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N° 556

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2024.

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]), CHARGÉE D’EXAMINER LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

portant réforme du financement de l’audiovisuel public

 

 

 

Par MDenis MASSÉGLIA,

Rapporteur

 

 

 

——

 

 

Voir les numéros :

 Sénat :   720 (2023‑2024), 40, 41 et T.A. 12 (2024‑2025).

 Assemblée nationale :  482.

 

La commission spéciale est composée de :

Mme Sophie Taillé-Polian, présidente ;

M. Bruno Clavet, Mme Virginie Duby-Muller, M. Emmanuel Grégoire, M. Jérémie Patrier-Leitus, vice-présidents ;

M. Charles de Courson, M. Bartolomé Lenoir, Mme Sophie Mette, M. Aurélien Saintoul, secrétaires ;

M. Denis Masséglia, rapporteur

Mme Nadège Abomangoli, M. Gabriel Attal, Mme Clémentine Autain, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Pascale Bay, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellay, Mme Aurore Bergé, M. Jean-Didier Berger, M. Philippe Bonnecarrère, M. Mickaël Bouloux, Mme Soumya Bourouaha, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Céline Calvez, Mme Eléonore Caroit, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Sébastien Chenu, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, M. Alexandre Dufosset, M. Emmanuel Duplessy, Mme Mathilde Feld, M. Philippe Gosselin, M. Jérôme Guedj, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Céline Hervieu, M. Jérémie Iordanoff, M. Laurent Jacobelli, M. Vincent Jeanbrun, Mme Florence Joubert, M. Jean Laussucq, Mme Constance Le Grip, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, M. David Magnier, Mme Hanane Mansouri, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, Mme Naïma Moutchou, M. Thierry Perez, M. Frédéric Petit, Mme Anna Pic, Mme Béatrice Piron, Mme Isabelle Rauch, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Anaïs Sabatini, M. Nicolas Sansu, M. Arnaud Sanvert, M Bertrand Sorre, M. Thierry Sother, M. Aurélien Taché, M. Michaël Taverne, M. Thierry Tesson, M. Stéphane Travert, M. Paul Vannier, Mme Estelle Youssouffa.

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

commentaire des articles

Article 1er Affectation directe du montant déterminé d’une imposition de toute nature aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle

Article 2 (suppression maintenue) Institution d’un prélèvement sur recettes en faveur de la Chaîne culturelle européenne

Article 3 (suppression maintenue) Gage financier

Travaux de la commission spéciale

EXAMEN DES ARTICLES

Annexe : liste des personnes entendues par la commission spéciale

 

 

 

 


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   avant-propos

une adoption sans modification de la proposition de loi organique, adoptée par le sénat, portant RÉFORME DU FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC est nécessaire pour éviter, au 1er janvier 2025, un financement de ce secteur par des crédits budgétaires

L’audiovisuel public, qui se compose de cinq sociétés (Arte France, France Médias Monde, France Télévisions, Radio France et TV5 Monde) et d’un établissement public industriel et commercial (l’Institut national de l’audiovisuel – INA), est confronté à une situation d’urgence financière.

Depuis trois ans, à la suite de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP, antérieurement connue sous le nom de « redevance audiovisuelle ») par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, ce secteur est principalement financé par l’affectation d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cependant, à droit organique constant, ce mode de financement ne pourra pas être reconduit en 2025. Dans cette perspective, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a prévu à hauteur de 4 029,13 millions d’euros un financement de l’audiovisuel public par une mission budgétaire classique (la mission Audiovisuel public) ce qui suscite des inquiétudes au regard de la nécessaire indépendance de ce secteur.

La création de cette mission budgétaire a été présentée comme étant temporaire dans l’attente d’une possible modification de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) devant permettre un financement durable de l’audiovisuel public par l’affectation à son profit d’une fraction ou d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature. Dans cette perspective, le PLF pour 2025 a maintenu l’existence du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public qui retrace, depuis 2006, les ressources affectées à ce secteur par le biais de la CAP (jusqu’en 2021) puis, depuis 2022, par l’affectation d’un montant déterminé de TVA. Ce compte de concours financiers, qui n’est pour l’instant – et logiquement – doté d’aucun crédit, pourrait retracer les ressources correspondant au montant de l’imposition de toute nature appelé à être affecté aux entités de l’audiovisuel public en cas de modification de la Lolf.

