industrie se caractérise par la rapidité de l’évolution de ses métiers, comme l’a souligné Pascal Le Guyader de l’Opco 2i ([515]), l’offre de formation doit pouvoir évoluer rapidement et s’adapter aux besoins rencontrés par les industriels à l’échelle du bassin d’emploi. À ce titre, les écoles de production constituent une réponse utile, quoique non suffisante, à des besoins spécifiques. C’est ce que souligne François Wohrer de la Banque des territoires : » [Ces écoles] s’adressent à des publics très locaux, qui ne se déplacent pas dans un rayon supérieur à trente kilomètres de leur lieu d’habitation, quelles que soient la qualité et la renommée de l’école de production. En conséquence, le public accueilli est extrêmement réduit, de dix à trente personnes. » ([516]) Leur impact est cependant réel sur le bassin d’emploi.

L’exemple de l’école de production du Territoire d’Industrie Lacq-Pau-Tarbes

Comme l’a détaillé Audrey Le-Bars présidente-directrice générale du GIP Chemparc, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, « grâce à Territoires d’industrie, nous avons pu obtenir un fonds dédié aux écoles de production, notamment pour l’amorçage et des premiers investissements. Ce projet est une réussite, car il a été véritablement porté par les industriels. Dans le cadre de la GPECT, nous avions identifié dans la région tarbaise des problématiques d’attractivité des métiers et l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a été localement le fer de lance concernant cette production.

« Nous avons donc calibré cette école en fonction des besoins des industriels, à qui nous avions indiqué dès le départ qu’il serait nécessaire de procéder initialement à nombreux accompagnements. Nous avons bénéficié de subventions au niveau national, sur tous les dispositifs. La Banque des territoires nous a accompagnés dans cette démarche. Des grands comptes nous ont également aidés, notamment la Fondation TotalEnergies, qui a initié des investissements. S’agissant du fonctionnement, nous avons sollicité la région Occitanie, qui nous a accompagnés ; et l’Éducation nationale nous a accordé une labellisation sur cette école. Les industriels, qui siègent au conseil d’administration, créent le chiffre d’affaires de l’école de production. Tout le monde a joué le jeu, notamment les filières ferroviaires et métallurgiques. L’école entame aujourd’hui sa deuxième année d’existence et nous accompagnons désormais trente jeunes au quotidien. Nous déployons maintenant le traitement de surface et nous réfléchissons à une autre école de production sur un autre secteur, peut-être la restauration, afin d’accompagner la dynamique d’une zone d’activités économiques. »  ([517])

C.   Le manque de volontÉ politique pour renforcer les flux financiers vers l’investissement productif

1.   Le frein du financement privé

a.   Parmi les secteurs de l’économie marchande, l’industrie se distingue par son volume d’investissement

En 2021, selon l’INSEE ([518]), les investissements corporels bruts du secteur industriel s’élevaient à 68 milliards d’euros, soit 27,7 % de l’investissement des secteurs marchands (pour une part dans l’emploi total de 23,4 %). À court et moyen terme, le besoin de financement des entreprises industrielles suit une tendance haussière. Outre le besoin en fonds de roulement, l’industrie est confrontée à des enjeux de long terme qui nécessitent des investissements de capacité et d’adaptation de l’appareil productif, afin de répondre à la compétition technologique internationale et de se moderniser en matière de transition écologique, de robotisation ou encore de numérisation. Selon l’institut d’économie pour le climat, les besoins d’investissements pour décarboner les productions d’acier, de ciment, d’alcènes et d’ammoniac sont compris – à eux-seuls – entre 3 milliards d’euros et 14 milliards d’euros à l’horizon 2050 ([519]).

b.   Un système financier français globalement performant, reposant sur le crédit bancaire

Dans l’ensemble, nos auditions ont rappelé la force du système financier français, qui répond globalement aux attentes des industriels, comme le soutient Olivier Vignal de Paris Europlace : « La force de l’économie française réside effectivement dans la taille de son secteur financier. En termes de total de bilan des banques et des compagnies d’assurance, nous occupons la première place en Europe. Le capital-investissement, ainsi que la gestion d’actifs, constituent également des atouts majeurs pour la France. » ([520])

Si l’autofinancement demeure la première source de financement pour l’investissement des entreprises industrielles, comme le mentionnait lors de son audition Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire ([521]), la mobilisation de capitaux externes repose le plus souvent sur le crédit bancaire. C’est ce que souligne la Banque de France, qui rappelle que le financement bancaire reste majoritaire en Europe contrairement aux États-Unis ([522]). Au total, le crédit bancaire représente en France 68 % du financement des entreprises contre 58 % au Royaume-Uni et 25 % aux États-Unis ([523]). Selon Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), « le financement bancaire de l’industrie en France se caractérise par son ampleur, son dynamisme et son fort potentiel. Les crédits à l’industrie manufacturière représentent ainsi 13 % du total des crédits aux entreprises, une proportion nettement supérieure à la part de ce secteur dans le PIB, inférieure à 10 %. Les encours de crédit à l’industrie ont connu une progression significative, passant de 160 milliards d’euros en 2020 à 180 milliards aujourd’hui. Cependant, nous n’avons pas encore retrouvé le niveau de 17 % observé au début des années 2010. [...] Sur le plan conjoncturel, l’industrie affiche une résilience notable, avec une part des défaillances nettement inférieure à sa part dans l’économie globale. » ([524])

Pour Olivier Vigna, de Paris Europlace, « la France occupe une position avantageuse au niveau européen en termes d’équilibre entre les financements intermédiés par les banques et les financements de marché. La part du crédit dans l’ensemble de la dette des sociétés non financières en France s’élève à 67 %, contre 87 % en Allemagne et 79 % en zone euro. [...] L’évolution de l’encours des financements aux entreprises, qui dépasse les 2000 milliards d’euros, montre que les deux tiers proviennent de financements bancaires. » ([525])

S’il finance efficacement l’industrie, grâce à la présence d’acteurs bancaires d’envergure européenne bien implantés sur l’ensemble du territoire, le financement bancaire demeure toutefois un obstacle pour certaines très petites entreprises. L’ancien ministre Arnaud Montebourg le relevait lors de son audition : « Il n’y a pas de banques pour les petites entreprises, notamment parce que celles-ci sont classées de façon très négative dans les systèmes de prudentialité issus de l’accord de Bâle III. Certains secteurs se retrouvent ainsi en situation de resserrement du crédit ou credit crunch. » ([526])

c.   Pour autant, le volume potentiel de crédit bancaire est sous-exploité

En effet, la réglementation financière dite de « Bâle III » – du nom des propositions de réglementation bancaire arrêtées en 2010 par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et transposées en droit européen sous la forme d’un règlement du 31 mai 2024 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne les exigences pour risque de crédit, risque d’ajustement de l’évaluation de crédit, risque opérationnel et risque de marché et le plancher de fonds propres (dit « règlement CRR3 ») et d’une directive, dont la dernière version est la directive du 31 mai 2024 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (dite « directive CRD6 ») – impose aux institutions bancaires de se conformer à des exigences prudentielles visant à maîtriser leurs principaux risques. Ainsi, cet accord leur impose-t-il de se couvrir face aux risques d’insolvabilité et d’illiquidité en respectant des ratios spécifiques (cf. Des financements bancaires limités du fait des règles prudentielles ci-dessus). Si le respect de ces ratios ne constitue pas en tant que tel une contrainte à la capacité de prêt des institutions bancaires, il pose cependant un désavantage concurrentiel, par rapport aux banques américaines, les États-Unis n’ayant pas encore transposé l’accord de Bâle. Selon Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, « Néanmoins, nous n’avons pas le sentiment que les règles de Bâle III aient excessivement entravé la capacité des banques à prêter. Ce qui est certain, c’est qu’elles ont réduit la rentabilité de leurs capitaux engagés et diminué leur avantage comparatif par rapport aux banques américaines, qui ne respectent pas ces règles du Comité de Bâle. » ([527])

d.   L’industrie française recourt au financement désintermédié coté ou non-coté, en complément du crédit bancaire

Ainsi, en France, 32 % du financement des entreprises passe par des acteurs de marché ou des sociétés d’investissement, une part supérieure à la moyenne européenne (24 %) et en particulier à celle de l’Allemagne (14 %). Là encore, des marges d’amélioration existent. Celles-ci tiennent, d’une part, au nombre limité d’introductions en bourse, qui s’explique par le long processus de développement avant que les entreprises n’atteignent une taille suffisante pour accéder au marché. C’est le « passage difficile de la vallée de la mort » ([528]) évoqué par le professeur Emmanuel Combe et qui renvoie à la phase d’industrialisation (late stage), particulièrement critique pour les entreprises industrielles ([529]). Selon Emmanuel Combe, « la construction d’une capacité de production nécessite des capitaux, ce qui prend du temps ».

D’autre part, la réglementation stricte imposée aux acteurs de marché bride leur activité de financement. À cet égard, les représentants de la place boursière de Paris soulignent la complexité réglementaire introduite par la directive du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers, dite « directive Mifid » ([530]). Ainsi selon Augustin de Romanet, « le marché des actions présente également des difficultés, avec une diminution des introductions en bourse, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises. Cette situation est exacerbée par le manque d’analystes financiers suivant ces sociétés, conséquence notamment de la directive du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers dite "directive Mifid" qui a interdit la rémunération [des intermédiaires pour la recherche et l’analyse financière des PME cotées] » ([531]) La contrainte exercée par la directive Mifid est également soulignée par le banquier Yves Perrier : « Un autre élément concerne la directive européenne du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers ou Markets in Financial Instruments Directive (Mifid). Acheter des actions par l’intermédiaire des réseaux bancaires relève du parcours du combattant. Cette approche est absurde, car le risque ne réside pas dans le fait de détenir des actions, mais bien dans l’allocation excessive en actions. Il est à mon sens nécessaire de repenser entièrement l’approche de cette réglementation issue de la Mifid, car il s’agit là d’un véritable problème structurel. » ([532])

e.   Les investisseurs institutionnels pourraient contribuer davantage à la réindustrialisation

Alors que l’encours des assurances-vie et des fonds de pension français atteint 2 400 milliards d’euros selon la Banque de France, dont 92 % sont gérés par les organismes de placement collectif (OPC) ([533]), seulement 800 milliards d’euros, soit 33 % de ces placements, contribuent directement au financement des entreprises sous forme d’actions, de fonds d’actions ou d’obligations. Ce ratio, stable dans le temps, pénalise le financement de l’industrie et s’explique, entre autres facteurs, par la part importante des obligations souveraines (22 %) et des obligations du secteur financier (29 %) dans les placements des OPC.

Cette situation constitue un frein majeur à la réindustrialisation, comme le souligne Louis Gallois : « L’assurance-vie en France rassemble 2 000 milliards d’euros, placés en euros ou en unités de compte. Dans les contrats en unités de compte, une partie des fonds sont placés en actions. Pourquoi ne pas l’élargir ? Pourquoi ne pas la doter d’un avantage fiscal, pour intéresser les épargnants ? On nous répond que l’assurance-vie sert à financer le déficit de l’État. Je souligne que 45 % des capitaux sont placés à l’étranger, dans des placements très sûrs, comme les bons du Trésor allemand. » ([534]) À ce titre, Yves Perrier mentionne une « tendance à l’exportation de l’épargne européenne »([535]) qui pourrait être davantage mobilisée pour financer les investissements industriels.

Un investissement insuffisant des organismes de placement collectif

Source : Document diffusé par Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, lors de son audition le 26 mars 2025

Nous reviendrons plus loin sur les moyens à mettre en œuvre pour lever le frein du financement privé. Rappelons ici le constat lucide de l’ancien ministre Renaud Dutreil : « Je suis favorable à ce qu’une part de 10 % de l’assurance vie, environ 200 milliards d’euros, soit fléchée vers les entreprises françaises et que l’avantage fiscal de ce dispositif dépende de ce fléchage. Ce système serait dans l’intérêt de tout le monde : l’épargnant verrait le rendement de son portefeuille d’assurance-vie amélioré, les entreprises bénéficieraient d’un afflux de capitaux et nous parviendrions à financer de façon saine notre impératif de grandes transitions. » ([536])

f.   L’insuffisance de l’investissement non-coté

Dans l’ensemble, la France dispose d’un système de financement en capital‑risque et capital-investissement performant. C’est ce que souligne Bertrand Rambaud, président de France Invest : » Notre secteur injecte annuellement 50 milliards d’euros dans l’économie française, soutenant 8 000 entreprises en France et 10 000 en Europe. Concernant l’industrie, nous investissons chaque année 10 milliards d’euros en capital, dette privée et infrastructure, soit 25 % de notre activité totale. L’industrie et les services associés constituent donc le premier secteur ciblé par le capital-investissement français. » ([537])

Néanmoins, la culture d’investissement industriel reste peu portée vers les intermédiaires financiers non bancaires. Les fonds de capital-investissement restent trop peu présents au capital des PME et ETI industrielles pour participer substantiellement à la réindustrialisation. C’est ce que regrette la chercheuse Anaïs Voy-Gillis : « Les fonds d’investissements privés totalement dédiés à l’industrie sont en effet très peu nombreux, parce que les montants à investir – les fameuses dépenses d’investissement capitalisées au bilan d’une entreprise ou capital expenditures (Capex) – sont plus importants, que le retour sur investissement est plus long et que les taux ne sont pas forcément les mêmes que dans des secteurs comme le secteur de la technologie. J’ajoute que la France manque de bureaux de gestion de patrimoine (family offices) dirigés vers l’industrie, alors que l’Allemagne est assez richement dotée en la matière. C’est donc peut-être la culture financière qu’il convient de faire évoluer au regard de nos ambitions. » ([538])

g.   Les entreprises industrielles peinent à se financer en fonds propres, indispensables aux investissements productifs

Ce constat est unanimement partagé par les personnes auditionnées. Pour Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance) : « L’industrie n’a pas tant besoin de liquidités. Le système bancaire français, exceptionnel et omniprésent sur les territoires, fournit déjà les crédits nécessaires. Ces crédits requièrent parfois des garanties, certes, mais cette liquidité provient déjà de l’épargne des Français. Le véritable besoin de l’industrie réside dans les fonds propres. Garantir les fonds propres est cependant complexe et coûteux, car ils sont environ dix fois plus risqués que le crédit. » ([539]) De même, d’après le professeur Olivier Lluansi, « nos PME et nos petites et moyennes industries (PMI) ne parviennent pas à trouver de financement en haut de bilan. Le système bancaire actuel ne finance pas ce risque par la dette et il existe également un problème en matière de fonds propres. » ([540]) L’expert déclare ensuite : « Nous disposons en France de 6 600 milliards d’épargne financière. Pour mener à bien la réindustrialisation au cours des dix années à venir, nous devons investir 200 milliards supplémentaires, ce qui représente 2 à 3 % de l’épargne des Français. Je ne suggère pas de taxer cette épargne pour l’orienter, mais simplement de mettre en place des mécanismes qui permettraient à chaque Français d’investir dans l’outil productif. » ([541])

Pourtant, le financement en fonds propres constitue une source de stabilité importante qui permet de se projeter dans la durée. Aussi doit-il être renforcé. C’est ce que préconise le président de France Invest Bertrand Rambaud : « Il est impératif de recréer des outils permettant un accompagnement sur le long terme, que ce soit pour des entreprises familiales nécessitant des investissements minoritaires ou pour des investissements technologiques qui requièrent généralement plus de cinq à sept ans pour générer de la performance. Nous devons redonner du temps à ces capitaux pour qu’ils produisent du rendement et soutiennent efficacement ces entreprises. » ([542])

Certaines dispositions de la loi relative à l’industrie verte ([543]) vont dans ce sens, notamment l’obligation faite aux établissements financiers de proposer une gestion pilotée comprenant une part minimale d’investissements non cotés dans les contrats d’assurance-vie et les plans d’épargne-retraite (PER). De même, la création du plan d’épargne avenir-climat (PEAC) a vocation à soutenir l’investissement dans des projets industriels bas carbone. Néanmoins, l’encours des plans d’épargne destinés aux entreprises productives demeure insuffisant pour répondre aux besoins de l’industrie. Comme le souligne Olivier Lluansi : « Si vous demandez à votre conseiller bancaire des placements pour soutenir le développement économique de votre territoire, il vous proposera peut-être le plan d’épargne en actions pour les PME (PEA-PME). Cet outil, qui ne collecte que 2,6 milliards pour 200 milliards de besoins [besoin sur 10 ans afin d’atteindre 15 % du PIB] est très insuffisant, non pas en raison d’un manque d’intérêt des épargnants, mais essentiellement parce que les banques, incorrectement rémunérées, le proposent rarement. [...] L’échec actuel – bien qu’il soit sans doute trop tôt pour l’affirmer – des produits proposés dans la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte provient du fait qu’ils ne sont pas proposés aux ménages. [...] Le problème n’est donc pas l’attractivité de la rentabilité, mais la diffusion, qui n’est pas à la hauteur des enjeux. » ([544])

Lever le frein du financement privé implique donc de renforcer une culture financière chez les ménages, de sensibiliser plus largement à l’urgence d’une mobilisation en faveur de l’industrie et de créer des instruments pour mobiliser notre atout sous-exploité qu’est l’épargne des Français, sur la base du volontariat. Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française, considère ainsi qu’« actuellement, tant au niveau français qu’européen, nos modes de traitement de l’épargne favorisent excessivement la liquidité totale. Cela se traduit par la possibilité pour les épargnants de récupérer immédiatement leurs fonds, tout en bénéficiant d’une rentabilité optimale compte tenu d’une prise de risque nulle. Cette situation, particulièrement marquée en France avec l’épargne réglementée, crée une sorte de formule magique combinant risque zéro, liquidité totale et rémunération potentiellement supérieure à d’autres titres. » ([545])Aussi, selon Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance, « le défi n’est pas tant la canalisation de l’épargne vers l’industrie que la stimulation d’un désir d’innovation et de prise de risque. » ([546])

2.   Le frein du financement public

a.   Résultat d’une culture planificatrice autant que des limites du financement privé, le soutien public à l’industrie est un atout

En cela, la France s’inscrit dans une tendance mondiale à l’essor des politiques industrielles, comme l’a mis en évidence la direction générale du Trésor ([547]). Selon Nicolas Dufourcq, « L’implication prépondérante des États dans le financement de l’innovation industrielle marque un tournant significatif. Cette approche, initiée en France avec le Fonds stratégique d’investissement et le grand emprunt, témoigne d’un retour à une forme de planification inspirée du colbertisme, en réaction à la désindustrialisation. Cette stratégie a donné naissance à des institutions comme BPIFrance et au programme France 2030. » ([548]) L’intervention publique prend aujourd’hui des formes variées et mobilise les administrations publiques à toutes les échelles, de la commune jusqu’au niveau européen. À ce titre, elle constitue un atout indéniable permettant de positionner les entreprises industrielles dans les filières d’avenir.

b.   Néanmoins, l’ampleur du financement engagé interroge, alors que la progression continue de l’endettement public appelle une rationalisation de la dépense

Dans l’ensemble, le montant moyen des transferts financiers aux entreprises industrielles a été évalué par la Cour des comptes à 21,7 milliards d’euros entre 2012 et 2019 et à 34,8 milliards d’euros entre 2020 et 2022 ([549]). Hors prise de participation publique et rétributions aux producteurs d’énergie, le coût budgétaire des soutiens publics à l’industrie est évalué par la Cour des comptes à 26,8 milliards d’euros par an entre 2020 et 2022.

Dans le détail, la structure du financement public fait apparaître une prédominance des niches fiscales et sociales, évaluées par la Cour des comptes à 17,2 milliards d’euros entre 2020 et 2022. Ces dispositifs comprennent notamment le crédit d’impôt recherche et les allègements généraux de cotisations sociales, dont on a rappelé plus haut qu’ils font l’objet de critiques tenant à leur ciblage ([550]). Surtout, comme le note la Cour, les niches fiscales et sociales ne suffisent pas à compenser la perte de compétitivité-prix provoquée par la fiscalité des entreprises, en particulier les impôts de production. Selon la Cour des comptes, « la fiscalité des entreprises industrielles reste sous-optimale en raison de l’existence d’impôts de production dont les modalités de calcul sont défavorables à la production en France, et dont l’industrie supporte une part significative. » ([551])

Outre les niches fiscales et sociales, le financement public de l’industrie recourt aux interventions en capital de l’Agence des participations de l’État, BPIFrance, la Caisse des dépôts et l’Ademe Investissement. Ce mode d’intervention constitue un levier essentiel de la réindustrialisation permettant de soutenir les entreprises en fonds propres dans la durée. C’est ce que souligne Yann Vincent : « Pour faire face à cette difficulté structurelle en phase de "ramp-up", puis de "scale-up", les industriels européens devraient être aidés au risque de voir des défaillances se multiplier, à l’instar du dossier Northvolt. » ([552])Au total, selon la Cour des comptes, les interventions en fonds propres dans des entreprises industrielles ont représenté 2,2 milliards d’euros entre 2012 et 2022.

À cet égard, la Banque publique de développement (BPIFrance) est devenue un acteur de la réindustrialisation, notamment via le plan « Start-ups et PME industrielles », qui ambitionne l’ouverture de cent sites industriels par an à l’horizon 2030.

Une gamme de services proposée par BPIFrance

BILAN20249MD€EN2024AUPRÈSDE11 500PROJETSINDUSTRIELSPOURRÉPONDREALEURSENJEUXDECROISSANCEETDETRANSFORMATION2FINANCEMENTFinancementCourt Termeau profit deplus de 800entreprisesDiagnosticsauprèsd’industriels,soit> 40%dunombre totaldiagnosticsEntreprisesaccéléréesdans l’industrie(60% dunombre totald’accélérés)Financementdel’innovationdans1 588entreprisesindustrielles973M€Prêts bancairesgarantisauprès deplus de 4 700entreprisesindustrielles63023003,7Md€ACCOMPAGNEMENTINNOVATIONINVESTISSEMENTGARANTIEEXPORT1,2Md€Investissement enCapitalDéveloppement etCapital innovation790M€FinancementMoyenLongTermeauprèsde1 600entreprisesindustrielles19Md€1,7Md€1,7Md€7,2Md€> 6 000membresLe Tour deFrance de nosIndustries1tournée en bus, 13villes, 14usines visitées+ 2500 élèves et étudiants mobilisés150M€FONDS DEFONDSInvestissement dansle FNVI19Md€115M€AssuranceProspection+ 19 Md€enAssurance Export2023 :1,3 Md€ MLT1,7 Md€ CT2023 :5,2 Md€ dont 4 Md€volet dirigé2023 :1 Md€2023 :300 M€2023 :0,9 Md€2023 :264 M€80M€Créditexport10,6 Md€2023 :1088 Diag ActionXXX Accélérés

Source : document transmis par BPIFrance en réponse aux questions du rapporteur.

Ce plan s’articule autour de plusieurs dispositifs de financement direct, via des financements dilutifs en fonds propres et des soutiens non-dilutifs (aides et prêts), ainsi que par des investissements indirects dans des fonds de fonds. BPIFrance mobilise ainsi une gamme variée de dispositifs, qui comprend également des dispositifs d’accompagnement.

Selon son directeur général Nicolas Dufourcq, la France dispose « du plus important dispositif mondial d’investissement en fonds propres pour les entreprises. Selon les baromètres comme Pitchbook, la France se classe systématiquement première ou deuxième au niveau mondial en termes de nombre d’investissements en fonds propres annuels, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises (PME), et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). En incluant nos investissements conséquents en capital-risque, nous sommes probablement le numéro un mondial en nombre d’opérations de fonds propres par an. » ([553])

c.   Un dispositif incomplet

 Comme souligné plus haut, BPIFrance ne doit pas se substituer à l’investissement privé. En effet, un niveau d’intervention excessif pourrait engendrer un effet d’éviction de l’investissement privé. C’est la crainte évoquée par l’ancien ministre Arnaud Montebourg, qui estime que « l’existence de BPIFrance déresponsabilise les banques » et freine l’émergence d’une culture du risque ([554]). Par ailleurs, les subventions accordées au titre du plan France 2030 demeurent trop orientées vers l’écosystème d’innovation et trop complexes à mobiliser pour les PME et ETI. Dans ce cadre, des dispositifs plus larges pourraient être privilégiés, comme les avances remboursables, les fonds régionaux d’investissements ou, comme le préconise plutôt le rapporteur, la création d’un fonds souverain.

Il importe également de ne pas recourir excessivement aux prêts garantis par l’État qui – s’ils ont contribué à la résilience de nombreux secteurs dont l’automobile face aux crises sanitaires et énergétique de 2020 et 2022 – induisent une charge d’endettement lourde pour les PME. C’est là un écueil important du soutien public aux entreprises, confirmé par Arnaud Montebourg : « Les PGE sont une machine à tuer les entreprises en ce moment » car « prêter l’équivalent de 25 % du chiffre d’affaires à rembourser sur 5 ans donc en 5 fois, c’est l’assurance que le revenu moyen (5 %) des petites entreprises soit dévoré par le PGE. » ([555])À moyen terme, les prêts garantis par l’État doivent donc pouvoir être éventuellement convertis en fonds propres pour les entreprises industrielles les plus exposées aux risques de défaillance. L’ancien ministre Bruno Le Maire y serait favorable : « La conversion des prêts en fonds propres est compliquée. Mais il faut examiner les situations au cas par cas, de manière très pragmatique. Si une entreprise appartenant à une filière industrielle importante est menacée en raison du remboursement de son PGE, on doit pouvoir trouver une solution. » ([556])

IV.   Un Tissu industriel fragilisÉ par des choix stratÉgiques nocifs

A.   La dÉsindustrialisation a longtemps rÉsultÉ d’un renoncement politique assumÉ

1.   Le renoncement politique assumé des politiques d’industrialisation

Si les premiers indices du renoncement d’une politique industrielle remontent aux années 1970-1980, puisque Jean-Louis Levet, docteur en sciences économiques, interrogeait déjà dans un livre Une France sans usine ? en 1988 ([557]), la date emblématique de 1991 constitue un point de départ institutionnel du renoncement industriel lorsque « de ministère de plein exercice depuis quasi toujours, l’Industrie se retrouve sous la tutelle du ministre des finances en 1991, et de façon définitive à partir de 1997 au retour au pouvoir des socialistes dans le gouvernement de Lionel Jospin » ([558]). En 1997, le secteur de l’industrie connaît en effet une réduction de son budget et subit symboliquement « un véritable déclassement institutionnel avec sa transformation en secrétariat d’État » ([559]). Christian Pierret n’est pas nommé ministre de l’Industrie mais secrétaire d’État à l’Industrie, sous la délégation du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie.

Le mythe largement partagé de l’entreprise fabless – ou sans usine – et de l’inexorable tertiarisation de l’économie connut également un écho retentissant dans le privé, en juin 2001, à travers la déclaration de Serge Tchuruk, alors président-directeur général d’Alcatel : « Alcatel doit devenir une entreprise sans usines. »  ([560]) Il est à noter que la France ne semble pas totalement sortie de cette logique d’abandon de l’usine puisque Olivier Lluansi invitait, devant la commission d’enquête, à ne pas « répéter l’erreur commise dans les années 2000 avec le principe du fabless, ou fabrication less – l’industrie sans usine. J’ai eu récemment l’occasion d’échanger avec Bercy à ce sujet. Je commence à entendre une petite musique selon laquelle on pourrait faire une réindustrialisation sans chimie, sans sidérurgie, sans filière amont, parce que ce sont les plus impactées par l’énergie chère. C’est faux, ce n’est pas possible. Encore une fois, l’erreur conceptuelle est aussi grave que celle d’avoir imaginé une industrie sans usine. » ([561]) D’autant plus que « la chimie est la mère de toutes les industries » ([562]). Les pesanteurs historiques demeurent encore vivaces dans les mentalités présentes.

Dans la continuation de ces évolutions, la politique de planification quinquennale est finalement supprimée en 2006, ce qui constitue un « détricotage de la politique industrielle [qui] n’a laissé subsister, pour l’essentiel, que les politiques "horizontales" de soutien aux PME et à l’innovation ainsi que les mesures ponctuelles de gestion des conséquences sociales et territoriales des défaillances d’entreprises. » ([563]). C’est ce qui fait dire au professeur Christian Saint‑Étienne que « la France est le seul grand pays qui, au cours des vingt-cinq dernières années, a accompagné sa désindustrialisation plutôt que de lutter pour l’empêcher. Au contraire, l’Italie a tout fait pour maintenir ses 25 000 très belles petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), grâce auxquelles elle est devenue la quatrième puissance exportatrice dans le monde. » ([564])

C’est donc au tournant du XXIe siècle que la France et ses élites politiques ont connu une transformation intellectuelle profonde, où l’industrie devait bientôt appartenir au passé pour laisser place à une économie de services, où l’économie post-industrielle se réaliserait avec l’émergence d’une France sans usine. Le renversement de cette vision tournée exclusivement vers le tertiaire, encore persistante aujourd’hui, a pris du temps pour être déconstruite, puisqu’elle remonte historiquement aux années 1990, comme l’explique encore François Geerolf, enseignant et économiste au département des Études de l’OFCE : « Dans les années 1990, face à la désindustrialisation et au chômage élevé, la stratégie consistait à développer les services à la personne, moins présents en France qu’ailleurs. L’idée était que l’industrie française était en déclin et qu’il fallait se tourner vers les services. Comme ces derniers sont plus sensibles aux coûts que l’industrie, la solution proposée était de réduire les cotisations au niveau du smic, relativement élevé en France. » ([565])

Lors du virage de la seconde moitié des années 2000, l’historien Jean‑Claude Daumas observe un timide réveil de la classe politique lors de la fermeture des sites industriels Metaleurop et Daewo en 2004-2005 : « C’est également ce contexte qui est à l’origine de la prise de conscience par le gouvernement de la dégradation de la situation de l’industrie française et de la nécessité de restaurer une base industrielle puissante. Dès ce moment, de nombreuses études ont cherché à décrire et à expliquer le phénomène. » ([566]) Des rapports de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), de parlementaires, ou des articles journalistiques sont produits, mais les œillères politiques demeurent.

Il faut attendre l’année 2012 et la publication du rapport de Louis Gallois, intitulé « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », pour que le sujet de la désindustrialisation soit bel et bien remis à l’agenda, ce que confirme son auteur en audition : « L’année 2012 marque une étape importante, non pas parce qu’elle a vu la publication de mon rapport, qui a vieilli, mais parce que l’opinion publique a pris conscience de cette évolution et que de premières mesures ont été prises. Si on en fait un bilan rapide, nous pouvons dire que, si elles n’ont pas enclenché un processus de réindustrialisation, elles ont mis un terme à la désindustrialisation et ont renforcé l’attractivité du territoire français. » ([567]) D’autres auditionnés confirment par ailleurs que l’année 2012 représente un virage pour l’industrie, à l’instar de Christian Auboyneau : « Le début de la prise de conscience date du rapport Pacte pour la compétitivité de l’industrie française de Louis Gallois en 2012. Depuis dix ans, l’arrêt de désindustrialisation a débuté. Les mesures d’incitation et de soutien à l’industrie prises depuis le rapport Gallois sont très importantes. » ([568])

La prise de conscience de la dangereuse désindustrialisation française permet certes le retour d’organes politiques idoines, mais pas de manière permanente : « Tour à tour associée au commerce extérieur, à la recherche, à l’artisanat, l’industrie revient sur le devant de la scène sous le nom de ministère du redressement productif avec Arnaud Montebourg de 2012 à 2014, avant de disparaître totalement de l’intitulé des ministères à l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. » ([569])C’est au cours du mandat d’Emmanuel Macron que le ministère de l’Industrie reprendra sa place de choix avec la nomination d’Agnès Pannier-Runacher : « L’industrie est revenue dans le gouvernement Castex, au rang de ministère délégué. Agnès Pannier-Runacher peut désormais s’y consacrer à plein temps avec une équipe étoffée (4 ou 5 conseillers contre 1 auparavant) alors qu’auparavant elle devait s’occuper en même temps de l’artisanat, du commerce, de la consommation... ou plus récemment des discothèques. » ([570])

Ainsi, si Jean-Claude Daumas relève l’importance d’analyser les causes structurelles de la désindustrialisation qui touchent les économies avancées, il refuse d’oblitérer les responsabilités des acteurs politiques dans le renoncement d’une politique industrielle, arguant que des pays comparables à l’économie française n’ont pas connu un tel mouvement dans des conditions proches : « Les autres pays européens, pourtant soumis à des contraintes semblables, ont suivi des trajectoires différentes parce qu’ils ont fait des choix différents. Aussi, dans le cas de la France, seul un enchaînement de mauvais choix est susceptible d’expliquer un déclin si massif, brutal et continu qu’il en paraît (presque) irréversible. » ([571])

En audition, l’investisseur David Baverez corrobore les propos de l’historien en dénonçant la logique électoraliste derrière les choix industriels qui ont été pris ces dernières années : « Je pense que la désindustrialisation de la France est en fait un choix politique. La globalisation ne nous est pas tombée dessus et les entreprises ne se sont pas désindustrialisées seules. Comme il n’y a plus de croissance en France, on a choisi délibérément de maintenir le pouvoir d’achat grâce à la déflation importée. Quand vous faites passer l’industrie de 20 % à 10 % du PIB, vous perdez certes 10 % des suffrages de ceux qui sont licenciés, mais vous gagnez 80 % des voix de ceux dont le pouvoir d’achat augmente. » ([572]) L’abandon des politiques industrielles – en privilégiant une politique de la demande – résulte ainsi de calculs politiques assumés qui ont mené à la situation de désindustrialisation présente. Le choix politique d’abandon d’une politique de l’offre a eu des effets délétères sur l’industrie, ce que confirme encore l’historien Jean-Claude Daumas : « Depuis le premier choc pétrolier en 1974, à chaque ralentissement économique, les pouvoirs publics, de droite comme de gauche, ont affirmé que "la croissance française est tirée par la consommation" et ont adopté une politique de soutien à la demande. » Privilégier le pouvoir d’achat à la production participa à désindustrialiser le pays.

2.   La dégradation de l’image de l’industrie et des métiers afférents

Une autre manière d’expliquer la désaffiliation poussée des politiques à l’industrie est son image restée trop longtemps négative en France.

Pierre Musso, docteur en sciences politiques et professeur honoraire des Universités en sciences de l’information et de la communication, considère en 2017 dans son ouvrage La Religion industrielle ([573]) que la France est « allergique » à l’industrie car elle a en gardé une image « XIXe siècle » : « Toute la littérature du XIXe siècle fut une réaction à l’industrialisation. Quand on pense industrie en France, on pense Germinal, conditions de travail déplorables, exploitations. Avec un tel imaginaire en tête, on a pu considérer chez nous qu’il était souhaitable que les emplois industriels diminuent, et qu’on les remplace par des emplois de service. » ([574])Les auditions ont également permis de relever ce point culturel puisque Pierre-André Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain et président de la Fabrique de l’industrie, rappelle que « pendant une longue période, la France n’a pas choisi l’industrie, ce qui renvoie aussi à un facteur culturel. » ([575])

Pire encore, l’emploi industriel – et plus largement le salariat ouvrier – est synonyme d’échec scolaire, participant à détourner les jeunes talents des usines. Ainsi, pour Anaïs Voy-Gillis, géographe et directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, il est coutume d’entendre dire : « "Si tu travailles mal à l’école, tu finiras à l’usine !", mais le problème n’est pas de finir à l’usine – on dit la même chose des caisses de supermarché –, c’est celui de la représentation du monde ouvrier dans notre société. Avoir un métier d’ouvrier, qui peut être synonyme d’une bonne rémunération et d’une haute qualification, est encore mal considéré par une partie de la société, en particulier ses élites. » ([576])

D’autres raisons plus contemporaines – différentes que celle d’une image poussiéreuse – expliquent que l’industrie n’ait pas le vent en poupe. Outre que les « les métiers industriels sont concernés par la pénibilité, les rythmes [qui] peuvent être compliqués, [.... et le] travail à la chaîne » ([577]), toujours selon Anais Voy-Gillis, son collègue Olivier Lluansi démonte quant à lui le préjugé selon lequel l’industrie paierait mal : « Dans les enquêtes d’opinion, "l’industrie paye mal" est le premier facteur de son image négative ; or la rémunération est l’un des principaux leviers déterminant l’attractivité ou l’absence d’attractivité des métiers. Et il se trouve que, à formation équivalente, les métiers de l’industrie payent environ 15 % de plus que les métiers de service. Je vous invite à vous intéresser aux répartitions des salaires au sein d’une entreprise : vous constaterez qu’une bonne partie des cols bleus, si ce n’est la majorité d’entre eux, est bien mieux payée que le tiers inférieur des cols blancs. » ([578])Pour nuancer ce point, Vincent Charlet, de La Fabrique de l’industrie, veut que l’industrie soit plus rémunératrice, surtout en début de carrière : « L’industrie paye mieux que les autres secteurs. Les débuts de carrière dans l’industrie sont plus rémunérateurs, plus stables. » ([579]) L’industrie fourmille ainsi d’images négatives qui lui collent et qui ne reflètent pas la réalité des conditions de travail dans les usines du XXIe siècle.

B.   La dilution du pouvoir de dÉcision a parachevÉ le dÉmantÈlement de l’État-stratÈge

La politique industrielle française est contrainte par trois étaux : par le haut avec le cadre européen, par le bas avec la décentralisation et au milieu avec la multiplication des agences.

En effet, l’Union européenne dispose de compétences exclusives ou partagées dans des domaines stratégiques comme le marché intérieur, la concurrence, la politique commerciale ou la recherche. Le droit européen impose notamment le respect strict des règles de concurrence et encadre très étroitement les aides d’État, qui doivent être notifiées et autorisées par la Commission européenne. De même, certaines tentatives de fusion, de relocalisation ou de protection de secteurs stratégiques sont limitées par les règles concurrentielles, la libre circulation des capitaux ou les marchés publics. Ainsi, la politique industrielle française se trouve affaiblie par les compétences de l’Union européenne.

De plus, la multiplication des agences, opérateurs et structures paraétatiques restreint les marges de manœuvre d’une politique industrielle nationale cohérente. L’action publique est désormais fragmentée entre une multitude d’acteurs : la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Banque publique d’investissement (BPIFrance), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), France 2030, l’Agence nationale de la recherche (ANR), la Banque des territoires, Business France, France Compétences, Pôle emploi, les Direccte devenues direction régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), ou encore les comités régionaux de l’emploi et de la formation (Crefop). Cette prolifération, fruit d’une logique issue du New Public Management, a conduit à une gouvernance éclatée, parfois redondante, où l’État stratège perd en lisibilité et en capacité d’impulsion. Ainsi, la mise en œuvre de projets industriels stratégiques se heurte fréquemment à une complexité administrative excessive, à des injonctions contradictoires ou à une dilution des responsabilités. Par exemple, les aides à l’investissement industriel peuvent dépendre simultanément de BPIFrance, de la région, de l’Ademe et du plan France 2030, chacun avec ses critères, ses délais et ses circuits d’instruction. Ce morcellement nuit à la réactivité, à la coordination entre services et à l’émergence d’une véritable stratégie industrielle unifiée.

Enfin, la décentralisation a fragmenté la politique industrielle nationale. Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les régions sont responsables de la formation professionnelle, compétence encore renforcée par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, puis par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite « loi NOTRe », qui leur confère également la gestion de l’alternance. Cette régionalisation complique la coordination des besoins de compétences au niveau national pour certaines filières industrielles. Parallèlement, la loi NOTRe a aussi attribué aux régions la compétence du développement économique comme l’une des leurs responsabilités premières. Elles définissent désormais leur propre schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (Srdeii) mais aussi leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et attribuent certaines aides aux entreprises. Cette réalité entraîne désormais une concurrence entre territoires, des incohérences avec les priorités industrielles de l’État, voire une dilution des moyens humains et financiers à l’échelle nationale. Par exemple, les stratégies régionales autour de l’hydrogène ou de l’automobile diffèrent parfois sensiblement, au risque de morceler l’action publique.

En dépit de ce constat, le retour à la planification industrielle, défendu par le gouvernement en 2023 dans une logique qui se voulait volontariste voire Colbertiste, s’est en réalité limité à de simples incantations puisque cette planification consistait à l’ajout du développement industriel au Sraddet des régions (article 1er de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte).

La complexité de la procédure d’instruction des projets industriels illustre les effets délétères de cette dilution des compétences de l’État. On a vu précédemment les difficultés découlant de la multiplicité des services de l’État, qui interviennent dans le traitement des projets industriels, et des contradictions nées des différences d’instruction et de doctrine d’un service ou d’un échelon administratif à un autre ou d’un territoire à un autre.

Cette complexité administrative est accentuée par la démultiplication des autres acteurs publics impliqués, que ce soient les nombreuses agences publiques de notre pays ou le millefeuille territorial issu des vagues successives de décentralisation opérées depuis le début des années 1980.

De son expérience passée comme commissaire à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone du golfe de Fos et de l’étang de Berre, Régis Passerieux fait le constat que « nous ne nous sommes pas donné collectivement les moyens de trancher des contradictions juridiques, doctrinales voire idéologiques sur les points d’arbitrage à réaliser pour développer les projets industriels. [...] La problématique est liée à l’émiettement. [...] Il existe une multiplicité d’acteurs : direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), direction générale des entreprises (DGE), direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), Ademe, SGPI, BPIFrance, Banque des territoires, OFB, Commission de régulation de l’énergie (CRE), Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), sans compter les commissions [qui outrepassent parfois leurs compétences purement techniques]. Chacun énonce un avis sur la manière dont les règlements doivent être interprétés, mais personne n’arbitre, ni ne tranche réellement. Cet émiettement, qui entraîne des perceptions différentes, aboutit à des décisions difficiles et délicates, qui menaceront en outre le contentieux ». Ils ont tout particulièrement perçu l’émiettement institutionnel des acteurs et les « contradictions dans la hiérarchie des objectifs » dans la zone Fos-Berre où l’espace du port ne recoupe pas l’ensemble du périmètre industriel. « Il n’y existe donc pas une unité de lieu, une unité institutionnelle. » ([580])

Régis Passerieux rappelle que « la difficulté pour un industriel n’est pas seulement de traiter une procédure administrative mais de la traiter en parallèle d’autres nombreuses actions : la levée de fonds, le raccordement électrique, etc. Les arbitrages doivent donc être extrêmement rapides si l’industriel veut sortir son projet dans les temps. L’émiettement des procédures aboutit à des situations délicates qui peuvent aggraver le contentieux. »

Or, Rollon Mouchel-Blaisot, préfet et auteur du rapport sur la mobilisation pour le foncier industriel, constate également que la multiplication des agences et autorités au sein même de l’État contribue à ralentir les processus d’avis et de décision ([581]).

La multiplication des dispositifs et cadres d’action territoriaux nuit, quant à elle, à la lisibilité des dispositifs d’aide existants et à la compréhension des procédures à mener pour un projet.

Au sein même du dispositif des Territoires d’industrie (TI) créé par l’État, par exemple, Dominique Mockly, référent industriel du TI Lacq-Pau-Tarbes, observe des problèmes d’alignement de systèmes de soutien, certains relevant de l’échelon national et d’autres de l’échelon régional. « De plus, dans un même projet, les différents industriels ne sont pas toujours éligibles au même système, notamment en raison de leur taille respective. [...] Nous sommes donc obligés d’adapter le projet que l’on pourrait sans doute massifier si ce millefeuille [administratif] n’existait pas. » ([582])

Elle nuit aussi à la lisibilité de l’offre française aux yeux des investisseurs étrangers et de l’attractivité pour nos territoires. Aujourd’hui, chaque région française développe sa propre stratégie industrielle avec sa propre feuille de route en matière de formation et de gestion du foncier et ses propres priorités économiques. Il peut être difficile de se retrouver entre ces 13 cadres différents pour des investisseurs étrangers qui ne connaissent pas le pays et n’ont pas encore élu leur territoire d’implantation.

Chaque région cherche à se concurrencer sur une multitude de secteurs, au lieu de se spécialiser en particulier dans un domaine d’activités. Par exemple, la région toulousaine, avec l’aviation, a réussi à créer un pôle d’attractivité important (formation adaptée à l’industrie, centre de recherches). Cet écosystème d’excellence permet, également, de réduire les coûts, y compris pour les régions qui ne dépenseront plus à perte. Comme le reconnaît le PDG d’Airbus Guillaume Faury : « Concernant la spécialisation des régions par filière, l’exemple de Toulouse illustre à la fois les avantages et les risques d’une telle approche. La forte spécialisation dans l’aéronautique, qui constitue une grande force de la région, s’est révélée être une source d’inquiétude majeure lors de la crise du Covid. Cette situation démontre qu’une spécialisation excessive peut se transformer en vulnérabilité. Je pense donc qu’une certaine spécialisation régionale est bénéfique, mais qu’il est important de diversifier les savoir-faire et les filières pour ne pas dépendre entièrement d’un seul secteur. La création d’écosystèmes spécialisés, mais diversifiés, offre un potentiel considérable. » ([583])

Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest de Business France souligne en outre le risque de se positionner sur le marché international en ordre dispersé, ce qui affaiblit la lisibilité de l’offre France pour les investisseurs. Aussi ont-ils proposé d’organiser les propositions régionales au niveau national : « Plutôt que de laisser différentes régions faire connaître publiquement leurs offres, de façon concurrentielle et désordonnée, nous avons créé en 2021 une salle de données ou data room pour les centraliser dans un espace confidentiel. Les investisseurs y prennent connaissance de l’ensemble des offres, qui ont été complétées par les services de l’État et les parties prenantes. Chaque région doit pouvoir valoriser ses atouts et incarner l’attractivité du pays, mais de façon organisée, afin de renforcer la France dans la compétition internationale. » ([584])

Mais le problème fondamental se situe à un niveau encore supérieur : l’éparpillement de ses pouvoirs, entre les transferts de compétences à l’échelon européen et le partage des compétences avec nos multiples couches territoriales, a amoindri les capacités d’action de l’État, en particulier celle de faire avancer l’ensemble du pays vers ses objectifs prioritaires.

Comment, en effet, est-il possible de déployer une véritable stratégie industrielle si l’État ne dispose pas des principaux leviers, telles, par exemple, la compétence de la formation et la gestion du foncier qui relèvent pour l’essentiel des régions ? Peut-on vraiment réindustrialiser la France en ayant atomisé à ce point les compétences permettant la relocalisation et la compétitivité industrielle ?

Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, répond que l’échelon national joue toujours un rôle majeur dans les quatre secteurs clés de la réindustrialisation – main-d’œuvre et qualifications, énergie et CO2, foncier et eau – identifiés par l’étude de France Stratégie ; et s’il pense qu’il faut laisser les régions et les départements se saisir des compétences qui leur ont été données par le législateur, « il ne s’ensuit pas qu’il faut s’interdire, par exemple dans l’application du zéro artificialisation nette (ZAN) au sein de la stratégie industrielle, de procéder à des ajustements pour améliorer le partage des compétences et le rendre plus efficace. » ([585])

Le rapporteur s’interroge en particulier sur la possibilité de mettre en place une véritable planification industrielle, puissante, cohérente et efficace avec autant de stratégies que de régions. Car la planification aujourd’hui n’existe qu’au niveau des différents schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Le Haut-Commissariat au plan n’a pas vocation « à décider », reconnaît Clément Beaune ; et il n’existe pas de planification nationale organisant l’ensemble de notre stratégie de réindustrialisation, au mieux un programme incitatif, France 2030, qui oriente les soutiens de l’État vers les filières qu’il a identifiées comme prioritaires et finance quelques dispositifs d’accompagnement.

La « territorialisation » des politiques publiques permet de les adapter aux spécificités locales et de mieux répondre aux besoins locaux. Mais pour remonter nos retards, dépasser nos handicaps et avancer rapidement, la politique de réindustrialisation nécessite également une impulsion stratégique centrale forte, avec des moyens importants et bien ciblés.

Force est de constater, malheureusement, que la dilution des pouvoirs de l’État a fortement affaibli son rôle, pourtant central, de stratège dans la mise en œuvre des politiques publiques nationales, et que, réciproquement, la multiplication des approches, la diversification des priorités ont plutôt pour effets de diluer les efforts en matière de ressources humaines, de financements et d’investissements, voire, parfois, d’envoyer des messages incohérents aux investisseurs quand un projet d’intérêt national se heurte aux réticences locales.

C.   Le refus du patriotisme Économique a trop souvent privÉ nos industries de protection

1.   L’incapacité des politiques d’achats publics à favoriser l’industrie française

a.   Une commande publique insuffisamment mobilisée

Lors de son audition devant la commission d’enquête, Eric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir, affirmait : « La France dispose d’un potentiel important pour stimuler les technologies de rupture, notamment celles développées par les start-ups et les PME, par le biais de la commande publique, mais notre impact dans ce domaine est moindre comparé aux États-Unis ou au Royaume-Uni, qui disposent de dispositifs tels que le Small Business Act. Il y a là un levier significatif pour accroître notre impact économique. » ([586])

En effet, la commande publique constitue dans l’ensemble des pays industrialisés un levier important de la politique industrielle. Comme le soulignent Thomas Grjebine et Jérôme Héricourt, économistes au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) et auteurs d’une note ([587]) citée par la chercheuse Anaïs Voy-Gillis lors son audition, l’ensemble des achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques représente entre 10 et 20 % du PIB aux États-Unis et dans l’Union européenne. Or, si le droit de l’Organisation mondiale du commerce – en particulier le GATT ([588]), l’accord sur les marchés publics ([589]) et l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires ([590]) – prohibe a priori les discriminations fondées sur l’origine des marchandises et services, il apparaît néanmoins que ces clauses sont souvent contournées. Le Buy American Act de 1933 ([591]) est certainement la plus emblématique de ces mesures. À cet égard, l’adoption récente du règlement du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net », dit « règlement zéro net » ([592]) qui permet aux États membres de l’Union européenne de discriminer les technologies décarbonées provenant d’États tiers dans les contrats d’achat publics constitue une évolution nécessaire, qu’il conviendrait d’appliquer avec pragmatisme à davantage de secteurs.

Il demeure cependant que la commande publique française bénéficie insuffisamment aux entreprises nationales. Selon le Conseil d’analyse économique, les entreprises étrangères se voient attribuer en France une proportion relativement faible des marchés publics (14 % en tenant compte des marchés directs et indirects, contre 23 % pour l’Union européenne, 17 % pour l’Allemagne ou encore 24 % pour le Royaume‐Uni) ([593]). Néanmoins, les commandes publiques chinoise et américaine reposent proportionnellement deux fois moins sur les importations (environ 4 % en 2014) que celles de la France ou de l’Allemagne. À cet égard, le Conseil d’analyse économique rappelle que, s’appuyant sur ses grandes entreprises, « la France garde un certain avantage comparatif dans le domaine de la commande publique. » ([594])Surtout, la taille des économies comparées explique une partie significative de ces écarts.

Dès lors, la commande publique pourrait être mieux mobilisée pour soutenir la réindustrialisation. Avec un volume de près de 170 milliards d’euros, pour plus de 243 000 contrats passés, elle occupe une place essentielle dans l’économie nationale (8 % du PIB) ([595]). Comme le rappelle la délégation aux entreprises du Sénat, le fabriqué en France est le « trou noir » de la commande publique ([596]). Selon France Industrie, les deux tiers des achats publics (commande publique de produits manufacturiers) concernent des biens importés, soit 54 milliards d’euros ([597]). Ainsi, le potentiel supplémentaire des achats de produits fabriqués en France est estimé à 15 milliards d’euros, soit près d’un cinquième du déficit commercial de 2024. Si 25 % des marchés publics étaient réservés aux produits français, cela représenterait 50 milliards d’euros par an d’achats français. Aussi les travaux menés par la délégation aux entreprises du Sénat soulignent six « handicaps » de l’achat public :

Les six « handicaps » de l’achat public

– La préférence locale n’est pas admise par l’Union européenne ;

– La mesure de la part importée dans notre commande publique est déficiente ;

– La commande publique est dispersée entre 60 centrales d’achats publics et 135 000 pouvoirs adjudicateurs, contre 30 000 en Allemagne et 3 500 en Italie ;

 Le délit de favoritisme applicable à l’ensemble de la commande publique conduit les acheteurs publics à une lecture excessivement prudente des règles de passation ;

– La moitié des marchés publics en volume est passée sous le seuil de mise en concurrence de 40 000 euros HT, permettant de recourir aux plateformes du e-commerce sans se préoccuper d’acheter français ;

– Les contrôles des engagements des attributaires de marchés publics, notamment en matière environnementale et sociale au niveau national, sont insuffisants.

Source : Sénat, délégation aux entreprises, conclusions de la mission d’information : « Fabriqué en France : la compétitivité patriotique », 18 juin 2025 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/office-et-delegations/delegation-aux-entreprises/le-fabrique-en-france.html

Ces limites ont été confirmées lors des auditions de la commission d’enquête. Ainsi selon le professeur Olivier Lluansi, « la solution réside davantage dans une manière d’appliquer le droit et de gérer les achats publics que dans l’adoption de tel ou tel texte. La loi relative à l’industrie verte a certes introduit un critère relatif au CO2, mais cette possibilité existait déjà auparavant, et les acheteurs publics n’iront dans ce sens que s’ils y sont incités par leur environnement. En dépit de quelques évolutions notables, l’interprétation des textes relatifs à la commande publique, faite par le service juridique de Bercy, est extrêmement stricte : on a fait de la surtransposition dans les textes, mais aussi et surtout dans les têtes. Je le répète, il existe des solutions qui ne coûtent pas un euro et ne nécessitent même pas de faire adopter une loi. Une bonne façon d’avancer sur ce sujet est sans doute de passer par des centrales d’achat. Acheter local tout en respectant la lettre de directives européennes qui ne visent pas cet objectif demande une certaine ingénierie dont ne disposent pas les petites collectivités locales. Les grosses centrales d’achat public que sont l’Union des groupements d’achats publics (Ugap), le Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah) et l’Union des hôpitaux pour les achats (Uniha), pour citer les trois structures qui existent en France, sont quant à elles parfaitement dotées pour parvenir à ce résultat. » ([598])

En effet, si le code de la commande publique ménage des exceptions au droit de la concurrence permettant d’écarter les offres des pays tiers ([599]), il est regrettable que ces dispositions ne soient pas mieux diffusées auprès des ordonnateurs publics. De même, certaines dispositions du code de la commande publique permettent d’attribuer des marchés publics à des entreprises situées à proximité géographique et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises. Ces dispositions comprennent, entre autres moyens, la définition de conditions d’exécution du marché ([600]), la condition de la localisation des moyens d’exécution au sein de l’Union européenne ([601]) ou encore les marchés publics réservés ([602]) ([603]).

Les critères de l’environnement et du social constituent des moyens de contournement pour également favoriser des offres locales. Bien que la préférence locale soit interdite, des outils comme le sourcing, l’allotissement et les critères de sélection peuvent favoriser l’achat local. Les PME, représentant 99 % des entreprises en France, peuvent bénéficient de ces pratiques, dynamisant l’économie locale.

2.   L’abandon de certains de nos fleurons stratégiques

a.   Une guerre économique généralisée

Dans le contexte de « guerre économique » ([604]), l’absence d’une politique assumée de patriotisme économique constitue incontestablement un frein à la réindustrialisation. Si toutes ces guerres ne constituent pas une ingérence, leur intensité exponentielle au cours de ces dernières années doit mener à une vigilance accrue. Ce fléau, protéiforme, prend divers aspects souvent cumulatifs. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) liste au moins quatre menaces d’ingérence dans la sphère économique ([605]) :

– être de nature capitalistique (prise de contrôle de l’entreprise ou prise de participation d’au moins 25 % par des intérêts étrangers) ;

– relever de la captation de propriété intellectuelle et d’informations sensibles ;

– porter atteinte à l’image de l’entreprise afin de lui nuire, notamment en compliquant son refinancement ;

– organiser des cyber-attaques – afin de déstabiliser l’entreprise, récupérer de l’argent, obtenir des informations sensibles –, la désinformation ou encore la corruption.

L’extraterritorialité du droit constitue également un danger.

Ces stratégies s’inscrivent dans un contexte géopolitique durci, souligné par le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d’influence étrangère ([606]). Aussi, au cours de la décennie passée, la France a-t-elle fait face à un « recours de plus en plus désinhibé à des stratégies d’influence malveillante ». Comme le présentait récemment une étude de l’OCDE : « Si le risque d’ingérence étrangère n’est pas nouveau et a longtemps été appréhendé à travers les outils du renseignement, la mondialisation, la prégnance du numérique ou les approches de gouvernance plus ouvertes et participatives ont largement renforcé les possibilités d’ingérence et de déstabilisation des systèmes politiques. » ([607])

Les raisons de cette mutation sont diverses et clairement identifiées, comme le rappelle un rapport récent du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale ([608]). D’une part, l’évolution du contexte géopolitique mondial est marquée par un accroissement des préoccupations relatives à l’approvisionnement en matières premières essentielles et à la densification des stratégies d’investissement dirigées par des États désireux d’acquérir des actifs stratégiques étrangers. D’autre part, l’apparition de crises, à l’image de la pandémie de Covid-19 ou de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ([609]), a contribué à l’accélération des risques. Comme le souligne la Commission européenne, ce conflit, ainsi que « les risques nouveaux et émergents qui en découlent pour la sécurité ont davantage mis l’accent sur les technologies/secteurs et infrastructures (avancés) critiques. » ([610]) Enfin, la « nouvelle donne technologique » ([611]) concourt à la recrudescence des vulnérabilités, avec la montée en puissance de technologies qui, d’un côté, créent de nouveaux canaux d’influence (intelligence artificielle, plateformes numériques), et, de l’autre, constituent des cibles privilégiées pour les stratégies de prise de contrôle de la part d’entités étrangères (biens à double usage, recherche stratégique).

Devant la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français, Nicolas Lerner alors directeur général de la sécurité intérieure, indique que les années 2020 marquent la fin de la naïveté dans le domaine du renseignement économique ([612]).

Depuis quelques années, le renseignement français en matière économique s’est densifié et structuré, notamment en développant davantage de liens avec Bercy, et par un renforcement des services aussi bien quantitatif que qualitatif. Cependant, ce durcissement du contexte international ne doit en rien omettre la responsabilité politique des gouvernements qui ont permis les prises de contrôles d’entreprises stratégiques pendant plus de vingt ans.

Les services de renseignement économique s’étant renforcés, le rapporteur s’interroge sur la lenteur de cette prise en compte, alors que d’autres pays, à l’image des États-Unis, ont toujours utilisé ces procédés. C’est le patron du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) devant la commission d’enquête relative aux ingérences qui en parle le mieux : « le lien avec Bercy n’était pas satisfaisant, les services suivaient les entreprises sans savoir si c’était stratégique ou non ». Pourquoi avoir attendu tant d’années et perdu tant de fleurons ? Pourquoi continuer à en abandonner malgré un dispositif robuste et renforcé ? Il s’agit de décisions politiques du ministre de tutelle.

La sécurité économique et la réindustrialisation sont pourtant réciproquement liées : « Il est donc possible d’appréhender les liens entre sécurité économique et réindustrialisation de plusieurs manières. D’abord, il ne peut exister de base industrielle pérenne sans un système de défense et de contre-prédation économique performant dans le temps. Deuxièmement, il n’existe pas de sécurité économique efficace sans réindustrialisation. » ([613])

b.   Un contrôle des investissements étrangers en France insuffisamment robuste

Pour se prémunir, la France dispose de plusieurs outils législatifs et réglementaires, dont l’un des dispositifs de contrôle des investissements étrangers en France (IEF) les plus étoffés, avec un grand nombre de secteurs couverts. Le rapporteur considère qu’il doit cependant être complété.

Ces derniers vont du dispositif pénal de répression des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ([614]) à l’encadrement des activités de représentation d’intérêts issu de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite » loi Sapin II ». Ils mobilisent également les mécanismes de lutte contre les atteintes à la probité, les ingérences numériques ou de contrôle des investissements étrangers en France (IEF) ([615]). Cet arsenal s’inscrit dans le cadre de la politique de sécurité économique qui, aux termes du décret n° 2019-206 du 20 mars 2019, « vise à assurer la défense et la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la nation, constitués notamment des actifs matériels et immatériels stratégiques pour l’économie française » ([616]). Depuis 2019, cette politique s’est structurée autour de la protection des actifs stratégiques français, dont la coordination repose sur l’activité du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse), rattaché à la direction générale des entreprises.

Créé en 2016, ce service a pour mission principale le pilotage de la politique de sécurité économique de l’État, qui consiste à organiser la protection des actifs stratégiques de l’économie française face aux ingérences et aux menaces étrangères.

Composante de la politique de sécurité économique, le contrôle des investissements étrangers fait face à des limites. Pour mémoire, le contrôle dit IEF est opéré sur la base de trois critères : la présence d’un investisseur étranger, visant une société de droit français, pour une activité sensible.

Les activités sensibles peuvent l’être par nature (comme la défense), ou bien parce qu’elles sont essentielles à la continuité d’un approvisionnement critique (en eau, en énergie ou pour l’alimentation par exemple) ou enfin parce qu’elles relèvent de R&D particulièrement porteuse économiquement.

La taille ou le secteur d’activité - quand il n’est pas sensible par nature – ne sont pas des critères, mais peuvent être pris en compte dans la décision. Le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable dit « décret Montebourg » ([617]), puis la loi PACTE ([618]) et le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissement étrangers en France ont élargi le champ des activités couvertes. Ont été intégrées au contrôle IEF les activités de traitement, de transmission ou de stockage de données dont la compromission ou la divulgation serait de nature à porter atteinte à l’exercice d’autres activités de la liste. Il prend également en compte les activités portant sur des infrastructures, les biens ou services essentiels pour garantir la sécurité alimentaire ou encore les publications de presse, d’information politique et générale. Enfin, le seuil de détention de droits de vote ou de capital déclenchant une procédure de contrôle, fixé à 33,33 % depuis 2005, a été abaissé en 2019 à 25 % lorsque l’investissement est réalisé par un pays‑tiers à l’Union européenne et à 10 % en 2020 pour les investissements réalisés par des tiers à l’Union européenne au sein de sociétés cotées. En outre, dans le cadre de la stratégie européenne en matière de sécurité économique ([619]), la Commission européenne a proposé en janvier 2024 un nouveau règlement sur le filtrage des investissements étrangers ([620]) afin d’harmoniser les pratiques entre États membres.

Pour autant, l’approche retenue pour le contrôle des investissements étrangers semble toujours en deçà de la menace réelle. Comme le rappelle Sabine Lemoyne de Forges, sous-directrice de la politique commerciale et de l’investissement au sein de la direction générale du Trésor : « Le contrôle des investissements étrangers en France n’a pas été conçu comme un outil de politique industrielle, mais comme un outil de préservation de l’ordre public, de la sécurité publique et des intérêts de la défense nationale dans la sphère économique. Il ne peut donc protéger que les secteurs de l’industrie qui participent directement ou indirectement à ces objectifs. » ([621]) Aussi ce dispositif souffre-t-il d’un cadre excessivement restreint des secteurs contrôlés. Surtout, le contrôle IEF manque d’instruments de contrôle des engagements conditionnels à l’investissement. Cette dernière limite a été récemment mise en avant par un rapport du Comité d’évaluation des politiques publiques de l’Assemblée nationale ([622]).

Malgré cette réalité, l’État a renforcé son dispositif de contrôle des investissements étrangers fondé sur une doctrine de défense de la souveraineté économique. Joffrey Celestin-Urbain, chef du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse), définit clairement la souveraineté économique comme reposant sur deux composantes complémentaires : d’une part, la composante capacitaire, c’est-à-dire la robustesse du tissu industriel national (capacité à produire sur le sol français ce qui est stratégiquement important) et, d’autre part, la composante de protection, aujourd’hui appelée sécurité économique, qui vise à défendre nos actifs stratégiques contre les prédations extérieures ([623]). « Les décisions que nous prenons en matière de sécurité économique visent à protéger la souveraineté, mais sans complètement contraindre ces flux d’investissements étrangers qui sont nécessaires pour permettre à l’économie de tourner », précise Joffrey Celestin-Urbain ([624]).

Avec le Sisse, la France a mis en place une stratégie de contrôle anticipé des investissements étrangers sensibles. Avant même le déclenchement officiel de la procédure réglementaire IEF, les autorités peuvent identifier un projet de rachat « potentiellement problématique pour la souveraineté » et intervenir de manière informelle auprès de l’entreprise cible. Il est alors « possible de dire à l’entreprise que si elle poursuit [...] avec tel ou tel acteur étranger, elle sera bloquée », et de l’inciter à « chercher des acteurs financiers plus souverains, français ou européens » à la place ([625]).

Les activités du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) impliquent une triple protection, comme le rappelait son chef Joffrey Celestin-Urbain lors de son audition : « Le Sisse a pour objet de sécuriser la production de valeur économique en France depuis la France, principalement face à trois risques : un risque d’extinction, c’est-à-dire la perte de capacités comme la délocalisation d’usines ; un risque de prédation, soit l’accaparement de capacités industrielles et économiques françaises par des intérêts étrangers ; et un risque de coercition, qui s’apparente à l’exploitation des capacités économiques françaises par un pays tiers à son profit ».

Néanmoins, ce dispositif semble insuffisant. D’après Alain Juillet, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, « nous demeurons très en retard dans le domaine de l’information économique fournie par les services, ce qui est très inquiétant, en dépit des efforts consentis ces dernières années. Nous sommes encore très loin du niveau de connaissance de l’économie des services des grandes puissances mondiales, et nous le payons chèrement. » Alain Juillet met trois facteurs en évidence. D’une part, « le premier problème a trait au mode de recrutement des services, qui se concentre sur des spécialistes du cyber, des militaires, des diplômés en sciences politiques. Les services disposent certes de personnes qui comprennent l’économie dans ses grandes lignes, mais n’ont pas de spécialistes des entreprises ou des grands domaines mondiaux auxquels il faut s’intéresser comme l’alimentaire, la santé, la défense, l’aéronautique ou le spatial. » ([626])D’autre part, une proportion importante des IEF échappe toujours au contrôle des investissements étrangers en France. Enfin, le dispositif public de sécurité économique collabore trop peu avec le tissu de PME et d’ETI industriels.

En outre, les moyens d’intervention du Sisse sont limités essentiellement à l’intervention administrative et manquent d’un relais financier puissant. Cet écueil est souligné par son chef Joffrey Celestin-Urbain : « En d’autres termes, nous savons bloquer des opérations de rachat d’entreprises au nom de la souveraineté, mais réussir à trouver en France et en Europe des alternatives économiquement équivalentes à ce que certains acteurs étrangers peuvent proposer constitue un autre défi. Depuis au moins trois ans, le Sisse a ainsi enrichi sa panoplie par une activité d’accompagnement des entreprises menacées de se faire racheter par des intérêts étrangers. Nous essayons d’anticiper ces éléments bien en amont et de trouver avec elles des solutions françaises ou européennes pour éviter que cette opération étrangère ne se réalise avec des risques importants pour la souveraineté. » ([627])

De plus, l’État déploie de nouveaux outils, bien que limités, permettant de protéger les entreprises stratégiques contre des rachats étrangers indésirables. Joffrey Celestin-Urbain explique par exemple qu’un fonds d’investissement spécial a été créé dont l’objectif est de proposer un investissement public-privé permettant de conserver un actionnariat français dans les entreprises stratégiques : » il existe un fonds appelé French Tech Souveraineté, qui nous permet de catalyser des tours de table de financement avec des acteurs privés français pour justement éviter qu’une entreprise ne se fasse racheter. » ([628]) Cependant, ses moyens restent limités.

c.   Des menaces de plus en plus présentes

De nombreuses personnes auditionnées par la commission d’enquête l’ont rappelé : certains investissements servent de support à des stratégies d’influence orchestrées par des puissances étrangères offensives ou des entreprises concurrentielles. De fait, il apparaît que « les investissements directs de puissances étrangères, d’entreprises d’État ou assimilées dans des secteurs stratégiques ou d’infrastructures critiques peuvent [...] créer des dépendances fortes. » ([629])

Le Sisse note une « très forte augmentation de la menace économique étrangère [...]. Il y a une augmentation brutale de la menace ». En 2022, 700 alertes ont été signalées dont 40 % sont de nature capitalistique, toutes ne rentrant pas dans les critères établis dans le champ du contrôle des IEF, 40 % sont de nature à s’approprier la propriété intellectuelle et d’informations sensibles, le reste concerne des entreprises connaissant des difficultés financières ou de réputation. Face aux menaces croissantes, le dispositif monte en puissance en imposant, par exemple, « un contrôle systématique des lettres d’engagement et des conditions imposées aux investisseurs étrangers, tous les dossiers d’autorisation faisant l’objet de conditions seront contrôlés. » ([630])

En 2023, sur 1 815 décisions d’investissement ont été recensées, 309 dossiers ont été déposés au contrôle des IEF : 255 décisions ont été rendues dont 135 autorisations parmi lesquelles seulement une soixantaine sous conditions. L’origine des investisseurs ultimes était à 67,3 % hors UE et 32,7 % de pays membres de l’UE ([631]).

Les groupes américains sont particulièrement offensifs en France. Depuis le rachat d’Alstom par General Electric en 2014, les groupes américains ont acheté plus de 1 570 entreprises françaises pour un montant total de 130 milliards de dollars. Les ventes successives d’Alcatel, de Lafarge, de Technip, d’Exxelia ou d’Opella (Doliprane), par exemple, prolongent une liste déjà très longue de cessions industrielles qui portent atteinte à la souveraineté économique française.

Le directeur de Tracfin, Guillaume Valette-Valla, observe que « l’ingérence revêt également un caractère économique : le développement de la Chine lui apporte des capitaux considérables qui, par des véhicules d’investissement directs et indirects, sont susceptibles d’entrer au capital de certaines industries qui doivent être protégées parce qu’elles sont très proches de notre base de souveraineté. » ([632]) A ainsi été abordé, à plusieurs reprises par des membres de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, le cas emblématique de la prise de participation du groupe chinois Casil au capital de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB) en 2015, à hauteur de 49,9 % (308 millions d’euros). Pour Florian Colas, directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), « une telle opération est rarement anodine. » ([633])

Un ensemble critique de cessions stratégiques

– 2000 : entrée au capital de Gemplus (spécialiste mondial de la fabrication de cartes à puce) du fonds américain Texas Pacific Group ;

– 2006 : rachat d’Arcelor par le groupe indien Mittal Steel ;

– 2015 : vente des turbines d’Alstom à General Electric ;

– 2016 : vente d’Alcatel-Lucent (expert de la fabrication des câbles sous-marins) à Nokia ;

– 2017 : vente de Morpho (filiale de Safran) a Oberthur Technologies, détenue par le fonds américain Advent International ;

– 2017 : vente de Technip (société spécialisée dans l’ingénierie pétrolière) à l’américain FMC Technologies ;

– 2018 : vente de HGH (spécialiste de la technologie infrarouge) au fonds américain Carlyle ;

– 2018 : vente de Manurhin (fabricant de munitions) au groupe Emirates Defence Industries              Company à la suite d’un redressement judiciaire ;

– 2019 : vente de Latécoère au fonds américain Searchlight Capital ;

– 2023 : vente d’Exxelia (fabricant de sous-systèmes de précision utilisés dans l’aviation et la défense) au groupe américain Heico.

Source : Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453 sur l’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, François Jolivet et Hervé de Lépinau rapporteurs, 22 mai 2025

Au-delà de ces acquisitions, de larges pans de notre économie sont aussi contrôlés par des intérêts étrangers. Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, alerte sur le fait que « le CAC40 soit, comme il l’est actuellement, possédé à plus de 40 % par des fonds américains qui mettent aujourd’hui en péril la souveraineté de nos entreprises. » ([634]) Une part considérable du capital de nos plus grandes entreprises est effectivement détenue par des investisseurs étrangers, lesquels peuvent imposer des décisions contraires aux intérêts nationaux (fermetures de sites, délocalisations, stratégie dictée par la seule rentabilité financière, etc.).

Les grands groupes ne sont pas les seuls concernés, Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif, rappelle que « les start-ups industrielles [...]sont rachetées par des étrangers parce que nous n’avons pas assez d’investisseurs français. » ([635])Nos start-ups et PME technologiques, après avoir été financées par des fonds publics (BPIFrance par exemple) finissent trop souvent par passer sous pavillon étranger, ce qui constitue une perte de souveraineté économique et technologique pour la France.

Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, insiste sur le déni de cette réalité qui caractérise le manque d’action des gouvernements successifs : « Il faut d’abord définir ce que nous entendons par intérêts stratégiques ou secteurs stratégiques avant de mobiliser les moyens de l’État sur ces sujets. Ensuite, lorsque nous avons débuté l’intelligence économique en France, nous avions suggéré de transformer le commissariat général au plan, alors en sommeil, en une "machine de guerre" pour l’intelligence économique, chargée de mener des travaux de prospective et de rechercher l’information afin d’établir la politique qui pourrait être menée en France. Enfin, l’affaire Alstom illustre à la perfection le déni dont l’administration et le politique ont pu faire preuve, alors même que les informations étaient toutes connues. Lorsque de tels blocages subsistent, il est impossible d’agir. » ([636]) Bernard Carayon, ancien député et initiateur de la politique publique d’intelligence économique en France, notamment à travers son rapport de 2003 remis au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, souligne qu’une grande industrie nationale est indispensable à la puissance d’un pays et à son indépendance économique. Selon lui, « l’industrie constitue le moteur de la recherche [...] et de la souveraineté technologique. Aucun pays dans le monde n’est puissant sans grande industrie, ni sans industrie de souveraineté. » ([637])

En dépit de ces efforts, plusieurs entreprises stratégiques sont actuellement concernées par des risques d’acquisitions par des puissances étrangères.

Il s’agit notamment de LMB Aerospace qui fournit des systèmes de refroidissement pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, les chars Leclerc et les Rafale, qui a été évoqué à plusieurs reprises par le rapporteur au cours des auditions de la commission d’enquête et qui pourrait être rachetée par la société américaine Loar Group. La société française Lauak, sous-traitant qui travaille à la fois pour Airbus, Dassault, Boeing et Bombardier passe, cette année, sous pavillon indien. La famille Charritton, propriétaire du groupe, a cédé 51 % de l’entreprise au groupe Wipro Infrastructure Engineering. Deux dossiers emblématiques qui représentent des risques d’atteinte supplémentaire à la souveraineté économique de la France. Il ne faut pas omettre que ces entreprises dotées d’une ingénierie de pointe se concentrent notamment dans le secteur aérospatial, secteur de pointe faisant régulièrement l’objet de tentatives d’espionnage ([638]).

Le cas de la vente de la branche énergie d’Alstom démontre cependant que malgré l’arsenal musclé dont dispose la France pour protéger ses fleurons industriels de prédations étrangères, la décision revient in fine au pouvoir politique. Ce dernier peut consentir, malgré l’existence d’alternatives de rachat ou d’alertes des services, à abandonner une entreprise stratégique : en effet, l’ancien directeur du renseignement de la DGSE, Alain Juillet a affirmé que le gouvernement avait été informé des risques que représentait la vente du groupe aux américains et que les engagements pris par General Electric ne seraient probablement pas tenus : « on savait [...] il y a eu un déni. » ([639]) Il dénonce un « blocage » au niveau politique.

La loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage », apparaît comme un outil précieux, mais insuffisant. Il s’agit là d’un enjeu majeur, tant les risques posés par les pertes de savoir-faire et l’extra-territorialité du droit semblent en croissance : « Cette loi a été remaniée et un certain nombre de principes ont été mis en place, notamment celui d’un guichet unique, qui facilite grandement les choses pour les entreprises. Le nombre de saisines du Sisse au titre de la loi de blocage ne cesse de croître, puisqu’il a triplé en trois ans, pour atteindre soixante-quinze saisines en 2024. » Malheureusement, « le sujet n’est pas tant la rédaction du décret que l’absence d’usage qui en est faite. » ([640])

L’abandon de fleurons stratégiques à des groupes étrangers relève selon les cas soit de la volonté politique, soit d’un manque d’alternatives capitalistiques françaises ou européennes.

d.   La menace de l’extra-territorialité juridique

Parmi les principales menaces pesant sur les entreprises industrielles françaises, les auditions de la commission d’enquête ont relevé le phénomène « d’arsenalisation du droit » ([641]) que constitue l’extra-territorialité des législations chinoise et américaine.

Le lawfare, c’est-à-dire l’utilisation du droit international ou de l’application extraterritoriale du droit d’un État, est une arme juridique principalement utilisée par les États-Unis, dont la Chine s’inspire. Elle permet à un État d’imposer des normes et d’engager des poursuites afin de neutraliser une activité. Cette arme juridique n’est pas uniquement l’apanage de régimes autoritaires, comme la Chine, mais également de pays alliés et démocratiques comme les États-Unis.

Plusieurs lois américaines permettent à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans des affaires qui auraient pu relever de la compétence de juridictions françaises, sous couvert de probité, de lutte contre la corruption, ou des normes en matière boursière ou comptable. Dès 1977, les États-Unis adoptent le Foreign Corrupt Practices Act, une loi anticorruption, avec une responsabilité des personnes morales élargies, une compétence interprétée de manière extensive, un « élargissement de la compétence territoriale américaine » ([642]) et des sanctions financières.

Autre exemple, le monitoring pouvant être confié à des agences étrangères et des cabinets d’avocats et de conseil, pourtant reconnus comme des interlocuteurs de confiance par le gouvernement américain. Par exemple, Jean-François Bohnert confirme que dans le cas d’Airbus, le parquet national financier (PNF) a exigé que le monitoring soit effectué par l’Agence française anti-corruption pour éviter ce type d’ingérence. Malheureusement, dans le cadre des nouveaux règlements mis en place par la Commission européenne, il est à craindre que des entreprises n’aient pas les ressources nécessaires pour saisir le PNF. La France tente de lutter contre ce fléau grâce à la création d’un outil, la convention judiciaire d’intérêt public créée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le domaine de la défense est également frappé par cette extraterritorialité du droit. À travers le Patriot Act, l’administration américaine peut poser, « sans aucun contrôle, sans aucune autorisation judiciaire, toutes sortes de questions à une entreprise assujettie au droit américain sur des sujets. » ([643])

Notons également le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) « qui permet au juge américain d’accéder très largement aux contenus hébergés et traités aux États-Unis » ([644]) y compris dans les outils de télécommunication. Cette loi est d’autant plus problématique que « nous sommes devenus une colonie numérique des États-Unis, ce qui pose un problème en matière de souveraineté informationnelle et de maîtrise de nos données » ([645]) et que, selon Arnaud Montebourg, nos armées passent des accords avec Google ou Microsoft.

Selon Agnès Romatet-Espagne, directrice des affaires internationales, stratégiques et technologiques au sein du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, la législation extraterritoriale américaine expose les industries françaises à des fuites d’information précieuses.

La Chine, dotée d’une économie largement administrée et subordonnée à l’État-parti, s’inspire des règles extraterritoriales américaines, préoccupant le parquet national financier, avec notamment la loi relative aux procédures de contrôle des exportations du 17 octobre 2020 (export control) et celle du 10 juin 2021 relative aux contre-mesures en matière de sanctions étrangères. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la puissance de la loi chinoise sur le renseignement de 2017, obligeant toute entité chinoise de coopérer avec les services de renseignement. Elle s’inscrit dans la même trajectoire que les lois américaines.

e.   Une infiltration dans le monde de la recherche

La DGSI et la DGSE observent que le domaine académique et universitaire est particulièrement visé par des actions d’espionnage : « le pillage technologique et scientifique est une de nos sources d’angoisse », confirme la DGSE ([646]).

La France véhicule le principe de liberté académique (liberté d’enseigner, d’étudier, de faire de la recherche, jouir d’une liberté d’expression) et d’intégrité scientifique. Malheureusement, ce principe de science ouverte, coopérative, inclusive, relève désormais de la naïveté. Toutes les sciences qu’elles soient dures (scientifiques) ou molles (sociales) sont sujettes à une utilisation à double usage.

André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine et rapporteur de cette mission d’information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français, observe qu’un des principaux axes d’ingérence vise « à s’approprier illégalement ou en dehors des contrats liant des établissements de pays différents des informations et des savoirs. » ([647])

S’il a été démontré que les États-Unis n’exercent pas d’influence active dans le milieu académique, il en est bien différent pour d’autres États. « La Chine s’est distinguée [...] puisqu’elle est impliquée dans 70 % à 80 % des cas notables voire graves » ([648]) des influences étatiques dans le monde académique et scientifique français. Dans une moindre mesure, la Turquie puis « certains pays du Moyen Orient, surtout l’Iran » ([649]), sont coupables.

Les menaces chinoises sur la recherche scientifique sont les plus prégnantes et importantes. La Chine ambitionne d’être la première puissance mondiale. Pour atteindre son objectif, elle tente « d’assouvir des besoins technologiques » ([650]), elle-même consciente des « manques dans sa recherche et son savoir scientifique ». Bernard Émié valide ce constat : « il y a des menaces chinoises sur la recherche scientifique » ([651]). « Traditionnellement moins régulés » ([652]) contrairement à un suivi plus fort de nos entreprises stratégiques de la part de nos services, des pays asiatiques dont la Chine « adopte[nt] la stratégie du "saumon sauvage". Ils remontent les chaînes des valeurs. » ([653]) La Chine se donne les moyens pour combler ce retard à travers « des investissements massifs et récupération de l’information ». Les scientifiques chinois utilisent la science comme « un instrument au service des intérêts stratégiques de son pays et de son parti. » ([654])

Selon Bernard Émié, la Chine a mis en place une stratégie lui permettant de s’imposer « comme un partenaire incontournable de la recherche en Europe, notamment en France. Le développement des coopérations franco-chinoises dans ce domaine induit trois facteurs de menace importants : un déséquilibre systématique de réciprocité au profit de la Chine ; un risque d’atteinte aux libertés académiques et au principe d’intégrité scientifique ; des menaces croissantes en matière de captation du potentiel scientifique et technique de la nation. » ([655]) Selon le directeur de la DGSI, cela peut prendre force de propositions et de structurations de partenariats, des jumelages pouvant mener à terme à des captations d’informations ou de données sensibles.

