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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 octobre 2020
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur les dotations de soutien à l’investissement du bloc communal
TOME I
LA DOTATION D’ÉQUIPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
ET PRÉSENTÉ PAR
PAR Mme Christine PIRES BEAUNE,
Rapporteure
M. Jean-René CAZENEUVE,
Président
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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
La mission d’information est composée de : M. Jean-René CAZENEUVE, président ; Mme Christine PIRES BEAUNE, rapporteure ; M. Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Patricia LEMOINE, M. Jean-Paul MATTEI, M. François PUPPONI, Mme Sabine RUBIN et M. Laurent SAINT-MARTIN.
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SOMMAIRE
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Pages
I. LES CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ ET DE RÉPARTITION DE LA DOTATION D’ÉQUILIBRE DES TERRITOIRES RURAUX
A. L’ÉLIGIBILITÉ DES COMMUNES ET DES EPCI À LA DOTATION D’ÉQUIPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
1. Les différentes méthodes utilisées pour définir la ruralité
a. La définition des unités urbaines et non urbaines
b. La définition des aires urbaines et des communes isolées hors influence des pôles
c. La définition des communes denses et peu denses
2. Les critères utilisés pour l’éligibilité des communes et des EPCI à la DETR
a. Les critères d’éligibilité des communes
b. Les critères d’éligibilité des EPCI
c. La combinaison des critères d’éligibilité des communes et des EPCI
B. LA RÉPARTITION DE LA DOTATION D’ÉQUIPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX ENTRE LES DÉPARTEMENTS
1. Les critères de répartition de la DETR entre les enveloppes départementales
2. Les évolutions récentes de certaines enveloppes départementales paraissent peu cohérentes
3. L’impact des différents critères sur la répartition des enveloppes départementales de la DETR
4. Une forte augmentation des enveloppes départementales et de la population éligible à la DETR
5. Une faible corrélation entre les enveloppes départementales et la population rurale
6. La forte hétérogénéité de la DETR par habitant entre les départements
II. ANALYSE DE L’UTILISATION DES CRÉDITS DE LA DETR ET DES PROJETS SUBVENTIONNÉS
1. Une procédure d’exécution déconcentrée
a. Les crédits ouverts en loi de finances
b. La présentation des projets auprès du préfet
d. L’intervention des sous‑préfectures est plus ou moins importante
e. La commission d’élus intervient dans la procédure
f. La commission d’élus exerce ses prérogatives en lien avec les préfectures
g. La transparence sur les projets étudiés et retenus
h. Le calendrier d’attribution de la DETR peut varier mais suit une trame commune
2. Une exécution satisfaisante des crédits
a. La délégation des crédits par la DGCL aux préfectures
b. La consommation des crédits dans les départements
c. Le financement de projets en plusieurs tranches
3. Une cible de taux de subvention atteinte au niveau national
1. La loi fixe les catégories de projets éligibles
2. Des priorités politiques nationales peuvent être fixées par le Gouvernement par circulaire
4. La DETR contribue au financement des projets inscrits dans les contrats de ruralité
b. La contribution de la DETR au financement des contrats de ruralité
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
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La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), créée en 2011, a pour vocation de soutenir l’investissement local dans les collectivités rurales du bloc communal. Elle fonctionne selon une logique d’appel à projets présentés au préfet de département. En 2021, et depuis 2018, son montant est stable à plus d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement.
La stabilité de la DETR depuis 2018, tant du point de vue des critères d’éligibilité des communes et intercommunalités et de répartition de la dotation entre départements, que des crédits alloués par l’État, a pourtant conduit par ailleurs à une évolution contrastée, parfois contre‑intuitive, des enveloppes départementales. Notamment, certains départements semblent inscrits sur une trajectoire durablement baissière, sans que leur caractère plus ou moins « rural » puisse l’expliquer.