Après une première tentative inaboutie de réforme de ce texte par l’Assemblée nationale au printemps 2024 ([2]), le Sénat a adopté  à la quasi-unanimité ([3])  le 23 octobre 2024 une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public faisant suite au dépôt, le 10 juillet 2024, d’une proposition de loi organique par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues ([4]). La procédure accélérée a été engagée sur ce texte par le Gouvernement le 2 octobre 2024. La proposition de loi organique adoptée par le Sénat modifie l’article 2 de la Lolf pour permettre l’affectation directe d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature  c’est-à-dire l’affectation directe d’ « un prélèvement perçu par voie d’autorité au profit de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public » ([5])  aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle.

Le 15 octobre 2024, l’Assemblée nationale a décidé de créer une commission spéciale chargée d’examiner ce texte, laquelle a tenu sa réunion constitutive le 5 novembre 2024 puis a organisé des auditions les 6, 7 et 12 novembre 2024. Les travaux de la commission spéciale ont pris place dans un calendrier parlementaire particulièrement contraint puisque, pour être effective en 2025 sans encourir de risque juridique, la proposition de loi organique doit être définitivement adoptée par le Parlement, examinée par le Conseil constitutionnel ([6]) puis promulguée avant l’achèvement de la première lecture du PLF pour 2025 par le Sénat. À défaut, le Parlement ne serait pas certain de pouvoir mettre ce texte en cohérence avec la Lolf ainsi modifiée ([7]). Lors de son audition, Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, a considéré que la promulgation de la PPLO devait intervenir fin novembre 2024 au plus tard.

Dans ce contexte particulier, dans le prolongement du souhait exprimé unanimement par les dirigeants de l’audiovisuel public auditionnés le 7 novembre 2024 et conformément à la recommandation de son rapporteur, la commission spéciale a adopté sans modification la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, en dépit de certains ajustements  mineurs néanmoins qui auraient pu être apportés à la rédaction retenue par le Sénat ([8]). En revanche, des mesures de nature non organique pourraient accompagner la mise en œuvre de ce texte afin de renforcer l’indépendance financière de l’audiovisuel public.


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   commentaire des articles

 

Adopté par la commission sans modification

 

Le présent article autorise l’affectation directe d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle (Arte France, France Médias Monde, France Télévisions, INA, Radio France et TV5 Monde).

Le Sénat a modifié la rédaction initiale de l’article 1er notamment en limitant la source du financement affecté à une imposition de toute nature et non, comme envisagé à l’origine, à plusieurs impositions de toutes natures.

  1.   le droit en vigueur
    1.   Depuis 2022 et la suppression de la CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC, LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC REPOSe principalement, mais de manière non exclusive, SUR L’AFFECTATION D’UN montant DE TVA
      1.   La redevance audiovisuelle puis la contribution à l’audiovisuel public, au centre du financement de l’audiovisuel public jusqu’en 2021

Instituée en 1933 pour financer les dépenses de la radiodiffusion puis étendue en 1949 aux récepteurs de télévision, la redevance audiovisuelle, a été supprimée – sous sa nouvelle dénomination, en vigueur depuis 2009 ([9]), de contribution à l’audiovisuel public – par l’article 6 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022. Cette mesure, destinée à redonner du pouvoir d’achat aux redevables, a accompagné la suppression de la taxe d’habitation à laquelle le recouvrement de la CAP était adossé.

En 2021, dernière année d’existence de la CAP, ses principales caractéristiques étaient les suivantes :

– 60 000 entreprises (essentiellement du secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration) et 27,61 millions de foyers étaient assujettis à son paiement ; un cinquième de ces foyers (soit 4,63 millions de foyers) bénéficiaient cependant d’un dégrèvement compensé aux entités concernées par le budget de l’État ;

– le montant de la CAP s’établissait à 138 euros dans l’hexagone et à 88 euros dans les outre-mer ;

– le produit brut de la CAP représentait 3 217 millions d’euros, dont 107 millions d’euros perçus auprès des professionnels et 3 110 millions d’euros perçus auprès des particuliers. Son produit net s’élevait à 3 188 millions d’euros ; l’écart entre les encaissements bruts et nets résultant du prélèvement opéré par l’État au titre des frais d’assiette et de recouvrement ([10]) ;

– les sommes nettes perçues au titre de la CAP étaient versées aux entités de l’audiovisuel public par l’entremise du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public institué par l’article 46 (VI) de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