Malheureusement, malgré les alertes des services de renseignement, les pouvoirs publics restent passifs. Durant son audition devant la commission d’enquête relative aux ingérences étrangères en mars 2023, soit un an et demi après la publication de son rapport, le sénateur s’interroge sur la lenteur de mise en place de recommandations simples et rapides d’exécution, alors même que le Gouvernement lui avait promis que « des mesures vont être prises prochainement. [...] Je me suis adressé à tous les niveaux : je ne sais pas où réside le blocage. Je crains que le problème ne soit systémique. » ([656])

Le rapport du sénateur André Gattolin pointe également le manque de vigilance des ministères. En effet, « lorsqu’un laboratoire ou une institution académique signe un partenariat avec une université extra-européenne, il ou elle doit le déclarer au ministère des affaires étrangères ou à celui chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ; ces deux ministères sont peu outillés pour traiter ces demandes, le second étant de création relativement récente et gérant avant tout l’organisation des études, le parcours des étudiants et le financement du secteur. Trente jours après le dépôt de la déclaration, le partenariat est réputé validé par l’État, alors que la plupart des dossiers n’ont pas été étudiés. » ([657])

D.   L’industrie a ÉtÉ sacrifiÉe sur l’autel de dogmes Écologiques excessifs et punitifs

1.   Le frein énergétique

Longtemps, la capacité de la France à offrir un approvisionnement abondant et stable en électricité très largement décarbonée, avec des prix inférieurs à ceux pratiqués chez ses voisins a constitué un atout compétitif important pour les acteurs et investisseurs industriels. Notre pays a toutefois été progressivement privé de cet avantage comparatif par des choix politiques nocifs à l’échelle nationale et européenne, tant en défigurant notre mix électrique pourtant déjà massivement décarboné, abondant et pilotable, qu’en renonçant à un prix attractif correspondant aux coûts de production au nom de dogmes européens. Après avoir été brutalement impactées par une violente crise des prix de l’énergie en 2021 et 2022 et des risques de délestages, nos industries restent fragilisées par les incertitudes persistantes sur l’approvisionnement et surtout le niveau des prix de l’énergie qu’elles auront à payer.

Comme l’affirme Olivier Lluansi, « l’énergie est la sève de l’industrie » ([658]). Mais aujourd’hui, « l’un des premiers freins est la situation énergétique de la France. Cela n’échappe à personne. La question de l’énergie est différente selon les pays de l’Union européenne, mais, en moyenne, le prix spot de l’électricité en Europe est deux fois plus élevé qu’aux États-Unis, et trois fois plus qu’en Chine. Le gaz coûte moins de 10 euros par mégawattheure (MWh) aux États-Unis grâce au gaz de schiste, alors qu’en Europe il est généralement supérieur à 40 euros par MWh, montant auquel il faut ajouter la taxation du prix du CO2. » ([659])

La politique énergétique relève d’une compétence nationale, que la Commission européenne cherche à influencer au moyen des objectifs environnementaux. Le rapporteur souligne que même les gouvernements europhiles refusent de céder cette part de souveraineté. Une note du Secrétariat général aux affaires européennes rappelle que la France serait défavorable à toute évolution dans la gouvernance de l’Union de l’énergie, qui s’inscrirait contre ce principe de primauté de la politique énergétique nationale en venant renforcer le poids décisionnel ou d’arbitrage du niveau européen ([660]).

a.   Des politiques qui ont longtemps négligé, voire maltraité, notre atout nucléaire

Certes, la France doit encore importer une partie substantielle de l’énergie que nous consommons. Selon les statistiques du ministère de la transition écologique, en 2023, le pétrole et le gaz naturel, peu ou pas produits sur notre territoire, représentent encore, respectivement, 39 % et 18 %, de nos consommations finales à usage énergétique, et l’électricité 27 % ([661]). Cependant, le charbon a pratiquement été banni – la dernière centrale à charbon de France, située à Saint-Avold, est en voie de conversion en énergie d’origine moins émettrice de CO2 – nous sommes le cinquième pays le plus décarboné au monde et notre taux d’indépendance énergétique – la production d’énergie primaire sur le territoire rapportée à la consommation primaire d’énergie – n’atteignait que 55 % en 2021, ce qui signifie que nous avions importé 45 % de nos besoins en énergie, contre 55,5 % pour la moyenne européenne à la même époque, selon les données d’Eurostat.

C’est largement grâce à notre parc électronucléaire, qui assure toujours 72 % de la production d’énergie primaire nationale en 2023 ([662]), et au choix souverain fort des responsables publics des années 1950 à 1980 d’engager et mener à bien un programme nucléaire ambitieux. L’alliance du nucléaire et de l’hydraulique a offert ce modèle énergétique abondant, pilotable, attractif et décarboné envié dans le monde.

Malheureusement, le rapport de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de l’Assemblée nationale publié en avril 2023 montre comment les gouvernements des décennies ultérieures se sont endormis sur ces acquis et ont négligé de manière coupable de préparer l’avenir de notre modèle énergétique, quand ils ne remettaient pas en cause le futur de notre patrimoine électronucléaire ([663]).

Pourtant, trois défis majeurs se sont progressivement imposés dans l’agenda politique et économique français :

– l’anticipation de l’« effet falaise » que représente la très rapide diminution de nos capacités de production électriques si les centrales existantes, dont l’âge moyen est actuellement de 39 ans, devaient être effectivement mises à l’arrêt à leurs quarante ans ;

– l’enjeu de la décarbonation de nos consommations énergétiques, indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique et qui passera pour l’essentiel par l’électrification des usages – dont celle des procédés industriels ;

– le développement des énergies intermittentes au détriment du nucléaire dans la part du mix déterminée par les pouvoirs publics, qui en plus de produire une électricité non pilotable et peu abondante, sont soupçonnées d’être responsables des corrosions sous contrainte des réacteurs à cause des modulations de production qu’elles imposent (stop and go), conduisant à l’indisponibilité d’une partie conséquente du parc nucléaire.

Les responsables politiques des années 1990-2000 ne prenaient pas encore la mesure des enjeux de la transition énergétique et géraient un parc nucléaire encore jeune, qu’ils imaginaient en surcapacité – même si l’on peut fortement regretter la fermeture en 1998 du surgénérateur Superphénix, un prototype capable de régénérer son stock de combustible ou de détruire des déchets radioactifs. Son arrêt a non seulement envoyé un message négatif sur l’avenir de la filière, mais il a mis fin à l’exploration de solutions techniques prometteuses qui nous auraient fait gagner des années sur les travaux relatifs à la « fermeture du cycle ».

En tout état de cause, l’alibi de l’ignorance n’est plus de mise ensuite : la commission d’enquête d’avril 2023 note que, dès 2012, un rapport du Centre d’analyse stratégique, « Énergie 2050 » ([664]), alertait les responsables publics de la croissance à venir des consommations électriques et déconseillait toute fermeture administrative d’une centrale nucléaire qui n’aurait pas été décidée par l’exploitant sur injonction de l’Autorité de sûreté ([665]).

Cela n’a pas empêché la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), portée par les gouvernements du Président de la République François Hollande, d’inscrire un objectif de forte réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, à 50 % dès 2025 – que le rapport de notre collègue Antoine Armand qualifie d’» objectif politique (vraisemblablement issu d’un accord partisan avec leurs alliés écologistes) maintenu au mépris de la réalité scientifique et technique » ; on peut ajouter au mépris des enjeux de la sécurité d’approvisionnement national et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, qui devenait pourtant une priorité, dans la mesure où le gouvernement a défendu, malgré les alertes des experts, un calendrier improbable et ne prévoyait aucune solution de substitution crédible. Cette même loi LTECV a par ailleurs acté, de manière tout aussi dogmatique, le plafonnement immédiat (à 63,2 GW) des capacités de production nucléaire et la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim ([666]).

Loin d’être remis en cause par le changement de présidence de la République, c’est sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, quand Édouard Philippe était Premier ministre, que se concrétise le sacrifice de Fessenheim – confirmé en 2018 et définitif en 2020 –, en dépit du fait que le troisième réacteur de Flamanville n’était toujours pas achevé, et que la centrale de Fessenheim pouvait, à l’époque, être remise à niveau pour être prolongée. Antoine Armand écrit qu’il « ne peut que regretter [ce choix] au regard de la production décarbonée que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim auraient sans doute été en mesure d’apporter plusieurs décennies encore. » ([667])

Le Président Emmanuel Macron décidera finalement, en 2022, de relancer la filière nucléaire française, mais son gouvernement aura auparavant – en 2019 – arrêté le projet Astrid (Advanced sodium technological reactor for industrial demonstration) un démonstrateur visant à optimiser l’utilisation de l’uranium naturel et favorisant le multirecyclage du plutonium, en plus d’avoir mis un coup d’arrêt à la filière en annonçant en novembre 2018 la fermeture rapide d’un quart du parc nucléaire français : « Concrètement, 14 réacteurs de 900 mégawatts seront arrêtés d’ici à 2035. Ce mouvement commencera à l’été 2020 avec l’arrêt définitif des deux réacteurs de Fessenheim [...] il restera alors à organiser la fermeture de 12 réacteurs entre 2025 et 2035 : quatre à six réacteurs d’ici 2030, le reste entre 2030 et 2035. » ([668]) La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat renouvelle la baisse du nucléaire dans le mix énergétique français et promeut le développement des énergies renouvelables intermittentes, notamment par un soutien accru à ces projets de développement. Ces décisions idéologiques, sans fondement scientifique, ont conduit à l’arrêt par le Président Emmanuel Macron et son Premier ministre Edouard Philippe d’une des centrales nucléaires françaises les plus sûres du pays ([669]).

Dans son rapport, Antoine Armand conclut que l’arrêt d’Astrid et celui de Superphénix ont « généré un retard considérable [dans la recherche sur la quatrième génération de réacteurs] alors que le pays était manifestement en avance technologique. » ([670])

Le rapport de cette commission d’enquête de 2023 présente ainsi plusieurs décennies de délaissement et même d’affaiblissement de notre filière électronucléaire, alors que cette dernière assure l’essentiel de notre approvisionnement électrique et une capacité d’exportation quotidienne de 14 gigawatts de la France vers ses voisins, contribuant à réduire le déficit de notre balance commerciale, tout en offrant une énergie très vertueuse du point de vue de nos émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, parmi les conséquences regrettables des décisions prises en matière de mix électrique, on peut aussi déplorer les problèmes créés par l’intermittence des technologies éoliennes et solaires, dont les actuels gouvernements encouragent le développement : la modulation imposée aux centrales pour contrebalancer la variabilité de la puissance injectée par ces technologies renouvelables et l’usure prématurée que cela entraînerait sur la structure des réacteurs.

Stéphane Raison, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation au sein d’EDF, rappelle qu’en termes d’intensité carbone, l’électricité française se distingue avec seulement 33 grammes d’équivalent CO2 par kWh, contre 295 pour l’Italie, 333 pour l’Allemagne et 125 pour l’Espagne. Cette abondance et ces performances notamment en termes de décarbonation représentent « un atout majeur pour la relocalisation industrielle » ([671]).

À l’échelle européenne, le rapporteur regrette que les gouvernements se soient insuffisamment battus pour protéger cette filière, dont « la France est considérée et reconnue comme une grande nation nucléaire » ([672]). Outre les réformes successives pour libéraliser ce secteur stratégique, le règlement européen du 18 juin 2020 relatif à l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables a empêché le nucléaire d’être considérée comme une énergie durable et propre. Cette absence de rapport de force crée un désarroi chez Patrick Martin, président du Medef : « il est urgent que la France se montre plus exigeante envers l’Union européenne et ses réglementations, se fixe un cap précis, en particulier s’agissant du nucléaire, tout en respectant la logique de la neutralité technologique. » ([673]) La Commission européenne, en imposant les moyens d’atteindre des objectifs avec un pourcentage d’énergie renouvelable, freine la décarbonation de l’économie, au détriment de l’intérêt général. Comme l’a mis en exergue le président de TotalEnergies Patrick Pouyanné, il est impératif de revenir « au bon sens : fixons des objectifs en fonction du point de départ, et laissons chacun choisir le moyen de les atteindre. » ([674])

b.   La faute de l’abandon de l’extraction propre d’énergie fossile

Mais cette regrettable désinvolture et ces tergiversations aux conséquences néfastes des premiers gouvernements d’Emmanuel Macron ne sont pas les seules absurdités s’agissant de production d’énergie. Le Président de la République a en effet débuté son premier mandat par le dépôt d’un projet de loi porté par son ministre de la Transition écologique et solidaire, ayant abouti à l’adoption de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, dite « loi Hulot ».

En interdisant toute nouvelle recherche, exploration ou extraction des hydrocarbures présents dans le sous-sol français ([675]), cette loi a retiré à notre pays la possibilité d’alléger la facture de ses importations en énergies fossiles, et même de répondre à ses besoins à de meilleurs tarifs que ce que la France paie aujourd’hui pour faire venir du gaz naturel liquéfié depuis les États‑Unis.

En empêchant la recherche, la France se prive de potentielles ressources propres, d’autant plus que « nous sommes capables de l’exploiter dans des conditions écologiquement acceptables. » ([676]) Ce constat est également partagé par la CFDT, plaidant pour « une souveraineté d’approvisionnement, y compris par la relance de l’extraction minière en France, dans le respect des normes sociales et environnementales. » ([677])

Le rapporteur précise que si la sortie des énergies fossiles est un objectif à atteindre, dans l’attente de l’électrification des usages et de la montée en puissance du nucléaire, il lui apparaît absurde de continuer de se priver des ressources propres de la France alors même que nous en importons, à la condition qu’elles soient écologiquement et économiquement exploitables.

c.   L’abandon de notre avantage historique du prix de l’électricité

Selon de nombreux acteurs de l’industrie auditionnés, « l’énergie est la sève de l’économie et de l’industrie » ([678]), « un facteur clé de la réindustrialisation » ([679]) ; elle est « essentielle » ([680]) et joue un « rôle crucial » ([681]) dans la décarbonation.

L’industrie française est pourtant une victime collatérale de l’idéologie imposée par l’Union européenne avec la validation complice des gouvernements français. Malgré le timide changement de cap opéré il y a peu par le Président de la République, la France tarde à disposer d’une « stratégie claire » ([682]), la puissance publique refusant d’arbitrer. La France est victime de l’absence de gouvernance des intérêts à long terme et de rationalité scientifique dans les choix politiques. Le prix de l’énergie est pourtant le critère prédominant pour une implantation industrielle, avant le coût salarial ([683]).

Alors que notre pays a subi une inflation des prix énergétiques, le coût de production de l’électricité a progressé dans une moindre mesure : en effet, le prix de l’électricité payé par les particuliers, les entreprises et les collectivités est décorrélé des coûts de production du mix français à cause des règles du marché européen de l’énergie. Pourtant, la France dispose d’une électricité pilotable, décarbonée et compétitive, grâce aux réacteurs électronucléaires construits par EDF mais aussi grâce à ses barrages hydroélectriques. Il est dès lors injuste que les Français ne puissent pas disposer d’un retour sur investissement sur ces moyens de production et qu’ils voient leur prix de l’électricité être indexé sur celui du gaz européen importé : cette imprévisibilité du prix et sa volatilité constituent un contresens économique pour l’industrie, qui s’inscrit dans le temps long.

La perte de notre compétitivité-prix en matière d’énergie résulte à la fois du délaissement de notre atout nucléaire et le renoncement à la régulation nationale des prix au profit du mécanisme de tarification du marché européen de l’électricité.

  1.   L’abandon du nucléaire, soumission à la mode et au marché

Conscient de la dépendance de la France aux ressources fossiles et aux matières premières, le Général de Gaulle, visionnaire, avait fait le choix de développer notre indépendance énergétique. Dès 1952, le premier plan quinquennal de l’énergie atomique, dans la voie des réalisations industrielles en matière de production d’électricité nucléaire, est lancé. En 1974, le plan Messmer permet de limiter la dépendance au pétrole au profit du nucléaire décarboné, attractif, pilotable et abondant, en réponse au choc pétrolier de 1973.

Pourtant durant plus de 20 ans, cet État-stratège est abandonné par les gouvernements successifs et sous les injonctions du cadre juridique européen. Les réformes entreprises ébranlent le domaine du nucléaire, frappant le cœur de notre souveraineté.

La première étape a consisté à libéraliser le secteur de l’énergie.

Puis, est venu le démantèlement, la privatisation et l’organisation de marché avec le mécanisme de l’Arenh. L’entreprise EDF et son écosystème se trouvent durablement vulnérables et fragilisés.

Après tant d’années d’errance, il aura malheureusement fallu subir trois chocs majeurs pour une timide prise de conscience à l’échelle nationale et européenne :

– la pandémie de Covid-19, révélatrice de la faible part de l’industrie sur notre continent et dans notre pays ;

– la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine, engendrant des hausses des prix de l’énergie massives, l’Europe étant dépendante au gaz russe ;

– les plans économiques volontaristes américains pour attirer les industries sur leur sol dans leur volonté de conserver leur place de leader mondial.

Les récentes annonces de l’Union européenne, telles que l’assouplissement normatif, sont à saluer. Pour autant, elles occultent trop souvent l’essence même de toute prospérité économique : les énergies nucléaire et hydraulique, vitales pour l’industrie. L’inclusion de la neutralité carbone dans les traités n’est qu’une timide avancée sans confirmation pour l’avenir. L’ancien commissaire européen Thierry Breton, combattant vivement le groupe du Rassemblement national auquel appartient le rapporteur, confirme ses craintes : « lorsque je suis arrivé à Bruxelles, il y avait deux gros mots à ne pas prononcer : nucléaire et industrie. » ([684])

À l’unanimité, les auditionnés de la commission d’enquête ont loué les bienfaits et les vertus de l’énergie nucléaire. Les experts, syndicats et organisations patronales, petites et moyennes entreprises ou encore multinationales françaises et étrangères, ont unanimement exprimé l’impérieuse nécessité de disposer d’une énergie compétitive, abondante, pilotable et décarbonée : celle-ci a été ainsi qualifiée devant la commission d’enquête « d’atout historique » ([685]), « d’atout fantastique » ([686]), « d’avantage comparatif » ([687]), « de facteur d’attractivité » ([688]), « d’une chance » ([689]). Le rapporteur ne peut qu’approuver les propos de Renaud Dutreil et de Geoffroy Roux de Bézieux, déplorant pour l’un « les errements de la politique énergétique et du nucléaire » ([690]) et pour l’autre que « Le domaine de l’énergie [...] a été malheureusement négligé pendant vingt ans. » ([691])

De l’aveu d’un capitaine d’industrie stratégique, Olivier Andriès, « une électricité qui repose uniquement sur les renouvelables avec des intermittences ne fonctionne pas. » ([692])

Si le discours de Belfort d’Emmanuel Macron du 10 février 2022 actant le retour du nucléaire ([693]) est à saluer, « les atouts se cultivent et s’entretiennent » ([694]), comme le rappelle Olivier Andriès. Fort est de constater que la préservation de la filière n’a pas été anticipée et qu’ « on a perdu du temps et il est difficile de rattraper notre retard » ([695]) comme l’affirme Patrick Pouyanné. « Cette nouvelle stratégie nucléaire n’a pas donné lieu à suffisamment de progrès. Au lieu de prendre de l’avance, nous prenons du retard. » ([696]) En délaissant cette filière, le nucléaire « a eu beaucoup de mal à attirer, à tous niveaux de qualification. Nous en payons encore le prix. » ([697])

Ce revirement doit, fâcheusement, rester nuancé. Alors que le ministre Marc Ferracci déclare sous serment devant la commission d’enquête que la France dispose d’atouts énergétiques au service de l’industrie et de la compétitivité « grâce à son parc nucléaire historique » ([698]) permettant un « avantage décisif dans la compétition internationale » ([699]), le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) représentant plus de 300 milliards d’investissement, prévoit un développement massif des énergies intermittentes. Soulignée à maintes reprises au cours de nos travaux, la situation budgétaire française ne permet aucunement d’investir à perte dans ces énergies peu efficaces et qui mettent en péril la viabilité des réacteurs nucléaires par la modulation de leur production. Le développement des énergies intermittentes entraîne également une sous-exploitation du parc nucléaire en le cantonnant à un taux de charge (ratio entre production réelle et production possible à pleine puissance) de seulement 67 % en 2023 contre une moyenne mondiale de 81,5 % la même année selon la World Nuclear Association ([700]).

C’est pourtant grâce aux atouts compétitifs du nucléaire que de nombreuses entreprises se sont implantées en France, à l’instar de Novo Nordisk, comme en atteste cette déclaration du directeur général Etienne Tichit : « nous acceptons de produire en France à un certain tarif notamment parce que nous avons pour ambition de décarboner entièrement notre entreprise d’ici à 2045. Dans cette optique, le choix de la France se justifiait par l’existence de l’énergie nucléaire. L’extension de notre site nous permettra d’aller un peu plus vite tout en renforçant la décarbonation et en apportant des garanties de qualité concernant les produits que nous fournissons au reste du monde. » ([701]) Les responsables institutionnels corroborent cette affirmation, à l’image du délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, déclarant que c’est grâce à « l’accès à une électricité abondante et au meilleur coût que [...] nous avons vu plusieurs projets [...] choisir de s’implanter en France en raison de notre électricité décarbonée grâce au nucléaire. » ([702])

Les priorités doivent donc se porter sur le développement du nucléaire et sur le renforcement de la production hydraulique.

  1.   La facture énergétique est devenue un critère central pour la survie comme pour le développement de notre industrie…

En dépit de ces avanies, notre pays assure encore, fort heureusement, un approvisionnement en électricité suffisant pour répondre aux besoins de son économie. Certes, les objectifs de décarbonation nécessiteront un renforcement de nos capacités de production : rappelons que dans le scénario d’une réindustrialisation qui atteindrait 12 % du PIB en 2035, étudié par France Stratégie, la consommation d’électricité de l’industrie manufacturière passerait de 135 à 165 térawattheures (TWh) en 2035 ; et dans le scénario à 15 % de PIB, la consommation monterait à 215 TWh. ([703])

Toutefois la consommation électrique de l’industrie française prendra plusieurs années à croître – elle serait même plutôt stable dans l’immédiat ([704]).

Le sujet d’inquiétude aujourd’hui est celui du prix à payer pour cette électricité, demain mais aussi les dix prochaines années. Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, rappelle en effet combien la visibilité, la stabilité et la compétitivité du prix de l’électricité sont nécessaires pour assurer la décarbonation et maintenir une base industrielle solide en France ([705]).

La crise énergétique de 2021-2023 en a fait brutalement la démonstration, illustrant en négatif le poids que peut représenter la facture énergétique dans l’équilibre économique des entreprises françaises et leur compétitivité. Ces dernières années ont été particulièrement difficiles pour ses adhérents, dit Philippe d’Ornano, co-président du METI ([706]).

Depuis, les prix de l’électricité et du gaz ont fortement reflué, mais restent à des niveaux plus élevés qu’avant cette crise.

Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, précise que le mégawattheure (MWh) de gaz naturel vaut 40 euros en France, contre 25 euros en Europe avant la guerre en Ukraine ([707]). Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, explique que le choc sera durable car avec l’arrêt des livraisons de gaz russe, l’Europe devra essentiellement s’approvisionner en gaz naturel liquéfié (GNL) lequel, compte tenu des traitements qu’il suppose, sera toujours structurellement beaucoup plus cher que dans les autres zones du monde ([708]).

S’agissant de la molécule d’électricité, Stéphane Raison, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation au sein d’EDF, indiquait à la commission d’enquête qu’au 7 avril, le MWh se négociait à 63 euros en France, 100 euros en Italie, 82 euros en Allemagne et 60 euros en Espagne.

Le prix français de l’électricité est donc revenu à un tarif assez proche de ce qu’il était avant la crise. Mais cette dernière a montré que ces prix pouvaient s’emballer et monter parfois jusqu’à plus de 1 000 euros le MWh, plombant les factures des ménages et des entreprises.

Cette explosion des prix des factures énergétiques n’a pas attendu le choc des crises. Le prix de l’électricité toutes taxes comprises (TTC) pour les ménages en France a augmenté de 81 % entre 2007 et 2022, en euros courants. Dans le même temps, celui des entreprises, hors TVA, a augmenté de 110,3 % en euros courants ([709]). Le prix TTC du gaz naturel pour les ménages a augmenté de 81 %, en euros courants, entre 2007 et 2022. Pour les entreprises, ce prix a augmenté de 135 % hors TVA en euros courants sur la même période ([710]).

D’atout historique de notre pays en raison d’un niveau avantageux au sein de l’Europe, le prix de l’électricité est alors devenu une charge pouvant menacer la survie de nos industries –rappelons que certaines ont été contraintes de réduire leur activité pendant la crise plutôt que d’avoir à supporter des factures insoutenables – et dégradant, en tout état de cause, leur compétitivité-coût.

Car si les prix sont redescendus, la situation s’est durcie à plusieurs niveaux.

Il y a, de fait, une tendance structurelle à la croissance des prix avec la progression des coûts moyens de production et de fonctionnement du système électrique, laquelle découle à la fois des investissements réalisés pour prolonger la durée d’activité des installations existantes (avec le Grand carénage en particulier) et du développement de nouvelles capacités de production.

C’est ainsi que le coût moyen de production du parc nucléaire existant est passé d’environ 40 euros le MWh en 2011 à 60,7 euros le MWh sur la période 2026-2030 selon des estimations récentes de la Commission de régulation de l’énergie ([711]).

Quant aux nouvelles capacités et à celles qui devront être développées pour répondre aux enjeux de la décarbonation, elles supposent des investissements massifs qu’il faudra amortir. Or les filières solaire et éolienne qui ont été privilégiées ces dernières années ont un coût pour la collectivité et les consommateurs qui est loin d’être anodin. D’abord, « les énergies moins denses coûtent plus cher », souligne le PDG de TotalÉnergies ([712]). Si ce coût tend à diminuer, d’importants soutiens publics sont encore nécessaires pour accompagner leur déploiement (plus de 4 milliards d’euros sont ainsi prévus en 2025 pour le remboursement par l’État des tarifs d’achat garantis et des compléments de rémunération via les charges de service public de l’énergie). La multiplication des installations multiplie par ailleurs les raccordements aux réseaux publics d’électricité. Leurs gestionnaires, RTE et Enedis, projettent 100 milliards d’euros de travaux chacun dans les dix ans à venir pour faire face à leurs besoins de développement et d’entretien, des investissements qui seront inéluctablement répercutés dans les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe) payés par l’ensemble des consommateurs finals. Il faut enfin évoquer le maintien en activité de centrales à gaz pour contrebalancer l’intermittence des productions solaires et éoliennes et garantir une électricité disponible et suffisante à chaque instant.

De plus, comme le rappelle Olivier Lluansi : « Pour le consommateur, la structure du coût est la suivante : un tiers de taxes, un tiers pour le réseau et un tiers pour le prix de l’électron. Il faut observer par ailleurs qu’il y a autant de réalités de prix que de sites industriels : une industrie hyperélectro-intensive et une petite ou moyenne industrie (PMI) n’ont pas les mêmes déductions sur les taxes, ni le même prix de réseau et du transport, ni le même tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe), ni le même prix de l’électron. Pour le consommateur, la structure du coût est la suivante : un tiers de taxes, un tiers pour le réseau et un tiers pour le prix de l’électron. Une industrie électro ou hyperélectro-intensive bénéficie d’efforts sur le Turpe et d’efforts sur le réseau, mais il est difficile de savoir ce qui va se passer dans les années à venir, puisque l’évolution politique peut conduire à une nouvelle augmentation des taxes. » ([713])

Le relèvement des coûts fondamentaux de l’énergie en France et en Europe vient accentuer le différentiel de coût avec les prix américains ou chinois : le prix spot de l’électricité en Europe est, en moyenne, deux fois plus élevé qu’aux États-Unis, et trois fois plus qu’en Chine, et le gaz coûte moins de 10 euros par mégawattheure (MWh) aux États-Unis grâce au gaz de schiste, alors qu’en Europe il est généralement supérieur à 40 euros par MWh, montant auquel il faut ajouter la taxation du prix du CO2, remarque Anaïs Voy-Gillis ([714]).

  1.   …Et la régulation plus incertaine

Non seulement les factures devraient s’alourdir, mais des éléments stabilisateurs cruciaux vont disparaître. La fin prochaine de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) vient en effet aggraver les incertitudes sur la soutenabilité des prix de l’électricité des prochaines années, menaçant la France d’une perte de compétitivité majeure.

Patrick Pouyanné rappelle en effet que si notre pays offre encore un prix du mégawattheure d’électricité sensiblement inférieur aux prix constatés chez ses grands voisins, c’est grâce à l’Arenh –– « sans lui, nous serions à 80 euros ». ([715])

Même si le dispositif a été très critiqué pour l’important manque à gagner qu’il a représenté pour EDF en n’ayant jamais été revalorisé, et pour l’absence de véritables obligations pour ses concurrents, « l’Arenh présente l’avantage d’établir un prix lisible, stable et compétitif, 42 euros du MWh », ajoute Mme Voy-Gillis. « Avec la fin de l’Arenh, le prix va devenir beaucoup plus élevé [...] et ne sera plus prévisible ».

Des entreprises électro-intensives au cœur de l’industrie française

Le terme « électro-intensifs » (EI) désigne des entreprises dont l’activité nécessite une consommation importante d’électricité. L’article D. 351-1 du code de l’énergie les identifie à deux conditions :

– avoir une consommation d’électricité supérieure à 2,5 kWh par euro de valeur ajoutée ;

– exercer une activité industrielle « appartenant à un secteur dont l’intensité des échanges avec les pays tiers, telle que déterminée par la Commission européenne aux fins de l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté, est supérieure à 4 % ».

Sur la base de ces critères, plus de 500 entreprises industrielles sont qualifiées d’électro-intensives. On les retrouve principalement dans la chimie, la sidérurgie, la métallurgie de l’alumium, le ciment, le verrre, l’industrie du papier-carton, etc.

Elles absorbent environ 20 % de la consommation nationale d’électricité et 70 % de celle de l’industrie française.

Sources : Connaissancedesenergies.org et Uniden.

Or, la soutenabilité et la prévisibilité du prix de l’électricité est un enjeu vital pour les plus gros consommateurs, les électro-intensifs pour qui l’Arenh peut représenter plus de la moitié de leur facture d’électricité grâce aux contrats d’approvisionnement de long terme directement négociés avec EDF.

Il a toutefois été décidé que le dispositif ne serait pas prolongé au-delà de son échéance au 31 décembre 2025. La loi de finances pour 2025 le remplacera, à compter de 2026, par un « versement nucléaire universel », un mécanisme censé réguler les prix de l’électricité issue des centrales nucléaires existantes, mais en laissant le marché de gros définir ces prix.

Le nouveau régime ne prévoit qu’un prélèvement sur les revenus du parc électronucléaire historique lorsque le prix théorique moyen dépasse un certain seuil, prélèvement qui doit ensuite être redistribué a posteriori à l’ensemble des consommateurs. Le projet de loi de finances pour 2025 annonçait un premier seuil à 70 euros par MWh et un second à 110 euros MWh, mais l’article 17 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 précise seulement qu’ils seront fixés en fonction des coûts de production réels, des besoins en investissement et de « la situation financière » d’EDF. La Commission de régulation de l’énergie n’a pas encore donné ses recommandations pour déterminer cet équilibre.

Quant au prix de vente aux consommateurs de l’électricité issue des autres filières, il est déterminé par les marchés et/ou les conditions d’approvisionnement librement proposées par les fournisseurs. Les contrats aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) n’échappent pas à la fixation des prix par les marchés européens : leur évolution est seulement encadrée, en comportant une part « Arenh » au tarif fixe de 42 euros le MWh et une part « Complément marché » calculée sur la moyenne des cotations des deux années passées – ce qui permet tout de même de lisser les emballements ponctuels. En tout état de cause, la part Arenh disparaîtra en 2026 et ne restera qu’un lissage des prix du marché. Notons en outre que la Commission européenne doit statuer sur la conformité au droit européen de leur maintien dans le courant de l’année 2025.

Initialement réservés aux particuliers et aux très petites entreprises (TPE) ayant un contrat de moins de 36 kVA, le bénéfice de ces TRVE a été étendu à toutes les TPE, quelle que soit leur consommation. Mais ils ne sont évidemment pas accessibles aux grandes industries électro-intensives ; et, même si elles bénéficieront du versement nucléaire universel, s’il est déclenché, il ne pourra leur suffire : le seuil de 70 euros est déjà trop élevé pour leur modèle économique ; et le principe d’un reversement a posteriori n’apporte aucune visibilité sur l’évolution de leurs charges, sans parler qu’on ignore encore, à six mois de sa mise en œuvre, comme il fonctionnera.

Un accord passé le 14 novembre 2023 entre l’État et EDF a alors prévu un deuxième mécanisme à destination des plus grands consommateurs, censé stabiliser les prix par le développement des contrats de vente d’électricité à moyen et long termes. L’achat de volumes plus importants sur des périodes plus longues peut en effet peser sur la définition des prix et leur volatilité. De fait, la commercialisation depuis 2024 de nouveaux contrats sur quatre à cinq ans (contre trois auparavant) semble avoir trouvé ses clients. Mais ces horizons sont encore trop courts pour les plus gros consommateurs et les prix obtenus trop dépendants des variations du marché.

Il était donc convenu qu’EDF propose aux sites industriels électro-intensifs de conclure des contrats de partenariat industriel, dits « contrats d’allocation de la production nucléaire » (CAPN), sur dix à quinze ans, afin de bénéficier d’une partie de la production du parc nucléaire historique à un prix censé refléter les coûts d’exploitation des centrales.

Toutefois, sans que la commission d’enquête en ait eu le détail, les prix proposés peinent à convaincre les industriels français, qui contestent par ailleurs les modalités de ces CAPN. Il s’agit en effet de contrat at cost, at risk – aux frais et risques du client : « At cost signifie que les coûts sont pris tels qu’ils sont. Ils sont donc imprévisibles et des couvertures supplémentaires sont nécessaires, notamment en cas de baisse de la production. At risk signifie que la production est estimée en fonction des capacités du parc électronucléaire », explique la chercheuse Anaïs Voy-Gillis ([716]).

Pour le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné, « les CAPN ne posent pas qu’un problème de prix. [...] En effet, les CAPN demandent à l’industriel de prendre à sa charge une partie des coûts des risques du producteur. Nous produisons de l’énergie dans le monde, nous vendons de l’énergie à tous nos clients ; dans aucun contrat je ne demande à mes clients d’intégrer dans leur prix le risque de mon coût de production ou de mon investissement. Là, on nous demande de prendre en charge un risque d’augmentation non plafonnée des coûts, ainsi qu’un risque sur la disponibilité du parc nucléaire. » ([717])

L’entreprise ACC critique également ce mécanisme qui fait peser sur les industriels un risque (prix et volume) élevé alors que ces derniers n’ont aucun levier sur la performance industrielle et technique d’EDF. En outre, l’avance en tête demandée (environ 1 million d’euros pour 1 MW de puissance souscrite, dont au moins 50 % doivent être déboursés 18 mois avant le démarrage du contrat) est inadaptée aux contraintes de trésorerie d’une jeune entreprise comme la sienne : « Dans la phase de ramp‑up industriel, qui succède à de lourds investissements, ACC fait face à des coûts opérationnels élevés alors qu’il enregistre de faibles revenus. » ([718])

Et pour finir, l’annonce d’une mise aux enchères de ces CAPN, dénoncée par l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden) ([719]), a vivement ému les acteurs industriels qui craignent que les centres de données ne fassent monter les prix au détriment de notre chimie ou de notre sidérurgie. Une inquiétude partagée par le rapporteur et qui a suscité d’importantes oppositions, entraînant notamment la démission du président d’EDF Luc Rémont.

Un seul CAPN serait à ce jour en voie de conclusion. Pour les autres membres de l’Uniden, qui représente une grande partie des électro-intensifs, les perspectives restent incertaines et les menaces réelles.

Quant aux industriels qui ne remplissent pas les critères des électro-intensifs (EI), ils seront entièrement livrés aux variations du marché et à ses potentiels emballements, même si le mécanisme nucléaire universel les atténuera, quand l’Arenh ne permettra plus de modérer leurs factures.

Ces nouvelles donnes – la croissance tendancielle des prix, la dégradation de l’avantage concurrentiel (relatif) des prix français et l’affaiblissement de nos mécanismes de régulation dès l’année prochaine – pourraient poser des problèmes de survie à certaines de nos industries, de compétitivité à toutes et d’attractivité pour de futurs investisseurs.

Elles pourraient décourager les nouveaux projets, mais aussi les investissements dans la décarbonation des procédés industriels si la transition vers l’électricité doit entraîner un alourdissement excessif des charges des entreprises.

Ces nouvelles donnes apparaissent, au surplus, difficiles à accepter, alors que les Français doivent encore pouvoir exiger un retour sur investissement des moyens de production nucléaire financés par l’établissement public qu’était EDF jusqu’en 2004 et largement amortis aujourd’hui.

D’autant plus que l’écart parfois important entre les prix fixés par les marchés et la réalité des coûts de production est difficile à comprendre. Philippe d’Ornano, co-président du METI, s’étonne encore que les ETI aient payé jusqu’à dix fois leurs factures d’électricité pendant la crise 2021-2023 « alors que le prix de la production d’électricité restait le même » – sans compter que pour atténuer les effets de la hausse des factures, « décorrélée du coût de production attractif en France, le contribuable français [s’est retrouvé] injustement à payer un bouclier tarifaire dont le coût entre 2021 et 2023 est estimé à 110 milliards d’euros. » ([720])

On risque ainsi de perdre l’un de nos premiers atouts concurrentiels – selon les témoignages de plusieurs acteurs industriels –, parce que l’État français a renoncé à mettre en place une véritable régulation des prix de vente de l’électricité produite par EDF, pourtant à nouveau entièrement détenue par l’État lui-même. Cette situation absurde découle de vingt ans de renoncement.

  1.   Un État réduit à accorder des palliatifs plutôt que s’attaquer au fond du problème

Mise en place pour favoriser l’entrée de fournisseurs alternatifs sur le marché français en rééquilibrant les positions d’EDF et de ses concurrents, l’Arenh restait néanmoins, avec toutes ses limites, une forme de régulation partielle des prix issus du parc nucléaire historique.

L’État a également mis en place quelques palliatifs complémentaires pour alléger les factures des électro-intensifs :

– la compensation des coûts indirects du marché européen des quotas carbone, dite compensation carbone, qui est d’une importance vitale pour beaucoup d’industriels mais fait l’objet de débats à chaque budget : « Sachez toutefois que, si vous supprimez la compensation carbone, de très nombreux sites électro-intensifs, donc ceux l’industrie de l’amont, qui sont nécessaires à notre souveraineté, risquent de ne pas pouvoir continuer à produire en France, voire en Europe », alerte Anaïs Voy-Gillis ([721]) ;

– ainsi que des abattements de Turpe et des taux réduits d’accise sur l’électricité (ex‑TICFE, parmi les plus bas d’Europe selon ACC) – même si la France manque de cohérence en maintenant une fiscalité de l’électricité moins intéressante que celle appliquée au gaz.

Mais ces dispositifs restent des palliatifs, utiles mais insuffisants et pouvant être remis en cause par le droit européen ou un gouvernement qui cherche de nouvelles marges financières.

Le problème est plus fondamental : en abandonnant ses leviers et sa capacité à fixer les prix de l’électricité et du gaz pour les consommateurs français, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés européens de l’électricité et du gaz, l’État français a progressivement renoncé à défendre notre atout compétitif.

Cet abandon a commencé avec la fin des quasi-monopoles d’Électricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF) en matière d’approvisionnement et leur transformation en sociétés anonymes en 2004.

Ont suivi la suppression des tarifs réglementés de vente du gaz naturel, d’une part, puis la restriction des tarifs réglementés de vente de l’électricité aux seuls particuliers et microentreprises ayant souscrit une puissance inférieure à 36 kVA, avec, en parallèle, la mise en place de l’Arenh.

Et surtout nos prix sont désormais fixés par les règles du marché européen de l’énergie (et le seront plus que jamais à partir de 2026), selon le principe de « la tarification au coût marginal de la dernière unité de production appelée » responsable de l’emballement généralisé des prix pendant la crise énergétique. En renchérissant les productions électriques d’une partie des installations européennes, la flambée des prix du gaz, conséquence de la guerre en Ukraine, s’est également répercutée sur les prix français, malgré un mix électrique limité en gaz. Le prix payé par les consommateurs finals s’est ainsi retrouvé totalement décorrélé des coûts de production de l’électricité en France.

Pire, cette décorrélation des factures énergétiques avec le coût de production sur notre sol, causée par les règles européennes de tarification du marché de l’énergie, a entraîné une inflation à la suite de la guerre en Ukraine qui a contraint l’État à dépenser de coûteuses enveloppes exceptionnelles pour lutter contre la hausse des prix. Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes de mars 2024 : « Selon les chiffrages disponibles à date, le coût pour l’État des diverses mesures [exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie] adoptées depuis l’automne 2021, y compris celles prévues par la loi de finances pour 2024, représenterait un total de près de 72 milliards d’euros au titre des années 2021 à 2024, concentré sur 2022 (24,1 milliards d’euros) et 2023 (37,6 milliards d’euros). » ([722]) Un tel résultat apparaît injuste, et prive notre pays de pouvoir faire valoir ses avantages comparatifs dans la compétition européenne.

Il doit également nous conduire à interroger le fonctionnement du marché européen de l’électricité. C’est en tout cas la position d’Olivier Lluansi, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du CNAM : « Je ne pense pas que le marché de l’électricité, tel qu’il a été conçu, soit favorable à l’Europe pour la suite de son aventure. [...] Je suis désormais convaincu que nous avons organisé un marché qui ne produit pas les résultats attendus. Nous devrons nécessairement nous poser la question de sa révision complète ; nous avons raté l’opportunité qui s’est présentée en 2023, juste après la crise de l’énergie, le déclenchement de la guerre en Ukraine et les difficultés rencontrées par EDF en matière de corrosion sous fissure, et nous nous sommes contentés d’une réforme minime. Un marché européen est certes nécessaire, mais pourquoi lui allouer toute la production quand les États mènent vingt-sept politiques énergétiques différentes ? » ([723])

Interrogé par le rapporteur sur la pertinence en termes de compétitivité-prix d’une sortie des règles européennes de tarification de l’électricité pour payer « l’électricité à prix coutant », le PDG du site Toyota France, Rodolphe Delaunay, répond par l’affirmative : « Si la France avait l’énergie la moins chère d’Europe, cela lui procurerait sans aucun doute un avantage compétitif. » ([724])

2.   Le frein des ressources stratégiques

a.   Un enjeu essentiel pour la réindustrialisation

La transition écologique et la révolution numérique vont considérablement augmenter les besoins mondiaux en ressources minérales. La transition énergétique est, en effet, une « transition des métaux » ([725]). Plusieurs facteurs concourent à la demande croissante de matériaux critiques : la fin imposée de l’ère des moteurs thermiques, la promotion simultanée de l’électromobilité, la suppression progressive d’une génération électrique fondée sur le charbon et le gaz naturel, l’essor de la consommation matérielle de biens industriels … ([726]). « Nous sommes entrés dans l’ère des matériaux » affirme ainsi Philippe Varin, auteur du rapport « Sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales » : « Un citoyen européen consomme déjà 20 tonnes par an d’extraction de la planète pour les matériaux. Dans les 30 prochaines années, nous consommerons autant de matériaux que depuis le début de l’humanité. Cette problématique est amplifiée par la transition écologique, qui nécessite des matériaux présents en faible quantité dans la croûte terrestre. L’empreinte d’un véhicule électrique est six fois supérieure à celle d’un véhicule thermique, et un kilowattheure éolien requiert six fois plus de matériaux qu’un kilowattheure gaz. La fabrication d’un smartphone de 130 grammes nécessite 70 kilos de matière. Les matériaux critiques sont donc essentiels pour les transitions écologique et numérique. » ([727])

Les innovations technologiques nécessitent différents métaux et minerais raffinés ([728]). Pour les besoins industriels, on retient notamment : le cobalt, le cuivre, le lanthane et le lithium pour les véhicules électrifiés ([729]) ; le platine, le palladium et le rhodium pour les piles à combustible ; le cuivre, le néodyme, le dysprosium et le terbium pour les technologies de l’éolien ; le titane pour l’aéronautique ; le silicium, le cuivre, le cadmium, l’indium et le gallium pour le solaire photovoltaïque ; le lithium, le cobalt et le nickel pour les batteries.

b.   La consommation mondiale de ressources stratégiques devrait croître de façon importante dans un futur proche

Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie, leur niveau de consommation au cours de l’année 2020 devrait être multiplié par deux, voire par six, d’ici à 2040 ([730]). L’humanité pourrait extraire, d’ici 2050, autant de ressources métalliques qu’elle en a consommées depuis le début de l’âge de fer. Certains métaux et minerais seront plus particulièrement sollicités, comme le cuivre dont la demande pourrait quadrupler à court terme. De même, la demande en lithium serait multipliée par quarante d’ici le milieu du siècle ; celle du graphite et du cobalt par vingt à vingt-cinq à fonctions constantes. Quant à la consommation de terres rares, elle serait multipliée par sept sur la même période.

c.   L’industrie française se retrouve exposée par la dépendance européenne

En effet, l’ensemble des chaînes de valeur sont organisées autour de quelques acteurs. Cette concentration est aussi bien géographique (ressources et réserves) que capitalistique, et se fait en grande part en faveur de la Chine. Selon Philippe Varin, « La Chine contrôle désormais 60 % des chaînes de valeur menant aux batteries ou aux aimants pour les voitures, atteignant des parts de marché de 90 % sur certains segments comme le gallium, le scandium, le graphite ultra pur ou les terres rares. Les États-Unis ont réagi avec l’Inflation Reduction Act (IRA) et un investissement de 370 milliards de dollars visant une autosuffisance continentale. » ([731])

d.   Une réponse publique encore insuffisante

Si une réponse publique a émergé ces dernières années, au niveau national comme européen, elle reste insuffisante au regard des besoins réels. La législation européenne sur les métaux critiques ([732]) identifie 34 ressources indispensables pour l’avenir de l’UE et fixe, pour chacune d’entre elles, des objectifs à horizon 2030 en termes de capacité d’extraction européenne (au moins 10% de la consommation annuelle), de raffinage (au moins 40% de la consommation annuelle) et de recyclage (au moins 15% de la consommation annuelle).

En France, à la suite des recommandations du rapport Varin ([733]), une stratégie nationale de sécurisation des approvisionnements en métaux critiques a également été élaborée. Celle-ci repose sur quatre piliers :

– la nomination d’un délégué interministériel à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux stratégiques (DIAMMS) qui coordonne les administrations et associe les industriels aux décisions ;

– le déploiement d’une diplomatie des ressources minérales pour sécuriser les investissements ;

– la création de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (OFREMI), chargé de faire une veille stratégique, économique et technique des chaînes mondiales d’approvisionnement ;

– le soutien aux projets industriels sur l’ensemble de la chaîne de valeur en France et à l’étranger.

Cette stratégie a été appuyée par plusieurs outils de financement : l’appel à projet métaux critiques porté par France 2030, le crédit d’impôt industrie verte, la garantie des projets stratégiques et la mise en place d’un fonds d’investissements dans les métaux critiques (opéré par Infravia) de 2 milliards d’euros et abondé à 500 millions d’euros par l’État.

Se fondant sur cette stratégie, les industriels et les administrations publiques – au premier rang desquelles figure le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) – ont entamé un travail de construction d’une filière complète allant de l’extraction au recyclage et au stockage des matériaux critiques. Aussi le BRGM mène-t-il le « Grand inventaire des ressources minérales » visant à établir un état des lieux des réserves naturelles du sous-sol français. De même, plusieurs projets d’extractions ont récemment été initiés. On peut notamment citer le projet « Exploitation de Mica Lithinifère » lancé par l’entreprise Imerys qui vise à répondre à environ un tiers des besoins en lithium du sous-sol français. Ces projets industriels se multiplient, comme le souligne le délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques Benjamin Gallezot : « Dans le domaine des terres rares, nous avons deux projets en cours, dont un de séparation des terres rares déjà en production, une capacité unique en Europe. [...] Concernant les batteries, nous aspirons à construire une chaîne complète, de l’extraction du lithium à la fabrication des matériaux de cathode, avec des projets portés par Orano à Dunkerque et Axens à Valenciennes, ainsi qu’un projet de précurseurs de matériaux de cathode près du Havre. [...] Nous développons actuellement des installations de raffinage de lithium, de nickel et de cobalt, notamment sur le port autonome de Bordeaux. Dans le secteur du recyclage, nous avons lancé des initiatives importantes, telles que le recyclage direct d’aimants permanents, de matériaux électroniques, ainsi que de métaux de base, en particulier l’aluminium et le cuivre. » ([734])

Toutefois, les efforts publics et privés pourraient être insuffisants face aux besoins d’approvisionnements de l’industrie française à moyen terme.

● En premier lieu, les relations commerciales de la France et de l’Union européenne demeurent exposées à la compétition internationale et à l’instabilité géopolitique. D’après Philippe Varin, « Les pays riches en ressources sont souvent politiquement instables, comme nous l’avons constaté en Amérique latine. L’instabilité politique en Afrique constitue aussi un enjeu majeur pour la sécurisation des matières premières, d’autant plus dans le contexte actuel de découplage entre l’Union européenne, la Chine et les États-Unis. » ([735]) En outre le délégué interministériel Benjamin Gallezot relève que « L’intérêt limité de l’Union européenne ces dernières années pour établir des relations stratégiques avec l’Afrique sur ces questions constitue une lacune qu’il faudra combler. » ([736]) Le rapporteur déplore surtout, quant à lui, que la relation entre la France et les pays africains se soit profondément détériorée depuis 2017, marquée par une perte d’influence diplomatique, militaire, économique et symbolique, notamment au Sahel. La défiance envers la France s’est accrue, au profit de puissances concurrentes comme la Chine ou la Russie.

● En second lieu, les besoins d’investissements dans l’industrie minérale à l’échelle mondiale dépasseront sans doute les 1 000 milliards de dollars ([737]). Pour Philippe Varin, « Le secteur minier traverse actuellement une phase de sous-investissement, caractérisée par un manque de réserves et des rendements décroissants. L’exploitation de gisements de cuivre à teneur suffisante nécessite désormais des forages plus profonds, coûteux et chronophages. »

● Enfin, les entreprises de la filière sont confrontées à un besoin crucial d’innovation. Cet enjeu décisif est rappelé par Philippe Varin : « Face à ces défis, les clés du succès résident dans la rapidité d’innovation et le développement de mines responsables, garantissant une traçabilité indispensable à leur acceptabilité sociale. Il est important d’intégrer l’éco-conception dès les premières étapes comme nous l’avons fait pour les batteries. » ([738]) L’innovation devra également s’accélérer en aval de la filière, dans les technologies utilisées pour les batteries électriques. « Nous devons concentrer nos efforts sur le développement de nouvelles technologies de batteries où notre retard serait moins prononcé. Cela exige des investissements conséquents de notre industrie, probablement avec un soutien européen renforcé [...] Nous accusons un retard considérable par rapport à la Chine, qui possède une avance technologique d’une décennie sur les batteries lithium-ion. Notre stratégie industrielle doit viser à combler cet écart le plus rapidement possible, ce qui nécessitera inévitablement une collaboration avec les acteurs chinois. Nous devons développer notre expertise sur ces technologies, notamment sur la technologie Lithium fer Phosphate (LFP), qui offre des batteries à moindre coût, mais reste dominée par la Chine. » ([739])

e.   Ces enjeux appellent une réponse publique cohérente, alignée sur les intérêts industriels de la France

Si l’annonce récente par la Commission européenne d’une liste de 47 projets d’exploitation des terres rares et matériaux stratégiques ([740]) témoigne des récents efforts continentaux, il est nécessaire d’aller plus loin. « Au niveau européen, je préconise l’établissement d’un règlement sur les batteries, la définition de normes pour l’exploitation minière responsable, la mise en œuvre du Critical Raw Materials Act ([741]), et l’augmentation des investissements dans l’innovation de rupture », préconise Philippe Varin ([742]).

En outre, nos auditions ont rappelé la pertinence de l’échelle européenne pour la constitution de stocks stratégiques. Cette analyse est corroborée par les propos de Benjamin Gallezot : « Le niveau d’interdépendance et d’intrication des chaînes de valeur fait de l’échelon européen un niveau extrêmement pertinent. Concernant les stocks stratégiques, le gouvernement a pris une décision, proposée à l’Assemblée dans le cadre de la loi de programmation militaire, et le Parlement l’a votée. Cette disposition permet de constituer des stocks stratégiques dans le domaine de la défense, où nos objectifs de souveraineté sont particulièrement forts et où l’État est acheteur et prescripteur. Pour les stocks destinés aux filières civiles, une action européenne concertée est nettement plus pertinente et cohérente. Si nous constituons des stocks au niveau français, mais que ceux-ci sont utilisés dans des chaînes de valeur européennes, transformés à divers stades. » ([743])

Au niveau national, il importe de soutenir impérativement la relance de l’extraction minière, qui seule permettra de répondre aux besoins de court terme et améliorera la capacité de résilience souveraine. En effet, « la contribution significative du recyclage à l’approvisionnement ne sera pas immédiate, hormis pour les déchets de fabrication. Il faudra attendre que les véhicules électriques arrivent en fin de vie, voire qu’ils soient réutilisés, avant de pouvoir recycler massivement leurs batteries. Sur les dix à quinze prochaines années, nos besoins en ressource seront principalement satisfaits par des capacités de production primaire. » ([744]) Cette politique cohérente permettrait de valoriser la richesse du sous-sol national, comme le rappelle Catherine Lagneau, présidente du BRGM : « Concernant la France, nous avons lancé un nouvel inventaire pour évaluer précisément nos ressources disponibles. Nous savons déjà que notre territoire recèle des gisements de classe mondiale pour certains minerais comme le tungstène, l’antimoine, l’or, l’uranium et le baryum. Nous disposons également de ressources en cuivre, plomb, zinc, germanium, étain, niobium, tantale et béryllium. Cependant, la viabilité économique de ces gisements reste à déterminer. L’arrêt de leur exploitation dans les années 80 était principalement dû à la disponibilité des minerais sur le marché mondial à cette époque. L’inventaire en cours vise à requalifier les échantillons prélevés lors du précédent recensement. Les premiers résultats sont encourageants et laissent présager l’existence de gisements de qualité sur notre territoire. Bien que ces ressources ne puissent pas couvrir l’intégralité des besoins de l’industrie française ou européenne, elles pourraient néanmoins susciter l’intérêt des industriels pour leur exploitation. » ([745])

Parallèlement, le frein que constitue l’approvisionnement en minéraux critiques ne pourra être levé qu’en soutenant le développement d’une filière de raffinage et de recyclage. Pour ce faire, il conviendrait de s’inspirer des projets menés par le BRGM. « La capacité-clé dans le domaine des terres rares réside dans l’extraction et la séparation des différentes terres rares, lourdes ou légères, essentielles à la fabrication d’aimants permanents. Nous avons déjà amorcé une augmentation de production à La Rochelle, avec des quantités actuellement limitées à 50 tonnes, mais qui sont appelées à croître significativement. La capacité de séparation des terres rares lourdes que nous développons à La Rochelle, qui sera opérationnelle d’ici un à deux ans, couvrira l’intégralité des besoins du marché européen, ce qui représente un enjeu considérable. » ([746])

Il importera donc de réduire la charge administrative ralentissant l’ouverture de nouvelles mines et, à ce titre, de recourir davantage au régime juridique prévu en cas de projet d’intérêt national majeur (PINM). C’est la recommandation de Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques : « Le projet d’intérêt national majeur, établi par décret, permet également de réduire les délais, particulièrement en ce qui concerne la modification des documents d’urbanisme, souvent source de retards importants. » ([747])

3.   Le frein des exigences environnementales excessives

La nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, de défendre nos ressources en eau et en terres vivantes, de préserver la qualité de notre air et notre richesse en biodiversité sont des objectifs partagés par tous et qui appellent à la responsabilité de chacun.

Les acteurs auditionnés par la commission d’enquête reconnaissent l’utilité de normes dessinant les cibles des progrès à réaliser et précisant les biens communs à protéger absolument.

Les ambitions environnementales portées par le continent européen pourraient même représenter un atout dans la compétition mondiale, en particulier s’agissant de nos performances en matière de décarbonation. La ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher partage ce constat : « Les grands investisseurs étudient désormais [les trajectoires de baisse des émissions de gaz à effet de serre des sites industriels] et arbitrent, dans leurs choix d’investissement, en faveur des entreprises qui font la preuve de la réduction de leurs émissions. L’Europe n’étant pas mal positionnée [dans ce domaine, ainsi que, vraisemblablement, en matière de la lutte contre les pollutions et de biodiversité], le revendiquer nous permettrait de construire un avantage compétitif, en affirmant que nous avons anticipé les externalités négatives et que les investissements publics ou privés doivent tenir compte du supplément de compétitivité de nos entreprises hors prix, qui n’est pas révélé par le marché. » ([748])

Il importe, en tout état de cause, ne pas se laisser distancer, avertit-elle : « Il faut avoir conscience que la Chine a baissé le contenu carbone de ses activités à une vitesse stupéfiante. Nous sommes parfois focalisés sur les émissions de carbone brutes de la Chine, qui est le premier émetteur mondial, mais rapporté à sa production, son contenu carbone a drastiquement diminué ».

La ministre rappelle enfin que derrière les piliers de la décarbonation définis par le gouvernement – la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies décarbonées –, il existe des enjeux de filières industrielles, avec des entreprises françaises plutôt bien positionnées ou prometteuses.

a.   L’industrie, pilier de la lutte contre le changement climatique

Le rapporteur tient à souligner, à ce propos, que c’est bien de l’industrie que viendront les solutions aux défis posés par le dérèglement climatique et notre nécessaire adaptation. En effet, non seulement relocaliser des activités réduira notre impact carbone à moitié lié à nos importations, mais en plus l’industrie peut répondre par la décarbonation et l’innovation aux impératifs écologiques.

Agnès Pannier-Runacher observe en outre que « les filières vertes créent deux fois plus d’emplois que les autres et les parts de marché industrielles se déplacent au profit des pays qui ont la maîtrise de ces filières ». « Cela montre que la compétitivité peut aller de pair avec la décarbonation », conclut-elle. « En effet, la Chine a fait la preuve du découplage entre la décarbonation et l’économie, comme nous l’avons fait au niveau européen, en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre de 37 % depuis 1990 et en augmentant notre PIB de 68 % sur la même période. Ce découplage existe, et il faut le mesurer ».

La ministre considère que le devoir de vigilance affirmé par le droit communautaire peut être aussi « un avantage compétitif extra-financier dont l’Europe et la France peuvent se prévaloir » : « Cette législation oblige à un minimum de vigilance dans la sélection des sous-traitants, ce qui est de nature à faciliter ou à favoriser la relocalisation en Europe. Le fait que la maîtrise des chaînes de sous-traitance est plus sécurisée en Europe que dans d’autres pays dont on n’est pas certain qu’ils ne pratiquent pas le travail forcé ou le travail des enfants ».

Pour autant, la ministre reconnaît les écueils actuels de cette législation, dénoncés par les entreprises (cf. Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes ci-dessus) : le reporting doit éviter de donner de l’information stratégique à d’autres, et que le travail généré par sa construction lui fasse perdre son sens et n’engendre des coûts supplémentaires pour les entreprises ([749]). Le rapporteur rappelle également la menace juridique que le devoir de vigilance imposera aux entreprises, en les rendant responsables du comportement des sociétés de leur chaîne de valeur.

Malgré les vertus que revêt l’industrie à l’égard des défis écologiques, le rapporteur souhaite rappeler le paradoxe exprimé par Olivier Andriès, directeur général de Safran, de voir des associations ou militants appartenant au courant d’une écologie punitive et excessive s’opposer presque systématiquement aux implantations de projets industriels.

Lors de son audition le 14 avril 2025, Olivier Andriès a effectivement déclaré que son groupe n’investirait plus dans des villes dirigées par des majorités écologistes. Cette décision fait suite à l’opposition et à l’hostilité véhémente de certains élus locaux et habitants contre la construction d’une fonderie de haute technologie, portée par Safran, à proximité de Rennes, un projet conforme à l’objectif « zéro artificialisation nette » et créateur de 500 emplois.

Olivier Andriès a en effet déclaré devant la commission d’enquête : « Je serai très clair : il n’est plus question d’investir en France dans une ville détenue par une majorité écologiste. Ce n’est plus possible. Je ne le ferai pas. Si c’est pour se faire accueillir par des tomates, quand on crée 500 emplois dans une région, ce n’est pas la peine ! Je ne le ferai pas. Chaque fois que nous devrons décider d’une localisation, je bannirai toute offre faite par une ville détenue par une majorité écologiste. Ce n’est pas politique, mais à partir du moment où l’on oublie l’intérêt national, où l’on a une attitude égoïste et où l’on ne comprend pas que créer 500 emplois est important pour le territoire concerné et pour la vie des personnes, il n’est pas question pour nous d’investir. » ([750]) Pour lui, l’opposition exprimée par certaines municipalités se revendiquant « écologistes » empêche la mise en œuvre de projets industriels.

Face à la polémique suscitée par les propos du directeur général de Safran, le rapporteur tient à lui renouveler son soutien. Il dénonce ces tentatives de blocages excessives, pouvant aussi se traduire par la multiplication disproportionnée de recours contre des projets industriels, qui relèvent de revendications idéologiques souvent contraires à l’intérêt national et local. Il souligne que la manifestation de certaines idéologies proches de l’écologie excessive et punitive constitue un frein à la réindustrialisation du pays.

b.   Les auditions montrent malheureusement que la législation environnementale oublie parfois de raison garder

  1.   Un tsunami normatif

La transition environnementale est avant tout une cathédrale de papier, qui perd son âme dans le volume de ses flux normatifs, particulièrement soutenus en droit de l’environnement. Le code correspondant aurait crû de 653 % depuis 2002, et se prête à l’accumulation des procédures.

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, en a fait l’expérience : « Je me suis fait faire une liste de toutes les autorisations que l’on doit demander pour une ferme solaire [...]. Il nous faut les autorisations environnementales, les permis de construire, un dossier en application de la loi sur l’eau, un dossier pour les espèces protégées, un dossier pour le défrichement, un dossier pour l’étude hydraulique. » ([751])

On ne reviendra pas sur les incertitudes générées par l’instabilité normative et l’opacité qui en découle, ni sur la complexité administrative et la dérive des délais d’instruction que cela engendre. Patrick Pouyanné cite l’exemple d’un projet local de « seulement » 400 millions d’euros, la transformation de la bioraffinerie de Grandpuits : « On a annoncé le projet en mai 2021 ; on va le démarrer début 2026. [...] Ce n’était pas du tout le plan que nous avions. Après avoir arrêté la raffinerie, nous voulions remettre les salariés au travail rapidement. Nous visions 2024 ».

Il s’étonne en particulier que pour la réactivation d’un site qui existait déjà, « était accepté par le voisinage » et dont il ne s’agissait que de transformer les unités, il ait fallu faire intervenir la Commission nationale du débat public (CNDP) – « un dévoiement de son objectif initial », à son sens.

  1.   Un niveau des exigences disproportionné

Le réalisme et la pertinence de certaines exigences ou interdictions interrogent.

On a vu les inquiétudes exprimées par les acteurs économiques face à la mise en œuvre de la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (ou Corporate Sustainability Due Diligence Directive), dite « directive CS3D » – qui a « atteint un sommet dans les textes réglementaires punitifs », pour le PDG de TotalEnergies : « Demander aux entreprises de s’occuper des droits humains auprès de leurs fournisseurs et de s’assurer de la qualité du travail me paraît louable. Cependant, le texte demande d’appliquer cette vigilance à plusieurs niveaux de sous-traitance, ce que l’on est totalement incapable de faire, et nous menace de nous priver de je ne sais quel pourcentage de notre chiffre d’affaires, ce qui est complètement hallucinant. » ([752])

Éric Trappier, président de Dassault Aviation, cite de son côté l’exemple des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées désignées comme PFAS : « Bien sûr qu’il faut étudier les conséquences de ces produits sur la santé, mais il convient d’identifier lesquels de ces milliers d’items sont dangereux – tous ne le sont pas – et d’envisager les protections possibles avant de prononcer leur interdiction pure et simple. Il faut également donner à l’industrie le temps de les remplacer, sur le modèle du règlement européen du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit "règlement Reach", car ces matériaux sont utilisés dans tous les domaines et leur remplacement a un coût. Une interdiction rapide des PFAS mettrait immédiatement le secteur à l’arrêt. » ([753])

On peut aussi évoquer la doctrine très rigoureuse des compensations environnementales, jusqu’à un certain degré d’absurdité quand il s’agit de réutiliser une friche pour une activité industrielle (cf. Le frein foncier ci-dessous).

Le rapporteur est, pour sa part, accablé quand des projets industriels sont bloqués en raison de la présence d’espèces sous-représentées dans la région concernée, alors qu’elles sont surabondantes dans d’autres.

Des exigences disproportionnées ou trop globales peuvent ainsi paralyser des projets dont on reconnaît par ailleurs l’intérêt pour notre pays, ou imposer des coûts de mise en œuvre élevés, qui pèsent sur la compétitivité de nos industries, les pénalisant d’autant plus que ces exigences ne sont pas partagées par les pays de leurs concurrents.

Sans compter que les exigences environnementales peuvent parfois se contredire entre elles, comme en témoigne Delphine Laffay, directrice générale adjointe de la société Faubourg Aménagement : « Nous constatons des divergences entre le code de l’urbanisme et le code de l’environnement, notamment en ce qui concerne la densification des projets. Alors que nous cherchons à optimiser l’utilisation de l’espace par une construction plus verticale, les contraintes environnementales nous obligent souvent à nous étaler horizontalement. » ([754])Des contraintes qui ne vont pas non plus dans le sens des préoccupations du « zéro artificialisation net » défendu par ailleurs...

Par conséquent, lancer un chantier de simplification et de révolution pragmatique des contraintes environnementales apparaît indispensable.

4.   Le frein foncier

Les projets industriels ont besoin de terrains pour s’implanter ou se développer. La disponibilité d’un foncier adapté à leur activité et abordable est en conséquence un déterminant essentiel des décisions d’investir, et les difficultés à en trouver constituent un frein important.

Ce critère est cité dans tous les baromètres sur l’attractivité de la France. Il ressort même en premier dans l’enquête réalisée par Business France auprès de 700 dirigeants d’entreprise étrangères de plus de 200 salariés : « Le premier critère est celui de la disponibilité du foncier, mais aussi de son prix et des "utilités" – les services comme l’eau et l’énergie. » ([755])

La question foncière est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs des relocalisations industrielles. Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, le confirme en creux : « Nous avons ainsi réalisé une enquête dont les résultats indiquent que près de 75 % des présidents d’intercommunalité ont renoncé à des projets ou n’avoir pas pu en accueillir en raison de problématiques foncières. » ([756])

De fait, outre leur localisation plus ou moins avantageuse, tous les terrains ne sont pas propices à accueillir des activités industrielles ; et, surtout, le foncier utilisable est devenu une ressource contrainte depuis la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat et résilience ».

a.   L’objectif de zéro artificialisation nette, un nœud coulant pour la réindustrialisation

Celle‑ci a en effet prévu une division par deux de la consommation nette des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) entre 2021 et 2031. Si l’on respectait ces objectifs, qui visent un « zéro artificialisation nette » ou ZAN à l’horizon de 2050, seuls quelques 12 000 hectares non encore artificialisés seraient disponibles chaque année pour de nouveaux projets, tous usages confondus, rappelle Clément Beaune, haut-commissaire au Plan et commissaire général à la stratégie et à la prospective ([757]).

Or, le rapport de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel ([758]), rendu en juillet 2023 par Rollon Mouchel-Blaisot, préfet, et François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement durable, indiquait un besoin de 20 000 à 25 000 hectares (sur les dix prochaines années) pour soutenir la réindustrialisation ([759]), et celle de France Stratégie un besoin de 29 700 hectares supplémentaires d’ici 2035 par rapport à 2022 dans son scénario de réindustrialisation à 12 % du PIB et de 79 000 dans celui à 15 % ([760]).

Source : Grégory Claeys, Ruben Fotso, Maxime Gérardin, Coline Bouvart, Nassim Zbalah, François Belle-Larant, Réindustrialisation de la France à l’horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels, document de travail de France Stratégie, juillet 2024, https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/reindustrialisation-de-france-horizon-2035-besoins-contraintes-effets-potentiels-0

Grégory Claeys, directeur du département économie de France Stratégie, explique que leur scénario de réindustrialisation à 12 % du PIB d’ici 2035 impliquerait de mobiliser 2 000 hectares de foncier supplémentaires par an. L’industrie représenterait alors 17 % de l’enveloppe annuelle globale, contre 5 % actuellement ([761]).

Toutefois, pour répondre à ces besoins, la mission de mobilisation pour le foncier industriel préconisait d’abord l’utilisation du foncier existant. « La France dispose en effet de 170 000 hectares de friches et de nombreuses zones économiques et industrielles sous-densifiées. Nos visites dans divers bassins industriels ont révélé un potentiel de densification de 20 à 30 % dans de nombreuses villes moyennes. De plus, la tendance à la compacité des implantations industrielles libère du foncier pour de nouveaux projets. Nous estimons pouvoir répondre à la majorité des demandes en utilisant des surfaces déjà artificialisées » indique Rollon Mouchel-Blaisot. « Néanmoins, environ 8 000 à 10 000 hectares d’artificialisation nouvelle seront probablement nécessaires, ce qui impliquera des choix politiques. » ([762])Le professeur Lluansi a calculé que le taux d’artificialisation nécessaire au respect de notre trajectoire de réindustrialisation serait donc plutôt de 6 % ou 7 % ([763]).

Mais Rollon Mouchel-Blaisot rappelle que la question du ZAN ne se limite pas aux terrains à aménager pour accueillir de nouvelles entreprises, mais englobe également les besoins en logements et en équipements publics liés à l’augmentation de la population, notamment celle induite par ces nouvelles activités ([764]).

David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, illustre cette difficulté : Les dispositions de cette « loi ZAN » « n’ont pas été un frein direct au développement du site dans la zone industrielle ; cependant, en limitant la construction de logements, elle pose un problème d’attractivité pour les nouveaux collaborateurs. Le projet de Chartres s’accompagne de 500 embauches. Comme nous ne souhaitons pas entrer en guerre avec nos voisins, nous devons attirer dans le bassin d’emploi des compétences venues du reste de la France et de l’Europe. Les premières questions que l’on nous pose sont : y a-t-il des médecins, des écoles, des infrastructures sportives, de quoi loger ma famille ? Nos collaborateurs veulent une maison et un jardin. [...] Du point de vue quantitatif, il n’y a pas de problème ; c’est le type de logement qui ne convient pas, car beaucoup de nos collaborateurs ne souhaitent pas vivre en appartement. » ([765])

Sans parler des infrastructures, telle l’autoroute A69 aujourd’hui au cœur des polémiques alors même qu’il s’agit d’une infrastructure indispensable pour désenclaver le territoire. Il n’y a pas de réindustrialisation sans développement de nos infrastructures, rappelle le rapporteur.

En tout état de cause, si l’on comprend parfaitement la nécessité de protéger nos terres agricoles et l’objectif de ralentir notre consommation de terres naturelles, plus rapide en France que chez nos voisins, le ZAN représente un défi supplémentaire important pour notre stratégie de réindustrialisation. D’autant plus qu’en rationnant le potentiel artificialisable, il accentue la compétition entre les usages et fait monter les prix.

Guillaume Basset, adjoint à la directrice générale déléguée Invest au sein de Business France, constate que « nous avions clairement un atout qui était le prix. Il existe toujours, mais nous sommes confrontés à une hausse du prix du foncier. En 2018, la fourchette était de 35 à 350 euros le mètre carré industriel dans les neuf principales agglomérations, alors que les prix allaient plutôt de 50 à 500 euros en Allemagne. La hausse du prix du foncier industriel concerne toute l’Europe, mais elle est plus importante en France. Il faut donc être vigilant à la fois quant à la disponibilité du foncier et quant à son prix. On en parle peu, mais cela représente souvent un tiers des dépenses d’investissement capitalisées au bilan d’une entreprise ou capital expenditures (Capex) pour les projets industriels que nous accompagnons. » ([766])

Au surplus, cette concurrence d’usage n’est pas favorable à l’industrie. « Une opération foncière qui implique le secteur industriel est globalement moins rentable que celle qui se construit autour d’un commerce, d’un logement ou du tertiaire », explique François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires ([767]).

Olivier Levillain, chef du service prévention des risques au sein de la DRIEAT d’Île-de-France, évoque aussi les data centers qui entrent en compétition avec d’autres activités industrielles pour des sites stratégiques : « Le modèle économique des data centers, caractérisé par une forte capacité d’investissement foncier, crée parfois un déséquilibre face à des industries plus traditionnelles ou émergentes, moins à même de rivaliser sur le plan financier ». ([768])

François Wohrer constate que l’objectif de ZAN et la faible rentabilité des projets fonciers par rapport aux rendements proposés par l’immobilier se renforcent ainsi pour complexifier un grand mouvement de relocalisation, et souligne que « nous devons trouver un moyen si nous voulons que ces sites soient disponibles pour le secteur industriel. Dans ce cas précis, la logique subventionnelle a du sens pour faire en sorte que ces projets industriels soient véritablement compétitifs ». Rollon Mouchel-Blaisot considère pour sa part que la maîtrise foncière est cruciale, notamment pour lutter contre les nombreux phénomènes spéculatifs constatés sur le foncier ([769]).

Cette concurrence peut être particulièrement pénalisante pour les petits projets, de moins de 2 hectares, mais qui représenteraient 85 % des besoins industriels, selon Rollon Mouchel-Blaisot.

Le problème du grand foncier est plus ancien : Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, rapporte que depuis au moins les années 2000, aucun terrain de plus de 200 hectares n’est immédiatement disponible en France. « Pourtant, il existe un marché pour ce type de projets. Depuis 2016, nous avons recensé, dans notre base mondiale, 1 529 projets supérieurs à cette taille. La France en a obtenu 0,2 %, et occupe la cinquante-quatrième position, entre le Qatar et la Norvège, alors que dans l’ensemble des projets recensés dans notre base mondiale, toutes tailles confondues, la France est en onzième position, derrière l’Allemagne, avec 1,7 % des projets recensés. » ([770])

Illustration concrète de l’application de l’objectif de zéro artificialisation nette : le cas de la ville de Perpignan, victime d’une fuite des investissements et de pertes de créations d’emplois

Perpignan est la ville-centre de sa communauté urbaine, dénommée Perpignan Méditerranée Métropole, comprenant 37 communes sur une superficie territoriale de 628,58 km2. Selon l’Insee, le département des Pyrénées-Orientales se situe encore parmi les plus pauvres de France avec 23,40 % de taux de pauvreté et 17,80 % de taux de chômage ; l’industrie représente 5% de l’économie intercommunale.

Alors que le redressement économique permet de s’émanciper d’une faible condition sociale, il se heurte à l’absence de disponibilité foncière pour les porteurs de projets industriels, en raison de notre législation.

En l’état actuel du droit issu de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « loi climat et résilience », l’application du dispositif ZAN limite à seulement 115 hectares les droits à construire dédiés au foncier économique jusqu’à l’horizon 2031. Passée cette date, c’est un quasi-gel des droits à construire qui se profile.

L’enveloppe du foncier économique autorisée par ce dispositif est clairement insuffisante pour permettre d’enrayer le décrochage de la communauté urbaine perpignanaise, qui prévoyait environ 350 hectares de foncier économique avant l’entrée en vigueur de la loi climat et résilience.

Les quelques 115 hectares autorisés par le ZAN sont d’ores et déjà attribués, en plus d’être insuffisants.

Cette entrave s’amplifie en raison de la localisation de la ville, située dans une zone frontalière avec l’Espagne, un État dont la législation ne prévoit pas d’équivalent au dispositif ZAN. Les projets industriels délocalisent donc en Espagne, à l’image de la société La Française du divertissement et de Soler & Palau.

La société La Française du divertissement envisage d’implanter à Perpignan un parc à thème dénommé Studio Parc Catalan. Il s’agit d’un projet de parc de loisirs novateur, combinant des attractions immersives, des technologies interactives et des approches intégrées sur le thème des grandes productions cinématographiques. Le projet comprend également un volet studio de production, un secteur d’activité très largement sous-investi en Europe. 2 000 emplois directs et indirects sont prévus.

Il réunit toutes les conditions nécessaires à la concrétisation, parmi lesquelles :

– la maîtrise d’un terrain d’assiette foncière d’un seul tenant de 60 hectares,

– la détention des licences d’exploitation exclusive des principales sociétés de production cinématographique,

– l’assistance à maîtrise d’œuvre pour la conception/réalisation conclue avec Thinkwell, principal opérateur mondial du secteur, notamment à l’origine du parc Harry Potter de Londres ou des productions de Beyoncé,

– ou encore le tour de table financier réalisé pour une surface totale de 550 millions d’euros d’investissements. 

Malheureusement, à cause des contraintes du ZAN, cette dernière envisage de délocaliser son projet de parc à thème dans la région de Gérone ou de Valencia, délocalisant la création des 2 000 emplois annoncés.

Soler & Palau est un groupe industriel barcelonais spécialisé dans la fourniture des solutions de ventilation des bâtiments, présent sur les 5 continents avec 25 usines de production, 5 centres de recherches et développement de pointe et plus de 10 000 références produits, services brevetés et distribués dans le monde. Le projet d’extension d’usine permettrait de faire de la France un acteur majeur du secteur de la ventilation des bâtiments de toute destination. Disposant d’une petite unité de commercialisation historiquement implantée dans les Pyrénées-Orientales sur la commune de Thuir, le groupe Soler & Palau envisage de donner une nouvelle dimension à son implantation française, en créant une plateforme multimodale dédiée à l’Europe de l’Ouest pour l’assemblage, la commercialisation et la distribution de ces produits. En application du ZAN, le terrain d’assiette retenu pour ce projet industriel ne peut être classé en zone économique. Dans ces conditions, ce groupe envisage de renoncer à son projet d’extension en France, pour le délocaliser en Espagne avec les 150 emplois.

Fort de ce témoignage du maire de Perpignan Louis Aliot, le rapporteur déplore que les dispositions de la loi ZAN aient bloqué deux projets industriels porteurs d’emploi dans une zone sinistrée, particulièrement frappée par la pauvreté, en phase avec les principes du développement durable. Aussi ubuesque que cela puisse paraître, ils déménagent en Espagne dont la frontière est à seulement 20 km. Ainsi, comme l’affirme le maire de Perpignan au rapporteur : « l’application du ZAN dans sa définition actuelle condamne le tissu économique perpignanais à rester sous-industrialisé ; étant donné que l’enveloppe foncière lui étant autorisée ne permet pas de rattraper son retard industriel, ni d’accueillir les projets innovants. S’il était mieux défini, le dispositif ZAN devrait nécessairement permettre d’exclure de son application les projets industriels innovants, permettant de répondre aux exigences d’un développement durable ou revêtant un intérêt territorial certain. Conditionner l’exclusion du dispositif ZAN à des critères d’opportunité économique et de performance environnementale permettrait donc de concilier l’exigence de sobriété foncière avec l’impératif de réindustrialisation du pays. »

Source : informations communiquées au rapporteur par le maire de Perpignan Louis Aliot.

C’est pourquoi le rapporteur appelle à un assouplissement massif des objectifs de zéro artificialisation nette. L’exemption d’une durée de 5 ans de l’objectif de ZAN pour les projets industriels leurs aménagements et logements connexes, adoptée le 28 mai dans le cadre de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique, initiative soutenue par son groupe parlementaire, devrait être pérennisée.

b.   L’enjeu de la mobilisation des friches

La mobilisation des friches est une des réponses les plus optimales à l’enjeu foncier de la réindustrialisation. Elle est aussi la plus complexe ; et la réhabilitation des friches est une opération coûteuse.

Pour ce faire, les collectivités et les entreprises bénéficient, en particulier :

– de l’expertise de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dans la reconquête des friches polluées ou à risque de pollution. Avec 20 ans d’expérience, elle accompagne techniquement et financièrement les porteurs de projets de reconversion de friches, avec comme finalité de sécuriser les projets (leurs coûts et leurs délais) et les riverains, salariés et usagers des sites, mais aussi éclairer les choix d’aménagement. Elle aura soutenu en phase travaux plus de 230 projets de reconversion depuis 2010, représentant plus de 130 millions d’euros de subventions ([771]) ;

– d’aides publiques s’agissant des friches des collectivités. Leur requalification a connu une forte accélération à partir 2021 avec la création du fonds friches, dont l’Ademe est opérateur, intégré au fonds Vert depuis 2025. La reconversion de friches, en particulier issues d’anciens sites industriels, nécessite des temps de maîtrise foncière, de conception et réalisation de travaux souvent longs, et donc un besoin visibilité sur plusieurs années du soutien de la puissance publique, explique l’Ademe.

L’intégration des dotations du fonds friches dans le fonds Vert suscite toutefois quelques inquiétudes au regard des enjeux fonciers stratégiques de la réindustrialisation. En effet, son caractère déconcentré implique une répartition des crédits et des subventions dans une logique d’équité territoriale, alors même que les besoins sont d’abord fonction de l’ampleur des projets et des investissements en réhabilitation du foncier nécessaires. Notons que la diminution du fonds Vert dans la loi de finances initiale pour 2025 ne portait pas spécifiquement sur ces crédits.

Au cours de son audition, Rollon Mouchel-Blaisot alerte la commission d’enquête : « Nous avons estimé les besoins de réhabilitation à 2 000 hectares de friches industrielles. Il est impératif de maintenir les moyens du fonds friches ou des dispositifs équivalents, ainsi que les moyens de décarbonation. [...] Il serait désastreux d’interrompre l’effort engagé. » ([772])

Le régime des compensations environnementales vient en outre compliquer et renchérir la problématique foncière d’un projet industriel, de manière parfois difficile à comprendre :

– les exigences appliquées à la réhabilitation des friches semblent disproportionnées quand il s’agit de réutiliser un site déjà artificialisé pour une activité industrielle. C’est en tout cas un frein pour les intercommunalités qui seraient tentées d’engager le pari d’acheter des friches afin de les préparer à de nouvelles activités, mais seraient obligées d’établir des compensations environnementales aussi importantes que s’il s’agissait de terres agricoles ou de zones naturelles, signale Audrey Le-Bars, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes ([773]) ;

– François Noisette, membre de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, déplore par ailleurs qu’un aménageur ne puisse actuellement pas prendre d’engagements de compensation qui s’appliqueraient aux futurs permis de construire. « Cette situation peut engendrer des complications lorsqu’un industriel souhaite modifier l’agencement d’un terrain déjà préparé. [...] La législation actuelle impose de recommencer toute la procédure environnementale au moment du permis de construire, ce qui constitue un obstacle » ([774]) ; 

– Christophe Simonnet, directeur général de Faubourg Promotion (groupe IDEC), évoque enfin la difficulté de stabiliser les droits dans la durée : « Bien que les sites "clés en main" soient considérés comme constructibles, nous constatons la présence d’espèces protégées sur pratiquement tous les sites en France, quelle que soit leur taille. [...] Cette situation engendre des complications pour l’ensemble des industriels. » ([775])

C’est une des limites des actuels « sites clés en main », censés proposer une offre foncière, identifiée et en principe préparée pour accueillir des activités industrielles.

Le vivier des sites « clés en main » France 2030

Le dispositif des sites clés en main a commencé à être expérimenté dès les premières années du programme « Territoires d’industrie », lancé en 2018. Mais il a connu une accélération après l’annonce, le 11 mai 2023, par le Président de la République, de la préparation de 50 sites clés en main France 2030 « pour accueillir dans les meilleures conditions de nouveaux investisseurs industriels ».