Le présent rapport propose en premier lieu une définition consensuelle de la ruralité : cette définition semble un préalable nécessaire à l’analyse de la pertinence de la répartition de la DETR. La mission a ainsi procédé à l’audition des associations d’élus locaux ainsi que d’universitaires spécialisés, pour aboutir à une définition fondée sur la méthode de la « grille de densité ».
À l’aune de cette définition de la ruralité, la mission a ensuite analysé précisément les critères d’éligibilité des communes et intercommunalités à la DETR, ainsi que les critères de répartition des crédits entre départements.
Elle en déduit que les règles actuelles d’éligibilité, et de répartition de la DETR, ne saisissent qu’imparfaitement la ruralité. La rapporteure propose un certain nombre de modifications. Les nombreuses simulations menées avec le concours de l’administration ont permis d’approfondir la compréhension de cette dotation complexe et de modéliser certaines tendances. Néanmoins, elles n’ont pas encore permis de comprendre entièrement les motifs d’évolution de certaines enveloppes départementales.
Si la souplesse de la DETR, dotation déconcentrée, est un atout, il convenait enfin de faire le point sur les différences de méthode entre préfectures
La mission a ainsi examiné l’exécution locale des crédits, en sollicitant un échantillon représentatif et divers, géographiquement et socialement, de préfectures départementales. Cette analyse a permis de dégager un ensemble de « bonnes pratiques » qu’il serait pertinent de généraliser pour une exécution optimale des crédits.
Au total, la rapporteure formule dans le présent rapport onze recommandations qui doivent permettre un meilleur ciblage des territoires ruraux par la DETR.
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
Préconisation n° 1 : poursuivre la concertation avec l’AMF et l’AMRF sur l’étude et l’opportunité d’un resserrement des critères communaux d’éligibilité à la DETR afin de la cibler prioritairement vers les communes rurales (au sens de la grille de densité), c’est-à-dire les communes peu denses et très peu denses.
Préconisation n° 2 : Restreindre l’éligibilité des EPCI en abaissant le seuil de population des EPCI éligibles, en abaissant le seuil de densité des EPCI éligibles ou en appliquant un critère de potentiel fiscal aux EPCI, à l’image de celui applicable aux communes.
Préconisation n° 3 : A minima, réserver la DETR « intercommunale » aux projets portés par les EPCI sur le territoire de leurs communes elles‑mêmes éligibles à la dotation.
Préconisation n° 4 : modifier les modalités d’encadrement des variations de la dotation afin de répartir de manière plus équitable le reliquat de dotation en évitant que les départements dont la variation spontanée de DETR est supérieure à – 5 % et inférieure à + 5 % ne captent seuls l’intégralité du reliquat.
Préconisation n° 5 : ajuster les modalités de calcul des enveloppes départementales de la DETR, notamment en substituant la prise en compte de la population des communes rurales à celle des EPCI éligibles.
Préconisation n° 6 : limiter l’évolution annuelle des enveloppes des départements dont la DETR par habitant est très supérieure à la moyenne. A minima, réduire, au moins à titre conservatoire, le « tunnel » des évolutions annuelles, par exemple à + ou – 3 %.
Préconisation n° 7 : vérifier que les restes à payer sur la DETR résultent essentiellement de surestimations du coût réel de certains projets et ne traduisent pas une insuffisance de la programmation en crédits de paiement (CP).
Préconisation n° 8 : à l’issue du déploiement du dispositif de soutien territorial de l’ANCT, établir un premier bilan de l’ingénierie disponible pour les communes rurales de petite taille.
Préconisation n° 9 : publier les données relatives aux projets subventionnés par la DETR dans un format harmonisé, consolidé et aisément exploitable.
Préconisation n° 10 : généraliser une délégation de crédits de début d’année dès le mois de janvier afin de soutenir la trésorerie des communes les plus fragiles.
Préconisation n° 11 : étendre les « bonnes pratiques » locales relevées dans les préfectures pour une consommation optimale des crédits de la DETR.
Les préconisations 3, 4, 5 et 6 ont d’ores et déjà été au moins en partie engagées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.
