Congrès du Parlement

17 mars 2003

DÉBATS PARLEMENTAIRES

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.Constitution du Parlement en Congrès «...».
2.Règlement «...».
3.Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»
MM. Michel Vaxès, Xavier de Roux, Jacques Floch, Xavier de Villepin ,Robert Bret, Mme Michèle André,
MM. Pierre Albertini, Pierre Fauchon, Nicolas Alfonsi.

VOTE «...»
Ouverture du scrutin public.
Suspension et reprise de la séance «...»
Proclamation du résultat du scrutin.
Adoption du projet de loi constitutionnelle.

4.Déclaration de M. le président «...».
5.Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République «...».
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»
MM. Jacques Pelletier, André Chassaigne,
Mme Nicole Borvo,
MM. Jean-Claude Peyronnet,Michel Mercier, Pascal Clément,
Mme Ségolène Royal,
MM.Henri de Raincourt, Pierre Albertini.

VOTE «...»
Ouverture du scrutin public.
Suspension et reprise de la séance «...»
Proclamation du résultat du scrutin.
Adoption du projet de loi constitutionnelle.

6.Clôture de la session du Congrès «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

A quatorze heures trente, M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, président du Congrès du Parlement, fait son entrée dans la salle des séances, accompagné des membres du bureau.
M. le président prend place au fauteuil. MM. les secrétaires prennent place au bureau aux côtés de M. le président.
M. le président. La séance est ouverte.

1

CONSTITUTION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

M. le président. J'ai reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 27 février 2003

« Monsieur le président,

« Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République a été voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002 et par le Sénat le 11 décembre 2002. De même, le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen a été adopté par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2002 et par le Sénat le 22 janvier 2003.
« J'ai décidé de soumettre ces deux projets de loi constitutionnelle au Congrès en vue de leur approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.
« Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, le décret de convocation du Congrès auquel sont annexés les textes que cette assemblée aura à examiner, sous votre présidence, le 17 mars 2003.
« Veuillez croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération.

« Jacques Chirac »

Je donne lecture du décret de convocation annexé à cette lettre :

« DÉCRET DU 27 FÉVRIER 2003 TENDANT À SOUMETTRE DEUX PROJETS
DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS

« Le Président de la République,
« Sur le rapport du Premier ministre,
« Vu l'article 89 de la Constitution,
« Décrète :
« Art 1er. - Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002 et par le Sénat le 11 décembre 2002 et le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2002 et par le Sénat le 22 janvier 2003, dont les textes sont annexés au présent décret, sont soumis au Parlement convoqué en Congrès le 17 mars 2003.
« Art. 2. - L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :
« 1° Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen ;
« 2° Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
« Art. 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.
« Fait à Paris, le 27 février 2003.

« Jacques Chirac

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,
« Jean-Pierre Raffarin »

Les textes annexés au décret sont les suivants :

« PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF AU MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN

« Article unique. - L'article 88-2 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne. »

« PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF À L'ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
« Art. 1er. - L'article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Son organisation est décentralisée. »
« Art. 2. - Dans le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le mot : "locales est remplacé par le mot : "territoriales.
« Art. 3. - Après l'article 37 de la Constitution, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
« Art. 37-1. - La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »
« Art. 4. - Le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat. »
« Art. 5. - L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
« Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
« Art. 6. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
« Art. 72-1. - La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.
« Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. »
« Art. 7. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-2 ainsi rédigé :
« Art. 72-2 - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
« La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »
« Art. 8. - Après l'article 72 de la Constitution, sont insérés deux articles 72-3 et 72-4 ainsi rédigés :
« Art. 72-3 - La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité.
« La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
« Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titreXIII.
« La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises.
« Art. 72-4 - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. »
« Art. 9. - L'article 73 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 73. - Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.
« Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.
« La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de La Réunion.
« Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti.
« La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »
« Art. 10. - L'article 74 est ainsi rédigé :
« Art. 74. - Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.
« Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
« - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;
« - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
« - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.
« La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :
« - le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;
« - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
« - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
« - la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.
« Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »
« Art. 11. - Après l'article 74 de la Constitution, il est inséré un article 74-1 ainsi rédigé :
« Art. 74-1. - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »
« Art. 12. - I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots : "le deuxième dimanche suivant sont remplacés par les mots : "le quatorzième jour suivant.
« II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : "les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer sont remplacés par les mots : "les représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie.
« III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots : "des opérations de référendum, sont insérés les mots : "prévues aux articles 11 et 89. »
Je constate que le Parlement est constitué en Congrès.

2
RÈGLEMENT

M. le président. Le règlement adopté par le Congrès le 20 décembre 1963 et modifié le 28 juin 1999 demeure, par décision du bureau du Congrès, applicable pour la présente réunion.

3

VOTE SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF AU MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen.
Avant de donner la parole à M. le garde des sceaux, j'indique que le bureau, lors de sa réunion du 12 mars, a décidé que le scrutin aurait lieu dans les salles voisines de l'hémicyle.
Les délégations de vote pour ce premier scrutin cesseront d'être enregistrées à quatorze heures quarante-cinq.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Applaudissements.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les parlementaires, construire l'Europe de la justice est l'une de nos ambitions. Les Français l'appellent de leurs voeux, ils en attendent des progrès concrets.
La loi constitutionnelle qui vous est présentée aujourd'hui est au coeur de ce projet collectif. Son objet est d'habiliter le Parlement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre, sur le territoire français, du mandat d'arrêt européen.
Ce texte constituera la quatrième révision constitutionnelle liée à la construction européenne, après celles de 1992 pour le traité de Maastricht, de 1993 pour les accords de Schengen et de 1999 pour le traité d'Amsterdam. Mais, pour la première fois, la révision sera dictée par la transposition d'un acte de droit dérivé et non par la ratification d'un traité.
Il est significatif que cette nouvelle révision intervienne alors que la Convention sur l'avenir de l'Europe se penche sur l'élaboration d'une constitution européenne et le contenu judiciaire de celle-ci.
La mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen marquera une nouvelle étape de la construction de l'espace judiciaire européen.
Je souhaiterais dégager les enjeux de celle-ci avant d'aborder l'objectif et le contenu de la révision constitutionnelle.
La construction d'une Europe de la justice, qui repose sur le principe fondamental de la confiance mutuelle, vise un triple objectif : faciliter la vie de nos concitoyens ; favoriser le développement et la consolidation de l'Etat de droit ; enfin lutter efficacement contre la criminalité transfrontalière.
Parce que l'Europe de la justice doit répondre aux préoccupations quotidiennes de ses habitants, elle doit faciliter l'accomplissement des actes juridiques des particuliers comme des entreprises. Pour y parvenir, une harmonisation des droits et des procédures des pays composant l'Union est séduisante. Il n'est toutefois pas sûr qu'elle soit toujours réaliste, car les traditions juridiques constituent un élément fort du patrimoine et de la culture d'un pays. Le risque n'est pas à négliger de se perdre en négociations impropres à déboucher utilement.
Au demeurant, l'harmonisation n'apparaît pas nécessaire dans tous les cas. Elle l'est lorsque les disparités entravent, par exemple, la capacité à lutter contre certaines formes de criminalité.
En revanche, en dehors de telles hypothèses, l'espace judiciaire commun sera sans doute plus sûrement et plus rapidement construit par l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, en acceptant comme valables, dans tous les pays de l'Union, les décisions judiciaires prises par l'un d'entre eux.
Ce principe progresse : dans un premier temps, a été supprimé l'exequatur en matière civile et commerciale ; dans un second temps, cette avancée portera sur la matière familiale.
Aujourd'hui, un objectif nouveau est fixé, celui de créer un « titre exécutoire européen » unique pour rendre plus fluides les relations entre acteurs économiques et particuliers. La création du mandat d'arrêt européen y participe. Mais le but ne pourra être atteint que si un degré élevé de confiance réciproque existe entre les justices des différents Etats membres. Ainsi, pour garantir la fiabilité des systèmes judiciaires des nouveaux pays adhérents, a été développée une intense coopération préalable. D'une manière plus générale, les exigences de qualité des justices européennes doivent s'accroître.
C'est pour cette raison qu'a été proposée, dans le cadre des discussions de la Convention sur l'avenir de l'Europe, la création d'un mécanisme permanent d'évaluation de la qualité de la justice qui relèverait d'experts indépendants.
La confiance réciproque repose également sur un socle commun de valeurs et de normes minimales définies par des textes tels que la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce socle commun a vocation à se densifier encore si l'Union, en tant que telle, adhère à la Convention du Conseil de l'Europe.
Tels sont les objectifs. Mais, pour parvenir à maintenir un rythme raisonnable à la construction de l'espace commun de justice, des évolutions institutionnelles dans le secteur de la justice et des affaires intérieures doivent être envisagées. La rédaction d'une Constitution pour l'Europe en est l'occasion.
Dans une Europe élargie, il ne sera plus possible d'attendre des discussions entre Etats un consensus parfait sur l'ensemble des sujets. Le respect du principe de subsidiarité et de la souveraineté des législateurs nationaux doit aller de pair avec la mise en place des conditions d'un fonctionnement dynamique au sein de l'Union.
A cet égard, il est souhaitable que la spécificité du Conseil européen traitant des affaires intérieures et de justice soit consacrée. Rien ne serait plus malsain si, en matière pénale, toutes les enceintes de négociation européennes pouvaient décider d'incriminer ou de sanctionner sans cadre cohérent.
En revanche, il est nécessaire de rapprocher le fonctionnement des institutions européennes dans le domaine de la coopération et du droit pénal de ce qui existe déjà pour le droit civil. Plus précisément, pour imposer à tous les textes répressifs indispensables et pour garantir le dynamisme de la coopération judiciaire, les décisions devront sans doute pouvoir être adoptées à la majorité qualifiée.
Il faut oeuvrer pour que la Convention sur l'avenir de l'Europe réunisse un large accord autour de ces principes.
J'en viens maintenant à la révision constitutionnelle soumise aujourd'hui au Congrès.
La décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt a été le premier instrument destiné à faciliter la reconnaissance des décisions de justice en matière pénale entre les membres de l'Union européenne.
Touchant aux décisions tendant à l'arrestation et à la remise d'une personne poursuivie ou condamnée, il s'inscrit pleinement dans la volonté de renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité.
Comme l'a rappelé le Président de la République, le mandat d'arrêt européen permettra à l'Europe de lutter plus efficacement contre la délinquance organisée et le terrorisme, en adaptant nos moyens d'action à l'ouverture des frontières de l'Union européenne.
A cette fin, sera substituée à la procédure traditionnelle d'extradition, qui implique une décision du pouvoir exécutif, une procédure entièrement judiciaire, le rôle de l'exécutif se limitant à un appui pratique et administratif.
Surtout, dès lors que les conditions prévues par la décision-cadre seront satisfaites, les décisions des autorités judiciaires des Etats membres seront reconnues et exécutées sur tout le territoire de l'Union. En particulier, le mandat donnera lieu à remise, sans qu'il y ait lieu à contrôle du principe dit de « la double incrimination », selon lequel les faits qui fondent la poursuite ou la condamnation doivent être effectivement constitutifs d'une infraction dans l'Etat d'exécution ainsi que dans l'Etat d'émission.
Le champ d'application du mandat d'arrêt européen est large. Il s'applique à deux types de situation : d'une part, aux faits punis par la loi de l'Etat d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'au moins un an ; d'autre part, aux peines ou aux mesures de sûreté prononcées d'une durée d'au moins quatre mois. Il couvre ainsi une liste de trente-deux infractions correspondant à des faits graves, généralement incriminés par le droit interne de tous les Etats membres.
Néanmoins, dans certaines situations, l'exécution du mandat d'arrêt devra ou pourra, selon le cas, être refusée. Il en sera ainsi de l'amnistie de l'infraction ou de l'irresponsabilité pénale à raison de l'âge dans l'Etat d'exécution, qui ne donneront lieu en aucun cas à exécution d'un mandat. Elle pourra également être refusée en cas de prescription de l'action pénale ou de l'exercice de poursuites dans l'Etat d'exécution ou encore si la personne condamnée est résidente de l'Etat d'exécution et que ce dernier s'engage à exécuter la peine. Les motifs de non-exécution du mandat sont limitativement énumérés par la décision-cadre.
Or, il est en France un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme ayant un caractère politique. Mais la décision-cadre n'apparaît pas pouvoir assurer au respect de ce principe une valeur constitutionnelle.
Ainsi, ce risque d'inconstitutionnalité a conduit le Gouvernement à proposer le présent projet de loi constitutionnelle aux deux assemblées qui ont respectivement voté le texte les 17 décembre 2002 et 22 janvier 2003, dès son examen en première lecture. Il complète l'article 88-2 de notre Constitution en habilitant le législateur à fixer les règles relatives au mandat d'arrêt européen.
Cependant, il n'est pas opportun que l'habilitation ainsi donnée au législateur soit définie par référence exclusive à la décision-cadre du 13 juin 2002 dans la mesure où elle est susceptible d'évoluer. Le texte renvoie donc plus globalement à la définition du mandat d'arrêt européen telle qu'elle résulte des actes de droit européen pris en application de l'actuel traité sur l'Union européenne, modifié par le traité de Nice.
La décision-cadre du 13 juin 2002 entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Pour mettre en oeuvre la réforme constitutionnelle, le Gouvernement proposera prochainement au Parlement des dispositions adaptant notre code de procédure pénale.
Le mandat d'arrêt européen sera alors une réalité et, grâce à votre vote d'aujourd'hui, la construction de l'Europe de la justice aura franchi une étape décisive. (Applaudissements.)

