MISSIONS FLASH
« Expérimentation et différenciation territoriale » et « autonomie financière des collectivités territoriales »

 

 

La décision de créer deux missions flash dans la perspective de la révision constitutionnelle a été prise par le bureau de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Elle a été annoncée le mercredi 7 février 2018.

Ces deux missions flash portent sur :

  • Lexpérimentation et la différenciation territoriale (MM. Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala, co-rapporteurs)
  • Lautonomie financière des collectivités territoriales (MM. Christophe Jerretie et Charles de Courson, co-rapporteurs)

Les conclusions de ces deux missions ont été présentées à la Délégation lors de sa réunion du mercredi 9 mai 2018. Elles constituent l’objet du présent rapport.

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION.............................................. 5

INTRODUCTION

I. Lexpérimentation et la différenciation territoriale

1. Expérimentation et différenciation : des possibilités existent, mais leur bilan est mitigé

a. Le faible succès des expérimentations menées par les collectivités territoriales en application de l’article 72, alinéa 4 de la Constitution

b. Les possibilités de différenciation des compétences et de leurs règles d’exercice : des limites d’ordre pratique et juridique

2. Des propositions pour libérer l’initiative des collectivités

a. Un préalable : mieux évaluer l’impact des normes sur les collectivités territoriales

b. Assouplir les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation locale pour encourager son utilisation

c. Ouvrir de nouvelles possibilités encadrées de différenciation des compétences

d. Faire de la prise en compte des spécificités des territoires dans les lois et règlements une obligation constitutionnelle et permettre aux collectivités d’adapter certaines normes à leurs spécificités

Synthèse des propositions et textes consolidés

personnes entendues

ANNEXE : Bilan des expérimentations mises en œuvre par des collectivités territoriales ou intéressant ces collectivités

II. L’autonomie financière des collectivités territoriales

1. Quest-ce que lautonomie financière des collectivités territoriales au sens constitutionnel ?

2. La désillusion de la consécration constitutionnelle de lautonomie financière des collectivités

a. Une définition trop large des ressources propres

b. Une jurisprudence stricte dans lappréciation de la constitutionnalité des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences

c. Un résultat paradoxal : lamélioration du ratio dautonomie financière des collectivités territoriales

3. Pour une organisation véritablement décentralisée de la République, consacrer une véritable autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales

a. Garantir une définition réaliste des ressources propres, en excluant la fiscalité transférée de ces ressources, et consacrer dans la Constitution, aux côtés de lautonomie financière, lautonomie fiscale des collectivités territoriales

b. Rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive

c. Prévoir ladoption dune loi annuelle de financement des collectivités territoriales

Synthèse des propositions et textes consolidés

personnes entendues

III. Travaux de la délégation


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   INTRODUCTION

 

 

La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, créée en décembre 2017, a choisi de consacrer ses premiers travaux à deux thèmes de nature constitutionnelle, dans la perspective de la réforme des institutions annoncée par le Président de la République devant le Congrès du Parlement le 3 juillet 2017. Elle a ainsi créé le 7 février 2018, à l’initiative de son bureau, deux missions « flash » portant, pour la première, sur l’expérimentation et la différenciation territoriale, confiée à MM. Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala, respectivement président et vice-président de la Délégation, et pour la seconde, sur l’autonomie financière des collectivités territoriales, confiée à MM. Christophe Jerretie et Charles de Courson, respectivement vice-président et secrétaire de la Délégation.

Ces deux missions « flash » ont travaillé sur la base de questionnaires adressés aux associations d’élus et aux ministères, puis ont procédé, dans des délais resserrés entre mars et avril 2018, à l’audition de l’ensemble des associations d’élus, des directions des ministères et des institutions publiques concernées et de chercheurs et universitaires. Les quatre rapporteurs des deux missions adressent leurs plus sincères remerciements à l’ensemble des personnes qui ont contribué à leurs travaux.

Les rapporteurs ont présenté leurs communications et leurs propositions à la Délégation, qui les a approuvées, au cours de sa réunion du 9 mai 2018. Ces propositions constituent la contribution de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à la discussion à venir des textes relatifs à la réforme des institutions, à commencer par le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace dont notre assemblée a été saisie le même jour ([1]).


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  1. L’expérimentation et la différenciation territoriale

MM. Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala

Le thème de l’expérimentation et de la différenciation territoriale, évoqué depuis plusieurs mois comme l’un des axes de la réforme constitutionnelle à venir, s’agissant des collectivités territoriales, a naturellement retenu l’attention du Bureau de notre délégation lors de la définition de son programme de travail pour l’année 2018.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons entendu ou recueilli l’avis de l’ensemble des représentants d’associations d’élus locaux à vocation générale, ainsi que des différentes associations sectorielles qui ont répondu à notre invitation. Nous avons également entendu le directeur général des collectivités locales, ainsi que des universitaires spécialistes du droit des collectivités territoriales. Nous avons enfin eu des échanges par visioconférence avec des élus locaux et représentants de l’État en région Bretagne, plusieurs initiatives de différenciation ayant été mises en œuvre sur ce territoire.

Nous avons également adressé à l’ensemble des ministères un questionnaire afin de dresser un bilan des expérimentations menées par des collectivités territoriales ou concernant celles-ci depuis la révision constitutionnelle de 2003.

Bien qu’aux yeux de certains, le thème de l’expérimentation et de la différenciation territoriale puisse paraître secondaire par rapport à certains autres sujets de la future révision constitutionnelle, nos travaux ont permis de confirmer que cette réforme représentait un enjeu essentiel pour les collectivités territoriales. Il est en effet nécessaire de mieux prendre en compte aujourd’hui la diversité des territoires et de leurs besoins, en permettant l’élaboration de politiques différenciées, s’appuyant sur la capacité d’innovation des collectivités territoriales.

Les auditions que nous avons menées ont montré que cet objectif faisait l’objet d’un large consensus parmi les élus des collectivités. L’élargissement des possibilités de différenciation devra néanmoins être encadré pour éviter certains écueils : il ne doit pas porter une atteinte excessive au principe d’égalité, ni être une nouvelle source de complexité.

1.   Expérimentation et différenciation : des possibilités existent, mais leur bilan est mitigé

Autorisées par la Constitution depuis 2003, les expérimentations menées par les collectivités territoriales ont connu un faible succès (a). Des possibilités de différenciation des compétences exercées par les collectivités d’une même catégorie ainsi que des règles d’exercice de ces compétences existent déjà, mais celles-ci se heurtent à des limites d’ordre pratique ou juridique (b).

a.   Le faible succès des expérimentations menées par les collectivités territoriales en application de l’article 72, alinéa 4 de la Constitution

L’expérimentation législative ou réglementaire consiste à évaluer la qualité d’une norme, pour une durée limitée, sur tout ou partie du territoire, avant de décider de sa pérennisation et de son extension à l’ensemble du territoire.

Comme l’avaient souligné les travaux préparatoires de la loi organique de 2003 relative à l’expérimentation ([2]), le recours à cette méthode présente plusieurs avantages :

– il permet de mesurer concrètement les effets d’une norme et sa capacité à prendre en compte des situations diverses ;

– il peut favoriser l’adhésion des citoyens à certaines réformes ;

– enfin, s’agissant de domaines marqués par des évolutions technologiques rapides, il peut permettre de s’assurer de l’adéquation de leur encadrement normatif.

Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, deux procédures distinctes permettant la mise en œuvre d’une expérimentation sont prévues par la Constitution.

L’expérimentation de l’article 37-1

L’article 37-1, selon lequel « [l]a loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » permet des expérimentations législatives ou réglementaires mises en œuvre par l’État.

Des telles expérimentations étaient déjà autorisées par la jurisprudence constitutionnelle et administrative préalablement à la révision constitutionnelle de 2003. Par exemple, l’expérimentation de la gestion par les régions des services ferroviaires régionaux, engagée en 1997, a été généralisée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ([3]). L’introduction de l’article 37-1 dans la Constitution a donc principalement eu pour objet de renforcer la sécurité juridique de ce type d’expérimentations.

Reprenant sa jurisprudence antérieure à la révision constitutionnelle de 2003, le Conseil constitutionnel a précisé que l’article 37-1 « permet au Parlement d’autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi ; […] toutefois, le législateur doit en définir de façon suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle » ([4]) .

Bien que l’article 37-1 ne vise pas spécifiquement les collectivités territoriales, les expérimentations menées peuvent porter sur le transfert de certaines compétences de l’État à ces dernières. Par exemple, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait transféré à titre expérimental plusieurs compétences de l’État à différentes catégories de collectivités territoriales qui en avaient fait la demande, transferts qui pour la plupart ont ensuite été généralisés.

Les dispositions de l’article 72-2 de la Constitution relatives à la compensation des transferts de charges sont applicables aux transferts expérimentaux de compétences, qui s’appuient fréquemment sur des conventions passées entre l’État et les collectivités concernées.

L’expérimentation de l’article 72, alinéa 4

Plus novateur, l’article 72, alinéa 4, prévoit que « [d]ans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. »

Contrairement aux expérimentations de l’article 37-1, ces expérimentations impliquent nécessairement l’action des collectivités territoriales et se traduisent par l’adoption par celles-ci de normes dérogeant à la loi ou au règlement.

L’introduction de cette procédure dans la Constitution a fait suite à une décision du Conseil constitutionnel de 2002 censurant une disposition autorisant la Corse à déroger de manière expérimentale à la loi ([5]). Le Conseil avait alors jugé que le Parlement ne pouvait déléguer sa compétence législative dans un cas non prévu par la Constitution.

En matière réglementaire, les collectivités territoriales disposent certes d’un pouvoir local pour l’exercice de leurs compétences, consacré par l’article 72, alinéa 3, depuis la révision constitutionnelle de 2003. Cependant, ce pouvoir est subsidiaire : il s’exerce dans le respect du pouvoir réglementaire du Premier ministre, en application de l’article 21 de la Constitution, et doit respecter le cadre fixé, non seulement par la loi mais aussi par ses décrets d’application ([6]).

Quel bilan de l’expérimentation 15 ans après la révision constitutionnelle de 2003 ?

15 ans après la révision constitutionnelle, nous avons d’abord souhaité établir un bilan du recours aux expérimentations mises en œuvre par les collectivités territoriales ou intéressant celles-ci, à partir des réponses aux questionnaires que nous avons reçues des différents ministères – car, aussi surprenant que cela puisse paraître alors que l’on parle de développer le recours à l’expérimentation locale, aucun bilan général des expérimentations menées n’avait été établi jusqu’à présent, que ce soit par le Gouvernement, les collectivités territoriales ou leurs associations ou des universitaires.

Ce bilan n’est cependant pas exhaustif, seuls huit ministères, sur 13 sollicités, ayant répondu. Un tableau présentant l’ensemble des expérimentations menées est annexé à notre communication.

Les réponses reçues font état de 36 expérimentations dont 16 sont encore en cours. Le recours à l’expérimentation a, dans un premier temps, fait l’objet d’un certain engouement, plusieurs expérimentations ayant été autorisées par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Après une période de ralentissement entre les années 2007 et 2014, l’expérimentation semble désormais connaître un regain d’intérêt.

expérimentations mises en œuvre par les collectivités territoriales ou intéressant celles-ci depuis 2004

 

2004-2006

2007-2014

2015-2018

Nombre d’expérimentations

9

10

17

Le bilan est néanmoins très déséquilibré.

28 expérimentations se sont fondées sur l’article 37-1 de la Constitution et ont essentiellement porté sur des transferts de compétences aux collectivités territoriales.

Quatre expérimentations seulement, l’une ancienne, et trois autres récentes, se sont fondées sur l’article 72, alinéa 4, de la Constitution :

– le revenu de solidarité active (RSA), expérimenté par une trentaine de départements en 2007-2008 ([7]), avant sa généralisation en 2009 ;

– la tarification sociale de l’eau, expérimentée actuellement par 50 communes et EPCI ([8]) ;

– la dérogation aux modalités de répartition des fonds non affectés par les entreprises de la taxe d’apprentissage, expérimentée actuellement par deux régions ([9]) ;

– l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, expérimenté actuellement par neuf régions ([10]).

La base juridique des quatre expérimentations restantes reste incertaine.

19 expérimentations ont été autorisées par une loi, 15 par un décret ou un arrêté, et 2 par des ordonnances prise en application de l’article 38 de la Constitution.

S’agissant de l’issue des expérimentations terminées, 13 ont été généralisées et quatre abandonnées ou même jamais mises en œuvre. Deux expérimentations ont été prolongées, et l’une fait actuellement l’objet d’une proposition de loi à cet effet ([11]).

Base juridique et issue des expérimentations mises en œuvre par les collectivités territoriales ou intéressant celles-ci depuis 2004

Base juridique

Nombre d’expérimentations

Issue

Généralisation

Abandon

En cours

Inconnue

Article 72, alinéa 4

4

1

0

3

 

Article 37-1

28

12

3

13

 

NC

4

1

1

1

1

Total

36

14

4

17

1

Au-delà de ces éléments, il reste difficile d’établir un bilan qualitatif global des expérimentations en raison de l’insuffisance d’évaluation.

Les bilans dressés par les ministères des expérimentations menées dans leurs domaines de compétence sont généralement positifs. Les réponses reçues soulignent que l’expérimentation permet d’affiner certains dispositifs au plus près des besoins des personnes concernées, ainsi que de simplifier les procédures applicables.

Les données recueillies sont cependant insuffisantes pour dresser un bilan qualitatif global.

En effet, les rapports d’évaluation ne sont pas réalisés systématiquement. À cet égard, une distinction peut être opérée entre les expérimentations de l’article 72, alinéa 4, qui doivent obligatoirement faire l’objet d’une évaluation, en application de l’article LO 1113-5 du code général des collectivités territoriales, et les expérimentations de l’article 37-1, auxquelles cette obligation ne s’impose pas.

La qualité de l’évaluation des expérimentations menées depuis 2004 est très inégale. De plus, les ministères ne paraissent pas conserver de façon systématique la mémoire des expérimentations menées. Si l’expérimentation doit être davantage développée à l’avenir, une plus grande rigueur dans l’évaluation sera indispensable.

b.   Les possibilités de différenciation des compétences et de leurs règles d’exercice : des limites d’ordre pratique et juridique

Outre les différenciations temporaires autorisées dans le cadre actuel des expérimentations, qui peuvent concerner les compétences (en cas de transfert expérimental) ou leurs règles d’exercice (en cas de dérogations autorisées par la loi ou le règlement), certaines possibilités de différenciation existent déjà dans notre droit.

Le législateur a prévu plusieurs cas dans lesquels des collectivités appartenant à une même catégorie peuvent exercer des compétences différenciées

La définition des compétences des collectivités territoriales relève de la loi, en application de l’article 34 de la Constitution.

Il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles la loi autorise des collectivités territoriales appartenant à une même catégorie à exercer des compétences différenciées.

La mise en œuvre de la coopération intercommunale, qui implique le transfert de certaines compétences des communes aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont elles sont membres, est un premier exemple. Les compétences exercées par les communes varient selon le type d’EPCI, ces derniers ne disposant pas tous des mêmes compétences, et selon les compétences optionnelles ou facultatives qu’ils exercent.

La création de collectivités territoriales à statut particulier, comme la métropole de Lyon qui exerce les compétences du département sur son territoire, se traduit également par une différenciation des compétences au sein de la catégorie des départements.

Par ailleurs, le recours aux délégations de compétences de l’État aux collectivités ou entre collectivités ([12]) permet également l’exercice de compétences différenciées. Les délégations ne sont cependant pas l’équivalent de transferts : les compétences déléguées sont exercées au nom et pour le compte du délégant et la délégation est révocable par celui-ci. Elles s’effectuent selon une convention qui définit strictement leur objet, leurs objectifs, leur durée, nécessairement limitée dans le temps, et les modalités de leur contrôle.

Reposant sur une démarche volontaire, la délégation de compétences s’effectue sans lien de subordination entre les parties, conformément au principe de l’interdiction de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre établi à l’article 72, alinéa 5 de la Constitution ([13]).

La délégation peut constituer un outil de coopération et d’adaptation de l’exercice des compétences des collectivités et EPCI aux besoins et réalités de leur territoire.

Cependant, selon un rapport récent de l’Inspection générale de l’administration (IGA), la délégation a été jusqu’ici peu utilisée ([14]). Les seuls exemples de délégations de compétences de l’État concernent la région Bretagne, dans le domaine de la culture et de l’emploi.

Même lorsque la délégation de compétences est proposée systématiquement par les textes – c’est le cas de manière optionnelle pour la redistribution de compétences entre département et métropole – elle n’est pas retenue, les collectivités concernées lui préférant généralement le transfert de compétences, le plus souvent a minima.