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Ce gel temporaire devait permettre à la commission des finances d’engager un travail de réflexion et d’analyse sur cette dotation, afin de proposer des pistes de réforme tendant à mieux prendre en compte la ruralité dans l’attribution des enveloppes de DETR.
La rapporteure a souhaité procéder en trois étapes principales : définir la ruralité, analyser la pertinence des critères d’éligibilité à la dotation et de répartition des enveloppes, et examiner l’exécution concrète des crédits au niveau départemental.
Ces travaux aboutissent à formuler onze recommandations que la rapporteure estime être de nature à favoriser un meilleur ciblage des territoires ruraux, ce qui correspond à l’objectif originel de la DETR.
Certaines de ces recommandations, présentées à la commission des finances en octobre 2020, ont pu être discutées en séance publique à l’Assemblée nationale dès l’examen de la loi de finances pour 2021. Leur mise en œuvre est en partie déjà engagée à la publication de ce rapport.
Toutefois, il ressort de ces travaux, et notamment des réponses des préfectures, que la véritable efficacité du soutien financier de l’État à l’investissement du bloc communal ne pouvait se réduire à l’étude de la seule DETR. Au contraire, pour apprécier l’impact de cette dotation, il convient selon la rapporteure d’intégrer à l’analyse la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
La commission des finances a ainsi décidé de prolonger cette mission d’information au premier semestre de l’année 2021, afin de poursuivre l’analyse de la DETR, et de l’étendre à la DSIL.
Le présent rapport, centré sur la répartition et l’exécution des crédits de la DETR, constitue donc un « tome I ». Il sera suivi d’un « tome II », axé essentiellement sur la DSIL et sur l’articulation entre les deux dotations.
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I. LES CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ ET DE RÉPARTITION DE LA DOTATION D’ÉQUILIBRE DES TERRITOIRES RURAUX
La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), créée par la loi de finances pour 2011 ([1]), résulte de la fusion de la dotation globale d’équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DDR). Ces deux dotations visaient à « aider les petites communes rurales et surtout les petits EPCI à bénéficier d’équipements classiques comme des bâtiments publics ou des installations de voirie » ([2]). Cet objectif est désormais celui de la DETR qui vise à subventionner les dépenses d’investissement des communes et des groupements de communes situés en milieu rural.
Pour parvenir à cet objectif, des critères d’éligibilité et de répartition, principalement fondés sur la population et la richesse fiscale des communes et des EPCI, sont définis par le code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces critères permettent de sélectionner les communes et les EPCI ruraux éligibles, et d’effectuer, à partir de ces derniers, une répartition entre les départements de la dotation nationale de manière cohérente avec l’objectif de soutien à l’investissement local en milieu rural.
Afin d’analyser la pertinence des critères retenus par la loi avec les objectifs de la DETR, il est nécessaire de distinguer, d’une part, les critères d’éligibilité à la dotation pour les communes et les EPCI et, d’autre part, les critères utilisés pour effectuer la répartition de la DETR nationale entre les différentes enveloppes départementales. Ces deux étapes ne sont toutefois pas sans lien puisque ce sont les caractéristiques des communes ou des EPCI éligibles qui sont utilisées pour réaliser, dans un second temps, la répartition des enveloppes départementales.
La fusion de la dotation globale d’équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DSR) en dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR)
La DETR, créée par la loi de finances pour 2011, résulte de la fusion de la dotation globale d’équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DDR). D’une manière générale, les critères retenus pour la nouvelle DETR sont plus proches de ceux de la DGE que de ceux de la DDR.
La dotation globale d’équipement (DGE) a été mise en place par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État (loi Defferre).
Le montant de la DGE, après déduction de la quote-part destinée aux collectivités territoriales d’outre-mer, était réparti en deux fractions, elles-mêmes réparties en deux enveloppes destinées aux communes et aux EPCI, de telle sorte qu’il était obtenu quatre montants différents.