Explications de vote

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits pour explication de vote, au nom des groupes de chacune des assemblées.
Ce matin, nous avons déterminé, par tirage au sort, l'ordre de passage des intervenants.
Je rappelle que chaque orateur dispose de cinq minutes. Je les remercie par avance de bien vouloir, dans l'intérêt général, respecter le temps de parole qui leur a été imparti.
Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'aller plus loin, je demande solennellement, au nom des parlementaires communistes et républicains, qu'une déclaration des parlementaires français en faveur de la paix puisse nous être soumise. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Aujourd'hui réunis en Congrès, les parlementaires français peuvent-ils se contenter de voter sur le mandat d'arrêt européen et la décentralisation alors que, dans les heures qui viennent, les Etats-Unis s'apprêtent à déclencher une guerre meurtrière, dans le plus grand mépris du droit international et des peuples, qui, majoritairement, se sont prononcés contre la guerre en Irak ? Il ne nous reste que peu de temps pour sauver la paix. Nous devons saisir cette occasion pour soutenir solennellement la position de la France et nous opposer à la « fin » de l'organisation des Nations unies programmée par les Américains. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Venons-en maintenant, plus prosaïquement, à ce texte et permettez-moi de regretter que la France ait accepté un acte européen dérivé non conforme à sa Constitution.
Un outil de lutte plus efficace contre la criminalité transnationale et le terrorisme est nécessaire, et nous ne négligeons pas les difficultés rencontrées par les Etats dans les procédures d'extradition en raison de la disparité de leurs législations respectives. Ce n'est donc pas le principe d'un mandat d'arrêt européen que nous réfutons, mais ses modalités, car elles comportent de sérieux risques de dérives et n'offrent pas de garanties suffisantes quant aux droits des personnes.
Le mandat d'arrêt européen s'inscrit dans l'espace commun de liberté, de sécurité et de justice prévu par le traité d'Amsterdam.
Le Conseil européen de Tampere a décidé de bâtir cet espace en donnant la priorité à la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires tout en laissant subsister les disparités du droit pénal dans les Etats membres. En l'absence de toute harmonisation, le recours à des procédures d'exception, avec tout ce qu'elles comportent de risques pour les libertés publiques, devient de fait incontournable.
Les dispositions du mandat d'arrêt européen prévoient, en effet, l'application quasi automatique des décisions pénales des Etats membres à l'ensemble de l'espace de l'Union tout en supprimant les différents contrôles politiques et judiciaires.
Ainsi le mandat, qui se substituera à l'extradition, est-il un titre d'arrestation et de remise, transmis et traité directement par les autorités judiciaires des pays concernés.
Il supprime donc la dimension politique et intergouvernementale du mécanisme traditionnel de l'extradition.
La quasi-automaticité de la remise de la personne, dans des délais beaucoup plus courts, implique également de réduire le contrôle judiciaire à sa plus simple expression : il ne portera plus que sur la régularité formelle du document.
Cette procédure rapide, a minima, porte en elle de sérieux risques de dérapage, d'autant plus grands que le mandat vise aussi bien les infractions lourdes que les infractions mineures, et que les droits des personnes seront moins protégés que dans les procédures actuelles.
Pratiquement toutes les infractions de notre code pénal seront concernées par cette procédure. Cela est d'autant plus préoccupant qu'il ne sera plus possible d'opposer la non-extradition des nationaux ou de la refuser pour des raisons politiques, deux principes pourtant essentiels de notre droit.
Pour trente-deux infractions graves, passibles dans l'Etat d'émission d'une peine d'au moins trois ans, le principe de « la double incrimination » ne sera pas respecté. Or le caractère générique de ces infractions soulève des interrogations au regard du principe de la légalité des peines et de l'égalité entre justiciables.
S'agissant des garanties insuffisantes au regard des droits des personnes, relevons que le mandat d'arrêt, dans certains cas, renonce au principe de spécialité. De même, le consentement donné à la remise est en principe irrévocable. Si la personne poursuivie a droit à un conseil et à un interprète, leur présence n'est pas obligatoire dès le début de la procédure.
Enfin, le droit au recours contre la décision d'exécution du mandat est ici éludé par renvoi aux droits nationaux.
Un problème plus fondamental se pose. Cette décision-cadre repose sur la confiance mutuelle dans les systèmes judiciaires des pays membres. Or, il n'existe aucun mécanisme indépendant et externe d'évaluation de la qualité de la justice. Pourrait-on dire avec certitude que le système pénal des Etats membres remplit les critères du procès équitable ?
Le mandat d'arrêt européen, tel qu'il est conçu et dans le cadre de la disparité actuelle des différents droits, n'est pas le moyen le plus adéquat de répondre à la criminalité transnationale. Il porte de surcroît atteinte aux libertés publiques. En toute logique, il aurait dû suivre, et non pas précéder, la construction d'un droit pénal européen ! C'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Xavier de Roux.
M. Xavier de Roux. Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, alors que l'Union européenne se veut un espace de droit, les affaires ne manquent pas qui illustrent les difficultés rencontrées en son sein dans la mise en oeuvre de la procédure d'extradition des personnes condamnées ou recherchées. Depuis le Moyen-Age, cette procédure est en effet un ensemble de règles complexes où le dernier mot revient toujours au pouvoir politique, parce que c'est une question de souveraineté. Mais peut-on vivre dans un grand espace de liberté économique sans qu'il existe un minimum d'organisation judiciaire et une confiance mutuelle ?
Le traité d'Amsterdam modifiant le traité de l'Union européenne a tenté de répondre partiellement à cette question en améliorant l'extradition entre les Etats membres. Le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 a supprimé la procédure formelle d'extradition entre Etats membres pour les personnes condamnées et a accéléré les procédures d'extradition pour les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction. La nécessité de renforcer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme a tout récemment conduit à l'adoption d'une décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres. Cette décision-cadre propose de substituer au système actuel de l'extradition, confié à l'autorité politique, une procédure exclusivement judiciaire sans intervention du pouvoir politique. Le mandat d'arrêt européen pourra être utilisé lorsque la personne recherchée aura fait l'objet soit d'une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme d'au moins quatre mois, soit de poursuites pénales pour des faits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée minimale d'un an dans l'Etat membre d'émission.
Le principe de la double incrimination, selon lequel les faits fondant la poursuite ou la condamnation doivent être constitutifs d'une infraction dans les deux Etats membres concernés, est écarté pour une liste de trente-deux infractions - vous voyez que nous sommes encore dans un système qui n'est pas total ! Pour les autres infractions, la remise de la personne recherchée pourra être subordonnée à la condition que les faits en cause constituent simplement une infraction au regard de l'Etat membre. La décision-cadre énumère limitativement les cas où l'autorité judiciaire d'exécution devra refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen. C'est le cas, et c'est important, en matière de prescription ou d'amnistie. Dans tous les cas, le refus de l'Etat membre devra être motivé. La décision-cadre prévoit enfin que l'autorité judiciaire d'émission communiquera le mandat d'arrêt européen à l'autorité judiciaire d'exécution, le cas échéant avec l'aide d'Interpol. La personne recherchée, une fois arrêtée, sera informée du contenu du mandat d'arrêt européen et elle aura la possibilité de consentir à sa remise. Elle aura le droit de bénéficier d'un interprète et d'un avocat. Si la personne recherchée consent à son extradition, la décision définitive sur l'exécution devra intervenir dans un délai minimum de dix jours. Si elle n'y consent pas, la décision définitive devra être prise dans les soixante jours suivant l'arrestation.
La France s'est engagée, avec cinq autres Etats membres, à transposer cette directive dès le premier trimestre 2003. Avec sagesse, afin de s'assurer qu'aucun obstacle constitutionnel ne s'opposait à la transposition, le Gouvernement a demandé son avis au Conseil d'Etat. Ce dernier a examiné les différents points de la décision-cadre qui, selon lui, ne contrevient pas « à des principes ou à des règles constitutionnelles ». Selon le Conseil d'Etat, la possibilité d'extrader des nationaux - c'est important - ne soulève pas de difficultés constitutionnelles, la pratique de refus suivie jusqu'à présent par les autorités françaises ne trouvant « pas de fondement dans un principe de valeur constitutionnelle ». On pourra donc extrader des nationaux.
De même, la règle de l'existence d'une double incrimination dans chacun des pays ne peut, selon le Conseil d'Etat, « être regardée comme l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ». Le Conseil d'Etat relève par ailleurs que l'amnistie et la prescription constituent un motif de non-exécution par un Etat du mandat d'arrêt européen, permettant ainsi de respecter les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Il estime également que la décision cadre satisfait « aux exigences constitutionnelles en matière d'asile ».
Pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui ? Simplement parce que la haute juridiction considère que la décision-cadre n'assure pas suffisamment le respect du principe constitutionnel selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions ayant un caractère politique. Il estime en conséquence que la transposition de la directive nécessite au préalable une révision de la Constitution.
Certes, on aurait pu objecter que le considérant numéro 12 du préambule de la décision-cadre, qui permet de sauvegarder la souveraineté de l'Etat, ne fait pas de distinction entre une remise demandée dans un but politique et une remise demandée pour une infraction politique, et qu'ainsi...
M. le président. Monsieur de Roux, veuillez conclure !
M. Xavier de Roux. ... l'Etat d'exécution peut toujours refuser l'extradition fondée sur un motif politique. On aurait pu également arguer que l'interdiction de toute extradition pour des délits politiques figure expressément dans les constitutions espagnole et italienne. Ces deux pays s'apprêtent pourtant à transposer la décision-cadre sans avoir modifié au préalable leur loi fondamentale. Toutefois, le risque juridique relevé par le Conseil d'Etat ne peut pas être totalement écarté. C'est pourquoi les deux assemblées du Parlement ont voté en termes identiques ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Jacques Floch.
M. Jacques Floch. Monsieur le président, la réunion du Congrès aujourd'hui peut apparaître incompréhensible aux yeux de beaucoup de nos concitoyens. Ne pourriez-vous pas envisager une réunion exceptionnelle du bureau du Congrès pour que nous ne nous séparions pas sans avoir proclamé solennellement notre attachement à la paix ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
L'espace judiciaire européen, dont l'acte de naissance pourrait être daté du 29 avril 1959, jour où fut paraphée par les chefs d'Etat des pays signataires du traité de Rome la première convention d'entraide judiciaire, est d'une modestie qui ne correspond plus aux besoins d'aujourd'hui. En effet, l'Europe unie n'est plus seulement un grand marché, mais est, ou doit confirmer être, un espace de liberté, de sécurité, de justice, de respect des droits de l'homme, des droits spécifiques des femmes et des enfants, l'Europe unie doit être, face au monde, un ensemble d'Etats de droit où les citoyens qui y vivent respectent la loi et les devoirs communs.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, notre droit nous oblige à modifier non seulement notre Constitution, mais aussi le paradoxe issu du contenu des traités européens, ceux qui organisent le grand espace de la libre circulation, cette grande et précieuse innovation de l'histoire de l'Europe. Mais on en reste aux usages, aux relations internationales classiques pour lutter contre le crime organisé, les délits transfrontaliers, le terrorisme absurde et criminel, même si on peut se prévaloir de plusieurs accords : la convention européenne d'extradition de 1995, la convention européenne de 1977 pour la répression du terrorisme. On pourrait ajouter les conventions de 1995 et 1996 fixant les nouvelles normes européennes d'extradition, mais nous ne les avons jamais ratifiées ! Aussi se contente-t-on de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers. Il était temps que nous venions à Versailles pour enfin faire faire un grand pas à l'Europe judiciaire, celle réclamée par les signataires de l'appel de Genève, le 1er octobre 1996, ou par les auteurs de la déclaration d'Avignon d'octobre 1998 qui, sur l'initiative d'ElisabethGuigou, voulaient placer la justice au coeur de la construction européenne, afin que l'espace judiciaire européen, l'espace civil et pénal, assure la liberté et la sécurité que sont en droit d'attendre tous ceux qui vivent dans les Etats de l'Union européenne.
Des progrès ont été enregistrés lors des travaux sur la justice et la sécurité intérieure de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Les plus importants semblent être : la reconnaissance mutuelle de nos systèmes judiciaires, ceux issus de la Common Law ou des droits romains-germaniques ; l'acceptation réciproque de nos modes d'obtention des preuves ; des ratios communs en matière de droit pénal et de procédure pénale. Les discussions furent rudes et sans complaisance, mais - et j'en appelle au témoignage des sénateurs Haenel et Badinter - la majorité des membres de la convention a compris que la lutte contre le grand banditisme, les trafics en tout genre, le blanchiment de l'argent sale, contre les formes graves de la criminalité passait par ces bonnes propositions d'accord. Le mandat d'arrêt européen relève de la même conception. Certes, il faudra que la loi ordinaire d'application qui suivra notre vote précise, comme vous en êtes convenu, monsieur le garde des sceaux, les manières dont la France entend appliquer ce grand accord européen.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, les députés appartenant au groupe socialiste de l'Assemblée nationale voteront pour cette réforme de notre Constitution. C'est MaryliseLebranchu, alors garde des sceaux, qui avait assuré, pour le compte de la France, les négociations au Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, Conseil qui avait entendu Mme Nicole Fontaine, alors présidente du Parlement européen. Celle-ci avait donné son plein accord. Le Président de la République avait approuvé les termes de cette négociation, soulignant, entre autres, que le mandat d'arrêt européen « permettra de lutter plus efficacement contre la délinquance organisée et le terrorisme, en adaptant nos moyens d'action à l'ouverture des frontières de l'Union européenne ». Cette remarque bienvenue nous permet de répondre aux grands défis de la construction européenne en matière de justice et de sécurité. Approuvons donc cette révision constitutionnelle ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe Union pour un mouvement populaire du Sénat, la parole est à M. Xavier deVillepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, il ne peut y avoir de justice européenne sans une Europe forte, car elle ne pourrait pas s'appuyer sur des fondements stables et solides. Une justice commune à plusieurs Etats ne peut reposer que sur la force et l'étroitesse des liens de confiance qui les unissent.
Mais, réciproquement, une Europe ne peut être forte sans justice européenne. Si un criminel peut, dans un Etat membre de l'Union européenne, se protéger, ne serait-ce que provisoirement, de la justice d'un autre Etat membre, qu'en est-il de la valeur et de la force de cette union de l'Europe ?
A l'heure où, dans le cadre des enquêtes sur les milieux terroristes, se déroulent depuis quelques mois certaines arrestations en Europe, la nécessité de coordonner nos actions judiciaires au niveau européen est devenue patente. Les opinions publiques européennes, inquiètes pour leur sécurité depuis les attentats du 11 septembre, imposent aux gouvernements une obligation de résultat.
Face à l'internationalisation du crime et de la terreur, la réponse judiciaire doit être, sinon internationale, du moins transnationale. Le juge ne peut plus se heurter aux limites des frontières quand, aujourd'hui, les criminels et les terroristes s'en jouent. Telle est la vocation du mandat d'arrêt européen.
La révision constitutionnelle que nous sommes sur le point de voter aujourd'hui va permettre d'introduire ce mandat d'arrêt européen dans notre système juridique national.
Le mandat d'arrêt européen concrétise, dans le domaine pénal, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice au sein de l'espace judiciaire européen.
Il est le premier pas concret vers cet espace de justice et de sécurité européen que préconise ardemment le Président Jacques Chirac, qui, lors d'un discours prononcé à Strasbourg le 6 mars 2002, suggérait même la création d'une « police commune chargée de poursuivre les crimes au niveau européen ».
Le caractère transnational de ce mandat d'arrêt va permettre aux autorités judiciaires et policières européennes d'agir plus efficacement - et ce n'est qu'une première étape - en matière de lutte contre le terrorisme, bien sûr, mais également en matière de lutte contre les trafics d'armes, de drogue et d'êtres humains.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe UMP du Sénat adoptera avec conviction cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, la parole est à M.RobertBret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, messieurs les ministres, mes chers collègues, après mon collègue et ami Michel Vaxès, je ne peux que regretter le profond décalage de notre ordre du jour avec les événements qui vont se précipiter au Moyen-Orient dans quelques heures. Le Parlement s'honorerait de prendre solennellement position en cette heure. (Applaudissement sur plusieurs bancs.)
M. Maxime Gremetz. Très bien !
M. Robert Bret. Dans le court temps qui m'est imparti, je me contenterai de rappeler brièvement les fondements de l'opposition des sénateurs communistes à la présente révision constitutionnelle. Instituant dans notre droit le mandat européen, cette dernière doit permettre la mise en oeuvre, au 1er janvier 2004, d'une décision-cadre de l'Union européenne adoptée, nous le savons, à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
Cet événement tragique constitue, en effet, l'élément déclencheur de l'accélaration des procédures répressives de l'Union européenne : alors que les textes relatifs à la simplification des procédures d'extradition sont en attente de ratification depuis plusieurs années, il n'a fallu que quelques mois pour adopter un arsenal juridique anti-terroriste conséquent avec l'institution du mandat d'arrêt européen et la tentative de définition en matière de terrorisme.
C'est à la lumière de ce contexte qu'il convient d'analyser l'entrée en vigueur dans notre droit du mandat d'arrêt européen, qui n'est pas sans poser quelques problèmes. Conçus pour répondre à la menace terroriste tout en ayant vocation à s'appliquer très largement, les nouveaux instruments répressifs européens contiennent en effet en germe des risques de dérive.
Face à une criminalité qui s'internationalise et à un risque terroriste très présent, il est sans nul doute indispensable de renforcer l'efficacité des procédures transnationales. On ne saurait non plus ignorer le cas des criminels chevronnés qui utilisent les subtilités des procédures d'extradition pour échapper à la justice : nous avons tous en tête les cas de Patrick Henry et de RachidRamda.
Toutefois, l'inquiétude ne peut constituer le moteur de notre action. N'est-ce pas d'ailleurs ce que nous tentons de faire comprendre outre-Atlantique ? Comment en effet ne pas voir dans l'attitude américaine et dans le concept de « guerre préventive » le réflexe viscéral d'un pays touché dans son corps et dans son âme après des attentats qui ont fait plusieurs milliers de victimes ?
Comment ne pas s'interroger sur le refus, confirmé la semaine dernière par une cour d'appel de Washington, de faire bénéficier les détenus de Guantanamo des droits constitutionnels américains ?
Les craintes de dérive ne sont pas une pure vue de l'esprit, et nous déplorons de ne pouvoir les expliciter sans être accusés de faciliter la vie des criminels.