La Banque des Territoires mobilise 450 millions d’euros de financement pour préparer les « sites clés en main France 2030 ». Ce sont finalement 55 sites industriels qui ont été sélectionnés par la Délégation Territoires d’industrie pour être prêts d’ici à 2030.

Cette démarche vise à identifier et accompagner (ingénierie, suivi de projet renforcé, financement fonds vert et/ou Banque des Territoires) des terrains stratégiques pour l’accueil de nouvelles activités industrielles, en allant plus loin que l’offre des sites clés en main, très tournée sur les autorisations réglementaires.

Elle mobilise tous les acteurs concernés au sein de l’État – administrations centrales et opérateurs de l’État (DGE, DGALN, Banque des Territoires, Business France, CEREMA, RTE), services déconcentrés, établissements publics fonciers, grands ports maritimes – en lien étroit avec les collectivités, qui ont déjà lancé de nombreuses initiatives pour optimiser leur foncier et le valoriser au mieux. ([776])

Le président d’Intercommunalités de France, Sébastien Martin, approuve la démarche : « La logique des sites industriels clés en main est la bonne pour essayer de répondre aux enjeux d’accès facilité, sur le territoire. Un véritable site "clés en main" est ainsi un site sur lequel un industriel n’a plus qu’à déposer une demande d’enregistrement pour une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Cela signifie que sur ce site, doivent déjà avoir été réalisés les inventaires "quatre saisons" et faune-flore, les études archéologiques et les opérations des viabilisations. » ([777])

Mais il nuance l’actuel bilan en observant que, sur les cinquante sites France 2030 présentés il y a deux ans, peu répondent en réalité à cette définition des sites « clés en main ».

Une autre limite du dispositif actuel, signalée par François Simonnet, est la répétition des procédures et des enquêtes publiques pour ces sites : « Nous nous retrouvons parfois à redéposer des dossiers déjà traités dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté (ZAC), puis à nouveau pour chaque permis de construire successif. Cette redondance allonge considérablement les délais. [...] Enfin, certaines autorisations administratives, telles que les permis de construire ou les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), ne sont toujours pas soumises à des délais d’instruction définis. L’absence de ces échéances pour l’examen de nos dossiers par certains services peut entraîner des retards importants, risquant de faire perdre des opportunités avec des industriels ou des clients potentiels. » ([778])

Au demeurant, même si les 55 sites couvrent à peu près 2 900 hectares aujourd’hui, ils ne correspondent pas forcément aux projets et demandes des industriels.

Rollon Mouchel-Blaisot observe que « si nous n’avons pas de problème macro-économique de foncier, des défis micro économiques persistent. Les terrains disponibles ne correspondent en effet pas toujours aux souhaits d’implantation des entreprises et d’autres contraintes peuvent intervenir comme l’installation sur les sites Seveso. Notre conviction est que le problème n’est pas quantitatif mais qualitatif. La qualité du foncier, sa maîtrise, et son adéquation avec les besoins en énergie, en eau, en numérique, et en main-d’œuvre sont cruciales. » ([779])

Au-delà des sites labellisés « clés en main », des outils de recensement des disponibilités foncières ont été mis en place pour faciliter l’identification : le portail France Foncier, de la Banque des territoires, et une base de données créées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Ce dernier recense plus de 10 000 friches avec et sans projets et près de 13 000 friches potentielles ; France Foncier recense pour sa part 810 sites disponibles.

La Cour des comptes avait déploré le doublonnage de ces outils ([780]). Mais Lucas Chevrier, conseiller industrie d’Intercommunalités de France, explique que le premier outil nourrit le second. France Foncier rassemble les données des agences régionales, de la Banque des territoires et du Cerema, pour les intégrer dans un portail spécifiquement dédié à l’activité économique. « L’outil pourrait sans doute être clarifié lorsqu’il est présenté à un industriel », reconnaît-il. « Néanmoins, il est également nécessaire de disposer en parallèle d’outils et de cartes pour aider les collectivités dans leur stratégie.  » ([781])

De fait, Rollon Mouchel-Blaisot rappelle que « la réindustrialisation doit concerner une grande diversité de territoires dans notre pays, au-delà de quelques niches ou filières spécifiques. Nous sommes donc confrontés à un véritable enjeu d’aménagement du territoire. » ([782])


   TroisiÈme pARTIE : LA FRANCE DOIT LEVER LES FREINS À SA RÉINDUSTRIALISATION

À présent que les grands mouvements historiques de la désindustrialisation ont été retracés et que les responsabilités des acteurs politiques ont clairement été identifiées, le présent rapport a pour ambition d’établir une feuille de route précise afin de lever les freins à la réindustrialisation.

C’est par la construction d’une volonté de redressement industriel avec les Français que le rapporteur souhaite non seulement doter la France d’une stratégie nationale de long terme en lui attribuant des moyens idoines, mais également octroyer aux industriels de meilleures conditions à la réindustrialisation, notamment en termes de compétitivité, d’attractivité du territoire et de financement de leurs activités par l’établissement de nouveaux outils financiers tels qu’un fonds souverain et le fléchage de l’épargne des Français. Il apparaît également nécessaire que l’Union européenne devienne un levier de réindustrialisation plutôt qu’un frein, à la fois en garantissant un libre-échange qui soit plus juste et protecteur de l’industrie nationale, en cessant l’inflation normative et en créant des synergies.

I.   La France doit se donner les moyens d’une stratégie nationale de long terme

Afin de renoncer aux atermoiements politiques et à une vision court-termiste des politiques industrielles, la France doit organiser une stratégie nationale pour les trente années à venir. Pour ce faire, le rapporteur a identifié trois priorités fortes, lesquelles doivent être impérativement accompagnées de responsabilités politiques clairement définies :

– La puissance : développer les secteurs d’avenir et d’innovation pour réussir dans la mondialisation et se maintenir dans la course des grandes puissances.

– L’indépendance : identifier et développer des filières de substitution aux importations dans les secteurs viables pour réduire nos dépendances majeures ; protéger nos filières stratégiques et soutenir leur réindustrialisation (par exemple la chimie, la production des molécules indispensables, l’alimentation, les composants électroniques essentiels) ; sécuriser nos approvisionnements en matières premières critiques et en énergie.

– La modernisation : accompagner le réalignement compétitif du tissu productif existant, notamment en matière de décarbonation, de robotisation, de numérisation (Intelligence artificielle, cloud, etc.) et de montée en compétences.

Pour devenir l’objet d’une véritable reconquête industrielle, ces priorités industrielles doivent également être insérées dans une politique plus large de revalorisation de l’industrie auprès des Français. Cette stratégie nationale impliquera par ailleurs de se positionner dans une démarche de conciliation entre l’ouverture de l’économie à l’export et la protection des sites industriels présents sur le territoire national.

Proposition n° 1 : Fonder la stratégie industrielle de la France sur trois priorités :

– la puissance par le développement des innovations de rupture ;

– l’indépendance par le développement de filières de substitution aux importations stratégiques et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ;

– la modernisation de l’appareil productif en matière de décarbonation, robotisation, numérisation et montée en compétences.

A.   LA FRANCE DOIT DÉTERMINER DES PRIORITÉS FORTES ET DES RESPONSABILITÉS CLAIREMENT DÉFINIES

1.   Une nouvelle industrie pour une nouvelle puissance industrielle française

a.   Une réponse urgente pour mener à bien la réindustrialisation

Un constat ressort de l’ensemble des auditions : pour mener à bien la réindustrialisation de la France, une réponse des pouvoirs publics s’impose urgemment, tant à l’échelle nationale qu’européenne. Alors que l’industrie européenne fait face à un « second choc chinois, beaucoup plus violent et plus pernicieux que le premier » ([783]), les entreprises européennes doivent également affronter un environnement concurrentiel exacerbé par le renforcement des barrières commerciales et les politiques protectionnistes menées aux États-Unis. La fermeture du marché américain menace d’orienter davantage encore les productions chinoises en surcapacité– souvent subventionnées – vers le marché européen. Entre Charybde et Scylla, l’industrie européenne ne doit pas avoir à choisir.

Il importe de ne pas subir la rivalité de ces deux superpuissances au risque de marginaliser l’industrie européenne. Pour David Baverez, cette menace se manifeste dans l’émergence d’une « Chinamérique » qui, en coopérant économiquement, relèguerait pour de bon l’économie française au rang des pays désindustrialisés. « On lit tous les jours dans la presse occidentale que la Chine les États-Unis sont en guerre mais, si c’est vrai sur le plan politique, il y a en réalité, sur le plan du business une entente, une coopération entre la Chine et les États-Unis : c’est ce que j’appelle la "Chinamérique". Avec 500 à 600 milliards de dollars d’échanges commerciaux chaque année, les deux travaillent ensemble. » ([784])

b.   Les atouts d’une renaissance industrielle

Comme le soulignait Olivier Lluansi ([785]) lors de son audition devant la commission d’enquête : « on ne réindustrialise pas pour réindustrialiser [...] l’industrie a une finalité dans un projet de société au nom de trois grandes valeurs. La première est la souveraineté, qui permet la diminution des dépendances, dépendances que nous avons vécues dans notre quotidien et dans notre chair pendant le Covid. La deuxième est la cohésion territoriale, [...] la réindustrialisation permet de répartir la valeur ajoutée et les bons emplois. La troisième est la maîtrise de notre empreinte environnementale. » ([786]) En effet, le rapporteur tient à rappeler que l’industrie est le moteur de la puissance d’un pays, de son indépendance, de sa prospérité économique et sociale, de son progrès technique et technologique ; elle est aussi la solution aux défis écologiques du XXIe siècle et la colonne vertébrale d’un territoire.

Conscients de ces atouts, les Français soutiennent la réindustrialisation. Selon l’étude commandée par BPIFrance ([787]), les citoyens sont à 82 % favorables à la réindustrialisation en France. Ils estiment que l’industrie permet de confectionner des produits de haute qualité (87 %), qu’elle contribue au patrimoine national (84 %), et qu’elle constitue une fierté pour les territoires (83 %).

Pour autant, la réindustrialisation doit dessiner une industrie adaptée à l’économie de demain et aux attentes des citoyens. À ce titre, 56 % des Français se disent préoccupés par les impacts négatifs d’un retour de l’industrie en France et soulignent en particulier les dégradations environnementales qu’elle suscite. Comme mentionné précédemment, le rapporteur rappelle que la France accorde une attention particulière aux enjeux écologiques avec une industrie parmi les plus vertueuses au monde et une énergie largement décarbonée, notamment grâce au nucléaire. De plus, le développement d’une production industrielle nationale permet de limiter l’impact carbone de la France, qui est à moitié lié à nos importations.

Une perception positive de l’industrie

Source : Enquête auprès de 5000 Français in BPIFrance Le Lab, La réindustrialisation en France : regards croisés entre territoires, industriels et citoyens, 15 mai 2024

Il importe donc de soutenir une industrie créatrice de nouveaux emplois – attente partagée par 44 % des Français – et renforçant l’indépendance économique autant que le développement local et régional – soutenus respectivement par 31 % et 25 % des personnes interrogées.

Des craintes concernant les externalités négatives de l’industrie

Source : Enquête auprès de 5 000 Français in BPIFrance Le Lab, La réindustrialisation en France : regards croisés entre territoires, industriels et citoyens, 15 mai 2024 Adopter trois priorités pour notre politique industrielle

c.   Les entreprises innovantes, un enjeu de puissance

Pour 60 % des industriels, l’industrie de demain devrait être innovante et technologiquement avancée ([788]). Il importe en effet, pour préserver la place de la France dans l’économie mondiale, de soutenir les innovations de rupture et de développer les technologies de pointe. Comme le rappelle la Cour des comptes, se fondant sur les données du Centre d’études prospectives et d'informations internationales (CEPII), depuis le début des années 2000 la gamme des produits manufacturés exportés par la France n’a pas connu d’évolution positive. La part des exportations de biens manufacturiers haut de gamme ([789]) est passée sous la barre des 40 % entre 2006 et 2010 et entre 2014 et 2019. En 2021, cette part (41,1 %) reste inférieure à celle des exportations allemandes (51,0 %), mais supérieure aux italiennes (39,7 %). Sur la même période, les exportations manufacturières des pays d’Europe centrale et de l’est connaissent des montées en gamme importantes ([790]).

La France dispose pourtant d’atouts en la matière. Comme le rappelait Marie-Pierre de Bailliencourt de l’institut Montaigne : « Nous ne manquons pas d’atouts dans la technologie, l’intelligence artificielle, le quantique ou la biotechnologie. La plupart des sociétés de biotechnologie qui se font actuellement coter à New York sont d’origine française et sont financées par les impôts des Français. » ([791]) Poursuivant les investissements réalisés dans le cadre du plan France 2030 via le plan Deeptech et la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, il importe d’accélérer le soutien aux entreprises innovantes. En effet, selon la direction générale des entreprises, plus de 330 start-ups deeptech ([792])  ont été créées en 2023 et près de 2 500 sont actives en France. Les principaux secteurs d’innovation sont notamment l’intelligence artificielle avec Mistral AI, le quantique (Alice & Bob, Quandela, Pasqal), le stockage de l’ADN (Biomemory, DNA Script) ou les biotechnologies (Amolyt Pharma, Treefrog Therapeuthics) ([793]).

Structure des exportations de biens manufacturiers par gamme de valeurs unitaires (en pourcentage du total)

 

Source : Cour des comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, novembre 2024. Analyse réalisées à partir de la base de données WTFC du CEPII

Proposition n° 2 : Se doter d’un objectif de réindustrialisation pour chaque secteur-clé de l’économie française, notamment la chimie, la métallurgie et les composants électroniques (dont les semi-conducteurs).

d.   La réduction de certains déséquilibres commerciaux, un enjeu d’indépendance nationale

Afin de se prémunir des chocs sur les chaînes de production mondiales il importe de réindustrialiser les produits indispensables à la sécurité nationale ainsi qu’au bon fonctionnement de l’économie. En 2020, la crise du Covid-19 avait brusquement révélé le haut degré de dépendance de l’économie française, puisque 40 % des intrants utilisés dans l’industrie étaient alors produits à l’étranger. Parmi ces intrants, 121 étaient fortement concentrés sur un faible nombre de producteur et 12 étaient particulièrement vulnérables selon une étude de la direction générale du Trésor ([794]).

Plutôt que de viser un objectif de réindustrialisation exprimé en part de production industrielle, il convient donc de poursuivre une réindustrialisation fondée sur l’équilibre de la balance commerciale des biens et la réduction des principaux déficits commerciaux. En effet, comme le rappelait Olivier Lluansi : « l’équilibre de la balance commerciale est un élément de souveraineté. Nos concitoyens sont sans doute peu nombreux à mesurer les choses en points de PIB ; en revanche, ils comprennent tous l’équilibre entre ce qu’on achète et ce qu’on vend. » ([795]) Si les secteurs de l’aéronautique, des cosmétiques et de l’agro-alimentaire contribuent à cet équilibre avec des excédents respectifs de 28,7 milliards d’euros, 17,3 milliards d’euros et 4,9 milliards d’euros, les principaux déficits apparaissent dans les secteurs de l’énergie (55 milliards d’euros), les biens d’équipement (37,5 milliards) et l’automobile (22 milliards). Il importe donc d’intensifier les efforts engagés pour réduire les dépendances stratégiques de la France (cf. Une large ouverture à la concurrence mondiale qui a accru les vulnérabilités européennes ci-dessous) tout en soutenant une réindustrialisation par le socle industriel local, seul à-même de répondre aux besoins des ménages français.

Ce constat est partagé par l’ancien ministre Arnaud Montebourg, s’interrogeant : « comment fait-on pour réindustrialiser quand on a des trous béants aussi considérables dans la balance commerciale ? Je viens d’identifier l’équivalent 25 à 30 milliards d’euros que nous pouvons récupérer : un tiers du chemin est déjà fait, voire plus de la moitié si l’on fixe l’objectif à 50 milliards. En produisant ces vingt produits en France, la situation s’améliorerait déjà et nous lancerions une dynamique collective. » ([796]) Parmi ces filières, il importe de réindustrialiser en particulier les molécules élémentaires de la chimie industrielle et les composants électroniques dont dépendent les innovations technologiques. Selon l’ancien ministre, « nous importons chaque année un milliard d’euros de cellules de batteries, ainsi que des accumulateurs au plomb pour 900 millions d’euros, des appareils radar pour 700 millions, des thermostats pour 865 millions, et des câbles de fils optiques pour 445 millions – soit 4,5 milliards d’euros. Nous avons pourtant des entreprises capables de fabriquer ces produits. » De même pour le secteur de la chimie : « Nous importons pour 5 milliards d’euros de savon, pour 5 milliards de pâte à papier et pour 13 milliards de produits en plastique injecté. Là encore, ce sont des produits que nous savons fabriquer. Nous n’avons pas gardé nos outils de travail – j’en ai vu fermer, des papeteries… –, mais nous serions capables de fabriquer à nouveau des produits en plastique injecté. »

C’est pourquoi la réindustrialisation comme priorité nationale doit être définie non pas en termes de part de la production industrielle dans le produit intérieur brut mais en termes d’objectifs de réduction des déséquilibres commerciaux pour lesquels la France pourrait utilement substituer une production nationale aux importations.

Proposition n° 3 : Fixer au niveau national un objectif global de réindustrialisation exprimé par l’équilibre de la balance commerciale des biens plutôt qu’en part de production industrielle dans le produit intérieur brut.

Dans ces filières d’avenir, une politique de substitution aux importations s’impose donc. Pour l’ancien ministre devenu entrepreneur Arnaud Montebourg, la relocalisation de la production dans quatre secteurs stratégiques – produits pharmaceutiques, électronique, industrie d’assemblage et chimie – permettrait à elle-seule de réduire de 25 à 30 milliards d’euros la balance commerciale. « En produisant ces vingt produits en France, la situation s’améliorerait déjà et nous lancerions une dynamique collective. » ([797]) Cette substitution aux importations pourrait passer par de nouvelles exigences de la politique commerciale conditionnant l’accès au marché européen à des transferts de technologies. Ainsi selon le professeur Emmanuel Combe : « À l’heure de la guerre commerciale, il faut être un peu disruptif. [...] Quand on regarde les dépôts de brevet ou le secteur des véhicules électriques, ce sont les Chinois qui maîtrisent aujourd’hui la technologie. On pourrait envisager une sorte d’apprentissage inversé, en imposant aux Chinois des coentreprises ou joint-ventures et des investissements directs en Europe, non seulement avec du contenu local, mais aussi avec des transferts de technologie. » ([798])

L’Union européenne doit ainsi conditionner l’accès au marché européen à des transferts de technologies et la création de coentreprises ou joint-ventures associant des entreprises françaises ou européennes avec des groupes étrangers provenant d’États tiers.

Proposition n° 4 : Mener une politique de substitution aux importations dans les filières stratégiques, en soutenant leur développement et/ou en conditionnant l’accès du marché européen à des transferts de technologies et à la création de coentreprises.

De même, il est nécessaire de sécuriser les approvisionnements en matières premières critiques et en énergie. Ainsi que nous le soulignions (cf. La faute de l’abandon de l’extraction propre d’énergie fossile ci-dessus), la relance de l’extraction minière conditionne le développement d’une industrie résiliente. Aussi importe-t-il de faciliter l’ouverture de nouvelles mines, telles que le lithium, par la simplification des procédures administratives applicables et par des aides spécifiques soutenant la filière naissante du raffinage et du recyclage des minéraux critiques, dans le strict respect de l’environnement. Au niveau européen, la politique commerciale commune doit permettre de diversifier les approvisionnements. Si l’annonce récente d’une liste de 47 projets d’exploitation des terres rares et matériaux stratégiques ([799]) témoigne des récents efforts continentaux, il est nécessaire d’aller plus loin. Le rapporteur reprend ainsi les préconisations de Philippe Varin : « au niveau européen, je préconise l’établissement d’un règlement sur les batteries, la définition de normes pour l’exploitation minière responsable, la mise en œuvre du Critical Raw Materials Act ([800]), et l’augmentation des investissements dans l’innovation de rupture. » ([801])

Une balance commerciale grevée par l’énergie et les biens d’équipement

 

Source : Direction générale du Trésor, Résultats du commerce extérieur en 2024, 7 février 2025 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/f2a6aeb5-1f18-4b76-ba26-9bccad080f60/files/fceb7aab-6ddf-46dc-adf2-4fcdf09abd3d

Proposition n° 5 : Simplifier l’ouverture des projets d’extraction sur le sol français et établir un cadre européen pour la définition des mines durables.

L’urgence de réduire notre dépendance aux semi-conducteurs importés,
produits stratégiques

Depuis le début des années 2010, les importations françaises de semi-conducteurs connaissent une hausse significative. En 2022, elles ont atteint 7 milliards d’euros, dont 90 % sous forme de produits finis, alors que la production nationale s’élève à seulement 5 milliards d’euros. Le secteur des semi-conducteurs en France regroupe une centaine d’entreprises, dont deux tiers sont des PME ; il emploie environ 35 000 personnes ([802]).

La France, comme l’ensemble de l’Union européenne, reste fortement dépendante de quelques pays producteurs, majoritairement situés en Asie de l’Est. Cette dépendance crée une vulnérabilité importante pour des secteurs clés tels que l’informatique, l’électronique, l’automobile ou encore la fabrication d’équipements industriels.

L’approvisionnement de l’UE en semi-conducteurs reste néanmoins concentré autour de grands acteurs asiatiques comme Taïwan, la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Taïwan constitue, à elle seule, 21 % des importations extra-européennes en 2023.

L’analyse des dépendances françaises sur les différents maillons de la chaîne de valeur révèle des vulnérabilités marquées selon les étapes de production :

– équipements de production : La majorité est importée des États-Unis (28 % des importations françaises en 2023), suivis par les Pays-Bas ;

– wafers : La France dépend principalement du Japon, qui représente 57 % des importations dans ce domaine en 2023 (553 millions d’euros), y compris pour les intrants à forte valeur ajoutée ;

– produits finis : La dépendance est croissante envers l’Asie de l’Est, notamment Taïwan (26 % des importations françaises en 2023), mais aussi la Malaisie et la Chine (chacune représentant 14 % des importations).

En 2022, les secteurs les plus consommateurs de semi-conducteurs sous forme de produits finis étaient ceux de la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, ainsi que celui des matériels de transport, représentant à eux seuls 59 % des importations françaises totales dans ce domaine (hors commerce de gros et production).

Face à ce constat, la France et l’Union européenne ont, depuis plus de dix ans, mis en œuvre des plans de soutien ambitieux afin de renforcer leurs capacités de production et de sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre du European Chips Act ([803]), qui vise à porter la part de marché des producteurs européens à 20 %.

Compte tenu de ces dépendances, il est inquiétant que STMicroelectronics prévoie de délocaliser une partie de sa production française réalisée par l’usine de Tours vers Singapour. Cette décision s’inscrit dans un plan global de réorganisation visant à adapter l’entreprise à la baisse de la demande européenne dans différentes filières industrielles, notamment la filière automobile, en particulier en raison de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035. Elle consiste à se rapprocher de la demande asiatique qui est quant à elle en expansion dans le secteur automobile. En France, environ 1 000 postes pourraient être supprimés d’ici 2027, dans le cadre de départs volontaires.

Alors que l’hypothèse d’une invasion militaire de Taïwan par la Chine est prise au sérieux dans les années à venir, le rapporteur alerte sur la crise d’approvisionnement qu’une telle agression pourrait engendrer, avec un impact aussi brutal que nocif sur de nombreuses filières françaises et européennes, tant sur leur production que sur le renchérissement des prix. Une telle crise s’avèrerait fatale pour certains secteurs déjà en grande difficulté, comme l’automobile. Au regard du caractère stratégique que revêtent les semi-conducteurs pour de nombreuses filières, il convient dès maintenant d’apporter une réponse puissante et plus rapide.

Le rapporteur alerte donc sur la nécessité de déterminer urgemment un plan national « semi-conducteurs » pour relocaliser leur production et sécuriser les chaînes d’approvisionnement.

e.   Organiser la modernisation de l’industrie française

L’adaptation du tissu productif aux enjeux écologiques et aux nouvelles techniques de production s’impose. En effet, alors que l’essentiel de la réindustrialisation pourrait passer par le socle existant d’entreprises – jusqu’à 70 % de l’effort nécessaire pour atteindre 12 % de part de l’industrie manufacturière en 2035 selon un sondage fait par BPIFrance ([804]) – la modernisation de l’appareil est essentielle. « La France a manqué la révolution de la robotique » ([805]) estime Bruno Le Maire, constatant que la France est dotée de deux fois moins de robots que l’Allemagne par nombre de salariés : il est donc temps de combler ce retard. De plus, la productivité industrielle pourrait être améliorée par une diffusion rapide de l’intelligence artificielle. « Il n’y a pas de relance industrielle sans gain de productivité et il n’y aura pas de gain de productivité si nous ne réussissons pas la révolution de l’intelligence artificielle. Nous devons tout faire pour compenser la marche que nous avons manquée sur la robotique : dans cette optique, il convient d’accélérer le déploiement de la stratégie d’intelligence artificielle dans nos usines. » ([806])

À ce titre, la transition vers l’usine du futur doit être accompagnée. En effet selon BPIFrance, la quatrième révolution industrielle ou « industrie 4.0 » transforme les méthodes de production par l’intégration de technologies avancées, comme l’Internet des objets ou Internet of things (IoT), l’intelligence artificielle (IA) ou les données de masse (Big Data). Ces innovations permettent aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, de maximiser l’utilisation des ressources et de réaliser des économies durables. Ainsi selon une étude du cabinet McKinsey ([807]), citée par BPIFrance, l’intégration des technologies de l’industrie 4.0 pourrait augmenter la productivité de 30 % et réduire les coûts de production de 15 % dans certains secteurs, comme l’automobile et l’aéronautique. Néanmoins ces technologies ne sont pas uniformément répandues : alors que les grandes entreprises dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de la pharmacie sont à l’avant-garde de cette transition, elles doivent encore se diffuser dans le reste de l’économie.

Cette modernisation doit s’accompagner d’une montée en compétences. En effet la révolution numérique pourrait être complémentaire de l’emploi manufacturier, comme le souligne Anaïs Voy-Gillis ([808]) : « au-delà des robots mécaniques, il faut effectivement mentionner les robots digitaux, qui ne remplaceront pas les femmes et les hommes, mais les accompagneront ».

Le rapporteur présentera (cf. Adopter des stratégies d’investissement public soutenant à la fois l’innovation et le tissu productif ci-dessous) des propositions concrètes pour accompagner le développement des innovations de rupture et les nécessaires transitions du socle industriel national en matière de décarbonation, de robotisation et de numérisation.

2.   Rendre sa place à l’État stratège et améliorer la collaboration avec les acteurs de l’industrie

a.   Restaurer le rôle de l’État

La désindustrialisation de la France résulte en partie des erreurs de politique économique additionnés depuis plus de trente ans. C’est le constat amer de l’ancien ministre Bruno Le Maire, qui estime que « l’industrie française n’a pas subi que la mauvaise conjoncture, elle a payé le prix d’une invraisemblable accumulation d’erreurs économiques, financières et politiques, qui, en quarante ans, l’ont laminée : de la retraite à 60 ans à l’augmentation massive des impôts de production, du baccalauréat pour tous à la dévalorisation des filières industrielles, de l’acharnement contre la filière nucléaire au concept absurde d’industrie sans usines, tout a été fait par les élites économiques et politiques pour tuer notre industrie. » ([809]) Ce constat, amplifié par certaines politiques menées par Bruno Le Maire lui-même comme ministre de l’économie sous Emmanuel Macron comme précédemment évoqué, est malheureusement corroboré par les travaux de notre commission d’enquête, s’attachant à identifier les nombreux freins qui résultent de ces choix et pénalisent l’industrie française.

Face aux besoins de la réindustrialisation, une politique ambitieuse s’impose donc. Pour la mener à bien, le retour d’un État-stratège interventionniste dans le champ régalien est nécessaire, à la fois régulateur des secteurs concurrentiels, accompagnateur des filières d’avenir et soutien du socle industriel de base. En effet nos auditions nous l’ont tristement rappelé : la planification lancée en 2020 et incarnée par le Haut-commissariat au plan ([810]) ou le secrétariat général à la planification écologique ([811]) n’est pas à la hauteur des enjeux voire contraire à nos objectifs de réindustrialisation. Pour Arnaud Montebourg, « Nous avons un plan, mais il ne planifie rien – il paraît que ce n’est pas bien ! Nous devrions regarder ce que font nos adversaires dans la guerre économique mondiale : les Chinois, eux, ont planifié une part de marché automobile mondiale de 45 %. Quelles sont les usines en ligne de mire ? Les nôtres ! » ([812])

Une planification doit être assumée dans certains secteurs critiques, en s’appuyant sur les contrats de filière tripartites qui engagent les entreprises industrielles, l’État et organisations syndicales.  Dans chacun de ces secteurs, l’État doit mobiliser l’ensemble des politiques publiques au service de la réindustrialisation en mettant fin à l’organisation en tuyaux d’orgue qui prévaut jusqu’à présent.

Cette politique industrielle nouvelle ne peut venir uniquement des centres de réflexion, des bureaux ministériels et des laboratoires d’idées. Il faut y associer davantage les industriels, les citoyens, les associations et ne pas hésiter à prendre des options allant au-delà de l’horizon politique habituel.

Proposition n° 6 : Réunir des assises de l’industrie pour définir une planification industrielle nationale pluri-décennale.

C’est dans ce cadre que l’on pourrait identifier les intrants critiques et les potentialités de les relocaliser pour défendre le projet industriel et l’indépendance de la puissance industrielle française.

Proposition n° 7 : Lancer un audit des dépendances industrielles de la France pour déterminer les filières pouvant être raisonnablement relocalisées et faire l’objet d’un accompagnement spécifique.

Pour mener une vraie politique industrielle, il faudra une administration de mission, qui ne soit pas corrélée et dépendante des enjeux de finances publiques comme l’est le ministère des finances à Bercy et qui puisse aussi disposer d’une autonomie de décision sur les deux leviers essentiels à l’industrie :

– la politique énergétique ;

– la formation aux métiers industriels.

Ce ministère de l’industrie restauré pourra gérer ces missions en coordination avec les autres politiques publiques gouvernementales.

Proposition n° 8 : Créer un ministère de plein exercice chargé de l’industrie, de l’énergie et de la formation aux métiers industriels, devant coordonner l’ensemble des politiques publiques pouvant concourir à la réindustrialisation.

b.   Soutenir les collectivités territoriales dans une démarche partenariale

Selon le baromètre de l’attractivité des territoires ([813]) 80 % des dirigeants locaux considèrent que les projets d’implantations industrielles sont très stratégiques pour leur collectivité. Si les dispositifs d’appui local se sont multipliés au cours des dernières années – en particulier avec le programme Territoires d’industrie et les sites industriels clés en main – nos auditions ont cependant rappelé les limites de ces dispositifs, par ailleurs relevées par les études d’évaluation ([814]) ([815]). Dans ce contexte, il importe de nouer un partenariat État-collectivités en faveur de la réindustrialisation. Celui-ci pourrait accorder de nouveaux outils de gestion foncière aux exécutifs locaux pour faciliter l’implantation de projets industriels (cf. RÉduire les freins aux implantations industrielles ci-dessous).

Au soutien de ce partenariat, il importe de mobiliser l’ensemble des administrations déconcentrées. En premier lieu, la simplification des procédures administratives permettrait de fluidifier l’instruction des dossiers et de raccourcir les délais.

De manière générale, il importe de donner au bloc communal la latitude nécessaire pour piloter sa réindustrialisation. Plutôt qu’une spécialisation fonctionnelle des territoires, le partage des compétences doit favoriser l’émergence de stratégies d’industrialisation locales élaborées en concertation avec les entreprises du socle industriel. Comme le souligne Olivier Lluansi, concepteur du programme Territoires d’industrie : « Dans le cadre du programme Territoires d’industrie, nous avons beaucoup débattu de l’opportunité de spécialiser un territoire dans une industrie ou une filière, ce qui serait revenu à décliner en France le modèle italien des systèmes productifs locaux, qui a connu un grand succès. Je suis pourtant arrivé à la conclusion, peut-être contre-intuitive, que ce n’était pas une bonne idée. [...] On dit souvent que la spécialisation favoriserait le partage de compétences, mais c’est oublier que de nombreuses compétences industrielles – la maintenance ou l’électrotechnique, par exemple – sont en réalité partagées entre les secteurs. Si un territoire bénéficie d’une vraie densité industrielle et d’un écosystème favorable, il pourra donc profiter de la synergie du partage de compétences sans prendre le risque de se trouver exposé à un retournement du marché. » ([816]) En soutien des stratégies locales, déclinées dans les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (Srdeii) et leur déclinaison intercommunale, les services de l’État doivent être mobilisés pour adapter localement leur offre de service.

c.   S’appuyer sur une administration d’État déconcentrée capable de prendre les décisions au niveau local

Face aux collectivités territoriales, une mise en cohérence de la chaîne hiérarchique doit renforcer les pouvoirs du préfet sur les diverses administrations d’État. Ainsi, comme le soulignait Laurent Fiscus, « diverses agences ont fait leur apparition, dont certaines ont des implantations territoriales, notamment l’Agence de l’environnement pour la maîtrise de l’énergie (Ademe), la Banque publique d’investissement et la Banque des territoires. Elles doivent être pleinement intégrées au travail de coordination opéré par le représentant de l’État. » ([817])

Proposition n° 9 : Faire du préfet le seul chef d’orchestre de la politique économique de l’État dans les territoires.

Expérimenté dès 2018, le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes réglementaires est généralisé en 2020. Cependant, il ne produit pas les résultats escomptés estime un récent rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat ([818]).

Le décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit préfectoral de dérogation permet à des préfets de déroger pendant deux ans à des normes arrêtées par l’administration de l’État (décrets du Premier ministre, arrêtés ministériels…). Les préfets n’ont cependant pas la possibilité de déroger à des normes de nature législative.

Les préfets peuvent exercer cette faculté dans sept domaines :

– les subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;

– l’aménagement du territoire et la politique de la ville ;

– l’environnement, l’agriculture et les forêts ;

– la construction, le logement et l’urbanisme ;

– l’emploi et l’activité économique ;

– la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel ;

– les activités sportives, socio-éducatives et associatives.

La dérogation doit :

– être justifiée par un motif d’intérêt général et des circonstances locales ;

– être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

– ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens ;

– viser à alléger les démarches administratives, réduire les délais de procédure ou favoriser l’accès aux aides publiques.

Un décret du 8 avril 2020 généralise le droit de dérogation, à « cadre juridique constant ». 90 % des dérogations concernent les collectivités territoriales et leurs groupements. 97% des arrêtés régionaux et deux tiers des arrêtés départementaux portent sur des questions de subventions. 

Le recours au droit de dérogation reste faible et inégal (douze départements n’ont pris aucun arrêté de dérogation depuis 2020, douze autres n’en ont pris qu’un seul et seulement six départements en ont pris 20 ou plus). Cela s’explique par :

– la liste limitative des matières ouvertes au droit de dérogation ;

– la complexité des critères à remplir ;

– la réticence des préfets à déroger aux normes, liée à leur « culture administrative » et aux risques contentieux ;

– la lourdeur de la procédure.

Face à ce constat, le rapport du Sénat préconise :

– de donner une assise constitutionnelle au pouvoir de dérogation ;

– de ne plus restreindre ses champs d’application ;

– de permettre au préfet de déroger à des normes relevant de services ou d’opérateurs locaux qui échappent aujourd’hui à sa compétence ;

– d’élargir le droit de dérogation à des dispositions réglementaires de fond ;

– d’analyser le risque pénal et, le cas échéant, de sécuriser l’acte de dérogation préfectorale ;

– de prendre en compte, dans l’évaluation des préfets, leur contribution à la simplification des projets locaux ;

– d’associer les élus locaux à l’exercice du droit de dérogation ;

– d’utiliser ce droit comme un signal d’alerte permettant de détecter des normes trop complexes ou inefficaces ;

– d’évaluer les régimes législatifs de dérogation ;

– d’informer les services préfectoraux et les élus locaux sur les potentialités du droit de dérogation.

Le rapporteur reprend l’esprit de l’ensemble de ces propositions.

Proposition n° 10 : Étendre le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes réglementaires à toute matière favorisant la réindustrialisation.

d.   Améliorer la coopération des entreprises en renforçant les filières industrielles

Piliers de la politique industrielle depuis leur lancement en 2010, les comités stratégiques de filière peuvent apporter une contribution plus importante à l’effort de réindustrialisation. En s’inspirant de l’exemple des trente-quatre plans industriels proposés en 2014 lorsqu’il était ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, Arnaud Montebourg suggère une modalité de coopération pertinente entre l’État et les entreprises : « Nous avions engagé une planification ! Les règles de bon fonctionnement en sont connues : elle ne doit pas reposer uniquement sur l’État, mais être menée avec des entreprises privées ; elle doit être pilotée par le secteur privé, auquel l’État fournit les ressources de la recherche publique, qui sont extraordinaires, des financements publics qui abondent les investissements privés et une réglementation adaptée. » ([819]) Ainsi, le Conseil national de l’industrie pourrait être amené à jouer un rôle majeur dans la planification industrielle. De même, les comités stratégiques de filière pourraient être étendus à l’ensemble des branches industrielles. Enfin, chaque filière pourrait faire l’objet d’un audit de fonctionnement et d’une étude de prospective afin de déterminer une trajectoire de planification. Le soutien financier apporté par l’État dans chaque contrat de filière pourrait également être renforcé. 

Ainsi que le relevait Bruno Azière, délégué national de la CFE-CGC, le développement des filières doit ainsi permettre d’instaurer une solidarité entre les maillons des chaînes de valeur industrielle. Alors que la défaillance d’une PME ou d’un donneur d’ordre peut entraîner des défaillances en cascade sur l’ensemble de la chaîne industrielle, le rôle des filières doit être de renforcer la résilience de la branche. Il relevait que « L’industrie s’articule majoritairement autour de filières industrielles, structurées par de grands donneurs d’ordres. Le défi à relever réside dans l’instauration d’une forme de solidarité intra-filière, notamment en permettant un meilleur partage de la valeur produite entre les maillons de la chaîne de valeur. Trop souvent, les TPE-PME subissent la pression économique des grands groupes visant à réduire les coûts d’approvisionnement et de sous-traitance. Cette pression se répercute en cascade sur les sous-traitants de rang inférieur, compromettant leur équilibre économique et leur capacité d’investissement. Elle les contraint à comprimer leurs marges au-delà du raisonnable et à exiger une flexibilité du travail excessive, parfois simplement pour survivre face à la concurrence des pays à bas coûts ou low cost et résister à la captation par le haut du fruit de leur travail. » ([820])

Pour cela, il conviendrait que les 29 branches professionnelles rassemblant l’ensemble des entreprises et salariés de l’industrie manufacturière (hors agroalimentaire), de la production d’énergie, des services énergétiques et du recyclage soient chacune dotées d’un comité stratégique de filière.

Proposition n° 11 : Doter chaque branche industrielle d’un comité stratégique de filière.

La première tâche de ces comités de filière serait de mener un audit de la situation et du fonctionnement de la filière industrielle, afin de formaliser une évolution et d’orienter les actions de l’État.

Proposition n° 12 : Mener avec les comités de filière un audit de leur fonctionnement et formaliser dans le contrat de filière une trajectoire de planification mise en œuvre par le ministère de l’industrie selon une méthode de pilotage de projets.

Afin de mettre en œuvre ce contrat de filière, des engagements réciproques pourront être pris entre l’État, les représentants des branches professionnelles et des entreprises en faveur de la réindustrialisation, de l’innovation, de la formation aux métiers industriels et du foncier industriel.

Proposition n° 13 :  Doter chaque contrat de filière d’un volet consacré à l’investissement formalisant les engagements de l’État, des branches professionnelles et des entreprises parties prenantes.

e.   Valoriser le travail, mieux associer les salariés et les syndicats

Comme précédemment évoqué, la charge fiscale demeure particulièrement élevée pour les salariés percevant plus de 2,5 fois le smic. La « désmicardisation » du marché du travail, nécessaire pour en favoriser la valorisation, repose sur la libération de l’initiative et de la croissance, la simplification administrative ainsi qu’une diminution de la pression fiscale. Afin d’encourager la hausse du pouvoir d’achat des salariés tout en préservant la compétitivité des entreprises, le rapporteur préconise que celles-ci aient la possibilité d’augmenter la rémunération de l’ensemble de leurs salariés jusqu’à 10 % – dans la limite d’un plafond de 3 fois le smic – en échange d’une exonération de cotisations patronales.

Proposition n° 14 : Permettre aux entreprises d’augmenter leurs salariés jusqu’à 10 % - dans la limite de 3 smic – en contrepartie d’exonérations de cotisations patronales.

Par ailleurs, « Pour répondre aux besoins massifs d’investissement dans l’industrie, que ce soit pour gérer la transition de certains modèles de production ou pour mettre en place des politiques innovantes, nous estimons que les salariés peuvent jouer un rôle plus important. » ([821]) Le rapporteur souscrit entièrement à ce constat exprimé par le représentant de la CFE-CGC.

Pour le rapporteur, l’implication des salariés pourrait passer par un meilleur partage de la valeur créée. Si la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite « loi Pacte » ([822]) a effectivement réformé les dispositifs d’intéressement et de participation, des marges d’amélioration persistent néanmoins. Ainsi que le relevait le quatrième rapport du comité de suivi ([823]), la part des salariés couverts par un dispositif d’intéressement dans les entreprises de 1 à 9 salariés restait 14 fois moins élevée que dans les entreprises de plus de 1 000 salariés en 2020. De même, le rapport relevait que le dispositif de participation concernait essentiellement les grandes entreprises, seules 0,8 % des entreprises de 11 à 49 salariés ayant ouvert leur capital aux salariés. Enfin le rapport notait une progression du nombre d’administrateurs salariés et d’administrateurs représentants les salariés actionnaires, qui est passée de 9,9 % en 2019 à 13,7% en 2023.

Des dispositifs de partage de la valeur encore trop peu répandus

Part des salariés ayant accès à un dispositif de participation ou d’intéressement en 2020

Source : Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte, Quatrième rapport, octobre 2023, https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-de-loi-pacte-quatrieme-rapport

Alors que l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur ([824]) est entré en vigueur en novembre 2023, étendant de manière expérimentale aux entreprises de 11 à 49 salariés l’obligation de proposer un dispositif de partage de la valeur dès lors qu’elles sont profitables, le déploiement de ces dispositifs doit être incité dans le secteur industriel, notamment par des réductions fiscales plus incitatives.

Proposition n° 15 : Augmenter les incitations fiscales aux dispositifs de partage de la valeur pour les entreprises du secteur industriel.

En outre, les salariés doivent être mieux accompagnés dans la création des sociétés coopératives de production (Scop) ou de société coopérative d’intérêt collectif (Scic), dont l’échec de la reprise du site Vencorex illustre les difficultés. Comme le rappelle Patricia Drevon, secrétaire confédérale de Force ouvrière : « L’actionnariat salarié existe depuis longtemps, notamment dans le cadre des sociétés coopératives de production (Scop). L’amélioration principale à apporter concerne l’accompagnement des salariés dans cette démarche, qui s’apparente actuellement à un véritable parcours du combattant. Il est essentiel de faciliter la création de Scop ou de structures équivalentes pour préserver l’outil de production et les emplois. » ([825])

Les salariés pourraient être mieux associés à la vie et au succès des entreprises industrielles ; de même les syndicats doivent apporter leur contribution utile au fonctionnement des filières industrielles. Aussi leur implication dans les comités de filières doit-elle être renforcée. Comme le rappelle Patricia Drevon : « Quant au fonctionnement des contrats de filière et à l’implication des organisations syndicales, nous observons une participation limitée lors des phases de négociation. Il est impératif de réunir l’ensemble des acteurs capables de proposer des solutions concrètes. Ces discussions doivent porter sur l’avenir des filières, les mesures à mettre en œuvre et les axes de développement pour améliorer notre industrie. » ([826])

Proposition n° 16 : Renforcer la participation des salariés et des syndicats au fonctionnement des comités de filières.

B.   La France doit convaincre les Français de participer À la reconquÊte industrielle

1.   Améliorer l’image de l’industrie française

a.   Une perception persistante et déformée de l’industrie

Si la réindustrialisation semble un projet désirable pour la plupart des Français, l’image erronée d’une industrie polluante et rétrograde demeure. Cette représentation de l’industrie est particulièrement prégnante chez les 18-34 ans et chez les inactifs ([827]). Elle l’est moins parmi les salariés du secteur industriel.

La persistance d’une perception négative de l’industrie

 

Source : Enquête auprès de 5 000 Français in BPIFrance Le Lab, La réindustrialisation en France : regards croisés entre territoires, industriels et citoyens, 15 mai 2024 Adopter trois priorités pour notre politique industrielle

Cette perception pénalise tout effort de réindustrialisation, comme le note Valentin Rodriguez, secrétaire général de la fédération des métaux – Force ouvrière (FO) : « un travail approfondi de communication, tant au niveau local que national, s’impose pour déconstruire les stéréotypes et mettre en lumière la diversité des métiers industriels. » ([828]) En effet l’industrie pâtit d’une sous-représentation persistante, voire d’une déformation dans l’imaginaire collectif. Elle reste souvent tristement perçue comme l’industrie du XIXe siècle, au temps de Germinal. À cet effet, Marc Aubry de la CFDT souligne : « Quant à l’image de l’industrie, au-delà des représentations médiatiques, nous souffrons d’une sous-représentation flagrante. Contrairement à d’autres secteurs comme la cuisine, l’enseignement ou l’aviation, nos métiers sont quasi invisibles dans les fictions et documentaires. Cette absence de visibilité, plus que toute image négative, constitue un véritable handicap. » ([829])

Dès lors, comment s’étonner du manque d’attractivité des métiers industriels ? Selon un sondage mené pour BPIFrance et l’École nationale des arts et métiers en 2023 ([830]), la part de lycéens souhaitant travailler dans l’industrie en 2023 était inférieure à son niveau de 2018 (43 % contre 47 %), loin derrière le maximum atteint pendant la crise pandémique (67 % en mars 2020). Plutôt que de mettre en avant les avantages qu’ils recouvrent – notamment de meilleurs salaires comme le rappelle le président de TotalEnergies Patrick Pouyanné ([831]) – le discours ambiant privilégie les désavantages des professions industrielles. Les pouvoirs publics doivent prendre leur part à cet effort de revalorisation aux côtés des industriels. Ainsi, pour la chercheuse Anaïs Voy-Gillis : « Il ne faut pas non plus être trop angélique : les métiers industriels sont concernés par la pénibilité, les rythmes peuvent être compliqués, il y a du travail à la chaîne. La pénibilité n’est certes pas l’apanage de l’industrie, mais nous devons tenir à ce sujet un discours réaliste et transparent. [...] Pour changer l’image de l’industrie, il faut ouvrir les usines, montrer les carrières qu’on peut y faire, valoriser les métiers et montrer que tout le monde a sa place dans l’industrie. » ([832])

Les initiatives menées par les syndicats et les filières professionnelles visant à transmettre une image juste de l’industrie contemporaine et de la réalité des métiers industriels existent, mais elles n’arrivent pas à imprimer dans les médias et dans les esprits que l’industrie a changé, depuis bien longtemps.

Il convient de s’adresser aux jeunes publics de manière différente, comme le fait l’UIMM sur les réseaux sociaux par la campagne #FiersDeFaire.

Proposition n° 17 : Lancer des campagnes nationales de promotion des formations, des métiers et des réalités vertueuses de l’industrie contemporaine, dans les médias conventionnels et surtout sur les réseaux sociaux.

b.   De nouveaux leviers à utiliser

Le rapporteur identifie plusieurs leviers.

En premier lieu, il importe de mettre en avant la modernisation du secteur industriel et d’installer l’image de l’industrie 4.0. Rompant définitivement avec l’héritage du fordisme et les représentations associées au travail à la chaîne, la communication des filières doit transmettre l’image fidèle d’une industrie investissant dans sa modernisation et qui donne du sens à ses métiers.

De plus, le rapporteur appelle de ses vœux à ce que soit valorisé le socle industriel de base au même niveau que les industries dites de rupture. En effet, bien qu’elles soient porteuses d’innovation et de gains de productivité majeurs, les filières de haute technologie ne pourront suffire à elles seules à réindustrialiser le territoire et créer des emplois industriels dans l’ensemble des bassins d’emploi.

À cet égard, une nouvelle ampleur pourrait être donnée aux initiatives de valorisation, comme la « Semaine de l’industrie » ([833]) dont la dernière édition a réuni 5,7 millions de personnes dans plus de 8 000 évènements labellisés.

Proposition n° 18 : Organiser des semaines territoriales de l’industrie, valorisant l’héritage industriel, les savoir-faire et les innovations au niveau d’un bassin d’emploi ou du département.

Pour cela, il faudrait aussi réconcilier le tourisme avec la découverte de notre patrimoine industriel, qui comprend non seulement les usines historiques mais également les nouvelles modalités de production du futur, sur le modèle du plan Destination France qui vise à doubler le nombre d’entreprises accueillant du public en cinq ans. La découverte de nos industries pourrait créer des vocations parmi les plus jeunes et contribuer à l’amélioration de l’image du secteur.

Proposition n° 19 : Développer le tourisme industriel dit « de savoir-faire » en soutenant l’ouverture d’ateliers et d’usines au public, notamment auprès des écoles.

En second lieu, la communication publique doit rappeler que la réindustrialisation est une condition de la transition écologique. En effet son image porte encore les stigmates des accidents industriels survenus ces dernières décennies, comme l’incendie de l’usine Lubrizol en 2019 et l’explosion de l’usine AZF de Toulouse en 2001. Alors qu’une majorité de Français considèrent que la pollution et la dégradation de l’environnement constituent le principal effet négatif de la réindustrialisation, il convient de rappeler que l’industrie s’inscrit désormais dans une trajectoire de décarbonation, accélérée par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

Il serait utile que la communication faite notamment sur les efforts de transition écologique mette mieux en avant le rôle de l’industrie.

Pourtant, les concours et récompenses existent :

– l’Olympiade des métiers,

– le concours WorldSkills,

– et le concours des meilleurs ouvriers de France.

La mise en place d’un label et d’un signe de reconnaissance a permis à ce dernier de se faire une faire une place dans l’imaginaire collectif notamment de la restauration. Il faudrait que les cols bleu blanc rouge se répandent dans toutes les branches de l’industrie.

Il conviendrait également que les filières de l’apprentissage puissent voir leurs réussites mieux mises en valeur, notamment en montrant comment elles peuvent permettre de devenir entrepreneurs et innovateurs.

Proposition n° 20 : Promouvoir dans la communication publique les vertus de l’industrie en matière de souveraineté, d’écologie et de réussite personnelle avec des exemples de jeunes issus de l’apprentissage, devenus cadres, chefs d’entreprises ou créateurs d’innovation.

Cela passe aussi par un changement des représentations d’une industrie polluante, aux métiers pénibles ou encore exclusivement masculine dans les manuels scolaires, les brochures et supports de communications des structures d’orientation, notamment dans les établissements scolaires.

Proposition n° 21 : Valoriser le génie des mains et les vertus de l’industrie dans les manuels scolaires et les supports de communication des centres d’information et d’orientation.

Il pourrait également être utile que les industries viennent davantage à la rencontre des élèves, pour valoriser les vertus et métiers du secteur de même que les filières de formation afférentes, lors d’une journée particulière au sein des établissements comprenant l’intervention d’acteurs de l’industrie et la réalisation de contenus pédagogiques par les élèves.

Proposition n° 22 : Instaurer une journée annuelle de l’industrie dans les collèges et lycées durant la semaine de l’industrie, pour valoriser les vertus, formations et métiers de l’industrie.

Enfin, il convient d’adapter les conditions de travail aux évolutions des aspirations de la société pour rendre les métiers industriels davantage attractifs, comme le préconise Olivier Lluansi : « Les modèles mécanistes issus du fordisme et du taylorisme, sur lesquels repose encore l’organisation industrielle, ne sont plus compatibles avec les attentes des nouvelles générations, notamment en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. C’est pourquoi le secteur industriel doit lancer une large réflexion à ce sujet, réunissant patronat et syndicats, afin d’explorer différentes solutions, de proposer des modèles alternatifs et de concrétiser les marges de progrès existantes. » ([834])

Proposition n° 23 : Organiser une conférence sur l’attractivité du travail dans l’industrie, pour favoriser l’adaptation des conditions de travail (rythme, organisation, etc.) aux évolutions des aspirations de la société.

2.   Renforcer la formation initiale et continue en faveur de l’industrie

a.   Mieux adapter la formation initiale aux besoins industriels 

  1.   Des besoins de recrutement majeurs

Ainsi que nous le rappelions (cf. Le frein de l’inadéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences des filières industrielles ci-dessus), la réindustrialisation pourrait exacerber les tensions de recrutement que connaissent déjà la plupart des filières industrielles, si le système de formation ne parvient pas à répondre aux besoins du secteur, estimés par BPIFrance à 50 000 à 70 000 créations de postes par an entre 2023 et 2035.

Deux leviers doivent donc être mobilisés pour limiter les tensions de recrutement : l’amélioration de l’image de l’industrie d’une part pour renforcer l’insertion des lycéens professionnels et réduire le phénomène « d’évaporation » des compétences ; la transformation de l’offre de formation initiale et continue d’autre part pour correspondre aux attentes des travailleurs et à celles des industriels.

  1.   Rétablir une formation initiale adaptée à la vie professionnelle

Comme il a été détaillé (cf. Les effets des réformes du baccalauréat ci-dessus), au regard de la chute du classement de la France en niveau de mathématiques, il est indispensable de rétablir leur enseignement obligatoire au lycée, et de s’assurer que les bases du raisonnement et de la logique soient acquises tout au long de la formation scolaire.

Proposition n° 24 : Renforcer la place des sciences et notamment des mathématiques dans la formation initiale, par le rétablissement de l’enseignement obligatoire au lycée et le rehaussement des exigences tout au long de la scolarité primaire et secondaire.

Il convient également de briser le tabou du collège unique, en réintroduisant dès le collège des parcours différenciés afin de mieux prendre en compte la diversité des profils et de valoriser les vocations manuelles, techniques et professionnelles.

Proposition n° 25 : Réformer le collège unique par la réintroduction des parcours différenciés dès les classes de cinquième ou de quatrième.

  1.   Poursuivre la réforme du lycée professionnel

Entre les rentrées 1995 et 2023, les effectifs des formations scolaires professionnelles ont diminué de 96 000 élèves à champ constant (-14 %) ([835]). Pour autant, à la rentrée 2023, pour la première fois en quatre ans, ces effectifs ont augmenté significativement, de 11 400 élèves. Le nombre de préparations au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) en deux ans progresse ainsi de plus de 2 900 élèves (+ 2,8 %). De même le nombre de diplômés du baccalauréat professionnel a repris sa progression avec 517 000 inscrits (+ 1,7 %). En 2023, le secteur de la production représente 43 % des effectifs des élèves en formation professionnelle en lycée contre 57 % pour le secteur des services, soit un taux légèrement plus faible qu’en 2022. Sur le plus long terme, la part de la production tend à diminuer depuis 2015, où elle représentait 44,8 % des élèves.

Néanmoins le lycée professionnel reste confronté à des enjeux persistants.

D’une part, l’attractivité des filières industrielles reste contrainte par un écart garçons-filles persistant. Ainsi, dans les domaines de la production, et hormis les spécialités du textile, de l’habillement, du cuir et de la peau où elles sont majoritaires, les filles ne présentent que 19,7 % des effectifs totaux du certification d’aptitude professionnel (CAP) et 13,7 % des effectifs du bac professionnel.

D’autre part, les spécialités de formation ne correspondent pas toujours aux tensions de recrutement des secteurs industriels. Ainsi en 2023 seulement 861 lycéens ont obtenu un CAP en spécialité métallurgie contre 14 168 pour le CAP commerce et vente ([836]).

Une stabilisation des effectifs de lycéens en voie professionnelle

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et références statistiques 2024, janvier 2024 https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2024-414953

Enfin le lycée professionnel est confronté à un enjeu d’insertion : sur 100 élèves entrant en seconde professionnelle, 39 entrent dans la vie active après le baccalauréat, 28 entreprennent une formation dans l’enseignement supérieur, et 33 quittent le lycée professionnel sans baccalauréat ou diplôme équivalent ([837]). Pourtant les métiers industriels offrent une bonne insertion professionnelle : parmi les spécialités de la production, les spécialités « technologies industrielles » et « énergie, chimie, métallurgie » offrent la meilleure insertion professionnelle (55 % six mois après la sortie d’étude). À cet égard, l’apprentissage est un atout majeur : six mois après leur sortie du système scolaire en 2022, 60 % des jeunes sortant d’apprentissage qui sont en emploi sont en CDI, 28 % en CDD et 8 % en intérim. Parmi les domaines de la production, le secteur « énergie, chimie, métallurgie » se distingue avec 75% des apprentis en emplois.

Les bénéfices de l’apprentissage sur l’insertion professionnelle

Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et références statistiques 2024, janvier 2024, https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2024-414953

Pour le rapporteur, plusieurs axes d’amélioration doivent donc être poursuivis.

Il importe en premier lieu, de rapprocher la formation professionnelle initiale du monde économique et de renforcer la place accordée aux entreprises dans les lycées professionnels, ainsi que le rappelle Louis Gallois, « il faut faire évoluer la place de l’entreprise dans les lycées professionnels. Il ne s’agit pas de placer les établissements sous la tutelle d’industries qui pourraient avoir des vues à court terme, mais il est normal que les entreprises puissent intervenir davantage qu’elles ne le font par l’intermédiaire des bureaux des entreprises récemment créés. » ([838])

Proposition n° 26 : Généraliser la présence des représentants des entreprises dans les conseils d’administration des lycées professionnels.

Surtout, l’offre de formation doit être adaptée autant que possible aux besoins de l’écosystème industriel. En effet, pour Alexandre Saubot, président de France Industrie : « nous constatons que là où existe une collaboration étroite avec le monde économique, notamment via nos fédérations présentes sur le territoire, les résultats sont généralement positifs. En revanche, l’absence d’échanges peut conduire à des inadéquations en termes de filières ouvertes ou d’équipements utilisés pour la formation, ce qui impacte négativement l’employabilité des diplômés dans un secteur industriel soumis à de fortes contraintes de compétitivité et de réactivité. » ([839]) Dès lors, une offre de formation répondant aux besoins locaux doit s’inscrire dans le cadre de gestions prévisionnelles des emplois et des compétences territorialisées, dans laquelle les écoles de production mises en place par les industriels doivent compléter localement l’offre de formation professionnelle.

Des plans pluriannuels de montées en compétences dans le cadre des contrats de filière, avec des cibles chiffrées (nombre de diplômés, certifications, stages, etc.) et sectorisées (numérique, décarbonation, robotique, intelligence artificielle, etc.) dans des délais définis, afin d’ajuster chaque année les trajectoires d’offres de formation aux attentes réelles des filières et des territoires pourraient être mis en place.

Proposition n° 27 : Dans le cadre des contrats de filière, mettre en œuvre des plans pluriannuels de montées en compétences pour adapter l’offre de formation aux besoins des filières et des territoires.

L’exemple de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur le territoire du Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes

« Dans les années 2000, notre territoire s’est désindustrialisé. Face à la tertiarisation de l’économie, il a fallu mener un grand travail pour relancer l’attractivité des métiers de l’industrie. Les industriels du bassin Lacq-Pau-Tarbes ont fait part de leur souhait de travailler très rapidement sur une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur le territoire (GPECT) à la sortie de la crise du Covid.

« La GPECT nous a permis de mener un travail prospectif à horizon de trois ans ; les résultats de ce diagnostic prospectif nous ont rassurés, puisqu’il a établi que 3 000 emplois allaient pouvoir être créés sur le territoire. En conséquence, les acteurs de l’emploi, de la formation et des compétences, très nombreux, ont décidé d’adapter les besoins de formation au niveau du territoire. La cartographie de l’offre de formations offerte par les plans régionaux de formation (PRF) sur le territoire que nous avons établie a révélé des carences, des "trous dans la raquette". Nous nous sommes donc appuyés sur les dispositifs nationaux pour répondre véritablement à nos besoins, au plus près des bassins industriels.

« Nous avons ainsi établi par exemple une école de production sur la chaudronnerie-soudure à Tarbes, mais aussi travaillé avec les industriels de la métallurgie sur l’avion décarboné de demain dans le cadre d’un consortium de dix acteurs. Nous avons pu massifier le projet pour répondre aux enjeux et les industriels ont investi 57 millions d’euros pour les besoins de formations et de compétences sur le territoire. Un campus des métiers et des qualifications émergera également sur le bassin de Lacq, autour de la transition écologique.

« Grâce à cette vision prospective, nous avons pu répondre aux besoins concrets des industriels, dans un temps assez court. Nous avons ainsi décroché 23 millions d’euros de subventions au titre de la formation professionnelle sur notre territoire, dans le cadre d’une relation de confiance et de solidarité avec les industriels. » ([840])

Afin d’associer plus étroitement les filières industrielles à la conception, au fonctionnement et à l’évolution de l’enseignement professionnel, de développer l’apprentissage dans les lycées professionnels, et d’assurer une vraie complémentarité entre lycées professionnels et centres de formation d’apprentis, le rapporteur estime nécessaire que le ministère de l’industrie soit en charge des lycées professionnels industriels, ou tout au moins des filières industrielles au sein des lycées professionnels existants, comme le suggère l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ([841]).

Proposition n° 28 : Confier au ministère de l’industrie la responsabilité des filières industrielles au sein des lycées professionnels.

Il importe également de soutenir la formation professionnelle par un dispositif d’apprentissage renforcé dans le domaine de l’industrie, alors qu’il ne représente en 2023 que 14% des entrées en apprentissage contre 74% dans le tertiaire. Comme le rappelle Hugues de Balathier, directeur général adjoint de France compétences, « même si le nombre de contrats ciblant des diplômes de niveaux 3, 4 et 5 reste moins important, le fort développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, dans la lignée de la réforme de 2018, a contribué à changer l’image de cette modalité de formation. Au-delà des aspects purement quantitatifs, il s’agit là d’un succès important de ces dernières années. » ([842]) En effet, au-delà de son effet avéré sur l’insertion professionnelle et l’attractivité des formations industrielles, l’apprentissage accompagne la modernisation du secteur industriel. Désormais la majorité des élèves entrant en seconde professionnelle aspirent à poursuivre des études à l’issue du baccalauréat, et l’effet d’appel des sections de technicien supérieur a conduit à ce que la part des bacheliers professionnels préparant un brevet de technicien supérieur (BTS) soit passée de 31 % en 2011 à 42,2 % en 2021([843]). Dans ce contexte, l’apprentissage en milieu industriel doit permettre de prolonger l’apprentissage technique tout en limitant l’évaporation des diplômés vers d’autres secteurs.

Proposition n° 29 : Réformer le dispositif d’apprentissage pour donner la priorité aux filières industrielles.

Il doit également être élargi aux plus jeunes pour favoriser leur insertion, en créant un dispositif d’« apprentissage junior » dès 14 ans (contre 15 aujourd’hui) sous statut scolaire, notamment via les classes préparatoires à l’apprentissage (CPA), pour permettre aux élèves volontaires d’apprendre un métier industriel tout en poursuivant leur scolarité.

Proposition n° 30 : Créer un dispositif d’» apprentissage junior » dès 14 ans sous statut scolaire, pour permettre aux élèves volontaires d’apprendre un métier industriel tout en poursuivant leur scolarité.

  1.   Développer les écoles de production

Les écoles de production sont des écoles techniques privées, reconnues par l’État, qui offrent une « troisième voie » de formation, entre les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis. Elles sont ouvertes à tous les jeunes, dès 15 ans, qui veulent apprendre autrement leur métier, et pour lesquels le système éducatif classique se révèle inadapté.

Les écoles de production offrent aux entreprises une opportunité d’embaucher des jeunes qualifiés et opérationnels immédiatement. Elles permettent aux jeunes de développer des compétences pratiques et professionnelles, bagage idéal dans le monde du travail industriel. De fait, la pédagogie est basée sur le « faire pour apprendre », une méthode qui consiste à combiner un enseignement à la fois théorique et pratique. Les jeunes travaillent sur des commandes réelles passées par les entreprises locales.

Les formations proposées dans les écoles de production sont diplômantes (CAP, bac professionnel), avec un taux de réussite moyen de 93%. À l’issue, les jeunes s’orientent soit vers l’emploi, généralement dans les entreprises clientes de l’école (5 à 6 promesses d’embauches en moyenne), soit en poursuite d’étude, en apprentissage principalement. Il existe aujourd’hui 71 écoles de production, principalement dans le secteur industriel (usinage, chaudronnerie, métallerie, électricité industrielle, textile…).

On constate donc un succès grandissant pour un modèle qui trouve ses fondements dans le partenariat public-privé et une offre sur mesure. Grâce au partenariat de la Banque des Territoires et de la fédération nationale des écoles de production, 10 nouvelles écoles seront créées en 5 ans, une ambition qui s’inscrit dans l’objectif national des 100 écoles d’ici 2028 ([844]).

Pour le rapporteur, il convient de développer ce modèle en facilitant l’ouverture des écoles de production et de les intégrer officiellement comme voie d’excellence professionnelle, afin de proposer une formation en situation réelle de travail, centrée sur les savoir-faire industriels et directement connectée aux besoins des entreprises locales.

Proposition n° 31 : Développer les écoles de production et les intégrer officiellement comme voie d’excellence professionnelle.

Par ailleurs, le rapporteur salue le lancement en 2021 de l’« Université des métiers du nucléaire », dans le cadre du contrat stratégique de la filière nucléaire, qui vise à structurer et renforcer la formation aux compétences indispensables à la relance et au développement de la filière nucléaire. Elle fédère les acteurs industriels, les établissements de formation et les institutions publiques pour répondre aux besoins croissants en main-d’œuvre qualifiée dans ce secteur stratégique.

L’Université des métiers du nucléaire : une réponse au déficit de main-d’œuvre

L’Université des métiers du nucléaire (UMN) est un projet déployé par plusieurs acteurs majeurs de la filière nucléaire. L’objectif est de favoriser la valorisation et le développement des compétences dans le nucléaire. Cette initiative est aussi une réponse majeure au déficit de main-d’œuvre auquel est confronté le secteur du nucléaire depuis de longues années.

Le projet de création de l’UMN avait été annoncé en 2019, et a ensuite été créé le 27 avril 2021, sous forme d’une association loi de 1901. L’UMN est une initiative portée par plusieurs acteurs de la filière du nucléaire française : l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), l’Union française de l’électricité (UFE), le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le groupe de production d’électricité EDF, Orano, Andra, le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen), Nuclear Valley, Framatome, France Industrie et Pôle Emploi.

 Ce projet est né de la volonté de dynamiser les programmes du nucléaire, au niveau régional, interrégional et national, et d’offrir une réponse aux besoins en recrutement sur certains métiers essentiels à la pérennité de la filière.

La création de l’UMN fait par ailleurs suite à l’annonce d’EDF et à la mise en place du Plan Excell, qui vise notamment à renforcer le niveau de rigueur, de qualité et  d’excellence dans la filière du nucléaire, notamment via le déploiement de compétences.

La création de l’Université des métiers du nucléaire s’accompagne d’un certain nombre d’actions visant à attirer plus de jeunes dans ce secteur industriel, telles que :

– la création de nouveaux lieux ou cursus de formation et le déploiement de modalités pédagogiques innovantes ciblées sur des métiers sensibles tels que le soudage et l’usinage ;

– la création du portail web Mon avenir dans le nucléaire qui présente les métiers, formations et débouchés dans le nucléaire, destinés à tous types de profils, pour renforcer l’attractivité de la filière ;

– la mise en place de bourses d’études pour les élèves en formation initiale (Bac Pro, BTS, CAP), afin de renforcer l’attrait des métiers en tension dans le nucléaire (électricien industriel, tuyauteur, soudeur, chaudronnier, mécanicien machines tournantes…), auprès des jeunes dans toute la France. Une cinquantaine de bourses d’études, d’un montant unitaire de 600 euros par mois seront ainsi délivrées. Les élèves bénéficiaires seront sélectionnés au mérite et sur leur motivation ;

– le soutien de projets locaux, à travers des campus régionaux destinés à renforcer l’offre de formation aux métiers du nucléaire ;

– l’appui à la création de nouveaux lieux ou cursus de formation et la mise en place de modalités pédagogiques innovantes sur les métiers sensibles comme l’usinage ou le soudage.

L’Université des métiers du nucléaire est une réponse à la pénurie de talents dans le nucléaire : cela fait près de 10 ans que le secteur du nucléaire souffre d’un manque d’attractivité qui a provoqué, à maintes reprises, une véritable pénurie de talents.

Aujourd’hui, on estime que seulement 30 % des besoins en main-d’œuvre seraient couverts dans les métiers en tension (soudeurs, tuyauteurs, chaudronniers, ingénierie…). Selon la SFEN (Société française d’énergie nucléaire), 8 000 emplois annuels seraient en effet nécessaires pour couvrir tous les besoins du secteur. Or, les jeunes candidats semblent de moins en moins attirés par le nucléaire, et semblent se tourner plutôt vers des filières industrielles telles que l’aéronautique, l’automobile, les énergies renouvelables…

La création de l’Université des métiers du nucléaire vise ainsi à apporter une réponse à ce déficit d’attractivité du nucléaire dans le monde professionnel et à encourager les étudiants, les jeunes diplômés, mais aussi les professionnels à s’intéresser à ces métiers.

Outre la formation académique, une formation spécifique est requise pour travailler sur un site nucléaire afin de se former aux problématiques de sûreté nucléaire, de gestion des déchets nucléaires, de radioprotection, etc.

Proposition n° 32 : S’inspirer du modèle de l’Université des métiers du nucléaire pour développer les compétences nécessaires et spécifiques aux secteurs stratégiques.

b.   Renforcer la formation continue

Comme l’ont souligné les dirigeants d’entreprise auditionnés, il importe de soutenir les dispositifs de formation efficaces. À ce titre, le rapporteur salue les aides financières de France Travail à destination des employeurs participant à la formation aux métiers industriels. En particulier, la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI), qui subventionne les entreprises proposant une formation préalable à l’embauche avec un contrat de travail indéterminé ou déterminé d’une durée minimale de 4 ou 6 mois, apparaît constituer un dispositif adapté à l’industrie et plébiscité par les dirigeants auditionnés. Plus largement, les actions de formation en situation de travail (Afest), instaurées par la loi Avenir professionnel ([845]) et qui permettent à des intervenants d’organismes de formation de former les futurs salariés sur leurs postes de travail semblent aller dans le bon sens.

Il faut financer la formation aux métiers industriels. Comme l’ensemble des industriels auditionnés, le rapporteur regrette les coupes budgétaires opérées sur ces dispositifs de formation (cf. La diminution du soutien public au dispositif d’apprentissage concentre les critiques ci-dessus). Il estime que la réindustrialisation impose de préserver les moyens consacrés à la formation aux métiers industriels, quitte à favoriser le secteur industriel par rapport aux autres secteurs de l’économie.

À ce titre, il souscrit aux propos de Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i : « dans mon propos liminaire, j’ai déploré l’insuffisance du financement des plans de développement des compétences dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Alors que l’industrie reçoit actuellement une dotation annuelle de 38 millions d’euros, 100 millions seraient nécessaires pour couvrir les besoins de formation de nos entreprises ; or l’ensemble des secteurs d’activité bénéficient d’une enveloppe globale d’environ 700 millions d’euros au titre de la formation professionnelle. Nous demandons simplement que soit envisagée une modification des règles de répartition de cette somme, afin de répondre au réel besoin de financement des plans de développement des compétences dans les entreprises industrielles de moins de cinquante collaborateurs. » ([846])

Il importe de garantir cette possibilité de développement des compétences, en réformant le compte personnel de formation afin d’accompagner les ruptures liées au numérique ou à la robotisation, en s’appuyant sur des parcours courts et modulables co-financés par les branches et les opérateurs de compétences (Opco).

L’objectif serait de garantir à tous les salariés de l’industrie concernés un droit à la formation continue technologique.

Proposition n° 33 : Mettre en place un droit à la formation continue technologique pour les salariés de l’industrie en réformant le compte personnel de formation.

Dans ce cadre, il conviendrait de remettre à plat l’offre de formation de France Travail, France Compétences et des opérateurs associés, afin de supprimer les formations peu utiles non-professionnalisantes et de réorienter les financements, notamment le compte personnel de formation, vers des parcours mieux adaptés aux besoins économiques et industriels des territoires.

Proposition n° 34 : Opérer une refonte de l’offre de formation de France Travail, France Compétences et des opérateurs associés pour favoriser les formations professionnalisantes.

C.   la France doit concilier ouverture de son Économie et sÉcurité Économique

1.   Renforcer le soutien à l’export et à l’internationalisation des entreprises

a.   Un dispositif de soutien à l’export à renforcer

Alors que la France accuse un déséquilibre persistant de sa balance commerciale, la faiblesse relative du nombre d’entreprises exportatrices est un facteur pénalisant de notre politique industrielle. En effet, comme le rappelait la Cour des comptes ([847]), seuls 18 000 grands groupes industriels sur les 274 000 entreprises industrielles que compte la France réalisent à eux-seuls 93 % du volume des exportations. Selon cette même étude, les 1 858 ETI industrielles réalisent un tiers de la valeur ajoutée à l’export. En comparaison internationale, la projection internationale des entreprises françaises a des marges de progression, que la réindustrialisation du territoire pourrait accompagner. En effet, selon Didier Boulogne, directeur général délégué de Business France : « On sait que les entreprises industrielles exportatrices ont une propension à exporter plus forte que les autres : elle est de l’ordre de 40 % du chiffre d’affaires, contre 20 % pour les autres entreprises. En Italie, le tissu d’ETI est nettement plus solide : le nombre d’ETI est d’à peu près 10 000, quand nous en avons à peine 6 000. Ce sont, par ailleurs, des entreprises extrêmement maillées sur le territoire national : tout le monde connaît les districts industriels italiens. Les entreprises sont plus industrielles, plus solides et mieux connectées les unes aux autres sur le territoire, de manière à mieux se projeter à l’international. On voit bien le lien entre industrialisation et performance à l’export. » ([848])

Depuis 2017, les dispositifs de soutien à l’export ont été réformés et la stratégie du gouvernement vise l’objectif d’atteindre 200 000 entreprises exportatrices d’ici à 2030. La création de la « Team France Export » initiée en 2018 a notamment abouti à la mise en place d’un conseiller international unique disposant de l’ensemble des offres publiques de Business France, de CCI France et de BPIFrance, ainsi que de certaines offres du secteur privé.

Proposition n° 35 : Renforcer la Team France Export et la coordination des acteurs publics et privés au service de l’export.

Néanmoins les dispositifs d’accompagnement à l’export doivent être renforcés, notamment le programme France Export qui vise en particulier les entreprises innovantes, les pavillons France export dans les salons internationaux et les programmes Boosters à destination des entreprises industrielles.

BPIFrance devrait se voir confier une mission de soutenir nos exportations, par l’augmentation de l’enveloppe des garanties, des assurances et des crédits exports.

Proposition n° 36 : Renforcer la capacité de BPIFrance à soutenir l’exportation.

Afin de permettre à plus d’entreprises d’être soutenues par BPIFrance dans leur volonté de se développer à l’export, il conviendrait de dérisquer cette démarche en augmentant le plafond du déficit associé à la garantie apportée dans le cadre de l’assurance-prospection, pour permettre à BPIFrance d’accorder cette avance à davantage de PME.

Proposition n° 37 : Soutenir les entreprises françaises à l’export en augmentant le plafond du déficit associé à la garantie apportée par BPIFrance dans le cadre de l’assurance-prospection.

Pour le rapporteur, il est tout autant essentiel de donner sa pleine dimension à la démarche France Résilience, qui vise à anticiper les décisions de fermetures de sites industriels de la part d’investisseurs étrangers. Avec ce programme, Business France mène une veille des entreprises susceptibles de mener une revue d’actifs à l’échelle européenne, afin de défendre les sites français le plus en amont possible. BusinessFrance, qui dispose d’un réseau international, peut apporter une valeur ajoutée en identifiant les signaux de fragilité et comprendre les critères de décision au niveau des sièges mondiaux. Aussi doit-elle contribuer à éviter les fermetures de sites industriels sur le territoire national, tirant les leçons des échecs industriels comme la fermeture du site de Bridgestone à Béthune en 2021.

Toutefois, ce dispositif pourrait être amélioré. Ainsi, si Carole Delga relève la satisfaction globale des présidents de région quant à leurs relations avec Business France. Elle relève néanmoins que « l’articulation entre nos ambassades, Business France et les régions devrait être optimisée en vue de l’organisation de salons internationaux. J’ai été étonnée, quand je me suis rendue au Japon en tant que présidente de Régions de France pour inaugurer un salon sur l’agroalimentaire, de constater à quel point le stand de la France était petit, comparé à ceux de l’Espagne et de l’Italie. C’était très préoccupant dans la mesure où l’industrie agroalimentaire espagnole, à laquelle nous n’avons rien à envier s’agissant de la qualité des produits, ressemble beaucoup à celle de la France. [...] Nous aurions pu faire un tout autre stand si Business France et l’ambassade avaient davantage mutualisé leurs forces. » ([849]) Alors que le Gouvernement a entamé la rationalisation du réseau de Business France à l’étranger, qui est passé de 869 ETP en 2018 à 759 en 2023, il importe de conserver un acteur public à-même d’orienter les entreprises industrielles vers les marchés internationaux.

Enfin, il conviendrait d’articuler le développement de l’export avec la politique d’aide au développement, fournie notamment par l’Agence française de développement, en généralisant le principe de conditionner les aides françaises (« aides liées ») au développement à l’accompagnement à l’export et l’internationalisation des entreprises nationales, afin que l’aide française contribue à fournir des opportunités de croissance aux entreprises françaises.

Proposition n° 38 : Conditionner les aides publiques au développement à l’accompagnement à l’export et l’internationalisation des entreprises françaises.

b.   L’attractivité du territoire français pour les investisseurs étrangers à mieux valoriser

Alors que la France jouit encore d’une image positive pour les investisseurs internationaux, en particulier grâce à la qualité de ses infrastructures, la force de son marché, son énergie décarbonée et les aides à l’innovation, l’attractivité française pâtit toujours de l’instabilité normative. Il importe également de renforcer la coopération entre les administrations publiques et le réseau économique local, comme le souligne Marie-Cécile Tardieu : « Que cherchent les investisseurs ? Des clients, des fournisseurs, un écosystème. Nous observons que certains territoires ont réussi à apparaître sur la carte mondiale comme des lieux potentiels d’investissement et de développement économique parce qu’ils avaient un ensemble d’entreprises, de PME et ETI françaises ou de grands groupes français, capables de servir de locomotives. » ([850])

Comme le pratiquent déjà les entreprises dans le cadre des chambres de commerce à l’étranger, fédérées par la Chambre de commerce et d’industrie France international, il faudrait généraliser la constitution de réseaux privés d’entreprises qui structurent des stratégies de conquête des marchés à l’export, sur le modèle des réseaux d’entreprises italiens. En effet, plusieurs entreprises, en particulier des PME, peuvent s’allier en signant un contrat de réseau pour mener des projets communs (R&D, export, innovation, mutualisation des ressources), tout en gardant leur autonomie juridique et fiscale.

Proposition n° 39 : Développer les réseaux privés d’entreprises françaises à l’export, en s’inspirant du modèle italien.

2.   Protéger les entreprises industrielles françaises

a.   Doter la France d’une stratégie de sécurité industrielle

Dans le contexte de durcissement de la compétition économique internationale, la politique d’attractivité doit être conciliée avec des exigences renforcées de sécurité économique. Les menaces sont de plusieurs ordres et ont été récemment mises en avant par le rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République par Geoffroy Roux de Bézieux le 12 février 2025. Lors de son audition devant la commission d’enquête, il rappelait que les alertes d’ingérence étrangères rapportées au service de l’information stratégique et de la sécurité économique (Sisse) ont été multipliées par trois entre 2020 et 2023([851]). Dans ce contexte, comme le souligne Arnaud Montebourg : « il faudra donc prendre des mesures de sécurité économique nationales [...]. Nous avons des filières industrielles à protéger – l’aéronautique, le nucléaire, l’automobile, le ferroviaire – et nous n’aurons d’autre choix que de prendre des mesures pour les défendre. » ([852])

Aussi cette politique de sécurité économique nationale doit-elle répondre à la diversité des menaces. Le rapporteur estime qu’il est temps, désormais, de passer à une stratégie de contre-ingérence. En effet, comme le rapporte l’ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure Alain Juillet : « Nous vivons une véritable guerre économique entre tous les pays. [...] Dans cette lutte, celui qui gagne est celui qui détient les meilleures informations. [...] La guerre économique constitue à la fois un moyen de connaissance qui permet d’être plus performant, mais aussi un moyen d’identifier les opportunités, les menaces et les failles de l’adversaire. » ([853])

Aujourd’hui, les institutions en charge de la sécurité économique sont dispersées entre le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (Sgdsn), le Comité interministériel des investissements étrangers en France (Ciief), le bureau des investissements étrangers en France et le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse).

Pour que la France dispose d’une véritable politique de sécurité économiques, il conviendrait de la coordonner par un responsable politique appartenant au gouvernement, qui aurait sous sa tutelle ces différents services.

Proposition n° 40 : Créer un secrétariat d’État à l’intelligence et la sécurité économiques rattaché au Premier ministre.

De la même manière, il conviendrait que le Parlement soit associé à cette démarche en disposant d’une instance de contrôle des activités liées à l’intelligence et la sécurité économiques, à l’instar du modèle de la délégation parlementaire au renseignement. Le rapporteur souhaite ainsi reprendre une proposition du rapport de la mission d’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France de François Jolivet et Hervé de Lépineau ([854]), afin de créer une délégation parlementaire à l’intelligence et à la sécurité économique, commune aux deux assemblées et composée de manière paritaire, compétente pour exercer un contrôle régulier sur l’activité des services concernés, le respect des conditions par les investisseurs et les mesures de sanctions prises par l’administration.

Proposition n° 41 : Créer une délégation parlementaire à l’intelligence et à la sécurité économiques.

b.   Renforcer la protection des données des entreprises

Dans son dernier bilan annuel ([855]), l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) rapporte une augmentation des évènements de cybersécurité de 15 % en un an. Les entreprises stratégiques représentent 12 % des établissements ciblés, en hausse de 2 %. Si l’enjeu économique des données est connu de longue date, la réponse publique face aux risques d’ingérence tarde à se déployer.