Les deux enveloppes destinées aux EPCI étaient attribuées aux départements proportionnellement au montant des investissements réalisés au cours de la dernière année connue respectivement par les EPCI éligibles dont la population n’excède pas 2 000 habitants et par les EPCI éligibles dont la population est supérieure à 2 000 habitants.
Étaient éligibles à la DGE, dans les départements de métropole et d’outre-mer :
– les communes de 2 000 habitants au plus (7 500 dans les DOM) ;
– les communes de 2 001 à 20 000 habitants (7 501 à 35 000 dans les DOM) dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen des communes de métropole de 2 001 à 20 000 habitants ;
– les EPCI de 20 000 habitants au plus (35 000 dans les DOM) ;
– les EPCI de plus de 20 000 habitants (35 000 dans les DOM) dont les communes membres sont toutes éligibles à la DGE ;
– les EPCI de plus de 20 000 habitants (35 000 dans les DOM) dont le potentiel fiscal moyen par habitant est inférieur à 1,3 fois celui de l’ensemble des établissements de même nature et dont toutes les communes membres ont une population inférieure à 3 500 habitants.
La première fraction destinée aux communes était répartie entre les départements en fonction des critères suivants :
– pour 30 % en fonction de l’écart relatif entre le potentiel financier moyen par habitant des communes du département éligibles à la DGE et le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes éligibles ;
– pour 25 % en fonction de la population des communes éligibles ;
– pour 25 % en fonction de la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal, cette longueur étant doublée en zone de montagne ;
– pour 20 % en fonction du nombre de communes éligibles.
La seconde fraction destinée aux communes était répartie entre les départements au prorata du nombre d’habitants des communes éligibles dont la population est supérieure à 2 000 habitants.
La dotation de développement rural (DDR) avait été créée par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République. Elle faisait l’objet d’une répartition en deux parts : une première part destinée au financement de projets locaux, une seconde part destinée au maintien des services publics en milieu rural. Étaient éligibles à la première part les EPCI à fiscalité propre :
– ayant une compétence en matière d’aménagement de l’espace et de développement économique ;
– dont la population regroupée est inférieure à 60 000 habitants ;
– ne satisfaisant pas aux conditions nécessaires pour une transformation en communauté d’agglomération ;
– et dont les deux tiers au moins des communes membres comptent moins de 5 000 habitants.
Étaient éligibles à la seconde part, les EPCI éligibles à la première part de la DDR ainsi que les communes éligibles à seconde part de la dotation de solidarité rurale.
Pour la première part de la DDR, après déduction de la quote-part destinée aux collectivités territoriales d’outre-mer, les crédits étaient répartis à raison de :
– 25 % en fonction du nombre de communes membres des EPCI éligibles et du nombre d’établissements sachant que le nombre de communes situées en zone de montagne est doublé ; lorsque plus de la moitié des communes concernées est située en zone de montagne, l’EPCI est compté pour deux ;
– 25 % en fonction de la population des EPCI à fiscalité propre concernés ;
– 50 % en fonction du produit de la population par l’écart relatif entre le potentiel fiscal moyen par habitant de la catégorie et le potentiel fiscal par habitant de chacun de ces EPCI, pondéré par le coefficient d’intégration fiscale.
S’agissant de la seconde part, l’enveloppe était répartie en proportion inverse de la densité du département.
A. L’ÉLIGIBILITÉ DES COMMUNES ET DES EPCI À LA DOTATION D’ÉQUIPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
Afin d’effectuer une évaluation de la pertinence des critères retenus pour l’éligibilité à la DETR, il est préalablement nécessaire de définir la ruralité. Cette définition de la ruralité est néanmoins difficile et souvent réalisée par opposition aux territoires urbains. La rapporteure estime toutefois qu’un consensus semble aujourd’hui s’établir pour une définition de la ruralité à partir de la méthodologie dite de la « grille de densité ». Aujourd’hui, il apparaît que les critères d’éligibilité de la DETR conduisent à inclure une part substantielle des communes et intercommunalités urbaines.