Au moment de la rédaction des décisions-cadres, nous avions eu l'occasion de dire combien l'option choisie était lourde de sens : on a privilégié le développement des procédures plus répressives et plus expéditives à l'harmonisation des droits pénaux et au renforcement des organes judiciaires au niveau européen. Le mandat d'arrêt européen aboutit en effet à remettre de façon quasi automatique la personne à l'Etat requérant avec un minimum de contrôles et de garanties. La suppression de la nécessité de la double incrimination contribue, par ailleurs, à avaliser les lois les plus répressives de chacun des Etats tout en laissant subsister de grandes disparités entre le droit pénal des Etats.
Or nombre de pays européens tendent à l'heure actuelle à criminaliser certains délits et appréhendent largement la définition de « terrorisme ». Des actes politiques peuvent ainsi être incriminés sans même que les Etats puissent invoquer cette circonstance pour s'opposer à l'extradition. C'est, vous le savez, ce qui a motivé les réserves du Conseil d'Etat.
Plus grave encore, les luttes sociales sont directement menacées. On se rappellera d'ailleurs que Mme Thatcher a eu, en son temps, la tentation d'appliquer la loi antiterroriste à la grève des mineurs.
De la même façon, au niveau européen, le sommet de Séville a marqué une crispation en matière d'asile et d'immigration, qui va de pair avec un amoindrissement des libertés individuelles - je pense à la protection vacillante des données personnelles via le système informatique Schengen.
Chers collègues, la sécurité doit aller de pair avec le respect des droits. Vous l'admettez vous-mêmes aujourd'hui quand M. le ministre de l'intérieur s'alarme sur les conditions de la garde à vue, déjà dénoncées fortement à l'occasion du vote de la loi renforçant la présomption d'innocence. Je regrette que cet impératif n'ait pas été davantage pris en compte lors de la présente révision constitutionnelle.
C'est pour toutes ces raisons que les sénateurs communistes ne voteront pas ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe socialiste du Sénat, la parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, si cette révision constitutionnelle suscite de légitimes interrogations sur les rapports entre le droit constitutionnel et le droit communautaire dérivé, elle nous offre l'opportunité d'évoquer le contenu que nous souhaitons donner à l'espace judiciaire européen en construction et de réaffirmer combien nous tenons à un approfondissement significatif de l'action européenne dans cette voie.
Cette révision constitutionnelle a pour objet d'assurer pleinement la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen sur le territoire français, conformément à la décision cadre du 13 juin 2002. Il s'agit donc d'une étape essentielle de la construction d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice, indispensable à la lutte contre la criminalité organisée qui préoccupe tant les Européens.
Rappelons que la criminalité organisée transfrontière représente aujourd'hui une part croissante de la délinquance, qu'il s'agisse de blanchiment de capitaux, de trafic de drogue, de criminalité économique, de réseaux de proxénétisme ou de contrefaçon.
Comme cela a été rappelé lors du conseil des ministres « justice et affaires intérieures » en mars 2000, « la sophistication croissante de nombreuses organisations criminelles leur permet, en exploitant les anomalies des différents systèmes, de tirer avantage des lacunes de la loi et des différences juridiques entre les Etats membres ». Face à de tels fléaux, la nécessité de mettre en place une stratégie coordonnée dépassant les intérêts nationaux s'impose, ce qui exige une action intégrée de l'Union.
De plus, l'adoption du mandat d'arrêt européen s'inscrit dans un processus continu, que les attentats de septembre 2001 ont singulièrement accéléré. Je ne reviendrai pas sur les efforts qui ont été déployés depuis les traités de Maastricht et d'Amsterdam. Je soulignerai simplement que cette décision-cadre constitue le premier texte d'envergure fondé sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale.
Le mandat d'arrêt européen réforme en effet en profondeur le droit de l'extradition et renforce l'existence de la territorialité européenne en instituant la remise automatique d'autorité judiciaire à autorité judiciaire, l'abandon de la double incrimination pour les infractions les plus graves, et la remise des ressortissants nationaux.
Toutefois, le pas en avant substantiel que constitue le mandat d'arrêt européen doit en amener d'autres. La mise en place d'un espace judiciaire commun digne de ce nom nécessite ainsi, aujourd'hui, de multiplier nos efforts, tant dans le rapprochement des législations que dans le développement opérationnel des actions judiciaire et policière.
Nous soulignerons simplement ici l'importance d'un rapprochement des règles de procédure pénale. Nous ne pourrons, à ce titre, faire l'économie d'une harmonisation des règles d'admissibilité de la preuve, voire, à terme, de l'adoption d'un code de procédure pénale commun.
S'il existe une unanimité pour supprimer la structure des piliers qui permettra un recours plus large au vote à la majorité qualifiée, force est de constater que les propositions soumises à la convention européenne par le groupe de travail « liberté, sécurité, justice » restent peu ambitieuses en matière de coopération judiciaire et policière pénale.
S'agissant de la collaboration opérationnelle au niveau de l'Union, il n'est guère question que de « coordination renforcée ». Par ailleurs, alors que les Etats européens ont montré leur ambition avec la mise en oeuvre du mandat d'arrêt et la création d'Eurojust, la proposition visant à instituer un procureur européen chargé de poursuivre toute atteinte aux intérêts financiers de l'Union ne fait pas l'unanimité.
Eurojust ne doit pas nous priver d'un parquet européen. La coordination des poursuites et enquêtes pour les infractions impliquant plusieurs Etats est nécessaire pour qu'aucun sanctuaire ne subsiste sur le sol de l'Union.
Il est du devoir de la Convention de se saisir du sujet et de parvenir à inclure la création d'un parquet européen dans son projet de Constitution. Bien sûr, il faudra renvoyer à des instruments de droit dérivé soumis au principe de subsidiarité la composition, la responsabilité, les compétences et les obligations d'un tel parquet.
Le vote de la révision constitutionnelle exprime la volonté des socialistes de créer un espace crédible de liberté, de sécurité et de justice. Au-delà du mandat d'arrêt européen, cette même volonté doit s'exprimer sans plus attendre avec force et soutenir la création d'un parquet européen. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe Union pour la démocratie française de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la construction d'une Europe judiciaire est une nécessité. Dans un monde où les échanges se multiplient et où la sécurité des personnes, des biens et des transactions est plus difficile à assurer, le respect du droit impose la mise en commun des moyens d'investigation et de répression pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée, car celle-ci se joue des frontières, de la diversité des procédures, de l'émiettement, voire de la rivalité des services.
Dès 1977, Valéry Giscard d'Estaing suggérait de mettre en place une coopération entre les Etats membres par la voie d'une extradition automatique. Mais l'idée a cheminé lentement, trop lentement, comme le prouvent les événements récents. Il a fallu attendre le traité de Maastricht en 1992 pour que les actions de justice et d'affaires intérieures soient reconnues sous le nom de « troisième pilier ». Des collaborations ont été esquissées, des conventions signées en 1995 et en 1996, sans que de réels progrès soient accomplis.
C'est le traité d'Amsterdam qui a défini le mieux les objectifs à atteindre par la coopération judiciaire et policière. La répression de la criminalité en réseau, du terrorisme, du trafic de drogues et de personnes, notamment par l'extradition, continuait de se heurter à la lenteur des Etats. Dans cet environnement faiblement porteur, les attentats aveugles du 11 septembre 2001 ont précipité la prise de conscience d'une solidarité plus active entre les démocraties européennes.
Sur le fondement du plan d'action défini par les chefs d'Etat et de Gouvernement, le Conseil a donc adopté la décision-cadre du 13 juin 2002. Celle-ci marque un incontestable progrès. D'une part, elle remplace la traditionnelle appréciation par le pouvoir exécutif, source de protection parfois douteuse, par une procédure exclusivement judiciaire. D'autre part, elle permet l'émission d'un mandat européen pour une trentaine d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement de douze mois au moins. Un risque de contradiction avec notre principe du refus d'extradition pour des infractions politiques a été décelé par le Conseil d'Etat. Cela nous conduit donc à nous réunir aujourd'hui en Congrès pour compléter l'article 88-2 de la Constitution et renvoyer au législateur les conditions d'application du mandat d'arrêt européen.
Le groupe UDF de l'Assemblée nationale soutient cette révision, dont il approuve l'inspiration. La solidarité entre les peuples européens implique qu'au-dessus des droits nationaux s'édifie une communauté de règles fondée sur des valeurs communes et, comme le dit le traité d'Amsterdam, « un espace de liberté, de sécurité et de justice ». C'est bien une certaine conception de la personne humaine qu'il s'agit de promouvoir et de protéger. Cependant, cela ne représente évidemment qu'un premier pas dans la marche exigeante vers une Europe du droit et de la justice.
Le projet de loi constitutionnelle que nous adopterons tout à l'heure a en effet un objet réduit. Il ne concerne que le mandat d'arrêt. Si, comme nous le souhaitons, le champ de la coopération judiciaire s'étend, il faudra encore revisiter le texte constitutionnel. Il l'a d'ailleurs été déjà à trois reprises pour être en conformité avec les engagements européens. C'est pourquoi une formulation plus générale faisant référence à l'édification d'un espace judiciaire commun aurait sans doute évité cette forme d'impressionnisme juridique à laquelle nous nous condamnons nous-mêmes.
Quelle Europe voulons-nous pour demain ? La réponse à cette question guide notre action. Autant nous défendons la subsidiarité pour toutes les matières qui peuvent être traitées à l'échelon national ou local, autant nous militons pour une Europe ayant un contenu et un sens politique, c'est-à-dire une Europe plus présente sur le plan de la défense, de la politique extérieure et de la justice. Certes, il ne s'agit pas d'uniformiser la procédure pénale et le droit pénal. Cela ruinerait nos traditions juridiques respectives. Mais il convient de les harmoniser par un corpus de principes communs garantissant mieux la primauté du droit.
Un demi-siècle après les pères fondateurs, il est temps que les institutions européennes correspondent mieux aux attentes des peuples. Les échanges économiques ne créent pas de solidarité durable. Seul un projet politique dans lequel la justice et l'équité sociale auront toute leur place pourra fonder la communauté des citoyens que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe de l'Union centriste du Sénat, la parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président du Sénat, mes chers collègues, la brièveté du temps qui nous est imparti invite à la concision. Je me bornerai donc à deux observations.
Ma première réflexion porte sur le texte même de la décision cadre à laquelle nous ouvrons la porte de notre législation. A cet égard, il faut saluer la suppression de la double incrimination pour les infractions les plus graves : elle constitue en effet un grand progrès. Réjouissons-nous également de voir la procédure enfermée dans un cadre judiciaire qui la protège des influences hétérogènes.
Il reste cependant que, outre les nombreuses conditions et exceptions qui peuvent donner prise à bien des interprétations, le seul fait - et je regrette qu'on ne l'ait pas souligné - que la décision-cadre laisse à l'Etat d'exécution la faculté de se prononcer sur la mise en liberté provisoire, sans même avoir à consulter l'Etat requérant, montre que l'efficacité du mandat reste soumise au bon vouloir de l'appareil judiciaire de l'Etat d'exécution. Dès lors, il ne s'agit pas d'un mandat d'arrêt au sens plein du terme, du moins tel que nous l'entendons. Comme le disait M. de Villepin tout à l'heure, c'est en tout cas un pas en avant.
Seconde réflexion, j'invite le Congrès à élargir le débat et à s'interroger sur les perspectives européennes dans le domaine du droit pénal, spécialement dans le domaine crucial de la lutte contre la criminalité internationale.
Nos assemblées ont pris, de longue date, position en faveur de tout ce qui peut faire progresser l'espace judiciaire européen. Par le vote de plusieurs résolutions, nous avons ainsi, les uns et les autres, exprimé l'avis qu'un tel progrès devait être conçu de manière cohérente. Il devait en fait, selon nous, obéir à un ordre logique.
Premièrement, la communautarisation des incriminations par l'adoption non seulement d'une liste, mais d'une définition commune des crimes ou délits, car les juristes savent ce que l'on peut faire des différences de définition en matière pénale ;
Deuxièmement, la communautarisation des moyens d'investigation par la transformation d'Europol en une véritable police commune ;
Troisièmement, la communautarisation des poursuites par la création d'un parquet central spécialisé et par l'adoption de règles communes de procédure ;
Quatrièmement, la communautarisation des contrôles et des garanties exigées par le respect des droits de l'homme, ce qui suppose l'extension des pouvoirs de la Cour de justice des communautés.
En dépit, chers collègues, des nombreuses impulsions données, encore tout récemment, par le Conseil européen, peu de progrès, il faut bien le dire et le déplorer, ont été accomplis dans ce domaine, où l'on reste le plus souvent au stade de la coopération. Si améliorée qu'on l'imagine, la coopération ne saurait atteindre le niveau d'efficacité permettant de rattraper le retard qui ne cesse de se creuser.
Les optimistes se consolent en disant qu'on avance pas à pas. Malheureusement, la criminalité, elle, progresse à grands pas. A ce régime, nous serons donc toujours en retard d'une guerre. (Murmures.) Il n'y avait pas d'équivoque dans mon propos, soyez-en assurés !
On a cru pouvoir surmonter ces difficultés en proclamant le principe général de la reconnaissance mutuelle en vertu duquel toute décision d'une instance judiciaire devrait être reçue par tous les Etats membres. On se doute que ce principe de la reconnaissance mutuelle ne peut avoir, dans l'immédiat, qu'une valeur de principe, sans être en lui-même porteur d'une véritable efficacité.
Selon les échos qui nous parviennent de la Convention sur l'avenir de l'Europe, le groupe de travail qui réfléchit à ces problèmes, sous la présidence de M. John Bruton, reste empêtré dans les mécanismes intergouvernementaux, en particulier pour tout ce qui relève de l'opérationnel, et ce en dépit des efforts de nos amis Hubert Haenel, Pierre Lequiller, Robert Badinter et Jacques Floch.
Il faut espérer que la Convention reprendra cette réflexion à la base et qu'elle prendra conscience du fait que, dans ce domaine de la lutte contre une criminalité grandissante, il s'agit non seulement d'intérêts financiers, mais également du sort d'êtres humains, traités en esclaves ou exploités, pour ne pas parler du terrorisme. Le temps du palabre et des préalables est révolu face à ces réalités, sauf à admettre qu'il est plus urgent de cultiver nos particularismes que de lutter contre le crime, ce que, j'en suis sûr, aucun d'entre nous ne peut admettre.
En décembre dernier, la France, sous les signatures de M. de Villepin et de M. Fischer, et l'Allemagne ont adopté des propositions communes qui vont résolument de l'avant et qui contrastent avec la timidité du groupe spécial de la Convention.
A la lumière des précédentes délibérations de nos assemblées, comme du présent débat, il est permis de dire que le Parlement français, en ce qui le concerne, est animé de la même lucidité que son gouvernement et de la même résolution. Dans cette direction, le Gouvernement peut poursuivre sa marche en avant ; il est assuré de notre soutien et spécialement de celui du groupe de l'Union centriste du Sénat. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat, la parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que l'impératif de la construction européenne a contraint les bastions de la souveraineté nationale à rendre les armes les uns après les autres, des îlots de résistance demeurent. C'est le cas, notamment, des questions de justice, de police, d'immigration et d'asile.
Depuis l'appel en faveur d'un espace judiciaire européen lancé par la France en 1977, les citoyens assistent à une course de lenteur en ces domaines, que rien ne justifie, sinon une certaine forme de « nationalisme juridique et policier. »
De l'affaire Rezala à l'affaire Henry, en passant par l'affaire Ramda, les insuffisances de la coopération judiciaire en matière d'extradition ont frappé les opinions publiques. Comment expliquer à celles-ci que des terroristes échappent à la justice, bénéficiant de frontière pénale dans un espace qui n'a plus de frontières physiques ? Comment leur expliquer aussi que des pays ouverts pour les criminels restent fermés pour les policiers qui les poursuivent ?
Comment expliquer, enfin, aux petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens de recourir à l'arbitrage qu'elles se heurteront à des obstacles juridiques dans un espace qui n'a plus de barrières commerciales ?
C'est toute la crédibilité de la construction communautaire qui est en jeu dans cette affaire.
Certes, les traités de Maastricht puis d'Amsterdam ont ouvert des perspectives. Mais les approches de la coopération judiciaire sont restées marquées du sceau de la défiance mutuelle, chaque Etat étant persuadé que son système est le meilleur et, disons-le, le plus civilisé.
Sans doute le Conseil européen de Tampere a-t-il fait du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice « la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union ». Mais cette « véritable révolution » n'a pas eu de traductions concrètes significatives. De nombreux magistrats, engagés dans la lutte contre la fraude, la corruption, la criminalité et le terrorisme, déploraient encore récemment les protectionnismes dépassés en matière policière et judiciaire, qui nuisent à l'efficacité de leur travail. D'ailleurs, ils n'ont pas attendu les décisions politiques pour collaborer !
Il aura fallu les événements dramatiques du 11 septembre 2001, qui ont mis en évidence la vulnérabilité des démocraties face au terrorisme et à la criminalité, pour convaincre les Etats européens d'en finir avec ces combats d'arrière-garde.
On a pris soudain conscience que les frontières intérieures de l'Union n'étaient plus des « frontières d'efficacité », pour reprendre l'expression heureuse du commissaire Antonio Vitorino. Sous la pression de la menace terroriste, l'opinion a enfin compris que la défense de valeurs communes suppose une forte confiance en leurs systèmes juridiques respectifs. La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, adoptée le 13 juin 2002, est le premier instrument mettant en oeuvre ce principe.
Les membres du groupe du RDSE ne peuvent que se féliciter de ces évolutions.
Le mandat d'arrêt européen, en particulier, apparaît bien comme une réalisation majeure de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Son large champ d'application, l'abandon conditionné de la double incrimination, l'extradition des nationaux, ainsi que la judiciarisation de la procédure constituent, en effet, d'incontestables progrès au regard du droit extraditionnel classique. Il permettra peut-être la réalisation, sur le territoire de l'Union européenne, du souhait formulé en 1764 par Cesare Beccaria « de ne trouver aucun lieu sur la terre où le crime puisse demeurer impuni ».
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Nicolas Alfonsi. Pour autant, la création d'un espace judiciaire appelle, à terme, d'autres innovations comme l'instauration d'un parquet européen ou l'attribution de vraies compétences opérationnelles à Europol.
A cet égard, nous ne pouvons que regretter la timidité des travaux de la Convention. Ces derniers doivent aller, au-delà d'une simple coopération renforcée, vers une unification des règles de droit et d'organisation judiciaire.
Vouloir tout harmoniser est évidemment illusoire, voire prométhéen.
L'espace judiciaire européen en gestation se conçoit, en effet, non pas comme la renaissance d'un jus commune, fondé sur la subordination de tous les systèmes aux normes venues d'une seule tradition - celle du droit romain ou celle de la Common Law - mais comme la coordination progressive de toutes les traditions juridiques nationales autour de principes communs.
Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice va dans ce sens et nous souhaitons qu'il soit porteur d'une véritable efficacité opérationnelle.
Telles sont les brèves observations qu'au nom du groupe du RDSE je souhaitais apporter sur le projet de loi constitutionnelle qui nous est présenté aujourd'hui, en espérant une transposition en droit interne, dans les plus brefs délais, de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.
Parce qu'ils ont conscience que la construction de l'Europe est une tâche de longue haleine, parce qu'ils sont des Européens convaincus, les membres du groupe du RDSE, unanimes, apporteront leur entier soutien au projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé les explications de vote.