Un projet de loi en cours d’examen au Parlement vise notamment à transposer la directive du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques dite « directive REC » ([856]) et la directive du 14 décembre 2022 relative à la cybersécurité dite « directive NIS2 » ([857]). Cette dernière prévoit notamment d’augmenter le nombre d’entités régulées et leurs obligations déclaratives. S’il était adopté en l’état, ce texte permettrait d’étendre les obligations déclaratives à de nouveaux acteurs de la chaîne d’approvisionnement et renforcerait les pouvoirs de l’ANSSI. Néanmoins, la menace demeure et se concentre, d’une part sur les risques d’espionnage que représente le stockage de données sur les serveurs de l’informatique en nuage ou « cloud », et d’autre part sur l’exposition des entreprises via leurs prestataires de services. Comme le rappelle Geoffroy Roux de Bézieux, « Le deuxième point de faiblesse que j’ai pu observer est lié aux prestataires de services, qui sont utilisés massivement dans les grandes entreprises. À titre d’exemple, un courtier en assurance qui assure des usines, des centrales nucléaires ou des centres de recherche, dispose d’un nombre d’informations sur l’objet ou le lieu qui est assuré. Fréquemment, les exigences de sécurité informatique appliquées sur l’entreprise ne le sont pas au même niveau sur le prestataire. » ([858]) Dans son bilan annuel, l’ANSSI soulignait la hausse des attaques ciblant les chaînes d’approvisionnement, notamment les sous-traitants informatiques.

Si la loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ([859]) oblige désormais les administrations de l’État, lorsqu’elles sollicitent un prestataire privé pour le traitement de données d’une sensibilité particulière, à ce que ce service cloud respecte des critères de sécurité et de protection des données contre tout accès par des autorités publiques d’États tiers non autorisés par le droit de l’Union européenne ou d’un État membre, il demeure néanmoins qu’en vertu du Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act américain dit « Cloud Act » ([860]), les prestataires américains de service cloud peuvent être contraints de communiquer le contenu des données hébergées sur leurs serveurs en cas de requête des autorités américaines. Faute d’alternative fiable, les entreprises industrielles ont recours massivement à ces services et s’exposent donc à des risques d’ingérence.

Dans ce contexte, la réponse française doit accélérer la structuration d’un « cloud souverain » en s’appuyant sur le nouveau comité stratégique de filière « logiciels et solutions numériques de confiance ». En particulier les acteurs de cette filière doivent avoir un accès facilité à la commande publique française et européenne, lorsqu’ils répondent aux critères du référentiel SecNumCloud développé par l’ANSSI.

Proposition n° 42 : Développer une solution de cloud souverain.

Par ailleurs, l’État doit accompagner les entreprises à distinguer systématiquement dans leurs données celles qui doivent être stockées localement et celles pouvant être transférées sur un cloud.

c.   Se prémunir de l’espionnage

Comme le rappelle Geoffroy Roux de Bézieux, « les habilitations, fondées sur les enquêtes d’honorabilité, courantes dans les entreprises en lien avec le monde militaire ou de la défense, n’existent pas dans les autres entreprises civiles ». ([861]) Aussi, selon lui, il n’est pas rare que d’anciens salariés d’entreprises stratégiques soient ciblés par des services d’espionnage en vue d’obtenir des informations cruciales sur l’activité de leur ancien employeur. S’inspirant de la recommandation formulée par Geoffroy Roux de Bézieux, le rapporteur estime nécessaire de mettre en place une habilitation civile s’appliquant aux activités stratégiques d’une entreprise ou d’un laboratoire français. À cet égard le régime des zones à régime restrictif (ZRR) devrait être plus largement mis en œuvre dans les entités soumises au cadre du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPST). En complément, le régime juridique des ZRR pourrait être enrichi par des projets à régime restrictif (PRR) pour lesquels une habilitation serait nécessaire afin de participer aux projets industriels sensibles. Ces projets pourraient être déterminés à l’échelle des filières en lien avec les CSF.

Proposition n° 43 : Mettre en place une habilitation « Secret » civile, s’appliquant aux activités stratégiques d’une entreprise ou d’un laboratoire de recherche français.

Se fondant sur les outils administratifs et pénaux désormais permis par la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France ([862]), dont le rapporteur rappelle qu’elle procède d’une commission d’enquête à l’initiative du Rassemblement national, le dispositif public de contre-espionnage doit anticiper et réprimer sévèrement les actes d’ingérence économique visant les intérêts industriels de la France.

Afin de protéger la recherche française, il conviendrait de lancer un grand plan national de sécurisation des universités et laboratoires de recherche pour limiter les pratiques d’ingérences.

Proposition n° 44 : Lancer un grand plan national de sécurisation des universités et laboratoires de recherche.

d.   Renforcer la réponse aux utilisations abusives du droit ou lawfare

Face au phénomène « d’arsenalisation du droit » ([863]) (cf. La menace de l’extra-territorialité juridique ci-dessus), la réponse publique doit être renforcée. Comme le rappelait Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, « l’extraterritorialité du droit américain soulève des questions légitimes. Cette extension du pouvoir juridique au-delà des frontières des États-Unis entraîne des répercussions considérables sur les entreprises. Face à l’expansion et à l’impact croissant de ces règles, l’Europe doit développer des mécanismes équivalents, afin d’imposer et faire respecter ses propres normes. L’objectif est de rééquilibrer les rapports de force et d’éviter une domination américaine préjudiciable. » ([864])

Si les outils de réponse ont été renforcés au niveau national, le cadre réglementaire pourrait être amélioré au niveau européen. Pour mémoire, le dispositif français repose d’une part sur la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage » et d’autre part sur le dialogue stratégique franco-américain sur le commerce de défense, qui a été lancé en juin 2022.

La loi de blocage de 1968 permet d’éviter que les autorités étrangères n’aient connaissance d’informations sensibles attentant aux intérêts de la Nation, lors d’enquêtes, en les contraignant à respecter les canaux de l’entraide judiciaire ou administrative internationale.

Ainsi le décret 2022-207 du 18 février 2022 a permis de simplifier la saisine du Sisse dans le cadre de la loi de blocage, comme le rappelait Agnès Romatet‑Espagne : « cette loi a été remaniée et un certain nombre de principes ont été mis en place, notamment celui d’un guichet unique, qui facilite grandement les choses pour les entreprises. Le nombre de saisines du Sisse au titre de la loi de blocage ne cesse de croître, puisqu’il a triplé en trois ans, pour atteindre soixante-quinze saisines en 2024. »  ([865])

En outre, concernant le dialogue stratégique franco-américain et s’agissant des audits diligentés par l’administration américaine dans le cadre du contrôle des exportations (Export Administration Regulations – EAR – et l’International Traffic in Arms Regulation – ITAR) : « Le SGDSN participe activement à ce dialogue aux côtés du ministère des armées et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il s’agit d’obtenir de la partie américaine une notification préalable des audits et de les encadrer très strictement. Une dynamique assez efficace a été lancée. Il s’agit maintenant de la pérenniser. »

Les règles de la loi de blocage française devraient donc être étendues au niveau européen. Comme le note Geoffroy Roux de Bézieux, « la loi de blocage récemment renforcée constitue un bon moyen de s’opposer à des demandes d’informations de la part de juridictions étrangères. Pour protéger nos voisins européens ou des filiales étrangères de sociétés françaises, une possibilité pourrait consister à instituer une loi de blocage européenne. Il existait d’ailleurs un projet en ce sens. » ([866])

En effet, le règlement européen du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, dit « règlement de blocage » ([867]), interdit aux opérateurs de l’Union européenne de se conformer à des sanctions extraterritoriales telles que définies dans son annexe. Ce règlement a été mis à jour en 2018 ([868]) afin de protéger les entreprises européennes exerçant des activités licites en Iran contre l’extraterritorialité des sanctions américaines. Néanmoins une législation d’ensemble doit être élaborée et être rendue effective. En outre elle doit être complétée par un dispositif d’accompagnement en amont, efficace et réactif, sur le modèle du Sisse.

Proposition n° 45 : Face aux risques d’application extraterritoriale du droit des puissances étrangères, compléter la loi de blocage française par une réglementation similaire à l’échelle européenne.

e.   Renforcer le contrôle des investissements étrangers

Face aux limites du contrôle du contrôle des investissements étrangers en France (IEF) que nous avons évoquées (cf. Un contrôle des investissements étrangers en France insuffisamment robuste ci-dessous) des évolutions sont possibles.

Comme le suggère le rapport de Geoffroy Roux de Bézieux, la réglementation française et européenne pourrait appliquer aux entreprises stratégiques un conseil d’administration national inspiré des proxy boards dans les pays anglo-saxons. Chargé de vérifier la bonne exécution des engagements que l’investisseur étranger consent auprès du CIEF, ce conseil d’administration national s’ajouterait au conseil d’administration ordinaire. Le fonctionnement de ces proxy board est ainsi résumé par Geoffroy Roux de Bézieux : « Quand Thales achète aux États-Unis une société qui travaille pour la défense américaine, lui sont fixées certaines conditions, notamment sur le lieu de la R&D, le dépôt de brevets et, éventuellement, la nationalité du dirigeant. Pour vérifier dans le temps que ces conditions sont respectées, un deuxième conseil d’administration national est créé, qui se surajoute au conseil d’administration classique. Ce conseil d’administration national, composé de membres choisis par les services de l’État américain, dispose d’un droit de veto sur un certain nombre de sujets listés. Cet outil, utilisé par des pays de l’OCDE, est bien connu des fonds d’investissement et des acheteurs internationaux. Il présente l’avantage de vérifier au fil des années la bonne exécution des engagements pris. En France, la difficulté porte sur le suivi des engagements inscrits dans la lettre d’engagement. » ([869])

Mais dans un premier temps, il conviendrait de renforcer le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France en élargissant son champ d’application à tous les secteurs stratégiques (data centers, plateformes numériques, etc.) et à d’autresformes de transactions (au-delà des seuls changements de contrôle ou franchissements de seuils), de même qu’en renforçant les sanctions en cas de non-respect des engagements, comme le préconise le rapport de la mission d’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, de François Jolivet et Hervé de Lépineau ([870]).

Proposition n° 46 : Renforcer le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France, en élargissant son champ d’application à tous les secteurs stratégiques et à d’autres formes de transaction et en accroissant les sanctions en cas de non-respect des engagements.

II.   La France doit crÉer les conditions favorables À la rÉindustrialisation

Une stratégie industrielle française de long terme ne réussira que si émergent des conditions propices à la réindustrialisation. Le rapporteur a identifié trois principaux volets d’action afin de recréer une dynamique industrielle : il s’agira à la fois de lever les principaux freins à la compétitivité-coût de nos entreprises, de lever les freins liés à l’attractivité industrielle et de lever les freins financiers à la réindustrialisation.

  1.   Lever les freins À la compÉtitivitÉ-coÛt de nos entreprises

1.   Rétablir notre souveraineté énergétique pour bénéficier de notre atout compétitif

Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’OFCE, souligne que les investisseurs considèrent de plus en plus l’accès à une énergie bon marché et décarbonée comme un facteur d’attractivité ([871]).

De fait, le mix énergétique français représente un véritable atout compétitif pour les productions nationales en étant l’un des moins carbonés au monde et en proposant une électricité abondante, à un coût, certes supérieur aux prix américains ou chinois, mais qui est encore parmi les plus avantageux d’Europe.

« Il est essentiel de capitaliser sur nos atouts », recommande Mathieu Plane. Il est également essentiel de consolider et renforcer nos atouts, faut-il ajouter, tant au niveau des volumes que des prix de l’énergie.

a.   Consolider nos capacités de production énergétique

Il va sans dire que grâce à la puissance et à la pilotabilité de sa technologie, la relance du développement du parc électronucléaire français est notre meilleure chance d’assurer durablement un approvisionnement électrique suffisant et stable, tout en accompagnant avec pragmatisme l’électrification de nos usages nécessaire à la décarbonation de notre pays.

Il est donc urgent que la loi française acte explicitement cette priorité, ce que l’impasse des derniers débats sur la programmation énergétique nationale n’a pas permis d’obtenir ; et urgent que soient engagés les chantiers des six réacteurs pressurisés européens (European pressurized reactors) de seconde génération, dits EPR2.

En attendant leur aboutissement, le parc nucléaire existant dispose encore de marges de production. Comme un rapport d’une commission d’enquête sénatoriale de juillet 2024 ([872]) le démontre, les performances de notre parc se sont dégradées depuis les pics de production constatés en 2004 et 2006 (autour de 430 TWh), et ce, indépendamment de la crise de la corrosion sous contrainte apparue fin 2021 qui a vu jusqu’à 14 réacteurs mis à l’arrêt en 2022. La fermeture des deux réacteurs de Fessenheim a fait perdre plus de 10 TWh de production par an. Mais la baisse structurelle des volumes produits découle plus fondamentalement d’une disponibilité dégradée des installations en raison, en particulier, d’arrêts plus fréquents et plus longs liés aux périodes de maintenance des centrales, aux travaux de grand carénage, lancés à compter de 2015 pour permettre leur prolongation au-delà des 40 ans initialement programmés, mais aussi à une perte de compétences internes à EDF dans le domaine de la gestion et du pilotage de ces « arrêts de tranche », constate la commission d’enquête du Sénat.

Les sénateurs relèvent également un facteur de charge des réacteurs ([873]), descendu à une moyenne de 68,1 % en 2019 (où la production a atteint 380 TWh avec Fessenheim selon leur rapport), contre 80 % en moyenne dans le monde et plus de 90 % dans des pays comme les États-Unis, la Finlande, la Hongrie ou la Slovaquie. Ce facteur de charge est non seulement plus faible, mais il s’est nettement dégradé.

Le rapporteur alerte sur le risque de voir le facteur de charge se dégrader davantage dans les années à venir, avec l’accentuation de la modulation de la production électronucléaire. Le parc français a été conçu pour moduler sa production en fonction des variations la demande ; cette modulation est l’une des explications de la faiblesse du facteur de charge moyen des réacteurs français. Mais elle est amenée à devenir plus fréquente avec l’augmentation des injections intermittentes des productions solaires et éoliennes. Les travaux des sénateurs montrent que cet impact est encore limité aujourd’hui, et résulte souvent d’une stratégie d’optimisation économique décidée par EDF. Cependant les scénarios de RTE prévoyant une pénétration forte des moyens renouvelables intermittents démontrent un « effet d’éviction » de la production nucléaire plus important – avec, en outre, un vieillissement plus rapide des centrales et des coûts de maintenance supplémentaires, sans compter que l’essentiel des coûts de la filière nucléaire étant fixes, la modulation conduit mécaniquement à augmenter les coûts complets du parc français exprimés en MWh.

En tout état de cause, même si EDF a réussi à faire remonter sa production en 2024 (avec 361,7 TWh selon ses chiffres officiels) à un niveau un peu supérieur à 2021 (360 TWh), nous sommes loin des 404 TWh produits en moyenne entre 2006 et 2021. Il est crucial d’inverser la dégradation des performances du parc nucléaire français, qui est au cœur de notre souveraineté énergétique.

Pour le rapporteur, cet objectif s’inscrit dans une stratégie énergétique complète et volontariste, au service de notre pays, et de nos industries en particulier.

Il est nécessaire d’impulser une nouvelle politique énergétique pour la France, en fondant l’avenir de notre mix électrique sur le triptyque « abondance, décarbonation et attractivité » et sur l’alliance historique du nucléaire et de l’hydraulique : pour fermer le cycle de combustible nucléaire, optimiser le recyclage des matières fissiles issues des combustibles usés et réduire fortement le volume et la dangerosité des déchets ultimes, il convient également de relancer le projet Astrid abandonné par Emmanuel Macron en 2019.

Proposition n° 47 : Remettre le nucléaire au cœur de la politique énergétique française :

– en améliorant les performances du parc électronucléaire français pour retrouver un niveau de production annuel d’au moins 400 TWh en 2030 ;

– en relançant notre filière électronucléaire (prolongation de la durée de vie des réacteurs existants, construction de nouveaux, accélération des programmes de petit réacteur modulaire) ;

– en relançant le projet Astrid de réacteur à neutrons rapides.

Si la filière nucléaire est centrale dans notre mix électrique, la filière hydroélectrique y joue également un rôle important, qui doit être renforcé. Elle est la deuxième filière de production d’électricité en France et la première renouvelable ; elle contribue également à la stabilisation et à l’équilibrage du système électrique grâce à sa souplesse de pilotage et à la flexibilité des barrages. Enfin, ceux-ci présentent un grand potentiel de stockage d’énergie, déterminant pour optimiser la production des autres filières d’électricité renouvelable. Aujourd’hui, le surplus produit par les filières intermittentes se perd s’il n’est pas consommé immédiatement ; et leurs phases de ralentissement nécessitent des compléments en partie assurés par nos centrales à gaz.

Une des solutions au défi du stockage consisterait à déployer des gigabatteries, permettant de stocker puis de relâcher de l’électricité selon les besoins. Cependant, les industries chinoises (telle l’entreprise CATL) étant les plus avancées en ce domaine, privilégier cette option reviendrait à créer une nouvelle dépendance de la France vis-à-vis de la Chine, alors que notre pays dispose d’un potentiel lui permettant de créer 3 GW de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) d’ici à 2050 selon les projections de RTE ([874]).

Au regard de l’ensemble de ces enjeux, il importe de préserver et renforcer notre parc hydroélectrique, en commençant par protéger les concessions hydroélectriques actuellement attribuées à EDF et aux filiales d’Engie d’une remise en concurrence voulue par l’Union européenne, qui pourrait les faire tomber entre les mains d’exploitants plus préoccupés de rentabilité que des services rendus à la collectivité.

Propriétés de l’État, les installations de plus de 4,5 mégawatts de puissance sont principalement opérées par EDF (à 80 %) et deux filiales d’Engie, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydroélectrique du Midi (Shem).

Depuis plus de vingt ans, notre pays est enlisé dans un différend avec la Commission européenne. La France refuse en effet d’ouvrir à la concurrence ses concessions hydroélectriques, ouverture demandée par la Commission. Deux procédures précontentieuses, l’une datant de 2015, l’autre de 2019, sont toujours engagées à ce sujet.

Cette situation, qui empêche tout investissement substantiel dans le parc hydroélectrique, doit être clarifiée, notamment en envisageant de passer du régime concessif à un régime d’autorisation ([875]).

Proposition n° 48 : Sécuriser juridiquement la poursuite de l’exploitation du potentiel hydroélectrique par les concessionnaires français.

La décarbonation de notre pays se fera essentiellement par l’électrification ; une électrification qui conforte au demeurant notre indépendance énergétique en réduisant nos importations d’énergies fossiles.

Proposition n° 49 : Poursuivre les efforts d’électrification des usages pour tendre vers l’indépendance énergétique et systématiser les clauses de revoyure relatives aux objectifs et délais de décarbonation des secteurs industriels dans le cadre des contrats de filière.

Cependant d’autres sources d’énergie peuvent contribuer à améliorer le bilan carbone de la France, et par extension celui des entreprises : la géothermie qui offre d’intéressantes solutions pour la production de chaud et froid, ou encore l’hydrogène qui permet de décarboner (s’il est lui-même produit dans des conditions vertueuses) certains usages industriels pour lesquels il n’existe pas d’alternative, voire de servir de médium de stockage.

Proposition n° 50 : Développer de nouvelles sources d’énergie renouvelables telles que l’hydrogène vert, la géothermie, les pompes à chaleur et la biomasse, de même que l’hydrogène blanc.

Elles présentent en outre l’avantage d’une production non intermittente, car elle n’est pas soumise aux aléas météorologique et n’encourage pas les importations massives de pièces fabriquées en Asie (comme les panneaux solaires produits à près de 80 % en Chine), avec le soutien, qui plus est, du budget de l’État via les charges de service public de l’énergie.

Proposition n° 51 : Arrêter les subventions publiques aux énergies intermittentes.

Enfin, dans l’attente d’une montée en puissance du nucléaire et de l’électrification massive des usages, les consommations d’énergies fossiles se poursuivront pendant encore plusieurs décennies – y compris pour les centrales électriques qui comblent en dernier ressort les baisses des productions intermittentes. Presque intégralement importées, elles continueront ainsi à peser lourdement sur la facture énergétique de notre pays.

Pourtant, la France pourrait disposer de ressources naturelles, comme le gaz, dans son sous-sol. Un rapport commandé en 2012 par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, à la direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services et à l’OFCE, remis en 2014 et jamais rendu officiellement public, évaluait que l’exploitation des réserves de pétrole et de gaz de schiste en France pourrait rapporter entre 103 et 294 milliards d’euros sur 30 ans et créer 225 000 emplois, soit un gain de croissance de 1,7% par an sur cette période ([876]).

Louis Gallois dans son rapport de la même époque ([877]) recommandait de relancer la recherche de ces gisements. « Si nous sommes capables de l’exploiter dans des conditions écologiquement acceptables sur le sol national, pourquoi ne pas le faire ? », observe-t-il devant la commission d’enquête ([878]).

En effet, afin de réduire nos dépendances, pourquoi s’interdire, comme nous l’impose la « loi Hulot » ([879]) de 2017, de réduire notre facture énergétique et d’offrir à nos industries des tarifs d’achat plus intéressants s’il s’avère possible d’exploiter les gaz de schiste français par des méthodes évitant les dégâts de la fracturation hydraulique ?

Il faudrait au moins s’en assurer eu égard au poids que représente encore le gaz dans notre mix : à savoir 18 % de la consommation finale à usage énergétique et une facture de 16,1 milliards d’euros en 2023 ([880]).

Proposition n° 52 : Rechercher et exploiter nos ressources en hydrocarbures (gaz et pétrole) dans le strict respect des impératifs sanitaires et écologiques, et réexaminer en 2030 la fin programmée en 2040 des exploitations de gaz et de pétrole en activité.

Enfin, il serait regrettable de se résoudre à fermer nos dernières centrales à charbon, à l’instar du site Emile Huchet de Saint-Avold dans la circonscription du rapporteur : une conversion vers des combustibles moins émetteurs de gaz à effet de serre (gaz ou biomasse) permettrait de conserver leurs capacités de production pour répondre aux pics de consommation, en attendant l’aboutissement des projets de nouveau nucléaire.

Proposition n° 53 : Convertir les centrales à charbon existantes vers des combustibles moins émetteurs de CO2.

b.   Retrouver notre atout principal d’un prix de l’électricité attractif et stabilisé

Le second enjeu majeur en matière d’énergie consiste à faire bénéficier nos entreprises de prix durablement compétitifs.

Les renoncements successifs des gouvernants français aux leviers qui leur permettaient de maintenir un lien entre les prix de vente aux consommateurs nationaux et les coûts de production de notre parc historique de production électrique, pour s’en remettre aux dogmes et aux errances des règles du marché européen de l’électricité, ont progressivement privé notre pays de son premier atout de compétitivité : l’attractivité et la stabilité du prix de son électricité décarbonée.

Depuis la crise de l’énergie, les consommateurs finals français ne conservent un avantage sur le prix de l’électricité que partiellement, grâce au mécanisme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh). Ce dispositif, par ailleurs problématique pour de nombreux motifs, doit disparaître à la fin de l’année pour être remplacé par un système – dit « mécanisme universel nucléaire » – de reversement aux consommateurs finals des gains obtenus par EDF avec la vente de l’électricité produite par les centrales nucléaires existantes au-delà d’un prix théorique de la molécule d’électricité.

Or, le nouveau dispositif, adopté en loi de finances initiale pour 2025, suscite de nombreuses critiques : on ignore encore comment il fonctionnera, quels seront les seuils de déclenchement des reversements, comment ces reversements seront répartis entre les différents profils de consommation, etc. Il n’offre aucune visibilité sur les prix que devront payer les consommateurs, qui seront entièrement définis par les marchés, alors qu’aujourd’hui l’Arenh fixe un prix connu pour une part substantielle des consommations, ni sur les montants qui reviendront aux consommateurs.

En outre, le premier seuil de déclenchement est censé refléter les coûts de production du parc historique, mais en intégrant d’autres variables aux contours plus incertains comment la situation financière d’EDF.

Selon une note de la direction générale de l’énergie et du climat du 7 janvier 2025, consacrée à la fin de l’Arenh et transmise au rapporteur, « au 1er janvier 2026, certains consommateurs, notamment les électro-intensifs, auront une hausse de facture importante du fait de la fin de l’Arenh, qui ne pourra pas être prolongé. » ([881])

Parallèlement, les tarifs réglementés de vente du gaz ont purement et simplement été supprimés ; et, s’ils ont été rouverts à un ensemble un peu plus large de très petites entreprises (le critère d’un plafond de puissance à 36 kVa ayant été supprimé), les tarifs réglementés de l’électricité (TRVe) ont perdu leur caractère protecteur depuis la mise en place d’un calcul fondé sur les dernières cotations des marchés pour la part « non-Arenh », qui s’appliquera à l’ensemble des volumes à partir de 2026.

Les consommateurs français vont ainsi devoir payer un prix de l’électricité qui sera moins que jamais représentatif des coûts de production réels de leur propre parc de production. Ces prix seront désormais intégralement soumis aux variations des marchés européens, lesquels fonctionnent selon une combinaison de la loi de l’offre et de la demande et d’un ordre de priorité entre les offres de production d’électricité (« merit order »). La réponse se fait en priorité par les offres les moins chères – du point de vue de leur coût marginal de production – trouvées sur le marché européen, et ainsi de suite jusqu’à ce que la demande soit entièrement couverte. Le prix du marché se fixe alors sur le coût de la dernière unité appelée (au gaz par exemple) et s’applique à l’ensemble des volumes achetés même si les autres offres sont moins coûteuses à produire. Pendant la crise de 2021-2023, le fonctionnement des marchés européens de l’électricité a ainsi donné une influence disproportionnée au prix du gaz sur les tarifs d’une électricité française pourtant peu utilisatrice de ce gaz.

Dans leur futur cadre, les prix de l’électricité en France pourront donc se retrouver plus encore – voire complètement – décorrélés de la réalité économique du parc de production, privant notamment les Français de la rente nucléaire. Au surplus, les consommateurs finals seront piégés entre l’extrême volatilité du marché spot et l’instabilité des marchés de gros, qui ne garantissent ni la juste rémunération des capacités de production, ni la visibilité des prix à plus de 5 ans.

Un tel résultat sera doublement pénalisant pour nos industries, jusqu’à représenter une menace existentielle pour les plus gros consommateurs d’énergie. Et il réduira encore davantage l’attractivité de notre pays auprès des investisseurs.

Pour répondre aux inquiétudes des entreprises électro-intensives, les contrats de vente directe d’électricité (power purchase agreement – PPA) directement passés par les entreprises avec un fournisseur d’énergie, sont désormais permis par l’Union européenne. Ils leur assurent en effet des prix plus stables et prévisibles. Néanmoins, ces conditions dépendent des capacités des entreprises à négocier avec le fournisseur. Or, cette négociation est pratiquement inaccessible aux petites et moyennes entreprises (PME). Quant aux plus grands groupes, si leur poids leur donne plus de marges, l’importance de leurs besoins les fait aussi dépendre de la bonne volonté du principal producteur, EDF. De fait, les conditions des contrats d’accès à la production nucléaire (CAPN) actuellement proposés ne répondraient pas à la demande des électro-intensifs d’une électricité abordable, indispensable pour préserver leur compétitivité, voir leur présence en France.

Pour aider les groupes industriels les plus exposés à la concurrence mondiale, le professeur Lluansi a suggéré de « sortir » du marché européen une enveloppe de 60 TWh d’électricité pour la réserver aux industriels (sachant que les entreprises électro-intensives bénéficient aujourd’hui d’environ 70 TWh d’électricité vendues au tarif Arenh ou moins) : « Un marché européen est certes nécessaire, mais pourquoi lui allouer toute la production quand les États mènent vingt-sept politiques énergétiques différentes ? [...] D’aucuns estiment qu’un tiers de la production des différents pays suffirait pour que le marché européen remplisse sa fonction, qui est de trouver l’équilibre entre l’offre et la demande. Ainsi, deux tiers de la production pourraient être alloués autrement, par divers mécanismes laissés au choix des États. Il faudrait y réfléchir. Je vous rappelle qu’il n’y a pas, aux États-Unis, de marché de l’électricité libéralisé : tandis que la moitié des États ont mis en place des marchés réglementés, l’autre moitié ont établi des marchés qui se limitent à une confrontation entre l’offre et la demande. [...] Dans ma proposition, 15 % à 20 % de la production d’électricité, soit 60 TWh, seraient donc réservés à l’industrie et vendus "à cost-plus", c’est-à-dire au coût de revient augmenté de la marge du producteur. L’instauration d’un tel mécanisme, très bien documenté par la littérature économique, nécessiterait d’établir un rapport de force avec la Commission européenne. Nous pourrions présenter cette solution comme une sorte de mesure de sauvegarde, à mettre en œuvre pendant au moins cinq ans afin de remédier à la crise du secteur industriel ». ([882])

Le rapporteur est lui-même convaincu de la nécessité d’au moins préserver des règles classiques du marché européen un volume d’électricité réservé aux électrointensifs (à hauteur de 60 TWh), voire à l’ensemble de l’industrie (120 TWh).

Proposition n° 54 : Provoquer un choc de compétitivité-prix pour l’industrie en négociant une nouvelle réforme des règles du marché européen de l’énergie, qui réserve au moins 60 à 70 TWh d’électricité d’origine nucléaire à un tarif compétitif pour répondre à la consommation annuelle de l’industrie électro-intensive et électrosensible française (proposition à défaut d’une sortie des règles européennes de tarification de l’énergie).

Toutefois, l’industrie française ne se résume pas aux plus grands groupes ni aux plus énergivores ; il importe de ne pas oublier notre tissu industriel de base, nos PME, dont certaines peuvent aussi supporter des consommations d’énergie importantes, pesant significativement dans leur structure de coûts de production (telles les verreries par exemple).

C’est pourquoi, à la place de cette proposition de repli, le rapporteur préfèrerait aller plus loin encore en recréant des tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) et en rouvrant les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) à l’ensemble des consommateurs sur le territoire national, avec un nouveau mode de calcul qui se rapproche des coûts de production d’EDF, à l’instar de la proposition de loi qu’il a défendue en octobre 2023 ([883]). Il conviendrait de rétablir des tarifs réglementés de vente du gaz qui reflètent les coûts complets de fourniture, afin de lisser les variations du marché volatil du gaz, et d’élargir les tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des consommateurs sur le territoire national, tout en réformant son mode de calcul pour refléter les coûts complets du système de production d’électricité français.

Proposition n° 55 : Sortir des règles européennes de tarification de l’énergie pour rétablir des tarifs réglementés de vente du gaz et élargir les tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des consommateurs, tout en réformant leur mode de calcul afin de refléter les coûts complets du système de production et de fourniture.

En rétablissant un prix français de l’électricité, ces réformes baisseraient massivement les factures énergétiques des consommateurs français, provoquant à la fois un choc d’offre (par l’amélioration de la compétitivité des entreprises) et un choc de demande (par le renforcement du pouvoir d’achat des ménages et des marges des collectivités).

Cette position personnelle a d’ailleurs suscité le soutien de plusieurs industriels auditionnés (cf. Le frein énergétique ci-dessus).

Elles rendraient enfin à la France son atout compétitif d’une électricité décarbonée et abondante, au prix stable sur le long terme et parmi les plus attractifs d’Europe, dont elle pourrait continuer à exporter les excédents via les interconnexions.

2.   Adopter une fiscalité de croissance pour libérer le travail et l’activité

La réindustrialisation de la France est freinée par le poids de sa fiscalité qu’il convient d’alléger pour favoriser l’activité, la transmission des entreprises et le travail.

Une demande récurrente des acteurs économiques auditionnés est de revenir dans la moyenne européenne des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Alexandre Montay, délégué général du METI, évoque un réalignement compétitif : « Les grands plans d’aides et de subventions sont difficiles à gérer et coûteux dans leur mode de fonctionnement. Plutôt que de mettre en place ces systèmes de distribution d’argent, il serait beaucoup plus efficace de conduire simplement un alignement compétitif raisonnable sur l’environnement européen ». ([884])

a.   Poursuivre le réalignement compétitif en matière de fiscalité de production

Pour consolider la situation économique de ses entreprises, depuis les années 2000, la France a engagé plusieurs cycles de baisses ciblées de la fiscalité des entreprises, notamment avec la création du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE, qui a représenté environ 20 milliards d’euros annuels d’allègements), qui a ensuite été transformé en baisse pérenne de cotisations sociales employeurs, la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés, engagée par François Hollande puis accélérée sous Emmanuel Macron en passant de 33,3% en 2017 à 25% en 2022 (une diminution totale de 11 milliards d’euros environ), ou encore la réduction graduelle des impôts de production (division par deux de la CVAE pour un coût d’environ 10 milliards d’euros annuels depuis 2021). La CVAE devait être supprimée en totalité, mais cette réforme a été décalée à 2027 avant un nouveau report en 2030, pour un total futur de 20 milliards d’euros par an. Des mesures sectorielles et temporaires ont également été prises, comme le suramortissement pour l’investissement industriel (créé en 2015), des exonérations fiscales en zones franches urbaines ou des allègements spécifiques dans le cadre du régime de l’innovation (crédit d’impôt recherche, régime fiscal des brevets, etc.).

S’agissant de l’industrie proprement dite, une étude de Rexecode a calculé que ses prélèvements obligatoires (cotisations sociales comprises) auront baissé de 5,7 milliards d’euros entre 2017 et 2024. ([885])

Cette politique de l’offre n’a malheureusement pas permis de redresser durablement la position compétitive de la France, qui a continué de se dégrader : tout en restant parmi les pays les plus imposés d’Europe, la France occupe la 32ème place dans le classement 2025 de l’IMD World Competitiveness Center ([886]), contre la 31ème place en 2017 ([887]). Et la part de la production industrielle dans le PIB a même reculé (cf. Entre 2017 et 2024, la France a connu une baisse objective de la production industrielle et manufacturière ci-dessus).

Les limites de la politique de l’offre menée par le Président Emmanuel Macron tiennent essentiellement à l’absence de couplage avec une politique de la demande domestique et à sa neutralisation par le coût de l’inflation normative. On constate en effet que :

– le pouvoir d’achat des ménages a stagné ; et la commande publique n’a pas fait l’objet d’une orientation particulière vers les productions industrielles nationales ;

– La compétitivité des entreprises françaises aurait pu bénéficier de ces allègements fiscaux, estimés à une quarantaine de milliards d’euros par an selon la Cour des comptes ([888]), mais elle s’est retrouvée plombée par le coût croissant de « l’impôt paperasse » : le seul coût d’application en France des normes issues de l’Union européenne représente près de 20 milliards d’euros par an selon l’iFRAP, auquel s’ajoute le coût de la mise en œuvre de nos propres normes. La directrice de la Fondation iFRAP, Agnès Verdier-Molinié, observe que « sur l’impôt papier que nous subissons en France, environ 100 milliards d’euros, 80 % émanent de l’activité législative nationale, 20 % de l’activité européenne. » ([889])

Mais l’efficacité du volet fiscal de cette politique de l’offre est aussi amoindrie par le fait qu’il n’est pas allé jusqu’au bout des réformes annoncées, s’agissant en particulier de la CVAE.

La fiscalité de production constitue l’une des singularités les plus défavorables de l’économie française par rapport à ses concurrents. En effet, contrairement à l’impôt sur les sociétés ou à la TVA, elle frappe les entreprises en amont, avant même qu’un bénéfice ne soit réalisé, sur la seule base de leur existence ou de leurs moyens de production (valeur ajoutée, masse salariale, foncier, etc.). Cette logique représente donc structurellement un frein à l’activité des entreprises industrielles, intensives en capital et en masse salariale, même lorsque leurs marges sont faibles.

Si la suppression des impôts de production pourrait accroître le PIB de 1 à 1,5 % à moyen terme, selon le rapport Tirole-Blanchard de 2021 ([890]), il est au moins indispensable de poursuivre les efforts de réalignement compétitif de notre pays vis‑à-vis de ses voisins européens. Selon les données Eurostat 2023 (baromètre 2025), les impôts de production s’élèvent encore à près de 3,8% du PIB de la France, contre 0,9% en Allemagne, 2,9% en Italie, 2% en Espagne ou encore 1,2% aux Pays-Bas. La moyenne européenne et de l’OCDE avoisinerait quant à elle les 2 % du PIB.

Et plus globalement, la France reste l’un des pays européens avec le plus fort taux d’impôts et de taxes. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 45,6 % du PIB selon Eurostat en 2023, elle se situe devant la Belgique (44,8 %), l’Allemagne (40,3 %), l’Italie (41,7 %), l’Espagne (37 %) ou encore les Pays-Bas (39,1 %), loin devant la moyenne des États membres de l’UE de 40 % du PIB (33,9 % de moyenne en OCDE).

Proposition n° 56 : Renforcer les efforts fiscaux de réalignement compétitif, en poursuivant la suppression progressive des impôts de production restants, notamment la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la part résiduelle de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Une mesure complémentaire, capable de renforcer l’attractivité de la France, serait d’autoriser des exonérations fiscales sur plusieurs années aux investissements permettant la relocalisation d’activités considérées comme stratégiques.

Proposition n° 57 : Développer des conventions négociées d’exonérations fiscales pluriannuelles pour la relocalisation des activités identifiées comme stratégiques.

b.   Permettre une stabilité fiscale par la maîtrise des dépenses publiques

Le cadre budgétaire particulièrement contraint de notre pays, fruit d’une dérive continue des finances publiques, qui s’est accélérée depuis 2017, constitue un frein majeur à l’adoption d’une fiscalité de croissance offensive.

De 2017 à fin 2024, le déficit public de la France a en effet plus que doublé, passant de 2,6 % du PIB (soit 59,3 milliards d’euros ([891])) à 5,8 % du PIB (à 169,6 milliards d’euros ([892])). La dette publique a quant à elle explosé de 1 150 milliards d’euros supplémentaires en huit ans : elle est passée de 2 150 milliards d’euros fin 2016 à 3 305 milliards d’euros fin 2024, soit près de 113 % du PIB, un niveau inédit hors période de guerre. Les dispositifs visant à atténuer l’effet de la hausse des prix de l’énergie ont notamment pris le relais des mesures de soutien et de relance mises en place à partir de 2020, repoussant la sortie du déficit public, souligne la Cour des comptes ([893]). Dans le même temps, les charges d’intérêt sur la dette ont bondi à 58 milliards d’euros en 2024, soit davantage que le budget du ministère des armées (47,2 milliards d’euros) ou de l’éducation nationale (près de 62 milliards d’euros en incluant l’enseignement supérieur).

Ce contexte budgétaire critique est d’autant plus alarmant qu’il s’accompagne d’une défiance à l’égard des engagements et de la réalité dépeinte par les gouvernements en responsabilité ces dernières années. En septembre 2022, l’ancien ministre de l’Économie et des finances Bruno Le Maire déclarait encore que « nous maîtrisons notre dette », puis en janvier 2023 que « nous sommes sortis du quoi qu’il en coûte » avant d’assurer en janvier 2024 que « les finances publiques de la France sont solides » et en septembre 2024 que le retour du déficit à 3 % en 2027 est « tout à fait à notre portée ». Ces affirmations contredisent les constats dressés par les principales institutions financières, de plus en plus alarmistes. Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2025, a ainsi déploré qu’il soit fondé sur des prévisions macroéconomiques « fragiles », optimistes et « peu documentées » face à un dérapage du déficit public « considérable et inédit » ([894]).

Alors que Bruno Le Maire prévoyait un déficit public de 4,4 % du PIB avec 25 milliards d’euros d’économies d’ici la fin 2024, il s’est en réalité élevé à 5,8 % du PIB, avec une dette publique avoisinant les 113 % du PIB. Cet écart de plus de 40 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales révèle, au mieux, une méconnaissance de la situation des finances publiques, au pire, de l’insincérité.

En tout état de cause, le poids de notre dette publique pourrait empêcher de mettre en œuvre les allégements fiscaux nécessaires au rééquilibrage de la compétitivité de nos entreprises, voire les menacer de nouveaux impôts. Pour autant, un retour en arrière serait aussi peu productif que nocif pour notre économie – sans compter qu’il renverrait un message décourageant aux investisseurs industriels.

En effet, des travaux alertent sur la situation de la France qui serait proche du « point de Laffer », impliquant que toute nouvelle hausse d’impôts produirait un rendement décroissant voire négatif : « trop d’impôt tue l’impôt » ; ainsi « il existe un taux global des prélèvements obligatoires (PO), au-delà duquel une hausse du taux des impôts ou des cotisations sociales entraîne une baisse des recettes publiques (le sommet de la "courbe de Laffer"). Il existe aussi un taux maximal économique des PO au-delà duquel leur coût en termes d’activité et d’emploi est supérieur à l’utilité des dépenses publiques qu’ils financent. » ([895])

La pression fiscale en France est devenue si forte qu’elle fragilise le contrat social entre les citoyens et l’État. Les Français contribuent massivement aux dépenses publiques, mais ne perçoivent pas clairement les bénéfices de leurs efforts. Ce déséquilibre alimente une perte de confiance dans l’efficacité et la légitimité de l’action publique. Le lien entre l’État et la nation, essentiel à la cohésion nationale, est aujourd’hui menacé.

Dans ce contexte d’incertitudes économiques, il est donc impératif de dégager des marges budgétaires autrement que par l’augmentation des prélèvements obligatoires, déjà parmi les plus élevés d’Europe et de l’OCDE. Cette ambition implique une véritable stratégie de sobriété et d’efficacité de la dépense publique, en redonnant à l’État les moyens de mieux gérer ses ressources. Un grand audit des comptes publics s’impose donc afin d’établir la réalité de l’état des finances publiques, dans la perspective d’arrêter les gaspillages, d’améliorer la performance publique, de simplifier les procédures et de généraliser la culture de l’évaluation.

Proposition n° 58 : Engager un audit complet des comptes publics, pour améliorer l’efficacité des dépenses et des services, alléger la pression fiscale sur les ménages et les entreprises.

Le desserrement de notre endettement permettra d’aller au bout de l’indispensable réalignement fiscal, et de garantir aux entreprises un plafonnement durable de leurs prélèvements obligatoires.

Proposition n° 59 : Définir un plafond fiscal stable dans la durée, pour offrir une prévisibilité aux entreprises industrielles et sécuriser leurs choix d’investissements à moyen et long terme.

c.   Prendre en compte l’impact des normes sur les PME

En tout état de cause, toute introduction de nouveau prélèvement, comme de nouvelle norme, devrait faire l’objet d’une étude préalable de son impact sur les PME et sur la compétitivité de nos entreprises, faute de quoi notre pays continuera à défaire d’un côté ce qu’il a accordé de l’autre pour soutenir la relance de son industrie.

Il conviendrait ainsi de généraliser les études d’impact de nouvelles normes sur les PME, appelées « tests PME » et « tests compétitivité », pour évaluer ex ante l’effet réel des nouvelles normes fiscales et réglementaires sur la compétitivité et éviter l’accumulation de contraintes inadaptées.

Proposition n° 60 : Généraliser les études d’impact « tests PME » et « tests compétitivité », pour évaluer ex ante l’effet réel des nouvelles normes fiscales et réglementaires françaises.

d.   Faciliter la transmission des entreprises pour préserver la détention domestique des entreprises et développer les ETI

La transmission d’entreprises, dans le cadre d’une succession ou d’une donation, est une étape de grande fragilité. Une taxation trop lourde pour les héritiers ou les donataires peut les inciter à vendre à des acquéreurs qui seront moins attachés à l’entreprise que la famille qui l’a créée, voire à des investisseurs étrangers qui peuvent préférer délocaliser ou cherchent seulement à s’approprier les matériels, technologies et savoir-faire.

Grâce au « pacte Dutreil » de 2003, la France a allégé le poids des droits de mutation à titre gratuit (ou droits d’enregistrement), mais sans les supprimer, conservant une taxation sur 25 % de la valeur de l’entreprise transmise, ce qui représente encore un coût significatif pour les héritiers ou donataires qui n’en ont pas nécessairement les moyens. Le risque de vente reste donc encore réel.

L’Italie a fait le choix inverse : en exemptant totalement les transmissions d’entreprises, dès lors que les héritiers ou les donataires s’engagent à poursuivre l’activité cinq ans après la donation ou la succession, elle a contribué à préserver un tissu de PME industrielles dense. La sécurisation de ces « passages de relais » a favorisé en outre le développement des entreprises de taille intermédiaire, mieux armées pour la compétition mondiale.

Préserver la détention domestique de nos industries est ainsi un enjeu de souveraineté et même une base propice au renforcement de nos PME.

Inquiet des nombreuses transmissions à venir, le délégué général du METI, Alexandre Montay, souhaiterait l’établissement d’un pacte long terme, à côté du pacte Dutreil, qui comporterait un engagement encore plus long, avec le passage de 75 % à 90 % d’abattement en contrepartie d’une conservation qui serait portée à dix ans ([896]).

Dans l’absolu, le rapporteur préfèrerait pouvoir, à l’instar de l’Italie, lever toute menace sur l’avenir d’une entreprise (à condition que le bénéficiaire s’engage à maintenir son activité industrielle) car une entreprise est d’abord un outil de travail avant d’être un patrimoine. Néanmoins la situation actuelle de nos finances publiques ne permet pas d’aller aussi loin, aussi se rallie-t-il à la proposition d’un dispositif complémentaire offrant un allègement fiscal renforcé contre un engagement de plus longue durée.

Proposition n° 61 : Réformer le pacte Dutreil en étendant de 4 à 10 ans la durée minimale d’engagement individuel à conserver les titres de la société en contrepartie d’une réduction renforcée des droits de mutation à titre gratuit.

Renaud Dutreil soulignait par ailleurs son erreur d’avoir introduit, en 2003, l’obligation qu’au moins un des signataires de l’engagement, donataire ou héritier, exerce une fonction de direction. Il conseillait de distinguer la gouvernance familiale et le management opérationnel en acceptant qu’un manager puisse être recruté pour gérer l’entreprise familiale transmise. L’important reste en effet la poursuite de l’activité ([897]).

Proposition n° 62 : Supprimer l’exigence qu’un signataire du pacte Dutreil ou un héritier exerce une fonction de direction.

Arnaud Montebourg suggère également d’encourager fiscalement la constitution d’une fondation lorsqu’il n’y a plus d’héritier ([898]).

e.   Encourager l’actionnariat salarié et la participation dans l’industrie française

Le renforcement de l’actionnariat salarié, de la participation et de l’intéressement représente un levier stratégique majeur pour la réindustrialisation de la France. Ces dispositifs permettent un meilleur partage de la valeur créée, favorisent l’attractivité des métiers, renforcent l’implication des salariés dans le projet de l’entreprise, améliorent sa performance globale et contribuent à soutenir la détention domestique de notre outil productif. En effet, ils réduisent le risque de prises de contrôle étrangères et renforcent l’ancrage territorial des centres de décision, favorisant des trajectoires industrielles de long terme, plus stables et moins soumises à la pression de court terme des marchés financiers.

Cette ambition s’inscrit dans l’héritage économique du général de Gaulle, qui voyait dans la participation des salariés un pilier du modèle français d’entreprise, conciliant performance, justice sociale et souveraineté nationale. Dès les années 1940, puis plus nettement dans les années 1960, la participation « gaullienne » visait à associer le travail au capital, en permettant aux salariés de bénéficier directement des fruits de la croissance, mais aussi d’être parties prenantes dans la stratégie de l’entreprise. Elle visait ainsi à dépasser l’opposition entre capital et travail en instaurant une troisième voie de démocratie économique. Pourtant, cette ambition s’est progressivement dégradée au profit d’une vision purement financière et court‑termiste de la gouvernance d’entreprise.

Si la France dispose déjà d’un cadre législatif incitatif (avec la loi PACTE, le développement de l’épargne salariale et des plans d’actionnariat), des marges de progrès existent, notamment dans les PME et les ETI.

Selon le baromètre de la Fédération européenne de l’actionnariat salarié (FEAS), la part du capital des entreprises françaises cotées au CAC40 détenue par des salariés est en moyenne de 3,6 %, un pourcentage encore loin de la barre de l’objectif des 10 % déclaré dans la loi Pacte de 2019 ([899]).

Proposition n° 63 : Renforcer les dispositifs incitant au développement de l’actionnariat salarié.

Par ailleurs, la « loi Florange » de 2014 ([900]) pourrait également être améliorée afin de favoriser davantage la reprise des entreprises, menacées de fermeture, par leurs salariés ou les acteurs locaux. Censée renforcer les droits des salariés actionnaires et protéger les entreprises contre les offres publiques d’achat (OPA) hostiles, elle impose aux entreprises de plus de 1 000 salariés de chercher un repreneur avant la fermeture d’un site qui aurait pour conséquence un licenciement collectif pour motif économique pendant toute la durée de la consultation de la procédure sociale.

Auditionné par la commission d’enquête, l’ancien ministre Arnaud Montebourg a déclaré qu’il s’agit « d’une loi proclamatoire que la majorité de l’époque avait fait passer pour faire croire qu’elle faisait quelque chose, alors qu’elle n’avait rien fait par rapport aux promesses du président de la République », un texte pour essayer « d’effacer cet abandon en rase campagne » en se référant à l’abandon par François Hollande du site ArcelorMittal de Florange ([901]).

Selon l’ancien ministre de l’économie, cette loi « n’a rien corrigé » car bien souvent les salariés « n’ont pas les moyens [...] de reprendre des outils à haute intensité capitalistique ». Il lui reconnaît toutefois « une certaine utilité », comme en témoignent quelques succès, dont le plus notoire est le dossier Panavi : une boulangerie industrielle en Haute-Vienne reprise par une société de pâtisserie industrielle de Dordogne, Gelpat.

Malgré des délais restreints – entre deux et quatre mois –, la loi Florange constitue donc un instrument qui peut être occasionnellement efficace lorsque les difficultés sont suffisamment anticipées. C’est pourquoi il apparaît pertinent d’abaisser le seuil actuel de 1 000 salariés afin d’élargir le champ d’application de cette loi à l’ensemble des ETI, entreprises essentielles à la densification du tissu industriel et à l’internationalisation de l’économie pour réduire nos dépendances, afin de renforcer leurs chances de reprise en cas de projet de fermeture de site.

Proposition n° 64 : Élargir le champ d’application de la « loi Florange » de 2014 à l’ensemble des ETI, par l’abaissement du seuil aux entreprises de plus de 250 salariés.

3.   Renouer avec le pragmatisme normatif pour simplifier la vie des entreprises

On a vu en deuxième partie du rapport la complexité générée par l’inflation des normes européennes et nationales et l’aspiration des industriels à plus de simplicité, de lisibilité et de stabilité dans les règles qui leur sont applicables, en particulier quand il s’agit d’exigences s’imposant aux seules entreprises européennes, qui se retrouvent alors en position désavantageuse par rapport à leurs concurrents non-européens.

En outre, la mise en œuvre de ces règles induit des surcoûts – pour les mises en conformité, l’adaptation de leurs appareils de production, les traitements administratifs et les divers contrôles liés – qui représentent une charge supplémentaire importante, un véritable « impôt paperasse », que la Fondation iFRAP a estimé à 100 milliards d’euros annuels (cf. Une hausse croissante du coût de « l’impôt paperasse ci-dessus).

L’inflation normative renchérit les coûts de production sur le sol européen, comme en témoigne par exemple Luca de Meo, alors président de Renault, dans une interview parue le 5 mai 2025 : « Entre 2015 et 2030, le coût d’une Clio aura augmenté de 40 %. Cette augmentation est à 92,5 % attribuable à la réglementation, essentiellement européennes. » ([902]) Ces difficultés viennent notamment de l’insuffisance notoire des évaluations préalables des répercussions des nouvelles obligations ou interdictions envisagées sur l’équilibre économique des entreprises.

Une précédente recommandation du rapporteur était donc de prévoir l’étude préalable de l’impact de tout nouveau projet de norme sur les PME et sur la compétitivité de nos entreprises en général.

Ces difficultés viennent aussi d’une tendance française à la surenchère dans ses transpositions du droit européen. Or, ce syndrome du bon élève n’est plus tenable quand il fragilise encore un peu plus nos entreprises dans une compétition européenne et mondiale bien moins scrupuleuse.

Proposition n° 65 : Mettre fin à la culture française de surtransposition des normes européennes.

Le rapporteur considère également crucial que la France n’aille pas plus vite que ses voisins dans ces transpositions, contrairement à ce qui s’est produit avec la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ou Corporate Sustainability Reporting Directive, dite « directive CSRD », que notre pays a été un des premiers à introduire en droit interne alors que 17 autres États membres ne l’appliquent toujours pas.

Proposition n° 66 : Veiller à ce que les directives européennes soient appliquées dans les autres pays européens avant toute transposition en droit interne.

Mais il est aujourd’hui urgent d’aller plus loin qu’une simple rationalisation de la production normative : le durcissement de la guerre commerciale vient en effet ébranler un peu plus nos industries, déjà déstabilisées par la crise de la Covid-19 puis celle des prix de l’énergie. Dans ce contexte, l’inflation normative ajoute un handicap à la dégradation de leur compétitivité-prix, tout en nuisant à l’attractivité de notre pays auprès des investisseurs.

Il est donc temps de faire une pause réglementaire, et même d’engager un véritable « choc de simplification », pour alléger leurs charges « exogènes » et pour assurer une stabilité et une sécurité juridique.

Le rapporteur propose de lancer un chantier de simplification normative, fondé sur un audit des acteurs économiques, suivi d’un plan de rationalisation du droit utilisant tous les leviers : projets de lois, décrets, arrêtés, circulaires…

Proposition n° 67 : Faire une pause dans la production réglementaire touchant les industries et lancer un chantier de simplification normative.

Enfin, il est également urgent :

 de lever la menace des sanctions prévues en cas de non-respect des obligations découlant du règlement (UE) 2019/631 du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, dit souvent « réglementation CAFE » (pour Corporate Average Fuel Economy) sur l’automobile. Celle-ci a en effet fixé un objectif intermédiaire de 22 % de ventes de véhicules électriques dès 2025, accompagné d’une réduction des émissions de CO2 de 15 %. Cependant la baisse des ventes de véhicules électriques en Europe et en France et la très forte concurrence des produits chinois ne permettront pas aux constructeurs européens d’atteindre leurs cibles. Or, les amendes dont ils sont passibles en l’état actuel du droit ne manqueraient pas d’aggraver leurs difficultés.

Ce constat est partagé par le Secrétariat général aux affaires européennes : « Nos concitoyens ne comprendraient pas que les constructeurs européens qui ont investi – et de manière irréversible – sur l’électrique avec une stratégie Made In Europe soient pénalisés par des amendes très significatives au titre des objectifs 2025. Ces amendes pourraient également mettre en difficulté par ricochet certains sous-traitants européens. » ([903])

Face aux menaces existentielles pesant sur des acteurs centraux de l’industrie européenne, l’Union a finalement annoncé un mécanisme de flexibilité qui devrait lisser les émissions prises en compte, mais qui n’a toujours pas été voté.

Au-delà de l’enjeu de leur préservation immédiate, on doit également interroger la pertinence de la trajectoire imposée par la directive CAFE pour aboutir à l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035. Les représentants de la filière auditionnés par la commission d’enquête disent s’y préparer ; néanmoins le calendrier des obligations intermédiaires doit être tenable ; et, en tout état de cause, les constructeurs peinent à y arriver comme en témoigne l’interview de Luc Chatel le 9 juin 2025 dans laquelle il dénonce que « l’Europe saborde son industrie automobile », par ailleurs, ce sont les consommateurs dont la demande chute, qui donneront le vrai tempo. Mais tant que les véhicules électriques seront insuffisamment abordables, leurs achats ne décolleront pas. Il regrette que « Bruxelles a fait le choix de réglementer là où les Américains et les Chinois laissent le choix de la technologie de décarbonation aux industriels. Résultat, en France, en cumul, sur cinq mois, les commandes de voitures particulières affichent un repli de 11 %. [...] Depuis 2020, le marché européen s’est réduit de près d’un tiers. La France ne produit plus que 1,35 million de véhicules ; elle en produisait 3,5 millions au début des années 2000. Tout cela a des conséquences majeures sur l’ensemble de la filière, bien au-delà des constructeurs, et au premier chef sur les fournisseurs. Depuis la crise sanitaire, ce sont près de 40 000 emplois industriels qui ont été perdus en France dans l’automobile. » ([904]) 

Proposition n° 68 : Flexibiliser drastiquement les contraintes relatives à l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, tant en reportant les délais qu’en incluant de nouvelles technologies autorisées comme les moteurs hybrides.

– d’œuvrer auprès de l’Union européenne pour faire supprimer les exigences disproportionnées de la directive CSRD, dont l’application est suspendue en France depuis la loi du 30 avril 2025, et de la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ou Corporate Sustainability Due Diligence Directive, dite « directive CS3D », qui doit entrer en vigueur à partir de juillet 2027.

En effet, non seulement cette dernière imposera aux entreprises un contrôle des incidences sur les droits de l’Homme et l’environnement de l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, mais elle prévoit que les entreprises seront juridiquement responsables si l’un de leurs fournisseurs habituels ne respecte pas les normes du droit du travail ou porte atteinte à l’environnement : elles pourront, à ce titre, supporter des amendes substantielles (jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial). De l’avis de tous les acteurs économiques auditionnés, un contrôle aussi poussé dans la chaîne de valeur est impossible à réaliser, et les sanctions prévues pourraient être mortelles pour les entreprises.

La mise en œuvre du reporting CSRD est moins extrême ; mais il est susceptible de donner accès à des données sensibles sur les entreprises, et il génère une charge et des coûts pour l’administrer « hallucinants » selon tous les témoins, chiffrés à au moins 2 milliards d’euros annuels par France Industrie.

Il est crucial que la France dénonce activement les excès et les dangers de ces deux dispositifs, et urgent que l’Union européenne renonce à ces réglementations plus nuisibles à ses industries qu’efficaces pour faire progresser le monde vers davantage de vertu en matière de durabilité. Car l’Europe reste encore très isolée dans cette démarche. Et pour ses entreprises, il est objectivement impossible d’avoir une connaissance exhaustive des impacts de chaque maillon de leur chaîne d’approvisionnement.

Proposition n° 69 : Refuser l’application des directives CSRD et CS3D, relatives aux informations en matière de durabilité des grandes entreprises et au devoir de vigilance.

B.   RÉduire les freins aux implantations industrielles

La réindustrialisation de la France nécessite de mobiliser du foncier, et par extension de trouver des terrains disponibles, d’en faciliter l’accès et d’y accélérer les implantations. Ainsi, le rapporteur a identifié quatre leviers prioritaires : l’assouplissement des objectifs de zéro artificialisation nette : ZAN, l’allègement des contraintes environnementales, la mobilisation des friches et des plateformes industrielles, et le renforcement du dispositif des sites Clés en main.

1.   Concilier la non-artificialisation des sols avec la réindustrialisation du pays

La France est l’un des pays les moins denses d’Europe en termes de peuplement et d’urbanisation. Cette faible densité explique une répartition étendue et souvent fragmentée des zones industrielles, ce qui diminue d’autant le foncier économique disponible localement pour de nouvelles implantations. Une étude réalisée en 2022 par Intercommunalités de France, le Cerema et la délégation Territoires d’industrie sur les zones d’activités économiques (ZAE) montrait ainsi que 41 % des parcs seraient saturés en 2025 et 93 % à horizon 2030 ; que près de deux tiers des territoires refusaient des projets d’implantation et subissaient des déménagements d’entreprises faute de place pour les conserver ; et qu’enfin, 90 % des intercommunalités ne s’estimaient pas en mesure d’accueillir des activités occupant plus de 50 hectares ([905]).

Dans ce contexte, l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon 2050, introduit par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui prévoit une division par deux de la consommation nette des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) entre 2021 et 2031 (par rapport à la décennie précédente), ajoute une difficulté structurelle à la réindustrialisation en limitant drastiquement les possibilités d’étendre ou de créer de nouvelles ZAE et plus globalement toute nouvelle artificialisation.

Les contraintes du dispositif ZAN sont d’autant plus un frein que la réindustrialisation de notre pays nécessiterait la mobilisation d’environ 20 000 à 30 000 hectares supplémentaires d’espaces industriels sur les 10 prochaines années, voire 79 000 hectares pour atteindre l’objectif ambitieux d’une réindustrialisation à hauteur de 15 % du PIB, contre 9% actuellement.

La loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite « loi ZAN », a certes apporté quelques aménagements au dispositif initial, dont une adaptation en faveur des grands projets économiques : la comptabilisation au niveau national, et non plus régional ou local, de la consommation d’espaces NAF par les projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) présentant un intérêt général majeur et identifiés par décret. Toutefois, l’enveloppe dédiée à la consommation d’espaces par les PENE n’est que de 12 500 hectares pour toute la décennie 2021-2031. Et les autres projets industriels ne font l’objet d’aucun traitement spécifique. Or, comme l’a déclaré le professeur Olivier Lluansi durant son audition, « 80 % des projets industriels ont besoin de moins de 2 hectares et il existe une tension sur le foncier pour ces petits projets qui s’est accrue avec l’objectif zéro artificialisation nette. » ([906])

Enfin, les besoins induits par le développement de ces nouvelles activités (logements, équipements publics, infrastructures) devraient aussi être pris en compte. Pour Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, le foncier n’est pas un problème pour l’installation des industries dans son territoire, mais « il en est un pour tout ce qui est connexe, c’est-à-dire les infrastructures routières ou ferroviaires pour y accéder, les logements pour les salariés, etc. L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ne tient en effet pas compte de ces besoins fonciers. Le sujet a été renvoyé aux régions mais elles doivent s’entendre avec toutes les intercommunalités. Or celles qui ne sont pas concernées par l’implantation d’industries considèrent que notre territoire a déjà été bien servi et que le foncier doit profiter à d’autres, qui ne sont pas éligibles aux PENE. In fine, le Dunkerquois a été pénalisé dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) pour la raison que je viens d’évoquer. Il faut donc que le foncier de l’État réservé à l’industrialisation intègre les besoins connexes. » ([907])

À cet effet, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (dite « proposition de loi Trace ») ([908]), adoptée en mars par le Sénat, qui vise à assouplir le dispositif ZAN, resterait insuffisante puisqu’elle ne permettrait de libérer que quelques milliers d’hectares, environ 10 000 hectares supplémentaires sur le territoire national d’ici 5 ans, un volume bien en deçà des besoins réels et induits du développement industriel.

En outre, la proposition de loi Trace continue de privilégier la contrainte foncière sans suffisamment encourager la reconversion des friches ou la création de nouveaux sites industriels. Elle ne permettrait que de minimiser, sans le réduire, le risque de raréfaction des terrains disponibles pour les projets industriels, qui menace directement l’attractivité industrielle de la France.

Ce constat impose de réviser les modalités de calcul et d’application du dispositif ZAN, afin de soutenir le développement industriel, d’inciter les collectivités à favoriser l’implantation industrielle et d’intégrer prioritairement la reconversion des friches industrielles dans la politique foncière.

Pour mettre la France en ordre de bataille afin d’atteindre un objectif de réindustrialisation à hauteur de 15 % du PIB, il est nécessaire de permettre le développement des projets industriels et de répondre aux besoins en bâtis liés – notamment le logement des personnels des futures usines et l’adaptation des équipements publics et des infrastructures.

Le rapporteur demande donc à pouvoir assouplir drastiquement le dispositif de zéro artificialisation nette (ZAN) :

– en reportant les échéances des objectifs (intermédiaire et final) ;

– et en réservant sur 10 ans un quota d’espaces destinés au développement économique représentant au moins 30 000 hectares.

Proposition n° 70 : Assouplir drastiquement le dispositif de zéro artificialisation nette (ZAN) en reportant les échéances des objectifs (intermédiaire et final) et en réservant sur 10 ans un quota d’espaces destinés au développement économique représentant au moins 30 000 hectares (proposition à défaut d’une exemption des projets industriels de l’objectif ZAN).

Dans l’idéal, le rapporteur privilégierait au deuxième point l’exclusion des projets industriels du décompte des terres nouvellement artificialisées.

Le rapporteur se satisferait néanmoins de l’exemption d’une durée de 5 ans de l’objectif ZAN pour les projets industriels, leurs aménagements et les logements liés, introduite, grâce à son groupe parlementaire, dans le projet de loi de simplification de la vie économique lors de son examen par l’Assemblée nationale le 28 mai dernier.

Proposition n° 71 : Exempter les projets industriels de l’objectif de zéro artificialisation nette.

Par ailleurs, suivant une proposition du président d’Intercommunalités de France, il serait possible de pondérer les surfaces artificialisées en décomptant un hectare d’industrie comme un demi‑hectare et en considérant qu’un hectare de surface commerciale créée équivaut à deux hectares.

En tout état de cause, comme le souligne le préfet Rollon Mouchel-Blaisot, il est nécessaire que « chacun dans [ses] fonctions [établisse] des priorités claires » dans l’usage des terres (agricole, industriel, commercial, etc.). « En ce qui nous concerne, convaincus que c’est l’avenir du pays, nous considérons que le foncier industriel doit être prioritaire dans les choix d’artificialisation. » ([909])

2.   Adapter la protection de la biodiversité aux réalités locales et aux enjeux industriels

La protection de la biodiversité est un impératif écologique mais impose aujourd’hui une réglementation trop rigide.

En France en effet, les espèces protégées sont listées par arrêtés ministériels pour l’ensemble du territoire, alors que le niveau de risque de disparition d’une espèce peut varier selon la zone géographique. Ainsi, des espèces dites « à protéger » peuvent être faiblement menacées dans certaines zones géographiques, voire prolifèrent. Une prolifération qui non seulement ne permet pas de justifier des procédures et des contraintes excessives, qui ralentissent le développement des projets industriels, mais qui, en outre, peut compliquer la mise en place des compensations dans des zones saturées.

La situation du sonneur à ventre jaune, un crapaud jaune de petite taille, illustre le décalage croissant entre une protection nationale uniforme et les réalités écologiques locales. Alors que l’espèce est effectivement en régression dans certaines zones de l’ouest et du nord de la France en raison de la disparition de ses habitats, elle demeure abondante dans plusieurs secteurs de l’est, notamment dans le Massif vosgien, le Jura ou le Massif Central. Dans ces régions, sa protection systématique peut conduire à l’abandon ou à la modification coûteuse de projets industriels, énergétiques ou d’aménagement pourtant programmés sur des emprises déjà artificialisées, comme d’anciens sites militaires ou des friches industrielles. Une approche régionalisée semble alors plus pragmatique, également soutenue par le maire de Dunkerque devant la commission d’enquête ([910]).

Proposition n° 72 : Régionaliser la liste des espèces animales et végétales actuellement protégées à l’échelle nationale, afin d’adapter à la réalité locale les exigences environnementales et les contraintes réglementaires afférentes.

Par ailleurs, la faisabilité environnementale de nombreux projets industriels se heurte à l’indisponibilité d’espaces de compensation adaptés : selon le rapport 2023 de l’Autorité environnementale, près d’un tiers des projets analysés rencontrent des difficultés à localiser des sites de compensation ([911]). Dans plusieurs régions comme le Grand Est ou l’Île-de-France, les espaces naturels compatibles avec les exigences de continuité écologique ou d’habitat d’espèces protégées sont devenus rares, saturés ou morcelés. Cette pénurie, couplée à l’absence de cartographie centralisée, contribue à allonger les délais d’instruction ou à faire échouer des implantations industrielles pourtant situées sur des emprises déjà artificialisées.

Proposition n° 73 : Créer une cartographie nationale des terrains disponibles pour la compensation, à l’image du dispositif existant de recensement du foncier disponible pour l’implantation et les « sites clés en main ».

Enfin, les auteurs du rapport de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel rendu en 2023, Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, et François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement, suggèrent de permettre aux porteurs de projets de s’acquitter de leurs obligations sur des sites prédéterminés. « L’enjeu pour un investisseur n’est pas tant le principe de la compensation que la prévisibilité du processus », considère Rollon Mouchel-Blaisot ([912]).

Il serait également légitime, selon le rapporteur, d’aménager les obligations de compensation des impacts environnementaux d’un projet quand il concerne la réutilisation d’un site déjà artificialisé comme une friche industrielle.

Proposition n° 74 : Assouplir les obligations de compensations des impacts environnementaux :

– en permettant aux porteurs de projets de s’acquitter de leurs obligations sur des sites prédéterminés, même s’ils ne sont pas à proximité directe de leur future implantation ;

– en réduisant les obligations de compensation environnementale d’un projet industriel quand il s’installe sur une ancienne friche industrielle.

Un tel aménagement constituera, au surplus, une incitation objective à privilégier les friches plutôt que des espaces non encore artificialisés.

3.   Mobiliser le potentiel des friches et des plateformes industrielles

Les friches et plateformes industrielles représentent un potentiel foncier stratégique sous-exploité ; le développement industriel doit y être priorisé, facilité, accéléré et sécurisé.

La reconversion des friches industrielles offre une opportunité majeure pour soutenir la réindustrialisation, tout en s’inscrivant pleinement dans les impératifs de sobriété foncière. Il apparaît ainsi indispensable de favoriser l’implantation des projets sur les 100 000 (selon le Cerema) à 150 000 hectares de friches industrielles que compterait la France. Cette priorité favoriserait d’ailleurs la réimplantation d’usines dans les zones les plus désindustrialisées du pays, dans la mesure où elles disposent des principaux stocks de friches industrielles, à l’instar des bassins miniers.

Pour faciliter l’accès aux friches, l’amélioration de leur visibilité s’impose alors que la Cour des comptes souligne le doublonnage des outils de recensement des sites industriels disponibles, à savoir le site du Cerema et le portail France Foncier+ (cf. L’enjeu de la mobilisation des friches ci-dessus).

Proposition n° 75 : Créer une cartographie numérique unique de l’offre nationale de foncier disponible pour l’industrie, en fusionnant les outils existants tels que le site du Cerema et le portail France Foncier+.

D’autre part, le recours au régime dérogatoire de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pourrait être une solution pertinente pour accélérer les implantations industrielles. La reconnaissance anticipée de leur caractère de RIIPM viserait à sécuriser les projets vis-à-vis d’aléas futurs comme la découverte ultérieure d’une faune ou d’une flore à protéger. Elle est en effet une des trois conditions nécessaires ([913]) pour déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, évitant au porteur de projet d’avoir à démontrer la RIIPM en cas de recours – mais sans le dispenser de démontrer les autres conditions.

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables a déjà mis en place une présomption de RIIPM pour certains projets de production d’énergies renouvelables ; la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 sur l’industrie verte l’a également accordée aux projets qualifiés de projets d’intérêt national majeur (PINM) et à certains projets d’industries vertes – une reconnaissance anticipée par la loi ou par décret dont le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité à la Constitution dans sa décision du 5 mars 2025 ([914]). Élargir ces dérogations aux projets industriels s’implantant sur des friches industrielles permettrait de concilier dynamique de réindustrialisation et respect de l’environnement, tout en répondant aux objectifs de sobriété foncière par la réhabilitation de friches.

Le professeur Olivier Lluansi souligne que la mobilisation des friches ne sera pas suffisante pour relancer le développement industriel, leur répartition territoriale ne coïncidant pas nécessairement aux recherches des porteurs de projets. Mais le levier de la dérogation est toutefois nécessaire, comme « le seul moyen de simplifier les procédures. » ([915])

Il apparaîtrait tout aussi pertinent d’étendre cette dérogation au foncier disponible dans les dix-huit plateformes industrielles françaises existantes. En effet, ces plateformes disposent de terrains adaptés à accueillir des activités industrielles, qu’ils soient déjà exploités, libres ou en cours de réhabilitation. Comme peut en témoigner le rapporteur dans sa circonscription avec la plateforme Chemesis de Carling / Saint-Avold, les plateformes industrielles représentent un atout en termes d’attractivité foncière, puisqu’elles constituent des espaces circonscrits, aménagés et équipés, avec des facilités d’implantation rapide et coordonnée des entreprises grâce à des infrastructures partagées et une gestion optimisée du foncier industriel.

La plate-forme Chemesis de Saint-Avold

Située dans le Grand Est, à Saint-Avold, Chemesis regroupe un large panel d’acteurs de la chimie de spécialité, de gaz industriels et de matériaux composites.

Construite au début des années 50, la plateforme industrielle de Carling – Saint-Avold s’étend sur une zone abritant de nombreuses entreprises classées Seveso seuil haut et soumises à un plan de prévention des risques technologiques (PPRT).

Ce périmètre accueille aujourd’hui un large spectre d’activités dans le domaine de la chimie de spécialité avancée.

Grâce à une mutualisation des services liés à l’énergie, les fluides industriels, les services de sécurité, le traitement des effluents ou encore la gestion de l’élimination des déchets, la plateforme Chemesis a permis la mise en place d’une véritable économie circulaire, où mutualisation des services et partage des expertises permettent de minimiser les impacts environnementaux.

Chemesis dispose d’une importante offre foncière qui lui permet d’accueillir des activités de toute taille. Grâce à sa culture du risque technologique, le site bénéficie d’un statut de plateforme économique. Il est ainsi autorisé à accueillir de nouvelles implantations classées, sous réserve de protéger ses salariés et de maintenir un haut niveau de sécurité.

L’implantation d’une usine dans une plateforme industrielle peut également la faire bénéficier d’externalités positives importantes pour son activité tels qu’un tissu de compétences et des débouchés de proximité.

Proposition n° 76 : Accorder une présomption légale de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à tout projet industriel satisfaisant les deux critères suivants :

– création de nombreux emplois et/ou développement d’une technologie innovante ;

– localisation sur une friche industrielle ou dans le périmètre d’une plateforme industrielle.

Par ailleurs, les enjeux de dépollution des sols peuvent représenter un problème majeur pour la réhabilitation de certaines friches : ces opérations sont techniquement complexes, coûteuses et juridiquement incertaines pour un porteur de projet. Une analyse des projets lauréats du Fonds Friches, publiée en novembre 2023, relevait une moyenne de 780 000 euros (hors taxes) par hectare remis en état, entre un minimum de 400 000 euros et des montants pouvant atteindre 2,5 millions d’euros selon la nature des pollutions ([916]).

À ce propos, il serait pertinent d’étudier la possibilité d’assouplir les obligations de dépollution quand il s’agit de préparer l’implantation d’une industrie potentiellement polluante. Exiger une remise à niveau des sols qui permettrait le retour à un usage agricole apparaît en effet excessivement contraignant et inutilement onéreux dans ces conditions. « La problématique de dépollution a atteint un tel niveau d’exigence, qui n’est pas forcément nécessaire à la lumière d’une implantation industrielle ultérieure », observe François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, approuvé par les autres auditionnés présents ([917]).

Le préfet Mouchel-Blaisot a par ailleurs fait remonter la problématique, « que tous les industriels ont soulignée » de l’instabilité des règles en matière de requalification des friches. Il a donc proposé dans son rapport précité d’instaurer une période de stabilité réglementaire de cinq ans à partir de l’obtention d’une autorisation ([918]) – ce qui reste modéré dans la mesure où un retour sur investissement avant dix ans est un bon résultat pour une nouvelle usine, observe Laurent Guillot ([919]).

Proposition n° 77 : Garantir pendant cinq ans la stabilité des règles environnementales opposables aux projets industriels implantés sur les friches industrielles et les sites clés en main.

Il est en effet nécessaire d’améliorer la lisibilité pour les acteurs (locaux, aménageurs et industriels) de la réglementation applicable, mais également la lisibilité des dispositifs d’accompagnement.

Il est notamment indispensable de sanctuariser les fonds consacrés à la réhabilitation des friches : au moins ceux du « Fonds Friche », intégré depuis 2023 dans le fonds Vert (axe 3). Doté au début de 750 millions d’euros, de 2021 à 2022, son enveloppe budgétaire a été progressivement abaissée à 616,7 millions d’euros sur quatre ans par la loi de finances pour 2025, réduisant, hélas, les objectifs initiaux de 3 000 hectares recyclés par an à une cible de seulement 1 000 à 1 200 hectares annuels.

Dans ses réponses écrites, la Banque des territoires rappelle que cette enveloppe est aujourd’hui le seul dispositif national de subventions pour la dépollution de friches. Elle « ne permettait déjà pas de répondre à tous les besoins » ; sa diminution en est d’autant plus « problématique » eu égard au besoin de foncier additionnel à destination de l’industrie ([920]).

Proposition n° 78 : Sanctuariser l’enveloppe du fonds Vert destinée au soutien des projets de reconversion industrielle des friches par le financement d’études et de travaux de dépollution.

Il serait enfin utile de centraliser l’ensemble des offres d’accompagnement en matière de reconversion industrielle des friches, afin de proposer un seul interlocuteur aux investisseurs et une lisibilité des soutiens publics disponibles.

Dans chaque région, pourrait être créée une « maison de l’industrie » servant de guichet unique pour accompagner la reconversion industrielle des friches, en centralisant les démarches de dépollution et d’accès aux financements, sous l’égide conjointe de l’Ademe, des préfets régionaux et des régions.

Proposition n° 79 : Créer dans chaque région une « maison de l’industrie », guichet unique régional de l’implantation industrielle et de l’octroi des aides publiques.

4.   Renforcer le déploiement et la cohérence des « sites clés en main »

Lancé en 2020, au sein du programme Territoires d’industrie, le dispositif des sites industriels « clés en main » a pour objectif de proposer aux investisseurs des terrains censés être immédiatement mobilisables, avec des procédures administratives anticipées – au moins celles relatives à l’urbanisme, à l’archéologie préventive et à l’environnement – et des délais réduits. Le dispositif permet de répondre à deux freins majeurs identifiés par la commission d’enquête : l’indisponibilité et la complexité d’accès au foncier industriel.

En avril 2024, 55 sites clés en main étaient recensés, avec un total de 3 342 hectares, dont 30 sites s’inscrivant dans une dynamique de recyclage foncier.

Cependant, plusieurs limites sont apparues. D’une part, la sélection actuelle des sites repose encore trop souvent sur une simple opportunité foncière locale, sans articulation suffisante avec les priorités industrielles françaises, en l’absence d’une véritable stratégie industrielle nationale, ni même avec l’écosystème économique territorial (PME sous-traitantes, offres de formation, infrastructures en place, etc.). Cette insuffisance de ciblage stratégique réduit l’efficacité du dispositif.

D’autre part, certains sites perdent progressivement leur vocation industrielle : l’absence de projet immédiat peut favoriser l’installation nouvelle d’espèces protégées malgré les démarches déjà accomplies, ou encore entraîner la réorientation des sites vers d’autres usages (logement, tertiaire, etc.), compromettant alors leur disponibilité pour de futures implantations industrielles.

L’absence de véritable mécanisme de contrôle ou de suivi dans le temps empêche de garantir leur disponibilité effective et donc de répondre à leur objectif initial. Cette incertitude nuit à la crédibilité du dispositif auprès des investisseurs industriels, qui attendent stabilité, lisibilité et cohérence.

Marc Rohfritsch, directeur régional et interdépartemental de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d’Île-de-France, en témoigne : « Les retours d’expérience au niveau national sur la démarche des sites clés en main ont effectivement été mitigés. Certains investisseurs ou industriels ont été déçus par des sites proposés qui, pour des raisons parfois prévisibles, se sont révélés inadaptés malgré les efforts de valorisation déployés par les agences de développement [...] Néanmoins [ajoute‑t‑il] ce dispositif conserve son utilité et son intérêt. L’objectif ultime est de disposer de sites mieux préparés, permettant une adaptation locale plus rapide et une accélération des délais d’implantation grâce à un travail préparatoire en amont. » ([921])

Ces constats plaident donc pour une généralisation du dispositif, mais aussi pour son perfectionnement. Il est nécessaire de l’améliorer avec un pilotage stratégique renforcé et un ancrage territorial opérationnel.

Pour généraliser les « sites clés en main », il conviendrait de renforcer le pilotage du dispositif pour une meilleure cohérence entre la stratégie nationale et les dynamiques locales :

– en confiant au ministère chargé de l’industrie la coordination nationale stratégique pour aligner les sites sur les priorités industrielles ;

– en chargeant les préfets de région, en lien avec les conseils régionaux, de l’identification, de la mobilisation et du suivi opérationnel des sites sur leurs territoires, afin de garantir leur vocation industrielle.

Proposition n° 80 : Renforcer le pilotage du dispositif « sites clés en main », en confiant au ministère chargé de l’industrie la coordination nationale stratégique et aux préfets de région, en lien avec les conseils régionaux, la responsabilité de l’identification, de la mobilisation et du suivi opérationnel des sites sur leurs territoires.

Ce pilotage centralisé n’interdirait pas un peu plus de souplesse dans la mobilisation locale, dans la mesure où elle répond aux priorités et aux exigences nationales. Relevant la lourdeur du processus de labellisation – qui ne facilite pas la reconstitution du stock des « sites clés en main » au fur et à mesure de leur utilisation – Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, a évoqué la piste d’un système d’auto-labellisation, mais qui soumettrait la candidature des sites pensant avoir un foncier disponible à un cahier des charges national ([922]).

Mobilisant bonnes volontés et moyens, les « sites clés en main » ont aussi besoin d’une sécurisation juridique et environnementale des sites retenus.

Ces périmètres fonciers ont déjà fait l’objet de procédures environnementales ; pour pérenniser l’atout que constitue leur disponibilité immédiate, il est essentiel que l’installation d’espèces protégées après leur labellisation ne remette pas automatiquement tout en cause.

Proposition n° 81 : Accorder la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à tout projet industriel ou logistique qui se développe sur un « site clés en main ».

5.   Accélérer les procédures

Des réformes ont été menées (unification de la procédure d’autorisation environnementale, parallélisation des étapes avec la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, etc.) et une réorganisation des services instructeurs est testée dans certains territoires (cf. Le frein de la lourdeur de l’instruction administrative des projets industriels ci-dessus).

Les experts auditionnés sont assez confiants sur la capacité de ces évolutions à accélérer l’instruction des demandes d’autorisation environnementale.

Néanmoins, ces progrès sont trop lents à se concrétiser au regard de l’urgence à engager une vraie dynamique de réindustrialisation et des enjeux de souveraineté et de puissance qu’elle représente pour notre pays.

Aussi, le rapporteur plaide-t-il pour des réformes de choc, qui s’attaquent aux principaux nœuds de la lenteur française en matière d’instruction des projets industriels :

– les délais de réponse de l’administration. Il convient de renverser la logique qui prévaut dans ces dossiers, partout là où c’est possible, pour amener les services administratifs à rationaliser au maximum leurs propres procédures, en donnant sa pleine mesure au principe posé à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui prévoit que « Le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation » ;

Proposition n° 82 : Renforcer le principe du « silence valant acceptation » de l’administration (SVA) pour tous les régimes d’autorisation d’aménagement.

– le régime d’autorisation, qui emporte de nombreuses étapes d’expertises, consultations et instructions. Celui de la déclaration fait le pari de la bonne foi des déclarants, quitte à ce que des sanctions soient prises si leurs déclarations sont erronées ou leurs évaluations clairement sous-estimées ; il doit être privilégié, dans le cadre contraignant fixé par la Charte de l’environnement ;

Proposition n° 83 : Dans la mesure du possible, privilégier un régime de déclaration au régime d’autorisation pour la plupart des décisions nécessaires à l’aménagement et à l’installation industrielle.

– enfin, le fonctionnement de la Commission nationale du débat public, avec ses multiples commissions qui peuvent étudier un même site sans se coordonner, « aboutissant inévitablement à des avis divergents » ([923]), ses délais de travail excessifs (entre neuf mois et un an, une énormité pour le temps industriel) et l’institutionnalisation de la tribune qu’elle offre à des organisations profondément méfiantes à l’égard des activités industrielles. Elle doit être supprimée.