1. Les différentes méthodes utilisées pour définir la ruralité
Au contraire des découpages administratifs (régions, départements, communes et intercommunalités), qui sont hétérogènes et variables dans le temps et l’espace, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) produit et diffuse des zonages d’études (unités urbaines, aires urbaines, zones d’emploi, bassins de vie, etc.) mis à jour généralement tous les dix ans. Certains zonages d’études sont harmonisés au niveau européen (aires urbaines), d’autres utilisent une méthode européenne commune, mais sans obligation de mise en œuvre au niveau national (zones d’emploi) et d’autres sont uniquement nationaux (unités urbaines).
Il existe plusieurs zonages d’études relatifs aux espaces ruraux. Ces derniers reposent généralement sur deux types de critères : des critères morphologiques établis sur une base démographique (la population ou la densité) et sur une base foncière (la continuité du bâti) ; des critères fonctionnels qui mesurent l’attraction des villes à partir des trajets entre le domicile et le lieu de travail des individus.
Si l’ensemble de ces zonages permettent d’approcher une définition statistique de la ruralité, les critères retenus ne sont pas toujours adaptés et ne saisissent pas le rôle de centralité que peuvent jouer certaines villes dans l’espace rural. Pour appréhender la diversité de la ruralité, il est nécessaire de développer de nouveaux indicateurs : M. Laurent Rieutort, directeur de l’Institut d’Auvergne du Développement des Territoires, propose, par exemple, la prise en compte de critères d’espace territorial (superficie du territoire à gérer ou à aménager par habitant), de fonctionnement des territoires ruraux (flux, accès aux services), d’aménités environnementales et récréatives des territoires ruraux (pourcentage de surface artificialisée, fragmentation des unités naturelles), ou encore de la délimitation de bassins de vie afin de prendre en compte les villes intermédiaires créatrices de liens entre le rural et l’urbain.
Ce débat, essentiel pour appréhender la diversité des ruralités, dépasse toutefois le cadre de la présente mission. La rapporteure rappelle qu’un groupe de travail mis en place en février 2020 par l’INSEE a pour objectif de définir les espaces ruraux en utilisant une méthode qui n’est pas construite par opposition aux espaces urbains.
a. La définition des unités urbaines et non urbaines
L’urbain se caractérise généralement par la concentration, tandis que le rural se caractérise par la dispersion. À partir de ce constat simple, une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Sont considérées comme rurales les unités qui ne rentrent pas dans la constitution d’une unité urbaine. La ruralité n’est donc pas définie par des caractéristiques qui lui sont propres, mais par opposition aux autres types d’unité.
RÉpartition des communes par Tranche
d’unitÉ urbaine
(Nombre de communes)
Source : commission des finances, données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
Suivant cette approche, près de 22 % de la population serait située en zone rurale (hors unité urbaine) ; 27 784 communes n’appartiennent pas à une unité urbaine et sont considérées comme appartenant à une unité rurale.
RÉpartition de la population par Tranche
d’unitÉ urbaine
(Pourcentage de la population totale)
Source : commission des finances, données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
Le poids de la population rurale varie dans des proportions considérables au niveau départemental : 17 départements comptent plus de la moitié de leur population dans des communes rurales. Des niveaux élevés sont atteints pour les départements de la Creuse (78 % d’habitants en communes rurales), du Gers (65 %) ainsi que du Cantal (63 %), de la Lozère et du Lot (62 % chacun). À l’inverse, 27 départements comptent moins de 20 % d’habitants en communes rurales et 16 départements comptent moins de 10 % d’habitants en communes rurales. À l’extrême, 4 départements franciliens (Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine–Saint-Denis et le Val-de-Marne) ne comportent même aucune commune rurale.
