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Première séance du mercredi 12 mai 2004

215e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE
À DES PARLEMENTAIRES DU BUNDESTAG

M. le président. Mes chers collègues, nous attachons tous une grande importance à l'approfondissement de la coopération entre l'Assemblée nationale et le Bundestag.

Dans le cadre de cette coopération, la présence à l'Assemblée nationale de douze de nos collègues allemands a été organisée.

Ils assistent aujourd'hui à notre séance et je suis particulièrement heureux de leur souhaiter en votre nom la bienvenue. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Pour les pairs du baron Seillière, le bonheur est à portée de stock-options (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de golden hello, de golden parachutes, tout cela synonyme d'indemnités à donner le tournis aux chômeurs recalés de l'ASS !

Plus de 400 ex-salariés de Wolber, licenciés en raison de l'incompétence de leurs dirigeants, seront ravis d'apprendre que leur sacrifice a permis à leur patron, M. Edouard Michelin, d'augmenter de 146 % son salaire en 2003. Sa rémunération totale annuelle doit aujourd'hui correspondre à ce que touchaient ces 400 personnes en une année de dur labeur.

Dominique Ferrero, ex-directeur général du Crédit agricole remercié après l'OPA sur le Crédit lyonnais, a touché 6 millions d'euros de prime de départ - 6 000 mois de SMIC -, plus 4 millions d'euros de stock-options, plus un golden parachute de 2 millions d'euros.

M. Rodier, ex-président de Pechiney après absorption par Alcom, a touché une retraite annuelle de 500 000 euros, transformée en un capital de 7,5 millions d'euros, plus 3 millions d'euros d'indemnités, soit 10,5 millions d'euros, soit 700 années de salaire d'un ouvrier qualifié !

M. Lucien Degauchy. Et il y a combien dans les caisses de la CGT ?

M. Jacques Desallangre. M. Tirouflet, ancien PDG de Rhodia, en partant après dix mois de travail, a touché 1 300 000 euros, plus un forfait de 2 100 000 euros, soit plus de 22 millions de francs pour avoir licencié et échoué.

Je pourrais poursuivre cette litanie insupportable, mais je terminerai avec la retraite en or du PDG d'Aventis. Président du directoire pendant deux ans seulement, il touchera une indemnité contractuelle de 8 800 000 euros, plus une indemnité forfaitaire de 5 500 000 euros. J'allais oublier les 15 millions d'euros de stock-options ! Il percevra donc 30 millions d'euros au total, en toute légalité ! Ne frôle-t-on pas l'écoeurement en se souvenant que l'allocation de solidarité spécifique mensuelle, c'est 400 euros, et que les indemnités de M. Landau, c'est 6 250 années d'ASS ?

Monsieur le ministre, quand vont cesser ces pratiques qui donnent la nausée et offensent la morale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Merci, monsieur Desallangre...

M. Jacques Desallangre. Le Gouvernement acceptera-t-il d'étudier la proposition que j'ai faite hier matin, selon laquelle l'assemblée générale fixerait la rémunération du patron en prenant comme unité de compte le salaire le plus faible versé dans l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous le savez, monsieur le député, nous avons débattu de cette question il y a maintenant environ un an, lors de la discussion de la loi sur la sécurité financière. Nous avions alors convenu que la transparence était la meilleure réponse à ces questions et nous avions, ensemble, défini une politique en ce sens, combinant obligations légales et normes professionnelles. Je constate d'ailleurs que cette politique porte ses fruits puisque, aujourd'hui, les Français peuvent connaître les rémunérations des patrons des entreprises du CAC 40. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Paul. Mais cela ne change rien !

M. le garde des sceaux. C'est un élément très important, car les comparaisons amènent progressivement les entreprises à une certaine régulation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Certaines rémunérations vous paraissent élevées. Vous avez raison, ce sont des sommes importantes, et il faut que nous soyons vigilants à cet égard. Je voudrais rappeler à l'Assemblée nationale que sa commission des lois travaille sur ce sujet et je salue cette contribution à une dynamique positive sur cette question. Je sais d'ailleurs, monsieur le député, que l'un de vos collègues du groupe communiste participe à la mission parlementaire présidée par M. Clément et aux conclusions de laquelle je serai évidemment très attentif.

Je voudrais enfin rappeler deux choses. D'abord, les rémunérations en question sont décidées par les conseils d'administration sous le contrôle des assemblées générales d'actionnaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce fonctionnement me paraît logique. Ensuite, il est très important d'avoir, sur ce sujet, une vision à la fois européenne et internationale, car ce n'est pas à l'intérieur d'un seul pays que la question peut être réglée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PERSPECTIVES DE CROISSANCE

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la croissance.

L'INSEE vient de publier ce matin les chiffres de la croissance française pour le premier trimestre 2004 : 0,8 %. Mais une croissance qui ne serait due qu'à une conjoncture internationale favorable n'est pas notre objectif. Certes, nous nous réjouissons de ce résultat, mais nous souhaitons établir les conditions d'une croissance durable et structurelle. Il est clair que l'on ne peut pas se satisfaire d'être à la remorque des Etats-Unis. Nous constatons en effet, depuis plusieurs années, un écart de près de deux points de croissance avec eux. La France doit établir elle-même les conditions de sa croissance et c'est précisément ce que le Gouvernement s'attache à faire en prenant des mesures intelligentes et réalistes. Je relève à ce propos que l'on entend souvent parler de socialisme et de libéralisme, mais il me paraît plus judicieux de se soucier de réalisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est temps d'expliquer une fois pour toutes aux Français que l'économie répond à des règles et que c'est en respectant celles-ci que l'on obtient la croissance. Les discours incantatoires des hommes politiques sur l'économie n'ont aucun impact sur la croissance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En matière d'économie, on ne commet pas impunément des erreurs. Une mesure démagogique comme les 35 heures a cassé la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et mis à mal notre protection sociale en prélevant près de 100 milliards de francs - 15 milliards d'euros - sur la sécurité sociale dans des conditions scandaleuses.

M. Jacques Desallangre. Et les salaires des patrons !

M. Jean-Michel Fourgous. Mais revenons aux fondements de l'économie. Ce sont des choses très simples qui font la croissance. Pour obtenir une croissance à long terme, il faut valoriser et stimuler le travail. Vous l'avez fait, monsieur le Premier ministre. L'investissement, vous l'avez fait, même si c'est perfectible. L'innovation et la formation des salariés, vous l'avez fait avec le droit individuel à la formation.

Ma question est la suivante : comment le Gouvernement compte-t-il transformer cette brise qui s'annonce en souffle pour l'avenir de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, l'INSEE vient, en effet, de publier des estimations et, selon une dépêche de l'AFP, la croissance serait de retour (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), les économistes n'en croient pas leurs yeux. Qu'ils écoutent le Gouvernement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela fait des mois que nous annonçons ce retour de la croissance et que nous disons clairement que le toboggan de la croissance s'est arrêté à la fin du premier semestre 2003.

Nous avons atteint le sommet de la croissance en l'an 2000. Puis, le bilan de nos prédécesseurs nous a conduits à une rupture. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est la vérité ! Acceptez-la ! Cela ne se discute pas ! La croissance a été de 4 % en l'an 2000, de 2 % en 2001, de 1 % en 2002. Elle a donc été divisée par deux chaque année. Voilà le bilan des socialistes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.- « Zéro ! » et protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est nul !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie.

M. le Premier ministre. C'est à partir de 2003 que la croissance est repartie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce sont des vérités qui ne devraient pas faire l'objet de polémiques. Je n'ai pas fait l'ENA, donc je cite les chiffres que les experts me donnent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Certes, c'est la première fois que l'on dit à un gouvernement que sa prévision de croissance est peut-être pessimiste.

M. Jean Glavany. Regardez donc mes statistiques !

M. le Premier ministre. Pourtant, l'INSEE me dit aujourd'hui que la France est en tête de la zone euro avec une croissance supérieure de 0,5 point à celle des pays de cette zone.

Malgré tout cela, je ne suis pas satisfait et je veux que nous continuions à être mobilisés, car la croissance n'a de sens pour nous que si elle est riche en emplois.

M. Arnaud Lepercq. Très bien !

M. le Premier ministre. C'est pourquoi le Gouvernement reste mobilisé. Malgré ces bonnes nouvelles, il reste serein et actif pour la création d'emplois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pour la revalorisation du travail - notamment celle du SMIC, de 5 %, au 1er juillet (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) -, pour la création d'entreprises, la relance de la consommation et le développement des investissements grâce à l'allégement de la taxe professionnelle.

Voilà une politique cohérente ! Voilà les fruits de la croissance qui apparaissent ! La grande différence avec vous, c'est que, nous, nous voulons les partager avec les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. Personne ne vous croit !

TRANSFERT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
DE PERSONNELS NON-ENSEIGNANTS
DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le Premier ministre, vous avez confirmé aux présidents de région votre refus de revenir sur le transfert aux régions et aux départements de la gestion des personnels non enseignants de l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils vous ont rappelé leur opposition à ce transfert au nom du principe de l'unité du service public de l'éducation nationale et vous ont fait part de leurs craintes légitimes sur les modalités de compensation financière et sur la répartition des personnels au sein des collectivités.

Pour toute réponse, vous leur opposez les prétendues garanties financières prévues par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, mais vous savez bien, monsieur le Premier ministre, que cette réforme n'apporte aucune garantie,...

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

Mme Françoise Imbert. ...de même que le projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales ne garantit nullement l'autonomie de celles-ci.

En Midi-Pyrénées, par exemple, 150 lycées seraient concernés. Le seul transfert des 2 600 TOS représenterait, en quelques années, une charge supplémentaire qui générerait une augmentation de la fiscalité régionale de près de 30 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De plus, monsieur le Premier ministre, en stoppant le plan pluriannuel de recrutement dans l'éducation nationale, le gouvernement Raffarin II crée des déficits d'emploi. Aujourd'hui, vous transférez la gestion des personnels non-enseignants, mais surtout, vous souhaitez mettre les manques d'effectifs à la charge des régions et des départements. Vous imposez aux collectivités de titulariser des personnels en contrat emploi solidarité, mais personne n'est dupe !

M. Jean-Michel Ferrand. Quelle est la question ?

M. le président. Monsieur Ferrand...

Mme Françoise Imbert. En fait, vous transférez les déficits d'effectifs de l'éducation nationale.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin accepter de retirer de la loi sur les responsabilités locales le transfert d'une catégorie entière de personnel ? Allez-vous en finir avec le démantèlement du service public, qui a pour résultat l'augmentation de la taxe d'habitation, tandis que l'Etat baisse l'impôt des plus riches ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je vous trouve bien sévère. (« Mais juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En réalité, depuis deux ans, nous avons ouvert, à la demande du Premier ministre, le chantier de la décentralisation...

M. Augustin Bonrepaux. Pas suffisamment !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...avec une idée simple...

M. Augustin Bonrepaux et M. Alain Néri. Simpliste !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...qui, me semble-t-il, peut être partagée sur tous les bancs de cet hémicycle. Elle consiste à renforcer l'efficacité publique, parce que ce sont les Français qui le demandent.

M. Henri Emmanuelli. Oui, à condition que l'on transfère aussi le financement !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Et pour cela, il faut aller au plus près du terrain, dans le domaine de l'action publique. Notre devoir, à Dominique de Villepin et à moi-même, est de poursuivre le travail avec un principe simple : celui de garantie.

Et ce n'est pas un mot en l'air. Car nous avons fait quelque chose qui tranche avec le passé, notamment avec la période où vous étiez aux affaires. Nous avons modifié la Constitution pour que certains aspects choquants des transferts de compétences vers les collectivités locales ne se produisent plus jamais.

Pour nous, l'idée de garantie se traduit en termes de transparence. Il n'y aura pas une compétence transférée sans que l'accompagne la ressource correspondante, à l'euro près. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C'est faux !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Des garanties pour l'autonomie financière, nous débattrons dans quelques instants avec la loi organique.

Enfin, pour les hommes et les femmes qui vont évoluer de l'Etat vers les collectivités locales, la garantie réside dans le libre choix - c'est aussi cela l'administration moderne.

M. Christian Bataille. Vous ne leur avez pas demandé !

M. Le ministre délégué à l'intérieur. Chacun choisira d'aller dans la fonction publique territoriale ou de conserver sa situation actuelle. Ce libre choix est aussi une manière efficace de travailler à la modernisation de notre pays.

Je comprends que, ici ou là, les députés de votre groupe expriment quelques inquiétudes, comme vous l'avez fait. Comme nous, vous avez été choqués, du temps où l'on pouvait créer une allocation pour les personnes âgées, qu'on demande aux départements de la payer, sans jamais donner un euro pour cela. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les temps ont changé, croyez-moi. Grâce au verrou de la Constitution, ce genre de choses n'arrivera plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles. Monsieur le ministre de l'équipement et des transports, tous les Français, de quelque bord qu'ils soient, se réjouissent des résultats spectaculaires que le Gouvernement a obtenus en matière de sécurité routière. De 8 000 morts sur la route en 2001, la France est passée à 5 000 en 2003, ce qui représente 3 000 morts de moins.

Même s'ils sont encore trop élevés, ces chiffres montrent que les moyens que vous avez mis en œuvre pour lutter contre l'insécurité routière étaient adaptés. Les campagnes d'information et de responsabilisation, ainsi que les contrôles et les sanctions, ont été efficaces et doivent être poursuivis. Malheureusement, la route tue encore trop de nos concitoyens. Ces derniers jours, les médias se sont ainsi faits l'écho de plusieurs accidents graves, voire mortels, dus à l'alcool.

Monsieur le ministre, vous avez très largement contribué à faire évoluer les mentalités quant à la vitesse. A côté de la répression ou de la sanction, un travail nécessaire de pédagogie et d'information auprès des automobilistes doit se poursuivre autour des risques liés à l'alcoolisme. Quelles mesures entendez-vous prendre pour responsabiliser davantage les automobilistes et accentuer ainsi l'efficacité des actions déjà engagées en matière de sécurité routière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Rudy Salles, chacun le sait maintenant. Les statistiques le montrent. Au volant, l'alcool tue. (« Et la drogue ? », sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce sont 1 000 à 1 500 personnes chaque année qui pourraient rester en vie si l'on respectait les règles de la loi de juin 2003.

Celle-ci a considérablement renforcé les mesures contre l'alcool au volant. Encore faut-il qu'elle soit respectée. Pour y aider, j'ai décidé de lancer avant l'été l'opération « l'éthylotest à un euro », avec les pharmaciens, leurs syndicats, les distributeurs et les grossistes.

M. Arnaud Lepercq. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ainsi, des personnes qui ont fait un bon repas pourront facilement s'assurer qu'elles sont capables de prendre le volant.

M. Henri Emmanuelli. Essayez-le !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour cela, il suffira de déplier ce petit sachet (M. le ministre montre un éthylotest), de souffler dedans, comme je vais le faire devant vous (M. le ministre joint le geste à la parole), et de le relier ensuite à un petit appareil en dégonflant le ballon.

Vous constatez tous, mesdames et messieurs les députés, que le test reste au vert, ce qui prouve que je suis en état de conduire ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Faites-le essayer à Soisson !

M. le président. Monsieur le ministre, si vous pouvez m'en donner 577, nous ferons le test tout à l'heure, à la sortie de l'hémicycle ! (Rires.)

SÉCURITÉ ET AXES
DU DÉVELOPPEMENT EN CORSE

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe UMP.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, malgré d'indéniables atouts, la Corse souffre encore d'actes violents. Son développement reste handicapé par ces dérives. Sans la mobilisation de tous les Corses, mais aussi de l'Etat, elle ne pourra pas connaître un développement économique à la hauteur de ses légitimes ambitions.

Depuis deux ans, le Gouvernement a ouvert de nombreux chantiers, notamment dans les domaines économique, social et culturel. L'installation d'une nouvelle assemblée de Corse et la désignation de nouveaux exécutifs, à la tête de la collectivité territoriale et des deux départements, doivent donner un nouveau souffle à l'action des pouvoirs publics.

Votre déplacement en Corse, quelques jours après votre prise de fonction, témoigne de l'attachement que vous portez à notre île. Pourriez-vous préciser les axes de la politique que le Gouvernement entend conduire pour que la Corse s'engage résolument sur la voie du développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, je suis en effet attaché à la Corse...

M. François Hollande. Et à la Corrèze !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...et à sa place dans la République.

Notre règle, c'est la fidélité et la volonté. Et d'abord dans la lutte contre la violence et les dérives maffieuses, d'où qu'elles viennent. Car il n'y aura pas, en Corse, de développement sans sécurité, et pas de sécurité sans respect de l'autorité de l'Etat. Or c'est ce à quoi aspirent tous les Corses.

Fidélité et volonté encore dans l'action au service du développement. L'Etat tiendra tous ses engagements. La loi de 2002 sera appliquée pour le financement du programme exceptionnel d'investissements et la ligne budgétaire unique, ainsi que pour la mise en œuvre de la convention relative à la langue corse.

J'entends agir au service des Corses et de la Corse, pour compenser les handicaps liés à l'insularité et prendre en compte les spécificités, notamment culturelles, de l'île : avec le plan de relance de l'agriculture et de désendettement des agriculteurs ; avec la convention entre l'Etat, la collectivité locale et l'université de Corte ; avec des politiques d'aménagement du territoire qui soutiendront l'économie, le tourisme et l'artisanat ; avec des actions valorisant l'image de l'île et son attractivité. En définitive, monsieur le député, c'est un véritable partenariat que nous allons construire avec la collectivité territoriale, les conseils généraux et les communes, c'est-à-dire les institutions démocratiques qui représentent la population corse.

Vous avez formulé, avec les élus corses, de nombreuses propositions. Sachez que le Gouvernement sera à vos côtés pour les mener à bien. Je reviendrai d'ailleurs très prochainement à Ajaccio et à Bastia. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe UMP.

M. Philippe Houillon. Monsieur le garde des sceaux, le conseil des ministres a adopté ce matin votre projet de loi de sauvegarde des entreprises, qui vient opportunément réformer le redressement et la liquidation judiciaires.

Les textes actuels ont montré leurs limites, notamment en matière de préservation de l'emploi. En effet, quelque 90 % des dépôts de bilan conduisent à une liquidation de l'entreprise et à une cessation d'activité. Et l'on compte chaque année plus de 40 000 cas de cette nature.

Vous avez souhaité, ce qui est légitime, attaquer la cause essentielle du mal et développer le traitement en amont des difficultés grâce à de nouvelles procédures - la conciliation et la sauvegarde -, ce qui constitue, de mon point de vue, une réelle avancée législative.