Proposition n° 84 : Supprimer la Commission nationale du débat public (CNDP).

6.   Favoriser la réutilisation des déchets industriels

Le statut des déchets industriels a connu une évolution avec la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui facilite leur utilisation comme matières premières sur les plateformes industrielles. Une avancée limitée alors qu’une part importante des déchets industriels, pourtant valorisables, reste sous-exploitée en raison d’un cadre réglementaire complexe et peu adapté à leur réintégration dans les processus de production.

La France souffre d’un retard dans la reconnaissance des matières premières secondaires, c’est-à-dire des déchets recyclés pouvant se substituer à des ressources vierges. Cette situation freine le développement d’une économie circulaire industrielle, pourtant essentielle à la sécurisation des approvisionnements, à la réduction des coûts de production et à la limitation de l’empreinte environnementale des filières. En comparaison, certains pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas ont mis en place des dispositifs plus souples pour faciliter la réutilisation des sous-produits industriels. Accélérer la qualification de ces déchets comme ressources stratégiques permettrait non seulement de soutenir la compétitivité des industriels français, mais aussi de réduire leur dépendance aux importations de matières premières.

Proposition n° 85 : Favoriser la reconnaissance et l’usage des déchets industriels comme matières premières secondaires, en simplifiant leur qualification réglementaire et en soutenant les filières de recyclage industrielles compétitives.

C.   Lever les freins financiers À la rÉindustrialisation

1.   Mettre la commande publique au service de l’industrie et de l’innovation

 La réindustrialisation de la France nécessite une hausse de la demande manufacturière : alors qu’elle constitue une dépense relativement contrainte et immuable, la commande publique représente un catalyseur insuffisamment mobilisé pour soutenir notre industrie, structurer des filières et stimuler l’innovation. Ainsi, la commission d’enquête a identifié trois leviers prioritaires : le recours à des centrales d’achat public, l’instauration de clauses de localisation dans les marchés publics et le fléchage de la commande publique vers le soutien à l’innovation.

a.   Structurer la demande publique pour soutenir la stratégie industrielle nationale

  1.   Une commande publique insuffisamment mobilisée

La commande publique en France, qui représente environ 8 % du PIB et 170 milliards d’euros en 2023 selon l’Observatoire de la commande publique ([924]), reste insuffisamment structurée pour soutenir une stratégie industrielle. Selon France Industrie, en 2023 les deux tiers des achats publics de produits manufacturiers étaient des biens importés, soit près 54 milliards d’euros sur un total de 99,6 milliards d’euros de déficit commercial ([925]). Avec plus de 130 000 entités adjudicatrices dont 120 000 au sein des collectivités territoriales et des établissements publics et 10 000 pour l’État, l’éclatement des acheteurs publics conduit à une dispersion des pratiques et à un déficit d’expertise en matière d’achat stratégique, en particulier dans les petites collectivités ou les établissements publics de santé.

En France, le recours aux centrales d’achat reste trop limité au regard de leur potentiel pour structurer une demande publique au service de la réindustrialisation. Selon l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), seuls 12 % des marchés publics passés en 2021 l’ont été via une centrale d’achat ([926]). La principale centrale nationale, l’UGAP (Union des groupements d’achats publics), représente seulement 5 % des achats publics civils de l’État, soit environ 5,9 milliards d’euros en 2022 ([927]) ([928]), et demeure centrée sur une logique de massification plutôt que d’accompagnement industriel ou d’innovation. De nombreuses collectivités et établissements publics opèrent de manière isolée, sans ingénierie d’achat suffisante, ce qui affaiblit leur capacité à négocier, mutualiser ou orienter leurs choix vers des offres industrielles nationales. En parallèle, des initiatives sectorielles (comme les groupements hospitaliers d’achats) peinent à atteindre la masse critique ou à intégrer des objectifs stratégiques, faute de coordination et de vision partagée.

  1.   Nos voisins européens peuvent être sources d’inspiration

 À l’inverse, plusieurs pays européens ont fortement développé ce type d’outil public. En Allemagne, les centrales d’achat fédérales ou régionales (notamment le Beschaffungsamt ou les Zentralbeschaffungsstellen des Länder) disposent de véritables capacités d’ingénierie et accompagnent les acheteurs dans des politiques d’achat alignées avec la stratégie industrielle nationale. En Italie, la centrale nationale Consip, sous tutelle du ministère de l’Économie, couvre une large part des achats de l’État et permet des économies d’échelle significatives tout en structurant des filières industrielles locales.

Le recours plus systématique à de telles structures en France permettrait de rendre la dépense publique plus efficace par la réalisation d’économies d’échelle avec la mutualisation des achats et des besoins, de sécuriser les acheteurs publics par une professionnalisation des pratiques et d’inscrire la commande publique dans la politique industrielle en garantissant des carnets de commande dans le temps pour les industriels nationaux. Selon Olivier Lluansi, « la commande publique en France représente un potentiel d’achat de biens manufacturés en France de 15 milliards si elle était gérée de la même manière que la commande publique allemande, sans qu’il soit nécessaire de modifier les textes européens. C’est une question de pratique. » ([929]) Ce potentiel d’amélioration, que nous avons souligné (cf. Mettre la commande publique au service de l’industrie et de l’innovation ci-dessus), pourrait être mobilisé par des clauses de localisation et le recours à des centrales d’achat public, dotées d’une véritable ingénierie d’achat et chargées de favoriser le tissu productif national et les filières stratégiques.

Proposition n° 86 : Étendre massivement le recours à des centrales d’achat public chargées de favoriser le tissu productif national et les filières stratégiques.

b.   Conditionner l’usage des fonds européens à un principe de préférence européenne

La commande publique peut être un puissant levier par les volumes qu’elle représente, et plus encore quand elle se fait à l’échelle européenne.

Selon une étude de Carbone-4 citée par Anaïs Voy-Gillis, les marchés publics européens représenteraient en effet un montant équivalent à 15 % du PIB de l’Union européenne. Cependant, relève cette étude, 55 % sont encore basés sur la seule évaluation du prix le plus bas. Par ailleurs, la réglementation européenne exclut les critères de contenu local (à savoir la fixation d’un seuil minimal de contenu européen dans les produits achetés par la puissance publique), ce qui contraste avec les pratiques observées ailleurs, notamment en Chine et aux États‑Unis, où les entreprises nationales bénéficient d’un traitement préférentiel dans les marchés publics ([930]).

Le rapporteur suggère donc que les opportunités de la commande publique soient désormais davantage utilisées au bénéfice de l’industrie européenne, qu’il s’agisse de soutenir ses positions de marché face à des concurrents plus agressifs sur les prix, de privilégier les technologies européennes dans les filières stratégiques pour notre souveraineté nationale ou d’accompagner le développement de ses jeunes pousses.

Les fonds structurels et d’investissement européens (FSIE) sont les cinq fonds de l’Union européenne visant à permettre aux États membres d’être solidaires tout en essayant de rester compétitifs dans l’économie mondiale. L’enveloppe financière allouée à la politique de cohésion est répartie entre trois fonds structurels : le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion (concernant uniquement les États membres de l’Union européenne ayant le plus de difficultés économiques).

Il faudrait généraliser le principe selon lequel les versements de ses fonds soient destinés avant tout à financer des projets réalisés par des entreprises européennes.

Proposition n° 87 : Conditionner les versements de fonds européens à leur affectation à des projets réalisés par des entreprises européennes.

c.   Conditionner l’accès aux marchés publics aux entreprises extra-européennes prenant des engagements utiles à la réindustrialisation

L’accès aux vastes marchés publics européens doit également permettre de réduire nos dépendances et pallier nos retards technologiques, à l’instar de la stratégie appliquée par la Chine dans les décennies antérieures.

Dans les secteurs stratégiques, l’Union européenne devrait conditionner l’accès des entreprises extra-européennes aux marchés publics à de strictes conditions permettant de défendre la réindustrialisation européenne.

Proposition n° 88 : Dans certains secteurs, conditionner l’accès aux marchés publics européens à une fabrication sur le sol européen et/ou à des transferts de technologies extra‑européennes par création de coentreprises.

d.   Donner la liberté aux acheteurs publics de favoriser notre industrie dans les marchés publics

  1.   Le principe d’égal accès à la commande publique

La réglementation de la commande publique française, encadrée par le code des marchés publics et le droit européen de la concurrence, prive la France d’un levier majeur pour soutenir son tissu industriel. En effet, le principe d’égal accès à la commande publique, issu des règles de libre concurrence et de non-discrimination, privilégie la recherche du moins-disant économique et interdit en pratique toute préférence nationale explicite, bridant la capacité des acheteurs publics à soutenir volontairement l’industrie nationale. Ainsi, un acheteur public ne peut pas privilégier une entreprise française ou locale, sauf à recourir à des critères techniques ou environnementaux soigneusement calibrés.

Si la directive européenne du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ([931]) permet théoriquement d’introduire des considérations sociales, environnementales ou d’innovation dans les marchés publics, ces critères restent facultatifs et souvent sous-utilisés. En 2022, 29 % des marchés publics comportaient une clause environnementale, 22 % seulement une clause sociale et encore moins comportaient une dimension d’innovation. Cependant, 60 % des entreprises titulaires des marchés étaient des PME ([932]).

  1.   Des marges de manœuvre insuffisamment exploitées

À l’inverse, plusieurs pays européens mobilisent leur commande publique à des fins de politique industrielle. En Allemagne, les Länder disposent d’une marge de manœuvre plus large pour intégrer des clauses de proximité ou de soutien à leur tissu productif, en particulier dans les marchés infra-communautaires. En Italie, les centrales d’achat nationales et régionales s’appuient sur des critères qualitatifs permettant de valoriser les circuits courts ou la création d’emplois locaux.

En l’état actuel, le droit européen autorise la localisation des moyens d’exécution d’un marché sur le territoire d’un État-membre et n’interdit pas de restreindre cette localisation à une zone plus précise, pour autant que cette exigence soit justifiée par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Il autorise également l’introduction d’un critère d’impact territorial mesuré objectivement. Ces marges d’interprétation restent encore peu exploitées en France. Par ailleurs, les instruments de responsabilisation des entreprises en matière sociale et environnementale dans les marchés publics restent embryonnaires, alors même que les entreprises françaises sont parmi les plus vertueuses du monde au regard de l’exigence de nos réglementations. Le développement de clauses de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), à la différence des clauses environnementales classiques, permettrait de valoriser des comportements plus vertueux sans nécessairement contrevenir au droit communautaire.

Il apparaît nécessaire de réviser la directive européenne afin d’introduire un critère qualitatif de priorité locale dans le droit de la commande publique, permettant de favoriser l’offre d’une entreprise installée et produisant localement.

Proposition n° 89 : Introduire un critère qualitatif de production locale dans le droit de la commande publique.

Dans l’esprit du rapporteur, cette logique devrait pouvoir aller jusqu’à intégrer un critère de « priorité nationale » dans la commande publique française, voire d’intégrer une part de commande publique réservée aux entreprises qui emploient en France dans les appels d’offres, afin que l’argent du contribuable français puisse favoriser en priorité les entreprises et emplois sur le sol français.

Par ailleurs, il faudrait introduire un critère de contribution économique dans le code de la commande publique afin de permettre aux acheteurs publics de favoriser une offre permettant des retombées économiques significatives sur son territoire. Ce critère s’appuierait sur des critères objectifs tels que la localisation des moyens d’exécution, le recours à des sous-traitants locaux, la création d’emplois ou la réduction de l’empreinte carbone.

Proposition n° 90 : introduire un critère permettant de prendre en compte les retombées économiques locales dans le droit de la commande publique.

  1.   Des démarches complexes

Dans le même ordre d’idée, il conviendrait de simplifier les modes de soumission des entreprises françaises aux appels d’offres.

L’accès à la commande publique reste également freiné par la complexité des démarches, la technicité des documents de consultation, l’inégalité territoriale et la dispersion des plateformes d’appel d’offres. La multiplicité des outils, notamment la plateforme des achats de l’État (PLACE), les marchés sécurisés pour les collectivités territoriales et les plateformes privées, nuit à la lisibilité d’ensemble, en particulier pour les PME. Le lancement d’une plateforme unique de la commande publique annoncée pour 2025 doit permettre de regrouper l’ensemble des avis de publicité et de faciliter le dépôt et le suivi des candidatures sur un guichet numérique centralisé. Cette réforme, qui s’appuiera sur la refonte de PLACE représente une opportunité majeure de simplifier l’accès des entreprises françaises aux marchés publics.

Cependant, il faudrait renforcer la sécurité de la plateforme de dématérialisation des procédures de marché de l’État par la garantie de la localisation française de ses données et l’obligation de nationalité française de la société opératrice et gestionnaire de la plateforme.

Proposition n° 91 : Renforcer la sécurité de la plateforme de dématérialisation des procédures de marché de l’État en recourant à un prestataire français garantissant la conservation des données en France.

e.   Faire de la commande publique un levier de stimulation de l’innovation

  1.   Une commande publique insuffisamment innovante

Les acheteurs publics privilégient encore trop souvent des critères de prix et de conformité stricte, dans une logique d’optimisation budgétaire immédiate, au détriment de la prise de risque, de l’expérimentation ou du soutien aux entreprises technologiques émergentes. En conséquence, les solutions innovantes proposées par les PME, start-ups industrielles ou entreprises de rupture rencontrent des difficultés d’accès aux marchés publics, malgré leur potentiel stratégique.

Le code de la commande publique comprend de nombreux leviers pour favoriser l’achat de solutions innovantes, détaillées dans le guide pratique de l’achat public de solutions innovantes ([933]) édité par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances. Ces leviers comprennent notamment, depuis décembre 2021, la pérennisation de la possibilité pour les acheteurs de passer un marché public sans publicité ni mise en concurrence jusqu’à 100 000 euros HT dès lors qu’il porte sur l’acquisition d’une solution innovante ([934]). D’autres instruments ont également été identifiés, tels que le marché global de performance ([935]), le partenariat d’innovation ([936]) ou l’accord-cadre à marchés subséquents ([937]).

Pourtant, selon les données du ministère de l’économie, moins de 1 % des marchés publics identifiés sont explicitement fléchés vers l’innovation, contre 2,5 % aux Pays-Bas ([938]) ou plus de 5 % en Finlande ([939]), qui ont mis en place des dispositifs spécifiques d’achat public innovant. En France, les dispositifs existants (comme les procédures adaptées ou les marchés de partenariat d’innovation ([940])) restent trop peu connus, peu utilisés, et souvent jugés trop complexes ou risqués par les acheteurs. La culture de la précaution, la crainte du contentieux et la fragmentation des acheteurs publics entretiennent une forme d’inertie défavorable à l’innovation.

Il conviendrait de favoriser l’innovation et de faire de la commande publique un levier assumé d’orientation technologique en ciblant les secteurs prioritaires identifiés par la stratégie industrielle nationale en réservant une part minimale des marchés publics aux PME et ETI françaises des secteurs stratégiques définis au niveau national.

Proposition n° 92 : Réserver une part minimale des marchés publics aux PME et ETI françaises des secteurs stratégiques définis par la stratégie industrielle.

  1.   Les exemples étrangers à reproduire

Cette situation contraste fortement avec les pratiques d’autres pays.

Aux États-Unis, le Small Business Innovation Research Program (SBIR) ([941]) impose par exemple aux agences fédérales qui disposent d’un budget de R&D supérieur à 100 millions de dollars annuels d’allouer au moins 3,2 % de subventions à des petites entreprises. Onze agences fédérales sont actuellement concernées par ce programme. Ce programme finance la recherche, le développement, la démonstration de prototypes, puis leur industrialisation. Il a ainsi permis l’émergence de champions technologiques (Qualcomm, Illumina, Symantec, etc.) et constitue un pilier de la stratégie d’innovation industrielle américaine.

Avec son programme Innovate UK Contracts for innovation ([942]), anciennement appelé Small Business Research Initiative, le Royaume-Uni applique une logique similaire : les ministères identifient des besoins non-couverts par l’offre existante et financent des PME pour développer des solutions innovantes, avec des marchés à phases successives. Ce dispositif, doté de plus de 75 millions de livres sterling par an ([943]), permet de répondre à des enjeux de santé publique, de cybersécurité, d’environnement ou de mobilité durable, tout en stimulant l’écosystème national de l’innovation.

En France, le rapport Gallois ([944]) recommandait déjà de consacrer au moins 2 % des achats courants de l’État à des produits ou services innovants, en particulier ceux issus de PME industrielles. Plus de dix ans après, cette recommandation n’a pas été suivie d’effets structurants, faute de volonté politique de l’aveu même de son auteur. Aucune part minimale de commande publique n’est aujourd’hui réservée à l’innovation, et les initiatives existantes, comme l’appel à projet « Projets industriels d’avenir » (PIAVE) ou les marchés de partenariat demeurent marginales.

Proposition n° 93 : Consacrer 2 % des achats courants de l’État à des innovations et des prototypes élaborés par des PME.

De plus, l’absence de point d’entrée lisible pour les entreprises constitue un frein majeur à l’accès des PME innovantes et start-ups à la commande publique. Aujourd’hui, l’écosystème est morcelé : les guichets d’innovation (BPIFrance, Agence de l’innovation de défense, ADEME, etc.) sont rarement connectés aux besoins exprimés dans les appels d’offres publics, tandis que les acheteurs manquent d’outils et de visibilité pour identifier les solutions émergentes françaises.

À ce constat s’ajoute une faible lisibilité des procédures, en particulier pour les start-ups industrielles ou deeptech, peu familières du droit de la commande publique. Le Royaume-Uni, avec son portail unique du programme Contracts for innovation ([945]), centralise à la fois les besoins publics exprimés par les ministères et les dispositifs d’accompagnement à destination des entreprises, facilitant ainsi la mise en relation entre offre innovante et demande publique. En France, la mise en place d’un guichet unique de l’achat public innovant permettrait de structurer une interface claire entre les acheteurs et les PME innovantes, et d’accélérer la diffusion des innovations nationales au sein de la sphère publique. Elle permettrait de réduire les barrières d’accès à la commande publique pour les entreprises de rupture, trop souvent freinées par la complexité des procédures et l’absence d’interlocuteurs dédiés. Il pourrait s’agir d’intégrer un volet dédié à l’innovation dans la future plateforme unique des marchés publics afin d’améliorer la lisibilité et l’accessibilité des opportunités pour les PME innovantes.

Proposition n° 94 : Créer un guichet unique numérique pour l’achat public innovant dans la future plateforme des achats de l’État (PLACE).

Enfin, la rigidité des procédures d’achat public constitue un frein majeur à l’accueil de solutions technologiques nouvelles, en particulier lorsqu’elles ne sont pas encore stabilisées commercialement. De nombreux acheteurs publics, bien qu’intéressés par des technologies émergentes ou des prototypes nationaux, n’osent pas contractualiser en l’absence de garanties de performance ou de conformité aux standards existants. En l’état, le droit français ne permet pas de tester un produit ou un service innovant dans un cadre souple, sans passer par des procédures complexes comme le partenariat d’innovation ([946]) : très peu utilisé en pratique, il suppose une procédure lourde avec publicité et mise en concurrence dès la phase de recherche, engage contractuellement l’acheteur sur une potentielle acquisition en cas de succès, et nécessite une ingénierie juridique que peu de collectivités ou services de l’État maîtrisent. À l’inverse, des dispositifs de subvention étrangers comme le SBIR américain offrent aux administrations un cadre clair pour financer une expérimentation, sans obligation d’achat ultérieur. L’introduction en France d’un droit à l’expérimentation dans la commande publique, limité dans le temps et dans les montants, permettrait de lever ce verrou culturel et juridique, et de créer un sas entre le monde de la R&D et celui du marché public.

Il conviendrait d’instaurer un droit à l’expérimentation dans les achats publics, en créant un nouveau type de contrat sans mise en concurrence au-delà d’un certain seuil permettant aux acheteurs de tester, pour une durée limitée (de l’ordre de 12 à 18 mois), des innovations ou des prototypes développés par des PME, sans engagement.

Proposition n° 95 : Créer la possibilité d’expérimenter et de tester des innovations ou des prototypes, sans mise en concurrence ni engagement en cas de succès, dans le droit de la commande publique.

2.   Adopter des stratégies d’investissement public soutenant à la fois l’innovation et le tissu productif

La réindustrialisation de la France est freinée par d’importants besoins en financement (20 milliards d’euros par an, selon Olivier Lluansi, pour atteindre un objectif de 15 % d’industrie dans le PIB en 2035) qui imposent un recalibrage des investissements publics, pas seulement en faveur des innovations et acteurs émergents, mais aussi en faveur du tissu productif de base, une meilleure lisibilité et la conditionnalité des aides publiques aux industries, de même que la flexibilisation des contraintes que les PGE font peser sur nos entreprises.

a.   Mieux cibler les crédits d’impôts et les programmes d’investissements publics dans l’industrie

La France dispose d’une tradition colbertiste d’intervention publique en soutien à son tissu productif. Cette logique a permis de bâtir de nombreuses filières stratégiques — aéronautique, nucléaire, ferroviaire, télécoms — grâce à un État stratège alliant planification industrielle et investissements ciblés.

Depuis le début des années 2000, l’État a progressivement structuré son action en matière d’investissements stratégiques à travers une succession de plans pluriannuels, visant à renforcer la compétitivité, soutenir l’innovation et accompagner les transitions économiques du pays. Le premier jalon majeur fut le lancement en 2010 du Programme d’investissements d’avenir (PIA) sous la Présidence de Nicolas Sarkozy, doté initialement de 35 milliards d’euros. Ce programme a ensuite été décliné en plusieurs vagues (PIA 2 en 2014, PIA 3 en 2017, puis PIA 4 en 2020), avec une orientation croissante vers les technologies de rupture, la transition énergétique et le numérique. Gérés principalement par le Commissariat général à l’investissement, renommé Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) en 2017, ces programmes successifs ont reposé sur des appels à projets compétitifs, co-financés avec des partenaires privés et publics.

b.   S’inspirer du plan France Relance plutôt que de France 2030

En réponse à la pandémie de Covid-19, le plan France Relance a été lancé en septembre 2020 avec une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros, dont une part significative (environ 40 milliards) consacrée à la compétitivité des entreprises et à la relance industrielle. Ce plan marque une rupture méthodologique en optant pour un déploiement déconcentré, à travers des dispositifs accessibles, territorialisés, et orientés vers le tissu industriel de base. Il a permis de soutenir des milliers de projets de modernisation et de relocalisation. Puis, en octobre 2021, le Président de la République Emmanuel Macron lance le plan France 2030 avec une logique de transformation structurelle à long terme, recentrée sur les technologies d’avenir et les acteurs émergents. Ces différents jalons illustrent une évolution de la politique industrielle française, oscillant entre soutien à l’existant et pari sur l’innovation de rupture : ils appellent aujourd’hui un recalibrage entre ambition technologique et consolidation du socle productif.

Le plan France 2030 a l’ambition de répondre aux défis technologiques, climatiques et industriels en investissant 54 milliards d’euros sur cinq ans, dont 34 milliards d’euros de crédits budgétaires et 20 milliards de restes à payer du 4e Programme d'investissements d'avenir (PIA4). Il fixe dix objectifs sectoriels et poursuit une logique assumée de transformation de l’économie en soutenant l’innovation de rupture. Au 30 avril 2023, 13,8 milliards d’euros avaient été engagés, dont 8,8 milliards d’euros de subventions et 2,6 milliards d’euros de fonds propres ([947]). Les PME représentaient 51 % des bénéficiaires pour un montant total reçu de 3,1 milliards d’euros (22,1 % du total des aides), derrière les organismes de recherche et établissements publics (4,8 milliards d’euros) mais devant les grandes entreprises (1,8 milliards d’euros) et les ETI (0,7 milliards d’euros).

État d’engagement des fonds de France 2030 au 30 avril 2023

Source : Comité de surveillance des investissements d’avenir, France 2030 : lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs, juin 2023.

Le rapporteur salue l’intention mais souligne les limites du plan France 2030, déjà rappelées dans ce rapport (cf. Les dispositifs de soutien public à l’industrie ont été améliorés) :

– S’il est indispensable de financer des innovations nouvelles pour maintenir la compétitivité de la France dans la course mondiale, le rapporteur considère que certains objectifs fixés par France 2030 ont été peu pertinents : investir massivement dans des technologies dans lesquelles la France accuse déjà un retard significatif, à l’instar des batteries, peut interroger et pourrait plutôt voir privilégiées des stratégies de transferts de technologies sur notre sol via des coentreprises (joint-ventures) ;

– le programme d’investissements France 2030 néglige le socle industriel de base de notre pays, comme l’a rappelé Olivier Lluansi lors de son audition : « Depuis 2009, nos politiques publiques se concentrent principalement sur les innovations de rupture et les grands projets. Cette orientation a été fortement accentuée avec la startup nation et les nouvelles filières à travers France 2030. Lorsque l’on considère notre potentiel de réindustrialisation, ces nouvelles filières sont essentielles et l’innovation technologique est indispensable pour suivre une trajectoire nous conduisant à une part de 12 % de l’industrie dans notre PIB. Toutefois, elles ne représentent qu’un tiers de notre potentiel de réindustrialisation. Les deux autres tiers concernent la modernisation et le développement du tissu des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ancrées dans nos territoires. » ([948])

À l’inverse, le troisième volet du plan France Relance lancé en 2020 dans le contexte de pandémie consacrait 36 milliards d’euros à la cohésion des territoires. Il bénéficiait en particulier aux PME industrielles, avec un impact tangible sur les investissements dans les zones désindustrialisées. France Relance s’est effectivement démarqué par ses dispositifs plus accessibles aux acteurs de petite taille, avec une philosophie orientée vers la rapidité, la territorialisation et la simplicité des démarches.

Pour le rapporteur, ce plan se distingue grâce à :

– Un déploiement territorialisé et lisible, avec des guichets majoritairement régionaux, pilotés par les préfectures de région en lien avec BPIFrance, les Dreets et les conseils régionaux. Ce maillage territorial permet un accompagnement individualisé des PME avec une meilleure connaissance des projets locaux ;

– Des procédures simplifiées, avec des appels à projets continus nécessitant des dossiers courts, des critères transparents, un délai de traitement de 3 à 6 semaines et un principe « premier arrivé, premier servi » ;

– Un ciblage assumé du tissu industriel de base. Un an après son lancement le Gouvernement affirmait que 86 % des 8 885 entreprises bénéficiaires du volet industriel du plan de relance étaient des TPE ou des PME et que 10 % d’entre elles étaient des ETI ([949]). Outre la baisse de 10 milliards d’euros par an des impôts de production, ce plan avait déjà permis de consacrer 622 millions d’euros d’aides de l’État aux filières aéronautique, automobile et nucléaire et de générer 4,4 milliards d’euros d’investissement productif en France ([950]). En comparaison, France 2030 repose sur une logique plus centralisée, plus sélective et moins lisible pour les TPE et PME industrielles.

Le rapporteur regrette cependant les points suivants :

– Un pilotage excessivement centralisé par les opérateurs du plan France 2030 (SGPI, l’ADEME et BPIFrance) ;

– Des critères d’éligibilité et des procédures complexes pour les entreprises, qui doivent construire des dossiers sur plusieurs mois pour démontrer un fort potentiel d’innovation dans des secteurs précis et un taux de succès trop faible pour les projets non portés par des grands groupes ;

– Un délai médian d’instruction qui s’établit à plus de six mois à l’Ademe, huit mois pour BPIFrance et la Cour des comptes et dix mois à l’Agence nationale pour la recherche (ANR). Indépendamment de l’opérateur, l’instruction dure plus de 250 jours pour 30 % des appels à projets. Le comité de suivi du plan notait que « Les procédures et les dispositifs pour les porteurs de projets et les écosystèmes locaux ne sont pas pleinement lisibles La cinquantaine ou soixantaine de dispositifs ouverts en continu (AAP / AMI), même s’ils sont tous accessibles en ligne avec les projets lauréats sur le site du Gouvernement depuis l’automne 2022, est d’accès délicat pour de nombreux petits porteurs de projets ». ([951])

Des délais d’instruction trop longs

 

Source : Comité de surveillance des investissements d’avenir, France 2030 : lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs, juin 2023.

Sur le troisième volet du plan France Relance et en prenant en compte ces pistes d’amélioration, le rapporteur propose de faire succéder à France 2030 un plan d’investissement dans les filières d’avenir fondé sur des critères d’éligibilité transparents et un guichet unique déconcentré en préfecture.

Proposition n° 96 : Poursuivre la logique d’un plan massif d’investissement dans les filières d’avenir pour succéder à France 2030, avec de nouvelles priorités et un accès simplifié et déconcentré.

c.   Améliorer la compétitivité hors-prix des entreprises

  1.   Augmenter la dépense de recherche-développement de la France en soutenant l’innovation du secteur manufacturier

La dépense intérieure de recherche et développement (R&D) française représente 2,28 % du PIB en 2020, en deçà de l’objectif fixé par l’Union européenne (3 %) ([952]). Si elle est supérieure à la moyenne de l’UE (2,19 %), cette part demeure inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE (2,68 %) et continue de stagner comme depuis une dizaine d’années. Représentant 2,22 % du PIB français en 2023, la R&D représente pour l’année 2024 environ 57 milliards d’euros.

Les entreprises réalisaient 66 % de la dépense totale de R&D en 2020, un niveau inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (72 %), mais légèrement supérieur à la moyenne de l’UE (65 %) et comparable à l’Allemagne (67 %). En 2022, selon les données du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ([953]), les branches des industries manufacturières réalisaient deux tiers de la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (67 % de la DIRDE).

La dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE)

Source : Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France n° 16, juin 2023.

La répartition de la DIRDE dans les principales branches bénéficiaires de la recherche témoigne d’une concentration importante. Six branches de recherche sur 32 totalisent plus de la moitié du potentiel de R&D : les activités spécialisées, scientifiques et techniques (11 % de la DIRDE), l’industrie automobile (11 %), la construction aéronautique et spatiale (10 %), les activités informatiques et services d’information (8 %), l’industrie pharmaceutique (8 %) et l’édition, audiovisuel, diffusion (6 %). Les dépenses de R&D de l’industrie automobile progressent de 3,5 % en volume et celles de la construction aéronautique et spatiale progressent de 6,9 %. Après une baisse continue depuis 2008, les dépenses de R&D de l’industrie pharmaceutique augmentent de nouveau depuis 2021 (+ 7,6 % en volume en 2022). Les dépenses des activités spécialisées, scientifiques et techniques continuent leur progression en 2022 (+ 2,4 % sur un an, et + 7,5 % par an en moyenne entre 2017 et 2022).

Entre 2017 et 2022, la DIRDE des branches des industries manufacturières progresse de seulement 0,3 % en volume en moyenne annuelle et celle des branches du primaire, de l’énergie et de la construction (4 % de la DIRDE) de 0,6 %.

Le rapporteur appelle à soutenir fortement la hausse de la R&D du secteur manufacturier. Aussi appelle-t-il à atteindre au plus vite l’objectif fixé par la stratégie de Lisbonne, qui prévoit que chaque État membre de l’Union européenne consacre 3 % du PIB à la R&D.

Proposition n° 97 : Favoriser la recherche-développement des entreprises pour atteindre l’objectif d’y consacrer 3 % du PIB.

  1.   Des entreprises françaises en retard dans leur modernisation

Alors que les besoins de financements publics pour l’industrie sont estimés à environ 20 milliards d’euros par an sur dix ans pour atteindre un objectif de 15 % du PIB industriel, la dispersion des dispositifs et le déséquilibre entre financement des innovations de rupture et soutien au socle productif compromettent la pleine efficacité de la dépense publique. Selon Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne : « des mesures éparses ne font pas une stratégie, et le saupoudrage échoue à répondre aux besoins. J’en donnerai un exemple simple : 5 milliards, c’est la totalité de ce que la France investit dans la technologie ; 50 milliards, c’est ce que l’entreprise TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) investit en un an dans une seule usine à Taïwan. Nous avons un problème d’échelle et il faut le résoudre. » ([954])

En effet, nombreux sont les retards que connaissent les entreprises françaises face aux transitions nécessaires comme la décarbonation, la robotisation et la numérisation. Selon le rapport sur la décennie numérique 2024 établi par la Commission européenne ([955]), la France présente deux faiblesses principales à cet égard (cf. Le frein du manque d’innovation ci-dessus). Ces données montrent un important décrochage français face aux transformations nécessaires à la productivité et à l’innovation de l’industrie.

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de recalibrer la stratégie d’investissement public en France : sans renier nos ambitions technologiques, il faut les compléter par un programme massif de soutien à l’appareil industriel existant, avec des critères de relocalisation, de souveraineté, de montée en gamme, et de création d’emplois dans les territoires désindustrialisés. Dans le contexte de finances publiques contraint qu’affronte la France et dans une logique de simplification d’accès pour les petites et moyennes entreprises, il apparaît donc pertinent de recourir davantage à la dépense fiscale qu’à la dépense budgétaire.

  1.   L’exemple italien

Ainsi, le modèle italien semble inspirant à plusieurs égards.

Le plan national de relance et de résilience italien repose sur deux piliers majeurs : d’une part des investissements dans les filières stratégiques et les innovations (se rapprochant de France 2030) ; d’autre part le plan « Transition 4.0 » ([956]) qui consiste en un système unifié de crédits d’impôts pour l’investissement dans les biens d’équipement corporel, les actifs incorporels, la R&D et les activités de formation en vue d’améliorer la compétitivité de l’économie italienne.

Selon le rapport 2023 de la Cour des Comptes italienne ([957]), le plan Transition 4.0 a représenté 6,7 milliards d’euros pour plus de 120 000 bénéficiaires en 2020 et 2021 et 80 % de ses aides ont concerné le crédit d’impôt sur l’investissement dans les biens matériels. Le succès du dispositif a contraint le gouvernement à plafonner l’enveloppe de certaines dépenses, puis l’a conduit en 2024 à le compléter par le plan « Transition 5.0 » ([958]) qui ajoute des conditions de décarbonation de l’économie.

Le succès du dispositif dans le tissu économique italien s’explique par son champ d’application large : le crédit d’impôt est accordé proportionnellement aux investissements dans les biens matériels, immatériels, la R&D et la formation du personnel. Il est également accessible simplement : toute entreprise répondant aux critères d’investissement du plan peut bénéficier d’un crédit d’impôt proportionnel à son investissement, à travers sa déclaration fiscale.

Ainsi, l’économie italienne affiche un redressement économique durable : une croissance modeste mais régulière (4,8 % en 2022 et 0,7% en 2023 et 2024 selon les données de l’OCDE), une stabilité des prix (5,9 % d’inflation en 2023 et 1,1 % d’inflation en 2024) et une situation budgétaire en amélioration (– 3,4 % en 2024 contre – 7,2 % en 2023 et – 8,1% en 2022) ([959]). L’Italie vient même de rattraper la France en termes de PIB par habitant en 2025, « effaçant un écart qui s’établissait encore en sa défaveur de 10,1 % en 2020. La péninsule divise presque par deux la distance qui la sépare de l’Allemagne, avec un écart qui passe de 24,3 % à 13,9 % au cours des cinq dernières années » ([960]). Toutefois, le niveau de la dette publique (environ 148,5 % du PIB en 2024) ([961]) et la dépendance des politiques de relance aux fonds européens restent des faiblesses structurelles.

  1.   La nécessité de recourir aux outils fiscaux

Le développement des filières stratégiques doit être encouragé par des incitations fiscales, à la fois ciblées sur les secteurs prioritaires et sur des zones géographiques pour renforcer des écosystèmes industriels locaux.

Le crédit d’impôt semble ainsi le mécanisme à privilégier pour encourager les industriels français et notamment les PME à moderniser leur outil de production.

Plusieurs pays européens ont adopté des modèles de soutien lisibles pour l’ensemble des acteurs économiques à l’instar de l’Italie qui a privilégié les incitations fiscales aux subventions. Le plan italien Transition 4.0 lancé en 2020, repose sur un système unifié de crédits d’impôt automatiques, accessibles sans instruction préalable pour bénéficier de taux bonifiés sur leurs investissements dans les machines connectées, les logiciels, la R&D, l’innovation de produits et la formation numérique des salariés. L’accès aux aides est immédiat, lisible et homogène : l’entreprise déclare simplement son investissement dans sa comptabilité et bénéficie d’un crédit d’impôt sur plusieurs exercices, sans devoir constituer de dossier ni passer par une évaluation administrative. Ce mécanisme fiscal est complété d’investissements publics directs découlant du plan de relance européen dans les filières identifiées comme stratégiques notamment. Une logique complémentaire entre développement des innovations de rupture par l’investissement et soutien au socle industriel de base par le crédit d’impôts, dont s’inspire le rapporteur dans ses propositions.

Proposition n° 98 : Mettre en place un système unifié de crédits d’impôts, dont l’accès serait simplifié via la déclaration fiscale, pour soutenir la modernisation du socle industriel français en matière de décarbonation, de robotisation et de numérisation.

En effet, le développement d’écosystèmes locaux favorise la productivité d’un secteur. Selon Olivier Lluansi, « la valeur ajoutée créée par les entreprises industrielles situées dans les Territoires d’industrie a augmenté de 38 %, comme si ces derniers avaient été des accélérateurs de productivité, alors qu’elle a plus ou moins stagné au niveau de 2018 dans les autres territoires » ([962]). De même, le PDG d’Airbus, Guillaume Faury, a affirmé que « la proximité géographique et un écosystème local constituent effectivement un avantage compétitif. Un bassin d’emploi regroupant des compétences multidimensionnelles, autour d’un même objet ou savoir-faire, maintenu dans la durée, s’avère difficile à reproduire ailleurs. Nous observons ce phénomène avec l’écosystème aéronautique et spatial très puissant à Toulouse, ainsi qu’en Grande-Bretagne, autour des compétences liées aux ailes et aux moteurs. Ces écosystèmes doivent être entretenus, car ils tendent à prospérer naturellement. » ([963])

Ainsi, le recours à des zones franches permettrait d’inciter des industries à s’implanter. Afin de soutenir le développement des filières industrielles d’avenir et de substitution aux importations, il faudrait mettre en place des zones franches fiscales et réglementaires, ciblées sur les écosystèmes industriels stratégiques et les zones frontalières.

Proposition n° 99 : Mettre en place des zones franches fiscales et réglementaires, ciblées sur les écosystèmes industriels stratégiques et les zones frontalières.

d.   Rationaliser et conditionner l’accès aux aides publiques à l’industrie

Un foisonnement complexe d’aides publiques. Depuis une dizaine d’années, l’effort financier de l’État en faveur de l’industrie française s’est considérablement accru. Selon les données consolidées de la Cour des comptes ([964]), le volume total des aides publiques à l’industrie a progressé de 17 milliards d’euros en 2012 à près de 34 milliards d’euros par an depuis 2020, en intégrant l’ensemble des instruments mobilisés (subventions, allègements fiscaux, prêts, garanties, prises de participation). Cette montée en puissance, notamment à travers les plans France Relance et France 2030, reflète une volonté affirmée de réindustrialisation. Pour autant, l’efficacité de cette mobilisation de crédits publics souffre de deux freins structurels : une architecture trop dispersée et peu lisible et une conditionnalité insuffisante des aides octroyées.

En effet, le premier frein au système français d’aides à l’industrie réside dans sa complexité causée par une multiplication de guichets, d’opérateurs et de programmes, relevant de l’État central, de ses opérateurs, des collectivités territoriales ou encore de l’Union européenne. BPIFrance, l’Ademe, les Dreets, les régions, le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), mais aussi les agences thématiques (ANR, Business France) proposent chacun leurs propres instruments, souvent non coordonnés, avec des logiques, des calendriers, des critères d’éligibilité et des procédures distincts. Pour une entreprise industrielle, en particulier une PME ou une ETI, ce maquis administratif et financier peut représenter un frein majeur. Plusieurs chefs d’entreprise auditionnés par la commission d’enquête ont ainsi témoigné des difficultés rencontrées. Cette situation nuit à la rapidité de mise en œuvre des investissements, à la bonne allocation des ressources, et à l’efficacité globale de l’action publique. C’est pourquoi, en plus du système unifié de crédits d’impôts, facilement accessible via la déclaration fiscale et proposé précédemment par le rapporteur, il apparaît indispensable de mettre en place un guichet unique territorial.

Proposition n° 100 : Faire des maisons de l’industrie un point d’entrée unique pour les aides publiques proposées par l’État et ses opérateurs, les collectivités territoriales et l’Union européenne.

La seconde faiblesse majeure du système français d’aides à l’industrie réside dans l’insuffisance des contreparties exigées alors même qu’un tel soutien constitue un contrat moral entre les pouvoirs publics et les entreprises. Bien que financées par des fonds publics avec l’argent du contribuable, de nombreuses aides sont octroyées sans engagements clairs et opposables de la part des entreprises bénéficiaires : ni en matière de localisation de la production, ni en termes de création ou de maintien d’emplois, ni même d’intégration dans des chaînes de valeur stratégiques. Plusieurs cas médiatisés illustrent ce dysfonctionnement, laissant penser que les aides publiques ont davantage contribué à financer des suppressions de postes ou des délocalisations qu’à renforcer notre tissu industriel et à protéger l’emploi. À titre d’exemple, selon les auditions de la commission d’enquête relative aux aides publiques aux entreprises, l’entreprise Sanofi aurait bénéficié en 2023 de 108 millions d’euros de crédit d’impôt recherche mais aurait supprimé 3 500 emplois de R&D ([965]). Ces situations révèlent l’absence de véritables garde-fous juridiques dans les dispositifs actuels.

Proposition n° 101 : Renforcer la conditionnalité des aides publiques aux entreprises en fixant des contreparties en matière de localisation de production, de création ou de maintien de l’emploi et d’achat d’équipements produits en France et prévoir une clause de remboursement obligatoire en cas de manquement aux obligations contractuelles.

C’est pourquoi il serait pertinent de s’inspirer des clauses de remboursement automatique (dites « clawback ») mises en place dans les mécanismes d’aides de certains pays de l’OCDE. L’Italie, l’Allemagne et les États‑Unis par exemple (via l’Inflation Reduction Act) imposent que tout manquement aux engagements contractuels entraîne le remboursement partiel ou total des aides.

 De plus, comme l’a préconisé Patrick Pouyanné lors de son audition ([966]), des clauses de retour à bonne fortune pourraient être instaurées en cas d’amélioration significative du bilan d’une entreprise ayant bénéficié d’aides publiques. De tels instruments renforceraient la légitimité démocratique des financements publics, assureraient un meilleur usage de l’argent public et garantiraient des répercussions bénéfiques sur un territoire donné.

Proposition n° 102 : Prévoir une clause de retour à bonne fortune en cas d’amélioration significative du bilan de l’entreprise ayant bénéficié d’un soutien public.

e.   Desserrer l’étau des prêts garantis par l’État pour oxygéner les entreprises concernées

Un frein majeur à la relance industrielle réside dans le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE). Entre 2020 et 2022, plus de 143 milliards d’euros de PGE à 90 % garantis par l’État ont été distribués à près de 700 000 entreprises françaises ([967]), une mesure indispensable pour faire face à la pandémie de Covid-19. Toutefois, comme l’affirme Arnaud Montebourg : « Structurellement, il est impossible de rembourser en cinq ans un prêt équivalent à 25 % de son chiffre d’affaires sans se retrouver dans le rouge. Les entreprises ne sont pas nécessairement profitables tous les ans, elles connaissent des hauts et des bas. Faute d’avoir tenu compte de ces cycles de vie, les PGE se sont retournés contre elles ; c’étaient des aides, c’est devenu des cercueils. Il faut échelonner davantage les échéances de remboursement. Aux États-Unis, les prêts Covid ont été contractés sur trente ans ; néanmoins, ils seront remboursés et cet argent ne sera pas perdu, contrairement aux subventions. » ([968])

Ce poids bride en plus la capacité des entreprises à investir, notamment pour relocaliser, moderniser ou décarboner leur production. Selon une note du Conseil d’analyse économique d’octobre 2024 ([969]), 7,5 % des entreprises ayant souscrit un PGE seraient ainsi en difficulté pour le rembourser, ce qui représente un risque de défaut sur le stock total de PGE de l’ordre de 4 % (sur environ 150 milliards d’euros de prêts souscrits entre avril 2020 et juin 2022). C’est pourquoi cette contrainte financière immédiate justifierait d’être de nouveau modulée, a minima dans certains secteurs stratégiques.

À titre de comparaison, les États-Unis ont également soutenu massivement leurs entreprises pendant la crise sanitaire avec des dispositifs similaires aux PGE, tels que le « Paycheck Protection Program » (PPP). La durée d’amortissement de ces prêts a toutefois été étendue à 10 ans ([970]) et la possibilité a été donnée d’une conversion en subventions ou en quasi-fonds propres si certains critères (maintien de l’emploi, investissements) étaient respectés ([971]). Cet exemple devrait inspirer la France pour allonger les échéances de remboursement d’une part, et d’autre part, pour transformer certains PGE en fonds propres. Cette conversion en fonds propres permettrait à la France de consolider financièrement son socle de PME et d’ETI industrielles, une pratique courante en Allemagne où les Länder entrent au capital d’entreprises via des « Mittelstandsfonds ».

Proposition n° 103 : Permettre l’étalement des échéances de remboursement des prêts garantis par l’État jusqu’à 10 ans et autoriser leur conversion en fonds propres au cas par cas.

3.   Développer de nouvelles solutions de financements en mobilisant les atouts non-mobilisés de notre pays

La réindustrialisation de la France est freinée par de conséquents besoins en financement, alors que nous disposons d’atouts majeurs qui restent sous-exploités ou qui profitent à des économies étrangères. Ce constat impose de développer de nouvelles solutions de financements, par la création d’un nouveau véhicule d’investissements productifs et la mobilisation de l’épargne des Français sur la base du volontariat.

a.   Mobiliser l’épargne et le système de bancassurance pour financer la réindustrialisation

Le système bancaire et assurantiel français constitue un pilier historique du financement de l’économie, mais nécessite des évolutions pour accompagner l’effort de réindustrialisation. Alors que les besoins de financements dans l’industrie sont estimés à près de 20 milliards d’euros supplémentaires par an pendant dix ans pour atteindre 15 % du PIB selon France Stratégie ([972]), les canaux traditionnels de financement privés ne jouent pas pleinement leur rôle d’entraînement. En effet, plusieurs freins expliquent que les investissements de long terme dans l’outil productif restent globalement trop faibles au regard des besoins.

  1.   Les trois freins à la mobilisation de l’épargne privée

(cf. Le frein du financement privé ci-dessus)

Un premier frein s’explique par l’exigence des règles prudentielles internationales. Comme l’a affirmé Louis Gallois en audition ([973]), une « difficulté est liée au capital-risque, c’est-à-dire au financement de la commercialisation des innovations. Les États-Unis représentent 52 % du capital-risque mondial et la Chine 40 %. Avec 5 %, l’Europe est complètement décalée. L’industrie européenne – française, allemande, italienne – était largement financée par les banques. Cellesci ne sont plus en mesure de le faire, en raison des règles prudentielles ». En effet, de nombreuses entreprises industrielles, notamment PME et ETI, rencontrent des difficultés croissantes d’accès au crédit bancaire de long terme (cf. Des financements bancaires limités du fait des règles prudentielles ci-dessus).

Il conviendrait de réviser les contraintes prudentielles européennes issues des réglementations Solvabilité II et Bâle III pour permettre aux banques et assureurs de mieux financer l’économie productive en ciblant les investissements industriels à impact territorial ou technologique.

Proposition n° 104 : Réviser les contraintes prudentielles européennes issues des réglementations Solvabilité II et Bâle III pour permettre aux banques et assureurs de financer les investissements industriels à impact territorial ou technologique.

Un deuxième frein tient à l’intégration croissante et excessive de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les politiques d’octroi de crédit ou d’investissement. Ces critères, s’ils traduisent une volonté louable d’encourager les comportements durablement vertueux des acteurs économiques, peuvent conduire à exclure ou à pénaliser certains secteurs industriels stratégiques (défense, nucléaire, métallurgie, etc.) dans l’accès aux financements. Ainsi, des établissements bancaires ou assurantiels ont cessé de financer les industries de défense ou d’armement, comme l’a dénoncé le directeur général de Safran, Olivier Andriès, lors des auditions de la commission d’enquête, au moment même où celles‑ci sont jugées critiques pour la souveraineté nationale et la sécurité du continent. Selon une étude de la Commission européenne ([974]), 44  % des PME du secteur de la défense ont renoncé à solliciter des prêts bancaires entre 2021 et 2022 et 68 % ont renoncé à solliciter un investissement en fonds propres, contre 6,6 % en moyenne pour l’ensemble des PME sur la période.

Proposition n° 105 : Intégrer un critère de souveraineté nationale dans les référentiels ESG, permettant notamment aux industries du secteur de la défense d’accéder sans entrave au crédit et aux financements de long terme.

Enfin, le troisième frein majeur réside dans l’insuffisante mobilisation de l’épargne longue des Français pour soutenir l’industrie productive, alors même qu’elle représente un potentiel considérable. Cette épargne s’est par ailleurs accrue depuis la crise sanitaire, avec un surplus d’épargne estimé à plus de 175 milliards d’euros entre le premier trimestre 2020 et le quatrième trimestre 2021 selon la Banque de France ([975]). Alors que le patrimoine net total des ménages est évalué à plus de 14 000 milliards d’euros ([976]), selon Olivier Lluansi : « pour mener à bien la réindustrialisation au cours des dix années à venir, nous devons investir 200 milliards supplémentaires, ce qui représente 2 à 3 % de l’épargne des Français. Je ne suggère pas de taxer cette épargne pour l’orienter, mais simplement de mettre en place des mécanismes qui permettraient à chaque Français d’investir dans l’outil productif. » ([977]) La Banque de France estime quant à elle que l’encours des placements financiers des ménages s’élève à environ 6 185 milliards d’euros au quatrième trimestre 2023 ([978]). Plus de la moitié de cet encours (3 726 milliards) est placée sur des produits de taux (dont 935 milliards sur les produits d’épargne réglementée et 1 482 milliards en assurance-vie et épargne-retraite en euros).

Selon la Banque de France, au premier trimestre 2024 environ 41 % des titres détenus par les assureurs étaient émis à l’étranger, tandis que 43% étaient émis en France, et 16% correspondent à des parts d’organismes de placement collectifs, non ventilés mais majoritairement étrangers ([979]). De plus, l’encours des plans d’épargne retraite (PER), bien qu’en croissance avec plus de 11 millions de titulaires fin 2024 et un encours de 118,9 milliards d’euros ([980]) reste encore trop peu fléché vers des projets industriels de long terme. La loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte ([981]), entrée en vigueur en octobre 2024, constitue une avancée importante en instaurant une part minimale d’actifs non cotés dans les PER en gestion pilotée, favorisant ainsi l’orientation de l’épargne vers l’économie réelle au sein de l’Union européenne. Toutefois, ce fléchage reste encore trop large puisqu’il ne revêt pas d’exigence sectorielle en faveur de l’industrie ni géographique en faveur de la France.

Proposition n° 106 : Renforcer le fléchage du plan d’épargne retraite (PER) vers l’industrie française, en intégrant dans la part d’actifs non cotés des PER en gestion pilotée une proportion minimale d’actifs industriels et/ou innovants en France.

  1.   L’absence de véritable ciblage limite l’effet de levier potentiel pour soutenir les filières industrielles stratégiques

Le droit européen actuel permettrait de mettre en place un tel ciblage, à condition de ne pas lier explicitement le soutien à la nationalité de l’entreprise, mais à sa localisation effective ou à ses retombées territoriales mesurables ([982]). Par exemple, des clauses pourraient être intégrées en matière d’emplois créés en France ou de sites industriels sur le territoire.

En effet, des dispositifs similaires existent par exemple en Allemagne avec des fonds régionaux d’investissement, comme la banque régionale de promotion économique de Bavière (LfA Förderbank Bayern) qui co-finance le Wachstumsfonds Bayern 2 (WBF2), un fonds de capital‑risque de 165 millions d’euros ciblant les start-ups technologiques bavaroises, avec une participation de la Banque européenne d’investissement à hauteur de 50 millions d’euros ([983]). De même en Italie, le plan d’épargne Piani Individuali di Risparmio (PIR) lancé en 2017 permet d’investir dans des PME italiennes cotées ou non-cotées avec exonération fiscale sur les plus-values et les droits de succession si les fonds sont déposés sur un PIR pendant au moins cinq ans. L’encours des PIR ordinaires s’élevait à environ 17 milliards d’euros en 2023. Ce dispositif ciblant l’économie italienne a été validé par la Commission européenne car il ne repose pas sur la nationalité mais sur la localisation et l’activité des entreprises bénéficiaires.

De plus, la culture du risque et celle du patriotisme économique restant limitées dans la gestion française des flux financiers privés, il convient d’apporter des solutions pour dérisquer le capital-investissement et inciter les Français à contribuer à l’effort de réindustrialisation tout en bénéficiant d’un placement sûr, transparent, et attractif, par exemple par la création d’un nouveau livret d’épargne accessible à tous et comparable au Livret A, ou encore par le fléchage vers l’économie réelle de produits d’épargne existants tels que le PER et l’assurance-vie. Comme le notait la mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes, dont les rapporteurs sont Jean‑Philippe Tanguy et Jean-François Jolivet : « L’accès des ménages français aux produits de private equity est freiné par différents facteurs, en premier lieu par la méconnaissance générale de cette classe d’actifs et de son fonctionnement technique, ainsi que le montant élevé des tickets d’entrée », auxquels s’ajoute le « caractère illiquide des parts de fonds ». Ainsi, les rapporteurs affirment que « la démocratisation de l’accès des ménages à ces fonds passera donc d’abord par la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers auxquels s’adressent les particuliers pour investir leur épargne » ([984]). Il serait donc souhaitable que les fonds de capital-investissement soient plus accessibles aux ménages modestes et aux classes moyennes, le risque de perte pouvant être limité par une diversification des placements, notamment dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie.

Comme le propose le rapport d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes précité, il conviendrait de faciliter l’accès des ménages aux fonds d’actifs non cotés ou private equity en assurant la sensibilisation et la formation des intermédiaires financiers à leur fonctionnement technique, en diffusant le recours à des fonds de private equity dans le cadre des contrats d’assurance-vie en unités de compte et en poursuivant la démocratisation des fonds de private equity.

Proposition n° 107 : Faciliter l’accès des ménages aux fonds comportant des actifs non cotés.

Le même raisonnement pourrait être appliqué à l’assurance-vie, en renforçant son fléchage vers l’industrie française, par l’instauration d’une part minimale dédiée à l’industrie et l’innovation localisées sur le territoire national au sein des unités de compte investies en actifs non cotés.

Proposition n° 108 : Renforcer le fléchage de l’assurance-vie vers l’industrie française, en instaurant une part minimale dédiée à l’industrie et l’innovation localisées sur le territoire national au sein des fonds d’assurance-vie investis en actifs non cotés.

À l’échelle européenne, le rapport Draghi souligne qu’environ 300 milliards d’euros d’épargne européenne sont investis aux États-Unis. Ainsi, la montée en puissance des fonds indiciels cotés ou Exchange-Traded Fund (ETF), largement promus par les géants américains de la gestion d’actifs, transforme en profondeur les circuits de l’épargne mondiale. Bien qu’efficaces en termes de diversification et de réduction des frais, ces produits ont une logique d’allocation strictement passive fondée sur des indices généralement dominés par des entreprises non-européennes, notamment américaines ou asiatiques. Les ETF participent à délocaliser l’impact économique de l’épargne européenne, qui finance des sociétés exogènes aux tissus industriels locaux. Selon une étude du cabinet PWC ([985]), les ETF domiciliés dans l’UE ont connu une croissance annuelle moyenne de 20,7 %, soit plus de trois fois le taux de croissance des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) domiciliés dans l’UE (6,3 %). À la fin juin 2023, les actifs sous gestion des ETF domiciliés dans l’UE s’élevaient à 1 718,7 milliards d’euros et plus de 70 % des ETF distribués en Europe étaient domiciliés en Irlande ou au Luxembourg. Parmi les dix indices les plus suivis par les ETF domiciliés en Europe, trois seulement intégraient des valeurs européennes uniquement.

Dix principaux indices suivis par les ETFs domicilés en Europe

Source : PWC, European ETF listing and distribution, novembre 2024, https://www.pwc.lu/en/asset-management/etfs/etf-poster.html

Ce biais structurel dans l’allocation de capitaux sape les efforts de réindustrialisation et affaiblit le potentiel de souveraineté économique, en favorisant une dépendance croissante vis-à-vis de décisions de gestion prises hors de l’Union européenne. De surcroît, la concentration massive des pouvoirs de vote aux mains de quelques gestionnaires mondiaux pose une question démocratique sur la gouvernance des grandes entreprises cotées. Il convient donc de limiter cette fuite de capitaux pour canaliser l’épargne vers les investissements productifs au sein des pays européens.

Il serait possible de créer un label « Industrie France » pour les fonds d’investissement et les ETF investissant dans l’industrie française, afin de faciliter leur identification par les épargnants, les gestionnaires d’épargne et les investisseurs institutionnels.

Proposition n° 109 : Créer un label « Industrie France » pour les fonds d’investissement et les ETF investissant une part minimale dans l’industrie français.

b.   Mettre en place un fonds souverain pour mobiliser les atouts français au service de l’industrie

Le tissu industriel français souffre d’un sous-investissement chronique, en décalage avec les ambitions affichées de réindustrialisation. Les besoins de financement pour réindustrialiser la France à hauteur de 15 % du PIB sont estimés à 200 milliards d’euros sur dix ans ([986]). Cet effort ne pourra pas être supporté uniquement par les financements publics ni par les seuls acteurs privés, trop souvent dissuadés par le manque de visibilité à long terme.

Selon la Banque de France ([987]), les investisseurs étrangers détiennent une part conséquente de nos entreprises : à la fin d’année 2023, les non-résidents détenaient 1 093 milliards d’euros d’actions des sociétés françaises du CAC 40, sur une capitalisation boursière totale de 2 207 milliards d’euros, soit un taux de détention de 49,5 %. Hors CAC 40, la participation des non-résidents dans les sociétés françaises oscille autour de 30 % depuis 2017. Si la circulation des capitaux est bénéfique pour créer de l’activité et stimuler l’innovation, la financiarisation excessive de l’industrie française affaiblit toute stratégie nationale, dégrade les chaînes de valeur et éloigne notre tissu productif d’un nécessaire ancrage territorial. C’est pourquoi il est indispensable de nous doter d’un outil puissant, agile et stratégique : un Fonds souverain français dédié à l’industrie et à l’innovation.

La France a de nombreux atouts sous-exploités mais ne dispose pas aujourd’hui d’un fonds souverain d’ampleur pour les employer, contrairement à de nombreux pays qui ont su mobiliser leurs ressources internes pour structurer leur politique industrielle. La Norvège a utilisé sa rente pétrolière pour constituer le Government Pension Fund Global ([988]), doté de plus de 1 700 milliards de dollars. Le fonds Temasek ([989]) à Singapour (environ 380 milliards de dollars) ou le Korea Investment Corporation ([990]) en Corée du Sud (environ 190 milliards de dollars) investissent massivement dans les filières stratégiques et les entreprises technologiques, avec une logique de soutien au tissu productif national et d’anticipation des grandes transitions économiques. En Allemagne, le Fonds pour l’avenir ([991]), doté de 10 milliards d’euros et lancé en 2021, a pour vocation de soutenir la recherche et le développement des technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle ou les biotechnologies, via des participations dans des fonds ou des entreprises.

Ces outils ont un point commun : ils agissent à la fois comme des leviers de souveraineté et comme amortisseurs économiques, capables d’entrer au capital d’entreprises stratégiques, de soutenir les projets à retour lent, ou de sécuriser des chaînes de valeur critiques. En France, cette fonction est aujourd’hui fragmentée entre plusieurs instruments (BPIFrance, France 2030, fonds sectoriels), souvent trop spécialisés ou sous-calibrés pour opérer à l’échelle des enjeux.

BPIFrance constitue aujourd’hui le principal outil public d’intervention dans le financement des entreprises industrielles françaises. Il joue un rôle majeur dans l’investissement, l’innovation et la garantie bancaire : son action et le professionnalisme de ses effectifs méritent d’être salués. Toutefois, BPIFrance n’a ni la vocation ni les moyens d’un véritable fonds souverain : ses investissements sont en grande partie co-financés, il ne repose pas sur une capitalisation pérenne alimentée par des actifs stratégiques (comme une rente énergétique et les participations d’État), et son champ d’intervention est plus limité en matière d’entrées en capital, de prises de contrôle stratégiques ou de portage de projets industriels de long terme.

Un fonds souverain aurait une capacité d’action beaucoup plus large, en termes de levée de capitaux, de types d’actifs mobilisables, d’outils financiers déployés et d’ambitions stratégiques. Il permettrait une capitalisation collective des Français, investie dans l’économie réelle.

Une affectation des dividendes des participations de l’État et un adossement à des ressources pérennes comme la rente énergétique nationale (hydroélectricité, nucléaire amorti, potentiel de l’exploitation écologique des gisements gaziers), permettraient de créer un véhicule public massif au service de la stratégie industrielle nationale.

Dans cette perspective, une rationalisation des outils publics existants pourrait être envisagée. Il pourrait être pertinent d’intégrer ou de diluer certains instruments actuels dans ce nouveau Fonds souverain pour en accroître l’efficacité, la lisibilité et la capacité d’action. Par exemple, ce Fonds souverain pourrait mutualiser une partie des dotations du plan France 2030, certains fonds sectoriels pilotés par la Banque des Territoires ou l’Ademe, le portefeuille de l’Agence des participations de l’État, les actifs de la Caisse des dépôts et le Fonds de réserve des retraites notamment. Ce regroupement permettrait une vision stratégique unifiée, une meilleure coordination de l’investissement public et une concentration des efforts sur les filières industrielles prioritaires. Il offrirait également un levier budgétaire plus lisible pour les investisseurs privés souhaitant co-financer des projets.

Comme rappelé précédemment, la France dispose de plus de 6 000 milliards d’euros d’épargne financière. Une mobilisation partielle de cet atout français (0,3 % du stock) et notamment de l’assurance-vie ou du PER, comme précédemment évoqué, sous forme volontaire et rémunérée, répondrait aux besoins annuels de financements de la réindustrialisation estimés à 20 milliards d’euros par an. Intervenant le 2 juillet 2025 lors d’une table ronde de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la souveraineté industrielle et la sécurité économique, l’ancien ministre Arnaud Montebourg demandait à la représentation nationale de co-construire une proposition de loi pour que les collecteurs d’assurance-vie dirigent l’épargne des Français vers l’économie réelle : « Est-ce qu’il est possible de demander aux collecteurs d’assurance-vie de distraire 2 % de leur collecte pour alimenter un fonds souverain. 2 % c’est peu pour l’assurancevie, en réparation de risques, et c’est considérable pour l’économie française. » ([992]) Le rapporteur souscrit totalement à ses propos. Pouvoir adosser une partie de cette épargne à des actifs stratégiques renforcerait la crédibilité du fonds souverain et réduirait significativement son risque perçu pour gérer également l’épargne des Français.

Ainsi garanti par la rente énergétique nationale et les portefeuilles de participations de l’État, et par ailleurs alimenté par la mobilisation de l’épargne des Français sur la base du volontariat, ce fonds gérerait un véhicule d’investissements qui permettrait aux Français d’investir à faible risque dans notre socle industriel de base, notamment en intervenant en private equity dans les entreprises à fort potentiel ou relevant de l’intérêt national.

Ce fonds souverain inscrirait son action au service de la stratégie industrielle nationale fixée par le Gouvernement et rationaliserait divers instruments publics existants. Sa gouvernance devrait garantir à la fois l’efficacité de gestion, la transparence des investissements, et une orientation stratégique conforme aux priorités industrielles définies par l’État. Il pourrait être piloté par une équipe professionnelle indépendante, à l’image de BPIFrance, mais avec un horizon d’investissement long, une capacité à prendre des participations et à porter des projets à horizon décennal dans le strict respect de la stratégie industrielle nationale.

Proposition n° 110 : Mettre en place un fonds souverain français, alimenté par les portefeuilles de participations de l’État, la rente énergétique nationale, pouvant gérer l’épargne des Français sur la base du volontariat, en apportant des garanties en termes de rendement, de liquidité des actifs et de protection du capital.

III.   L’Europe doit devenir un vrai levier d’opportunitÉs pour notre industrie

Le transfert par les États membres d’un certain nombre de leurs compétences, notamment s’agissant de commerce international, fait de l’Union européenne un acteur à prendre en compte dans toute stratégie industrielle.

Mais son action a longtemps été plus handicapante que soutenante pour les l’industrie des nations européennes. Longtemps en effet, l’Union s’est acharnée à privilégier la quête du moindre prix plutôt que la préservation et le renforcement des tissus industriels domestiques, et à multiplier les normes et les exigences souvent empreintes d’écologie punitive et excessive sans tenir compte des distorsions de concurrence qu’elle imposait à ses entreprises. Longtemps également, elle s’est refusée à mobiliser ses atouts, voire même à se défendre, pour consolider ses économies et ses filières stratégiques.

Le durcissement du contexte mondial et la brutalité cynique de ses grands concurrents ne permettent plus de rester sur sa ligne d’adepte naïve de la concurrence sans entraves et de la mondialisation heureuse.

Face aux menaces qui se multiplient, aux risques d’une propagation des fermetures d’usines et des plans sociaux, et aux pressions croissantes des forces politiques patriotes, l’Europe semble, depuis peu, s’être décidée à réagir. Néanmoins, si ses premiers pas sont à saluer, ils ne vont clairement pas assez loin.

Il est urgent qu’elle protège enfin ses entreprises et leurs millions d’employés, et qu’elle utilise pleinement l’avantage d’être « la première puissance économique au monde lorsqu’elle est réunie » – rappelle le chercheur Mathieu Plane ([993]) –, un marché convoité et riche, de même que l’alliance de pays économiquement, socialement et technologiquement avancés. L’Europe doit devenir un vrai levier de développement pour notre industrie et non plus un boulet.

  1.   Garantir le juste-Échange À l’Échelle mondiale par un protectionnisme proportionnÉ aux frontiÈres europÉennes

1.   La guerre commerciale en cours doit conduire à mettre fin à la naïveté européenne

L’Europe affronte une guerre commerciale qui s’est exacerbée, notamment depuis l’élection de Donald Trump avec ses menaces de tarifs douaniers, et à cause de la volonté hégémonique de la Chine qui produit en surcapacités en recourant à des subventions massives au mépris des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La filière automobile européenne est particulièrement touchée par cette offensive douanière, menacée à la fois de perdre ses clients aux États-Unis et d’être submergée sur ses propres terres par les surcapacités chinoises à la recherche d’un marché plus ouvert.

Pour écouler ses véhicules électriques, dont elle est devenue le leader mondial, la Chine se montre prête à brader ses produits, accentuant un différentiel de prix déjà important avec les productions européennes.

L’obsession de l’Union européenne pour le moindre prix et sa volonté de décarbonation à marche forcée, sans étude d’impact sur la faisabilité et viabilité des normes imposées, ne doivent pas se payer par l’étranglement de sa propre filière automobile – un des plus gros employeurs européens, avec plus de 2,4 millions de personnes directement employées et plus de 600 000 pour la production indirecte ([994]).

En aucun cas les négociations actuellement menées par la Commission européenne avec la Chine ne doivent aboutir à sacrifier l’industrie automobile européenne, en permettant aux véhicules chinois de conquérir le marché européen.

Le gouvernement y est d’ailleurs favorable : « l’institution de droits compensateurs sur les importations de véhicules électriques chinois est justifiée et nécessaire. Il conviendra désormais de veiller à ce que cette mesure soit effective, notamment en luttant contre toute pratique qui viserait à la contourner, y compris la création d’usines à faible valeur ajoutée sur le territoire de l’Union européenne. » ([995])

Proposition n° 111 : Mettre un terme aux négociations menées par la Commission européenne visant à lever les surtaxes appliquées aux importations de véhicules électriques chinois.

Mais le besoin de protection face aux pratiques commerciales déloyales de certains pays ne se limite pas aux voitures électriques. On peut aussi citer les productions d’aluminium et d’acier, indispensables à nombre de filières stratégiques européennes comme l’aéronautique et la défense. Industries fortement énergo‑intensives, elles sont prises en étau entre un tarif européen de l’énergie beaucoup plus élevé que celui supporté par leurs concurrents étrangers et des importations chinoises affichant des prix visiblement forcés à la baisse. Plusieurs géants de la sidérurgie européenne ont alerté les institutions européennes des risques de fuites de carbone, annonçant d’ores et déjà plusieurs centaines de licenciements à travers l’Europe.

Il convient de maintenir et renforcer les surtaxes et droits de douane ciblés face aux pratiques déloyales de certains pays extra-européens, ou lorsque le déficit de l’Union européenne sur les produits concernés menace de causer d’importants dommages à ses producteurs.

Proposition n° 112 : Renforcer les surtaxes et droits de douane ciblés face aux pratiques commerciales déloyales ou de dumping de certains pays extra-européens.

2.   Pour une vraie politique de protection de l’industrie européenne

De fait, la survie d’une grande partie de ses industries et la préservation de leurs emplois exigent aujourd’hui que l’Europe aille plus loin que la simple « sanction » des cas avérés de dumping. Il est temps qu’elle défende ses producteurs en mettant en place un protectionnisme adapté à chaque secteur (n’oublions pas que l’industrie européenne a aussi besoin d’importer certains composants), mais actif – et non plus appliqué avec beaucoup de lenteur et de réserves, comme le sont ses mesures de sauvegarde aujourd’hui.

« À peu près un tiers de notre industrie ne peut pas être compétitive avec la Chine ou avec les États-Unis dès que la main-d’œuvre ou l’énergie pèsent un peu dans la structure de coûts », analyse le professeur Lluansi. « La meilleure usine avec les meilleurs talents, installée en Europe, subit des écarts de coûts de production avec les États-Unis et la Chine d’au moins 20 %, sans compter avec les taxes et l’environnement concurrentiel exacerbé après l’élection du président Donald Trump. La compétitivité est naturellement un objectif, mais elle ne suffira jamais à maintenir la puissance industrielle européenne ou à nous permettre seuls de réindustrialiser la France. Nous avons besoin d’une politique commerciale que Mario Draghi a qualifiée de "défensive" et que je qualifierai de "protectrice". Il s’agit du principal levier au niveau européen. » ([996])

C’est sans doute également une condition pour la réussite de notre réindustrialisation : « Qu’est-ce que cela veut dire de produire des batteries ou des panneaux solaires en France ou en Europe, quand la Chine est déjà en surcapacité de production ? On ne peut donc pas vouloir réindustrialiser sans changer les règles du jeu, des règles que, d’ailleurs, nous nous imposons alors que les autres ne s’en encombrent pas », souligne la chercheuse Anaïs Voy-Gillis. ([997])

3.   Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à rééquilibrer

Dans cette lutte, l’Union doit, au moins, éviter d’accentuer les différentiels de coûts en imposant à ses industries des charges supplémentaires (tels les quotas d’émissions carbone) auxquelles leurs concurrents ne seraient pas soumis de manière équivalente.

Ainsi, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), autrement appelé « taxe carbone aux frontières européennes », qui doit entrer en vigueur en 2026, ne sera vertueux que s’il rééquilibre véritablement la tarification du carbone appliquée à chaque vente d’un même produit, qu’il ait été fabriqué en Europe ou à l’extérieur. Or, la version actuelle du MACF ne porte que sur les intrants et non les produits finis ou semi-finis, ce qui signifie que les importations d’aluminium supporteront la future taxe carbone, mais pas le tuyau ou le véhicule qui sont fabriqués avec de l’aluminium produit ailleurs. Autrement dit, à travers ce dispositif, l’Union européenne risque de pénaliser les producteurs européens en surenchérissant leurs coûts de production, plutôt que de les protéger en taxant les produits transformés importés qui leur font concurrence.

Pour renforcer la protection de nos industries, il convient de réformer le MACF :

– en l’élargissant aux produits finis et semi-finis ;

–  et en prenant en compte une valeur standard d’émissions de CO2 par pays, calculée selon l’intensité carbone de son mix énergétique étant donné que calculer le coût carbone différencié par produit apparaitrait trop complexe.

Proposition n° 113 : Réformer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) en l’élargissant aux produits finis et semi-finis et en prenant en compte une valeur d’émissions de CO2 calculée selon l’intensité carbone du mix énergétique du pays producteur.

Les recettes accrues du MACF pourraient alors être réparties entre les États membres pour les aider à financer des mesures visant à améliorer la compétitivité de leurs entreprises, à l’instar du plan de relance européen post-Covid qui a financé la baisse des impôts de production en France.

Proposition n° 114 : Répartir les recettes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) entre les États membres pour financer l’amélioration de leur compétitivité, notamment par la baisse des impôts de production.

Selon la même logique d’équilibre des exigences – et des charges qui en découlent –, et pour promouvoir véritablement les valeurs européennes de qualité et de respect de l’environnement et des droits sociaux, il est enfin nécessaire que les accords commerciaux conclus par l’Union garantissent une réciprocité dans les échanges, par exemple en excluant les produits qui contiendraient des intrants interdits ou ne respecteraient pas les normes européennes.

Les clauses miroirs introduites, imposant aux produits importés de respecter les mêmes normes sanitaires, sociales et environnementales que celles exigées des producteurs européens, sont jusqu’alors rares et peu contraignantes (cf. Une large ouverture à la concurrence mondiale qui a accru les vulnérabilités européennes ci‑dessus).

Proposition n° 115 : Garantir la réciprocité dans les accords commerciaux de l’Union européenne avec la généralisation et le renforcement des clauses miroirs.

Le rapporteur rappelle cependant que ces clauses miroirs n’auront d’effet que si l’Europe se dote par ailleurs des moyens d’en faire un contrôle effectif et réactif, contrairement aux pratiques actuelles.

B.   Soutenir l’industrie par l’arrÊt de l’inflation normative et par la force du marchÉ europÉen

Pour donner une véritable chance aux politiques de relance industrielle, l’Union européenne doit aussi agir sur ses propres excès et manques, de même qu’exploiter ses atouts.

1.   Adapter le corpus réglementaire aux défis industriels

a.   Mettre un frein à la production réglementaire

En premier lieu, il est impératif que l’Union européenne cesse de produire toujours plus de règles – une avalanche normative qui a fait de l’Europe un continent de régulation et de décroissance plutôt que d’innovation et de production, et a creusé le fossé compétitif avec ses concurrents.

Sur le seul secteur automobile, Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile, signale que plus de cent réglementations sont prévues d’ici 2030, « s’échelonnant chaque année et contraignant les constructeurs automobiles à constamment mettre à jour leurs véhicules déjà en cours en production. Ces réglementations ne font que renchérir le coût des véhicules, compromettant notre capacité à produire des voitures abordables ». ([998])

Mais l’Europe doit également alléger les contraintes existantes, dont on a montré l’impact sur nos industries, de leur complexité et de la charge administrative qu’elles engendrent (cf. Une inflation des exigences normatives jusqu’à l’absurde ci-dessus) en accélérant et intensifiant les efforts de simplification à l’échelle européenne initiés par les propositions de directives européennes de simplification dites « paquets omnibus »

Proposition n° 116 : Alléger les contraintes réglementaires européennes pesant sur l’industrie, notamment celles qui découlent du Green Deal.

Parmi les exigences disproportionnées définies ces dernières années, un sort particulier doit être fait à la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) du 14 décembre 2022 relative à la publication par les entreprises d’informations en matière de durabilité, ainsi qu’à la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance en matière de durabilité, dont tous les acteurs économiques auditionnés par la commission d’enquête ont dénoncé les excès et les risques importants qu’elles leur font courir, pour leur compétitivité, le secret des affaires et même leur sécurité juridique (cf. Des obligations excessives de reporting et de transition imposées aux entreprises européennes). Il convient d’en refuser l’application aux entreprises européennes, en attendant l’achèvement des négociations en cours sur les propositions de directives de simplification dites « omnibus ».

Et lorsqu’une évolution réglementaire ou de nouvelles normes apparaissent absolument nécessaires, l’Union doit se plier à la saine discipline de l’évaluation préalable de leurs impacts sur les entreprises petites, moyennes ou de taille intermédiaire, moins outillées face aux complexités administratives, mais aussi sur la compétitivité globale des entreprises européennes.

Devant la commission d’enquête, le commissaire européen chargé de la stratégie industrielle Stéphane Séjourné a indiqué que toutes les règles européennes étaient soumises au premier test, et que la nouvelle Commission s’est engagée à réaliser désormais une étude d’impact sur la compétitivité ([999]). Le rapporteur salue cette initiative, qu’il souhaite toutefois systématiser et généraliser.

Proposition n° 117 : Systématiser les études d’impact « tests PME » et « tests compétitivité », pour évaluer ex ante l’effet réel des nouvelles normes fiscales et réglementaires européennes.

De manière générale, le rapporteur appelle de ses vœux une approche pragmatique des politiques environnementales et climatiques européennes, plutôt que l’écologie punitive et excessive souvent privilégiée jusqu’à récemment. Il importe que ce corpus réglementaire ne fragilise ni la compétitivité industrielle ni la souveraineté économique des États membres.

Un autre dogme européen doit également évoluer : le nucléaire a été trop longtemps ostracisé au sein des institutions européennes, alors que cette filière garantit une production électrique décarbonée régulière, abondante et à un prix attractif. Le parc nucléaire français alimente déjà bien plus que notre pays. À l’heure de la décarbonation, il aura un rôle central à jouer pour accompagner l’électrification de nos usages. Il est important que l’Union européenne respecte enfin le principe de neutralité technologique dans la définition de ses dispositifs de soutien à la transition énergétique des États membres, ainsi que dans toutes les législations européennes qui pourraient avoir un lien.

En tout état de cause, le rapporteur attend des gouvernements français qu’ils défendent activement auprès des institutions européennes notre filière nucléaire et les nombreux atouts qu’elle offre au pays.

Proposition n° 118 : Défendre le nucléaire français à Bruxelles en exigeant qu’il soit traité de manière identique aux autres sources d’énergie décarbonée.

b.   Offrir un cadre adapté au développement des technologies d’avenir comme l’intelligence artificielle

Dans le même esprit, le développement de modèles d’intelligence artificielle (IA) performants repose sur la capacité à accéder à de vastes volumes de données, y compris parfois à des données personnelles ou sensibles, dans le cadre de leur phase d’entraînement. Or, le cadre juridique actuel, notamment issu du règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, dit « RGPD », bien qu’indispensable à la protection de nos droits fondamentaux, peut constituer un frein au développement d’une IA souveraine lorsqu’il s’applique de manière uniforme sans prise en compte des spécificités techniques de l’entraînement de ces modèles. Il existe un risque de décrochage face à des puissances comme les États‑Unis ou la Chine, dont les législations sont plus permissives en matière d’accès aux données.

Dans ce contexte, la mise en place d’un régime juridique dérogatoire, temporaire et encadré, inspiré du principe de « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) déjà reconnu par le RGPD, permettrait de concilier exigence de souveraineté technologique et protection des libertés. Une telle dérogation ciblée pourrait offrir un cadre légal clair pour l’entraînement de modèles d’IA français dans des secteurs stratégiques (comme la santé, la défense, l’industrie, l’énergie), tout en garantissant un haut niveau de supervision et de transparence.

Proposition n° 119 : Favoriser le développement souverain de l’intelligence artificielle (IA) en créant un régime dérogatoire, strictement encadré et temporaire, garantissant l’anonymat des données privées.

2.   Mettre la demande communautaire au service de l’industrie européenne

a.   Le budget européen est financé par l’argent des Français

Le budget européen n’existe pas sans les contributions de chaque État membre. Notons que depuis le départ du Royaume-Uni, la France en est le deuxième contributeur, avec une contribution prévisionnelle pour 2025 de 25,3 milliards d’euros, à laquelle s’ajoutent environ 2 milliards d’euros de droits de douane versés à l’Union européenne ; et si elle reçoit en retour diverses aides, sa contribution nette reste largement positive, à 9,4 milliards d’euros de perte sèche (hors fonds provenant du plan de relance Next generation EU([1000]).

Proposition n° 120 : Interdire l’utilisation de fonds européens pour financer les implantations industrielles issues de délocalisations internes au marché unique, dans le cadre du futur cadre financier pluriannuel européen 2028-2034.

Financées avec l’argent des citoyens des pays européens, les dépenses publiques devraient pouvoir bénéficier en priorité aux entreprises européennes. Cela paraît d’autant plus légitime que les États-Unis et la Chine ne se privent pas de restreindre l’accès de leurs marchés publics à leurs propres entreprises : contrairement à l’Europe dont le taux d’ouverture des marchés atteint 80 %, celui des États-Unis avoisine les 30 %.

Mais l’enjeu est également stratégique. La première force économique de l’Union repose sur ses 450 millions de consommateurs.

b.   Équiper les défenses européennes par l’industrie européenne

Le rapporteur s’étonne en particulier que des secteurs essentiels à la souveraineté des pays soient aussi exposés à la concurrence extra-européenne que n’importe quel autre, avec ce que cela entraîne en termes de dépendance technologique, de risque sur la maintenance et l’approvisionnement dans la durée, voire de possible contrôle à distance par des puissances étrangères.

Olivier Andriès, directeur général de Safran, souligne le déséquilibre qui en résulte : « L’Europe achète près de 75 % de ses équipements militaires en dehors d’Europe, pour l’essentiel aux États-Unis. [...] Nous sommes favorables à ce qu’il y ait une préférence européenne claire pour les équipements de défense. Aux ÉtatsUnis, après tout, il y a un Buy American Act. Ce ne serait donc qu’une opération symétrique. » ([1001]) Il faudrait une préférence européenne à hauteur de 65 % de contenu européen dans les produits achetés, recommande-t-il.

Proposition n° 121 : Instaurer une préférence européenne dans la commande publique pour les secteurs stratégiques, tels que la défense et le nucléaire.

Le programme EDIP (European Defence Industry Programme) est un règlement proposé par la Commission européenne, s’inscrivant dans la stratégie industrielle de défense européenne (EDIS). Ce programme a été dévoilé le 5 mars 2024, deux ans après le début de l’invasion russe en Ukraine. Son but est de faire passer des mesures d’urgence de court terme et de garantir la préparation de l’industrie de la défense au sein de l’Union européenne. Les alliés et partenaires de l’Union européenne, comme les pays membres de l’Otan ou l’Ukraine, peuvent bénéficier des initiatives de l’EDIP.

L’EDIP a plusieurs objectifs :

– Fournir un soutien financier d’1,5 milliard d’euros provenant du budget de l’Union européenne au cours de la période 2025-2027 ;

– Renforcer la compétitivité et la réactivité de la base industrielle et technologique de défense européenne ;

– Assurer la disponibilité et la fourniture de produits de défense ;

– Promouvoir la coopération avec l’Ukraine pour le redressement, la reconstruction et la modernisation de son industrie de défense.

