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N° 3700

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de LA COMMISSION des lois constitutionnelles, de la lÉgislation et de l’administration gÉnÉrale de la RÉpublique
 

sur la mise en œuvre des articles 1er à 4 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

 

et présenté par

Mme Yaël BRAUN-PIVET, MM. Éric CIOTTI et Raphaël GAUVAIN,
 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

introduction .......................................................... 7

I. une nécessaire pérennisation

II. la consécration d’un contrôle parlementaire renforcé

A. un contrôle inspiré de celui qui prévalait durant l’état d’urgence

B. un SUIVI effectif

C. les modalités d’un nouveau contrôle ?

1. Le contrôle parlementaire « renforcé » de dispositifs temporaires

2. Une incertitude constitutionnelle

3. L’importance du maintien d’une information régulière

III. les périmètres de protection : une utilité opérationnelle, une mise en œuvre hétérogène

A. Un cadre juridique souple

1. Un dispositif encadré et déconcentré

2. Un dispositif jugé conforme à la Constitution

3. Un contentieux quasiment inexistant

B. une disposition largement utilisée

1. La disposition la plus utilisée de la loi SILT

2. L’impact de l’épidémie de coronavirus

C. une mise en œuvre effective du continuum de sécurité

D. Un EFFET Dissuasif difficile à quantifier

E. une mise en œuvre territoriale hétérogène

F. la question de la protection des « lieux »

1. La question du caractère renouvelable des périmètres protégeant des infrastructures sensibles

2. Un usage à des fins d’ordre public

3. Conserver la possibilité de protéger des lieux, mais encadrer les conditions de leur renouvellement

IV. Les lieux de culte : une application parcimonieuse mais utile

A. Une procédure complexe liée à des impératifs constitutionnels

B. une application parcimonieuse

1. Une mise en œuvre très modérée

2. Un faible taux de réouverture

3. La coexistence de plusieurs dispositifs permettant d’aboutir à la fermeture d’un lieu de culte

C. Des « angles morts » justifiant des modifications

1. Une rédaction actuellement limitée aux seuls lieux de culte

2. La création d’une nouvelle procédure ad hoc ?

V. Les MICAS : un outil devenu indispensable

A. le cadre juridique

1. Les personnes pouvant faire l’objet d’une MICAS

2. Les obligations susceptibles d’être imposées

a. Les mesures prises en application de l’article L. 228-2

b. Les mesures alternatives à l’article L. 228–2

c. Une mesure complémentaire : l’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes

3. Des mesures limitées dans le temps

B. Un outil régulièrement utilisé

1. Une évolution par nature variable du nombre de MICAS en vigueur

2. L’utilisation prédominante de l’assignation à résidence dans la commune et du pointage quotidien

3. Des incarcérations fréquentes

4. Une conjugaison fréquente avec les contrôles judiciaires

5. La difficulté de réunir des éléments nouveaux ou complémentaires

C. Le profil des personnes sous MICAS

1. Une très grande majorité d’hommes

2. La prédominance des parcours délinquants

3. Un ancrage ancien et profond dans la radicalité

4. Une part non négligeable de personnes condamnées pour terrorisme

5. D’importants troubles psychiatriques

6. La question particulière des étrangers

7. Une nette augmentation des MICAS à l’encontre des sortants de prison

D. Un vide juridique pour les sortants de prison terroristes

E. Les modifications proposées

1. Instaurer des mesures de sûreté spécifiques à l’encontre des condamnés pour terrorisme

2. Permettre une meilleure application de l’interdiction de paraître

3. Une inscription au FPR

4. Fournir un justificatif de son lieu d’habitation ou de domicile

VI. Les visites domiciliaires : un outil complexe à mettre en œuvre mais dont l’intérêt opérationnel a été démontré

A. le cadre juridique

1. Le cadre juridique initial

2. Un dispositif déclaré en grande partie conforme à la Constitution

B. une mise en œuvre tardive et irrégulière

1. Une mise en œuvre tardive liée à l’appropriation de ce nouvel instrument juridique

2. Une mobilisation inédite des visites domiciliaires après l’assassinat de Samuel Paty

C. une bonne articulation avec l’autorité judiciaire

1. L’avis du Procureur de la République antiterroriste

2. Un contrôle juridictionnel exigeant et efficace

3. D’importantes différences territoriales

D. un intérêt opérationnel indéniable

E. Une évolution à la marge

eXAMEN EN COMMISSION

contribution de M. Eric Ciotti, co–rapporteur

liste des personnes entendues

et des déplacements effectués

Annexe 1 : liste des propositions

ANNEXE 2 :

RÉUNIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

SUR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE de la loi SILT


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Mesdames, Messieurs,

Adoptée près de deux ans après les terribles attentats commis à Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015, la loi du 30 octobre 2017 relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme, dite loi « SILT », poursuivait deux objectifs : sortir de façon maîtrisée de l’état d’urgence et ne pas laisser les autorités administratives démunies face à la menace terroriste.

Il a souvent été dit, à tort, que cette loi avait inscrit dans le droit commun les instruments de l’état d’urgence. Cette affirmation ne résiste pas à un examen objectif. La loi SILT a certes intégré dans notre droit des dispositions nouvelles inspirées pour partie par celles de l’état d’urgence, mais elles sont plus encadrées, et circonscrites à la seule prévention des actes de terrorisme.

Ces dispositions ont été créées par les quatre premiers articles de la loi SILT. Il s’agit des périmètres de protection (article 1er), de la fermeture administrative des lieux de culte (article 2), des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (article 3) et des visites domiciliaires (article 4).

Par ailleurs, même si cela excède le champ du présent rapport, la loi SILT a prévu d’autres mesures visant à mieux prévenir les actes de terrorisme et la grande criminalité organisée, comme l’amélioration de la centralisation des données des passagers aériens et maritimes, le maintien de la possibilité de surveiller les communications hertziennes, la prolongation d’une technique de recueil de renseignement expérimentale ou le renforcement des contrôles d’identité dans les zones frontalières.

Dans la mesure où les articles 1er à 4 de la loi SILT octroyaient aux autorités administratives, en particulier au ministre de l’intérieur et aux préfets, des pouvoirs nouveaux et exorbitants du droit commun, l’Assemblée nationale et le Sénat ont estimé opportun, à l’occasion de la navette parlementaire, de les soumettre à un contrôle parlementaire renforcé, inspiré de celui qui avait été mis en place durant l’état d’urgence. La mise en œuvre de ces dispositions a par ailleurs été limitée à la période allant jusqu’au 31 décembre 2020, un projet de loi, définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2020, tendant à repousser cette échéance.

À l’Assemblée nationale, cette mission de contrôle a été confiée à la présidente de la commission des Lois, Mme Yaël Braun-Pivet, au rapporteur de la loi SILT, M. Raphaël Gauvain, et à son rapporteur d’application, M. Éric Ciotti.

L’Assemblée nationale, au travers notamment du bureau de la commission des Lois et de ses membres à l’occasion de réunions régulières, et les Français plus largement qui ont disposé de données précises régulièrement mises en ligne, ont été pleinement informés du déroulement de ce contrôle. Au terme des trois premières années de la loi SILT, et à la veille d’un nécessaire débat parlementaire sur une éventuelle pérennisation de ses dispositions dites expérimentales, vos rapporteurs ont cependant jugé nécessaire de rendre compte de leurs travaux.

Tel est l’objet du présent rapport.

 


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I.   une nécessaire pérennisation

Les articles 1er à 4 de la loi SILT devaient permettre de contribuer à assurer la sécurité des Français tout en préservant leurs libertés. Ils ont rempli leur rôle. Leur utilité opérationnelle est unanimement reconnue et leur nécessité, alors que la France est toujours confrontée à la menace terroriste, plus que jamais prouvée.

Après une période d’appropriation entre l’automne 2017 et le printemps 2018, les services du ministère de l’intérieur font pleinement usage de ces nouveaux outils. Le présent rapport dresse, article par article, un bilan du recours à ces instruments juridiques.

La très grande majorité des acteurs auditionnés par les membres de la mission de contrôle ont donc plaidé pour leur pérennisation.

Cette pérennisation appelle, néanmoins, un débat démocratique devant la représentation nationale. L’engagement en a été pris dès l’origine. Or, la crise sanitaire qu’a connue notre pays en raison de la pandémie de covid-19 a eu des conséquences sur l’agenda parlementaire et ce débat n’a pu avoir lieu jusqu’à présent.

Un projet de loi prorogeant ces dispositions d’une année supplémentaire – délai finalement réduit à sept mois – a donc été déposé par le Gouvernement et définitivement adopté par l’Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, le 17 décembre 2020. Le débat sur la pérennisation et les modifications de la loi SILT – parmi lesquelles celles qui sont proposées par les membres de la mission de contrôle – pourra ainsi intervenir, comme l’engagement en a été pris de façon circonstanciée, au cours du premier semestre de l’année prochaine.

Proposition n° 1 : Pérennisation, à l’issue d’un débat devant chacune des assemblées parlementaires, des dispositions des articles 1er à 4 de la loi SILT.

 


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II.   la consécration d’un contrôle parlementaire renforcé

A.   un contrôle inspiré de celui qui prévalait durant l’état d’urgence

La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ne comportait pas, initialement, de dispositions spécifiques relatives au contrôle parlementaire. Celui-ci s’exerçait dans le cadre commun des attributions constitutionnelles du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement.

C’est lors de la première prorogation de l’état d’urgence déclaré le 14 novembre 2015 que fut introduit, à l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955, un droit d’information des assemblées parlementaires ([1]). Il prévoyait que l’Assemblée nationale et le Sénat étaient informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Les assemblées pouvaient requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. La commission des Lois avait par ailleurs demandé à être dotée des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, sur le fondement de l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

L’article 4-1 précité fut complété, lors de l’examen de la loi du 21 juillet 2016 ([2]), par une disposition prévoyant la transmission « sans délai », par les autorités administratives, de tous les actes pris en application de l’état d’urgence. Cette modification visait à surmonter certains blocages auxquels s’était heurté jusqu’alors le contrôle parlementaire et à lui donner les moyens de se déployer dans la durée, les prérogatives d’enquête fondées sur l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958 ne pouvant s’exercer au-delà de six mois.

Lors de l’examen du projet de loi SILT à l’Assemblée nationale, il fut jugé nécessaire de prévoir un dispositif analogue de contrôle renforcé. En séance publique a été inséré, dans le code de la sécurité intérieure, un article L. 22-10-1 reprenant les termes de l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955. Ce contrôle parlementaire a été complété, en commission mixte paritaire, par une disposition prévoyant la remise, par le Gouvernement, d’un rapport annuel sur l’application des articles 1er à 4 de la loi SILT, ces derniers étant par ailleurs dotés d’une portée expérimentale, jusqu’au 31 décembre 2020.

La perspective, à terme, d’un débat parlementaire sur une éventuelle pérennisation de ces dispositions justifiait d’autant plus la mise en place d’un contrôle parlementaire.

B.   un SUIVI effectif

Comme le soulignait justement, il y a plus de vingt ans, devant la commission des Lois, le professeur Guy Carcassonne : « Le Parlement ne manque pas de pouvoirs, mais de parlementaires pour les exercer… Trop peu d’élus se saisissent de ces moyens pour en faire l’usage qu’il conviendrait ([3]) ».

Les membres de la mission de contrôle ont usé des moyens dont ils disposaient.

Ils ont ainsi régulièrement mis en ligne, sur le site internet de l’Assemblée nationale, les données agrégées relatives à la mise en œuvre des articles 1er à 4 de la loi SILT, détaillées semaine par semaine, afin d’éclairer les parlementaires et, plus largement, les Français sur l’utilisation concrète de ces dispositifs par les pouvoirs publics.

La centralisation des données par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur, puis leur envoi hebdomadaire aux assemblées, s’est révélé très efficace dans l’ensemble. À deux reprises toutefois, les membres de la mission de contrôle ont dû alerter le ministère sur le caractère tardif de certains envois, intervenus avec plusieurs mois de retard, du fait de leur transmission tardive par les préfectures. Au mois d’octobre dernier, la mission a été destinataire d’arrêtés instituant des périmètres de protection pris plus de deux ans auparavant. C’est vraisemblablement à l’occasion de la relance faite par le ministère de l’intérieur dans le cadre de la rédaction de son rapport annuel que certaines préfectures ont réalisé qu’elles n’avaient jamais transmis certains actes !

Ils ont par ailleurs effectué des déplacements sur le terrain, à la gare de Lille-Europe sur la question des périmètres de protection, à la prison de Fleury‑Mérogis pour appréhender la question des sortants de prison radicalisés, à la préfecture de Seine-Saint-Denis sur la fermeture des lieux de culte faisant l’apologie du terrorisme. Ils ont naturellement entendu les acteurs de la lutte antiterroriste à plusieurs reprises ([4]).

Les membres de la mission de contrôle ont rendu compte de leurs travaux au bureau de la Commission et à la Commission à l’occasion de communications et lors de la remise du rapport annuel du Gouvernement prévu en application de l’article 5 de la loi SILT.

Bien que présentés avec un certain retard, ces rapports ont utilement complété l’information du Parlement ([5]). Ils ont chaque année fait l’objet d’une présentation par le ministre de l’intérieur à la commission des Lois ([6]).

C.   les modalités d’un nouveau contrôle ?

Les membres de la mission de contrôle se sont interrogés sur le devenir du contrôle parlementaire renforcé dans l’hypothèse où les dispositifs issus des articles 1er à 4 de la loi SILT seraient pérennisés.

1.   Le contrôle parlementaire « renforcé » de dispositifs temporaires

Les différents contrôles parlementaires « renforcés » ont jusqu’à présent été exercés dans le cadre de dispositifs législatifs exceptionnels et donc temporaires : état d’urgence de la loi du 3 avril 1955 précitée, articles expérimentaux de la loi du 30 octobre 2017, loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ([7]) et loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire ([8]).

Un lien fut à chaque fois établi entre le fait de confier des pouvoirs renforcés au pouvoir exécutif et celui de doter le Parlement d’une capacité de contrôle accrue. Cette logique sous-tendait le propos de M. Olivier Dussopt, auteur de l’amendement adopté en 2017, qui souhaitait que « ce contrôle puisse être mis en place et que notre assemblée soit informée, au moins pendant la période expérimentale, de toutes les actions, décisions et mesures prises en application des articles 1er à 4. On aura une clause de revoyure et la meilleure façon de nourrir et d’éclairer le débat est de permettre à notre assemblée d’avoir un contrôle particulier. Nous transposons dans le droit commun ces dispositions qui viennent d’un droit peu commun, presque extraordinaire, et à dispositions exceptionnelles, il doit y avoir des mesures de contrôle exceptionnelles. » ([9])

Dans le contexte de la crise épidémiologique liée au COVID-19, l’état d’urgence sanitaire créé par la loi du 23 mars 2020 précitée a été doté d’un contrôle parlementaire renforcé, prévu par l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, sans transmission automatique de tous les actes pris sur ce fondement ([10]).

2.   Une incertitude constitutionnelle

L’article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire prévoyait initialement une transmission systématique de tous les actes pris dans le cadre du système d’information créé afin de lutter contre l’épidémie de covid-19.

Dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il était « loisible au législateur de prévoir des dispositions assurant l’information du Parlement afin de lui permettre, conformément à l’article 24 de la Constitution, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques ». Toutefois, dans le cas d’espèce, il a considéré qu’« en prévoyant une transmission immédiate à l’Assemblée nationale et au Sénat d’une copie de chacun des actes pris en application de l’article 11 de la loi déférée, le législateur, compte tenu du nombre d’actes en cause et de la nature des données en jeu, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et les articles 20 et 21 de la Constitution. »

Le commentaire publié dans Les cahiers du Conseil constitutionnel évoque, de fait, une différence entre un contrôle parlementaire en temps réel et un contrôle ex post : « Le Conseil constitutionnel n’a pas sanctionné le principe même d’un contrôle parlementaire s’appuyant sur la transmission par le Gouvernement d’actes pris pour l’exécution de la loi. Un tel contrôle est non seulement possible, mais constitue l’une des missions qui incombent traditionnellement au Parlement – laquelle est consacrée à l’article 24 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Toutefois, en l’espèce, les dispositions contestées allaient bien au-delà d’un contrôle ex post de l’action gouvernementale. Elles permettaient une immixtion des assemblées parlementaires dans le processus même d’exécution de la loi, dès lors qu’une copie de chaque acte, y compris individuel, pris dans le cadre de la mise en œuvre des systèmes d’information visés par l’article 11, devait leur être immédiatement fournie (« sans délai » précisait la loi, ce qui signifiait, comme l’a relevé la décision, une transmission « immédiate »). Le juge constitutionnel a estimé que de telles dispositions ne relevaient pas de l’exercice de la fonction de contrôle de l’Assemblée nationale et du Sénat et qu’elles empiétaient directement sur les prérogatives des autorités constitutionnellement chargées d’exécuter la loi. Il a donc jugé que, compte tenu de l’ampleur des actes en cause et de la nature des données en jeu – dont certaines constituent des données sensibles – le législateur avait méconnu le principe de séparation des pouvoirs et les articles 20 et 21 de la Constitution. »

Si l’ampleur des données transmises dans le cadre de la loi SILT – bien moindre que celles de l’état d’urgence sanitaire – et la nature des données transmises – qui concernent à la fois des actes réglementaires tels que les périmètres de protection et des actes individuels s’agissant des MICAS et des visites domiciliaires – diffèrent, un doute subsiste quant à la constitutionnalité de la rédaction actuelle de la loi du 30 octobre 2017 sur ce point, d’autant que celle-ci n’a pas été soumise à un contrôle a priori.

3.   L’importance du maintien d’une information régulière

La pérennisation des articles 1er à 4 de la loi SILT, conjuguée à l’incertitude constitutionnelle issue de la décision du 11 mai 2020, conduisent à s’interroger sur le maintien en l’état du contrôle parlementaire renforcé.

Pour autant, les membres de la mission de contrôle estiment qu’il est nécessaire de maintenir ce dispositif. Il permet d’avoir accès à l’ensemble des actes et ainsi d’assurer un contrôle parlementaire effectif. C’est par exemple de cette manière que les membres de la mission de contrôle ont pu alerter la Commission sur le fait que certains périmètres de protection étaient pris pour des motifs d’ordre public qui n’étaient pas ceux prévus par la loi ou qu’ils s’inscrivaient dans une durée qui n’était pas conforme à l’esprit de la loi. De même, c’est par l’étude des MICAS que les membres de la mission de contrôle ont constaté l’évolution des profils, notamment la part croissante des sortants de prison.

Leur préconisation première est donc que cette transmission des actes soit maintenue en l’état.

En outre, a minima, il importe d’améliorer les modalités de l’information du public sur les dispositifs de la lutte administrative contre le terrorisme.

Une publication mensuelle par le ministère de l’intérieur de la liste des périmètres de protection, du nombre de lieux de culte fermés administrativement ainsi que de données agrégées sur les actes individuels est hautement souhaitable.

Il serait également opportun de pouvoir disposer d’un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, lequel pourrait porter sur l’ensemble des mesures administratives (contrôle administratif des retours sur le territoire, gel des avoirs, interdiction de sortie du territoire…) – et pas uniquement celles prises sur le fondement de la loi SILT – en matière de lutte contre le terrorisme.

Ces éléments contribueraient, du même coup, à l’évaluation des dispositifs de prévention du terrorisme que le Conseil d’État, dans son avis du 11 juin 2020, appelait de ses vœux ([11]). Il notait en particulier que cette évaluation pourrait permettre d’améliorer la cohérence de l’ensemble des dispositifs, leur articulation et leur efficacité, tout en facilitant les évolutions nécessaires et en consolidant l’équilibre entre prévention des atteintes à l’ordre public et respect des droits et libertés reconnus par la Constitution.