Pouvez-vous nous dire plus précisément comment ce projet contribuera à préserver plus d'entreprises et à sauver des emplois ? Envisagez-vous par ailleurs un travail pédagogique envers les chefs d'entreprise, pour les inciter à utiliser à temps ces nouveaux dispositifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ? Allô ? Allô ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, l'adoption, ce matin, en conseil des ministres, d'un projet de loi sur la sauvegarde des entreprises est un élément important de la politique pour l'emploi. Car, vous l'avez dit, quelque 50 000 entreprises sont concernées chaque année, soit, selon les années, 200 000 à 300 000 salariés, dont près de la moitié finit par être licenciée. Il s'agit donc, si nous réussissons, d'un élément important de lutte pour l'emploi.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Les procédures collectives interviennent trop tardivement : tel est le vrai bilan des lois de 1984-1985. Notre projet a été élaboré après que nous avons recueilli, au cours d'une concertation de près de dix-huit mois, l'avis de tous les partenaires économiques et sociaux sur l'amélioration possible de la loi.

C'est en fonction de ce travail de collecte de l'information et des réflexions que nous avons élaboré ce projet, dont la première conséquence est de permettre personnellement au chef d'entreprise de prendre l'initiative, dès qu'il sent venir une vraie difficulté, de déclencher un processus et d'entrer en négociation avec les fournisseurs et les créanciers, pour construire un plan de redressement de l'entreprise. C'est cette anticipation qui permettra, j'en suis convaincu, d'améliorer les choses.

Par ailleurs, nous maintenons deux procédures amiables - l'administrateur ad hoc et la conciliation - qui, en plus de cette nouvelle procédure de sauvegarde, nous permettront d'atteindre notre objectif.

Je confirme par ailleurs que, lorsque le Parlement aura pu débattre de ce texte et l'adopter, nous ferons un travail pédagogique, car la réussite d'une telle loi passe bien sûr par la bonne connaissance qu'en auront les chefs d'entreprise, en particulier ceux des PME qui représentent 90 % des entreprises concernées. C'est pourquoi il importe que nous accomplissions ce travail région par région, avec l'ensemble des professionnels, pour que la loi puisse s'appliquer et que de nombreux emplois soient sauvegardés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


PLAN CANICULE

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste.

M. Serge Janquin. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, est provoquée par le plan canicule et, plus particulièrement, par les recommandations pour lutter contre la canicule dans les établissements d'accueil des personnes âgées, qui viennent d'être adressées à tous les députés.

Ces recommandations m'ont stupéfait, révolté et, pour tout dire, glacer les sangs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà au moins un rafraîchissement, peut-être le seul, que vous aurez réussi.

M. Robert Lamy. Ce n'est pas sérieux !

M. Serge Janquin. Dans ces recommandations, on trouve les préconisations suivantes, que chacun doit connaître : « installer les personnes âgées dans des pièces rafraîchies naturellement, telles que les caves et autres locaux sains et accueillants » (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), « utiliser les espaces rafraîchis naturellement : les centres commerciaux, les églises anciennes en pierre (Mêmes mouvements), les cinémas, les métros et les musées. »

M. François Hollande. Et Matignon ?

M. Serge Janquin. Ou encore : « L'installation d'une climatisation est une mesure complémentaire qui ne doit être envisagée que si les mesures prioritaires semblent insuffisantes. » Je vous cite, monsieur le ministre. Cela doit faire longtemps que vous n'avez pas pris le métro au mois d'août ! Quant aux musées et aux églises en pierre, s'agit-il d'une nouvelle journée du patrimoine pour les personnes âgées ?

Nous avons déjà souligné la curieuse conception que le Gouvernement se fait de la solidarité entre les générations à l'égard des plus faibles en faisant financer ce plan par les seuls salariés. Travailler une journée supplémentaire non payée pour en arriver là ! Après 15 000 morts l'été dernier, la dérision de vos propositions s'ajoute à l'outrage. Désavouez-vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées. (« Dans le métro ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela suffit. M. Janquin s'est exprimé. Vous avez la parole, monsieur le ministre. (« A Toulon ! » sur les mêmes bancs.)

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le député, les préconisations les plus simples sont parfois les meilleures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En juin 2002, j'ai rédigé une circulaire disant que l'été, il fallait donner à boire aux personnes âgées et les rafraîchir. (Mêmes mouvements.) Or, en septembre 2003, après le terrible électrochoc de la canicule,...

M. Jean-Marie Le Guen. Electrochoc !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. ...tous les plus grands gérontologues se sont accordés pour dire qu'il s'agissait là de la meilleure des préconisations en période estivale. (« A la cave ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Une fois de plus, monsieur le député, vous caricaturez ! (« C'est le texte ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ces recommandations simples sont indispensables si l'on veut anticiper et accompagner la véritable révolution sociale qu'est le vieillissement. Oui, il faut créer, dans les maisons de retraite, toutes les conditions qui permettent aux personnes âgées de récupérer, car c'est ce qui a manqué durant le terrible mois d'août 2003.

Un peu de dignité, monsieur le député, face à un tel drame ! Nous parlons de vies humaines et de nos anciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

RÉALISATION DE LA LIAISON FERROVIAIRE LYON-TURIN

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe UMP.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et de l'aménagement du territoire, mercredi dernier, en présence du Premier ministre et du Président du Conseil italien, un mémorandum a été signé sur la répartition des financements concernant le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Je souhaiterais que vous nous précisiez la teneur de cet accord et que vous nous disiez s'il permet de respecter le calendrier qui a été notifié à Bruxelles.

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en place de l'agence de financement des infrastructures, dont la création a été décidée le 18 décembre dernier lors du comité interministériel d'aménagement du territoire ? Je rappelle en effet que cette agence, destinée à recueillir les dividendes des sociétés d'autoroutes - 7,5 milliards d'euros de 2004 à 2012 -, doit financer ce projet, ainsi que trente-six autres projets d'infrastructure, qui sont attendus dans notre pays et peuvent contribuer à la relance, directement et indirectement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je vous confirme que, la semaine dernière, en présence du Premier ministre et de M. Berlusconi, j'ai signé avec M. Pietro Lunardi, le ministre des transports italien, l'accord de financement concernant la liaison Lyon-Turin.

Ce grand événement est l'aboutissement d'une âpre discussion qui a nécessité au moins sept réunions. Cette discussion avait démarré sur la base de 65 % pour la France et 35 % pour l'Italie et s'achève sur une répartition 50-50. Celle-ci est différente selon les tronçons, puisque deux sont nationaux, deux internationaux, et un, le grand tunnel que vous connaissez, est commun.

C'est un projet de 13 milliards d'euros. J'ajoute que nous avons posé deux conditions à sa réalisation. Premièrement, le concours de l'Europe doit se monter à 20 % du montant total, soit 2,6 milliards. Deuxièmement, le projet doit être une alternative à la route et entraîner un véritable report vers le ferroviaire.

En ce qui concerne le financement, nous sommes crédibles, puisque l'agence destinée à recueillir les dividendes des sociétés d'autoroutes, dont la création a été décidée lors du CIADT de décembre dernier et qui sera mise en place dès 2004, nous permettra de financer, en 2005, non seulement le début des travaux de la liaison Lyon-Turin, qui doivent intervenir de toute façon avant 2010 pour être éligibles aux fonds européens, mais aussi tous les autres projets d'infrastructure qui ont été retenus sous la présidence du Premier ministre le 18 décembre 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIORITÉS DE LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe UMP.

M. Michel Terrot. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, les chiffres de la sécurité du mois d'avril, publiés récemment, confirment la baisse de la délinquance (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), qui est continue depuis plus de vingt mois. Après les années de laxisme du précédent gouvernement (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous pouvons saluer la volonté de celui de Jean-Pierre Raffarin, qui, soutenu par la majorité, s'est attaqué au difficile dossier de l'insécurité en consentant un effort sans précédent - on se souvient notamment de la loi pour la sécurité intérieure que nous avons adoptée en mars 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy. C'est la vérité !

M. Michel Terrot. Nous savons tous combien les efforts nécessaires en ce domaine, qui étaient et demeurent importants, répondent à l'attente de tous nos concitoyens, tant l'insécurité minait leur moral et avait pu créer un climat de défiance, même envers les institutions de la République. Pour autant, monsieur le ministre, la fermeté et la vigilance doivent rester les maîtres mots de votre action. Aussi, pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles sont les priorités que vous vous fixez pour poursuivre l'action entreprise et nous assurer de votre détermination ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, je veux vous confirmer ma détermination. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Quelle surprise !

Mme Martine David. Je l'aurais parié !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Comme en témoignent les résultats du mois d'avril, la délinquance générale a encore baissé, de 4,63 % par rapport au même mois de l'année dernière, et la délinquance de voie publique a diminué de près de 10 %.

Je salue la motivation des forces de sécurité. Les infractions révélées à leur initiative sont en augmentation de 12,49 % par rapport au mois d'avril 2003 et le nombre des faits élucidés est en forte progression. L'effort doit être poursuivi et amplifié pour s'inscrire dans la durée. J'ai, à ce titre, quatre priorités.

Première priorité : les atteintes aux personnes qui, depuis vingt ans, ne cessent de progresser. Je veux engager une action ciblée contre ce type de violence. En ce qui concerne plus particulièrement les violences intrafamiliales, j'entends mener un travail de prévention en mettant en place un dispositif d'alerte en concertation avec les ministres de la cohésion sociale, de l'éducation nationale et de la justice.

Deuxième priorité : la lutte contre les violences urbaines. La présence policière sera renforcée la nuit et dans les quartiers difficiles, en portant l'effort sur les interpellations en flagrant délit, afin de faciliter le travail de la justice. J'ai donné des instructions aux préfets en ce sens.

Troisième priorité : la lutte contre les trafics de drogue et le crime organisé. Dans ce domaine, il faut solliciter davantage les groupements d'intervention régionaux, dans les quartiers sensibles et sur tout le territoire et, face à la délinquance itinérante, renforcer la lutte contre les circuits de financement et les réseaux de blanchiment.

Enfin, alors que les tensions se multiplient au Moyen-Orient et dans le monde, alors que nous faisons face à un calendrier international extrêmement tendu, la lutte contre le terrorisme appelle une vigilance de tous les instants de l'ensemble des services. Une meilleure coordination européenne et internationale est nécessaire. C'est dans ce cadre que j'ai participé à la réunion du G8 de Washington. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

OUVERTURE DES MAGASINS LE DIMANCHE

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste.

Mme Marylise Lebranchu. Je souhaite tout d'abord rappeler à M. Falco, qui évoquait la dignité, que M. Janquin n'a fait que citer le plan canicule. Une circulaire peut avoir été mal ou trop vite rédigée (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et comporter des phrases humiliantes. Mieux vaut alors le reconnaître et annoncer que l'on va la rectifier. C'était possible et cela n'aurait pas été dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer. Les donneurs de leçons, ça suffit !

M. Jean-Michel Ferrand. La question !

Mme Marylise Lebranchu. J'en viens à ma question, qui s'adresse à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Il y a quelques jours, M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, a envisagé la possibilité de relancer la consommation des ménages populaires en facilitant l'ouverture des magasins le dimanche. Mon prédécesseur au ministère du commerce, de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises, M. Jean-Pierre Raffarin, s'était opposé, en son temps, à cette proposition.

Quoi qu'il en soit, une telle mesure ne peut être mise à l'ordre du jour, car elle sème l'inquiétude dans de nombreuses catégories de la population.

Elle sème l'inquiétude chez beaucoup de commerçants et d'artisans, qui résistent à la grande distribution en choisissant des créneaux d'ouverture différents.

Elle sème l'inquiétude au sein de nombreuses associations de consommateurs, qui font remarquer que M. Borloo a présenté des mesures pour lutter contre le surendettement et que, ajoutée à la relance du crédit à la consommation, l'ouverture dominicale peut provoquer des incidents supplémentaires, dramatiques pour les familles.

Cette proposition sème l'inquiétude dans la majorité des organismes qui, avec les élus locaux - communautés d'agglomération, communautés urbaines -, gèrent les problèmes liés à l'ouverture dominicale, que la grande distribution elle-même ne demande pas, sauf à Paris.

Elle sème l'inquiétude chez les salariés de la grande distribution, qui ne sont pas les plus favorisés et qui ne bénéficieront d'ailleurs d'aucune des niches fiscales évoquées. Ces salariés se demandent notamment, lorsque le couple travaille dans ce secteur, comment ils feront garder leurs enfants le dimanche.

Elle sème enfin l'inquiétude chez les familles, qui se disent qu'on les aime lorsqu'elles consomment, renoncent à l'épargne populaire et travaillent un jour de plus sans être payées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il me semble que la relance de la consommation et de la croissance vaut beaucoup mieux qu'une mesure qui sème autant d'inquiétudes. Aussi, j'espère que vous allez me dire qu'elle est d'ores et déjà abandonnée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. En ce qui concerne l'ouverture des magasins le dimanche, madame Lebranchu, nous sommes attachés à deux principes.

Premièrement, il n'est pas question d'autoriser l'ouverture systématique le dimanche.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Encore heureux !

M. Lucien Degauchy. Heureusement !

M. le ministre délégué à l'industrie. Deuxièmement, il n'est pas question d'autoriser les grandes surfaces à ouvrir le dimanche si cela doit avoir pour conséquence de modifier les conditions actuelles de la concurrence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant, vous conviendrez que la réglementation actuelle est complexe, inégale, souvent inappliquée, et recouvre des situations différentes suivant les régions. C'est pourquoi il est aujourd'hui envisagé de rationaliser ce système en appelant à la concertation tous les partenaires concernés, à savoir les associations familiales, la grande distribution, les commerces de proximité, les associations de consommateurs...

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Et les salariés ?

M. le ministre délégué à l'industrie. ...et les partenaires sociaux, naturellement. Cette concertation aura pour objet de déterminer, d'une part, si, à partir du cadre actuel où les maires peuvent autoriser cinq ouvertures dominicales par an des commerces de détail, il peut être envisagé de passer à huit ou dix ouvertures annuelles, et, d'autre part, si la notion de zone touristique peut être un peu assouplie. Il ne s'agit de rien d'autre que de cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger, pour le groupe UMP.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, le 7 avril dernier, la journée mondiale de la santé, consacrée à la sécurité routière, s'est tenue à Paris à la demande de l'OMS, pour la présentation officielle du rapport mondial sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation.

Par ce choix, l'OMS a souhaité saluer les progrès que la France a accomplis dans ce domaine et l'engagement personnel du Président de la République. En effet, tout au long de l'année 2003, les effets positifs d'une politique déterminée et ambitieuse pour réduire l'insécurité se sont fait sentir. Alors que chaque année, la violence routière entraînait un peu plus de 8 000 morts, l'efficacité des mesures prises a permis d'épargner 1 500 vies, soit quatre par jour en moyenne l'an passé.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si les chiffres les plus récents s'inscrivent dans la continuité des bons résultats de 2003 et confirment ainsi le slogan de la journée mondiale de la sécurité routière : « L'accident de la route n'est pas une fatalité » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. J'ai le plaisir de vous confirmer, monsieur Saint-Léger, que les résultats de la sécurité routière sont satisfaisants pour le mois d'avril 2004. Ils le sont d'autant plus qu'ils marquent une nouvelle amélioration par rapport aux résultats d'avril 2003, déjà exceptionnellement bons.

Nous avions constaté en avril 2003 une diminution de 25 % du nombre de tués sur les routes ; en avril 2004, il y a encore 9,7 % de tués en moins. Cela mérite d'être souligné, avec un bémol, toutefois : contrairement à ce qui se passe en milieu rural, où l'on constate une forte diminution du nombre de victimes, le nombre de blessés et de morts en milieu urbain reste très préoccupant.

Il nous faut donc poursuivre nos efforts dans ce domaine, mais à cette condition, nous avons pour la première fois l'opportunité d'atteindre un bilan annuel inférieur à 5 000 morts, ce qui est encore trop, mais constitue tout de même une avancée considérable.

Pour que la règle soit encore mieux respectée, il faut qu'elle soit mieux comprise. Et pour qu'elle soit mieux comprise, il faut qu'elle soit mieux adaptée. C'est pourquoi nous allons mettre en place, dans les tout prochains jours, un site internet qui permettra aux automobilistes de rapporter les anomalies qu'ils pourraient constater concernant la signalétique des voies routières. Les services de l'équipement iront vérifier sur place la pertinence de ces observations, et le cas échéant modifieront la signalétique en conséquence.

Comme vous le voyez, nous accomplissons des efforts constants dans le sens d'une précision et d'une adaptation toujours accrues, comme le souhaite le Premier ministre, pour tendre vers une route apaisée par une discipline consentie, parce que comprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

FIN DE L'ACCORD MULTIFIBRE
ET AVENIR DE LA FILIÈRE TEXTILE

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe UMP.

M. Michel Heinrich. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, la fin de l'accord Multifibre, prévue en 2005, met l'industrie textile française en péril. La filière textile, bien que faisant d'importants efforts de recherche, d'innovation et de développement de nouvelles productions, n'est pas prête à affronter cette ouverture totale du marché, qui fait peser une lourde menace sur l'industrie textile en France, mais aussi dans toute la zone euro-méditerranéenne, où elle compte près de sept millions d'emplois.

Pour mémoire, l'industrie textile française, qui représente 250 000 emplois, a perdu les deux tiers de ses effectifs au cours des trente dernières années et continue de perdre 20 000 emplois par an. L'ouverture totale du marché risque d'entraîner sa disparition sur notre territoire.

M. Jean-Claude Lefort. L'OMC !

M. Michel Heinrich. Face à cette situation, les Etats-Unis, la Turquie et le Mexique ont signé le 3 mars 2003 la déclaration d'Istanbul, en vue de convaincre l'OMC de reporter de trois ans le démantèlement des quotas.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande s'il est dans votre intention d'agir auprès de l'Union européenne afin qu'elle s'associe à cette initiative, puisque ni ses industries textiles nationales, ni celles de ses partenaires méditerranéens ne semblent prêtes à une telle ouverture des marchés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Heinrich, il est vrai que des pans entiers de notre industrie textile sont aujourd'hui en difficulté.

J'étais ce matin à l'assemblée générale de l'union des industries textiles où, bien entendu, les commentaires sur la déclaration d'Istanbul allaient bon train. Comme vous le savez, monsieur le député, les règles de l'OMC sont ainsi faites que le report de cette échéance ne pourrait se faire que dans le consensus,...

M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...ce qui rend très difficile l'obtention de ce report.

M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !

M. le ministre délégué à l'industrie. On ne peut que trouver paradoxal de la part de l'Union européenne, premier exportateur mondial, de vouloir fonder toute sa stratégie sur le protectionnisme.