Vote

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen.
Conformément à la décision prise par le bureau du Congrès, le scrutin public que je vais ouvrir dans un instant aura lieu dans les huit bureaux de vote installés dans les salles situées à proximité de l'hémicycle, de part et d'autre du vestibule.
J'invite, en conséquence, Mme et MM. les secrétaires du bureau qui sont chargés de la surveillance d'un bureau de vote à rejoindre dès maintenant celui-ci pour que le scrutin puisse commencer sans délai.
Je rappelle que le bureau dans lequel chacune et chacun d'entre vous doit voter est mentionné sur son bulletin, en haut à droite. Vous pourrez y voter en votre nom et, le cas échéant, au nom de votre délégant.
Le scrutin va être ouvert pour quarante minutes. Pour en faciliter le bon déroulement, je vous invite à user au mieux de cette durée et à ne pas attendre que la clôture du scrutin soit imminente pour vous rendre au bureau de vote auquel vous êtes affectés.
Le scrutin est ouvert.
Je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise, pour la proclamation du résultat, vers seize heures trente.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur le projet de loi constitutionnelle :

Nombre de votants 880
Nombre de suffrages exprimés 875
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi constitutionnelle, soit les trois cinquièmes des suffrages exprimés
525
Pour l'adoption 826
Contre 49

Le Congrès a adopté. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen, approuvé à la majorité destroiscinquièmes des suffrages exprimés, sera transmis à M. le Président de la République.

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DÉCLARATION DE M. LE PRÉSIDENT

M. le président. Mes chers collègues, à l'heure où nous sommes réunis en Congrès, et alors que la menace d'un conflit armé en Irak est plus que jamais présente dans nos esprits, je veux, en tant que président du Congrès, et en accord avec le président du Sénat, réaffirmer, en votre nom, la nécessité absolue d'un désarmement de l'Irak par des voies pacifiques et sous l'égide des Nations unies, comme le Président de la République l'a souligné à de nombreuses reprises. (Applaudissements prolongés sur de nombreux bancs.)