Proposition n° 2 : Maintien de la transmission régulière des actes pris sur le fondement des articles 1er à 4 de la loi SILT.

Proposition n° 3 : Publication mensuelle de données agrégées sur le site du ministère de l’intérieur.

Proposition n° 4 : Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les dispositifs administratifs de lutte contre le terrorisme.

III.   les périmètres de protection : une utilité opérationnelle, une mise en œuvre hétérogène

A.   Un cadre juridique souple

1.   Un dispositif encadré et déconcentré

L’article 1er de la loi SILT a introduit dans le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure un nouveau chapitre VI relatif aux périmètres de protection, comprenant un article unique L. 226-1. Il prévoit que certains lieux et évènements soumis à un risque d’acte de terrorisme à raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation peuvent faire l’objet d’un périmètre de protection. Celui-ci est institué par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police, par un arrêté motivé, transmis au procureur de la République, pour une durée maximale d’un mois qui peut être renouvelée si les conditions sont toujours réunies.

Le périmètre de protection ne peut être institué que dans les lieux soumis au risque de terrorisme, ainsi qu’à ses abords, en application des principes de proportionnalité et de nécessité qui s’appliquent à toute mesure de police administrative.

La durée doit être adaptée et proportionnée aux nécessités que font apparaître les circonstances. L’arrêté préfectoral instituant un périmètre de protection doit nécessairement adapter les règles d’accès et de circulation des personnes au sein dudit périmètre aux « impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale ».

Outre les conditions d’accès et de circulation au sein du périmètre de protection, l’arrêté préfectoral doit préciser les vérifications auxquelles les personnes seraient soumises pour y pénétrer et y circuler.

Le préfet peut ainsi organiser le filtrage systématique des personnes aux points d’accès au périmètre, en autorisant que soient conduites en leur sein et à leurs abords des palpations de sécurité, des inspections visuelles et des fouilles de bagages ainsi que, lorsque la configuration des lieux le justifie, des visites de véhicules. Ces dernières ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement du conducteur et uniquement par les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie, à l’exclusion des agents de sécurité privée et des policiers municipaux.

En cas de refus de se soumettre aux vérifications, les personnes contrôlées se voient refuser l’accès ou sont reconduites à l’extérieur du périmètre, seuls des policiers nationaux et des gendarmes pouvant cependant procéder à cette reconduite.

2.   Un dispositif jugé conforme à la Constitution

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, jugé conformes à la Constitution les périmètres de protection, qui poursuivent un objectif de lutte contre le terrorisme participant lui-même à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public ([12]). Il a cependant formulé trois réserves d’interprétation :

– il appartient aux autorités publiques de s’assurer de l’effectivité continue du contrôle exercé par les officiers de police judiciaire sur les agents de sécurité privée ([13]). La consécration de cette règle au niveau législatif serait de nature à renforcer la sécurité juridique des agents intervenant au sein des périmètres de protection ;

– la mise en œuvre des mesures de vérification exclut toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ([14]). Comme le souligne le commentaire publié dans Les cahiers du Conseil constitutionnel cette réserve s’inspire de précédentes décisions rendues au sujet d’opérations policières comparables ([15]). Le respect de ce principe cardinal de non-discrimination s’imposant déjà aux forces de sécurité intérieure, il serait superfétatoire de l’inscrire dans la loi SILT ;

– un renouvellement ne saurait être décidé par le préfet sans que celui‑ci établisse la persistance du risque ([16]). Cette dernière réserve fera l’objet d’un développement spécifique (voir supra) car elle trouve une résonance particulière s’agissant de la question de la protection des « lieux ».

Proposition n° 5 : Consécration au niveau législatif de la réserve du Conseil constitutionnel s’agissant de l’effectivité continue du contrôle exercé par les OPJ sur les agents de sécurité privée.

3.   Un contentieux quasiment inexistant

Dans la mesure où les périmètres de protection font faiblement grief et qu’ils sécurisent des évènements importants pour la vie de la Nation, ils sont globalement bien acceptés par la population.

Ainsi, en trois ans d’application de la loi SILT, seul un périmètre de protection a fait l’objet d’un recours : il s’agit de l’arrêté du 14 août 2019 du préfet des Pyrénées-Atlantiques instaurant un périmètre de protection autour du tribunal de grande instance et du commissariat de Bayonne du 19 au 26 août 2019, dans le cadre du sommet du G7 organisé à Biarritz. Ce recours a été formé par un avocat qui considérait que le périmètre portait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir et aux droits de la défense.

Le juge des référés a estimé que la mesure était légitime et ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et de venir ; il en a toutefois suspendu l’exécution en tant qu’elle concerne les avocats, au motif qu’elle ne prévoyait pas de les exonérer des mesures de palpation de sécurité, d’inspection visuelle et de fouille des porte-documents alors que ces derniers peuvent contenir des documents couverts par le secret professionnel, corollaire des droits à la défense de leurs clients (TA Pau, ord. 23 août 2019, Binet, n°1901885).

B.   une disposition largement utilisée

1.   La disposition la plus utilisée de la loi SILT

Les périmètres de protection sont, de loin, le dispositif le plus utilisé des quatre premiers articles de la loi SILT.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, près de 600 périmètres de protection ont été mis en œuvre :

périmètres de protection

 

Mesures nouvelles

Renouvellements

1e année d’application

237

27

2e année d’application

267

6

3e année d’application

99

6

Cumul depuis le 1er novembre 2017

603

39

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Ce chiffre est très supérieur à ce qu’il était s’agissant des zones de protection et de sécurité instituées durant l’état d’urgence, qui n’avaient été utilisées qu’à 59 reprises, en particulier pour la sécurisation des fans zones lors de l’Euro 2016 de football. Cela s’explique par la souplesse des périmètres de protection, qui peuvent être décidés de manière déconcentrée par les préfets.

Les périmètres de protection sont principalement utilisés pour encadrer des évènements ponctuels.

Ainsi, plusieurs catégories d’évènements annuels font l’objet de périmètres de protection, tels que les grands marchés de Noël, le festival de Cannes, la fête des Lumières à Lyon, le Tour de France ou encore le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Élysées à Paris.

De grandes manifestations d’hommage ont nécessité la mise en œuvre de périmètres de protection. Ce fut le cas s’agissant des hommages à l’ancien Président de la République Jacques Chirac, au chanteur Johnny Halliday ou encore à la cérémonie de transfert des cendres de Simone Veil au Panthéon. En raison de leur très grande sensibilité, les cérémonies annuelles d’hommage aux victimes d’attentats ont fait également l’objet de périmètres de protection ([17]).

De même, de grands évènements ponctuels ont nécessité des périmètres de protection pour des raisons évidentes comme la présence de chefs d’États pour le sommet du G7 ou encore les commémorations du 75e anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie.

 

Les « grands évènements » au sens de l’article L. 211-11-1

du code de la sécurité intérieure

L’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure organise un dispositif particulier s’agissant de « grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste » permettant de soumettre à autorisation l’accès aux installations de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant.

Entre le 1er novembre 2017 et le 30 avril 2020, la combinaison d’un périmètre de protection et d’une procédure d’enquêtes administratives au titre des « grands événements » (article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure) a été mise en œuvre à 17 reprises, avec l’instauration de 40 périmètres de protection pour assurer efficacement la sécurité des événements de grande ampleur suivants :

– en 2017 : le sommet international sur le climat (1 périmètre de protection) ;

– en 2018 : la fête du citron de Menton (1 périmètre de protection), le carnaval de Nice (1 périmètre de protection), le festival international du film de Cannes (2 périmètres de protection), la Ryder Cup (1 périmètre de protection), le centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale (1 périmètre de protection) ;

– en 2019 : la fête du citron de Menton (1 périmètre de protection), le carnaval de Nice (1 périmètre de protection), le salon international de l’aéronautique et de l’espace (1 périmètre de protection), l’Armada 2019 (1 périmètre de protection), le festival international du film de Cannes (2 périmètres de protection), les commémorations du 75ème anniversaire du débarquement allié et de la bataille de Normandie (10 périmètres de protection), la coupe du monde féminine de football (10 périmètres de protection), le sommet du G7 de Biarritz (4 périmètres de protection), la 21ème édition de Milipol Paris (1 périmètre de protection) ;

– en 2020 : la fête du citron de Menton (1 périmètre de protection) et le carnaval de Nice (1 périmètre de protection).

2.   L’impact de l’épidémie de coronavirus

Si l’on a constaté une augmentation, de 13 %, du recours aux périmètres de protection entre la première et la deuxième année d’application de la loi SILT, les chiffres de la troisième année révèlent un effondrement à partir de mars 2020, lié à l’épidémie de coronavirus.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Considérant que les rassemblements publics favorisent la transmission rapide du virus, plusieurs actes réglementaires ont en effet progressivement restreint la liberté de réunion, rendant inutile la mise en œuvre de périmètres de protection.

Les restrictions au regroupement de personnes

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19, plusieurs textes réglementaires se sont succédé pour mettre en œuvre des mesures fortes visant à limiter les rassemblements de personnes, seule manière de ralentir la propagation de l’épidémie et, ainsi, de limiter l’engorgement des services sanitaires :

– arrêté du 4 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus : interdiction de tout rassemblement mettant en présence de manière simultanée plus de 5 000 personnes en milieu clos jusqu’au 31 mai 2020 ;

– arrêté du 9 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus : interdiction de tout rassemblement mettant en présence de manière simultanée plus de 1 000 personnes jusqu’au 15 avril 2020. Toutefois, les rassemblements indispensables à la continuité de la vie de la Nation peuvent être maintenus à titre dérogatoire par le préfet ;

– arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus : interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert jusqu’au 15 avril 2020 ;

– arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 : interdiction des réunions de plus de 100 personnes ;

– décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 : confinement de la population ;

– décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : interdiction de tout rassemblement sur la voie publique mettant en présence plus de dix personnes. Les rassemblements, réunions ou activités qui sont indispensables à la continuité de la vie de la Nation pouvaient être maintenus à titre dérogatoire par le préfet. Interdiction des évènements réunissant plus de 5 000 personnes ;

– décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé : interdiction des évènements réunissant plus de 5 000 personnes jusqu’au 31 août 2020. Le décret a depuis été modifié à plusieurs reprises pour tenir compte de la situation épidémique.

Ainsi, aucun arrêté établissant un périmètre de protection n’a été recensé entre la fin du mois de février 2020 ([18]) et le début du mois de juillet ([19]).

Depuis cette date, seuls une trentaine de périmètres de protection ont été institués, principalement liés à l’organisation du Tour de France. Un périmètre de protection a également été institué aux abords du tribunal judiciaire de Paris à l’occasion du procès des attentats des 7 et 9 janvier 2015.

C.   une mise en œuvre effective du continuum de sécurité

La nécessité de recourir à des zones de protection avait été mise en lumière lors de l’organisation en France de l’Euro de football en 2016. De nombreuses fan zones avaient alors été aménagées sur la voie ou des espaces publics afin de permettre au public d’assister à des retransmissions en direct des matchs de football dans un contexte festif mais sécurisé. Afin de procéder au filtrage à l’entrée des supporters de manière à la fois rapide et efficace, les pouvoirs publics avaient eu recours à des sociétés de sécurité privée.

De fait, l’examen des catégories d’agents mobilisés dans le cadre des périmètres de protection depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT montre que ce recours aux agents privés de sécurité s’est largement imposé comme l’illustre le graphique ci-dessous. Le même constat peut être fait s’agissant des policiers municipaux.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

D.   Un EFFET Dissuasif difficile à quantifier

Il n’est pas aisé de mesurer l’utilité opérationnelle d’un outil comme le périmètre de protection, dont l’objectif est de nature dissuasive.

La présence des forces de l’ordre et des agents de sécurité sur la voie publique vise en effet à dissuader une personne mal intentionnée de pénétrer dans un périmètre où se tient un évènement d’ampleur ou symbolique. En outre, elle rassure le public.

Aucun périmètre de protection n’est cependant inviolable et infaillible, ainsi que l’illustre tragiquement l’attentat survenu au marché de Noël de Strasbourg en décembre 2018. Comme l’a noté le dernier rapport du Gouvernement sur l’application de la loi SILT, « lorsque le périmètre est géographiquement très large et demeure en place pendant une période assez longue (comme c’est le cas pour ce type d’évènement), il est sans doute plus difficile de maintenir un contrôle permanent de l’accès au lieu, de surcroit lorsque l’auteur de l’attentat habite à l’intérieur du périmètre ([20]). »

E.   une mise en œuvre territoriale hétérogène

Les membres de la mission de contrôle constatent que la mise en œuvre des périmètres de protection sur le territoire national est assez hétérogène.

Certes, elle présente une relative corrélation avec les évènements d’une ampleur particulière. Mais la diversité territoriale est grande et ne recoupe pas nécessairement la carte des grands évènements ponctuels ou annuels. Ainsi 46 départements n’ont mis en œuvre aucun périmètre de protection en trois ans.

Le département qui concentre le plus de périmètres de protection est le Nord (58), qui en compte 50 % de plus que les autres départements y ayant le plus recours, tels que les Alpes-Maritimes (39), le Var (36) ou Paris (33). Il peut par exemple paraître surprenant qu’on dénombre 25 périmètres de protection dans le Loiret, seulement 11 en Gironde et aucun dans les Bouches-du-Rhône.

Source : ministère de l’intérieur., 30 octobre 2020.

Les doctrines sont certainement différentes selon les préfets et les territoires et la circulaire du 31 octobre 2017 du ministre de l’intérieur ne donne que peu d’éléments en la matière ([21]).

S’agissant, par exemple, de la question des abords de stade, ceux du stade Félix Mayol à Toulon ont fait l’objet d’une trentaine de périmètres de protection à l’occasion de matchs de rugby ([22]) alors même qu’aucun n’a été mis en œuvre dans les autres grandes villes de manière aussi régulière. Les arguments mis en avant sont certes de nature à justifier la mise en œuvre d’un périmètre de protection, comme le fait que le Var est un département touristique, la renommée du club, ou encore l’implantation particulière du stade Félix Mayol, situé en centre–ville. Mais ils ne différencient pas particulièrement ce stade d’autres équipements sportifs français dans des situations similaires et pour lesquels les préfets ne recourent pas aux périmètres de protection. La proximité du port militaire est un élément important, mais la protection de cette infrastructure fait l’objet de dispositions spécifiques.

Dès lors, les membres de la mission de contrôle estiment utile que le ministère de l’intérieur diffuse un référentiel détaillé explicitant les situations justifiant la mise en œuvre d’un périmètre de protection.

Proposition n° 6 : Diffusion par le ministère de l’intérieur d’un référentiel détaillé explicitant les situations justifiant la mise en œuvre d’un périmètre de protection.

F.   la question de la protection des « lieux »

L’expérience des trois dernières années a montré que le recours aux périmètres de protection pour des lieux était plus problématique que pour des évènements, par essence ponctuels.

Lors de la première année de mise en œuvre de la loi, 6 périmètres de protection, soit 3 % du total, ont été instaurés pour la sécurisation de lieux ou d’installations sensibles ou très fréquentés.

La deuxième année, 16 périmètres de protection, soit environ 6 % du total, ont été instaurés pour sécuriser des lieux ou des installations sensibles ou très fréquentées.

La troisième année, en raison des circonstances particulières évoquées ci‑dessus, n’est pas représentative – seul le Mont-Saint-Michel a fait l’objet d’un tel périmètre – en raison du faible nombre de périmètres ayant été mis en place et des nombreuses restrictions au rassemblement de personnes qui perdurent.

1.   La question du caractère renouvelable des périmètres protégeant des infrastructures sensibles

Dès l’entrée en vigueur de la loi SILT, deux périmètres de protection ont été instaurés pour la sécurisation de la gare du Nord à Paris et de la gare de Lille‑Europe. Ces dispositifs, motivés notamment par la tentative d’attentat à bord du train Thalys reliant Paris à Amsterdam le 21 août 2015, étaient activés lors du départ des Thalys à destination de la Belgique et des Pays-Bas.

S’agissant de la gare de Lille-Europe, il s’agissait d’un périmètre spécifique activé uniquement pour les trains Thalys au départ de cette gare en direction de la Belgique et des Pays-Bas. Le périmètre a été institué par un arrêté du 1er novembre 2017, renouvelé chaque mois jusqu’en juillet 2018, puis une dernière fois entre la fin du mois d’août et le milieu du mois de septembre 2018 ([23]).

S’agissant de la gare du Nord, il s’agissait d’un périmètre du même type – uniquement pour certaines voies – mis en œuvre seulement entre le début du mois de novembre 2017 et la fin de l’année 2017.

Un périmètre de protection a également été mis en œuvre entre novembre 2017 et août 2018 pour renforcer la sécurisation du grand port maritime de Dunkerque, au motif qu’y transitaient de nombreux passagers entre la France et la Grande-Bretagne et qu’il dispose d’installations sensibles pouvant être la cible d’actes terroristes.

L’utilisation du périmètre de protection pour des lieux ayant besoin d’une protection particulière permanente ne va pas de soi car d’autres réglementations spéciales doivent permettre d’atteindre, de manière pérenne, le même objectif s’agissant des points d’importance vitale ([24]), des gares ([25]), des installations portuaires ([26]) et aéroportuaires ([27]). Ainsi, la sécurité du grand port maritime de Dunkerque repose sur le dispositif spécifique de sûreté portuaire défini par le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le règlement européen 725/2004, complété par la directive 2005/65, transposé en droit français par différents textes dont le décret n° 2004-290 du 26 mars 2004 portant publication des amendements à l’annexe de la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et le code des ports maritimes, ainsi que le code des transports et le code des ports maritimes.

Les membres de la mission de contrôle ont alerté le ministère de l’intérieur sur cette application de la loi qui ne paraissait pas conforme à l’esprit de ce qui avait été voté par le législateur. De fait, ces pratiques n’ont désormais plus cours, ce dont il y a lieu de se féliciter.

2.   Un usage à des fins d’ordre public

De manière tout aussi gênante, les membres de la mission de contrôle ont constaté que plusieurs périmètres de protection avaient été mis en œuvre pour des motifs d’ordre public davantage que pour des raisons liées à la prévention du terrorisme.

Ainsi, en avril 2018 et en mars 2019, un périmètre de protection a été utilisé pour assurer la sécurité de l’entreprise Nobel Sport dans le Finistère, notamment dans le cadre de l’évacuation de Notre-Dame des Landes. Par ailleurs, une dizaine de périmètres de protection ont été pris dans le cadre de manifestations revendicatives liées aux gilets jaunes, pour sécuriser la préfecture de Charleville-Mézières.

Une fois encore, les membres de la mission de contrôle ont alerté le ministère de l’intérieur s’agissant de ces derniers périmètres de protection, d’autant que l’Assemblée nationale n’a été informée de l’établissement de certains qu’avec beaucoup de retard. Ils espèrent que les dispositions de la loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations – qui permettent, dans le cadre du maintien de l’ordre, aux officiers de police judiciaire sur réquisitions écrites du procureur de la République de procéder sur les lieux d’une manifestation et à ses abords immédiats à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules – éviteront à l’avenir le détournement des périmètres de protection.

3.   Conserver la possibilité de protéger des lieux, mais encadrer les conditions de leur renouvellement

Le recours aux périmètres de protection pour sécuriser un lieu n’est pas nécessairement contraire à l’esprit de la loi. Il n’y a pas lieu de critiquer le fait que ce procédé ait été utilisé, par exemple, de manière ponctuelle pour la sécurisation du Mont Saint-Michel, lors des vacances scolaires, en raison de la dimension symbolique du site et de la forte hausse de sa fréquentation à ces périodes.