En revanche, j'ai rencontré hier les commissaires Lamy et Liikanen à Bruxelles, où il a été constitué, à l'initiative de la commission, un groupe de travail de haut niveau sur le textile. Celui-ci est chargé d'établir un plan d'action qui sera mis en œuvre à partir du mois de juillet 2004. La réplique en préparation consiste notamment à créer une zone Euro-Méditerranée comprenant quarante-cinq pays, soit les vingt-cinq Etats de l'Union européenne et vingt pays de la Méditerranée, qui constitueront une zone de libre-échange.

Par ailleurs, j'ai demandé au commissaire Lamy de mettre en œuvre les clauses de sauvegarde dès la première infraction, et non pas, comme c'est le cas actuellement, en ultime recours, après de longues discussions qui rendent ces clauses de sauvegarde pratiquement inutiles.

Je crois que c'est par cette série de mesures sectorielles sur l'ensemble de l'industrie européenne, en cours d'élaboration, que nous arriverons à faire face à la concurrence parfois sauvage de certains pays asiatiques, et non en voulant remettre en cause des échéances dont le report, si on réussissait à l'obtenir, ne résoudrait pas le fond du problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lefort. Il n'y connaît rien !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (nos 1155, 1 541).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter la loi organique sur l'autonomie financière des col- lectivités territoriales.

D'abord, je veux remercier chaleureusement les rapporteurs, Guy Geoffroy, pour la commission des lois, et Gilles Carrez, pour la commission des finances, qui ont fait un travail remarquable sur un sujet à la fois complexe et très sensible. La qualité de leurs travaux doit être pleinement soulignée.

Le texte qui vous est présenté aujourd'hui constitue une clé de voûte de la décentralisation. II s'inscrit dans la continuité des lois organiques déjà votées sur le référendum local et sur l'expérimentation. Ce mouvement, initié par le Premier ministre depuis deux ans, répond à une nécessité profonde, à un impératif de modernisation de nos institutions et du fonctionnement de notre démocratie. Il y va de l'efficacité de la décision publique.

C'est pourquoi je souhaite préciser aujourd'hui devant vous l'engagement de l'Etat à travers une double garantie.

D'abord, une garantie de responsabilité. Cela se fera avec un calendrier clairement fixé. Parce qu'il s'agit d'un volet particulièrement important, cet examen intervient avant la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales.

Cette deuxième lecture doit elle-même avoir lieu après la période de concertation à laquelle s'est engagé de procéder le Premier ministre, pour tenir compte notamment du renouvellement des associations d'élus.

M. Augustin Bonrepaux. C'est plutôt mal engagé !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La troisième étape sera celle de la réforme de la taxe professionnelle et des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales. Vous le voyez bien : il s'agit d'un chantier immense.

M. René Dosière. Mais qui n'est pas très précis !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Garantie de responsabilité, ensuite, à travers le renforcement du principe d'autonomie financière. Vous le savez, avant l'apport du troisième alinéa de l'article 72-2, ce principe était juridiquement fragile :

D'une part, parce qu'il était dépendant du principe de libre administration, qui ne peut en préciser les contours à lui seul ;

D'autre part, parce qu'il ne suffisait pas à garantir l'autonomie des collectivités. En effet, comme aucun seuil d'autonomie financière n'était défini pour préciser cette libre administration, les gouvernements successifs ont pu, sans encourir le risque d'inconstitutionnalité, transformer plus de 14 milliards d'euros de ressources fiscales locales en dotations de l'Etat.

Or, aujourd'hui, la loi organique permet de restaurer la clarté et l'équilibre :

Elle garantit l'autonomie financière au niveau constitutionnel ;

Elle renforce ainsi la crédibilité de l'Etat dans ses relations avec les collectivités territoriales ;

Elle rend désormais impossible tout transfert, création ou extension de compétences sans compensation financière équivalente, comme cela a pu être le cas ces dernières années, par exemple avec l'allocation personnalisée d'autonomie.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions prévu le financement. Regardez le code des collectivités locales !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La deuxième garantie est une garantie de résultat pour l'égalité des territoires. Vous le savez, l'article 72-2 a établi des principes de péréquation au niveau constitutionnel afin d'assurer une meilleure équité entre les territoires.

M. René Dosière. Il n'en est pas question dans votre texte ! Où trouvez-vous l'argent ?

M. Augustin Bonrepaux. Il ne suffit pas de parler de péréquation : il faut véritablement appliquer ce principe !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais pour que cette redistribution soit effective, il faut que vous puissiez connaître de façon exacte l'évolution des ressources des différentes collectivités et donc que vous disposiez de données précises sur le niveau de ces ressources.

Nous avons souhaité répondre pleinement à cette exigence. C'est pourquoi l'Etat est prêt à vous apporter toute l'information nécessaire pour que vous puissiez exercer pleinement votre rôle de contrôle de l'exécutif. Le débat qui s'ouvre doit permettre de préciser vos demandes et nos réponses dans ce domaine.

C'est aussi dans cet esprit que le Gouvernement a renforcé le rôle de la commission de l'évaluation des charges, désormais présidée par un élu, afin que les compensations soient réalisées à l'euro près en toute équité.

M. Michel Bouvard. Enfin !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Garantir le résultat, c'est aussi pouvoir se comparer en toute objectivité à nos voisins européens. Aujourd'hui, la moyenne d'autonomie financière des pays du Conseil de l'Europe est de 25,7 %. Or la part déterminante définie dans le texte présenté se situe bien au-dessus de ce pourcentage. Si l'on prend pour base l'année de référence de 2003, où la réforme de la taxe professionnelle est totalement achevée, ce taux d'autonomie atteint en France plus de 35 % pour les régions, plus de 51 % pour les départements et 53 % pour les communes et groupements. Cela place ainsi la France au huitième rang sur les quarante-cinq pays du Conseil de l'Europe,...

M. René Dosière. Bravo au gouvernement précédent ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...alors même que chez beaucoup d'entre eux l'Etat n'occupe pas une place aussi importante qu'en France.

Avec cette double garantie, l'autonomie financière est assurée par le texte à travers quatre articles.

L'article 1er définit les catégories de collectivités territoriales. D'abord, c'est à ces catégories, et non aux collectivités locales prises individuellement, que l'Etat garantit l'autonomie financière.

Ensuite, la définition retenue par le projet de loi est à la fois la plus simple et la plus large possible, afin de ne pas multiplier le nombre de catégories à prendre en compte et de conserver ainsi la cohérence nécessaire pour mettre en œuvre la garantie constitutionnelle.

C'est pourquoi les trois grands niveaux retenus sont ceux de droit commun tels que définis dans l'article 72 de la Constitution : les communes, qui comportent les EPCI - établissements publics de coopération intercommunale -, les départements et les régions. Quant aux collectivités à statut particulier et aux collectivités territoriales d'outre-mer, elles ont été regroupées avec celles de métropole dans un souci de clarté.

L'article 2 définit la notion de ressources propres. Dans le projet du Gouvernement, les ressources propres comprennent les impositions de toutes natures, les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers et les dons et legs.

II s'agit là d'une définition positive des ressources propres qui permet de prendre en compte les produits de gestion courante et les produits exceptionnels.

Les impositions de toutes natures comprennent, quant à elles, le produit de tous les impôts et taxes locales perçus directement par les collectivités, et le produit d'impôts nationaux pouvant être transféré par la loi aux collectivités territoriales en application du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

M. René Dosière. C'est bien là le problème !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je sais que cette définition fait débat.

M. René Dosière. Oh oui !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Elle a été âprement discutée au cours des travaux en commissions. Mais le Gouvernement, et tout particulièrement Jean-François Copé, s'attachera au cours du débat à vous démontrer que cette définition est non seulement juridiquement pertinente mais qu'elle est aussi la seule politiquement acceptable.

M. René Dosière. Il aura du mal !

M. Jean-Pierre Balligand. Plaise à Dieu !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je veux insister aujourd'hui sur un point essentiel : affecter aux collectivités un impôt dynamique et même partagé avec l'Etat, c'est leur conférer à la fois une ressource propre évolutive et une ressource liée au dynamisme de l'activité du territoire. Cela marque une différence essentielle avec les dotations de l'Etat, qui, elles, ne constituent pas une ressource propre.

L'article 3 de la loi organique définit la part déterminante, comme celle qui garantit la libre administration des collectivités territoriales au regard de la nature des compétences qu'elles ont à exercer. Il ne prévoit pas de référence à un taux unique car les niveaux d'autonomie financière des catégories de collectivités locales sont aujourd'hui trop hétérogènes, et parce qu'il fallait tenir compte des types de compétences exercées.

L'article 4, quant à lui, définit les modalités selon lesquelles le Gouvernement rend compte au Parlement de la mise en œuvre de la loi organique et de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités territoriales.

Il prévoit aussi les conditions dans lesquelles le Gouvernement garantit au minimum le maintien des niveaux de 2003.

Il engage enfin le Gouvernement à restaurer les taux d'autonomie financière, si besoin est, par des dispositions en loi de finances dans les trois ans qui suivent celle où le franchissement du seuil a été constaté. La définition de ce mécanisme correctif illustre encore une fois la volonté de vous donner toutes garanties sur le respect du principe de l'autonomie financière.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, compte tenu des enjeux de cette réforme, j'ai souhaité vous donner une explication claire et sans arrière-pensée afin de rendre opérationnelle, dans les meilleurs délais, l'autonomie financière des collectivités de notre pays, qui répond à une exigence constitutionnelle.

Lorsque ce cadre sera totalement défini, nous pourrons continuer à travailler ensemble pour réformer notre pays en profondeur, donner un nouveau souffle à l'esprit d'initiative et rapprocher nos concitoyens des décisions qui les concernent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, mes chers collègues, comme le prévoit l'article 36 de notre règlement, la commission des lois est saisie au fond de ce projet de loi organique qui concerne les finances locales.

Je voudrais, pour commencer, vous dire que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler en équipe avec Gilles Carrez, notre rapporteur général, dont l'extrême compétence en matière de finances publiques et de finances locales n'est plus à démontrer. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Elle est légendaire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisie pour avis. Je vous remercie !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Attendez la suite !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vrai que M. Carrez est compétent. Dommage qu'il appartienne au groupe UMP et soit obligé de trahir ses convictions !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'autonomie financière des collectivités territoriales est un sujet important et complexe, comme l'a indiqué M. le ministre, mais il est plutôt neuf.

J'insiste sur l'importance du débat que nous entamons cet après-midi. Comme l'exige le troisième alinéa de l'article 72-2 de notre Constitution, nous allons prendre les dispositions qui permettront de garantir définitivement l'autonomie financière des collectivités territoriales. Comme l'exige également le texte constitutionnel, nous allons pour la première fois en fixer le point de départ, en l'occurrence le point en dessous duquel il ne sera pas possible de descendre.

M. René Dosière. Mais on ne le connaît pas !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cela peut paraître anecdotique, surtout à ceux qui ont beaucoup parlé d'autonomie financière mais qui, Gilles Carrez et moi-même vous en donnerons quelques exemples, n'ont pas cessé de pratiquer la politique inverse.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ceux-là n'ont aucune leçon à donner à la majorité actuelle,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Bernard Derosier. Ne soyez pas si péremptoire, monsieur le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...qu'il s'agisse de l'autonomie financière des collectivités ou de la décision éventuelle de l'Etat d'étendre les responsabilités des collectivités locales.

Prenons l'exemple de l'APA, sur lequel nous reviendrons certainement au cours de ce débat.

M. Michel Bouvard. Oui, parlons-en !

M. Alain Gest. Ne soyez pas trop cruel avec l'opposition, monsieur le rapporteur !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce qui s'est produit avec l'APA avait été dénoncé par l'ensemble des présidents de conseil général, toutes tendances confondues. Cette mesure était très éloignée de la prétendue volonté du gouvernement de l'époque de garantir l'autonomie de décision, donc l'autonomie financière des collectivités locales.

M. Michel Bouvard. C'est un exemple d'injustice !

M. Jean-Louis Idiart. Vous en aurez peut-être besoin un jour, de l'APA !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'autonomie financière, dans notre pays, n'est pas une notion facilement acceptée. Sous la IIIe République, c'est plutôt le principe inverse qui prévalait. Durant plusieurs législatures, les parlementaires de l'époque se sont efforcés d'obtenir des contreparties aux décisions unilatérales prises par l'Etat en matière de responsabilités confiées aux communes. Ce n'est qu'au début des années 30 que l'Etat, et encore de manière exceptionnelle, a apporté sa contribution pour offrir aux communes un peu plus d'autonomie.

M. René Dosière. C'est le Sénat qui n'a pas changé depuis le début de la IIIe République !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'autonomie telle que nous la concevons aujourd'hui est assez récente et sa première application ne date pas du 10 mai 1981 - qui serait selon vous à la base de tout - mais de l'année 1970, à partir de laquelle des décisions très importantes ont été prises, dont l'impact est encore visible aujourd'hui.

La première de ces décisions, qui date de 1970, a été la suppression de l'approbation préalable du budget des communes ; la deuxième a substitué, en 1979, la dotation globale de fonctionnement au versement représentatif de la taxe sur les salaires.

M. René Dosière. M. Carrez vous dira que cela date de 1968 !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La troisième donne depuis 1980 le droit aux collectivités locales de déterminer le taux des impositions locales. C'est une nouveauté, car celles-ci n'avaient jusqu'à cette date que la possibilité de fixer la masse fiscale globale, les services de l'Etat étant chargés d'en déterminer la répartition entre les quatre taxes locales.

M. René Dosière. Cela revient au même !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les lois de décentralisation de 1982, c'est vrai, ont poursuivi ce processus engagé au début des années 70 et ont traduit de manière plus précise les conséquences du principe de la libre administration des collectivités territoriales.

La décentralisation a, dès le début, introduit un processus d'inversion de la tendance à travers une série de mesures. Si cela ne fut pas forcément déloyal envers les collectivités, le constat est clair.

Je prendrai l'exemple, que je connais bien pour l'avoir vécu dans ma vie professionnelle, du transfert aux départements et aux régions des collèges et lycées. On peut le regretter ou reconnaître - en creux - l'intérêt de la décentralisation pour ces établissements, leurs élèves et leurs maîtres, mais il faut savoir qu'entre 1986, l'année du transfert des moyens, et 1993, les dépenses consacrées par l'ensemble des collectivités départementales et régionales pour l'entretien, la construction, le développement du dispositif secondaire ont décuplé.

M. René Dosière. En effet !

M. Bernard Derosier. C'est un patrimoine que vous avez géré pendant vingt-trois ans !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Dans le même temps, les dotations de l'Etat, qui, à l'origine, étaient déjà inférieures de moitié aux besoins, n'ont que quadruplé.

Pour autant, nous avons assisté avec bonheur, dans toute la France, à un développement du nombre des établissements et à une amélioration de la qualité des équipements et de l'accueil offert aux élèves et aux maîtres. Mais cela nous a permis de constater l'énorme effort consenti par les collectivités locales pour pallier les insuffisances notoires de l'Etat,...

M. Bernard Derosier. Après vingt-trois ans de gaullisme !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. ...surtout entre 1982 et 1986, période durant laquelle l'Etat s'est bien gardé, tant du point de vue des investissements que des dépenses de fonctionnement, de faire des miracles en faveur de ces établissements. Il préférait bien sûr conserver des sommes de référence minimales pour opérer des transferts à moindre coût, et ce sans tenir compte du fait que l'inflation, beaucoup plus forte qu'aujourd'hui, entraînait pour les collectivités une forte augmentation de leurs dépenses.

M. Alain Gest. Exactement !

M. René Dosière. C'est exactement ce qui va se passer pour les TOS !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ma deuxième remarque, qui n'a rien à voir avec la décentralisation, concerne la décision unilatérale de l'Etat d'obliger les collectivités territoriales à assumer toutes les conséquences du passage aux 35 heures pour les personnels de la fonction publique territoriale.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Comme tous les élus locaux, nombreux dans cet hémicycle, j'ai constaté dans ma commune une augmentation d'environ 10 % de la masse fiscale. Certains élus ont choisi, pour compenser cette difficulté, d'augmenter leurs impôts ; d'autres, comme moi, ont fait un choix différent, au détriment bien sûr du développement des services offerts à la population.

M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes un mauvais gestionnaire !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Nous pouvons déduire de tout cela un certain nombre d'observations. Lorsque nos collègues de l'opposition étaient aux affaires, qu'ont-ils fait ? Comme l'a rappelé M. le ministre, même incomplètement, suite aux décisions prises entre 1997 et 2002, le ratio constatable de l'autonomie financière des collectivités n'a cessé de se dégrader.

M. Augustin Bonrepaux. Et avec ce texte, ce sera pire !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, nous avons compris !

M. Pierre-Louis Fagniez. D'ailleurs, cela ne peut pas être pire !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Quelles sont ces décisions ? On peut citer la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, réputée créer de l'emploi - encore faut-il le prouver - mais qui a considérablement dégradé l'autonomie financière des collectivités.

M. Augustin Bonrepaux. Alors pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Prenons l'exemple des villes nouvelles, que je connais très bien. Les villes nouvelles n'assurent leur équilibre que si elles accueillent des entreprises nouvelles pour accompagner le développement de la population. Dans le département dont je suis l'élu se trouve la ville nouvelle de Sénart. Le président actuel du conseil général, qui est pourtant l'un de vos amis, n'a cessé de répéter, à une époque où vous étiez au gouvernement, que si la part salariale de la taxe professionnelle n'avait pas été supprimée, la ville nouvelle de Sénart, dont la seule ressource est la taxe professionnelle, n'aurait pas besoin chaque année d'aller négocier auprès du SGGOU les moyens de son équilibre financier, que le maintien des dispositions antérieures aurait permis de garantir. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Derosier. Mais vous allez réformer la taxe professionnelle, c'est le Président qui l'a dit !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Vous savez très bien que la compensation est assise sur l'impôt constaté et non sur l'impôt à venir, c'est-à-dire celui perçu sur les entreprises qui s'installent.

M. René Dosière. Elle est donc assise sur les entreprises disparues !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Voilà un exemple parmi d'autres de la politique qui, entre 1997 et 2002, a conduit à la dégradation du seuil constatable d'autonomie financière : de 58 à 54 % pour les communes, de 58 à 53 % pour les départements et de 57 à 36 % pour les régions.

Que propose la loi organique ? Tout d'abord, et c'est déjà beaucoup, de décliner ce que lui impose la Constitution. Cela veut dire que vouloir mettre dans cette loi des dispositions qui n'ont rien à voir avec son objet est vain, même si par ailleurs elles peuvent être fondées.

L'article 1er définit, comme le demande la Constitution, les trois catégories de collectivités territoriales à partir desquelles sera établie l'évaluation, et éventuellement rétabli le ratio.

L'article 2 propose une définition de la notion délicate de ressources propres, autres que le produit des impositions de toutes natures.