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VOTE SUR LE PROJET DE LOI
CONSTITUTIONNELLE RELATIF
À L'ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Avant de donner la parole à M. le Premier ministre, j'indique que les délégations de vote pour le scrutin sur ce texte cesseront d'être enregistrées à dix-sept heures.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements).
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président du Congrès, permettez-moi tout d'abord de saluer l'initiative que vous avez prise d'envoyer aujourd'hui, au nom du Congrès réuni à Versailles, un message de paix pour soutenir l'action de la France. Il est en effet important, dans cette situation troublée, que le message de la France puisse être entendu jusqu'au dernier moment, parce que nous pensons qu'il y a toujours une alternative à la guerre. Et une façon de se battre contre la guerre et pour la paix est de faire en sorte que notre calendrier national ne soit pas soumis aux exigences extérieures.
Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, au nom du président de la République, M. Jacques Chirac, de soumettre à votre approbation le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Dans ce cadre solennel du Congrès, devant l'ensemble de la représentation nationale, je suis heureux, quinze jours après avoir annoncé, à Rouen, les orientations du Gouvernement, de pouvoir vous proposer la modification de notre Constitution qui constitue le socle de notre réforme.
J'avais annoncé, en octobre dernier, que le Gouvernement se donnait cent cinquante jours pour engager de façon irréversible l'acte II de la décentralisation, en modifiant la Constitution, en organisant un débat lui-même décentralisé et en décidant de nouveaux transferts de compétences.
A plusieurs reprises il m'a été demandé de préciser, avant le vote de la réforme institutionnelle, les projets du Gouvernement quant aux lois de décentralisation. Satisfaction a été donnée : notre projet est maintenant à la fois précis et public.
Moins de cinq mois après notre engagement, la phase constitutionnelle s'achève au moment précis de la synthèse du débat et du début du travail sur la loi d'expérimentation et de transfert des compétences.
La Constitution, c'est la loi des lois, c'est la colonne centrale de notre « vivre-ensemble », de notre pacte républicain : il appartient au constituant de la faire vivre.
Je le dis franchement, nous ne voulons pas la VIeRépublique. Nous pensons que la VeRépublique du généraldeGaulle et de Michel Debré a donné à notre pays la stabilité institutionnelle qu'il a cherchée si longtemps. (Applaudissements.)
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Mais nous pensons aussi que ce texte de 1958, proche de celui de 1946 en ce qui concerne les collectivités locales, a besoin d'évoluer et peut, maintenant que l'autorité de l'Etat est solidement établie, être complété pour renforcer la démocratie locale.
Maurras, polémiquant avec Clemenceau au tout début du siècle dernier, disait que « la République ne peut décentraliser », et il se réjouissait de cet aveu de faiblesse. J'ai aujourd'hui la conviction inverse : la République peut se décentraliser, et elle sera même d'autant plus forte qu'elle sera décentralisée. Une République décentralisée sera une République humanisée.
« La France vient du fond des âges, elle vit, les siècles l'appellent. » Cette mission historique exprimée et vécue par le généraldeGaulle nous engage. La période que nous vivons donne du sens à cet appel. Il faut libérer la France de ses lourdeurs pour qu'elle puisse toujours exprimer ses valeurs.
N'oublions pas les doutes du printemps dernier, ces Français, sceptiques sur le fonctionnement de la République, se réfugiant dans l'abstention ou, pis, dans l'exaspération, ces Français qui reprochent à l'action politique, publique, administrative, une certaine impuissance.
Les Français veulent que la proximité permette de gérer la complexité, que la responsabilité permette de rétablir le lien qui s'effiloche entre les élus et les citoyens. Les Français aiment l'Etat, ils aiment leur maire, ils aiment tout ce qui met du lien et de la cohésion dans leur vie, mais ils veulent un Etat et une administration efficaces.
Dans une période particulièrement difficile, le Gouvernement a cherché à répondre aux aspirations politiques des Français.
Les Français avaient d'abord besoin d'ordre, et ils l'avaient exprimé avec force. Il fallait que la République soit à nouveau maître chez elle, qu'elle rétablisse ses valeurs. Telle a été la priorité du Gouvernement pendant le premier semestre de son action : nous avons rétabli l'autorité républicaine, renforcé la justice, renforcé la police, renforcé l'armée. Et, dix mois plus tard, les résultats sont là. La délinquance, l'insécurité reculent. La justice est engagée dans un vaste mouvement de réforme. Après la loi de programmation militaire, la France est d'autant plus forte pour défendre la paix dans le monde qu'elle n'a pas fait le choix du pacifisme.
Mais les Français, s'ils ont besoin d'ordre, ont aussi besoin de mouvement. Ils savent que l'immobilisme est la plus grande menace pour notre pacte républicain.
C'est l'immobilisme, au fond, qui affaiblit l'Etat. C'est l'immobilisme qui affaiblit notre démocratie sociale, notre système de retraite, notre système de santé, nos entreprises publiques. Sous l'impulsion du Président de la République, nous voulons être l'expression du mouvement.
La révision constitutionnelle que je vous demande de ratifier aujourd'hui, conformément à l'article 89 de la Constitution, va nous offrir des leviers majeurs de réforme pour engager ce mouvement. Je voudrais insister plus particulièrement sur cinq d'entre eux.
Le premier levier de la réforme est le principe de subsidiarité et de proximité.
L'urgence, aujourd'hui, est de définir le niveau pertinent de l'exercice des responsabilités. Il faut sortir du système actuel d'enchevêtrement ; il faut sortir de cette opacité.
La République reste unitaire ; elle n'est pas fédérale, mais elle doit adapter notre ordre institutionnel au principe de subsidiarité. C'est un principe qui doit nous guider dans la juste répartition des compétences : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. » Quant à la République, « son organisation est décentralisée ». Ces principes doivent figurer dans la Constitution.
La Constitution n'est cependant pas qu'un outil de juristes, c'est aussi un texte qui rassemble les valeurs de la République. C'est pour cette raison que notre loi fondamentale affirme la dimension sociale de la République, exprime notre devise, affiche notre drapeau et protège notre langue. Au nombre de ces valeurs, je crois le moment venu d'ajouter la recherche de la proximité. Le cadre national n'est pas remis en cause par le lien local. Au contraire, les libertés locales renforcent le lien national. La démocratie de proximité renforce la République.
J'ajoute que cet article aura bel et bien un effet juridique. Ainsi, il empêchera de recentraliser les compétences qui sont bien exercées au niveau local. Il empêchera un transfert de compétences aux collectivités tel qu'il leur ôte toute marge de manoeuvre et corsète leur action par des normes trop tatillonnes.
Le deuxième levier important de réforme est le droit à l'expérimentation. La Constitution le reconnaîtra tant pour l'Etat - c'est l'objet du nouvel article 37-1 - que pour les collectivités locales - c'est l'article 72.
Nous avons trop tendance à privilégier les grandes réformes, cartésiennes, globales, des plans, de vastes plans, des lois, de grandes lois, au risque d'échouer pour avoir voulu transformer trop rapidement le corps social. Il nous faut être plus pragmatiques, accepter l'idée que des expérimentations permettent à certaines collectivités d'aller plus vite que d'autres pour qu'ensemble nous puissions évaluer de nouvelles solutions.
Sur ce point, une révision de la Constitution était nécessaire pour ouvrir la possibilité de déroger temporairement au principe d'égalité, tout en encadrant, évidemment, cette dérogation.
Le Parlement restera le garant du processus : il autorisera, en amont, l'expérimentation ; il l'évaluera, en aval. Et il n'y aura pas d'expérimentation lorsque seront en cause « les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti ».
Autoriser trois agglomérations, trois communautés urbaines ou plus à mettre en oeuvre une politique du logement en expérimentant de nouvelles règles d'emploi des prêts locatifs aidés, les PLA, ou des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, autoriser deux régions à s'investir en matière de santé, tester grandeur nature de nouveaux dispositifs d'aménagement du territoire ou d'urbanisme, je ne vois rien dans tout cela qui menace l'unité de la République. Et je suis sûr que ces expérimentations seront fécondes et nous permettront de mieux préparer les réformes dont notre pays a besoin.
Le troisième levier de la réforme est le principe de participation populaire.
Le levier constitutionnel que nous proposons est celui du développement de la démocratie locale. Nous avons besoin de modifier la Constitution pour favoriser la participation des citoyens aux décisions locales.
Ainsi, le nouvel article 72-1 crée trois outils de démocratie locale renforcée : le droit de pétition, le référendum local et la consultation locale.
Le droit de pétition permettra aux électeurs de saisir d'une question une assemblée délibérante.
Le référendum local permettra aux élus de décider de soumettre un projet de délibération relevant de leur compétence à la décision des électeurs.
Enfin, la consultation locale donnera au législateur la possibilité de consulter les électeurs avant de créer ou de modifier un statut particulier ou les limites d'une collectivité.
Ces trois outils permettront de resserrer le lien entre les élus et les électeurs, de renforcer cette démocratie locale sur laquelle est fondée la décentralisation. La démocratie participative est la garantie d'une décentralisation durable. Vous le verrez, j'en suis sûr, mesdames, messieurs les parlementaires : d'ici à un an, plusieurs référendums territoriaux auront eu lieu.
Par ailleurs, le quatrième levier de la réforme est un nouveau cadre financier pour garantir l'autonomie financière et développer - ce qui correspond à l'attente de tous - la péréquation entre les différents territoires.
Comme le Président de la République s'y était engagé, nous avons souhaité rénover le cadre financier de l'action des collectivités territoriales : la Constitution fixera désormais quatre principes.
Le premier est le principe d'autonomie financière : les collectivités territoriales disposent librement de leurs ressources, dans les conditions fixées par la loi.
Le deuxième est très important, le principe de juste compensation : les transferts seront financés loyalement. Chaque transfert de compétences s'accompagnera du transfert des moyens humains et financiers correspondants. Nous voulons sincèrement rétablir la confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales. Le juge constitutionnel empêchera les décentralisations de charges qui n'auront pas été, au préalable, financées. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Le troisième principe est celui de l'autonomie fiscale : la part des ressources propres des collectivités territoriales dans le total de leurs ressources devra être « déterminante », parce que nous voulons des élus responsables. En privilégiant le transfert de fiscalité par rapport à celui des dotations, nous renforcerons la responsabilité des élus. C'est ainsi que les élus pourront rendre des comptes aux contribuables pour les dépenses qu'ils financeront avec l'argent public. Des élus avec des libertés d'initiatives, mais qui rendent des comptes aux électeurs : voilà notre conception de la décentralisation. Je suis sûr qu'à ce compte, avec ce progrès de la responsabilisation, la pression fiscale baissera ! (Murmures sur plusieurs bancs.)
Je vois qu'une discussion peut s'engager entre ceux qui veulent augmenter et ceux qui veulent baisser ! C'est un principe de responsabilité : la réforme est faite pour réduire la fiscalité locale ! (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. Michel Charasse. Tragediante ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le quatrième principe est celui de la péréquation : nous l'inscrivons dans la Constitution. Il revient au Parlement de corriger les inégalités de ressources. La République des proximités ne sera pas la République des inégalités.
Ce principe de péréquation, chacun y est attaché. Je crois qu'il est très important pour notre équilibre politique et notre architecture administrative : nous voulons, par la Constitution, pouvoir le mettre en place.
Sur tous ces points, nous prenons les engagements les plus formels. Un gouvernement ne peut pas prendre d'engagement plus formel qu'en inscrivant ces principes dans la Constitution. Il se place ainsi sous le contrôle du juge constitutionnel. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le dernier grand levier de la réforme est la reconnaissance d'un droit à la spécificité, c'est-à-dire la possibilité d'adapter le statut des collectivités en métropole et outre-mer.
M. Michel Charasse. Plus de souveraineté nationale !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En métropole, la possibilité de créer des collectivités à statut particulier en lieu et place des collectivités de droit commun permettra d'apporter des réponses appropriées si des demandes s'expriment en Corse, en région parisienne ou dans d'autres collectivités.
J'ai la conviction, notamment, que la Corse doit être à la pointe de la décentralisation. Elle est pionnière en ce domaine. Elle doit exploiter toutes les possibilités offertes par la Constitution. Nous avons pris et nous continuerons, avec Nicolas Sarkozy, à prendre les dispositions spécifiques nécessaires, pour adapter ses compétences, ses ressources et son organisation à sa situation particulière.
M. Michel Charasse. Et explosive ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous nous donnons les moyens d'une initiative nouvelle.
Enfin, nous redéfinissons totalement le cadre institutionnel de l'outre-mer, en lui donnant de la souplesse, mais également en lui redonnant de la lisibilité, puisque la Constitution réaffirme solennellement l'appartenance des différentes collectivités d'outre-mer à la France et à la République ! (Applaudissements.)
Ces cinq leviers de changement inscrits dans la Constitution seront prolongés par des lois organiques et ordinaires pour assurer la mise en oeuvre de l'ensemble de ce que nous avons annoncé récemment à Rouen. C'est pour nous l'occasion de nous engager profondément dans la voie de cette République des proximités grâce à laquelle nous croyons pouvoir répondre à l'attente des Français.
En conclusion, je voudrais vous exprimer trois convictions que je tire des vingt-six assises territoriales qui ont été organisées de manière décentralisée, mais aussi d'une expérience personnelle d'élu local de vingt ans et d'un travail effectué dans de nombreuses instances de réflexion nationales sur la décentralisation, notamment, ces dernières années, au sein de la commission présidée par Pierre Mauroy.
Je l'ai entendu : les Français aiment l'Etat. Nous voulons non pas organiser son désengagement, mais au contraire lui donner les moyens de répondre aux attentes de nos compatriotes. La décentralisation permettra à l'Etat de se recentrer sur ses responsabilités. A trop vouloir faire, l'Etat a fini par négliger ce que lui seul pouvait faire. Je crois en l'Etat, mais je veux un Etat fort et capable d'autorité dans ses missions régaliennes, un Etat efficace et capable d'humanité dans ses missions de solidarité, un Etat stratège et un Etat régulateur, mais pas un Etat ankylosé. Cette réforme est la première étape d'une ambitieuse réforme de l'Etat.
Je le souhaite : le Parlement reste le garant de la réforme.
Le pouvoir législatif ne sera ni éclaté ni dispersé.
M. Michel Charasse. Sauf outre-mer !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous nous donnons les moyens de transformer notre architecture territoriale. Ainsi, en quelques années, nos régions pourront conquérir la puissance européenne. Elles ne pourront le faire contre le Parlement, mais seulement en accord avec lui.
Mesdames, messieurs les parlementaires, vous autorisez et vous contrôlerez en amont et en aval les expérimentations dans le domaine législatif. Au vu des résultats de cette évaluation, vous déciderez de généraliser, d'abandonner ou de modifier l'expérimentation.
Vous déterminerez également les ressources dont pourront disposer librement les collectivités territoriales et vous assurerez l'égalité des Français devant les droits fondamentaux.
Vous déciderez de l'évolution des collectivités à statut particulier et des collectivités d'outre-mer : vous serez, pour le Gouvernement, des alliés précieux et constructifs pour la réforme de l'Etat, de notre Etat.
Je le crois : nous nous retrouvons tous pour que vive cette réforme.
Je pense avec la plus grande sincérité que certains ont eu tort, au début des années quatre-vingt, de jeter un regard partisan sur les lois Defferre et Mauroy. Ces lois n'étaient pas partisanes.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Elles avaient leur force ; elles ont cependant dû être régulièrement adaptées.
Je vous présente aujourd'hui l'acte II de la décentralisation. Il a également sa force, et lui aussi devra faire l'objet d'adaptations.
Les Françaises et les Français savent reconnaître les limites des clivages politiques. Ils savent que « la constance est la plus haute expression de la force ».
Ce que fut l'erreur des uns hier sera peut-être l'erreur des autres aujourd'hui ! De toute façon, le temps fera son oeuvre, il assurera la constance et la sagesse l'emportera.
L'essentiel est que, grâce aux responsabilités nouvelles qui sont aujourd'hui ouvertes aux acteurs de terrain, la République se rapproche de son inspirateur : le peuple de France. (Applaudissements prolongés sur de nombreux bancs.)

Explications de vote

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits pour explication de vote, au nom des groupes de chacune des assemblées. Conformément à la décision prise par le bureau, chaque orateur disposera de dix minutes.
Pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat, la parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues députés et sénateurs, la représentation nationale dans son ensemble est aujourd'hui réunie, en léger décalage avec l'actualité, pour réviser notre Constitution et y introduire enfin un droit des collectivités territoriales.
Cette révision de grande envergure tend à libérer notre société grâce à une nouvelle architecture des pouvoirs et à une remise en ordre de la démocratie locale. Ce texte pose les fondements de la « République des proximités » voulue par le Président de la République et chère à notre Premier ministre.
L'enjeu de cette relance de la décentralisation est bien de replacer le citoyen au coeur de l'action publique et, ainsi, de le réconcilier avec la res publica. Certes, la tâche n'est pas facile. Elle réclame, de la part du Gouvernement comme de tous les élus, courage, conviction et responsabilité. Mais la réussite s'impose, tant ce grand chantier doit permettre de réformer l'Etat, de rénover les modalités de l'action publique et, au-delà, de refonder notre démocratie.
Le choc du 21 avril 2002 a révélé une crise du politique plus profonde que ce que nous pouvions imaginer. En effet, de ma très longue expérience de parlementaire, je ne me souviens pas d'une telle perte de confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs représentants. Cette crise s'apprécie au travers de tous les indicateurs de la politologie moderne, mais aussi, sur le terrain, au contact de nos concitoyens.
Par conséquent, elle constitue une véritable fracture politique et traduit un divorce croissant et dangereux entre la population et sa représentation au sein des diverses assemblées locales, nationales ou européennes.
A l'origine de cette situation, il y a de multiples causes. Certaines sont simplement conjoncturelles, d'autres, plus dangereuses, sont structurelles et ancrées dans notre système politique et administratif.
Aussi, pour sortir de cette double crise de confiance et de représentation, faut-il certainement modifier des comportements et des pratiques qui peuvent apparaître obsolètes, mais surtout modifier le rapport, vieux de plus de deux cents ans, entre l'Etat et le citoyen. Si le second a beaucoup changé dans ses attentes et ses capacités depuis la Révolution - et c'est tant mieux -, le premier n'a que très peu renouvelé ses grands principes et ses façons d'administrer.
L'Etat français demeure centralisateur, protecteur, paternaliste et, de ce fait, très éloigné, trop éloigné du citoyen. Il n'est pas bien loin du « despotisme adminis-tratif » que redoutait déjà Alexis de Tocqueville en 1840.
Le constat est d'ailleurs connu de tous : la France apparaît, en bien des domaines, comme une société bloquée. La décentralisation de 1982, que la gauche a eu le grand mérite de mener à bien (« Ah ! » sur quelques bancs), était nécessaire, mais elle n'est plus suffisante, comme l'ont montré les débats lors des assises des libertés locales.