Il n’apparaît donc pas, à ce stade, pertinent de priver l’autorité administrative de la possibilité de recourir aux périmètres de protection pour un lieu.

Il semble, en revanche, opportun de limiter le caractère renouvelable des périmètres de protection pour les seuls lieux. Ceux-ci ont par essence vocation à être temporaires. Une limitation à un renouvellement unique permettrait d’assurer la protection d’un lieu pour une période de deux mois, ce qui paraît suffisant au regard de l’expérience des trois dernières années.

Si une protection de plus longue durée d’un lieu devait être assurée, il conviendrait alors qu’elle le soit par le biais d’autres instruments. Les membres de la mission de contrôle proposent donc que les périmètres de protection des lieux ne soient renouvelables qu’une fois, et dès lors que la persistance du risque est établie ainsi que le prévoit la réserve précitée du Conseil constitutionnel.

Proposition n° 7 : Limitation à une fois du renouvellement des périmètres de protection pour les lieux, sous réserve que le préfet établisse la persistance du risque.

IV.   Les lieux de culte : une application parcimonieuse mais utile

A.   Une procédure complexe liée à des impératifs constitutionnels

L’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 2 de la loi SILT, permet au préfet de prononcer la fermeture temporaire d’un lieu de culte.

Ce dispositif, qui affecte le libre exercice des cultes, est très encadré. Il ne peut intervenir qu’aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et ne peut excéder six mois. En outre, il fait l’objet d’une procédure particulièrement protectrice puisque l’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office.

Il permet de fermer un lieu de culte dans lequel les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui s’y déroulent incitent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes.

Dans les faits, les services de l’État se sont appuyés sur un faisceau d’indices tels que :

– des messages véhiculés de manière active (prêches, organisation de conférences, diffusion d’écrits, invitation de personnalités connues pour leur soutien à Daech, etc.) ou passive (renvoi à des idées ou théories par mise à disposition des fidèles d’ouvrages, de liens internet correspondant à des sites prosélytes) ;

– les fréquentations : implication des membres dirigeant le lieu de culte ou de fidèles dans des organisations terroristes ou liens entretenus avec des individus en lien avec ces organisations ;

– les activités organisées au sein du lieu de culte (enseignement coranique exaltant les valeurs du djihad, activités sportives constituant des lieux d’endoctrinement ou d’entraînement au djihad, organisation d’une filière de combattants, activités de soutien aux détenus pour des motifs en lien avec le terrorisme).

Dans sa décision n° 2017-695 QPC du 16 février 2018 précitée, le Conseil constitutionnel a reconnu que si la mesure de fermeture d’un lieu de culte portait atteinte à la liberté de conscience et au libre exercice des cultes, une telle atteinte n’en demeurait pas moins justifiée au regard de l’objectif poursuivi de prévention du terrorisme et proportionnée compte tenu de son encadrement.

B.   une application parcimonieuse

1.   Une mise en œuvre très modérée

Depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT, huit lieux de culte ont fait l’objet d’une fermeture administrative sur le fondement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.

À titre de comparaison, 29 lieux de réunion avaient été fermés durant l’état d’urgence sur le fondement de l’article 8 de la loi du 3 avril 1955, dont 19 lieux de culte.

Les lieux de culte fermés durant l’état d’urgence

– salle de prière du Beausoleil (06), fermée par arrêté du 17 novembre 2015 ;

– mosquée de Drap (06), située dans un garage, ayant fait l’objet d’une fermeture le 19 novembre 2015, renouvelée à cinq reprises ;

– mosquée « Nour » de Nice (06), ayant fait l’objet d’une fermeture le 24 novembre 2015, renouvelée à cinq reprises ;

– mosquée du port de Gennevilliers (92), fermée par arrêté du 24 novembre 2015 ;

– salle de prière « Eden » de Tourette-Levens (06), fermée par arrêté du 25 novembre 2015 ;

– mosquée de l’Arbresle (69), fermée par arrêté du 26 novembre 2015 ;

– mosquée de Lagny-sur-Marne (77), fermée par arrêté du 1er décembre 2015 ;

– mosquée du Cannet (06), appelée « L’Olivet », fermée par arrêté du 8 décembre 2015, renouvelé à cinq reprises ;

– mosquée de Saint-André-de-la-Roche (06), située dans le foyer ADOMA, fermée par arrêté du 18 août 2016, renouvelé à deux reprises ;

– mosquée « Al Rawda » de Stains (93), fermée du 2 novembre 2016 au 9 mai 2017 ;

– mosquée de Villiers-sur-Marne (94), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

– mosquée d’Ecquevilly (78), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

– mosquée de Clichy-sous-Bois (93), fermée par arrêté du 2 novembre 2016, renouvelé à deux reprises ;

– salle de prière du foyer ADEF à Pontoise (95), fermée par arrêté du 22 décembre 2016 ;

– mosquée du Calendal à Aix-en-Provence (13), fermée par arrêté du 31 janvier 2017, mesure renouvelée le 14 juillet 2017 ;

– mosquée « Asounna » de Sète (34), fermée par arrêté du 5 avril 2017 ;

– mosquée de Torcy (77), fermée par arrêté du 10 avril 2017, mesure renouvelée le 14 juillet 2017 ;

– mosquée de Fontenay-aux-Roses (92), fermée par arrêté du 28 septembre 2017 ;

– mosquée « salle des Indes » de Sartrouville (78), fermée par arrêté du 2 octobre 2017.

Le nombre réduit de fermetures prononcées depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT est lié à la difficulté de rassembler les éléments requis par la loi, les personnes potentiellement concernées étant devenus plus prudentes.

Lors de la première année d’application de la loi SILT, cinq lieux de culte ont été fermés :

– la mosquée « Dar Es Salam » (dite « mosquée du Calendal ») à Aix-en-Provence, fermée par arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 16 novembre 2017, arrivé à échéance le 18 mai 2018. On relève que cette salle de prière avait déjà fait l’objet d’une fermeture pendant l’état d’urgence ;

– la salle de prière « salle des Indes » à Sartrouville, fermée par arrêté du préfet des Yvelines du 17 novembre 2017, arrivé à échéance le 20 mai 2018. Elle avait également fait l’objet d’une fermeture pendant l’état d’urgence ;

– la mosquée « As Sounna » à Marseille, fermée par arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 11 décembre 2017, arrivé à échéance le 13 juin 2018. Par ailleurs, l’association gestionnaire de cette mosquée a été dissoute par décret du Président de la République du 31 août 2018 ;

– la salle de prière « Abu Darda » de Gigean, fermée par arrêté du préfet de l’Hérault du 14 mai 2018, arrivé à échéance au 16 novembre 2018 ;

– la salle de prière du « centre Zahra » à Grande-Synthe, fermée par arrêté du préfet du Nord du 15 octobre 2018, arrivé à échéance le 17 avril 2019.

Au cours de la deuxième année d’application, deux nouveaux lieux de culte ont été fermés :

– la mosquée « As-Sunnah » à Hautmont, fermée par arrêté du préfet du Nord du 13 décembre 2018, arrivé à échéance le 15 juin 2019 ;

– la mosquée « Al-Kawthar » à Grenoble, fermée par arrêté du préfet de l’Isère du 4 février 2019, arrivé à échéance le 7 août 2019.

Lors de la troisième année d’application, un seul lieu de culte a été fermé, la grande mosquée de Pantin, par arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis, le 19 octobre 2020, suite à l’assassinat de Samuel Paty.

Cette mosquée est en effet gérée par une association dont le président a notamment relayé – sur le site Facebook de la grande mosquée – la vidéo du parent d’élève du collège du Bois d’Aulne à Conflans Sainte-Honorine qui traitait Samuel Paty de « voyou répondant à l’appel du Président de la République pour combattre l’islam et les musulmans ». Un internaute a indiqué sur la même page le nom de l’enseignant et l’adresse du collège, sans que cela soit modéré par la Grande mosquée.

Par ailleurs, l’imam principal de la mosquée est impliqué dans la mouvance islamiste radicale et a scolarisé plusieurs de ses enfants dans une école coranique clandestine récemment fermée.

La mosquée est fréquentée par des individus appartenant à la mouvance islamiste radicale.

fermeture de lieux de culte

 

Arrêtés notifiés

1e année d’application

5

2e année d’application

2

3e année d’application

1

Cumul depuis le 1er novembre 2017

8

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

2.   Un faible taux de réouverture

À ce jour, parmi les huit lieux de culte fermés, seule une mosquée a fait l’objet d’une réouverture officielle à l’issue du délai maximal de six mois. Il s’agit de la mosquée « Al-Kawthar » de Grenoble : le lieu de culte a rouvert le 11 août 2019. Des fidèles se réunissent à nouveau régulièrement dans son enceinte.

L’activité cultuelle a repris avec un imam plus modéré que le précédent, qui a fait l’objet d’une mesure d’expulsion.

On notera, en revanche, s’agissant de la salle de prière « Centre Zahra » de Grande-Synthe, que, depuis l’arrivée à échéance le 20 avril 2019 de l’arrêté de fermeture du lieu de culte, des réunions de fidèles ont été constatées dans la salle de prière, cette présence étant rendue possible par la circonstance que certains gestionnaires des associations dissoutes ont également leur domicile au lieu du siège desdites associations et par la présence de l’imam qui continue à assurer des prêches.

Plusieurs de ces gestionnaires ont été interpellés récemment pour maintien ou reconstitution d’associations dissoutes. Ils sont actuellement sous contrôle judiciaire et comparaîtront prochainement devant le tribunal judiciaire de Dunkerque.

A contrario, cinq lieux de culte ayant fait l’objet d’un arrêté de fermeture n’ont pas rouvert. Il s’agit de :

– la mosquée « salle des Indes » à Sartrouville : si une brève réouverture a eu lieu à partir du 18 mai 2018, aucune activité n’a été constatée à compter de l’expulsion du local, le 4 juin 2018, de l’association gestionnaire. Le bâtiment a été rasé en juillet 2018 ;

– la mosquée « Dar Es Salam » à Aix-en-Provence : le propriétaire des locaux a résilié le bail en novembre 2017, empêchant, de facto, toute reprise d’activité ;

– la mosquée « As Sounna » à Marseille : le bail de la partie locative des locaux a été résilié à la fin de l’année 2017 et ces locaux ont été acquis par la ville en mai 2018, empêchant, de facto, toute reprise d’activité. L’autre partie de la mosquée appartient à un membre de l’association gestionnaire et n’a pas rouvert ses portes à l’échéance de la mesure administrative de fermeture ;

– la salle de prière « Abu Darda » à Gigean : depuis la date d’échéance de la mesure, le lieu de culte n’a pas été rouvert au public ;

– la mosquée « As-Sunnah » à Hautmont : l’arrêté de fermeture est arrivé à échéance le 19 juin 2019 et la mosquée n’a pas rouvert depuis.

Enfin, la grande mosquée de Pantin est encore sous le coup de l’arrêté de fermeture jusqu’au 19 avril 2021.

3.   La coexistence de plusieurs dispositifs permettant d’aboutir à la fermeture d’un lieu de culte

Le nombre relativement faible de fermetures administratives de mosquées doit être appréhendé au regard des autres instruments juridiques qui peuvent être mobilisés en complément ou en substitution par les pouvoirs publics.

Les dissolutions administratives d’associations peuvent intervenir sur le fondement des 6° ou 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, à l’encontre d’associations ou de groupements de fait « (…) qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ».

De telles dissolutions ont été prononcées à l’encontre d’associations gérant des lieux de culte, mais également d’associations qui, par leurs activités étroitement imbriquées, par leur fonctionnement et par les propos tenus par leurs représentants ou par les messages diffusés au sein du lieu de culte ou sur leurs différents sites internet gérés depuis ce même lieu, constituent des vecteurs de diffusion d’une idéologie appelant à la haine, à la discrimination et faisant l’apologie du terrorisme.

Au total, cinq associations en lien avec des activités cultuelles ont fait l’objet d’une procédure de dissolution administrative depuis le 1er novembre 2017, sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.

associations dissoutes depuis le 1er novembre 2017

 

Intitulé groupement et association

Date du décret de dissolution

Fondement de l’article L. 212-1 du CSI

Classification

Association As Sounna de Marseille

Décret du 31 août 2018

6° : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

7° : provocation à des actes de terrorisme

Gestionnaire de lieu de culte radicalisé

Association centre Zahra France

Décret du 20 mars 2019

6° : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

7° : provocation à des actes de terrorisme

Gestionnaire de lieu de culte radicalisé

Association parti anti–sioniste

Décret du 20 mars 2019

6° : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

7° : provocation à des actes de terrorisme

Association imbriquée dans la gestion d’un lieu de culte radicalisé

Association fédération chiite de France

Décret du 20 mars 2019

6° : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

7° : provocation à des actes de terrorisme

Association imbriquée dans la gestion d’un lieu de culte radicalisé

Association France Marianne Tele

Décret du 20 mars 2019

6° : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

7° : provocation à des actes de terrorisme

Association imbriquée dans la gestion d’un lieu de culte radicalisé

Source : Ministère de l’intérieur.

D’autres mesures administratives peuvent être mobilisées telles que l’expulsion des étrangers ou le gel des avoirs.

En dehors des motifs liés à la prévention d’actes de terrorisme, il peut être procédé à la fermeture d’un lieu de culte sur le fondement :

– du non-respect de la législation relative aux établissements recevant du public (ERP) : la compétence appartient au maire et au préfet qui prennent la décision de fermeture d’un lieu de culte, au titre de leurs prérogatives en matière de police spéciale, pour fermer les ERP, notamment l’article L. 123-4 du code de la construction et de l’habitation. L’arrêté de fermeture est pris après mise en demeure restée sans effet de l’exploitant ou du propriétaire de se conformer aux aménagements et travaux prescrits ou de fermer son établissement dans le délai imparti ;

– de la résiliation de bail ou de l’expulsion locative : le propriétaire des locaux dans lesquels est installé un lieu de culte peut légalement procéder à une résiliation du bail ou à une expulsion locative.

Dans ces deux cas, et dès lors que ces décisions sont en principe sans lien avec la prévention du terrorisme, le ministère de l’intérieur n’est pas nécessairement informé et les membres de la mission de contrôle ne disposent donc pas des données chiffrées correspondantes. Pour autant, leurs déplacements et leurs auditions leur ont montré que ces motifs pouvaient utilement être invoqués s’agissant de lieux de culte qui auraient potentiellement pu faire l’objet d’une fermeture sur le fondement de l’article 2 de la loi SILT.

C.   Des « angles morts » justifiant des modifications

1.   Une rédaction actuellement limitée aux seuls lieux de culte

La rédaction actuelle du dispositif de fermeture administrative des lieux de culte semble comporter des angles morts, qui rendent possibles des contournements pouvant priver d’effet la mesure.

Ainsi, le périmètre de l’article étant restreint aux seuls lieux de cultes stricto sensu, il n’est pas possible de l’appliquer à l’ensemble des espaces au sein desquels les actes visés par la disposition sont constatés alors même que peuvent se tenir au sein de ces lieux connexes des propos identiques ou des activités que l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure entend sanctionner.

Par exemple, la rédaction actuelle ne permet pas d’appréhender les tentatives de contournement d’une mesure de fermeture d’un lieu de culte qui peuvent avoir lieu lorsque celui-ci s’inscrit dans un ensemble immobilier plus vaste comprenant, par exemple, une école ou des locaux techniques gérés par les mêmes personnes physiques ou morales. De même ne permet-elle pas d’appréhender la tenue de prières de rue ou l’organisation de cultes dans des lieux éphémères (chapiteaux ou salles mises à dispositions par des fidèles par exemple) en réaction à la fermeture du lieu de culte.

Plusieurs configurations permettent d’illustrer la possibilité de contournement de la mesure de fermeture par l’exercice du culte dans des locaux dépendants du lieu de culte :

– mosquée Al-Kawthar à Grenoble : la mosquée comprenait deux locaux distincts dont l’un avait pour vocation l’accueil des fidèles, tandis que l’autre était alloué aux activités culturelles et mis à disposition en tant que « prêt à usage » pour une école coranique ;

– « Centre Zahra » de Grande-Synthe : l’ensemble immobilier comprenait également un centre culturel dont une bibliothèque, ainsi qu’une salle annexe ;

– la « Salle des Indes » de Sartrouville : un local voisin constituait également une extension de la salle de prière fermée ;

– la mosquée de Stains fermée pendant l’état d’urgence, située dans un ensemble immobilier comprenant un centre culturel dans lequel les fidèles se réunissaient.

Ces exemples illustrent le fait que les associations gestionnaires de lieux de culte disposent, dans la plupart des cas, de lieux connexes au lieu de culte, situés au sein du même bâtiment ou à proximité de celui-ci. Ces locaux dépendant du lieu de culte ont généralement vocation, tant que ce dernier est ouvert, à accueillir diverses activités déclarées comme culturelles. Néanmoins, en cas de fermeture du lieu de culte, ils sont susceptibles d’accueillir des activités cultuelles pour faire échec à la mesure de fermeture, avec les mêmes risques en termes d’ordre public.

Il apparaît dès lors nécessaire d’élargir le champ d’application de la mesure de fermeture des lieux de culte en permettant de prononcer également la fermeture de lieux dépendant du lieu de culte visé par la mesure et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient susceptibles d’être utilisés aux mêmes fins pour faire échec à l’exécution de la mesure de fermeture.

Une telle extension paraît adaptée aux buts poursuivis, tout en satisfaisant les critères de nécessité et de proportionnalité, et préserverait ainsi l’équilibre entre la prévention des actes de terrorisme et les libertés de culte d’une part, d’aller et venir et de réunion d’autre part.

Proposition n° 8 : Élargissement du champ d’application de la mesure de fermeture des lieux de culte en permettant de prononcer également la fermeture de lieux dépendant du lieu de culte visé par la mesure.

2.   La création d’une nouvelle procédure ad hoc ?

Les auditions et les déplacements menés dans le cadre des travaux de contrôle ont mis en lumière la nécessité de mener une réflexion sur l’opportunité de créer une procédure ad hoc permettant de fermer, pour des motifs plus larges que la seule prévention du terrorisme, des lieux de culte et des écoles – déclarées ou clandestines.

Cette fermeture administrative pourrait obéir à des critères moins stricts, alternatifs et non cumulatifs par exemple.

En conséquence, cette fermeture ne pourrait être prononcée que pour une durée relativement courte.

Cette réflexion pourrait utilement être menée dans le cadre des discussions sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, et notamment de son article 44 ([28]).

V.   Les MICAS : un outil devenu indispensable

A.   le cadre juridique

1.   Les personnes pouvant faire l’objet d’une MICAS

Aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, le ministère de l’intérieur peut, en application de l’article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure, prononcer une mesure individuelle de contrôle et de surveillance (MICAS) dès lors que plusieurs conditions sont réunies.

Il doit d’abord exister des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.

En outre, de façon alternative, il doit être avéré que cette personne :

– entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ;

– ou qu’elle soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.