Grâce notamment à l’EDIP, la Commission européenne a investi le 16 mai 2024 plus d’1 milliard d’euros dans 54 projets concernant l’industrie de la défense, par l’intermédiaire du Fonds européen de la défense. L’objectif de ce programme est, dans un premier temps, d’inciter les États membres de l’Union européenne à mettre leurs ressources en commun.

Un point de tensions sur EDIP a émergé parmi les 27 pays de l’Union européenne : la question de l’inclusion ou non des équipements américains parmi les armements financés par l’UE. Quelques jours après l’investiture de Donald Trump, celui-ci appelait les États européens à acheter plus d’armements d’origine américaine, afin de conserver la protection de Washington. La France s’inquiète de possibles portes dérobées dans le texte qui permettraient de financer des armements américains avec des fonds de l’UE. La France dénonce également un texte d’une rare complexité. Un autre point de tension concerne les critères d’éligibilité aux futurs fonds européens. La France se positionne pour une conception intransigeante du Made in Europe, afin d’éviter que des fonds européens financent des armes développées hors UE mais produites sur le sol européen, comme les futurs missiles américains Patriot assemblés en Allemagne, ou les chars sud-coréens K2 bientôt produits en Pologne ([1002]).

Pour le rapporteur, il conviendrait de renforcer la préférence européenne dans la défense en révisant les critères d’éligibilité aux subventions pour les programmes européens pour l’industrie de la défense (EDIP) :

– rehausser le pourcentage minimal de composants européens dans les produits finaux de défense ;

– et imposer une définition stricte de conception pour limiter l’exposition à l’extraterritorialité d’une puissance étrangère.

Proposition n° 122 : Renforcer la préférence européenne dans les programmes européens pour l’industrie de la défense (EDIP) en rehaussant le pourcentage minimal de composants européens dans les produits finaux et en imposant une stricte conception européenne.

c.   Exiger le même niveau de transparence des entreprises extra-européennes

Par ailleurs, si les obligations de transparence en matière de durabilité définies par la réglementation CSRD pèsent excessivement sur les entreprises européennes, déjà soumises à de nombreuses règles, contrôles et reporting sur ces critères, il serait judicieux de les exiger des entreprises étrangères souhaitant accéder aux marchés publics européens afin qu’elles soient soumises aux mêmes hauts standards de durabilité que respectent déjà les entreprises sur le sol européen.

En renchérissant le coût d’accès pour les candidats extra-européens, cette mesure renforcerait la compétitivité de nos entreprises dans l’accès à la commande publique ; elle permettrait un réalignement compétitif en matière de standards ESG (environnement, social et gouvernance) et contribuerait enfin à exporter notre modèle de durabilité dans le monde.

Au demeurant, il s’agit d’une mesure en partie soutenue et portée par le gouvernement, comme l’indique la note préparatoire du SGAE : « Nous pensons qu’un moyen potentiel d’assurer des conditions de concurrence équitables est d’étendre le champ d’application du texte aux entreprises non européennes opérant dans le marché unique, afin qu’elles soient soumises aux mêmes exigences que les entreprises européennes. » ([1003])

Proposition n° 123 : Imposer les obligations de transparence de la CSRD aux entreprises extra-européennes qui veulent accéder aux marchés publics européens.

d.   Mettre en place l’Europe des apprentis

Enfin, le rapporteur recommande que l’on exploite mieux le potentiel de formation pratique et d’expérience professionnelle que l’espace européen peut offrir à nos jeunes.

Le dispositif Erasmus+ qui facilite les échanges d’étudiants et de professeurs est un grand succès. Toutefois, il ne touche pas encore suffisamment les apprentis dans le secteur de l’industrie : alors que 150 000 mobilités auraient été financées par Erasmus+ en 2024 au départ de la France, dont 35 000 pour l’enseignement et la formation professionnels, seuls 4 000 apprentis de la voie professionnelle (tous secteurs confondus) auraient été concernés([1004]). Pourtant, l’industrie comme les jeunes en formation s’enrichiraient mutuellement de ces partages d’expérience.

Proposition n° 124 : Promouvoir le programme Erasmus+ auprès des apprentis dans le secteur de l’industrie.

3.   Conserver en Europe les capitaux européens

Un des enjeux majeurs du développement industriel en Europe, et plus particulièrement en France, est de mobiliser l’épargne européenne, estimée à 300 milliards d’euros par an selon le rapport Draghi de septembre 2024 sur le futur de la compétitivité européenne. Alors que l’Europe dégage une épargne abondante, « excédentaire par rapport à l’investissement » – observe Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France –, elle est insuffisamment investie dans les entreprises communautaires, et plus souvent aux États‑Unis, aujourd’hui ([1005]).

Dans ses réponses écrites, la Banque de France précise que l’addition des marchés de capitaux européens n’a représenté que 426 milliards de dollars sur 2015‑2024, contre 1 200 milliards de dollars pour le marché américain ; que l’on constate un déficit entre l’offre et la demande à chaque stade de financement, et que les investisseurs institutionnels sont relativement peu impliqués avec moins de 1 % des actifs des assureurs européens investis en private equity en 2022, contre plus de 5 % en moyenne internationale ([1006]).

Certains acteurs auditionnés par la commission d’enquête pensent que la réalisation d’une véritable union des marchés de capitaux (UMC) – récemment rebaptisée « union de l’épargne et de l’investissement » (UEI) – pourrait favoriser la réorientation de cette épargne vers l’Union européenne « en améliorant les opportunités de rendement/risque pour les ménages », explique Mme Bénassy‑Quéré. Le projet d’UEI en cours aura déjà permis l’adoption de plusieurs mesures permettant d’harmoniser les législations européennes et de favoriser les investissements transeuropéens, indique la Banque de France. Elle devrait – dit-elle – augmenter la capacité de financement des banques, notamment grâce à une supervision bancaire unifiée, et permettre la création d’une plateforme européenne commune de titrisation qui serait axée en priorité sur la transition écologique. En facilitant l’investissement privé, y compris sous forme de partenariats public-privé, et en encourageant une implication plus marquée des investisseurs institutionnels dans les phases avancées de financement, l’UEI viserait à promouvoir le capital-risque et les financements européens en fonds propres.

Le rapporteur alerte toutefois sur les réserves exprimées par d’autres auditionnés, telle la crainte du professeur Saint-Étienne que l’UMC n’accélère le drainage des capitaux européens vers les États-Unis ([1007])

De plus, le directeur général de BPIFrance se dit sceptique quant à l’impact qu’aurait une union des marchés de capitaux : « Actuellement, rien n’empêche une start-up française de lever des fonds auprès d’investisseurs étrangers, qu’ils soient américains ou européens. Lorsque la BPI lance ses produits d’épargne ou de retail, y compris le produit en matière de défense, il est possible de donner le passeport européen à un Belge ou à un Danois pour leur permettre d’investir dans ces produits. Le véritable défi réside dans la volonté des épargnants et des intermédiaires financiers d’investir dans des projets risqués plutôt que dans des placements sûrs. [...] Nous avons besoin de plus de structures financières créées par des entrepreneurs audacieux. Malheureusement, l’attrait des places financières anglo-saxonnes détourne souvent ces talents de l’Europe continentale. Sans la création de grandes maisons d’investissement européennes comparables à Blackstone ou Blackrock, nous resterons dépendants des acteurs publics pour stimuler l’investissement dans les secteurs innovants. [...] Je crains même que l’union des marchés de capitaux, si elle n’est pas correctement encadrée, ne facilite la domination des grandes institutions financières américaines sur le marché européen. » ([1008])

Face à ces risques, le rapporteur préfère attendre le texte final du projet d’UEI pour prendre position. Il convient de s’assurer qu’un tel projet ne renforce par les fuites de capitaux en dehors de l’Europe, qu’il ne livre pas le marché européen aux institutions financières extra-européennes et qu’il n’empêche pas le fléchage des capitaux d’un État membre vers l’économie de ce même pays.

Il est, au demeurant, convaincu que le meilleur moyen de conserver les capitaux européens en Europe, et même d’en attirer de nouveaux, est de créer les conditions de la croissance sur le continent.

On a évoqué précédemment (cf. Développer de nouvelles solutions de financements en mobilisant les atouts non-mobilisés de notre pays) les mesures souhaitables pour flécher l’épargne financière des Français – la plus abondante d’Europe – vers l’économie réelle.

À l’échelle européenne, il serait nécessaire d’assouplir les règles prudentielles pour débloquer les investissements des banques et des assurances dans l’économie productive sans alourdir excessivement leur charge en capital.

Une adaptation ciblée, déjà présentée, pourrait concerner les fonds propres exigés pour gager les prêts à long terme destinés aux investissements industriels à fort impact territorial ou technologique.

Dans un premier temps, il convient d’organiser des assises européennes sur le financement de l’industrie qui permettent de réexaminer les contraintes prudentielles européennes, en particulier les règles de Solvabilité II et les transpositions de Bâle III.

Proposition n° 125 : Organiser des assises européennes sur le financement de l’industrie, pour que les capitaux européens financent l’industrie des États membres.

C.   Favoriser l’Émergence de projets europÉens par l’assouplissement du droit de la concurrence et la dÉfinition d’objectifs communs

L’émergence et l’enracinement de grands projets européens dans les secteurs d’avenir supposent que l’Union européenne sache à la fois utiliser ses atouts et réinterroger ses dogmes.

Dans certains secteurs d’avenir ou accusant un retard technologique, le cadre européen doit permettre de favoriser les synergies entre acteurs de différents pays : « La stratégie doit être coordonnée afin que l’action européenne se fasse en faveur de la souveraineté des États membres et éviter ainsi une concurrence entre ceux-ci, où chacun signe des contrats à l’étranger au service de ses propres intérêts et au détriment des intérêts du continent européen. Nous avons tous à y perdre », estime Anaïs Voy-Gillis ([1009]). En augmentant leurs capacités de recherche et organisant le partage des résultats, de telles coopérations permettent au contraire d’avancer plus vite.

1.   Améliorer les politiques européennes de soutien à l’industrie

Si les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) ouvrent des opportunités de massification des investissements sur une technologie ou une filière stratégique en organisant la coopération entre États membres, plusieurs acteurs auditionnés par la commission d’enquête ont déploré la persistance de défauts très « européens » : la complexité des procédures, la longueur des délais de prise de décision, l’obligation de diffuser les informations de la R&D, même si cela menace l’avance que la recherche européenne pourrait gagner.

Il conviendrait de réformer le dispositif des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), pour favoriser l’émergence de champions européens :

– en allégeant leur complexité procédurale, avec notamment des dossiers standardisés ;

– en raccourcissant les délais d’instruction à 4 ou 6 mois, ;

– en réduisant le nombre minimum d’États membres associés ;

– en élargissant les domaines éligibles ;

– et en limitant la diffusion des résultats de ces recherches, protégés par un titre ou un droit de propriété intellectuelle.

Proposition n° 126 : Réformer le dispositif des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) pour favoriser l’émergence de champions européens sur la base d’alliances, notamment par l’élargissement des domaines éligibles, la limitation des obligations de diffusion de R&D et l’allègement des délais d’instruction.

2.   Réformer la politique de concurrence européenne

Cependant, ces mobilisations de moyens et les stratégies industrielles nationales tourneront vite court si l’Union européenne ne fait pas l’effort d’assouplir ses règles de concurrence pour débloquer l’action des États.

Face à l’âpreté de la guerre commerciale mondiale, aux menaces vitales pesant sur son industrie et au risque important d’accuser un important retard du point de vue technologique et économique, l’Europe doit se réveiller de son doux rêve de libre concurrence.

L’Union européenne doit aussi rompre avec son intransigeance passée vis‑à-vis des concentrations intra-européennes, et se montrer souple sur les fusions d’entreprises qui favorisent l’émergence d’acteurs plus solides et plus aptes à concurrencer leurs homologues américains ou chinois.

Proposition n° 127 : Faire évoluer le contrôle européen des concentrations afin de permettre la constitution de champions industriels européens.

Elle a le devoir, en particulier, de redonner à ses États membres les capacités de soutenir leurs industries dans les grandes transitions (écologiques et technologiques) à venir et dans la reconquête de nos indépendances.

Elle devrait assouplir, drastiquement, les règles européennes encadrant les aides d’État, lorsque celles-ci visent à moderniser le tissu industriel (décarbonation, robotisation, numérisation) et à soutenir des secteurs stratégiques.

Proposition n° 128 : Assouplir les règles européennes encadrant les aides d’État destinées à moderniser l’industrie et à soutenir des secteurs stratégiques.

3.   Renforcer les coopérations pour assurer la sécurité économique de l’Europe

Une autre mobilisation européenne est aussi cruciale pour l’autonomie de l’Union – à défaut de son indépendance : celle qui permettra à ses États membres de sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement stratégiques, notamment en matières premières critiques que notre continent n’extrait ni ne produit lui‑même.

Des accords stratégiques avec des pays tiers pourraient permettre de sécuriser cet approvisionnement, notamment en matières premières critiques.

Proposition n° 129 : Développer des partenariats européens pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement stratégiques.

Enfin, l’Europe doit savoir, à l’inverse, se protéger des risques exogènes : rester vigilante s’agissant des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques et développer ses armes face aux abus de droit de certains pays.

Il convient de renforcer la coopération entre États européens pour assurer notre sécurité économique, notamment en matière de contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques et de protection face à l’extraterritorialité du droit pratiqué par certaines puissances extra-européennes.

Proposition n° 130 : Renforcer la coopération des États européens pour assurer notre sécurité économique face aux acteurs tiers.

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*     *

 


   Liste des propositions du rapporteur

Proposition n° 1 : Fonder la stratégie industrielle de la France sur trois priorités :

– la puissance par le développement des innovations de rupture ;

– l’indépendance par le développement de filières de substitution aux importations stratégiques et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ;

– la modernisation de l’appareil productif en matière de décarbonation, robotisation, numérisation et montée en compétences.

Proposition n° 2 : Se doter d’un objectif de réindustrialisation pour chaque secteur-clé de l’économie française, notamment la chimie, la métallurgie et les composants électroniques (dont les semi-conducteurs).

Proposition n° 3 : Fixer au niveau national un objectif global de réindustrialisation exprimé par l’équilibre de la balance commerciale des biens plutôt qu’en part de production industrielle dans le produit intérieur brut.

Proposition n° 4 : Mener une politique de substitution aux importations dans les filières stratégiques, en soutenant leur développement et/ou en conditionnant l’accès du marché européen à des transferts de technologies et à la création de coentreprises.

Proposition n° 5 : Simplifier l’ouverture des projets d’extraction sur le sol français et établir un cadre européen pour la définition des mines durables.

Proposition n° 6 : Réunir des assises de l’industrie pour définir une planification industrielle nationale pluri-décennale.

Proposition n° 7 : Lancer un audit des dépendances industrielles de la France pour déterminer les filières pouvant être raisonnablement relocalisées et faire l’objet d’un accompagnement spécifique.

Proposition n° 8 : Créer un ministère de plein exercice chargé de l’industrie, de l’énergie et de la formation aux métiers industriels, devant coordonner l’ensemble des politiques publiques pouvant concourir à la réindustrialisation.

Proposition n° 9 : Faire du préfet le seul chef d’orchestre de la politique économique de l’État dans les territoires.

Proposition n° 10 : Étendre le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes réglementaires à toute matière favorisant la réindustrialisation.

Proposition n° 11 : Doter chaque branche industrielle d’un comité stratégique de filière.

Proposition n° 12 : Mener avec les comités de filière un audit de leur fonctionnement et formaliser dans le contrat de filière une trajectoire de planification mise en œuvre par le ministère de l’industrie selon une méthode de pilotage de projets.

Proposition n° 13 :  Doter chaque contrat de filière d’un volet consacré à l’investissement formalisant les engagements de l’État, des branches professionnelles et des entreprises parties prenantes.

Proposition n° 14 : Permettre aux entreprises d’augmenter leurs salariés jusqu’à 10 % - dans la limite de 3 smic – en contrepartie d’exonérations de cotisations patronales.

Proposition n° 15 : Augmenter les incitations fiscales aux dispositifs de partage de la valeur pour les entreprises du secteur industriel.

Proposition n° 16 : Renforcer la participation des salariés et des syndicats au fonctionnement des comités de filières.

Proposition n° 17 : Lancer des campagnes nationales de promotion des formations, des métiers et des réalités vertueuses de l’industrie contemporaine, dans les médias conventionnels et surtout sur les réseaux sociaux.

Proposition n° 18 : Organiser des semaines territoriales de l’industrie, valorisant l’héritage industriel, les savoir-faire et les innovations au niveau d’un bassin d’emploi ou du département.

Proposition n° 19 : Développer le tourisme industriel dit « de savoir-faire » en soutenant l’ouverture d’ateliers et d’usines au public, notamment auprès des écoles.

Proposition n° 20 : Promouvoir dans la communication publique les vertus de l’industrie en matière de souveraineté, d’écologie et de réussite personnelle avec des exemples de jeunes issus de l’apprentissage, devenus cadres, chefs d’entreprises ou créateurs d’innovation.

Proposition n° 21 : Valoriser le génie des mains et les vertus de l’industrie dans les manuels scolaires et les supports de communication des centres d’information et d’orientation.

Proposition n° 22 : Instaurer une journée annuelle de l’industrie dans les collèges et lycées durant la semaine de l’industrie, pour valoriser les vertus, formations et métiers de l’industrie.

Proposition n° 23 : Organiser une conférence sur l’attractivité du travail dans l’industrie, pour favoriser l’adaptation des conditions de travail (rythme, organisation, etc.) aux évolutions des aspirations de la société.

Proposition n° 24 : Renforcer la place des sciences et notamment des mathématiques dans la formation initiale, par le rétablissement de l’enseignement obligatoire au lycée et le rehaussement des exigences tout au long de la scolarité primaire et secondaire.

Proposition n° 25 : Réformer le collège unique par la réintroduction des parcours différenciés dès les classes de cinquième ou de quatrième.

Proposition n° 26 : Généraliser la présence des représentants des entreprises dans les conseils d’administration des lycées professionnels.

Proposition n° 27 : Dans le cadre des contrats de filière, mettre en œuvre des plans pluriannuels de montées en compétences pour adapter l’offre de formation aux besoins des filières et des territoires.

Proposition n° 28 : Confier au ministère de l’industrie la responsabilité des filières industrielles au sein des lycées professionnels.

Proposition n° 29 : Réformer le dispositif d’apprentissage pour donner la priorité aux filières industrielles.

Proposition n° 30 : Créer un dispositif d’« apprentissage junior » dès 14 ans sous statut scolaire, pour permettre aux élèves volontaires d’apprendre un métier industriel tout en poursuivant leur scolarité.

Proposition n° 31 : Développer les écoles de production et les intégrer officiellement comme voie d’excellence professionnelle.

Proposition n° 32 : S’inspirer du modèle de l’Université des métiers du nucléaire pour développer les compétences nécessaires et spécifiques aux secteurs stratégiques.

Proposition n° 33 : Mettre en place un droit à la formation continue technologique pour les salariés de l’industrie en réformant le compte personnel de formation.

Proposition n° 34 : Opérer une refonte de l’offre de formation de France Travail, France Compétences et des opérateurs associés pour favoriser les formations professionnalisantes.

Proposition n° 35 : Renforcer la Team France Export et la coordination des acteurs publics et privés au service de l’export.

Proposition n° 36 : Renforcer la capacité de BPIFrance à soutenir l’exportation.

Proposition n° 37 : Soutenir les entreprises françaises à l’export en augmentant le plafond du déficit associé à la garantie apportée par BPIFrance dans le cadre de l’assurance-prospection.

Proposition n° 38 : Conditionner les aides publiques au développement à l’accompagnement à l’export et l’internationalisation des entreprises françaises.

Proposition n° 39 : Développer les réseaux privés d’entreprises françaises à l’export, en s’inspirant du modèle italien.

Proposition n° 40 : Créer un secrétariat d’État à l’intelligence et la sécurité économiques rattaché au Premier ministre.

Proposition n° 41 : Créer une délégation parlementaire à l’intelligence et à la sécurité économiques.

Proposition n° 42 : Développer une solution de cloud souverain.

Proposition n° 43 : Mettre en place une habilitation « Secret » civile, s’appliquant aux activités stratégiques d’une entreprise ou d’un laboratoire de recherche français.

Proposition n° 44 : Lancer un grand plan national de sécurisation des universités et laboratoires de recherche.

Proposition n° 45 : Face aux risques d’application extraterritoriale du droit des puissances étrangères, compléter la loi de blocage française par une réglementation similaire à l’échelle européenne.

Proposition n° 46 : Renforcer le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France, en élargissant son champ d’application à tous les secteurs stratégiques et à d’autres formes de transaction et en accroissant les sanctions en cas de non-respect des engagements.

Proposition n° 47 : Remettre le nucléaire au cœur de la politique énergétique française :

– en améliorant les performances du parc électronucléaire français pour retrouver un niveau de production annuel d’au moins 400 TWh en 2030 ;

– en relançant notre filière électronucléaire (prolongation de la durée de vie des réacteurs existants, construction de nouveaux, accélération des programmes de petit réacteur modulaire) ;

– en relançant le projet Astrid de réacteur à neutrons rapides.

Proposition n° 48 : Sécuriser juridiquement la poursuite de l’exploitation du potentiel hydroélectrique par les concessionnaires français.

Proposition n° 49 : Poursuivre les efforts d’électrification des usages pour tendre vers l’indépendance énergétique et systématiser les clauses de revoyure relatives aux objectifs et délais de décarbonation des secteurs industriels dans le cadre des contrats de filière.

Proposition n° 50 : Développer de nouvelles sources d’énergie renouvelables telles que l’hydrogène vert, la géothermie, les pompes à chaleur et la biomasse, de même que l’hydrogène blanc.

Proposition n° 51 : Arrêter les subventions publiques aux énergies intermittentes.

Proposition n° 52 : Rechercher et exploiter nos ressources en hydrocarbures (gaz et pétrole) dans le strict respect des impératifs sanitaires et écologiques, et réexaminer en 2030 la fin programmée en 2040 des exploitations de gaz et de pétrole en activité.

Proposition n° 53 : Convertir les centrales à charbon existantes vers des combustibles moins émetteurs de CO2.

Proposition n° 54 : Provoquer un choc de compétitivité-prix pour l’industrie en négociant une nouvelle réforme des règles du marché européen de l’énergie, qui réserve au moins 60 à 70 TWh d’électricité d’origine nucléaire à un tarif compétitif pour répondre à la consommation annuelle de l’industrie électro-intensive et électrosensible française (proposition à défaut d’une sortie des règles européennes de tarification de l’énergie).

Proposition n° 55 : Sortir des règles européennes de tarification de l’énergie pour rétablir des tarifs réglementés de vente du gaz et élargir les tarifs réglementés de vente de l’électricité à l’ensemble des consommateurs, tout en réformant leur mode de calcul afin de refléter les coûts complets du système de production et de fourniture.

Proposition n° 56 : Renforcer les efforts fiscaux de réalignement compétitif, en poursuivant la suppression progressive des impôts de production restants, notamment la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la part résiduelle de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Proposition n° 57 : Développer des conventions négociées d’exonérations fiscales pluriannuelles pour la relocalisation des activités identifiées comme stratégiques.

Proposition n° 58 : Engager un audit complet des comptes publics, pour améliorer l’efficacité des dépenses et des services, alléger la pression fiscale sur les ménages et les entreprises.

Proposition n° 59 : Définir un plafond fiscal stable dans la durée, pour offrir une prévisibilité aux entreprises industrielles et sécuriser leurs choix d’investissements à moyen et long terme.

Proposition n° 60 : Généraliser les études d’impact « tests PME » et « tests compétitivité », pour évaluer ex ante l’effet réel des nouvelles normes fiscales et réglementaires françaises.

Proposition n° 61 : Réformer le pacte Dutreil en étendant de 4 à 10 ans la durée minimale d’engagement individuel à conserver les titres de la société en contrepartie d’une réduction renforcée des droits de mutation à titre gratuit.

Proposition n° 62 : Supprimer l’exigence qu’un signataire du pacte Dutreil ou un héritier exerce une fonction de direction.

Proposition n° 63 : Renforcer les dispositifs incitant au développement de l’actionnariat salarié.

Proposition n° 64 : Élargir le champ d’application de la « loi Florange » de 2014 à l’ensemble des ETI, par l’abaissement du seuil aux entreprises de plus de 250 salariés.

Proposition n° 65 : Mettre fin à la culture française de surtransposition des normes européennes.

Proposition n° 66 : Veiller à ce que les directives européennes soient appliquées dans les autres pays européens avant toute transposition en droit interne.

Proposition n° 67 : Faire une pause dans la production réglementaire touchant les industries et lancer un chantier de simplification normative.

Proposition n° 68 : Flexibiliser drastiquement les contraintes relatives à l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, tant en reportant les délais qu’en incluant de nouvelles technologies autorisées comme les moteurs hybrides.

Proposition n° 69 : Refuser l’application des directives CSRD et CS3D, relatives aux informations en matière de durabilité des grandes entreprises et au devoir de vigilance.

Proposition n° 70 : Assouplir drastiquement le dispositif de zéro artificialisation nette (ZAN) en reportant les échéances des objectifs (intermédiaire et final) et en réservant sur 10 ans un quota d’espaces destinés au développement économique représentant au moins 30 000 hectares (proposition à défaut d’une exemption des projets industriels de l’objectif ZAN).

Proposition n° 71 : Exempter les projets industriels de l’objectif de zéro artificialisation nette.

Proposition n° 72 : Régionaliser la liste des espèces animales et végétales actuellement protégées à l’échelle nationale, afin d’adapter à la réalité locale les exigences environnementales et les contraintes réglementaires afférentes.

Proposition n° 73 : Créer une cartographie nationale des terrains disponibles pour la compensation, à l’image du dispositif existant de recensement du foncier disponible pour l’implantation et les « sites clés en main ».

Proposition n° 74 : Assouplir les obligations de compensations des impacts environnementaux :

– en permettant aux porteurs de projets de s’acquitter de leurs obligations sur des sites prédéterminés, même s’ils ne sont pas à proximité directe de leur future implantation ;

– en réduisant les obligations de compensation environnementale d’un projet industriel quand il s’installe sur une ancienne friche industrielle.

Proposition n° 75 : Créer une cartographie numérique unique de l’offre nationale de foncier disponible pour l’industrie, en fusionnant les outils existants tels que le site du Cerema et le portail France Foncier+.

Proposition n° 76 : Accorder une présomption légale de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à tout projet industriel satisfaisant les deux critères suivants :

– création de nombreux emplois et/ou développement d’une technologie innovante ;

– localisation sur une friche industrielle ou dans le périmètre d’une plateforme industrielle.

Proposition n° 77 : Garantir pendant cinq ans la stabilité des règles environnementales opposables aux projets industriels implantés sur les friches industrielles et les sites clés en main.

Proposition n° 78 : Sanctuariser l’enveloppe du fonds Vert destinée au soutien des projets de reconversion industrielle des friches par le financement d’études et de travaux de dépollution.

Proposition n° 79 : Créer dans chaque région une « maison de l’industrie », guichet unique régional de l’implantation industrielle et de l’octroi des aides publiques.

Proposition n° 80 : Renforcer le pilotage du dispositif « sites clés en main », en confiant au ministère chargé de l’industrie la coordination nationale stratégique et aux préfets de région, en lien avec les conseils régionaux, la responsabilité de l’identification, de la mobilisation et du suivi opérationnel des sites sur leurs territoires.

Proposition n° 81 : Accorder la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à tout projet industriel ou logistique qui se développe sur un « site clés en main ».

Proposition n° 82 : Renforcer le principe du « silence valant acceptation » de l’administration (SVA) pour tous les régimes d’autorisation d’aménagement.

Proposition n° 83 : Dans la mesure du possible, privilégier un régime de déclaration au régime d’autorisation pour la plupart des décisions nécessaires à l’aménagement et à l’installation industrielle.

Proposition n° 84 : Supprimer la Commission nationale du débat public (CNDP).

Proposition n° 85 : Favoriser la reconnaissance et l’usage des déchets industriels comme matières premières secondaires, en simplifiant leur qualification réglementaire et en soutenant les filières de recyclage industrielles compétitives.

Proposition n° 86 : Étendre massivement le recours à des centrales d’achat public chargées de favoriser le tissu productif national et les filières stratégiques.

Proposition n° 87 : Conditionner les versements de fonds européens à leur affectation à des projets réalisés par des entreprises européennes.

Proposition n° 88 : Dans certains secteurs, conditionner l’accès aux marchés publics européens à une fabrication sur le sol européen et/ou à des transferts de technologies extra européennes par création de coentreprises.

Proposition n° 89 : Introduire un critère qualitatif de production locale dans le droit de la commande publique.

Proposition n° 90 : introduire un critère permettant de prendre en compte les retombées économiques locales dans le droit de la commande publique.

Proposition n° 91 : Renforcer la sécurité de la plateforme de dématérialisation des procédures de marché de l’État en recourant à un prestataire français garantissant la conservation des données en France.

Proposition n° 92 : Réserver une part minimale des marchés publics aux PME et ETI françaises des secteurs stratégiques définis par la stratégie industrielle.

Proposition n° 93 : Consacrer 2 % des achats courants de l’État à des innovations et des prototypes élaborés par des PME.

Proposition n° 94 : Créer un guichet unique numérique pour l’achat public innovant dans la future plateforme des achats de l’État (PLACE).

Proposition n° 95 : Créer la possibilité d’expérimenter et de tester des innovations ou des prototypes, sans mise en concurrence ni engagement en cas de succès, dans le droit de la commande publique.

Proposition n° 96 : Poursuivre la logique d’un plan massif d’investissement dans les filières d’avenir pour succéder à France 2030, avec de nouvelles priorités et un accès simplifié et déconcentré.

Proposition n° 97 : Favoriser la recherche-développement des entreprises pour atteindre l’objectif d’y consacrer 3 % du PIB.

Proposition n° 98 : Mettre en place un système unifié de crédits d’impôts, dont l’accès serait simplifié via la déclaration fiscale, pour soutenir la modernisation du socle industriel français en matière de décarbonation, de robotisation et de numérisation.

Proposition n° 99 : Mettre en place des zones franches fiscales et réglementaires, ciblées sur les écosystèmes industriels stratégiques et les zones frontalières.

Proposition n° 100 : Faire des maisons de l’industrie un point d’entrée unique pour les aides publiques proposées par l’État et ses opérateurs, les collectivités territoriales et l’Union européenne.

Proposition n° 101 : Renforcer la conditionnalité des aides publiques aux entreprises en fixant des contreparties en matière de localisation de production, de création ou de maintien de l’emploi et d’achat d’équipements produits en France et prévoir une clause de remboursement obligatoire en cas de manquement aux obligations contractuelles.

Proposition n° 102 : Prévoir une clause de retour à bonne fortune en cas d’amélioration significative du bilan de l’entreprise ayant bénéficié d’un soutien public.

Proposition n° 103 : Permettre l’étalement des échéances de remboursement des prêts garantis par l’État jusqu’à 10 ans et autoriser leur conversion en fonds propres au cas par cas.

Proposition n° 104 : Réviser les contraintes prudentielles européennes issues des réglementations Solvabilité II et Bâle III pour permettre aux banques et assureurs de financer les investissements industriels à impact territorial ou technologique.

Proposition n° 105 : Intégrer un critère de souveraineté nationale dans les référentiels ESG, permettant notamment aux industries du secteur de la défense d’accéder sans entrave au crédit et aux financements de long terme.

Proposition n° 106 : Renforcer le fléchage du plan d’épargne retraite (PER) vers l’industrie française, en intégrant dans la part d’actifs non cotés des PER en gestion pilotée une proportion minimale d’actifs industriels et/ou innovants en France.

Proposition n° 107 : Faciliter l’accès des ménages aux fonds comportant des actifs non cotés.

Proposition n° 108 : Renforcer le fléchage de l’assurance-vie vers l’industrie française, en instaurant une part minimale dédiée à l’industrie et l’innovation localisées sur le territoire national au sein des fonds d’assurance-vie investis en actifs non cotés.

Proposition n° 109 : Créer un label « Industrie France » pour les fonds d’investissement et les ETF investissant une part minimale dans l’industrie français.

Proposition n° 110 : Mettre en place un fonds souverain français, alimenté par les portefeuilles de participations de l’État, la rente énergétique nationale, pouvant gérer l’épargne des Français sur la base du volontariat, en apportant des garanties en termes de rendement, de liquidité des actifs et de protection du capital.

Proposition n° 111 : Mettre un terme aux négociations menées par la Commission européenne visant à lever les surtaxes appliquées aux importations de véhicules électriques chinois.

Proposition n° 112 : Renforcer les surtaxes et droits de douane ciblés face aux pratiques commerciales déloyales ou de dumping de certains pays extra-européens.

Proposition n° 113 : Réformer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) en l’élargissant aux produits finis et semi-finis et en prenant en compte une valeur d’émissions de CO2 calculée selon l’intensité carbone du mix énergétique du pays producteur.

Proposition n° 114 : Répartir les recettes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) entre les États membres pour financer l’amélioration de leur compétitivité, notamment par la baisse des impôts de production.

Proposition n° 115 : Garantir la réciprocité dans les accords commerciaux de l’Union européenne avec la généralisation et le renforcement des clauses miroirs.

Proposition n° 116 : Alléger les contraintes réglementaires européennes pesant sur l’industrie, notamment celles qui découlent du Green Deal.

Proposition n° 117 : Systématiser les études d’impact « tests PME » et « tests compétitivité », pour évaluer ex ante l’effet réel des nouvelles normes fiscales et réglementaires européennes.

Proposition n° 118 : Défendre le nucléaire français à Bruxelles en exigeant qu’il soit traité de manière identique aux autres sources d’énergie décarbonée.

Proposition n° 119 : Favoriser le développement souverain de l’intelligence artificielle (IA) en créant un régime dérogatoire, strictement encadré et temporaire, garantissant l’anonymat des données privées.

Proposition n° 120 : Interdire l’utilisation de fonds européens pour financer les implantations industrielles issues de délocalisations internes au marché unique, dans le cadre du futur cadre financier pluriannuel européen 2028-2034.

Proposition n° 121 : Instaurer une préférence européenne dans la commande publique pour les secteurs stratégiques, tels que la défense et le nucléaire.

Proposition n° 122 : Renforcer la préférence européenne dans les programmes européens pour l’industrie de la défense (EDIP) en rehaussant le pourcentage minimal de composants européens dans les produits finaux et en imposant une stricte conception européenne.

Proposition n° 123 : Imposer les obligations de transparence de la CSRD aux entreprises extra-européennes qui veulent accéder aux marchés publics européens.

Proposition n° 124 : Promouvoir le programme Erasmus+ auprès des apprentis dans le secteur de l’industrie.

Proposition n° 125 : Organiser des assises européennes sur le financement de l’industrie, pour que les capitaux européens financent l’industrie des États membres.

Proposition n° 126 : Réformer le dispositif des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) pour favoriser l’émergence de champions européens sur la base d’alliances, notamment par l’élargissement des domaines éligibles, la limitation des obligations de diffusion de R&D et l’allègement des délais d’instruction.

Proposition n° 127 : Faire évoluer le contrôle européen des concentrations afin de permettre la constitution de champions industriels européens.

Proposition n° 128 : Assouplir les règles européennes encadrant les aides d’État destinées à moderniser l’industrie et à soutenir des secteurs stratégiques.

Proposition n° 129 : Développer des partenariats européens pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement stratégiques.

Proposition n° 130 : Renforcer la coopération des États européens pour assurer notre sécurité économique face aux acteurs tiers.

 


   Examen du rapport en commission

Au cours de sa réunion du 10 juillet 2025, la commission d’enquête procède, à huis clos, à l’examen du projet de rapport.

M. le président Charles Rodwell. Nous achevons aujourd’hui les travaux de la commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France. En application des termes de sa résolution constitutive, déposée par le groupe Rassemblement national, elle s’est donné trois principaux objectifs : analyser succinctement les raisons structurelles de la désindustrialisation des quatre dernières décennies ; établir les difficultés que rencontrent actuellement les acteurs industriels dans leurs activités existantes, leurs projets de développement et les créations d’entreprise ; élaborer des propositions concrètes pour lever les freins à la réindustrialisation de la France.

Le rapport qui va vous être présenté est le fruit de plus de quatre-vingt-treize heures d’auditions réalisées entre le 13 mars et le 13 juin 2025, pour un total de cinquante-quatre réunions qui nous auront permis d’entendre 147 personnes. Avant de donner la parole au rapporteur, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous pour la manière dont s’est déroulée cette commission d’enquête : elle a contrasté de manière saisissante avec les tribunaux révolutionnaires que tentent de créer d’autres groupes politiques de cette Assemblée et qui n’honorent pas nos institutions.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. Cette commission d’enquête, dont j’ai l’honneur d’avoir été le rapporteur, est née d’un constat simple mais implacable : la France s’est massivement désindustrialisée en l’espace de quelques décennies. Ce recul, que nous avons trop longtemps considéré comme inéluctable, a profondément affaibli notre économie, appauvri les Français, fracturé nos territoires et fragilisé notre souveraineté.

Le groupe Rassemblement national a pris l’initiative d’utiliser son droit de tirage pour lancer cette commission d’enquête, afin de sortir des constats passifs et, surtout, d’engager un travail de réflexion sur les solutions. Cette commission d’enquête a été l’occasion d’un travail collectif, pluraliste et rigoureux. Pendant trois mois, nous avons tenu cinquante-quatre auditions, multiplié les rendez-vous et reçu des dizaines de contributions écrites. Notre objectif n’était pas de dénoncer une fois de plus la désindustrialisation, mais de proposer une véritable stratégie de réindustrialisation pour notre pays.

En trente ans, plus de 2,5 millions d’emplois industriels ont été détruits et la part de l’industrie dans le PIB est passée de 17 % à 9 %, soit au même niveau qu’en Grèce. La succession de crises que nous avons connues a révélé nos dépendances et a donc conduit nos dirigeants à prendre conscience de la nécessité de réindustrialiser le pays. En 2023, le Président de la République a fixé l’objectif de réindustrialiser la France, en affichant une intention louable mais hélas difficilement atteignable : porter la part de l’industrie à 15 % du PIB.

Depuis une décennie, plusieurs mesures allant dans le bon sens ont été prises pour notre industrie : les plans France relance et France 2030 ; le sommet Choose France ; la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements pérennes de cotisations patronales ; la baisse de la fiscalité sur les entreprises. Toutefois, ces mesures sont d’autant plus insuffisantes qu’elles ont été accompagnées de décisions contraires aux intérêts de notre industrie : l’objectif – trop rigide – de zéro artificialisation nette (ZAN) ; l’interdiction de la vente des véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035 ; le manque de soutien à notre socle industriel de base que sont les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) ; l’inflation normative qui plombe la compétitivité et accroît la complexité administrative.

Ce bilan ambivalent a permis un léger rebond de notre industrie, avec la création nette de 130 000 emplois industriels. Hélas, en 2024, la désindustrialisation a bel et bien repris : 24 000 emplois industriels ont été supprimés ; notre déficit commercial s’est élevé à 81 milliards d’euros ; nous avons connu davantage de fermetures que d’ouvertures d’usines, une première depuis 2015.

L’industrie est un impératif économique, social, écologique, technologique et stratégique. Elle est la condition de notre prospérité, de notre indépendance et de notre puissance. La réindustrialisation est donc vitale. À l’issue de ces travaux, j’ai une conviction profonde : la France a tous les atouts nécessaires à sa réindustrialisation, encore faut-il lever les freins qui entravent leur mobilisation.

En s’appuyant sur le témoignage, l’expérience et l’expertise de 147 personnalités entendues au cours des cinquante-quatre auditions que nous avons menées, j’ai formulé 130 propositions dans ce rapport. Certaines requièrent des ajustements du cadre législatif, d’autres exigent une volonté politique puissante et le courage de défendre nos intérêts nationaux.

Mes principales propositions peuvent se décliner autour de dix freins majeurs à lever pour impulser une nouvelle dynamique industrielle dans notre pays.

Le premier frein identifié réside dans l’absence d’une stratégie industrielle, le manque d’un cap clair. Nous devons définir une stratégie industrielle nationale qui repose sur trois priorités : la puissance par le développement des innovations de rupture pour réussir dans la compétition mondiale ; l’indépendance par le développement de filières de substitution aux importations stratégiques et la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ; la modernisation de l’appareil productif en matière de décarbonation, de robotisation, de numérisation et de montée en compétences, afin de rattraper notre retard compétitif et de gagner en productivité. Le rapport recommande aussi l’élaboration d’une stratégie industrielle pluriannuelle, pilotée par un ministère de plein exercice regroupant industrie, énergie et formation aux métiers industriels, aux côtés des filières à travers le Conseil national de l’industrie (CNI). Nationalement, cette stratégie doit reposer sur le renforcement des contrats de filière. Localement, elle doit être déclinée en consolidant le rôle et les prérogatives des préfets.

Le deuxième frein tient à une image de l’industrie encore trop souvent dévalorisée, de manière injustifiée. L’industrie souffre malheureusement d’un déficit d’image auprès du grand public, notamment des jeunes. Elle renvoie trop souvent au XIXe siècle et à l’image de Germinal, alors qu’elle constitue un secteur décisif pour notre avenir, par exemple en termes d’emploi, d’innovations et d’écologie. Le rapport évoque de nombreuses propositions pour essayer d’inverser cette perception, en valorisant les métiers et les vertus de l’industrie, notamment à travers des campagnes de communication nationales, le développement du tourisme industriel, ou encore le renforcement du lien entre école et entreprise.

Le troisième frein s’explique par les carences de notre système de formation. Afin de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée et en nombre suffisant, je préconise de renforcer le système éducatif. Le rapport appelle à refonder le système de formation initiale par la modulation du collège avec des parcours différenciés et le renforcement de l’enseignement des sciences, notamment avec le rétablissement des mathématiques obligatoires au lycée. Il convient ensuite d’adapter la formation secondaire aux besoins économiques et des territoires. Sur le modèle existant dans le domaine de l’agriculture, je propose de confier au ministère de l’industrie la responsabilité des filières industrielles au sein des lycées professionnels. Je propose aussi de généraliser la présence des représentants d’entreprise dans les établissements, et de développer les écoles de production. Je pense aussi pertinent de donner la priorité aux filières industrielles dans le dispositif d’apprentissage et d’opérer une refonte de l’offre de formation de France Travail, de France Compétences et des opérateurs associés. Enfin, pour protéger les salariés des bouleversements numériques qui nous attendent, il m’apparaît nécessaire de mettre en place un droit à la formation continue technologique.

Le quatrième frein découle d’une compétitivité-prix fortement pénalisée par le coût de l’énergie, la fiscalité et l’empilement des normes. Les entreprises industrielles françaises font face à un environnement économique moins favorable que leurs concurrentes européennes. Le rapport appelle donc à refonder notre mix énergétique sur l’alliance du nucléaire et de l’hydraulique, avec un prix attractif et stable dans la durée, qui reflète autant que possible les coûts de production et de fourniture en France. Je demande aussi l’adoption d’une fiscalité de croissance, d’une part en renforçant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) européen pour que ses recettes puissent financer la baisse progressive des impôts de production en France, et, d’autre part, en allégeant la fiscalité sur le régime de transmission prévu par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dit « pacte Dutreil ». Enfin, nous devons engager un choc de simplification pour alléger la complexité administrative et le coût des normes, l’« impôt paperasse ». Cette ambition passe par un vaste chantier de simplification, par le refus d’appliquer en l’état la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite « CSRD » et la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, dite « CS3D » – qui insécurisent nos entreprises sur le plan juridique et plombent leur compétitivité. Elle passe aussi par la flexibilisation des contraintes relatives à l’interdiction de la vente des véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035, qui menacent notre industrie automobile et plus généralement l’ensemble des secteurs industriels français.

Le cinquième frein relève de contraintes réglementaires qui compliquent, voire bloquent, l’implantation industrielle. Le déploiement de nouveaux sites industriels est trop souvent entravé par la rareté du foncier disponible, notamment à cause de l’objectif de ZAN. À cet égard, vous pourrez lire dans le rapport le témoignage poignant du maire de Perpignan, Louis Aliot. Je recommande donc d’assouplir fortement les contraintes liées au ZAN. Des dérogations à certaines contraintes environnementales sont accordées aux projets reconnus d’intérêt national majeur, notamment depuis l’adoption de la loi de 2023 relative à l’industrie verte, ce qui est une bonne chose. Même les éoliennes bénéficient de telles dérogations. Je souhaite étendre ces dérogations pour raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) à l’ensemble des projets industriels créateurs d’emplois, à la condition exclusive qu’ils s’implantent sur une friche ou une plateforme industrielle. Cette mesure dérogatoire participerait de la non-artificialisation des sols puisque, par définition, les friches et les plateformes industrielles sont déjà artificialisées, tout en incitant les entreprises à s’installer en priorité dans les zones qui ont le plus subi la désindustrialisation.

Le sixième frein correspond à la négligence des politiques publiques à l’égard de notre socle industriel de base. Alors que les grandes entreprises captent une bonne partie des aides et de la visibilité médiatique, les PME et ETI, qui forment le cœur du tissu productif, sont trop souvent oubliées. À mes yeux, le futur plan national de soutien à l’industrie devrait reposer sur deux piliers : le soutien aux innovations et aux acteurs émergents par le biais d’un plan massif d’investissement succédant à France 2030 avec de nouvelles priorités, un accès simplifié et déconcentré ; le soutien à la modernisation de notre socle industriel de base, nos PME et ETI. Je propose un système unifié de crédits d’impôt, facilement accessible par déclaration fiscale et portant sur les investissements en décarbonation, robotisation et numérisation. Il s’agit de rattraper notre retard compétitif : nous avons deux fois moins de robots qu’en Allemagne et nos PME accusent un retard numérique de 5 points par rapport à la moyenne européenne.

Le septième frein provient d’une commande publique insuffisamment mobilisée pour soutenir la réindustrialisation. La commande publique représente un outil stratégique pour structurer les filières, soutenir l’innovation ou encore favoriser l’ancrage local des entreprises. C’est pourquoi je suggère de généraliser le recours aux centrales d’achat, comme en Italie ou en Allemagne. Cela permettrait de réaliser des économies pour le contribuable à travers des achats mutualisés et des économies d’échelle, tout en donnant de la visibilité aux carnets de commandes des entreprises. Le rapport appelle aussi à instaurer une clause de localisation dans les marchés publics et à réserver 2 % des achats courants de l’État aux innovations issues des PME industrielles.

Le huitième frein concerne la difficulté d’accès au financement pour notre industrie. Il m’apparaît indispensable de libérer les financements nécessaires à la réindustrialisation, en fléchant l’épargne des Français vers l’industrie et l’innovation, notamment sous forme de capital investissement dans les entreprises non cotées. Ce fléchage se ferait évidemment sur la base du volontariat et à travers la création d’un fonds souverain. La France dispose de plus de 6 000 milliards d’euros d’épargne financière, atout considérable mais sous-employé. Mobiliser seulement 0,3 % de l’épargne des Français chaque année, essentiellement par le biais du plan d’épargne retraite (PER) et de l’assurance vie, suffirait à répondre aux besoins de financement de l’industrie, estimés à 20 milliards d’euros supplémentaires chaque année, et de faire passer la part de l’industrie dans le PIB de 9 % à 15 % en dix ans. Il convient également d’assouplir les règles prudentielles qui freinent l’investissement à long terme dans l’économie productive et de donner de l’oxygène à bon nombre de nos entreprises en étalant les échéances de remboursement des prêts garantis par l’État (PGE).

Le neuvième frein s’explique par la faiblesse de nos politiques en faveur de l’exportation et de la sécurité économique. Afin de concilier l’ouverture et la sécurité de notre économie, je préconise de mieux structurer la politique publique, notamment en développant les réseaux privés d’entreprises françaises à l’exportation comme le fait l’Italie. Je propose également d’organiser la politique d’intelligence économique en créant un secrétariat d’État et une délégation parlementaire dédiés, ou encore en renforçant le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France (IEF).

Enfin, le dixième frein provient de la rigidité du cadre européen. Afin de faire de l’Europe un levier d’opportunités pour notre industrie, je propose d’agir en faveur du juste échange par un protectionnisme proportionné. Face à la guerre commerciale menée par les menaces américaines de tarifs douaniers et les productions chinoises en surcapacité, nous devons réagir. Le rapport préconise, par exemple, de réformer le MACF pour l’élargir aux produits transformés, ou encore de mettre fin aux négociations de la Commission européenne visant à lever les surtaxes sur les importations de véhicules électriques chinois. J’appelle ensuite à sortir de la naïveté européenne en stoppant l’inflation normative, en allégeant les réglementations découlant du Pacte vert pour l’Europe ou Green Deal et en renforçant la préférence européenne dans les marchés publics. Enfin, le rapport préconise des mesures pour renforcer nos partenariats européens et permettre l’émergence de champions nationaux et européens, par l’assouplissement des règles en matière de concentration et le renforcement des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) qui nécessitent d’être simplifiés et élargis à de nouveaux secteurs.

Voilà, mes chers collègues, l’essentiel des propositions contenues dans ce rapport. À ce stade, je tiens à saluer chaleureusement le travail du président de la commission d’enquête, Charles Rodwell, avec qui la collaboration a toujours été constructive, respectueuse et, j’ose le dire, fort conviviale, malgré nos divergences politiques assumées. Je remercie les députés qui ont activement pris part aux auditions et contribué, par leurs questions et réflexions, à la richesse des échanges. Je remercie aussi l’ensemble des personnes auditionnées, dont les témoignages et analyses ont constitué une source précieuse d’information et de réflexion tout au long des travaux.

Je tiens à exprimer mes plus sincères et vifs remerciements à l’équipe du secrétariat de la commission d’enquête. De même, je remercie les membres du secrétariat de la direction du contrôle et de l’évaluation, qui ont organisé nos auditions. Je salue plus généralement l’ensemble du personnel de l’Assemblée nationale, dont le remarquable professionnalisme et la disponibilité ont permis le bon déroulement de nos travaux. Enfin, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Aloïse Delizy, collaboratrice du groupe Rassemblement national, et à Rémy Berthonneau, mon collaborateur parlementaire, pour leur soutien si précieux durant les quatre mois de travaux intenses de cette commission d’enquête.

Je remercie enfin la présidente Marine Le Pen pour la confiance qu’elle m’a témoignée et qui m’honore, en me confiant la responsabilité d’être rapporteur de cette commission d’enquête, une mission que j’ai eu à cœur d’exercer avec passion, engagement et autant d’objectivité que faire se peut.

Je tiens à vous dire combien j’ai apprécié de participer à ce travail aux côtés du président Rodwell. Au-delà des propositions et des chiffres, cette commission d’enquête aura permis d’entendre la voix des industriels, des salariés, des élus locaux, des territoires, des fonctionnaires, c’est-à-dire de ceux qui tiennent encore, avec force et dévouement, le front de la production française. Ce rapport est une proposition de feuille de route. Il recommande des solutions concrètes, applicables et ambitieuses. Rappelons que le vote d’aujourd’hui porte sur l’adoption du rapport autant que sur sa publication : il ne s’agit pas de faire vôtres le constat et les recommandations du rapporteur.

Nos travaux se sont inscrits dans un impératif d’intérêt national, bien loin des tribunaux révolutionnaires que deviennent nombre de commissions d’enquête, comme vous l’avez fait observer, monsieur le président. Réindustrialiser la France n’est pas une option, c’est une urgence, un projet de cohésion, de puissance et de souveraineté. À l’issue de nos travaux, je veux vous redire ma conviction profonde que la France a tous les atouts pour redevenir une grande nation industrielle. Il nous faut désormais le courage de rompre avec les logiques économiques court-termistes, d’assumer une politique volontariste et de défendre résolument nos intérêts nationaux dans un monde de plus en plus brutal. Ce rapport appelle à un sursaut. À ceux qui doutent de notre capacité à redevenir une puissance industrielle, je réponds que le seul vrai frein est le renoncement.

M. le président Charles Rodwell. À mon tour, j’aimerais adresser mes remerciements aux personnels de l’Assemblée nationale qui nous ont accompagnés tout au long de cette mission. Je n’ai pas eu l’honneur ou la joie de rédiger le projet de rapport avec les administrateurs, mais j’ai vu à quel point chacun d’entre eux s’était investi dans l’organisation des auditions, ce dont je les remercie chaleureusement. Je remercie mon équipe, très impliquée pendant nos six mois de travaux. Je remercie tous les collègues parlementaires, quelle que soit leur étiquette politique, notamment vous, monsieur le rapporteur, cher Alexandre, pour l’excellente tenue de cette commission d’enquête qui a contrasté avec celles, malheureuses, que nous avons connues ces dernières semaines à l’Assemblée nationale. Nous en avions décidé ainsi lors de sa création et je suis heureux de constater que nous avons agi conformément à cette décision. Je remercie surtout tous les auditionnés qui ont fait le sel des propositions émises par le rapporteur et par moi-même dans mon avant-propos, contre-rapport que je publierai également. Je les remercie pour leur disponibilité malgré des agendas souvent très chargés, sachant que les administrateurs ont su faire preuve de souplesse et d’un grand sens de l’adaptation.

Cette commission d’enquête illustre à quel point on peut travailler sereinement à l’Assemblée nationale en exprimant des désaccords fondamentaux, ce qui est parfaitement légitime. Si je ne cosigne pas ce rapport, c’est pour des raisons de fond.

Première différence de fond : nous prônons la création d’un régime de retraite par capitalisation universel et obligatoire, qui serait précédé de régimes individuels plus étendus, comme l’a proposé Gabriel Attal, le président de notre groupe politique, il y a quelques semaines. Pour nous, il s’agit d’un enjeu vital pour nos retraites mais aussi pour le financement de notre économie, de nos industries, de l’innovation en France et en Europe. Tout en respectant l’opinion de chaque groupe, je regrette que nous ne puissions pas nous retrouver sur ce point.

Deuxième différence de fond : nous croyons en la force des alliances industrielles européennes et surtout des alliances financières européennes avec, notamment, la mise en œuvre de l’Union des marchés des capitaux entre les grands États et peuples européens. Pour notre formation politique, c’est une façon de résister à la confrontation entre deux hyperpuissances, les États-Unis et la Chine, dont la volonté commune est de broyer les économies de notre continent.

La troisième différence, et même divergence de fond, porte sur les réglementations extra-financières.

Respectueux de l’institution parlementaire, je ne m’opposerai pas à la publication de ce rapport que je ne cosigne pourtant pas. Je ne voterai pas contre l’adoption de ce rapport qui mérite d’être défendu par une force politique avec laquelle j’ai des désaccords fondamentaux.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Merci, monsieur le président, monsieur le rapporteur, pour vos propos et vos explications, relativement à des différences politiques importantes dont on ne sera pas surpris mais qui n’entachent pas la qualité du travail accompli. Repris par les médias, ce travail a d’ailleurs déjà porté ses fruits en provoquant des débats de fond salutaires dans le pays sur des sujets tels que la souveraineté nationale et européenne, qui concernent tous les territoires, toutes les Françaises et tous les Français.

Comme vous l’avez dit, monsieur le président, nous affrontons une concurrence internationale de plus en plus difficile, et même de plus en plus cruelle, en ce sens que les pratiques s’éloignent totalement de la loyauté, même de la forme hypocrite de loyauté qui a pu avoir cours par le passé. Tous les coups, y compris les pires, sont permis. Il est donc urgent de se réveiller.

Ce rapport n’est pas sans lien avec les discussions que nous avons sur des questions parallèles telles que la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). À cet égard, un consensus s’est établi : la France et notre continent doivent s’interroger sur la dérive inflationniste des coûts de l’énergie, qu’il s’agisse de l’électricité, du gaz sous toutes ces formes ou du pétrole dont nous aurons encore besoin dans les années à venir. Il n’est ni souhaitable ni soutenable de proposer comme seule perspective une augmentation des coûts de 50 % pour le fossile ou de 100 %, voire pire, pour l’électricité. Il est temps de réagir. Dans le rapport et les contributions du président, on trouve des réponses opposées. Quoi qu’il en soit, il faudra concevoir des solutions concrètes pour faire baisser la facture de l’énergie et permettre à notre continent de continuer à produire.

Quant à la notion d’impôt paperasse, je vois avec intérêt qu’elle commence à s’affiner, ce qui est très salutaire. Pendant longtemps, elle tenait plus du concept vaseux suscitant des commentaires de comptoir que d’une vraie estimation. Le rapport contribue à évaluer le poids réel du coût des normes, des règles et des réglementations diverses et variées, formelles et informelles, et à mettre en évidence les opportunités de s’en libérer.

Les groupes politiques membres du socle commun et le Rassemblement national parviennent parfois à tomber d’accord, comme nous l’avons vu sur l’agriculture, ce dont je me réjouis. Dans ce domaine-là aussi, on a entendu beaucoup de mensonges de la part de lobbys et de certains groupes politiques que je qualifierai de pourris gâtés. On peut se permettre de dire qu’il faut sacrifier l’agriculture et l’industrie et penser que demain sera forcément meilleur qu’hier quand on a toujours tout eu, que l’on n’a connu ni la faim ni la misère, que l’on vit dans une maison grande et chauffée, que l’on se classe parmi les gros bourgeois bien installés de tout acabit. En réalité, si aujourd’hui est meilleur qu’hier, c’est parce que des gens ont bossé et consenti des sacrifices. Tout ça n’est pas tombé tout cuit dans le bec de petits-bourgeois ou autres qui pensent qu’il suffit d’agiter le moulin à prières pour avoir son assiette et la buvette bien garnies, partir en vacances et pouvoir pleurnicher en brandissant des pancartes en polystyrène fabriqué en Chine.

En tout cas, les propositions du rapporteur sont très fournies. Je salue l’esprit républicain du président, tout en soulignant qu’il existe aussi des points d’accord. Pendant les dix-huit mois qui restent avant que les électeurs et les électrices ne retournent aux urnes, j’espère que des propositions de bon aloi et consensuelles pourront avoir un début d’application, sinon être appliquées. Je pense notamment à l’éducation, secteur où l’on est dans le temps long et qui peut susciter de grosses inquiétudes. C’est une chose de reconstruire des usines, de rebâtir des murs et des machines ; c’en est une autre d’avoir les qualités humaines et surtout les vocations.

J’ai beaucoup apprécié, monsieur le rapporteur, votre référence respectueuse au génie des mains, C’est une notion que nous défendons tous les deux depuis de très longues années, depuis l’époque où nous menions ensemble des combats avec des moyens politiques très modestes mais des convictions inchangées. On nous prenait parfois pour des fous malgré la pertinence de nos positions – tant pis pour l’autopromotion. La noblesse de la politique est d’arriver à défendre des idées jusqu’au bout. C’est une chose d’avoir des idéaux ; c’en est une autre de les transformer en un rapport constructif et utile. Je salue votre engagement, vos idées et votre pureté d’âme.

M. Sébastien Huyghe (EPR). Les travaux de cette commission d’enquête touchent à leur fin. Pendant plusieurs mois, nous avons entendu de nombreux acteurs de terrain – experts, syndicats, entrepreneurs, chefs d’entreprise : le volume et la diversité des auditions ont apporté un éclairage utile pour réfléchir à des mesures concrètes visant à soutenir notre politique industrielle.

Je tiens à saluer l’engagement du président Charles Rodwell, qui a su maintenir un esprit de travail exigeant malgré des divergences politiques profondes. Sur le fond, le groupe Ensemble pour la République ne partage pas tous les constats et orientations industrielles et économiques du rapporteur, nombre d’entre elles reflétant les positions idéologiques du Rassemblement national, notamment sur les enjeux européens et écologiques. Mais, comme le veut la tradition, il ne s’opposera pas à la publication du rapport.

Nous resterons pleinement engagés pour faire avancer une politique industrielle ambitieuse, moderne et ancrée dans les réalités économiques de notre pays, avec une volonté forte : bâtir « un alignement total et complet entre le pouvoir politique et les pouvoirs économiques » en France, pour reprendre les mots du président Rodwell. Des travaux de cette commission découlent une série de propositions, qui s’articulent autour de trois piliers : un choc social et fiscal pour les Français, un choc d’investissement pour nos entreprises – notamment nos PME –, un choc de liberté et de déréglementation pour notre pays.

M. le président Charles Rodwell. Je saisis cette occasion pour remercier vivement l’ensemble des députés du groupe Ensemble pour la République et du socle commun, qui ont beaucoup contribué à cette commission d’enquête à travers leur mobilisation et leurs propositions d’auditions, très fructueuses.

M. Pierre Cordier (DR). Ça a été un plaisir d’assister aux travaux de cette commission d’enquête – auxquels j’ai tenu à être aussi présent que possible bien que ça n’ait pas toujours été simple en termes d’organisation – et d’écouter toutes les personnes qui sont venues à notre rencontre, même si, comme je vous l’ai fait savoir, monsieur le président, je regrette que nous n’ayons pas entendu davantage d’acteurs de terrain – chefs d’entreprise de petites et moyennes industries (PMI), PME et ETI, représentants locaux de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), de mon département ou d’ailleurs, représentants locaux de syndicats, patronaux ou non – qui auraient pu témoigner de manière peut-être plus concrète et pragmatique des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien.

J’ai tenu à être membre de cette commission car je suis non seulement élu, mais aussi originaire d’un territoire très industriel – un des premiers de France, même si ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises lors des auditions. Il me plaît de me battre pour ces chefs d’entreprise qui connaissent tant de difficultés au quotidien. Je ne dis pas que les grands capitaines d’industrie ne sont pas connectés aux réalités – ils le sont, bien sûr –, mais entendre les chefs d’entreprise qui ont vingt ou trente employés, qui mettent tous les jours les mains dans le cambouis, qui portent les godasses de sécurité, aurait permis d’avoir une vision plus concrète de la réalité.

Votre rapport est très fourni, et je suis impatient de le lire en détail. Vous y abordez la question de la compétitivité – je n’y reviens pas –, et appelez à une nécessaire simplification. Je ne voudrais pas passer pour un vieux con mais, il y a encore quelques années, l’État était tout près des entreprises qui rencontraient des difficultés pour les aider ; aujourd’hui, les chefs d’entreprise ont du mal à trouver des interlocuteurs, même dans les territoires. Les collectivités locales, qui ont toujours plein d’idées, ont décidé de regrouper les services au sein d’un guichet unique partagé avec l’État, parce que les chefs d’entreprise ne savent plus vers qui se tourner – la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ? La direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddets) ? Les autres services de l’État ? Peut-être la région, compétente en matière économique ? Mais ça pourrait aussi être l’intercommunalité, puisque cette compétence est partagée : tout dépend du montant de l’investissement, de sa nature – matériel neuf ou d’occasion –, du financement – prêt à taux zéro, aides directes. Et si vous créez de l’emploi, ce n’est plus le même mec, il faut aller voir quelqu’un d’autre… C’est complexe, et les chefs d’entreprise ont autre chose à faire que d’aller se battre avec les administrations et les collectivités locales pour obtenir un coup de main, que ce soit pour investir ou pour mettre aux normes leurs bâtiments. Je regrette que cette dimension, qui est pourtant mon quotidien dans les Ardennes, n’ait pas été analysée dans le rapport, ni même évoquée lors des auditions.

Votre rapport aborde également la question de la formation et de l’attractivité des métiers. Les formations existent toujours, mais aujourd’hui, le mot « industrie » fait peur aux gamins, même chez moi. Peut-être faudra-t-il un jour le changer ? Personnellement, je ne le souhaite pas : non seulement nous y sommes très attachés mais, en plus, je ne vois pas par quel autre mot on pourrait le remplacer – on pourrait demander à une commission d’énarques, ils y réfléchiraient sans doute longuement.

L’attractivité est l’un des enjeux de la filière. Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, il n’y a pas que les fleurons de l’industrie française, même si je tiens à leur rendre hommage : l’industrie traditionnelle existe encore. Sans parler de Germinal, des ouvriers dont le bleu de travail tient tout seul dès le mardi midi, il y en a toujours dans les industries des Ardennes ou de la vallée de la Meuse, où certains, à la forge ou à l’estampage, sortent encore des lopins à 1 200 degrés, les façonnent, les posent sur une matrice graissée par un autre type qui se prend de l’huile partout, appuient sur une pédale…

Je vous vois réagir, monsieur Michoux : je vous invite à venir dans les Ardennes.

M. Éric Michoux (UDR). Je sais ce que c’est, je suis chef d’entreprise !

M. Pierre Cordier (DR). Ce n’est pas pour autant que vous connaissez mieux le boulot que moi ! Je ne fais que décrire l’industrie traditionnelle qui est encore largement répandue chez moi. La question est de savoir comment attirer les jeunes vers cette filière. Il n’y a pas que les métiers de la production – il y a aussi des gens qui font de la modélisation sur ordinateur dans de jolis bureaux d’études –, mais ils existent.

Quant aux propositions du président, je les trouve courageuses. La question qui se pose désormais est celle de leur traduction législative : un projet ou une proposition de loi unique ne suffira pas, car le sujet concerne plusieurs ministères et implique la remise en cause de nombreuses habitudes. Tout ne changera pas d’un claquement de doigts.

Au nom du groupe Droite républicaine, je voterai pour votre rapport.

M. le président Charles Rodwell. Je précise que nous avons sollicité les contributions de tous les acteurs qui nous ont été suggérés, à l’exception du contact transmis par M. Croizier, que j’ai omis de joindre – ce dont je tiens à m’excuser. Mais nous pourrons tout à fait lui demander une contribution après la fin des travaux.

Nous sommes également tout disposés à nous rendre où vous le souhaitez, en Seine-Maritime – je m’y rendrai dans quelques jours – ou dans les Ardennes. La porte de cette commission d’enquête a toujours été ouverte, et elle le restera après la fin de ses travaux.

M. Pierre Cordier (DR). Je vous ai fait des propositions, notamment en lien avec les représentants locaux de l’UIMM, auxquelles vous n’avez pas répondu.

M. le président Charles Rodwell. À ma connaissance, nous avons sollicité tous les acteurs qui nous ont été suggérés pour une audition, que ce soit devant la commission d’enquête ou lors d’un rendez-vous ad hoc – comme vous le savez, le calendrier des auditions plénières était contraint, ce qui nous a obligés à faire des choix.

M. Pierre Cordier (DR). Voilà.

M. le président Charles Rodwell. Nous avons reçu beaucoup de personnes en rendez-vous et notre porte, je le répète, est toujours ouverte.

M. Laurent Croizier (Dem). Je tiens en premier lieu à saluer la qualité et la sérénité des débats, ainsi qu’à remercier l’ensemble des intervenants, qui ont largement contribué à enrichir nos travaux. Cela ne vous surprendra pas, nous ne souscrivons pas à toutes les propositions du rapporteur. La réindustrialisation ne peut pas souffrir d’idéologies : loin de s’opposer à la transition environnementale, l’industrie en est même un des leviers. La réindustrialisation de la France n’est ni un slogan, ni une nostalgie : c’est un facteur de puissance, de souveraineté stratégique, de liberté aussi, car elle nous offre la capacité d’agir et de choisir notre avenir.

Comme les députés de départements industriels – dont je suis – le savent bien, l’industrie est créatrice de valeur : c’est elle qui présente la plus grande capacité d’innovation, c’est à elle qu’on doit les plus importantes hausses de productivité. En s’appuyant sur l’expertise des nombreuses petites et moyennes entreprises implantées au cœur de nos départements et de nos régions, elle permet à nos territoires de rayonner. À cet égard, je regrette moi aussi que nous n’ayons pas entendu davantage de dirigeants de petites et moyennes structures, qui forment une large partie de notre industrie et font tout le potentiel industriel de la France. Véritables fers de lance du fabriqué en France, elles se distinguent par un engagement social, territorial et environnemental, mais aussi un lien direct avec les élus locaux, qui sont des bâtisseurs de la réindustrialisation.

Les emplois industriels nécessitent des compétences spécialisées, des savoir-faire qui contribuent à élever les niveaux de qualification, donc de rémunération. Je suis très investi dans tous les sujets liés à l’éducation – je viens justement de terminer une mission flash sur l’évaluation de l’accompagnement des élèves à la découverte des métiers et à l’orientation : il est grand temps de faire de la voie professionnelle une orientation choisie. Trop souvent encore, la voie professionnelle et les métiers industriels sont associés à de mauvais résultats scolaires. Ce genre de choses ne devrait plus avoir cours, a fortiori dans les établissements scolaires.

La réindustrialisation est aussi une question de dynamique territoriale. L’industrie doit être envisagée comme un ensemble : il faut penser à la fois l’industrie de rupture et l’industrie de base, en lien avec les élus locaux.

Il reste cependant des freins à la réindustrialisation, personne ne peut le nier. Tout d’abord, à l’échelle internationale, la crise géopolitique actuelle, qui fragilise les approvisionnements, crée des incertitudes et fait exploser les prix de l’énergie, doit inciter la France et l’Europe à intensifier leurs investissements dans les secteurs clés. Dans ce contexte, le Rassemblement national prône le repli sur soi, mais l’industrie française ne pourra rien sans une stratégie européenne. On ne peut pas se permettre d’avoir vingt-sept plans de réindustrialisation ; ce serait se priver des capacités massives de l’Europe, qui nous offre un vaste espace d’échanges, d’investissements et de coopération technologique, et permet à nos entreprises d’avoir des chaînes de valeur intégrées, des normes communes et un accès privilégié à plus de 400 millions de consommateurs.

Face à la concurrence déloyale de la Chine et des États-Unis, il nous faut des politiques commerciales protectrices mais raisonnées et équilibrées, à la fois au niveau français et à l’échelle européenne. J’ai salué, en son temps, le rapport de Mario Draghi, qui appelait à juste titre à un choc d’investissement. Nous serions favorables au fait de conditionner les aides publiques à des clauses de localisation et l’accès au marché européen à des transferts de technologies, et d’imposer une réciprocité des normes quasi systématique.

À l’échelle nationale, la crise structurelle marquée par la double pénurie de foncier et de compétences, les difficultés d’accès aux financements, les complexités administratives et normatives, coûte cher à l’industrie française. Comme l’a affirmé le Premier ministre dès sa déclaration de politique générale, il est impératif d’opérer un choc massif de simplification, un changement de culture administrative – une révolution industrielle, en somme. Nous vivons dans un pays suradministré, surbureaucratisé : loin de soutenir la capacité à faire et la prise d’initiatives, c’est source de découragement et d’inefficacité. L’extension du pouvoir dérogatoire des préfets, annoncée il y a deux jours par le Premier ministre, devrait simplifier l’installation de nouvelles industries.

En conclusion, je ne crois pas en la décroissance mais en la valeur travail : il y va de l’avenir et de la prospérité de la France. Ne dénigrons pas systématiquement notre pays et ne le laissons pas être spectateur de la révolution industrielle du XXIe siècle : il a tous les atouts pour redevenir une grande nation industrielle, innovante, fière de ses territoires et de ses entreprises. J’espère que nos débats auront été à la hauteur du défi qui se dresse devant nous pour redonner à notre pays les moyens de sa souveraineté, de sa prospérité et de son rayonnement.

M. le président Charles Rodwell. Vos compétences en matière de formation et d’enseignement professionnel et la qualité de vos travaux sont unanimement reconnus.

M. Éric Michoux (UDR). Je tiens à vous remercier, monsieur le président, pour la bonne tenue des débats tout au long des travaux, et à remercier le rapporteur, mon ami Alexandre, pour son travail extraordinaire.

Permettez-moi de commencer par m’excuser auprès de Pierre Cordier si mes propos – ou mes non-propos – ont pu être blessants. J’ai commencé ma modeste carrière comme tourneur-fraiseur, après avoir obtenu mon certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au (collège d’enseignement technique (CET) de Sarcelles. Si j’ai depuis développé mon activité, je tiens à rassurer toutes les bonnes âmes qui pourraient penser que je suis riche : ce n’est pas le cas, tout l’argent que j’ai gagné a été réinvesti dans mes entreprises. Je serais ravi de venir dans les Ardennes, monsieur Cordier, mais les usines sont mon quotidien, je vais d’ailleurs y passer les deux prochains mois. Si j’ai réagi, c’est parce que l’industrie a beaucoup changé par rapport à ce que vous décrivez. À une époque, pour faire la promotion des métiers industriels, on montrait un jeune avec son tablier en cuir, sa casquette et sa torche, et on disait « Viens chez nous, tu verras comme c’est bien ! ». Mon fils est soudeur, comme l’était mon père, mais l’industrie, ce n’est pas que ça : c’est aussi beaucoup d’autres choses. Je m’excuse à nouveau si j’ai été blessant d’une quelconque manière, monsieur Cordier, ce n’était pas du tout mon intention.

Notre rapporteur a réalisé un travail extraordinaire. J’ai lu son rapport à la fois avec mes yeux d’homme politique – je le suis depuis peu, mais j’ai été maire pendant vingt ans –, et avec ceux de l’entrepreneur, chef d’une petite entreprise qui a ensuite grandi : il est d’une acuité incroyable et d’une richesse totale. Chacun y trouvera des réponses aux problèmes qui le concernent. J’ai apprécié la quasi-intégralité des 130 propositions du président, à l’exception peut-être de la cinquantième, qui propose de développer, entre autres, l’hydrogène vert. Ce rapport est extraordinaire, il va désormais falloir le faire vivre, lui donner une âme, une direction.

En dehors de quelques travaux extraordinaires comme ceux menés par cette commission, l’économie repose sur deux éléments principaux : la confiance et la connaissance de l’avantage concurrentiel.

Tout d’abord, il faut restaurer la confiance. Malheureusement, depuis de nombreuses années, la défiance domine. Or la défiance alimente la défiance et engendre le déclin. Cette défiance se traduit par de très nombreuses normes – pas moins de 400 000, soit quatre fois plus qu’en Allemagne –, donc par une augmentation incroyable du nombre de fonctionnaires. Elle se traduit aussi par des polices de toutes sortes – police des entreprises, police administrative, police fiscale – qui rappellent à l’envi que « nul n’est censé ignorer la loi » – c’est quand même extraordinaire –, renforçant la crainte permanente de faire une bêtise. Instaurer la confiance est très difficile, mais cela permet d’enclencher une dynamique économique vertueuse : le consommateur consomme, l’industriel investit.

Il est tout aussi important de connaître son avantage concurrentiel car, en toutes choses – dans le sport, en entreprise, en politique –, on n’avance que sur ses forces. Or quel est l’avantage concurrentiel de la France ? Hier, le Haut-Commissaire à la stratégie et au plan a expliqué – à juste titre – que décarbonation et réindustrialisation devaient aller de pair. Et je lui ai demandé s’il parlait bien de la réindustrialisation de la France. Prenons l’exemple des éoliennes, tout à fait caricatural – mais il en va de même des voitures électriques ou des composants électroniques : on investit des milliards et des milliards – on ne sait même pas combien exactement : dix ? Cent ? – pour importer des machines dont les écologistes ne veulent plus entendre parler au prétexte qu’elles tuent les oiseaux et défigurent les paysages – même la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a presque honte de voir l’installation d’éoliennes se profiler dans la baie de Morlaix. En réalité, nos investissements financent l’industrie chinoise et alimentent les fonds de pension américains qui créent de la richesse pour leurs retraités. Dès lors, quel lien entre décarbonation et réindustrialisation ? Il aurait mieux valu investir ces milliards dans le développement de notre industrie nucléaire, en particulier dans Superphénix, ce qui nous aurait permis ensuite d’exporter des centrales et de réinvestir l’argent dans le reste de notre industrie. Si j’ai 1 euro, je préfère l’investir dans la construction d’une usine en France plutôt qu’en Chine.

Il faut désormais que quelqu’un se saisisse de ce rapport pour le faire vivre. Peut-être, cher Alexandre, deviendras-tu un jour ministre chargé de l’industrie ? Je te le souhaite. Il faut des gens comme toi, des passionnés qui donnent de l’âme aux choses.

M. le président Charles Rodwell. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Thierry Tesson (RN). Je m’associe à tous les compliments. Hier, j’ai lu très attentivement cette excellente synthèse, que j’ai trouvée très documentée – c’est une somme à lire et à relire, qui fera date.

J’ai particulièrement apprécié les explications sur la disparition de notre industrie. Nous devons nous interroger en particulier sur l’impôt paperasse, qui semble avoir conduit à une sorte de suicide industriel : il y a eu un petit frémissement, il y a quelques années, mais les gains que nous avions alors obtenus ont été totalement annulés par la folie écologiste, comme les travaux de la commission le montrent bien.

En tant qu’ancien inspecteur d’académie, j’ai immédiatement consulté la partie du rapport consacrée à la formation. La formation professionnelle est un sujet très compliqué, autour duquel l’Éducation nationale tourne depuis de très nombreuses années. Une proposition, en particulier, me semble très intéressante : confier au ministère de l’industrie la responsabilité des filières industrielles au sein des lycées professionnels. Pour avoir passé presque cinquante ans dans l’éduc’, je sais combien on s’épuise parfois à chercher des solutions, en vain. Mieux vaut s’appuyer sur les compétences et obliger la structure à évoluer, les autres voies sont trop difficiles.

Conjuguées, ces 130 propositions sont sans nul doute un moyen de renouer avec l’industrie. N’oublions pas l’œuvre de la IIIe République et de la IVe République, qui, à partir de 1945, ont su remettre en route le pays, qui était alors au plus bas. Je suis persuadé que si on réussissait à appliquer l’ensemble de ces propositions, notre industrie serait non seulement sauvée, mais aussi dynamisée.

Mme Florence Goulet (RN). Je veux moi aussi remercier le président et le rapporteur pour l’excellent travail fourni et ce rapport ancré dans une vision gaulliste à laquelle je suis très attachée.

J’ai une pensée pour tous les salariés qui, malheureusement, subissent depuis des années les mauvais choix politiques des gouvernements successifs – j’en connais beaucoup dans ma circonscription –, ainsi que pour toutes les petites entreprises qui seraient heureuses de partager ce document. C’est aussi pour elles que nous nous devons de travailler à renforcer l’attractivité de notre ruralité.

J’espère que ces propositions seront bientôt appliquées – peut-être dès 2027 : notre candidate, Marine Le Pen, est prête à répondre aux attentes des salariés et des petites entreprises.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. Madame Goulet, vos propos sur la dimension gaullienne de mon rapport me vont droit au cœur. Je suis partisan de ce qu’on pourrait appeler une planification incitative ou un libéral-colbertisme : l’État fixe un cap, à charge pour les acteurs de l’industrie – ceux qui mettent les mains dans le cambouis ou portent les godasses de sécurité, selon l’expression de Pierre Cordier – de faire le reste. Nos industriels s’inscrivent dans le temps long, l’État doit les soutenir mais ce n’est évidemment pas lui qui produira et créera la richesse.

Monsieur Tesson, je suis ravi d’entendre que l’ancien professeur que vous êtes semble m’accorder une note au-dessus de la moyenne. Je vous remercie également pour votre appréciation sur le volet formation du rapport.

Monsieur Michoux, je vous remercie de m’avoir reconnu les qualités d’un être passionné qui donne de l’âme aux choses. La réindustrialisation est un combat qui mérite que l’on s’y engage corps et âme, à l’instar du combat politique. Votre témoignage d’homme politique et d’industriel légitime les travaux de la commission.

S’agissant de l’hydrogène vert, je reconnais avoir quelques réserves mais la solution mérite d’être explorée. J’invite néanmoins à nous concentrer sur l’hydrogène blanc dont le plus grand gisement au monde a été découvert à Folschviller, dans ma circonscription. J’espère de tout cœur voir ce gisement exploité.

Monsieur Croizier, je salue la sérénité et le caractère constructif de vos propos. Je souscris à l’ensemble de vos constats sur les freins à l’échelle nationale et européenne, à l’exception de celui sur l’absence de stratégie industrielle européenne unifiée. Le jour où une stratégie unique sera définie pour l’ensemble de l’Europe, l’industrie de base – il n’y a aucun mépris, ni aucune hiérarchie de ma part dans ce terme – partira vers des pays beaucoup plus compétitifs que le nôtre, en particulier ceux de l’Europe de l’Est. Je parle là des PME et des ETI de nos territoires, sur lesquelles reposent les deux tiers de notre potentiel de réindustrialisation. La France serait condamnée à se concentrer sur les innovations de rupture et les services, reproduisant ainsi l’une des erreurs qui est à l’origine de la désindustrialisation de ces dernières décennies : avoir négligé les industriels de base.

Mon second désaccord porte sur le repli que traduisent à vos yeux nos propositions et sur le risque que soient mis de côté les enjeux écologiques. J’ai la conviction que l’industrie est la solution aux défis écologiques du XXIe siècle. Je déplore à cet égard la victoire idéologique d’une certaine gauche, qui a trop souvent conquis le centre, voire la droite. D’une part, c’est au secteur de l’industrie que nous devons l’essentiel de l’innovation dans notre pays – les dépenses dans ce domaine y représentent deux tiers du total. Si l’on veut innover en matière écologique, il faut donc développer l’industrie. D’autre part, la moitié de l’empreinte carbone de la France provient de nos importations. Autrement dit, moins on relocalisera, moins on accompagnera la réindustrialisation de notre pays, plus on émettra de CO2.

Enfin, l’industrie peut aussi contribuer à relever certains défis environnementaux tels que la pollution plastique, qui touche les océans et les sols. Lorsque nous parviendrons à valoriser les déchets plastiques, la pollution sera moins importante.

Je vous remercie de vous abstenir sur le rapport afin de permettre son adoption.

M. Laurent Croizier (Dem). J’approuverai le rapport. Tout travail mérite publication, en dépit des désaccords éventuels.

M. Alexandre Loubet, rapporteur. Je vous en suis reconnaissant. Je ne manquerai pas de le souligner lors de la conférence de presse cet après-midi.

Monsieur Cordier, je partage votre constat sur le socle industriel de base. Vous le lirez dans le rapport, la négligence dont il a été l’objet est l’une des causes de la désindustrialisation à laquelle nous avons assisté. C’est l’une des raisons pour lesquelles je propose une solution assez ambitieuse, qui s’inspire de plusieurs modèles en France mais aussi en Italie, parmi lesquels, d’une certaine manière, le crédit d’impôt recherche. Notre plan massif de soutien à l’industrie serait fondé sur deux piliers : le premier, à l’instar de France 2030 – à condition de définir de nouvelles priorités et d’autres méthodes – aurait pour fonction de soutenir les investissements de rupture et les start-ups ; le second pilier serait un système de crédit d’impôt unifié : l’exemple italien le montre, cela permet à toute entreprise, même de petite ou moyenne taille, de demander un crédit d’impôt par le biais de la déclaration fiscale, au lieu de solliciter les conseils coûteux d’un cabinet et de perdre du temps à constituer des dossiers pour obtenir des subventions. Ce crédit d’impôt aurait vocation à financer des investissements destinés à moderniser l’appareil productif, à gagner en productivité et à rattraper notre retard compétitif dans trois domaines : la robotisation – nous disposons de deux fois moins de robots que l’Allemagne : dix-huit robots pour 1 000 salariés contre une quarantaine –, la numérisation – nous avons cinq points de retard par rapport à la moyenne européenne –, la décarbonation – c’est un enjeu vital et cela participe au rayonnement de nos valeurs. Je ne parle même pas de l’intelligence artificielle : nous ne mesurons pas encore les bouleversements qui en résulteront mais nous devons prendre le tournant dès maintenant.