L'article 3 a pour objet de définir cette fameuse « part déterminante » qui, rappelez-vous, était au cœur de nos débats lors de la révision constitutionnelle. Cet article 3 a un aspect tout à fait novateur en indiquant dans son dernier alinéa que ce ratio sera celui constaté au titre de l'année 2003. Pourquoi 2003 ? Parce que c'est cette année que, pour la dernière fois, pourront être constatées les conséquences de la révision de la taxe professionnelle opérée dans la loi de finances de 1999.

M. René Dosière. Nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'article 4 instaure un mécanisme de mise en œuvre de la garantie du ratio. Nous aurons l'occasion de revenir sur cet article, la commission des lois ayant déposé un amendement visant à évaluer le dispositif du Gouvernement.

Après cet exposé bref, car nous aurons largement l'occasion de développer tous ces points à l'occasion de l'examen des articles, je voudrais dire que ce texte est non seulement novateur, il est révolutionnaire.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pour la première fois, nous allons inscrire dans la Constitution un principe qui semblait pourtant couler de source mais n'avait jamais été appliqué. Pour la première fois, une loi organique va nous permettre d'approfondir la question de l'autonomie financière des collectivités. Pour la première fois, nous allons mettre définitivement les collectivités territoriales de notre pays à l'abri des difficultés que posera inévitablement l'évolution naturelle de leurs relations avec l'Etat.

C'est la raison pour laquelle messieurs les ministres, à l'issue d'un débat dont je dois saluer la qualité, à la fois du contenu et des échanges, la commission des lois, à deux amendements près, qu'elle demandera à notre assemblée d'approuver, a proposé d'adopter le projet de loi organique qui nous est présenté. C'est une avancée considérable, que je tenais à saluer au nom de l'ensemble de mes collègues de cette commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, saisie pour avis.

M. René Dosière. Enfin, un spécialiste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie et du plan, saisie pour avis. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les présidents de la commission des finances et de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, nous pouvons être fiers de ce projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.

M. Augustin Bonrepaux. Allez donc dire ça aux élus locaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous pouvons, chers collègues, en être fiers...

M. Augustin Bonrepaux. Allez dire ça à l'Association des maires de France !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...parce qu'il marque un coup d'arrêt...

M. Augustin Bonrepaux. Allez dire ça à Daniel Hoeffel !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, on sait que vous êtes là.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...à la descente aux enfers qu'ont connue les finances locales au cours de la précédente législature.

M. Michel Bouvard et M. Alain Gest. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Personne n'y croit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Souvenons-nous en effet de l'avalanche de mesures Jospin, Strauss-Kahn, Fabius...

M. Alain Gest. Fabius surtout ! Que d'erreurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...qui ont eu pour résultat de réduire l'autonomie financière des collectivités locales.

M. Augustin Bonrepaux. Avec vous il n'y aura même plus d'autonomie !

M. le président. S'il vous plaît !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais arrêtez d'aboyer, monsieur Bonrepaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le premier acte de cette politique fut la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, la perte de recettes étant compensée par une dotation, c'est-à-dire une subvention de l'Etat.

M. Augustin Bonrepaux. Et qu'allez-vous faire vous-même ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque l'Assemblée a débattu de cette mesure, le 17 octobre 1998, nous étions quelques-uns à protester contre ce remplacement d'un impôt par une dotation, dont Michel Bouvard...

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...Charles de Courson, Pierre Méhaignerie.

M. Augustin Bonrepaux. Mais vous faites bien pire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais la majorité que nous avions face à nous est restée silencieuse, bien qu'elle comptât dans ses rangs nombre de spécialistes des finances locales, une majorité tétanisée au point de ne pas même suivre notre modeste proposition de compenser cette réforme par des dégrèvements, qui auraient protégé les finances locales, plutôt que par des dotations. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous pensez vraiment que cela aurait été mieux ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Augustin Bonrepaux, vous qui étiez à l'époque président de la commission des finances et qui êtes aujourd'hui si bavard, vous étiez muet alors ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Franchement, qui peut croire une chose pareille ! Augustin muet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Plus exactement - je vous renvoie au compte rendu de cette séance, que je tiens à votre disposition -,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Un grand moment !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...vous teniez des propos lénifiants : mais non, la libre administration des communes ne serait pas remise en cause ; mais bien sûr que la jurisprudence constitutionnelle ne s'opposait pas à ce que des dotations soient substituées à des impôts locaux

M. Augustin Bonrepaux. C'était mieux que ce vous faites !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous aurions aimé en ces temps vous voir beaucoup plus offensifs,...

M. Michel Bouvard. Au lieu de rester silencieux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...au lieu de rester assujettis à une discipline de fer qui vous a contraints, hélas ! à vous taire. Et parce que vous vous êtes tus, la descente aux enfers a continué.

M. Augustin Bonrepaux. Faux ! Les dotations ont augmenté !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le deuxième acte, je m'en souviens très précisément, a eu lieu au printemps 2000...

M. Augustin Bonrepaux. La péréquation a été améliorée.

M. le président. Ce n'est que du bruit, monsieur Bonrepaux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et ce après que nous avons entendu ici même les théories de Dominique Strauss-Kahn sur l'autonomie financière des collectivités. On se souvient en effet comment il expliquait à la commission des finances que l'autonomie financière ne devait jouer que par la dépense,...

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pas étonnant pour un socialiste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...que ce n'était pas un problème de recettes, mais que c'était exclusivement un problème de liberté de dépenser.

M. Alain Gest. Gonflé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une fois posé cette théorie, Laurent Fabius, son successeur, s'est évidemment engouffré dans la brèche, en imposant, dès le printemps 2000, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

M. Michel Bouvard. Et voilà !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et cette suppression s'est faite dans des conditions tout à fait iniques, et je pèse mes mots.

M. Francis Delattre. Et même dans des conditions obscures !

M. Augustin Bonrepaux. Ce sera juste, avec vous ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet les régions socialistes avaient été prévenues, dès le début de l'année 2000, que la part régionale de la taxe d'habitation serait supprimée. C'était un véritable délit d'initiés, puisqu'elles se sont empressées d'augmenter leur taux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) :...

M. Jean-Louis Idiart. De tels propos sont indignes d'un rapporteur général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...plus 9 % pour la région Nord-Pas-de-Calais ; plus 19 % pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !

M. Jean-Louis Idiart. C'est digne d'un petit rapporteur, celui qui fait de la délation auprès du proviseur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. De sorte que, au printemps, quand la part régionale de la taxe d'habitation a été supprimée, la dotation dont elles ont bénéficié a dû prendre en compte cette augmentation de l'impôt. Faire financer l'impôt local par le contribuable local, voilà une technique où vous êtes passés maîtres. Pour notre part, nous allons, dans le cadre de ce débat, vous faire des propositions pour...

M. Augustin Bonrepaux et M. Jean-Louis Idiart. Faire payer le contribuable local !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...responsabiliser le décideur local du point de vue fiscal.

M. Jean-Louis Idiart. Croyez-vous que les décideurs aient à recevoir des leçons de votre part ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je passe sur la vignette - c'était l'année suivante (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) -...

M. Augustin Bonrepaux. Mais non ! Parlons-en !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et sur les droits de mutation.

M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez rien à dire !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, s'il vous plaît, si vous ne pensez pas à nous, pensez à vous. Vous aurez la parole tout à l'heure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La suppression de ces quatre impôts locaux représente une perte de recettes d'un montant de quinze milliards d'euros, soit cent milliards de francs, compensée par des dotations. Le résultat, c'est que le taux d'autonomie financière des régions a été divisé par deux, passant de près de 60 % à 30 %.

M. Charles de Courson. 35%.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les travaux de la commission Mauroy se déroulaient au même moment. Je me souviens très bien que lors de la première séance, Jean-Paul Huchon, qui, comme moi en faisait partie, a protesté en plein débat contre cette diminution de l'autonomie financière des régions.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On ne l'entend plus, Jean-Paul « H. » !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai qu'on ne l'a plus entendu par la suite. On a dû lui faire comprendre qu'il n'était pas très séant de souligner un tel coup porté à l'autonomie financière des régions. Mais nous avons, nous, protesté, et si nous avons quitté la commission Mauroy, en septembre 2000, c'est uniquement pour nous opposer à cet asservissement des finances locales à l'Etat par la transformation d'impôts locaux en subventions.

M. Augustin Bonrepaux. Mais que faites-vous d'autre ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il convient à partir de là de rappeler précisément ce qui s'est passé à nos collègues de l'opposition.

M. Alain Gest. C'est important, on ne le rappellera jamais trop !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès l'automne 2000, voyant que nos propositions n'avaient aucun succès auprès de la commission Mauroy, M. Christian Poncelet a déposé au Sénat une proposition de loi constitutionnelle sur l'autonomie financière des collectivités locales, dont le texte que nous examinons cet après-midi s'inspire largement. Une fois cette proposition adoptée par le Sénat, nous n'avons eu de cesse, nous tous députés de l'opposition d'alors, d'en demander l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : nous ne l'avons jamais obtenue !

M. Alain Gest. Voilà !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si je rappelle ces faits, c'est parce que Laurent Fabius, hier matin, a osé qualifier ce projet de loi organique d'« imposture ».

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Scandaleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Là, vraiment, les bras vous en tombent.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Quel culot !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est honteux !

M. Augustin Bonrepaux. M. Fabius a raison !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je n'ai qu'une explication de l'emploi de ce vocabulaire outrancier qui ne lui ressemble pas.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vocabulaire indigne d'un homme d'Etat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agissait uniquement de masquer ses turpitudes,...

M. Jean-Louis Idiart. Voilà en revanche un mot qui n'a rien d'outrancier !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...de masquer la succession d'erreurs que vous avez commises pendant la précédente législature.

M. Alain Gest. Très certainement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre attitude mérite aussi quelques rappels indispensables. Nous avions pris un double engagement à l'occasion des campagnes présidentielle et législative de 2002 : d'une part, relancer la décentralisation, et, d'autre part, sécuriser les finances locales. Cet engagement a été totalement tenu.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Premièrement le projet de loi sur les responsabilités locales a été examiné ici même en première lecture.

M. René Dosière. Dans l'enthousiasme général !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons, dès l'année dernière, modifié la Constitution en introduisant trois principes : le principe de la compensation équitable, dont la loi Defferre n'avait pas assuré l'effectivité. Je rappelle que la commission d'égalisation des charges, auquel renvoyait la loi Defferre pour en assurer l'application - ceux qui ici en ont fait partie le savent -, était présidée par un fonctionnaire, n'est-ce pas, cher collègue Dosière ?

M. René Dosière. C'était le seul fonctionnaire de la commission !

M. Charles de Courson. Oui, mais c'était le président, ce n'est pas rien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La péréquation est le deuxième principe, et c'est celui qui permet d'assurer l'autonomie financière des collectivités. C'est nous qui, les premiers - et c'est notre honneur -, l'avons mis en œuvre de façon substantielle à l'occasion de la loi de finances pour 2004.

M. Augustin Bonrepaux. Des mots !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, en globalisant la DGF et en garantissant son évolution différenciée nous avons donné du grain à moudre à la péréquation.

M. Augustin Bonrepaux. Mais où est la volonté politique ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par ailleurs, un groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales a recherché au cours des six mois les moyens d'améliorer la péréquation.

M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a présenté ses propositions voici quinze jours, en présence du ministre Jean-François Copé.

M. Augustin Bonrepaux. Nous voilà bien avancés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je crois pouvoir assurer qu'elles seront mises en œuvre dans le cadre de la loi de finances pour 2005.

Le troisième principe est celui de l'autonomie financière, et c'est l'objet du projet de loi organique que nous examinons. Vous voyez donc que nous avons strictement respecté nos engagements.

M. Alain Gest. Une fois de plus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général Je veux quand même dire deux mots de ce projet de loi, même si notre collègue Geoffroy en a parlé excellemment à l'instant.

Ce texte part d'une idée simple : il s'agit de garantir que le ratio entre les ressources propres d'une collectivité locale et l'ensemble de ses ressources ne pourra pas se dégrader dans l'avenir. Comme il faut bien choisir un seuil de départ, nous avons retenu l'année 2003, tout simplement parce que c'est l'année où la réforme de la taxe professionnelle sera intégralement achevée, et qu'il faut bien solder l'héritage de la précédente législature. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons pas le choix !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Lourd héritage !

M. Augustin Bonrepaux. Air connu !

M. Jean-Louis Idiart. Tout ça n'est que camouflage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce choix de l'année 2003 a par ailleurs été validé par le Conseil constitutionnel. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, qu'avec Charles de Courson, Michel Bouvard, le président Méhaignerie entre autres, nous avons saisi le Conseil constitutionnel de chaque suppression d'impôts locaux, comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Et dans chaque cas le Conseil constitutionnel a jugé que ce principe n'était pas encore remis en cause, tout en nous invitant à légiférer pour en garantir le respect.

Ce texte affirme aussi que les impositions de toutes natures doivent être considérées comme des ressources propres, même si la collectivité locale n'en vote pas le taux et n'en maîtrise pas l'assiette. Comme Guy Geoffroy vient de le démontrer excellemment, ce point est parfaitement conforme à la Constitution et juridiquement inattaquable. Mais des questions se posent du point de vue pratique. J'en donnerai pour exemple la TIPP.

Le produit de la TIPP va être en effet partiellement rétrocédé aux régions, et il sera très certainement décidé, dans le cadre des discussions avec Bruxelles, que les régions pourront en faire varier le taux.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est donc pas sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sera donc une véritable fiscalité dans le cas des régions.

M. Charles de Courson. Nous verrons.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S'agissant en revanche des départements, le partage se fait au plan national, et il y a ensuite redistribution entre les départements. C'est là que le problème se pose, et je pense, messieurs les ministres, qu'il est possible d'améliorer substantiellement le dispositif, afin que les élus départementaux puissent être partie prenante de ce partage.

M. Augustin Bonrepaux. Ils n'ont pas le droit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur le président, je vous en prie, faites taire une bonne fois cet homme insupportable !

M. le président. S'il vous plaît, il s'agit d'un débat important !

M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas chargé de la police de notre assemblée, monsieur Clément !

M. Bernard Derosier. Il se prend pour Sarko !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous allez prendre la parole dans quelques instants pour défendre l'exception d'irrecevabilité déposée par le président de votre groupe. Ce sera pour vous l'occasion de défendre vos convictions. Laissez donc au Gouvernement la possibilité de défendre ses propositions, aux rapporteurs d'affirmer la ligne de leur commission, et cessez de troubler la sérénité de nos débats, par respect, tant de notre institution que de ceux qui nous regardent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Poursuivez, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je poursuis, messieurs les ministres, sur ce sujet difficile du partage de la TIPP entre l'Etat et les départements.

Il serait possible d'améliorer le dispositif proposé, en associant en amont les élus au partage annuel du produit de cet impôt entre l'Etat et les départements.

M. Michel Bouvard. C'est indispensable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela pourrait se faire dans le cadre du comité des finances locales, ou d'une conférence des présidents des conseils généraux.

Deuxièmement, il faut que ce dispositif puisse prendre en compte les évolutions spécifiques que peut connaître la situation de chaque département au fil du temps.

Je tiens cependant à dire, notamment à vous, monsieur de Courson, qu'en tout état de cause un impôt national partagé vaut mieux qu'une dotation.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous rappellerai à ce propos la solution qui a été apportée à la question de la vignette, notamment en ce qui concerne la Marne.

M. Augustin Bonrepaux. Parlons-en !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On peut parler là véritablement du partage d'un impôt d'Etat, auquel il s'agira d'associer les élus le mieux possible.

Mais, messieurs les ministres, je voudrais aller plus loin dans la réflexion. Il me semble qu'il serait préférable, à un terme plus ou moins rapproché, que chaque catégorie de collectivité puisse bénéficier de ressources fiscales significatives dont elle puisse voter le taux et maîtriser l'assiette.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En ce qui concerne la région, la solution est assez simple, et je fais le pari que nous aurons gain de cause auprès de Bruxelles. Il s'agira donc de leur transférer des montants substantiels de TIPP.

En ce qui concerne les communes et les structures intercommunales, il y a la taxe professionnelle, notamment la taxe professionnelle unique. Il faudra, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, veiller à préserver le lien entre fiscalité et responsabilité territoriale, et le Premier ministre a été très clair sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard et M. Alain Gest. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je veux à cette occasion montrer à quel point, au regard de ce qu'ont fait nos prédécesseurs socialistes, nous sommes, nous, respectueux des collectivités locales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En effet le futur dispositif d'exonération des nouveaux investissements réalisés en 2004 et 2005 sera compensé, non par une dotation, mais par un dispositif de dégrèvement, de sorte que les communes, les départements et les régions ne perdront pas un seul euro à l'occasion de cette réforme.

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne durera pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S'agissant des départements, comme la TIPP pose problème, ne faudrait-il pas, à terme, réfléchir à un réagencement de la fiscalité locale ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La taxe professionnelle est aujourd'hui perçue par les régions, pour 1,900 milliard d'euros, ainsi que par les communes, les intercommunalités, les départements et les chambres de commerce. Ne pourrait-on pas simplifier ce système et rétrocéder aux départements une fraction de TP régionale ?

Les régions perçoivent également le foncier bâti pour 1 milliard d'euros, et le produit de la carte grise ou du permis de conduire pour un montant équivalent.

Il y a donc 5 milliards de fiscalité régionale autre que la TIPP, qui pourraient être en partie basculés vers les départements pour garantir leur autonomie financière.

M. Michel Bouvard. Excellente idée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous le voyez, contrairement à nos prédécesseurs, nous avons une approche non pas idéologique, mais pragmatique :...

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Responsable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...nous essayons par tous les moyens de sécuriser les finances locales, nous avons tenu nos engagements et nous avons mis un coût d'arrêt à une dérive pernicieuse.

Avec l'acte II de la décentralisation que constituera la loi sur les responsabilités locales, la loi organique dont nous entamons l'examen sera un acte fondateur, et d'une certaine manière révolutionnaire, pour reprendre l'expression de notre collègue Guy Geoffroy.

Mes chers collègues, une parfaite coordination entre notre commission des finances et la commission des lois, son président et le rapporteur, a permis, et j'en suis très heureux, un travail très fructueux. Nous y avons mis d'autant plus d'énergie que ce texte est excellent et que nous sommes fiers de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons avoir des positions différentes sur les textes dont nous sommes saisis et sur les choix politiques en général.

Cependant, au moment où nous débattons des collectivités locales, débat qui, nous le savons, se poursuivra pendant plusieurs années, il me semble que certains propos nous engagent dans des voies très dangereuses.