Si le mode de financement de l’audiovisuel public reposait principalement sur la CAP, il s’appuyait aussi sur les ressources propres de ces sociétés et établissement ainsi que sur des ressources publiques complémentaires. Chaque année, l’État compensait les dégrèvements de CAP et l’éventuel décalage entre le montant prévisionnel de la CAP et les recettes effectivement collectées. En 2021, une dépense de 531 millions d’euros avait été engagée sur ce fondement. Par ailleurs, l’État a pu ponctuellement souscrire des augmentations de capital en faveur des sociétés de l’audiovisuel public. France Télévisions a par exemple bénéficié d’une augmentation de capital en 2020 (17 millions d’euros) ([11]) et 2021 (15,2 millions d’euros) ([12]) tout comme Radio France en 2020 (17,7 millions d’euros) ([13]) et 2021 (18,54 millions d’euros) ([14]). Jusqu’en 2019, l’État a également compensé à France Télévisions la suppression de la publicité entre 20 heures et six heures ([15]). Enfin, en 2021, l’État a mobilisé 68 millions d’euros en faveur des six entités de l’audiovisuel public dans le cadre du plan de relance ([16]).

  1.   Le versement d’une fraction du produit de la TVA depuis 2022

Pour compenser la perte de recettes pour l’audiovisuel public induite par la suppression de la CAP, l’article 6 de la loi de finances rectificative précitée a prévu, dès l’exercice 2022, l’affectation d’une fraction du produit de la TVA au bénéfice des six entités de ce secteur. Cette mesure respectait le cadre alors posé par l’article 2 de la Lolf qui autorisait l’affectation directe à un tiers d’une imposition de toute nature (comme la TVA) « à raison des missions de service public [lui étant] confiées ».

Saisi pour apprécier la conformité à la Constitution de la suppression de la CAP et de l’affectation d’une fraction de la TVA, le Conseil constitutionnel en a validé le principe sous réserve que le montant attribué chaque année par la loi de finances à l’audiovisuel public permette à ce secteur « d’exercer les missions de service public qui [lui] sont confiées ». Cette exigence de moyens vise à assurer le bon exercice de « la libre communication des pensées et des opinions » protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([17]).

La fraction de TVA affectée en 2022 à l’audiovisuel public (3 585 millions d’euros) répondait à cette condition. Ce mode de financement a été reconduit en 2023 (à hauteur de 3 815,71 millions d’euros) ([18]) et en 2024 (à hauteur de 4 026,73 millions d’euros) ([19]).

À l’instar de la CAP, l’affectation d’une fraction de TVA constitue la principale ressource de l’audiovisuel public. En 2023, les versements effectués depuis le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public ont ainsi représenté 67 % des ressources de TV5 Monde, 70 % des ressources de l’INA, 84 % des ressources de Radio France, près de 85 % du chiffre d’affaires diffuseur de France Télévisions, 95 % des ressources de France Médias Monde et 98,7 % des ressources d’Arte France ([20]).

En complément, d’autres ressources publiques ont été apportées depuis 2022 à l’audiovisuel public. L’État a ainsi souscrit de nouvelles augmentations de capital en faveur de France Télévisions (à hauteur de 49,4 millions d’euros) ([21]), de Radio France (à hauteur de 22,9 millions d’euros) ([22]) et de France Médias Monde (à hauteur de 1,6 million d’euros) ([23]). Des crédits budgétaires ont par ailleurs été versés dans le cadre du plan de relance. L’INA a par exemple bénéficié de 22 millions d’euros au titre de la rénovation énergétique de ses bâtiments. À l’inverse, aucune ressource n’a pour l’heure été enregistrée dans le cadre du dispositif ouvert par l’article 162 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 de remboursement des avances accordées à l’audiovisuel public pour soutenir des actions de transformation ([24]).

Le secteur de l’audiovisuel public bénéficie également toujours de ressources propres liées à la publicité, aux recettes commerciales, aux activités de valorisation ou de formation ; l’ampleur de ces ressources propres dépendant du modèle économique de chaque établissement.

L’affectation, depuis 2022, d’une fraction du produit de la TVA à l’audiovisuel public constitue comme précédemment par le biais de la CAP – le mode de financement principal, mais non exclusif, de ce secteur. À droit organique constant, ce mode de financement ne pourra cependant pas être reconduit à compter du 1er janvier 2025.