2.   Les obligations susceptibles d’être imposées

Trois catégories d’obligations, plus ou moins restrictives de liberté, peuvent être imposées aux personnes faisant l’objet d’une MICAS.

a.   Les mesures prises en application de l’article L. 228-2

Il peut être demandé à la personne de :

– ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune ([29]). La délimitation de ce périmètre permet à l’intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s’étend, le cas échéant, aux territoires d’autres communes ou d’autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ;

– se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d’une fois par jour, en précisant si cette obligation s’applique les dimanches et jours fériés ou chômés ([30]) ;

– déclarer son lieu d’habitation et tout changement de lieu d’habitation.

b.   Les mesures alternatives à l’article L. 228–2

S’il n’est pas fait application des mesures prévues par l’article L. 228-2, le ministre de l’intérieur peut, en vertu de l’article L. 228-4, imposer les obligations suivantes :

– déclarer son domicile et tout changement de domicile ;

– signaler ses déplacements à l’extérieur d’un périmètre déterminé ne pouvant être plus restreint que le territoire de la commune de son domicile ;

– ne pas paraître dans un lieu déterminé, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée. Cette obligation tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne intéressée.

c.   Une mesure complémentaire : l’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes

Indépendamment de la mise en œuvre des articles L. 228-2 et L. 228-4, le ministre de l’intérieur peut imposer à toute personne faisant l’objet d’une MICAS de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement constitue une menace pour la sécurité publique (article L. 228–5).

3.   Des mesures limitées dans le temps

Eu égard à leur caractère restrictif de liberté, le législateur a décidé de conditionner le renouvellement d’une MICAS au-delà d’une durée cumulée de six mois à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. Ce critère reprend une exigence formulée par le Conseil constitutionnel, sous la forme d’une réserve d’interprétation, dans sa décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 en ce qui concerne les renouvellements des assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence au-delà d’une durée de douze mois ([31]).

Le tableau ci-après décrit les différentes étapes séquençant la durée maximale des obligations issues des MICAS.

Renouvellement des micas

 

Début de la mesure – 3 mois

3 – 6 mois

6 – 9 mois

9 – 12 mois (fin de la mesure)

L. 228-2

1ère décision

1er renouvellement

2ème renouvellement (éléments nouveaux ou complémentaires)

3ème renouvellement

(éléments nouveaux ou complémentaires)

L. 228-4

1ère décision

1er renouvellement (éléments nouveaux ou complémentaires)

L. 228-5

1ère décision

1er renouvellement (éléments nouveaux ou complémentaires)

Source : commission des Lois Assemblée nationale.

Les MICAS ont été, en tout état de cause, limitées à une durée maximale d’un an. Dans sa décision n° 2017–691 QPC du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que « compte tenu de sa rigueur, la [MICAS] ne saurait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de douze mois. »

Par deux décisions des 16 février et 29 mars 2018 ([32]), le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les grands contours des MICAS. Il a cependant partiellement censuré les dispositions portant sur le contrôle que le juge administratif peut opérer sur ces mesures, les corrections rendues nécessaires ayant été opérées par l’article 65 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Mise en œuvre d’une MICAS au bout des 12 mois pour de nouveaux motifs

ou pour fixer de nouvelles obligations

Au 30 avril 2020, une seule mesure avait été prise à l’égard d’un individu ayant déjà fait l’objet d’une première mesure mise en œuvre pendant une durée cumulée de 12 mois venue à expiration. L’intéressé ayant, après plusieurs mois, présenté un comportement inquiétant en lien avec la menace terroriste, mais illustré par des faits différents, il a été estimé qu’il était possible de réitérer la mesure, pour une nouvelle durée d’un an. Cette mesure n’a fait l’objet d’aucun recours.

B.   Un outil régulièrement utilisé

Les MICAS ont été régulièrement utilisées depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT. Elles ont notamment facilité la sortie de l’état d’urgence en assurant la continuité avec l’autre dispositif de police administrative que sont les assignations à résidence.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Sur les 23 MICAS prises lors du premier mois d’entrée en vigueur de la loi SILT, 22 concernaient des personnes ayant fait l’objet d’au moins une assignation à résidence sous le régime de l’état d’urgence ([33]).

En 2017 et au début de l’année 2018, le nombre de MICAS initiales prononcées par mois a été relativement faible passé cette « reprise » des assignations à résidence de l’état d’urgence. Depuis la fin de l’année 2018, le rythme des nouvelles mesures est plus soutenu, et correspond notamment à une évolution des profils des personnes faisant l’objet des MICAS (voir infra).

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

1.   Une évolution par nature variable du nombre de MICAS en vigueur

Le nombre de MICAS est inférieur au nombre d’assignations à résidence prononcées durant l’état d’urgence (301 en trois ans ([34]), contre 450 en deux ans). Cette donnée, factuelle et agrégée, s’explique aisément.

En effet, le champ des personnes pouvant faire l’objet d’une mesure d’assignation est beaucoup plus large que pour une MICAS, limitée à la prévention du terrorisme.

Par ailleurs, le dispositif des assignations à résidence a fait l’objet d’une utilisation très soutenue au début de l’état d’urgence, notamment lors de la COP21 ; les assignations ont ensuite été plus ciblées et leur utilisation comparable à celle qui est faite aujourd’hui des MICAS. Ainsi, à la fin de l’état d’urgence, 40 assignations à résidence seulement étaient en vigueur.

Le graphique ci-dessous reprend l’évolution semaine par semaine du nombre de MICAS en vigueur. Celui-ci est par nature très évolutif, en fonction des entrées en vigueur de MICAS mais aussi des abrogations, lorsque la personne est incarcérée par exemple. Le nombre de MICAS en vigueur a ainsi oscillé entre 21 (niveau le plus bas observé, le 3 novembre 2017) et 72 (niveau le plus haut observé, le 23 août 2019). Au 30 octobre 2020, 66 personnes faisaient l’objet d’une MICAS.

 

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

 


L’impact de l’épidémie de coronavirus sur la gestion des MICAS

La crise sanitaire ne s’est pas traduite par une recrudescence des demandes de MICAS, même si le nombre de nouvelles mesures est resté important :

– d’une part, les individus condamnés pour terrorisme n’ont pas bénéficié du dispositif de « sortie anticipée » mis en place durant cette période ;

– d’autre part, ceux qui ont bénéficié d’une sortie anticipée ont continué à faire l’objet d’un suivi par les services judiciaires, rendant ainsi souvent inutile une surveillance administrative.

En revanche, la crise sanitaire a eu plusieurs impacts sur les MICAS en cours :

– dès le 16 mars 2020, des informations et consignes ont été transmises à l’ensemble des acteurs de la lutte contre le terrorisme afin de maintenir les obligations administratives définies par les MICAS. L’article 3 du décret du 23 mars 2020 et l’attestation de déplacement dérogatoire ont été modifiés pour autoriser les déplacements liés à une « convocation judiciaire ou administrative » ;

– aucun individu placé sous MICAS n’a été dispensé de son obligation de présentation au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, sauf raison médicale dûment justifiée ;

– au niveau opérationnel, les demandes d’aménagements (ponctuels et pérennes) ont fortement diminué en raison des mesures de confinement impliquant une limitation des déplacements et de l’activité professionnelle. Du 20 mars au 30 avril 2020, seulement 15 demandes de sauf-conduit et 1 demande d’arrêté modificatif ont été présentées, contre 40 demandes de sauf-conduits et 11 demandes d’arrêté modificatif durant la même période, l’année précédente ;

– s’agissant des nouvelles mesures ou des renouvellements, les procédures contradictoires ont par ailleurs été adaptées : ainsi, la possibilité de présenter des observations orales a été suspendue dès lors que la mise en œuvre de cette formalité serait de nature à compromettre l’ordre public du fait des risques de propagation du virus qu’elle entraîne. En revanche, la possibilité de présenter des observations écrites a été maintenue ;

– enfin, les délais de recours pour excès de pouvoir ont été adaptés par l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif pendant l’état d’urgence sanitaire, lesquelles ont prévu qu’un recours peut être exercé devant le tribunal administratif compétent dans le délai maximal de deux mois suivant la date du 23 juin 2020.

2.   L’utilisation prédominante de l’assignation à résidence dans la commune et du pointage quotidien

Comme l’illustre le graphique ci-dessous, les obligations les plus fréquemment imposées aux personnes faisant l’objet d’une MICAS sont celles de l’article L. 228-2, c’est-à-dire les plus restrictives de liberté.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

S’agissant de l’astreinte géographique, la très grande majorité des MICAS est limitée à la commune. La contrainte qui en résulte est très différente selon la taille de la commune, la restriction aux arrondissements dans les villes qui en comportent, étudiée lors de l’examen de la loi SILT, n’ayant pas été retenue.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

S’agissant de la périodicité du pointage, là encore, c’est la mesure la plus contraignante qui est le plus fréquemment retenue : dans plus de 90 % des cas, un pointage quotidien est imposé.

Ce pointage a été identifié par les services opérationnels comme un indicateur très utile de suivi des personnes. Il permet un contact régulier avec la personne faisant l’objet du contrôle, aidant ainsi à détecter rapidement un changement de comportement ou une attitude suspecte.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Les interdictions d’entrée en relation avec certaines personnes nommément désignées concernent, dans la majorité des cas, trois personnes ou moins, ce qui témoigne du souci de proportionnalité de l’autorité administrative.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Seules 5 personnes placées sous MICAS ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction de paraître (article L. 228-4 du CSI). Une seule mesure est actuellement en vigueur.

Dans 3 des 5 cas, il s’est agi d’interdire l’accès de ces personnes à un évènement ponctuel (braderie de Lille, sommet G5 Sahel). Dans les 2 autres cas, l’interdiction visait des lieux en lien avec la menace représentée par l’individu.

À noter que si l’article L. 228-3 permet un placement sous surveillance électronique mobile, sur proposition du ministère de l’intérieur et avec l’accord de l’intéressé, en lieu et place de l’obligation de pointage et en complément d’un périmètre géographique élargi, cette mesure n’a encore jamais été mise en œuvre. Elle est possible juridiquement – le décret en Conseil d’État a bien été pris ([35]) – et techniquement – des bracelets sont réservés auprès de l’administration pénitentiaire – mais les conditions requises ne lui ont pour l’instant jamais permis de trouver une application pratique.

3.   Des incarcérations fréquentes

86 MICAS ont fait l’objet d’une abrogation. Dans la majorité des cas cette abrogation était liée à l’incarcération de la personne concernée.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

De fait, que l’article L. 228-7 du code de la sécurité intérieure punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait pour une personne de se soustraire à une ou plusieurs des obligations qui lui sont imposées par le ministre de l’intérieur sur le fondement des articles L. 228-2 à L. 228-5 du même code. Ces sanctions sont régulièrement rappelées aux personnes qui en font l’objet : dans l’arrêté initial et, le cas échéant, dans les arrêtés de renouvellement, dans la notice d’information qui accompagne chaque arrêté et dans tout sauf-conduit et arrêté modificatif dérogeant ponctuellement aux obligations. Elles sont également rappelées par les forces de l’ordre dans le cadre des entretiens administratifs.

Selon les informations portées à la connaissance des membres de la mission de contrôle, 84 personnes ont manqué à 121 reprises aux obligations fixées par la MICAS dont elles font ou ont fait l’objet. Le nombre de procédures judiciaires ouvertes pour non-respect des obligations liées à une MICAS s’élève à 90, dont 26 sont toujours en cours d’instruction ([36]).

Les sanctions prononcées en cas de non-respect des obligations définies par la MICAS sont dans 35 cas des peines d’emprisonnement, et dans 2 cas une peine d’amende. 10 personnes ont fait l’objet d’un simple rappel des obligations de la mesure administrative par un officier de police judiciaire et 15 personnes, d’un rappel à la loi par le procureur de la République. Enfin, 2 personnes ont été relaxées ([37]).

Lors de leurs auditions, les membres de la mission de contrôle ont constaté combien la rapidité et la fermeté de la réponse pénale en matière de violations des obligations était appréciée par les services enquêteurs.

4.   Une conjugaison fréquente avec les contrôles judiciaires

Sur les 349 personnes placées sous MICAS, plus d’un tiers fait ou a fait l’objet d’obligations judiciaires.

Ces obligations judiciaires peuvent résulter d’un contrôle judiciaire, d’un suivi post-peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. Leurs finalités – s’assurer de la présence de l’intéressé à son procès (contrôle judiciaire) ou du respect des obligations de réinsertion (suivi post-peine) – sont différentes de celles poursuivies par les mesures de police administrative qui ne peuvent être mises en œuvre qu’à des fins de prévention d’actes de terrorisme.

Pour cette raison, la jurisprudence admet que les obligations judiciaires puissent se cumuler avec des mesures de surveillance administrative, qui ont vocation à entraver la capacité de passage à l’acte de l’intéressé. Toutefois, lorsque ces obligations coexistent, le juge s’assure qu’elles sont conciliables (par exemple, l’obligation de ne pas quitter un périmètre d’assignation ne doit pas obérer la possibilité de respecter les obligations de suivi post-peine ou la nécessité d’occuper un emploi) et, lorsqu’elles sont identiques, contractées, de sorte que la contrainte qui en résulte soit strictement nécessaire et ne présente pas un caractère disproportionné au regard de l’obligation de tenir compte de la vie privée, familiale et professionnelle ([38]).

5.   La difficulté de réunir des éléments nouveaux ou complémentaires

Une grande majorité des MICAS fait l’objet d’un premier renouvellement (58 %). Ce taux connaît, en revanche, une forte baisse à partir du deuxième renouvellement (13 %) et plus encore du troisième (5 %).

Au-delà de six mois, en effet, eu égard à la nécessité de fournir des éléments nouveaux ou complémentaires, la plupart ne peut être renouvelée. Depuis le 1er novembre 2017, seules 40 MICAS ont été mises en œuvre pour une durée cumulée de 12 mois ([39]).

Il faut en outre noter que plusieurs MICAS ont dû être abandonnées malgré la présence de tels éléments, ceux-ci émanant soit de sources humaines soit de partenaires étrangers des renseignements français et ne pouvant donc pas être utilisés en application de la règle dite du tiers service.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

C.   Le profil des personnes sous MICAS

1.   Une très grande majorité d’hommes

L’étude de la répartition par sexe des personnes ayant l’objet d’une MICAS révèle une écrasante majorité d’hommes (89 %).

En outre, quand les femmes font l’objet de MICAS, elles font en moyenne davantage que les hommes l’objet des obligations les moins restrictives de liberté, en particulier l’interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes nommément désignées.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

2.   La prédominance des parcours délinquants

L’étude des arrêtés de MICAS montre que dans la moitié des cas environ, cette mesure vise des personnes condamnées pour des faits de droit commun. Dans une écrasante majorité des cas, il s’agit de délinquants multirécidivistes violents. Ces personnes sont ancrées dans la délinquance de droit commun, parfois pour des faits très graves – meurtres, tentatives de meurtre, viol, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences conjugales – et souvent d’une gravité croissante.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

3.   Un ancrage ancien et profond dans la radicalité

Sans qu’il soit possible de le quantifier précisément, l’étude des arrêtés prononçant des MICAS ainsi que les auditions et déplacements menés par les membres de la mission de contrôle montrent que, dans de nombreux cas, les personnes concernées sont ancrées de façon ancienne et profonde dans la radicalité.

Certaines de ces personnes ont été condamnées pour des faits en lien avec le terrorisme (voir ci-après), parfois il y a près de vingt ans. Pour d’autres, on relève des éléments témoignant d’une radicalisation sur plusieurs années, y compris alors qu’ils étaient encore mineurs.

4.   Une part non négligeable de personnes condamnées pour terrorisme

Environ un tiers des personnes visées par les MICAS a fait l’objet d’une condamnation pour terrorisme. 115 personnes ont fait l’objet d’une condamnation pour des faits d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste – en majorité pour des départs ou des tentatives de départ sur la zone irako–syrienne mais également pour des projets d’action violents – et 58 pour des faits d’apologie du terrorisme. 18 des personnes condamnées pour terrorisme étaient mineures au moment des faits.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

5.   D’importants troubles psychiatriques

Les arrêtés de MICAS ne mentionnent pas toujours le profil psychiatrique de la personne concernée. Néanmoins, une part non négligeable – près de 20 % – fait référence à des troubles psychiatriques, ayant le cas échéant pu entraîner une hospitalisation sans consentement.

La question de la prise en charge médicale de ces personnes, souvent au sein d’unités spécialisées, se pose dès lors nécessairement. Leur dangerosité et leur profil compliquent par ailleurs le suivi et l’évaluation du risque par les services de renseignement.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

6.   La question particulière des étrangers

Parmi les 28 étrangers placés sous mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance sur la période allant de l’entrée en vigueur de la loi SILT au 2 octobre 2020 :

– 9 ont fait l’objet d’une mesure d’éloignement (arrêté préfectoral ou ministériel d’expulsion, interdiction judiciaire du territoire français, obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour) mise à exécution par renvoi dans leur pays d’origine ;

– 7 ont fait l’objet d’une mesure d’éloignement non encore mise à exécution pour différents motifs (procédure judiciaire en cours, incarcération, difficultés à obtenir un laissez-passer consulaire auprès des autorités du pays d’origine, fermeture des frontières et suspension des liaisons aériennes en raison de l’épidémie de covid-19) ;

– pour 6 d’entre eux la procédure préalable au prononcé d’une mesure d’éloignement a été engagée et est toujours en cours, à des stades plus ou moins avancés ;

– 2 ont fait l’objet d’une proposition d’expulsion qui n’a pas été validée à ce stade en raison de l’insuffisance des éléments d’ordre public recueillis.

Six personnes ayant ou ayant eu le statut de réfugié ou bénéficiant d’une protection subsidiaire ont fait l’objet d’une MICAS. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris à leur encontre deux décisions de retrait de protection pour motifs d’ordre public, dont l’une n’est pas encore devenue définitive, la Cour nationale du droit d’asile n’ayant pas statué à ce jour sur le recours formé devant elle par l’intéressé. Trois réexamens de situation aux fins de cessation ou de retrait du statut de réfugié sont en cours à l’OFPRA.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

7.   Une nette augmentation des MICAS à l’encontre des sortants de prison

Les MICAS, dès l’entrée en vigueur de la loi SILT, ont pu être mobilisées à l’encontre de personnes qui sortaient de prison. Cette utilisation est toutefois restée relativement résiduelle la première année (moins de 2 par mois en moyenne).

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Elle s’est en revanche largement développée au cours des deuxième et troisième années. Cette évolution est liée à l’extinction des mesures prises contre des personnes assignées à résidence durant l’état d’urgence et à l’augmentation du nombre de personnes sortant de prison radicalisées.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

On distingue deux types de sortants de prison radicalisés :

– les personnes ayant purgé une peine pour des faits liés au terrorisme islamiste (TIS). Au 30 mars 2020, 534 personnes prévenues et condamnées étaient détenues pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. 153 TIS définitivement condamnés pour crime ou délit qualifié d’acte de terrorisme doivent être libérés dans les trois ans qui viennent ;

– les personnes ayant purgé une peine de droit commun, mais étant par ailleurs radicalisées. Au 30 mars 2020, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) dénombrait 853 personnes ayant ce profil, dont 327 doivent sortir de prison dans les trois prochaines années.

D.   Un vide juridique pour les sortants de prison terroristes

Les auditions et déplacements menés par les membres de la mission de contrôle ont mis en évidence un vide juridique qui a été souligné à de nombreuses reprises par ceux qui, sur le terrain, sont en charge de la surveillance de ces personnes.

Ainsi, le procureur de la République antiterroriste, M. Jean-François Ricard, lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 10 février dernier évoquait « plus qu’une inquiétude, une vraie peur » s’agissant du « devenir des dizaines de personnes qui vont sortir de prison, qui sont très dangereuses et dont les convictions sont absolues ». À la question de savoir s’il était opportun de créer un dispositif ad hoc pour les sortants de prison, il a répondu par l’affirmative s’agissant d’une mesure décidée dans un cadre judiciaire, par la négative s’agissant d’une mesure administrative.

Prenant acte du caractère utile mais très encadré des MICAS – à la fois par la lettre de la loi et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel –, deux des membres de la mission de contrôle ont déposé une proposition de loi afin d’introduire dans le code de procédure pénale un dispositif permettant à l’autorité judiciaire d’imposer des mesures de sûreté aux seules personnes condamnées pour des faits de terrorisme ayant purgé leur peine d’emprisonnement et qui présentaient, à l’issue de l’exécution de cette peine, une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de commettre l’une de ces infractions ([40]).

La mise en œuvre de cette mesure supposait la réunion de deux conditions cumulatives puisque la personne susceptible d’être concernée par la mesure de sûreté devait :

– avoir été condamnée à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421‑1 à 421‑6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421‑2‑5 et 421‑2‑5‑1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale ;

– présenter, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, une particulière dangerosité.

Cette particulière dangerosité était elle-même caractérisée par la réunion de deux conditions cumulatives : une probabilité très élevée de récidive et une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme. Ces conditions reçoivent application depuis plusieurs années : la première figure à l’article 706-53-13 du code pénal s’agissant de la surveillance de sûreté ; la seconde à l’article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure pour les MICAS.

Le prononcé de la mesure de sûreté était subordonné, quant à lui, à la conduite d’une évaluation préalable de dangerosité de la personne concernée avant sa sortie de détention. Cet examen était confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et incluait le placement du détenu, pendant une durée de six semaines, au sein du centre national d’évaluation.

Un faisceau d’indices objectifs permettait au juge judiciaire, statuant en formation collégiale, d’apprécier la dangerosité de la personne au regard des deux critères que sont la probabilité très élevée de récidive (en prenant en compte le parcours en détention : menaces et actes de violences à l’encontre du personnel, introduction ou constitution d’armes artisanales en cellule, etc.) et la persistance de l’engagement dans une idéologie terroriste (maintien du relationnel pro-djihadiste, propos apologétiques du terrorisme, documents trouvés en cellule témoignant du maintien de l’adhésion aux thèses radicales, etc.). Les éléments apportés dans la perspective d’un renouvellement de la mesure pouvaient se fonder sur le renseignement. La dangerosité n’était donc évidemment pas appréciée sur la seule base du dossier judiciaire ayant conduit la juridiction de jugement à prononcer une condamnation, puisque l’actualité de la menace devrait être démontrée.

Cette décision aurait bénéficié de toutes les garanties attachées à la procédure judiciaire : principe du contradictoire, droits de la défense, représentation par un avocat, voies de recours.

Cette proposition de loi, soumise au Conseil d’État, a été adoptée à l’issue d’une navette parlementaire qui a permis de l’enrichir et de la préciser. Déférée au Conseil constitutionnel elle a été largement censurée par la décision n° 2020–805 DC du 7 août 2020.

Pour autant, la décision ne déclare pas inconstitutionnelles par principe les mesures de sûreté en matière terroriste. Ses motifs semblent davantage s’attacher à certaines des modalités du dispositif adopté par le Parlement.

E.   Les modifications proposées

1.   Instaurer des mesures de sûreté spécifiques à l’encontre des condamnés pour terrorisme

La censure partielle de la loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine ne doit pas conduire le législateur à abandonner toute initiative en la matière.

Les membres de la mission de contrôle estiment en effet, dans la lignée de leurs précédents travaux, qu’il existe un vide juridique en matière de suivi des personnes ayant été condamnées pour terrorisme et qui présentent, à l’issue de leur peine, une dangerosité persistante.

Dans un communiqué publié le même jour que la décision du 7 août 2020 précitée, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs insisté, de façon assez inusitée, sur le fait qu’il était loisible au législateur, le cas échéant, d’adopter « dès que possible » un nouveau dispositif.

Dans un considérant de principe, le Conseil a notamment rappelé que ces mesures de sûreté ne sont possibles qu’à « la condition qu’aucune mesure moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soit suffisante pour prévenir la commission de ces actes et que les conditions de mise en œuvre de ces mesures et leur durée soient adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. »

Les membres de la mission de contrôle appellent donc de leurs vœux une nouvelle initiative.

Proposition n° 9 : Instauration de mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, répondant aux objections soulevées par le Conseil constitutionnel.

2.   Permettre une meilleure application de l’interdiction de paraître

L’article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure permet d’imposer deux séries d’obligations aux personnes qui font l’objet d’une MICAS. La première regroupe les mesures les plus contraignantes : interdiction de se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie, déclaration du lieu d’habitation ou de tout changement de lieu d’habitation (L. 228-2). La seconde regroupe des mesures moins restrictives : déclaration de domicile, signalement des déplacements hors d’un périmètre, interdiction de paraître en un lieu déterminé (L. 228-4).

Toutefois, un individu contraint de résider dans un périmètre géographique déterminé en application de l’article L. 228-2 ne peut simultanément faire l’objet d’une interdiction de paraître dans un lieu particulier au sein de ce périmètre géographique, alors que les besoins de surveillance et de contrôle peuvent parfois commander de cumuler ces interdictions, notamment en cas d’évènement particulier se tenant au sein de ce périmètre (congrès, foires, sommet international...).

Dans une telle situation, l’autorité administrative n’a d’autres choix, pour éloigner temporairement la personne de ces évènements, que de déroger à la mesure de surveillance fondée sur l’article L. 228-2 pour la fonder temporairement sur l’article L. 228-4 puis, une fois l’évènement terminé, de replacer l’individu sous le régime initial de l’article L. 228-2 (exemple d’un individu assigné à résidence à Lille que les services souhaitaient écarter durant la braderie).

Il serait utile de prévoir la possibilité de prononcer une interdiction de paraître au titre des deux séries d’obligations, cette interdiction devant cependant être strictement limitée à la durée de l’évènement dont il est souhaité que la personne concernée soit écartée.

Proposition n° 10 : Possibilité de prononcer une interdiction de paraître au titre des deux séries d’obligations des articles L. 228-2 et L. 228-4.

3.   Une inscription au FPR

Dans son rapport d’information du 26 février 2020 sur le contrôle et le suivi de la loi SILT, le sénateur Marc-Philippe Daubresse recommandait la modification du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (FPR) pour y inscrire les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

Une telle inscription permettrait aux forces de sécurité intérieure de s’assurer du respect des mesures à l’occasion d’un contrôle d’identité ou d’un contrôle routier par exemple. De fait, un décret modificatif serait en cours d’élaboration, la principale difficulté à laquelle se heurtent les services du ministère de l’intérieur ayant trait aux contraintes issues du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Les membres de la mission de contrôle s’associent à la proposition sénatoriale et demandent qu’elle soit mise en œuvre dans les plus brefs délais.

Proposition n° 11 : Modification du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (FPR) pour y inscrire les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

4.   Fournir un justificatif de son lieu d’habitation ou de domicile

Les articles L. 228-2 et L. 228-4 prévoient que la personne faisant l’objet d’une MICAS peut être contrainte à la déclaration de son lieu d’habitation et de tout changement de lieu d’habitation.

Imposer la fourniture d’un justificatif du lieu d’habitation ou de domicile permet de renforcer la surveillance des personnes faisant l’objet d’une telle mesure. L’autorité administrative est ainsi mieux à même de déterminer ce lieu en cas d’interdiction ou d’obligation de déclaration des déplacements en dehors d’un périmètre (articles L. 228-2 et L. 228-4), ainsi qu’au moment du changement de lieu d’habitation ou de domicile. En cas de demande de modification du périmètre de résidence, il devient possible de s’assurer que celle-ci est bien justifiée par un changement de domicile.

Or, aucun délai n’est prévu pour la fourniture de ce justificatif, ce qui peut compliquer le travail des services de police et de gendarmerie.

Proposition n° 12 : Création d’un délai pour la présentation d’un justificatif de domicile.

VI.   Les visites domiciliaires : un outil complexe à mettre en œuvre mais dont l’intérêt opérationnel a été démontré

A.   le cadre juridique

1.   Le cadre juridique initial

Aux termes des articles L. 229-1 et suivants, le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Paris peut, sur saisine motivée du préfet de département, autoriser la visite d’un lieu ainsi que la saisie des documents et données qui s’y trouvent.

Cette visite domiciliaire est strictement encadrée puisqu’elle ne peut intervenir :

– qu’aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme ;

– et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.

La saisine du JLD est précédée d’une information du procureur de la République antiterroriste et du procureur de la République territorialement compétent, qui reçoivent tous les éléments relatifs à ces opérations. Le procureur de la République antiterroriste émet un avis sur la saisine.

La visite ne peut être commencée avant 6 heures ni après 21 heures, sauf autorisation expresse, accordée par le JLD, fondée sur l’urgence ou les nécessités de l’opération.

Elle s’effectue sous l’autorité et le contrôle du JLD qui l’a autorisée.

Si, à l’occasion de la visite, les agents qui y procèdent découvrent des éléments révélant l’existence d’autres lieux répondant aux conditions de la visite domiciliaire, ils peuvent, sur autorisation du JLD, procéder sans délai à la visite de ces lieux.

Lorsqu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur les documents présents sur le lieu de la visite, la personne peut, après information du JLD, être retenue sur place pendant le temps strictement nécessaire au déroulement des opérations. La retenue ne peut excéder quatre heures à compter du début de la visite et le JLD peut y mettre fin à tout moment ([41]).

Si la visite révèle l’existence de documents ou données relatifs à la menace, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique présent sur les lieux de la visite. À compter de la saisie, nul n’y a accès avant l’autorisation du juge.

Au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. Sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d’actes de terrorisme.

2.   Un dispositif déclaré en grande partie conforme à la Constitution

Dans sa décision du 29 mars 2018 précitée, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution à l’exception de celles relatives à la saisie de documents et d’objets.

En effet, contrairement au régime prévu en matière de saisie et conservation de données figurant dans les supports numériques, l’exploitation, la conservation et la restitution des autres documents et objets n’étaient soumises à aucune formalité particulière à l’article L. 229-5. Le Conseil constitutionnel a donc jugé que ces règles méconnaissaient le droit de propriété ([42]).

Afin de tirer les conséquences de cette décision, l’article 66 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu aux documents le régime procédural prévu pour la saisie, l’exploitation, la conservation et la restitution de données informatiques.

Le Gouvernement et le Parlement ont cependant fait le choix de ne rétablir que des dispositions relatives à la saisie de documents utiles « notamment en cas de documents rédigés en langue étrangère ou en cas de documents volumineux, en raison de l’impossibilité de les exploiter sur place ». Ils ont jugé inutile le rétablissement de celles relatives à la saisie d’objets car, « d’une part, leur saisie en police administrative n’est pas nécessaire, la présence des objets étant relatée dans les procès-verbaux et suffisant à établir les raisons sérieuses exigées par la loi » et, « d’autre part, lorsque leur possession est de nature à caractériser un délit, leur saisie se déroule en procédure incidente, selon les règles de procédure pénale » ([43]).

B.   une mise en œuvre tardive et irrégulière

1.   Une mise en œuvre tardive liée à l’appropriation de ce nouvel instrument juridique

Comme l’illustre le graphique ci-dessous, les visites domiciliaires n’ont pas été utilisées dès le début de l’entrée en vigueur de la loi SILT. Les services ont mis plusieurs mois à s’approprier ce dispositif qui fait intervenir des acteurs administratifs et judiciaires.

Ainsi, les premières visites domiciliaires ont-elles eu lieu seulement en janvier 2018. Ce dispositif est resté peu utilisé jusqu’aux attaques terroristes du 23 mars 2018 à Trèbes et Carcassonne. À partir de cette date, les préfets y ont davantage eu recours, jusqu’à l’été 2019. En revanche, on a constaté un très net ralentissement pendant près d’un an, jusqu’à la moitié du mois d’octobre 2020.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

 

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

2.   Une mobilisation inédite des visites domiciliaires après l’assassinat de Samuel Paty

Dans le contexte des attentats des 16 et 29 octobre 2020 a pu être observée une intense mobilisation des visites domiciliaires. Entre le 18 octobre et le 23 novembre, 272 requêtes préfectorales de visites domiciliaires ont été adressées au juge des libertés et de la détention (contre une petite trentaine seulement depuis le début de l’année 2020). Il y aura eu plus de demandes de visites en un mois qu’en trois ans d’application de la loi SILT !

 

 

 

TOTAL

Entre le 1er novembre 2017 et le 17 octobre 2020

Entre le 18 octobre et le 23 novembre 2020

Nombre de requêtes reçues

514

242

272

Source : tribunal judiciaire de Paris.

On relève l’apparition de certains profils, jusque-là peu présents dans les requêtes : professeurs de collèges et lycées, gestionnaires d’associations en lien avec la mouvance salafiste.

Plusieurs requêtes visent manifestement des profils relevant du « bas du spectre », parfois très jeunes. Des profils plus lourds continuent à être concernés : il s’agit notamment d’individus déjà condamnés pour des faits liés au terrorisme, ayant fait l’objet de MICAS ou souffrant de troubles psychiatriques pouvant laisser craindre un passage à l’acte.

Enfin, de façon inhabituelle, au moins sept requêtes présentées au cours des dernières semaines dans plusieurs départements demandent l’autorisation d’une visite domiciliaire de nuit (notamment au regard de l’impulsivité de l’individu concerné ou afin de s’assurer de sa présence et de celle des matériels recherchés). Auparavant, une seule visite avait été effectuée de nuit depuis l’entrée en vigueur de la loi. Cela montre néanmoins un usage très modéré de cette possibilité dérogatoire.

La synthèse hebdomadaire du 30 octobre 2020 envoyée par le ministère de l’intérieur faisait état d’un bilan de 301 requêtes, donnant lieu à 237 autorisations du JLD et 45 refus (plusieurs requêtes étant toujours pendantes). 194 visites ont été effectuées, donnant lieu à 110 saisies ([44]) .

C.   une bonne articulation avec l’autorité judiciaire

1.   L’avis du Procureur de la République antiterroriste

Les membres de la mission de contrôle ont auditionné M. François Molins, alors procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, et, plus récemment, M. Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, en particulier au sujet de l’avis donné par le Parquet en amont des visites domiciliaires.

Depuis la mise en œuvre de la loi, le parquet national antiterroriste a été amené à rendre 19 avis préalables négatifs à la suite desquels :

– 11 requêtes ont été abandonnées par l’autorité préfectorale ;

– 4 requêtes ont néanmoins été adressées par les préfectures (et rejetées par le JLD) ;

– 4 ont donné lieu à une judiciarisation.

Lors de son audition, M. Jean-François Ricard a insisté sur le caractère complémentaire de la visite domiciliaire avec les procédures judiciaires, notamment lorsque les conditions ne sont pas réunies pour une perquisition judiciaire.

2.   Un contrôle juridictionnel exigeant et efficace

Les membres de la mission de contrôle ont auditionné à trois reprises le président du tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir son éclairage sur le contrôle juridictionnel des visites domiciliaires.

Les JLD se sont « acculturés à la note blanche ». Les préfectures ont de leur côté appris à élaborer des dossiers comprenant les critères cumulatifs exigés par la loi, faisant état d’une menace actuelle fondée sur des éléments récents. Ce contrôle « tant redouté s’est finalement bien passé » selon une expression entendue par les membres de la mission de contrôle lors d’un déplacement.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT, le taux de rejet par les JLD est en moyenne de l’ordre de 18 %. L’amélioration de la qualité des requêtes a fait qu’il n’a pas suivi l’augmentation du volume des visites domiciliaires.

Au 23 novembre, seuls 19 appels ont été formés contre les ordonnances du JLD – un en 2017, aucun en 2018, un en 2019, et 17 en 2020.

Source : commission des Lois – Assemblée nationale.

Chaque saisie doit donner lieu à une demande d’autorisation d’exploitation. Depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT, 108 demandes ont ainsi été formées par les préfets, donnant lieu à 97 autorisations et 5 refus (plusieurs demandes étant encore pendantes), soit un taux d’acceptation de 96 %. Des voix ont pu s’élever pour revenir sur le principe de la double autorisation de la visite domiciliaire puis de l’exploitation des données saisies, mais les membres de la mission de contrôle estiment qu’elle est utile puisqu’elle donne l’occasion au JLD d’examiner la réalité de la menace au regard des éléments de la visite domiciliaire.

3.   D’importantes différences territoriales

Les JLD ont constaté certaines divergences entre les requêtes des préfectures. En effet, toutes les préfectures n’ont pas autant recours à cet outil, ce qui s’explique évidemment par la présence plus ou moins forte sur leurs territoires de personnes répondant aux critères justifiant la mise en œuvre d’une visite.

Ainsi, le Nord est le département qui concentre de loin le plus de visite (23), devant Paris et la Seine–Saint–Denis (15), le Bas–Rhin et la Haute–Garonne (12).

Source : ministère de l’intérieur.

Lors du recours massif aux visites domiciliaires à partir de la mi–octobre, ces différences territoriales se sont fait ressentir sur la qualité des requêtes. Les membres de la mission de contrôle estiment donc que le ministère de la justice et le ministre de l’intérieur devraient établir conjointement un référentiel guidant les préfectures dans l’élaboration des requêtes.

Proposition n° 12 : Élaboration conjointe par les ministères de la justice et de l’intérieur d’un référentiel guidant les préfectures dans l’élaboration des requêtes en vue d’une visite domiciliaire.

D.   un intérêt opérationnel indéniable

Au 23 novembre 2020, 8 enquêtes ont été ouvertes sous une qualification terroriste. Au moins une visite a permis de déjouer un attentat ([45]). Par ailleurs, 22 enquêtes ont été ouvertes par les parquets locaux par des procédures incidentes.

judiciarisations suite à des visites domiciliaires

 

Total

Entre le 1er novembre 2017 et le 17 octobre 2020

Entre le 18 octobre et le 23 novembre 2020

Nombre de judiciarisations

PNAT

8

8

0

Parquet local

22

19

3

TOTAL

30

27

3

Source : tribunal judiciaire de Paris.

E.   Une évolution à la marge

Les dispositions de l’article L. 229-5 précisent que, « aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, si la visite révèle l’existence de documents ou données relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics que constitue le comportement de la personne concernée, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la visite ».

Les auditions menées par les membres de la mission de contrôle ont montré qu’il pourrait être opportun, lorsque la personne fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, d’autoriser la copie des données ou la saisie des systèmes informatiques concernés.

Il semble que le JLD ait déjà autorisé lors d’une visite domiciliaire l’exploitation des données saisies en raison du refus de coopération de l’intéressé, mais inscrire cette possibilité au niveau législatif sécuriserait le dispositif. Le rapport précité du Sénat l’a d’ailleurs préconisé.

Proposition n° 13 : Autorisation, lorsque la personne fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, de la copie des données ou de la saisie des systèmes informatiques concernés.

 


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   eXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 16 décembre 2020, la Commission des Lois examine ce rapport d’information.

Lien vidéo :

http://assnat.fr/17O8fb

Mme la présidente Yaël BraunPivet, rapporteure. Nous sommes réunis pour examiner un bilan de la mise en œuvre des articles 1er à 4 de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT.

L’article 5 de la loi SILT a en effet prévu, pour ces dispositions, un contrôle parlementaire « renforcé », que la commission des Lois a confié à Raphaël Gauvain, qui était le rapporteur du texte, à Éric Ciotti, qui en est le rapporteur d’application, et à moi-même en ma qualité de présidente. Nous avons donc mené ce contrôle à trois et je tiens à remercier mes deux collègues car nous avons travaillé de façon très constructive et harmonieuse.