Hier, quelle n'a pas été ma stupéfaction, - et je n'ai pas été le seul à avoir cette réaction - en lisant les propos de M. Fabius. Qualifier ce texte - lorsqu'on a réduit les taux d'autonomie - d' « imposture totale », c'est, venant d'un ancien Premier ministre, très dangereux.

M. Francis Delattre. C'est un roquet !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le propos est encore plus dangereux lorsque M. Fabius parle d'une « œuvre de démolition des collectivités locales ».

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Quelle honte !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les mots ont-ils un sens ?

M. Alain Gest. Pas pour M. Fabius !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Parler d'une « œuvre de démolition des collectivités locales » me paraît extrêmement dangereux pour le débat démocratique !

M. Michel Bouvard. C'est un dérapage !

M. Francis Delattre. C'est de la démagogie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. D'autant plus, et nous le savons, que certains élus ont, au cours des dernières élections régionales, fait des promesses, y compris sur des compétences qui ne sont pas les leurs ! (« C'est vrai ! » sur les sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. C'est la libre administration !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et ils s'apprêtent demain à renvoyer au Gouvernement la responsabilité de la hausse des impôts locaux !

M. Alain Gest. C'est honteux !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Qu'ils le sachent : face à ce piège qu'ils nous tendent, nous répondrons avec une extrême vigueur parce qu'il n'est pas possible de s'engager dans cette voie du mensonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est - enfin - à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je vais avoir l'occasion de démontrer qu'en effet cette loi est une imposture par son incohérence et son hypocrisie. Et si certains s'engagent dans la voie du mensonge, monsieur le président de la commission des finances, c'est bien vous en essayant de faire croire que cette loi garantira l'autonomie des collectivités locales, alors qu'elle va la réduire.

Ce projet de loi relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales a pour objet de préciser l'article 72-2 de la Constitution. Il va, en particulier, permettre de préciser les conditions financières dans lesquelles doivent se faire les transferts de compétence et la prochaine réforme de la taxe professionnelle.

Aussi, on ne peut que regretter que ce texte vienne si tard. Le transfert du RMI aux départements, adopté définitivement et entré en vigueur au 1er janvier 2004, et la première lecture à l'Assemblée de la loi sur les responsabilités locales, montrent déjà combien l'autonomie des collectivités locales est menacée avec les compensations prévues.

Car c'est bien une des inquiétudes, un des messages que les citoyens ont voulu adresser au Gouvernement et à sa majorité lors des dernières élections : leur crainte que la décentralisation n'apporte pas un meilleur service, mais qu'elle se traduise par l'escalade des impôts locaux.

Malgré leur débâcle électorale, le Gouvernement et la majorité s'obstinent dans ce comportement. Dans un premier temps, les propos de plusieurs ministres avaient laissé penser que le Gouvernement serait plus à l'écoute des socialistes et des élus locaux. Mais, démontrant la vacuité des feintes réprimandes adressées par le Président Jacques Chirac à son action, le Premier ministre s'en tient à son projet initial. Il pousse le cynisme jusqu'à présenter comme des signes d'ouverture et d'écoute la reprise des « engagements » antérieurs.

Aujourd'hui, on est troublé de voir le Premier ministre appuyer son discours d'ouverture - le ministre de l'intérieur a d'ailleurs dit la même chose tout à l'heure - sur la possibilité d'une discussion « avec l'ensemble des parlementaires, d'une part, mais aussi avec les associations, pour enrichir et éventuellement améliorer ce texte, afin de revenir en deuxième lecture avec un projet refondé à la suite de débats eux-mêmes enrichis par la loi organique. Nous aurons ainsi une vision complète, la loi organique ayant permis d'enrichir le débat sur le texte de transferts des compétences ». Nous allons voir quel est l'enrichissement...

De son côté, Dominique de Villepin indiquait : « Je connais les inquiétudes des uns et des autres : avec Jean-François Copé, nous les avons entendues. » Je précise d'ailleurs que ces inquiétudes s'expriment dans tout le pays au travers d'un grand nombre de motions. Il ajoutait : « En particulier, le Gouvernement s'engage à ce que la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales soit votée avant la deuxième lecture du projet de loi sur les responsabilités locales ». Cela n'est pas un engagement qui coûte beaucoup. Il indiquait également sa volonté d'échanges approfondis avec les associations d'élus. Or la volonté de prendre « le temps du dialogue et de la concertation » annoncée par le ministre se sera traduite tout simplement par une entrevue aussi courte que stérile entre les présidents de régions et de départements et le Premier ministre.

Après avoir exagéré les prétextes pour modifier la Constitution, le Gouvernement se montre incapable de tenir ses promesses d'autonomie et tente de justifier dans cette loi organique des procédés qui réduiront encore l'autonomie des collectivités locales, comme le montrent déjà les conditions du transfert du RMI. L'exemple du transfert du RMI aux départements en fait malheureusement l'amère démonstration : nous constatons chaque jour que les compensations sont inférieures aux dépenses transférées.

Il me semble utile de rappeler tout d'abord que la première décentralisation avait compensé les charges transférées par des impôts dont les collectivités pouvaient faire varier le taux. La vignette automobile et la taxe sur les droits de mutation étaient complétées par une dotation globale de décentralisation progressant comme la dotation globale de fonctionnement.

Quant à la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle - que personne ne devrait contester et remettre en cause puisque le Gouvernement l'a poursuivie et que le Président de la République en rajoute -, elle a été compensée par une dotation évoluant chaque année comme la DGF. Cela a été, on l'a oublié, bénéfique pour toutes les collectivités en difficulté qui ont subi depuis des disparitions d'entreprises - ce sont souvent les collectivités les plus pauvres -, mais ont continué à percevoir la compensation : c'était là une mesure de péréquation.

Pour ce qui est de la suppression de la taxe d'habitation des régions et de la vignette automobile, elle a été compensée dans les mêmes conditions et les mêmes garanties. Dans le cas de la vignette automobile, une particularité a échappé à beaucoup d'entre vous : elle a été favorable aux départements les plus défavorisés où le nombre de véhicules augmente peu, et qui ne pouvaient augmenter les taux en raison du dumping pratiqué par le département de la Marne, même si l'Assemblée a essayé de le corriger.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'était de la bonne gestion et pas du dumping !

M. Augustin Bonrepaux. Vous évoquez aussi les nouvelles charges transférées aux départements avec l'allocation personnalisée d'autonomie et la départementalisation des SDIS.

A propos de l'APA, je voudrais d'abord rappeler que je n'ai pas entendu une forte opposition à l'Assemblée nationale quand elle a été créée. Ne pensez-vous pas que les effets de la canicule auraient été encore plus désastreux sans tout le personnel qui a pu être mobilisé auprès des personnes âgées par les associations de services à domicile et par les établissements ? Alors que vous vous préoccupez seulement aujourd'hui de trouver des moyens supplémentaires - et nous avons entendu tout à l'heure quels étaient ces moyens -, avez-vous oublié que vous aviez supprimé, au printemps 2003, une partie des crédits aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ?

M. Bernard Derosier. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Quant au financement, s'agissant d'un service nouveau créateur d'emplois, n'était-il pas équitable de partager la charge entre l'Etat et le département ?

Le département avait connu une forte baisse de ses dépenses avec la mise en place de la PSD, en raison de l'inefficacité de cette mesure du gouvernement Juppé. Quant à l'Etat, n'est- il pas équitable qu'il prenne sa part à cette mesure de solidarité créatrice d'emplois et qui contribue au financement de la sécurité sociale et de l'Etat à travers la fiscalité ?

Par contre, pourquoi le RMI entraînerait-il une augmentation des impôts locaux alors que ce transfert ne crée ni services ni emplois nouveaux ?

A propos de la départementalisation des SDIS, je rappellerai simplement que son principe a été prévu par un amendement de votre collègue Hyest à la loi Pasqua. Elle permet de remplacer la complexité du système antérieur, qui faisait supporter la principale charge sur les communes sièges de centre de secours, par un financement départemental auquel participent dans les mêmes conditions tous les contribuables, ce qui paraît tout de même beaucoup plus équitable. En revanche, je pourrais vous demander, monsieur le ministre de l'intérieur, si la réduction des subventions aux SDIS réalisées en 2003 n'aggrave pas la fiscalité des départements et n'obligent pas ces derniers à participer davantage.

Mais le véritable problème des services de secours et d'incendie est ailleurs. En effet, si le but de la décentralisation était de clarifier les compétences, l'Etat devrait assumer la totalité de cette responsabilité régalienne qu'est la sécurité et en assumer directement la charge. C'est ce que proposait l'Assemblée des départements de France puisque c'est le ministère de l'intérieur et le préfet du département qui en assurent la responsabilité et décident des interventions. Ce système, où l'Etat commande et les collectivités doivent payer, est - il compatible avec la clarification attendue de la décentralisation et avec le principe d'autonomie financière des collectivités locales inscrit dans la Constitution ?

Tous ces fallacieux prétextes avancés à propos de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle avaient conduit le Sénat à examiner la proposition de loi constitutionnelle n° 432 définissant les principes d'une réelle autonomie financière, cosignée par MM. Poncelet, président du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, alors président de l'Association des régions de France, Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des maires de France, Jean-Pierre Fourcade, président du Comité des finances locales, et Jean Puech, alors président de l'Assemblée des départements de France. Il s'agissait de « consacrer le principe de libre administration des collectivités locales, dont l'autonomie fiscale et financière est un fondement essentiel ».


Elle prétendait donner un coup d'arrêt « au processus actuel de démantèlement de la fiscalité locale ». Permettez-moi d'insister là-dessus : il me semble que la majorité et Jean-Pierre Raffarin, qui était à l'origine de ce texte, l'ont un peu oublié aujourd'hui.

L'article 1er de cette proposition de loi constitutionnelle précisait ce qu'il nommait « la teneur de l'autonomie fiscale » et posait « le principe de la prépondérance des ressources fiscales au sein des ressources des collectivités territoriales ». Il reconnaissait également aux collectivités territoriales « la faculté de bénéficier d'impôts modernes dans le cadre d'une fiscalité locale dont la rénovation constitue une urgente nécessité » − et l'on assiste aujourd'hui à la mise en œuvre de ces principes ! Il prévoyait enfin « une protection des ressources fiscales locales en prohibant le remplacement d'impôts locaux par de simples transferts financiers en provenance de l'État » − et c'est pourquoi vous allez permettre les dégrèvements et les considérer comme des ressources propres !

En résumé, pour reprendre les mots du rapporteur de la proposition : « Il n'y a pas d'autonomie locale sans autonomie financière, laquelle doit être assurée à 50 % au moins par des ressources propres, c'est-à-dire des ressources dont les collectivités locales fixent elles-mêmes le montant ».

Jean-Pierre Fourcade, alors président du comité des finances locales, enfonçait le clou : « L'autonomie financière des collectivités locales, qui est l'autre face de la libre administration des collectivités locales, repose sur trois piliers (...). Le premier pilier, c'est la possibilité de disposer de ressources fiscales dont les collectivités peuvent déterminer les taux, de manière à adapter ces recettes à leurs dépenses. »

« Le deuxième pilier, c'est la possibilité de recevoir des compensations lorsqu'il y a transfert de charges et que ces compensations soient à la fois calculées, évolutives et pérennes. » C'était le cas pour l'allégement de la part « salaires » de la taxe professionnelle ou pour la suppression de la vignette.

M. Fourcade poursuivait : « J'en viens au troisième pilier : lorsque l'État remplace, par sa décision et celle du Parlement, une part d'impôt local par une compensation, la dotation de l'État doit être, elle aussi, indexée et pérenne. » Les dernières réformes du précédent gouvernement respectaient ces règles.

Jean-Pierre Raffarin, dans son intervention lors du vote de la loi, s'en prenait au gouvernement de Lionel Jospin et aux sénateurs socialistes en déclarant : « Nous, nous travaillions dans une perspective à vingt ans et dans l'intérêt général, et nous avons vu le parti dont vous êtes membre réaliser un travail à court terme ! » On est frappé, aujourd'hui, de voir à quelle vitesse il est revenu sur les principes qu'il défendait alors, et dont vous ne trouverez pas trace dans le projet de loi que nous allons examiner.

Le premier alinéa de la proposition de loi constitutionnelle précisait que « la libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de recettes fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi ». La commission du Sénat ne tarissait pas d'éloges sur ce principe − au nom duquel nous ne pourrons pas voter le transfert des taux de la TIPP dont vous prétendez qu'elle constitue une ressource propre : « Cette disposition fixe la règle essentielle selon laquelle il ne saurait y avoir de décentralisation véritable sans que les collectivités territoriales puissent disposer de recettes fiscales localisées pour lesquelles elles votent des taux permettant d'en moduler le produit. Cette règle garantit la liberté d'initiative et le sens des responsabilités des gestionnaires locaux sous le contrôle du suffrage universel. Elle établit la force du lien entre les élus et le citoyen-contribuable. » Nous allons revenir sur ce point. La conclusion de la commission était sans appel : « Elle est au cœur de la démocratie locale ». C'est vrai, et nous allons le démontrer.

M. Francis Delattre. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !

M. Augustin Bonrepaux. Cette proposition de loi était excellente : il suffirait de l'appliquer, et je ne demande rien d'autre.

Le second alinéa de la proposition était initialement plus vague, et donc plus proche de la proposition actuelle. Il énonçait en effet que « les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités locales ». Il faut néanmoins noter que l'adjectif « prépondérante » avait dès l'origine été préféré à l'actuel « déterminante », qui ne détermine rien et qui est inscrit à l'article 72-2 de la Constitution. À travers son commentaire et les modifications proposées et adoptées, la commission se chargeait cependant de lever toute ambiguïté : « Une démocratie locale vivante implique que la fiscalité représente une part majoritaire dans les ressources globales des collectivités locales. Assumer le vote des taux des impôts locaux nécessaires à la mise en œuvre des politiques locales constitue pour les élus locaux un facteur de responsabilisation vis-à-vis des citoyens qui sont aussi contribuables. »

La commission prévoyait qu'il conviendrait de s'assurer que « globalement pour les communes, les départements et les régions, la part des recettes fiscales représente plus de la moitié des ressources ». Et elle enfonçait le clou : « Les recettes fiscales en cause doivent être des recettes fiscales propres, c'est-à-dire des recettes dont les collectivités territoriales peuvent moduler le produit par le vote des taux. N'est donc pas visée l'hypothèse où le produit d'impôts nationaux serait pour partie reversé aux collectivités territoriales. Quel que soit l'intérêt que peut revêtir une telle formule, elle ne peut être considérée comme une expression d'autonomie fiscale locale. »

Voilà ce que défendait alors M. Jean-Pierre Raffarin. Nous demandons simplement au Gouvernement de suivre ces propositions. La notion de « marge de manœuvre fiscale » était mise en avant, et définie comme « la capacité des collectivités à influencer le montant de leurs recettes fiscales en votant le taux de leurs impôts ».

La proposition fut discutée et adoptée par le Sénat le 26 octobre 2000. M. Jean-Pierre Raffarin la vota : aujourd'hui, il paraît l'avoir oublié.

Il aurait pourtant dû s'inspirer des principes définis par cette proposition de loi constitutionnelle pour rédiger son projet de loi organique. Encore aurait-il fallu qu'il ait réellement pour objectif de garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales. Mais nous savons bien qu'il n'en est rien, qu'il entendait simplement modifier la Constitution pour permettre une décentralisation, afin d'alléger l'impôt sur le revenu et transférer cette charge sur les impôts locaux.

Ce projet fait totalement l'impasse sur l'intercommunalité et la diversité des situations des collectivités locales.

L'article 1er du projet de loi organique définit les « catégories de collectivités territoriales ». L'article 72-2 de la Constitution dispose en effet que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Trois catégories sont définies : les communes ; les départements − incluant Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les collectivités à statut particulier − ; les régions − ainsi que la Corse, les collectivités d'outre-mer sauf celles visées ci-dessus, et les collectivités issues d'une fusion avec une région.

Cette définition, qui repose sur une moyenne, néglige l'extrême diversité des situations réelles au sein d'une même catégorie. Ainsi, le taux d'autonomie financière peut varier de près de 5 % à 95 % pour des collectivités appartenant à une même catégorie. Il conviendrait sans doute de compléter la référence à la moyenne par la prise en compte de cette forte dispersion interne.

Enfin, comme pour le projet de loi sur les responsabilités locales, aucune réflexion n'a été menée sur la place des intercommunalités à fiscalité propre. Leur autonomie financière n'est donc pas garantie, ce qui ne manque pas d'inquiéter au moment où l'intercommunalité continue de progresser...

M. Jean-Marc Roubaud. C'est faux !

M. Jean-Louis Idiart. Vous le démontrerez !

M. Augustin Bonrepaux. ...et où la taxe professionnelle, ressource unique des intercommunalités les plus intégrées, est menacée de suppression.

M. Michel Piron. Ce n'est pas une suppression !

M. Augustin Bonrepaux. Si j'ai bien entendu, il est pourtant question de réformer la taxe professionnelle.

M. Michel Piron. Réformer, ce n'est pas supprimer !

M. Augustin Bonrepaux. On pourra dire ce qu'on voudra, il est bien normal que les députés s'informent sur ce qui doit la remplacer. Le projet de loi que vous vous apprêtez à voter permet n'importe quoi.

M. Alain Gest. Vous parlez d'or !

M. Francis Delattre. M. Bonrepaux est un expert du n'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Cette loi devrait préciser d'abord les conditions de l'évaluation des transferts, puisque le quatrième alinéa de l'article 72-2 est très vague.

M. Francis Delattre. Vous êtes un expert du n'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Je me contente de citer des textes − celui de la Constitution, celui qui est en discussion, ceux que vous avez votés − et des chiffres, figurant dans la loi de finances ou dans les débats du Comité des finances locales.

M. Alain Gest. Faites comme Guy Geoffroy qui, tout à l'heure, a rappelé des évidences et des faits !

M. Augustin Bonrepaux. Cette définition repose sur une moyenne pondérée.

M. Jean-Marc Roubaud. C'est fumeux !

M. Augustin Bonrepaux. Le texte de la Constitution, disais-je, est très vague : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. » On le voit, cette définition autorise toutes les interprétations et, surtout, toutes les manipulations. Cet article est en effet très en retrait par rapport à la loi du 29 décembre 1997 codifiée dans le code général des collectivités territoriales : « Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'État et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'État aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. » Le mot « normal » est important. Je poursuis ma citation : « Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'État au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées. » Je me contenterais d'une telle prescription dans la loi organique : il y a là, en effet, une garantie de transfert et d'évolution, ce qui n'est pas le cas en l'état actuel du texte.

Quelques exemples suffisent à montrer toutes les manipulations auxquelles se prête le Gouvernement. Vous vous souvenez que le RMI a été transféré dans la précipitation à la fin de l'année dernière.