  1.   à droit organique constant, l’affectation, totale ou partielle, d’une imposition de toute nature, en faveur de l’audiovisuel public ne peut pas être prolongée au-delà du 31 décembre 2024
    1.   La dernière révision de la Lolf a conduit à un encadrement strict des possibilités d’affectation à des tiers d’impositions de toutes natures

Comme cela avait été souligné lors de l’examen au Parlement du projet de loi de finances rectificative pour 2022, l’affectation d’une fraction de TVA en faveur de l’audiovisuel public ne pouvait être, à droit organique constant, qu’une solution temporaire ne pouvant perdurer au-delà du 31 décembre 2024.

En effet, l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a modifié à compter du dépôt du PLF pour 2025 les conditions d’affectation d’une imposition de toute nature à un tiers autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale mentionnés à l’article 2 de la Lolf.

Alors qu’antérieurement une telle affectation était possible « à raison des missions de service public […] confiées » à un tiers (cf. supra), la nouvelle rédaction de l’article 2 subordonne, à compter du dépôt du PLF pour 2025, l’affectation à un tiers (autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale) d’une imposition de toute nature établie au profit de l’État au respect des trois conditions cumulatives suivantes : l’existence d’une personnalité morale ; l’exercice par le bénéficiaire d’une mission de service public ; l’existence d’un lien entre la mission financée et l’imposition affectée ([25]). Cependant, si l’audiovisuel public satisfait les deux premières conditions – les six entités le composant sont dotées de la personnalité morale et exercent une mission de service public –, il ne satisfait en revanche pas la dernière puisqu’aucun lien n’existe entre leurs missions de services publics et la TVA.

Conscients du caractère temporaire du mode de financement institué en 2022, plusieurs parlementaires ont déposé des propositions de loi organique visant à en assurer la pérennisation ou à en modifier le contenu.

Le 25 juillet 2022, M. le député Bruno Studer a déposé une proposition de loi organique visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public en instituant un « prélèvement sur les recettes de l’État au profit des entreprises qui bénéficiaient jusque-là de la CAP » ([26]).

Le 6 juin 2023, MM. Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, députés, ont déposé une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public autorisant l’affectation directe d’impositions de toutes natures aux organismes de l’audiovisuel public et instituant un prélèvement sur recettes en faveur d’Arte France ([27]).

Le 10 mai 2024, MM. Quentin Bataillon, Bruno Studer et Jean-Jacques Gaultier ont déposé une proposition de loi organique relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public. Le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée sur ce texte et une commission spéciale avait été constituée à l’Assemblée nationale pour l’examiner avant de voir ses travaux être interrompus par la dissolution décidée le 9 juin 2024 (cf. supra).

Le 10 juillet 2024, M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues sénateurs ont déposé une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public ([28]).

Le 20 juillet 2024, Mme la députée Constance Le Grip a déposé une proposition de loi organique relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public dans le but de financer l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public par un prélèvement sur recettes ([29]).

Par ailleurs, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, plusieurs parlementaires ont proposé d’instituer une forme rénovée de CAP ([30]).

  1.   Dans l’attente d’une modification de la Lolf, une mission budgétaire classique a été prévue dans le projet de loi de finances pour 2025

L’évolution des modalités de financement de l’audiovisuel public revêt un caractère d’urgence auquel la proposition de loi organique adoptée par le Sénat permet de répondre sous réserve que son adoption définitive intervienne dans un délai très resserré.

Dans l’hypothèse où ce délai ne serait pas respecté, le PLF pour 2025 comprend une mission Audiovisuel public ayant vocation à assurer le financement des entités de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires. Le projet annuel de performances de cette mission indique cependant que cette initiative « ne préempte pas d’éventuelles modifications du cadre organique visant à définir un mode de financement alternatif pour le secteur qui serait décidé par le Parlement » ([31]).

Dans cette perspective, le PLF pour 2025 maintient le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, sans toutefois le doter de crédits à ce stade.

  1.   les MOdifications apportées par le Sénat
    1.   les dispositions de la proposition de loi organique initiale : le financement de la majorité des entités de l’audiovisuel public par l’affectation d’impositions de toutes natures

La proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public déposée par M. Cédric Vial et plusieurs de ses collègues vise à assurer le financement de France Médias Monde, de France Télévisions, de l’INA, de Radio France et de TV5 Monde par l’affectation d’impositions de toutes natures, et à financer Arte France au moyen d’un prélèvement sur recettes.