C'est pourquoi, il y a un peu plus d'un an, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a constitué une commission de travail sur la relance de la décentralisation. Nous savions que la conjoncture post-électorale qui allait suivre serait favorable à une grande réforme, tant le système issu des lois de 1982 était devenu insuffisant et tant le besoin de proximité grandissait.
Au mois de juin, nous avons livré des propositions tendant à adapter les collectivités territoriales aux enjeux modernes de la « nouvelle gouvernance » : recentrer le rôle de l'Etat autour de ses pouvoirs régaliens et de sa mission de régulation des politiques publiques ; maintenir les départements ; favoriser l'émergence de sept ou dix grandes régions, qui remplaceraient avantageusement, à notre avis les vingt-deux régions métropolitaines de programme actuelles ; consacrer la notion de chef de file dans la répartition simplifiée des compétences ; assurer l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Comme votre projet de réforme, monsieur le Premier ministre, notre corpus de propositions reposait sur un réel rééquilibrage des pouvoirs centraux et des pouvoirs locaux.
Dans ces conditions, le texte de révision constitutionnelle qui nous réunit aujourd'hui est fondé, il faut le souligner, sur le principe d'une véritable décentralisation, dans la mesure où il porte sur un rééquilibrage des pouvoirs publics, avec le transfert de compétences actuellement exercées par l'Etat vers les acteurs locaux.
L'ambition qui le sous-tend est bien de permettre que tout ce qui relève de la gestion du quotidien incombe, aux termes des lois organiques et ordinaires à venir, aux collectivités locales. Cela concerne notamment l'éducation, les transports, l'aide sociale, la culture, le sport, la santé, bref tout ce qui est relatif au quotidien de nos concitoyens. L'Etat, pour sa part, se consacrerait alors exclusivement à ses fonctions régaliennes et à ses missions d'orientation, de contrôle et d'évaluation.
L'Etat moderne tant attendu sera alors un Etat qui gouverne et conduit une politique et non plus un Etat omnipotent et gestionnaire. L'Etat gouverne, les collectivités territoriales gèrent. Pour paraphraser le titre d'un ouvrage célèbre de Michel Crozier, je dirai que l'« Etat moderne » sera un « Etat modeste », l'action revenant alors aux collectivités et aux élus de terrain. Dans ces conditions, le principe du « penser global, agir local » sera la règle !
L'apport essentiel de cette révision est bien d'introduire dans la Constitution un volet ambitieux sur les collectivités territoriales et de consacrer dans le texte constitutionnel l'existence des régions. Ainsi, en faisant référence aux collectivités territoriales dès l'article 1er de notre loi fondamentale, nous adoptons le principe de « l'organisation décentralisée de la République ». Ce texte donne donc une valeur constitutionnelle aux grands principes de la décentralisation.
Le nouvel article 37 autorise des expérimentations. Cela doit libérer l'initiative locale en vue d'accroître le dynamisme de notre territoire, soumis de plus en plus à une compétition à l'échelle des régions d'Europe pour dynamiser les investissements et l'emploi.
L'article 7 tend à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales, alors que la réforme des finances locales a été la grande oubliée des années quatre-vingt, ce qui d'ailleurs explique pour partie les difficultés rencontrées aujourd'hui par un grand nombre de collectivités. Or les transferts de compétences à venir ne pourront être rendus effectifs sans l'autonomie financière. Celle-ci signifie tout simplement la capacité, pour une collectivité, d'agir sur son niveau de ressources et de pouvoir arbitrer entre ses dépenses ! De plus, cette autonomie a un coût, à savoir un accroissement possible des inégalités entre les territoires.
C'est pourquoi, si le principe de l'autonomie est simple et si son inscription dans la Constitution représente un réel progrès, sa mise en oeuvre est d'une très grande complexité, qui ne peut être dissociée de l'instauration de mécanismes efficaces de redistribution. Cela signifie qu'autonomie et péréquation sont indissociables : c'est probablement sur cette question de la péréquation que se jouera la réussite de la réforme, monsieur le Premier ministre.
Dans ces conditions, le RDSE, sous l'impulsion de mon collègue Gérard Delfau, a constitué un groupe de travail sur le thème de la péréquation nationale des ressources entre les collectivités. Nous entendons faire, dans les semaines à venir, des propositions aussi concrètes que pratiques sur ce problème. Nous ne pourrons faire l'économie de cette réflexion.
La décentralisation a trop souvent été considérée comme une simple réforme institutionnelle, voire perçue comme un retour aux féodalités locales ou bien encore comme une façon de masquer les déficits de l'Etat. Or une véritable relance de la décentralisation doit permettre de réformer l'Etat et de refonder le lien fort, celui-là même qui unit le citoyen à la chose publique, pour se rapprocher de la « démocratie des petits espaces » dont parlait Alexandre Soljenitsyne.
Votre texte, monsieur le Premier ministre, est un texte fondateur, en ce qu'il jette les fondements d'une relance de la décentralisation. C'est bien de l'acte II de la décentralisation qu'il s'agit. Aussi, à l'exception de quelques-uns de mes collègues qui regrettent l'absence d'un dispositif plus efficace de péréquation clairement inscrit dans la Constitution, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera en grande majorité cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains de l'Assemblée nationale, la parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer le message de paix du président de l'Assemblée et du Premier ministre. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
Le groupe des député-e-s communistes et républicains s'est clairement prononcé en faveur d'une nouvelle étape de la décentralisation, qui, dans notre esprit, devait d'abord répondre aux besoins de la population et à sa demande d'une démocratie de proximité rendant effective la participation du plus grand nombre à la gestion publique. La décentralisation devrait ainsi conjuguer démocratisation et coopération, l'Etat restant évidemment responsable de la cohésion nationale et du développement équilibré et solidaire des territoires, ce qui exclut les notions de concurrence et de subordination.
Pour progresser vers la démocratie participative, il faut une refonte de nos institutions, rapprochant les pouvoirs des citoyens avec des élus qui soient des relais efficaces des préoccupations des populations. Cette exigence politique appelle certes une rupture avec les institutions de la VeRépublique. Mais ce qu'elle appelle surtout, ce sont de nouvelles conquêtes démocratiques depuis tous les quartiers et les communes. Et ce n'est évidemmment pas dans des conseils régionaux bicolores d'où auront été exclues toutes les minorités que ces conquêtes pourront s'effectuer. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
Cette exigence de démocratie suppose également une volonté politique pour construire une nouvelle fiscalité locale et mieux répartir les ressources des collectivités territoriales afin qu'elles puissent exercer pleinement leurs compétences dans le respect de leur autonomie.
Il est évident que notre engagement en faveur de la décentralisation ne peut nous amener à soutenir le projet de loi aujourd'hui soumis à notre suffrage. Il ne répond à aucun de nos objectifs et menace surtout les fondements de notre République.
Ce texte participe pour commencer d'une conception rétrograde de la démocratie. Contrairement à ce que vient de nous affirmer le Premier ministre, il est marqué par la crainte de voir les citoyens de ce pays s'approprier le pouvoir démocratique. Le nécessaire développement de la démocratie locale et participative est oublié. Le droit de pétition n'est de fait pas reconnu. Le droit de vote des étrangers aux élections locales est ignoré, et c'est par ordonnance que des lois de la métropole pourront être étendues aux collectivités d'outre-mer.
De surcroît, il induit un véritable recul en matière de libre administration des collectivités locales. L'introduction du principe de subsidiarité dans la Constitution est une remise en cause implicite des clauses de compétence générale reconnues aux collectivités locales. Il pourra amener de nombreuses collectivités à cesser d'intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas spécifiquement de leurs compétences d'attribution.
Ce texte, en revanche, donne des gages au Sénat. Il lui confère une primauté nouvelle au sein du Parlement pour les projets ayant trait aux collectivités territoriales, avec un risque réel d'interprétation excessive. Ce privilège accordé à une chambre élue au suffrage universel indirect marque un recul de la démocratie représentative. (Exclamations sur divers bancs.) Autrement dit, non seulement ce projet de loi ne crée aucun acquis en matière de libertés publiques, bien au contraire, mais surtout, il remet en cause le principe de l'égalité devant la loi, pourtant au coeur du pacte républicain.
L'introduction du droit à l'expérimentation et d'un véritable pouvoir réglementaire pour les collectivités locales engendrera en effet de graves distorsions entre les territoires, avec la perspective d'une France morcelée, éclatée. Le fait de soumettre les citoyens à des règles différentes selon leur lieu de résidence est une remise en cause patente des principes d'unité et d'indivisibilité de notre République. Avec ces dispositions, les règles et la réponse aux besoins ne seront plus les mêmes d'une collectivité à l'autre. Comment pourrons-nous alors revendiquer le principe républicain d'égalité des citoyens en droit ?
Le refus d'inscrire dans la Constitution le principe d'égalité devant le service public est également significatif du désengagement de l'Etat, et plus particulièrement de votre indifférence à l'égard des territoires ruraux de ce pays. En fait de décentralisation, il nous est proposé un remodelage du territoire autour des seules métropoles régionales. Et pendant que l'on nous tient de grands discours sur la ruralité, ferment dans nos régions les succursales de la Banque de France, les recettes des finances, mais aussi des services hospitaliers, des maternités ; de nouveaux coups sont portés contre les bureaux de poste, les écoles, les aéroports régionaux. (Applaudissements sur quelques bancs.) Comment peut-on parler de décentralisation alors que l'Etat se lance aujourd'hui dans une opération d'envergure de déménagement du territoire ? (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Ce projet marque aussi la volonté du Gouvernement de conforter le manque de solidarité qui sévit déjà entre les territoires. Pas plus que la liberté et l'égalité, la fraternité ne sortira grandie de cette réforme. Quelle solidarité interrégionale pourra en effet s'instituer dès lors que s'aiguisera la concurrence entre les régions ? La décentralisation du pouvoir économique favorisera nécessairement les régions déjà richement dotées au détriment des plus pauvres.
La façon dont est abordé le volet financier de la réforme confirme cette indifférence à l'égard des valeurs de solidarité. Cette question n'est abordée que sous l'angle du pouvoir fiscal des collectivités locales et du lien de ce pouvoir avec l'Etat. Mais le problème de la réforme radicale, nécessaire, des impôts locaux, qui sont parmi les plus injustes, n'est pas posé. Le problème des inégalités de base d'imposition entre les collectivités, qui limite bien plus leur libre administration que la centralisation de l'impôt, n'est pas abordé. La simple évocation de dispositifs de péréquation est un progrès bien trop timide.
Non seulement ce projet ne donne pas de libertés supplémentaires à nos concitoyens, mais il remet directement en cause le principe d'égalité dans notre droit ; de fait, il cherche à démanteler toutes les fonctions de solidarité de l'Etat, celles-là mêmes qui font la fraternité.
La liberté oubliée, l'égalité bafouée, la fraternité délaissée, ce sont bien les fondements de la République qui sont aujourd'hui menacés ! (Protestations sur de nombreux bancs.)
Nous ne sous-estimons donc pas l'ampleur de la réforme que nous devons décider d'inscrire ou pas dans la Constitution. Sont posés avec cette loi constitutionnelle les principes d'un véritable projet de société, qui dépasse le strict objectif de décentralisation. Le cadre actuel de la Constitution aurait permis de mener une nouvelle étape de la décentralisation. Il a été jugé qu'une loi n'y suffirait pas : c'est bien qu'il ne s'agit pas simplement de décentralisation. Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est en fait la modification de l'architecture administrative et institutionnelle de notre République.
Cette loi est un véritable projet de société, un projet de régression sociale et démocratique. Elle s'inscrit dans la perspective de constitution d'une Europe fédérale soumise aux dogmes libéraux du traité de Maastricht. Le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales vise avant tout à réduire les dépenses publiques et sociales.
Votre texte dessine ainsi une France où les compétences de l'Etat seront limitées à des prérogatives régaliennes et répressives. Ce projet de révision constitutionnelle, tout comme la privatisation de nos services publics, atteste de la détermination du Gouvernement à détruire tous les liens de solidarité construits par l'Etat. Il s'inscrit de fait dans un projet global de société ultralibéral fondé sur la déréglementation et les privatisations, l'affaiblissement des budgets sociaux, les attaques contre la sécurité sociale et les retraites, l'aggravation des inégalités. Cette réforme - est-ce étonnant ? - a reçu le soutien du MEDEF. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs.) Le patronat a bien compris qu'il s'agit de mettre à sa disposition les institutions de la République. Cette loi de décentralisation aspire simplement à mettre l'Etat au service des entreprises, au nom d'une prétendue efficacité, dans la continuité de ce que le Gouvernement met en oeuvre depuis bientôt un an.
La République, mesdames et messieurs, représente pour nous des valeurs à réaliser. On ne l'instrumentalise donc pas. La République ne doit pas être au service de personne, sinon du peuple. C'est pour cette raison aussi que nous n'acceptons pas de mêler une disposition d'organisation administrative aux principes fondamentaux de la République inscrits dans l'article 1er de la Constitution.
Une réforme de cette ampleur aurait exigé que l'on prenne le temps du débat démocratique. Mais vous avez préféré, monsieur le Premier ministre, la faire voter en urgence. Et les citoyens ont été volontairement éloignés de ce débat. Les parlementaires n'ont pu obtenir aucune précision sur les domaines concernés par cette décentralisation. Seules les lois organiques lui donneront tout son sens. Nous les attendons avec d'autant plus d'inquiétude et de vigilance que la première liste des transferts annoncés ne fait que confirmer les craintes exprimées durant les débats.
Cette défiance à l'égard de nos concitoyens a même conduit le Président de la République à préférer réunir ce Congrès plutôt que d'organiser un référendum. Or, vous n'ignorez pas que, selon l'esprit de la Constitution, le Congrès ne doit être réuni que pour des lois constitutionnelles mineures. Un référendum s'imposait pour un texte aussi important.
Nous ne souscrivons donc ni à votre démarche ni au fond du projet qui nous est présenté. Nous ne voterons donc pas ce texte. Les parlementaires communistes et républicains, tout comme les populations qu'ils représentent, resteront attentifs et mobilisés pour la discussion des lois organiques que vous préparez, avec un objectif : vous empêcher de réaliser vos desseins rétrogrades. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, la parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président du Congrès, je voudrais au préalable vous remercier d'avoir accepté que les parlementaires réunis aujourd'hui en ce lieu adressent un message de paix à nos concitoyens. (Applaudissements.)
M. Dominique Braye. Merci Chirac !
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le grand débat public sur la décentralisation, auquel il était permis de croire puisque le Président de la République, alors en campagne électorale, avait promis l'organisation d'un référendum sur une nouvelle étape de la décentralisation, n'aura pas lieu.
Monsieur le Premier ministre, cette réforme, dont vous avez souvent répété qu'elle était destinée à rapprocher les citoyens des décisions, sera finalement, c'est probable, ratifiée à Versailles, en catimini.
Quel mépris de notre peuple !
S'il en est ainsi, c'est que votre réforme constitutionnelle est lourde de conséquences et que des voix ne cessent de s'élever, y compris dans les rangs de la majorité, pour s'inquiéter de ce remodelage à marche forcée de nos institutions. C'est le cas de nombreux élus, de maires, d'acteurs des services publics. Craintes ô combien légitimes ! Car cette réforme met profondément en question nos institutions et nos services publics.
L'article 1er, qui a tant fait débat, annonce « la République en morceaux », selon les propos mêmes du président de l'Assemblée nationale.
Alors que la Constitution proclame, dans son article 1er, que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », la première mesure du projet consiste à y ajouter : « Son organisation est décentralisée. »
La République, telle qu'elle s'est forgée dans une longue histoire, est un projet commun, solidaire, un contrat entre les citoyens fondé sur l'égalité et la solidarité. Vous la ravalez au rang de principe d'organisation territoriale...
L'Etat renvoie aux collectivités locales - sans pour autant leur donner les moyens adéquats - la réponse à des besoins fondamentaux comme l'éducation, la santé, l'économie, l'environnement, le logement ou la lutte contre les exclusions. Autant de transferts de compétences, monsieur le Premier ministre, que vous venez de confirmer.
Ainsi, l'Etat se décharge de ses responsabilités premières : l'égalité des citoyens et la cohésion sociale. Il crée les conditions d'un éclatement de la République, d'un retour des féodalités.
M. Devedjian a eu l'occasion, dans la presse, de donner le mode d'emploi de la réforme : « Si les citoyens ne sont pas contents, ils manifesteront devant la mairie, pas devant la préfecture... » (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Mme Muguette Jacquaint. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. Et d'ajouter : « Si une collectivité veut augmenter la dépense, libre à elle d'augmenter l'impôt et d'expliquer pourquoi à ses administrés. »
M. Jacques Pelletier. Excellent !
Mme Nicole Borvo. Libre à celle-ci - et là, c'est moi qui le dis - de supprimer également des services utiles aux habitants ou de les privatiser pour le plus grand profit des groupes privés. Or nous savons que la soumission du service public aux règles du marché met en péril la cohésion territoriale.
Cette remise en cause du rôle de l'Etat est conforme à une construction européenne ultralibérale et fédérale : dans cette optique, partout où elle s'oppose aux forces du marché, il s'agit de défaire la capacité d'intervention de la puissance publique, de même que les fondements solidaires de la société, les garanties collectives que sont la sécurité sociale, les retraites par répartition, la primauté de la loi sur le contrat.
Des transferts annoncés, il ressort que le Gouvernement, tout engagé à réduire les dépenses publiques et les impôts pour les plus aisés, reportera les dépenses de solidarité nationale vers les collectivités locales et, au final, les citoyens eux-mêmes. On comprend dès lors qu'il vous fallait faire passer votre projet en force.
Les assemblées territoriales élues n'ont pas été consultées. Les critiques du Conseil d'Etat, les inquiétudes des élus locaux ou des agents publics ont été balayées. Les assises n'ont été qu'un simulacre de concertation sur un projet bouclé d'avance.
Cette absence de démocratie a caractérisé tout autant la réforme des modes de scrutin. M. Perben a eu l'occasion d'exprimer dans la presse le lien étroit entre celle-ci et la réforme constitutionnelle, « celle-ci créant, disait-il, les conditions politiques d'une vraie décentralisation ».
Il est de fait qu'il y a une grande cohérence entre les deux réformes, celle des modes de scrutin étant destinée à asseoir durablement votre pouvoir dans les régions.
Vous parlez de démocratie locale, M. le Premier ministre, et vous instaurez la bipolarisation de la vie politique qui tuera le pluralisme et exclura toujours plus de nos concitoyens de la citoyenneté. De même que vous avez refusé le débat public sur la décentralisation, vous avez imposé au Parlement cette réforme des modes de scrutin rejetée par tous les partis politiques, à l'exception de la seule UMP.
Monsieur le Premier ministre, vous évoquez souvent les grandes inégalités entre les régions, oubliant d'ailleurs qu'il s'agit surtout d'inégalités sociales. Il est à craindre que, dans une logique de marché et de concurrence, ces inégalités régionales ne viennent à se creuser davantage. Les régions les plus riches polariseront encore plus l'essentiel de la croissance économique et démographique. Alors qu'aujourd'hui, les régions participent de fait, dans le cadre régional, à une certaine redistribution limitant les inégalités, cette solidarité disparaîtra.
Les risques sont d'autant plus grands que notre pays vit l'une des plus graves crises sociales des quinze dernières années. Daewoo, Metaleurop, Air Lib, GIAT : les plans sociaux se succèdent, la croissance s'effondre. Les privatisations, les dérégulations sapent les fondements de la République et l'exclusion d'une part croissante de la population met en cause l'égalité des citoyens.
Votre réponse, monsieur le Premier ministre, consiste à supprimer des emplois publics. C'est d'autant plus choquant que, dans le même temps, les entreprises et les institutions financières sont exonérées de toute responsabilité en matière de solidarité nationale, de développement des territoires et d'emploi.
Des dizaines de milliers d'emplois publics sont ainsi menacés. Les transferts de compétences vont contribuer à restructurer l'emploi public, à précariser les recrutements, les statuts, le champ des missions, participant ainsi au remodelage libéral de la société française.
M. Delevoye tente de convaincre les 150 000 fonctionnaires qu'il veut transférer qu'ils n'ont rien à perdre. C'est manifestement un exercice difficile.
M. Ferry a fait l'éloge, devant les organisations syndicales, des transferts et des expérimentations concernant les 110 000 personnels ATOSS. Résultat : les organisations syndicales refusent pour l'instant de poursuivre la discussion, tout comme les personnels de l'éducation qui manifesteront demain.
Les personnels de l'équipement, quant à eux, feront grève début avril s'ils ne sont pas entendus. De récentes catastrophes ont mis leur dévouement et leur efficacité en évidence. Que se passera-t-il quand ils ne pourront plus assurer la cohérence de leurs interventions ?
Les agents publics ne sont pas opposés par principe à la décentralisation, si elle permet une réelle amélioration du service public et un rapprochement entre le pouvoir de décision et les citoyens. Mais ils refusent avec leurs organisations d'être mis devant le fait accompli et de devoir discuter des modalités de transfert, alors qu'aucune réflexion n'a été engagée au préalable sur l'évolution de leurs missions et de celles de l'Etat. Ils craignent, à juste titre, pour l'avenir du service public lui-même. Il est donc urgent d'entendre les fédérations de fonctionnaires réunies à nouveau aujourd'hui.
Monsieur le Premier ministre, d'aucuns ont tenté d'opposer les décentralisateurs, dont vous seriez, et les centralisateurs que seraient tous ceux qui s'opposent à votre projet. En réalité, il existe deux conceptions fondamentalement différentes, l'une d'essence libérale et fédérale, l'autre solidaire et citoyenne.
Nous sommes, pour notre part, convaincus qu'il y a place pour un vrai projet politique de décentralisation, dans le cadre d'une cohésion sociale et territoriale renforcée, permettant de réduire les inégalités. Il suppose l'essor de la démocratie et de la citoyenneté, l'essor des coopérations et des mutualisations entre les territoires et tous les acteurs du développement, à l'opposé d'une logique de concurrence. C'est un autre choix, à l'évidence.
Monsieur le Premier ministre, les élus de mon groupe refusent toute remise en cause du projet républicain et solidaire qui est le fruit de longues décennies de luttes démocratiques et sociales. C'est pourquoi ils voteront résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe socialiste du Sénat, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le Premier ministre, vous avez tellement voulu ce texte que, emporté par votre élan, vous en avez présenté en votre seul nom le premier projet au Sénat, omettant de mentionner le Président de la République. C'était une faute - vénielle - de nouveau converti, fût-il sincère. En effet, je n'oublie pas - non plus, je l'ai entendu dans votre discours - que la décentralisation a plus de vingt ans et qu'elle est d'abord, contre vos amis, l'oeuvre de Gaston Defferre, Pierre Mauroy et François Mitterrand. Je n'oublie pas non plus que, loin de reculer au cours de la législature précédente, elle a fortement progressé avec quatre grands textes - intercommunalité, aménagement du territoire, rénovation urbaine et démocratie de proximité - dont vous annonciez que vous deviez quasiment les supprimer, et que, tout compte fait, vous vous contentez d'ajuster.
Parallèlement, vous avez lancé, à grand renfort de mobilisation des préfets et des médias, une pseudo-consultation sur les transferts de compétences, dont les conclusions, connues dès le départ, ont été présentées dans la quasi-indifférence à Rouen il y a quelques semaines.
Vous avez - avec le Président de la République - présenté cette action comme votre grand oeuvre : il aurait mieux valu consulter le peuple que de réunir ces assises convenues où beaucoup moins de 1 % des invités ont pu s'exprimer. Mais, sur les compétences comme sur la révision constitutionnelle, vous avez préféré le débat, et trop souvent le faux débat - notamment au Parlement par une pression énorme sur votre majorité -, le débat entre spécialistes plutôt que la consultation populaire. Voilà pourquoi nous sommes là, en Congrès, alors qu'on avait promis un référendum.
De fait, rien n'a été tenté pour montrer à nos concitoyens l'importance des enjeux, et il est vrai que, en ce 17 mars, ce débat franco-français a quelque chose de dérisoire, même s'il est heureux que M. le président du Congrès ait proclamé, au nom du Congrès, la volonté de paix du peuple français. Ce débat ne fera pas la une du Washington Post. Ce n'était sans doute pas dans vos ambitions -, mais, plus ennuyeux, il risque de ne pas faire non plus la une des grands médias nationaux. En effet, outre la guerre, les Français pensent à tout autre chose. C'est le paradoxe : vous avez réussi à faire que, malgré l'importance du sujet, notre Congrès apparaisse comme une opération de diversion face aux grands problèmes de l'heure, notamment le chômage et les attaques de prisons à l'arme lourde. Les Français ne vous croient pas lorsque vous dites que cette réforme apportera un point de croissance supplémentaire. D'ailleurs, qui pourrait vous croire lorsque vous précisez dans la presse que ce sera un point de croissance par an ? J'ai envie de vous demander si ces points sont cumulables et pendant combien de temps cette formidable machine à produire de l'emploi nous apportera tant de bienfaits. Nous en avons bien besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Sur la forme, ce projet est médiocre, quelquefois mal écrit, plein de scories et de lourdeurs qui ne conviennent guère à la majesté nécessaire d'un grand texte fondateur dont la principale qualité doit être la simplicité et la proclamation des grands principes. Introduire à l'article 1er, au nom de l'affichage que « l'organisation » de la République est « décentralisée », c'est introduire une idée biaisée sinon fausse, car c'est l'organisation territoriale qui est décentralisée, et non pas toute la République - par exemple, ce n'est ni son Président ni son Parlement, même s'il est à Versailles aujourd'hui. Mais, surtout, c'est élever la simple organisation administrative au même niveau d'honneur et de nécessité que les grands principes qui fondent notre démocratie : l'indivisibilité de la République, l'égalité devant la loi, la laïcité. C'est un peu indigne et très dangereux. Qui nous dit que le juge, auquel, ici comme ailleurs, vous laissez trop de marge d'appréciation, ne sera pas un jour amené à trancher entre ces principes érigés au même rang et que, finalement, il ne le fera pas au bénéfice de la décentralisation et au détriment de l'égalité ou de l'unité de la République ? Qui nous dit que, à propos de l'enseignement, par exemple, ce juge ne privilégiera pas, à un moment ou à un autre, la décentralisation au détriment du principe fondateur de laïcité ?
Sur la forme encore - mais qui rejoint souvent le fond - ce texte porte la marque des divergences entre les composantes et les individualités d'une majorité que vous avez pourtant obligée à marcher au son du clairon. Je reviendrai tout à l'heure sur la question du rôle de l'Etat qui est majeure pour nous, comme pour vous, monsieur le président du Congrès. Sur nombre d'autres sujets, comme le financement, l'intercommunalité, la subsidiarité, bien des réticences se sont exprimées qui n'ont pas passé le cap des propositions de la commission des lois ou des discussions de couloir. Le résultat est une rédaction trop souvent incertaine, voire contradictoire dans les termes : ainsi, sur la tutelle, vous affirmez, sous notre pression et dans la lignée des lois Defferre, qu'il ne peut exister de tutelle d'une collectivité sur une autre. Mais vous introduisez aussitôt une restriction : « Cependant, [...] la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune. » Je le proclame donc : la tutelle d'une collectivité sur une autre est possible. C'est d'autant plus certain que vous avez catégoriquement refusé d'envisager le moindre « contrat », la moindre « convention », le moindre « accord » - autant de termes que vous avions proposés et qui auraient garanti la liberté de toutes les collectivités. Au profit de qui cette tutelle s'exercera-t-elle ? Au profit des départements, peut-être ; des régions, sans doute ; en tout cas, sûrement pas des communes.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes fondamentalement décentralisateurs, et nous l'avons prouvé lors de la discussion de ce projet en faisant des propositions que vous avez rejetées par frilosité, qu'elles concernent l'élargissement du corps électoral local aux résidents non communautaires ou la reconnaissance des groupements de communes à fiscalité propre.
Nous sommes décentralisateurs, mais pas au prix de l'abaissement de l'Etat. Nous n'avons pas votre conception de la subsidiarité. Vous proclamez que les collectivités ont vocation à prendre les décisions qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. Outre que ce mieux sera source de conflits - tranchés par le juge et non par la loi -, cette vocation nous trouble : sommes-nous dans le droit ou dans la mystique ? Il semble bien que vous évoquiez une sorte de prédestination, quasi religieuse, qui fait que, pour vous, le local prime sur le national, les compétences de l'Etat n'étant que résiduelles. C'est notamment pourquoi nous vous reprochons votre fédéralisme.
D'ailleurs, votre refus obstiné de dresser la liste des compétences régaliennes intransférables en est une preuve forte. Nous ne nous lasserons pas de poser cette question : quel est - s'il existe - selon vous, le bloc intangible de compétences régaliennes intransférables ? L'Etat est-il toujours selon vous le garant de l'égalité entre citoyens et territoires ? Est-ce seulement par refus d'inscrire l'évidence dans la Constitution que vous avez refusé d'accepter notre amendement proclamant que l'Etat est le garant de la solidarité nationale ?
Ce principe d'égalité est précisément mis à mal par l'expérimentation. En fait, nous sommes toujours dans la confusion. Vous jonglez entre expérimentation et dérogation. Ce n'est pourtant pas la même chose. Expérimenter prépare la réforme ; déroger autorise des exceptions généralisées - et pas limitées à une seule région - qui peuvent nous conduire à vivre dans un pays à l'unité éclatée en vingt-six territoires aux lois et règlements différents. Et puis, surtout, expérimenter « pour une durée limitée » est légitime, mais déroger « pour une durée limitée » est le plus souvent dangereux : si, par dérogation à la loi littorale, vous acceptez la construction de paillottes au bord de l'eau pour une durée de cinq ans, que ferez-vous au bout de ce délai ?
M. Marc-Philippe Daubresse. C'est vraiment parler pour parler !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je vois que certains d'entre vous connaissent la solution.
Ce principe d'égalité est gravement mis à mal à l'article 4, puisque la création de collectivités à statut particulier « en lieu et place » de celles existantes prévoit la suppression de certains niveaux administratifs. Pourquoi pas ? Mais on a longtemps montré du doigt la victime probable : les départements. Depuis votre discours de Rouen, monsieur le Premier ministre, ces derniers savent qu'ils ne peuvent mourir que d'une chose : d'indigestion. En fait, ce sont les communes qui risquent quelque chose : la disparition. Il faut en finir avec le double langage défenseur à la fois des 36 000 communes et d'une intercommunalité de plus en plus intégrée. La loi Chevènement ouvrait la voie, vous vous y engouffrez. Demain, on pourra - certes, par la loi - remplacer toutes les communes d'un département par leurs groupements érigés au rang de collectivités à statut particulier.
Il est temps de définir, comme pour l'Etat, un bloc de compétences communales suffisantes pour assurer la survie de ces foyers de vie démocratique qui sont notre culture même. Cela ne semble pas être votre souci et, d'une façon générale, je ne trouve pas très convenable cette façon de laisser s'organiser la carte administrative locale au gré des arrangements, des rapports de force et des appétits. Ce n'est pas digne d'un grand pays, d'un grand Etat structuré et, là comme ailleurs, il est temps que le Parlement retrouve sa force de proposition et fixe cette carte, pour autant que ce soit nécessaire.
Enfin, l'Etat jouera-t-il son rôle en matière financière, notamment son rôle péréquateur ? Inscrire le principe dans la Constitution n'en garantit, hélas, pas la juste application. La façon dont, au début vous avez imaginé la compétition entre les territoires a plutôt tendance à plaider pour l'inverse. Dans tous les cas, comment y parvenir sans une réforme fiscale, que nous aurions d'ailleurs préférée préalable ? Dans votre discours de Rouen, vous n'évoquez guère que le tranfert de la TIPP aux régions et aux départements. Sous cette forme, et dès ce soir, ce serait une dotation condamnable par le juge constitutionnel au nom du respect de la « part déterminante » de fiscalité dans les ressources des collectivités. Si une hypothétique modulation est mise en oeuvre, la fiscalité des régions serait tout simplement transférée aux départements. Est-ce cela la grande réforme fiscale ?
Quant aux garanties pour les collectivités locales, on est loin des ambitions. Partant d'un texte que vous connaissez bien, monsieur le Premier ministre, puisqu'il s'agit d'une de vos propositions de loi en tant que sénateur de l'opposition d'alors, vos amis du Sénat souhaitaient, comme vous à l'époque, l'attribution « des ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges ». C'était bien. Au bout du compte, votre majorité prévoit, comme vous maintenant, un simple transfert des charges affectées par l'Etat à l'exercice de cette compétence antérieurement au transfert, c'est-à-dire quelquefois à peu près rien - je pense à certaines routes nationales. Il est très malheureux que n'aient pas été tirées les leçons de vingt ans d'expérience de la décentralisation.
Monsieur le Premier ministre, nous ne voterons pas ce texte, qui n'est pas bon. Long et verbeux, il est pourtant imprécis et laisse au juge trop de pouvoir d'interprétation. Il ne garantit ni la péréquation nécessaire ni l'autonomie financière des collectivités. Mais, surtout, il est dangereux au regard des grands principes qui fondent notre démocratie : l'unité nationale, l'égalité entre les citoyens et, donc, les territoires, la solidarité, notamment. Vous aurez pourtant la majorité requise pour le voter, mais le débat n'est pas clos. Les lois organiques et les lois simples que vous nous annoncez pour bientôt seront peut-être l'occasion de clarifier les choses. Il suffit que vous laissiez parler vos amis. Soyez assuré en tout cas de notre volonté de les éclairer et de notre vigilance pour la suite. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe de l'Union centriste du Sénat, la parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, parce que la forme décentralisée de l'Etat organise seule, dans la proximité de la décision, un espace de liberté et de responsabilité où les citoyens peuvent plus facilement limiter et contrôler le pouvoir des élus ; parce que, depuis 1982, l'expérience montre que la décentralisation a conduit à une meilleure efficacité de la décision politique lorsqu'elle est prise localement ; parce que la décentralisation permet seule l'égalité réelle entre les citoyens parce qu'elle nous fait sortir de l'uniformité, qui n'est le plus souvent qu'une égalité formelle ; pour toutes ces raisons, les membres du groupe de l'Union centriste du Sénat font de la décentralisation la pierre angulaire de leur philosophie politique. Et c'est à travers ce prisme que je souhaite analyser le contenu du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis et les réformes qu'il contient en germe.
Constitutionnaliser notre droit public local peut apparaître comme une réaction tardive. Il existe des collectivités locales depuis longtemps dans ce pays. Pourquoi vouloir aujourd'hui leur donner des garanties constitutionnelles ? C'est relativement simple : l'expérience prouve que, lorsque la volonté politique est évidente et forte, vient un moment où il faut marquer définitivement un point de non-retour, dans le texte qui organise toute notre vie publique.
Aujourd'hui, la République reconnaît sa diversité ; elle en fait une force. Elle ne craint plus les collectivités territoriales, qui sont d'abord des collectivités humaines ; elle en fait son dynamisme nouveau.
Que ce texte contienne des garanties pour les collectivités territoriales nous semble essentiel. Qu'il donne du contenu au principe de libre administration des collectivités territoriales est tout aussi nécessaire, tant, ces dernières années, le juge constitutionnel faisait de révérences à ce principe, sans jamais lui donner une vie réelle. A chaque décision, le Conseil constitutionnel nous disait : « C'est la prochaine fois que l'on sera allé trop loin. » Il n'y aura plus lieu de se demander jusqu'où ne pas aller trop loin. Ce projet, je crois, met un terme à cette situation en disant ce qu'il ne faut plus faire. Désormais, la République sera décentralisée.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Très bien !
M. Michel Mercier. Il nous paraît extrêmement intéressant de permettre des évolutions par l'exercice du droit d'expérimentation. Lorsqu'on expérimente au niveau de l'Etat et que cela ne marche pas, c'est un échec. Lorsqu'on expérimente au niveau des collectivités territoriales et que cela ne marche pas, on peut y remédier sans que les grands principes soient mis en cause.
Ce qui, en fait, guide ce projet de loi constitutionnelle, c'estla meilleure efficacité de l'action publique : la République reste unitaire, c'est-à-dire qu'elle délègue à ses collectivités tout ce qui peut être mieux traité à leur niveau, mais conserve l'exercice des compétences qui fondent notre vouloir vivre commun de tous les jours. C'est ce cadre constitutionnel qui nous est désormais proposé pour l'action de nos collectivités territoriales. La Constitution n'est pas faite pour un jour ou pour quelque temps ; elle est faite pour durer et, au gré du temps, peut donner lieu à des lectures différentes. Nous sommes donc d'accord avec les propositions, la force d'avenir de ce projet de loi constitutionnelle, mais nous ne pouvons l'aborder sans évoquer le contenu qui, demain, lui donnera vie dans notre République refondée. De ce point de vue,le groupe de l'Union centriste sera particulièrement vigilant.
Je voudrais évoquer deux questions qui me semblent essentielles : quelles seront les compétences à déléguer et quelles seront les conditions de la délégation ?