M. Alain Gest. Et l'APA, ce n'était pas de la précipitation ?

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, vous secouez la tête, mais c'est au mois de novembre que les départements ont été informés qu'ils devraient prévoir des crédits pour payer le RMI le 5 janvier. Ils n'avaient pas encore voté leur budget, et il fallait déjà que, dès le 5 janvier, toutes affaires cessantes, ils prennent en charge le RMI. Le Gouvernement, soucieux de produire des comptes plus présentables, avait décidé de faire payer le RMI du mois de décembre par les collectivités locales. Ne secouez pas la tête, monsieur le ministre, c'est la réalité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Vous confondez avec l'APA !

M. Augustin Bonrepaux. Le RMI a été transféré le 1er janvier, mais la compensation a été calculée en fonction des dépenses effectuées au 31 décembre 2003.

M. Michel Bouvard. Sur la base des comptes administratifs !

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez raison, cher collègue. Mais, le problème, c'est que, dès le 1er janvier 2004, le RMI a augmenté de 1,5 %. Le problème,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n'y a pas de problème !

M. Augustin Bonrepaux. ...c'est que les salaires correspondant au RMI augmentent chaque année, comme les frais de personnel, de quelque 3,5 %. Chaque RMA entraîne une charge supplémentaire de 15 %. Ce n'est pas moi qui le dis, mais Mme Boutin, rapporteure du projet de loi portant décentralisation en matière de RMI. De plus, depuis le 1er janvier, le nombre de RMIstes a augmenté de 10 %.

Chaque mois, les caisses d'allocations familiales transmettent aux départements des demandes de crédits bien supérieurs aux transferts effectués par l'État. Cela ne se traduit-il pas par une explosion des impôts locaux ? Pour le moment, nous en sommes à 10 %.

Quant aux TOS, le Gouvernement a préparé leur décentralisation en réduisant, dès le budget de 2003, le nombre des agents qu'il souhaitait transférer.

Cette année encore, nous découvrons des suppressions de postes dans nombre d'établissements. C'est le cas dans un collège de mon canton, à Ax-les-Thermes, où un poste a été supprimé. Cet emploi n'est donc pas nécessaire, ai-je demandé ? Si, m'a-t-on répondu, mais il est quand même supprimé ! Cela signifie que l'année prochaine, il faudra le recréer et qu'il sera à la charge du département.

De surcroît, dans chaque établissement - et j'attends que le ministre me réponde sur ce point - plus de 60 % du personnel ne dépendent pas de l'éducation nationale mais relèvent de contrats à durée déterminée, d'emplois-jeunes, qui ne seront pas remplacés, de contrats emploi-solidarité ou de contrats emploi-consolidé. Or le projet de loi relatif aux responsabilités locales ne tient compte, pour le transfert des crédits, que du seul personnel de l'éducation nationale.

Tout cela ne va-t-il pas se traduire par une augmentation équivalente de plus de 60 % de la charge laissée aux départements et aux régions, et donc des impôts locaux ?

M. Michel Piron Quand on aime, on ne compte pas !

M. Augustin Bonrepaux. Notre collègue qui parlait tout à l'heure d'une augmentation de 30 % était bien modeste !

Je prendrai un autre exemple, celui du fonds social du logement, transféré également aux départements. En 2003, ses crédits ont été réduits de 25 %. L'augmentation de 10 % de cette année n'empêche donc pas que leur montant soit inférieur à celui de 2002. Qui paiera la différence,...

M. Alain Gest. Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. ...sinon les départements ?

De même, si la responsabilité de l'eau est transférée aux départements, le fait que les crédits du fonds national d'adduction d'eau aient été réduits de 60 % l'année dernière sans guère augmenter cette année, ne conduira-t-il pas là encore à un transfert de charges supplémentaire ?

Et que dire du transfert de la voirie ? La situation est là peut-être pire encore. On nous dit que les investissements seront compensés en tenant compte de ce qui a été fait les cinq dernières années. Le problème, c'est que l'Etat n'a rien fait ces cinq dernières années ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Vous aviez donné l'exemple !

M. Augustin Bonrepaux. Je pourrais tout aussi bien dire qu'il n'a rien fait ces dix dernières années.

M. Alain Gest. Ah ! La mémoire vous revient !

M. Augustin Bonrepaux. Je ne fais que citer des faits. Peu importe les gouvernements concernés.

Je défends comme vous l'autonomie. Cependant, je suis bien obligé de constater que, sur les cinq dernières années, les investissements en la matière ont été quasiment nuls.

Dans mon département, le représentant de l'Etat a présenté un projet d'aménagement de la nationale 20 en nous indiquant ce que nous aurions à faire. Mais quels sont les crédits qui nous seront transférés à cet effet ? Là encore, on nous transfère une charge sans nous donner les moyens de faire face à l'investissement que l'on s'est pourtant empressé d'annoncer à la population !

Consultez donc vos amis présidents de conseils généraux.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui ! Il en reste !

M. Alain Gest. 49 contre 51 !

M. Augustin Bonrepaux. Ils vous diront combien le transfert de la voirie les inquiète.

M. Francis Delattre. Cela n'a rien à voir avec une exception d'irrecevabilité !

M. Augustin Bonrepaux. C'est pourquoi l'audit qui a été demandé par les présidents de département et de région, se justifie tout particulièrement. Il permettra d'évaluer le niveau des charges transférées afin que les ressources transmises permettent de les couvrir.

J'en viens à l'article 2 et à la définition de la notion de « ressources propres », contraire au principe d'autonomie financière. Comment ne pas y voir une sorte de yoyo mensonger de la droite ?

Selon le projet de loi organique, une ressource propre serait « le produit des impositions de toutes natures ». Le Gouvernement et les rapporteurs incluent dans cette catégorie des impositions dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif, ce qui est le cas des impôts locaux, mais également - et c'est là que réside toute l'hypocrisie - les parts de produits d'impositions transférées, sur le modèle du transfert d'une part de TIPP aux départements en compensation du transfert total de la gestion du RMI voté en décembre 2003, sans possibilité de vote des taux par les collectivités.

On transfère ainsi des charges qui évoluent et des ressources qui, elles, n'évoluent pas et on nous explique que cela garantit l'autonomie des collectivités locales ! De qui se moque-t-on ? La plupart des élus, y compris sur vos bancs, mesdames et messieurs de la majorité, ne sont pas dupes.

M. René Dosière. En tout cas, c'est ce qu'ils disaient lorsqu'ils étaient dans l'opposition !

M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs, le rapporteur du projet de loi relatif aux responsabilités locales n'a-t-il pas proposé en commission des lois que la compensation financière des transferts de compétences s'opère par l'attribution d'imposition de toutes natures « dont les collectivités territoriales votent les taux, ou déterminent le tarif » ?

M. René Dosière. C'était un amendement Dosière, approuvé par le rapporteur, M. Daubresse. M. Clément lui-même était d'accord !

M. Augustin Bonrepaux. Malheureusement, cet amendement n'a pas été voté en séance, la majorité faisant confiance au Gouvernement...

M. René Dosière. Et le rapporteur a été nommé ministre !

M. Augustin Bonrepaux. ...qui lui avait promis de traiter cette question à l'occasion de l'examen du projet de loi organique.

M. Alain Gest. Et voilà !

M. Augustin Bonrepaux. Certes, il va la traiter mais pas comme l'auraient souhaité les députés de la majorité qui ont eu tort de lui faire confiance.

M. Alain Gest. Mais non !

M. Augustin Bonrepaux. Je ne suis pas le seul à tenir ces propos. De nombreuses associations d'élus locaux, que vous devriez entendre, représentant les grandes villes, les villes moyennes, les petites villes, les maires ruraux, les départements, les régions, les groupements de communes ont adopté une motion pour qu'une ressource propre soit celle dont l'assemblée délibérante de la collectivité peut faire varier l'assiette ou le taux.

Hier encore, Daniel Hoeffel,...

M. Alain Gest. Un dérapage !

M. Augustin Bonrepaux. ...sénateur et président de l'association des maires de France, rappelait dans un entretien...

M. René Dosière. Relu et amendé !

M. Augustin Bonrepaux. ...au journal Le Monde : « Les ressources propres des collectivités sont exclusivement constituées des ressources fiscales et parafiscales dont les collectivités fixent le montant, par l'assiette et le taux ».

M. Alain Gest. Un moment d'égarement !

M. Augustin Bonrepaux. J'entends bien, monsieur Gest, que vous n'êtes pas d'accord et que vous pensez qu'une ressource propre, c'est une ressource qui est figée une fois pour toutes.

M. Alain Gest. Ne parlez pas en mon nom ! Vous avez déjà suffisamment de mal à parler en votre nom à vous !

M. Augustin Bonrepaux. Je pensais pourtant, mes chers collègues, que nombre d'entre vous approuvaient M. Hoeffel. En tout cas, la très grande majorité des élus locaux de ce pays est d'accord avec sa définition.

Faut-il rappeler le mal que vous avez eu à expliquer cette décentralisation lors des dernières élections ?

M. Alain Gest. On n'a pas pu en parler car vous avez détourné l'objectif du scrutin !

M. Augustin Bonrepaux. Le résultat du prochain sera pire, une fois que les transferts auront été effectués et que les impôts locaux auront connu l'explosion qui se prépare !

M. Francis Delattre. Monsieur le président, je ne vois pas le rapport avec une exception d'irrecevabilité !

M. Augustin Bonrepaux. Le président de la commission des finances nous a d'ailleurs bien expliqué, lorsque nous avons étudié ce texte, que la majorité se trouvait prise dans un piège.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous n'avez pas compris dans quel sens jouait le piège !

M. Augustin Bonrepaux. En effet, il lui faudra, d'un côté, rester fidèle à ce qu'elle dit, écrit et promet et, de l'autre, répondre aux souhaits des élus locaux, qui sont nombreux sur ces bancs.

C'est bien un piège, car si le vote de ce texte facilitera, certes, la baisse de l'impôt sur le revenu, puisque vous allez transférer des charges, il se traduira aussi par l'explosion des impôts locaux qu'il vous faudra bien assumer.

M. Jean-Louis Idiart. Ernest-Antoine sera ravi !

M. Charles Cova. Ce sont vos propres promesses de campagne qui feraient tout exploser !

M. Augustin Bonrepaux. Venons-en au transfert du RMI aux départements et, notamment, aux modalités de la compensation financière, qui posent problème.

Les collectivités territoriales ne peuvent se contenter de recevoir le produit d'impôts de l'Etat dont elles ne maîtrisent rien. Une telle compensation ne peut être assimilée qu'à une pure et simple dotation non indexée puisque les montants concernés n'ont pas vocation à évoluer en fonction des besoins et au fil du temps.

Une dotation indexée sur la dotation globale de fonctionnement est bien préférable au transfert de la TIPP, dont le montant n'évolue même pas en fonction de modalités précisées par la loi.

Ainsi, le coût du RMI a augmenté de 4,4 % en 2003, et le produit de la TIPP de seulement 1,4 %.

M. René Dosière. Ça commence mal !

M. Augustin Bonrepaux. Qui comblera la différence ?

Et que l'on ne prétende pas que dans les années 90 la croissance de la TIPP aurait été supérieure de un point à la DGF. Car il faudrait alors rappeler - ce qui ne vous serait pas très agréable - les augmentations des gouvernements Balladur - avec son ministre du budget, M. Sarkozy - et Juppé entre 1993 et 1997. Vous l'avez oublié, mais ils n'y étaient pas allés de main morte : le gazole avait alors augmenté de 58 centimes de francs et l'essence sans plomb de 88 centimes !

En tout état de cause, l'année 2003 a connu une contraction de la consommation de carburants - ce qui se reproduira d'ailleurs certainement cette année du fait de la hausse du prix du pétrole - du fait du fléchissement de la croissance et, surtout, des limitations de vitesse. Il ne faut donc pas nous dire que la TIPP est une ressource évolutive.

Car c'est bien là qu'est toute l'hypocrisie : vous nous dites assurer l'autonomie financière alors que vous enserrez les collectivités locales dans un corset avec des ressources dont le montant est dicté par l'Etat !

M. Francis Delattre. Que proposez-vous ?

M. Charles Cova. Rien, comme d'habitude !

M. Augustin Bonrepaux. Que vous votiez notre amendement qui pose qu'une ressource propre est une ressource dont les collectivités locales peuvent faire évoluer le taux. Ce n'est pas plus compliqué que cela !

M. Alain Gest. Cela ne résout rien !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La Constitution l'empêche !

M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes là au cœur du problème : allez-vous, oui ou non, voter cet amendement ? Car si vous l'adoptez, nous pourrons garantir ensemble l'autonomie des collectivités locales !

M. René Dosière. Ils l'avaient voté en commission des lois !

M. Augustin Bonrepaux. Et aujourd'hui, ils nous expliquent, avec les rapporteurs, qu'une ressource propre c'est une dotation attribuée une fois pour toutes et que l'on ne peut pas faire évoluer ! A qui fera-t-on croire cela ?

Il faudrait que cette loi organique pousse à son terme la logique de garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le Premier ministre, M. Raffarin, doit se souvenir des engagements du sénateur qu'il a été !

Le rapporteur du texte relatif aux responsabilités locales, M. Marc Daubresse, s'était engagé à redéposer cet amendement lors de la navette « après que nous aurons été éclairés par le débat sur la loi organique ». L'éclairage est aujourd'hui plutôt mauvais d'autant que M. Daubresse n'est plus là pour tenir cet engagement.

M. Alain Gest. Mais son esprit est présent !

M. Francis Delattre. M. Daubresse est vivant !

M. Augustin Bonrepaux. Bref, mes chers collègues, mieux vaut adopter l'amendement que nous avons déposé et qui est le même, ce qui donnerait satisfaction à la plupart des élus. Sinon, ce projet enterrera définitivement l'autonomie fiscale des collectivités que vous promettiez d'instaurer en principe constitutionnel.

Le transfert de parts d'impôts nationaux sans possibilité de voter les taux, comme le prévoit le texte, n'apporte aucune liberté nouvelle aux collectivités locales. Ces ressources seront semblables à des dotations, avec l'inconvénient supplémentaire de ne pas être indexées. Seules les impositions dont les collectivités déterminent le taux ou fixent les tarifs devraient être considérées comme des ressources propres, comme le prévoyait la loi constitutionnelle, comme vous l'aviez promis, comme beaucoup d'entre vous certainement le souhaitent, même sur les bancs de la majorité.

Car ce qui s'est passé avec le RMI va se reproduire avec les autres charges transférées. Est-il normal que le Gouvernement ne nous ait pas encore annoncé quels seraient les impôts transférés et dans quelle mesure les collectivités locales pourront en faire varier les taux ?

M. Alain Gest. Ce sera la surprise !

M. Augustin Bonrepaux. Concernant la TIPP, l'engagement présenté comme fort du Premier ministre devant les présidents de région socialistes que « L'Etat leur transférerait une part de TIPP, à l'euro près, pour couvrir leurs nouvelles dépenses » apparaît comme la simple reprise des promesses précédentes. Dès le débat au Sénat, Nicolas Sarkozy proposait « que les nouvelles compétences soient intégralement financées par le transfert d'une ressource fiscale dynamique, c'est-à-dire d'une ressource dont l'évolution sera liée non pas seulement à son actualisation, mais aussi à la croissance : il s'agit d'une partie de la TIPP. Les régions pourront par ailleurs moduler le taux de la taxe ».

Pourtant, la Commission européenne n'accepte pas cette variation pour le gazole et les réponses du M. le ministre des finances en commission des finances ne nous ont pas éclairés puisqu'il nous a expliqué que l'interdiction de la Commission ne concernait que le gazole professionnel. Comment distinguer le gazole professionnel du gazole des particuliers ? Va-t-on obliger les distributeurs à installer des pompes spéciales pour les seuls professionnels ? A quelles conditions ? Du fait de cette impossibilité, la ressource ne sera pas suffisante pour couvrir les charges transférées. Il y a donc un problème pour les régions.

M. Francis Delattre. Le problème, c'est l'assiette !

M. Augustin Bonrepaux. Mais si vous jugez indispensable que les régions puissent faire varier le taux de TIPP pour couvrir les charges transférées, pourquoi ne pas autoriser les départements à faire de même ? Comment les départements vont-ils couvrir les charges transférées s'ils ne peuvent pas faire évoluer les taux ? Il y a bien là une rupture d'égalité entre les départements et les régions. D'un côté, on nous dit que l'on pourra jouer sur les taux pour couvrir les charges, de l'autre côté, on prétend que les charges seront couvertes sans qu'il soit besoin de faire varier les taux. Ce double discours est éloquent.

M. René Dosière. Pour les régions, ce n'est pas sûr. C'est simplement une promesse !

M. Augustin Bonrepaux. De toute façon, dans un cas, il y a imprécision, incertitude, dans l'autre, il y a rupture d'égalité et surtout transfert de charges non compensé.

Le Gouvernement nous parle d'un transfert de taxes sur les conventions d'assurances, mais aucune simulation ne nous a été présentée en commission des finances. Pourtant, les questions sont nombreuses : quelles en seront les bases, comment les taxes seront-elles réparties entre les départements, ne seront-elles pas concentrées sur les agglomérations ? Quelles garanties aurons-nous qu'elles ne soient pas délocalisées comme ce fut le cas pour la vignette ? Leur montant par département correspondra-t-il aux charges transférées ? Autant de questions sans réponse. On se contente de nous rassurer avec la perspective d'une réforme de la Constitution, sans nous donner aucune certitude sur la façon dont cette compensation sera assurée.

Nous avons l'impression que le Gouvernement ignore encore à ce jour ce qu'il va nous proposer, à moins, ce qui serait encore plus grave, qu'il ne nous cache quelque chose.

Enfin, il est tout aussi surprenant que certains puissent considérer, notamment les deux rapporteurs, les dégrèvements comme une ressource propre alors qu'il s'agit d'une participation de l'Etat, si critiquée autrefois.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les bases ne sont pas touchées !

M. Augustin Bonrepaux. Rien ne nous prouve aujourd'hui que le dégrèvement ne sera pas suspendu demain, comme M. Juppé avait interrompu la compensation de taxe professionnelle sur le plafonnement par rapport à la valeur ajoutée en disant qu'elle ne serait compensée qu'à partir des taux de 1995.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pas aux collectivités locales ! Pour elles, ça n'a pas changé. C'est un non-sens ! Il ne faut pas confondre dégrèvement et compensation, prendre des vessies pour des lanternes !

M. Augustin Bonrepaux. Non, ce n'est pas un non-sens. C'est la réalité. Il ne faut pas confondre ce que nous avons fait avec ce que vous faites parce que, en effet, c'était mieux.

Cela m'amène à la réforme de la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République. M. Carrez tout à l'heure ne m'a pas rassuré quand il a parlé de lien avec les communautés.