L’article premier de la proposition de loi organique initiale modifie l’article 2 de la Lolf afin d’autoriser l’affectation d’impositions de toutes natures en faveur des « organismes de l’audiovisuel public ». Si l’article premier ne vise pas expressément la TVA mais « les impositions de toutes natures », l’exposé des motifs de ce texte mentionne bien l’affectation d’une partie du produit de cette taxe à l’audiovisuel public ([32]).

La proposition de loi organique aligne la situation de l’audiovisuel public sur celle des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des organismes de sécurité sociale qui, aux termes de l’article 2 de la Lolf, peuvent recevoir tout ou partie du produit d’une imposition de toute nature sans justifier d’un lien entre cette imposition et les missions de service public qui leur sont confiées. La perception de cette recette suppose simplement de respecter trois conditions figurant aux articles 2 (paragraphe III), 34 et 51 de la Lolf.

La condition posée à l’article 2 (paragraphe III) prévoit que « l’affectation, totale ou partielle, à un tiers d’une ressource établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de finances ».

La condition posée à l’article 34 prévoit (au 5° bis du I) que la première partie de la loi de finances « présente la liste et le produit prévisionnel de l’ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décide, le cas échéant, d’attribuer totalement ou partiellement ce produit à l’État ».

La condition posée à l’article 51 de la Lolf prévoit (au 1° bis) que le PLF comporte « une annexe explicative récapitulant les dispositions relatives aux règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures adoptées depuis le dépôt du projet de loi de finances de l’année précédente. Cette annexe précise, pour chacune de ces dispositions, la loi qui l’a créée, son objet, la période pendant laquelle il est prévu de l’appliquer et son effet, pour l’année de son entrée en vigueur et les trois années suivantes, sur les recettes : a) De l’État ; b) Des collectivités territoriales ; c) Des tiers, autres que les organismes de sécurité sociale, bénéficiaires d’une ou de plusieurs impositions de toutes natures affectées ».

  1.   Les dispositions adoptées par le sénat : le financement de l’ensemble de l’audiovisuel public par l’affectation d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature envisagé sous la forme de l’affectation d’un montant de TVA

Le 23 octobre 2024, le Sénat a adopté la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public après avoir modifié le contenu de l’article premier et supprimé les articles 2 et 3 de ce texte.

Les modifications apportées visent pour l’essentiel à financer l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public, y compris Arte France, par l’affectation directe d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature entendue comme l’affectation directe d’un montant de TVA.

L’article premier de la proposition de loi organique prévoit dorénavant qu’« un montant déterminé d’une imposition de toute nature peut, sous les mêmes réserves, être directement affecté aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ».

Cette rédaction diffère en trois points de celle figurant dans le texte organique déposé par M. Vial et plusieurs de ses collègues. Le Sénat a ainsi apporté deux restrictions et une précision à la rédaction initiale.

La première restriction apportée concerne l’étendue des ressources susceptibles d’être apportées à l’audiovisuel public. Ainsi, alors que le texte de M. Vial permettait, en alignant la situation de l’audiovisuel public sur celle des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des organismes de sécurité sociale, de financer ce secteur par l’affectation d’impositions de toutes natures, le Sénat n’autorise plus que l’affectation « d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature ». Le pluriel est devenu un singulier. Il en résulte que les entités de l’audiovisuel public ne pourraient pas être financées par un « panier » d’impositions de toutes natures relevant de cette nouvelle rédaction, mais uniquement par un montant provenant d’une seule imposition.

La seconde restriction concerne la référence à la possible affectation d’« un montant déterminé » d’une imposition de toute nature. Alors que le texte de M. Vial laissait ouverte la possibilité d’affecter un montant déterminé ou le pourcentage du produit d’impositions de toutes natures, la rédaction est précisée pour n’autoriser que l’affectation d’un montant déterminé. Comme elle le fait depuis 2022, la loi de finances devrait ainsi affecter à l’audiovisuel public un montant précis d’une ressource.

La double restriction apportée par le Sénat répond à la volonté de « clarifier que le mécanisme actuel doit être reconduit intégralement, en affectant un montant d’impôt d’État à l’audiovisuel public » ([33]). Si la nature de cet impôt d’État n’est pas expressément mentionnée dans le dispositif adopté par le Sénat, le rapporteur de la commission des finances de cette assemblée et les différents sénateurs qui se sont exprimés au cours du débat ont tous évoqué la TVA.