Je vous remercie de voter en faveur d’adoption du rapport et sachez que M. Rodwell et moi-même nous rendrons avec plaisir dans les usines des Ardennes pour évoquer les propositions des uns et des autres.

Monsieur Tanguy – le meilleur pour la fin –, je n’ajouterai rien à vos brillants propos. Je suis touché que vous ayez contribué à nos travaux et que vous ayez fait référence au génie des mains. Je me souviens de ce tract que nous avions préparé ensemble en 2013 ou 2014, dans lequel vous mettiez déjà en avant la nécessité de valoriser le génie des mains, expression qui m’avait particulièrement séduite. Douze ans après, celle-ci reste d’actualité et nous rabâchons les mêmes idées. J’ose espérer que ce rapport démontre à quel point nous avons raison.

Je remercie les députés des groupes RN et UDR ainsi que l’ensemble des membres de la commission pour leur implication.

Enfin, monsieur le président, nous avons des désaccords, notamment sur les retraites, dont la réforme, outre qu’elle relève selon moi d’un choix de société, ne répondra pas aux besoins de financement de l’industrie.

Je me suis efforcé dans ce rapport de concilier, autant que faire se peut, les impératifs écologiques et la nécessité de réindustrialiser. Face aux tensions que connaît l’économie mondiale, nous avons un devoir de pragmatisme. Oui, nous devons tendre vers la décarbonation et vers des solutions écologiques pour lutter contre le réchauffement climatique, mais nous devons être pragmatiques.

Notre principal désaccord, qui concerne les instruments extra-financiers de l’Union européenne tels que la CSRD et la CS3D, persistera.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour la qualité et la sérénité des débats. Votre décision de vous abstenir sur l’adoption du rapport vous honore. Ce faisant, vous pérennisez la coutume républicaine et démocratique qui consiste à laisser l’opposition s’exprimer. Je ne manquerai pas de le souligner.

J’ai été ravi de travailler à vos côtés. Peut-être aurais-je un jour prochain le privilège de présider à mon tour une commission d’enquête dont vous seriez le rapporteur.

M. le président Charles Rodwell. Rendez-vous est pris.

La commission adopte le rapport.

M. le président Charles Rodwell. En application des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et du règlement de l’Assemblée, le rapport sera publié après un délai de cinq jours francs après l’annonce de son adoption au Journal officiel, soit le jeudi 17 juillet, sauf si l’Assemblée, saisie par un de nos collègues, débat et décide à huis clos de renoncer à cette publication. Avant cette date, il reste sous embargo et les exemplaires consultés devront être rendus.

Je vous rappelle qu’il vous est possible d’insérer une contribution écrite, individuelle ou collective, destinée à être annexée au rapport. Ces contributions devront être transmises au secrétariat de la commission d’enquête au plus tard le mercredi 16 juillet à midi.

*

*     *

 


   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE ET LIENS VERS LES COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Les comptes rendus des auditions sont consultables à l’adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-freins-reindustrialisation-france/documents?typeDocument=crc

Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique des réunions de la commission d’enquête.

Jeudi 13 mars 2025

– M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF (*) et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, et M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain (*), présidents de La Fabrique de l’Industrie, et de M. Vincent Charlet, délégué général

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

– M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, M. Cédric Audenis, commissaire général adjoint, M. Grégory Claeys, directeur du département économie, et M. Maxime Gérardin, chef de projet « Transition énergétique » au sein de France Stratégie

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

– M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, et de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

– Table ronde d’économistes, réunissant :

• M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School

• M. Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)

• M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

• M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

Jeudi 20 mars 2025

– Table ronde sur les politiques industrielles dans le monde, réunissant :

• M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers

• M. David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

– M. Didier Boulogne, directeur général délégué Export de Business France (*), Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest, et M. Guillaume Basset, adjoint à la directrice générale déléguée Invest au sein de Business France

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu

– Table ronde réunissant :

• Mme Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne (*)

• M. Dominique Calmels, cofondateur de l’Institut Sapiens

• M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242508_compte-rendu

– M. Florian Aragon, président-directeur général de Toyota France (*), M. Rodolphe Delaunay, président-directeur général du site Toyota Motor Manufacturing France (*), et Mme Sophie Glémet, responsable affaires gouvernementales et industrielles du bureau de Paris de Toyota Motor Europe (*)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242509_compte-rendu

Mercredi 26 mars 2025

– Mme Agnès BénassyQuéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, Mme Émilie Quema, directrice des entreprises à la Banque de France et de M. Gabriel Preguiça, chargé de mission

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

Jeudi 27 mars 2025

 Table ronde sur l’attractivité économique de la France, réunissant :

• M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting

• M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France

• M. David Cousquer, directeur de Trendeo

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

– M. Christophe Couesnon, président de Syensqo France et M. Geoffroy Sigrist, directeur des affaires gouvernementales et publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

– M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France (*) et M. Gabriel Collardey, chef de cabinet du directeur général et responsable des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

– Table ronde sur l’intelligence économique, réunissant :

• M. Bernard Carayon, maire de Lavaur, ancien député, auteur de rapports au Premier ministre sur l’intelligence économique

• M. Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique

• M. Christian Harbulot, directeur de l’école de guerre économique

• M. Frédéric Pierucci, ancien directeur des ventes et du marketing mondial chaudières d’Alstom (*), fondateur et président du cabinet Ikarian

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu

– Table ronde réunissant des acteurs publics en charge de la sécurité économique, réunissant :

• Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des affaires internationales, stratégiques et technologiques au sein du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

• Mme Sabine Lemoyne de Forges, sous-directrice de la politique commerciale et de l’investissement au sein de la direction générale du Trésor

• M. Thomas Ernoult, chef du bureau du contrôle des investissements étrangers en France au sein de la direction générale du Trésor et Mme Camille Brueder, adjointe au chef du bureau

• M. Joffrey Celestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques au sein de la direction générale des entreprises

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

Mercredi 2 avril 2025

– M. Xavier Jaravel, président délégué du Conseil d’analyse économique, professeur d’économie à la London School of Economics

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425015_compte-rendu

– M. Renaud Dutreil, ancien député, ancien secrétaire d’État puis ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, responsable du capital-investissement chez Mirabaud Asset Management

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425016_compte-rendu

Jeudi 3 avril 2025

– Table ronde relative aux Territoires d’industrie, réunissant :

• M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

• M. François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires

• Mme Audrey Le-Bars, présidente-directrice générale du GIP Chemparc, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes

• M. Dominique Mockly, président-directeur général de Teréga (*), référent industriel du Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

– M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France (*), et M. David Ester, vice-président « projets »

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

– Table ronde relative à la formation professionnelle pour l’industrie, réunissant :

• M. Aymeric Morin, directeur général adjoint en charge de l’offre de services de France Travail

• M. Hugues de Balathier, directeur général adjoint de France compétences

• M. Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, et Mme Stéphanie Lagalle-Baranès, directrice générale

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

Jeudi 10 avril 2025

– M. Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, vice-président du conseil départemental de Saône-et-Loire, président d’Intercommunalités de France, Mme Élodie Jacquier-Laforge, directrice générale d’Intercommunalités de France, et M. Lucas Chevrier, conseiller industrie d’Intercommunalités de France

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu

– M. Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef) (*), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

 Table ronde relative au foncier industriel, réunissant :

• M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, et M. François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement durable, chargés de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel

• M. Stéphane Raison, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation au sein d’EDF (*), ancien président d’Haropa Port et du Grand Port maritime de Dunkerque

• M. Christophe Simonnet, directeur général de Faubourg Promotion (groupe IDEC), et Mme Delphine Laffay, directrice générale adjointe de la société Faubourg Aménagement (groupe IDEC)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

– M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) (*)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

Lundi 14 avril 2025

– M. Olivier Andriès, directeur général de Safran (*), et Mme Suzanne Kucharekova, directrice des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

– M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation (*), président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) (*), accompagné de M. Bruno Giorgianni, directeur des affaires publiques et sûreté de Dassault Aviation, et de Mme Fanny Forest-Baccialone, directrice des relations extérieures de l’UIMM

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

– M. Yann Vincent, directeur général d’Automotive Cells Company (ACC) (*), M. Matthieu Hubert, secrétaire général, et Mme Natasha Castro Pouget, directrice des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425026_compte-rendu

Mardi 15 avril 2025

– M. Laurent Fiscus, préfet, directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, ancien sous-préfet chargé de mission pour la construction de l’usine Toyota

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425027_compte-rendu

– M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis (*), auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France »

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

– M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, accompagné de M. Vincent Moulin Wright, directeur général de France Industrie, et de Mme Murielle Jullien, directrice des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

– M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace (*), ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, accompagné de M. Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

Lundi 28 avril 2025

– Mme Bénédicte de Bonnechose, vice‑présidente exécutive du groupe Michelin (*), membre du comité exécutif, chargée des activités du groupe en Europe et du transport, et Mme Fabienne Goyeneche, directrice des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425031_compte-rendu

– M. Jean-Luc Béal, président-directeur général de Vencorex

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425032_compte-rendu

Lundi 5 mai 2025

 Table ronde réunissant des administrations et organismes publics chargés de l’instruction environnementale ou de la consultation publique des projets industriels :

• M. Marc Papinutti, président de la Commission nationale du débat public (CNDP)

• M. Laurent Michel, président de l’Autorité environnementale de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable

• M. Baptiste Perrissin-Fabert, directeur général délégué de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)

• M. Régis Passerieux, rapporteur au sein de la direction interministérielle de la transformation publique, ancien commissaire à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre auprès du préfet des Bouches-du-Rhône

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 Audition conjointe réunissant :

• M. Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley (*), et M. Alexandre Montay, délégué général du METI

• M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) (*)

• M. Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, et Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité de la CPME

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 M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus (*), et M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques France

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– Table ronde sur l’accès aux matières premières stratégiques pour l’industrie, réunissant :

• Mme Catherine Lagneau, présidente du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

• M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS)

• M. Philippe Varin, président de la Chambre de commerce internationale, ancien président du directoire du groupe PSA Peugeot Citroën (*), ancien président du conseil d’administration d’Areva, auteur du rapport « Sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales »

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Mercredi 7 mai 2025

– Table ronde consacrée aux enjeux de la filière automobile, réunissant :

• M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA) (*),

• M. Xavier Horent, délégué général de Mobilians (*), et Mme Dorothée Dayraut Jullian, directrice des affaires publiques et de la communication

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– Audition conjointe, réunissant :

• M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement (SGPI) chargé de France 2030, ancien député

• M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, et M. Xavier Raher, rapporteur général

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Jeudi 15 mai 2025

– Table ronde réunissant des représentants des organisations syndicales de salariés :

• Confédération française démocratique du travail (CFDT) : M. Marc Aubry, secrétaire national de la fédération générale des mines et de la métallurgie (CFDT-FGMM) en charge de la politique industrielle et de la RSE

• Confédération générale du travail (CGT) : Mme Virginie Neumayer, membre de la direction confédérale et Mme Clothilde Mathieu, conseillère confédérale industrie

• Confédération générale du travail – Force ouvrière (FO) : Mme Patricia Drevon, secrétaire confédérale en charge de l’organisation, des affaires juridiques et des outre-mer, et M. Valentin Rodriguez, secrétaire général de la fédération des métaux FO

• Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) : M. Bruno Azière, délégué national au sein du secteur transition économique, membre du comité exécutif du Conseil national de l’industrie, et M. Louis Delbos, chargé d’étude au sein du service économie et protection sociale

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– M. Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général du groupe STMicroelectronics (*), et Mme Frédérique Le Grevès, présidente de STMicroelectronics France

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– Table ronde des services déconcentrés impliqués dans l’instruction des projets industriels, réunissant :

• Mme Emmanuelle Gay, directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France, et M. Olivier Levillain, chef du service prévention des risques

• M. Marc Rohfritsch, directeur régional et interdépartemental par intérim de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d’Île-de-France, Mme Manon Nguyen Van Mai, cheffe du service économique de l’État en région (SEER) et Mme Léa Ben Cheikh, commissaire aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises au sein de la DRIEETS d’Île-de-France

• M. Marc Hoeltzel, directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est

• M. Jacques Bourgeaux, chef du service économique de l’État, chargé de mission économie et innovation au sein du secrétaire général pour les affaires régionales et européennes, et M. Philippe Nicolas, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, au sein de direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) du Grand Est

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– Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, présidente de Régions de France, accompagnée de M. Yoann Iacono, directeur général délégué Transformation économique, souveraineté, emplois et métiers de demain au sein du conseil régional d’Occitanie

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Jeudi 22 mai 2025

– M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député

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– M. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), et M. Maurice Georges, président du directoire du Grand port maritime de Dunkerque (GPMD)

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Mardi 27 mai 2025

– M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies (*)

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– Table ronde sur le financement privé de la réindustrialisation, réunissant :

• Mme Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF) (*), et de l'Association française des banques (AFB)

• M. Philippe Setbon, directeur général délégué de Natixis (*), président de l’Association française de la gestion financière (AFG) (*)

• M. Bertrand Rambaud, président de Siparex (*), président de France Invest (*)

• M. Yves Perrier, président du conseil d’administration du groupe Edmond de Rothschild, président d’honneur d’Amundi (*), président de l’Institut de la finance durable

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Mercredi 28 mai 2025

– M. Stéphane Bianchi, directeur général adjoint du groupe LVMH (*), M. Marc-Antoine Jamet, secrétaire général, et Mme Cécile Cabanis, directrice financière

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Mardi 3 juin 2025

– M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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Mercredi 4 juin 2025

– Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie

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Jeudi 5 juin 2025

– Table ronde réunissant des administrations publiques en charge de la politique industrielle :

• M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE)

• M. Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général des affaires européennes (SGAE)

• M. Guillaume Primot, secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI)

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– M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef) (*), président de Martin Belaysoud Expansion, Mme Elizabeth Vital Durand, responsable du pôle affaires publiques du Medef, et M. Jean-Baptiste Léger, responsable du pôle transition écologique du Medef

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Mercredi 11 juin 2025

– M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, ancien député

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Jeudi 12 juin 2025

– M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu

– M. Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ancien président de Thomson, France Télécom et Atos

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Vendredi 13 juin 2025

– Mme Audrey Duval, présidente de Sanofi France et vice-présidente exécutive, directrice affaires Corporate groupe de Sanofi (*), M. Philippe Charreau, directeur des affaires industrielles France, et Mme Isabelle Deschamps, directrice des affaires publiques France

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(*) Les représentants d’intérêts de ces organismes ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique https://www.hatvp.fr/le-repertoire/

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*     *

 


   Contributions Écrites reÇues

• Association française de normalisation (Afnor)

• Association française indépendante de l’électricité et du gaz (Afieg)

• Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT)

• Association des directeurs immobiliers (ADI)

• Comité Pauvreté et Politique

• Fédération des entreprises de la beauté (Fébea)

• Groupement des entreprises de la filière électronumérique française (Gimélec)

• La Coopération Agricole (LCA)

• Syndicat de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (SICOS)

• Syndicat des constructions métalliques de France

 

• CAF

• Compagnie Chargeurs Invest

• Océinde

• Prudentia Capital

• Roquette

• UPSA

 

• François Gerber, avocat

• Fanny Letier, co-fondatrice de GENEO Capital Entrepreneur

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*     *


   Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution des dÉputÉs membres
du groupe Ensemble pour la République

La commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France a vu le jour à l’initiative du groupe Rassemblement national, dans le cadre de leur droit de tirage parlementaire. Outre la maladresse dans le choix de l’intitulé de la commission et notamment du terme « établir », qui donne in fine la sensation que la commission d’enquête cherche à mettre en place des freins à la réindustrialisation en France, plutôt que de les identifier ou les lever, le groupe EPR relève que plusieurs rapports ont abordé le sujet de la réindustrialisation de la France ces dernières années. Ainsi, en 2021, un rapport d’Olivier Marleix et de Thierry Michels a traité de l’évaluation de la politique industrielle de la France ; en 2022, un rapport « Commerce extérieur : L'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises » des sénateurs Contat, Hingray et Segouin a largement abordé la question industrielle en France ; de même pour le rapport « pour un renouveau industriel français » de Guillaume Kasbarian et Gérard Leseul… Cette nouvelle commission n’a dès lors pas apporté de révélation majeure. Le groupe EPR déplore la multiplication de ces commissions d’enquête souvent redondantes par rapport à des travaux antérieurs, qui conduisent à emboliser les services de l’Assemblée nationale. 

Nous soulignons toutefois le sérieux du travail fourni dans le cadre de cette commission, qui a procédé à près d’une centaine d’heures d’auditions, ainsi qu’à la qualité de la Présidence de Charles Rodwell, qui, malgré de nombreux désaccords de fond avec le rapporteur, a garanti l’équité des débats. 

Au terme de quatre mois de travail, le rapporteur Alexandre Loubet a soumis son rapport aux membres de la commission d’enquête, qui se sont ensuite prononcés sur sa publication par un vote à huis-clos. Bien qu’il salue l’ampleur du travail fourni par le rapporteur, fidèlement traduit par le présent rapport de 430 pages et d’une tenue rédactionnelle irréprochable, le groupe EPR a fait le choix de s’abstenir quant à la publication de ce dernier. En effet, si les députés du groupe partagent certains constats réalisés par le rapporteur, ils considèrent que nombre des propositions et préconisations formulées par ce dernier sont irréalisables ou ne sont pas pertinentes.

  1.   De nombreuses préconisations du rapport sont irréalistes 

Nombre de préconisations du rapport d’Alexandre Loubet s’avèrent dans les faits impossibles à mettre en œuvre. 

Sans surprise, plusieurs propositions sont incompatibles avec le droit européen, notamment sur les marchés publics, sur l’énergie, et sur la règlementation extra-financière et environnementale des entreprises (CSRD, CS3D) que le rapporteur propose purement et simplement de ne pas appliquer. 

Par ailleurs, plusieurs propositions représentent un coût difficilement amortissable par les finances publiques de notre pays sans aucune piste de compensation financière, comme la proposition de convertir les PGE en fonds propres (cela reviendrait à transformer de la dette privée en dette publique, avec un coût de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour l’État). Couplée à d’autres mesures proposées par le rapporteur (nouveau plan massif d’investissement ; 3 % du PIB en R&D ; baisse de charges sociales), dont beaucoup ne sont d’ailleurs pas chiffrées, la mise en œuvre des recommandations du rapport pourrait représenter un montant de plus d’une centaine de milliards d’euros. 

  1.   Des propositions qui soulignent l’incohérence programmatique du Rassemblement National 

Le groupe EPR note également que plusieurs propositions du rapport sont incohérentes avec le programme du Rassemblement National. 

Ainsi, la proposition n°51 appelle à la fin des subventions publiques aux énergies intermittentes, alors que le programme du Rassemblement National, récemment confirmé par les prises de position du groupe lors de l’examen de la proposition de loi dite « Gremillet », prévoit un moratoire sur ces énergies. Ce revirement de position traduit certainement l’embarras du rapporteur à appeler ouvertement à la fin des énergies intermittentes dans un rapport qui appelle à l’indépendance énergétique de notre pays, alors même que toutes les analyses montrent qu’un moratoire sur le renouvelable aboutirait à une perte d’indépendance énergétique du pays à court et moyen terme, car la production issue des renouvelables devrait être compensée à due concurrence par l’importation d’électricité ou de gaz. Cela se traduirait également par une hausse à court et moyen terme du prix de l’électricité, puisque le coût complet de l’électricité issue du nouveau nucléaire à horizon 2050 est évaluée à 70 euros du MWh, contre moins de 40 MWh pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque, et des prix extrêmement volatils pour l’électricité issue des centrales à gaz, mais en tout état de cause largement supérieurs à ceux des énergies renouvelables précitées. Le groupe EPR se félicite néanmoins de voir évoluer la position du Rassemblement National au sujet des énergies renouvelables et espère que cette nouvelle orientation sera fidèlement traduite dans les votes de ce groupe lors de l’examen de la proposition de loi dite « Gremillet » en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. 

Le groupe EPR se félicite également de voir évoluer le Rassemblement National en ce qui concerne la coopération européenne pour la défense et l’industrie (cf. propositions nos 122 à 130), à rebours de ses prises de positions historiques. Ainsi, alors qu’il a été longtemps très critique vis-à-vis des PIIEC (projets importants d’intérêt européen commun), le Rassemblement National invite à travers ce rapport à élargir les domaines éligibles à ces derniers. D’autre part, alors que le programme de Marine Le Pen aux législatives de 2022 refusait toute mutualisation des investissements industriels au niveau européen, le présent rapport propose désormais d’organiser des assises européennes sur le financement de l’industrie. 

À titre subsidiaire, le groupe EPR considère qu’un des apports majeurs de cette commission d’enquête a été de confirmer – y compris dans la bouche du rapporteur RN – l’efficacité des politiques menées depuis 2017 en faveur de la réindustrialisation. 

Pendant 40 ans, la France a connu un déclin industriel : la part de l’industrie dans le PIB est passée de plus de 20 % à seulement 10 % en 2016. Depuis 2017, un tournant s’est opéré. Le plan France Relance, les baisses d’impôts de production, le soutien à l’apprentissage, les réformes du marché du travail et les investissements du programme France 2030 ont permis d’inverser la tendance. Pour la première fois depuis des décennies, la France crée plus d’usines qu’elle n’en ferme et se positionne comme le pays le plus attractif d’Europe pour les projets industriels. Dans ses propositions, le groupe RN valide en creux ces choix politiques, et appelle à prolonger et/ou à renforcer des dispositifs phares de la relance industrielle mis en place sous Emmanuel Macron, notamment la suppression des impôts de production, la prolongation du plan France 2030, et le renforcement du principe du « silence veut acceptation ». 

  1.   Le groupe EPR défend une stratégie de réindustrialisation reposant sur une politique assumée de l’offre 

Réindustrialiser notre pays suppose de restaurer la compétitivité des entreprises en réduisant leurs charges fiscales, en simplifiant les normes, et en leur garantissant un accès à une énergie stable et peu coûteuse. L’offre doit être renforcée avant de relancer durablement la demande et les créations d’emplois.

En ce sens, le groupe EPR soutient les mesures proposées par le Président de la commission d’enquête, Charles Rodwell, qui se déclinent autour de 2 grands axes : d’une part, faciliter l’investissement et renforcer la compétitivité des entreprises ; d’autres part, alléger les normes qui pèsent sur nos fleurons industriels. 

Détail des propositions du groupe Ensemble pour la République
en faveur de la réindustrialisation de la France 

I. Investissement et rentabilité des entreprises 

1.     Poursuivre la baisse massive du coût du travail

   Nouvelle baisse de 20 milliards d’euros des cotisations sociales patronales.

   Réallocation de 10 Mds € d’aides publiques et hausse modérée de la TVA (hors taux réduit) pour financer cette mesure.

2.     Baisser puis supprimer les impôts de production

   Reprise de la suppression de la CVAE, repoussée à 2030.

   Financement par renforcement du MACF (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières), qui taxerait davantage les importations polluantes.

   Possibilité de créer un MACF national si l’Europe bloque.

3.     Élargir le « Pacte Dutreil »

   Assouplir les conditions de transmission des PME industrielles (aux salariés, aux membres élargis de la famille, etc.).

   Tenir compte des investissements liés à la robotisation et à la numérisation dans les allégements fiscaux.

   Allonger la durée d’engagement contre une réduction fiscale plus importante.

4.     Créer un « Small Business Act à la Française »

   Réserver une part des marchés publics (jusqu'à 200 000 €) exclusivement aux PME.

   Modèles-types pour accompagner les collectivités dans leurs marchés durables.

   Préférence nationale et européenne renforcée dans les achats publics.

5.     Financer le réarmement industriel via un régime de retraite par capitalisation

   Création de fonds de pension nationaux pour investir dans les entreprises françaises.

   Introduction d’un pilier obligatoire de retraite par capitalisation, en complément de la répartition.

   Objectif : combler le retard de près de 20 000 Mds € vis-à-vis des États-Unis en matière de capitalisation.

6. Mobiliser la puissance financière de l’Europe

   Redirection des grands programmes européens (PIIEC, NextGenEU, BEI) vers le soutien industriel.

   Réforme des règles budgétaires pour libérer l’investissement productif.

II. Alléger les normes qui pèsent sur nos entreprises

Propositions principales (à l’échelle nationale et européenne) :

1.     À l’échelle nationale :

   Suppression ou simplification massive des normes.

   Accélération des procédures d’autorisation industrielle (urbanisme, environnement…).

   Déploiement d’un plan de déréglementation structurelle inspiré de la loi « ASAP ».

2.     À l’échelle européenne :

   Révision des règles de concurrence et de subventions.

   Révision du cadre d’aides d’État.

   Création d’un Buy European Act, miroir du Buy American Act.

Conclusion

La période ouverte depuis 2017 a été un véritable tournant après des décennies de désindustrialisation, avec une série de réformes structurelles et fiscales qui ont permis de renforcer la compétitivité des entreprises françaises : baisse de 52 milliards d’euros d’impôts (répartie entre ménages et entreprises), allègements massifs du coût du travail, soutien à l’investissement à travers les plans France Relance et France 2030, ou encore simplification réglementaire avec des lois comme ESSOC, PACTE et Industrie Verte. Ces mesures ont permis de créer 2,4 millions d’emplois, de faire reculer le chômage à un niveau historiquement bas (7,3 % fin 2024), et de faire de la France la première destination européenne pour les investissements industriels pour la sixième année consécutive.

Malgré la situation budgétaire tendue – marquée par un déficit élevé et une dette publique importante, le groupe EPR estime que toute remise en cause de la baisse d’impôt et de charges sociales mise en place depuis 2017 serait irresponsable. Nous appelons donc le gouvernement à ne pas céder aux injonctions des oppositions, qu’elles soient de droite ou de gauche, visant à remettre en cause ces politiques qui ont porté leurs fruits, et à maintenir le cap de la politique de l’offre engagée depuis 2017.

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Contribution de Julien Dive et de Pierre Cordier,
dÉputÉs membres du groupe Droite Républicaine

L’industrie française a connu un passé glorieux, mais son présent est préoccupant. Face à des indicateurs économiques en déclin, il devient crucial pour les responsables politiques de tracer une trajectoire positive et durable pour les cinq prochaines décennies. Le défi est immense, mais il est nécessaire pour garantir l'avenir de notre pays.

La réindustrialisation de la France n'est pas seulement une question économique : c'est une question de souveraineté nationale. Une industrie forte est la clé de notre indépendance. Il est impératif de rappeler qu'une nation indépendante ne peut exister sans une base industrielle solide.

La France demeure une puissance mondiale, mais ses indicateurs économiques montrent un recul manifeste par rapport à d’autres grandes nations. En cause, nos entreprises sont étouffées par la lourdeur des normes, de la fiscalité et de la réglementation. Ces obstacles freinent leur capacité à investir et à innover, ce qui nuit à notre compétitivité. Le législateur ne peut plus agir comme si toutes les entreprises étaient capables d’absorber indéfiniment l’inflation normative qu’il produit. Il est temps de repenser nos priorités et d’engager une politique qui soutienne l’investissement et favorise la création d’emplois.

Pour redonner à la France son dynamisme industriel, il est essentiel d’adopter une politique qui s’inscrive dans une vision à long terme. Une telle politique nécessite une révision complète de notre approche à travers une politique de l’offre ambitieuse. L’enjeu n’est plus de subventionner la consommation, mais bien de relancer résolument l’économie de production, de créer un environnement propice à l’innovation et de soutenir les secteurs industriels stratégiques pour l’avenir. 

Nous saluons les travaux de la commission d’enquête présidée par M. Rodwell et rapportée par M. Loubet, qui viennent compléter une littérature déjà fournie. En effet, de nombreux rapports ont été produits ces dernières années, venant du Parlement, des institutions publiques et même de la littérature scientifique, concernant la politique industrielle.

L’ancien député d’Eure-et-Loir et président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, a été un précurseur dans la réflexion sur la réindustrialisation de la France. En proposant un ensemble de mesures ambitieuses pour revitaliser notre industrie, il a ouvert la voie à une réflexion nationale nécessaire sur la protection de nos fleurons industriels et sur l'avenir de notre souveraineté économique. Son rapport d’information sur l’évaluation de la politique industrielle, ainsi que la commission d’enquête qu’il a présidée, ont permis de faire un état des lieux exhaustif afin de réindustrialiser notre pays.

Parmi les propositions novatrices émises, plusieurs ont été reprises par le rapporteur et visent à renforcer la gouvernance, assouplir la fiscalité, améliorer l’enseignement, favoriser les financements, et revoir la politique européenne.

Parmi les propositions nous pouvons citer notamment :

-          Restaurer un ministère de l’industrie de plein exercice ; préalablement, constituer une mission administrative de haut niveau chargée de réfléchir au périmètre de ce ministère, compte tenu des synergies avec différents secteurs de l’action de l’État, à la réorganisation des administrations centrales du ministère de l’économie et des finances – les moyens consacrés à l’expertise sectorielle sur l’industrie doivent être protégés – et aux moyens de renforcer les échanges entre ces administrations centrales, le Conseil national de l’industrie et ses filières.

-          Constituer un fonds souverain français, regroupant une large part des participations publiques françaises, qui pourrait se financer sur les marchés financiers, afin d’orienter massivement l’épargne des ménages vers les entreprises ;

-          Promouvoir une réforme de la politique européenne de la concurrence et des aides d’État, soucieuse de pragmatisme et de réciprocité ;

-          Évaluer systématiquement l’impact potentiel (ex ante) des décisions transversales de politique publique sur les entreprises industrielles et rendre publique cette évaluation, afin que cette dimension soit toujours prise en considération ;

-          Concevoir les politiques accompagnant la transition écologique en tenant systématiquement compte des enjeux industriels ;

-          Rendre obligatoires dans l’emploi du temps des élèves, dès le collège, les horaires dédiés à l’orientation et, avec le concours des régions et des industriels, multiplier, dans ce cadre, les visites d’entreprises et les interventions de professionnels ;

-          Amplifier et actualiser en permanence l’identification des positions effectives et potentielles de la France dans chaque technologie ou marché d’avenir, afin de pouvoir mieux cibler les soutiens publics ;

-          Renforcer les relations entre la recherche universitaire et les entreprises du secteur privé, en mettant l’accent sur les PME ;

-          Rendre plus attractifs les dispositifs fiscaux ;

-          Procéder à une revue générale des outils de politique commerciale européens, en particulier des instruments de défense commerciale (IDC), afin d’éliminer les « surtranspositions » de règles internationales qui créent des distorsions, les complexités procédurales inutiles et les risques pour la confidentialité des données transmises par les entreprises plaignantes, et améliorer l’accès des PME à ces procédures.

Redevenir une puissance productive exige de rompre avec les choix passés – hausse des charges, complexité normative, manque d’agilité dans la recherche publique – qui freinent notre compétitivité. Il est temps de bâtir un modèle fondé sur la production, l’innovation et l’emploi.

Outre les mesures évoquées précédemment, Nous appelons à un engagement public résolument tourné vers la défense de nos intérêts stratégiques. Face à l’idéologie de l’écologie punitive et de la décroissance, nous plaidons pour une réindustrialisation ambitieuse, articulée autour des axes suivants :

1. Une nouvelle vision stratégique pour l’industrie française : La réindustrialisation exige une transformation en profondeur de notre modèle économique. Il est temps de renouer avec une approche stratégique fondée sur la planification, la coordination et l’investissement de long terme. L’État doit redevenir un acteur structurant capable d’orchestrer les grands équilibres entre industrie, énergie, éducation et recherche.

À l’image de la Corée du Sud, qui a su devenir en quelques décennies une puissance technologique mondiale grâce à une planification rigoureuse, la France doit se doter d’un véritable ministère de l’Industrie, transversal, doté d’une vision claire et durable, et chargé de coordonner les politiques industrielles, énergétiques et scientifiques.

Pour redonner de la lisibilité à l’action publique, il est impératif de simplifier les structures administratives impliquées dans la réindustrialisation. L’empilement d’organismes, de guichets et de dispositifs nuit à l’efficacité, ralentit les décisions et décourage les porteurs de projets. Un pilotage unifié et une chaîne de décision claire sont indispensables pour mobiliser efficacement les ressources.

Les régions, quant à elles, doivent jouer un rôle moteur en structurant des écosystèmes industriels, en structurants des pôles de compétitivités par filières.

2. Assurer la sécurité énergétique comme fondement de la compétitivité : Le coût de l’énergie est un facteur décisif dans les choix de localisation industrielle. Il constitue un enjeu de compétitivité majeur pour nos entreprises et un levier stratégique pour notre souveraineté économique. La crise ukrainienne a brutalement révélé notre vulnérabilité énergétique. Mais cette force a été fragilisée par des années de choix politiques idéologiques, marqués par une défiance injustifiée envers le nucléaire et un manque d’investissements de long terme. Nous en payons aujourd’hui le prix : vétusté des installations, instabilité du mix énergétique, envolée des coûts pour les entreprises.

Les décideurs économiques sont unanimes : sans une énergie abondante et abordable, il ne peut y avoir de réindustrialisation durable. Il est donc urgent de restaurer notre indépendance énergétique à travers un plan de développement de nos centrales et de modernisation du parc existant. La souveraineté industrielle passe par la souveraineté énergétique.

3. Simplifier profondément les démarches administratives : Notre pays souffre d’une bureaucratie paralysante. Dans un contexte marqué par l’accélération technologique, notamment l’essor de l’intelligence artificielle, il n’est plus possible que la lourdeur administrative continue de freiner l’investissement et l’innovation. La lenteur des échanges entre les administrations françaises et européennes est elle-même un obstacle stratégique. Il faut aligner la vitesse de l’administration publique sur celle de l’économie.

4. Supprimer les normes qui entravent la réindustrialisation : L’accumulation de normes et de contraintes réglementaires asphyxie notre tissu industriel. Chaque nouvelle exigence, souvent déconnectée des réalités de terrain, alourdit les coûts, ralentit les projets et décourage l’investissement. Ce fardeau normatif nuit à l’innovation, pénalise nos PME et affaiblit notre compétitivité face à des concurrents moins contraints. Pour relancer l’industrie, il faut rompre avec cette logique technocratique et instaurer un véritable principe de sobriété réglementaire.

À l’image du « Test PME », il est indispensable de soumettre toute nouvelle norme à une évaluation préalable de son impact sur l’industrie. Aucune réglementation ne devrait être adoptée sans mesurer ses conséquences concrètes sur la compétitivité, l’emploi et l’investissement productif.

5. Repenser la soutenabilité de notre modèle social pour les entreprises et l’emploi : Notre système de prélèvements sociaux, tel qu’il est conçu aujourd’hui, pénalise la compétitivité et décourage l’embauche. Il est urgent de réexaminer la soutenabilité du modèle social, non pas pour l’affaiblir, mais pour le rendre compatible avec la création d’industries et d’emplois. Cela implique une réforme fiscale orientée vers l’innovation, l’investissement et l’emploi productif, sans report de charges sur les ménages ou les entreprises.

6. Former les compétences industrielles de demain : La réindustrialisation ne pourra réussir sans un effort massif de formation. Les pénuries de main-d’œuvre qualifiée dans des secteurs comme l’électronique, la robotique ou les technologies de l’énergie limitent notre potentiel.

La France doit donc réorienter son système éducatif en profondeur : renforcer les lycées professionnels, développer l’apprentissage, les formations courtes et adaptées aux besoins industriels, et rétablir les passerelles entre l’université, les écoles d’ingénieurs et le monde de l’entreprise.

Un plan national de compétences doit être lancé, avec des objectifs clairs par filière et par bassin d’emploi.

7. Faciliter l’accès au financement des projets industriels : Trop souvent, les projets industriels échouent faute de financement. Les banques restent trop frileuses face aux risques, en grande partie à cause des contraintes prudentielles renforcées par les réglementations internationales telles que Bâle III et Solvabilité II. Ces règles, conçues pour préserver la stabilité financière, ont néanmoins un effet pervers : elles limitent l’accès des entreprises industrielles au crédit. Il est urgent de réviser ces contraintes pour faciliter le financement de l’économie réelle.

Par ailleurs, il est essentiel de mieux mobiliser l’épargne des Français en la canalisant vers des investissements industriels porteurs d’avenir, afin de soutenir la réindustrialisation et renforcer notre souveraineté économique.

8. Supprimer le ZAN pour libérer le foncier industriel : La politique de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) illustre parfaitement ces normes qui entravent le développement industriel. En raréfiant le foncier disponible et en en faisant grimper les coûts, le ZAN freine l’implantation de nouveaux sites, notamment dans les territoires qui cherchent à attirer des projets productifs.

9. Attirer les investissements étrangers par une diplomatie économique active : La France doit devenir un terrain d’opportunité pour les investisseurs internationaux. En se positionnant comme un partenaire stratégique, notamment avec des pays comme l’Inde dans les domaines du numérique, la France peut capter des flux d’investissement majeurs.

10. Lutter contre les délocalisations aujourd’hui : Il est nécessaire de renforcer la loi Florange afin d’imposer des obligations plus strictes aux entreprises qui ferment un site rentable pour le délocaliser. Cela inclut un encadrement plus rigoureux des moyens qu’elles doivent mobiliser pour rembourser les aides publiques perçues et surtout pour assurer la revitalisation économique et sociale des territoires abandonnés.

*

*     *

 


   sigles et acronymes

AAP / AMI

appel à projets / appel à manifestation d’intérêt

ACC

Automotive Cells Company

ACPR

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Ademe

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

ADP

(Groupe) Aéroports de Paris

AE

Autorité environnementale

Afest

action de formation en situation de travail

AFPA

Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes

AGEC

loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

ANIA

Association nationale des industries alimentaires

ANR

Agence nationale de la recherche

Anssi

agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

APLD

activité partielle de longue durée

APP

Asset Purchase Programme – Programme d’achats d’actifs

Arenh

Accès régulé à l’électricité nucléaire historique

ASPI

Australian Strategic Policy Institute

Astrid

Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – Réacteur rapide refroidi au sodium

ATB

Aéroport de Toulouse-Blagnac

Bac Pro

baccalauréat professionnel

BCE

Banque centrale européenne

BEGES

bilan des émissions de gaz à effet de serre

BEP

brevet d’études professionnelles

BPIFrance

Banque publique d’investissement

BRGM

Bureau de recherches géologiques et minières

BTS

brevet de technicien supérieur

BYD

Build Your Dreams

CAC 40

cotations assistées en continu (40 valeurs)

CAE

Conseil d’analyse économique

Cafe

Corporate Average Fuel Economy ou règlement 2019/631/UE du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs et abrogeant les règlements (CE) n° 443/2009 et (UE) n° 510/2011

CAP

certificat d’aptitude professionnelle

Capex

capital expenditures ou dépenses d’investissement capitalisées au bilan d’une entreprise

CAPN

contrats d’allocation de la production nucléaire

CATL

Contemporary Amperex Technology Co. Limited

CBAM/MACF

Carbon Border Adjustment Mechanism – mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

CCI

chambre de commerce et d’industrie

CDC

Caisse des dépôts et consignations

CDD

contrat de travail à durée déterminée

CDEFI

conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs

CDI

contrat de travail à durée indéterminée

CE

Commission européenne

CEA

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

CEPII

Centre d’études prospectives et d’informations internationales

Cerege

Centre de recherche en gestion

Cerema

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

CERN

Conseil européen pour la recherche nucléaire

CFA

centre de formation d’apprentis

CFD

contrat pour différence

CFDT

Confédération française démocratique du travail

CFE

contribution foncière des entreprises

CFE-CGC

Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres

CGE

Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies

CICE

crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

CIF

congé individuel de formation

Ciief

Comité interministériel des investissements étrangers en France

CIR

crédit d’impôt recherche

Cnam

Conservatoire national des arts et métiers

CNDP

Commission nationale du débat public

Cnepi

Commission nationale d’évaluation des politiques de l’innovation

CNI

Conseil national de l’industrie

CNR

Compagnie nationale du Rhône

CO2

dioxyde de carbone

Coderst

Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques

CPA

classe préparatoire à l’apprentissage

CPF

compte personnel de formation

CPME

Confédération des petites et moyennes entreprises

CRD

Capital Requirements Directive – directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE

CRD6

Capital Requirements Delegation 6 – directive 2024/1619/UE du 31 mai 2024 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance

CRE

Commission de régulation de l’énergie

Crefop

Comités régionaux de l’emploi et de la formation

CRMA

Cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques

CRR3

Capital Requirement Regulation 3 – règlement 2024/1623/UE du 31 mai 2024 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne les exigences pour risque de crédit, risque d’ajustement de l’évaluation de crédit, risque opérationnel et risque de marché et le plancher de fonds propres

CS3D

Corporate Sustainability Due Diligence Directive – directive 2024/1760/UE du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859

CSF

comité stratégique de filière

CSFN

comité stratégique de la filière nucléaire

CSIA

Comité de surveillance des investissements d’avenir

CSIS

Conseil stratégique des industries de santé

CSRD

Corporate Sustainability Reporting Directive – directive 2022/2464/UE du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) no 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises

CVAE

cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

C3S

contribution sociale de solidarité des sociétés

Datar

Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale

Ddadue

loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes

Dgaln

direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

DGE

direction générale des entreprises

Dgitm

direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités

DGSE

direction générale de la sécurité extérieure

DGSI

direction générale de la sécurité intérieure

DIAMMS

délégué interministériel à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux stratégiques

DIRD(E)

dépenses intérieures de recherche et développement (des entreprises)

Direccte

direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

Dnred

direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

Dreal

direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

Dreets

directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités

Drieat

direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports

EADS

European Aeronautic Defence and Space company

EAR

Export Administration Regulations – réglementation américaine sur l’administration des exportations

EDF

Électricité de France

EDIP

European Defence Industry Programme – Programme européen pour l’industrie de la défense

EDIS

European Defence Industrial strategy – stratégie européenne industrielle de défense

EI

Entreprise individuelle

EMA

European Medicines Agency – Agence européenne des médicaments

ENAF

espaces naturels, agricoles et forestiers

EPCI

établissement public de coopération intercommunale

EPR2

European Pressurized Reactor – réacteur pressurisé européen

ESG

(critères) environnementaux, sociaux et de gouvernance

ETF

Exchange-Traded Fund – fonds négocié en bourse

ETI

entreprises de taille intermédiaire

ETP

équivalent temps plein

Feder

Fonds européen de développement régional

Fefis

Fédération française des industries de santé

FNE

Fonds national de l’emploi

FO

Force ouvrière

FSE

Fonds social européen

FSIE

fonds structurels et d’investissement européens

GATT

General Agreement on Tariffs and Trade – Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce conclu en 1947

GDF

Gaz de France

GE

grandes entreprises

GIFAS

Groupe des équipementiers aéronautiques, de défense et spatiaux

GIFEN

Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire

GIP

groupement d’intérêt public

GNR

gazole non routier

GPECT

gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

GPMD

Grand port maritime de Dunkerque

GTT

Gastransport&Technigaz

Hceres

Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

HT

hors taxe

IA

intelligence artificielle

ICPE

installation classée pour la protection de l’environnement

IDE

investissements directs étrangers

IEF

investissements étrangers en France

IESF

Fédération ingénieurs et scientifiques de France

iFRAP

Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques

IGF

Inspection générale des finances

IMD

International Institute for Management Development

Insee

Institut national de la statistique et des études économiques

IPP

Institut des politiques publiques

IRA

Inflation Reduction Act, H.R.5376 – loi américaine sur la réduction de l’inflation de 2022

IS

impôt sur les sociétés

ISI

programme Innovation stratégique industrielle

ISO

International Organization for Standardization – organisation internationale de normalisation

ITAR

International Traffic in Arms –Réglementation américaine sur le trafic d’armes au niveau international

LFP

Batteries Lithium fer Phosphate

LTECV

loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

LVMH

Louis Vuitton-Moët-Hennessy

Medef

Mouvement des entreprises de France

METI

Mouvement des entreprises de taille intermédiaire

MIT

Massachusetts Institute of Technology

NIS2/SRI2

Network and Information Security Directive 2 – directive 2022-2555 du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148, dite « SRI 2 »

NOTRe

loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

NZIA

Net-Zero Industry Act – règlement 2024/1735/UE du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » et modifiant le règlement (UE) 2018/1724

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OECP

Observatoire économique de la commande publique

OFB

Office français de la biodiversité

OFCE

Observatoire français des conjonctures économiques

OFREMI

Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles

OMC

Organisation mondiale du commerce

OPA

offre publique d’achat

OPC(VM)

organisme de placement collectif (en valeurs mobilières)

Opco 2i

Opérateur de compétences interindustriel

Pacte

loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 portant sur le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises

PDG

président directeur général

PEAC

plan d’épargne avenir-climat

PENE

projet d’envergure nationale ou européenne

PER

plan épargne retraite

PEG

prêt garanti par l’État

PFA

Plateforme de la filière automobile

PFAS

(substance) perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées

PIA

Programme d’investissement d’avenir

PIAVE

projets industriels d’avenir

PIB

produit intérieur brut

PIIEC

Projet important d’intérêt européen commun

PINM

projet d’intérêt national majeur

PLACE

Plateforme des achats de l’État

PLF

projet de loi de finances

PME

petites et moyennes entreprises

PNF

Parquet national financier

POEI

préparation opérationnelle à l’emploi individuelle

PPA

Power Purchase Agreement

PPE

programmation pluriannuelle de l’énergie

PPP

Paycheck Protection Program lancé par le biais de la Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act, S.3548 - CARES Act

PPRT

plan de prévention des risques technologiques

PPST

protection du potentiel scientifique et technique de la nation

PRF

plan régional de formation

PIR

Piani Individuali di Risparmio – plan individuel d’épargne italien

PRR

projet à régime restrictif

PSA

Peugeot Société Anonyme

PTP

projet de transition professionnelle

QE

quantitative easing

R&D

recherche et développement

REC

directive 202/2557/UE du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques et abrogeant la directive 2008/114/CE du Conseil

REP

responsabilité élargie du producteur

Resah

Réseau des acheteurs hospitaliers

RGEC

Règlement général d’exemption par catégorie ou Règlement n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 107 et 108 du Traité

RGPD

règlement général sur la protection des données ou règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données

R&I

recherche et investissement

RIIPM

raison impérative d’intérêt public majeur

RSE

responsabilité sociétale des entreprises

RTE

Réseau de transport d’électricité

SARL

société à responsabilité limitée

SAS

société par actions simplifiée

SBIR

Small Business Innovation Research – programme américain de développement de l’innovation dans les petites et moyennes entreprises

Scic

société coopérative d’intérêt collectif

Scop

société coopérative de production

Sdage

schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux

Seer

service économique de l’État en région

SEQE/ETS

système d’échange des quotas d’émissions ou Emissions Trading Schemes

SFEN

Société française d’énergie nucléaire

SGDSN

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

SGPI

Secrétariat général pour l’Investissement

Shem

Société hydroélectrique du Midi

Sisse

Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques

Sraddet

schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Srdeii

schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

STEP

station de transfert d’énergie par pompage

STIM

(filières) sciences, technologie, ingénierie et mathématiques

TF

taxe foncière

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TGAP

taxe générale pour les activités polluantes

TGV

train à grande vitesse

TI

territoires d’industrie

Ticfe

taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité

Ticpe

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

Timss

Trends in International Mathematics and Science Study – Enquête sur les tendances dans l’étude des mathématiques et des sciences

TMMF

Toyota Motor Manufacturing France

TPE

très petites entreprises

TRVe

tarif réglementé de vente d’électricité

TRW

Thomson Ramo Wooldridge

TSCG

Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ou « pacte budgétaire », adopté le 2 mars 2012

TSMC

Taiwan Semiconductor Manufacturing Company

TTC

toutes taxes comprises

Turpe

tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité

TVA

taxe sur la valeur ajoutée

UE

Union européenne

UEI

Union de l’épargne et de l’investissement

UFE

Union française de l’électricité

Ugap

Union des groupements d’achats publics

UIMM

Union des industries et des métiers de la métallurgie

UMC

Union des marchés de capitaux

UMN

Université des métiers du nucléaire

Uniden

Union des industries utilisatrices d’énergie

Uniha

Union des hôpitaux pour les achats

U2P

Union des entreprises de proximité

VA

valeur ajoutée

ZAC

zone d’aménagement concerté

ZAN

(objectif) de zéro artificialisation nette, issu de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

ZRR

zone à régime restrictif

*

*     *

 


([1]) Rapport sur la proposition de résolution de M. Alexandre Loubet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France (787 rectifié), n° 1006, déposé le jeudi 20 février 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-eco/l17b1006_rapport-fond

([2]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

([3]) 1,7 millions d’emplois salariés (Insee, avril 2025) si l’on exclut l’emploi non-salarié (micro-entrepreneurs, professions libérales, commerçants).

([4]) Baromètre EY de l’attractivité de la France 2025

([5]) Le rapport de Charles Rodwell « Pour une politique d’attractivité d’attaque au service de l’indépendance et de la sécurité économiques de la France », dont les conclusions ont été présentées à Elisabeth Borne et à Bruno Le Maire en décembre 2023  https://charlesrodwell.fr/wp-content/uploads/2023/12/RAPPORT-CR_2023

([6]) Selon Rexecode, sur la base des données Eurostat : Les coûts de la main-d’œuvre dans l’Union européenne au 4ème trimestre 2024, avril 2025

([7]) La majorité des pays de l’Union européenne ont un taux normal de TVA plus élevé que la France (20 %) : 21,5 % en moyenne dans l’UE, 25 % en Suède et au Danemark et jusqu’à 27 % en Hongrie. Par ailleurs, selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA publié en février 2023, le taux effectif moyen de la TVA (produit de la TVA rapporté aux emplois taxables) est en France (9,7 % en 2019) parmi les plus faibles de l’Union européenne.

([8]) Afin de limiter la complexité du dispositif, le MACF s’appliquera, dans un premier temps, uniquement à certaines marchandises dites « simples » fortement exposées au risque de fuite de carbone : acier, ciment aluminium engrais azotés hydrogène importations d’électricité. Selon la Commission européenne, ces secteurs représentent en cumulé environ la moitié des émissions industrielles dans l’UE.

([9]) Dans le détail, la proposition de la Commission européenne visant à simplifier et à renforcer le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ayant fait l’objet d’un accord politique entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE le 18 juin 2025 prévoit l’établissement d’un nouveau seuil d’exemption de 50 tonnes pour les marchandises couvertes par le MACF. Ainsi les entreprises qui ne dépassent pas un seuil unique fondé sur la masse fixé à 50 tonnes de marchandises importées par importateur et par an sont exemptées des obligations MACF. La mesure proposée s’appliquera donc principalement aux PME et aux particuliers, qui importent des quantités faibles ou négligeables de marchandises couvertes par le règlement MACF.

([10]) Institute for Climate Economics (I4CE), Les Comptes Mondiaux du Carbone, édition 2025 : Les instruments de tarification du carbone et le potentiel sous-exploité des revenus du carbone, juin 2025.

([11]) Selon le METI, environ 10 % des cessions étaient des transmissions familiales en France en 2022, ce chiffre monte à 15-20 % pour les PME-ETI (contre 56 % en Allemagne, 70 % en Italie, 83 % en Suède).

([12]) Direction générale des entreprises, « La numérisation des entreprises industrielles en France : un soutien à la demande et à l’offre de solutions technologiques », Les Thémas de la DGE, novembre 2024.

([13]) Rapport annuel de la Fédération Internationale de la Robotique 2024.

([14]) Données issues de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP), de la Commission européenne et de l’OCDE.

([15]) En dernier lieu, on peut notamment citer le décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique qui a relevé à 20% (contre 10% précédemment) la part minimale que le titulaire du contrat public s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dans le cadre des marchés globaux, des marchés de partenariat et des contrats de concession.

([16]) Données issues de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP)

([17]) En 2021, la part des marchés comportant des clauses environnementales était de 18,7 % et de 13 % pour les marchés comportant des clauses sociales (données OECP). Ces parts d’achats durables dans les marchés ont augmenté en 2022, passant à 29,2 % pour les clauses environnementales et 22,3 % pour les clauses sociales. À l’horizon 2026, l’objectif est fixé d’atteindre 100 % des contrats de la commande publique comportent des considérations environnementales, 30 % des considérations sociales.

([18]) Le rapport de Charles Rodwell « Pour une politique d’attractivité d’attaque au service de l’indépendance et de la sécurité économiques de la France », dont les conclusions ont été présentées à Elisabeth Borne et à Bruno Le Maire en décembre 2023 : https://charlesrodwell.fr/wp-content/uploads/2023/12/RAPPORT-CR_2023

([19]) Cécile Philippe et Nicolas Marques, Relancer l’innovation en Europe en développant l’épargne et les capitaux longs : combler plus de 19 000 milliards d’euros de déficits de capitalisation boursière et d’épargne retraite dans l’Union européenne, Institut économique Molinari, mai 2025.

([20]) Mario Draghi, Le futur de la compétitivité européenne : une stratégie de compétitivité pour l’Europe, rapport présenté le 9 septembre 2024

([21]) Les produits labellisés « Finance Europe » – qu’il s’agisse de produits d’épargne existants ou nouvellement créés – devront répondre à trois critères cumulatifs :

   – Une allocation majoritairement orientée vers les entreprises européennes (au moins 70 % des actifs du portefeuille) ;

   – Une conception du produit comportant une incitation à la détention de long-terme, avec, par exemple, une durée minimale d’investissement de cinq ans ;

   – Une part substantielle de fonds propres, sans garantie en capital, pour favoriser l’investissement productif contribuant à la croissance de l’économie.

([22]) Développer les marchés de capitaux européens pour financer l’avenir : propositions pour une union de l’épargne et de l’investissement, rapport de la mission présidée par Christian Noyer remis à Bruno Le Maire, avril 2024

([23]) La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises, rapport d’information de la délégation des entreprises du Sénat, 15 juin 2023

([24]) Voir notamment le rapport de Charles Rodwell « Pour une politique d’attractivité d’attaque au service de l’indépendance et de la sécurité économiques de la France », dont les conclusions ont été présentées à Elisabeth Borne et à Bruno Le Maire en décembre 2023

([25]) Rapport de Laurent Guillot « Simplifier et accélérer les implantations économiques en France », remis au gouvernement en mars 2022

([26]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

([27]) Proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires adopté par le Sénat le 10 juin 2025

([28]) Créé par la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et son décret d’application en date du 26 juin 2018

([29]) Charles de Gaulle, Allocution radiodiffusée et télévisée sur l’évolution vers l’indépendance des territoires d’outre-mer, 14 juin 1960 https://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00125/discours-du-14-juin-1960-du-general-de-gaulle-sur-l-evolution-vers-l-independance-des-tom.html

([30]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « définitions méthodes et qualité », https://www.insee.fr/fr/statistiques/4987235

([31]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([32]) Ibid.

([33]) Matthias Kipping, « Première partie. La reconstruction économique de la France dans le contexte européen », La France et les origines de l’Union européenne, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2002, https://doi.org/10.4000/books.igpde.3536.

([34]) Andrieu et al. (éd.), Les nationalisations, p. 254. Cité dans Kipping, Matthias. « Première partie. La reconstruction économique de la France dans le contexte européen ». La France et les origines de l’Union européenne, Institut de la gestion publique et du développement économique, 2002, https://doi.org/10.4000/books.igpde.3536

([35]) Bastien Alvarez, Charlotte Gallezot, Clarisse Hida, Gaëtan Mouilleseaux, « Enseignements des politiques industrielles passées », Trésor-Eco, n°358, février 2025, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/c94a3af3-2a9b-4167-8f95-0105a5bf44bf/files/1effaa8d-cc75-4882-9bd4-4095af960921

([36]) Cyrille Beyer, « 1958 : le général de Gaulle enthousiaste face aux réussites du nucléaire français », INA éclaire l’actu, 12 novembre 2021, https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1958-le-general-de-gaulle-enthousiaste-face-aux-reussites-du-nucleaire-francais

([37]) Bastien Alvarez, Charlotte Gallezot, Clarisse Hida, Gaëtan Mouilleseaux, « Enseignements des politiques industrielles passées », op. cit.

([38]) Audition de M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président du groupe industriel Marcel Dassault et président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu.pdf

([39]) Jean-Claude Daumas, « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) », op. cit.

([40]) Élie Cohen, « La Gauche et la politique industrielle : la double rupture de 1983/1984 », in Les politiques économiques de la gauche en France (1936-2002), Paris, Fondation Gabriel Péri, 2012, p. 147. Cité dans Jean-Claude Daumas, « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) ».

([41]) Jean-Claude Daumas, « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) », op. cit.

([42]) Nicolas Dufourcq, La désindustrialisation de la France (1995-2015), Odile Jacob – économie, septembre 2023, Prologue, page 15.

([43]) Audition de M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président du groupe industriel Marcel Dassault et président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu.pdf

([44]) « La désindustrialisation de la France », INA, 23 mai 2023. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/s1250669_001/la-desindustrialisation-de-la-france

([45]) Frédéric de Monicault, « Désindustrialisation de la France. Une histoire déjà ancienne. », Historia, 12-06-2023. https://www.historia.fr/histoire-de-france/xixeme-siecle/desindustrialisation-de-la-france-une-histoire-deja-ancienne-2064564

([46]) Assemblée nationale, Pour un renouveau industriel français : rapport de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament (n° 4923) M. Guillaume Kasbarian, président, et M. Gérard Leseul, rapporteur, 19 janvier 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cecifccpi/l15b4923_rapport-enquete

([47]) Institut national de la statistique et des études économiques, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1426

([48]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([49]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([50]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles 

([51]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu.pdf

([52]) Insee, Les comptes de la Nation en 2022, Fanch Morvan, Benjamin Quévat, Thomas Laurent, 20 décembre 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7623591?sommaire=6793644

([53]) Insee, Les comptes de la Nation en 2023, Jean-Cyprien Héam, Pauline Meinzel, Fanch Morvan, 31 mai 2024, https://www.insee.fr/fr/statistiques/8193933

([54]) Insee, Les comptes de la Nation en 2024, Jean-Cyprien Héam, Benjamin Quévat, 28 mai 2025, https://www.insee.fr/fr/statistiques/8574058

([55]) François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, https://x.com/FrancoisGeerolf/status/1816121032928874928

([56]) Assemblée nationale, commission d’enquête, rapport d’information n°4923 Pour un renouveau industriel français, M. Guillaume Kasbarian, président, et M. Gérard Leseul, rapporteur, janvier 2022, page 36. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cecifccpi/l15b4923_rapport-enquete#

([57]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([58]) Ibid.

([59]) Georges Hemery, Balthazar Vatimbella, Romain Billiard et Lucas Gravit, « Où en est la réindustrialisation de la France ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises, n°20, mai 2024. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2024/themas/2024-themas-dge-n20.pdf

([60]) Antoine Devulder, Bruno Ducoudré, Matthieu Lemoine, Thomas Zuber, « Comment expliquer les pertes de productivité observées en France depuis la période pré-Covid ? » Bulletin de la Banque de France 251/1 mars-avril 2024 https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/comment-expliquer-les-pertes-de-productivite-observees-en-france-depuis-la-periode-pre-covid

([61]) Audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu.pdf

([62]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu.pdf

([63]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([64]) Le Baromètre industriel de l’État de la direction générale des entreprises, mars 2025, https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2025/Etudes/202503-barometre-industriel-etat.pdf

([65]) Audition de M. David Cousquer, directeur de Trendeo, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([66]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([67]) Fanch Morvan (Insee), « Entre 2014 et 2022, une augmentation de 28 % du nombre d’établissements dans l’industrie manufacturière, portée par les micro‑entrepreneurs », Insee Focus n° 344, 9 décembre 2024 https://www.insee.fr/fr/statistiques/8299519

([68]) Audition de M. Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([69]) Thibaud Cazanave, « Comment expliquer l’augmentation des faillites d’entreprises ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 28, février 2025 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2025/Th%C3%A9mas/06022025-thema-28.pdf

([70]) BPIFrance Le Lab, « Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile », 15 mai 2024 https://presse.bpifrance.fr/comment-gagner-la-bataille-de-la-reindustrialisation-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-societe-civile

([71]) Assemblée nationale, Pour un renouveau industriel français : rapport de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament (n° 4923) M. Guillaume Kasbarian, président, et M. Gérard Leseul, rapporteur, 19 janvier 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cecifccpi/l15b4923_rapport-enquete

([72]) Ministère de l’Europe et des affaires étrangères / ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Résultats du commerce extérieur en 2024, 7 février 2025 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/f2a6aeb5-1f18-4b76-ba26-9bccad080f60/files/fceb7aab-6ddf-46dc-adf2-4fcdf09abd3d

([73]) Yannick Kalantzis, Camille Thubin, « Les causes de la désindustrialisation en France », Bloc-notes Eco de la Banque de France, 13 novembre 2017 https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/les-causes-de-la-desindustrialisation-en-france

([74]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([75]) Ibid.

([76]) Audition de Mme Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu.pdf

([77]) Cour des Comptes, 28 novembre 2024, op. cit.

([78]) Myriam Fogelman et Amine Didioui, « Transformations et défis de la filière automobile », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 4, octobre 2022 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2022/Themas/4-transformations-et-defis-de-la-filiere-auto.pdf

([79]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([80]) Xerfi, Étude prospective emploi et compétence EDEC Automobile, synthèse intermédiaire, 26 juin 2025, https://pfa-auto.fr/2025/06/26/industrie-automobile-quels-impacts-sur-lemploi-dici-a-2035/

([81]) Audition de M. Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général du groupe STMicroelectronics, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425040_compte-rendu

([82]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu.pdf

([83]) Georges Hemery, Balthazar Vatimbella, Romain Billiard et Lucas Gravit, « Où en est la réindustrialisation de la France ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises, n°20, mai 2024. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2024/themas/2024-themas-dge-n20.pdf

([84]) Audition de Mme Agnès BénassyQuéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([85]) Ibid.

([86]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([87]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([88]) Thibaud Cazanave, « Comment expliquer l’augmentation des faillites d’entreprises ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 28, février 2025 https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2025/Th%C3%A9mas/06022025-thema-28.pdf

([89]) Camille Beaurepaire et Victor Lavialle, ibid. https://www.insee.fr/fr/statistiques/6667029

([90]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, 2012, https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/124000591.pdf

([91]) Conseil national de la productivité, Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?, Premier rapport du Conseil national de la productivité, avril 2019, http://cae-eco.fr/static/pdf/premier-rapport-cnp-avril-2019_.pdf

([92]) Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter la fiscalité des entreprises à une économie mondiale numérisée, septembre 2020, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/adapter-la-fiscalite-des-entreprises-une-economie-mondiale-numerisee

([93]) Indicateur permettant d’évaluer l’impact de l’impôt sur les décisions d’investissement des entreprises. Il inclut les impôts sur les bénéfices des sociétés, les revenus de dividendes, les plus-values, et d’autres taxes pertinentes.

([94]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([95]) Selon l’Insee, les impôts sur la production et les importations (D2) sont des versements obligatoires sans contrepartie, en espèces ou en nature, prélevés par les administrations publiques ou par les institutions de l’Union européenne (UE) sur la production et l’importation de biens et services, l’emploi de main-d’œuvre et la propriété ou l’utilisation de terrains, bâtiments et autres actifs utilisés à des fins de production. Ces impôts sont dus quel que soit le montant des bénéfices obtenus. Ils comprennent les impôts sur les produits (D21) et les autres impôts sur la production https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c2089

([96]) Philippe Martin  et Alain Trannoy, « Les impôts sur (ou contre) la production », les notes du Conseil d’analyse économique, juin 2019 https://cae-eco.fr/Les-impots-sur-ou-contre-la-production

([97])Audition de Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([98]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([99]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([100]) Audition d’Eric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

([101]) Audition de M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425035_compte-rendu

([102]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([103]) Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000037367660/

([104]) Décret n°2025-174 du 22 février 2025 relatif à l’aide unique aux employeurs d’apprentis et à l’aide exceptionnelle aux employeurs apprentis, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051235656

([105]) Audition de Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([106]) Audition de Stéphanie Lagalle-Baranès, directrice générale de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([107]) Audition d’Hughes de Balathier, directeur général adjoint de France compétences, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([108]) Audition d’Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([109]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, « L’apprentissage en 2023 : Un très fort ralentissement des entrées », Dares Résultats n° 72, décembre 2024 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/lapprentissage-en-2023

([110]) Audition de Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([111]) Ibid.

([112]) Audition d’ Hughes de Balathier, directeur général adjoint de France compétences, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([113]) Loi n°2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d’investissement., https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026871127

([114]) Audition de Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement, 10 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([115]) Audition d’Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([116]) Audition de François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([117]) Audition de Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([118]) Audition de François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([119]) Cour des comptes, Évaluation de politique publique, Le programme « Territoires d’industrie » rapport public thématique, novembre 2024, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-programme-territoires-dindustrie

([120]) Audition d’Olivier Lluansi, enseignant à l’Ecole nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([121]) Sénat, commission des affaires économiques, rapport d’information sur le programme Territoires d’industrie, Mme Martine Berthet, M. rémi Cardon et Mme Anne-Catherine Loisier co-rapporteurs, 18 décembre 2024 https://www.senat.fr/rap/r24-217/r24-217.html

([122]) Audition d’Olivier Lluansi, 13 mars 2025, op. cit.

([123]) Audition de Dominique Mockly, président-directeur général de Teréga, référent industriel du Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([124]) Audition d’Audrey Le-Bars, présidente-directrice générale du GIP Chemparc, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([125]) Décret n° 2010-596 du 3 juin 2010 relatif au conseil national de l’industrie https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022299089

([126]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425050_compte-rendu

([127]) Ibid.

([128]) Cour des comptes, Garantir l’efficacité des aides de l’État face aux entreprises pour faire face aux crises, note thématique, juillet 2023, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/garantir-lefficacite-des-aides-de-letat-aux-entreprises-pour-faire-face-aux-crises

([129]) Ibid.

([130]) Audition d’Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([131]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([132]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425050_compte-rendu

([133]) Audition de M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

([134]) Audition d’Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([135]) Cour des comptes, Rapport public thématique, Préserver l’emploi, juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/preserver-lemploi-le-ministere-du-travail-face-la-crise-sanitaire

([136]) Cour des comptes, Garantir l’efficacité des aides de l’État face aux entreprises pour faire face aux crises, note thématique, juillet 2023, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/garantir-lefficacite-des-aides-de-letat-aux-entreprises-pour-faire-face-aux-crises

([137]) Cour des comptes, Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, rapport public thématique, 15 mars 2024, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-mesures-exceptionnelles-de-lutte-contre-la-hausse-des-prix-de-lenergie

([138]) Loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051168007

([139]) Id., articles 49 et 50.

([140]) Id., article 95.

([141]) Id., article 27.

([142]) Loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051269481

([143]) Id, article 18.

([144]) Id., article 23.

([145]) Id. article 22.

([146]) Audition d’Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([147]) Les Échos, « Impôts : Bernard Arnault dénonce une "taxe sur le made in France" », Les Échos, 29 janvier 2025 https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/impots-bernard-arnault-denonce-une-taxe-sur-le-made-in-france-2145334

([148]) Loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051168007

([149]) Audition de Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, vice-président du conseil départemental de Saône-et-Loire, président d’Intercommunalités de France, 10 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu

([150]) Réponses écrites de la Banque des territoires aux questions du rapporteur.

([151]) Ibid.

([152])Décret n°2025-174 du 22 février 2025 relatif à l’aide unique aux employeurs d’apprentis et à l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051235656

([153]) Loi n°2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000051269604

([154]) Audition d’Eric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

([155]) Audition de Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([156]) Assemblée nationale, mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, rapport d’information n°1685 sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales, Marc Ferracci et Jérôme Guedj rapporteurs, 28 septembre 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/mecss/l16b1685_rapport-information

([157]) Antoine Bozio et Étienne Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, rapport au Premier ministre de la mission relative à l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité et à son effet sur l’emploi, le niveau des salaires et l’activité économique, 3 octobre 2024 https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/mission-bozio-wasmer-politiques-dexonerations-de-cotisations-sociales-une-inflexion

([158]) Audition d’Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([159]) Audition de Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne, 20 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([160]) Audition de M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([161]) Rexecode, « La surfiscalisation du travail qualifié en France Conséquences économiques et enjeux pour les entreprises des secteurs représentés par la Fédération Syntec », document de travail n° 93, janvier 2025 https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/2025/surfiscalisation-du-travail-qualifie-en-france-document-de-travail-janvier-2025

([162]) Décret n°2018-614 du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l’éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037202561

([163]) Violaine Morin, « Mathématiques : la France toujours dernière d’Europe et championne des inégalités », Le Monde, 4 décembre 2024 https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/04/mathematiques-la-france-toujours-derniere-d-europe-et-championne-des-inegalites_6429051_3224.html

([164]) Audition de Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([165]) Audition d’Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([166]) Audition de Marie-Pierre de Bailliencourt, 20 mars 2025, op. cit.

([167]) Audition d’Olivier Lluansi, enseignant à l’Ecole nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([168]) Victor Bletton, Georges Hemery, Guillaume Lourette, Pierre Roux, « Accompagner les ETI, des acteurs stratégiques pour la réindustrialisation et les territoires », Les Thémas de la direction générale des entreprises n° 29, mai 2025, https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2025/Th%C3%A9mas/20250516-thema-29-ETI.pdf

([169]) Le terme « Mittelstand » est une particularité de l’économie allemande et se définit par une propriété et une gouvernance unique et le plus souvent familiale. Ce n’est donc pas la taille d’une entreprise qui détermine son appartenance au Mittelstand mais d’autres critères : Le propriétaire de l’entreprise exerce une influence personnelle décisive, il assume la gestion du risque, et l’entreprise est autonome financièrement. Cf. CCI France Allemagne, Le Mittelstand, fer de lance de l’économie allemande, octobre 2021, https://www.se-developper-en-allemagne.fr/le-mittelstand-fer-de-lance-de-leconomie-allemande/

([170]) Audition de Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu#

([171]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([172]) Audition de Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, vice-président du conseil départemental de Saône-et-Loire, président d’Intercommunalités de France, 10 avril 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu#

([173]) Audition d’Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu#

([174]) Audition de Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu#

([175]) Audition de Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement (SGPI) chargé de France 2030, ancien député, 7 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu#

([176]) Audition de Philippe d’Ornano, 5 mai 2025, op. cit.

([177]) Sénat, Délégation aux entreprises, Reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires, rapport d’information n° 33 (2022-2023)de la mission de suivi relative à la transmission d’entreprise, MM. Michel Canévet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann rapporteurs, 7 octobre 2022 https://www.senat.fr/rap/r22-033/r22-033.html

([178])Article 787 B du code général des impôts (CGI) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000047623071

([179]) Audition de Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu#

([180]) BPIFrance, TECHinFAB, PME et ETI industrielles innover pour produire en France, 2022, https://www.bpifrance.fr/sites/default/files/2022-11/Bpifrance_PME%20ET%20ETI%20INDUSTRIELLES_VERSION%20WEB_110X177_122022_EC7.pdf

([181]) Audition de Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([182]) Audition de Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), 5 mai 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([183]) François Saint-Cast, « Robots : la France est à la traîne », Fondation iFRAP, 17 mars 2025, https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/robots-la-france-est-la-traine

([184]) Commission européenne, Rapport par pays sur la décennie numérique 2024 pour la France, 4 juin 2025 https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/factpages/france-2024-digital-decade-country-report

([185]) BPIFrance Le Lab, « Les entreprises françaises et l’IA : l’aube d’une révolution», 4 juin 2025 https://lelab.bpifrance.fr/Etudes/les-entreprises-francaises-et-l-ia-l-aube-d-une-revolution

([186]) Audition de Philippe d’Ornano, 5 mai 2025, op. cit.

([187]) Assemblée nationale, Pour un renouveau industriel français : rapport de la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament (n° 4923) M. Guillaume Kasbarian, président, et M. Gérard Leseul, rapporteur, 19 janvier 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cecifccpi/l15b4923_rapport-enquete

([188]) Intérêt général, X-Alternative, Construire une planification industrielle à partir des besoins, décembre 2024, https://x-alternative.org/wp-content/uploads/2025/01/NOTE-PlanificationIndustrielle-E1.pdf

([189]) Direction générale du Trésor, Commerce extérieur de la France, Rapport annuel, 2024, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/02/07/rapport-2024-sur-le-commerce-exterieur-de-la-france

([190]) Audition de David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([191]) Ibid.

([192]) Audition de M. Christophe Couesnon, président de Syensqo France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([193]) France Chimie, La chimie prise en étau entre les États-Unis et la Chine, avril 2025, https://www.francechimie.fr/la-chimie-prise-en-etau-entre-les-etats-unis-et-la-chine

([194]) M. Geoffroy Sigrist, directeur des affaires gouvernementales et publiques de Syensqo France, 27 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([195]) Audition de M. Jean-Luc Béal, président-directeur général de Vencorex, 28 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425032_compte-rendu

([196]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([197]) Thierry Mayer, Vincent Vicard, Pauline Wibaux “Will Chinese auto export boom transform into local production in Europe ?” CEPII Policy Brief n°2024-45, juin 2024 https://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/pb/abstract.asp?NoDoc=14179

([198]) Xerfi, Étude prospective emploi et compétence EDEC Automobile, synthèse intermédiaire, 26 juin 2025, https://pfa-auto.fr/2025/06/26/industrie-automobile-quels-impacts-sur-lemploi-dici-a-2035/

([199]) Antoine Devulder, Bruno Ducoudré, Matthieu Lemoine, Thomas Zuber, « Comment expliquer les pertes de productivité observées en France depuis la période pré-Covid ? » Bulletin de la Banque de France 251/1 mars-avril 2024 https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/comment-expliquer-les-pertes-de-productivite-observees-en-france-depuis-la-periode-pre-covid

([200]) EY, Baromètre de l’attractivité de la France 2025, mai 2025, https://www.ey.com/fr_fr/foreign-direct-investment-surveys/barometre-de-l-attractivite-de-la-france/barometre-de-l-attractivite-de-la-france-2025

([201]) OCDE, Études économiques de l’OCDE : France 2024, juillet 2024, https://www.oecd.org/fr/publications/2024/07/oecd-economic-surveys-france-2024_ea032499.html

([202]) Audition de Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([203]) Direction générale des entreprises, Baromètre industriel de l’État 2024, mars 2025, https://www.entreprises.gouv.fr/la-dge/publications/barometre-industriel-de-letat-2024

([204]) Ibid.

([205]) Audition d’Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu#

([206]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([207]) Audition de Vincent Vicard, adjoint au directeur de Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu#  

([208]) Audition d’Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 9 avril 2025, http://videos.assemblee-nationale.fr/video.16609999_67f618ddcb856.commission-des-finances---m-olivier-redoules-directeur-des-etudes-de-rexecode-et-m-anthony-morl-9-avril-2025  

([209]) Voir Insee, Les entreprises en France, chapitre Industrie, 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7678576?sommaire=7681078

([210]) Cour des comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, novembre 2024, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles  

([211]) Georges Hemery, Balthazar Vatimbella, Romain Billiard et Lucas Gravit, « Où en est la réindustrialisation de la France ? », Les Thémas de la direction générale des entreprises, n°20, mai 2024. https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/Publications/2024/themas/2024-themas-dge-n20.pdf 

([212]) Audition d’Olivier Lluansi, 13 mars 2025, op. cit.

([213]) Audition de Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([214]) Ibid.

([215]) Ibid.

([216]) Banque de France, Défaillances d’entreprises – 2025-02, avril 2025, https://www.banque-france.fr/fr/statistiques/entreprises/defaillances-dentreprises-2025-02

([217]) Audition d’Agnès Bénassy-Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([218]) Discours de Bruno Le Maire à l’occasion de la présentation du projet de loi Industrie verte, 16 mai 2023, https://www.entreprises.gouv.fr/la-dge/actualites/presentation-du-projet-de-loi-industrie-verte

([219]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([220]) BPIFrance, Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile, 2024, https://presse.bpifrance.fr/comment-gagner-la-bataille-de-la-reindustrialisation-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-societe-civile

([221]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([222]) Olivier Lluansi, Réflexion sur l’avenir de nos politiques industrielles, rapport remis au ministre de l’Économie et des Finances, avril 2024, non publié.

([223]) Ibid.

([224]) Ibid.

([225]) Olivier Lluansi, Réindustrialiser, le défi d’une génération, Les Déviations Editions, septembre 2024

([226]) Grégory Claeys, Ruben Fotso, Maxime Gérardin, Coline Bouvart, Nassim Zbalah, François Belle-Larant, Réindustrialisation de la France à l’horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels, document de travail de France Stratégie, juillet 2024, https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/reindustrialisation-de-france-horizon-2035-besoins-contraintes-effets-potentiels-0

([227]) Audition de Grégory Claeys, directeur du département économie au sein de France Stratégie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([228]) Audition de M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([229]) Ibid.

([230]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([231]) Ibid.

([232]) Audition de M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([233]) Assemblée nationale, commission des affaires européennes, rapport d’information sur l’avenir de la politique industrielle européenne n° 4025, MM. Patrice Anato et Michel Herbillon rapporteurs, 25 mars 2021, pages 11-13 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b4025_rapport-information

([234]) Costanza Pierdonati, Fiches thématiques du Parlement européen sur l’Union européenne, la politique de concurrence, avril 2025 https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/82/politique-de-concurrence

([235]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([236]) Inspection générale des finances et Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, La politique de la concurrence et les intérêts stratégiques de l’UE, 30 avril 2019 https://www.igf.finances.gouv.fr/igf/accueil/nos-activites/rapports-de-missions/liste-de-tous-les-rapports-de-mi/la-politique-de-la-concurrence-e.html

([237]) Ibid.

([238]) Audition de M. Emmanuel Combe, 13 mars 2025, op. cit.

([239]) Audition de M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([240]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([241]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([242]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([243]) Audition de M. François Geerolf, 13 mars 2025 op. cit.

([244]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([245]) Audition de M. Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ancien président de Thomson, France Télécom et Atos, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425054_compte-rendu

([246]) Audition de M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([247]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([248]) Camille Beaurepaire et Victor Lavialle, « Plus de 10 000 emplois délocalisés chaque année de 2011 à 2017, en baisse par rapport à la décennie antérieure », Insee Références, 7 décembre 2022 https://www.insee.fr/fr/statistiques/6667029

([249]) Ibid.

([250]) Margot Hemmerich, « Le libre marché de la délocalisation en Europe », Voxeurop 26 juin 2024 https://voxeurop.eu/fr/europe-libre-marche-delocalisation-travail/

([251]) Louis Le Clainche, Florian Lézec , « 65 % des entreprises de 50 salariés ou plus ont connu des difficultés dans leurs chaînes d’activité en 2020 », Insee Première n° 1942, avril 2023, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7231379

([252]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([253]) Nathalie Silbert, « Pour la France, les délocalisations creusent le déficit avec l’Europe centrale », Les Echos, 29 avril 2024 https://www.lesechos.fr/monde/europe/pour-la-france-les-delocalisations-creusent-le-deficit-avec-leurope-centrale-2091920.

([254]) Ibid.

([255]) Direction des douanes et droits indirects, le chiffre du commerce extérieur, les résultats de l’année 2024, https://lekiosque.finances.gouv.fr/site_fr/conjoncture/structure.asp

([256]) Inspection générale des finances et Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, La politique de la concurrence et les intérêts stratégiques de l’UE, 30 avril 2019 https://www.igf.finances.gouv.fr/igf/accueil/nos-activites/rapports-de-missions/liste-de-tous-les-rapports-de-mi/la-politique-de-la-concurrence-e.html

([257]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([258]) Benoit Catzaras et Ludovic Butel, Note des autorités françaises pour la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à l’attention du Représentant permanent adjoint, SGAE, 3 décembre 2024, document transmis au rapporteur.

([259]) Ce type de contrat garantit au producteur une rémunération à prix fixe de l’électricité produite et un prix fixe d’achat pour le consommateur. La différence avec le prix de marché donne ensuite lieu soit à une subvention de l’Etat en faveur de l’électricien si le tarif est inférieur à celui du CFD, soit à une rétribution versée par le producteur à l’Etat pour compenser les surplus engrangés sur le marché de l’électricité en cas de prix supérieur. Les contrats pour différence apportent de la visibilité aussi bien au consommateur, pour savoir à combien il va acheter son électricité, qu’au producteur, qui a besoin de connaître à combien il va la vendre s’il veut investir.

([260]) SGAE, Compte rendu du Conseil énergie du 19 décembre 2022, point divers 7e : Réforme du marché de l’électricité. Information de la Commission, 19 décembre 2022, document transmis au rapporteur.

([261]) Règlement (UE) 2022/1031 du 23 juin 2022 concernant l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés publics et aux concessions de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services originaires de l’Union aux marchés publics et aux concessions des pays tiers https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2022/1031/oj?locale=fr

([262]) Réponse ministérielle à la question écrite de Mme Nadège Havet n° 07174, Journal officiel Sénat 14 mars 2024, https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230607174.html

([263]) Henrik Enderlein, Elvire Fabry, Lucas Guttenberg Au-delà de la politique industrielle : une nouvelle stratégie de croissance pour l’Europe ? Institut Jacques-Delors policy paper n° 243, octobre 2019 https://institutdelors.eu/publications/beyond-industrial-policy-why-europe-needs-a-new-growth-strategy/

([264]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([265]) Ratifié par la France le 11 octobre 2012.

([266]) Pour les États membres de la zone euro, le Conseil peut imposer une amende allant jusqu’à 0,05 % de la dernière estimation du PIB de l’année précédente pour une période de six mois. Cette amende est payée tous les six mois jusqu’à ce que le Conseil estime que l’État membre concerné a pris des mesures suivies d’effets en réponse à sa mise en demeure (article 126, paragraphe 11, du TFUE). Voir aussi le dispositif de surveillance multilatérale et la procédure concernant les déficits excessifs, https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/89/le-cadre-de-l-union-europeenne-pour-les-politiques-budgetaires

([267]) Elle prévoit ainsi que le déficit structurel ne devra pas dépasser 0,5% du PIB pour les pays dont la dette publique excède 60 % du PIB. Si la dette publique d’un État est inférieure à 60 % du PIB, l’autorisation de déficit structurel est doublée, à 1 %.

([268]) Insee, « En 2024, le déficit public s’élève à 5,8 % du PIB, la dette publique à 113,0 % du PIB », Informations rapides n° 81, 27 mars 2025 https://www.insee.fr/fr/statistiques/8540375

([269]) Audition de M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([270]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([271]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([272]) Audition de M. François Geerolf, 13 mars 2025, op. cit.

([273]) C’est-à-dire les taux d’intérêt auxquels les banques commerciales peuvent se refinancer auprès d’elle : taux d’intérêt de la facilité de dépôt, taux des opérations principales de refinancement et taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal.