M. René Dosière. Parce qu'il ne l'est pas lui-même !

M. Augustin Bonrepaux. Peut-être le ministre pourrait-il nous dire comment il compte conduire cette réforme, sur quelles bases ?

M. René Dosière. Il ne le sait pas lui-même !

M. Augustin Bonrepaux. Là aussi, les problèmes qui se posent sont nombreux particulièrement vis-à-vis des communautés qui ont opté pour la taxe professionnelle unique. Je sais bien que vous n'avez pas du tout été à l'initiative de la réforme de la coopération intercommunale.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Grand. Oh !

M. Augustin Bonrepaux. En 1992, vous votiez contre et en 1997, vous n'étiez pas tellement favorables. Les deux étapes de cette coopération ont bien été réalisées par nous.

M. Francis Delattre. C'est faux ! Une partie de l'opposition de l'époque a voté la loi Chevènement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Moi-même, j'ai voté le texte de la commission mixte paritaire sur la loi Chevenèment.

M. Jean-Pierre Balligand. En tout cas, vous n'avez pas voté la loi Joxe !

M. Francis Delattre. Et la loi DSU ? C'est nous qui l'avons votée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes moins sectaires que vous !

M. Francis Delattre. Les vraies réformes, c'est nous qui les faisons !

M. Augustin Bonrepaux. Souvenez-vous, vous avez failli faire échouer la loi sur les communautés de communes, dite loi Joxe : elle n'a été adoptée qu'avec une voix de majorité grâce à la prise de position de quelques élus responsables, qui n'étaient pas de votre côté de l'hémicycle.

M. Francis Delattre. On peut vérifier !

M. Augustin Bonrepaux. A l'époque quelques élus centristes de la montagne ont su prendre leurs responsabilités, et je leur rends hommage.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vrai !

M. Francis Delattre. Des élus de la montagne et de la plaine.

M. Augustin Bonrepaux. Non, la voix qui a permis à ce texte d'être adopté était celle d'un élu de la montagne, que M. Méhaignerie et moi-même connaissons bien.

M. Michel Bouvard. Les élus montagnards sont toujours plus responsables. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et les Girondins ?

M. Michel Piron. Les arguments volent haut !

M. Francis Delattre. C'est lamentable !

M. Augustin Bonrepaux. En tout cas, pour les collectivités locales qui n'ont que la taxe professionnelle comme ressource, la réforme de la taxe professionnelle soulève de multiples inquiétudes.

En effet, toute réforme qui modifiera les bases, par exemple si la valeur ajoutée remplaçait la valeur locative et les investissements, délocalisera une partie des ressources des collectivités locales. Monsieur le ministre, c'est une question importante sur laquelle nous aimerions être rassurés.

M. Michel Piron. Il va le faire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je ne vais faire que ça.

M. Augustin Bonrepaux. Toute réforme sur les bases actuelles peut entraîner de graves conséquences pour les collectivités locales.

Si, par exemple, on prenait comme base la valeur ajoutée, l'essentiel de la taxe serait perçu par les zones où se concentrent les activités à forte valeur ajoutée, au détriment des zones industrielles qui emploient beaucoup de main-d'œuvre et qui, aujourd'hui, perçoivent des ressources à partir des valeurs locatives et des investissements. Ce serait les zones les plus défavorisées qui paieraient les conséquences de ce transfert de ressources.

J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur ce point parce que le risque est grave. Il faut préserver les ressources actuelles des collectivités locales, instaurer certes une péréquation mais ne pas dépouiller, déshabiller les collectivités les plus pauvres, celles qui hébergent des entreprises créatrices d'emplois, en transférant les charges de l'emploi sur la valeur ajoutée. De tels choix sont particulièrement inquiétants pour l'avenir.

Compenser un allégement par une dotation d'Etat ne permettrait pas de respecter l'autonomie des collectivités locales, dites-vous, monsieur le rapporteur général, et vous nous assurez que celle-ci sera davantage respectée avec votre réforme et que la Constitution interdira de faire ce qui a été fait dans le passé, par exemple supprimer la taxe d'habitation ou la vignette.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En la remplaçant par une dotation.

M. Augustin Bonrepaux. Je vous pose une question : aurions-nous été plus avancés si nous avions remplacé la vignette par une part de TIPP ? Je rappelle que la vignette a été remplacée par une dotation évolutive.

M. Alain Gest. Il ne fallait surtout pas la remplacer !

M. Augustin Bonrepaux. Tandis que vous, vous voulez la remplacer par un impôt non évolutif. Serons-nous plus avancés si nous remplaçons la taxe professionnelle par une part de TIPP dont nous ne pourrons pas faire évoluer le taux ? A qui espérez-vous faire croire que l'autonomie des collectivités locales sera respectée ?

M. René Dosière. Eh oui !

M. Jean-Pierre Grand. Et que faites-vous de la taxe professionnelle ?

M. Augustin Bonrepaux. Qui peut vous suivre quand vous affirmez que l'autonomie sera respectée pour les communautés de communes qui n'ont que cette ressource et même pour toutes les autres collectivités qui la perçoivent ? N'est-ce pas, monsieur Carrez, la marque de l'asservissement des collectivités aux décisions de l'Etat que vous dénonciez tout à l'heure ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pas du tout ! c'est le contraire !

M. Augustin Bonrepaux. De plus, vous conservez une part de la dotation globale de décentralisation pour pouvoir poursuivre, dites-vous, la décentralisation. Avouez que c'est plutôt pour financer les compensations de l'Etat. Vous nous avez reproché d'avoir mis en place des compensations de l'Etat, les qualifiant d'anticonstitutionnelles, et maintenant, vous prétendez que le financement des compensations de l'Etat par la dotation globale de fonctionnement que vous voulez faire serait constitutionnel ? C'est un miracle.

M. Michel Piron. Il change de registre : maintenant il utilise des arguments théologiques.

M. Augustin Bonrepaux. Vous devriez lire attentivement, monsieur le rapporteur général, les instructions données par M. le ministre des finances en ce qui concerne le gel des crédits.

M. Jean-Pierre Balligand. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Vous constateriez que le ministre des finances vous autorise à geler une partie de la dotation globale de décentralisation, qui serait, selon vous, une ressource propre. Le gel d'une ressource propre serait-il conforme à la Constitution ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La DGD n'est pas une ressource propre, mon cher collègue. Vous n'avez pas compris le texte.

M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi la conserver et prévoir de la faire augmenter ? Serait-ce un artifice de plus ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez besoin de pédagogie !

M. Augustin Bonrepaux. En réalité, non seulement vous voulez geler cette dotation.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il ne faut pas tout mélanger !

M. Augustin Bonrepaux. Mais, ce qui est encore plus grave, avec un tel dispositif, vous allez réduire le lien entre l'impôt et le citoyen, puisque ce dernier n'aura prise sur aucune des ressources transférées suite à la décentralisation.

Du reste, monsieur le rapporteur général, vous le reconnaissez, en écrivant, à la page 22 de votre rapport : « L'affaiblissement du lien entre la contribution des contribuables locaux au titre d'un impôt local et le montant recouvré au titre de cet impôt par la collectivité locale bénéficiaire, conduit à une dilution de l'exercice des responsabilités locales qui constitue une perte de sens de la décentralisation et est potentiellement inflationniste s'agissant des dépenses fiscales de l'Etat. »

M. Alain Gest. C'est ce que vous avez fait pendant cinq ans !

M. Augustin Bonrepaux. Laissez-moi citer son rapport. N'essayez pas de détourner l'attention et ne vous exprimez pas à sa place !

Le choix des politiques et le vote des taux sont le lien indispensable entre les élus, le contribuable et l'usager de service public.

Une part élevée de recettes fiscales à l'intérieur des recettes totales permet à une collectivité locale de faire des choix de politique publique et d'établir un équilibre entre les intérêts des contribuables, satisfaits par la recherche d'une moindre pression fiscale, et ceux des usagers des services publics. Mais lorsque les charges augmentent à structure constante de fiscalité propre, l'usager exige toujours plus de service public et la collectivité, soumise à cette pression, n'a d'autre ressource que d'augmenter la fiscalité locale, en particulier le taux de la taxe d'habitation, dont l'injustice n'est plus à démontrer. C'est pourquoi le vote du niveau de fiscalité et le lien entre élus, contribuables et usagers sont primordiaux.

Or la réforme du Gouvernement va en sens inverse, en réduisant la participation et la responsabilité des citoyens dans les choix des politiques à mettre en œuvre. Ainsi, inscrire la redevance télévisuelle sur l'avis d'imposition à la taxe d'habitation, comme vous l'avez annoncé, et donc mélanger impôt local et impôt national, incitera le contribuable à penser que les élus locaux sont responsables du recouvrement des impôts nationaux. Le contribuable aura donc le sentiment d'une augmentation de la pression fiscale locale et d'un usage local du produit de la redevance.

La référence à un ratio d'autonomie financière est insatisfaisante. Après avoir proposé une définition des ressources propres, l'article 3 du projet de loi tend à rendre plus concrète la notion de « part déterminante » que ces ressources doivent représenter au sein des ressources totales de chaque collectivité.

M. Michel Piron. C'est intéressant !

M. Augustin Bonrepaux. Durant la discussion du texte constitutionnel, le Gouvernement, qui se flattait pourtant d'une avancée sans précédent, avait refusé de donner un quelconque sens à cet adjectif. La référence à un pourcentage précis avait été refusée.

Aujourd'hui, le Gouvernement retient une conception purement défensive de cette notion. Cette formule de part déterminante est bien imprécise. Celle de « part prépondérante », retenue dans la proposition de loi n° 432 du Sénat, était bien préférable, garantissant véritablement l'autonomie financière des collectivités locales.

Le commentaire de l'article 72-2 de la Constitution par le rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales est éloquent : « La portée de cette dernière disposition demeure floue. » Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs indiqué, s'agissant des modalités de compensation prévues dans la loi de finances pour 2004 pour la décentralisation du RMI et la création du RMA, que la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article 72-2 « ne peut être utilement invoquée, tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Jusqu'à présent, très bien !

M. Augustin Bonrepaux. ...et déterminer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources. »

J'appelle votre attention sur cet extrait du rapport pour avis sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, présenté par M. Laurent Hénart, au nom de la commission des finances, que vous devriez reprendre, monsieur le rapporteur général :

« D'autre part, si l'on excepte l'assurance selon laquelle « la part déterminante » des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003, la définition donnée par le projet de loi organique de la « part déterminante » des ressources propres comme celle garantissant « la libre administration des collectivités locales (...) compte tenu des compétences qui leur sont confiées » n'apporte pas de réponse claire. Si le projet de loi organique était adopté dans cette rédaction, il incomberait au Conseil constitutionnel de déterminer à partir de quel niveau les mesures fiscales prises par l'Etat ne permettent plus de garantir la libre administration, ce qui était la situation, fort critiquée, antérieure à la réforme constitutionnelle. »

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est parfait !

M. Augustin Bonrepaux. Non, il estime que c'est insuffisant. Pourquoi avoir adopté la réforme constitutionnelle si c'est pour en revenir à ce qui existait déjà ? Pour définir la « part déterminante » des ressources propres, le Gouvernement décide en effet de reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à savoir que la part est déterminante lorsqu'elle « garantit la libre administration des collectivités locales ». Nous voici revenus au texte précédent.

M. René Dosière. Après l'avoir vilipendé !

M. Augustin Bonrepaux. N'y a-t-il pas là une hypocrisie supplémentaire ? Nombre de députés de la majorité qui ont voté la réforme constitutionnelle de bonne foi, en pensant garantir l'autonomie, ne s'aperçoivent-ils pas aujourd'hui qu'ils ont été bernés ?

M. Jean-Pierre Balligand. Les pauvres !

M. Augustin Bonrepaux. Comme ont été bernés la plupart des élus qui vous ont fait confiance.

M. Michel Piron. Nous assumons !

M. Augustin Bonrepaux. Ce sera difficile ! Vous devrez assumer, comme vous l'avez fait au mois de mars dernier.

Concernant la définition de la « part déterminante », le choix du « plancher », autre hypocrisie, est l'objet d'une présentation politique trompeuse.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non !

M. Augustin Bonrepaux. Le taux d'autonomie financière ainsi défini ne pourra descendre en dessous de celui atteint au titre de l'année 2003...

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Bien entendu !

M. Augustin Bonrepaux. ...alors que vous êtes aux affaires depuis le mois de mai 2002. C'est étrange. Vous dites que cela correspond à l'année d'achèvement de la réforme de la taxe professionnelle visant à supprimer la part de cette imposition assise sur les salaires. On notera que le Gouvernement et la majorité, si prompts à critiquer cette réforme du précédent gouvernement, pourtant très positive pour l'emploi, restent aujourd'hui très ambigus en considérant que le taux d'autonomie financière atteint après l'achèvement de cette réforme est acceptable.

Selon le rapporteur général du budget, le choix du niveau atteint en 2003 est « particulièrement opportun », car il s'agirait de la dernière année où se feraient sentir les effets des décisions de la précédente législature, tendant à substituer des dotations indexées à des ressources propres des collectivités locales. Je repose la question : quelle est la différence entre les dotations indexées et les dégrèvements ?

Il masque ainsi la réalité, car c'est bien le gouvernement Raffarin qui, en pleine connaissance de cause, a décidé d'achever la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, mesure heureuse qui a prouvé son efficacité en matière de soutien de l'emploi, mais qu'il n'était nullement obligé de prendre, comme le montre son refus d'achever la montée en charge de la prime pour l'emploi. De même, rien ne l'oblige à prendre 2003 comme année de référence, alors qu'il est aux responsabilités depuis le 5 mai 2002 et que la Constitution a été réformée au début de l'année 2003.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est un peu facile !

M. Augustin Bonrepaux. Si l'autonomie des collectivités locales était menacée en 2000 au point que le sénateur Raffarin a voté la proposition de loi constitutionnelle, comment, arrivé au pouvoir, peut-il tolérer que cette situation se prolonge et s'aggrave une année de plus ? Que n'a-t-il pas, toutes affaires cessantes, agi en sorte de garantir cette autonomie ?

M. René Dosière. Avant, il était dans l'opposition !

M. Augustin Bonrepaux. Non, votre objectif, ce n'est pas de garantir l'autonomie des collectivités locales.

Or, l'article 4 du projet aboutit à ce que les mécanismes de rééquilibrage du degré d'autonomie financière s'appliqueraient avec un décalage de cinq ans. Chaque année, le gouvernement remettra au plus tard le 1er septembre un rapport faisant apparaître ce taux d'autonomie, deux ans après. Si le taux est inférieur au montant atteint l'année n, des mesures correctrices devront être adoptées au plus tard dans le cadre de la loi de finances de la troisième année suivant celle de ce constat. Si l'on s'aperçoit que cette autonomie n'est pas respectée, cinq ans après - entre-temps, le gouvernement aura pu changer -, des mesures correctrices devront être prises.

M. René Dosière. Comment fera-t-on ?

M. Augustin Bonrepaux. Telle est bien la question, car aucune obligation n'est prévue. Si le déséquilibre n'était pas prévisible, le temps de réponse est très long puisque l'obligation de mesures correctrices, dont rien n'indique qu'elles seraient suffisantes pour assurer le respect du seuil fixé à l'article 3, n'est effective qu'au bout de cinq ans. S'il était prévisible, on peut s'interroger sur la conciliation de cet article 4, de niveau organique, et le principe constitutionnel fixé par l'article 72-2, tel que précisé par l'article 3 du projet de loi.

Le Gouvernement pourrait-il sciemment, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel, laisser se dégrader le taux d'autonomie financière dans le cadre, par exemple, d'une loi de finances, en arguant du fait que la Constitution ne lui importe que de proposer des mesures correctrices dans un délai de cinq ans ? N'y a-t-il pas, là aussi, quelque hypocrisie ?

(M. Rudy Salles remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Il est donc nécessaire d'élaborer des mécanismes de respect a priori du seuil fixé à l'article 3, par exemple, en rendant obligatoire la compensation de tout transfert ou création de compétences par l'attribution d'impositions dont les collectivités votent le taux ou déterminent le montant.

En outre, inscrire au niveau organique une disposition inspirée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la compensation financière du transfert du RMI aux départements, serait beaucoup plus protecteur que le texte proposé. Le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Mais il ne suffit pas d'inscrire la péréquation dans la loi, encore faut-il la réaliser. Malheureusement, la loi reste muette et ne reprend même pas la disposition de la loi Pasqua de 1995 tendant à instaurer une péréquation à partir d'un indice synthétique. Jean-Pierre Balligand s'en souvient.

M. Jean-Pierre Balligand. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait d'ailleurs demander au président de la commission des affaires économiques, qui en était le rapporteur, de nous l'expliquer. Nous n'avons jamais vu la mise en œuvre de cette réforme, prévue pour le début de l'année 1996. Cet article aurait pu être repris dans la loi constitutionnelle. Malheureusement, la péréquation est le dernier de vos soucis...

M. Michel Piron. Non !

M. Augustin Bonrepaux. ...puisque le rapporteur a indiqué qu'il ne saurait en être question dans cette loi et que tout est renvoyé à une date ultérieure. Pourtant, la péréquation est un acte essentiel dans la gestion des finances locales. Si la loi organique définit l'étendue de l'autonomie financière d'une collectivité locale, la péréquation est tout aussi primordiale. Les deux forment un tout indivisible.

Cette question est d'autant plus importante que la décentralisation aggrave les inégalités. Ainsi, la charge du RMI transféré n'est pas équitablement répartie sur le territoire. Alors que le taux moyen de RMIstes est voisin de 3 %, dans certains départements, il atteint 5 à 7 %. Ce sont souvent les départements les moins favorisés, comme l'Ariège...

M. Alain Gest. Il faut changer le président de son conseil général !

M. Augustin Bonrepaux. ...l'Aude, l'Hérault, le Gard, les Pyrénées-Orientales, dont les taux sont les plus élevés. Dans les Bouches-du-Rhône et dans les Alpes-Maritimes, il atteint 6 %. Dans les départements industriels frappés par le chômage, tels que le Nord et le Pas-de-Calais, il est proche de 5 %.

Rien dans la loi de transfert du RMI n'est prévu pour prendre en charge ces dépenses supplémentaires. Pourtant, plus les charges augmentent, plus les inégalités vont s'accroître. Et ce sont les départements déjà défavorisés qui seront les plus lourdement frappés par les transferts de déficit à cause de leurs faibles ressources.

Voilà qui montre bien que la réforme constitutionnelle n'apporte aucune garantie. La plupart des mesures de péréquation ont d'ailleurs été prises par des gouvernements de gauche.

M. Francis Delattre. C'est faux ! La dotation de solidarité urbaine, ce n'est pas vous ! Vous n'aviez pas la majorité pour la voter !