Pour ce qui est des compétences à déléguer, le Gouvernement a annoncé, par votre voix, monsieur le Premier ministre, quels étaient ses projets. Je crois qu'il est essentiel que la délégation soit claire, qu'il y ait de véritables blocs de compétences, que les citoyens sachent qui fait quoi. La clarté de la délégation entraînera la responsabilité des élus, non pas seulement en principe, mais dans la réalité quotidienne. C'est aussi l'un des objectifs de la décentralisation que de faire que les élus soient plus responsables.
J'en viens aux conditions de la délégation. Le problème des moyens financiers est capital. Le projet de loi constitutionnelle rappelle, vous l'avez dit tout à l'heure, que les transferts de compétences se feront avec les ressources qui sont aujourd'hui consacrées par l'Etat à leur exercice. Ce point de base ne peut pas être suffisant. Les désirs de nos concitoyens évoluent et s'expriment différemment selon que la compétence est exercée par l'Etat ou localement. Je donnerai comme exemple les routes nationales. Depuis des dizaines d'années, plus aucun travail - ou presque - n'est fait sur les routes nationales. Chacun s'en contente à peu près. Mais, demain, lorsqu'une collectivité territoriale aura l'exercice de cette compétence, les choses seront tout autre. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Il faut donc que les moyens financiers, loyalement distribués, puissent permettre ces évolutions et ces approches différentes.
La responsabilité des élus doit aussi se marquer par notre responsabilité dans le domaine fiscal - c'est une des annonces de ce texte. Ce sera désormais une obligation constitutionnelle : des impôts devront être transférés aux collectivités territoriales. Je ne parle pas seulement du produit d'impôts d'Etat, qui serait réparti suivant des clefs assurant à la fois une juste répartition et une bonne péréquation, mais aussi de la possibilité d'influer sur les bases et sur le taux. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Il appartiendra à la loi de dire quels seront les impôts transférés, mais l'exercice de cette compétence est essentiel.
Je voudrais insister sur un autre point dont l'importance n'a peut-être pas été suffisamment relevée : l'Etat ne doit pas, transférant des compétences, imposer aux collectivités des modes de gestion, et surtout pas les siens.
M. Pierre Méhaignerie. Très bien !
M. Michel Mercier. Sinon, il ne sert à rien de décentraliser. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Les collectivités doivent disposer d'une vraie liberté, avec toutes les conséquences qui en découlent. C'est le seul moyen permettant une vraie réforme de l'Etat. C'est cette condition fondamentale que nous revendiquons.
La République retrouve aujourd'hui ses territoires. Elle s'appuiera sur ses collectivités. Elle assurera entre elles les nécessaires péréquations. Elle garantira la liberté de leur administration en leur transférant l'essentiel de la gestion des tâches quotidiennes. La République retrouvera ainsi sa force, sa vigueur et la confiance de nos concitoyens, condition essentielle permettant à la loi de fixer le cadre de la vie commune et de donner à la France décentralisée la capacité d'entraîner nos vingt-quatre partenaires vers une Europe unie, vers une Europe puissance mondiale qui nous manque tant aujourd'hui.
Telles sont les raisons, monsieur le Premier ministre, qui conduiront l'ensemble des membres du groupe de l'Union centriste à voter cette réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Pascal Clément.
M. Pascal Clément. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois du Sénat, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par un bref rappel historique : en 1800, Napoléon marqua définitivement le paysage administratif de la France en créant, par la loi du 18 pluviôse an VIII, des agents uniques représentant directement le Gouvernement dans les départements. De l'institution de ces préfets, Napoléon dira : « Je veux que de ce jour date le bonheur des Français. » (Sourires.)
A l'aube d'une nouvelle architecture des pouvoirs, qui tourne résolument le dos à cette conception centralisatrice, aurons-nous la même prétention ? Eh bien, tentons le pari et reconnaissons, en tout cas, que le Gouvernement a choisi la méthode appropriée.
Je ne reviendrai pas sur le texte finalement adopté par les deux assemblées, car il est connu de tous et il vient de faire l'objet d'une présentation détaillée par M. le Premier ministre. Je me pencherai davantage sur la vaste concertation qui a suivi immédiatement la phase parlementaire, avec l'engagement d'un débat dans les régions d'octobre à janvier.
Cette consultation nationale a rassemblé plus de 58 000 personnes : responsables politiques, élus locaux, certes, mais également citoyens et associations. Le débat a été riche, puisque six cents propositions y ont été débattues, dont plus du tiers émanent de la société civile. Il y a dans ces chiffres de quoi démentir ceux qui prônent l'immobilisme au motif que le débat sur la décentralisation n'intéressait pas les Français.
Au contraire, le débat qui a eu lieu ces derniers mois a permis de démontrer une chose : faire le choix de la décentralisation, ce n'est pas faire le choix des collectivités locales contre l'Etat et ce n'est pas prendre parti pour les élus locaux contre le pouvoir central. Il ne s'agit pas d'une querelle de pouvoirs : les Français savent que la décentralisation est une chance pour l'Etat ; que la décentralisation c'est la réforme de l'Etat.
Elle seule peut permettre, par une meilleure définition des compétences, d'identifier clairement les responsabilités. Elle seule peut améliorer le service public, par la proximité qu'elle implique entre citoyens et décideurs. Elle seule peut vaincre les résistances et les archaïsmes qui enferment l'Etat dans une politique attentiste.
Certes, tout cela a un coût, et reconnaissons que c'est ce qui inquiète les Français. Nombre d'entre eux craignent qu'aux impôts nationaux ne vienne s'ajouter une hausse importante des impôts locaux. La réforme ne peut être en effet acceptée que si elle s'appuie sur une réflexion globale sur la fiscalité. Dans cette perspective, le transfert aux collectivités locales d'impôts dynamiques doit se faire en cohérence avec les compétences transférées. Ainsi, le transfert aux régions et aux départements de la taxe intérieure sur les produits pétroliers correspondra aux nouvelles compétences qui seront transférées à ces collectivités en matière d'infrastructures.
Je plaide également pour que les départements, dont la vocation sociale vient d'être largement réaffirmée, puissent se voir confier une partie de la CSG. (« Absolument ! » sur divers bancs.) Je souhaite que cette proposition soit étudiée de façon approfondie, même si je suis tout à fait conscient qu'une telle réforme ne peut être mise en place à court terme.
Surtout - et le Parlement devra être très vigilant sur ce point -, ces transferts de fiscalité, quelle que soit leur cohérence, ne doivent pas se traduire par un accroissement global de la pression fiscale. La décentralisation doit être source d'économies, grâce à une plus grande rationalisation de l'action publique. Il faudra donc faire des choix qui conduiront l'Etat à se recentrer sur ses missions fondamentales.
La loi constitutionnelle permettra de fournir à ce sujet une grille d'analyse tout à fait pertinente. En indiquant que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon », le nouvel article 72 de la Constitution introduit un principe de répartition des compétences, qui pose les bases d'une ligne de partage entre l'action des services de l'Etat et celle des services des collectivités territoriales.
Dénommée souvent à tort « principe de subsidiarité », cette règle a été comparée à celle figurant en droit communautaire à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne. J'ai toujours, pour ma part, considéré cette comparaison comme un peu abusive, puisque le principe communautaire de subsidiarité correspond à une logique fédérale, qui n'a que peu de chose à voir avec l'organisation unitaire de notre République.
En droit communautaire, la subsidiarité est conçue comme un principe de protection des Etats nationaux ; dans notre nouvelle organisation institutionelle, il s'agit d'une logique différente, correspondant à un Etat unitaire ayant vocation à être décentralisé. Le principe ainsi énoncé est un principe dynamique, qui induit un mouvement du haut vers le bas, l'objectif recherché étant à la fois l'efficacité de l'action publique et la proximité de la décision.
Ce principe d'adéquation des compétences à l'échelon local, imposé dorénavant par l'article 72 de la Constitution, exige une nouvelle distribution des moyens. En disant cela, je suis conscient d'évoquer également la question des personnels, qui suscite bien des inquiétudes. Il ne peut pourtant être question d'accroître les compétences des collectivités locales sans doter celles-ci des moyens en personnels afférents.
La cohérence de l'action publique exige en effet que les fonctionnaires soient placés sous l'autorité de ceux qui sont responsables. Les compétences croisées, qui caractérisent encore trop souvent notre organisation institutionnelle et qui permettent à une collectivité locale de disposer des services de l'Etat pour conduire des actions qui lui incombent en propre, sont en effet source de confusion et de dilution des responsabilités. (« Très juste ! » sur divers bancs.)
Ces transferts de personnels devront bien évidemment se faire dans la concertation, en respectant les principes fondamentaux qui garantissent la neutralité de la fonction publique. Je suis persuadé que les fonctionnaires sauront relever les nouveaux défis de la décentralisation ; ils ont en effet tout à gagner à exercer dans des structures à taille humaine, avec des objectifs plus perceptibles.
La révision constitutionnelle que nous nous apprêtons à voter dans un instant n'est donc qu'une première étape. Comme le rappelait Michel Crozier en 1992, « si l'Etat central ne change pas, la décentralisation perd l'essentiel de sa vertu ». Il faudra en l'occurrence faire preuve d'initiative et d'imagination, tout en conservant les valeurs de solidarité qui ont fait et qui feront encore la force de l'Etat unitaire.
Le vote que nous allons émettre dans un instant a pour objet, dans un premier temps, de donner à la décentralisation un ancrage constitutionnel, d'en approfondir la réalité et de garantir qu'elle pourra se poursuivre dans le respect de l'autonomie des collectivités locales.
La réforme permettra ainsi de prendre en compte l'attachement des Français à leurs territoires, leur volonté de s'exprimer sur ce qui les concerne et d'améliorer leurs conditions de vie, ainsi que leur exigence d'avoir en face d'eux des élus responsables, sans pour autant méconnaître leur désir unanime d'unité nationale.
Je tiens à vous assurer, monsieur le Premier ministre, que le groupe de l'UMP de l'Assemblée nationale vous soutiendra avec enthousiasme dans la poursuite d'une réforme que les Français appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, la parole est à Mme Ségolène Royal.
Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, si nous sommes aujourd'hui réunis en Congrès, c'est d'abord à cause d'un renoncement : le renoncement au référendum promis par le chef de l'Etat ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs. - Murmures sur d'autres.)
En effet, s'il s'était agi, monsieur le Premier ministre, d'une réforme concrète qui améliore vraiment les services rendus et qui fasse reculer les inégalités, nul doute que vous n'auriez pas eu peur du vote populaire !
Au reste, le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, que préside Jean-Marc Ayrault, vous a, au départ, pris au sérieux. Vous aviez prévu cinq heures de débat à l'Assemblée nationale ; nous vous en avons imposé plus de quarante-huit. Nous vous avons aussi accordé une conviction régionaliste. Nous nous sommes même réjouis de voir la droite rallier le grand mouvement de la décentralisation après l'avoir violemment combattu dans les années quatre-vingt.
Et pourtant, à l'arrivée, deux sentiments dominent : la déception et l'inquiétude.
La déception d'abord, puisque, un an après votre arrivée aux responsabilités, rien de concret n'a été fait sur le terrain s'agissant d'une réforme que vous aviez pourtant qualifiée de « mère de toutes les réformes » : aucun transfert simple de compétences n'a été effectué. Vous avez rappelé tout à l'heure les lois Defferre et le rapport de Pierre Mauroy, mais l'un et l'autre recommandaient des lois simples de transfert des compétences accompagné de transferts financiers correspondants.
Certes, vous avez tout de même fait quelque chose : vous avez fait voter la réforme des modes de scrutin ! Alors là, vous avez trouvé les procédures, la conviction politique et la méthode gouvernementale qu'il fallait !
Pourquoi, monsieur le Premier ministre, n'avez-vous pas su trouver, pour rendre service à la France, ce que vous avez su faire pour rendre service à l'UMP ? (Applaudissements sur plusieurs bancs. - Exclamations sur d'autres.)
M. Pascal Clément. Ça rase la moquette !
Mme Ségolène Royal. Les mots que vous utilisez semblent déjà usés avant même d'avoir servi.
Proximité, dites-vous. Mais, pour nous, un service public de proximité, c'est d'abord un service public présent sur tout le territoire. Or vous faites le contraire.
A cet égard, je n'évoquerai que le domaine de l'éducation. Ainsi, il y aura 30 000 emplois en moins dans les établissements scolaires lors de la rentrée prochaine ! Quant à votre ministre de l'enseignement scolaire, il remet en cause la première année à l'école maternelle : les femmes apprécieront, elles qui ont déjà tant de mal à concilier vie familiale et vie professionnelle.
M. Nicolas About. L'école, ce n'est pas la pagaille ! La pagaille, c'est vous qui l'avez mise !
Mme Ségolène Royal. Consultation, avez-vous dit. Mais qui avez-vous consulté...
M. Dominique Braye. Sûrement pas vous !
Mme Ségolène Royal. ... avant d'annoncer le transfert de 110 000 emplois des personnels ATOS, malgré l'engagement écrit que vous aviez pris auprès d'eux de ne rien faire sans les avoir consultés ? Où est la discussion de fond sur leurs missions ? Où est l'analyse de leur rôle crucial auprès des élèves ? Or, en ce domaine, il n'y a qu'une seule question qui vaille : comment la décentralisation, comment la nouvelle organisation permettra-t-elle de lutter davantage contre l'échec scolaire et de réduire les inégalités scolaires ? Voilà ce que ces personnels attendent.
M. Dominique Braye. On a vu ce que vous saviez faire !
M. Jean-Pierre Abelin. Quinze ans de pouvoir !
Mme Ségolène Royal. Vous avez ensuite parlé de péréquation. Eh bien, parlons-en ! Comment pouvez-vous être crédible alors que vous avez affaibli un des rares dispositifs de péréquation existants : la dotation de solidarité urbaine ?
Vous avez également parlé de clarté. En ce domaine, nous avons du mal à apprécier les choses, puisque, en dépit de votre promesse, nous n'avons toujours pas les lois simples de transfert de compétences accompagné des transferts financiers correspondants. Certes, le discours de Rouen nous a tout de même donné quelques indications, mais, là, tout y est passé !
M. Nicolas About. Il fallait venir !
Mme Ségolène Royal. Pas un seul domaine n'a échappé à votre appétit décentralisateur : la formation, l'emploi, la santé, les handicapés, les routes, l'agriculture, le RMI, les prestations, le logement social, tout y passe ! (Mouvements divers.)
Mme Sylvia Bassot. Et alors ?
Mme Ségolène Royal. Ajoutez à cela une louche d'expérimentation et un zeste de dérogation, ...
M. Dominique Braye. C'est royal !
Mme Ségolène Royal. ... et vous aurez bien le « grand bazar » annoncé par Jean-Louis Debré. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Vous voulez des exemples ? Vous annoncez la décentralisation de la santé scolaire. Bonne idée ! Dans ce domaine, d'ailleurs, l'Etat n'a pas parfaitement rempli ses obligations, à en juger par le manque d'infirmières scolaires.
M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?
M. Nicolas About. Vous n'aviez pas de médecins scolaires à l'époque ! Pas un médecin ! Pas une infirmière !
M. Jean-Claude Abrioux. Vous avez été le plus mauvais ministre de l'enseignement scolaire !
Mme Ségolène Royal. Mais que faites-vous ? Vous décentralisez les assistantes sociales, mais pas les infirmières scolaires. Vous décentralisez, selon votre discours de Rouen, les médecins scolaires, mais vous confiez de nouveau à l'Etat toutes les campagnes de vaccination, dont les départements se chargent actuellement. C'est la pagaille ! Le « grand bazar » !
Autre exemple : l'assurance maladie. Vous annoncez que les régions vont désormais pouvoir financer les équipements hospitaliers. Mais quelles conséquences en tirez-vous sur l'assurance maladie ? Sur les inégalités entre les territoires ? Les malades devront-ils cavaler d'une région à l'autre pour aller dans l'hôpital le mieux doté ?
M. Nicolas About. Caricatural !
Mme Ségolène Royal. A ce propos, je vous rappelle que, dans notre pays, quatre régions détiennent à elles seules plus de la moitié de la richesse nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Il y aura donc celles qui pourront suréquiper leurs hôpitaux et celles qui ne le pourront pas. Pourra-t-on parler de proximité lorsque les malades devront se déplacer, lorsque les étudiants devront changer de région pour aller dans les universités les mieux équipées situées dans les régions qui auront le plus de moyens ?
D'autres exemples pourraient être pris, comme les routes. Vous décentralisez au niveau des départements les routes nationales sous prétexte de faire plaisir à quelques présidents de conseillers généraux. (Protestations sur plusieurs bancs.)
M. Jean-Pierre Abelin. C'est caricatural !
M. Marc-Philippe Daubresse. C'est un discours jacobin !
M. Nicolas About. Ce n'est pas digne du Congrès ! C'est un discours de préau d'école !
Mme Ségolène Royal. Mais que va-t-il se passer dans les départements les plus démunis - et nous sommes nombreux à être élus dans des départements dont le potentiel fiscal ne suffit déjà pas à sécuriser les routes départementales -, dont les travaux sont programmés à long terme et qui ne pourront avant de nombreuses années s'occuper des routes nationales ? Nous n'avons pas la réponse.
M. Jean-Pierre Abelin. Vous avez dirigé l'Etat pendant quinze ans !
Mme Ségolène Royal. Bref, dans ce « grand bazar », une seule chose est claire : tout le monde s'occupe de tout du moment que l'Etat peut réduire ses dépenses. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Ce n'est pas de décentralisation qu'il faut parler, mais de « débudgétisation », et au prix de quelle augmentation des impôts locaux ! Mais, monsieur Raffarin, il n'y a que vous pour croire que la baisse des impôts locaux suivra le mouvement de décentralisation. (Exclamations sur plusieurs bancs.)
M. Dominique Braye. Avec vous, ça ne risque pas d'arriver !
Mme Ségolène Royal. Et c'est là où la déception se double d'inquiétude : n'êtes-vous pas en train d'organiser l'insécurité territoriale ? (Exclamations sur plusieurs bancs.)
Mme Sylvia Bassot. Cela vous va bien !
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous parlez d'expérience !
Mme Ségolène Royal. Déjà, nous étions inquiets lors du débat parlementaire parce vous vous êtes obstiné à refuser d'inscrire dans la Constitution le principe d'égalité devant les services publics, le principe de compensation financière, enfin le principe de démocratie participative. Nous vous avons demandé en vain de mettre au point, à partir des besoins des collectivités territoriales, des transferts évolutifs qui permettent des remises à niveau et des rattrapages de certaines collectivités par rapport à d'autres.
M. Dominique Braye. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
Mme Ségolène Royal. Nous n'avons pas eu de réponse, si ce n'est une vague référence à la notion de péréquation et à celle d'autonomie fiscale. Mais, monsieur le Premier ministre, pour certains territoires, que veut dire l'autonomie fiscale lorsqu'il n'y a rien à taxer ? Cela veut dire plus d'inégalités en termes de ressources, donc en termes de développement.
M. Nicolas About. Vingt ans de socialisme ! La « génération Mitterrand » !
Mme Ségolène Royal. A nos yeux, ce qui « fait France » - et c'est finalement là que réside la différence entre nous -, ce sont des territoires diversifiés mais solidaires. Qu'il s'agisse de réussir à l'école, de se faire soigner, de se déplacer, de protéger son environnement ou de percevoir des prestations sociales, il faut organiser ces services dans les mêmes conditions sur tout le territoire. Cela s'appelle tout simplement la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. Nicolas About. On a vu depuis 1981 ! Bravo !
Mme Ségolène Royal. Vous faites miroiter une hausse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Sur ce projet, il y aurait beaucoup à dire, et je n'ai pas le temps de développer aujourd'hui. (Exclamations sur divers bancs.) Pourtant, monsieur le Premier ministre, je ne peux pas croire une seule seconde que vous n'ayez pas entendu M. le Président de la République à Johannesburg. Comment pouvez-vous dire aujourd'hui aux collectivités locales qu'elles bénéficieront d'une recette fiscale « dynamique », c'est-à-dire en augmentation, alors que, parallèlement, le chef de l'Etat s'est engagé, conformément à ce que la France a toujours déclaré, à réduire la consommation d'énergie fossile, donc à réduire la consommation d'essence, pour lutter contre l'effet de serre ?
M. Pascal Clément. Vous mélangez tout !
M. Marc-Philippe Daubresse. C'est un discours de pétroleuse !
Mme Ségolène Royal. Comment pouvez-vous promettre d'inscrire prochainement dans la Constitution la notion de développement durable, à l'opposé de laquelle s'inscrit votre réforme d'aujourd'hui ?
Pour finir, monsieur le Premier ministre, j'ai tout simplement envie de vous dire au nom du groupe socialiste : « Ressaisissez-vous ! » (Rires et exclamations sur plusieurs bancs.) Ne gâchez pas cette belle et grande idée de la décentralisation !
Mme Sylvia Bassot. Quelle arrogance !
M. Jean-Pierre Abelin. Quelle caricature !
Mme Ségolène Royal. Car, s'il s'agit d'améliorer réellement et concrètement la vie quotidienne des Français,...
M. Dominique Braye. Ils vous ont répondu le 21 avril !
Mme Ségolène Royal. ... s'il s'agit de concilier liberté et solidarité les uns envers les autres, s'il s'agit de mettre en avant la complémentarité entre des capacités d'action locale mieux affirmées et un Etat garant du bien commun, alors vous nous trouverez à vos côtés.
Mais si la réorganisation que vous proposez est le fait de l'idéologie,...
M. Pascal Clément. Vous pouvez parler !
Mme Ségolène Royal. ... c'est-à-dire moins d'Etat et plus de marché, vous comprendrez que les socialistes, farouchement attachés à une République solidaire, qui seule permet d'affronter les défis contemporains, ne puissent pas vous suivre.
M. Dominique Braye. Nous voici rassurés !
Mme Ségolène Royal. Dans l'attente concrète des lois de transfert, nous voterons contre la réforme que vous nous proposez aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président. Pour le groupe Union pour un mouvement populaire du Sénat, la parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons cet après-midi un temps fort de la Ve République. En effet, nous sommes appelés à voter une nouvelle révision constitutionnelle qui va au-delà d'un simple ajustement technique, car elle touche au fondement même des relations de l'Etat avec les territoires, avec la nation. Le principe général inspirant ces modifications figurera à l'article 1er de la Constitution, qui érigera de façon irréversible désormais la décentralisation comme principe fondamental de l'organisation de notre République. Cette transformation s'avère d'autant plus importante que la France a longtemps vécu dans une tradition centralisatrice, héritée tant de la monarchie que des républiques qui se sont succédé depuis plus de deux siècles.
Aujourd'hui, le processus de modernisation de la Ve République implique une évolution des relations entre l'Etat central et les collectivités territoriales. Il pourra prendre toute sa mesure grâce aux modifications qui nous sont proposées. Leur objectif n'est pas seulement d'instaurer entre l'Etat et ses territoires une nouvelle relation, mais plutôt de libérer les énergies susceptibles de dynamiser les réserves de créativité que recèlent nos régions, nos départements et nos communes.
Les sénateurs se félicitent que leur rôle constitutionnel de représentants des collectivités territoriales soit pleinement reconnu dans ce processus, qui va reformater les relations et les échanges entre l'Etat, les élus locaux et la population.
La force des textes qui nous sont soumis repose sur une constatation simple qui témoigne de la vitalité de la démocratie française. La démocratie ne se borne pas à appliquer des lois fixées une fois pour toutes. Elle consiste aussi à faire en sorte que les lois épousent les mutations sociales, économiques, culturelles de leur époque. Lorsque j'étais étudiant, je me souviens du titre d'un ouvrage qui avait frappé les esprits à l'époque, Paris et le désert français. Depuis cette époque lointaine, l'hypercentralisation parisienne a été quelque peu réduite. Aujourd'hui, quelques décennies après, sous l'effet des mesures de décentralisation déjà mises en oeuvre, et dont nous reconnaissons le bien-fondé et la portée, nous constatons que, loin de défaire la République, elle en a stimulé les capacités sans affaiblir d'aucune manière l'unité nationale.
Désormais, les collectivités territoriales, quel que soit leur niveau de compétence, pourront, en demeurant au contact permanent des préoccupations des populations, mieux orienter et mieux guider le développement harmonieux et équilibré des territoires. En ce sens, la modification constitutionnelle qui nous est soumise me paraît devoir être le couronnement d'une longue histoire positive, dont le résultat aura été, pour la population française, une amélioration de son niveau et de sa qualité de vie, ainsi que de sa participation démocratique.
Ce texte, monsieur le Premier ministre, répond à nos souhaits.
Je veux parler par exemple du principe d'interdiction d'exercice d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, principe qui complète la notion nouvelle de collectivité chef de file en excluant toute hégémonie et en instaurant une synergie créative. Je pense également aux modalités d'exercice du droit à l'expérimentation, et surtout à la reconnaissance constitutionnelle de la compensation financière dynamique des compétences créées ou transférées aux collectivités territoriales. Quel changement par rapport aux dotations de l'Etat décidées sans nous ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
Certains exemples récents, notamment celui du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, ...
M. Pascal Clément. Très bien !
M. Henri de Raincourt. ... nous conduisent à nous féliciter de l'inscription de cette règle dans notre loi fondamentale. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
J'avais envie de dire : enfin !
La réforme constitutionnelle que nous nous apprêtons à voter va permettre de renforcer une République plus fonctionnelle, plus proche et plus solidaire.
Une République plus fonctionnelle puisque l'Etat se concentrera davantage sur ses missions régaliennes. Une République moderne également, parce que de nouveaux espaces de liberté et de responsabilité vont s'ouvrir, grâce auxquels les élus locaux pourront explorer des voies inédites. Faisons confiance à leur imagination et à leur sens des responsabilités, déjà éprouvés depuis tant et tant de décennies.
Quant à l'expérimentation qui nous est proposée, elle ne saurait en aucune façon altérer les fondements de la République. Bien au contraire, elle permettra d'anticiper, puis de vérifier, pratiquement en temps réel, que les nouvelles compétences auront été transférées aux échelons les plus adaptés.
Une République plus moderne parce que la gestion au quotidien ne sera plus synonyme d'uniformité, mais favorisera au contraire le développement des spécificités. Cet appel à la pluralité, je le répète une fois encore, ne saurait nuire à l'unité de la République.
Dans le même ordre d'idée, la mise en application du principe de subsidiarité au sein des collectivités locales stimulera l'ingéniosité économique et sociale en rationalisant les processus de décision. En ouvrant de nouveaux droits constitutionnels à nos concitoyens comme le droit de pétition, le référendum local, la consultation, progrès considérables par rapport à ce qui existe - ou n'existe pas - aujourd'hui, c'est à l'évidence un rapprochement entre l'Etat, les élus et la population qui va s'opérer.
En recentrant l'Etat sur ses missions fondamentales, nous renforçons sa fonction de garant de l'égalité des chances entre les Français, son rôle d'arbitre et de régulateur. Nul doute qu'il en résultera une meilleure gestion et un service public meilleur. Ainsi redéployé, l'Etat aura plus d'autorité pour réduire les inégalités, assurer la solidarité entre les territoires et offrir aux Français plus de justice, plus de sécurité, plus de formation.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP du Sénat a décidé d'adopter cette révision constitutionnelle dont il attend avec beaucoup de confiance la mise en application. De même, nous sommes convaincus que nos concitoyens sauront en mesurer et apprécier toute l'ampleur dans leur vie de tous les jours.
En dernier lieu, je voudrais rappeler que la décentralisation, comme la démocratie, sont toujours à perfectionner. C'est pourquoi il y a en permanence de nouveaux chantiers à ouvrir. A l'issue du vote du Congrès, les étapes s'enchaîneront les unes après les autres ; et notre nouvel horizon nous porte au débat parlementaire qui va s'engager au 1er janvier 2004, date prévue pour la mise en oeuvre des premiers transferts de compétences et des premières expérimentations.
En attendant, l'année 2003, grâce à l'engagement du Président de la République et à votre détermination, monsieur le Premier ministre, restera dans l'histoire politique française comme l'année d'une nouvelle territorialité de la République et du printemps de l'Etat. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Pour le groupe Union pour la démocratie française de l'Assemblée nationale, la parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République s'inscrit tout simplement dans le cadre d'une nécessaire adaptation de nos institutions aux besoins de leur temps.
L'adoption de la Constitution de 1958 avait essentiellement pour objet de renforcer et de stabiliser les deux branches de l'exécutif, afin d'éviter les errements du régime précédent. Depuis, la construction progressive de l'Europe, l'interdépendance de nos économies, l'avènement d'une société de l'information ont rapidement mis en évidence la nécessité de rompre avec une vision traditionnellement centralisée du pouvoir.
Le général de Gaulle a été le premier à l'exprimer avec force, mais la coalition des conservatismes a ruiné la régionalisation qu'il avait audacieusement proposée. Sans doute a-t-il eu raison trop tôt... C'est seulement au lendemain de l'alternance politique de 1981 que furent votées, d'ailleurs à la hussarde, les lois de 1982, qui ont marqué une rupture avec le paysage administratif antérieur. Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que, grâce à ces nouveaux principes, les collectivités territoriales ont atteint l'âge de la maturité. Elles l'ont prouvé en participant à l'effort d'équipement du pays, en mettant en place de nouveaux services, tout en maîtrisant leur endettement et leur fiscalité.
Pourquoi une nouvelle étape de décentralisation est-elle aujourd'hui nécessaire ?
D'abord parce que la force des habitudes pousse les administrations centrales à tenter de récupérer subrepticement les attributions ou les moyens transférés : chassez le naturel, il revient au galop ! Trop longtemps, elles ont d'ailleurs voulu faire croire qu'elles étaient les seules dépositaires de l'intérêt général, alors que, nous le savons, les choses sont beaucoup plus nuancées.
Ensuite parce que le foisonnement des initiatives, l'exigence de proximité et de participation exprimée par nos concitoyens imposent désormais une nouvelle répartition des pouvoirs et des responsabilités. Les assises des libertés locales, organisées dans les régions métropolitaines et outre-mer, l'ont mis en évidence avec éclat.
Certes, la décentralisation n'est pas une fin en soi elle n'est qu'une technique, pour mieux assurer, aux côtés de l'Etat, le développement de notre société. Mais, aujourd'hui, elle est devenue un puissant levier de réforme. Au plan local, elle satisfait une administration de nature nouvelle, fondée sur la proximité et la responsabilité des élus et des services qu'ils dirigent. Ce n'est pas un hasard si - vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le Premier ministre - le maire est de loin l'élu le plus populaire de France. En tant qu'acteur et témoin de la vie de sa commune, il en assume immédiatement les succès comme les échecs.
Au plan national, la décentralisation favorisera indirectement une réforme de l'Etat toujours lente et douloureuse à mettre en oeuvre. Le Premier ministre ne s'y est pas trompé lorsqu'il déclarait à Rouen le 28 février dernier qu'elle aiderait l'Etat à « se concentrer sur ses responsabilités propres ».
Il n'y a en effet pas d'antagonisme entre Etat et décentralisation. Au contraire, il y a une complémentarité dans l'action. Les vrais décentralisateurs veulent un Etat non seulement régulateur des grands équilibres et des solidarités, mais aussi garant des missions régaliennes - sécurité, défense, justice - qu'il accomplit aujourd'hui imparfaitement. La dispersion n'est guère génératrice d'efficacité et d'économie. C'est pourquoi nous attendons beaucoup de la réflexion engagée depuis quelques mois et des transferts de compétences et de ressources que cette révision constitutionnelle permettra. Celle-ci se décompose en trois grands chapitres.
Le premier concerne l'organisation « décentralisée » de la République. Outre la reconnaissance constitutionnelle des régions, des collectivités à statut particulier et de l'ensemble des collectivités d'outre-mer, il comporte plusieurs principes nouveaux : la subsidiarité, qui conduira le législateur à favoriser, chaque fois que ce sera possible, une administration de proximité et la notion de chef de file qui, dans les actions conjointes, fréquentes, permettra à une collectivité de piloter l'ensemble, de jouer le rôle d'ensemblier. Reconnue timidement par le Conseil constitutionnel, l'expérimentation encadrée par la loi ou par le règlement, autorisera désormais à déroger, pendant une durée limitée, aux dispositions en vigueur. Même si ces principes peuvent paraître, en l'état, un peu abstraits à nos concitoyens, qui ont encore du mal à en percevoir la portée concrète, ils vont dans la bonne direction. L'unité n'est pas l'uniformité.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. Pierre Albertini. Notre aspiration à l'égalité ne saurait anéantir, par avance, la souplesse et les initiatives locales. La vision géométrique d'un grand jardin à la française est révolue - nous savons de quoi nous parlons, ici, à Versailles ! (Sourires.)
Le deuxième chapitre a trait à l'autonomie financière des collectivités locales. C'est évidemment celui qui mobilise le plus les élus, soucieux d'exercer leurs compétences avec les moyens financiers et fiscaux correspondant à la diversité - j'allais dire : à l'immensité - des sollicitations dont ils sont l'objet. Nos concitoyens, qui savent, eux, que l'argent sort toujours de la même poche, s'en soucient évidemment un peu moins. Le texte qui nous est proposé affirme le principe que les recettes fiscales et les ressources propres des collectivités territoriales représentent une part « déterminante » de leurs produits. Nous avions proposé le qualificatif « prépondérante », qui était à la fois plus précis et plus exigeant.
Par ailleurs, la correction des inégalités de richesse entre les collectivités devrait être effectuée par une « péréquation » à la fois horizontale et verticale, qui, en l'état actuel, demeure insuffisante. Il faut cependant convenir qu'au-delà des principes, c'est le contenu même des lois organiques ou ordinaires à venir qui donnera la vraie réponse aux questions qui agitent les élus locaux. Vous avez envisagé, monsieur le Premier ministre, de transférer aux collectivités une part de la TIPP. Mais l'assise de cette taxe peut-elle être territorialisée ? C'est une vraie question qui mérite d'être posée dès maintenant. A défaut, ne pourrait-on pas étudier un impôt local sur tous les revenus, à l'image de la CSG ?
M. Charles de Courson. Très bien !
M. Pierre Albertini. A cette incertitude, qui devrait être dissipée dans quelques mois, s'ajoute celle qui s'attache à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, appelé à fixer au fil des années le sens des dispositions générales dont nous débattons aujourd'hui.
Enfin, le troisième chapitre, qui est à mon sens le plus moderne, introduit dans notre Constitution de nouveaux mécanismes de participation. Le droit de pétition, le référendum, jusqu'ici étroitement limité par l'article 11 de la Constitution, la consultation, à l'initiative des collectivités elles-mêmes ou du Président de la République s'agissant de l'outre-mer, constituent des innovations intéressantes. Toute la question est cependant de savoir si elles seront ou non utilisées ultérieurement, car, jusqu'à présent, l'élargissement du référendum, réalisé en 1995, est resté, il faut bien l'avouer, assez virtuel. Quoi qu'il en soit, l'initiative locale, désormais reconnue, devrait permettre de s'interroger sur la pertinence des limites territoriales des collectivités. En Normandie, par exemple, nous espérons bien donner la parole aux électeurs pour qu'ils se prononcent sur le format de leurs deux régions, à mon sens injustement séparées en 1955. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Même si le visage de la France décentralisée ne sera dessiné que par les lois à venir, la révision constitutionnelle va dans le bon sens. Mais la réussite de la décentralisation me conduit à évoquer, pour terminer, deux conditions supplémentaires.
La décentralisation doit être compréhensible par les Français. Ils doivent se l'approprier, car elle est faite pour eux, et non pour les élus ou pour les fonctionnaires. Or, jusqu'à présent, le débat est resté quelque peu hermétique. Dans votre discours de Rouen, monsieur le Premier ministre, vous avez tracé des perspectives. Elles méritent d'être encore expliquées et illustrées dans les mois à venir. A l'enchevêtrement des compétences et des financements, inévitable dans toute société complexe, doit se substituer une perception claire des responsabilités et des vocations principales des collectivités territoriales. Or, aujourd'hui, ce repérage élémentaire fait défaut.
Vous travaillez à structures territoriales constantes : commune, intercommunalité, département, région. Cela n'est pas, en soi, un handicap si chacun de ces niveaux a la capacité humaine, logistique et financière de répondre aux défis. Or nous pouvons en douter. C'est pourquoi toutes les incitations à la coopération, au partenariat et au regroupement, sur la base de projets de développement acceptés, doivent être multipliées. Nous avons besoin d'entités administratives puissantes et, en même temps, d'un maillage fin de services de proximité. Cette double exigence correspond, en milieu rural comme en milieu urbain, aux aspirations des Français. Elle conditionne la performance, la compétitivité et l'équilibre des territoires et des hommes. Mes chers collègues, l'UDF apportera toute sa contribution à ce débat. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé les explications de vote.