([274]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([275]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([276]) Sénat, commission des affaires européennes, Rapport d’information n° 190 (2024-2025) sur la dérive normative de l’Union européenne, MM. Jean-François Rapin, Didier Marie et Mme Catherine Morin-Dessailly rapporteurs, 4 décembre 2024 https://www.senat.fr/notice-rapport/2024/r24-190-notice.html

([277]) Service de recherche du Parlement européen, « Accroître la valeur ajoutée européenne en des temps de défis mondiaux – Évaluer le coût de la non-Europe (2022-2032) – Mapping the cost of non-Europe », 9 février 2023 https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_STU(2023)734690

([278]) Mario Draghi, Rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, 9 septembre 2024 https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en?prefLang=fr

([279]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([280]) Agnès Verdier-Molinié, « Normes européennes : une charge de 20 milliards d’euros pour la France », Journal du dimanche, 7 avril 2024 https://www.ifrap.org/europe-et-international/normes-europeennes-une-charge-de-20-milliards-deuros-pour-la-france

([281]) Ibid.

([282]) METI, « La France doit impérativement soutenir officiellement le report de la directive CSRD », 19 décembre 2024 https://m-eti.fr/communique-la-france-doit-imperativement-soutenir-officiellement-le-report-de-la-directive-csrd/

([283]) Audition de Mme Cécile Cabanis, directrice financière du groupe LVMH, 28 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425047_compte-rendu

([284]) Ibid.

([285]) Audition de Mme Bénédicte de Bonnechose, vice‑présidente exécutive du groupe Michelin, membre du comité exécutif, chargée des activités du groupe en Europe et du transport, 28 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425031_compte-rendu

([286]) Audition de Mme Cécile Cabanis, 28 mai 2025, op. cit.

([287]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([288]) Audition de Mme Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([289]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([290]) Audition de Mme Bénédicte de Bonnechose, vice‑présidente exécutive du groupe Michelin, membre du comité exécutif, chargée des activités du groupe en Europe et du transport, 28 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425031_compte-rendu

([291]) SGAE « Conseil compétitivité (marché intérieur industrie) du 25 novembre 2021, 6. b) ii) Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Rapport sur l’état des travaux », 25 novembre 2021, document transmis au rapporteur.

([292]) Audition de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu

([293]) Audition de M. Stéphane Bianchi, directeur général adjoint du groupe LVMH, 28 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425047_compte-rendu

([294]) Le Figaro, « Elle doit être écartée : Macron veut la suppression de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises », Le Figaro, 19 mai 2025 https://www.lefigaro.fr/conjoncture/elle-doit-etre-ecartee-macron-veut-la-suppression-de-la-directive-sur-le-devoir-de-vigilance-des-entreprises-20250519

([295]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([296]) Ibid.

([297]) Audition de David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([298]) Audition de M. Florian Aragon, président-directeur général de Toyota France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425009_compte-rendu

([299]) Audition de M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

([300]) Xerfi, Étude prospective emploi et compétence EDEC Automobile, synthèse intermédiaire, 26 juin 2025, https://pfa-auto.fr/2025/06/26/industrie-automobile-quels-impacts-sur-lemploi-dici-a-2035/

([301]) Audition de M. Xavier Horent, délégué général de Mobilians , 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([302]) Ibid.

([303]) Ibid.

([304]) Ibid.

([305]) Ibid.

([306]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([307]) Secrétariat général aux affaires européennes, fiche préparée pour le Conseil Energie du 28 mars 2023 –  Point A : Adoption du règlement sur les émissions CO2 des véhicules légers, document communiqué au rapporteur.

([308]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([309]) Audition de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, ancien député, 11 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425052_compte-rendu

([310]) Benoit Catzaras et Ludovic Butel, Note des autorités françaises pour la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à l’attention du Représentant permanent adjoint, SGAE, 3 décembre 2024 ; document transmis au rapporteur.

([311]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([312]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([313]) Audition de M. Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([314]) Audition de M. Augustin de Romanet, 15 avril 2025, op. cit.

([315]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([316]) Assemblée nationale, commission des affaires européennes, rapport d’information sur le bilan des accords de libre-échange (n° 1806), M. Thomas Ménagé et Mme Lysiane Métayer rapporteurs, 25 octobre 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/due/l16b1806_rapport-information

([317]) Inspection générale des finances et Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, La politique de la concurrence et les intérêts stratégiques de l’UE, 30 avril 2019 https://www.igf.finances.gouv.fr/igf/accueil/nos-activites/rapports-de-missions/liste-de-tous-les-rapports-de-mi/la-politique-de-la-concurrence-e.html

([318]) Assemblée nationale, commission des affaires européennes, rapport d’information sur la souveraineté industrielle européenne (n° 2647), M. Denis Masséglia et Mme Yaël Menache rapporteurs, 22 mai 2024 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/due/l16b2647_rapport-information

([319]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([320]) Agence européenne du medicament (EMA), « European and US regulators agree on mutual recognition of inspections of medicines manufacturers », communiqué de presse du 2 mars 2017 http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Press_release/2017/03/WC500222354.pdf

([321]) Xavier Jaravel et Isabelle Méjean, « Quelle stratégie de résilience dans la mondialisation ? », Les notes du conseil d’analyse économique n° 64, avril 2021 https://cae-eco.fr/quelle-strategie-de-resilience-dans-la-mondialisation

([322]) Audition de M. Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([323]) Audition de M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([324]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([325]) Audition de M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, et M. David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([326]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, 10 avril 2025, op. cit.

([327]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([328]) Ibid.

([329]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([330]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([331]) David Lolo, Vincent Charlet et Ahmed Diop, » Crise énergétique en Europe et protectionnisme américain. La réindustrialisation compromise ? », Les Notes de La Fabrique de l’industrie, 2023 https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/crise-energetique-en-europe-et-protectionnisme-americain-la-reindustrialisation-compromise/

([332]) Audition de M. Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ancien président de Thomson, France Télécom et Atos, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425054_compte-rendu

([333]) Communication de la Commission « Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe » COM(2020) 102 final, 10 mars 2020 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020DC0102

([334]) Paul Messad, « Green Deal : Emmanuel Macron demande une "pause réglementaire" pour l’industrie », Euractiv France, 12 mai 2023 https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/green-deal-emmanuel-macron-demande-une-pause-reglementaire-pour-lindustrie/

([335]) Emmanuel Macron, « Un nouvel agenda pour stimuler la compétitivité et la croissance dans l’Union européenne » Visite d’État en République fédérale d’Allemagne, 29 mai 2024 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/05/29/un-nouvel-agenda-pour-stimuler-la-competitivite-et-la-croissance-dans-lunion-europeenne

([336]) Enrico Letta, « More than a market – Bien plus qu’un marché », rapport au Conseil européen, 17 avril 2024 https://www.consilium.europa.eu/media/ny3j24sm/much-more-than-a-market-report-by-enrico-letta.pdf

([337]) Mario Draghi, Rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, 9 septembre 2024 https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en?prefLang=fr

([338]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([339]) Ibid.

([340]) Audition de M. Yann Vincent, directeur général d’Automotive Cells Company (ACC), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425026_compte-rendu

([341]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([342]) Voir aussi Johan Seux etChloé Spyratos « Les projets importants d’intérêt européen commun, un outil de politique industrielle européenne », Les Thémas de la direction générale des entreprises (DGE) n° 17, janvier 2024,  https://www.entreprises.gouv.fr/la-dge/publications/les-projets-importants-dinteret-europeen-commun-piiec-un-outil-de-politique

([343]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([344]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([345]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([346]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([347]) Audition de M. Yann Vincent, directeur général d’Automotive Cells Company (ACC), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425026_compte-rendu

([348]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([349]) Audition de M. Xavier Horent, délégué général de Mobilians, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([350]) Audition de M. Stéphane Séjourné, 3 juin 2025, op. cit.

([351]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([352]) Audition de M. Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ancien président de Thomson, France Télécom et Atos, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425054_compte-rendu

([353]) Audition de M. Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([354]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([355]) ACC, réponses écrites aux questions du rapporteur, 29 avril 2025

([356]) Audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

([357]) Audition de M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([358]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([359]) Audition de M. Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général du groupe STMicroelectronics, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425040_compte-rendu

([360]) Réponses écrites d’ACC aux questions du rapporteur, 29 avril 2025.

([361]) Audition de M. Rodolphe Delaunay, président-directeur général du site Toyota Motor Manufacturing France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425009_compte-rendu

([362]) Audition de M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([363]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([364]) Audition de M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([365]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([366]) Audition de M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([367]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012 https://www.vie-publique.fr/rapport/32798-pacte-pour-la-competitivite-de-industrie-francaise

([368]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([369]) Olivier Redoulès, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Rexecode Repères n° 11, 3 octobre 2024. https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/reperes/repere-11-prelevements-sur-l-industrie-un-alignement-vers-la-moyenne-europeenne-inacheve-octobre-2024

([370]) François Ecalle, « Les impôts sur la production de 2016 à 2023 », FIPECO Les commentaires de l’actualité, 20 novembre 2024 https://fipeco.fr/commentaire/Les%20imp%C3%B4ts%20sur%20la%20production%20de%202016%20%C3%A0%202023

([371]) Yves Dubief et Jacques le Pape La fiscalité de production – document de consultation du ministère de l’économie et des finances, juin 2018 https://m-eti.fr/wp-content/uploads/2020/09/Mission-fiscalite-de-production-Rapport-final.pdf

([372]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([373]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([374]) Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/

([375]) Le 1ᵉʳ janvier 2025, la nouvelle directive européenne sur le traitement des eaux urbaines résiduaires est entrée en vigueur : les industries pharmaceutiques et cosmétiques, principales sources de micropolluants, devront financer au moins 80 % des coûts liés à leur élimination, Bruxelles estimant que 59 % des micropolluants en stations d’épuration viennent des produits pharmaceutiques et 14 % des cosmétiques. Cf. audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([376]) La Cour des comptes, dans son rapport précité de novembre 2024, a évalué, sur une période plus large (20132022) et pour l’ensemble des entreprises, que les baisses d’impôts ont représenté une réduction nette de 40,3 milliards d’euros, dont :

   – 20 milliards d’euros pour le CICE ;

   – 11 milliards d’euros pour l’IS ;

   – 8 milliards d’euros pour la suppression de la part régionale de la CVAE ;

   – et 6 milliards d’euros les allègements de cotisations sociales du Pacte de responsabilité de 2015.

([377]) Olivier Redoulès, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Rexecode Repères n° 11, 3 octobre 2024. https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/reperes/repere-11-prelevements-sur-l-industrie-un-alignement-vers-la-moyenne-europeenne-inacheve-octobre-2024

([378]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([379]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([380]) Réponses écrites d’ACC aux questions du rapporteur, 29 avril 2025.

([381]) Audition de M. Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général du groupe STMicroelectronics, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425040_compte-rendu

([382]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([383]) Audition de M. Renaud Dutreil, ancien député, ancien secrétaire d’État puis ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, responsable du capital-investissement chez Mirabaud Asset Management, 2 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425016_compte-rendu

([384]) Sénat, Délégation aux entreprises, Reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires, rapport d’information n° 33 (2022-2023)de la mission de suivi relative à la transmission d’entreprise, MM. Michel Canévet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann rapporteurs, 7 octobre 2022 https://www.senat.fr/rap/r22-033/r22-033.html

([385]) Audition de M. Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([386]) Les conditions sont :

– La société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ou de holding animatrice ;

– Un engagement collectif de conservation pendant au moins deux ans doit avoir été pris au préalable ;

– Chaque héritier ou donataire doit s’être engagé à conserver les titres au moins quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif ;

– L’un des associés signataires de l’engagement collectif ou l’un des héritiers ou donataires doit exercer une activité au sein de l’entreprise pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois ans suivant la transmission.

([387]) Audition de M. Renaud Dutreil, 2 avril 2025, op. cit.

([388]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([389]) Marie-Eve Frénay, « Impôts : le pacte Dutreil accusé de coûter plus de 4 milliards au budget de l’État », Les Échos, 18 juin 2025 https://www.lesechos.fr/patrimoine/impots/budget-2026-le-pacte-dutreil-accuse-de-couter-plus-de-4-milliards-sur-la-sellette-2171516

([390]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([391]) Cour des comptes, op. cit., page 35.

([392]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([393]) Olivier Redoulès, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Rexecode Repères n° 11, 3 octobre 2024. https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/reperes/repere-11-prelevements-sur-l-industrie-un-alignement-vers-la-moyenne-europeenne-inacheve-octobre-2024

([394]) Audition de M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([395]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([396]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([397]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([398]) Ibid.

([399]) Pour la Cour des comptes, ce taux a tout de même progressé à 14 % depuis la réduction des cotisations famille.

([400]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([401]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([402]) Audition de M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([403]) Rexecode, « La surfiscalisation du travail qualifié en France Conséquences économiques et enjeux pour les entreprises des secteurs représentés par la Fédération Syntec », document de travail n° 93, janvier 2025 https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/2025/surfiscalisation-du-travail-qualifie-en-france-document-de-travail-janvier-2025

([404]) Audition de M. Olivier Redoulès, 20 mars 2025, op. cit.

([405]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([406]) Audition de M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([407]) Ivan Letessier, « "Aucun grand pays n’accepterait un tel exode massif" : pourquoi la vague de nominations de dirigeants français à l’étranger est inquiétante », Le Figaro, 27 juin 2025 https://www.lefigaro.fr/societes/aucun-grand-pays-n-accepterait-un-tel-exode-massif-pourquoi-la-vague-de-nominations-de-dirigeants-francais-a-l-etranger-est-inquietante-20250627

([408]) Assemblée nationale, compte rendu de la deuxième séance du 30 janvier 2024 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023-2024/deuxieme-seance-du-mardi-30-janvier-2024

([409]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([410]) Audition de M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([411]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([412]) Audition de M. Christophe Couesnon, président de Syensqo France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([413]) Service de recherche du Parlement européen, « Accroître la valeur ajoutée européenne en des temps de défis mondiaux – Évaluer le coût de la non-Europe (2022-2032)Mapping the cost of non-Europe », 9 février 2023 https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_STU(2023)734690

([414]) Banque de France, réponses écrites aux questions du rapporteur, 26 mars 2025.

([415]) Service de recherche du Parlement européen, Mapping the cost of non-Europe. Theorical foundations and pratical considerations , octobre 2023 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2023/747436/EPRS_STU(2023)747436_EN.pdf

([416]) Manon Meistermann et Samuel-Frédéric Servière, « Poids des normes européennes : le chiffrage de la Fondation iFRAP », 9 avril 2024. https://www.ifrap.org/europe-et-international/poids-des-normes-europeennes-le-chiffrage-de-la-fondation-ifrap

([417]) Christophe Beaudouin, « Ce que nous coûte l’Europe », Les Monographies de Contribuables Associés N° 15, juillet 2008.

([418]) Audition de M. Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([419]) Audition de M. Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([420]) Audition de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu

([421]) Audition de M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Martin Belaysoud Expansion, 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425051_compte-rendu

([422]) Audition de Mme Audrey Duval, présidente de Sanofi France et vice-présidente exécutive, directrice affaires Corporate groupe de Sanofi, 13 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425055_compte-rendu

([423]) Ibid.

([424]) Audition de M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425035_compte-rendu

([425]) Audition de M. David Cousquer, directeur de Trendeo, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([426]) Mario Draghi, Rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, 9 septembre 2024 https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en?prefLang=fr

([427]) Audition de M. Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([428]) Audition de M. Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([429]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([430]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([431]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([432]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([433]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([434]) Audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

([435]) En application de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, les articles L.411-1 et suivants du code de l’environnement encadrent la protection des espèces dites « protégées » auxquelles il est interdit de porter atteinte. Cependant, pour l’application des mêmes directives, l’étude de la faune et de la flore est dure de 4 à 6 mois en moyenne, 12 mois maximum en Allemagne selon le rapport Guillot ; en Suède, la durée varie selon les enjeux et la taille des projets, alors qu’en France, l’administration demande un rapport faune/flore « sur quatre saisons, de manière quasi-systématique ».

([436]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie, 4 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425049_compte-rendu

([437]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([438]) Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([439]) Audition de Mme Emmanuelle Gay, directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([440]) Audition de M. Marc Hoeltzel, directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([441]) Audition de Mme Emmanuelle Gay, directrice régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([442]) Direction générale des entreprises (DGE), réponses écrites aux questions du rapporteur, 13 juin 2025.

([443]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([444]) Audition de M. David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([445]) Audition de Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, présidente de Régions de France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425042_compte-rendu

([446]) Audition de M. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), et de M. Maurice Georges, président du directoire du Grand port maritime de Dunkerque (GPMD) 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425044_compte-rendu

([447]) Réponse de la DGE aux questions du rapporteur, 13 juin 2025.

([448]) Ibid.

([449]) Audition de M. Rodolphe Delaunay, président-directeur général du site Toyota Motor Manufacturing France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425009_compte-rendu

([450]) Audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

([451]) Audition de M. Régis Passerieux, rapporteur au sein de la direction interministérielle de la transformation publique, ancien commissaire à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre auprès du préfet des Bouches-du-Rhône, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425033_compte-rendu

([452]) Réponse de la DGE aux questions du rapporteur, 13 juin 2025. Voir aussi l’audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425050_compte-rendu

([453]) Audition de M. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425044_compte-rendu

([454]) Audition de M. Christophe Simonnet, directeur général de Faubourg Promotion (groupe IDEC), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([455]) Voir le site des ministères concernés : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/feuille-route-ingenierie-genie-ecologiques-horizon-2030

([456]) Audition de M. David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([457]) Audition de M. Stéphane Raison, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation au sein d’EDF, ancien président d’Haropa Port et du Grand Port maritime de Dunkerque, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([458]) Audition de M. Marc Papinutti, président de la Commission nationale du débat public (CNDP), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425033_compte-rendu

([459]) Audition de Mme Frédérique Le Grevès, présidente de STMicroelectronics France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425040_compte-rendu

([460]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([461]) Audition de M. François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement durable, chargés de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([462]) Audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

([463]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([464]) Mario Draghi, Rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, 9 septembre 2024 https://commission.europa.eu/topics/eu-competitiveness/draghi-report_en?prefLang=fr

([465]) Conseil national de la productivité, un monde en mutation : productivité, compétitivité et transition numérique, Cinquième rapport, Natacha Valla présidente et Alain Durré rapporteur général, avril 2025 https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/cnp-un-monde-en-mutation-productivite-competitivite-et-transition-numerique

([466]) Audition de M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([467]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France n° 16, juin 2023 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-2023-90566

([468]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([469]) Observatoire des sciences et techniques, La position scientifique de la France dans le monde et en Europe, 2005-2018, février 2021 https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/hceres_ost_positionnement_scientifique_france_edition_2021_1.pdf

([470]) Ibid.

([471]) Australian, strategic policy institute, Who is leading the critical technology race ? ASPI’s critical technology tracket, 1er mars 2023, https://www.aspi.org.au/report/critical-technology-tracker/

([472]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([473]) Jamie Gaida, Jennifer Wong-Leung, Stephan Robin et Danielle Cave, ASPI’s Critical Technology Tracker, The global race for future power, 2023 https://www.aspi.org.au/report/critical-technology-tracker/

([474]) Comité de surveillance des investissements d’avenir, Le programme d’investissements d’avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder, novembre 2019 https://www.info.gouv.fr/upload/media/organization/0001/01/sites_default_files_contenu_piece-jointe_2020_07__web_eval_pia_2019_rapport_vdef_complet_20191218_x_0.pdf

([475]) Collège d’experts présidé par Benoit Potier, Faire de la France une économie de rupture technologique, Soutenir les marchés émergents à forts enjeux de compétitivité, février 2020 https://www.economie.gouv.fr/remise-rapport-faire-france-economie-rupture-technologique

([476]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([477]) Ibid.

([478]) Selon BPIFrance, une start-up à vocation industrielle développe, lors d’une phase de R&D, des innovations de produits ou de procédés impliquant à terme une production en série de biens matériels. Cette vocation se concrétise, et l’entreprise devient alors une start-up industrielle lorsqu’elle fait le choix stratégique d’investir dans des moyens de production, en France ou à l’étranger.

([479]) BPIFrance, Observatoire des start-ups, PME et industrielles innovantes, Deuxième édition de l’observatoire, 2023, 20 mars 2024 https://www.lafrenchfab.fr/storage/sites/2/2024/03/Observatoire-2023-15-mars-2024.pdf

([480]) Audition de M. David Cousquer, directeur de Trendeo, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([481]) Comité de surveillance des investissements d’avenir, France 2030, Lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs, juin 2023 https://www.vie-publique.fr/rapport/291199-france-2030-lancement-maitrise-dun-plan-dinvestissements

([482]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([483]) Audition de M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement (SGPI) chargé de France 2030, ancien député, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([484]) Inspection générale des finances, Les aides à l’innovation, mars 2018, https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/Rapports%20de%20mission/2018/rapport-innovation.pdf

([485]) Ibid.

([486]) Audition de M. Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([487]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([488]) Audition de M. Alexandre Montay, 5 mai 2025, op. cit.

([489]) Conseil d’analyse économique, Renforcer l’impact du crédit d’impôt recherche, septembre 2022, https://cae-eco.fr/renforcer-limpact-du-credit-dimpot-recherche

([490]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France n°16, https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/EESR16_R_40/l_effort_de_recherche_et_developpement_en_france

([491]) Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), Évaluation du crédit impôt recherche, 2021 https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/evaluation-credit-dimpot-recherche-rapport-cnepi-2021

([492]) Rémi Lallement, Aymeric Lachaux, Les facteurs de localisation des investissements directs étrangers en Europe. Le cas des sites de production, d’innovation et des sièges sociaux, document de travail de France Stratégie n° 2020-16 novembre 2020, https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/facteurs-de-localisation-investissements-directs-etrangers-europe

([493]) Sénat, commission des finances, rapport sur le projet de loi de finances pour 2025, n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 27, mission « remboursements et dégrèvements », par Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, 21 novembre 2024 https://www.senat.fr/rap/l24-144-327/l24-144-327.html

([494]) Audition de M. Olivier Marchal, président de Bain & Cie France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([495]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([496]) Sénat, audition de M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, par la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, 18 mars 2025 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20250317/ce_aidespubliques.html

([497]) Sénat, audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance, par la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, 19 mars 2025 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20250317/ce_aidespubliques.html

([498]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([499]) Laurent Vilboeuf (Igas), Jean Delpech De Saint Guilhem (IGÉSR), Aude Costa De Beauregard, Lucile Waquet-Airy (IGF) sous la supervision de Pierre Hanotaux (IGF), Federico Berera (IGÉSR), Tensions sur les effectifs et compétences dans l’industrie et dispositifs de formation associés, rapport de mission de l’Inspection générale des finances, Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche et Inspection générale des affaires sociales, juillet 2023 https://www.igas.gouv.fr/Tensions-sur-les-effectifs-et-competences-dans-l-industrie-et-dispositifs-de

([500]) Audition de M. Aymeric Morin, directeur général adjoint en charge de l’offre de services de France Travail, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([501]) Audition de M. Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([502]) Guillaume Basset, Olivier Lluansi, « Pénurie de compétences et réindustrialisation : un étonnant paradoxe », Les Synthèses de La Fabrique n° 27, juillet 2023 https://www.la-fabrique.fr/wp-content/uploads/2023/07/c27_penurie-de-competences-et-reindustrialisation_web.pdf

([503]) France Stratégie, Réindustrialisation de la France à l’horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels, juillet 2024, https://www.strategie-plan.gouv.fr/files/2025-02/fs-2024-dt-mission-industrie-22juillet10h-couv-final%20%282%29.pdf

[504]) Guillaume Basset, Olivier Lluansi, « Pénurie de compétences et réindustrialisation : un étonnant paradoxe », Les Synthèses de La Fabrique n° 27, juillet 2023 https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/penurie-de-competences-et-reindustrialisation-un-etonnant-paradoxe-2/

([505]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([506]) Laurent Vilboeuf (Igas), Jean Delpech De Saint Guilhem (IGÉSR), Aude Costa De Beauregard, Lucile Waquet-Airy (IGF) sous la supervision de Pierre Hanotaux (IGF), Federico Berera (IGÉSR), Tensions sur les effectifs et compétences dans l’industrie et dispositifs de formation associés, op. cit.

([507]) Christel Collin, Nathalie Marchal « Six apprentis sur dix et un lycéen professionnel sur trois, en emploi six mois après leur sortie de formation en 2020, exercent un métier en lien avec leur domaine de formation », Note d’information de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, n° 23.28, juin 2023 https://www.education.gouv.fr/six-apprentis-sur-dix-et-un-lyceen-professionnel-sur-trois-en-emploi-six-mois-apres-leur-sortie-de-378581

([508]) Audition de M. Olivier Lluansi, 13 mars 2025, op. cit.

([509]) Gender Scan, Enquête Gender Scan Etudiants ingénieur 24, 20 février 2024, https://www.genderscan.org/Docs/CP_Etudiants_Ecoles_Ingenieurs_2024.pdf

([510]) Alice Raybaud, « La lente disparition des filles dans les filières scientifiques : "On ne veut pas, mais surtout on ne peut pas se passer de cette moitié de la population" », Le Monde Campus, 14 janvier 2025 https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/01/14/la-lente-disparition-des-filles-dans-les-filieres-scientifiques-on-ne-veut-pas-mais-surtout-on-ne-peut-pas-se-passer-de-cette-moitie-de-la-population_6496694_4401467.html

([511]) Insee, Formations et emploi, édition 2025, 12 février 2025, https://www.insee.fr/fr/statistiques/8305552?sommaire=8306008

([512]) Guillaume Basset, Olivier Lluansi, « Pénurie de compétences et réindustrialisation : un étonnant paradoxe », Les Synthèses de La Fabrique n° 27, juillet 2023 https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/penurie-de-competences-et-reindustrialisation-un-etonnant-paradoxe-2/

[513]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([514]) Audition de M. Emmanuel Combe, 13 mars 2025, op. cit.

([515]) Audition de M. Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([516]) Audition de M. François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([517]) Audition de Mme Audrey Le-Bars, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([518]) INSEE, Les entreprises en France, Edition 2023, Insee Références, décembre 2023 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7678576?sommaire=7681078

([519]) Solene Metayer, Erwann Kerrand, Hadrien Hainaut, Louise Kessler, Investissements pour décarboner l’industrie lourde en France : quoi, combien et quand ?, Institute for climate economics avril 2023 https://www.i4ce.org/publication/investissements-pour-decarboner-industrie-lourde-france-quoi-combien-quand/

([520]) Audition de M. Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([521]) Audition de M. Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([522]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([523]) Maximilian Bierbaum, Christopher Breen, William Wright, Searching for growth : the future of EU capital markets, New Financial, septembre 2024 https://www.newfinancial.org/reports/searching-for-growth%3A-the-future-of-eu-capital-markets

([524]) Audition de Mme Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF) et de l’Association française des banques (AFB), 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425046_compte-rendu

([525]) Audition de M. Olivier Vigna, 15 avril 2025 op. cit.

([526]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([527]) Audition de M. Augustin de Romanet, président de Paris Europlace, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ancien président du groupe ADP, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425030_compte-rendu

([528]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([529]) Philippe Tibi, Financer la quatrième révolution industrielle. Lever le verrou du financement des entreprises technologiques, Rapport au ministre de l’Économie et des finances, juillet 2019 https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=40C3DA75-8DAB-4300-86D1-C7ED87BD9045&filename=1351%20-%20Rapport%20Tibi%20-%20FR.pdf

([530]) Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, dite Markets in Financial Instruments Directive (Mifid)

([531]) Audition de M. Augustin de Romanet, 15 avril 2025, op. cit.

([532]) Audition de M. Yves Perrier, président du conseil d’administration du groupe Edmond de Rothschild, président d’honneur d’Amundi, président de l’Institut de la finance durable, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425046_compte-rendu

([533]) Document diffusé par Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, lors de son audition le 26 mars 2025

([534]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([535]) Audition de M. Yves Perrier, 27 mai 2025, op. cit.

([536]) Audition de M. Renaud Dutreil, ancien député, ancien secrétaire d’État puis ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, responsable du capital-investissement chez Mirabaud Asset Management, 2 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425016_compte-rendu

([537]) Audition de M. Bertrand Rambaud, président de Siparex, président de France Invest, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425046_compte-rendu

([538]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

[539]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([540]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([541]) Ibid.

([542]) Audition de M. Bertrand Rambaud, 27 mai 2025, op. cit.

([543]) Loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

([544]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([545]) Audition de Mme Maya Atig, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF) et de l’Association française des banques (AFB), 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425046_compte-rendu

([546]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, 10 avril 2025, op. cit.

([547]) Bastien Alvarez, Charlotte Gallezot, Clarisse HIDA, Gaëtan Mouilleseaux, « Enseignements des politiques industrielles passées », Trésor-Eco n° 358, février 2025 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2025/02/13/enseignements-des-politiques-industrielles-passees

([548]) Ibid.

([549]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([550]) Ibid.

([551]) Ibid.

[552]) Audition de M. Yann Vincent, directeur général d’Automotive Cells Company (ACC), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425026_compte-rendu

([553]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([554]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([555]) Ibid.

[556]) Audition de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu

([557]) Jean-Louis Levet, Une France sans usines ?, Paris, Economica, 1988.

([558]) Marie Viennot, » La désindustrialisation à la française », France culture, 29 août 2020, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bulle-economique/la-desindustrialisation-a-la-francaise-8496335

([559]) Jean-Claude Daumas, « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) », Revue du Rhin supérieur, 1 | 2019, https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=80

([560]) Anne de Guigné, « "L’entreprise sans usines" : Serge Tchuruk ou le symbole de la désindustrialisation », Le Figaro, 14 août 2024 https://www.lefigaro.fr/conjoncture/l-entreprise-sans-usines-serge-tchuruk-ou-le-symbole-de-la-desindustrialisation-20240813

([561]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242504_compte-rendu

([562]) Audition de M. Christophe Couesnon, président de Syensqo France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([563]) Jean-Claude Daumas, , « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) », op cit.

([564]) Audition de M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, 20 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242506_compte-rendu

([565]) Audition de M. François Geerolf, économiste au département des Études de l’OFCE, enseignant à l’École nationale des ponts et chaussées, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242505_compte-rendu

([566]) Jean-Claude Daumas, « Désindustrialisation et politique industrielle en France (1974-2012) », op. cit.

([567]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242502_compte-rendu

([568]) Audition de M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, 27 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([569]) Marie Viennot, » La désindustrialisation à la française », France culture, 29 août 2020, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bulle-economique/la-desindustrialisation-a-la-francaise-8496335

([570]) Ibid.

([571]) Jean-Claude Daumas et al., éditeurs. La désindustrialisation : une fatalité ?, Chapitre 1 « Une France sans usines : comment en est-on arrivé là ? (1974-2012) », Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, https://doi.org/10.4000/books.pufc.20849

([572]) Audition de M. David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242506_compte-rendu

([573]) Pierre Musso, La Religion industrielle : Monastère, manufacture, usine. Une généalogie de l’entreprise, Fayard, 2017

([574]) Ibid.

([575]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie              , 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242502_compte-rendu

([576]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242504_compte-rendu

([577]) Ibid.

([578]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind242504_compte-rendu

([579]) Philippe Duport, « Pourquoi l’industrie a-t-elle tant de mal à recruter ? », Franceinfo, 23 novembre 2018 https://www.franceinfo.fr/replay-radio/c-est-mon-boulot/pourquoi-l-industrie-a-t-elle-tant-de-mal-a-recruter_3032571.html

([580]) Audition de M. Régis Passerieux, rapporteur au sein de la direction interministérielle de la transformation publique, ancien commissaire à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre auprès du préfet des Bouches-du-Rhône, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425033_compte-rendu

([581]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([582]) Audition de M. Dominique Mockly, président-directeur général de Teréga, référent industriel du Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([583]) Audition de M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425035_compte-rendu

([584]) Audition de Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest de Business France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu

([585]) Audition de M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([586]) Audition de M. Éric Labaye, président du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), ancien président de l’École polytechnique, 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425038_compte-rendu

([587]) Thomas Grjebine, Jérôme Héricourt, « Commande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ? » CEPII le blog, 16 novembre 2023 https://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=1008

([588]) Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1947).

[589]) Accord sur les marchés publics amendé le 30 mars 2012 (AMP).

[590]) Accord sur les mesures compensatoires (SMC).

([591]) U.S. Code, Title 41 Public contracts – Subtitle 83 Buy American , § 8301-8305

([592]) Règlement (UE) 2024/1735 du Parlement européen et du conseil du 13 juin 2024 relatif à l’établissement d’un cadre de mesures en vue de renforcer l’écosystème européen de la fabrication de produits de technologie « zéro net » https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202401735

[593]) Claudine Desrieux, Kevin Parra Ramirez, La commande publique peut-elle constituer un levier de relocalisation de l’activité ? Conseil d’analyse économique, avril 2022 https://cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite

([594]) Ibid.

([595]) Ach@tsolutions, Observatoire de la commande publique Marco 2024, 2025, https://www.agysoft.fr/actualites/observatoire-de-la-commande-publique-0

([596]) Sénat, délégation aux entreprises, conclusions de la mission d’information : « Fabriqué en France : la compétitivité patriotique », 18 juin 2025 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/office-et-delegations/delegation-aux-entreprises/le-fabrique-en-france.html

([597]) Document transmis au rapporteur par France Industrie.

([598]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([599]) Voir notamment : Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances, Les dispositifs permettant d’écarter les offres des pays tiers en matière de commande publique, décembre 2022

([600]) Article L. 2152-7 du code de la commande publique.

([601]) Article L. 2112‑4 du code de la commande publique

([602]) Articles L. 2113‑12 à L. 2113‑16 du code de la commande publique

([603]) Jennifer Obrero, Julie Oger, « Introduire des mécanismes de préférence locale dans un marché public : mode d’emploi », Moniteur juris Contrats Publics n° 261, février 2025 https://www.seban-associes.avocat.fr/wp-content/uploads/2025/04/Jennifer-Obrero-et-Julie-Oger-Introduire-des-mecanismes-de-preference-locale-dans-un-marche-public-mode-demploi-Contrats-Publics.pdf

([604]) Audition de M. David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([605]) Assemblée nationale, rapport n° 1311 fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français, M. Jean-Philippe Tanguy président et Mme Constance Le Grip rapporteure, 1er juin 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceingeren/l16b1311_rapport-enquete

([606]) Sénat, rapport n° 739 (2023-2024) de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l’étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d’entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté, par M. Dominique de Legge, président, et M. Rachid Temal, rapporteur, 23 juillet 2024, p. 17 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commission-denquete-sur-les-politiques-publiques-face-aux-operations-dinfluences-etrangeres.html

([607]) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Projet sur la liberté d’investissement, Évolutions des politiques de l’investissement dans 61 économies : 16 octobre 2021 – 15 mars 2023, avril 2023, https://www.oecd.org/fr/publications/2023/01/investment-policy-developments-in-61-economies-between-16-october-2021-and-15-march-2023_e848f96a.html

([608]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453 sur l’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, MM. François Jolivet et Hervé de Lépinau, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cec/l17b1453_rapport-information

([609]) Sénat, commission des affaires économiques, rapport d’information n° 755 fait au nom de la commission des affaires économiques sur la souveraineté économique de la France, par Sophie Primas, Amel Gacquerre et Franck Montaugé, 6 juillet 2022 https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-755-notice.html

([610]) Commission européenne, Quatrième rapport annuel sur le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union, octobre 2024, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52024DC0464

([611]) Sénat, rapport n° 739 (2023-2024) 23 juillet 2024, op. cit.

([612]) Assemblée nationale, rapport n° 1311 fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, 1er juin 2023 op. cit.

([613]) Audition de M. Joffrey Celestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques au sein de la direction générale des entreprises, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

([614]) Code pénal, Livre IV, Titre Ier : Des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation (Articles 410-1 à 414‑9).

([615]) Code monétaire et financier, article L. 151-3.

([616]) Art. 1er du décret n° 2019-206 du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique.

([617]) Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.

([618]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([619]) Commission européenne, « Une approche de l’UE pour renforcer la sécurité économique », communiqué de presse, 20 juin 2023 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/api/files/document/print/fr/ip_23_3358/IP_23_3358_FR.pdf

([620]) Commission européenne, Proposition de règlement relatif au filtrage des investissements étrangers dans l’Union et abrogeant le règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil COM/2024/23 final, 24 janvier 2024, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52024PC0023

([621]) Audition de Mme Sabine Lemoyne de Forges, sous-directrice de la politique commerciale et de l’investissement au sein de la direction générale du Trésor, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

([622]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453 sur l’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, François Jolivet et Hervé de Lépinau rapporteurs, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cec/l17b1453_rapport-information

([623]) Audition de M. Joffrey Celestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques au sein de la direction générale des entreprises, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

([624]) Ibid.

([625]) Ibid.

([626]) Audition de M. Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu

([627]) Audition de M. Joffrey Celestin-Urbain, 27 mars 2025, op. cit.

([628]) Ibid.

([629]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453, op. cit.

([630]) Assemblée nationale, rapport n° 1311 fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères – États, organisations, entreprises, groupes d’intérêts, personnes privées – visant à influencer ou corrompre des relais d’opinion, des dirigeants ou des partis politiques français, M. Jean-Philippe Tanguy président et Mme Constance Le Grip rapporteure, 1er juin 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceingeren/l16b1311_rapport-enquete

([631]) Direction générale du Trésor, rapport annuel d’activité relatif au contrôle des investissements étrangers en France (IEF) en 2023, 4 juin 2024 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/06/04/publication-du-rapport-annuel-sur-le-controle-ief-en-2023

([632]) Assemblée nationale, rapport n° 1311 fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères , op. cit.

([633]) Ibid.

([634]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([635]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([636]) Audition de M. Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu

([637]) Audition de M. Bernard Carayon, maire de Lavaur, ancien député, auteur de rapports au Premier ministre sur l’intelligence économique, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu

([638]) Assemblée nationale, rapport n° 1311 fait au nom de la commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, 1er juin 2023, op. cit.

([639]) Audition de M. Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu

([640]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre, 11 avril 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223028_compte-rendu

([641]) Audition de Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des affaires internationales, stratégiques et technologiques au sein du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

([642]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de MM. Jean-François Bohnert, procureur de la République financier et Jérôme Simon, premier vice-procureur financier, 9 février 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223011_compte-rendu

([643]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre, 11 avril 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223028_compte-rendu

([644]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition, à huis clos, de MM. Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), Vincent Strubel, directeur de l’Agence nationale de sécurité des services informatiques (ANSSI), et Gabriel Ferriol, chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), 16 février 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223013_compte-rendu

([645]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre, 11 avril 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223028_compte-rendu

([646]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition, à huis clos, de MM. Florian Colas, directeur national du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED, ministère de l’économie et des finances) et Bernard Émié, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE, ministère des armées, 15 février 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223012_compte-rendu

([647]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine, rapporteur de la mission d’information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français, 9 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223014_compte-rendu

([648]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. Joffrey Célestin-Urbain, chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économiques, 14 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223016_compte-rendu

([649]) Ibid.

([650]) Ibid.

([651]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de MM. Florian Colas, et Bernard Émié, 15 février 2023, op cit.

([652]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de M. Joffrey Célestin-Urbain, 14 mars 2023, op. cit.

([653]) Ibid.

([654]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de MM. Florian Colas et Bernard Émié, 15 février 2023, op. cit.

([655]) Ibid.

([656]) Assemblée nationale, commission d’enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, audition de MM. André Gattolin, sénateur des Hauts-de-Seine, rapporteur de la mission d’information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes dans le monde universitaire et académique français, Patrick Lefas, président de Transparency International France, et Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, 9 mars 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/ceingeren/l16ceingeren2223014_compte-rendu

([657]) Ibid.

([658]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([659]) Ibid.

([660]) SGAE, Compte rendu du Conseil Énergie Bruxelles, Avenir de la politique énergétique de l’Union, Échange de vues, 16 décembre 2024, document obtenu par le rapporteur.

([661]) Service des données et études statistiques (SDES) des ministères chargés de l’environnement, de l’énergie, de la construction, du logement et des transport, Chiffres clés de l’énergie – Édition 2024 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie/pdf/Chiffres-cles-energie-2024.pdf

([662]) Ibid, avec 18 % pour les énergies renouvelables thermiques et la transformation des déchets et 9 % pour les énergies renouvelables électriques.

([663]) Assemblée nationale, « Souveraineté énergétique de la France : 30 propositions pour les 30 prochaines années » rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France (n° 1028) M. Raphaël Schellenberger, président, et M. Antoine Armand, rapporteur, 30 mars 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete

([664]) Centre d’analyse stratégique, Énergies 2025, rapport du groupe de travail présidé par Jacques Percebois, 2012 https://strategie.archives-spm.fr/cas/system/files/rapport-energies_1.pdf

([665]) Ibid., pp.194-195.

([666]) Ibid., pp.254- 267.

([667]) Ibid., pp.300-301.

([668]) Déclaration d’Emmanuel Macron, Président de la République, relative à la stratégie et à la méthode pour la transition écologique, 27 novembre 2018 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/11/28/transition-energetique-changeons-ensemble

([669]) Ludovic Dupin, « Fessenheim est l’une des centrales les plus sûres de France, affirme l’Autorité de sûreté nucléaire », l’Usine nouvelle, 31 mai 2016 https://www.usinenouvelle.com/article/fessenheim-est-l-une-des-centrales-les-plus-sures-de-france-affirme-l-autorite-de-surete-nucleaire.N394267

([670]) Assemblée nationale, « Souveraineté énergétique de la France : 30 propositions pour les 30 prochaines années » rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France (n° 1028) M. Raphaël Schellenberger, président, et M. Antoine Armand, rapporteur, 30 mars 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete

([671]) Audition de M. Stéphane Raison, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, directeur en charge de l’installation de grands sites de consommation au sein d’EDF, ancien président d’Haropa Port et du Grand Port maritime de Dunkerque, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([672]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([673]) Audition de M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Martin Belaysoud Expansion, 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425051_compte-rendu

([674]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([675]) À moins de bénéficier déjà d’un permis exclusif de recherche.

([676]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([677]) Audition de M. Marc Aubry, secrétaire national de la fédération générale des mines et de la métallurgie (CFDT-FGMM) en charge de la politique industrielle et de la RSE, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu

([678]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([679]) Audition de M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([680]) Audition de M. Christian Auboyneau, directeur général de DZA Entreprises étrangères en France, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425012_compte-rendu

([681]) Audition de M. Bruno Azière, délégué national au sein du secteur transition économique, membre du comité exécutif du Conseil national de l’industrie pour la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu

([682]) Audition de M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), 5 juin 2025, op. cit.

([683]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([684]) Audition de M. Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur, ancien ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, ancien président de Thomson, France Télécom et Atos, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425054_compte-rendu

([685]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([686]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025, op. cit.

([687]) Audition de M. Gilles Mure-Ravaud, membre de la section industrie de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), président du groupement des métiers de l’impression et de la communication, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([688]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([689]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([690]) Audition de M. Renaud Dutreil, ancien député, ancien secrétaire d’État puis ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, responsable du capital-investissement chez Mirabaud Asset Management, 2 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425016_compte-rendu

([691]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([692]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([693]) Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique de l’énergie, à Belfort le 10 février 2022 https://www.vie-publique.fr/discours/283773-emmanuel-macron-10022022-politique-de-lenergie

([694]) Audition de M. Olivier Andriès, 14 avril 2025, op. cit.

([695]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([696]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([697]) Audition de M. Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Martin Belaysoud Expansion, 5 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425051_compte-rendu

([698]) Audition de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, ancien député, 11 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425052_compte-rendu

([699]) Ibid.

([700]) World Nuclear Association, World Nuclear Performance Report 2024 https://world-nuclear.org/our-association/publications/global-trends-reports/world-nuclear-performance-report-2024

([701]) Audition de M. Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([702]) Audition de M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([703]) Audition de M. Grégory Claeys, directeur du département économie au sein de France Stratégie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([704]) Service des données et études statistiques (SDES) des ministères chargés de l’environnement, de l’énergie, de la construction, du logement et des transport, Chiffres clés de l’énergie – Édition 2024 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie/pdf/Chiffres-cles-energie-2024.pdf.

([705]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([706]) Audition de M. Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([707]) Le MWh vaut 38 euros en Belgique et 39 euros en Allemagne ; la molécule vaut le même prix partout en Europe, puisqu’on n’en produit pas ; l’écart vient de la façon dont les coûts de transport sont ou non dégrevés Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([708]) Audition de M. Pierre-André de Chalendar, président d’honneur de Saint-Gobain, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([709]) DataLab du ministère de la transition énergétique, » Prix de l’électricité en France et dans l’Union européenne en 2022 », août 2023 hhttps://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/prix-de-lelectricite-en-france-et-dans-lunion-europeenne-en-2022 Sur la même période, l’inflation annuelle a été de 1,4 % en moyenne (Insee, taux d’inflation, données annuelles de 1991 à 2022).

([710]) DataLab du ministère de la transition énergétique, » Prix du gaz naturel en France et dans l’Union européenne en 2022 », août 2023 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/prix-du-gaz-naturel-en-france-et-dans-lunion-europeenne-en-2022 Sur la même période, l’inflation annuelle a été de 1,4 % en moyenne (Insee, taux d’inflation, données annuelles de 1991 à 2022).

([711]) Commission de régulation de l’énergie (CRE), résumé du rapport au Gouvernement sur les coûts du parc électronucléaire existant d’EDF, 27 juillet 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/CRE_Rapport_couts_nucleaire_2023.pdf

([712]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([713]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([714])  Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([715]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([716]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([717]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([718]) Automotive Cells Company (ACC), réponses écrites aux questions du rapporteur, 29 avril 2025.

([719]) Communiqué de l’Uniden, Appel à manifestation d’intérêt pour la commercialisation de CAPN : EDF ne doit pas tourner le dos à l’industrie française ,7 mars 2025 https://s3.uniden.fr/uploads/2025/03/20250307-UNIDEN-CP-AMI-EDF-CAPN.pdf

([720]) Audition de M. Philippe d’Ornano, co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) et président de Sisley, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([721]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([722]) Cour des comptes, Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie, rapport public thématique, 15 mars 2024, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-mesures-exceptionnelles-de-lutte-contre-la-hausse-des-prix-de-lenergie

([723]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([724]) Audition de M. Rodolphe Delaunay, président-directeur général du site Toyota Motor Manufacturing France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425009_compte-rendu

([725]) Guillaume Pitron, « Entrons-nous dans la guerre des métaux stratégiques ? », les mardis du Grand continent, École normale supérieure, 13 décembre 2023 https://legrandcontinent.eu/fr/evenements/quels-sont-les-materiaux-strategiques-de-demain-2/

([726])Yves Jégourel, « Ressources minérales critiques : enjeux environnementaux, industriels et géopolitiques », Questions internationales n° 117, février-mars 2023 https://www.lgdj.fr/questions-internationales-fevrier-mars-2023-n117-3303331601173.html

([727]) Audition de M. Philippe Varin, président de la Chambre de commerce internationale, ancien président du directoire du groupe PSA Peugeot Citroën, ancien président du conseil d’administration d’Areva, auteur du rapport « Sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales », 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([728]) Bernardette Mérenne, « Métaux rares et métaux précieux : une multiplicité de productions, d’acteurs et de besoins », Questions internationales n° 117, février-mars 2023. https://shs.cairn.info/magazine-questions-internationales-2023-1-page-56?lang=fr

([729]) Si les voitures vendues en Europe utilisent presque toutes des batteries de type lihitum-ion, celles proposées sur le marché chinois reposent sur la technologie lithium-fer-phosphate, qui pourrait représenter à terme jusqu’à 30 % du marché mondial, en particulier pour de petits véhicules urbains et périurbains.

([730]) Agence internationale de l’énergie, The Role of Critical World Energy Outlook Special Report Minerals in Clean Energy Transitions, mars 2022 https://iea.blob.core.windows.net/assets/ffd2a83b-8c30-4e9d-980a-52b6d9a86fdc/TheRoleofCriticalMineralsinCleanEnergyTransitions.pdf

([731]) Audition de M. Philippe Varin, 5 mai 2025, op. cit.

([732]) Règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020 https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2024/1252/oj?locale=fr

([733]) Philipe Varin, Rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matière premières minérales, 2022 https://archive-2017-2022.ecologie.gouv.fr/presse/investir-dans-france-2030-remise-au-gouvernement-du-rapport-varin-sur-securisation

([734]) Audition de M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([735]) Audition de M. Philippe Varin, président de la Chambre de commerce internationale, ancien président du directoire du groupe PSA Peugeot Citroën, ancien président du conseil d’administration d’Areva, auteur du rapport « Sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales », 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([736]) Audition de M. Benjamin Gallezot, 5 mai 2025, op. cit.

([737]) Assemblée nationale, commission des affaires étrangères, rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les terres rares et les ressources naturelles stratégiques, M. Jérôme Buisson, 18 décembre 2024 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_afetr/l17b0725_rapport-information

([738]) Audition de M. Philippe Varin, 5 mai 2025, op. cit.

([739]) Ibid.

([740]) Commission européenne, Communiqué de presse du 27 mars 2025, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_25_864

([741]) Règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020

([742]) Audition de M. Philippe Varin, 5 mai 2025, op. cit.

([743]) Audition de M. Benjamin Gallezot, délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([744]) Audition de M. Philippe Varin, 5 mai 2025, op. cit.

([745]) Audition de Mme Catherine Lagneau, présidente du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([746]) Audition de Mme Catherine Lagneau, 5 mai 2025, op. cit.

([747]) Audition de M. Benjamin Gallezot, 5 mai 2025, op. cit.

([748]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, ancienne ministre déléguée chargée de l’industrie, 4 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425049_compte-rendu

([749]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, 4 juin 2025, op. cit.

([750]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([751]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([752]) Ibid.

([753]) Audition de M. Éric Trappier, président de Dassault Aviation, président de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425025_compte-rendu

([754]) Audition de Mme Delphine Laffay, directrice générale adjointe de la société Faubourg Aménagement (groupe IDEC), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([755]) Audition de Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest de Business France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu

([756]) Audition de M. Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, vice-président du conseil départemental de Saône-et-Loire, président d’Intercommunalités de France, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu

([757]) Audition de M. Clément Beaune, Haut-commissaire au plan, commissaire général à la stratégie et à la prospective, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([758]) Rollon Mouchel-Blaisot et François Noisette, Stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel, rapport de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, juillet 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/presse/remise-du-rapport-du-prefet-rollon-mouchel-blaisot-charge-dune-mission-interministerielle

([759]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([760]) Audition de M. Grégory Claeys, directeur du département économie au sein de France Stratégie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425003_compte-rendu

([761]) Ibid.

([762]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([763]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([764]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, 10 avril 2025, op. cit.

([765]) Audition de M. David Ester, vice-président « projets » de Novo Nordisk France, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425018_compte-rendu

([766]) Audition de M. Guillaume Basset, adjoint à la directrice générale déléguée Invest au sein de Business France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu

([767]) Audition de M. François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([768]) Audition de M. Olivier Levillain, chef du service prévention des risques au sein de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([769]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, 10 avril 2025, op. cit.

([770]) Audition de M. Marc Lhermitte, associé au sein de EY Consulting, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425011_compte-rendu

([771]) Ademe, réponses écrites aux questions du rapporteur, 19 mai 2025.

([772]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([773]) Audition de Mme Audrey Le-Bars, présidente-directrice générale du GIP Chemparc, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([774]) Audition de M. François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement durable, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([775]) Audition de M. Christophe Simonnet, directeur général de Faubourg Promotion (groupe IDEC), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([776]) Banque des territoires, réponses écrites aux questions du rapporteur, 18 avril 2025.

([777]) Audition de M. Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, vice-président du conseil départemental de Saône-et-Loire, président d’Intercommunalités de France, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu

([778]) Audition de M. Christophe Simonnet, 10 avril 2025, op. cit.

([779]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, op. cit.

([780]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([781]) Audition de M. Lucas Chevrier, conseiller industrie d’Intercommunalités de France, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425020_compte-rendu

([782]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, 10 avril 2025, op. cit.

([783]) Audition de M. David Baverez, investisseur et spécialiste de la Chine, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu 

([784]) Ibid

([785]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([786]) Ibid

([787]) BPIFrance, La réindustrialisation en France : regards croisés entre territoires, industriels et citoyens, 15 mai 2024, https://lelab.bpifrance.fr/Etudes/la-reindustrialisation-en-france-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-citoyens

([788]) BPIFrance, La réindustrialisation en France : regards croisés entre territoires, industriels et citoyens, 15 mai 2024, https://lelab.bpifrance.fr/Etudes/la-reindustrialisation-en-france-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-citoyens

([789]) La gamme est déterminée selon l’écart de la valeur unitaire à la référence mondiale (+/- 15%). Si la valeur unitaire du flux est supérieure de 15 % à la médiane mondiale, alors le flux sera considéré comme haut de gamme.

([790]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([791]) Audition de Mme Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu 

([792]) Selon le référentiel deeptech élaboré par BPIFrance, quatre critères contribuent à définir une entreprise deeptech : entretenir un lien fort avec la recherche publique ou privée, être engagée dans un processus de développement long et complexe, être confronté à des verrous technologiques difficiles à lever, se différencier de la concurrence par l’innovation

([793]) Direction générale des entreprises, L’innovation de rupture au défi du passage à l’échelle, état des lieux de la deeptech en France et pistes pour une nouvelle stratégie, 14 mars 2025, https://www.entreprises.gouv.fr/espace-presse/la-direction-generale-des-entreprises-dge-publie-son-rapport-sur-lecosysteme-deeptech

([794]) Christophe Bonneau, Mounira Nakaa, « Vulnérabilité des approvisionnements français et européens », Trésor-Eco n° 274, 17 décembre 2020, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/12/17/vulnerabilite-des-approvisionnements-francais-et-europeens

([795]) Audition d’Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([796]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([797]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([798]) Audition de M. Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, professeur associé à Skema Business School, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([799]) Commission européenne, Communiqué de presse du 27 mars 2025, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_25_864

([800]) Règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) n° 168/2013, (UE) 2018/858, (UE) 2018/1724 et (UE) 2019/1020

([801]) Audition de M. Philippe Varin, président de la Chambre de commerce internationale, ancien président du directoire du groupe PSA Peugeot Citroën, ancien président du conseil d’administration d’Areva, auteur du rapport « Sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales », 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425036_compte-rendu

([802]) Madlie Ericher, Johan Seux, Siessima Toe et Lucie Tournier, « Les semi‑conducteurs : un marché mondialisé et une dépendance européenne », Les Thémas de la DGE n° 27, janvier 2025 https://www.entreprises.gouv.fr/la-dge/publications/les-semi-conducteurs-un-marche-mondialise-et-une-dependance-europeenne

([803]) Règlement (UE) 2023/1781 du 13 septembre 2023 établissant un cadre de mesures pour renforcer l’écosystème européen des semi-conducteurs https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32023R1781

([804]) BPIFrance, Industrie et territoires, comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile, 15 mai 2014, https://presse.bpifrance.fr/comment-gagner-la-bataille-de-la-reindustrialisation-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-societe-civile

([805]) Audition de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu 

([806]) Ibid.

([807]) Matthias Breunig, Matthias Kässer, Heinz Klein et Jan Paul Stein, “Building smarter cars with smarter factories: How AI will change the auto business”, McKinsey, 2 octobre 2017, https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/our-insights/building-smarter-cars

([808]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([809]) Audition de M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ancien député, 12 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425053_compte-rendu 

([810]) Décret n° 2020-1101 du 1er septembre 2020 instituant un haut-commissaire au plan

([811]) Décret n° 2022-990 du 7 juillet 2022 relatif au secrétariat général à la planification écologique

([812]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([813]) Ancoris, Baromètre de l’attractivité des territoires, Attractivité, la nouvelle donne, février 2024, https://www.ancoris.fr/wp-content/uploads/2024/02/barometre-2024-groupe-scet-x-ancoris.pdf

([814]) Cour des comptes, Le programme Territoires d’industrie, 21 novembre 2024, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-programme-territoires-dindustrie

([815]) Sénat, commission des affaires économiques, rapport d’information sur le programme Territoires d’industrie, Mme Martine Berthet, M. Rémi Cardon et Mme Anne-Catherine Loisier co-rapporteurs, 18 décembre 2924, https://www.senat.fr/notice-rapport/2024/r24-217-notice.html 

([816]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([817]) Audition de M. Laurent Fiscus, préfet, directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, ancien sous-préfet chargé de mission pour la construction de l’usine Toyota, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425027_compte-rendu

([818]) Sénat, délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Le pouvoir préfectoral de dérogation : des solutions concrètes pour adapter les normes aux territoires, rapport d’information n° 346 (2024-2025), M. Rémy Pointereau et Mme Guylène Pantel rapporteurs, 13 février 2025 https://www.senat.fr/notice-rapport/2024/r24-346-notice.html

([819]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([820]) Audition de M. Bruno Azière, délégué national au sein du secteur transition économique, membre du comité exécutif du Conseil national de l’industrie pour la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu 

([821]) Audition de M. Bruno Azière, 15 mai 2025, op. cit.

([822]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

([823]) Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte, Quatrième rapport, octobre 2023 https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-de-loi-pacte-quatrieme-rapport

([824]) Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise

([825]) Audition de Mme Patricia Drevon, secrétaire confédérale en charge de l’organisation, des affaires juridiques et des outre-mer au sein de Force ouvrière (FO), 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu

([826]) Id.

([827]) BPIFrance, Industrie et territoires, comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile, 15 mai 2014, https://presse.bpifrance.fr/comment-gagner-la-bataille-de-la-reindustrialisation-regards-croises-entre-territoires-industriels-et-societe-civile

([828]) Audition de M. Valentin Rodriguez, secrétaire général de la fédération des métaux – Force ouvrière (FO), 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu 

([829]) Audition de M. Marc Aubry, secrétaire national de la fédération générale des mines et de la métallurgie (CFDT-FGMM) en charge de la politique industrielle et de la RSE, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425039_compte-rendu 

([830]) Ecole nationale des arts et métiers, BPIFrance et Opinionway, 10e édition du baromètre « Les lycéens et l’industrie », 2023,  https://artsetmetiers.fr/fr/actualites/10e-edition-du-barometre-les-lyceens-et-lindustrie-sondage-opinionway

([831]) « Par ailleurs, l’un des intérêts qu’il y a à industrialiser un pays, c’est que les ouvriers et les techniciens qualifiés sont en général relativement mieux payés dans les industries que dans les entreprises de services. Ainsi, 75 % des salariés de l’industrie gagnent plus que 1,6 fois le Smic (…) ». Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([832]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([833]) Direction générale des entreprises, la Semaine de l’industrie https://www.entreprises.gouv.fr/semaine-de-lindustrie

([834]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([835]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Repères et références statistiques 2024, janvier 2024, https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2024-414953

([836]) Ibid.

([837]) Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, Les grands enjeux des transformations des lycées professionnels, 29 mai 2024, https://www.ih2ef.gouv.fr/les-grands-enjeux-des-transformations-des-lycees-professionnels 

([838]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([839]) Audition de M. Alexandre Saubot, président de France Industrie, directeur général du groupe Haulotte, 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425029_compte-rendu

([840]) Audition de Mme Audrey Le-Bars, présidente-directrice générale du GIP Chemparc, directrice de projet Territoire d’industrie Lacq-Pau-Tarbes, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([841]) UIMM, 15 propositions pour le quinquennat 2022-2027, https://uimm.lafabriquedelavenir.fr/wp-content/uploads/2022/01/15-propositions-pour-le-quinquennat.pdf

([842]) Audition de M. Hugues de Balathier, directeur général adjoint de France compétences, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu

([843]) Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, Les grands enjeux des transformations des lycées professionnels, 29 mai 2024, https://www.ih2ef.gouv.fr/les-grands-enjeux-des-transformations-des-lycees-professionnels 

([844]) Banque des territoires, Les écoles de production : accompagner les jeunes vers la formation dans les territoires, 24 février 2025 https://www.banquedesterritoires.fr/realisation/insertion-professionnelle-jeunes

([845]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

([846]) Audition de M. Pascal Le Guyader, vice-président de l’opérateur de compétences interindustriel OPCO 2i, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425019_compte-rendu 

([847]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([848]) Audition de M. Didier Boulogne, directeur général délégué Export de Business France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu 

([849]) Audition de Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, présidente de Régions de France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425042_compte-rendu 

([850]) Audition de Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest de Business France, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425007_compte-rendu 

([851]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu 

([852]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([853]) Audition de M. Alain Juillet, ancien directeur du renseignement au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, ancien haut responsable chargé de l’intelligence économique, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425013_compte-rendu 

([854]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453 sur l’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, MM. François Jolivet et Hervé de Lépinau rapporteurs, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cec/l17b1453_rapport-information

([855]) l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, Rapport d’activité 2024, 15 avril 2025, https://cyber.gouv.fr/actualites/lanssi-publie-son-rapport-dactivite-2024

([856]) Directive (UE) 2022/2557 du 14 décembre 2022 sur la résilience des entités critiques, et abrogeant la directive 2008/114/CE du Conseil

([857]) Directive (UE) 2022/2555 du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le règlement (UE) no 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2)

([858]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([859]) Loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

([860]) H.R.4943 — 115th Congress (2017-2018)

([861]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, président d’honneur du Mouvement des entreprises de France (Medef), président de Notus Technologies, auteur du rapport sur la sécurité économique des entreprises remis au Président de la République, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425021_compte-rendu

([862]) Loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

([863]) Audition de Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des affaires internationales, stratégiques et technologiques au sein du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, 27 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425014_compte-rendu

([864]) Audition de M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425035_compte-rendu

([865]) Ibid.

([866]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, 10 avril 2025, op. cit.

([867]) Règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant

([868]) Règlement d’exécution 2018/1101 de la Commission du 3 août 2018 du 3 août 2018 établissant les critères pour l’application de l’article 5, deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 2271/96 du Conseil portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant

([869]) Audition de M Geoffroy Roux de Bézieux, 10 avril 2025, op. cit.

([870]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, rapport d’information n° 1453 sur l’évaluation du contrôle des investissements étrangers en France, 22 mai 2025, op. cit.

([871]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([872]) Sénat, Éclairer l’avenir : l’électricité aux horizons 2035-2050, rapport de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 n° 714, Franck Montaugé et Vincent Delahaye, 2 juillet 2024 https://www.senat.fr/rap/r23-714-1/r23-714-1.html

([873]) Le facteur de charge (Kp) d’une installation de production d’électricité correspond au rapport entre sa production réelle et le maximum théorique qu’elle aurait pu produire si elle avait fonctionné toute l’année à pleine puissance. Il se décompose en un coefficient de disponibilité (Kd), c’est-à-dire le pourcentage de la période considérée au cours de laquelle la centrale a fonctionné, et un coefficient d’utilisation (Ku), c’est-à-dire, pendant la période où la centrale a fonctionné, le rapport entre sa production effective et la production qu’elle aurait généré si elle avait fonctionné à pleine puissance.

([874]) Réseau de transport d’électricité, Futurs énergétiques 2050, 2022. https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques

([875]) Assemblée nationale, commission des affaires économiques, rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques, n° 1439, Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Philippe Bolo rapporteurs, 17 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-eco/l17b1439_rapport-information

([876]) Bertille Bayart, «  Gaz de schiste : le rapport enterré par le gouvernement », Le Figaro, 6 avril 2015 https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/04/06/20002-20150406ARTFIG00201-gaz-de-schiste-le-rapport-enterre-par-le-gouvernement.php

([877]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012 https://www.vie-publique.fr/rapport/32798-pacte-pour-la-competitivite-de-industrie-francaise

([878]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu

([879]) Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement

([880]) Service des données et études statistiques (SDES), Chiffres clés de l’énergie. Édition 2024, septembre 2024. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie/pdf/Chiffres-cles-energie-2024.pdf

([881]) Direction de l’énergie, « Note au ministre : Fin de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique », 7 janvier 2025, document transmis au rapporteur.

([882]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([883]) Rapport n° 1695 sur la proposition de loi n° 1695 de M. Alexandre Loubet visant à faire baisser la facture énergétique des Français et des entreprises sur le territoire, octobre 2023. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-eco/l16b1695_rapport-fond#

([884]) Audition de M. Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([885]) Rexecode, « Prélèvements sur l’industrie : un alignement vers la moyenne européenne inachevée », Repères n° 11, 3 octobre 2024. https://www.rexecode.fr/media/documents/document-de-travail/reperes/repere-11-prelevements-sur-l-industrie-un-alignement-vers-la-moyenne-europeenne-inacheve-octobre-2024

([886]) IMD World Competitiveness Center, World Competitiveness Ranking https://www.imd.org/centers/wcc/world-competitiveness-center/rankings/world-competitiveness-ranking/rankings/wcr-rankings/#_tab_List

([887]) IMD World Competitiveness Center, The 2017 IMD World Competitiveness Ranking https://members.bccthai.com/temp/Institute_of_Management_Development_Competitiveness_Survey.pdf

([888]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/10-ans-de-politiques-publiques-en-faveur-de-lindustrie-des-resultats-encore-fragiles

([889]) Agnès Verdier-Molinié, « Normes européennes : une charge de 20 milliards d’euros pour la France », Journal du dimanche, 7 avril 2024 https://www.ifrap.org/europe-et-international/normes-europeennes-une-charge-de-20-milliards-deuros-pour-la-france

([890]) Commission internationale présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole, Les grands défis économiques, juin 2021. https://www.strategie-plan.gouv.fr/files/files/Publications/2021/0623/fs-2021-rapport-les_grands_defis_economiques-juin_0.pdf

([891]) Insee, « En 2017, le déficit public s’élève à 2,6 % du PIB, la dette notifiée à 97,0% du PIB », Informations rapides, 26 mars 2018 https://www.insee.fr/fr/statistiques/3375616

([892]) Insee, « En 2024, le déficit public s’élève à 5,8 % du PIB, la dette publique à 113 % du PIB », Informations rapides, 27 mars 2025  https://www.insee.fr/fr/statistiques/8540375

([893]) Cour des comptes, Rapport annuel public. La situation d’ensemble des finances publiques (à fin février 2024), 12 mars 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/68842 

([894]) Sylvie Foutrier, « Un projet de budget 2025 "fragile" selon le Haut conseil des finances publiques », Rexecode Document de la semaine 15 octobre 2024 https://www.rexecode.fr/conjoncture-previsions/veille-documentaire/document-de-la-semaine/un-projet-de-budget-2025-fragile-selon-le-haut-conseil-des-finances-publiques

([895]) François Ecalle, Le taux des prélèvements obligatoires est-il trop élevé ?, Fipéco 27 juillet 2023 https://fipeco.fr/fiche/Le-taux-des-pr%C3%A9l%C3%A8vements-obligatoires-est-il-trop-%C3%A9lev%C3%A9-%3F

([896]) Audition de M. Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425034_compte-rendu

([897]) Audition de M. Renaud Dutreil, ancien député, ancien secrétaire d’État puis ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, responsable du capital-investissement chez Mirabaud Asset Management, 2 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425016_compte-rendu

([898]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([899]) La Finance pour tous, Données sur l’actionnariat salarié, 20 mars 2024 https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/entreprise/epargne-salariale/donnees-sur-lepargne-salariale/donnees-sur-l-actionnariat-salarie/

([900]) Loi n°  2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle.

([901]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu

([902]) Bertille Bayart et Valérie Collet, « John Elkann et Luca de Meo : "Le sort de l’industrie automobile européenne se joue cette année" », Le Figaro, 5 mai 2025 https://www.lefigaro.fr/conjoncture/john-elkann-et-luca-de-meo-le-sort-de-l-industrie-automobile-europeenne-se-joue-cette-annee-20250505

([903]) Benoit Catzaras et Ludovic Butel, Note des autorités françaises pour la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à l’attention du Représentant permanent adjoint, SGAE, 3 décembre 2024, document transmis au rapporteur.

([904]) Florian Anselme, «  Luc Chatel : L’Europe saborde son industrie automobile », Le Journal du Dimanche, 9 juin 2025 https://www.lejdd.fr/economie/luc-chatel-leurope-saborde-son-industrie-automobile-158971

([905]) Intercommunalités de France, Le foncier économique à l’heure de la sobriété foncière : état des lieux et perspectives, 19 octobre 2022 https://www.intercommunalites.fr/publications/le-foncier-economique-a-lheure-de-la-sobriete-fonciere-etat-des-lieux-et-perspectives/

([906]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « transition énergétique pour l’industrie décarbonée »au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([907]) Audition de M. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425044_compte-rendu

([908]) Sénat, Proposition de loi n° 124 (2024-2025) visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux déposée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et al., 7 novembre 2024 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-124.html

([909]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([910]) Audition de M. Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425044_compte-rendu 

([911]) Autorité environnementale, rapport annuel 2023, 9 juillet 2024  https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/le-rapport-annuel-2023-de-l-autorite-a3369.html

([912]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([913]) Les deux autres conditions, cumulatives, sont l’absence d’autres solutions satisfaisantes et pas de nuisance établie au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

([914]) Conseil constitutionnel, décision n° 2024-1126 QPC du 5 mars 2025, Association Préservons la forêt des Colettes et autres https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20241126QPC.htm

([915]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([916]) Cerema, Coûts des friches. Analyse des lauréats du Fonds Friches, 23 novembre 2023 https://www.reseaunationalamenageurs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/3-231123_rna_prez_jm.pdf

([917]) Audition de M. François Wohrer, directeur de l’investissement de la Banque des territoires, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([918]) Audition de M. Rollon Mouchel-Blaisot, préfet de la Somme, chargé de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([919]) Audition de M. Laurent Guillot, directeur général du groupe Emeis, auteur du rapport « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », 15 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425028_compte-rendu

([920]) Banque des territoires, réponses écrites aux questions du rapporteur, 18 avril 2025.

([921]) Audition de M. Marc Rohfritsch, directeur régional et interdépartemental par intérim de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d’Île-de-France, 15 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425041_compte-rendu

([922]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 3 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425017_compte-rendu

([923]) Audition de M. François Noisette, ancien inspecteur général de l’environnement et du développement durable, chargés de la mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel, 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425022_compte-rendu

([924]) Observatoire de la commande publique, Recensement économique de la commande publique, chiffres 2023, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/Chiffres_recensement_2023.pdf?v=1744881376

([925]) Document transmis au rapporteur par France Industrie.

([926]) Observatoire de la commande publique, Recensement économique de la commande publique, chiffres 2023, op. cit.

([927]) Observatoire économique de la commande publique, Recensement économique de la commande publique Chiffres 2021, novembre 2022 https://www.economie.gouv.fr/daj/commande-publique/observatoire-economique-de-la-commande-publique/oecp-le-recensement

([928]) Cour des comptes, La prise en compte des enjeux du développement durable dans les achats de l’État, 6 décembre 2024 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-prise-en-compte-des-enjeux-du-developpement-durable-dans-les-achats-de-letat

([929]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([930]) Antoine Crépel, Jori Damond, Alain Grandjean, Hughes-Marie Aulanier, Buy European and Sustainable Act : accélérer la transition vers une économie européenne bas-carbone, mai 2024 https://www.carbone4.com/publication-buy-european-and-sustainable-act

([931]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE

([932]) Observatoire de la commande publique, Recensement économique de la commande publique, chiffres 2022, 15 novembre 2023, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/Chiffres-recensement2022.pdf?v=1744881376

([933]) Direction des affaires juridiques, L’achat public de solutions innovantes, 2024, https://www.economie.gouv.fr/daj/commande-publique/achats-publics-durables-et-dinnovation/achat-public-de-solutions-innovantes

([934]) Article R. 2122-9-1 du code de la commande publique

([935]) Articles R.  2171-2 à R. 2171-3 du code de la commande publique

([936]) Article L. 2172-3 du code de la commande publique

([937]) Article R. 2162-2 du code de la commande publique

([938]) EU Innovation Procurement Observatory, Benchmarking of national policy frameworks for innovation procurement - the Netherlands, 2024 https://ec.europa.eu/assets/rtd/innovation-procurement/country-report-2024-policy-benchm-netherlands.pdf

([939]) OCDE, Réforme des marchés publics : progrès de mise en œuvre de la recommandation 2015 de l’OCDE, 2019 https://www.oecd.org/content/dam/oecd/fr/publications/reports/2019/10/reforming-public-procurement_4846551d/621e6366-fr.pdf

([940]) Articles R. 2172-20 à R. 2172-32 du code de la commande publique

([941]) Small Business Innovation Research (SBIR) and Small Business Technology Transfer (STTR) Program , Policy Directive, may 3rd 2023, https://www.sbir.gov/about/policies

([942]) UK Research and innovation, Innovate UK Contracts for Innovation (formerly known as the Small Business Research Initiative or SBRI) 5 août 2024 https://www.ukri.org/what-we-do/browse-our-areas-of-investment-and-support/innovate-uk-contracts-for-innovation/

([943]) Department for Business, Innovation & Skills, The Rt Hon Dr Vince Cable and The Rt Hon Lord David Willetts, “Multi million package announced to boost innovation and research in the UK” 8 décembre 2011 https://www.gov.uk/government/news/multi-million-package-announced-to-boost-innovation-and-research-in-the-uk

([944]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, 2012, https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/124000591.pdf

([945]) Contracts for Innovation : Enabling innovators to work directly with the public sector to develop new technologies and processes https://iuk-business-connect.org.uk/programme/contracts-for-innovation/#breadcrumbs 

([946]) Article L.2172-3 du code de la commande publique

([947]) Comité de surveillance des investissements d’avenir, France 2030 : lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs, juin 2023,  https://www.info.gouv.fr/upload/media/organization/0001/01/sites_default_files_contenu_piece-jointe_2023_06_rapport_devaluation_csia_france_2030_vf_-_publique.pdf

([948]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([949]) Ministère de l’économie et des finances, France relance : un an de soutien au secteur de l’industrie, 6 septembre 2021, https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/france-relance-un-an-soutien-secteur-industrie  

([950]) Ibid.

([951]) Comité de surveillance des investissements d’avenir, France 2030 : lancement maîtrisé d’un plan d’investissements à impacts majeurs, juin 2023, https://www.info.gouv.fr/upload/media/organization/0001/01/sites_default_files_contenu_piece-jointe_2023_06_rapport_devaluation_csia_france_2030_vf_-_publique.pdf

([952]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France n° 16, juin 2023 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-2023-90566

([953]) Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation n° 18, juin 2025 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-2025-99292

([954]) Audition de Mme Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425008_compte-rendu

([955]) Commission européenne, Rapport par pays sur la décennie numérique 2024 pour la France, https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/factpages/france-2024-digital-decade-country-report  

([956]) Ministero delle Imprese e del Made in Italy, PNRR – Transizione 4.0, https://www.mimit.gov.it/index.php/it/pnrr/progetti-pnrr/pnrr-transizione-4-0

([957]) Corte dei conti, Rapporto 2023 sul coordinamento della finanza pubblica, 2023, https://www.corteconti.it/Download?id=ddfd70d1-1d57-46c6-b12c-6c0001670bb7

([958]) Ministero delle Imprese e del Made in Italy, PNRR – Transizione 5.0, https://www.mimit.gov.it/it/incentivi/piano-transizione-5-0

([959]) OCDE, Perspectives économiques, juin 2025, https://www.oecd.org/fr/publications/perspectives-economiques-de-l-ocde-volume-2025-numero-1_15a25f4a-fr/full-report/italy_b5083db2.html

([960]) Olivier Tosseri, « Le PIB par habitant des Italiens rejoint celui des Français », Les Échos, 25 mai 2025 https://www.lesechos.fr/monde/europe/le-pib-par-habitant-des-italiens-rejoint-celui-des-francais-2167231

([961]) OCDE, Perspectives économiques, juin 2025, op. cit.

([962]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([963]) Audition de M. Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, 5 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425035_compte-rendu 

([964]) Cour des Comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, 28 novembre 2024

([965]) Sénat, commission d’enquête sur les aides aux entreprises, audition de Charles Wolf, directeur France et directeur général vaccins France, 26 mars 2025, https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20250324/ce_aides.html#toc8

([966]) Audition de M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, 27 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425045_compte-rendu

([967]) Direction générale du Trésor, Analyse des prêts garantis par l’Etat à la fin 2021, 3 mars 2022, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/03/03/analyse-des-prets-garantis-par-l-etat-a-la-fin-2021

([968]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, ancien député, 22 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425043_compte-rendu 

([969]) Conseil d’analyse économique, Prêts par l’État: les entreprises pourront-elles rembourser ?, octobre 2024, https://cae-eco.fr/static/pdf/focus-110-pge-241009.pdf

([970]) Small Business Administration, Business Loan Program Temporary Changes; Paycheck Protection Program-Extension of Lender Records Retention Requirements, 23 août 2024, https://www.federalregister.gov/documents/2024/08/23/2024-18083/business-loan-program-temporary-changes-paycheck-protection-program-extension-of-lender-records

([971]) U.S. Small Business Administration, PPP loan forgiveness, https://www.sba.gov/funding-programs/loans/covid-19-relief-options/paycheck-protection-program/ppp-loan-forgiveness

([972]) Grégory Claeys, Ruben Fotso, Maxime Gérardin, Coline Bouvart, Nassim Zbalah, François Belle-Larant, Réindustrialisation de la France à l’horizon 2035 : besoins, contraintes et effets potentiels, document de travail de France Stratégie, juillet 2024, https://www.strategie-plan.gouv.fr/publications/reindustrialisation-de-france-horizon-2035-besoins-contraintes-effets-potentiels-0

([973]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF et d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président de La Fabrique de l’Industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425002_compte-rendu 

([974]) Commission européenne, Staff Working Document for a European Defence Industry Programme and a framework of measures to ensure the timely availability and supply of defence products, 8 juillet 2024, https://defence-industry-space.ec.europa.eu/document/download/f1e6ba44-4720-4f14-a991-a3a7f3afb475_en?filename=Staff%20Working%20Document%20on%20EDIP.PDF

([975]) Banque de France,  L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des entreprises et des ménages en janvier 2022 https://www.banque-france.fr/system/files/2023-07/impact_crise_covid_mars-2022.pdf

([976]) Banque de France, De nouvelles statistiques sur la distribution du patrimoine des ménages dans la comptabilité nationale, janvier 2024, https://www.banque-france.fr/system/files/2024-02/BDF250-6_Comptes.pdf

([977]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([978]) Banque de France, Épargne et Patrimoine financiers des ménages - France et étranger - T4 2023, 15 mai 2024, https://www.banque-france.fr/fr/statistiques/epargne/epargne-des-menages-2023t4

([979]) Banque de France, Placements des assurances 2024 T1, 11 juillet 2024, https://www.banque-france.fr/fr/statistiques/epargne/placements-des-assurances-2024t1

([980]) Ministère de l’économie et des finances, Communiqué de presse - Épargne retraite : Déploiement du PER : plus de 11 millions de titulaires et près de 119 milliards d’encours au troisième trimestre 2024, 18 février 2025, https://presse.economie.gouv.fr/epargne-retraite-deploiement-du-per-plus-de-11-millions-de-titulaires-et-pres-de-119-milliards-dencours-au-troisieme-trimestre-2024/

([981]) Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

([982]) Article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

([983]) Banque européenne d’investissement, Wachstumsfond Bayren 2, fiche récapitulative, https://www.eib.org/fr/projects/all/20180365

([984]) Assemblée nationale, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, rapport d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes, M. Jean Philippe Tanguy et M. Jean-François Jolivet rapporteurs, 14 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_fin/l17b1427_rapport-information

([985]) PWC, European ETF listing and distribution, novembre 2024, https://www.pwc.lu/en/asset-management/etfs/etf-poster.html

([986]) France stratégie, op. cit.

([987]) Banque de France, « La détention des actions des sociétés françaises du CAC 40 par les non-résidents est restée stable en 2023 », 20 décembre 2024, https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/la-detention-des-actions-des-societes-francaises-du-cac-40-par-les-non-residents-est-restee-stable

([988]) https://www.regjeringen.no/en/topics/the-economy/the-government-pension-fund/id1441/

([989]) https://www.temasek.com.sg/en/index

([990]) https://www.kic.kr/en

([991]) https://www.bundeswirtschaftsministerium.de/Redaktion/FR/Artikel/Economie/fonds-pour-lavenir.html

([992]) Assemblée nationale, commission des affaires économiques, Table ronde sur la souveraineté industrielle et la sécurité économique, réunissant M. Arnaud Montebourg, ancien ministre et entrepreneur, M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises au ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Mme Nadine Levratto, économiste et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), 2 juillet 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cion-eco/l17cion-eco2425120_compte-rendu

([993]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425005_compte-rendu

([994]) Voir notamment Marc Alochet et Jean-Pierre Corniou, « L’industrie automobile européenne en 2035 », Fondation pour l’innovation politique, décembre 2024. https://www.fondapol.org/etude/lindustrie-automobile-europeenne-en-2035/

([995]) Benoit Catzaras et Ludovic Butel, Note des autorités françaises pour la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à l’attention du Représentant permanent adjoint, SGAE, 3 décembre 2024, document transmis au rapporteur.

([996]) Audition de M. Olivier Lluansi, enseignant à l’École nationale supérieure des mines de Paris, professeur titulaire de la chaire « Transition énergétique pour l’industrie décarbonée » au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien délégué aux territoires d’industrie, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu 

([997]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu

([998]) Audition de M. Nicolas Le Bigot, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), 7 mai 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425037_compte-rendu

([999]) Audition de M. Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la prospérité et à la stratégie industrielle, commissaire européen à l’industrie, aux PME et au marché unique, ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères, 3 juin 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425048_compte-rendu

([1000]) Jean-Philippe Tanguy, rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2025, Annexe 47 – Affaires européennes, 19 octobre 2024 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_fin/l17b0468-tiii-a47_rapport-fond#_Toc256000012

([1001]) Audition de M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, 14 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425024_compte-rendu

([1002]) Vincent Lamigeon, « Règlement EDIP : l’incroyable guerre de coulisses qui déchire la défense européenne », Challenges 29 janvier 2025 https://www.challenges.fr/entreprise/defense/reglement-edip-lincroyable-guerre-de-coulisses-qui-dechire-la-defense-europeenne_597326

([1003]) Emmanuel Chay, Note pour la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne, « Instruction en vue de la réunion du groupe de travail droit des sociétés (Directive Reporting sur la durabilité des entreprises) », SGAE, 7 juin 2021, document transmis au rapporteur.

([1004]) Agence Erasmus+ France / Education Formation, La mobilité des alternants avec Erasmus+, https://agence.erasmusplus.fr/priorites-et-thematiques/la-mobilite-des-alternants-avec-erasmus/

([1005]) Audition de Mme Agnès Bénassy‑Quéré, seconde sous-gouverneure à la Banque de France, professeure d’économie, 26 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425010_compte-rendu

([1006]) Banque de France, réponses écrites aux questions du rapporteur, 26 mars 2025.

([1007]) Audition de M. Christian Saint-Etienne, professeur des universités émérite, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers, 20 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425006_compte-rendu

([1008]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (BPIFrance), 10 avril 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425023_compte-rendu

([1009]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, directrice stratégie & RSE au sein du groupe Humens, chercheuse associée au sein du Centre de recherche en gestion (CEREGE) de l’Université de Poitiers, 13 mars 2025 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/cereind/l17cereind2425004_compte-rendu