M. Augustin Bonrepaux. C'était en 1991, monsieur Delattre ! Vous n'étiez peut-être pas là, mais moi si !

M. Francis Delattre. J'y étais comme vous !

M. le président. Monsieur Delattre, laissez l'orateur conclure !

M. Augustin Bonrepaux. La dotation de développement rural aussi, c'était en 1991 ! Tout comme la dotation de fonctionnement minimale !

M. Michel Bouvard. La DDR, c'était en 1995 !

M. Francis Delattre. Exactement, c'était Perben !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est un débat d'anciens ! (Sourires.)

M. le président. Mes chers collègues, chacun de vous pourra répondre au moment des explications de vote. Laissez M. Bonrepaux conclure !

M. Alain Gest. On ne peut pas laisser dire n'importe quoi en permanence !

M. Augustin Bonrepaux. Je dois d'abord rafraîchir la mémoire de mon collègue Bouvard. Il a oublié que ce sont les élus de la montagne...

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Augustin Bonrepaux. ...qui, lors de la loi de coopération intercommunale de 1992, ont instauré la DDR. Vous avez certes corrigé le dispositif...

M. Alain Gest. Heureusement !

M. Augustin Bonrepaux. ...en l'étendant, autrement dit en le saupoudrant sur toutes les collectivités locales. De retour au pouvoir en 1997, nous l'avons focalisé sur les communautés de communes, comme à l'origine. Alors, c'est vrai, en 1993, et non pas en 1995, vous confondez, vous avez fait une réforme, le saupoudrage, tandis que la nôtre, c'était la péréquation.

M. René Dosière. Je confirme !

M. Augustin Bonrepaux. En matière de péréquation, j'attends que vous me citiez une mesure que vous auriez prise ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. Très bien !

M. Michel Bouvard. La DFM !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Bouvard, la dotation de fonctionnement minimale, c'était en 1991 !

M. René Dosière. Le RPR était contre !

M. le président. Mes chers collègues, laissez conclure M. Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Il faut bien leur expliquer !

M. le président. Il faut aussi conclure, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Et répondre à ces questions importantes pour ramener nos collègues à la réalité !

Monsieur Bouvard, la DFM a été créée en 1991. Au moment du vote de la DSU, les élus de la montagne ont protesté parce qu'il n'y avait rien pour la montagne, rien pour les départements ruraux en difficulté. Et nous avons mis en œuvre la DFM - vous avez raison, il faut rendre à César ce qui lui revient - grâce à un amendement de Jacques Barrot que j'ai sous-amendé et que nous avons pu faire adopter parce que nous avions la majorité !

M. Francis Delattre. Les communistes ne l'ont pas votée !

M. René Dosière. Le RPR était contre !

M. Augustin Bonrepaux. Voilà le résultat de la coopération qui existait alors entre élus de la montagne. Je regrette qu'elle se soit un peu diluée et que les élus de la montagne soient actuellement moins écoutés de leur majorité !

La péréquation entre régions, elle, date de 1992, elle a été introduite par un amendement de Robert Savy dans la loi relative aux communautés de communes.

Voilà tout ce que nous avons fait, sans pour autant devoir modifier la Constitution ! J'ajoute que nous avons bonifié la dotation globale de fonctionnement en 1997 pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes à taxe professionnelle unique grâce, je le reconnais, à un amendement du Sénat. Il faut être complet ! Mais c'est l'œuvre de gouvernements de gauche !

M. René Dosière. Ils ont oublié !

M. Augustin Bonrepaux. Mais, vous, qu'avez-vous fait en matière de péréquation ?

M. René Dosière. Rien !

M. Augustin Bonrepaux. Qu'avez-vous fait de la loi Pasqua promulguée en 1995 et qui, en 1997, n'avait toujours pas connu le début d'un commencement de mise en œuvre, malgré tous les engagements qui avaient été pris ? Et tous ceux qui faisaient partie de la commission spéciale devraient se souvenir que, lorsque M.  Pasqua a commencé à parler de péréquation, tous les élus des communes favorisées, les plus aisées - je ne cite pas de noms - l'ont freiné. Je m'arrête pour ne mettre en cause personne.

Quelle péréquation avez-vous mise en œuvre depuis 2002 ? En 2003, vous avez commencé à rogner les mesures décidées par le gouvernement Jospin.

M. Alain Gest. Oh là, là !

M. Augustin Bonrepaux. Par exemple, il existait pour la dotation de compensation de la taxe professionnelle une clause de régulation en vertu de laquelle les communes défavorisées étaient épargnées par les baisses. Mais, dès votre arrivée en 2002, le rapporteur général, le ministre, le secrétaire d'Etat chargé des collectivités locales de l'époque, M. Devedjian, nous ont expliqué qu'on ne pouvait pas la réduire pour les uns sans la réduire pour les autres tant et si bien qu'il n'y a plus de différence entre communes riches et communes pauvres...

M. René Dosière. Et entre départements riches et départements pauvres non plus !

M. Augustin Bonrepaux. Cette année, comme l'année dernière, la compensation baissera pour tout le monde. Telle est la conception de la péréquation selon la majorité !

M. Michel Piron. Caricature !

M. Augustin Bonrepaux. Encore une fois, c'est la vérité !

La présidence facilitant le débat, si vous n'êtes pas d'accord, vous n'avez qu'à m'interrompre !

M. Michel Piron. C'est une invitation ?

M. Augustin Bonrepaux. Cette année, dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement, vous avez même réussi l'exploit de répartir des crédits qui n'existaient pas ! Je n'avais jamais vu ça ! Au moment de la répartition de la DGF, il manquait 20 millions par rapport à la loi,...

M. André Chassaigne. C'est la multiplication des pains !

M. Augustin Bonrepaux. Mais on a fait comme si de rien n'était. Conséquence, la DSR et la DSU ont augmenté de 2,93 % mais, en réalité, cette hausse sera récupérée soit par le biais de la régulation, soit l'année prochaine. Les apparences sont sauves, l'épreuve de vérité viendra plus tard, après les élections !

On nous dit que des mécanismes de péréquation ont été mis en œuvre mais la vraie question demeure : y a-t-il, oui ou non, une réelle volonté politique ?

M. Alain Gest. La seule question qui vaille pour le moment, c'est de savoir si le projet est constitutionnel ou non !

M. Augustin Bonrepaux. Des mécanismes de péréquation sont décidés mais on laisse au comité des finances locales, dominé par des élus de droite, le soin de les mettre en œuvre parce qu'on sait pertinemment que leur première préoccupation sera de préserver les situations acquises, comme nous le constatons systématiquement. Il n'y a pas de volonté politique derrière !

Enfin, n'avez-vous pas engagé une véritable asphyxie financière des collectivités locales ?

M. Alain Gest. Mais je rêve ! Pas vous ! Et pas ça !

M. Augustin Bonrepaux. Quel était le montant des crédits affectés au Fonds national de développement des adductions d'eau en 2002 ? En 2003 ? Et cette année ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Quel toupet !

M. Augustin Bonrepaux. Avec une réduction de 50 %, on ne peut pas parler d'asphyxie financière pour les zones rurales ? Et avec le hold-up du Gouvernement sur les crédits de développement européens ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il fantasme complètement ! Il se trompe de période ; il doit parler de la précédente législature !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il donne dans l'autocritique !

M. Augustin Bonrepaux. Hier, en commission, Michel Bouvard regrettait l'utilisation des crédits européens faite par l'Etat ? N'est-ce pas la réalité ?

M. Michel Bouvard. Je regrette encore davantage la gestion de la précédente législature !

M. Augustin Bonrepaux. Vous laissez croire aux citoyens que la baisse des crédits européens serait due à l'élargissement de l'Europe alors qu'en fait, c'est le Gouvernement qui les a confisqués, pour faire sa politique ! Dans les zones rurales, les crédits européens pour les contrats de pays sont en diminution, les subventions ont baissé de moitié et, souvent, l'Etat n'est plus en mesure de financer les projets !

M. René Dosière. À cause du pacte de stabilité !

M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs, M. Sarkozy n'a-t-il pas proposé au ministre de l'intérieur de geler les dotations qui ont pourtant été votées par le Parlement : DGE, DDR, DGD ! Vous n'avez qu'à consulter le projet de décret de M. Sarkozy ! C'est la simple réalité !

M. Alain Gest. Là-dessus, on peut vous faire confiance !

M. Augustin Bonrepaux. Si une telle situation vous satisfait, je vous rappelle tout de même ce qui s'est passé au mois de mars ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Et vous, vous vous souvenez de ce qui s'est passé en 2002 ?

M. Augustin Bonrepaux. Derrière l'effet d'affichage, il n'y a aucune volonté de péréquation. Vous restez en cela fidèle aux principes qui dictent votre politique, c'est-à-dire la loi du plus fort. Bien chanceux les citoyens qui vivent dans des territoires d'abondance, ils pourront jouir à moindre coût de services culturels, éducatifs, de logements, de transports et de soins ! Les autres, ceux des territoires excentrés, défavorisés, désindustrialisés, devront oublier un vieux rêve républicain : l'égalité des chances pour tous sur l'ensemble du territoire !

En conclusion, cette loi organique est une véritable imposture, fondée sur l'incohérence et l'hypocrisie. Avec elle, vous accélérez la décentralisation des déficits, l'abandon par l'Etat d'une partie de ses responsabilités pour des raisons financières. Vous favorisez les transferts de charges pour poursuivre votre politique clientéliste de cadeaux fiscaux aux catégories les plus aisées. Vous enserrez les ressources financières des collectivités locales dans le corset des décisions de l'Etat en leur laissant comme seule liberté l'escalade des impôts locaux, les plus injustes, telle la taxe d'habitation. Vous démantelez l'action publique et aggravez la fracture territoriale au détriment des collectivités les plus défavorisées. C'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste présente cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, nous aurons l'occasion tout au long du débat de revenir en détail sur les très nombreux points qui ont été évoqués par M. Bonrepaux et sur lesquels il y a beaucoup à dire !

Je regrette, monsieur Bonrepaux, que vous ayez utilisé des formules aussi agressives. Elles s'inscrivaient dans la droite ligne des propos tenus hier par M. Fabius et qui nous ont tous choqués par leur caractère caricatural. Votre ton m'a rappelé celui, tout aussi agressif, d'un de vos amis, le président de la région Aquitaine, qui reprochait au Gouvernement et au Premier ministre de ne pas vouloir dialoguer.

Je m'en étonne car le moins que l'on puisse dire, c'est que le Premier ministre, le ministre de l'intérieur ou moi-même avons toujours été très ouverts à la discussion. Nous le sommes toujours. D'autres réunions d'écoute et de consultation sont prévues, avec une délégation de l'Association des présidents de région, des présidents de conseils généraux, des maires.

Cette discussion continue. Nous sommes d'autant plus ouverts que nous considérons que, sur de tels sujets qui dépassent largement les clivages politiques et qui ont vocation à voir s'instaurer enfin un véritable consensus, nous nous sommes tous exprimés, la plupart du temps dans le même sens mais, il est vrai, à des périodes différentes. Je connais les contraintes liées aux périodes d'opposition : vous avez rappelé celles de la majorité. On a parfois tendance, lorsque l'on est dans l'opposition, à être « tout contre ». J'espère de tout cœur que, sur de tels sujets, les débats nous permettront de nous retrouver.

Votre motion - tel est son objet - s'efforce de démontrer que le texte est contraire à la Constitution.

Il pourrait l'être dans l'hypothèse où le vote des taux serait considéré comme une condition obligatoire pour qu'une ressource des collectivités locales soit qualifiée de ressource propre. Nous aurons l'occasion d'y revenir puisque de nombreux amendements portent sur le sujet. Néanmoins, je tiens d'ores et déjà à vous indiquer que nous avons bien regardé les textes. Le constituant n'a pas restreint la notion de « produit d'impositions de toutes natures » qui font partie des ressources propres à celles dont le taux ou l'assiette peuvent être fixés par la collectivité - M. Carrez l'a rappelé. Il nous appartenait d'être très attentifs en la matière. Sachez que nous l'avons été.

Un deuxième motif pourrait rendre le projet de loi anticonstitutionnel : il n'aurait pas épuisé sa compétence en ne fixant pas en valeur absolue la part déterminante prévue à l'article 72-2 de la Constitution. Là encore, monsieur Bonrepaux, nous avons bien regardé le texte. Le fait de proposer que le niveau plancher soit celui de l'année 2003 est un élément de nature à répondre à un tel risque d'anticonstitutionnalité. Nous aurons également l'occasion d'y revenir.

Un troisième motif pourrait être invoqué : le texte s'écarterait du champ fixé par la Constitution. Il convient d'être clair : la Constitution, en son article 72-2, alinéa 3, renvoie au champ de la loi organique pour la seule fixation des conditions dans lesquelles la règle de la part déterminante est mise en œuvre - c'est bien le seul objet du projet de loi.

Nous y reviendrons, mais certaines réactions dans l'hémicycle m'ont conduit à prendre des notes sur le sujet : vous avez évoqué, avec une grande vigueur et un esprit bien critique, les transferts de ressources correspondant aux transferts de compétence RMI-RMA aux départements.

Je vous rassure immédiatement : l'un des objectifs principaux de ma démarche tout au long du débat sera de fournir des éléments permettant de donner du sens à l'esprit de confiance qui doit régner entre le Gouvernement et l'ensemble du Parlement sur la mise en œuvre de la décentralisation. Monsieur Bonrepaux, le Gouvernement l'a clairement annoncé : une provision a été versée en 2003 et lorsque les montants définitifs seront connus en 2004, le complément éventuel sera versé.

En nous faisant ce procès d'intention, monsieur Bonrepaux, vous vous êtes, de fait, trompé de gouvernement.

M. Alain Gest. Voilà !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous avez confondu la politique du gouvernement actuel et celle du gouvernement de M. Jospin sur l'APA, les 35 heures ou les SDIS.

M. Michel Piron. Cela peut arriver de confondre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je puis vous affirmer que, sur ce point, nous avons tiré toutes les leçons du passé : pour nous, il n'était pas concevable qu'un gouvernement puisse continuer à s'attribuer le bénéfice politique de son engagement sans en assumer les conséquences financières et mettre sur le dos des collectivités locales des compétences qui ne seraient pas compensées par les ressources correspondantes.

M. Richard Cazenave. C'est ce que font les socialistes !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Un tel comportement appartient désormais au passé. En révisant la Constitution, nous avons voulu rompre avec lui et le type de situation qu'il engendrait.

Vous avez également évoqué la péréquation, là encore, sans être exhaustif. Vous avez ouvert comme un concours : de la gauche ou de la droite, de l'opposition ou de la majorité, qui a été le meilleur ?

M. René Dosière. « Y a pas photo » !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Effectivement, monsieur Dosière et merci pour votre renfort : « y a pas photo » ! La création de la DSU est de 1991 - c'est vrai - mais son amélioration date du gouvernement de M. Balladur.

M. Jean-Louis Idiart. Vous vous contentez toujours d'améliorer ce que les autres ont créé !

M. le ministre délégué à l'intérieur. La création de la DDR est de 1992, mais le fonds de solidarité Île-de-France auquel nous sommes nombreux, ici, à être attachés - car Dieu sait s'il concerne un grand nombre de quartiers en difficulté - date de 1996.

Lorsque nous y regardons de près, chacun a pris sa part des réformes. Quant à celle qui a relancé la péréquation, elle date de décembre 1993, sous le gouvernement de M. Balladur. Si j'insiste sur ce point, c'est parce qu'elle avait pour vocation d'alimenter la péréquation deux fois plus vite que la dotation forfaitaire. C'est sans doute un aspect qui vous a échappé, lors de votre exposé,...

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...parce que vous étiez tout à votre enthousiasme à démontrer combien c'était merveilleux auparavant. Je suis néanmoins obligé de vous rappeler, monsieur Bonrepaux, que si une palme d'or devait être décernée à un gouvernement - c'est d'actualité, ce soir, avec l'ouverture du Festival de Cannes -, elle reviendrait...

M. Pascal Terrasse. En tout cas pas à Raffarin III !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...ce serait au gouvernement qui, en matière de péréquation, a eu le courage de faire modifier la Constitution afin que cette notion figure désormais au cœur des relations entre l'Etat et les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy, rapporteur, et M. Gilles Carrez, rapporteur général. Absolument !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je mentionne ce fait, car il faudra bien, tout au long des débats, tordre le cou à certaines contrevérités que le côté gauche de l'hémicycle a un peu trop tendance à diffuser - parfois en dehors même de l'hémicycle - et qui visent à politiser un débat qui, me semble-t-il, mérite mieux que cela.

M. Alain Gest. C'est vrai !

M. René Dosière. Cela n'arrive jamais à droite ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Voilà vingt ans que chacun parle de réforme en matière de finances locales et que chacun y apporte sa contribution.

M. René Dosière. Sur la DDR, où étiez-vous ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Dosière, chacun y a apporté sa contribution. Vous qui êtes un bon connaisseur en la matière, vous savez très bien que nous ne prétendons pas détenir la vérité révélée, mais que nous nous efforçons d'avancer en nous posant les questions de fond. Lorsque l'ancien premier ministre, Pierre Mauroy, il y a trois ou quatre ans de cela, a conduit une commission et fait des propositions concrètes, nous ne les avons pas balayées d'un revers de main au seul motif que le rapport était présenté par des adversaires politiques.

M. Pascal Terrasse. Voulez-vous que nous vous rappelions ce que vous avez dit à l'époque ?

M. Jean-Pierre Balligand. Raffarin s'était barré !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous l'avons lu, nous l'avons étudié et nous en avons repris une bonne part dans les différents projets de loi que nous soumettons à votre sagesse.

Monsieur Bonrepaux, sur tous ces sujets, nous aurons encore l'occasion d'échanger nos points de vue de sorte qu'en tenant compte de l'esprit de conviction qui nous anime les uns et les autres - notamment MM. Les rapporteurs dont je salue le talent et la précision - nous arriverons peut-être à vous convaincre non seulement...

M. Jean-Louis Idiart. Nous sommes des angelots !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...que cette loi organique est un élément majeur du dispositif que nous proposons pour le chantier de la décentralisation mais, qu'en outre, nous avons naturellement veillé à ce que le texte soit pleinement conforme à la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, compte tenu de l'intérêt que le groupe UMP a porté aux propos d'Augustin Bonrepaux, je sollicite de votre part une suspension de séance d'une demi-heure, afin de nous réunir.

M. Augustin Bonrepaux. Il y a donc des problèmes ?

M. le président. La demande du groupe UMP est de droit, et le mieux est de lever la séance.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au divorce :

M. Patrick Delnatte, rapporteur (rapport n° 1579) ;

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot