N° 4601

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 ( n°°4482)

 

TOME VIII

 

 

SÉCURITÉS

 

GENDARMERIE NATIONALE

PAR M. Xavier BATUT

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 4524 (annexe 12)


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Première partie : le budget de la gendarmerie pour 2022, traduction des priorités fixées dans le Beauvau de la sécurité

I. Le programme 152 en 2022 traduit la poursuite de la stratégie gend-2024

A. Une hausse des effectifs qui se poursuit

1. Un schéma d’emplois qui croît de 185 équivalents temps plein

2. La montée en puissance de la réserve opérationnelle vise à préparer des événements majeurs à venir entre 2022 et 2024

a. Une composante stratégique ancrée dans les territoires

b. Une grande diversité de missions

c. Une montée en puissance indispensable

d. Une attractivité qui suppose un emploi effectif de la réserve

e. Les préconisations du rapporteur

B. Les crédits de fonctionnement sont marqués par le poids des loyers de la gendarmerie

1. Les crédits de fonctionnement liés à l’immobilier représentent la moitié du programme 152, hors dépenses de personnel

a. Les loyers de droit commun

b. L’entretien du casernement et l’entretien ménager

c. Les autres dépenses immobilières

2. Les dépenses liées à l’agent représentent le deuxième poste de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie

3. Un budget d’équipement essentiellement consacré aux dépenses d’habillement

4. Les crédits dédiés aux systèmes d’information

5. Le budget de fonctionnement des hélicoptères de la gendarmerie

6. Le budget de fonctionnement des moyens mobiles : le financement du carburant et de l’entretien des véhicules

7. Les subventions et contributions aux opérateurs

C. Des crédits d’investissement fortement abondés à la suite du beauvau de la sécurité

1. La poursuite du renouvellement des moyens mobiles

a. L’acquisition de 5 500 automobiles ainsi que de véhicules de maintien de l’ordre en 2022

b. Le renouvellement du parc d’hélicoptères H160

c. Des moyens nautiques relativement anciens

2. Une hausse importante des crédits d’investissement dans le parc immobilier domanial de la gendarmerie

a. Le parc domanial de la gendarmerie, un parc ancien et vétuste qu’il convient de rénover et de renouveler

b. Les crédits consacrés à la construction immobilière seront fortement abondés par le Beauvau de la sécurité

c. Des crédits de maintenance et de réhabilitation également en hausse grâce au Beauvau

d. La position du rapporteur : poursuivre le mouvement de hausse des crédits immobiliers pour les porter à 300 millions d’euros par an

D. Les crédits d’intervention visent à accorder des subventions d’investissement aux collectivités territorialEs finançant des opérations immobilières

E. Les fonds de concours et attributions de produits

II. Les préconisations du rapporteur

A. Une loi de programmation de la sécurité intérieure qui doit pleinement répondre aux besoins structurels de la gendarmerie nationale

B. Une réflexion à mener concernant les effets d’éviction, sur l’entretien des véhicules et des casernes, d’une mise en réserve budgétaire de 4 %

C. Une évolution des effectifs qui doit impérativement correspondre à la croissance démographique en zone gendarmerie

D. La création d’une dotation de fonctionnement des commandants de compagnie (DF2C)

E. Les réflexions du rapporteur sur l’outre-mer : le cas de la Guyane

1. Comment répondre aux enjeux de sécurité dans la zone de compétence de la gendarmerie ?

a. Une délinquance particulièrement violente

b. Des enjeux démographiques majeurs

c. Les réponses apportées par la gendarmerie

d. Les préconisations du rapporteur pour améliorer les capacités opérationnelles de la gendarmerie en Guyane

2. Des enjeux majeurs en termes de ressources humaines

a. La faible attractivité du territoire guyanais

b. Comment renforcer l’attractivité du territoire guyanais ?

c. L’importance du recrutement local

3. Des enjeux majeurs de soutien des personnels

Seconde partie : atouts et enjeux de la militarité du gendarme

I. Les caractéristiques et atouts de la militarité du gendarme

A. esprit de sacrifice, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité

1. L’esprit de sacrifice

2. La discipline

3. La disponibilité

a. La disponibilité en temps

b. La disponibilité dans l’espace

4. Le loyalisme

5. La neutralité politique, philosophique et religieuse

B. Des liens étroits demeurent avec le ministère des Armées

C. Les atouts du statut militaire pour le modèle de sécurité français

1. Un maillage territorial très fin

2. Une capacité de montée en puissance rapide

3. La faculté de faire face aux situations extrêmes

4. Un facteur de résilience des forces de sécurité intérieure

5. La militarité garantit l’éthique et la déontologie des gendarmes

D. Les implications du mode d’organisation militaire

1. La concession de logement par nécessité absolue de service au cœur du système d’arme de la gendarmerie

2. La subsidiarité, clef de voûte du modèle intégré

3. Des capacités pivots pour faire face à tout type de menace

II. Un modèle militaire qu’il est capital de conforter

A. Consolider les liens avec le ministère des armées : l’exemple du soutien santé

1. La médecine des forces du service de santé des armées : une médecine militaire indispensable aux gendarmes

a. Une médecine des forces s’appuyant sur 185 antennes

b. Les visites d’expertise médicale initiale et les visites médicales périodiques

2. Des pistes d’évolution pour renforcer le soutien santé apporté à la gendarmerie dans un contexte contraint

a. Les difficultés liées aux ressources humaines du service de santé des armées

b. Plusieurs pistes pour faire évoluer les modalités d’intervention du service

B. Préserver la résilience de la gendarmerie nationale : les mutualisations en question

1. Les spécificités de la chaîne de renseignement opérationnel des gendarmes plaident en faveur du maintien de son autonomie

a. Une chaîne de renseignement contribuant à la prise de décision opérationnelle

b. Une autonomie de la chaîne de renseignement opérationnel qui doit impérativement être préservée

2. Une mutualisation des moyens des forces de sécurité intérieure qui ne doit pas tirer la gendarmerie nationale vers le bas : l’exemple des centres de soutien automobile de la gendarmerie

a. Les difficultés liées au système d’information Vulcain

b. Les enjeux de ressources humaines

c. La difficulté majeure causée par la suppression des spécialistes de l’automobile dans les escadrons de gendarmerie mobile

d. Deux pistes de réflexion dans le domaine de la maintenance automobile

C. Le contentieux européen sur le temps de travail, épée de damoclès pour le modèle militaire de la gendarmerie ?

1. Les dispositions prises par la gendarmerie en 2016 pour concilier disponibilité et équilibre entre vie professionnelle et vie privée

2. Les termes de l’arrêt B. K. contre Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) de la CJUE du 15 juillet 2021 : une interprétation téléologique de la directive de 2003 sur l’aménagement du temps de travail

a. Le cas d’espèce

b. L’appréciation de la CJUE

3. Les conséquences possibles de l’arrêt de la CJUE sur le modèle militaire français

4. Un contentieux pendant devant le Conseil d’État

Travaux de la commission

I. Audition du général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

II. Examen des crédits

Annexe Liste des personnes auditionnées  par le rapporteur pour avis  et déplacements

1. Auditions

2. Déplacements


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   introduction

 

Le 14 septembre dernier, à Roubaix, le Président de la République mettait un point final à huit mois de réflexion et d’échanges ayant associé une multiplicité d’acteurs dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Traduction concrète de ces échanges, le trait principal du projet de budget de la gendarmerie pour 2022 est l’augmentation du programme 152 – hors dépenses de personnel – de 295 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 232 millions d’euros en crédits de paiement, dont, respectivement 255,8 millions d’euros et 202 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité, un effort majeur du budget de l’État envers les forces de gendarmerie. Ces crédits supplémentaires devraient permettre de financer la modernisation des moyens de télécommunications de la gendarmerie, de favoriser la montée en compétence des gendarmes et d’améliorer les conditions de présence de la gendarmerie sur le terrain. Le rapporteur se félicite de la méthode retenue dans le cadre du Beauvau de la sécurité mais aussi du résultat du processus, d’autant que cette hausse de crédits est complétée par les crédits du plan de relance. Il estime que l’ensemble de ces efforts budgétaires doit être pérennisé dans le cadre de la future loi de programmation de la sécurité intérieure.

La gendarmerie assure une multiplicité de missions en faveur de la sécurité du quotidien, de la lutte contre la menace terroriste, contre l'immigration irrégulière, contre les violences intrafamiliales et contre le trafic de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajouteront dans les années à venir plusieurs rendez-vous internationaux tels que la présidence française de l’Union européenne en 2022, la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques de Paris en 2024. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé le renforcement de la réserve opérationnelle pour la porter à 50 000 réservistes à l’horizon 2025. Le rapporteur salue cette montée en puissance de la réserve – acteur de proximité, fin connaisseur du terrain et de ses habitants, que l’on surnomme « la gendarmerie du dernier kilomètre ». Il insiste sur l’importance d’employer les réservistes pendant au moins une trentaine de jours par an pour assurer l’attractivité de la réserve et sur la nécessité d’accompagner budgétairement la montée en puissance de cette réserve.

S’agissant des moyens de fonctionnement, dans la continuité des mesures annoncées dans le cadre du Beauvau de la sécurité pour financer la mobilité numérique, il est prévu de déployer, entre novembre 2021 et avril 2022, 110 000 téléphones mobiles pour la gendarmerie et 11 000 tablettes. Le projet de loi de finances pour 2022 permettra aussi de poursuivre le renouvellement du parc automobile, avec 5 500 véhicules supplémentaires, et celui du parc de véhicules de maintien de l’ordre. Enfin, eu égard à l’investissement immobilier, le rapporteur se félicite que le Beauvau de la sécurité permette de porter les crédits à 183,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 112,8 millions d’euros en crédits de paiement l’an prochain. Il estime qu’il conviendrait de sanctuariser ces crédits dans la future loi de sécurité intérieure annoncée par le Président de la République et de porter ce poste budgétaire à 300 millions d’euros par an. Le parc immobilier de la gendarmerie nécessite en effet des investissements lourds et continus pour revenir à un niveau viable et éviter une dégradation irréversible.

Le rapporteur appellera l’attention de ses collègues sur plusieurs aspects budgétaires. Tout d’abord, il est impératif de redéfinir le périmètre de la mise en réserve des crédits budgétaires, compte tenu de ses effets d’éviction sur les dépenses d’entretien des casernes et des véhicules. Ensuite, le rapporteur considère qu’il faut faire progresser les effectifs de la gendarmerie nationale au même rythme que la croissance démographique dans sa zone de compétence. Enfin, il paraît nécessaire de redonner des marges de manœuvre budgétaire aux commandants de compagnie pour leur permettre de réaliser, comme en 2020, des « plans Poignée de porte » annuels.

Force armée et force de sécurité intérieure, la gendarmerie repose sur deux caractéristiques consubstantielles et interdépendantes : la territorialité, thème retenu l’an dernier par le rapporteur, et la militarité, thème évoqué cette année. Sans son statut militaire, la gendarmerie tout comme son maillage territorial cesseraient d’exister. S’imposerait une concentration des effectifs pour obtenir l’effet de seuil nécessaire au fonctionnement d’un commissariat. Près de deux brigades sur trois devraient fermer, ce que personne ne souhaite. La gendarmerie est en effet le dernier service public présent sur certains territoires.

La militarité du gendarme s’exprime au travers de principes garantissant sa cohérence et son efficacité : l’esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité. Elle présente de nombreux atouts pour le modèle de sécurité français : un maillage territorial très fin, une capacité de montée en puissance rapide, la faculté de faire face aux situations extrêmes, la rusticité et la capacité d’intervenir dans des conditions très dégradées voire spartiates. Ce modèle militaire a plusieurs implications : la concession de logement par nécessité absolue de service – qui se trouve au cœur du système d’arme de la gendarmerie –, la subsidiarité – clef de voûte du système intégré de la gendarmerie – et une capacité de montée en puissance et d’interopérabilité. Un tel modèle doit absolument être conforté : il semblerait mis à mal s’il fallait commencer à compter les heures d’astreinte des gendarmes – ainsi que celles des pompiers d’ailleurs. Dans un arrêt rendu le 15 juillet dernier, la Cour de justice de l’Union européenne semble distinguer ceux des militaires qui exercent des fonctions administratives ou des fonctions de soutien et les autres – les opérationnels. Une telle distinction remet en cause ce qui fait la singularité du modèle militaire français.

Enfin, toujours en lien avec la militarité des gendarmes, le rapporteur aborde l’enjeu des mutualisations de moyens au ministère de l’Intérieur : il ne faudrait pas que les mutualisations fassent perdre en autonomie, en efficacité et en résilience ce qu’elles font gagner en moyens budgétaires ! Les mutualisations de moyens ne doivent pas avoir pour effet de tirer la gendarmerie vers le bas ni remettre en cause le principe de subsidiarité qui est la clef de voûte de son système intégré.

En évoquant la militarité dans son rapport, le rapporteur souhaite rendre un hommage appuyé aux 130 000 gendarmes d’active et de réserve qui, quels que soient les risques et les circonstances, agissent jour et nuit pour assurer la sécurité des Français.

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 33 réponses sur 45 lui étaient parvenues, soit un taux de 73,33  %.

 

 

 

 


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   Première partie : le budget de la gendarmerie pour 2022, traduction des priorités fixées dans le Beauvau de la sécurité

 

Traduction concrète de huit mois de réflexion ayant associé une multiplicité d’acteurs dans le cadre du Beauvau de la sécurité, le trait principal du projet de budget de la gendarmerie pour 2022 est l’augmentation du programme 152 – hors dépenses de personnel – de 295 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 232 millions d’euros en crédits de paiement, dont respectivement dont 255 millions d’euros et 202 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité, un effort majeur du budget de l’État envers les forces de gendarmerie que salue le rapporteur. Ces crédits supplémentaires devraient permettre de financer la modernisation des moyens de télécommunications de la gendarmerie, d’améliorer les conditions de présence de cette dernière sur le terrain en métropole comme en outre-mer – enjeu cher au rapporteur puisqu’il y a consacré son avis budgétaire de l’an dernier – et de favoriser la montée en compétences des gendarmes.

Le Beauvau de la sécurité

Lancé le 1er février dernier dans la continuité du Livre blanc sur la sécurité intérieure, le Beauvau de la sécurité intérieure a eu pour objet la modernisation de la politique publique de sécurité. Huit tables rondes thématiques ont été organisées sur le lien entre les forces de sécurité et la population ; l’encadrement au sein de la police et de la gendarmerie ; le recrutement et la formation ; les risques psychosociaux ; le maintien de l’ordre ; le contrôle interne ; enfin, les conditions matérielles, la captation vidéo et le soutien. Des tables rondes régionales ont également été organisées à Chambéry, Belfort, Alès, Gannat, Saint-Cyr-en-Val, Écully, Châteauroux, Libourne et Thionville. Le cycle de tables rondes a été clôturé le 14 septembre dernier par le Président de la République.

 

Le tableau ci-dessous présente l’ensemble des mesures d’ordre budgétaire décidées dans le cadre du Beauvau de la sécurité au profit de la gendarmerie nationale.

 

Le rapporteur revient plus en détail infra sur ces différentes mesures.

Les priorités fixées pour 2022 par le directeur général de la gendarmerie nationale, le général d’armée Christian Rodriguez, sont :

– une offre de sécurité sur mesure, adaptée aux attentes de chacun et aux spécificités de chaque territoire, assurant une amélioration de la protection des flux et des transports en commun et fondée sur une organisation résiliente en cas de crise ainsi que sur une adaptation du dispositif opérationnel aux « nouvelles frontières » de la délinquance ;

– la transformation de la gestion des ressources humaines afin de préparer le gendarme aux enjeux d’avenir ;

– un engagement résolu en faveur de l’innovation et de l’expansion technologique afin de mieux équiper les unités ;

– un allègement des contraintes afin d’améliorer la performance des gendarmes.

I.   Le programme 152 en 2022 traduit la poursuite de la stratégie gend-2024

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit d’allouer 9,947 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 9,321 milliards d’euros de crédits de paiement au programme 152 « gendarmerie nationale ». Les ressources consacrées à la gendarmerie sont en hausse de 378,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 315,4 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2021.

À ces ressources budgétaires s’ajoutent les produits attendus au titre des fonds de concours et attributions de produits à hauteur de 159, 2 millions d’euros : ces fonds de concours se répartissent entre le titre 2, à hauteur de 109,2 millions d’euros, et le titre 3, à hauteur de 50 millions d’euros.

Le tableau ci-dessous présente les crédits du programme 152 par nature de dépenses – de personnel, de fonctionnement, d’investissement et d’intervention.

Source : projet annuel de performance du projet de loi de finances pour 2022 – mission Sécurités, programme 152

Le tableau ci-dessous retrace quant à lui les crédits du programme 152 par action et sous-action.

Source : projet annuel de performance du projet de loi de finances pour 2022 – mission Sécurités, programme 152

Enfin, quatre dépenses fiscales sont rattachées au programme 152, pour un montant évalué à 86 millions d’euros en 2022, contre 87 millions d’euros en 2021 et 99 millions d’euros en 2020. L’essentiel de la dépense fiscale du programme découle de l’exonération des indemnités versées aux réservistes en période d’instruction, aux personnes accomplissant un service civique ou une autre forme de volontariat. Cette exonération représente une dépense fiscale estimée à 74 millions d’euros en 2022, contre 75 millions d’euros en 2021.

A.   Une hausse des effectifs qui se poursuit

1.   Un schéma d’emplois qui croît de 185 équivalents temps plein

Le budget du titre 2 (dépenses de personnel) du programme 152 s’élève à 7,815 milliards d’euros en crédits de paiement en 2022, contre 7,731 milliards d’euros en 2021.

Les crédits prévus permettront :

– de rémunérer les personnels (solde, indemnités), à hauteur de 3,922 milliards d’euros ;

– d’acquitter les cotisations et contributions sociales, à hauteur de 3,875 milliards d’euros ;

– de verser diverses prestations sociales et allocations aux personnels, à hauteur de 17,89 millions d’euros.

Le plafond d’emplois de la gendarmerie nationale sera porté de 101 449 en 2021 à 102 008 en 2022 (+ 559 équivalents temps plein). Pour mémoire, ce plafond détermine la limite maximale en équivalents temps plein de personnels pouvant être employés au cours d'une année civile, tandis que le schéma d'emplois définit le solde net entre les créations et les suppressions d'emplois sur une année civile. Depuis 2018, l’écart entre les plafonds d’emploi inscrits en LFI et leur réalisation se décline comme suit :

 

 

LFI + LFR

Transferts en gestion

Réalisation

Écart LFI +LFR (après transferts en gestion)

2018

100 499

+2

99 251

- 1 250

2019

100 491

+2

99 086

- 1 407

2020

100 428

+1

99 206

- 1 223

L’écart entre le plafond d’emplois voté en loi de finances et en loi de finances rectificative, d’une part, et le plafond d’emplois réalisé s’explique principalement par :

– la difficulté de prévoir le nombre de personnels sortants conjuguée à la nécessité d’anticiper les entrées en école ;

– une sous-budgétisation identifiée des crédits de titre 2 du programme 152, en 2018-2019, crédits dont le « resoclage » en 2020 a permis d’entamer une dynamique de rapprochement ;

– la crise sanitaire qui, en raison de la fermeture des écoles de formation, a entraîné un recul du mois moyen des incorporations et, de facto, une dégradation de la réalisation estimée à 400 ETPT.

En 2021, la réduction de l’écart entre le plafond d’emploi (101 449 ETPT) et sa réalisation devrait se confirmer. Pour 2022, le plafond d'emplois est calculé en fonction des effets sur 2022 des schémas d'emplois arbitrés pour 2021 et 2022, de corrections techniques ainsi que des mesures de transferts et de périmètre.


 

ETPT

Plafond 2021

101 449

Impact du schéma d’emplois de 2022 sur 2022

+ 345

Impact du schéma d’emplois de 2021 sur 2022

- 139

Mesures de transferts pour 2022

+ 2

Corrections techniques pour 2022

+ 351

Plafond ETPT demandé au PLF 2022 avec transferts

102 008

Hors CAS pensions, le budget de personnel de la gendarmerie nationale devrait s’élever à 4,339 milliards d’euros en 2022, en hausse de 70 millions d’euros (+ 1,63 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

En 2022, le schéma d’emplois est marqué par une hausse de 185 équivalents temps plein (ETP). Le rapporteur se félicite de la poursuite de la remontée des effectifs de la gendarmerie nationale, conformément au plan présidentiel. Le Gouvernement indique que ce schéma d’emplois positif bénéficiera en priorité aux brigades territoriales « pour leur permettre d’assurer une présence sur le terrain visible et rassurante ». Le renseignement territorial devrait bénéficier de 27 ETP supplémentaires. En outre, dans un objectif d’amélioration du dispositif de gestion de crise, le Gouvernement entend renforcer le niveau tactique en densifiant les pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG). Il prévoit ainsi de transformer, par tranche de mille par an sur trois ans, 3 000 postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers.

Parmi les mesures de gestion des ressources humaines les plus marquantes de ce projet de budget, le rapporteur tient également à saluer l’objectif de promotion de la culture scientifique en gendarmerie avec le recrutement par voie externe de 40 % d’officiers scientifiques en 2022. Le but du directeur général de la gendarmerie nationale est de « façonner un véritable écosystème de l’innovation par le développement de la politique des brevets, par l’accroissement des partenariats avec l’industrie et le monde académique et de la recherche ainsi que par le développement des échanges au sein de l’institution ».

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit d’allouer 32,6 millions d’euros (hors CAS Pensions) – dont 14,64 millions d’euros de mesures nouvelles – au financement de mesures catégorielles et indemnitaires au profit des personnels. Ces mesures comprennent notamment :

– 1,38 million d’euros en application du protocole du 11 avril 2016 pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale ;

– 14,19 millions d’euros au titre de mesures catégorielles résultant d’arbitrages antérieurs ;

13 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité ; ces crédits comprennent en particulier 2,43 millions d’euros au profit du renforcement de l’encadrement opérationnel, 4,05 millions d’euros d’indemnité de mission exclusive pour les antennes du GIGN, 2 millions d’euros au titre de la prime de résultats exceptionnels, 1,43 million d’euros au profit de l’amélioration de la condition matérielle des gendarmes adjoints volontaires et 2,01 millions d’euros de prime « montagne ».

2.   La montée en puissance de la réserve opérationnelle vise à préparer des événements majeurs à venir entre 2022 et 2024

Composante stratégique ancrée dans les territoires (a), la réserve opérationnelle a accompli une multiplicité de missions en 2020-2021 (b) et devrait connaître une montée en puissance importante pour permettre à la gendarmerie de faire face à des événements majeurs dans les années à venir (c).

a.   Une composante stratégique ancrée dans les territoires

Dans un contexte de crises récurrentes et de besoin accru de sécurité de la population, les réserves de la gendarmerie interviennent en appui des gendarmes d'active au quotidien, en temps de paix comme en temps de crise, et renforcent le lien armées-Nation. C’est une composante stratégique ancrée dans les territoires, indispensable à la performance de la gendarmerie nationale.

Depuis la professionnalisation des armées en 1997, la réserve opérationnelle de premier niveau de la gendarmerie, la « RO1 », est une réserve d’emploi constituée de volontaires ([1]). L’engagement dans la réserve opérationnelle de premier niveau, possible sous condition d’aptitude, est souscrit pour une durée allant d’un à cinq ans via un engagement à servir dans la réserve (ESR). Les volontaires sans passé militaire doivent suivre une formation initiale militaire. Le code de la défense reconnaît aux réservistes opérationnels régulièrement convoqués la qualité de militaire. La durée annuelle cumulée maximale de leurs renforts est en principe de 60 jours. En cas de nécessité ou de circonstances exceptionnelles, cette durée peut être portée à 90, voire à 150 jours et 210 jours pour une mission à l’étranger. Un unique statut de réserviste opérationnel de premier niveau est commun aux trois armées, aux formations rattachées et à la gendarmerie nationale.

Le tableau ci-dessous illustre l’évolution des effectifs de la réserve opérationnelle et des crédits qui sont consacrés à cette dernière depuis 2010 :

 

 

 

ANNÉES

EFFECTIFS

Titre 2 – loi de finances initiale

Dépenses de personnel exécutées ([2])

2010

24 720

46 millions d’euros

39,3 millions d’euros

2011

23 622

44 millions d’euros

52,5 millions d’euros

2012

25 633

46 millions d’euros

49,6 millions d’euros

2013

25 031

40 millions d’euros

41,3 millions d’euros

2014

23 292

35 millions d’euros

35,0 millions d’euros

2015

22 960

40 millions d’euros

52,6 millions d’euros

2016

29 607

62 millions d’euros

66,1 millions d’euros

2017

29 847

62 millions d’euros

101,7 millions d’euros

2018

30 288

98,7 millions d’euros

55,5 millions d’euros

2019

30 213

98,7 millions d’euros

89,3 millions d’euros

réalisé 2020 ([3])

29 113

70,7 millions d’euros

63,4 millions d’euros

réalisé 2021 ([4])

30 323

70,7 millions d’euros

45,3 millions d’euros

Les 70,7 millions d’euros de crédits de personnel – hors pensions – ouverts en loi de finances initiale pour 2021 sont reconduits dans le projet de loi de finances pour 2022.

b.   Une grande diversité de missions

En 2020, la réserve a d’abord été engagée lors du premier déconfinement afin de sécuriser la distribution des minima sociaux dans les bureaux de poste. Dans un deuxième temps, la réserve a été mobilisée pendant la période estivale, grâce au déploiement massif de détachements d’appui territorial. Lors d’une troisième phase, 7 000 réservistes ont été déployés dans le cadre de la lutte anti-terroriste et du contrôle aux frontières, via l’opération Limes, à la suite des attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice. Enfin, depuis décembre 2020, l’opération Poséidon déploie des unités constituées de réservistes à la frontière maritime Nord, dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière et la sauvegarde de la vie humaine. Depuis le début de l’année 2021, l’empreinte au sol des réservistes a été maintenue et s’y est ajoutée l’opération Salamandre, pendant de l’opération Poséidon en Normandie. Toutes ces opérations se sont superposées aux missions traditionnelles des réservistes – dispositif estival de protection des populations, zones d’affluence saisonnière et Tour de France, notamment.