Vote

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
J'invite Mme et MM. les secrétaires du bureau qui sont chargés de la surveillance d'un bureau de vote à rejoindre dès maintenant celui-ci afin que nous puissions passer au vote sur le projet de loi constitutionnelle.
Je rappelle que, comme pour le scrutin précédent, le scrutin aura lieu dans les salles situées à proximité de l'hémicycle et sera ouvert pour quarantes minutes.
Le scrutin est ouvert.
Je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise vers dix-neuf heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin sur le projet de loi constitutionnelle :

Nombre de votants 873
Nombre de suffrages exprimés 862
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi constitutionnelle, soit les trois cinquièmes des suffrages exprimés 518
Pour l'adoption 584
Contre 278

Le Congrès a adopté. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, approuvé à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sera transmis à M. le Président de la République.

6


CLÔTURE DE LA SESSION DU CONGRÈS

M. le président. Le Congrès a épuisé l'ordre du jour pour lequel il avait été convoqué.
Je déclare close la session du Congrès du Parlement.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
La Directrice du service
du compte rendu intégral du Sénat,
MONIQUE MUYARD
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 17 mars 2003
SCRUTIN PUBLIC N° 1


sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêteuropéen.

Nombre de votants :
880
Nombre de suffrages exprimés :
875
Majorité requise :
525

(3/5 des suffrages exprimés)

Pour l'adoption
826
Contre
49

Le Congrès a adopté

ANALYSE DU SCRUTIN

I. - ASSEMBLÉE NATIONALE
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (363) :
Pour : 354. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d'Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson (69), Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Alain Cousin, Jean-Yves Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Marc Francina, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Armand Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean-Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Étienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard,, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Eric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Jean-Marie Rolland, Vincent Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, François-Xavier Villain, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
Abstentions : 3. - MM. Jean-Jacques Guillet, Jacques Myard et Philippe Pemezec.
Non-votants : 6. - MM. Pierre Cardo, Jean-Louis Debré (président du Congrès), Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Antoine Leonetti, Alain Madelin et Gérard Weber.
Groupe socialiste (148) :
Pour : 147. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mme Nathalie Gautier, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Non-votant : 1. - Mme Catherine Génisson.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Pour : 28. -  MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Christian Blanc, Bernard Bosson, Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvan Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
Abstention : 1. - M. Philippe Folliot.
Non-votant : 1. - Mme Anne-Marie Comparini.
Groupe communistes et républicains (21) :
Contre : 21. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Députés n'appartenant à aucun groupe (11) :
Pour : 5. - MM. Patrick Balkany, Gérard Charasse, Eric Jalton, Alfred Marie-Jeanne et Emile Zuccarelli.
Contre : 3. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard et M. Yves Cochet.
Non-votants : 3. - MM. Noël Mamère, Joël Sarlot et Philippe de Villiers.
II. - SÉNAT
Groupe Union pour un mouvement populaire (166) :
Pour : 163. - MM. Nicolas About, Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, José Balarello, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Claude Belot, Daniel Bernardet, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jean Bizet, Paul Blanc, Jacques Blanc, Joël Bourdin, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Guy Branger, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Marcel-Pierre Cleach, Jean Clouet, Christian Cointat, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Robert Del Picchia, Christian Demuynck, Gérard Dériot, Eric Doligé, Jacques Dominati, Michel Doublet, Paul Dubrule, Alain Dufaut, André Dulait, Ambroise Dupont, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Jean Faure, André Ferrand, Hilaire Flandre, Gaston Flosse, Alain Fouché, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Serge Franchis, Philippe François, Jean François-Poncet, Yves Fréville, Yann Gaillard, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, André Geoffroy, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Michel Guerry, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre Hérisson, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Jean-Jacques Hyest, Pierre Jarlier, Jean-Marc Juilhard, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher, André Lardeux, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Serge Lepeltier, Philippe Leroy, Marcel Lesbros, Gérard Longuet, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Roland du Luart, Mme Brigitte Luypaert, MM. Max Marrest, Philippe Marini, Pierre Martin, Serge Mathieu, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Luc Miraux, René Monory, Dominique Mortemousque, Georges Mouly, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Mme Monique Papon, MM. Michel Pelchat, Jean Pépin, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Christian Poncelet, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Jean Puech, Henri de Raincourt, Victor Reux, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Philippe Richert, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Bruno Sido, Louis Souvet, Michel Thiollière, Henri Torre, René Tregouët, André Trillard, François Trucy, Maurice Ulrich, Jacques Valade, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, Xavier de Villepin, Serge Vinçon et Jean-Paul Virapoullé.
Abstention : 1. - M. Emmanuel Hamel.
Non-votants : 2. - MM. Jean-Louis Masson et Jacques Peyrat.
Groupe socialiste (83) :
Pour : 81. - Mme Michelle André, MM. Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, Jean Besson (26), Mme Marie-Christine Blandin, M. Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Claude Lise, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal et Henri Weber.
Contre : 1. - M. Michel Charasse.
Non-votant : 1. - M. Roger Lagorsse.
Groupe Union centriste (27) :
Pour : 27. - MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, Claude Biwer, Maurice Blin, Mme Annick Bocandé, MM. Didier Borotra, Jean Boyer, Marcel Deneux, Yves Detraigne, Jean-Léonce Dupont, Pierre Fauchon, Mme Françoise Férat, M. Christian Gaudin, Mmes Gisèle Gautier, Jacqueline Gourault, MM. Marcel Henry, Joseph Kerguéris, Mme Valérie Letard, MM. Michel Mercier, Louis Moinard, Philippe Nogrix, Mme Anne-Marie Payet, MM. Daniel Soulage, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto.
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Contre : 23. - MM. François Autain, Jean-Yves Autexier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Paul Loridant, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Yvan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès.
Groupe R.D.S.E. (17) :
Pour : 17. - MM. Nicolas Alfonsi, Gilbert Barbier, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Ernest Cartigny, Yvon Collin, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Bernard Joly, Pierre Laffitte, Dominique Larifla, Aymeri de Montesquiou, Georges Othily, Jacques Pelletier et André Vallet.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 4. - M. Philippe Adnot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Bernard Seillier et Alex Türk.
Contre : 1. - M. Philippe Darniche.

SCRUTIN PUBLIC N° 2


sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.

Nombre de votants :
873
Nombre de suffrages exprimés :
862
Majorité requise :
518

(3/5 des suffrages exprimés)

Pour l'adoption
584
Contre
278

Le Congrès a adopté

ANALYSE DU SCRUTIN

I. - ASSEMBLÉE NATIONALE
Groupe de l'Union pour un mouvement populaire (363) :
Pour : 354. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, Philippe Auberger, François d'Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Alain Cousin, Jean-Yves Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Marc Francina, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Daniel Mach, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Armand Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Étienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Eric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Jean-Marie Rolland, Vincent Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah  Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
Abstentions : 3. - MM. Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Myard et François-Xavier Villain.
Non-votants : 6. - MM. René André, Jean-Louis Debré (président du Congrès), Arnaud Lepercq, Lionnel Luca, Alain Madelin et Michel Roumegoux.
Groupe socialiste (148) :
Pour : 2. - MM. Paul Giacobbi et Simon Renucci. Contre : 143. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mme Nathalie Gautier, Joël Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Non-votants : 3. - Mme Catherine Génisson, MM. Jack Lang et Guy Lengagne.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
Pour : 25. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Christian Blanc, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvan Lachaud, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Jean-Luc Préel, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas et Francis Vercamer.
Abstentions : 5. - M. Philippe Folliot, Jean-Christophe Lagarde, Nicolas Perruchot, François Rochebloine et Gérard Vignoble.
Groupe communistes et républicains (21) :
Contre : 21. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Députés n'appartenant à aucun groupe (11) :
Pour : 3. - MM. Patrick Balkany, Eric Jalton et Philippe de Villiers.
Contre : 6. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Yves Cochet, Noël Mamère, Alfred Marie-Jeanne et Emile Zuccarelli.
Abstention : 1. - M. Gérard Charasse.
Non-votant : 1. - M. Joël Sarlot.
II. - SÉNAT
Groupe Union pour un mouvement populaire (166) :
Pour : 154. - MM. Nicolas About, Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, José Balarello, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Claude Belot, Daniel Bernardet, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jean Bizet, Paul Blanc, Jacques Blanc, Joël Bourdin, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Guy Branger, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Marcel-Pierre Cleach, Jean Clouet, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Gérard Dériot, Eric Doligé, Jacques Dominati, Michel Doublet, Paul Dubrule, Alain Dufaut, André Dulait, Ambroise Dupont,Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Jean Faure, Hilaire Flandre, Gaston Flosse, Alain Fouché, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Serge Franchis, Philippe François, Jean François-Poncet, Yves Fréville, Yann Gaillard, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, André Geoffroy, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Paul Girod, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, MM. Pierre Hérisson, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Jean-Jacques Hyest, Pierre Jarlier, Jean-Marc Juilhard, Roger Karoutchi, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher, André Lardeux, Patrick Lassourd, Robert Laufoaulu, René-Georges Laurin, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Serge Lepeltier, Philippe Leroy, Marcel Lesbros, Gérard Longuet, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Roland du Luart, Mme Brigitte Luypaert, MM. Max Marrest, Philippe Marini, Pierre Martin, Serge Mathieu, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Luc Miraux, René Monory, Dominique Mortemousque, Georges Mouly, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Mme Monique Papon, MM. Michel Pelchat, Jean Pépin, Jacques Peyrat,Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Christian Poncelet, Ladislas Poniatowski, André Pourny, Jean Puech, Henri de Raincourt, Victor Reux, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Philippe Richert, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Jean-Pierre Schosteck, Bruno Sido, Louis Souvet, Michel Thiollière, Henri Torre, René Tregouët, André Trillard, François Trucy, Maurice Ulrich, Jacques Valade, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, Serge Vinçon et Jean-Paul Virapoullé.
Contre : 1. - M. Emmanuel Hamel.
Abstention : 1. - M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Non-votants : 10. - MM. Christian Cointat, Robert Del Picchia, Christian Demuynck, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, André Ferrand, Michel Guerry, Jean-Philippe Lachenaud, Jean-Louis Masson et Xavier de Villepin.
Groupe socialiste (83) :
Contre : 82. - Mme Michelle André, MM. Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, Jean Besson (26), Mme Marie-Christine Blandin, M. Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Claude Lise, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal et Henri Weber.
Non-votant : 1. - M. Roger Lagorsse.
Groupe Union centriste (27) :
Pour : 27. - MM. Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, Claude Biwer, Maurice Blin, Mme Annick Bocandé, MM. Didier Borotra, Jean Boyer, Marcel Deneux, Yves Detraigne, Jean-Léonce Dupont, Pierre Fauchon, Mme Françoise Férat, M. Christian Gaudin, Mmes Gisèle Gautier, Jacqueline Gourault, MM. Marcel Henry, Joseph Kerguéris, Mme Valérie Letard, MM. Michel Mercier, Louis Moinard, Philippe Nogrix, Mme Anne-Marie Payet, MM. Daniel Soulage, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto.
Groupe communiste républicain et citoyen (23) :
Contre : 23. - MM. François Autain, Jean-Yves Autexier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Paul Loridant, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Yvan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès.
Groupe R.D.S.E. (17) :
Pour : 14. - MM. Gilbert Barbier, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Ernest Cartigny, Yvon Collin, Fernand Demilly, Rodolphe Désiré, Bernard Joly, Pierre Laffitte, Dominique Larifla, Aymeri de Montesquiou, Georges Othily, Jacques Pelletier et André Vallet.
Contre : 2. - M. Nicolas Alfonsi et Gérard Delfau.
Abstention : 1. - M. François Fortassin.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 5. - MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Bernard Seillier et Alex
Türk.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 19, alinéa 2,
du Règlement du Congrès du Parlement)

MM. Arnaud Lepercq et Michel Roumegoux, réputés non votants, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter "pour.
MM. Christian Cointat, Robert Del Picchia, Christian Demuynck, Louis Duvernois, André Ferrand, Michel Guerry et Xavier de Villepin, réputés non votants, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter "pour.


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