Trois facteurs expliquent, selon le rapport de l’IGA, le faible succès de la délégation de compétences :

– le cadre contraignant des délégations entre collectivités assimilé à une tutelle ;

– la lourdeur et la longueur de la procédure ;

– le sentiment que cet outil est une forme d’évitement ou de retardement de transferts de compétences.

Des normes différenciées peuvent s’appliquer à certaines collectivités, dans le respect des principes d’égalité et d’unité du pouvoir normatif

L’existence de dispositions législatives différenciées selon les territoires est d’ores et déjà possible dans les limites de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » ([15]).

Il est fréquent que le législateur adopte des règles spécifiques ne s’appliquant qu’à certaines collectivités territoriales en raison de différences de situation. Ces différences peuvent être par exemple d’ordre géographique (dispositions spécifiques prévues par la loi « littoral » ([16]) et la loi « montagne » ([17])), ou démographique (seuils de population retenus par la loi SRU ([18]) pour l’obligation des communes de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux).

Pour la montagne, le législateur est même allé jusqu’à poser le principe, en apparence très fort, quoique d’une portée contraignante certainement limitée, selon lequel « [l]es dispositions de portée générale ainsi que les politiques publiques [...] sont, éventuellement après expérimentation, adaptées à la spécificité de la montagne ou à la situation de chaque massif » ([19]).

Ces règles particulières sont alors fixées directement par le législateur : il ne s’agit pas d’un pouvoir d’adaptation des normes attribué aux collectivités elles-mêmes, ce qui serait, dans le cadre constitutionnel actuel, contraire aux articles 34 (compétence législative exclusive du Parlement) et 21 (pouvoir réglementaire du Premier ministre) de la Constitution.

Un tel pouvoir d’adaptation n’est actuellement prévu que pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution (départements et régions d’outre-mer), qui peuvent être habilitées par la loi ou le règlement, à adapter les règles dans les matières relevant de leurs compétences pour tenir compte de leurs « caractéristiques et contraintes particulières ».

D’autres collectivités relevant de l’article 72 disposent néanmoins du pouvoir de proposer des adaptations : l’Assemblée de Corse s’agissant des dispositions réglementaires concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que le développement économique, social et culturel de la Corse ([20]) ; et, depuis la loi NOTRe, les conseils régionaux s’agissant des dispositions législatives ou réglementaires, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions ([21]). Il n’existe cependant aucune obligation du Gouvernement de répondre à ces propositions.

Par ailleurs, plusieurs décrets récents ont ouvert la possibilité, pour différentes autorités déconcentrées de l’État – mais non les collectivités – de déroger localement à des normes réglementaires.

Un décret du 27 juin 2017 ([22]) prévoit ainsi que le directeur académique des services de l’éducation nationale, saisi d’une proposition conjointe d’une commune ou d’un EPCI et d’un ou plusieurs conseils d’école, peut autoriser des adaptations à l’organisation de la semaine scolaire définie par l’article D. 521-10 du code de l’éducation.

Un décret du 29 décembre 2017 ([23]) a organisé une expérimentation territoriale dans certaines régions et départements ([24]), prévue pour une durée de deux ans, qui accorde aux préfets la faculté de déroger à certaines dispositions réglementaires pour un motif d’intérêt général.

 

Les possibilités de dérogation à des normes réglementaires prévues
par le décret du 29 décembre 2017

Le droit de déroger à certaines dispositions réglementaires s’applique aux décisions non réglementaires relevant de la compétence des préfets concernés, dans certaines matières limitativement énumérées par le décret :

– subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;

– aménagement du territoire et politique de la ville ;

– environnement, agriculture et forêts ;

– construction, logement et urbanisme ;

– emploi et activité économique ;– protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

– activités sportives, socio-éducatives et associatives.

La dérogation doit répondre aux conditions suivantes :

– être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;

– avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;

– être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

– ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Un autre décret publié le même jour prévoit, de manière similaire, une expérimentation permettant aux directeurs d’agences régionales de santé (ARS) de quatre régions de déroger à certaines normes réglementaires ([25]).

Selon les informations qui ont nous été communiquées par les ministères concernés, les possibilités ouvertes aux préfets et aux directeurs d’ARS n’ont, à ce stade, pas été utilisées. Ces possibilités représentent un instrument que nous jugeons particulièrement pertinent pour mieux adapter les politiques publiques aux circonstances locales. À cet égard nous regrettons le délai de trois mois qui s’est écoulé entre la publication des décrets et la publication de la circulaire explicative, adressée aux préfets le 9 avril 2018, ce qui a fait perdre trois mois de mise en œuvre potentielle d’une expérimentation censée durer deux ans ([26]). Nous pensons aussi que cette circulaire aurait gagné à être un peu plus encourageante pour les préfets, car, il faut bien l’avouer, sa tonalité générale reste assez frileuse, pour ne pas dire dissuasive… Quoiqu’il en soit nous souhaitons vivement que les préfets et les directeurs d’ARS concernés se saisiront largement des possibilités ouvertes par cet outil expérimental.

2.   Des propositions pour libérer l’initiative des collectivités

L’ensemble des élus locaux entendus par la mission, mais aussi les chercheurs spécialistes des collectivités territoriales, ont souligné la pertinence de la méthode expérimentale pour rechercher les voies et moyens d’une action publique locale optimisée et adaptée aux réalités du terrain. Ils ont aussi souligné le besoin, en dehors du cadre nécessairement temporaire des expérimentations, de permettre l’adaptation de l’action publique locale à la diversité territoriale et aux besoins et attentes des populations. L’uniformité peut en effet être un obstacle à l’efficacité des politiques publiques, et une capacité accrue d’initiative locale peut être un facteur d’amélioration de ces politiques. Aussi est-il nécessaire, pour donner davantage de corps au principe d’« organisation décentralisée de la République » énoncé depuis 2003 à l’article 1er de la Constitution, de libérer la capacité d’initiative des collectivités territoriales : tel est le sens des propositions que nous formulons.

Avant d’envisager de développer l’expérimentation locale et de permettre une différenciation territoriale accrue, un préalable est toutefois nécessaire : l’impact des normes sur les collectivités territoriales, qui n’est aujourd’hui pas assez pris en compte dans leur processus d’élaboration, doit être mieux évalué (a). Ensuite, l’expérimentation locale, qui est enserrée dans un carcan trop rigide pour permettre sa pleine utilisation, doit voir ses conditions de mise en œuvre assouplies, pour encourager son utilisation (b). Pour permettre une adéquation optimale des politiques publiques aux spécificités des territoires, de nouvelles possibilités encadrées de différenciation des compétences doivent également être ouvertes (c). Enfin, la prise en compte des spécificités des territoires dans les lois et règlements doit devenir une obligation constitutionnelle, et les collectivités doivent se voir reconnaître la capacité d’adapter certaines normes à leurs spécificités (d).

a.   Un préalable : mieux évaluer l’impact des normes sur les collectivités territoriales

Les élus locaux entendus par la mission considèrent unanimement que l’évaluation préalable des normes applicables aux collectivités territoriales est insuffisante. Avant d’édicter une nouvelle norme qui doit s’appliquer aux collectivités, quel que soit son niveau – législatif ou réglementaire – et qu’il s’agisse d’une règle destinée à s’appliquer spécifiquement aux collectivités ou d’une règle s’appliquant, entre autres, à elles, tant le législateur que le Gouvernement ne cherchent généralement pas suffisamment à mesurer préalablement l’impact concret que cette norme aura. Et, faute d’évaluation suffisante, la question d’un éventuel besoin d’adaptation locale n’est généralement pas soulevée.

Lors de son audition, l’Association des maires de France a cité l’exemple de la partie de l’étude d’impact du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle consacrée au transfert des tribunaux d’instance aux services de l’état civil des communes de la compétence pour l’enregistrement des pactes civils de solidarité (PACS). Alors que cette étude s’était bornée à relever que « L’impact de l’enregistrement des actes de PACS en charge d’activité à l’avenir doit être relativisé » dans la mesure où « La grande majorité des communes n’est concernée par les PACS que très marginalement » ([27]), les communes constatent aujourd’hui que ce transfert a engendré un accroissement significatif de la charge de travail et suscité un besoin nouveau de formation.

Depuis plusieurs années, la Cour des comptes consacre une partie de son rapport annuel sur l’état des finances locales au coût des normes et a formulé, à plusieurs reprises, des « réserves sur la méthode d’évaluation de l’impact des normes » mise en œuvre par l’État, notamment dans le cadre des travaux du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Dans son rapport sur l’état des finances publiques locales en 2016, elle a ainsi relevé que « De manière générale, la portée des évaluations est à relativiser car elles ne prennent en compte au titre de l’année n que l’impact des normes produites en année n-1. Elles n’intègrent ni l’impact éventuellement différé des normes antérieures, ni celui des normes édictées au cours de l’année n. » ([28]).

Comme l’a souligné lors de son audition le directeur général des collectivités locales, M. Bruno Delsol, l'extension des degrés de liberté ouverts aux collectivités devrait appeler, à l'occasion de chaque projet de texte, le réflexe de se poser la question de la limite de l'intervention du pouvoir normatif national. En effet, les collectivités territoriales disposent, en application de l’article 72, alinéa 3 de la Constitution, d’un « pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » qui leur permettrait de définir certaines conditions d’application des lois et règlements, qui n’ont pas toutes vocation à être fixées nationalement mais devraient et pourraient, au moins pour partie, être fixées localement en tenant compte des spécificités locales. Les rapporteurs considèrent que, sur ce point, les études d’impact sont le plus souvent insuffisantes.

Mme Géraldine Chavrier, professeure de droit public, a quant à elle souligné la nécessité de « réhabiliter le pouvoir réglementaire local », en cohérence avec le principe de subsidiarité énoncé à l’article 72, alinéa 2 de la Constitution selon lequel « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

Une amélioration de l’évaluation préalable de l’impact des normes sur les collectivités apparaît ainsi comme un préalable indispensable à l’ouverture aux collectivités de possibilités accrues d’expérimentations et d’adaptations locales.

Pour les normes de niveau législatif, la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, à son article 8 qui définit le contenu des études d’impact, ne mentionne pas les collectivités territoriales en tant que telles, mais seulement dans la catégorie générale des « administrations publiques » ([29]). Aucune disposition n’impose au Gouvernement d’analyser spécifiquement l’impact des normes législatives projetées sur les collectivités territoriales de droit commun, alors qu’il doit le faire pour les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, « en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ».

Cette différence peut s’expliquer, en partie, par le fait que la possibilité d’adaptations locales est aujourd’hui constitutionnellement reconnue pour les collectivités des articles 73 et 74 de la Constitution, alors qu’une telle possibilité n’est pour l’heure pas prévue pour les collectivités régies par l’article 72. Mais, dès lors qu’est envisagée l’instauration d’une possibilité de différenciation territoriale, il devient nécessaire, pour pouvoir apprécier le besoin d’éventuelles adaptations locales, d’étudier spécifiquement l’impact des dispositions législatives sur les collectivités territoriales régies par l’article 72. Cette étude devra, en outre, présenter les possibilités d’adaptation locale des règles prévues par le projet de loi qui sont envisageables et les possibilités de renvoyer tout ou partie des dispositions d’application au pouvoir réglementaire local.

Par cohérence, l’évaluation de l’impact des normes de niveau réglementaire sur les collectivités territoriales, prévue par une circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015 ([30]), devra également à l’avenir étudier les possibilités d’adaptation locale.

Proposition n° 1 : Compléter l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, qui définit le contenu des études d’impact, pour :

—  isoler, dans un item spécifique aux collectivités territoriales, l’étude des conséquences pour ces dernières ;

—  prévoir que l’étude d’impact doit présenter les possibilités d’adaptation locale des règles fixées par le projet de loi envisageables et les possibilités de renvoyer tout ou partie des dispositions d’application au pouvoir réglementaire local.

b.   Assouplir les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation locale pour encourager son utilisation

Les travaux que nous avons conduits ont montré que le succès mitigé de l’expérimentation locale avait deux causes principales : l’absence d’alternative entre la généralisation et l’abandon, qui a constitué un frein psychologique et financier, d’une part ; et la lourdeur de la procédure de mise en œuvre des expérimentations, d’autre part.

 Permettre une autre issue des expérimentations que l’abandon ou la généralisation

En 2003, le rapporteur du projet de révision constitutionnelle et président de la commission des Lois, M. Pascal Clément, avait vu dans l’ouverture de la possibilité d’expérimentations locales une reconnaissance du « rôle d’entraînement et d’exemplarité » des collectivités : « C’est parce que telle compétence fonctionne dans telle région, et parce que l’on comprend pourquoi et dans quelles conditions elle fonctionne que l’on pourrait, le cas échéant, l’étendre à toutes les autres. Dans cette perspective, la décentralisation n’apparaît plus comme un mouvement centrifuge, mais comme une dynamique ». Mais, à l’époque, la seule issue possible envisagée était, en cas de succès de l’expérimentation, la généralisation, sous peine d’aboutir à une reconnaissance « à telle ou telle collectivité [d’]une particularité qui la placerait de facto, de façon permanente, hors de la loi de la République » ([31]).

Mais l’expérimentation, conçue en 2003 exclusivement comme une manière d’éprouver une évolution normative avant sa généralisation, a en pratique pâti de cette issue seulement binaire, sans autre alternative que l’abandon ou la généralisation. Si les élus locaux avaient peut-être, selon le terme de la professeure de droit public Géraldine Chavrier, « idéalisé » l’expérimentation en raison de l’impossibilité de la pratiquer jusqu’en 2003, l’ensemble des acteurs locaux entendus par la mission a fait le constat que cette conception restrictive de l’issue de l’expérimentation a constitué un frein non seulement psychologique mais aussi financier à l’utilisation de ce nouvel outil. Pourquoi consacrer du temps et des moyens humains et financiers pour concevoir, mettre en œuvre et évaluer une expérimentation qui risque, in fine, d’être abandonnée ? Les élus locaux, poussés par le pragmatisme mais aussi par la contrainte financière pesant sur les collectivités dont ils assument la responsabilité, ont globalement préféré éviter de se lancer dans des projets longs et coûteux dont ils n’étaient pas en capacité de maîtriser l’issue puisqu’à la fin, il revenait à l’État de décider de l’abandon ou de la généralisation.

Surtout, quinze ans après l’introduction dans la Constitution de l’expérimentation locale, les auditions menées par les rapporteurs montrent qu’il est possible d’avoir une vision moins monolithique de la finalité des expérimentations que celle qu’en avait eue le constituant en 2003. La prise en compte de la diversité des territoires n’apparaît plus incompatible avec le caractère indivisible de la République proclamé à l’article 1er de la Constitution, et l’expérimentation n’est plus perçue comme un outil qui aurait pour unique objet de préfigurer une évolution uniforme des règles applicables aux collectivités. Dans des limites sur lesquelles nous reviendrons, l’unité de la République peut se concilier avec une différenciation accrue des compétences des collectivités et avec une capacité d’adaptation de certaines normes.

Une expérimentation arrivée à son terme doit donc pouvoir être pérennisée dans les territoires où elle a été mise en œuvre et s’est révélée probante, abandonnée là où elle n’a pas fait ses preuves, mais aussi étendue dans des territoires où elle n’aurait pas été mise en œuvre mais où il apparaîtrait justifié de la rendre applicable et dont les collectivités en émettraient le souhait. Il est proposé de compléter l’article 72, alinéa 4 de la Constitution en ce sens. Une modification de conséquence de l’article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales sera également nécessaire.

Proposition n° 2 : Compléter l’article 72, alinéa 4 de la Constitution et modifier l’article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales pour prévoir que les expérimentations peuvent, à leur terme, soit être abandonnées, soit être maintenues et généralisées à l’ensemble du territoire national, soit être maintenues pour tout ou partie des collectivités expérimentatrices et, le cas échéant, étendues à d’autres collectivités qui n’avaient pas participé à l’expérimentation et qui en émettraient le souhait.

 Alléger la procédure de mise en œuvre des expérimentations locales.

Outre le frein psychologique au recours à l’expérimentation que constitue l’alternative binaire « abandon ou généralisation », l’autre principal facteur limitant identifié par les personnes entendues par la mission est la lourdeur et la complexité de la procédure à suivre pour participer à une expérimentation. Ici, la lourdeur et la complexité ne tiennent pas au texte constitutionnel – qui se borne à renvoyer à la loi ou au règlement la définition de l’objet et de la durée de l’expérimentation – mais à la loi organique votée dans la foulée de la réforme constitutionnelle ([32]), qui a prévu une procédure si lourde qu’elle est de nature à dissuader les collectivités à se lancer dans un projet expérimental. Pour reprendre une expression employée par Mme Estelle Bomberger-Rivot, maître de conférences à Sciences-Po, lors de son audition par les rapporteurs, le droit à l’expérimentation locale ouvert par le constituant a été aussitôt refermé par le législateur organique !

Lorsque l’utilité d’une démarche expérimentale a été identifiée, par les collectivités ou par l’État, pour la mise en œuvre d’une politique publique nouvelle ou la recherche de moyens d’action innovants, un texte législatif ou réglementaire, dont l’adoption peut nécessiter de longs mois, doit l’autoriser et définir son objet et sa durée (article LO 1113-1 du CGCT). Ensuite, les articles LO 1113-2 et LO 1113-3 fixent la procédure à suivre pour la mise en œuvre de l’expérimentation autorisée, qui comprend pas moins de six étapes ! L’assemblée délibérante des collectivités volontaires doit, dans le délai fixé par le texte qui autorise l’expérimentation, adopter une délibération motivée pour demander à bénéficier de l’expérimentation (première étape). La demande est ensuite transmise au représentant de l’État (deuxième étape) qui l’adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales (troisième étape). Après vérification que les conditions légales sont remplies, le Gouvernement fixe par décret la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation (quatrième étape). Une fois admises à participer à l’expérimentation, les collectivités retenues peuvent prendre des actes réglementaires dérogeant à des dispositions législatives, qu’elles doivent transmettre au représentant de l’État (cinquième étape) en vue de leur publication au Journal officiel de la République française – publication à laquelle est subordonnée leur entrée en vigueur (sixième étape).

Une telle procédure n’est guère compatible ni avec les calendriers politiques et électoraux, ni avec les nécessités d’une action publique locale efficiente et réactive, au plus près des besoins locaux : le délai de démarrage effectif d’une expérimentation locale se mesure inévitablement non pas en mois, mais en années ! Au surplus, cette procédure centralisatrice, qui maintient au niveau national la compétence pour autoriser ou non une collectivité à participer à une expérimentation, témoigne d’une défiance excessive de l’État non seulement vis-à-vis des collectivités territoriales souhaitant développer des modes d’action innovants, mais aussi vis-à-vis des échelons déconcentrés de l’État qui seraient pourtant parfaitement en capacité, au vu des critères fixés par le texte autorisant l’expérimentation, de permettre aux collectivités de leur ressort d’y prendre part.

La procédure de mise en œuvre des expérimentations locales doit donc être allégée, à la fois pour gagner du temps dans leur démarrage et pour fluidifier les conditions de leur mise en œuvre.

Premièrement, la délibération de la collectivité demandant à participer à l’expérimentation devrait pouvoir être adoptée avant l’adoption définitive de la disposition prévoyant l’expérimentation.

Deuxièmement, la décision de permettre à une collectivité de participer à une expérimentation devrait être déconcentrée pour être prise, selon les cas, au niveau des préfectures de département ou de région.

Au soutien de cette déconcentration de la décision de participation à une expérimentation, on peut relever que les deux décrets du 29 décembre 2017 qui ont autorisé certains préfets de département ou de région et certains directeurs d’ARS à déroger, à titre expérimental, à des normes réglementaires dans des domaines limitativement énumérés n’ont pas subordonné leur décision de dérogation à ces normes à une autorisation gouvernementale. La centralisation de la décision d’autoriser une collectivité à participer à une expérimentation prévue et encadrée par un texte législatif ou réglementaire n’apparaît ainsi plus cohérente avec cette nouvelle faculté reconnue aux préfets ou directeurs d’ARS de déroger, pour des décisions individuelles relevant de leur compétence, à certaines normes réglementaires. Si un préfet de département ou de région peut écarter l’application d’une norme pour ses propres décisions, il doit a fortiori pouvoir autoriser une collectivité de son ressort géographique à prendre part à une expérimentation permise et encadrée par un texte législatif ou réglementaire.

Troisièmement, la publication au Journal officiel est d’un formalisme excessif qui allonge encore les délais de mise en œuvre effective de l’expérimentation et il est donc proposé d’alléger ce formalisme.

Comparativement, les décrets précités du 29 décembre 2017 ont prévu une obligation de publication beaucoup plus légère consistant en une simple publication au recueil des actes administratifs de la préfecture ou de la préfecture de région ([33]). Par parallélisme, il est donc proposé de subordonner l’entrée en vigueur des actes dérogatoires des collectivités pris dans le cadre d’une expérimentation à leur publication non plus au Journal officiel, mais au recueil des actes administratifs de la préfecture de département ou de région.

Proposition n° 3 : Alléger la procédure de mise en œuvre des expérimentations locales :

  en permettant que la délibération de la collectivité demandant à participer à l’expérimentation soit adoptée avant l’adoption définitive de la disposition prévoyant l’expérimentation ;

  en déconcentrant la décision de permettre à une collectivité de participer à une expérimentation pour qu’elle soit prise, selon les cas, au niveau des préfectures de département ou de région ;

  en remplaçant la publication des actes pris par les collectivités dans le cadre des expérimentations au Journal officiel par une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de département ou de région.

c.   Ouvrir de nouvelles possibilités encadrées de différenciation des compétences

L’élargissement des possibilités de différenciation des compétences exercées par une même catégorie de collectivités territoriales est l’un des axes de différenciation territoriale évoqués par le Gouvernement dans la perspective de la révision constitutionnelle. Saisi par ce dernier, le Conseil d’État a rendu en décembre 2017 un avis portant notamment sur les possibilités d’une telle différenciation dans le cadre constitutionnel actuel ou dans celui d’une révision de la Constitution ([34]).

Une plus grande souplesse dans la répartition des compétences serait de nature à favoriser leur adaptation aux réalités diverses des territoires et aux besoins locaux ainsi que l’innovation des collectivités. À cet égard, plusieurs personnes auditionnées ont cité l’exemple des compétences de la région s’agissant des lycées et du département pour les collèges, qui, selon les caractéristiques des territoires (taille, densité démographique...) pourraient être regroupées, de manière à faciliter, notamment, les mutualisations. Les élus de la région Bretagne ont, pour leur part, souligné l’intérêt pour leur région de la différenciation des compétences s’agissant de la politique de l’eau, compte tenu des particularités hydrographiques et environnementales de leur territoire.

La différenciation des compétences peut également contribuer au respect du principe de subsidiarité affirmé par l’article 72, alinéa 2, de la Constitution, selon lequel « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent être le mieux mises en œuvre à leur échelon ».

Cette différenciation pourrait résulter de transferts de compétences entre collectivités appartenant à des catégories différentes mais aussi de transferts de compétences de l’État : le principe de subsidiarité concerne en effet la décentralisation comme la répartition des compétences entre collectivités. Les transferts de compétences de l’État pourraient éventuellement être autorisés à l’issue d’une expérimentation.

Nous sommes donc favorables à une inscription dans la Constitution, à l’article 72, alinéa 2, de la possibilité que la loi autorise certaines collectivités territoriales d’une même catégorie à exercer des compétences transférées par l’État ou par des collectivités territoriales d’une autre catégorie.

Néanmoins, nous considérons que la différenciation des compétences devrait faire l’objet d’un encadrement strict, ainsi que l’a souligné le Conseil d’État dans son avis de décembre 2017.

Les raisons sont tout d’abord d’ordre juridique. Même si la Constitution prévoyait expressément la possibilité de différenciations, celles-ci ne devraient pas conduire à remettre en cause la distinction entre les communes, les départements et les régions, qui disposent chacune d’un même statut. Il convient donc que les adaptations relatives aux compétences restent dans des limites raisonnables et préservent l’existence d’un « noyau dur » de compétences pour chaque catégorie de collectivité.

Ces raisons sont également d’ordre pratique. La répartition des compétences entre collectivités est un domaine particulièrement complexe, en raison, notamment, de la multiplicité des textes applicables. La possibilité de différencier la répartition actuelle ne doit pas être un facteur supplémentaire de complexité pour les acteurs locaux et pour les citoyens.

Pour ces différentes raisons, nous souscrivons aux différentes conditions posées par le Conseil d’État dans son avis :

– la loi devrait identifier les compétences précises et en nombre limité pouvant faire l’objet d’un transfert ;

– les transferts de compétences devraient se fonder sur des raisons d’intérêt général ou sur des différences de situation et s’appuyer sur le principe de subsidiarité affirmé par l’article 72 de la Constitution (motifs liés par exemple à la situation géographique ou démographique du territoire concerné, aux infrastructures, aux besoins de la population et de l’économie ainsi qu’aux moyens des collectivités et à leurs coûts) ;

– les modifications susceptibles de mettre en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti devraient être exclues ;

– les collectivités entre lesquelles se ferait le transfert devraient donner leur accord : cet accord est en effet indispensable en application du principe de libre administration des collectivités territoriales ;

– enfin, les charges supplémentaires qui résulteraient des transferts devraient faire l’objet d’une compensation dans les conditions fixées par la loi.

Enfin, la décision d’approuver le transfert devrait relever de l’État, sous une forme appropriée, que la loi organique devra définir.

Proposition n°4 : Compléter l’article 72, alinéa 2, de la Constitution pour prévoir que la loi peut autoriser, dans des conditions fixées par une loi organique, certaines collectivités territoriales d’une même catégorie à exercer des compétences, en nombre limité, transférées par l’État ou par des collectivités territoriales d’une autre catégorie.

d.   Faire de la prise en compte des spécificités des territoires dans les lois et règlements une obligation constitutionnelle et permettre aux collectivités d’adapter certaines normes à leurs spécificités

La fin de l’obligation de généralisation des expérimentations de l’article 72, alinéa 4 représente une première voie de différenciation et d’adaptation locale des normes.

Nous pensons cependant qu’il faut aller plus loin, en créant les outils nécessaires à une prise en compte pleine et entière des spécificités des territoires. Pour cela, nous formulons deux propositions :

Première proposition : la prise en compte des spécificités des territoires doit devenir une obligation constitutionnelle pour le législateur et le pouvoir réglementaire national. À l’instar de ce que prévoit aujourd’hui l’article 8 de la loi « montagne », mais avec une force obligatoire naturellement plus forte, la Constitution doit prévoir que la loi et le règlement prennent en compte les spécificités des territoires. Naturellement, les spécificités en question ne pourraient être que des spécificités objectives, toute collectivité territoriale n’ayant pas vocation à revendiquer la prise en compte de spécificités qui ne seraient pas réelles et suffisamment caractérisées.

Seconde proposition : les collectivités ou leurs groupements doivent se voir reconnaître la possibilité d’adapter certaines normes législatives ou réglementaires pour tenir compte des spécificités de leurs territoires, sans que cette adaptation soit obligatoirement précédée d’une expérimentation. Ce nouveau droit s’inspirerait de la faculté d’adaptation reconnue aux départements et régions d’outre-mer par l’article 73 de la Constitution.

On peut s’interroger sur la possibilité de préciser que cette faculté d’adaptation viserait à prendre en compte les spécificités des collectivités concernées. En effet, le Conseil d’État a souligné, dans son avis de décembre 2017, que les « caractéristiques et contraintes particulières » visées par l’article 73 résultaient principalement de l’éloignement et de l’insularité des départements et régions d’outre-mer, qui ne concernent pas les collectivités de droit commun relevant de l’article 72. Si elle devait être inscrite dans la Constitution et dans la loi organique, la notion de « spécificités des collectivités territoriales » devra donc être interprétée par le Conseil constitutionnel.

A contrario, l’absence de référence aux spécificités justifiant les adaptations pourrait créer une incohérence avec les dispositions déjà prévues par l’article 73 pour les régions et départements d’outre-mer, puisque les adaptations autorisées pour ces collectivités seraient soumises à des conditions plus restrictives que celles qui seraient autorisées pour les collectivités relevant de l’article 72. De plus, l’obligation de justifier les adaptations par des spécificités encadrerait davantage les dérogations apportées au principe d’égalité.

Le champ des adaptations serait identique à celui des expérimentations de l’article 72, alinéa 4.

Elles devraient avoir un objet limité, afin de ne pas remettre en cause les objectifs de la loi ou du règlement : il ne s’agit pas de permettre aux collectivités de s’affranchir de manière générale des normes qu’elles jugent trop pesantes, mais de leur permettre d’innover en adaptant certaines normes précises, après y avoir été autorisées par la loi ou le règlement.

Les domaines mettant en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti seraient exclus, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Enfin, seules les règles relatives à l’exercice des compétences des collectivités pourraient faire l’objet d’adaptations.

Ce nouveau droit d’adaptation des normes devrait s’exercer texte par texte. Compte tenu du champ extrêmement vaste des normes concernées, il ne paraît en effet pas réaliste d’envisager qu’un même texte autorise des adaptations sur une multitude de sujets différents.

S’agissant des textes nouveaux, l’identification par le législateur ou le pouvoir réglementaire des dispositions susceptibles de faire l’objet d’adaptations pourrait s’inscrire dans le cadre de l’évaluation de l’impact des normes pour les collectivités territoriales que nous avons déjà évoquée.

S’agissant du stock de textes en vigueur, des adaptations pourraient être autorisées soit par une loi ou un règlement spécifique, soit à l’occasion de la révision d’une législation ou d’une réglementation existante. Un mécanisme permettant aux collectivités territoriales de proposer elles-mêmes des adaptations pourrait être mis en place.

Pour le flux comme pour le stock, la détermination des dispositions pouvant faire l’objet d’adaptations pourrait s’appuyer sur les travaux du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).

La loi organique devra prévoir les conditions dans lesquelles ce pouvoir d’adaptation pourra s’exercer. Il conviendra à cet égard de veiller à ce que le cadre fixé par celle-ci ne soit pas trop contraignant pour les collectivités, à la différence du cadre actuel des expérimentations de l’article 72, alinéa 4.

Proposition n°5 : Compléter l’article 72 de la Constitution par un nouvel alinéa pour prévoir :

  d’une part, que toute loi ou tout règlement comportant une disposition applicable aux collectivités territoriales ou ayant un impact significatif sur elles prend en compte les spécificités des territoires des collectivités concernées ;

—  d’autre part, que la loi ou le règlement peut autoriser les collectivités territoriales, dans des conditions précisées par une loi organique, à adapter aux spécificités de leurs territoires les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.

*

*     *

Nous sommes convaincus que la mise en œuvre de ces propositions sera de nature à apporter un nouvel élan à la décentralisation, en favorisant, par le recours à l’expérimentation et à la différenciation territoriale, l’initiative et les libertés locales. Nous espérons donc que la future révision constitutionnelle sera l’occasion de concrétiser cette réforme, attendue par les collectivités afin de permettre une meilleure prise en compte de la diversité des territoires au sein de la République.

 


Synthèse des propositions et textes consolidés

 

Proposition n° 1 : Compléter l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, qui définit le contenu des études d’impact, pour :

—  isoler, dans un item spécifique aux collectivités territoriales, l’étude des conséquences pour ces dernières ;

—  prévoir que l’étude d’impact doit présenter les possibilités d’adaptation locale des règles fixées par le projet de loi envisageables et les possibilités de renvoyer tout ou partie des dispositions d’application au pouvoir réglementaire local.

Textes consolidés proposés :

Article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution :

« Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’Etat. (…)

Ils exposent avec précision :

(…)

 l’évaluation des conséquences, des coûts et des bénéfices attendus des dispositions envisagées pour les collectivités régies par l’article 72 de la Constitution, ainsi que les possibilités d’adaptation locale des dispositions du projet de loi envisageables et les possibilités de renvoyer tout ou partie des dispositions d’application au pouvoir réglementaire local ;

― les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

 l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

(…) »

 

Proposition n° 2 : Compléter l’article 72, alinéa 4 de la Constitution et modifier l’article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales pour prévoir que les expérimentations peuvent, à leur terme, soit être abandonnées, soit être généralisées à l’ensemble du territoire national, soit être maintenues pour tout ou partie des collectivités expérimentatrices et, le cas échéant, étendues à d’autres collectivités qui n’avaient pas participé à l’expérimentation et qui en émettraient le souhait.

Textes consolidés proposés :

Article 72, alinéa 4 de la Constitution :

« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. À l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et sans préjudice de la possibilité d’une prolongation ou d’une modification, les mesures prises à titre expérimental peuvent soit être abandonnées, soit être généralisées à l’ensemble du territoire national, soit être maintenues pour tout ou partie des collectivités ayant participé à l’exérimentation et, le cas échéant, étendues à d’autres collectivités qui n’y avaient pas participé.

Article LO 1113-6 du code général des collectivités territoriales :

« Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et au vu de son évaluation, la loi détermine selon le cas :

- les conditions de la prolongation ou de la modification de l’expérimentation pour une durée qui ne peut excéder trois ans ;

- le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ;

- le maintien et la pérennisation des mesures prises à titre expérimental pour tout ou partie des collectivités ayant participé à l’exérimentation ainsi que, le cas échéant, l’extension à d’autres collectivités qui n’y avaient pas participé

- l’abandon de l’expérimentation.

(…) »

 

Proposition n° 3 : Alléger la procédure de mise en œuvre des expérimentations locales :

—  en permettant que la délibération de la collectivité demandant à participer à l’expérimentation soit adoptée avant l’adoption définitive de la disposition prévoyant l’expérimentation ;

—  en déconcentrant la décision de permettre à une collectivité de participer à une expérimentation pour qu’elle soit prise, selon les cas, au niveau des préfectures de département ou de région ;

—  en remplaçant la publication des actes pris par les collectivités dans le cadre des expérimentations au Journal officiel par une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de département ou de région.

Textes consolidés proposés :

Article LO 1113-2 du code général des collectivités territoriales :

« Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d’application défini par la loi mentionnée à l’article LO 1113-1 peut demander, le cas échéant avant l’entrée en vigueur de cette loi et au plus tard dans le délai prévu à l’article précédent, par une délibération motivée de son assemblée délibérante, à bénéficier de l’expérimentation mentionnée par cette loi. Sa demande est transmise au représentant de l’Etat qui l’adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement qui vérifie que les conditions légales sont remplies et publie, par décret arrêté, la liste des collectivités territoriales de son ressort autorisées à participer à l’expérimentation. »

Article LO 1113-3 du code général des collectivités territoriales :

« Les actes à caractère général et impersonnel d’une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives mentionnent leur durée de validité. Ils font l’objet, après leur transmission au représentant de l’Etat, d’une publication, selon les cas, au Journal officiel de la République française recueil des actes administratifs de la préfecture de département ou de région. Leur entrée en vigueur est subordonnée à cette publication. »

 

Proposition n°4 : Compléter l’article 72, alinéa 2, de la Constitution pour prévoir que la loi peut autoriser, dans des conditions fixées par une loi organique, certaines collectivités territoriales d’une même catégorie à exercer des compétences, en nombre limité, transférées par l’État ou par des collectivités territoriales d’une autre catégorie.

Textes consolidés proposés 

Article 72, alinéa 2 de la Constitution :

« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, la loi peut autoriser certaines collectivités territoriales d’une même catégorie à exercer des compétences, en nombre limité, transférées par l’État ou par des collectivités territoriales d’une autre catégorie. »

 

Proposition n°5 : Compléter l’article 72 de la Constitution par un nouvel alinéa pour prévoir :

—  d’une part, que toute loi ou tout règlement comportant une disposition applicable aux collectivités territoriales ou ayant un impact significatif sur elles prend en compte les spécificités des territoires des collectivités concernées ;

—  d’autre part, que la loi ou le règlement peut autoriser les collectivités territoriales, dans des conditions précisées par une loi organique, à adapter aux spécificités de leurs territoires les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.

Nouvel alinéa introduit dans l’article 72 de la Constitution :

« Toute loi ou tout règlement comportant une disposition applicable aux collectivités territoriales ou ayant un impact significatif sur elles prend en compte les spécificités des territoires des collectivités concernées. Dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent être autorisés, par la loi ou le règlement, à adapter aux spécificités de leurs territoires, pour un objet limité, les dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences. ».

 


personnes entendues

 

Mardi 20 mars 2018

    M. André Laignel, 1er vice-président, maire d’Issoudun

    Mme Marie-Cécile Georges, responsable du département intercommunalités et territoires

    Mme Annick Pillevesse, responsable du département conseil juridique et documentation

    M. Benjamin Pasquier, directeur de cabinet d’André Laignel

    Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

    M. Francis Chouat, maire d'Évry et président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud

    M. Jean-Jacques Grousseau, directeur de cabinet de M. Francis Chouat

    Mme Montaine Blonsard, conseillère relations institutionnelles AdCF

    Mme Chloé Mathieu, responsable relations institutionnelles France urbaine

    M. Nicolas Portier, délégué général

    M. François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire

    M. Fréderic Eon, conseiller juridique

    Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère parlementaire

 

Mardi 27 mars 2018

    M. Vanik Berberian, président

    M. Frédéric Cagnato, stagiaire

    M. Pierre Bretel, délégué général

    M. Dominique Jarlier, président

    Mme Françoise Alriq, directrice adjointe

    Mme Dominique de La Rochette,  déléguée aux relations extérieures et à la communication

    M. Philippe Sueur, vice-président, maire d’Enghien-les-Bains

    M. Marc Goua, maire de Trélazé

    M. Bruno Delsol, directeur général

    M. Frédéric Papet, sous-directeur des compétences et des institutions locales

    Mme Marie-Lorraine Pesneaud, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

 

Mercredi 4 avril 2018

    Mme Géraldine Chavrier, professeure de droit public à l’Université Paris 1

    Mme Estelle Bomberger-Rivot, maître de conférences à Sciences-Po, chercheur à la chaire mutations de l'action publique et du droit public

Lundi 9 avril 2018 (par visioconférence)

    M. Jean-Michel Le Boulanger, 1er vice-président du conseil régional

    M. Thierry Burlot, vice-président délégué à l’environnement

    M. Stéphane Perrin, conseiller régional, rapporteur général du budget

    M. François-Nicolas Sourdat, directeur général des services.

    M. Jean-Luc Chenut, Président du Conseil départemental

    M. Pierre Breteau, maire de St-Grégoire, président de l’AMF Ille-et-Vilaine

    M. Bernard Piedvache, maire de St-Meen-le-Grand-Montauban, vice-président de l’AMF Ille-et-Vilaine

    M. Christophe Mirmand, préfet de la région Bretagne

    Mme Cécile Guyader, secrétaire générale pour les affaires régionales (SGAR)

    M. Patrick Seac’h, directeur régional adjoint de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)

    M. Yannick Barillet, directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS)

    M. Pascal Apprederisse, directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)

Contribution écrite :

 

 


—  1  —

 

 


ANNEXE : Bilan des expérimentations mises en œuvre par des collectivités territoriales ou intéressant ces collectivités

 

Objet de l’expérimentation

Fondement textuel

Texte prévoyant l’expérimentation

Collectivités participantes

Bilan dressé de l’expérimentation

Sort (abandon/généralisation/reconduction temporaire)

Commentaires

Transfert de l’État à la région de l’élaboration d’un schéma régional de développement économique

(Transfert de compétence)

37-1C

Article 1 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Régions

La loi prévoyait un bilan quinquennal par région, donnant lieu à une synthèse nationale. D'après la DGCL, les données recueillies au cours de cet exercice ont été insuffisantes pour dresser une synthèse nationale.

L’ARF a elle dressé un bilan très positif de cette expérimentation.

Le rapport d’application de la loi de 2004 souligne le succès en nombre de cette expérimentation, tempéré par les spécificités des configurations locales pouvant donner à un même schéma des orientations et conséquences très variables.

Ce dispositif a été initialement mis en place pour une durée de 5 ans.

À l’issue de cette période, la compétence a été définitivement transférée aux régions.

 

 

Transfert de l’État aux CT et à leurs groupements de l’entretien et la gestion des aérodromes civils appartenant à l’État

 (Transfert de compétences)

37-1C

Article 28 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

CT ou groupements de CT

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été mis en place dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi, jusqu’au 31 décembre 2006.

Le 1er janvier 2007, cette compétence a été définitivement transférée aux CT et à leurs groupements.

 

 

Transfert de l’État aux régions ou à la CT de Corse en faisant la demande de la fonction d’autorité de gestion et de paiement des programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté Européenne.

 (Transfert de compétences)

37-1C

Article 44 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Régions Alsace, Aquitaine, Haute-Normandie, Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais, Guadeloupe, La Réunion, Communes de Bastia et du Havre, communauté d’agglomération de Grenoble, et Communauté urbaine de Strasbourg

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été initialement mis en place pour une durée de 6 ans.

A l’issue de cette période, la compétence a été définitivement transférée aux régions.

 

Extension des compétences des départements en matière de mise en œuvre des mesures d’assistance éducative ordonnées par l’autorité judiciaire

(Transfert de compétences)

37-1C

Article 59 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Départements

L’expérimentation a été jugée positivement par le garde des Sceaux, mais n’a suscité que peu de candidatures, seuls six départements s’étant portés candidats en 2005, dont les cinq premiers ont été agréés.

Ce dispositif a été initialement mis en place pour une durée de 5 ans, immédiatement à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

A l’issue de cette période, la compétence a été définitivement transférée aux régions.

 

 

Participation par les régions en faisant la demande au financement et à la réalisation d’équipements sanitaires.

(Transfert de compétences)

 

37-1C

Article 70 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Région Nord-Pas-de-Calais

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été initialement mis en place pour une durée de 4 ans, dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

A l’issue de cette période, la compétence a été définitivement transférée aux régions.

 

 

Exercice par les communes en faisant la demande de la politique de résorption de l’insalubrité dans l’habitat.

(Transfert de compétences)

 

37-1C

Article 74 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Communes de Dunkerque, Valenciennes, Carcassonne et Perpignan

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été mis en place pour une durée de 4 ans, dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Pas d’information sur le sort donné à cette expérimentation.

 

 

Création par les EPCI, plusieurs communes ou une commune d’EP d’enseignement primaire.

(Transfert de compétences)

37-1C

Article 86 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

EPCI, plusieurs communes, ou une seule commune

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été initialement mis en place pour une durée maximale de 5 ans, dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

A l’issue de cette période, la compétence a été définitivement transférée aux collectivités concernées.

 

 

Décentralisation des crédits consacrés à l’entretien et la restauration du patrimoine monumental n’appartenant pas à l’Etat.

(Transfert de compétences)

 

 

37-1C selon le ministère de l’intérieur, 72C selon le ministère de la culture

Article 99 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

Département du Lot

Après 4 ans d’expérimentation, entre 2007 et 2010, le ministère de la culture dresse un bilan positif : le résultat de l’expérimentation est satisfaisant sur le plan financier et en termes de simplification des procédures.

Selon le ministère de l’intérieur, ce dispositif a été généralisé.

 

Selon le ministère de la culture, ce dispositif a été abandonné. Il ajoute qu’il a été très délicat de tirer des enseignements généraux de cette expérimentation puisqu’une importante réforme de la politique de l’Etat en matière de monuments historiques a eu lieu en 2009, alors que l’expérimentation était en cours. De plus, l’expérimentation n’a pu être menée que dans un seul département alors que ce n’était même pas l’échelon territorial privilégié par le législateur.

 

 

RSA et voies de simplification de l’accès aux contrats de travail aidés

 

72C

Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 puis articles 18 à 23 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat

33 départements pour le RSA (début à partir de mars 2008), 20 pour les contrats aidés.

Le comité d’évaluation de l’expérimentation du RSA a remis un rapport d’étape en septembre 2008, soulignant que les résultats obtenus laissaient penser que le RSA permettait de remettre en emploi un public plus éloigné de l’emploi que le dispositif antérieur. Mais seuls 28 % des bénéficiaires occupent des emplois « durables ». La généralisation du RSA s’est fondée sur ce rapport d’étape, actualisé par un rapport final publié en mai 2009.

Le RSA a été généralisé par la loi du 1er décembre 2008 réformant les politiques d’insertion. A compter du 1er juin 2009, le dispositif est entré en vigueur sur l’ensemble du territoire métropolitain.

 

Nouvelles modalités de mise en œuvre du stage d’application de six mois et du stage préparatoire à l’installation, nécessaires à l’octroi de subventions au profit des jeunes agriculteurs

 

37-1C

Arrêté du 28 juin 2007 relatif à l'expérimentation des nouvelles modalités de mise en œuvre du stage d'application de six mois et du stage préparatoire à l'installation prévus par les articles R. 343-4 et R. 343-5 du code rural.

Départements de l'Ardèche, de l'Aube, de l'Aveyron, du Morbihan, du Pas-de-Calais

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif a été abrogé par un autre arrêté du 9 janvier 2009 relatif au plan de professionnalisation personnalisé prévu à l’article D. 343-4 du code rural qui remodèle le dispositif.

 

Suppression de la notation au bénéfice de l’entretien professionnel dans la fonction publique territoriale.

37-1C

 

 

Article 15 de la loi n°2009-972  du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique

Régions, départements, communes

Une partie significative des collectivités ayant expérimenté l’entretien professionnel le pratiquait déjà.

Cela a été perçu comme un progrès notable en matière de reconnaissance de la valeur professionnelle des agents.

Il s’est avéré nécessaire de vérifier si des adaptations réglementaires devaient être envisagées pour tenir compte des contraintes rencontrées par les collectivités dans la mise en œuvre de la procédure.

Prévue au titre des années 2008 à 2010, elle a été prolongée une première fois au titre de 2012 par l’article 42 de la loi n°2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, et une seconde fois au titre de 2013 et 2014 par l’article 69 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des territoires.

 

Organisation de la formation professionnelle des personnes placées sous-main de justice par les régions

 

Article 9 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire

Régions Pays-de-la-Loire et Aquitaine, à partir de janvier 2011

Le bilan réalisé́ en 2013 par l’IGAS et l’IGSJ souligne que l’expérimentation s’est traduite par une « amélioration quantitative » et des « enrichissements qualitatifs » de l’offre. L’intervention des régions a aussi conduit à̀ une meilleure prise en compte de la situation des détenus.

Mesure généralisée afin d'étendre les compétences des régions en matière de formation professionnelle par la loi relative à la formation professionnelle du 5 mars 2014.

 

Possibilité pour les communes et EPCI d’instituer sur tout ou partie de leur territoire une taxe d’enlèvement des ordures ménagères composées d’une part variable selon le poids ou le volume des déchets.

37-1C

 

Article 195 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

Communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Pérennisé par l’article 97 de la loi n°2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 et codifié sous l’article 1522 bis du code général des impôts.

 

Possibilité d’exercer un recours administratif préalable obligatoire contre les actes relatifs à  la situation personnelle des agents publics

 

Article 14 III de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit

Régions, départements, communes

L’expérimentation n’a jamais été mise en œuvre.

Le Conseil d’Etat jugeait impérative l’existence d’une commission collégiale adossée aux centres de gestion pour faire office de tiers de référence dans cette procédure. En l’absence de création d’une telle commission par la loi, cette expérimentation ne pouvait être mise en œuvre dans la fonction publique territoriale.

 

Tarification sociale de l’eau

 

72C

Article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes

50 communes et EPCI

Le rapport sur l’évaluation rendue par le comité national de l’eau en 2017 jugeait souhaitable de prolonger

l’expérimentation pour une durée de 3 ans afin que les dispositifs puissent se mettre en place pleinement et qu’un recul suffisant soit possible pour évaluer les dispositifs.

 

L’expérimentation devait s’achever le 15 avril 2018 mais une proposition de loi visant à la proroger jusqu’en 2021 a été déposée au Sénat le 7 février 2018 et sera examinée en séance le 4 avril.

 

Mise en place de la garantie jeunes permettant d’amener les jeunes en situation de grande précarité vers l’autonomie par l’organisation d'un parcours d'accompagnement global, social et professionnel, vers et dans l’emploi ou la formation

 

37-1C

Décret n° 2013-880 du 1er octobre 2013 relatif à l'expérimentation de la « garantie jeunes »

D’abord 10 territoires (départements ou certains territoires d’un département) puis élargissement progressif (358 missions locales en 2016)

En novembre 2016, le Comité scientifique en charge de l'évaluation de la Garantie Jeunes a dressé un bilan positif de cette expérimentation : si sa mise en œuvre a été inégale selon les missions locales, elle a eu des effets positifs sur l’emploi et semble bien avoir atteint les publics les plus en difficulté.

 

Généralisation à compter du 1er janvier 2017 décidée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

 

Mise en place du parcours de santé des années permettant d’agir en amont de la perte d’autonomie et d’optimiser la coordination des professionnels

 

37-1C

Article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

9 territoires pilotes en 2014. Dispositif étendu en 2016 pour couvrir a minima un territoire par région

Comité de pilotage de l’évaluation présidé par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et coanimé par la Direction de la sécurité sociale.

La durée de l’expérimentation a été portée à 7 ans par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, soit jusqu’en 2020.

 

Mise en place d’un dispositif d’autorisation environnementale unique fusionnant plusieurs autorisations existantes, notamment l’autorisation pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), et l’autorisation pour les installations ouvrages, travaux et activités (IOTA)

37-1C

Ordonnances n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation unique pour les ICPE et n°2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les IOTA, ratifiées par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissante verte

Pour les ICPE : régions Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

Pour les IOTA : régions Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon

L’Évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental (rapport CGEDD-IGA-CGAAER-CGE-CGEFI) pour le Premier ministre (déc. 2015) ainsi que le rapport du préfet J.-P. DUPORT, Aller vers une unification des procédures et la fusion des autorisations, remis à la ministre de l’Environnement (fév. 2016) ont servi à préparer, avec quelques ajustements, la généralisation.

Initialement mis en place pour une durée de trois ans, ce dispositif a été généralisé par les décrets n°2017-81 et n°2017-82 du 26 janvier 2017.

 

 

Expérimentation des dérogations aux interdictions de destruction pouvant être accordées par les préfets concernant le loup

37-1C

Arrêté du 5 août 2014

Départements définis par arrêté ministériel au titre de l'article 7 de l'arrêté ministériel du 15 mai 2013

Le rapport de synthèse propose de généraliser le dispositif expérimenté en y apportant des adaptations ponctuelles.

Généralisé par l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup.

 

Publication sur le site du ministère de l’agriculture des résultats des contrôles officiels de sécurité sanitaire des aliments dans le secteur de la restauration commerciale

 

37-1C

Décret n°2015-189 du 18 février 2015 relatif à l'expérimentation de la mise en transparence des résultats des contrôles officiels en sécurité sanitaire des aliments dans le secteur de la restauration commerciale à Paris et Avignon

Paris et Avignon

La mise en place du décret a abouti au dispositif Alim’confiance (décret n°2016-1750 du 15 décembre 2016), visant à la transparence des résultats des contrôles officiels dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments pour la restauration commerciale.

 

 L’expérimentation a permis de déterminer la durée de publication optimale et d’affiner les niveaux d’hygiène.

Ce dispositif a été pérennisé par le décret n°2016-1750 du 15 décembre 2016.

 

Certification des comptes des collectivités territoriales sous l’égide de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes, en partenariat avec la DGFiP et la DGCL

37-1C

Article 110 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

25 CT et groupements de CT

Bilan intermédiaire en 2018 et bilan final en 2023 qui feront l’objet d’un rapport au Gouvernement transmis au Parlement accompagné d’observations des CT et groupements concernés, et de la Cour des comptes 

Ce dispositif a été mis en place pour une durée de 7 ans.

 

 

Mise en place d’un dispositif de réduction de l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques et mise en place de l’émission de certificats d’économie de ces produits

 

37-1C

Ordonnance n°2015-1244 du 7 octobre 2015 et décret n°2017-590 du 20 avril 2017

Métropoles

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif était prévu pour une durée allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022 mais l’ordonnance a été annulée par le Conseil d’État dans une décision du 28 décembre 2016 (n°394696 et 395115) pour n’avoir pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à son adoption conformément aux exigences de l’article L. 120-1 du code de l’environnement.

L’article 15 du PJL pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable prévoit une disposition habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour réformer de façon pérenne le régime des certificats d’économies de produits phytopharmaceutiques.

 

Services polyvalents d’aide et de soin à domicile (SPASAD) intégrés

 

37-1C

Article 49 de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement

 

Une évaluation doit être effectuée au 2e trimestre 2018.

Expérimentation en cours, 339 SPASAD intégrés dans l’expérimentation début mars 2018

 

Redirection des coûts de la privation d’emploi pour financer des CDI dans des entreprises sociales et solidaires, l’Etat et les collectivités compensant la différence entre ces coûts et le coût d’un CDI au SMIC

37-1C

Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée

10 territoires

Un rapport sur son bilan devra être dressé au plus tard 18 mois avant le terme de l'expérimentation.

Expérimentation en cours.

.

Fixation d’un volume complémentaire individuel pour les vins tranquilles blancs, rouges ou rosés bénéficiant d'une indication géographique protégée

 

37-1C

Décret n°2016-292 du 11 mars 2016 portant expérimentation du volume complémentaire individuel pour les vins tranquilles blancs, rouges ou rosés, bénéficiant d'une indication géographique protégée

 

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif est en cours jusqu’en 2020.

 

Possibilité de dérogation aux modalités d’affectation des fonds de la taxe d’apprentissage

 

72

Articles 76 et 77 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

 

Régions Bretagne et Hauts-de-France

 

Chaque région volontaire devra adresser au préfet de région le bilan de l’expérimentation qui lui a été confiée au 31 décembre 2019.

 

Ce dispositif est mis en place du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.

 

Expérimentation d’un dispositif de ligne d’alertes audio-tactiles.

 

Arrêté du 21 septembre 2016

Département du Bas-Rhin

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

En cours d’expérimentation, jusqu’en septembre 2019.

 

Rôle de médiateur joué par les centres de gestion volontaires de la fonction publique territoriale en cas de contentieux entre un agent et la collectivité préalablement à la saisine du juge administratif.

 

 

Article 5 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

Régions, départements, communes

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif s’appliquera aux contentieux des actes listés par le décret n°2018-101 du 16 février 2018 entre le 1er avril 2018 et le 18 novembre 2020.

 

Extension de l’accès à l’apprentissage de 25 à 30 ans

72

Articles 1 et 3 du décret n°2016-1998  du 30 décembre 2016 fixant la liste des collectivités territoriales autorisées à participer aux expérimentations (modifié par le décret n° 2017-355 du 20 mars 2017)

Régions Bretagne, Bourgogne, Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Ile-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire.

Le gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1er juillet 2020 un rapport portant sur les expérimentations ainsi mises en œuvre.

Ce dispositif est mis en place du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.

 

Expérimentation de faces avant rivetables pour réparer des panneaux existants de signalisation routière permanente 

37-1

Arrêté du 27 février 2017

Département de la Gironde

 

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

En cours d’expérimentation, évaluation en 2021.

 

Expérimentation d’une signalisation routière d’information sur passage à niveau dans la zone industrielle du grand port maritime du Havre 

37-1

Arrêté du 12 octobre 2017

Grand port maritime du Havre

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

En cours d’expérimentation, jusqu’en octobre 2019.

 

Expérimentation de l’utilisation des flèches lumineuses d’urgence pour la pose des biseaux sur les chantiers routiers fixes, sur autoroutes

37-1

Arrêté du 12 octobre 2017

Réseaux autoroutiers

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

En cours d’expérimentation, jusqu’en octobre 2019.

 

Apposition de marquages publicitaires sur les trottoirs

37-1C

Décret n°2017-1743 du 22 décembre 2017 portant expérimentation de marquages sur les trottoirs à des fins publicitaires

Communes de Lyon, Bordeaux et Nantes

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Maintien de l’expérimentation à Lyon.

Suspension à Bordeaux et à Nantes.

 

Droit de dérogation aux normes réglementaires pour motif d’intérêt général par les préfets

 

37-1C

Décrets n°2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation reconnu au préfet

Régions, départements

Pas de mise en œuvre à ce jour par les préfets.

 

 

 

 

Droit de dérogation aux normes réglementaires pour motif d’intérêt général par les directeurs généraux d’agences régionales de santé

 

37-1C

Décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017 relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation reconnu au directeur général de l'agence régionale de santé

ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur

Dispositif qui n’a pas encore été mis en œuvre mais qui suscite un accueil très favorable de l’ensemble des directeurs généraux des ARS qui y voient la possibilité d’offrir des réponses plus réactives et mieux adaptées à leurs réalités territoriales.

 

Ce dispositif se heurte à certaines limites, en particulier quand il intervient dans un champ de compétences partagées avec les collectivités. Les facilités offertes aux ARS perdront en partie de leur effectivité si leurs partenaires départementaux ne bénéficient pas des mêmes dérogations pour les structures co-autorisées et cofinancées. C’est pourquoi une extension aux conseils départementaux des régions des quatre ARS expérimentatrices, des possibilités ouvertes par le décret, est à l’étude.

Utilisation des eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour assurer l’irrigation et la fertilisation par aspersion de grandes cultures

 

37-1C

Arrêté du 29 janvier 2018 relatif à la mise en œuvre d'une expérimentation portant sur l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour assurer l'irrigation et la fertilisation par aspersion de grandes cultures

Département des Hautes-Pyrénées

Aucun élément communiqué par le Gouvernement.

Ce dispositif est en cours jusqu’en 2021.

 

 

 


—  1  —

 

II.   L’autonomie financière des collectivités territoriales

MM. Christophe Jerretie et Charles de Courson

 

Les collectivités territoriales françaises jouissent-elles, aujourdhui, de lautonomie financière – cest-à-dire, dune véritable autonomie financière ?

Si l’on se fie seulement à la lettre de l’article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, et à celle du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui comporte un chapitre ainsi intitulé, oui, sans doute possible.

Si l’on écoute les élus locaux et la perception qu’ils ont de l’autonomie financière des collectivités dont ils assument la responsabilité, on peut concevoir les plus grands doutes sur l’existence réelle d’une autonomie financière des collectivités territoriales.

Deux facteurs principaux expliquent les doutes émis par les élus locaux sur la réalité de leur autonomie financière aujourd’hui.

Premièrement, la situation financière dégradée des départements, sous l’effet de la très forte croissance des dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité (les « AIS » ([35])) et à l’aide sociale à l’enfance (ASE), a mis en évidence le problème de la compensation financière, dans la durée, des transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités.

Deuxièmement, la suppression, d’abord partielle, bientôt totale, de la taxe d’habitation (TH), et les incertitudes sur les solutions qui seront mises en œuvre pour compenser cette suppression, ont ravivé les inquiétudes des élus du bloc communal sur ce sujet de l’autonomie financière. La perspective, qui se dessine dans les travaux de la mission Richard-Bur, d’un remplacement de la TH par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), déplace maintenant l’angoisse du bloc communal vers les départements, qui ne savent pas encore avec précision quelle ressource viendra compenser la perte de leur part de TFPB…

C’est en partant de ce constat d’un écart conséquent, pour ne pas dire vertigineux, entre une règle placée au sommet de la hiérarchie des normes internes et sa perception par les acteurs locaux, que notre Délégation a souhaité se pencher sur ce sujet, en se plaçant dans la perspective de la révision constitutionnelle annoncée par le président de la République et dont nous aurons à discuter dans les prochaines semaines.

Les travaux que nous avons menés nous ont conduits à entendre, sur la base d’un questionnaire précis, les associations d’élus locaux, les directions centrales des ministères intéressés, des universitaires et un ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel. Ces différentes auditions nous ont permis de préciser ce qu’est, au sens constitutionnel, l’autonomie financière des collectivités territoriales (1) et de mesurer la désillusion de l’ensemble des acteurs locaux par rapport aux espoirs qu’ils avaient placés dans la consécration constitutionnelle de l’autonomie financière en 2003 (2).

S’appuyant sur la conviction, partagée par les deux rapporteurs, qu’une organisation véritablement décentralisée de la République présuppose une véritable autonomie financière des collectivités territoriales, les propositions que nous formulons à l’issue de nos travaux ont pour objectif commun de remédier à cette désillusion en renforçant l’autonomie financière dont doivent jouir les collectivités (3).

1.   Qu’est-ce que l’autonomie financière des collectivités territoriales au sens constitutionnel ?

Avant d’en venir au sujet même de la mission, l’autonomie financière des collectivités territoriales, un rappel préalable s’impose. L’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant : (…) lassiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; (…) » ; l’article  72-2, alinéa 2, dispose quant à lui que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer lassiette et le taux dans les limites quelle détermine. ».

Selon la Constitution française, le pouvoir de lever l’impôt n’appartient donc qu’au Parlement, et à lui seul, les collectivités territoriales n’ayant quant à elles qu’une compétence fiscale de « second rang », sur délégation du législateur. Le législateur peut les autoriser à fixer l’assiette et le taux de certaines impositions, dans les limites que la loi fixe, mais il n’est pas tenu de le faire, pourvu que soient respectées les dispositions constitutionnelles et organiques sur la part déterminante des ressources propres.

Ce rappel préalable étant posé, qu’est-ce donc que l’autonomie financière des collectivités territoriales ?

Pour bien comprendre ce qu’est l’autonomie financière des collectivités territoriales consacrée aujourd’hui par l’article 72-2 de la Constitution et par les dispositions organiques du CGCT qui fixent ses conditions d’application, il faut revenir à ce qu’était cette notion avant 2003.

a.   L’autonomie financière des collectivités avant 2003

L’autonomie financière des collectivités territoriales avait en effet été reconnue par le Conseil constitutionnel avant que le constituant et le législateur organique ne viennent expressément la consacrer en 2003 et 2004. Avant d’être reconnue par les textes, l’autonomie financière avait été reconnue comme un corollaire, un « attribut logique » ([36]) du principe constitutionnel de libre administration, qui comportait deux dimensions :

1) le droit pour les collectivités de disposer librement des ressources dont elles disposent ;

2) et le droit de disposer de ressources suffisantes pour exercer leurs compétences (ou plus précisément, le droit de ne pas voir la loi fixer des règles qui restreindraient leurs ressources au point d’entraver leur libre administration ([37])).

Au début du second mandat du Président Jacques Chirac, a néanmoins été dressé le constat que, si les collectivités territoriales avaient, depuis les premières lois de décentralisation en 1982 et 1983, vu leurs compétences s’étendre de façon significative, elles avaient en revanche vu leurs finances se dégrader et leur capacité à peser sur leurs propres ressources se restreindre comme peau de chagrin. Le rapporteur de la révision constitutionnelle de 2003 à l’Assemblée, notre ancien collègue et alors président de la commission des Lois Pascal Clément, avait dénoncé ce double mouvement de « recentralisation des finances locales » et d’accroissement des charges pesant sur les collectivités dans des termes très sévères :

« (…) le modèle de décentralisation à la française a en effet perdu en vingt ans de sa pertinence, face à un double mouvement opéré par lÉtat, consistant à « recentraliser » le fonctionnement des collectivités locales, tout en accroissant dans le même temps les charges pesant sur elles.

« Le retour de balancier, quinze ans après les lois de décentralisation, a principalement affecté les finances locales : la suppression de la part salariale des bases de taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe dhabitation, de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, pour les particuliers, de la taxe régionale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux ainsi que labaissement, puis le plafonnement du tarif du droit de mutation à titre onéreux sont autant de mesures qui ont fortement affaibli les marges de manœuvre dont jouissaient les collectivités locales. (…)

« Cest donc sous cette menace budgétaire et avec ces marges réduites de financement que les collectivités ont dû, dans le même temps, faire face à des accroissements de charges importants ; lÉtat a en effet cherché à réduire son déficit par une politique de transferts de compétences, sans accorder léquivalent en terme de ressources. » ([38])  

Lors de l’examen de la révision constitutionnelle de 2003 en séance à l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux Dominique Perben faisait, en outre, le constat que la jurisprudence du Conseil constitutionnel était insuffisamment protectrice des libertés locales et n’avait pas empêché la recentralisation des finances locales :

« Aujourdhui, aucune disposition ne consacre explicitement dans la Constitution lautonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a, certes, développé une jurisprudence en ce sens, fondée sur le principe de libre administration, mais, à défaut dune base plus précise, celle-ci est nécessairement demeurée limitée. Elle na donc pu faire obstacle à un véritable mouvement de recentralisation financière. » ([39])  

b.   La consécration de l’autonomie financière des collectivités dans la réforme constitutionnelle de 2003

C’est à cette situation, jugée insatisfaisante pour les libertés locales, en tout cas contraire à l’idée d’« organisation décentralisée de la République », que l’introduction dans la Constitution de l’article 72-2 consacrant expressément l’autonomie financière des collectivités a entendu remédier.

Mais le constituant de 2003 ne s’est, évidemment, pas borné à reprendre la jurisprudence peu protectrice pour les libertés locales du Conseil constitutionnel. Il a, dans un but de protection accrue des libertés locales, enrichi la définition de l’autonomie financière. Ainsi,

- au-delà du droit pour les collectivités à bénéficier « de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi », déjà reconnu par le juge constitutionnel et consacré à l’alinéa 1er,

- au-delà de la reconnaissance de la possibilité pour les collectivités de « recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures », dont « la loi peut les autoriser à (…) fixer lassiette et le taux dans les limites quelle détermine », possibilité qui existait déjà dans les faits et désormais inscrite à l’alinéa 2,

- le principe d’autonomie financière s’est vu « augmenté » de deux dimensions supplémentaires :

● d’une part, la règle selon laquelle « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de lensemble de leurs ressources », dans des conditions fixées par une loi organique (alinéa 3) ;

● d’autre part, la règle selon laquelle « Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » (alinéa 4).

Pascal Clément, en présentant ces dispositions, y plaçait de grands espoirs pour, à l’avenir, protéger les collectivités de nouvelles tentatives étatiques de recentralisation ou de diminution de leurs ressources :

« Afin de permettre aux collectivités dexercer leurs compétences de façon adéquate, (…) le principe de la garantie de leurs ressources et de leur libre disposition est reconnu à larticle 6 du projet, qui crée à cette fin un nouvel article 72-2 dans la Constitution. Les collectivités locales se verront garantir le droit de recevoir le produit dimpositions et den fixer elles-mêmes le taux et lassiette, dans les conditions définies par le législateur. Les recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les dotations quelles reçoivent dautres collectivités territoriales devront représenter une part déterminante de lensemble des ressources, ceci afin de faire pièce aux tentatives de recentralisation des ressources que na pu éviter le Conseil constitutionnel faute de dispositions explicites dans la Constitution. » ([40])  

Hélas, ces espoirs furent de courte durée car, dès 2004, la définition par la loi organique de la notion de « part déterminante de ressources propres » privait déjà la révision constitutionnelle d’une bonne partie de son possible effet utile.

c.   La définition de la notion de « part déterminante des ressources propres » des collectivités par la loi organique de 2004

Une loi organique était en effet nécessaire pour préciser la notion de « part déterminante des ressources propres », qui constitue l’un des aspects de l’autonomie financière des collectivités désormais consacrée par la Constitution.

Précisons ici que ce droit des collectivités à bénéficier d’une part déterminante de ressources propres dans l’ensemble de leurs ressources ne saurait être regardé comme une autonomie fiscale, entendue comme un droit pour les collectivités à fixer le taux ou l’assiette de l’ensemble, ou au moins d’une part minimale, de leurs ressources fiscales – et ce même si, devant le Parlement réuni en Congrès pour l’adoption de la révision constitutionnelle, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, sans doute emporté par son élan décentralisateur, avait qualifié d’« autonomie fiscale » le nouveau droit des collectivités à disposer d’une part déterminante de ressources propres ([41]).

Bien au contraire, le constituant de 2003 avait clairement exclu, en rejetant des amendements présentés en ce sens, de reconnaitre aux collectivités une autonomie fiscale : lorsqu’elles ont la faculté de fixer le taux ou l’assiette d’un impôt, ce n’est que parce le législateur a bien voulu la leur déléguer explicitement, mais pas parce qu’elles disposeraient d’une autonomie fiscale, comme l’a par la suite jugé le Conseil constitutionnel ([42]).

Les deux concepts de l’expression « part déterminante des ressources propres » appelaient donc une définition par le législateur organique : que sont les ressources propres, et dans quelles conditions peut-on considérer que ces ressources propres représentent une part déterminante de l’ensemble des ressources des collectivités ?

En outre l’article 72-2 précisant que c’est « pour chaque catégorie de collectivités » que l’appréciation du caractère déterminant de la part des ressources propres doit avoir lieu, la loi organique devait aussi définir les différentes catégories de collectivités.

La loi organique du 29 juillet 2004 prise en application de l’article 72-2 de la Constitution relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales a introduit dans le CGCT un chapitre intitulé « Autonomie financière des collectivités territoriales » comprenant les articles LO 1114-1 à LO 1114-2.

L’article LO 1114-1 définit, sobrement et sans que cela prête le flanc à la critique, les différentes catégories de collectivités : d’abord les communes ; ensuite les départements ; enfin les régions.

Larticle LO 1114-2 définit la notion de ressources propres.

Certaines ressources énumérées par cet article n’appellent pas de commentaire, car elles ont un caractère « évidemment propre » : il s’agit des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d’urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.

Est également une ressource propre des collectivités, le « produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer lassiette, le taux ou le tarif » : il s’agit ici du premier cercle des ressources fiscales propres, ou encore des ressources propres au sens strict, sur lesquelles les collectivités ont une certaine marge de manœuvre.

Enfin, est également qualifié par cet article de ressource propre le « produit des impositions de toutes natures (…) dont [la loi] détermine, par collectivité, le taux ou une part locale dassiette » : ici, il s’agit du second cercle des ressources fiscales propres, des ressources propres au sens large, qui ont un lien avec un territoire sans pour autant que la collectivité compétente sur ce territoire ait la moindre prise sur le montant de la recette.

On voit donc que le législateur organique de 2004 a retenu une définition large de la ressource propre, en y incluant non seulement les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités ont un certain pouvoir, mais aussi celles sur lesquelles elles nont aucune prise. Comme le relève le professeur Michel Bouvier que nous avons entendu, cette définition a en réalité consisté à « prendre acte du fait que d’année en année le pouvoir de décision fiscale des élus locaux se trouve réduit de par la multiplication des allègements fiscaux ainsi d’ailleurs que des transformations de la matière imposable » ([43]).

Le même article LO 1114-2 précise que pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale.

Le mode demploi pour déterminer si la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités est ou non déterminante est fixé à larticle LO 1114-3. Ainsi, il est prévu que pour chaque catégorie de collectivités, « la part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources, à lexclusion des emprunts, des ressources correspondant au financement de compétences transférées à titre expérimental ou mises en œuvre par délégation et des transferts financiers entre collectivités dune même catégorie » (1er alinéa). Le 2ème alinéa précise que pour la catégorie des communes, les ressources dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale sont prises en compte, sous réserve des mêmes exclusions.

Enfin le dernier alinéa de l’article LO 1114-3 précise le ratio minimal de ressources propres permettant de considérer que celles-ci constituent une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources : « Pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de lannée 2003 ». En 2003, le niveau des ressources propres de chaque catégorie de collectivité était de 60,8 % pour le bloc communal, 58,6 % pour les départements et 41,7 % pour les régions. Par conséquent, le ratio des ressources propres de chaque catégorie ne saurait tomber, pour une année donnée, en dessous de ces seuils.

Précisons qu’initialement, le législateur organique avait prévu que la part des ressources propres d’une catégorie de collectivités était déterminante quand deux critères étaient réunis : il fallait non seulement que la part des ressources propres ne soit pas inférieure à celle constatée, par catégorie de collectivités, en 2003, mais aussi que cette part déterminante garantisse « la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées ». Mais le Conseil constitutionnel a censuré ce second critère, estimant que celui-ci, « outre son caractère tautologique, ne respecte, du fait de sa portée normative incertaine, ni le principe de clarté de la loi ni lexigence de précision que larticle 72-2 de la Constitution requiert du législateur organique » ([44]). Pour vos rapporteurs, cette appréciation est particulièrement sévère, car elle a privé la notion de part déterminante des ressources propres de toute dimension dynamique : les collectivités ont seulement le droit que leur ratio d’autonomie financière ne se dégrade pas davantage qu’il ne l’était déjà en 2003 !

Enfin, l’article LO 1114-4 fixe la procédure à suivre dans l’hypothèse où, pour une année donnée, le niveau de ressources propres d’une catégorie de collectivités passerait sous ce niveau : dans ce cas, les « dispositions nécessaires » doivent être « arrêtées, au plus tard, par une loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait ».

2.   La désillusion de la consécration constitutionnelle de l’autonomie financière des collectivités

La désillusion des acteurs locaux par rapport aux espoirs suscités par la révision constitutionnelle de 2003 est double. Elle tient, d’abord, à la définition trop large des ressources propres par la loi organique, encore élargie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (a). Elle résulte, ensuite, de la jurisprudence très stricte – du point de vue des collectivités – du Conseil constitutionnel dans l’appréciation de la constitutionnalité des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences (b). Le résultat de cette dérive est un paradoxe pour le moins piquant : quinze ans après la révision constitutionnelle, le ratio d’autonomie financière des collectivités n’a jamais été aussi élevé, alors que leur degré d’autonomie fiscale n’a jamais été aussi réduit (c) !

a.   Une définition trop large des ressources propres

Après l’espoir suscité par la consécration constitutionnelle de 2003, l’étape de la discussion de la loi organique avait, déjà, pu conduire certains participants aux débats parlementaires d’alors à s’interroger sur les potentialités réelles de la notion d’autonomie financière des collectivités territoriales, dès lors qu’y étaient incluses les ressources fiscales dont les collectivités ne peuvent fixer ni le taux ni l’assiette, pour protéger les collectivités des velléités de recentralisation des finances locales.

Ainsi notre collègue Gilles Carrez, alors rapporteur général de la commission des Finances, avait, certes, souligné que le fait de prévoir que « les impositions de toutes natures doivent être considérées comme des ressources propres, même si la collectivité locale nen vote pas le taux et nen maîtrise pas lassiette » était « parfaitement conforme à la Constitution et juridiquement inattaquable », mais avait néanmoins fait valoir qu’il lui paraîtrait « préférable, à un terme plus ou moins rapproché, que chaque catégorie de collectivité puisse bénéficier de ressources fiscales significatives dont elle puisse voter le taux et maîtriser lassiette » ([45]).

Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel est venue aggraver ce péché originel de la définition organique excessivement large des ressources propres. Ainsi le Conseil a-t-il jugé, à propos de la réforme de la taxe professionnelle, que le fait pour le législateur d’attribuer à une catégorie de collectivité une fraction d’un impôt local suffisait à considérer que cette ressource avait le caractère de ressource propre, car elle était déterminée « à partir dune base locale dassiette », ce qui va plus loin que les termes de la loi organique qui ne mentionne que les ressources fiscales dont la loi « détermine, par collectivité, le taux ou une part locale dassiette » ([46]).

Cette logique a été poussée à son paroxysme avec la décision du 28 décembre 2017 sur la loi de finances pour 2018, par laquelle le Conseil constitutionnel a validé le dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % de la population tant au regard du principe d’égalité que de celui d’autonomie financière ([47]). Dans cette décision, après avoir relevé que le dégrèvement, sur la base des taux globaux de taxe d’habitation appliqués en 2017, était entièrement remboursé par l’État aux communes, puis estimé que ce dégrèvement n’affectait pas l’assiette de cette taxe et ne remettait pas non plus en cause le fait qu’elle repose sur des bases locales, le Conseil a considéré que les communes demeuraient libres d’en fixer le taux, toute augmentation de ce taux par rapport à 2017 pesant alors sur l’ensemble des redevables, y compris ceux bénéficiant du dégrèvement instauré par les dispositions contestées. Il en a conclu qu’« en dépit de lampleur du dégrèvement, la taxe dhabitation continue de constituer une ressource propre des communes » ([48]).

Avec cette dernière décision, on mesure enfin le caractère futile de la notion d’autonomie financière telle qu’elle a été définie par le législateur organique de 2003 et interprétée par le Conseil constitutionnel. On mesure surtout son inefficacité à protéger les collectivités territoriales des velléités de l’État de les priver de ressources qu’elles seraient en capacité de maîtriser. Le principe d’autonomie financière n’est aujourd’hui d’aucune utilité pour empêcher, ou même ralentir, le phénomène de « décadence de l’autonomie fiscale locale » décrit par le professeur Michel Bouvier, qui ajoute que la consécration constitutionnelle de l’autonomie financière des collectivités n’a été « qu’un rendez-vous manqué, une illusion » ([49]). Et on comprend mieux, dans ces conditions, que les attentes des élus locaux vis-à-vis de la constitutionnalisation de l’autonomie financière aient pu être à ce point déçues, comme l’a relevé M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, devant notre Délégation ([50]).

b.   Une jurisprudence stricte dans l’appréciation de la constitutionnalité des mécanismes de compensation financière des transferts de compétences

L’article 72, alinéa 4 de la Constitution dispose :

« Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

La Constitution distingue ainsi le transfert de compétence, qui ouvre droit à l’attribution de ressources équivalentes à celles précédemment consacrées à l’exercice de la compétence transférée, de la création ou extension de compétence, qui n’ouvre droit qu’à un accompagnement financier.

Face au poids croissant de l’action sociale dans les budgets des départements, ces derniers se sont saisis de cette nouvelle arme contentieuse qu’a constitué, après la révision constitutionnelle de 2008, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Dans des affaires concernant aussi bien le revenu de solidarité active (RSA), la prestation de compensation du handicap (PCH) que l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), plusieurs départements ont contesté, devant le juge administratif puis devant le Conseil constitutionnel après transmission des QPC qu’ils avaient soulevées, l’absence de compensation intégrale des coûts induits par le financement de ces aides, ainsi que l’absence d’évolution dans le temps de cette compensation, en invoquant l’article 72-2, alinéa 4 de la Constitution.

Mais, comme le souligne une auteure, « les décisions rendues par le Conseil constitutionnel se sont avérées décevantes pour la protection de lautonomie financière des collectivités » ([51]). On ne saurait mieux dire, dès lors qu’aucune des pourtant nombreuses – et souvent très argumentées – QPC soulevées par des collectivités sur le fondement de l’article 72-2 de la Constitution n’a, à ce jour, prospéré !

À propos de la portée de l’obligation de compensation des transferts de compétence, le Conseil a lu aussi strictement qu’il lui était possible l’alinéa 3 de l’article 72-2, en jugeant que la compensation na pas à être intégrale – une simple équivalence de la ressource précédemment employée et de celle attribuée en compensation suffit – ni glissante – il n’est pas obligatoire de prévoir une actualisation ([52]). La seule limite à ne pas dépasser dans l’absence d’actualisation de la compensation serait le cas où l’évolution de la dépense serait telle qu’elle finirait par entraver la libre administration ([53]).

Mais, à ce jour, et en dépit de glissements parfois très conséquents entre la dépense constatée au moment du transfert et la dépense à la charge des collectivités quelques années plus tard, le Conseil n’a jamais franchi le pas de constater une méconnaissance du principe d’autonomie financière ou du principe de libre administration. Ainsi, le Conseil constitutionnel a estimé, à propos du revenu minimum d’insertion (RMI) et du revenu minimum d’activité (RMA), que « "leffet de ciseaux" entre les dépenses transférées qui ont augmenté à un rythme élevé et les ressources de TIPP allouées aux départements qui ont crû à un rythme plus faible » ([54]), qui aboutissait chaque année à un reste à charge pour les départements de l’ordre d’un milliard d’euros ([55]), n’avait pas pour effet de dénaturer le principe de libre administration des départements ([56]). Certes, des fonds d’urgence reconduits d’année en année sont venus limiter les effets financiers désastreux pour les départements de cet effet de ciseaux, mais il ne s’agit là que de solutions temporaires et insuffisantes qui s’apparentent davantage à un colmatage qu’à une approche respectueuse des rapports financiers entre l’État et les collectivités.

Les perspectives d’aggravation du reste à charge des départements pour le financement des AIS, estimées par MM. Alain Richard et Dominique Bur dans le cadre de la mission que leur a confiée le Premier ministre à près de 10 milliards d’euros à l’horizon 2020 ([57]), et l’impasse du colmatage de ce reste à charge par des fonds d’urgence, suffisent à démontrer le caractère insuffisant et inadapté du droit à compensation financière des transferts de compétences tel que le constituant de 2003 l’a défini et le juge constitutionnel l’a appliqué.

c.   Un résultat paradoxal : l’amélioration du ratio d’autonomie financière des collectivités territoriales

Une capacité minimale des élus des collectivités territoriales à déterminer, que ce soit à la hausse ou à la baisse, lévolution de leurs ressources fiscales, est un impératif démocratique. Comme l’a souligné l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel dans sa contribution écrite, « La coïncidence entre électeurs locaux, usagers des services publics locaux et contribuables locaux, sur un territoire donné, est la pierre angulaire de la démocratie locale. Cest son triangle magique. Elle garantit, par la responsabilisation mutuelle des trois catégories dacteurs, la bonne régulation de la gouvernance locale : si la population estime que les services qui lui sont fournis sont insuffisants au regard des impôts quelle paie, elle sanctionnera les responsables locaux aux élections. Elle pourra aussi élire une équipe qui, fût-ce au prix dun effort fiscal supplémentaire, mettra en place des équipements auxquelles aspire la majorité des habitants. »

Au cours des quinze dernières années, cet impératif démocratique a été, dans les faits, largement mis à mal par les évolutions de la fiscalité locale qui sont intervenues. Les élus locaux que nous avons entendus partagent tous le même sentiment, parfaitement fondé au regard desdites évolutions, que leur capacité à disposer de ressources dont ils seraient en situation, même minimale, de maîtriser l’évolution, s’est effondrée.

Et pourtant, le droit constitutionnel de l’autonomie financière leur donne tort, car le ratio dautonomie financière de toutes les catégories de collectivités, loin de seffondrer ou de stagner, a très sensiblement progressé. Entre 2003 et 2015, ce ratio a progressé régulièrement, passant de 60, 8 % à 68,6 % pour le bloc communal, de 58,6 % à 70,9 % pour les départements et de 41,7 % à 62,5 % pour les régions.

évolution du Ratio d’autonomie financiÈre des collectivitÉs territoriales entre 2003 et 2015

Ratio constaté

Communes et EPCI

Départements

Régions

2003

60,8 %

58,6 %

41,7 %

2007

62 %

66 %

53,2 %

2011

64,9 %

67,4 %

54,3 %

2015

68,6 %

70,9 %

62,5 %

Sources :

-        Observatoire des finances locales – Rapports « Les finances des collectivités locales », années 2005, 2009, 2013 et 2017 ;

-        Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales

Le ratio minimal, fixé par la loi organique par référence au ratio constaté en 2003 est ainsi non seulement respecté, mais encore largement dépassé. Comme l’a souligné M. Olivier Dussopt devant notre Délégation, « on comprend que lévolution du ratio dautonomie financière laisse perplexe » ([58]). Il serait même d’ailleurs techniquement possible, dans l’hypothèse où les ressources d’une catégorie de collectivités ne seraient composées que de fiscalité transférée, que son ratio d’autonomie financière soit de 100 %, alors que son autonomie fiscale serait nulle !

Ce mystère de la progression du ratio d’autonomie financière de toutes les catégories de collectivités depuis 2003 s’explique, pour partie, par la baisse des dotations aux collectivités appliquée entre 2013 et 2015, qui a mécaniquement entraîné une diminution de la part de ces dernières dans l’ensemble de leurs ressources et une augmentation de la part de leurs ressources considérées comme propres. Mais il s’explique aussi, largement, par la qualification abusive de ressource propre donnée par la loi organique et le Conseil constitutionnel à l’ensemble de la fiscalité transférée et aux dégrèvements.

3.   Pour une organisation véritablement décentralisée de la République, consacrer une véritable autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales

Au vu de la situation décrite, il nous paraît impossible de considérer que le principe d’autonomie financière, tel qu’il est aujourd’hui inscrit dans la Constitution et interprété par le juge constitutionnel, est suffisant pour garantir les libertés locales et l’effectivité de la décentralisation. Il est également impossible de ne pas voir la difficulté démocratique majeure que posent l’évolution, apparemment irrésistible, vers l’attribution de toujours plus de fiscalité transférée aux collectivités, et la perspective de la disparition de toute autonomie fiscale.

Des évolutions sont donc non seulement souhaitables, mais aussi nécessaires, pour faire enfin de lautonomie financière une véritable garantie de la libre administration. C’est le souhait de tous des élus locaux entendus, et c’est le sens des propositions formulées par les rapporteurs, afin que l’autonomie financière des collectivités territoriales ne soit plus une « liberté de "second rang" » ([59]) mais une véritable liberté locale.

Pour cela, les rapporteurs proposent :

—  de garantir une définition réaliste des ressources propres, en excluant la fiscalité transférée de ces ressources, et de consacrer dans la Constitution, aux côtés de l’autonomie financière, l’autonomie fiscale des collectivités ;

—  de rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive ;

—  enfin, de prévoir l’adoption d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales.

a.   Garantir une définition réaliste des ressources propres, en excluant la fiscalité transférée de ces ressources, et consacrer dans la Constitution, aux côtés de l’autonomie financière, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales

La définition des ressources propres retenue par la loi organique de 2003 et l’interprétation qu’en a fait le Conseil constitutionnel ont privé l’autonomie financière de ses potentialités en tant que garantie constitutionnelle pour les collectivités. D’une liberté constitutionnelle pensée et conçue pour garantir la libre administration, l’autonomie financière est devenue une coquille vide, ou presque, dépourvue de tout effet utile pour les collectivités.

Vos rapporteurs estiment nécessaire de remédier à cette situation en procédant à deux modifications qui, pour eux, ne sont pas alternatives, mais bien complémentaires.

D’une part, la notion dautonomie financière doit être restaurée dans ce quelle aurait toujours dû être : une garantie que les ressources que les collectivités sont en mesure de maîtriser constituent effectivement une part déterminante de leurs ressources. Pour cela, il faut redonner du réalisme à la notion de ressources propres, en en excluant toutes les recettes fiscales dont les collectivités ne peuvent fixer ni l’assiette, ni le taux, ni le tarif.

Cela suppose, d’abord, de modifier l’article 72-2, alinéa 3 de la Constitution, pour préciser que seules les recettes fiscales dont les collectivités peuvent fixer l’assiette, le taux ou le tarif sont prises en compte dans les ressources propres des collectivités. Cela nécessitera, ensuite, de modifier l’article LO 1114-2 du CGCT pour supprimer les recettes fiscales dont la loi « détermine, par collectivité, le taux ou une part locale dassiette », afin d’éliminer la fiscalité transférée du calcul du ratio d’autonomie financière. Cela supposera, enfin, de modifier l’article LO 1114-3, alinéa 3 du même code pour redéfinir le ratio d’autonomie financière de chaque catégorie de collectivités en tenant compte de cette évolution.

Proposition n° 1 : Garantir une définition réaliste des ressources propres, en excluant la fiscalité transférée de ces ressources.

D’autre part, il est nécessaire de compléter lexigence dautonomie financière par un droit des collectivités à une certaine autonomie fiscale. Comme indiqué précédemment, un lien minimal doit exister entre le citoyen-contribuable local et les collectivités qu’ils élisent : il s’agit d’un impératif de démocratie locale et de responsabilité des élus et des électeurs.

Évidemment, un certain pragmatisme doit être de mise, et il ne serait pas raisonnable, compte tenu de la réalité de ce qu’est devenue la fiscalité locale aujourd’hui, d’inscrire dans la Constitution que la part des ressources fiscales maîtrisées par les collectivités devrait être « significative », « déterminante » – pour reprendre l’expression employée à l’article 72-2 à propos de la part des ressources propres – ni, a fortiori, « prépondérante » – terme que la commission des Lois du Sénat souhaitait voir retenu en 2003 pour qualifier la part des ressources propres dans l’ensemble des ressources des collectivités ([60]). Car, comme l’avait fait observer le garde des Sceaux, Dominique Perben, à propos du terme « prépondérante » souhaité par la commission des Lois du Sénat, l’emploi d’un tel qualificatif aurait eu « pour effet de placer immédiatement le droit positif en rupture avec la norme constitutionnelle » ([61]).

En effet, comme le montre le tableau relatif au ratio d’autonomie fiscale des collectivités en 2015 ([62]), ci-après, le niveau d’autonomie fiscale actuelle des différentes catégories de collectivités ne permettrait, pour aucune d’entre elles, de le qualifier de significatif, déterminant ou prépondérant.


Ratio d’autonomie fiscale des collectivités territoriales en 2015

 


Que l’on retienne une acception étroite de l’autonomie fiscale, en n’y incorporant que les recettes fiscales ayant une assiette territorialisée et dont le taux est fixé par les assemblées des collectivités, ou une acception large, en y incluant également celles des recettes fiscales dont l’assiette est certes territorialisée mais dont le taux est fixé nationalement, le ratio d’autonomie fiscale des différentes catégories de collectivités serait, il faut bien l’avouer, assez faible. Au sens strict, pour l’année 2015, le ratio d’autonomie fiscale du bloc communal aurait ainsi été de 41,1 %, celui des départements de 22,2 % et celui des régions de 9,2 %. Dans un sens élargi, le ratio d’autonomie fiscale du bloc communal serait de 47,2 %, celui des départements de 54,1 % et celui des régions de 48,8 %.

Il va de soi que le dégrèvement de taxe d’habitation intervenu en 2018 pour 80 % de la population et la perspective de la suppression de cet impôt à court terme auront pour effet de dégrader encore ce ratio, si ce n’est pour le bloc communal dans l’hypothèse où lui serait transférée la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, mais au moins et à coup sûr pour les départements, comme le montre le tableau de projection en 2022 ci-après.


Projection du Ratio d’autonomie fiscale des collectivités territoriales en 2022, apres suppression integrale de la taxe d’habitation


Ainsi à horizon 2022, le ratio d’autonomie fiscale du bloc communal est susceptible de descendre à un niveau compris entre 38,3 et 44,5 % selon la définition que l’on retient de cette autonomie. Quant à celui des départements, il serait de moins de 2 % dans l’acception la plus stricte, et de 33,2 % si l’on a une vision large de l’autonomie fiscale.

Ces niveaux montrent qu’il est certainement préférable d’éviter de chercher à qualifier l’autonomie fiscale des collectivités. C’est du reste ce que peut nous apprendre a posteriori l’expérience de la révision constitutionnelle de 2003. Vouloir qualifier un ratio, quel que soit le terme envisagé (de « prépondérant » à « significatif » en passant par « déterminant »), c’est non seulement s’exposer aux pires difficultés et contorsions pour faire coïncider ce qualificatif avec la réalité, mais aussi prendre le risque de justifier des accommodements ultérieurs avec les concepts et ce, au détriment de la volonté du constituant.

Par conséquent, nous proposons, sagissant de la consécration dune autonomie fiscale des collectivités territoriales, de renvoyer à la loi organique le soin de déterminer, pour chaque catégorie de collectivités, la part minimale de leurs ressources qui devra être constituée de recettes fiscales dont elles peuvent, dans les limites prévues par la loi, fixer lassiette, le taux ou le tarif. Il appartiendra ensuite au législateur organique de déterminer cette part minimale, en tenant compte de la réalité fiscale du moment, mais aussi en faisant en sorte de donner un corps suffisant à l’exigence d’autonomie fiscale. Pour donner de l’ambition au ratio d’autonomie fiscale qui serait fixé, un rehaussement progressif, échelonné dans le temps, pourrait constituer une incitation à une refonte, elle aussi progressive, de la fiscalité locale qui devrait tendre vers un renforcement de l’autonomie fiscale des collectivités. C’est pourquoi il est proposé, en complément du ratio d’autonomie financière, l’ajout d’un ratio d’autonomie fiscale.

Une option pourrait consister, a minima, à limiter la nouvelle exigence constitutionnelle dautonomie fiscale au seul bloc communal. Cette application au seul bloc communal pourrait se revendiquer du pragmatisme, puisqu’au jour d’aujourd’hui seul le bloc communal bénéficie d’un niveau d’impôts maîtrisés pouvant justifier, sans craindre le ridicule, de lui reconnaître une autonomie fiscale. Mais elle pourrait également se justifier par deux considérations plus profondes.

D’une part, seules les communes disposent désormais d’une compétence générale, la loi « NOTRe » ayant retiré cette compétence générale aux régions et aux départements ([63]). Les communes et leurs groupements sont ainsi les seules collectivités qui peuvent intervenir dans tout domaine, ce qui justifierait, dans un souci de garantie de cette liberté d’intervention mais aussi de responsabilisation des élus dans le cadre de ces interventions volontaires, qu’elles seules se voient reconnaître une autonomie fiscale.

D’autre part, les communes, même intégrées dans des établissements publics de coopération intercommunale dont la loi NOTRe a souhaité qu’ils aient un périmètre élargi, demeurent par essence l’échelon de la proximité avec les citoyens. L’agrandissement de la taille des régions, qui a pu renforcer un sentiment préexistant d’éloignement de cette catégorie de collectivités avec les citoyens, a encore amplifié ce caractère de collectivité de proximité que les communes ont toujours eu. C’est donc pour le bloc communal que l’exigence de démocratie locale et d’un lien direct entre le citoyen-contribuable et la collectivité est et demeurera la plus forte.

Proposition n° 2 : Consacrer dans la Constitution, aux côtés de l’autonomie financière, l’autonomie fiscale soit de l’ensemble des collectivités territoriales, soit, à tout le moins, du bloc communal.

b.   Rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive

L’absence de droit, pour les collectivités territoriales, à une compensation intégrale et évolutive du coût des transferts de compétences de l’État, constitue une injustice et une source de tensions permanentes entre l’État et les collectivités. Celles-ci se trouvent dans la situation d’avoir à négocier, âprement et à intervalles trop rapprochés, avec l’État pour être en mesure d’exercer normalement les compétences que ce dernier leur a transférées. Cette situation nourrit l’amertume et peut alimenter un sentiment que l’État ne consent des transferts de compétences que dans le but de ne plus avoir à exercer une compétence dont il ne maîtrise plus l’évolution du coût.

L’exemple du transfert du RSA est, à cet égard, typique de cette situation. Sous l’effet de la situation économique dégradée, l’augmentation du nombre de bénéficiaires et, par voie de conséquence, des dépenses afférentes au versement de cette prestation par les départements ont augmenté de 44 % entre 2010 et 2016, passant de 7 à 10 milliards d’euros ([64]). À l’effet de cette augmentation tendancielle est venu s’ajouter celui des revalorisations successives du montant du RSA « socle » décidées en application du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ([65]). Comme le relève la Cour des comptes, ces mesures de revalorisation « ont accentué la dynamique de hausse des dépenses sociales des départements. Le surcoût pour eux du plan de lutte contre la pauvreté et des revalorisations liées à linflation peut être évalué à 207 M€ en 2013, 321 M€ en 2014, 320 M€ en 2015, 217 M€ en 2016, 233 M€ en 2017 et 188 M€ en 2018, soit un impact cumulé de 1,5 Md€ en 2018 » ([66]). Des fonds d’urgence ont certes été créés pour amortir l’impact de ces évolutions mais, comme le note la Cour des comptes, « Créés au coup par coup, ces fonds exceptionnels constituent une réponse de court terme, inadaptée aux difficultés rencontrées qui sont de nature structurelle ».

Pour remédier à cette situation, nous proposons deux mesures.

D’une part, nous proposons de renforcer le droit à compensation financière des collectivités territoriales dans le cadre des transferts de compétences, en garantissant un droit à compensation intégrale et évolutive. Les ressources attribuées ne devront plus être seulement « équivalentes », mais « identiques », et ne plus être déterminées en fonction des ressources qui « étaient » consacrées par l’Etat à l’exercice de la compétence, mais en fonction des ressources qui « seraient » consacrées à cet exercice.

Pour assurer la bonne mise en œuvre de cette compensation intégrale et évolutive, un organe indépendant, tel que la Cour des comptes ou les chambres régionales des comptes, devra participer à l’évaluation du coût des compétences transférées et de l’évolution de ce coût. Cela permettra de limiter les contestations et d’apaiser les tensions, récurrentes sur ces sujets financiers, entre l’État et les collectivités. Le coût de chaque compétence transférée devra donner lieu à une réévaluation périodique, qui pourrait être triennale. Cette « clause de revoyure » pourra jouer à double sens : que le coût de la compétence transférée augmente ou diminue, un ajustement de la compensation pourra avoir lieu.

D’autre part, nous proposons que les collectivités aient la possibilité, dans le cadre des transferts, créations ou extensions de compétences, de moduler les dépenses afférentes à ces compétences. Lorsque l’État décentralise l’exercice d’une compétence, les collectivités chargées de l’exercer doivent non seulement bénéficier des ressources correspondant à celles que l’État y aurait consacrées, mais aussi, conformément au principe de libre administration, pouvoir exercer pleinement et entièrement cette compétence, y compris en usant des possibilités d’adaptation locale des règles que la révision constitutionnelle va ouvrir et en modulant les dépenses correspondantes.

Par exemple, en matière de prestations de solidarité versées par les départements, la loi prévoyant le transfert devrait prévoir non seulement le transfert des moyens correspondants, mais aussi une certaine marge de manœuvre pour permettre à chaque collectivité d’adapter la prestation servie aux spécificités locales (et en particulier au coût de la vie).

Cette possibilité, en phase avec les préconisations de nos collègues Jean‑René Cazeneuve et Arnaud Viala pour la mission sur l’expérimentation et la différenciation territoriale, ouvrirait la voie à une compensation des transferts, créations ou extensions de compétences non seulement en recettes mais aussi en dépenses.

Proposition n° 3 : Rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive et autoriser les collectivités territoriales à moduler, dans des limites fixées par la loi, les dépenses correspondant aux compétences transférées, créées ou étendues.

c.   Prévoir l’adoption d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales

Alors que des efforts significatifs de participation à la réduction des déficits publics sont, depuis plusieurs années, demandés aux collectivités territoriales, les conditions de présentation et de discussion de leur financement ne sont plus adaptées. Les dispositions concernant la fiscalité locale sont discutées dans le cadre de la première partie de la loi de finances, tandis que celles relatives aux concours financiers de l’État sont, quant à elles, discutées en seconde partie dans le cadre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », alors qu’est en débat la même question des ressources des collectivités territoriales. En outre, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques peuvent comprendre des dispositions prévoyant des objectifs en matière de dépenses pour les collectivités territoriales : c’est ce qu’ont fait l’article 11 de la loi du 29 décembre 2014 en créant l’« objectif dévolution de la dépense publique locale » (ODEDEL) ([67]), puis l’article 29 de la loi du 22 janvier 2018 en créant un régime de contractualisation financière entre l’État et les plus grandes collectivités ([68]).

L’éparpillement de la discussion budgétaire concernant les collectivités territoriales nuit à sa cohérence, à sa lisibilité, voire à sa sincérité. Une loi de financement des collectivités territoriales, discutée indépendamment du projet de loi de finances, mais évidemment en cohérence avec lui comme peut lêtre la loi de financement de la sécurité sociale, permettrait de remédier à ces difficultés.

La Cour des comptes l’a proposé dans son rapport annuel sur les finances publiques locales pour 2013, publié en octobre 2014, et a réitéré cette proposition dans son rapport pour 2016 ([69]).

Pour la Cour, une loi de financement des collectivités territoriales contribuerait à une amélioration de la gouvernance des finances publiques locales. Elle aurait vocation à « retracer lensemble de leurs relations financières avec lÉtat et fixer pour lannée à venir, par catégorie de collectivités, les conditions de léquilibre global en cohérence avec la loi de programmation des finances publiques. Non prescriptive, elle déclinerait lODEDEL par grands postes de dépenses en intégrant limpact des « normes » (cest-à-dire toutes décisions nationales prises jusquà lannée écoulée et qui affectent les collectivités locales). Elle comporterait une prévision de recettes tenant compte des mesures nouvelles (transferts financiers de lÉtat et fiscalité locale) adoptées en LFI. À terme, elle pourrait permettre de fixer une norme dencadrement du recours à lendettement des collectivités ou dun cadre de référence sur lévolution des effectifs et des dépenses de personnel des administrations locales. Elle pourrait enfin constituer la base dune contractualisation entre lÉtat et les collectivités locales. » ([70])

Plusieurs des associations entendues par les rapporteurs ont également demandé cette évolution, dont l’Association des maires de France qui avait déjà formulé cette proposition par la voix de son président François Baroin lors de son audition par la Délégation le 31 janvier 2018 ([71]).

L’article 34 de la Constitution définit le domaine de la loi et l’objet de certaines catégories particulières de lois, dont les lois de finances, de financement de la sécurité sociale et de programmation des finances publiques. Les rapporteurs proposent de compléter cet article par un alinéa instituant la catégorie des lois de financement des collectivités territoriales. Leur objet sera de déterminer le montant des transferts financiers de l’État ou de la sécurité sociale aux collectivités territoriales et les conditions générales d’équilibre de leurs comptes. Une loi organique viendra, comme pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, préciser les conditions d’élaboration et de discussion de ces lois. Cette loi organique devra définir avec précision les dispositions que devront et pourront contenir ces lois, mais aussi celles qu’elles ne pourront pas contenir, dans le respect des principes constitutionnels de libre administration et d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales.

Proposition n° 4 : Prévoir l’adoption d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales.

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Recadrer la définition actuelle de l’autonomie financière.

Compléter l’exigence d’autonomie financière par une obligation d’autonomie fiscale, au moins pour le bloc communal.

Rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive et autoriser les collectivités à moduler les dépenses correspondant aux compétences transférées, créées ou étendues.

Prévoir l’adoption d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales.

Voilà nos propositions communes à l’issue de cette mission sur l’autonomie financière des collectivités territoriales.

Elles sont pour nous la condition sine qua non, nécessaire quoiqu’évidemment pas suffisante, d’une confiance retrouvée entre l’État et les collectivités et d’une nouvelle étape de la démocratie locale. En 2003, l’occasion de faire de l’autonomie financière un véritable pilier de la démocratie locale a été manquée. Ne manquons pas une nouvelle fois l’occasion qui va se présenter à nous avec la réforme constitutionnelle à venir.

 


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Synthèse des propositions et textes consolidés

 

Proposition n° 1 :

Garantir une définition réaliste des ressources propres, en excluant la fiscalité transférée de ces ressources.

Textes consolidés proposés :

Article 72-2 de la Constitution, alinéas 1 à 3 :

« Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette, et le taux ou le tarif dans les limites qu’elle détermine.

Les recettes fiscales dont les collectivités territoriales peuvent, dans les limites prévues par la loi, fixer lassiette, le taux ou le tarif et les leurs autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de lensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.

Premier alinéa de larticle LO 1114-2 du CGCT :

« Au sens de larticle 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer lassiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale dassiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations durbanisme, des produits financiers et des dons et legs. »

 

Proposition n° 2 : Consacrer dans la Constitution, aux côtés de l’autonomie financière, l’autonomie fiscale soit de l’ensemble des collectivités territoriales, soit, à tout le moins, du bloc communal.

Article 72-2 de la Constitution, nouvel alinéa après l’alinéa 3 :

Option n° 1 :

« Pour chaque catégorie de collectivités, la loi organique détermine la part minimale de leurs ressources qui est constituée de recettes fiscales dont elles peuvent, dans les limites prévues par la loi, fixer lassiette, le taux ou le tarif. »

Option n° 2 :

« Pour les communes et leurs groupements, la loi organique détermine la part minimale de leurs ressources qui est constituée de recettes fiscales dont ils peuvent, dans les limites prévues par la loi, fixer lassiette, le taux ou le tarif. »

 

Proposition n° 3 : Rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive et autoriser les collectivités territoriales à moduler, dans des limites fixées par la loi, les dépenses correspondant aux compétences transférées, créées ou étendues.

Article 72-2 de la Constitution, alinéa 4 :

« Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes identiques à celles qui étaient seraient consacrées par lÉtat à leur exercice . Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi détermine les conditions dans lesquelles les dépenses correspondant aux compétences transférées, créées ou étendues peuvent, conformément aux dispositions du xème alinéa de l’article 72, être modulées par les collectivités territoriales. »

 

Proposition n° 4 : Prévoir l’adoption d’une loi annuelle de financement des collectivités territoriales.

Article 34 de la Constitution :

« La loi fixe les règles concernant :

(…)

- l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie.

(…)

La loi détermine les principes fondamentaux :

(…)

- de la libre administration des collectivités territoriales, et de leurs compétences et de leurs ressources ;

(…)

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Les lois de financement des collectivités territoriales déterminent le montant des transferts financiers de l’Etat ou de la sécurité sociale aux collectivités territoriales et les conditions générales de leurs comptes, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.

Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »

 


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personnes entendues

 

Mardi 20 mars 2018

    M. Christian Martin, conseiller maître, président de section à la quatrième chambre, président de la formation interjuridictions « Finances publiques locales »

    Mme Perrine Tournade-Biéchy, conseiller référendaire à la quatrième chambre, rapporteure générale de la formation interjuridictions « Finances publiques locales »

Mercredi 21 mars 2018

    M. André Laignel, président

    M. Benjamin Pasquier, directeur de cabinet

    M. Philippe Laurent, secrétaire général, maire de Sceaux et président de la commission des finances de l’AMF

    Mme Nathalie Brodin, responsable du service finances

    M. Assane Fall, conseiller

    Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

    M. Charles-Eric Lemaignen, 1er vice-président

    M. Jean-François Galliard, président du conseil départemental de l’Aveyron

    Mme Anne Bouillot-Gourinat, conseiller finances de l’ADF

    Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

    M. Etienne Blanc, 1er vice-président de la région Auvergne Rhône-Alpes, délégué aux finances, à l’administration générale, aux économies budgétaires et aux politiques transfrontalières

    Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère aux relations parlementaires

    M. Sébastien Creusot, conseiller aux finances

 

 

 

 

Mardi 27 mars 2018

    M. Jean-Éric Schoettl, conseiller d’État honoraire, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel

    M. Emmanuel Grégoire, adjoint au maire de Paris en charge des finances

    M. Olivier Carré, maire d’Orléans, président d’Orléans-métropole

    M. Franck Claeys, directeur finances et fiscalité locales

    Mme Chloé Mathieu, responsable des relations institutionnelles

    M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, président délégué

    M. Armand Pinoteau, directeur administratif et financier

    M. Igor Semo, maire de Saint-Maurice, membre du bureau et de la commission des finances

    Mme Emma Chenillat, conseiller finances locales

    M. Marc Goua, maire de Trélazé, ancien député

    M. Pierre Bretel, délégué général

    Mme Laure Lachaise, chargée de mission

    M. Dominique Jarlier, président

    Mme Dominique de La Rochette

    M. Benoît Simian, député de la Gironde

    M. Simon Lebeau, chargé de mission d’études

 

Mercredi 28 mars 2018

    M. Bruno Delsol, directeur général

    Mme Françoise Tahéri, sous-directrice des finances locales et de l’action économique

    M. Etienne Brun-Rovet, adjoint à la sous-directrice des finances locales et de l’action économique

    Mme Nathalie Biquard, cheffe du service des collectivités locales

    M. Philippe Romac, administrateur civil

 

Mardi 3 avril 2018

    M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général

    M. Marc Destenay, adjoint au sous-directeur des professions sociales, de l'emploi et des territoires

 

Mercredi 4 avril 2018

    M. Alain Lambert, président

    M. Gabor Arany, secrétaire

 

Mardi 10 avril 2018

    M. Michel Bouvier, professeur émérite, Université Paris I Panthéon La Sorbonne

    M. Marc Leroy, professeur des universités, Université de Reims, vice-président de la Société française de finances publiques

    M. Matthieu Leprince, professeur des universités, Université de Bretagne Occidentale (UBO)

 

 


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III.   Travaux de la délégation

 

Lors de sa réunion du 9 mai 2018 sous la présidence de M. Jean‑René Cazeneuve, la Délégation a entendu les communications des rapporteurs et approuvé les propositions qu’ils ont présentées.

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.tv/video.5961831_5af2b6dc3ffe2.delegation-aux-collectivites-territoriales-presentation-des-communications-des-missions--flash---9-mai-2018

 


([1]) Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911, XVe législature), déposé le 9 mai 2018.

([2]) Rapport (N° 955), sur le projet de loi organique relatif à lexpérimentation par les collectivités territoriales de M. Michel Piron, au nom de la commission des Lois, 18 juin 2003.

([3])  Article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et article 15 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997, portant création de Réseau ferré de France (RFF) ; article 124 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

([4]) Décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004.

([5])  Décision n° 2001- 454 DC du 17 janvier 2002.

([6]) Conseil d’État, avis n° 387.095 du 15 novembre 2012.

([7]) Expérimentation autorisée par la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 et la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (« TEPA »)

([8]) Expérimentation autorisée par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes

([9]) Expérimentation autorisée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.  

([10]) Idem.

([11]) Proposition de loi visant à proroger l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau prévue à l’article 28 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013.

([12]) Articles L. 1111-8 et L. 111-8-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). La possibilité générale de recourir à des délégations de compétences a été introduite, par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, puis élargie par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

([13]) « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ».

([14]) Inspection générale de l’administration, Délégation de compétences et conférence territoriale daction publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale, mai 2017.

([15]) Conseil constitutionnel, décision n°91-291 DC du 6 mai 1991.

([16]) Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à laménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

([17]) Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, largement remaniée par la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

([18]) Loi  2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.  

([19]) Article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Cette disposition va nettement plus loin que celle qu’elle a remplacée qui prévoyait, de façon moins impérative, que « les dispositions de portée générale sont adaptées, en tant que de besoin, à la spécificité de la montagne ».

([20]) Article L4422-16 du CGCT. Le même article prévoit que « dans le respect de larticle 21 de la Constitution, et pour la mise en œuvre des compétences qui lui sont dévolues en vertu de la partie Législative du présent code, la collectivité territoriale de Corse peut demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de lîle, sauf lorsquest en cause lexercice dune liberté individuelle ou dun droit fondamental. ».

([21]) Article L. 4221-1 du CGCT.

([22]) Décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.

([23]) Décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à lexpérimentation territoriale dun droit de dérogation reconnu au préfet.

([24]) Régions de Pays de la Loire, de Bourgogne-Franche-Comté et de Mayotte et départements du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

([25])  Décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017 relatif à lexpérimentation territoriale dun droit de dérogation reconnu au directeur général de lagence régionale de santé.

([26]) Circulaire du Premier ministre du 9 avril 2018.

([27]) http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl14-661-ei/pjl14-661-ei.pdf, p. 125.

([28]) Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2016, octobre 2017, p. 28.

([29]) « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’Etat. (…)

Ils exposent avec précision :

(…)

― les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

 l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; (…) »

([30]) Circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015 relative à l’évaluation préalable des normes et à la qualité du droit.

([31]) Rapport (n° 376, XIIe législature) de M. Pascal Clément au nom de la commission des Lois de lAssemblée nationale sur le projet de loi constitutionnelle relatif à lexercice décentralisé de la République, p. 91.

([32]) Loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales

([33]) Articles 4 des deux décrets n° 2017-1845 et n° 2017-1862.

([34]) Conseil d’État, avis sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice des compétences, n° 393651, 7 décembre 2017.

([35]) Revenu de solidarité active (RSA), allocation perte d’autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH).

([36]) Michel Bouvier, « Pour une autonomie financière locale au-delà des corporatismes », Revue française des finances publiques, n° 140, novembre 2017.p. 5.

([37]) Décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, à propos de la révision des bases locatives

([38]) Rapport (n° 376, XIIe législature) de M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, p. 18.

([39]) Assemblée nationale, 1ère séance du mardi 19 novembre 2002.

([40]) Rapport précité de M. Pascal Clément, p. 26.

([41]) Lors de la séance du Congrès du 17 mars 2003, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait déclaré :

« Le troisième principe est celui de lautonomie fiscale : la part des ressources propres des collectivités territoriales dans le total de leurs ressources devra être « déterminante », parce que nous voulons des élus responsables. En privilégiant le transfert de fiscalité par rapport à celui des dotations, nous renforcerons la responsabilité des élus. Cest ainsi que les élus pourront rendre des comptes aux contribuables pour les dépenses quils financeront avec largent public. Des élus avec des libertés dinitiatives, mais qui rendent des comptes aux électeurs : voilà notre conception de la décentralisation. » 

([42]) Voir par exemple, la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 64.

([43]) Michel Bouvier, « Les finances locales », LGDJ, 17e édition, 2018, p. 28.

([44]) Décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, cons. 15.

([45]) Assemblée nationale, 1ère séance du 12 mai 2004.

([46]) Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, considérant n° 62 ; décision n° 2012-255/265 QPC du 29 juin 2012, considérant n° 6.

([47]) Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, considérants n° 6 à 21. 

([48]) Considérant n° 17.

([49]) Michel Bouvier, « Les finances locales », LGDJ, 17e édition, 2018, pp. 31-32.

([50]) Réunion de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du 5 avril 2018.

([51]) Virginie Donier, Les départements et les compétences sociales, RFDA 2016, p. 474.

([52]) Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, considérants n° 26 et 27.

([53]) Décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011, considérant n° 7.

([54]) Selon les termes employés dans le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel de la décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, p. 5.

([55]) Le même commentaire relève que « La dépense nette pour les départements en matière de RMI et de RMA, cest-à-dire après déduction des apports de lÉtat, sest élevée à 950 millions en 2004, 920 millions en 2005, 1 250 millions en 2006, 1 260 millions en 2007 et à 1 130 millions en 2008, dernière année pleine pour le RMI et le RMA ».

([56]) Décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011 précitée, considérant n°  27.  

([57]) Réunion, conjointe avec la commission des Finances, du mercredi 21 mars 2018.

([58]) Réunion de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du 5 avril 2018.  

([59]) Pierre de Montalivet, QPC et droit des collectivités territoriales, AJDA 2016 p. 586.

([60]) Rapport (n° 27, session ordinaire de 2002-2003) de M. René Garrec, au nom de la commission des Lois du Sénat, octobre 2002, pp. 125 et suivantes.

([61]) Compte-rendu de la séance du Sénat du 5 novembre 2002.

([62]) Tableau réalisé à partir des données fournies par le rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publiques locales sur les finances des collectivités territoriales en 2017, septembre 2017.

([63]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([64]) Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2016, octobre 2017, p. 220.

([65]) Adopté le 21 janvier 2013 par le Comité interministériel de lutte contre l’exclusion (CILE), ce plan comportait l’engagement d’une hausse du RSA « socle » de 10 %, en sus de l’inflation, entre 2013 et 2017.

([66]) Op. cit., p. 223.

([67]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([68]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([69]) Cour des comptes :

-   Rapport sur les finances publiques locales en 2013, octobre 2014, p. 85.

-   Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2016, octobre 2017, p. 72.

([70]) Rapport précité sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2016, p. 73.

([71]) Compte-rendu n° 2, séance du mercredi 31 janvier 2018.