Les divisions régionales des réserves

Des divisions régionales des réserves (D2R) ont été créées au sein des différentes formations administratives de la gendarmerie à la suite de la réorganisation du commandement territorial de la gendarmerie en treize régions. Ces divisions modulaires sont composées de cellules qui seront armées en tant que de besoin par des personnels d’active et des réserves opérationnelle et citoyenne. Ces divisions comprendront :

– une section « rayonnement, relations avec les entreprises, partenariat », chargée du suivi de l’action des correspondants réserve entreprises défense (CRED) et du renseignement économique ;

– une section « plan anticipation réactivité réserve cyber » chargée de l’opérationnel, de la planification, de la remontée de renseignement et de l’animation et de la coordination de la réserve cyber ;

– une section « lien armées-Nation, SNU, cérémonies », chargée de coordonner l’activité des associations de cadets de la gendarmerie dans la deuxième phase du service national universel ;

– une section « administration, soutien et compétences du réserviste », chargée du suivi RH et des formations dispensées aux réservistes telles que les préparations militaires gendarmerie, les formations opérationnelles du réserviste territorial et les stages d’acculturation.

c.   Une montée en puissance indispensable

La gendarmerie se prépare à faire face à un empilement des missions actuelles et à venir, en faveur de la sécurité du quotidien, de la lutte contre la menace terroriste, de la lutte contre l'immigration irrégulière, de la lutte contre les violences intrafamiliales, de la lutte contre les trafics de stupéfiants et de la lutte dans le cyberespace, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajoutent plusieurs rendez-vous internationaux tels que la présidence française de l’Union européenne, la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques de Paris en 2024. C’est pourquoi, dans un contexte de fractures territoriales et face à une demande de plus en plus prégnante de sécurité de la part des concitoyens, le Président de la République a annoncé le 18 avril 2021 le renforcement de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1) pour la porter à 50 000 réservistes à l’horizon 2025, dont 10 000 gendarmes réservistes de proximité (GRP), 4 000 réservistes formés à la gestion des violences intrafamiliales et 1 000 réservistes renforçant les brigades numériques. Cette montée en puissance implique un réel effort de recrutement interne comme externe et s’étalera sur cinq annuités.

d.   Une attractivité qui suppose un emploi effectif de la réserve

La mission d’information sur les réserves, dont le rapporteur fut membre, souligne dans son rapport du 19 mai dernier ([5]) : « Comme en témoignent toutes les enquêtes réalisées sur les motivations des réservistes, ceux-ci rejoignent les réserves non pour avoir un complément de revenu mais pour « servir », autrement dit « être utile ». La volonté de servir des réservistes se heurte bien évidemment à leurs contraintes professionnelles et personnelles. Les données issues de la consultation citoyenne [effectuée par la mission d’information] confirment néanmoins ce que les rapporteurs ont entendu au cours de nombreuses auditions, à savoir que les réservistes aimeraient, dans leur grande majorité, être davantage employés. Comme le notait la Cour des comptes, en avril 2019, « pour les réservistes militaires, plus le nombre de jours d’ESR augmente, plus la satisfaction du réserviste est grande ». « L’offre d’emploi dans la réserve n’est pas du tout au niveau des attentes des jeunes », a insisté le pilote de la task force Réserves des Jeunes IHEDN. »

Le rapporteur note que selon le bilan social des armées pour 2020, le nombre de jours d’activité d’ESR était de 33,1 dans l’armée de Terre, de 33,4 dans l’armée de l’Air et de 32,4 dans la marine contre 23,7 seulement dans la gendarmerie. Or, pour que la réserve de la gendarmerie soit attractive, encore faut-il que la gendarmerie propose un nombre à peu près équivalent de jours d’activité que les trois armées. C’est pourquoi le rapporteur préconise de définir un socle de base permettant de fidéliser les réservistes.

e.   Les préconisations du rapporteur

Globalement, le rapporteur estime que le budget de la réserve opérationnelle se caractérise par un manque de visibilité pour le gestionnaire, entraînant un problème de construction budgétaire. Ainsi, lorsque des sommes sont engagées pour les missions de réserve pendant les mois estivaux, c’est à l’aveugle qu’elles le sont par rapport au budget qui sera dédié lors des derniers mois de l’année. Cela est dû au fait que le budget des réserves est alloué tout au long de l’année et non en une seule fois. Un fléchage plus transparent du budget de la réserve opérationnelle permettrait de résoudre cette difficulté.

Compte tenu de l’ambition de croissance des effectifs de la réserve opérationnelle, il est nécessaire de sanctuariser ce budget, qui sert souvent de variable d’ajustement, ce afin de fidéliser les réservistes et de rendre plus attractive la réserve de la gendarmerie, en permettant leur emploi plus régulièrement dans l’année. Le rapporteur estime qu’un socle de base doit être défini pour le budget de la réserve, s’appuyant sur un nombre moyen de trente jours de convocation par réserviste.

La définition d'un socle de base doit être envisagée à partir d’un nombre moyen de jours de convocation par réserviste (idéalement de 30 jours) avec un coût moyen de 110 euros par jour d’emploi hors CAS pensions, soit :

– pour 30 000 réservistes employés pendant trente jours, un budget de 100 millions d’euros hors CAS pensions ;

– pour 40 000 réservistes employés pendant trente jours, un budget de 132 millions d’euros hors CAS pensions ;

– pour 50 000 réservistes employés pendant trente jours, un budget de 165 millions d’euros hors CAS pensions.

Le rapporteur note que pour pouvoir convoquer 35 000 réservistes pendant 30 jours, il conviendrait de doter ce budget de 115 millions d’euros.

Proposition n° 1 : porter le budget de la réserve opérationnelle à 115 millions d’euros en 2022.

B.   Les crédits de fonctionnement sont marqués par le poids des loyers de la gendarmerie

Les crédits de fonctionnement (titre 3), devraient s’élever en 2022 à 1,806 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,214 milliard d’euros en crédits de paiement.

Ces crédits, qui représentent l’essentiel du budget hors titre 2 de la gendarmerie nationale, servent essentiellement à couvrir des dépenses non manœuvrables : les loyers des casernes locatives.

1.   Les crédits de fonctionnement liés à l’immobilier représentent la moitié du programme 152, hors dépenses de personnel

a.   Les loyers de droit commun

Les locations immobilières de la gendarmerie représenteront en 2022 une dotation de 866,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 535,3 millions d’euros en crédits de paiement. Les casernes locatives sont notamment louées aux collectivités territoriales et aux organismes HLM.

Le schéma ci-dessous, qui présente la situation du parc immobilier de la gendarmerie au 1er juillet 2021, fait apparaître que 3 067 des 3 722 casernes de la gendarmerie sont des casernes locatives, dont 3 026 en métropole.

 


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b.   L’entretien du casernement et l’entretien ménager

L’entretien du casernement et l’entretien ménager représentent une dépense de 38,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 35 millions d’euros en crédits de paiement.

Les tableaux ci-dessous retracent l’évolution des crédits consacrés à l’entretien du parc immobilier depuis 2012.

 

 

Exécuté (RAP) en M€ courants

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Gestion du parc immobilier

(entretien courant et nettoyage titre 3)

AE

CP

42,0

48,6

44,2

40,5

49,0

46,6

49,7

51,7

55,3

53,2

62,7

57,1

48,9

49,2

47,5

45,8

65,8

60,1

 

 

 

LFI

2021

LFI + PDR* 2021

 

PLF 2022

PLF + PDR*

2022

Gestion du parc immobilier

(entretien courant et nettoyage titre 3)

AE

CP

20

18,2

36,9

35,0

38,8

35,0

38,8

35,0

* : plan de relance

Source DGGN/DSF/SDAF/B2PFi

Le rapporteur estime que pour garantir la bonne gestion du parc domanial dans le respect des normes admises par la profession, il conviendrait de prévoir 100 millions d’euros de crédits de fonctionnement destinés à l’entretien courant du parc.

Le rapporteur estime en outre, comme il l’a déjà souligné dans son rapport de l’an dernier, que certaines collectivités territoriales n’assument pas pleinement les travaux dont elles ont la charge en tant que propriétaires, se contentant « d’empocher » les loyers des casernes, alors même qu’elles sont par ailleurs subventionnées pour construire ces dernières ([6]). Le contribuable paie ainsi deux fois des casernes mal entretenues !

Le rapporteur préconise donc :

– que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que les collectivités locales propriétaires de casernes jouent pleinement leur rôle dans le gros entretien à la charge du propriétaire ;

– que les crédits de l’entretien des casernes de gendarmerie soient portés à 100 millions d’euros par an. Il revient infra sur cette proposition, qu’il suggère d’inscrire dans la future loi de programmation pour la sécurité intérieure.

Proposition n° 2 : Inciter les collectivités territoriales propriétaires de casernes de gendarmerie à assumer pleinement leur mission de gros entretien à la charge du propriétaire.

 

Proposition n° 3 : porter à 100 millions d’euros par an, en loi de programmation de la sécurité intérieure, les crédits dédiés à l’entretien des casernes.

c.   Les autres dépenses immobilières

Le coût de l’énergie et des fluides est budgété à 87,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 92 millions d’euros en crédits de paiement.

Le financement et le fonctionnement des autorisations d’occupation temporaire (AOT) de Châteauroux, Caen, Laval, Sathonay-Camp, Mulhouse et la Valette du Var représentent une dépense de 16,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 19,4 millions d’euros.

2.   Les dépenses liées à l’agent représentent le deuxième poste de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie

Le fonctionnement courant lié à l’agent représente une dépense de 233,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 237,7 millions d’euros en crédits de paiement.

Première enveloppe de crédits de fonctionnement courant, les déplacements représenteront une dépense de 62,4 millions d’euros l’an prochain. Les fournitures de bureau, la papeterie, la documentation, la reprographie et la téléphonie représentent la deuxième enveloppe de crédits de fonctionnement courant, avec 43,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 47,7 millions de crédits de paiement. Une dotation de 40,8 millions d’euros sera consacrée aux changements de résidence des agents. Viennent ensuite l’alimentation des militaires à solde mensuelle des corps de soutiens placés dans l’obligation de prendre leurs repas sur place du fait d’astreintes ainsi que l’alimentation des gendarmes adjoints volontaires représentent une somme de 38 millions d’euros. L’alimentation des forces mobiles représentera une dépense de 31,9 millions d’euros.

La formation représente une dotation de 16,3 millions d’euros, dont 3,3 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année dernière au titre du Beauvau de la sécurité. Ce budget global comprend une enveloppe gérée au niveau central, une enveloppe consacrée à d’autres services de l’administration centrale, une enveloppe dédiée au budget de fonctionnement des écoles et centres rattachés au commandement des écoles de la gendarmerie et au budget de fonctionnement d’autres centres de formation (GIGN, gendarmerie maritime, centres régionaux d’instruction).

La formation continue des gendarmes

La formation continue des gendarmes concerne de nombreux domaines comme la déontologie, la police judiciaire, la sécurité publique, les techniques d’intervention, l’accueil etc. Concernant les militaires de tous grades et statuts, certaines formations doivent être effectuées régulièrement pour entretenir les compétences acquises en formation initiale. Le suivi des formations obligatoires relève des échelons territoriaux de commandement qui ne tiennent pas de statistiques exhaustives. Le suivi de ces formations constitue une garantie dans le rappel régulier et le respect des règles déontologiques. C’est par exemple le cas de l’entraînement au tir et aux techniques d’interpellation, au cours desquelles il n’est pas seulement question de technique mais aussi de l’approche déontologique.

La formation continue s’articule autour de trois volets complémentaires : les formations organisées par l’administration centrale et mises en œuvre par le commandement des écoles de la gendarmerie (CEGN) ainsi que d’autres prestataires tant en gendarmerie qu’à l’extérieur de celle-ci ; les formations déconcentrées, laissées à l’initiative des échelons territoriaux de commandement (régions, groupements, compagnies, escadrons, unités élémentaires), sous le contrôle et l’impulsion de la direction générale ; les enseignements à distance, imposés dans le cadre d’un cursus particulier ou laissés à la libre disposition de chacun.

La formation continue des officiers

Les officiers bénéficient de formations continues à la gestion de crise, d’un stage de préparation à l’emploi de commandant de compagnie, de commandement de groupement ainsi que d’un séminaire des hauts dirigeants pour les futurs commandants de région. Ils bénéficient également d’un parcours de formation continue des cadres supérieurs, notamment au centre des hautes études du ministère de l’Intérieur et au centre de formation au management de la défense. Enfin, une « mission des hauts potentiels » suit, au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale, la population des futurs hauts dirigeants et oriente leurs choix de formation.

S’agissant de la formation continue des sous-officiers et des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie, les sous-officiers de gendarmerie bénéficient tous les cinq ans d’un recyclage de leur formation d’agent de police judiciaire au Centre national de formation à la sécurité publique de Dijon et suivent, comme les sous-officiers du CSTAG des formations de cursus pour sous-officiers engagés dans une carrière de gradé. La direction générale de la gendarmerie nationale a fait part au rapporteur de son souhait de revoir la formation initiale des sous-officiers de gendarmerie.

L’entraînement à l’usage des armes

Tous les militaires qui portent une arme ont obligatoirement suivi une formation en école de formation initiale et satisfont aux obligations réglementaires. Leurs connaissances juridiques et pratiques sont entretenues régulièrement au cours de leur carrière dans le cadre de la formation continue. L'aptitude des militaires à l'emploi des armes de dotation, qu'elles soient létales ou à létalité réduite, impose la détention d'une habilitation acquise soit durant la formation initiale dispensée en école, soit lors de la réparation militaire de gendarmerie (PMG) ou de la formation opérationnelle de la réserve territoriale (FORT) pour les réservistes, soit en unité, et nécessite un entretien des connaissances théoriques et pratiques, tout au long de la carrière. Les conditions cumulatives qu’un militaire doit remplir pour être autorisé à porter et à faire usage de son arme de dotation sont :

– la détention du certificat initial de l'aptitude à la pratique du tir (CIAPT) de l'arme correspondante ;

– l’aptitude médicale au port et à l'usage des armes ;

– la réalisation de l'entretien annuel des acquis.

Ces principes sont communs à toutes les catégories de militaires ainsi qu’aux réservistes opérationnels. L'aptitude des militaires à l'emploi des armes de dotation fait l’objet d’un suivi dans le dossier individuel informatisé de chaque militaire à travers le système d’information RH Agorh@. Cette traçabilité des habilitations et des recyclages permet au commandement de vérifier, à tout moment, l'aptitude d'un militaire placé sous ses ordres au port et à l'emploi d'une arme de dotation, le commandement pouvant, au besoin, prendre des mesures allant jusqu’à l’interdiction de port et d’emploi d’une arme de dotation. Ce dispositif de contrôle permanent s’applique à toutes les armes de dotation, même pour les armes de force intermédiaire. En cas de besoin, le commandant d’unité met en place le processus de formation, pour permettre au militaire d’effectuer ses missions en conformité avec la réglementation. Dès lors qu'une insuffisance ou une fragilité susceptible d'engager la sécurité est décelée chez un militaire, le commandement a la responsabilité de lui retirer la possibilité de port et d'emploi de cette arme. Le militaire doit alors suivre une formation complémentaire afin de retrouver son aptitude. En outre, la documentation professionnelle en ligne et des modules d’enseignement à distance sur ce sujet sont à la disposition de chaque militaire. Pour permettre une bonne conservation de la mémoire gestuelle et de la mémoire du tir, il est généralement procédé à des tirs fréquents de quelques cartouches plutôt qu'à un seul tir annuel consommant l'ensemble des munitions prévues annuellement. Les commandants d'unité organisent également des séances de tir réduit, plus souples à mettre en œuvre tout en permettant d'atteindre les objectifs recherchés au tir sans néanmoins pouvoir se substituer au tir réglementaire à balles réelles. De même, des répliques « airsoft » des PA SIG PRO 2022 ont été déployées dans les unités pour compléter et faciliter l’entraînement des militaires au tir.

Les militaires de tous grades et statuts effectuent réglementairement et annuellement un tir de 30 cartouches avec leur arme de service. Une dotation supplémentaire de 60 cartouches peut également être tirée. En 2021, 94 % des militaires sont à jour de leurs certificats initiaux d’aptitude au tir (CIAPT).

Les techniques d’interpellation

Dans ce domaine, les militaires doivent réglementairement suivre cinq séances par an d’instruction en intervention professionnelle (tirs compris). Ces séances portent notamment sur les techniques de maîtrise avec ou sans arme de l’adversaire et font l’objet d’un contrôle bisannuel, avec cinq ateliers de contrôle de la condition physique spécifique (CCPS) du militaire. Au 31 décembre 2020, 97 % des militaires de la gendarmerie étaient à jour de leurs CCPS.

Les instructeurs

Les formateurs dans le domaine de l’intervention professionnelle sont soumis à un recyclage tous les 5 ans au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) afin d’actualiser leurs connaissances et pratiques (400 militaires concernés chaque année).

Les autres domaines

À cela s’ajoutent des séances mensuelles de formation laissées à l’initiative du commandement en fonction des problématiques et actualités locales.

Le volume des formations

Compte tenu de la constante évolution de la matière et de son périmètre (création, transformation et abandon de certaines formations d’une année sur l’autre) et du nombre de stages dispensés en gendarmerie, et en dépit de la crise sanitaire, la gendarmerie a dispensé en 2020 environ 300 formations de nature différente réparties en près de 650 stages et formations à distance.

Au sein de ce dispositif de formation, des parcours, conçus ces dernières années, méritent d’être soulignés, comme les parcours d’expertise, notamment dans les domaines de la police judiciaire, du maintien de l’ordre, de la sécurité routière ou du renseignement opérationnel, organisés dans des centres dédiés relevant du commandement des écoles de la gendarmerie nationale.

Par ailleurs, une journée annuelle de formation pour tous portant sur un thème spécifique a été instaurée depuis 2019 dans chaque département : après la maîtrise des applications métiers en 2019, l’intelligence artificielle en 2020, l’effet des armes, des munitions et leur réglementation en 2021, cette journée portera sur la cybersécurité en 2022. Enfin, le parcours de formation à l’accueil et la prise en compte des victimes de violences intrafamiliales se sont encore étoffés. Outre les formations et les supports d’enseignement à distance déjà proposés, l’année 2021 a vu la mise en place de nouvelles unités, les « maisons de protections des familles », et une formation spécifique des militaires affectés dans ces unités au sein du centre national de formation à la sécurité publique.

Le rapporteur, qui a notamment pu se rendre dans la très belle école de gendarmerie de Fontainebleau-Avon, salue l’excellence des formations délivrées en gendarmerie et tient à insister sur la nécessité que les gendarmes continuent à assurer interne et en toute autonomie leurs formations, et donc, sur la nécessité absolue d’éviter toute forme de mutualisation des formations, quelle qu’elle soit.

 

L’école de gendarmerie de Fontainebleau

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur a eu la chance de visiter la très belle école de gendarmerie de Fontainebleau-Avon, située à deux pas d’une des plus grandes forêts franciliennes et du célèbre château de Fontainebleau. Il a ainsi pu y découvrir l’excellence des formations délivrées aux gendarmes adjoints volontaires ainsi qu’aux motocyclistes.

Placée sous l'autorité du commandement des écoles de la gendarmerie nationale, l’école de gendarmerie de Fontainebleau dispense des stages de formation aux officiers, sous-officiers et gendarmes de la gendarmerie au sein du centre national de formation à la sécurité routière (CNFSR) et de la cellule nationale de formation au secourisme (CNFS). Elle forme par ailleurs des gendarmes adjoints volontaires dans ses compagnies d'instruction au sein de l’école implantée à Fontainebleau mais également au camp de Beynes dans les Yvelines.

Installé depuis sa création à Fontainebleau en 1967, le centre national de formation à la sécurité routière a pour mission de former et de perfectionner les motocyclistes dans le domaine de la sécurité routière. Ce centre est organisé en deux sections : la section des formations initiales et la section des formations continues. Le centre organise la sélection, la formation et le perfectionnement des officiers, gradés et gendarmes motocyclistes de la gendarmerie. Il organise ainsi plusieurs stages : le stage de formation des nouveaux commandants d'escadron départemental de sécurité routière (EDSR), le stage de sélection et de formation des gendarmes motocyclistes, le stage d'évaluation et de perfectionnement des motocyclistes, le stage de formation des officiers de l'EOGN prenant le commandement d'un peloton motorisé, des stages de filature etc.

Quant à la cellule nationale de formation au secourisme, elle est installée à Fontainebleau depuis l'été 2015. Auparavant elle occupait des locaux dans le camp de frileuse à Beynes (78). Elle a pour missions, entre autres, d’assurer la formation initiale et continue des formateurs de formateurs, notamment en ingénierie pédagogique, et des formateurs en secourisme dans différents dispositifs, d’animer les réseaux de formateurs de formateurs et de l'équipe pédagogique nationale, d’assurer une veille juridique et de garantir la doctrine d'emploi et de formation dans le domaine du secourisme au sein de la gendarmerie.

Chaque année, près de 2 200 stagiaires suivent une formation au sein du centre national de formation à la sécurité routière et près de 300 stagiaires suivent une formation au sein de la cellule nationale de formation au secourisme. Enfin, l’école de Fontainebleau accueille les quatre compagnies d'instruction d'élèves gendarmes adjoints volontaires. Au total, l’école reçoit et forme près de 5 500 stagiaires par an.

Dernière enveloppe budgétaire consacrée aux frais liés à l’agent, les frais d’investigation représenteront une dépense de 0,55 million d’euros.

3.   Un budget d’équipement essentiellement consacré aux dépenses d’habillement

Le budget d’équipement est le troisième poste de dépenses de fonctionnement du budget de la gendarmerie, avec 183,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 94,4 millions d’euros de crédits de paiement.

Les dépenses les plus prégnantes de ce poste sont celles liées à l’habillement et aux moyens de protection et d’intervention, qui s’élèvent à 143,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 54,6 millions d’euros en crédits de paiement. L’augmentation de 5,5 millions d’euros en autorisations d’engagement permet le financement de casques et visières pare-balles, de gilets porte-plaques, de boucliers balistiques et de gilets « quatre en un » au profit de la gendarmerie mobile. Afin de soutenir l’effort de densification des PSIG, le Beauvau de la sécurité a prévu une enveloppe d’un million d’euros pour l’acquisition de casques balistiques. Une « enveloppe Beauvau » de 3 millions d’euros est également prévue pour renforcer le dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie (DIAG).

Le dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie

Lors des trois derniers épisodes de crise avec des forcenés dans les Cévennes, en Dordogne et à La Chapelle-sur-Erdre, la gendarmerie a eu recours à un nouveau dispositif de réaction rapide, dénommé dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie (DIAG) et expérimenté depuis le début de l’année. Cet outil de réaction du Centre national des opérations (CNO) ([7]) de la gendarmerie, est entré en vigueur de manière pérenne en juin dernier, après sa phase d’expérimentation. Il permet une montée en puissance rapide et massive des moyens d’intervention venant en appui des gendarmes primo-intervenants.

S’agissant des dépenses d’habillement consacrées aux dotations individuelles des gendarmes et aux commandes institutionnelles (paquetages écoles et réservistes), la dotation permettra de financer l'acquisition des housses tactiques modulaires et l'équipement des spécialistes. La forte dotation en autorisations d’engagement permettra de couvrir le besoin d'engagement pluriannuel du renouvellement du marché externalisé d’habillement (cf. infra).

L’achat de munitions représentera environ 13,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 12,8 millions d’euros en crédits de paiement en 2022. La dotation, en hausse de 4,7 millions d’euros dont 3 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité, permettra :

– l’acquisition de munitions de service courant ainsi que celles nécessaires à la gendarmerie mobile ;

– de couvrir les besoins en formation initiale et continue de l’ensemble des gendarmes.

L’achat d’armes représentera quant à lui une dotation de 4,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6,1 millions d’euros en crédits de paiement. Le projet annuel de performance précise que les crédits accordés dans le cadre du Beauvau de la sécurité permettront :

– l’acquisition de l’armement lié à la densification des PSIG ;

– d’augmenter le parc des moyens de force intermédiaire (lanceurs de munitions LBD et pistolets à impulsion électrique) destiné à la formation des gendarmes.

Selon les informations fournies au rapporteur, dans le cadre du plan de relance, la gendarmerie nationale bénéficiera également de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement afin d’améliorer les équipements d’intervention et de protections balistiques des personnels, ce à la suite du retour d’expérience de l’intervention à St-Just du 22 décembre 2020.

L’achat, la location et l’entretien de matériel d’analyse, de détection et de contrôle tels que les cinémomètres, les éthylomètres et les éthylotests se voient accorder une enveloppe de 17,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 17,7 millions d’euros en crédits de paiement en 2022. Le projet annuel de performance précise que 2,7 millions d’euros seront consacrés au maintien en condition opérationnelle des militaires de la gendarmerie nationale, grâce à l’installation de salles de sport et de stands de tir modulaires. Par ailleurs, un million d’euros sera consacré à l’acquisition de monoculaires au profit des PSIG.

Enfin, autre poste de dépenses d’équipement, 4,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,1 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à l’acquisition de kits de prélèvement buccal, de prélèvement biologique, de dépistage salivaire et de dépistage urinaire.

Le rapporteur note que le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI) mutualise systématiquement les acquisitions d’équipement de la police et de la gendarmerie nationale. La mutualisation s’applique désormais aux procédures d’acquisition de plus de 95 % des matériels. Ainsi, l’essentiel des équipements de protection balistique est mutualisé entre la police et la gendarmerie nationale : les casques de maintien de l’ordre, les boucliers balistiques rigides et dépliants, les boucliers pare-coups, les gilets pare-balles individuels féminin et masculin, les gilets tactiques 2.0 pare-balles et non feu destiné aux unités constituées de maintien de l’ordre, les gilets pare-balles lourds, les tenues NRBC et les tubes de sécurité multi-calibres. Il en va de même pour ce qui concerne les armes et les munitions, et divers équipements tels que les pistolets à impulsion électrique, les ensembles modulaires de stockage de munitions, les nouvelles munitions cinétiques de calibre 40 mm, les diffuseurs de gaz lacrymogène, les menottes, le matériel de sécurité routière – location d’éthylomètres, éthylotests électroniques, cinémomètres, kits de dépistage et prélèvements de stupéfiants –, le matériel de police technique et scientifique, les drones et l’équipement lié à la crise sanitaire – masques, lingettes et gel hydro-alcoolique.

En matière d’habillement, un nouveau marché d’externalisation, tant pour la gendarmerie que pour la police nationale a été attribué en 2018 aux cotraitants Paul Boyé Technologies (fourniture des effets) et Geodis (transport) pour un démarrage opérationnel au 1er janvier 2019. Ont donc été mutualisés les achats de chaussures, de gants, de sacs, de tenues de sport, de sous-vêtements thermique et des matières premières. Sont également mutualisés les tenues et casques des motocyclistes, les tenues et équipements techniques de secours en haute montagne, les ensembles des effets pare-coup de maintien de l’ordre (jambières, gilets pare-coup, protections d’épaule), les tenues d’intervention des unités spécialisées (force d’intervention de la police nationale – RAID et ses antennes, BRI et BI de la préfecture de police, BRI de la police judiciaire et ces antennes, DGSI et GIGN) et les bouchons auriculaires.

Le rapporteur, qui a abordé dans son rapport de l’an dernier la mutualisation des achats au ministère de l’Intérieur, continue à s’interroger quant à la pertinence d’une mutualisation aussi poussée – puisqu’elle concerne désormais 95 % des matériels des forces de sécurité intérieure. Il rappelle que lors de la crise sanitaire, la gendarmerie n’a été livrée que tardivement en gel, masques et gants de protection. Il continue à penser que le commandement local doit pouvoir garder la maîtrise de ses moyens et qu’à tout le moins, les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur devraient être rapprochés de ce commandement local et donc placés au niveau des treize régions administratives – l’échelon régional disposant de prérogatives importantes en gendarmerie – et non pas au niveau fort lointain du terrain que sont les sept zones de défense. Pour permettre de mieux se figurer le degré d’éloignement des SGAMI vis-à-vis des échelons locaux de commandement, la carte ci-dessous fait apparaître zones de défense et régions administratives :

zones de défenses et sécurité

Proposition n° 4 : Positionner les SGAMI au niveau des treize régions administratives.

4.   Les crédits dédiés aux systèmes d’information

Les systèmes d’information et de communication sont le troisième poste de dépenses, en volume, du budget de fonctionnement de la gendarmerie nationale, à hauteur de 172 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 86 millions d’euros en crédits de paiement.

Ce budget comprend tout d’abord, pour 132,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 49,2 millions d’euros de crédits de paiement, les moyens de titre 3 consacrés à l’acquisition de moyens de télécommunication, à la location annuelle du matériel NEOGEND (33,4 millions d’euros) et aux abonnements NEOGEND.

 

Le projet NEO

Lancé en 2015, le projet NEO répondait au « défi 3 » du plan de modernisation de la sécurité intérieure. Il a permis d’équiper les forces de l'ordre en terminaux mobiles sécurisés afin d'améliorer la réponse opérationnelle, la sécurité des intervenants et plus largement de moderniser les forces. Après une phase d'expérimentation de 2 ans, ce projet a abouti au déploiement, à la fin de l’année 2019, de 65 000 terminaux mobiles pour la gendarmerie.

Un nouvel accord-cadre a été signé à la fin du mois de janvier 2021 avec la société Orange qui va fournir des terminaux de la société française Crosscall pour le projet NEO2. Dans la continuité des mesures annoncées dans le cadre du Beauvau de la sécurité pour financer la mobilité numérique, il est prévu de déployer, entre novembre 2021 et avril 2022, 110 000 téléphones mobiles pour la gendarmerie et 11 000 tablettes.

Le budget consacré aux télécommunications comprend également une enveloppe de 39,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 36,9 millions d’euros en crédits de paiement pour le financement des moyens informatiques de la gendarmerie (maintien en condition opérationnelle des serveurs, entretien courant des systèmes d’information, acquisition de postes de travail et d’équipements de lutte contre la cybercriminalité).

Le rapporteur note que parmi ces crédits :

– 17,5 millions d’euros seront consacrés à l’acquisition de terminaux Ubiquity ([8]), de doubles écrans et d’équipement pour les centres d’opération et de renseignement de la gendarmerie ;

8,7 millions d’euros, issus du Beauvau de la sécurité, seront consacrés à l’accélération de l’acquisition de caméras piétons : 9 700 caméras supplémentaires seront achetées, en plus des 6 000 acquises en 2021 et des 5 600 caméras qui devraient être acquises en 2022 au titre du plan de relance. L’objectif est d’équiper chaque gendarme en patrouille d’une caméra.

Extrait du discours du Président de la République en conclusion du Beauvau de la sécurité à Roubaix le 14 septembre 2021

« Ceux d’entre vous qui appartiennent aux forces de sécurité publique ont souligné durant les tables rondes l'utilité des caméras piétons qui permettent en opération d'éviter tout dérapage des interpellés et qui, lorsqu'une interpellation se passe mal, sont des outils de levée de doutes. J'en suis profondément convaincu. C'est un outil qui dissuade et c'est un outil qui protège tout le monde. Nous n'avons rien à perdre avec la transparence en permanence, et c'est un outil qui permet aussi de recontextualiser les choses. Combien de fois, avons-nous vu des vidéos volées, sorties de tout contexte qui étaient mises par tel ou tel en ligne et qui devenaient soudainement un matériau journalistique, le fruit de tous les commentaires, sans qu'il y ait la possibilité de remettre dans ce contexte, dans son contexte, ce qui s'était passé ? Les caméras sont bonnes pour l'action, pour prévenir des violences, mais aussi dans la suite judiciaire qui sera donnée. Alors il faut déployer et là aussi, il faut former, parce qu'il faut bien encadrer l'utilisation de ces caméras pour qu'elles puissent ensuite être utilisées dans les procédures et nous connaissons toutes les contraintes. C'est pourquoi je vous confirme d'abord la finalisation du déploiement d'une caméra piéton par patrouille. Vous le savez, j'y crois. 15 000 ont déjà été déployées, 15 000 restent à déployer, elles le seront d'ailleurs dans les prochaines semaines, d'ici à octobre, l'ensemble des engagements pris en la matière de ces 30 000 caméras seront toutes déployées. C'est une véritable révolution. Je rassure aussi pour les plus experts que nous avons changé les contrats jadis passés et que pour ceux qui n'en ont pas encore bénéficié, il ne s'agit plus des formidables caméras qui marchaient 4 heures par jour. J'ai pu voir dans d'autres pays qu'il y avait des caméras qui marchaient tout le temps du service. C'est bien celles-ci qui sont déployées. Le contrat passé a été cassé. Nous avons passé de nouveaux marchés, et c’est bien une caméra qui correspond à vos besoins, qui est ainsi déployée. Mais ce vers quoi nous devons aller, d'ici à la fin 2022, c'est de permettre à ce que chaque fonctionnaire sur le terrain soit doté d'une caméra individuelle. Cet objectif, nous pouvons l’atteindre, nous allons l'atteindre, c'est l'engagement que nous devons nous donner à nous-mêmes. Je vous confirme également que nous allons engager le déploiement des caméras embarquées pour les véhicules, ce qui supposait un changement législatif. Celui-ci est en train de se parachever et la mesure pourrait être effective dès 2023. Le déploiement de ces caméras, d'ores et déjà pour les patrouilles, ensuite pour chacune et chacun d'entre vous, puis pour les véhicules, c'est une stratégie de dissuasion. C'est une stratégie de transparence. C'est une stratégie d'efficacité et de protection pour vous toutes et tous. Celle-ci est complétée par l'engagement aussi de nos élus. Je veux ici les remercier. Les collectivités territoriales se mobilisent aussi et continueront de le faire, en particulier pour les réseaux de vidéoprotection ».

Le rapporteur se félicite de cette mesure et ayant appelé l’attention de ses collègues à ce sujet l’an dernier, il salue la conclusion de nouveaux contrats permettant l’acquisition de matériels plus performants.

Le rapporteur estime par ailleurs que l’État doit amplifier – en accordant davantage de moyens financiers mais aussi de moyens en personnels militaires de la gendarmerie – l’accompagnement qu’il apporte aux communes dans l’ingénierie et la réalisation d’études amont pour l’installation de systèmes de vidéosurveillance Il estime qu’une réflexion doit être menée sur la législation en vigueur en la matière et qu’il convient d’assurer l’interconnexion des systèmes au profit de la police et de la gendarmerie. Enfin, le rapporteur préconise la définition et l’adoption d’un plan national pour développer la vidéosurveillance en zone gendarmerie.

5.   Le budget de fonctionnement des hélicoptères de la gendarmerie

Ce cinquième poste de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie, d’un montant de 126,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 33 millions d’euros en crédits de paiement, sert en quasi-totalité ([9]) à financer le maintien en condition opérationnelle des « moyens lourds de projection et d’intervention », autrement dit, des hélicoptères de la gendarmerie.

Selon les informations fournies au rapporteur, le système global de maintenance mis en place par les forces aériennes est un système en régie, composé d’un atelier central et de 31 ateliers de maintenance opérationnelle au sein des unités. C’est un système intégré, autonome et en partie mutualisé avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) pour les hélicoptères EC 145 affectés en métropole. Cette organisation permet l'entretien des trois flottes selon le rythme imposé par l'activité opérationnelle (avec un taux de disponibilité de 80 %), au sein d’ateliers agréés aux normes de la navigabilité FRA145 imposées depuis avril 2013.

En valeurs moyennes pour la période 2015-2020, le coût annuel du maintien en condition opérationnelle s’élève à 20,2 millions d’euros. Les crédits programmés en 2022 s’expliquent par le fait que la gendarmerie, en lien avec la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) du ministère des Armées, a entrepris le renouvellement des marchés de maintien en condition opérationnelle de son parc aéronautique. Le ministère de l’Intérieur a ainsi indiqué au rapporteur que ce mouvement induisait d’importants besoins en autorisations d’engagement. Cette démarche s’inscrit dans la volonté de verticalisation et globalisation des contrats portés par la DMAé, c’est-à-dire de couvrir par un seul et unique marché le soutien de chaque appareil.

6.   Le budget de fonctionnement des moyens mobiles : le financement du carburant et de l’entretien des véhicules

D’un montant total de 81,1 millions d’euros, le budget de fonctionnement des véhicules de la gendarmerie est essentiellement dédié à l’achat de carburant, à hauteur de 54,5 millions d’euros, et à l’entretien des véhicules, à hauteur de 25 millions d’euros – en hausse de 5 millions d’euros – notamment pour remettre à niveau les centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG), compte tenu de l’arrivée de véhicules hybrides et électriques. Le projet annuel de performance précise que la hausse de 2 millions d’euros du budget dédié aux carburants s’explique non seulement par l’augmentation de leur prix mais aussi à la « bascule » d’une partie du parc de véhicules du diesel vers l’essence. Enfin, 1,6 million d’euros sera consacré au paiement des dépenses de péage et de location de véhicules.

Le rapporteur tient à souligner que le choix de véhicules roulant à l’essence et non plus au diesel va fortement augmenter le poste de dépenses de carburant de la gendarmerie à court et à moyen termes, non seulement parce que l’essence est plus chère mais aussi parce que, contrairement aux idées reçues, les moteurs à essence consomment deux fois plus que les moteurs diesel, eu égard à leur utilisation. Le rapporteur estime donc que l’enveloppe de crédits dédiée aux carburants est insuffisante pour couvrir les besoins de la gendarmerie. Il note que dès 2021, l’enveloppe, de 52,5 millions d’euros va être dépassée de 10 millions d’euros.

En outre, le rapporteur suggère de négocier avec les constructeurs, dans le cadre des marchés d’acquisition de véhicules, des extensions de garantie pour pannes récurrentes et identifiées. Ces garanties pourraient être portées sur ce segment à une durée de 5 ans ou à 100 000 km de conduite, ce qui permettrait de maîtriser les coûts de maintenance et d’entretien des véhicules de la gendarmerie dans les dix prochaines années.

Le rapporteur revient plus en détail sur le soutien automobile en seconde partie du présent avis budgétaire. Il se bornera ici à rappeler que cette activité est mutualisée entre les deux forces de sécurité et que 84 des 97 centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG) servent les deux forces de sécurité. Les CSAG sont placés sous l’autorité fonctionnelle des SGAMI tout en demeurant sous l'autorité organique de la gendarmerie nationale, le programme 152 restant responsable de leurs infrastructures et moyens de fonctionnement.

7.   Les subventions et contributions aux opérateurs

D’un montant de 450 000 euros en autorisations d’engagement et de 600 000 euros en crédits de paiement, cette enveloppe permettra le financement de subventions versées par la gendarmerie à des acteurs tels que le Centre national d’information des droits des femmes et des familles ([10]) ou le Centre national relais 114 (CNR 114). Hébergé depuis sa création en 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble Alpes, le CNR 114 est un service public permettant aux sourds et aux malentendants d’accéder à l’ensemble des centres d’appels urgents français – le SAMU, les sapeurs-pompiers, la gendarmerie et la police.

C.   Des crédits d’investissement fortement abondés à la suite du beauvau de la sécurité

Les crédits d’investissement (titre 5) dont la gendarmerie sera dotée en 2022 devraient s’élever à 315,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 284,5 millions d’euros en crédits de paiement.

Les investissements de la gendarmerie concernent, d’une part, les moyens mobiles, qui devraient bénéficier d’une dotation de 131,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 151,5 millions d’euros en crédits de paiement et, d’autre part, le parc de casernes domaniales de la gendarmerie, qui devrait bénéficier de 183,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 112,8 millions d’euros de crédits de paiement en 2022.

1.   La poursuite du renouvellement des moyens mobiles

En 2022, la gendarmerie bénéficiera pour l’acquisition de véhicules de crédits sur le programme 152, intégrant notamment les crédits alloués par le Beauvau de la sécurité et des crédits ouverts dans le cadre du plan de relance.

Selon les informations fournies au rapporteur par le ministère de l’Intérieur, sur le programme 152, une dotation de 170,9 millions d’euros de crédits de paiement est prévue pour les moyens mobiles, dont 145,4 millions d’euros de véhicules et 25,5 millions d’euros pour les moyens blindés. Selon le projet annuel de performance, le Beauvau de la sécurité a permis l’apport d’une enveloppe de 100 millions d’euros au profit du renforcement du parc opérationnel. Cette dotation exceptionnelle rendra possible l’acquisition de 5 500 véhicules. Par ailleurs, 650 véhicules verts supplémentaires seront également acquis sur le programme 362 « Plan de relance », pour un montant de 23,6 millions d’euros. Commencera aussi en 2022 le renouvellement des véhicules blindés à roues de la gendarmerie, les VBRG, ainsi que des véhicules légers. Selon les informations fournies au rapporteur, le programme de renouvellement du parc des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), en service depuis 45 ans, fait l’objet d’un appel d’offres. L’objectif est d’acquérir 90 engins neufs dont les livraisons devraient intervenir à partir du deuxième trimestre 2022 et jusqu’en 2024. Au 30 septembre 2021, 3 221 véhicules ont été commandés par le SAILMI.

Le rapporteur reviendra ici sur l’état actuel des moyens mobiles de la gendarmerie.

a.   L’acquisition de 5 500 automobiles ainsi que de véhicules de maintien de l’ordre en 2022

Au 1er janvier 2021, le parc automobile de la gendarmerie était estimé à 30 093 véhicules (hors moyens nautiques, aériens, remorques et 1 225 véhicules saisis) dont 27 000 véhicules dits « opérationnels » et 3 093 « non opérationnels ». Le tableau ci-dessous fait apparaître le caractère vieillissant du parc automobile de la gendarmerie et la nécessité de son renouvellement :

 

Type

Quantité

Âge moyen

Kilométrage moyen

Deux roues

3 573

7,4 ans

53 845 km

Véhicules légers

24324

7,64 ans

125 978 km

Véhicules lourds

2 196

16 ans

145 000 km

 


 

 

Véhicules réformés

Véhicules acquis

2010

2 149

2 264

2011

1 967

1 273

2012

1 906

865

2013

1 309

1 333

2014

841

1 444

2015

1 905

2 099

2016

2 178

3 302

2017

2 788

2 829

2018

3 102

2 782

2019

2 609

2 541

2020

2 745

3 453

2021

2 817*

3 221 (au 30 septembre)

S’agissant de l’installation des bornes électriques, rendue nécessaire par l’acquisition de véhicules électriques, le ministère de l’Intérieur a informé le rapporteur que la gendarmerie disposait de 560 points de charges répartis sur 191 pour accueillir les premiers VL électriques et que des expérimentations étaient en cours à Issy-les-Moulineaux (92), Dugny (93) et Versailles-Satory (78) pour mettre à la disposition des familles des infrastructures de recharge pour véhicules électriques.

b. Le renouvellement du parc d’hélicoptères H160

Au 1er janvier 2021, la gendarmerie compte 56 hélicoptères répartis en 3 flottes :


 

Libellé groupe article

Modèle simplifié

Nombre

Moyenne d’âge

Hélicoptère de sauvetage et d’intervention

EC 135 sérigraphié

15

11,42

EC 145 sérigraphié

15

14,88

Hélicoptère léger de surveillance et de liaison

ECUREUIL AS350 sérigraphié

26

34,95

Total

 

56

23,27

L’évolution majeure du parc d’hélicoptères de la gendarmerie concerne le programme d’acquisition de 10 hélicoptères H160, entrepris à la suite de l’ouverture de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2020. La capacité de transport du modèle H160, allant jusqu’à 2 tonnes ou 11  personnels, et le rayon d’action de ce nouvel appareil permettront notamment aux forces de sécurité intérieure de renforcer leurs capacités de projection, en particulier en matière de contre-terrorisme. Dans le cadre de la passation de ce marché, commun avec le ministère des Armées, ces crédits ont été reportés et devraient être engagés à la fin de l’année 2021. Les premiers appareils doivent être livrés dès 2023 dans le cadre de la préparation des jeux olympiques de 2024.

Il est par ailleurs prévu de sanctuariser les hélicoptères de type EC 145 et EC 135. Encore récents, ils répondent pleinement aux besoins de sécurité publique générale et d’intervention en milieu spécialisé et hostile (zones de montagne et outre-mer) tout en satisfaisant aux exigences de la réglementation civile relative au survol des agglomérations et à la navigabilité. Plus anciens, les Écureuil seront partiellement et progressivement réformés, selon un calendrier à définir. Leur remplacement est devenu un impératif à court terme afin de garantir la disponibilité et l’employabilité de la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie.

Enfin, la gendarmerie nationale (CFAGN), en lien avec la Sécurité civile (GHSC), souhaite consolider le système d’information et de gestion de sa flotte aéronautique par l’adaptation de son progiciel actuel (AMASIS) qui permet de gérer l’activité d’un opérateur aérien, qu’il soit exploitant ou centre de maintenance. L’objectif est d’encadrer la tierce maintenance applicative dudit logiciel afin de réaliser sa montée de version et pouvoir ainsi pérenniser l’utilisation de l’outil. Il est également prévu que la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) intègre ce dispositif pour aboutir à une uniformisation des processus au sein des trois forces.

c.   Des moyens nautiques relativement anciens

Dans ses unités nautiques littorales ou fluviales, à la suite de la mise en réforme d’embarcations obsolètes ou sous-utilisées, la gendarmerie dispose de 271 embarcations (hors moteurs hors-bord) d’un âge moyen global de 14 ans et 8 mois. En 2021, un moyen nautique a été commandé pour un montant de 100 000 euros.

 

 

 

Libellé groupe article

Nombre

Moyenne d’âge

EMBARCATION LOURDE GENDARMERIE

36

12,59

EMBARCATION NAUTIQUE DIVERSE GENDARMERIE

40

14,34

EMBARCATION PROJETABLE GENDARMERIE

174

16,12

JET SKI

11

8,02

MOYENS NAUTIQUES SAISIS

10

5,00

Total

271

14,69

 

2.   Une hausse importante des crédits d’investissement dans le parc immobilier domanial de la gendarmerie

Les crédits consacrés à l’investissement immobilier seront de 183,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 112,8 millions d’euros en crédits de paiement en 2021.

a.   Le parc domanial de la gendarmerie, un parc ancien et vétuste qu’il convient de rénover et de renouveler

Comme l’illustre le tableau ci-dessous, le parc domanial de la gendarmerie est ancien, et plus ancien que le parc de casernes locatives :

 

 

Domaniaux

Non domaniaux

Global

Moins de 10 ans

0,03 %

19,8 %

10,5 %

10 à 25 ans

14,57 %

34 %

24,9 %

26 à 50 ans

58,6 %

39,8 %

48,6 %

51 à 100 ans

24,4 %

5 %

14,1 %

Plus de 100 ans

2,4 %

1,4 %

1,9 %

Total

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Le tableau ci-dessous, qui présente le millésime moyen pondéré par type de logement, confirme cette analyse :

 

Logements domaniaux (48  % des surfaces)

1973 (48 ans)

LST domaniaux (52  % des surfaces)

1967 (54 ans)

sous-total parc domanial (logements + LST)

1970 (51 ans)

Logements locatifs (71 % des surfaces)

1994 (27 ans)

LST locatifs (29 % des surfaces)

1983 (38 ans)

sous-total parc locatif (logements + LST)

1990 (31 ans)

La synthèse ci-dessous présente l’état technique des bâtiments du parc domanial.

Cette synthèse fait apparaître qu’aucun logement du parc domanial n’est considéré comme en bon état et que la qualité de tous les logements du parc oscille entre l’état médiocre et l’état moyen. C’est pourquoi il est impératif tant de renouveler ce parc en construisant ou en acquérant de nouvelles casernes que d’investir dans la maintenance lourde et la réhabilitation du parc.

b.   Les crédits consacrés à la construction immobilière seront fortement abondés par le Beauvau de la sécurité

S’agissant des acquisitions et constructions immobilières, la gendarmerie sera dotée en 2022 de 94,3 millions d’euros en autorisations d’engagement – dont 70,7 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité – et de 43,7 millions d’euros en crédits de paiement – dont 17 millions d’euros au titre du Beauvau de la sécurité. Le rapporteur se félicite de ces hausses de crédits, tant les besoins immobiliers de la gendarmerie sont criants.

Les 17 millions d’euros du Beauvau de la sécurité permettront :

– à hauteur de 13 millions d’euros, d’engager les premières étapes du projet de construction de la caserne de Balma (acquisition du terrain, lancement des études) ;

– à hauteur de 3 millions d’euros, de déclencher les premières phases du schéma directeur – notamment la réhabilitation du stand de tir – du projet de l’école des officiers de Melun ;

– à hauteur d’un million d’euros, de lancer les études préalables à la reconstruction du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) et à l’extension du GIGN à Satory.

c.   Des crédits de maintenance et de réhabilitation également en hausse grâce au Beauvau

S’agissant de la maintenance et de la réhabilitation des casernes domaniales, il est prévu de doter la gendarmerie de 88,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 57,7 millions d’euros en crédits de paiement. Le projet annuel de performance précise que ce poste de dépenses a été abondé de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 4 millions d’euros au titre du plan de relance et de 16 millions d’euros au titre du Beauveau de la sécurité.

Le rapporteur rappellera ici les principales opérations immobilières financées au cours de la période 2018-2022.

S’agissant du logement :

– le quartier Lemaître à Melun bénéficie de la réfection du clos et du couvert, des pièces humides, de l’électricité et des parties communes ;

– à Versailles-Satory dans les Yvelines, la caserne Delpal fait l’objet d’un projet de réhabilitation globale de ses 374 logements, pour un coût global de 13,8 millions d’euros ;

– à Nanterre (92), la caserne Rathelot fait l’objet d’une réhabilitation globale de ses 658 logements ;

– à Guéret (23), la caserne Bongeot donne lieu à réfection du clos et du couvert ;

– à Rennes (35), les casernes Guillaudot et Audibert font l’objet d’un traitement du clos et du couvert, pour 13,7 millions d’euros ;

– à Issy-les-Moulineaux (92) les bâtiments d’Issy Nord et de Vernadat donneront lieu au traitement du clos et du couvert pour un montant total de 23,5 millions d’euros.

S’agissant de la consolidation des écoles de gendarmerie, seront concernés :

Dijon-Longvic (21), dont la capacité d’accueil sera augmentée pour accueillir cinq compagnies au quartier Geille (25,7 millions d’euros) ; seront également traités les réseaux enterrés de l’école (21,3 millions d’euros) ;

l’école des officiers de la gendarmerie nationale de Melun (77) donnera lieu à la mise en sécurité des corniches et au traitement des façades de six bâtiments, pour un coût de 5,5 millions d’euros.

Par ailleurs, la gendarmerie poursuit son plan de sécurisation des casernes qui profitera au quartier Offner à Grenoble (38) et à Châteauroux (36).

Le traitement des façades amiantées sera effectué à la caserne Pelletier de Saint-Herblain (44) pour un montant total de 5,9 millions d’euros.

La caserne Clisson de Pontivy (56) donnera quant à elle lieu à des travaux de rénovation énergétique (7,1 millions d’euros).

Au titre du volet de rénovation énergétique des bâtiments de l’État du plan de relance, plusieurs opérations en faveur de la gendarmerie seront financées au titre du programme 362 :

– la caserne Laubadère à Mirande (32) donnera lieu à réhabilitation énergétique et 91 logements seront concernés par cette réhabilitation d’un montant de 7,7 millions d’euros ;

– à Grasse (06), la caserne Kellerman donnera lieu au traitement du clos et du couvert et 72 logements seront concernés pour un montant de 6,7 millions d’euros au titre du programme 362 de la mission Plan de relance ;

– à Revigny-sur-Ornain (55), le quartier Maginot bénéficiera d’une réhabilitation globale de ses 157 logements : le quartier donnera lieu à une opération de réhabilitation énergétique grâce à des travaux d’isolation thermique par l’extérieur, au remplacement des menuiseries extérieures et à l’installation d’une ventilation mécanique contrôlée et d’un nouveau mode de chauffage. Le quartier se verra aussi installer des panneaux photovoltaïques permettant l’autosuffisance énergétique du bâtiment des hébergements et du cercle mixte. L’opération sera financée par le programme 362 de la mission Plan de relance, à hauteur de 10,2 millions d’euros.

d.   La position du rapporteur : poursuivre le mouvement de hausse des crédits immobiliers pour les porter à 300 millions d’euros par an

Le rapporteur se félicite que les crédits consacrés à l’investissement de la gendarmerie soient abondés tant par le Beauvau de la sécurité que dans le cadre du plan de relance. Il salue l’ensemble des projets actuellement en cours de réalisation, tant le parc domanial de la gendarmerie est vétuste et mal entretenu, au détriment des familles qui y vivent.

Il juge cependant que les politiques immobilières menées ces dernières années sont essentiellement axées sur la rénovation énergétique des bâtiments alors que ce n’est pas la seule et unique priorité et que les programmes immobiliers ne sauraient se limiter à ce seul objectif.

Si le rapporteur se félicite que les crédits d’investissement immobilier s’élèvent à 183,1 millions d’euros en autorisations d’engagement l’an prochain, il tient aussi à rappeler qu’à moyen terme, le parc immobilier de la gendarmerie nécessite des investissements lourds et continus pour revenir à un niveau viable et éviter une dégradation irréversible. Pour maintenir ce patrimoine, le besoin annuel d’investissement s’élève à 300 millions d’euros ([11]) :

– 200 millions d’euros pour les opérations lourdes (2 000 euros par mètre carré pour 50 ans) ;

– 100 millions d’euros pour les opérations de maintenance corrective (15 à 20 euros par mètre carré par an).

Proposition n° 5 : porter à 300 millions d’euros par an les crédits consacrés à l’immobilier domanial de la gendarmerie et sanctuariser ce montant en loi de programmation pour la sécurité intérieure.

Le rapporteur considère que comme le soulignait son prédécesseur, Aude Bono-Vandorme, dans son avis budgétaire de 2019 sur le projet de loi de finances pour 2020[12], « à défaut d’abondement budgétaire massif et durable, des modes innovants de gestion du parc immobilier deviennent incontournables ». Selon elle, en l’absence de triplement des crédits d’investissement, il serait notamment possible de confier la gestion du parc domanial à une société foncière chargée du maintien en condition, de la gestion et de l’exploitation du parc domanial.

D.   Les crédits d’intervention visent à accorder des subventions d’investissement aux collectivités territorialEs finançant des opérations immobilières

D’un montant de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 6,8 millions d’euros en crédits de paiement, les crédits d’intervention (titre 6) du budget de la gendarmerie visent à financer les subventions d’investissement qui peuvent être accordées aux collectivités territoriales réalisant des opérations de construction de casernes locatives. Comme le rappelle le projet annuel de performance du programme 152, cette aide en capital représente 20 % des coûts plafonds des opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours financier d’autres collectivités. Elle est de 18 % dans les autres cas.

Le tableau ci-dessous illustre l’évolution des dépenses de titre 6 (en millions d’euros) :

 

T6 (M€)

Exécution

2012

Exécution

2013

Exécution

2014

Exécution

2015

Exécution

2016

Exécution 2017

Exécution

2018

Exécution

2019

Exécution

2020

LFI

2021

PLF

2022

Subventions accordées aux coll. territoriales pour la construction de casernes locatives

(décret 28 janvier 1993)

13,9  AE

13,2  CP

3,4  AE

8,8  CP

6,7  AE

11,2  CP

7,5  AE

7,8  CP

6,2 AE

6,4 CP

8,0 AE

6,6 CP

10,0 AE

6,4  CP

11,5  AE

10,1 CP

4,5 AE

9,3  CP

10,0  AE

14,4  CP

10,0  AE

6,8  CP

 

E.   Les fonds de concours et attributions de produits

Les effectifs mis à disposition d’organismes extérieurs tels qu’EDF, la Banque de France ou la SNCF donnent lieu à remboursement des dépenses de personnel pour les prestations fournies. Ce remboursement est estimé à 109,2 millions d’euros sur le titre 2 (dépenses de personnel). Hors titre 2, la gendarmerie devrait recevoir 50 millions d’euros de fonds de concours.

II.   Les préconisations du rapporteur

Comme il l’a indiqué en préambule de cette première partie, le rapporteur salue l’effort majeur du budget de l’État en faveur de la gendarmerie nationale : il estime que cet effort doit être gravé dans le marbre de la future loi de programmation – et même consolidé dans ce cadre (A).

Le rapporteur tient en outre à appeler l’attention de ses collègues sur plusieurs aspects budgétaires, – bis repetita non placent sed utilia sunt – pour certains déjà évoqués dans son rapport de l’an dernier. Il s’agit :

– de la nécessité impérative pour le ministère de l’intérieur de négocier avec le ministère du budget afin de redéfinir le périmètre de la mise en réserve des crédits budgétaires et, ainsi, d’éviter tout effet d’éviction sur les dépenses manœuvrables (véhicules et entretien des casernes) (B) ;

– de l’importance de faire progresser les effectifs et les moyens de la gendarmerie nationale au même rythme que la croissance démographique en zone gendarmerie (C) ;

– de la nécessité de donner des marges de manœuvre budgétaire aux commandants de compagnie – pour leur permettre de réaliser des « plans Poignée de porte » annuels – en créant à leur profit une nouvelle dotation de fonctionnement (D).

Enfin, il partagera avec ses collègues quelques éléments de réflexion concernant l’outre-mer (E).

A.   Une loi de programmation de la sécurité intérieure qui doit pleinement répondre aux besoins structurels de la gendarmerie nationale

Le rapporteur se félicite que nombre des préconisations qu’il a formulées dans son avis budgétaire de l’an dernier aient trouvé un écho favorable dans le discours prononcé par le Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité le 14 septembre dernier à Roubaix. Le Président de la République a notamment annoncé l’élaboration par le ministère de l’intérieur d’un projet de loi de programmation de la sécurité intérieure qui devrait être présenté devant le Parlement au début de l’année 2022. En tant que membre de la commission de la Défense, le rapporteur ne peut que saluer l’utilité et l’efficacité de la programmation budgétaire pluriannuelle et donc se féliciter de cette annonce. Une loi de programmation donne à la fois de la visibilité et un cap.

Dans le cadre de cette loi de programmation, le rapporteur estime que :

– les crédits consacrés à l’immobilier domanial de la gendarmerie doivent être portés à 300 millions d’euros par an ;

– les crédits consacrés à l’entretien du parc doivent être portés à 100 millions d’euros par an ;

– les crédits consacrés à la sécurisation des casernes doivent être maintenus à 15 millions d’euros.

Proposition n° 3 (rappel) : porter à 100 millions d’euros par an les crédits consacrés à l’entretien du parc immobilier de la gendarmerie et sanctuariser ce montant en loi de programmation pour la sécurité intérieure.

 

Proposition n° 5 (rappel) : porter à 300 millions d’euros par an les crédits consacrés à l’immobilier domanial de la gendarmerie et sanctuariser ce montant en loi de programmation pour la sécurité intérieure.

B.   Une réflexion à mener concernant les effets d’éviction, sur l’entretien des véhicules et des casernes, d’une mise en réserve budgétaire de 4 %

Le rapporteur l’a déjà souligné l’an dernier, la mise en réserve des crédits entraîne des effets d’éviction majeurs sur les dépenses manœuvrables.

La mise en réserve, à laquelle se surajoutent l’auto-assurance ministérielle ainsi que les précautions budgétaires prises par le commandement à chaque échelon, s’inscrit dans une logique de précaution : être en mesure de faire face aux aléas de gestion. Si cet objectif ne peut être balayé d’un revers de main, il reste que l’ampleur de la mise en réserve imposée par la direction du budget du ministère des Finances remet en cause, aux yeux du rapporteur, le principe de sincérité du budget voté en loi de finances initiale. Ce n’est, du reste, pas que l’avis du rapporteur. Année après année, la Cour des comptes alerte la représentation nationale sur cet enjeu dans le cadre de ses notes d’exécution budgétaire.

Le taux de 4 % de la mise en réserve, s’impute sur l’ensemble des dépenses de la gendarmerie, hors titre 2, et non sur les seules dépenses manœuvrables, c’est-à-dire non obligatoires. Dès lors, une fois déduits les 64 % de dépenses obligatoires – qui incluent notamment le paiement des loyers –, ce taux de mise en réserve s’avère être de 11 % sur les dépenses non obligatoires (cf. schéma ci-dessous). L’application d’un taux de 11 % de mise en réserve sur ces dépenses a un effet mécanique sur l’entretien des véhicules et des casernes, seules dépenses manœuvrables à la main du gestionnaire.

 

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Selon les informations fournies au rapporteur, la mise en réserve imposée par la direction du budget du ministère des Finances, de 4 % sur le budget hors dépenses de personnel de la gendarmerie, est cette année de 73,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 51 millions d’euros en crédits de paiement.

Quant à l’auto-assurance ministérielle, de 1 % sur le hors titre 2 et excluant également de son assiette les dépenses de loyer, elle s’élève en 2021 à 7,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement. Au total, les crédits gelés sur le programme sont donc de 80,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 58,4 millions d’euros en crédits de paiement.

En 2020 ([13]), la Cour des comptes indique que les dégels en gestion ont porté sur les crédits hors titre 2 mis en réserve, soit 51 millions d’euros en crédits de paiement pour la gendarmerie : la réserve de précaution sur les crédits hors titre 2 a été dégelée dans un premier temps à hauteur de 15 millions d’euros afin de permettre le financement du plan Poignées de porte » puis de 36 millions d’euros afin de couvrir les surcoûts liés à la gestion de la crise sanitaire. Le reste des crédits hors titre 2, de 32 millions d’euros mis en réserve, ont été annulés dans le cadre de la loi de finances rectificative n° 4.

En 2021, selon les informations fournies au rapporteur par le ministère de l’Intérieur, le budget de la gendarmerie a bénéficié d’un report de 216,185 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 26 647 euros en crédits de paiement et a reçu des crédits, au 30 juin dernier, à hauteur de 26,7 millions d’euros AE et CP au titre des fonds de concours et attributions de produits. La consommation des crédits hors titre 2 du programme 152 s’élève à 908 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 731,3 millions d’euros de crédits de paiement au 30 juin 2021. L’ensemble de ces crédits a été « positionné » et exécuté sur l’action 4 du programme 152 « commandement, ressources humaines et logistique ». En outre, 10 millions d’euros de réserve de précaution ont été annulés en loi de finances rectificative en juin dernier. Enfin, le ministère de l’Intérieur indique au rapporteur qu’en août 2021, l’auto-assurance ministérielle avait été dégelée ainsi que 24 millions d’euros de réserve de précaution.

Que dire de tous ces mouvements de crédits opérés après le vote, par la représentation nationale, de la loi de finances initiale, mis à part qu’ils sont peu aisés à suivre, voire carrément illisibles ?

Le rapporteur note qu’un taux de mise en réserve réduit à 0,5 % est déjà appliqué en l’état actuel du droit à certains programmes particulièrement contraints, tels que le programme 109 « Aide à l’accès au logement », le programme 157 « Handicap et dépendance » et le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Il s’agit de programmes dont les crédits portent très majoritairement des dépenses de prestations sociales à destination des ménages, par nature peu mobilisables.

Or, le rapporteur estime que le budget hors titre 2 du programme 152 est en grande partie caractérisé par des dépenses non manœuvrables, telles que les loyers de sorte qu’une fois déduites ces dépenses non manœuvrables, c’est en réalité un taux de 11 % que le responsable du programme 152 doit appliquer aux dépenses manœuvrables, essentiellement l’entretien des véhicules et des casernes. C’est pourquoi le rapporteur préconise l’application d’un taux de mise en réserve de 0,5 % sur le budget hors titre 2 du programme 152.

Proposition n° 6 : Appliquer un taux de mise en réserve de 0,5 % au budget hors titre 2 du programme 152.

C.   Une évolution des effectifs qui doit impérativement correspondre à la croissance démographique en zone gendarmerie

Dans le cadre du plan présidentiel visant à créer 10 000 emplois au profit de la sécurité, il est prévu que la gendarmerie bénéficie de la création de 2 500 postes entre 2018 et 2022. Ces créations d’emplois visent prioritairement à accroître la présence de la gendarmerie sur le terrain et à renforcer ses capacités opérationnelles. En outre, l’analyse des menaces et l’identification des enjeux nouveaux ont conduit la gendarmerie à abonder des unités ne rentrant pas dans le champ des gendarmeries départementale et mobile, mais qui concourent directement à l’efficacité de son action, telles que les unités nationales de police judiciaire, les unités de lutte anti-drones et contre les cyber-menaces et les unités œuvrant à l’adaptation de l’outil de formation.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des effectifs de la gendarmerie départementale :

 

Métropole + outre-mer

2017

2018

2019

2020

06/2021

Évolution

2017/2021

Effectifs GD (en ETP) ([14])

65 439

65 754

66 017

66 263

66 507

+ 1,63%

Habitants en ZGN

33 830 860

33 994 754

34 117 888

34 230 282

34 320 932

+ 1,45%

Source : ministère de l’intérieur

Depuis 2018, la création de la police de sécurité du quotidien a contribué à renforcer les unités de terrain dans 20 départements considérés comme prioritaires, y compris en outre-mer, et dans les quartiers de reconquête républicaine. Les effectifs ultramarins ont fait l’objet d’une attention particulière dans un contexte de tensions qu’a décrit le rapporteur dans son avis budgétaire de l’an dernier.

Ces dotations ont permis, depuis 2017, de compenser en partie le non alignement des effectifs de la gendarmerie nationale sur l’évolution démographique en zone gendarmerie depuis 2012 – croissance évaluée à 4,8 % dans cette zone.

D’autre part, le ministère de l’intérieur a indiqué au rapporteur qu’un effort avait été fourni afin « d’accompagner la dynamique démographique » constatée pour les deux tiers en zone gendarmerie.

S’agissant de la gendarmerie mobile, le ministère a indiqué au rapporteur qu’elle avait bénéficié d’un renforcement confirmé par le schéma national du maintien de l’ordre (SNMO).

 

Données à périmètre missionnel constant

2017

2018

2019

2020

06/2021

Évolution

2017/2021

Effectifs de gendarmerie mobile (en ETP)

14 279

14 281

14 310

14 421

14 447

+ 1,18%

Source : ministère de l’intérieur

Il reste que le rapporteur a été alerté du décalage patent entre évolution des effectifs en zone police et évolution des effectifs en zone gendarmerie au regard des évolutions démographiques précitées. De fait – le rapporteur l’a souligné lors de l’audition du directeur général de la gendarmerie nationale en commission de la Défense le 6 octobre dernier –, la croissance démographique, structurellement plus importante en zone gendarmerie, s’est encore accentuée de manière conjoncturelle en territoires périurbains et ruraux à la suite des confinements successifs. Si le rapporteur se félicite bien évidemment des renforts dont peut bénéficier la police nationale, il appelle l’attention de la représentation nationale sur la nécessité de faire correspondre strictement évolution démographique et évolution des effectifs de la gendarmerie, dans une optique de proximité et de contact avec la population.

Proposition n° 7 : Veiller à faire correspondre strictement évolution démographique en zone gendarmerie et évolution des effectifs de la gendarmerie.

D.   La création d’une dotation de fonctionnement des commandants de compagnie (DF2C)

L’an dernier déjà, le rapporteur avait souligné la nécessité de déconcentrer davantage de crédits au profit des commandants de compagnie afin de leur permettre de mener en quelque sorte, chaque année, des plans « Poignées de porte ». Pour mémoire, le plan Poignées de porte, financé en 2020 grâce à un dégel de la réserve de précaution, a permis d’effectuer des opérations d’entretien et de petits travaux et, ainsi, d’améliorer le cadre de vie et de travail des forces de l’ordre et de leurs familles. S’agissant de la gendarmerie, près de 15 millions d’euros ont ainsi été alloués au financement de 1 700 opérations en 2020.

Pour ne prendre que quelques exemples, le département des Deux-Sèvres s’est vu allouer quelque 110 000 euros, dont plus de 85 000 euros au profit de dix-sept opérations de rénovation dans différentes brigades du département telles que celle de la porte de garage de Lezay ou de la réparation de la couverture des garages de Parthenay. À Niort, des travaux ont été effectués pour renforcer la sécurité « passive » des gendarmes et de leurs familles. Deux bureaux ont également été réhabilités, pour un coût de 15 000 euros, afin de permettre aux gendarmes de réorganiser les locaux et de gagner en confidentialité pour les auditions. Avec un budget global de 313 276 euros, le groupement de gendarmerie départementale de Seine-et-Marne a aussi pu entreprendre des travaux dans ses casernes de Meaux, de Coulommiers, de Fontainebleau et de Melun. À Provins, des opérations ont également été entreprises, à hauteur de 32 384 euros afin d’effectuer la réfection des portes de service, le rehaussement des clôtures et la modification du chenil. Il a également été question de vérifier les toitures, de nettoyer les gouttières et de remplacer les dauphins sur l’ensemble de la caserne.

Le rapporteur se félicite que les gendarmes aient pu procéder à de tels travaux. Il estime néanmoins, en cohérence avec le regard qu’il porte sur la technique de la mise en réserve, que ces derniers ne devraient pas être financés par un dégel de la réserve de précaution mais bien être budgétés en loi de finances. Il estime aussi que le meilleur niveau d’allocation de ces crédits d’amélioration du cadre de vie est la compagnie.

Pour mémoire, il existe environ 371 compagnies en métropole et en outre-mer. Premier échelon de manœuvre de la gendarmerie, la compagnie est, selon les termes du général d’armée Richard Lizurey, « le véritable pivot de l’action territoriale, suffisamment proche des habitants pour être au cœur des enjeux de terrain ». La compagnie couvre l’activité de toutes les brigades territoriales de son périmètre. La majorité des compagnies dispose d’un peloton de surveillance et d’intervention (PSIG) et d’une brigade de recherches prenant le relais des brigades territoriales quand les enquêtes exigent un savoir technique poussé.


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Le rapporteur préconise, sur le modèle de la dotation de fonctionnement des unités élémentaires (DFUE), la création d’une dotation de fonctionnement des commandants de compagnie, la DF2C, qui serait en quelque sorte un plan Poignées de porte annuel, pérennisé en loi de finances voire en loi de programmation de la sécurité intérieure.

Proposition n° 8 : créer une dotation de fonctionnement des commandants de compagnie.

E.   Les réflexions du rapporteur sur l’outre-mer : le cas de la Guyane

S’étant rendu en Guyane pour y rencontrer la gendarmerie, dans la continuité de son rapport de l’an dernier, le rapporteur souhaiterait partager avec la représentation nationale sa réflexion sur ce territoire ultramarin en abordant trois enjeux principaux :

– l’insécurité ;

– le manque d’attractivité du territoire pour les gendarmes ;

– les problèmes de soutien des personnels sur place.

1.   Comment répondre aux enjeux de sécurité dans la zone de compétence de la gendarmerie ?

La situation de la Guyane se caractérise depuis plusieurs années par sa progression démographique, sa situation économique et un environnement international de grande pauvreté. La gendarmerie y est confrontée à des enjeux de sécurité majeurs et concomitants :

– une délinquance d'appropriation violente renforcée par une forte circulation des armes à feu en Amérique du Sud ;

– une immigration irrégulière soutenue et difficilement contrôlable, facilitée par des frontières perméables ;

– un pillage massif des ressources essentiellement constitué par l'orpaillage illégal et la pêche illégale ;

– le trafic des produits stupéfiants véhiculés par des « mules » via l’aéroport de Cayenne ;

– une augmentation inquiétante de la violence sur les gendarmes ;

– la sécurité du centre spatial, site d’importance stratégique majeure.

La gendarmerie fait face à ces menaces à l’aide d’un fort engagement puisque 7 escadrons de gendarmerie mobile y sont déplacés depuis décembre 2016 et que les effectifs ont augmenté de 90 ETP en 2 ans.

a.   Une délinquance particulièrement violente

On recense en Guyane près d’un vol à main armée (VAMA) par jour puisqu’il y en a eu 313 en zone gendarmerie en 2020, dont les deux tiers (189) avec menace d’une arme à feu. La circulation des armes à feu en Guyane et le contexte de l’Amérique du Sud expliquent en grande partie cette situation. En 2020, une baisse conjoncturelle des violences crapuleuses (-15 %) et des VAMA (-8 %) a pu être constatée en raison des mesures de confinement et de couvre-feu (5 mois), mais ce type de fait constitue une tendance de fond de la délinquance en Guyane.

Les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont augmenté de 3 % en 2020 en raison de la forte progression des violences physiques non-crapuleuses, parmi lesquelles les violences intrafamiliales – qui ont augmenté de 13 % en 2020.

On enregistre en Guyane des taux de criminalité records s’agissant des faits les plus graves :

On assiste en Guyane à une immigration irrégulière soutenue, de Brésiliens à l’est et d’Haïtiens par l’ouest via le Suriname, une immigration difficilement contrôlable du fait de la porosité des frontières ainsi que de la faiblesse des outils législatifs pour y répondre avec efficacité ;

La Guyane est victime d’un pillage massif des ressources : l'orpaillage illégal et la pêche illégale constituent des atteintes à la souveraineté, des fléaux environnementaux et le moteur de multiples phénomènes criminels en forêt comme dans les villes côtières.

Ce territoire est aussi le lieu d’un important trafic de stupéfiants en raison de la proximité des principaux pays producteurs de cocaïne ; la Guyane est une zone de transit de la cocaïne avec les « mules » qui embarquent par avion vers la métropole. De grosses saisies récentes démontrent que le transport maritime des containers est également vecteur du trafic de drogue entre la Guyane et l’Europe.

Les violences sur les gendarmes ont fortement augmenté depuis 2016.

La protection du centre spatial guyanais reste le pôle majeur de l’activité économique directe et indirecte de la Guyane, mais qui fixe une partie des forces de la gendarmerie (90 gendarmes sous convention Gendarmerie/CNES).

b.   Des enjeux démographiques majeurs

La zone gendarmerie est caractérisée par une explosion démographique, notamment à l’ouest, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Maripasoula et à Grand-Santi – au contraire de Cayenne qui connaît une faible progression :

La Guyane se caractérise par une population très jeune qui continue de rajeunir :

Dans les communes de Maripasoula et Papaïchton, l’augmentation de la population est d’environ 7 % par an pour un total de 20 040 habitants en 2020. À ce rythme, ces deux communes du Haut-Maroni dépasseront les 35 000 habitants dans dix ans. En 2020, le ratio gendarme/habitant est de 1 pour 1 670 (12 gendarmes pour 2 040 habitants), supérieur au ratio moyen en Guyane (1 pour 939 habitants). Avec les renforts de 4 GM, ce ratio est ramené à 1 pour 1 178.

De surcroît, la délinquance y est de plus en plus prégnante. Un gendarme constate à lui seul 46 crimes et délits en moyenne par an (hors renfort de gendarmes mobiles), ce qui constitue un ratio comparable à la moyenne des communes en zone de sécurité prioritaire (51 crimes et délits/gendarme/an). La situation de la communauté de brigades de Maripasoula mérite l’attention, sans compter les perspectives d’évolution de la population, il faudrait abonder les effectifs de 8 ETP supplémentaires pour atteindre un ratio moyen de 1 gendarme/1 000 hab.

Le territoire est un terreau de délinquance favorisé par une évolution sociétale et économique défavorable : 43 % de la population a moins de 20 ans. Les infrastructures immobilières sont particulièrement insuffisantes. Les perspectives économiques sont très faibles, notamment dans l’Ouest guyanais où la croissance démographique est la plus forte.

c.   Les réponses apportées par la gendarmerie

Les 672 militaires et personnels civils de la gendarmerie sont appuyés par 525 gendarmes mobiles. Sept escadrons de gendarmes mobiles ont été déplacés dans le département depuis décembre 2016, ce volume ayant réduit à 6 escadrons de gendarmerie mobile (EGM), soit 453 gendarmes mobiles depuis novembre 2020. La ressource en gendarmes mobiles est toutefois peu manœuvrable du fait de missions permanentes assurées par la gendarmerie : un EGM assure la sécurité du Centre spatial guyanais (CSG), deux EGM sont engagés dans l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal, un EGM assure les extractions judiciaires et transfèrements et un demi EGM tient les postes de contrôle routier de Régina et Iracoubo. Reste ainsi une ressource de 2,5 EGM au mieux pour assurer les missions de maintien de l’ordre et renforcer les unités dont un demi EGM exerce en zone police.

95 postes supplémentaires de militaires de la gendarmerie ont été créés en 3 ans, entre 2017 et 2019, un effort particulier ayant été accompli dans les 3 ZSP, notamment celle de Saint-Laurent-du-Maroni où près de la moitié de ces renforts a été concentrée. Un officier de liaison a été placé en 2018 auprès du préfet de Guyane, chargé de la coopération policière avec le Suriname.

d.   Les préconisations du rapporteur pour améliorer les capacités opérationnelles de la gendarmerie en Guyane

À fin d’amélioration les capacités opérationnelles de la gendarmerie en Guyane, le rapporteur préconise tout d’abord de poursuivre le renforcement des effectifs du commandement de la gendarmerie (COMGEND) pour faire face à une poussée démographique ainsi qu’une activité criminelle durable. Il estime qu’il conviendrait d’augmenter au fur et à mesure le tableau des effectifs autorisés des unités opérationnelles du COMGEND, sans négliger les unités d’appui opérationnel et les soutiens, afin de faire face à la forte augmentation démographique constatée dans certains secteurs géographiques de la Guyane, notamment dans l’Ouest. Il préconise aussi d’améliorer la capacité d’intervention de l’antenne du GIGN de Cayenne dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal, en augmentant son TEA de 10 ETP. Il suggère aussi d’augmenter de manière significative le tableau des effectifs autorisés de la section de recherches de Cayenne pour tenir compte de la surreprésentation de la criminalité dans ses formes les plus violentes et installée de manière durable en Guyane (proportion d’homicides et de VAMA très supérieure à la moyenne nationale, groupes criminels brésiliens – factions – désormais installés en Guyane, trafics de stupéfiants…), ainsi que de la complexité du travail d’investigations en forêt qui augmente de manière continue (VAMA dans les mines légales, bandes armées liées à l’orpaillage illégal…).

Le rapporteur propose aussi d’accroître les capacités d’intervention, à commencer par la capacité aéromobile de la gendarmerie, en dotant la section aérienne de gendarmerie de Cayenne de 2 hélicoptères légers du même type et d’un hélicoptère multi-rôles (type H160 – capacité d’emport d’un groupe de 10 militaires) équipé d’une caméra thermique. Il conviendrait aussi d’accroître la capacité d’action de la gendarmerie sur les fleuves en créant deux brigades fluviales dans l’Ouest guyanais, à Saint-Laurent du Maroni et à Maripasoula, et en dotant les unités fluviales d’embarcations adaptées à leur environnement spécifique (embouchure des fleuves, nécessité de pouvoir naviguer dans la boue, pontons mobiles…) ainsi qu’une capacité de vision nocturne.

Le rapporteur suggère d’améliorer la capacité d’action de l’antenne du GIGN en forêt et au maintien de l’ordre en la dotant des capacités de renseignement tactique ou matériels qui lui manquent (drone, armements, explosif, vision nocturne, véhicule léger blindé, NRBC, systèmes d’information et de communication durcis captant la très haute fréquence, le tracking des opérations en forêt, formation au secours au combat de niveau 2) ; d’améliorer les capacités cynophiles de la gendarmerie, eu égard à l’étendue géographique de la Guyane ; de pourvoir à court terme au remplacement du réseau radio utilisé actuellement et en fin de vie, en lui substituant un réseau radio sécurisé de type réseau radio du futur qui pourrait faire l’objet d’une expérimentation en Guyane.

Le rapporteur insiste sur la nécessité d’améliorer les capacités d’investigations criminelles de la gendarmerie. Il conviendrait de créer les structures adaptées pour faire face à un niveau de criminalité record et tenir compte de l’installation de groupes criminels brésiliens en Guyane, mais aussi de l’étendue géographique de la Guyane – dont la superficie équivaut à celle de l’Autriche – en faisant porter l’effort dans l’Ouest. Il conviendrait aussi de doter le groupement d’observation et de surveillance de Cayenne de toutes les capacités d’investigations prévues par la loi Perben II – telles que la sonorisation – et de filature en moto. Le rapporteur suggère d’augmenter sensiblement le volume des locaux de garde à vue dans les trois zones de sécurité publique, y compris à Cayenne, et de créer un centre de coopération policière et douanière franco-surinamais sur le Maroni et un poste d’attaché de sécurité intérieure résident à Paramaribo (en transformant le poste de l’OL à la préfecture de Guyane).

2.   Des enjeux majeurs en termes de ressources humaines

Le commandement de la gendarmerie de la Guyane est confronté aux mêmes problématiques que les commandements métropolitains et ultramarins en matière de gestion du personnel. Cependant, la spécificité et les contraintes particulières du département ont une grande influence sur les militaires de la gendarmerie appelés à y servir, et nombre d’entre eux éprouvent de grandes difficultés à y faire face. Il en découle des contraintes de gestion très spécifiques qui ont des conséquences majeures sur la capacité opérationnelle des unités. En effet, la Guyane s'étend sur 83 533 km2, soit un sixième de la métropole ou l’équivalent de la région Aquitaine. Selon l'INSEE, la Guyane est composée à 59 % de communes isolées hors influence des pôles. Pour la gendarmerie, 4 unités sont dites isolées (unités du fleuve), car elles ne disposent pas d'accès par la voie routière (Maripasoula, Papichton, Grand-Santi et Camopi).

a.   La faible attractivité du territoire guyanais

Chaque année, le COMGEND Guyane renouvelle entre 25 et 30 % de son effectif. En gendarmerie, la Guyane n'est pas un département attractif. Arrivant souvent dans les derniers choix d'affectation des militaires (avec Mayotte), cela contraint souvent le gestionnaire qu’est le commandant de la gendarmerie en outre-mer (CGOM) à agréer des militaires qui ne disposent pas toujours du profil idoine ou présentant les meilleures garanties, ce qui a parfois comme conséquences :

des réductions de séjour : les militaires de la gendarmerie sont affectés pour 3 ans en Guyane. Pour des raisons presque exclusivement liées aux difficultés d'adaptation du militaire ou de sa famille, certains sont amenés à demander une réduction de leur séjour à 2 ans ou l'annulation de la prolongation accordée pour une quatrième année ;

– des rapatriements sanitaires (RAPASAN) : motivés par l'inaptitude à servir outre-mer, ils sont dans tous les cas la conséquence d'une décision médicale émanant du service de santé des armées. Ces retours anticipés sont souvent liés à un surmenage ou à des dépressions à la suite des difficultés d'adaptation du militaire ou de sa famille (4 en 2019) ;

– des retours anticipés de la famille : de nombreux conjoints rejoignent la métropole dès la première année d’affectation du militaire pour inadaptation. Cette situation a pour effet de fragiliser le militaire par un célibat géographique transatlantique et entraîne souvent une demande de réduction de séjour. Ce type de célibat géographique a également des conséquences sur le service des unités (permissions de longue durée à échéances régulières, accumulation de fatigue...). Ces départs imprévus et souvent rapides (2 à 3 mois suivant l’affectation) génèrent un trou à l'emploi pour l’unité et obèrent ainsi sa capacité opérationnelle.

b.   Comment renforcer l’attractivité du territoire guyanais ?

Pour améliorer l’attractivité de la Guyane pour les gendarmes, le rapporteur préconise :

– de créer une indexation spécifique de la solde pour les militaires servant dans les unités isolées sur les fleuves ;

– d’aligner les militaires y servant sur la majoration de traitement accordée aux fonctionnaires (40 %) pour tenir compte de la fermeture des économats des armées depuis déjà de nombreuses années ;

– d’augmenter les unités éligibles à la nouvelle bonification indiciaire et d’octroyer une bonification d’ancienneté pour l’avancement d’échelon ;

– de reconnaître la pénibilité du service en forêt (indemnité de service en campagne ou équivalent, accession plus rapide à la médaille outre-mer, bonification des opérations terrestres ou aéromobiles…) ;

– et d’augmenter la durée du séjour (6 à 8 ans) pour les militaires servant dans des postes difficiles à combler ou ceux ayant consenti un réel effort de formation pendant leur séjour (ex : instructeur forêt, langue portugaise).

Pour accroître la qualité de vie des familles en Guyane, le rapporteur suggère :

– de réserver des places en crèche dans les agglomérations importantes ;

– de créer une cellule d’accompagnement des conjoints dans leur recherche d’emploi ;

– de concéder, au mieux, un voyage avec la famille vers la métropole en cours de séjour et pris en charge par l’État pour les militaires servant plus de 3 années consécutives, à défaut, en négociant une vraie réduction de tarifs avec les compagnies aériennes (en l’étendant dans ce cas aux Antilles) ;

– d’exonérer d’octroi de mer les colis privés (exonération individuelle et limitée en valeur par année civile) ;

– enfin, d’instaurer un dispositif d’acheminement du fret privé pour les militaires servant dans les brigades isolées sur les fleuves (Camopi, Grand-Santi, Papaïchton et Maripasoula).

Il semble par ailleurs impératif d'augmenter au fur et à mesure le tableau des effectifs autorisés des unités opérationnelles du COMGEND, sans négliger les unités d’appui opérationnel et les soutiens, afin de faire face à la forte augmentation démographique constatée dans certains secteurs géographiques de la Guyane. Cette mesure aurait pour effet de lutter contre l’épuisement des militaires, exposés à un climat difficile, à une violence régulière lors des interventions, à un niveau de disponibilité supérieur à la moyenne pour les unités à effectif réduit, ainsi qu’à des missions spécifiques à un département atypique (missions en forêt...).

c.   L’importance du recrutement local

L'enjeu majeur en matière de recrutement en Guyane est celui des gendarmes adjoints volontaires (GAV). Les GAV employés en Guyane sont majoritairement recrutés et formés localement. Le COMGEND Guyane a formé 8 promotions depuis 2013. Cette possibilité octroyée au COMGEND de former localement présente un double avantage :

- de permettre aux unités d'accueillir des personnels ayant une bonne connaissance des particularités liées au territoire, à la culture et parfois même une maîtrise des dialectes locaux, une mesure qui permet partiellement de compenser le volume très faible de sous-officier d’origine guyanaise dans les unités du COMGEND ;

- d'agir sur un volet social en créant localement de l'emploi, dans un département où la jeunesse est importante et où le taux de chômage est record.

Cependant, cette solution présente des limites : d’une part, le bassin de recrutement a un niveau scolaire très faible. D’autre part, peu de structures sont en mesure d'accueillir ce type de formation. Il est donc fait recours aux établissements scolaires, limitant ainsi les possibilités de formation aux seules vacances estivales, afin de couvrir la période d’apprentissage en école de neuf semaines. Cela entraîne des trous à l'emploi de plusieurs mois pour tous les départs en cours d'année.

Par ailleurs, dans le cadre des accords de Guyane de 2017, il était prévu d'augmenter de 14 les effectifs de GAV. Ces effectifs étaient destinés à la fois à répondre aux attentes sociales (création d'emploi) mais également opérationnelles en renforçant les unités les plus sollicitées ou les plus isolées (notamment avec des personnels détenant des compétences linguistiques).

Il devient indispensable de pouvoir obtenir ces effectifs annoncés en 2017, mais également d'obtenir la capacité de mettre en école plus de stagiaires, afin de créer un vivier et donc de limiter les vacances de postes en cours d'année. Cette augmentation des effectifs de GAV favorise également le recrutement des sous-officiers locaux et par voie de conséquence, sur le long terme, un potentiel retour des natifs pour servir en Guyane.

Il pourrait également être envisagé de créer un statut de militaire du rang engagé longue durée pour servir exclusivement en Guyane.

3.   Des enjeux majeurs de soutien des personnels

Le parc automobile du COMGEND est vieillissant avec une moyenne d’âge générale située à 7,2 ans pour la gamme « opérationnelle », qui comporte 306 véhicules et une moyenne d’âge à 28 ans pour la gamme « tactique », qui comprend 74 véhicules et quatre VBRG. Les conditions climatiques locales particulièrement éprouvantes pour le matériel constituent un facteur aggravant. La gamme nautique compte sept motos marines, quinze pirogues et une embarcation de type pêche en aluminium. Tous ces matériels sont surannés et leur taux de disponibilité est très faible. Les plans annuels de renouvellement automobile ne permettent pas d’enrayer le phénomène de vieillissement du parc automobile. Faute de budget dédié, le COMGEND doit consacrer une partie de son budget au renouvellement des moyens nautiques dédiés à cette mission.

Les difficultés logistiques d’intervention sur les « unités du fleuve » (transport des pièces détachées, projection des mécaniciens, délai et durée des interventions...) restent non négligeables, avec des coûts de projection et d’acheminement prohibitifs.

Les véhicules de la gamme commerciale sont inadaptés aux besoins des « unités du fleuve ». Ils manquent de rusticité et doivent être rapatriés régulièrement pour les contrôles techniques. Jusqu’à présent ces unités étaient dotées de véhicules de la gamme tactique (P4), véhicules rustiques. Or, ces derniers sont arrivés en fin de vie. Le rapporteur estime qu’il faudrait remplacer ces P4 par des Arquus VT4.

En outre, la chaleur et le fort taux d’humidité rencontrés en Guyane entraînent un vieillissement prématuré des matériels. Certains nécessitent un stockage adapté (climatisation), y compris en unité opérationnelle. Les infrastructures actuelles ne le permettent pas toujours. À titre d’exemple, les effets de l’oxydation et l’instabilité des réseaux électriques ne permettent pas de conserver les équipements électroménagers plus de 4 ans.

En 2020 les Forces Armées en Guyane (FAG) ont décidé de recentrer leur activité de transport au profit de la gendarmerie dans le seul cadre du protocole « TOUCAN » relatif à la lutte contre l’orpaillage illégal. Ce protocole permet la gratuité de l’acheminement du fret uniquement dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal. Désormais tout autre transport de fret est payant et en fonction des disponibilités des vecteurs. La contraction du soutien des forces armées en Guyane en matière d’acheminement aérien a des conséquences directes sur le soutien logistique des unités et réduit l’attractivité des « unités du fleuve » car elle concerne directement les familles des gendarmes qui y sont affectés. Depuis le retrait des Forces Armées en Guyane de la commune de Camopi, il n’y a plus de liaisons régulières par VAM. Aucune liaison commerciale n’est venue compenser ce manque de moyens aériens. Depuis, le transport de fret ou de militaires par voie aérienne ne peut intervenir que par le biais de la section aérienne de la gendarmerie. Les familles ne peuvent pas bénéficier de ce moyen. Les liaisons fluviales entre Saint-Georges et Camopi nécessitent selon la saison plus d’une journée.

 

 


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   Seconde partie : atouts et enjeux de la militarité du gendarme

Force armée et force de sécurité intérieure, la gendarmerie repose sur deux caractéristiques consubstantielles et interdépendantes : la territorialité et la militarité. Sans son statut militaire, la gendarmerie tout comme son maillage territorial cesseraient d’exister. S’imposerait, en effet, une concentration des effectifs pour obtenir l’effet de seuil aujourd’hui nécessaire au fonctionnement d’un commissariat. Près de deux brigades sur trois devraient ainsi fermer. L’exemple d’un pays voisin offre une parfaite modélisation : la disparition de la gendarmerie belge a créé un « désert de sécurité » hors des grandes agglomérations où se concentre désormais l’action des polices communales.

La militarité du gendarme s’exprime au travers de principes garantissant sa cohérence et son efficacité. Fruit de son histoire, la gendarmerie conserve des liens avec le ministère des Armées. En tant que force armée, la gendarmerie garantit à l’État une capacité unique de gestion de tout type de crise tout en offrant un standard satisfaisant de sécurité sur l’ensemble du territoire national.

I.   Les caractéristiques et atouts de la militarité du gendarme

A.   esprit de sacrifice, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité

Lorsque le gendarme revêt pour la première fois l’uniforme, non seulement il souscrit un engagement juridique mais il adhère aussi librement à un corpus de valeurs et de représentations qu’ont fait vivre avant lui les hommes et les femmes qui l’ont précédé dans la gendarmerie au service de la France. Ce sont ces valeurs qui doivent guider son action en tout temps et en tout lieu, tant dans le cadre de ses missions de sécurité que de ses missions de souveraineté, en temps de paix comme en temps de guerre.

1.   L’esprit de sacrifice

L’article 1er de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires dispose que l’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité.

2.   La discipline

Le statut militaire assujettit les gendarmes à l’ensemble des règles de la discipline militaire. Il les prive notamment du droit de grève et du droit syndical, limite leur droit d’expression, en vertu des articles 7 à 11 de la loi de 2005 précitée, et les contraint en principe à la disponibilité, aux termes de son article 12.

3.   La disponibilité

En vertu de l’article L. 4145-2 du code de la défense, les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d’exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et obligations particulières en matière d’emploi et de logement en caserne.

Cette disponibilité statutaire a deux traductions très concrètes : sur le temps de travail d’une part, et, d’autre part, sur la mobilité géographique.

a.   La disponibilité en temps

En matière de temps de travail, la disponibilité interdit la quantification ou la rémunération différenciée du temps de travail en fonction du moment – week-end, jours fériés, etc. – et des astreintes. Ainsi, aucun quotient multiplicateur n’est appliqué aux récupérations et il n’y a ni heures supplémentaires ni rémunération des astreintes.

Le rapporteur revient infra dans son rapport sur les développements récents de la jurisprudence européenne en matière de temps de travail des militaires, enjeu majeur pour la gendarmerie nationale.

b.   La disponibilité dans l’espace

Sur le plan géographique, la disponibilité du gendarme a pour corollaire le principe de mobilité en tout temps et en tout lieu, parfois contre les aspirations des militaires, surtout lorsqu’il s’agit de les affecter dans des zones du territoire moins dynamiques – où la recherche d’emploi du conjoint de gendarme peut parfois s’avérer difficile. Le principe de disponibilité et son corollaire, la mobilité géographique, permettent ainsi d’éviter les « trous à l’emploi » que susciterait inexorablement un système d’affectation des personnels s’appuyant exclusivement sur le volontariat.

4.   Le loyalisme

Le statut exige des militaires un loyalisme impliquant la fidélité à l’autorité politique légitime. L’article L. 4122-1 du code de la défense dispose que les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l’exécution des missions qui leur sont confiées. Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales.

L’article 4 de la charte du gendarme précise qu’au titre de la défense et de la sécurité nationale, le gendarme contribue à la liberté et à la continuité de l’action du gouvernement et des institutions. Il peut être engagé individuellement ou avec son unité, en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances, notamment en période de crise ou de conflit armé, pour maintenir ou rétablir la paix ou l’ordre publics.

5.   La neutralité politique, philosophique et religieuse

Aliénant sa liberté motu proprio pour l’honneur de servir, le militaire accepte non seulement d’exposer sa vie pour la défense des intérêts supérieurs de la Nation mais aussi d’être soumis à une obligation de réserve plus stricte que celle des fonctionnaires. L’article L. 4121-2 du code de la défense prévoit que les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres mais qu’elles ne peuvent être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire.

L’article L. 4121-3 du code de la défense précise qu’il est interdit aux militaires en activité de service d’adhérer à des groupements ou associations à caractère politique.

Néanmoins, les militaires peuvent être candidats à toute fonction publique élective ; dans ce cas, l’interdiction d’adhésion à un parti politique est suspendue pendant la durée de la campagne électorale. En cas d’élection et d’acceptation du mandat, cette suspension est prolongée pour la durée du mandat. Les militaires qui sont élus et qui acceptent leur mandat sont placés dans la position de détachement. Une exception à cette règle, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, a été prévue en loi de programmation militaire pour 2019-2025 ([15]) : les militaires en activité peuvent désormais cumuler leurs fonctions avec un mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et un mandat de conseiller communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 25 000 habitants. Toutefois, les officiers et sous-officiers de gendarmerie, ainsi que les officiers du corps technique administratif à partir du grade de commandant, ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. Enfin, les fonctions de maire, de maire délégué, d’adjoint au maire, d’adjoint au maire délégué et de président ou vice-président d’un EPCI ou d’un syndicat mixte sont incompatibles avec celle de militaire en position d’activité.

B.   Des liens étroits demeurent avec le ministère des Armées

En raison de son histoire et de son statut de force armée, la gendarmerie nationale conserve des liens étroits avec le ministère des Armées dans les soutiens, la formation et la chancellerie.

Mise en application afin de déterminer les conditions du soutien de la gendarmerie par les services du ministère de la défense à partir de 2008, à la suite du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur, la délégation de gestion cadre témoigne des liens qui continuent d’unir la gendarmerie au ministère des Armées. Ce dernier la soutient dans des domaines spécifiques tels que l’ordonnancement secondaire des dépenses et des recettes de la solde, le maintien en condition opérationnelle de l’ancien système de solde PSIDI, la liquidation des dossiers de pensions, le soutien santé, l’action sociale et les transports.

S’agissant de la formation initiale, socle d’apprentissage commun aux forces, le ministère des Armées demeure compétent pour déterminer, sur proposition du ministère de l’Intérieur, l’organisation, le contenu et la durée des formations initiales des militaires de la gendarmerie, quel que soit leur corps d’appartenance – officier comme sous-officier.

En outre, une partie de la politique de valorisation des personnels de la gendarmerie nationale est encore intégrée à la chancellerie positive du ministère des Armées. Celle-ci se traduit par des récompenses – lettres de félicitations, témoignages de satisfactions, etc. – et des décorations spécifiquement attribuées aux gendarmes en leur qualité de militaires – médaille militaire, médaille de la Défense nationale etc. De même, sa politique disciplinaire, se traduisant par des sanctions en cas de manquement, trouve sa source dans le code de la défense et s’appuie sur une pratique militaire ancienne, héritée du règlement de discipline générale dans les Armées.

C.   Les atouts du statut militaire pour le modèle de sécurité français

1.   Un maillage territorial très fin

Le statut militaire implique que les gendarmes peuvent être appelés en tout temps et en tout lieu. Cette disponibilité permet d’assumer efficacement la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire national de même que l’égalité de tous les citoyens devant le service public de sécurité et la montée en puissance en cas de crise. Elle garantit notamment le maintien du maillage territorial de la gendarmerie offrant ainsi à la population un continuum géographique sécuritaire des espaces ruraux jusqu’aux zones urbaines.

2.   Une capacité de montée en puissance rapide

L’obligation de disponibilité qui incombe aux gendarmes n’a pas le même sens que pour les militaires ordinaires qui ne sont requis que pour des événements exceptionnels, à caractère généralement international. Compétente sur 96 % du territoire au profit de 51 % de la population française, la gendarmerie doit faire face à des événements récurrents relevant de la vie ordinaire en temps de paix – événements tels que les crimes, délits, intempéries, accidents, manifestations, escortes, actions de forcenés, disparitions inquiétantes etc. Si le climat social et les situations exceptionnelles peuvent accroître l’occurrence de tels événements, les sollicitations quotidiennes des gendarmes augmentent mécaniquement avec la population. Or, la croissance démographique en zone gendarmerie a été de 5,2 % entre 2009 et 2019. Ces sollicitations nécessitent des dispositifs opérationnels adaptés impliquant une capacité de montée en puissance rapide pour pouvoir y faire face et tenir dans la durée. La mobilisation de 106 des 109 escadrons de la gendarmerie mobile le 8 décembre 2018 au plus fort de la crise des gilets jaunes ou encore l’engagement de 60 000 à 65 000 militaires par jour en moyenne en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire en témoignent.

3.   La faculté de faire face aux situations extrêmes

Inscrivant son action dans un continuum paix-crise-guerre – une action qui dépasse donc largement les missions de sécurité du quotidien –, la gendarmerie est indispensable à la réussite de nombreuses missions. Elle doit ainsi être capable d’agir rapidement aussi bien pour des missions extérieures que sur le sol national, en temps de guerre comme de paix ou lors de crises. L’organisation militaire de la gendarmerie, de même que sa composante blindée et ses moyens aériens, lui octroient une capacité de projection rapide et une interopérabilité en situation de crise comme en opération extérieure (OPEX) avec les armées.

La gendarmerie mobile, forte d’environ 14 000 militaires mobilisables en tout temps et en tout lieu, formée au maintien de l’ordre dans des conditions sécuritaires dégradées, assure un socle de missions permanentes important en territoire ultramarin – où 20 escadrons de gendarmes mobiles sont engagés – comme en OPEX.

Par ailleurs, en matière de planification et de gestion de crises, la DGGN s’est dotée en 2021 d’un centre national des opérations (CNO) et d’unités « miroir » régionales, les centres zonaux des opérations (CZO) agrégeant les fonctions d’état-major telles que définies par la nomenclature de l’OTAN (J1 à J9) afin de prendre en compte l’ensemble des enjeux d’une mission.

Le centre national des opérations, nouvel état-major de la direction des opérations et de l’emploi

Confrontée à des crises pérennes, la gendarmerie a adapté ses modes de fonctionnement et ses moyens pour apporter une réponse plus efficace. La direction générale de la gendarmerie, notamment la direction des opérations et de l’emploi, a ainsi développé ses outils et unités de gestion de crise et a mis en place depuis 2018 le centre des opérations, outil de gestion de crise au niveau national, en lien avec le CROGEND. Pour harmoniser l’action de ces entités et mieux coordonner les opérations de la gendarmerie, la DGGN a réuni l’ensemble des fonctions Opérations de l’échelon central au sein du centre national des opérations. Fondé sur la démarche Gend 20.24 fixée par le DGGN depuis 2019, le CNO est ainsi, aux côtés de ses partenaires, un acteur majeur de la gestion de crise.

Le centre national des opérations (CNO) a pour objet de prendre en compte les événements d’ampleur et les crises auxquels sont régulièrement confrontés les échelons territoriaux de commandement, tout en optimisant et en facilitant l’emploi des moyens nationaux. Il intègre des officiers de liaison de certains services et directions : sous-direction de la police judiciaire (SDPJ), sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO), direction des personnels militaires (DPM), service d’information et de relations publiques de la gendarmerie (SIRPA) – commandement de la gendarmerie outre-mer (CGOM) et GIGN. En outre, le CNO dispose de points de contact au sein du Service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSI²), de la direction des soutiens et des finances (DSF), du commandement des réserves de la gendarmerie (CRG), du ST et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

La Haute autorité d’astreinte (HAA) est désormais le point de contact opérationnel à la direction générale de la gendarmerie nationale pour les échelons territoriaux de commandement. Également interlocutrice directe des hautes autorités, elle garantit la continuité d’action du CNO et des échelons de commandement locaux qui peuvent la solliciter si nécessaire. Certaines situations sont susceptibles de mettre en tension les échelons locaux de commandement. Dans de telles situations, le CNO peut basculer sur un mode de suivi renforcé en mettant sur pied un groupe de suivi et de conduite des opérations (GSCO). Une ressource appui, issue de la DOE, des autres directions et des services, est mobilisable selon la nature, la typologie et la concomitance des crises. Si la situation l’exige, le chef du CNO peut décider de projeter au choix un groupe de planification opérationnelle (GPO) ou un groupe d’appui aux opérations (GAO) destiné à renforcer en moyens et expertises l’état-major gendarmerie qui pilote la crise localement. Le CNO peut également fournir la ressource sollicitée pour armer les postes dédiés à la gendarmerie au sein des différentes composantes de la cellule interministérielle de crise (CIC).

Le CNO regroupe 100 militaires répartis en trois fonctions : la veille opérationnelle, la planification et la conduite.

La veille opérationnelle est assurée par quarante militaires, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Le CNO est le point de remontée unique et obligatoire de l’information opérationnelle en provenance du terrain. Il assure cette veille sur l’actualité et l’activité opérationnelle de la gendarmerie en métropole comme en outre-mer afin de renseigner en temps réel les hautes autorités de l’institution et de l’État sur la réalité des faits et l’action de la gendarmerie. La veille du CNO intègre le centre national de sécurité des mobilités (CNSM). En cas de crise, elle assure la remontée d’information jusqu’à l’activation du groupe de suivi et de coordination opérationnels.

Quarante militaires pouvant armer un groupe projetable assurent la conduite et de la planification des opérations. Cette fonction est organisée selon le format « OTAN » ([16]). Ces militaires planifient et conduisent les grands événements et les missions d’ampleur nationale, voire internationale, en coordination avec les échelons territoriaux de commandement de la gendarmerie et leurs partenaires. Le service de soutien à la projection opérationnelle (SSPO) est rattaché fonctionnellement au CNO, lui offrant une capacité logistique réactive et flexible.

La gestion de l’information opérationnelle est assurée par huit militaires sept jours sur sept, sous l’autorité de l’état-major du CNO. Cette fonction a pour objet d’assurer au quotidien la veille et la gestion des messageries dédiées du CNO, la transmission des messages et des documents vers les destinataires ad hoc, en particulier les services miroirs au sein du ministère de l’Intérieur. Au cœur de la gestion de crise, les personnels du bureau du management de l’information opérationnelle sont les garants de la continuité du service et assurent toutes les tâches administratives au profit des personnels du CNO.

4.   Un facteur de résilience des forces de sécurité intérieure

Dans les situations d’ordre public les plus tendues, notamment en outre-mer, le déploiement d’unités militaires pour rétablir l’ordre garantit au ministère de l’Intérieur la maîtrise des opérations. Grâce à la rusticité de ses personnels, la gendarmerie constitue de ce fait une capacité d’intervention dans des conditions sécuritaires très dégradées – notamment en OPEX ou pour la protection des ambassades dans certains pays troublés – et des conditions de vie spartiates, comme dans le cadre du dispositif déployé après la survenue de l’ouragan Irma ou dans le cadre de l’opération Harpie.

Les capacités critiques dont la gendarmerie nationale dispose lui permettent de bénéficier d’une efficacité d’action dans les domaines critiques pour la sécurité nationale. Citons les capacités de la gendarmerie en matière :

– d’intervention, avec le GIGN et ses antennes ainsi que pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) ;

judiciaire avec le Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) et l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN),

– de renseignement criminel avec le service central de renseignement criminel (SCRC),

– de renseignement opérationnel, grâce à la chaîne de renseignement opérationnel de la gendarmerie ;

– de moyens spéciaux, avec les blindés et les hélicoptères.

Ces capacités critiques contribuent de ce fait fortement à la résilience des forces de sécurité intérieure en leur conférant une certaine densité manifestement indispensable face au niveau sans précédent des menaces (criminalité, terrorisme) et des crises (sociales, sanitaires etc.).

La lutte contre la cybercriminalité, phénomène qui touche tous les territoires et toutes les typologies de victimes, est de plus en plus intégrée à l’ensemble des champs d’action de la sécurité (ordre public, gestion de crise…). Une réponse de proximité et un renforcement de la coordination entre les services de police et de gendarmerie doivent permettre d’améliorer la résilience des forces de sécurité intérieure dans ce domaine stratégique. Les compétences spécifiques de la gendarmerie – force qui compte une part importante de profils scientifiques, qui offre de plus en plus de formations aux enjeux de la cybercriminalité et qui dispose de compétences rares dans ce domaine–, associées à son système intégré, sont un atout majeur pour les forces de sécurité intérieure. La création d’un service à compétence nationale chargé de la cybercriminalité et rattaché à la DGGN, permettra même de renforcer la réponse du ministère dans ce domaine en pleine extension.

Le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace

Créé par arrêté le 25 février dernier, le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace – couramment appelé ComCyberGend – vise à animer, coordonner, mettre en cohérence, renforcer et rendre plus visibles et lisibles les capacités de la gendarmerie dans le domaine cyber. Il est implanté sur le Cybercampus à la Défense.

Les cyber menaces sont en nette augmentation : en 2020, la gendarmerie a enregistré une hausse de 22 % du nombre de faits liés à la cybercriminalité par rapport à l’année précédente, pour un total de 100 161 faits. Trois quarts de ces faits sont des escroqueries.

La gendarmerie dispose d’un réseau de 6 700 enquêteurs numériques répartis sur l’ensemble du territoire national, y compris en outre-mer : des correspondants en technologies numériques (C-TECH) dans les brigades, des enquêteurs en technologies numériques spécialisés (NTECH) dans les groupements, des antennes du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) dans les sections de recherches des chefs-lieux de juridictions interrégionales spécialisées et, à l’échelon national, le C3N et le département informatique de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.

C’est afin de renforcer la visibilité et l’efficacité de ce réseau que le ComCyber a été créé et directement rattaché au directeur général de la gendarmerie nationale. Il deviendra une formation administrative dotée d’une autonomie budgétaire à compter du 1er janvier 2022. Il s’agit ainsi pour la gendarmerie de se doter d’une véritable filière cyber comme cela existe en police judiciaire. L’idée est de pouvoir agréger des ressources face à un problème d’ampleur et de pouvoir projeter une force d’intervention en cas d’incident. Particuliers, entreprises et gendarmes ont ainsi la possibilité désormais d’adresser leurs requêtes soit en brigade, soit sur le site magendarmerie.fr et de se voir prodiguer des conseils de prévention et d’être accompagnés.

Transversal, le ComCyberGend aura autorité fonctionnelle sur les CNTECH, les NTECH et les antennes du C3N et une autorité hiérarchique sur le C3N, le département informatique de l’IRCGN, la brigade numérique et la plateforme Perceval. Il affectera aussi un détachement permanent au sein du Centre national des opérations.

À terme, 10 000 cyber-enquêteurs composeront la chaîne cyber et la gendarmerie prévoit de recruter désormais 40 % d’officier à profil scientifique. Seront également créées des compagnies numériques. En matière de formation, des partenariats seront conclus avec des écoles spécialisées. La réserve est également mobilisée, ce que matérialise la création d’un bureau de la réserve cyber au sein du commandement des réserves.

Le ComCyberGend entend nouer des partenariats avec de grands industriels du secteur ainsi qu’avec l’éducation nationale – notamment pour lutter contre le cyber harcèlement –, les grandes écoles, les universités et les associations.

L’état-major du ComCyberGend comprend quatre divisions : la division « proximité numérique », la division « enquêtes numériques », la division de l’appui aux opérations numériques et la division « stratégie, prospective et partenariats ».

L’esprit de corps, la solidarité et l’expérience commune sont au cœur de la cohésion entre les gendarmes et sont intrinsèquement liés au statut militaire. Cet esprit de corps renforce la résilience des gendarmes et leur permet de faire face à toutes les exigences de la mission. Cette solidarité s’obtient à la fois par des liens puissants nourris par une identité collective forte, l’esprit de camaraderie et l’attention aux autres ainsi que par un professionnalisme rigoureux issu de la formation exigeante du militaire.

5.   La militarité garantit l’éthique et la déontologie des gendarmes

Les valeurs de loyauté, de discipline, de disponibilité, de probité, d’impartialité, de dignité et de neutralité sont intrinsèquement liées au statut militaire. Elles sont enseignées dès l’intégration au sein de l’institution et tout au long de la carrière dans le cadre des formations initiale et continue. L’inculcation de ces valeurs, associées à un contrôle hiérarchique rigoureux, permettent à l’institution d’exercer sur chaque gendarme une pression sociale positive l’incitant à avoir un comportement et une tenue exemplaires au quotidien.

Pour ce faire, la gendarmerie organise ainsi un enseignement strict et rigoureux en matière d’éthique et de déontologie. Celles-ci font l’objet de cours spécifiques dispensés au sein des écoles de gendarmerie et fondés sur un solide corpus textuel, des enseignements théoriques et des mises en situation pratiques reposant sur des cas concrets proposés par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale.

L’éthique et la déontologie sont enseignées, dès la formation initiale, aux élèves gendarmes et aux gendarmes adjoints volontaires dans le cadre de plusieurs modules :

– les valeurs, la règle et le cadre d’action du militaire ;

– le gendarme dans sa relation avec la population ;

– le gendarme, ambassadeur de l’institution en et hors service ;

– le gendarme, au service de l’intérêt général ;

– la prévention et la lutte contre les discriminations, le harcèlement moral et sexuel et les violences sexuelles et sexistes au travail.

Dans le cadre du maintien de l’ordre, la formation dispensée aux membres des escadrons de gendarmerie mobile, tout comme à l’ensemble des militaires formés au sein de la gendarmerie nationale, est centrée sur les principes de respect de « l’adversaire », de légalité dans l’emploi de la force et de discernement. L’accent est mis sur le respect du cadre légal, l’éthique et la déontologie, la maîtrise et la recherche permanente du plus bas niveau possible d’emploi de la force. Tous les gendarmes mobiles reçoivent des enseignements techniques intégrés et restitués au travers de mises en situation réalistes pour les préparer au mieux aux situations réelles vécues sur le terrain.

D.   Les implications du mode d’organisation militaire

1.   La concession de logement par nécessité absolue de service au cœur du système d’arme de la gendarmerie

La concession de logement par nécessité absolue de service, disposition particulière du statut général des militaires, soumet le gendarme à une sujétion plus importante que celles qui s’appliquent aux autres forces de sécurité : le fait de ne pas pouvoir choisir librement son lieu de résidence. Elle introduit ainsi un lien direct entre la disponibilité statutairement exigée du gendarme et l’encasernement : si le statut militaire rend juridiquement possible la disponibilité, le logement concédé par nécessité absolue de service vient la rendre matériellement réalisable.

Appuyé par un parc immobilier de 3 729 casernes et 76 180 logements, cette disponibilité supérieure présente un double avantage. Au quotidien, elle permet d’assurer la sécurité publique sur un territoire vaste. Par ailleurs, au-delà de la cohésion entre militaires au sein de la caserne, le fait de vivre sur leur lieu de travail, au cœur des territoires qu’ils protègent, permet aux gendarmes de créer du lien social avec la population sur place. En plus de créer de la cohésion sociale, cela engendre un certain contrôle social de la part de la population et développe ainsi le devoir d’exemplarité des militaires.

Ce maillage territorial dense, permis par le statut militaire, a un impact opérationnel direct. En effet, le délai moyen d’intervention est inférieur à 14 minutes malgré l’étendue du territoire à couvrir (96 %). La concession de logement permet en outre de construire un service reposant sur un système d’astreintes, non générateur de compensations, et donc de disposer, à tout moment, de militaires non immédiatement engagés dans l’emploi mais disponibles pour répondre aux impératifs opérationnels offrant ainsi une capacité de montée en puissance très rapide. Le volume des effectifs immédiatement disponibles pour répondre aux attentes de la population est ainsi particulièrement important sur tout le territoire.

Le rapporteur a présenté en première partie ses préconisations en matière d’investissement en faveur de l’immobilier de la gendarmerie.

2.   La subsidiarité, clef de voûte du modèle intégré

La gendarmerie nationale s’appuie sur un modèle organisationnel propre, dit « système d’arme intégré ». Ce système, fondé sur le modèle militaire, permet à chaque échelon supérieur de prendre, en tant que de besoin, la conduite de l’action à son compte tout en préservant une indispensable marge d’initiative aux échelons subordonnés. Ce système suit le principe « un chef, une mission, des moyens » donnant au commandement la faculté de disposer des moyens de son action.

En effet, la diversité des territoires et des situations opérationnelles rencontrées suppose de donner aux échelons territoriaux de commandement les leviers nécessaires pour répondre à leurs besoins opérationnels dans les domaines de l’alimentation, des équipements, de l’habillement, des moyens ou véhicules spéciaux, de l’armement, des munitions et des moyens rares – équipements NRBC, camps de circonstance etc. La gendarmerie se doit de préserver la maîtrise de certaines composantes pour la réussite de ses missions. Ces dernières doivent pouvoir être remplies directement à partir de l’échelon central ou depuis les formations administratives régionales pour garantir un soutien de proximité flexible et réactif mais également permettre une capacité de manœuvre aux différents échelons de commandement.

Cette manœuvre logistique intégrée au profit du terrain est assurée dans le temps courant comme en situation de crise, selon le principe de subsidiarité. Ces crises confirment le besoin de structures logistiques adaptées, répondant à une double exigence de rapidité et de continuité.

Cependant, l’organisation et les procédures des services mutualisés au sein d’un autre programme ([17]) du ministère de l’intérieur – SAILMI ([18]), SGAMI ([19]) –, conçus dans une logique administrative de temps de paix, se plient plus difficilement à la prise en compte des sujétions d’une période d’exception et à la nécessité d’assurer la logistique « du dernier kilomètre » auprès des unités dans le feu de la crise. De plus, des modifications des schémas d’emploi peuvent désormais être décidées au niveau des services mutualisés sans consulter les responsables de programme, rompant avec le principe « un chef, une mission, des moyens » et risquant d’affaiblir la capacité de la gendarmerie nationale à intervenir en tout temps et en tout lieu.

3.   Des capacités pivots pour faire face à tout type de menace

Les moyens de projection de la gendarmerie nationale, en particulier ses moyens aériens et nautiques sont garants de sa capacité de montée en puissance et d’interopérabilité avec les armées dans le cadre de situations de crise ou d’opérations extérieures. Outre les besoins présentés sur l’immobilier, la programmation d’un budget suffisant dans ces domaines stratégiques est une condition sine qua non de la poursuite de ces missions.

Si la gendarmerie ne se heurte qu’à des problèmes ponctuels s’agissant de la majorité de ses actions budgétaires hors titre 2 (c’est-à-dire hors dépenses de personnel), elle est plus régulièrement en difficulté en matière d’investissements. En effet, pour faire face à certaines situations opérationnelles, elle doit être en mesure de monter en puissance rapidement aussi bien pour des missions extérieures que sur le territoire national afin de pouvoir assumer l’ensemble du spectre de missions constitutif du continuum paix-crise-guerre. Le renouvellement de ces capacités pivots constitue donc un critère de performance pour la gendarmerie nationale. Le budget de la gendarmerie s’est caractérisé depuis 2009 par une évolution défavorable aux moyens de fonctionnement et d’investissement. Entre 2009 et 2019, ces crédits n’ont augmenté que de 1,4 %, contre 10,3 % pour la police nationale, alors que, dans le même temps, l’inflation s’est élevée à + 11,8 %.

De fait, le budget hors dépenses de personnel de la gendarmerie nationale s’est progressivement caractérisé par sa grande rigidité, les deux tiers des dépenses n’étant pas manœuvrables. En particulier, le poids des loyers est une spécificité que l’on ne retrouve pas dans les autres programmes du ministère de l’Intérieur. Les crédits de fonctionnement et d’investissement sont donc de plus en plus déconnectés des besoins réels qu’a la gendarmerie pour faire face à ses missions dans de bonnes conditions et se préparer à l’avenir.

Des mesures ont cependant été prises pour accroître l’effort en faveur du renouvellement des moyens et équipements, en particulier dans le cadre des plans de renforcement de 2015 à 2017. Le niveau des crédits n’a cependant pas permis à la gendarmerie de renouveler le matériel acquis et de répondre aux besoins du terrain, comme l’a notamment indiqué la Cour des comptes dans le cadre de son rapport sur les moyens de la lutte contre le terrorisme en 2019 ainsi que dans son rapport de 2021 établissant un bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur. Dans ce dernier rapport ([20]), la Cour indique ainsi : « Malgré des augmentations significatives, les crédits disponibles n’ont pas été suffisants pour financer, sans qu’il soit recouru au dégel de la réserve de précaution, les charges de fonctionnement courant, les achats d’équipements et les besoins résultant d’une activité soutenue mais également d’effectifs plus nombreux qu’il faut équiper, déplacer, et loger. Ainsi, en exécution, les crédits de paiement consommés ont été supérieurs aux crédits initiaux fléchés sur ce titre de dépenses ».

Comme l’a souligné le rapporteur dans son avis budgétaire de l’an dernier, les crédits octroyés dans le cadre du plan de relance adopté pour faire face à la crise sanitaire ont permis d’accroître de manière plus conséquente les moyens hors titre 2 de la gendarmerie nationale, en particulier en faveur des moyens de projection – véhicules blindés, hélicoptères et véhicules de maintien de l’ordre. La gendarmerie nationale a ainsi été dotée de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement supplémentaires afin d’acheter 10 hélicoptères H160 permettant d’accroître les capacités de projection du GIGN et de ses antennes, améliorant par là même l’interopérabilité du parc aéronautique du ministère de l’Intérieur. Le plan de relance a aussi permis de programmer l’achat de 90 véhicules blindés neufs et de 972 véhicules de maintien de l’ordre à horizon 2028 pour répondre au besoin de renouvellement du parc ainsi qu’aux enjeux de maintien de l’ordre en vue des événements à venir, tels que les jeux olympiques de 2024. Le rapporteur estime qu’il conviendra de poursuivre cet effort dans les années à venir pour répondre aux enjeux futurs – crises protéiformes, montée en puissance de la réserve opérationnelle en vue des jeux olympiques, notamment.

II.   Un modèle militaire qu’il est capital de conforter

A.   Consolider les liens avec le ministère des armées : l’exemple du soutien santé

Comme le rapporteur l’a expliqué supra, si la gendarmerie a été rattachée au ministère de l’Intérieur en 2009, elle conserve des liens indéfectibles avec le ministère des Armées – liens qu’il convient de consolider. C’est en particulier le cas du soutien santé assuré par la direction de la médecine des forces du service de santé des armées, soutien indispensable (1) qui se modernise afin d’être à la hauteur des besoins (2).

1.   La médecine des forces du service de santé des armées : une médecine militaire indispensable aux gendarmes

Service de soutien relevant de l’état-major des armées et donc du ministère des Armées, le service de santé des armées compte quelque 14 700 personnels civils et militaires ayant pour mission d’apporter en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances à tout militaire exposé à un risque lié à son engagement opérationnel un soutien santé qui lui garantisse la prévention la plus efficace et la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie.

Au sein du service, la médecine des forces, qui compte environ 5 000 personnels civils et militaires, assure le soutien de proximité des forces dans les domaines des soins quotidiens et de l’expertise médicale, en métropole comme en outre-mer et à l’étranger. La médecine des forces dispose notamment de seize centres médicaux des armées, dont les antennes médicales sont réparties sur le territoire métropolitain. Les centres médicaux des armées et leurs antennes dispensent au quotidien des soins médicaux, dentaires et psychologiques aux malades et blessés des trois armées et de la gendarmerie. Le SSA reste ainsi l’un des seuls services interarmées à soutenir au quotidien la gendarmerie nationale sur l’ensemble du territoire national.

a.   Une médecine des forces s’appuyant sur 185 antennes

La médecine des forces dispose de 185 antennes médicales polyvalentes, de sept antennes spécialisées, de 36 antennes de prévention, de cinq antennes d’expertise initiale et des centres médicaux interarmées (CMIA) des 5 directions interarmées du service de santé en outre-mer.


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S’il n’existe plus d’antenne médicale dédiée à la gendarmerie, quarante des 185 antennes médicales sont implantées en enceinte de la gendarmerie nationale. La possibilité pour les gendarmes d’accéder à ces 185 antennes contribue, selon le service de santé des armées, à une logique de proximité géographique. Seule exception à la règle, la première antenne médicale spécialisée à Satory soutient exclusivement le GIGN et le groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM). En effet, les missions très particulières de ces unités imposent la présence de personnels du SSA particulièrement adaptés, qualifiés et exclusivement dédiés à leur soutien médical.

Selon les informations fournies au rapporteur par le service de santé des armées, les gendarmes d’active représentent 28,5 % des effectifs soutenus par le SSA. Le service de santé des armées a fourni au rapporteur un bilan d’activité médicale et paramédicale :

Selon les informations fournies par le SSA, ce dernier refacture à la gendarmerie un forfait pour l’amortissement de l’équipement des antennes médicales situées dans des enceintes de la gendarmerie nationale, les frais liés à l’approvisionnement en produits de santé, calculés au prorata de l’effectif de la gendarmerie soutenu dans l’antenne médicale, les soins ou examens médicaux réalisés en milieu civil à la demande du SSA et les soins vétérinaires réalisés en milieu civil.

b.   Les visites d’expertise médicale initiale et les visites médicales périodiques

L’aptitude médicale exprime la compatibilité de l’état de santé d’un individu avec les exigences du statut général des militaires et celles propres à chaque armée, direction et service ou à la gendarmerie nationale. Le médecin des armées est responsable de sa détermination. L’aptitude médicale des militaires en position d’activité intervient à plusieurs niveaux :

– au moment du recrutement, elle comporte trois phases successives que sont l’expertise médicale initiale, l’entretien infirmier au moment de l’incorporation et la réévaluation à l’issue de la période probatoire d’engagement ;

– en cours de carrière ou de contrat, les visites médicales sont de plusieurs ordres, avec chacune des finalités différentes. La visite médicale périodique systématique s’effectue tous les deux ans et permet de suivre l’état de santé du militaire et du maintien de la capacité opérationnelle des unités. La visite médicale d’aptitude particulière à des spécialités ou formations d’emploi, soumise à des règles spécifiques, concerne notamment les personnels servant dans des forces spéciales et les personnels soumis à une surveillance médicale renforcée – visite médicale périodique adaptable en dessous des 24 mois – du fait de leur exposition à certains risques professionnels (plongeurs, techniciens d’identification criminelle, personnels servant dans les pelotons spécialisés de protection des installations nucléaires…). Citons également la visite médicale de reprise de travail après congé maladie, la visite médicale de fin de service actif et la visite médicale de cessation temporaire d’activité.

Selon les informations fournies au rapporteur par le ministère de l’Intérieur, au 30 juin 2021, 90 099 personnels militaires d’active de la gendarmerie sur 98 488 sont à jour de leur visite médicale périodique.

2.   Des pistes d’évolution pour renforcer le soutien santé apporté à la gendarmerie dans un contexte contraint

a.   Les difficultés liées aux ressources humaines du service de santé des armées

Nul ne saurait ignorer les difficultés de recrutement de praticiens auxquelles est confronté le service de santé des armées, comme l’est d’ailleurs la médecine civile. À ces difficultés de recrutement s’ajoute le fait qu’avec 14 700 personnels civils et militaires, le SSA a perdu 1 600 postes en cinq ans. Selon le directeur de la médecine des forces, le service aurait besoin de recruter une centaine de médecins de plus que les 700 dont il dispose aujourd’hui. Reste que la formation de praticiens prend une dizaine d’années. Dans ce contexte, le rapporteur estime que plusieurs pistes doivent être envisagées pour pallier ce manque.

b.   Plusieurs pistes pour faire évoluer les modalités d’intervention du service

Dans le cadre de sa réflexion sur la montée en puissance de la réserve opérationnelle – qui devrait passer de 30 000 à 50 000 personnels d’ici aux jeux olympiques de 2024 ([21]) –, le rapporteur a constaté un certain retard dans la tenue des visites d’expertise médicale initiale des réservistes mais aussi des visites médicales périodiques d’un nombre important de gendarmes.

Selon le SSA, la situation fait l’objet de travaux communs entre ce service et la DGGN afin de ne pas compromettre l’activité opérationnelle de la gendarmerie en métropole et en opération extérieure. Le rapporteur se félicite qu’une réflexion soit actuellement en cours et, insistant sur la nécessité absolue que le soutien santé des gendarmes demeure assuré par le service de santé des armées du ministère de la défense, il souhaiterait contribuer à cette réflexion en suggérant quelques pistes d’évolution.

S’agissant des gendarmes d’active, une première piste consisterait à adapter le temps médical en fonction des métiers et de l’appréciation du commandement et à impliquer davantage les infirmiers dans le processus.

Une deuxième solution préconisée par le rapporteur consisterait à favoriser le déploiement d’antennes « nomades », se déplaçant sur le territoire afin d’éviter aux gendarmes d’avoir à se rendre dans des antennes parfois éloignées.

Plus globalement, le rapporteur estime qu’une réflexion doit être menée quant à la cartographie de l’implantation des antennes médicales. Il lui semble en effet que cette cartographie, si elle est adaptée aux armées, directions et services relevant du ministère des Armées, l’est un peu moins aux gendarmes alors qu’ils représentent quelque 30 % de la « clientèle » du SSA. Il note qu’il y a parfois des « trous dans la raquette » et estime que le commandant de région qui, en gendarmerie, dispose de prérogatives importantes, devrait n’avoir qu’un seul interlocuteur au sein de la médecine des forces du SSA, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui sur certains territoires et qui entraîne des divergences dans la politique de soutien santé menée par le SSA au sein d’une même région.

B.   Préserver la résilience de la gendarmerie nationale : les mutualisations en question

Si le rapporteur a déjà évoqué la question des mutualisations dans son avis budgétaire de l’an dernier, plusieurs publications sont intervenues depuis lors sur le sujet, en particulier le rapport de la Cour des comptes précité sur le bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur qui consacre à un chapitre entier à ce sujet. L’an dernier, le rapporteur avait notamment abordé les achats et le numérique. Cette année, il souhaite faire un gros plan sur deux domaines dans lesquels il estime absolument nécessaire que la gendarmerie conserve toute sa résilience et, par conséquent, toute son autonomie en tant que force armée.

1.   Les spécificités de la chaîne de renseignement opérationnel des gendarmes plaident en faveur du maintien de son autonomie

a.   Une chaîne de renseignement contribuant à la prise de décision opérationnelle

Grâce à son maillage territorial, la gendarmerie dispose de nombreux capteurs – aussi bien gendarmes d’active que de la réserve opérationnelle. Chaque militaire effectuant sa mission quotidienne est un acteur élémentaire du renseignement de proximité qui permet la détection des signaux faibles. Il est en mesure de recueillir une information sensible et d’alimenter de façon quasi instantanée, via une fiche de renseignement simplifiée, la base de données de sécurité publique (BDSP), notamment lorsqu’il se déplace – grâce à l’outil numérique Néogend. Cette information à l’état brut est ensuite exploitée par les analystes du renseignement des échelons territoriaux au sein des cellules renseignement et des bureaux renseignement mais également de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) qui administre la BDSP. Après recoupement et analyse approfondie, cette information est transformée en renseignement. Des fiches de renseignement élaboré (FRE), des fiches de renseignement élaboré confidentielles et des fiches entité (FIE) sont alors rédigées pour transmission aux échelons territoriaux de commandement, notamment par les officiers adjoints renseignement – départementaux, régionaux ou zonaux.

Les unités de terrain concernées sont alimentées en renseignements et analyses, contribuant à la prise de décision opérationnelle. Sur le plan national, la SDAO transmet les renseignements de haute sensibilité au directeur général.

En plus des recherches en source « ouverte », c’est-à-dire publique, la SDAO peut, conformément à l’article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, recourir à des techniques de renseignement, telles que la géolocalisation de téléphones, la sonorisation de domiciles ou de véhicules ou la captation de données informatiques avec le concours d’unités spécialisées comme les groupes d’observation et de surveillance, le service central du renseignement criminel ou le GIGN.

Le renseignement élaboré par la gendarmerie, s’il a aussi vocation à alimenter le service central du renseignement territorial ([22]), est d’abord indispensable à la conception, à la planification et à la conduite des opérations.

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Source : GendInfo ([23])

b.   Une autonomie de la chaîne de renseignement opérationnel qui doit impérativement être préservée

Dans son bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur ([24]), la Cour des comptes recommande la création d’un service unique de renseignement au sein du ministère – service unique qui devrait aussi intégrer la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris. Ce service serait placé sous l’autorité du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale. L’idée sous-jacente serait d’assurer une synthèse et une exploitation efficaces des renseignements recueillis par les deux forces de sécurité intérieure.

Cependant, le rapporteur estime que la création d’un service unique ne doit pas reposer sur le transfert intégral, au service central du renseignement territorial, des effectifs et des moyens de la chaîne de renseignement opérationnel de la gendarmerie nationale. Renseignement et anticipation ne sont pas des fonctions autonomes. Tous deux visent à éclairer les chefs de la gendarmerie, à tous les échelons de commandement, dans la conduite de leurs opérations et de leur permettre d’anticiper et donc de neutraliser toute menace dans leur zone de responsabilité. Recueil et exploitation du renseignement sont intimement liés à la prise de décision et à l’exercice des responsabilités opérationnelles.

2.   Une mutualisation des moyens des forces de sécurité intérieure qui ne doit pas tirer la gendarmerie nationale vers le bas : l’exemple des centres de soutien automobile de la gendarmerie

Dans le cadre de sa réflexion sur la militarité et la résilience de la gendarmerie nationale, le rapporteur ne saurait pas ne pas revenir sur un sujet qu’il a déjà synthétiquement abordé l’an dernier dans son précédent avis budgétaire : la mutualisation des moyens, malheureusement devenue l’alpha et l’oméga des politiques de modernisation ministérielles visant théoriquement à rationaliser la dépense en évitant les doublons. Tout comme au ministère des Armées, où les soutiens ont progressivement été interarmisés et, pour la plupart, « embasés » au sein de bases de défense à la suite de la révision générale des politiques publiques, la mutualisation des moyens est de rigueur au ministère de l’Intérieur. Le rapporteur s’interroge quant au risque de voir ce système tirer la gendarmerie nationale vers le bas, alors même qu’en tant que force armée, elle a développé des moyens logistiques propres. Il traitera cette année du cas particulier des centres de soutien automobile de la gendarmerie.

Ainsi que le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur le bilan du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur ([25]), « les centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG) et les ateliers automobiles de la police nationale représentent respectivement 80 % et 20 % des ateliers automobiles du ministère. Les CSAG ont été placés pour emploi auprès des SGAMI, tout en restant sous l’autorité hiérarchique du commandant de gendarmerie. Ils ne relèvent donc des SGAMI que pour leur utilisation. Le fonctionnement de ces centres (ressources humaines, financement des investissements importants) reste de la responsabilité de la gendarmerie nationale. En 2020, 68 d’entre eux, sur 97, dispensent un soutien mutualisé. Le soutien automobile est un sujet qui demeure toutefois particulièrement sensible pour la gendarmerie, à plusieurs égards. En premier lieu, les véhicules constituent un des principaux outils des gendarmes et les crédits alloués en lois de finances apparaissent insuffisants au regard des besoins. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, la commission des finances du Sénat a estimé que, dans ce domaine, la situation de la gendarmerie nationale apparaît encore plus préoccupante que celle de la police nationale : 18 millions d’euros supplémentaires (par rapport aux 42 millions d’euros budgétés) auraient été nécessaires pour empêcher son parc de vieillir ou de voir son format réduit. Ensuite, la DGGN estime que l’immobilisation d’un véhicule est systématiquement plus pénalisante pour une brigade de gendarmerie que pour un commissariat de police, au regard du volume des parcs automobiles respectifs de ces entités. L’ordre de priorité des réparations ne peut ainsi, selon elle, pas être uniquement celui de l’arrivée du véhicule à l’atelier Enfin, le maintien en condition opérationnelle des véhicules automobiles est une fonction de soutien qui, à défaut d’être intégrée dans la chaîne de la gendarmerie nationale, doit pouvoir à tout moment être mobilisée en cas d’opération urgente. »

Le rapporteur tient à souligner que pour toutes ces raisons, et avant tout pour des questions de résilience et de disponibilité, il est impératif de maintenir les CSAG sous l’autorité hiérarchique du commandant de gendarmerie.

Il souhaiterait en outre mettre en lumière des difficultés de trois ordres concernant le soutien automobile de la gendarmerie :

– les difficultés liées au système d’information Vulcain ;

– les difficultés des ressources humaines ;

– l’absence de mécaniciens auprès des escadrons de gendarmerie mobile.

 

 

a.   Les difficultés liées au système d’information Vulcain

Les CSAG et les ateliers SGAMI de la police nationale utilisent depuis 2016 le même système d’information, VULCAIN MI, dédié à la maintenance automobile (pièces détachées), afin de partager des indicateurs tels que le taux de disponibilité du parc et les délais d’attente.

Le rapporteur a été alerté de difficultés importantes quant à la remontée d’information qui est alimentée par plusieurs systèmes d’information, comme l’illustre le schéma ci-dessous :


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b.   Les enjeux de ressources humaines

Ayant visité plusieurs centres de soutien automobile de la gendarmerie ainsi qu’un atelier de la direction administrative de la police nationale (DAPN), le rapporteur s’est aperçu que ces services de soutien étaient confrontés à des enjeux de ressources humaines susceptibles de remettre en cause la réactivité du soutien automobile, pourtant indispensable à la mobilité des gendarmes. Il a notamment remarqué que nombre de postes avaient été supprimés à la fin du mois de décembre 2019, ce qui avait entraîné un manque d’effectifs important. Il note par ailleurs des difficultés de recrutement importantes de mécaniciens, du fait d’une concurrence rude avec le secteur privé qui offre à ses mécaniciens des rémunérations supérieures à celles que peuvent obtenir les personnels de soutien de la gendarmerie. Il lui a également été indiqué lors de ses déplacements que la procédure de recrutement des apprentis formés en CSAG était tellement longue et complexe sur le plan administratif qu’en général, les apprentis trouvaient un contrat d’embauche dans le privé avant même que cette procédure soit arrivée à son terme. Le rapporteur déplore cette complexité administrative, d’autant plus que la gendarmerie fournit un effort de formation.

c.   La difficulté majeure causée par la suppression des spécialistes de l’automobile dans les escadrons de gendarmerie mobile

Comme le soulignait le général d’armée Richard Lizurey, alors directeur général de la gendarmerie nationale, lors de son audition du 10 avril 2019 devant la commission d’enquête de notre assemblée sur les moyens des forces de sécurité, « lorsqu’on a supprimé les spécialistes de l’automobile dans les escadrons, on les a regroupés dans des ateliers au niveau départemental. Bien entendu, ces spécialistes ne sont pas déployés en opération. Par conséquent, quand on a une difficulté au cours d’une opération, aucun gendarme mobile, à moins qu’il ne possède cette compétence à titre personnel, n’est capable de réparer le véhicule, de sorte que l’on doit appeler le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur [SGAMI] local pour faire dépanner le véhicule. Nos camarades des CRS ont été plus avisés que nous puisqu’ils ont gardé dans les compagnies républicaines de sécurité cette capacité de soutien automobile. Le regroupement des mécaniciens dans les ateliers était une mesure de mutualisation et rationalisation sensée, mais elle s’est avérée néfaste à l’efficacité opérationnelle des escadrons de gendarmerie mobile (EGM) ([26]).

Le rapporteur en veut pour preuve le groupement blindé de gendarmerie mobile, situé à Satory. Ce dernier étant situé au même endroit que le CSAG, l’entretien des véhicules blindés à roue de la gendarmerie, les fameux VBRG, est assez aisé pour la gendarmerie. Comme le souligne le général Lizurey, « début décembre [2018], je craignais qu’ils [les VBRG] ne tombent en panne sur les Champs-Élysées. Cela ne s’est pas produit, parce que nous disposons à Satory d’équipes de mécaniciens exceptionnels, qui fabriquent des pièces, puisque l’industriel qui produisait les VBRG ne les fabrique plus, et réparent les véhicules, y compris sur leur temps libre. »

d.   Deux pistes de réflexion dans le domaine de la maintenance automobile

Tout d’abord, le rapporteur suggère de négocier avec les constructeurs, dans le cadre des marchés d’acquisition de véhicules, des extensions de garantie pour pannes récurrentes et identifiées. Ces garanties pourraient être portées sur ce segment à une durée de 5 ans ou à 100 000 km de conduite, ce qui permettrait de maîtriser les coûts de maintenance et d’entretien des véhicules de la gendarmerie dans les dix prochaines années.

Proposition n° 9 : négocier avec les constructeurs des extensions de garantie sur les pannes récurrentes et identifiées.

Ensuite, le rapporteur préconise de rendre accessibles les cartes d’achat au profit des brigades et des communautés de brigade pour le petit entretien du parc automobile – crevaisons, changement d’essuie-glace, ampoules, niveau – du parc automobile, ce afin d’éviter aux gendarmes des allers-retours entre la brigade et les CSAG.

Pour mémoire, les cartes d’achat mises à disposition par BNP-Paribas sont actuellement utilisées sur l’ensemble du territoire par diverses formations administratives (états-majors, groupements, offices centraux, sections de recherches, escadrons de gendarmerie mobile etc.). Nominatives et personnelles, elles visent à fluidifier la chaîne de la dépense, depuis la commande jusqu’au paiement. Elles permettent de décentraliser les actes d’achat vers les utilisateurs, de réduire le délai et le coût de traitement des achats, de gérer les droits des agents détenteurs d’une carte par des plafonds simplifier le suivi et le contrôle des dépenses.

Proposition n° 10 : Élargir aux brigades et aux communautés de brigade le bénéfice des cartes d’achat.

C.   Le contentieux européen sur le temps de travail, épée de damoclès pour le modèle militaire de la gendarmerie ?

1.   Les dispositions prises par la gendarmerie en 2016 pour concilier disponibilité et équilibre entre vie professionnelle et vie privée

Depuis l’adoption de la directive de l’Union européenne sur le temps de travail de 2003, la France mène des travaux auprès de la Commission européenne afin d’obtenir les dérogations et exemptions autorisées par la directive pour les armées et la gendarmerie, et de préserver par là même les spécificités du modèle militaire.

La gendarmerie, soucieuse de préserver et de consolider les principes de disponibilité, d’astreinte et d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, a pris des dispositions internes à partir de septembre 2016. Celles-ci visent à faire bénéficier tout gendarme d’une période de repos physiologique journalier de onze heures consécutives par période d’activité de vingt-quatre heures. Cette période de repos peut être réduite pour des motifs opérationnels. Le militaire bénéficie alors de repos compensateurs, calculés selon des modalités particulières.

Par ailleurs, sont prévues des règles spécifiques lorsque le militaire est engagé pour effectuer un service dans le créneau nocturne (entre onze heures du soir et cinq heures du matin), particulièrement générateur de fatigue. Pendant cette période de nuit, tout service hors de la caserne (et tout service en caserne de plus de trente minutes) ouvre droit automatiquement à onze heures de récupération dès la fin de mission sauf si le militaire a déjà bénéficié d’une période de repos physiologique dans la journée. Il appartient au commandant de l’unité, chargé de la conception du service, de réattribuer dès que possible ces heures de récupération.

Ces mesures ont cependant entraîné des contraintes très fortes, notamment dans l’organisation du service des petites unités. La sanctuarisation de plages de repos physiologique et l’octroi de repos compensateurs, principes totalement nouveaux en gendarmerie, ont des conséquences notables sur l’activité. Ainsi, l’effet initial évalué par l’Inspection générale de l’administration de l’application du repos physiologique journalier correspondait à une attrition de 4 000 ETPT dans les unités opérationnelles. Aujourd’hui, après ce premier choc conjoncturel, les unités de gendarmerie ont su s’adapter. Il reste que l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) soulève aujourd’hui des interrogations majeures pour la gendarmerie.

2.   Les termes de l’arrêt B. K. contre Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) de la CJUE du 15 juillet 2021 : une interprétation téléologique de la directive de 2003 sur l’aménagement du temps de travail

Dès son arrêt Matzak de 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que le temps d’astreinte à domicile, avec obligation de répondre aux appels dans un délai de 8 minutes devait être considéré comme du temps de travail, périodes d’inactivités comprises. L’arrêt du 15 juillet dernier s’inscrit dans la continuité de l’arrêt de 2018.

a.   Le cas d’espèce

Entre février 2014 ([27]) et juillet 2015, B. K., sous-officier de l’armée slovène, a effectué un « service de garde » ininterrompu pendant sept jours par mois. Au cours de ce service, qui incluait des périodes d’exercice d’une activité de surveillance effective et des périodes pendant lesquelles il n’était tenu que de demeurer à la disposition de ses supérieurs, B. K. était joignable et présent en permanence au sein de la caserne où il était affecté. Estimant que, pour chacun de ces jours de service de garde, huit heures seulement représentaient du temps de travail, le ministère de la Défense slovène a versé à B. K. le traitement ordinaire correspondant à ces heures et, au titre des autres heures, une indemnité d’astreinte représentant 20 % du traitement de base.

Le recours formé par B. K. tendant à ce que lui soient payées, en tant qu’heures de travail supplémentaires, les heures pendant lesquelles, au cours du « service de garde », il n’avait exercé aucune activité effective au service de son employeur, mais avait été contraint de demeurer à la disposition de ses supérieurs, a été rejeté en première instance et en appel.

C’est dans ce contexte que la Cour suprême slovène, saisie d’un recours en révision, a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur l’applicabilité de la directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui fixe des prescriptions minimales concernant, notamment, la durée du temps de travail, à l’activité de garde exercée par un militaire en temps de paix et, le cas échéant, sur le point de savoir si la période de garde pendant laquelle le militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté, mais n’y accomplit pas de travail effectif, doit être considérée comme étant du temps de travail, au sens de l’article 2 de cette directive, aux fins de la fixation de la rémunération due à ce militaire pour une telle période.

b.   L’appréciation de la CJUE

Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la CJUE précise tout d’abord les cas dans lesquels l’activité de garde exercée par un militaire est exclue du champ d’application de la directive 2003/88.

L’article 4, paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne prévoit que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre et que l’Union européenne respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale.

La Cour de justice de l’Union européenne estime que cet article 4 § 2 n’a pas pour effet d’exclure l’aménagement du temps de travail des militaires du champ d’application du droit de l’Union.

La Cour considère que les missions principales des forces armées des États membres, que sont la préservation de l’intégrité territoriale et la sauvegarde de la sécurité nationale, figurent explicitement parmi les fonctions essentielles de l’État que l’Union doit respecter. Elle estime toutefois qu’il n’en découle pas que les décisions des États membres relatives à l’organisation de leurs forces armées échapperaient au champ d’application du droit de l’Union, en particulier lorsque sont en cause des règles harmonisées relatives à l’aménagement du temps de travail. Si le respect dû par l’Union aux fonctions essentielles de l’État n’implique donc pas de soustraire intégralement l’aménagement du temps de travail des militaires au champ d’application du droit de l’Union, il demeure que l’article 4, paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne requiert que l’application aux militaires des règles du droit de l’Union relatives à cet aménagement ne puisse entraver le bon accomplissement de ces fonctions essentielles.

Selon la CJUE, le droit de l’Union européenne doit ainsi prendre en considération les spécificités que chaque État membre confère au fonctionnement de ses forces armées, qui résultent notamment des responsabilités internationales particulières assumées par cet État membre, des conflits ou des menaces auxquels il est confronté, ou du contexte géopolitique dans lequel cet État évolue.

Eu égard au champ d’application personnel de la directive de 2003, la CJUE estime que la notion de « travailleur » est définie par rapport à la caractéristique essentielle de la relation de travail, à savoir la circonstance qu’une personne accomplit, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération. Tel étant, au cours de la période concernée, le cas de B. K., ladite directive a selon la CJUE vocation à s’appliquer à sa situation.

S’agissant du champ d’application matériel de la directive, la CJUE rappelle que celle-ci s’applique à « tous les secteurs d’activité, privés ou publics » sauf lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, notamment dans les forces armées, s’y opposent de manière contraignante. Dans son arrêt, la CJUE relève que l’article 2 de la directive 89/391 ([28]), auquel renvoie la directive de 2003 ne saurait être interprété en ce sens que les membres des forces armées des États membres sont exclus, dans leur intégralité et en permanence, du champ d’application de la directive de 2003. En effet, une telle exclusion concerne non pas certains secteurs de la fonction publique, considérés dans leur globalité, mais seulement certaines catégories d’activités dans ces secteurs, en raison de leur nature spécifique.

En ce qui concerne les activités exercées par les militaires, la CJUE considère que celles qui sont liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions ne présentent pas, en tant que telles, des particularités s’opposant à toute planification du temps de travail respectueuse des exigences imposées par la directive 2003/88, à tout le moins tant que ces activités ne sont pas exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate.

En revanche, la Cour juge que ladite directive ne s’applique pas aux activités des militaires et, notamment à leurs activités de garde, lorsque celles-ci interviennent dans le cadre de leur formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou encore dans le cadre d’opérations impliquant un engagement militaire des forces armées, que celles-ci se déploient, de façon permanente ou occasionnelle, à l’intérieur des frontières de l’État membre concerné ou à l’extérieur de celles-ci.

Par ailleurs, selon la CJUE, la directive 2003/88 est tout aussi inapplicable aux activités militaires qui sont à ce point particulières qu’elles ne se prêtent pas à un système de rotation des effectifs permettant d’assurer le respect des exigences de cette directive. Il en va de même pour la Cour lorsqu’il apparaît que l’activité militaire est exécutée dans le cadre d’événements exceptionnels, dont la gravité et l’ampleur nécessitent l’adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé ainsi que de la sécurité de la collectivité et dont la bonne exécution serait compromise si l’ensemble des règles énoncées par ladite directive devaient être respectées ou lorsque l’application de cette directive à une telle activité, en imposant aux autorités concernées de mettre en place un système de rotation ou de planification du temps de travail, ne pourrait se faire qu’au détriment du bon accomplissement des opérations militaires proprement dites.

La CJUE relève que, à supposer que la directive 2003/88 s’applique en l’occurrence, une période de garde imposée à un militaire qui implique sa présence continue sur son lieu de travail doit être considérée comme étant du temps de travail, lorsque ce lieu de travail ne se confond pas avec son domicile. Toutefois, le mode de rémunération des travailleurs au titre des périodes de garde qu’ils effectuent relevant du droit national et non de la directive 2003/88, cette dernière ne s’oppose pas à ce qu’une période de garde au cours de laquelle un militaire est tenu de demeurer au sein de la caserne où il est affecté, sans y accomplir de travail effectif, soit rémunérée différemment d’une période de garde au cours de laquelle il effectue des prestations de travail effectif.

3.   Les conséquences possibles de l’arrêt de la CJUE sur le modèle militaire français

Dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que les militaires des États membres étaient assujettis au même droit de travail que n'importe quel travailleur, sauf en opérations. Cette décision de la Cour introduit une catégorisation des activités des militaires. Il y aurait ainsi, d’un côté, les militaires combattant sur le terrain ou intervenant en opération – qui, eux, ne sont pas soumis à la limitation du temps de travail – et, de l’autre, les militaires ayant des activités de soutien – qu’il s’agisse d’entretien, de réparation, d’administration etc. – et dont le temps de travail serait encadré par le droit européen. Cette catégorisation remet en cause le principe d'unicité du statut militaire en France, et méconnaît la réalité du quotidien des gendarmes. Il y a un continuum dans les actions des gendarmes, qui concourent tous au même objectif : remplir la mission. Si les militaires de la gendarmerie échappent aux règles habituelles du travail, ils disposent, en contrepartie de cette disponibilité totale, de compensations. Le militaire dispose notamment de 45 jours de permissions par an, quand les salariés ont 25 jours de congés. Cet équilibre entre obligations et compensations est au fondement de la condition militaire. Cette singularité est mise en avant par la Constitution qui impose la libre disposition des forces armées, mais aussi par le traité de l'Union européenne, qui rappelle en son article 4 que la sécurité nationale est de la seule compétence des États membres.

4.   Un contentieux pendant devant le Conseil d’État

L’arrêt de la CJUE du 15 juillet dernier revêt d’autant plus d’importance pour la gendarmerie nationale qu’un contentieux à ce sujet est également pendant devant le Conseil d’État. Un sous-officier de gendarmerie de la Haute-Vienne a en effet déposé un recours à la fin de l’année 2019. Selon les informations fournies au rapporteur, le juge administratif devrait rendre sa décision d’ici à la fin de l’année.

Ayant présenté tout au long de la seconde partie de son rapport les atouts de la militarité de la gendarmerie, le rapporteur juge absolument nécessaire de faire en sorte que ce modèle ne soit pas remis en cause.


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   Travaux de la commission

I.   Audition du général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 4482), au cours de sa réunion du mercredi 6 octobre 2021.

 

La vidéo de cette audition est disponible sous le lien suivant :

 

http://assnat.fr/Mxf3ER

 

 

 


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II.   Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Xavier Batut, les crédits du programme « Gendarmerie nationale », de la mission « Sécurités », au cours de ses réunions du 20 octobre 2021.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Le 14 septembre dernier, à Roubaix, le Président de la République mettait un point final à huit mois de réflexion et d’échanges ayant associé une multiplicité d’acteurs dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Celui-ci trouve sa traduction concrète dans le programme 152, à raison de 255 millions d’euros sur les 295 millions d’euros en autorisations d’engagement, et de 202 millions sur les 232 millions en crédits de paiement. Effort majeur du budget de l’État à l’égard des forces de gendarmerie, ces crédits supplémentaires devraient notamment permettre de financer la modernisation des moyens de télécommunications de la gendarmerie – avec le projet NEO 2 –, de favoriser la montée en compétences des gendarmes et d’améliorer les conditions de leur présence sur le terrain.

Le budget de la gendarmerie, ce sont 9,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 9,3 milliards en crédits de paiement. Pour l’essentiel, il recouvre les dépenses de personnel (titre 2), à hauteur de 7,8 milliards – 3,9 milliards en rémunérations et 3,8 milliards en cotisations ; les dépenses de fonctionnement (titre 3) à raison de 1,8 milliard en autorisations d’engagement et 1,2 milliard en crédits de paiement, dont 535 millions pour les loyers ; les dépenses d’investissement (titre 5) réparties en 315 millions en autorisations d’engagement et à 284 millions en crédits de paiement.

Tout au long du quinquennat, les forces de gendarmerie, qui œuvrent jour et nuit pour la sécurité des Français sur 96 % du territoire national, auront été, comme les armées, une priorité budgétaire, après des années de diminutions massives d’effectifs et de désinvestissement dans le domaine immobilier. Depuis l’an dernier, le plan de relance a redoublé l’effort avec des crédits consacrés au renouvellement des véhicules et des casernes. Ces efforts budgétaires devront être pérennisés dans le cadre du futur projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI).

En 2022, le schéma d’emplois de la gendarmerie nationale croîtra de 185 équivalents temps plein, essentiellement au profit des brigades territoriales. Le ministère de l’intérieur entend d’ailleurs renforcer le niveau tactique en densifiant les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG).

La gendarmerie assure une multiplicité de missions : sécurité du quotidien, lutte contre la menace terroriste, l’immigration irrégulière, les violences intrafamiliales et le trafic de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajouteront plusieurs rendez-vous internationaux à venir, tels que la présidence française de l’Union européenne en 2022, la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques de Paris en 2024. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé le renforcement de la réserve opérationnelle, pour la porter à 50 000 réservistes à l’horizon 2025. Je me réjouis de la montée en puissance de ces acteurs de proximité, fins connaisseurs du terrain et de ses habitants, que l’on surnomme la « gendarmerie du dernier kilomètre ». J’insiste toutefois sur l’importance d’employer les réservistes pendant au moins une trentaine de jours par an afin d’assurer l’attractivité de la réserve, et sur la nécessité d’en accompagner budgétairement la montée en puissance. J’ai déposé deux amendements en ce sens.

S’agissant des moyens de fonctionnement, dans la continuité des mesures annoncées dans le cadre du Beauvau de la sécurité pour financer la mobilité numérique, le déploiement de 110 000 téléphones mobiles pour la gendarmerie et 11 000 tablettes est prévu entre novembre 2021 et avril 2022.

Concernant l’investissement immobilier, je me réjouis que le Beauvau de la sécurité ait permis de porter les crédits à 183 millions en autorisations d’engagement et à 112 millions en crédits de paiement l’an prochain. Ces crédits devront être sanctuarisés dans la prochaine LOPPSI annoncée par le Président de la République, et même portés à 300 millions d’euros par an, tant le parc immobilier de la gendarmerie nécessite des investissements lourds et continus pour retrouver un niveau viable et éviter une dégradation irréversible – 200 millions pour les opérations lourdes et 100 millions pour les opérations de maintenance corrective. Quant aux crédits de fonctionnement consacrés à l’entretien du parc, ils devraient être portés à 100 millions par an, contre 38 millions actuellement.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2022 permettra de poursuivre le renouvellement du parc automobile, avec 5 500 véhicules supplémentaires, et celui du parc de véhicules de maintien de l’ordre. Notre collègue Yannick Favennec-Bécot s’en réjouira sans doute, il vient d’être confirmé que la gendarmerie a choisi la Renault Alpine comme véhicule d’intervention rapide.

Je tiens maintenant à appeler votre attention sur plusieurs aspects budgétaires. Première préconisation, je l’ai déjà dit l’an dernier, il est impératif de redéfinir le périmètre de la mise en réserve des crédits budgétaires, qui vise à faire face aux aléas de gestion. Cet objectif ne peut être balayé d’un revers de main, mais le taux de 4 % s’impute sur l’ensemble des dépenses de la gendarmerie, hors crédits de personnel, et non sur les seules dépenses manœuvrables. Dès lors, une fois déduits les 64 % de dépenses obligatoires, notamment les loyers, le taux de mise en réserve s’avère être de 11 % sur les dépenses non obligatoires. Il a un effet d’éviction mécanique sur l’entretien des véhicules et des casernes, seules dépenses manœuvrables à la main du gestionnaire. J’ai constaté qu’un taux de mise en réserve réduit à 0,5 % était déjà appliqué actuellement, y compris hors dépenses de personnel, à certains programmes particulièrement contraints, tels les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 157 Handicap et dépendance ou 04 Inclusion sociale et protection des personnes. Le budget de la gendarmerie étant lui aussi très contraint, je préconise l’application du même taux de 0,5 % au programme 152, y compris aux crédits qui ne relèvent pas de dépenses de personnel.

Deuxième préconisation, il faut faire progresser les effectifs et les moyens de la gendarmerie nationale au même rythme que la croissance démographique dans sa zone de compétence. J’ai été alerté d’un décalage dans l’évolution des effectifs entre la zone police et la zone gendarmerie : la croissance démographique, structurellement plus importante en zone gendarmerie, s’est encore accentuée de manière conjoncturelle en territoires périurbains et ruraux à la suite des confinements successifs. Si je me félicite des renforts dont peut bénéficier la police nationale, j’appelle l’attention sur la nécessité de faire correspondre strictement évolution démographique et évolution des effectifs de la gendarmerie, dans une optique de proximité et de contact avec la population.

Troisième et dernière préconisation, comme je l’ai dit l’an dernier, des marges de manœuvre budgétaire doivent être redonnées aux commandants de compagnie pour leur permettre d’élaborer, comme en 2020, des plans Poignée de porte annuels. Premier échelon de manœuvre, la compagnie est le véritable pivot de l’action territoriale, suffisamment proche des habitants pour être au cœur des enjeux de terrain. J’ai déposé un amendement en ce sens, tendant à créer au profit de cet échelon de commandement une dotation de fonctionnement, sur le modèle de la dotation de fonctionnement des unités élémentaires (DFUE).

L’année dernière, j’avais retenu comme thème de rapport la territorialité, l’une des deux caractéristiques consubstantielles et interdépendantes qui font de la gendarmerie à la fois une force armée et une force de sécurité intérieure. Cette année, j’ai choisi d’examiner la seconde : la militarité.

Sans son statut militaire, la gendarmerie, tout comme son maillage territorial, cesserait d’exister. S’imposerait une concentration des effectifs pour obtenir l’effet de seuil nécessaire au fonctionnement d’un commissariat. Près de deux brigades sur trois devraient fermer, ce que personne ne souhaite. La gendarmerie est en effet le dernier service public présent sur certains territoires.

La militarité du gendarme s’exprime au travers de principes garantissant sa cohérence et son efficacité : l’esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, la loyauté et la neutralité. Elle présente de nombreux atouts pour le modèle de sécurité français – un maillage territorial très fin, une capacité de montée en puissance rapide, la faculté de faire face aux situations extrêmes, la rusticité et la capacité d’intervenir dans des conditions très dégradées, voire spartiates.

Ce modèle militaire a plusieurs implications : la concession de logement par nécessité absolue de service, au cœur du système d’arme de la gendarmerie ; la subsidiarité – clef de voûte du système intégré de la gendarmerie ; une capacité de montée en puissance et d’interopérabilité.

Ce modèle militaire doit absolument être conforté – une évidence, me direz-vous. Pourtant, il serait mis à mal s’il fallait commencer à compter les heures d’astreinte des gendarmes – comme, d’ailleurs, celles des pompiers – ainsi que semble nous le suggérer la Cour de justice de l’Union européenne depuis le 15 juillet dernier. Dans l’arrêt qu’elle a rendu, la Cour de Luxembourg semble remettre en cause l’unicité et l’unité de notre modèle militaire en distinguant ceux de nos militaires qui exercent des fonctions administratives ou de soutien et les opérationnels. On l’a dit et redit, cette distinction méconnaît ce qui fait la singularité du modèle militaire français. Un contentieux est actuellement pendant devant le Conseil d’État, concernant un gendarme désireux de se voir appliquer la directive de 2003 sur le temps de travail. J’ai bon espoir que le juge administratif saura prendre une décision préservant le modèle militaire de la gendarmerie nationale.

Toujours en lien avec la militarité, je voudrais revenir sur le sujet de la mutualisation des moyens au ministère de l’intérieur. On peut comprendre que, dans un souci de bonne gestion et d’économies budgétaires, le ministère souhaite mutualiser des fonctions telles que les achats, la logistique, le numérique et le soutien automobile entre les deux forces de sécurité intérieure. Il ne faudrait cependant pas que celles-ci y perdent en autonomie, en efficacité et en résilience ce qu’elles pourraient gagner en moyens budgétaires. La mutualisation des moyens ne doit pas avoir pour effet de tirer la gendarmerie vers le bas, ni remettre en cause le principe de subsidiarité dont j’ai rappelé tout à l’heure qu’il était la clef de voûte du système intégré de la gendarmerie nationale.

En évoquant la militarité dans mon rapport, je voulais aussi, encore une fois, rendre un hommage appuyé aux 130 000 gendarmes d’active et de réserve qui, quels que soient les risques et les circonstances, agissent jour et nuit pour assurer la sécurité des Français.

Mme Patricia Mirallès. Si l’Hérault est devenu un désert militaire, beaucoup de députés ont la chance d’avoir des gendarmeries dans leurs circonscriptions et peuvent mesurer le travail effectué par les gendarmes au service de la sécurité publique, de la protection des personnes et des biens et, surtout, le secours et l’assistance aux personnes. Avec la présidente, nous savons bien ce qu’il en est avec les épisodes climatiques que nous connaissons malheureusement dans la région. Voilà pourquoi nous travaillons main dans la main avec les gendarmes pour améliorer leurs conditions de vie et de travail.

Rémi Delatte. Je me réjouis que les moyens budgétaires de la gendarmerie soient confortés grâce aux décisions issues du Beauvau, et qu’elle puisse ainsi assumer ses missions en toute sécurité.

Après vous, je voudrais appeler l’attention sur les programmes immobiliers de la gendarmerie, pour lesquels il faut fournir un effort particulier et à long terme. Il faut compenser le retard pris et offrir aux gendarmes des conditions d’hébergement dignes, qui leur permettent d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions. Et, quand je parle des gendarmes, je parle aussi de leurs familles.

M. Yannick Favennec-Bécot. Enfin les brigades rapides d’intervention vont renouer avec une marque automobile française ! C’est une fierté pour Alpine, qui a déjà équipé les brigades. C’est aussi une fierté pour les salariés de l’usine de Dieppe qui portent quotidiennement cette marque légendaire tricolore par leur travail. Si vous vous faites arrêter sur l’autoroute par des gendarmes dans une magnifique Alpine A110, vous aurez une petite pensée pour moi !

Mme la présidente Françoise Dumas. Cela signifierait que nous roulons à une vitesse élevée !

M. Yannick Favennec-Bécot. Et que la voiture est efficace !

Mme Sereine Mauborgne. Dans les départements touristiques, comme le mien, les réserves sont cruciales. Entre les périodes hivernale et estivale, la population est multipliée par dix, ce qui a de lourdes conséquences sur les forces de sécurité intérieure. Or on observe une certaine labilité dans la gestion des effectifs de réserve : certains jours, on a des réservistes, d’autres pas, la visibilité est assez faible et le renforcement des effectifs est décidé au dernier moment. Cela accroît la pression et la charge opérationnelle des gendarmes, parfois de façon difficilement soutenable. Quel est votre point de vue sur la question ?

Mme Nathalie Serre. Il faut défendre la militarité des gendarmes. Vous avez raison, les effectifs doivent augmenter en fonction de l’évolution démographique, d’autant que, avec la crise sanitaire, la pression démographique sur nos territoires augmente.

En matière de mutualisation des moyens, celles qui concernent les dispositifs ou brigades de gestion des événements (BGE ou DGE), même si elles partent d’une bonne intention, ne sont pas pertinentes partout. Dans ma circonscription de montagne, ce qui semble être une échelle pertinente au niveau national ne l’est pas avec quatre vallées et des petites routes. Je salue les gendarmes du Rhône qui ont adapté le système de manière fort intelligente aux pratiques locales. Cela rend service à la population et satisfait pleinement les élus.

Dans le même ordre d’idée, la voiture électrique, c’est bien, mais pas pertinent non plus sur tous les territoires.

M. Christophe Lejeune. Outre le renouvellement en cours du parc automobile, des efforts ont été réalisés sur le parc existant. Nous l’avons considérablement rajeuni et c’est particulièrement visible dans les territoires ruraux. Nous avons ainsi contribué au confort de travail et de conduite des gendarmes, mais également aux économies budgétaires, du fait d’une plus faible consommation de carburant.

Dans le domaine de l’immobilier, il faut revoir ce système dont les gendarmes et leur famille sont otages, entre un bailleur-promoteur et la direction des finances publiques qui donne un avis régulier sur le montant du bail alors même qu’il a été signé, voire le renégocie.

Même si la Haute-Saône ne connaît pas le même afflux touristique que Saint-Tropez, où Sereine Mauborgne a dans sa circonscription la plus célèbre gendarmerie du monde, elle doit quand même gérer de plus en plus de touristes. Les gendarmes ont un rôle de plus en plus important et les critères de population doivent intégrer les pics liés à l’activité touristique.

Enfin, l’attractivité des territoires ruraux se joue sur l’employabilité des conjoints des gendarmes. S’ils trouvent un travail, le gendarme pourra rester et s’intégrer rapidement, en famille. Cela demande tout un travail d’accompagnement.

Mme Séverine Gipson. Les gendarmes travaillent très majoritairement en milieu rural, où se trouvent encore des zones blanches. Le développement des nouveaux outils informatiques et électroniques peut-il s’en trouver affecté ?

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Madame Mirallès, vous avez raison, la gendarmerie est le dernier lien de la République sur le territoire. Il faut le conserver et le développer. Dans ma circonscription, j’ai la chance d’avoir les six compagnies de gendarmerie de Seine-Maritime, ainsi qu’un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG).

Monsieur Delatte, des moyens supplémentaires, et conséquents, sont consacrés à l’immobilier dans le budget de cette année. Nous attendons aussi beaucoup de la LOPPSI, qui pourrait reprendre des propositions d’Aude Bono-Vandorme et de François Jolivet concernant la mise en place d’une foncière. La négociation est en cours entre Bercy et le ministère de l’intérieur ; elle devrait aboutir. En séance, et à titre personnel, je déposerai des amendements d’appel afin qu’ils soient pris en compte lors de l’examen de la LOPPSI.

Monsieur Favennec-Bécot, l’Alpine est fabriquée à la limite de ma circonscription. Moi-même, j’ai eu la chance de travailler au service qualité d’Alpine en 1999 et 2000. C’est une belle usine dont nous avions inauguré la nouvelle chaîne avec Bruno Le Maire et Carlos Ghosn. Je me ferai un plaisir de vous y inviter, en compagnie du député de la circonscription, Sébastien Jumel.

Madame Mauborgne, la réserve a été très employée fin 2020 et en 2021, et le budget de 71 millions d’euros, stable par rapport à l’année dernière, ne permet pas d’employer les réservistes en fin d’année. En Rhône-Alpes, le budget était même intégralement consommé au 30 septembre. On ne peut donc plus employer de réservistes jusqu’au déblocage du prochain, le 15 novembre.

J’ai déposé un amendement pour abonder les crédits afin d’aligner moyens financiers et moyens humains. Faire monter la réserve en puissance sans débloquer de moyens supplémentaires implique de diminuer le nombre de jours d’engagement, ce qui rend la réserve moins attractive pour les réservistes. Si on augmente la réserve de 5 000 ou 10 000 personnels, sans affecter de moyens supplémentaires, le nombre de jours d’emploi passera à vingt par an, avec à la clé un problème de turn over par manque d’attractivité. Il y a aussi la question des visites médicales initiales au service de santé des armées (SSA). Le sujet est suivi de près par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et le SSA.

Madame Serre, la militarité et la territorialité sont effectivement les deux axes importants pour les forces de sécurité, et plus spécifiquement les gendarmes, dans les territoires ruraux. Certes, les effectifs doivent être en phase avec l’évolution démographique – c’était le cas en 2019, avec un gendarme pour mille habitants –, mais il y a aussi une question de moyens : il ne sert à rien d’avoir un gendarme sans voiture. C’est une réflexion en cours dans le cadre de la préparation de la LOPPSI et une discussion que nous avons avec la Place Beauvau et le DGGN.

Les DGE sont en voie de généralisation. Ils fonctionnent dans certaines zones, moins dans d’autres. Dans ce cas, notamment en région Rhône-Alpes ou dans les zones alpines, une autre organisation sera mise en place car il faut pouvoir répondre dans les temps aux appels d’urgence. Le DGGN est conscient des limites du dispositif.

Les voitures électriques sont principalement affectées dans les groupements et les communautés de brigades (COB) comme véhicules de liaison, et non d’intervention. Il s’agit donc juste d’un plus, d’autant que se pose le problème des bornes d’alimentation, en particulier dans les casernes gérées par des bailleurs sociaux et des collectivités, qui ont la charge financière d’installer ces bornes, sans contrepartie financière. Dans certains départements, comme le mien, elles sont prises en charge par le syndicat départemental d’énergie (SDE). Il faut donc affecter les voitures là où il y a des bornes et non dans compagnies qui n’ont que des prises classiques pour recharger – cela prend alors des heures.

Monsieur Lejeune, je n’ai effectivement pas pu aborder tous les sujets – il faudrait prévoir une réunion spécifique. Avec 5 500 véhicules – en plus des 7 000 en 2020-2021 –, le parc va continuer à être renouvelé pour arriver à une moyenne d’âge de six ans dans les quatre ans qui viennent.

Les nouveaux véhicules coûtent en réalité plus cher que les anciens. Même s’ils sont plus écologiques, ils consomment deux fois plus et leur coût d’entretien est plus de deux fois supérieur. À 20 000 kilomètres, un Partner coûte deux fois moins cher qu’un 5008.

Madame Gipson, le programme Néogend va être généralisé : 110 000 téléphones et 11 000 tablettes vont permettre d’équiper tous les gendarmes d’active de moyens de gestion à distance. L’amélioration de la couverture téléphonique des territoires fait l’objet d’un travail depuis quatre ans, dans le cadre du New deal mobile. La crise sanitaire et les tensions sur les matériaux ont occasionné un peu de retard, mais la totalité du territoire finira par être couverte. Du reste, les gendarmes connaissent bien leur territoire et savent éviter les éventuelles zones blanches. En cas de besoin, ils peuvent aussi frapper à une porte pour accéder à un téléphone fixe. Ils disposent également d’autres moyens de communication en cas de défaillance des réseaux des opérateurs.

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La commission en vient à l’examen des crédits du programme « Gendarmerie nationale », de la mission « Sécurités ».

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN12 du rapporteur pour avis.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis (Gendarmerie nationale). Vous avez tous eu l’occasion de rencontrer l’un des 371 commandants de compagnies de gendarmerie. Souvent, ils sont confrontés aux mêmes problèmes – casernement, intendance – et, malgré la dotation financière des unités élémentaires (DFUE), ceux-ci ne peuvent pas être traités au plus près des territoires : ils le sont au niveau des groupements, voire des régions, des zones de défense ou de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Je propose que chaque compagnie bénéficie d’une enveloppe supplémentaire afin de leur donner une marge de manœuvre et de leur permettre de résoudre des problèmes du quotidien par un transfert de crédits de 9 millions du budget de la police nationale vers celui de la gendarmerie nationale, ce qui représente une enveloppe de 25 000 euros par commandant de compagnie.

M. Rémi Delatte. Les besoins de la gendarmerie sont importants. Une telle augmentation de son budget serait une aubaine mais quel message enverrait-on en retirant aux uns pour donner aux autres ? Je ne suis d’ailleurs pas sûr que ce serait rendre service à cette institution tant nous avons intérêt à faire preuve d’unité. Je ne suis donc pas favorable à l’adoption de cet amendement.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Les besoins de la gendarmerie sont réels mais ceux de la police nationale le sont tout autant, notamment outre-mer. Je ne peux pas soutenir une telle disposition.

Mme Josy Poueyto. Notre position est identique. Nous aurions sans doute pu discuter de cette question autrement qu’à travers un amendement. Nous sommes certes conscients que la gendarmerie a besoin de moyens mais il n’est pas envisageable de les prélever sur ceux de la police nationale. Je ne suis d’ailleurs pas sûre que ce serait un bon point pour la gendarmerie. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Fabien Gouttefarde. Nombre d’arguments viennent d’être donnés. Ceux que je vais avancer valent également pour les amendements relatifs à la réserve qui seront bientôt présentés.

Outre que le Gouvernement, à ce stade, n’a pas l’intention de lever ce gage, ceux de nos collègues commissaires aux lois qui connaissent cet amendement s’étranglent puisqu’un programme qui relève de leur compétence subirait les conséquences de son adoption.

J’invite nos collègues à ne pas entrer dans une guerre des forces de sécurité.

De plus, je ne suis pas certain que le problème soulevé soit seulement budgétaire. Le rapporteur pour avis, très légitimement, souhaite aussi que les crédits de la gendarmerie soient gérés au plus près des unités. Nous sommes donc confrontés à un problème de déconcentration – l’opération « Poignées de porte » étant quant à elle gérée sur un plan national.

Je rappelle que près de 60 % de la dépense, hors titre 2, donc hors les ressources humaines de la gendarmerie, sont d’ores et déjà déconcentrés, en ce qui concerne tant les crédits de fonctionnement que les crédits d’investissement. En outre, les échelons locaux sont pleinement responsabilisés dans l’emploi de la réserve opérationnelle puisque la totalité des crédits est mise à la disposition des unités concernées.

Nous invitons notre rapporteur pour avis à retirer son amendement et à discuter avec le Gouvernement d’ici à la séance publique, sinon nous appellerons à voter contre.

Mme Patricia Mirallès. Qui sommes-nous pour mettre en concurrence deux forces de sécurité ? On ne déshabille jamais Pierre pour habiller Paul.

M. Jean-Michel Jacques. Je suis d’accord avec mes collègues : sur le plan budgétaire, cet amendement n’est pas acceptable. Le principe de subsidiarité me semble néanmoins intéressant et sans doute serait-il en l’occurrence de bonne politique d’offrir plus de possibilités aux chefs de compagnie et de corps.

M. Yannick Favennec-Bécot. Sur le fond, nous sommes tous d’accord pour convenir que plus les moyens sont importants, mieux cela vaut.

Mon département de la Mayenne comporte une zone de police et une zone de gendarmerie et je me vois difficilement opposer les uns aux autres.

Mme la présidente Françoise Dumas. J’espère que ce débat aura lieu dans le cadre de la nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) que le Président de la République a annoncée en conclusion du Beauvau de la sécurité. Ce sera vraiment le vecteur idoine, sans que l’on ait besoin de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Nos services de sécurité ont tous besoin de moyens et de considération.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Cet amendement visait surtout à susciter le débat au sein des commissions de la défense et des lois ou dans l’hémicycle. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’en rediscuter avec les ministres concernés d’ici à la séance publique, en particulier avec le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, qui doit bien avoir encore un peu d’argent dans les tiroirs.

Ce dispositif pourrait être un très bon levier de commandement pour les 371 commandants de compagnie. L’opération « Poignées de porte », quant à elle, vise à rattraper ce qui n’a pas été fait depuis dix ou quinze ans dans les domaines de l’immobilier et du logement et pas à résoudre les problèmes quotidiens.

Au moins, que cet amendement d’appel permette que ce problème soit pris en compte dans le cadre de la LOPPSI qui devrait être présentée au mois de janvier ! Je retire l’amendement.

Mme la présidente Françoise Dumas. Sage décision.

L’amendement est retiré.

 

Amendements II-DN13 et II-DN14 du rapporteur pour avis.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Ils concernent donc le budget de la réserve de la gendarmerie.

J’ai été interrogé ce matin sur l’emploi des réservistes et, ces dernières semaines, sur l’arrêt de l’appel aux réservistes, en septembre, pour des raisons budgétaires.

Je propose donc d’abonder le budget consacré à la réserve de la gendarmerie nationale à partir de celui de la police nationale – étant entendu que le Gouvernement peut lever le gage – pour le porter de 70 à 80 millions.

Je propose en outre d’abonder ce budget de 45 millions pour que 35 000 réservistes soient employés trente jours par an. Le Président de la République a annoncé une hausse des effectifs mais, à budget constant, l’emploi diminue. Dans l’armée de terre, un réserviste est employé 33,1 jours ; dans l’armée de l’air, 33,4 jours et dans la marine, 32,4 jours ; un gendarme réserviste l’est 23,7 jours. Avec l’augmentation des effectifs et à budget constant, il le sera pendant 20 jours, ce qui ne suffira pas pour rendre la réserve attractive.

M. Fabien Gouttefarde. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le problème du gage demeure et s’approfondit. J’invite donc les collègues à se montrer cohérents : il était question de 9 millions et, maintenant, de 10 puis de 45 millions !

Selon les exposés des motifs de ces deux amendements, « la gendarmerie se prépare à faire face à un empilement des missions actuelles et à venir, en faveur de la sécurité du quotidien, de la lutte contre la menace terroriste, de la lutte contre l’immigration irrégulière, de la lutte contre les violences intrafamiliales et de la lutte contre les trafics de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajoutent plusieurs rendez-vous internationaux tels que la présidence française de l’Union européenne, la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques de Paris en 2024. » Personne ne contestera que l’on pourrait fort bien substituer les mots « police nationale » à ceux de « gendarmerie nationale » puisque la première sera elle aussi aux premières loges.

Par ailleurs, la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure prévoit de développer la réserve opérationnelle de la police nationale. Ce n’est donc pas le moment d’enlever 45 millions à la direction générale de la police nationale !

Nous voterons contre ces amendements.

M. Xavier Batut, rapporteur pour avis. Je n’essaie pas de « monter » la gendarmerie contre la police et j’ai bien précisé que le Gouvernement pouvait tout à fait lever le gage. Il importe surtout de dialoguer et de prendre conscience que la montée en puissance de la réserve de la gendarmerie doit s’accompagner des moyens budgétaires idoines, faute de quoi elle ne sera plus attractive. Les événements que j’ai mentionnés dans les exposés des motifs se préparent bien à l’avance.

Je compte sur vous pour m’épauler auprès du ministre délégué afin de trouver des solutions. Je retire les amendements.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous avez pris une sage décision. Nous partageons votre souci mais ce que vous proposez n’est pas acceptable.

Les amendements sont retirés.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités non modifiés.

 

 


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   Annexe
Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur
pour avis
et déplacements

(Par ordre chronologique)

1.   Auditions

  Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) : M. le général de brigade Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général et plusieurs membres du CFMG ;

  M. le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale ;

  M. le général de division Bruno Arviset, adjoint au directeur des personnels militaires ;

  M. le général de corps d’armée Hubert Bonneau, directeur des opérations et de l’emploi ;

   M. le médecin général inspecteur Jean-François Boin, directeur de la médecine des forces (DMF) ;

  M. le général de division Didier Fortin, commandant des réserves, Mme le lieutenant-colonel Marjorie Gorlin, chef de cabinet ;

  M. le général de division Olivier Kim, adjoint au major général de la gendarmerie ;

  M. François Desmadryl, directeur du soutien et des finances ;

  Mme Claire Legras, directrice des affaires juridiques au ministère des Armées ;

   M. le préfet Philippe Gustin, directeur de cabinet de M. le ministre des Outre-mer.

2.   Déplacements

  19 novembre 2020  Somme  Groupement de gendarmerie : M. le général Mathieu Frustié, commandant adjoint de la région de gendarmerie des Hauts-de-France, commandant du groupement de gendarmerie ;

  10-14 décembre 2020  Guyane  Groupement de gendarmerie : M. le colonel Bruno Guyot, ancien commandant en second ;

  5 janvier 2021  Deux-Sèvres  Groupement de gendarmerie : M. le colonel Jean-Pascal Château, ancien commandant, visite des casernes de Thouars, Niort et Bressuire ;

  22 janvier 2021  Eure  Groupement de gendarmerie et brigade cynophile : M. le colonel Cédric Collard, ancien commandant, visite de la caserne Amey à Évreux ;

  28 janvier 2021  Ain  Groupement de gendarmerie : M. le colonel Yannick Bellemin-Laponnaz, commandant ;

  29 janvier 2021  Savoie  Groupement de gendarmerie  Brigade territoriale autonome (BTA) de Modane : M. le colonel Guillaume Chantereau commandant, M. le lieutenant Alexandre Grether, commandant du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ; Brigade territoriale de Lanslebourg Mont-Cenis.

  6 mai 2021  Garde républicaine : Mme le général Frédérique Nourdin, commandant, M. le colonel Gabriel Cortès, commandant du régiment de cavalerie ;

 7 juin 2021  Côte d’Ivoire  Gendarmerie prévôtale d’Abidjan : M. le colonel Frédéric Gauthier, ancien commandant des Forces françaises en Côte d'Ivoire, M. le lieutenant-colonel Jean-Louis Adier ;

  25 juin 2021  Normandie  Région et groupement de gendarmerie : M. le général de division Bruno Arviset, commandant de région et de groupement, M. le général Benoît Gautthier, commandant en second ;

5 juillet 2021  Paluel – peloton spécialisé de protection de la gendarmerie, M. le capitaine Madec.

5 juillet 2021  Cany-Barville – brigade territoriale : M. le capitaine Renaux et M. l’adjudant-chef Thoral ; Héricourt-en-Caux : M. le capitaine Hallouin ; Yvetot – compagnie de gendarmerie : capitaine Hallouin ;

6 juillet 2021  Maisons-Alfort  Groupement de gendarmerie : M. le général de corps d’armée Éric-Pierre Molowa, ancien commandant de la région de gendarmerie d’Île-de-France et de zone de défense, M. le général de division Philippe Debarge, commandant en second, M. le colonel Christophe Maresca, chef de l'appui opérationnel ;

  20 août 2021  Fécamp  Compagnie de gendarmerie de Fécamp : Commandant Jérôme Lebigot, commandant ;

  10 septembre 2021  Communauté de brigades de Montville et brigade territoriale de Quincampoix, M. le lieutenant Cadart ;

  22 septembre 2021  Fontainebleau  École de gendarmerie : M. le Colonel Guillaume Jacquet, directeur, M. le Colonel Philippe Bartolo, directeur du Centre national de formation à la sécurité routière (CNFSR), M. le lieutenant-colonel Thierry Debuire, commandant du CNFSR ;

  30 septembre 2021  Dugny  Centre de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG) : M. le commandant Anthony Rohat, chef du bureau des moyens opérationnels de la région de gendarmerie zonale d'Île-de-France, M. le lieutenant Lionel Cloarec, responsable, M. le major Marc Laffont ;

  5 octobre 2021  Oissel  Centre de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG)  Atelier automobile mutualisé : M. Pascal Raoult, directeur de l’équipement et de la logistique à la préfecture de Seine-Maritime, M. l’adjudant Yann Mauroy, chef du CSAG de l'Eure, M. Hugues Grout, chef de l'atelier, M. Bernard Le Clech, chef du Bureau du soutien opérationnel (BSO CO), M. l’adjudant Luc Valette, coordinateur gendarmerie.

 

 

 


([1]) Comme le rappellent nos collègues Christophe Blanchet et Jean-François Parigi dans leur rapport d’information du 19 mai dernier sur les réserves, « il s’agissait d’abandonner une réserve pléthorique, mal équipée, au profit de réservistes mieux formés, bien équipés, réellement employés. Dans le contexte de la professionnalisation des armées, la volonté du législateur était de sélectionner parmi tous les réservistes (incluant à l’époque tous les anciens appelés du contingent, ce qui en faisait une réserve au moins aussi importante que l’armée d’active) une réserve proprement opérationnelle ». https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B4161.html#_Toc256000006

([2]) Hors contributions employeur au compte d’affectation spéciale « pensions ».

([3]) L’écart entre la prévision et l’exécution 2020 résulte de redéploiements internes au programme visant à assurer l’équilibre d’une gestion T2 marquée, notamment, par un engagement très important des forces mobiles et donc des dépenses d’IJAT supérieures à la budgétisation initiale.

([4]) Au 31 août 2021.

([5]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B4161.html#_Toc256000006

([6]) Cette subvention représente, selon la taille de la commune, 18 ou 20 % d’un coût plafond réglementaire. En outre, à la livraison de l’immeuble, la prise à bail d’une caserne par l’État emporte le versement annuel d’un loyer représentant 6 % du coût plafond précité.

([7]) Cf. infra la seconde partie du rapport.

([8])  Réalisé par le (STSI)2 avec l’aide d’un réserviste de l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information (ANSSI), cet ordinateur portable peut être branché sur n’importe quel réseau et permet d’accomplir des actes d’enquête en dehors de la brigade grâce à son logiciel de rédaction de procédure. Ubiquity offrant de nouveaux services en mobilité pour les usagers, une plainte pourra ainsi être prise sur le lieu des faits, visée par signature électronique, puis transmise au parquet grâce à la procédure pénale numérique.

([9]) 2,8 millions d’euros étant consacrés au carburéacteur.

([10]) Fondée en 1972 à l’initiative de l’État, la FNCIDFF, association nationale signataire d’une convention d’objectifs et de moyens avec l’État, est un relais essentiel de l’action des pouvoirs publics en matière d’accès au droit, à l'emploi et à l'éducation pour les femmes et les familles, de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. La fédération compte aujourd'hui 104 associations locales. L’action des CIDFF visant à favoriser l’accès des femmes à l’information sur leurs droits s’inscrit dans la mise en œuvre du principe d’égalité entre les femmes et les hommes. Le principe d’égalité, socle des valeurs républicaines, est une référence commune pour l’ensemble des CIDFF. Ils respectent le principe de laïcité.

([11]) Pour mémoire, après être descendu de 217 millions d’euros en 2007 à 6 millions d’euros en 2013, le budget d’investissement immobilier 2021 de la gendarmerie est remonté à 122 millions d’euros, dont 15 millions d’euros pour la sécurisation. Mais les crédits d’investissement restent structurellement insuffisants pour maintenir le parc immobilier domanial, et se situent très en dessous des crédits dont disposent les autres programmes du ministère. À titre de comparaison, en 2020, la gendarmerie disposait d’environ 20 euros pour 1 m² d’immobilier domanial contre environ 80 euros pour la police. Si le plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire a permis d’engager 50 millions d’euros d’autorisations d’engagement d’investissements supplémentaires en 2020 au titre du programme 152 et 136,9 millions d’euros en autorisations d’engagement d’appel à projets immobiliers, ce montant n’a pas été « soclé » dans le cadre de la nouvelle loi de finances et ne saurait donc répondre aux besoins dans la durée.

[12] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b2305-tviii_rapport-avis

 

([13]) En 2020, la  réserve  ministérielle sur le titre 2  était  de 10,5 millions d’euros hors CAS. La réserve ministérielle hors titre 2, de 12,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 12,7 millions d’euros en crédits de paiement, a été affectée à 70 % pour l’achat de véhicules et à 30 % pour le fonctionnement des forces mobiles.

([14]) Comprend effectifs des GGD, des COMGEND, des sections de recherches.  

([15]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018.

([16]) J1 : effectifs ; J2 : renseignement ; J3 : conduite ; J4 : logistique ; J5 : planification ; J6 : réseaux et systèmes d’information et de communication ; J7 : retex et formation ; J8 : soutien et finances ; J9 : géomatique.

([17]) Le programme 216 de la mission Sécurités.

([18])  Service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur.

([19]) Secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur.

([20]) Page 111.

([21])  Cf. infra la première partie du présent rapport.

([22]) Le SCRT, seul service chargé de centraliser et de transmettre aux autorités gouvernementales et administratives l'ensemble des renseignements recueillis sur le terrain, est plus particulièrement chargé de la détection des « signaux faibles » en matière de radicalisation et de terrorisme. Il s’appuie notamment pour cela sur le maillage territorial de la gendarmerie et, depuis 2015, sur les Antennes de renseignement territorial (ART) qui complètent le dispositif.

Ces dernières, composées de deux gendarmes placés pour emploi sous l’autorité du Service départemental du renseignement territorial (SDRT), servent d’interface avec les diverses unités de la gendarmerie et peuvent également effectuer des recherches en profondeur en zone de compétence gendarmerie. À l’horizon de l’été 2017, 73 ART seront créées, représentant un total de 150 gendarmes.

Cet échange institutionnel se fait également entre l’OAR et le chef du R.T. (départemental, régional ou zonal), grâce au Bureau de liaison (BDL), mais également avec les différents acteurs du renseignement (pénitentiaire, P.J., direction zonale de la sécurité intérieure) lors des Groupes d’évaluation départementaux (GED), sous l’égide du préfet, pour un suivi particulier des personnes signalées radicalisées. L’échange central avec le SCRT se fait au niveau de la SDAO.

Cette imbrication se matérialise par des nominations croisées. En effet, l'adjoint auprès du chef du SCRT est un officier de gendarmerie tandis qu’un commissaire de police sert en qualité d’adjoint auprès du SDAO. De surcroît, cette imbrication est facilitée par le travail de trente-trois gendarmes affectés au sein de l’échelon central du R.T.

L’apport de la gendarmerie au renseignement territorial. est donc double : un renfort par un effectif inséré à hauteur de 289 ETP et une pleine contribution de sa chaîne de renseignement.

([23]) https://www.gendinfo.fr/dossiers/Projets-d-avenir-pour-la-gendarmerie/La-gendarmerie-developpe-sa-chaine-du-renseignement

([24]) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-bilan-du-rattachement-de-la-gendarmerie-au-ministere-de-linterieur

([25]) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-bilan-du-rattachement-de-la-gendarmerie-au-ministere-de-linterieur

([26]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RAPPANR5L15B2111.html#_Toc256000113

([27]) Source : www.curia.europa.eu

([28]) Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.