Nous avons effectué de multiples auditions à l’Assemblée nationale et des déplacements dans des préfectures ou des maisons d’arrêt. Nous avons également auditionné avec vous, à plusieurs reprises, le ministre de l’Intérieur. Nous vous avons rendu compte de nos travaux régulièrement. Je crois que, de ce point de vue, nous avons rempli notre mission.

Je commencerai en vous présentant un rapide bilan quantitatif de l’application des mesures de la loi SILT, illustré par des tableaux. Puis Éric Ciotti et Raphaël Gauvain vous présenteront nos propositions.

Les articles 1er à 4 de la loi SILT ont introduit quatre grandes dispositions dans notre droit. La première, objet de l’article 1er, est relative aux périmètres de protection, qui permettent de sécuriser des sites ou des événements présentant un risque terroriste. Ceux-ci ont été utilisés très largement, mais de façon resserrée. Conséquence du confinement et de l’annulation de plusieurs événements festifs qui font d’habitude l’objet de périmètres de protection, cela a moins été le cas la troisième année. Le recours à ces périmètres est habituellement inégalement réparti dans l’année, avec des moments « phares » en juillet et en décembre, en lien avec les célébrations du 14 juillet et les marchés de Noël. Nous recevons tous les actes relatifs à ces périmètres, qui respectent la législation que nous avons instaurée.

Les graphiques dont vous pouvez prendre connaissance, qui figureront dans le rapport, illustrent le fameux continuum de sécurité qui est à l’œuvre dans la mise en œuvre des périmètres de protection, qui mobilisent nos forces de police, nationale ou municipale, et des agents de sécurité privée.

Au regard de la répartition géographique, on constate que, dans certaines zones, les périmètres de protection sont utilisés beaucoup plus souvent : la région parisienne et les zones frontalières avec la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Les usages étant effectivement associés aux événements qu’il convient de protéger, nous avons peu de remarques à faire sur l’utilisation qui a été faite de ces périmètres.

L’article 2 de la loi SILT vise la fermeture des lieux de culte, question dont nous avons débattu régulièrement. Si huit fermetures seulement sont intervenues en vertu de la loi SILT, la procédure que nous avions imaginée a été perçue positivement car elle a permis d’instaurer du contradictoire et des voies de recours, et d’atteindre nos objectifs : permettre le remplacement des équipes dirigeantes de lieux de culte pour ne pas attenter à la liberté de culte et à la liberté religieuse, tout en fermant les lieux de diffusion d’idées terroristes. Nous avons donc constaté une utilisation parcimonieuse de cette disposition et nous ferons des propositions pour étendre les possibilités de fermetures de lieux de culte.

Les mesures individuelles de contrôle et de surveillance (MICAS), prévues à l’article 3, ont été particulièrement bien utilisées. Au total, pendant les trois années d’application de la loi SILT, 349 MICAS ont été prises, concernant 301 personnes. Nous observons une bonne appropriation de cet outil. Nous recevons en continu les actes anonymisés des MICAS et constatons que celles-ci sont à chaque fois correctement motivées et que le ministère de l’Intérieur a, en la matière, une doctrine bien établie. Les MICAS sont très appréciées par les services de renseignement pour faire face à la menace terroriste et leur utilisation monte en puissance.

Nous avons distingué les MICAS en fonction des obligations auxquelles les personnes concernées peuvent être soumises. L’article le plus mobilisé est le L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit les mesures les plus restrictives de liberté : l’interdiction de sortir d’un périmètre et l’astreinte à une obligation de pointage. Pour 75 % des personnes astreintes à une MICAS, le périmètre de déplacement est restreint à la commune. Pour quasiment 95 % des personnes soumises à une obligation de pointage, celui-ci est quotidien, 5 % seulement des intéressés devant pointer moins régulièrement. Cela montre – nous en avions débattu à l’occasion de nos échanges sur les sortants de prison – que cet outil est vraiment le plus utile pour les services et que plus le pointage est resserré et fréquent, plus le contrôle est efficace.

Environ un quart des interdictions d’entrer en relation s’appliquent à une seule personne. Pour les interdictions de paraître, on voit que l’autorité administrative essaye de prendre des mesures strictement proportionnées et adaptées.

Le graphique montre les raisons pour lesquelles une MICAS peut faire l’objet d’une abrogation – pour soixante-deux d’entre elles, il s’agit d’une incarcération de la personne. Parmi les nouvelles incarcérations, quinze tiennent au non-respect des obligations des MICAS et quarante-sept à un autre motif. La loi n’a donc pas créé ce que certains avaient appelé une « camisole administrative » qui pousserait les personnes à la faute à cause du nombre élevé d’obligations auxquelles elles seraient soumises. Le nombre d’incarcérations de personnes ayant fait l’objet d’une MICAS est bien davantage dû à d’autres infractions qu’à une violation de leur MICAS.

Le renouvellement des MICAS a également fait débat entre nous. D’une durée initiale de trois mois, 24 % des MICAS n’ont pas été renouvelées et 58 % l’ont été une fois, atteignant ainsi au plus six mois. Un deuxième renouvellement portant la durée totale à neuf mois n’intervient que dans 13 % des cas, et un troisième, allant jusqu’à un an, que dans 5 % des cas. Nous avions posé plusieurs conditions au renouvellement des MICAS et, en tout état de cause, leur durée est limitée à douze mois. Ainsi l’autorité administrative est-elle conduite à limiter les renouvellements parce qu’elle ne dispose pas nécessairement des éléments suffisants, mais aussi parce qu’elle garde du temps de MICAS disponible pour pouvoir, le cas échéant, en prononcer une nouvelle en respectant la décision du Conseil constitutionnel de ne pas excéder une durée d’un an cumulée. Cela explique aussi le faible nombre de deuxième et de troisième renouvellements.

Beaucoup de personnes ayant fait l’objet d’une MICAS ont aussi fait l’objet d’une condamnation pénale. C’est normal puisqu’il s’agit de profils à haut risque et de personnes qui ont le plus souvent un casier judiciaire assez « chargé ». Parmi les 153 personnes condamnées pour des faits de droit commun, 144 l’ont été pour des faits de violence et sont en état de multirécidive. Parmi les personnes placées sous MICAS, 115, soit 38 %, ont des antécédents judiciaires pour des faits de terrorisme et 58, soit 19 %, pour apologie du terrorisme. Nous sommes vraiment face à de « gros profils ». 20 % des personnes ayant fait l’objet d’une MICAS présentent par ailleurs des troubles psychiatriques.

L’analyse des nationalités déconstruit certaines idées reçues : 91 % des personnes sous MICAS sont de nationalité française, 9 % de nationalité étrangère. De fait, les MICAS sont prononcées pour des personnes qui résident sur notre territoire, alors que, bien souvent, celles qui ont des casiers chargés et dont on soupçonne des activités en lien avec le terrorisme font l’objet de procédures d’expulsion à la sortie de prison, avec une rétention en centre de rétention administrative (CRA).

On observe, par ailleurs, une montée en puissance des MICAS pour les sortants de prison, sujet qui nous a fortement mobilisés. Entre novembre 2019 et octobre 2020, 83 sortants de prison ont fait l’objet d’une MICAS. Tous les sortants de prison radicalisés font l’objet d’un passage en revue des services de renseignement pour savoir quel doit être leur niveau de suivi et tous ceux qui sont dans le « haut du spectre » font l’objet d’une MICAS et d’un suivi.

Dernier article soumis à notre contrôle, l’article 4 est relatif aux visites domiciliaires, dispositif assez complexe du fait qu’il constitue une atteinte importante aux libertés – il s’agit d’aller au domicile d’une personne pour réaliser une perquisition administrative. Après une montée en puissance assez lente, l’outil a connu une bonne appropriation à la fois par les autorités administratives et par le juge des libertés et de la détention (JLD) parisien, spécialisé en la matière. Le recours à ces dispositifs s’est accru – très fortement, d’ailleurs, après l’assassinat de Samuel Paty.

Au total, au 30 octobre 2020, les préfets ont formulé 406 requêtes de visites domiciliaires, donnant lieu à 237 autorisations du JLD et 45 refus, plusieurs requêtes étant toujours pendantes ; 194 visites ont été effectuées donnant lieu à 110 saisies. Tous les intervenants nous ont dit que ces visites sont très utiles pour procéder à des levées de doute.

Sans surprise, on retrouve pour la répartition géographique des visites domiciliaires les mêmes zones que pour les périmètres de protection et les MICAS. Nous proposons dans notre rapport que les ministères de la Justice et de l’Intérieur rédigent une circulaire pour harmoniser les motivations et le processus des requêtes préfectorales afin que le JLD de Paris puisse mieux y répondre.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je tiens, à mon tour, à souligner l’excellente qualité du contrôle que nous avons conduit avec la présidente de la commission des Lois et Raphaël Gauvain. Nous avons multiplié les auditions et obtenu les renseignements et éléments d’information nécessaires à la rédaction de notre rapport.

À l’issue de ce contrôle, j’exprimerai essentiellement les mêmes réserves que lors de l’examen du projet de loi SILT, qui m’avaient conduit à ne pas voter celui-ci, non par refus d’une politique d’accroissement de nos dispositifs de sécurité, mais par conviction que le niveau de sécurité s’en trouverait dégradé par rapport au régime d’état d’urgence instauré par la loi du 3 avril 1955. Je crois que la dégradation du niveau de sécurité s’est malheureusement confirmée. La loi de 1955, telle qu’elle était en vigueur du 13 novembre 2015 au 1er novembre 2017, était censée entrer dans le droit commun par la loi SILT, mais c’est un peu une figure de l’esprit, voire une tournure politique que de dire que nous avons introduit dans le droit commun les dispositions de l’état d’urgence : celles de la loi SILT sont très différentes, leurs implications en matière de sécurité sont beaucoup plus faibles et ne permettent pas de garantir le même niveau de sécurité.

Je commencerai par une analyse quantitative. Les mesures prises dans le cadre de la loi SILT ont été considérablement moins nombreuses que celles prises sous le régime de la loi de 1955 : au 30 octobre 2020, 349 MICAS avaient été prononcées contre 754 assignations à résidence sous le régime de l’état d’urgence, soit près de deux fois moins, et 194 visites domiciliaires ayant donné lieu à 108 saisies ont été effectuées, contre 4 469 perquisitions administratives sous le régime de l’état d’urgence – le rapport est cette fois quasiment de un à dix.

Le nombre de fermetures de lieux de culte – huit ! – est franchement ridicule. Le Gouvernement semble prendre conscience de ces difficultés puisque des possibilités plus larges de fermetures de lieux de radicalisation sont envisagées dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Cela souligne l’erreur qui a été commise avec la loi SILT – certains d’entre nous n’avaient pourtant pas manqué de le souligner – et la faiblesse de ses préconisations en la matière.

Du point de vue qualitatif, les mesures ouvertes par la loi SILT revêtent une efficacité beaucoup plus faible et je vais essayer de vous en donner la preuve. S’agissant des assignations à résidence, sous le régime de l’état d’urgence, il était possible d’imposer à une personne de résider douze heures par jour à son domicile – à la suite d’un amendement que j’avais fait adopter visant à allonger la durée de neuf heures applicable dans les premiers moments de l’état d’urgence après le 13 novembre 2015. Il était aussi possible d’imposer de pointer trois fois par jour au commissariat ou à la gendarmerie. Avec les MICAS, il est seulement possible de restreindre les déplacements d’une personne au sein d’une commune. Le périmètre d’assignation est donc passé du domicile à la commune et l’on voit la difficulté que cela pose, notamment dans les grandes métropoles telles que Paris, Lyon, Lille, Marseille ou Nice. Qui plus est, il est possible de limiter le pointage à un seul par jour.

Les députés Les Républicains avaient souligné la faiblesse du dispositif. Nous mesurons plus que jamais qu’il conviendrait – proposition qui déborde sans doute le cadre de la loi SILT – de changer de périmètre et d’aller beaucoup plus loin dans la volonté de mettre en place ces contrôles individuels administratifs.

Globalement, l’action du Gouvernement me paraît manquer d’une ligne directrice claire et donne l’impression quasi systématiquement d’être un peu « à la remorque » des événements. Le nombre de visites domiciliaires, malheureusement, confirme cette analyse. Avant les attentats qui ont frappé notre pays à partir de septembre 2020, que ce soit contre les anciens locaux de Charlie Hebdo, contre Samuel Paty, à la basilique Notre‑Dame de Nice, seulement trente visites avaient été diligentées depuis le début de l’année 2020. Il y en a eu beaucoup plus depuis octobre : les préfets ont émis plus de requêtes en sept semaines qu’en trois ans !

Encore une fois, malheureusement, l’action conduite s’est trop souvent résumée à agir après les événements plutôt qu’elle ne les a anticipés. Le régime de l’état d’urgence, dont vous avez compris que je le préfère très largement à celui de la loi SILT, devait permettre d’anticiper les événements, de prévenir le passage à l’acte. Or on s’aperçoit que ses outils sont utilisés de façon plus forte après les attentats ; c’est une aberration et le manque d’anticipation est flagrant. Pour que les outils disponibles aient une efficacité maximale, leur opérationnalité devrait être beaucoup plus forte.

S’agissant des sortants de prison, nos auditions ont été très éclairantes, notamment celle du procureur national antiterroriste, M. Jean‑François Ricard, ou celle du président du tribunal judiciaire de Paris, M. Stéphane Noël. Je garde en mémoire – c’est l’audition qui m’a le plus marqué – les mots du procureur national antiterroriste qui nous a dit être saisi d’une « peur panique » face à la dangerosité des sortants de prison, et a souhaité qu’on bouche ce trou béant dans notre protection. Cela a conduit, madame la présidente, à la proposition de loi que vous avez défendue, que j’ai votée, mais dont nous savons ce qu’il est malheureusement advenu.

Je dis très solennellement qu’il faut traiter en urgence absolue la situation de ceux qui sont appelés à sortir de détention, et prendre des mesures très claires de surveillance afin d’empêcher que ceux qui se sont radicalisés en prison alors qu’ils étaient des détenus de droit commun ne puissent passer à l’acte. La mesure la plus efficace serait une rétention de sureté, qui contribuerait à mieux protéger nos concitoyens contre les criminels terroristes dangereux – vous savez que c’est chez moi une conviction constante, que je défends depuis plusieurs années.

Pour reprendre la formule imagée de l’ancien procureur de Paris, M. François Molins, chargé des questions de terrorisme au plan national avant la création du parquet national antiterroriste (PNAT), « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». Il mettait ainsi en lumière les difficultés des procédures dites de déradicalisation, qui ont montré leurs infinies limites. Il indiquait aussi : « lorsqu’on tombe sur des individus imprégnés par cette idéologie mortifère, les maintenir enfermés n’est peut-être pas la mission la plus noble, elle a au moins l’impérieuse vertu de protéger la société. » Or la protection de notre société n’est pas au rendez-vous ; il faut établir cette protection pour éviter de nouveaux drames. La censure du Conseil constitutionnel – nous n’avons pas à la commenter mais à en tenir compte, ce qui n’a pas été fait jusqu’alors – exige que nous ayons une réaction à la hauteur de la faiblesse du dispositif de sécurité dont elle est à l’origine.

Malheureusement, cette décision s’inscrit dans une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui me paraît extrêmement préoccupante. En décembre 2017, le Conseil constitutionnel a annulé la disposition sanctionnant pénalement la consultation régulière de sites djihadistes, dont nous avions obtenu, avec mon collègue Guillaume Larrivé et le président de la commission des Lois du Sénat Philippe Bas, l’introduction dans la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Cette censure montrait déjà à quel point le Conseil constitutionnel s’était enfermé dans une forme de naïveté face aux menaces terroristes. Sa constance dans cette évolution, que l’on pourrait peut-être qualifier de dérive, s’est ensuite traduite par la censure de l’article 8-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence autorisant le préfet à ordonner des contrôles d’identité ou des fouilles de véhicules, deux mesures indispensables pour disposer d’outils juridiques efficaces dans notre lutte contre le terrorisme islamiste. Enfin, la décision du 6 juillet 2018 complique redoutablement le combat légitime contre les réseaux de passeurs de migrants. Nous avons vu, encore récemment avec l’attentat de Nice, que les terroristes s’étaient souvent insérés dans ces flux migratoires. Ils l’avaient fait également pour les attentats du Bataclan et des terrasses de café en 2015. Le droit à la fraternité ouvre surtout une porte à la naïveté.

Afin de remédier à ce désarmement juridique, il me paraît indispensable de changer de cadre et de procéder à une réforme constitutionnelle. Les propositions de notre rapport vont dans la bonne direction ; je les soutiens. Elles sont pertinentes et sont le fruit de nos analyses des faiblesses et des failles de la législation, mais elles ne sont en rien à la hauteur de la gravité de la situation. L’état d’urgence nous protégeait à un niveau compatible avec le cadre constitutionnel ; nous avons dégradé ce niveau de protection avec la loi SILT, je le redis en conscience. Si nous voulons vraiment modifier ce degré de protection, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réforme constitutionnelle. Tout le reste relève de rafistolages juridiques qui, au final, atténuent la force des discours.

Après l’assassinat de Samuel Paty, le Président de la République nous a indiqué que la peur allait changer de camp. Je partage, bien sûr, ce souhait, mais, pour que la peur change de camp, il faut changer de cadre. Toutes les dispositions permettant d’adapter notre législation n’ont pas été adoptées. La situation que connaît notre pays depuis cinq ans nous impose d’adopter des mesures exceptionnelles. La loi SILT a été appliquée très faiblement et le petit sursaut qu’on a eu après les attentats de septembre dernier montre combien on avait baissé la garde. Elle ne me paraît pas suffisante pour nous protéger ; elle est bien en retrait par rapport à ce qui existait. Je le redis, et je suis certain que nous y viendrons, quelles que soient les résistances, les réticences, les fausses pudeurs : il faudra changer la Constitution. Et puisque le Président de la République l’a proposé sur d’autres sujets, je pense que le vecteur référendaire pourrait donner au peuple la possibilité de dire qu’il souhaite être mieux protégé.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Je salue, moi aussi, le travail transpartisan mené depuis trois ans sur ce sujet difficile. Parmi nos propositions, la plus importante est de pérenniser les dispositifs des articles 1er à 4 de la loi SILT. Selon le bilan que nous dressons, l’autorité administrative fait une utilisation proportionnée et adaptée de ces quatre instruments, et nos auditions ont révélé une véritable demande des acteurs de la lutte contre le terrorisme – les services de renseignement, les procureurs – que ces outils utiles soient pérennisés. Quand des attentats sont déjoués, le grand public n’en a pas toujours connaissance. Le Monde a fait état d’un attentat majeur déjoué il y a dix-huit mois grâce à l’utilisation par les services de lutte contre le terrorisme d’un instrument majeur de la loi SILT, la visite domiciliaire. Je crois qu’il s’agissait de personnes d’origine égyptienne, se trouvant dans le 9e arrondissement de Paris, qui projetaient un attentat de masse dans un bus. Nous proposons donc de pérenniser les articles 1er à 4, tout en recommandant des améliorations paramétriques du dispositif.

Faudrait‑il revenir à l’état d’urgence qui offrirait un meilleur niveau de protection ? La question vient d’être posée par Éric Ciotti et c’est un débat que la commission des Lois a eu en 2017 et au cours de ce contrôle. En toute franchise, je pense qu’il est aujourd’hui dépassé.

Je ne polémiquerai pas sur les chiffres, mais on ne peut comparer les 200 ou 300 visites domiciliaires sous le régime de la loi SILT aux 4 000 perquisitions administratives qui ont eu lieu pendant l’état d’urgence, dont 80 % sont intervenues dans les deux mois suivant l’attentat du Bataclan. Le nombre des visites domiciliaires est similaire à celui des perquisitions administratives de la fin de l’état d’urgence, qui était davantage maîtrisé lorsqu’on a basculé vers la loi SILT. D’ailleurs, à aucun moment, au cours de nos auditions, les acteurs de la lutte contre le terrorisme n’ont émis l’idée qu’il fallait revenir à l’état d’urgence ni que ses instruments étaient adaptés à la menace. En tout cas, ils ne l’auraient aucunement été lors des derniers attentats, celui contre Samuel Paty ou celui de Nice.

Notre proposition n° 9 concernant les sortants de prison porte sur une question majeure et d’actualité, dont nous allons sans doute débattre à nouveau dans les prochains mois pour essayer de trouver une solution. Je rejoins Éric Ciotti à ce sujet. Au cours de nos auditions, le procureur antiterroriste et les acteurs de la lutte antiterroriste ont souligné la nécessité d’améliorer le dispositif.

Nous avions essayé de boucher ce trou dans la raquette avec la proposition de loi de notre présidente. J’ai été extrêmement surpris par la décision du Conseil constitutionnel d’août 2020 à l’encontre d’un texte voté par l’ensemble des groupes politiques et adopté en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale et le Sénat, ayant conscience de la difficulté d’instaurer des mesures de sûreté, s’étant montrés soucieux de trouver un équilibre. Nous avions sollicité l’avis du Conseil d’État, dont nous avions intégré les recommandations dans la proposition de loi. Nous étions même allés plus loin dans ce fameux équilibre, en ayant conscience du risque d’une censure – elle est intervenue.

Sans parler du véhicule législatif, nous avons désormais trois solutions. La première consiste à réitérer ce que nous avions mis dans la proposition de loi, c’est‑à‑dire confier le prononcé de la mesure de sûreté à l’autorité judiciaire, sachant que le débat sera compliqué : certes, le Conseil constitutionnel n’exclut pas la possibilité d’instaurer des mesures de sûreté, mais il pose des conditions dont on peut se demander, en analysant sa décision, si elles n’empêchent pas leur instauration. Cette voie a ma préférence parce qu’elle permet, dans un domaine délicat, un débat judiciaire contradictoire avant l’application de la mesure – c’était donc une avancée considérable. On pourrait éventuellement emprunter la voie administrative, mais on serait encore sur une corde raide au regard de la décision du Conseil constitutionnel. On pourrait aussi rechercher un équilibre entre ces deux voies.

Je rejoins Éric Ciotti : les sortants de prison sont des personnes extrêmement dangereuses qui, de toute façon, seront suivies par les services de renseignement à leur sortie. Je voudrais éviter qu’au nom de la défense des droits individuels, on refuse des mesures de sûreté, pour se retrouver dans un système où les services de renseignement procéderaient au suivi, sans aucun contrôle du juge. Le débat se déroulera dans les mois à venir, dans le cadre d’une nouvelle proposition de loi ou d’un nouveau projet de loi, dont le dépôt doit intervenir avant juillet 2021.

Nous pourrons revenir dans la suite de la discussion sur nos quatorze propositions complémentaires.

Mme la présidente Yaël BraunPivet, rapporteure. Nous formulons en effet quatorze propositions d’évolution des dispositifs, sur lesquelles nous sommes tous les trois d’accord, même si on a compris qu’Éric Ciotti défendait d’autres positions s’agissant de la loi elle-même.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je l’ai dit dans mon propos préliminaire et le confirme.

M. Sacha Houlié. Je vous félicite, Madame la présidente, ainsi que M. Ciotti et M. Gauvain, pour le travail réalisé. Je me réjouis de votre proposition de pérenniser le contrôle parlementaire des articles 1er à 4 de la loi SILT, car ce contrôle résulte d’un amendement parlementaire qui avait permis que d’autres collègues nous rejoignent pour sortir de l’état d’urgence et que la commission mixte paritaire soit conclusive. Je rejoins Raphaël Gauvain : les dispositions dont on a fait l’usage ont permis d’être aussi performant que possible, et l’état d’urgence de la loi de 1955 n’aurait rien apporté pour empêcher les attentats que nous avons malheureusement connus.

Par ailleurs, si des fermetures de lieux de culte sont intervenues sous l’empire de la loi SILT, il ressort du travail que nous avons fait avec mon collègue Bruno Questel sur la loi « engagement et proximité » du 19 décembre 2019 que 350 lieux de débits de boisson ont été fermés sur la base d’autres dispositions, telle la loi relative aux établissements recevant du public. L’État n’est donc pas resté démuni et, en tenant compte de l’adaptabilité des prêcheurs ou des personnes radicalisées, a pu les combattre assez efficacement.

Pouvez-vous préciser si, lorsque vous avez envisagé d’améliorer le dispositif de fermeture des lieux de culte, vous pensiez précisément à l’article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République ou si vous aviez d’autres idées ?

Je partage l’avis de M. Ciotti qu’il y a une forte radicalisation en prison, qu’il faut la traiter comme telle et être intransigeant. Je ne partage pas, en revanche, loin s’en faut, l’idée qu’il faudrait instaurer des mesures de sûreté et j’avais émis des désaccords durant l’examen de la proposition de loi. Je ne crois pas que le Conseil constitutionnel soit naïf ; je crois qu’il est lucide. S’il fallait réviser la Constitution, quelles mesures faudrait-il toucher : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Préambule de 1946, les fondements de la police administrative ou l’article 66 ? Je vois mal de quelle façon M. Ciotti envisage de réviser la Constitution. En tout état de cause, je suis défavorable à une telle révision.

Concernant la rétention des personnes amenées à sortir de prison, j’avais compris, lors de l’examen de la proposition de loi, que les dispositions préexistantes étaient insuffisantes. Envisagez‑vous de les faire évoluer ? Cela permettrait‑il de surmonter les craintes et les réserves qui ont conduit le Conseil constitutionnel à censurer ce que nous avions voté ?

Mme Élodie JacquierLaforge. La loi SILT a confié à l’autorité administrative des moyens juridiques afin de prévenir des actes de terrorisme : les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les MICAS, les visites domiciliaires et les saisies. Cependant, dans la mesure où les articles 1er à 4 de la loi SILT octroyaient aux autorités administratives, en particulier au ministre de l’intérieur et aux préfets, des pouvoirs nouveaux et exorbitants du droit commun, l’Assemblée nationale et le Sénat ont estimé opportun, à l’occasion de la navette parlementaire, de les soumettre à un contrôle parlementaire renforcé. C’est ce qui nous réunit ce matin.

En ce qui concerne l’exercice de ce de contrôle parlementaire, vous nous alertez sur le caractère très tardif de la transmission de certains documents par les préfectures. Vous évoquez des arrêtés instituant des périmètres de protection pris plus de deux ans auparavant. À votre avis, à quoi cela est-il dû ? Ces cas sont‑ils rares ou y a‑t‑il un vrai problème pour l’effectivité et l’efficacité du contrôle ?

Dans votre proposition n° 5, vous abordez la « consécration au niveau législatif de la réserve du Conseil constitutionnel s’agissant de l’effectivité continue du contrôle exercé par les OPJ sur les agents de sécurité privée ». Nous adhérons pleinement à cette idée. Cependant, pour sa pleine effectivité, il nous paraît indispensable d’aller vers un renforcement des moyens humains, vers une meilleure formation des agents de sécurité privée et vers une revalorisation de la qualité d’OPJ.

Vous expliquez que les périmètres de protection sont très utilisés – 602 fois depuis l’entrée en vigueur de cette disposition. Nous soulignons une certaine disparité entre les territoires, puisque quarante-six départements n’ont appliqué aucun périmètre de protection en trois ans – c’est le cas des Bouches‑du‑Rhône, quand le département voisin du Var l’a fait à trente-six reprises. Dans votre présentation vous n’avez pas insisté sur ce point, mais il s’agit, pour nous, d’un décalage surprenant.

Vous évoquez des doctrines différentes selon les préfets. Cela nous frappe évidemment et c’est pourquoi nous adhérons à votre proposition de « diffusion par le ministère de l’intérieur d’un référentiel détaillé explicitant les situations justifiant la mise en œuvre d’un périmètre de protection. » Nous pensons que la lutte contre le terrorisme doit être la même dans tous les territoires et que les préfets doivent s’emparer des outils à leur disposition, au regard des risques encourus et pour les finalités prévues par la loi, c’est‑à‑dire la prévention du terrorisme, et non pour des motifs d’ordre public. Ainsi, au vu des chiffres que vous nous présentez dans votre rapport, soit certains préfets ont recours trop facilement aux périmètres de protection et peut‑être pas pour les bonnes finalités, soit il n’y a pas assez de recours. Il faut donc réussir à atteindre un équilibre, majeur en droit administratif, entre nécessité et proportionnalité.

Concernant la fermeture administrative des lieux de culte, votre rapport révèle que des gestionnaires de ces lieux contournent les décisions en utilisant des espaces connexes déclarés comme lieux culturels. Aussi proposez-vous d’étendre le champ d’application de la mesure en permettant de prononcer également la fermeture de lieux dépendants du lieu de culte visé. Pouvez-vous nous rassurer quant à la faisabilité d’une telle mesure sans qu’elle porte atteinte aux critères de nécessité et de proportionnalité ?

Enfin, s’agissant des MICAS, des obligations sont susceptibles d’être émises comme se déplacer à l’intérieur d’un périmètre géographique déterminé ou se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie. Avez-vous constaté des difficultés d’articulation entre les différentes obligations ? Des associations nous ont fait remonter des situations de personnes confinées dans un périmètre géographique mais devant se présenter régulièrement à une gendarmerie située en dehors de ce périmètre, ou ne pouvant se rendre à un entretien d’embauche situé en dehors du périmètre, alors que cela est évidemment essentiel pour leur réinsertion.

Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue la qualité de votre rapport et adhère aux propositions qui sont faites. Pour autant, lors du débat sur la pérennisation de ces dispositions, nous resterons vigilants quant au respect des principes qui fondent notre État de droit.

M. Didier Paris. Je vous félicite à mon tour, madame la présidente, ainsi qu’Éric Ciotti et Raphaël Gauvain, pour le travail effectué. C’est peut-être la troisième fois que nous nous retrouvons dans ce cadre et c’est un rendez-vous précieux qui nous permet d’avoir une vision non seulement d’une situation, mais des perspectives d’évolution, ce qui est fondamental et forme la base de notre travail parlementaire.

Nous examinerons demain dans l’hémicycle la loi dite d’enjambement, qui prolonge les mesures de la loi SILT jusqu’à juillet 2021, les mesures de renseignement étant, quant à elles, prolongées jusqu’à la fin de l’année 2021. Nous ne discuterons pas du fond des évolutions potentielles puisque cela nécessiterait un véritable débat parlementaire. Pourtant, en vous écoutant, on a le sentiment que vous avez validé des évolutions probables des articles 1er à 4 de la loi SILT. Est-ce effectivement le cas ? Avons‑nous déjà un cadre conceptuel pour des discussions à venir au premier semestre 2021 ou demeure‑t‑il des éléments qui n’ont pas fait consensus entre vous trois, pour lesquels il nous reste des discussions de fond à mener dans le cadre du futur texte ? J’ai bien compris que l’on resterait par principe dans le cadre actuel sans revenir à l’état d’urgence, et que ces mesures sont validées par l’ensemble des services de police et de renseignement qui n’en demandent pas d’autres. Mais que resterait-il qui pourrait nous occuper ?

Concernant les sortants de prison, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée, qui a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive le 15 décembre 2020, Naïma Moutchou et moi-même avons longuement auditionné M. Ricard, le patron du PNAT, qui nous a fait part des mêmes difficultés et des mêmes craintes, que nous partageons. Cette inquiétude se reflète dans votre proposition n° 9. Comment assurer une meilleure protection ?

Vous souhaitez reprendre, madame la présidente, votre proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, en adaptant les éléments qui ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Cela me paraît fondamental et nous travaillerons volontiers avec vous. Il y a aussi d’autres vecteurs législatifs : le ministre de la Justice a évoqué une « loi justice ».

En dehors des grands éléments de fond ou de principe qui vont nous occuper, il me semble qu’il y a aussi des éléments très concrets, tirés de la pratique judiciaire du contrôle des sortants de prison. Me souvenant précisément de ce que disait le procureur antiterroriste, je pense que trois ou quatre pistes nous permettraient d’avancer, sans grande discussion de fond. Nous pourrions boucher « les trous dans la raquette » de la surveillance judiciaire ; améliorer le suivi post-peine, ce qui suppose que le PNAT soit mieux en mesure d’intervenir lors de l’exécution de la peine, ce qui n’est pas le cas et avait sans doute été oublié lors de sa création ; travailler sur les modalités de liberté conditionnelle et de libération sous contrainte.

Soyons donc vigilants : si nous avons sans doute besoin de réformes conceptuelles concernant les sortants de prison, il y a aussi des réponses très précises, techniques et judiciaires à apporter dans le fonctionnement du PNAT. Il faut avoir les bons outils pour atteindre un objectif qui nous concerne tous : la protection des Français face aux sortants de prison.

Mme la présidente Yaël BraunPivet, rapporteure. Merci beaucoup pour vos interventions et pour la confiance que vous nous témoignez.

Sacha Houlié l’a rappelé, le contrôle parlementaire renforcé avait fait consensus lors de l’adoption de la loi SILT à l’Assemblée nationale et au Sénat. Notre souhait est donc qu’il soit pérennisé parce qu’il nous permet d’accéder à des informations auxquelles nous n’avons malheureusement pas accès dans un contrôle parlementaire classique, notamment la transmission au fur et à mesure des actes intégraux, nous permettant de nous assurer de leur bonne motivation.

Mme Jacquier‑Laforge nous a interrogés sur les difficultés de transmission. Il y en a eu effectivement et, à chaque fois, j’en ai fait part au bureau de la commission des Lois et j’ai écrit au ministre de l’Intérieur pour m’en étonner. C’est néanmoins assez rare : dans la grande majorité des cas, les actes nous sont transmis dans un délai très raisonnable. Ces retards n’étaient pas imputables au ministère de l’Intérieur mais au niveau préfectoral, les préfets n’ayant pas transmis les actes à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Le ministre de l’Intérieur a rappelé à ses services la nécessité d’une transmission dans des délais raisonnables ; normalement, le problème est donc réglé. Hormis quelques difficultés résiduelles exceptionnelles, nous soulignons l’extrême diligence du ministère de l’Intérieur pour nous transmettre les actes dans les meilleurs délais.

Ce contrôle a bien fonctionné. Il nous a permis d’agréger les données et de les publier sur le site de la commission des Lois, ce qui a été souvent salué par des ONG appréciant d’y avoir accès. C’est pourquoi, dans nos recommandations, nous demandons au ministre de l’Intérieur de publier également les données agrégées : sur des mesures aussi restrictives, il nous semble essentiel que le contrôle démocratique s’effectue par notre intermédiaire mais aussi par la transparence vis‑à‑vis des citoyens. Quoi de mieux pour l’assurer qu’une publication directe des données agrégées par le ministère ? Nous avons été extrêmement vigilants pour assurer la bonne exécution de ce contrôle.

Concernant les lieux de culte, notre souhait est effectivement d’étendre la possibilité de fermeture aux lieux connexes telle qu’elle est prévue à l’article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, de manière à éviter une percussion des dispositions. Nous souscrivons également à la réduction de délai proposée dans ce texte.

Pour les cas nécessitant de se déplacer hors du périmètre de protection, le ministère peut être saisi d’une demande d’aménagement justifiée par une recherche d’emploi, par l’exercice d’une activité professionnelle ou par des raisons personnelles telles que la garde alternée d’un enfant. Lorsque la demande est justifiée et que c’est possible, la MICAS est aménagée. Les refus concernent des demandes dilatoires faites pour contourner la MICAS mais non fondées sur des raisons personnelles ou de recherche d’emploi. Il ne s’agit pas d’empêcher la réinsertion. Au contraire, s’il y a des possibilités d’emploi ou de consolidation d’une vie personnelle permettant une réinsertion, il ne faut pas les freiner par des dispositifs administratifs trop contraignants. Pour en tenir compte, le ministère procède régulièrement à des aménagements des obligations induites par les MICAS.

Le problème des sortants de prison nous préoccupe tous. J’étais récemment avec le garde des Sceaux au tribunal judiciaire de Paris, à la rencontre du procureur national antiterroriste et de l’ensemble des acteurs. La menace existe et il faut y faire face. La question est de trouver le bon dispositif pour le faire rapidement et efficacement. Raphaël Gauvain et moi-même pensons qu’il faut agir à cadre constitutionnel constant ; nous ne sommes pas sur la ligne exposée par Éric Ciotti d’une réforme de la Constitution. Ainsi, nous retravaillons sur un dispositif contradictoire, avec des magistrats de l’ordre judiciaire, la présence d’un avocat, une audience et la possibilité d’un recours juridictionnel. Ce dispositif judiciaire nous semble plus respectueux des droits et libertés de chacun et satisfaire davantage dans la durée les exigences de notre État de droit.

La décision du Conseil constitutionnel nous contraint beaucoup et la question se pose de savoir si nous arriverons à créer un dispositif judiciaire qui tienne entre les bornes qu’il a fixées et qui serait suffisamment opérationnel et contraignant pour avoir une vraie utilité vis‑à‑vis de ces sortants de prison. Nous travaillons évidemment en lien avec la chancellerie, les personnes en charge de la lutte antiterroriste, le ministère de l’Intérieur et les services de renseignement. Nous espérons faire des propositions rapidement mais la voie est très étroite.

Nous pourrions aussi agir à travers les MICAS ou, comme l’évoquait Didier Paris, renforcer les dispositifs existants. Rien n’est à exclure, chaque voie peut être la bonne et elles pourraient se cumuler. Il faut boucher les trous dans la raquette et avoir des dispositifs les plus complets possible, à charge pour les autorités judiciaires et administratives, dont on sait qu’elles coopèrent très bien dans ce domaine de la lutte antiterroriste, de faire les choix les plus adaptés à chaque situation. Plus notre arsenal juridique sera complet, sur la voie tant judiciaire qu’administrative, plus nous aurons rempli notre mission de législateurs et de protection de nos concitoyens face à ce risque terroriste dont on sait combien il est prégnant sur notre territoire. Notre dispositif doit être solide, conforme à notre État de droit et, si possible, rencontrer l’adhésion politique du plus grand nombre. Nous rendrons compte de nos travaux devant la commission des Lois et nous sommes à la disposition des collègues qui souhaitent s’associer à ce travail parce qu’il est important que nous unissions nos efforts.

M. Raphaël Gauvain, rapporteur. Le contrôle parlementaire habituel permettant déjà de faire des auditions et des déplacements, l’intérêt d’un contrôle parlementaire renforcé réside dans la transmission individuelle des actes. Cette transmission, dans laquelle les noms sont biffés, garantit la qualité de notre contrôle et permet de prendre connaissance des décisions administratives, de l’application des dispositifs et de la motivation des actes.

L’Assemblée nationale avait également voulu appliquer le contrôle parlementaire renforcé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mais le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, en avril 2020, en considérant que la transmission d’actes individuels constituait un empiètement du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, et était ainsi contraire à la Constitution. Dans le cadre de la loi SILT, le contrôle parlementaire renforcé n’avait pas été soumis à un contrôle constitutionnel. Je pense que la question de la pérennisation de ce contrôle va véritablement se poser dans le cadre de nos débats sur la loi d’enjambement.