Part de la population vivant dans une unitÉ non urbaine
par dÉpartement
(en pourcentage de la population départementale)
Source : commission des finances ; logiciel Observatoire des territoires ; données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
M. Gérard-François Dumont, Professeur à l’université de Paris‑IV Sorbonne, estime que cette approche par unités urbaines crée une illusion de la disparition du rural, dans la mesure où elle se base sur des chiffres déconnectés de la réalité vécue par les habitants. Il estime que les critères retenus pour définir l’urbanité sont de nature extensive. Il critique notamment la modification effectuée en 2010 par l’INSEE concernant l’application de la règle des 200 mètres qui conduit à prendre en compte toutes les catégories de bâtiments, alors que seuls les logements étaient auparavant pris en compte pour l’application de cette règle.
Cette modification permettrait de ne pas faire apparaître une baisse du taux d’urbanisation. Pour M. Laurent Rieutort, il s’agit également d’une approche ancienne et obsolète, peu adaptée à la réalité fonctionnelle des territoires et qui ne permet pas de représenter réellement la ruralité.
Néanmoins, si l’INSEE reconnaît que l’approche par unité urbaine conduit à surestimer les territoires urbains et la population urbaine, elle rappelle que l’intérêt de ce zonage réside en partie dans la stabilité de sa définition, depuis le premier recensement de 1954, permettant de retracer l’histoire des territoires sur de longues périodes.
RÉpartition gÉographique des unitÉs urbainespar tranche
(communes)
Source : Observatoire des territoires ; données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
b. La définition des aires urbaines et des communes isolées hors influence des pôles
Le zonage en aires urbaines, défini par l’INSEE, se fonde sur une différenciation fonctionnelle des territoires qui décrit l’influence des villes sur le territoire, à travers le lien de dépendance à l’emploi qu’elles engendrent : les habitants quittent la ville pour s’installer dans des espaces moins urbanisés tout en gardant leur emploi dans le pôle urbain. Ce lien est mesuré par l’emploi (trajet entre le domicile et le lieu de travail) qui traduit une polarisation des villes concentrant certains équipements structurants.
Cette approche vise à regrouper dans une aire urbaine, d’une part, un pôle urbain avec une densité forte de population et une concentration importante d’emplois et, d’autre part, une couronne périurbaine comprenant un nombre important d’actifs travaillant dans le pôle. Cette approche distingue ainsi plusieurs catégories :
– les grandes aires urbaines : ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par une unité urbaine de plus de 10 000 emplois (le pôle), et par des communes la ceinturant dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci (la couronne périurbaine). Ces grandes aires urbaines regroupent près de 43 % des communes françaises et concentrent plus des trois quarts de la population et de l’emploi ;
– les moyennes aires urbaines : ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par une unité urbaine de 5 000 à 10 000 emplois, et par des communes la ceinturant dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ;
– les petites aires urbaines : ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par une unité urbaine de 1 500 à 5 000 emplois, et par des communes la ceinturant dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ;
– les communes multipolarisées des grandes aires urbaines : communes dont au moins 40 % des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs grandes aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant ;
– les communes multipolarisées situées hors des grandes, moyennes et petites aires urbaines, hors des communes multipolarisées des grandes aires urbaines dont au moins 40 % des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs aires, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant ;
– les communes isolées hors influence des pôles : communes non couvertes par les catégories précédentes, c’est-à-dire celles dont moins de 40 % des actifs occupés résidents travaillent dans une ou plusieurs aires urbaines.
RÉpartition des communes par catÉgorie
d’aire urbaine
(nombre de communes)
Source : commission des finances, données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
Selon cette nomenclature, les territoires ruraux peuvent être appréhendés comme la combinaison des communes isolées hors influence des pôles (rural le plus isolé) et des communes multipolarisées situées hors des aires urbaines (rural sous influence des pôles). Ces deux catégories rassemblent près de 10 % de la population et recouvrent 13 599 communes.
RÉpartition de la population par catÉgorie
d’aire urbaine
(pourcentage de la population totale)
Source : commission des finances, données 2010 Observatoire des territoires et INSEE.
RÉpartition gÉographique des aires urbaines
par catÉgorie
(communes)