Concernant cette loi d’enjambement, Didier Paris demandait si les dispositifs étaient prêts et faisaient consensus. Nous ne pouvons pas répondre à la place du Gouvernement. Il y aura sans doute, dans le projet qui doit être adopté avant juillet 2021 pour pérenniser la loi SILT, des propositions du Gouvernement et du ministre de l’Intérieur. En tout cas, les quatorze recommandations qui sont ici faites avec l’assentiment des trois rapporteurs tendent à pérenniser le dispositif avec des ajustements paramétriques.

Les MICAS seront au cœur des débats à venir et il faudra sans doute instaurer un système jouant sur plusieurs tableaux. La question des sortants de prison explique pourquoi on ne peut pas se satisfaire des dispositifs existants et pourquoi on ne peut même pas les réformer. Il s’agit de personnes « en sortie sèche » : tout aménagement de peine ayant été refusé, elles ont exécuté la totalité de leur peine et ne sont plus éligibles aux dispositifs existants. En modifiant ces dispositifs pour appliquer des mesures judiciaires qui sanctionneraient un comportement, on se confronterait à cet autre principe constitutionnel qu’est la non-rétroactivité de la loi pénale. C’est pourquoi nous avions choisi le dispositif de la sûreté judiciaire avec des contraintes, non pour ce que les personnes ont commis et ce pour quoi elles étaient en prison, mais par rapport à l’appréciation de faits objectifs de dangerosité.

Je rejoins la présidente : contrairement aux dispositifs administratifs qui permettent de contester a posteriori une décision prise par le préfet devant le tribunal administratif, la voie judiciaire, avec l’instauration d’un contrôle, permet un débat contradictoire a priori avec l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles aux termes de l’article 66 de la Constitution. Ce dispositif a véritablement notre préférence et nous essaierons, pour les personnes sortant de prison présentant un danger, de trouver une voie de passage pour répondre à la fois aux exigences très contraignantes de la décision du Conseil constitutionnel et aux besoins des services de renseignement et des acteurs de la lutte antiterroriste.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, rapporteure. Je vais demander à la Commission de se prononcer sur la publication du rapport, que je transmettrai officiellement au président de l’Assemblée nationale.

La Commission autorise la publication du rapport.

 

 


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   contribution de M. Eric Ciotti, co–rapporteur

À titre liminaire, il faut souligner ici la qualité des travaux menés par la mission de contrôle des articles 1er à 4 de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017, dite « loi SILT ». Je partage ainsi l’ensemble des constats faits par le présent rapport même si je n’en tire pas toujours les mêmes conclusions que mes deux collègues issus de la majorité présidentielle.

« La peur va changer de camp », a promis le Président de la République, Emmanuel Macron, après l’assassinat de Samuel Paty, dans le huis clos d’un conseil de défense réuni à l’Élysée ([46])

Comment ne pas partager ce souhait ? Force est de constater, pourtant, qu’il est bien tardif et que toutes les dispositions devant permettre d’adapter notre législation à cette ambition n’ont pas été adoptées. La situation que connaît notre pays depuis cinq ans déjà nous impose de changer de cadre et d’adopter des mesures exceptionnelles.

Sur des sujets aussi essentiels, qui impliquent et conditionnent la sécurité des Français, il nous faut naturellement dépasser les clivages politiques traditionnels. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a systématiquement soutenu les textes législatifs permettant de renforcer la sécurité des Français soumis ces dernières années à notre Assemblée.

La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a fait exception à cette règle, car, contrairement à ce que son titre affirme, elle a diminué le niveau de protection des Français. En effet, c’est par cette loi que l’état d’urgence tel que défini par la loi de 1955, qui était en vigueur depuis les attentats de novembre 2015, est entré dans le droit commun, mais sous une forme atténuée, encadrée et rigidifiée, en un mot, dégradée.

S’il ne fallait citer qu’un exemple, il faudrait retenir celui des assignations à résidence. Sous le régime de l’état d’urgence, il était possible d’imposer à une personne de résider douze heures par jour à son domicile et de pointer trois fois par jour au commissariat ou à la gendarmerie. Avec les mesures de contrôle administratif et de surveillance de la loi SILT, il est seulement possible de restreindre les déplacements d’une personne au sein d’une commune (périmètre géographique qui peut être assez considérable si l’on pense aux grandes métropoles telles que Paris, Lyon, Lille ou Marseille) et à un pointage une fois par jour.

Il ne fallait pas, l’état de la menace et les terribles attentats commis ces dernières années le confirment hélas, sortir du régime juridique de l’état d’urgence.

Les chiffres montrent en outre que l’usage des instruments de la loi SILT est plus restreint que sous l’empire de l’état d’urgence. Il est même franchement timoré en ce qui concerne les fermetures de lieux de culte et le Gouvernement semble finalement en prendre conscience dans le cadre de l’élaboration de son projet de loi visant à conforter les principes républicains en envisageant enfin des possibilités plus large de fermeture des lieux de radicalisation.

L’action du Gouvernement est parfois erratique et manque d’une ligne directrice claire. C’est particulièrement vrai s’agissant des visites domiciliaires, dont une petite trentaine seulement avaient été diligentées depuis le début de l’année 2020 jusqu’à la vague d’attaques terroristes du mois d’octobre dernier. Et depuis, les préfets ont émis plus de requêtes en sept semaines qu’en trois ans ! ([47])

Encore une fois, malheureusement, l’action conduite se résume donc à réagir aux événements, non à les anticiper. Comment, dès lors, ne pas regretter le temps perdu dans la construction d’une législation efficace et pragmatique contre le terrorisme ?

Dans ce contexte, il faut notamment traiter la situation de ceux qui sont appelés à sortir de détention et prendre des mesures claires de surveillance afin d’éviter que les intéressés – parfois radicalisés en prison – ne passent à l’acte.

La mesure la plus efficace serait une rétention de sûreté, qui contribuerait à mieux protéger nos concitoyens contre les criminels terroristes dangereux. « On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif », rappelait, en 2016, M. François Molins, alors procureur de la République de Paris. « Lorsqu’on tombe sur des individus imprégnés par cette idéologie mortifère », poursuivait-il, « les maintenir enfermés n’est peut-être pas la mission la plus noble, mais elle a au moins l’impérieuse vertu de protéger la société. » ([48])

Or la censure, le 7 août 2020, par le Conseil constitutionnel, d’une proposition de loi visant à instaurer des mesures de sûreté, pourtant relativement légères, à l’encontre des seuls détenus terroristes, qui ne sont pas les seuls détenus radicalisés, montre, une fois encore, que seule une révision constitutionnelle donnant un statut à l’état d’urgence permettrait de donner une assise solide aux mesures qui sont nécessaires.

En conséquence, si je partage l’ensemble des préconisations du présent rapport qui permettent d’améliorer le cadre de l’action de nos services de renseignement, j’estime qu’elles ne sont pas suffisantes. Ce n’est pas d’une loi SILT, même améliorée, dont la France a besoin, mais d’une réforme plus ambitieuse.

En outre, il me semble contestable de restreindre à un seul renouvellement les périmètres de protection, comme le préconisent les deux autres membres de la mission de contrôle. Cette restriction entrave de manière inutilement rigoureuse l’action des pouvoirs publics, alors même que les périmètres de protection sont très appréciés par la population pour sécuriser les évènements qui façonnent notre vivre ensemble et qu’ils ont peu d’impact sur l’exercice des libertés individuelles.

    


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   liste des personnes entendues

   et des déplacements effectués

 12 décembre 2017

–– M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur

–– Mme Pascale Léglise, cheffe du conseil juridique et du contentieux

–– M. Guillaume Saour, sous-directeur des polices administratives

–– M. Aurélien Adam, chef des polices administratives

 13 décembre 2017

–– M. Loïc Garnier, chef de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste

 8 janvier 2018

— déplacement à la maison d’arrêt de Fleury–Mérogis

 29 janvier 2018

— déplacement dans le Nord – préfecture du Nord, gare de Lille–Europe

 10 avril 2018

–– M. Jean–Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris

–– M. Thierry Fusina, vice–président du tribunal de grande instance de Paris en charge des juges des libertés et de la détention

 23 juillet 2018

— M. Hugues Bricq, directeur central adjoint du service central du renseignement territorial (SCRT)

 5 septembre 2018

— M. François Molins, procureur de la République de Paris

— Mme Camille Hennetier, vice-procureur de la République

— M. Hugues Bricq, directeur central adjoint du service central du renseignement territorial (SCRT)

— M. Laurent Nuñez, directeur général de la sécurité intérieure (DGSI)

 10 juillet 2019

–– Mme Pascale Léglise, cheffe du conseil juridique et du contentieux de la DLPAJ 

–– M. Aurélien Adam, adjoint au sous-directeur des polices administratives

 10 octobre 2019

–– M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur

–– Mme Solenne Margage, cheffe de la mission légistique

–– M. Guillaume Saour, sous-directeur des polices administratives

–– M. Martin Alline, adjoint au chef du bureau des polices administratives

–– M. Christophe Borgus, adjoint au sous–directeur des polices administratives

 5 février 2020

— M. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure

— M. Thibault Fontaine, adjoint au chef de département de police administrative à l'UCLAT

–– M. Lionel Beffre, préfet de l’Isère

— M. Denis Bruel, directeur de cabinet du préfet de l’Isère

— M. Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris

— Mme Sabine Raczy, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Paris

 10 février 2020

–– M. Jean–François Ricard, procureur de la République antiterroriste

 5 octobre 2020

–– M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur

 6 octobre 2020

–– déplacement à la préfecture de Seine–Saint–Denis

 9 octobre 2020

 — M. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure

 24 novembre 2020

— M. Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris

 

 


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   Annexe 1 : liste des propositions

 

 

Proposition n° 1 : Pérennisation, à l’issue d’un débat devant chacune des assemblées parlementaires, des articles 1er à 4 de la loi SILT.

Proposition n° 2 : Maintien de la transmission régulière des actes pris sur le fondement des articles 1er à 4 de la loi SILT.

Proposition n° 3 : Publication mensuelle de données agrégées relatives aux articles 1er à 4 de la loi SILT sur le site du ministère de l’intérieur.

Proposition n° 4 : Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les différents dispositifs administratifs de lutte contre le terrorisme.

Proposition n° 5 : Consécration au niveau législatif de la réserve du Conseil constitutionnel s’agissant de l’effectivité continue du contrôle exercé par les officiers de police judiciaire (OPJ) sur les agents de sécurité privée.

Proposition n° 6 : Diffusion aux préfectures d’un référentiel détaillé explicitant les situations justifiant la mise en œuvre d’un périmètre de protection.

Proposition n° 7 : Limitation à une fois du renouvellement des périmètres de protection pour les lieux, sous réserve que le préfet établisse la persistance du risque.

Proposition n° 8 : Élargissement du champ d’application de la mesure de fermeture des lieux de culte en permettant de prononcer également la fermeture de lieux en dépendant.

Proposition n° 9 : Instauration de mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, répondant aux objections soulevées par le Conseil constitutionnel.

Proposition n° 10 : Possibilité de prononcer une interdiction de paraître au titre des deux séries d’obligations prévues dans le cadre des MICAS par les articles L. 228–2 et L. 228–4 du code de la sécurité intérieure.

Proposition n° 11 : Modification du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées (FPR) pour y inscrire les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

Proposition n° 12 : Fixation d’un délai pour l’obligation de présentation d’un justificatif de domicile dans le cadre d’une MICAS.

Proposition n° 13 : Élaboration conjointe par les ministères de la justice et de l’intérieur d’un référentiel guidant les préfectures dans l’élaboration des requêtes en vue d’une visite domiciliaire.

Proposition n° 14 : Autorisation, lorsque la personne fait obstacle, lors d’une visite domiciliaire, à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, de la copie des données ou de la saisie des systèmes informatiques concernés.

 


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   ANNEXE 2 :

   RÉUNIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

   SUR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE de la loi SILT

 Mercredi 8 novembre 2017

La commission des Lois a confié le contrôle parlementaire prévu par l'article 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme à Mme Yaël Braun-Pivet, M. Raphaël Gauvain et M. Éric Ciotti et organisé les modalités de ce contrôle.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5131626_5a02c5b895d9d?timecode=7117654

 Mercredi 20 décembre 2017

La commission des Lois a entendu une communication sur le contrôle des articles 1er à 4 de la loi du 30 octobre 2017 présentée par ses rapporteurs.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5363797_5a3a1d57aa5dc.commission-des-lois--securite-interieure-et-lutte-contre-le-terrorisme--conclusions-du-groupe-de-t-20-decembre-2017

 Mercredi 11 avril 2018

La commission des Lois a entendu une communication sur le contrôle des articles 1er à 4 de la loi du 30 octobre 2017 présentée par ses rapporteurs.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5846579_5acdb771d6cc0?timecode=8759646

 Mercredi 12 septembre 2018

La commission des Lois a entendu une communication sur le contrôle des articles 1er à 4 de la loi du 30 octobre 2017 présentée par ses rapporteurs.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6564573_5b98c56d8683a.commission-des-lois--communications-sur-l-activite-de-la-commission-des-lois-2017-2018-12-septembre-2018

 Mardi 12 février 2019

La commission des Lois a auditionné M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur le rapport du Gouvernement au Parlement relatif à l’application des mesures prises ou mises en œuvre dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7253729_5c62e44e6769d

 Mercredi 9 octobre 2019

Dans le cadre d'une réunion de bilan de son activité, la commission des Lois a débattu de la mise en œuvre de la loi SILT.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8211030_5d9d89f37af6e.?sid=MTYwNjIyNzQ5Ng==&username=aprince

 Mercredi 12 février 2020

La commission des Lois a auditionné M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, dans le cadre de la remise au Parlement du second rapport annuel d’application de la loi du 30 octobre 2017.

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8749840_5e4425bf02e27.commission-des-lois--m-christophe-castaner-ministre-de-l-interieur-12-fevrier-2020

 

 


([1]) Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.

([2]) Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

([3]) Guy Carcassonne, audition par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, mercredi 8 avril 1998, compte rendu n° 46 bis : http://www.assemblee-nationale.fr/11/cr-cloi/98-99/c9798046.asp

([4]) Voir annexe.

([5]) Le premier rapport a été transmis par le Gouvernement le 25 janvier 2019, le second le 11 février 2020.

([6]) Auditions du 12 février 2019 http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_lois/l15cion_lois1819047_compte-rendu# et du 12 février 2020 http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cloi/15-16/c1516020.asp

([7]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

([8]) Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([9]) Séance du 27 septembre 2017 http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2016-2017-extra2/20172005.asp#P1025363

([10]) « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »

([11]) Conseil d’État, Assemblée générale, avis n° 399857 du 11 juin 2020 sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.

([12]) Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, §31.

([13]) Ibid, §27.

([14]) Ibid, §33.

([15]) Décisions n° 93-323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et aux vérifications d’identité, n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017, M. Ahmed M. et autre (Contrôles d’identité sur réquisitions du procureur de la République) et n° 2017-677 QPC du 1er décembre 2017, Ligue des droits de l’Homme (Contrôles d’identité, fouilles de bagages et visites de véhicules dans le cadre de l’état d’urgence).

([16]) Décision n° 2017-695 QPC précitée, §34.

([17]) Par exemple les cérémonies d’hommage aux victimes des attentats de janvier 2015 à Paris et de 2016 à Nice.

([18]) Arrêtés du 25 février 2020 instituant un périmètre de protection à l’occasion de la bande de la violette à Malo–les–Bains et du 26 février 2020 instituant un périmètre de protection aux abords du stade Félix Mayol à Toulon.

([19]) Arrêtés du 6 juillet 2020 instituant un périmètre de protection à l’occasion des cérémonies officielles du 14 juillet sur la place de la Concorde à Paris.

([20]) Deuxième rapport annuel du Gouvernement sur l’application de la loi SILT, février 2020, p. 26.

([21]) https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=42723

([22]) 27 janvier, 17 février, 10 et 24 mars, 28 avril, 18 mai, 1er, 17 et 25 août, 9 et 22 septembre, 8, 14 et 27 octobre, 9 et 30 novembre, 1er, 8 et 22 décembre 2018, 12 et 27 janvier, 23 février, 16 mars, 7 et 15 septembre, 6 et 19 octobre, 22 novembre, 7 et 22 décembre 2019, 5 et 18 janvier, 1er et 28 mars, 26 septembre 2020.

([23]) Interrogé par les membres de la mission de contrôle sur les raisons ayant conduit à l’arrêt de ces renouvellements, les services du ministère de l’intérieur ont répondu que l’activité des trains THALYS et la desserte en gare de Lille-Europe a été réduite durant le second semestre 2018, pour cesser définitivement début décembre 2018. Aucun autre instrument n’a été déployé depuis.

([24]) Articles L. 1332-3 et R. 1332-23 et suivants du code de la défense.

([25]) Articles L. 2251-1 et suivants du code des transports.

([26]) Articles L. 5332-1 A et suivants du code des transports.

([27]) Articles L. 6341-1 et suivants du code des transports, résultant de l’application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile.

([28]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3649_projet-loi#tocUniqueId7  

([29]) Si la personne est placée sous surveillance électronique mobile en application de l’article L. 228–3 du code de la sécurité intérieure, ce territoire ne peut être inférieur au département.

([30])  Si la personne est placée sous surveillance électronique mobile en application de l’article L. 228–3 du code de la sécurité intérieure, elle n’est pas assujettie à l’obligation de pointage.

([31]) Décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017, M. Sofiyan I. (Assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence II), §17.

([32]) Décisions nos 2017-691 QPC du 16 février 2018, M. Farouk B. [Mesure administrative d’assignation à résidence aux fins de lutte contre le terrorisme] et 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre [Mesures administratives de lutte contre le terrorisme].

([33]) La 23ème personne était en prison depuis 2005, condamnée en 2011 (notamment) pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme en récidive.

([34]) Envoi de la situation hebdomadaire du ministère de l’intérieur du 30 octobre 2020.

([35]) Décret n° 2018-167 du 7 mars 2018 pris pour application de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et de l’article L. 228-3 du code de la sécurité intérieure, et relatif au placement sous surveillance électronique mobile.

([36]) Au 30 septembre 2020.

([37]) Au 30 septembre 2020.

([38]) TA Toulouse, 7 novembre 2017, n° 1705075.

([39]) Au 30 septembre 2020.

([40]) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/mesures_surete_auteurs_infractions_terroristes?etape=15-AN1-DEPOT

([41]) Lorsqu’il s’agit d’un mineur, la retenue fait l’objet d’un accord exprès du juge des libertés et de la détention. Le mineur doit être assisté de son représentant légal, sauf impossibilité dûment justifiée.

([42]) Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 précitée, § 69.

([43]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 228 déposé par le Gouvernement en séance au Sénat.

([44]) Cependant de nombreuses requêtes ont été adressées au juge avant le 30 octobre et ont été comptabilisées dans les envois hebdomadaires ultérieurs.  

([45]) Le 11 mai 2018, à la suite de la détection d’un compte particulièrement actif dans la sphère pro-djihadiste, incitant ses interlocuteurs à se préparer au djihad, et à l’identification de son titulaire, une visite a été réalisée au domicile de l’intéressé, laquelle a permis de mettre à jour la présence de plusieurs tutoriels indiquant comment préparer un attentat à la bombe, au poison ou à l’arme blanche. De plus, un bloc de pétards, dont la poudre noire avait été extraite et remisée dans un sac, a été découvert. Les investigations réalisées par l’enquête pénale immédiatement déclenchée au regard de ces éléments tendent à confirmer qu’un attentat était en cours de préparation sur le territoire national.

([46])  https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/20/face-au-terrorisme-macron-choisit-l-epreuve-de-la-force_6056682_823448.html

([47]) 231 requêtes avaient été formulées par les préfets au 9 octobre, 498 ont été formulées au 27 novembre.

([48]) http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r4080.asp#P238_62806