Une modification rédactionnelle a également été apportée à l’article premier. Dorénavant, celui-ci se réfère « aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle » et non plus aux « organismes de l’audiovisuel public ». Cette nouvelle rédaction reprend « la formulation figurant dans la loi de 1986 » ([34]). Le titre III de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication vise ainsi le « secteur public de la communication audiovisuelle » et non les « organismes de l’audiovisuel public » ; cette dernière formulation laissant, selon le rapporteur du Sénat, planer un doute sur l’intégration de l’INA dans son périmètre.

Le Sénat a en revanche conservé au sein de l’article premier, les références au III de l’article 2 et aux articles 34 et 51 de la Lolf auxquels la proposition de loi organique de M. Vial renvoyait.

  1.   La position du rapporteur
    1.   Le dispositif adopté par le sénat écarte la perspective d’une budgétisation et apporte des garanties au financement de l’audiovisuel public
      1.   Le dispositif adopté par le Sénat renforce l’indépendance de l’audiovisuel public en écartant la perspective d’une budgétisation porteuse de certains risques

Comme cela a été indiqué précédemment, le PLF pour 2025 comporte une mission budgétaire classique (la mission Audiovisuel public) destinée à financer ce secteur dans l’hypothèse où aucune modification de la Lolf n’interviendrait en temps utile. L’adoption conforme de la proposition de loi organique permet d’écarter cette perspective et de respecter la protection constitutionnelle et communautaire dont bénéficie ce secteur.

  1.   La protection constitutionnelle et communautaire de l’indépendance de l’audiovisuel public

La Constitution, telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel, et le droit communautaire posent un principe d’indépendance de l’audiovisuel public. Si ce principe n’impose pas stricto sensu une obligation de financement par une ressource affectée plutôt que par des crédits budgétaires, cette orientation permet incontestablement de renforcer cette indépendance.

Le Conseil constitutionnel protège l’indépendance de l’audiovisuel public tout en laissant, sous son contrôle, le législateur libre de déterminer la nature des ressources mises à disposition de ce secteur.

Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel s’est attaché à préserver le pluralisme au sein de l’audiovisuel. En 1982, à l’occasion de l’examen de la loi sur la communication audiovisuelle, il a ainsi élevé « la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels » ([35]) au rang d’objectif de valeur constitutionnelle. Ultérieurement, en 2000, il a souligné que le respect « de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuels n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent » ([36]).

Dans un second temps, le Conseil constitutionnel s’est référé à l’indépendance de l’audiovisuel public. En 2009, à l’occasion sa décision n° 2009‑577 DC sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, il a ainsi souligné que « la garantie des ressources de l’audiovisuel public constitue l’un des éléments assurant son indépendance » ([37]). Cette affirmation n’a cependant pas conduit le Conseil constitutionnel à imposer au législateur de déterminer un mode particulier de financement de l’audiovisuel public. En 2022, lors de l’examen de la loi de finances rectificative supprimant la CAP, il a ainsi refusé d’élever au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République le financement de ce secteur par une redevance ([38]). En revanche, la liberté du législateur n’est pas absolue puisque les établissements de l’audiovisuel public doivent disposer d’un montant de recettes leur permettant « d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées » ([39]).

Le droit communautaire protège également, de manière plus précise, l’indépendance de l’audiovisuel public sans imposer non plus un mode de financement particulier.

Comme M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission des finances du Sénat, l’a souligné dans son rapport, « les textes fondamentaux européens protègent l’indépendance, y compris financière, des services publics audiovisuels sur le fondement de la liberté d’expression et de communication. Le considérant unique du protocole n° 29 annexé au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que « la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias » ([40]).

Le récent règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (dit Media Freedom Act) renforce la protection de cette indépendance. Si ce règlement – dont la grande majorité des dispositions sera applicable à compter du 8 août 2025 – n’impose pas un mode de financement particulier, il affirme avec force le principe d’indépendance des services de médias publics. Dans ce règlement de 37 pages, le mot « indépendance » apparaît ainsi à 107 reprises.

L’article 5 de ce texte dispose en son point 3 que les « procédures de financement garantissent que les fournisseurs de médias de service public disposent de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles correspondant à l’accomplissement de leur mission de service public et leur permettant de se développer dans le cadre de celle-ci. Ces ressources financières sont de nature à permettre que l’indépendance éditoriale des fournisseurs de médias de service public est préservée ». Le paragraphe 31 de ce règlement souligne en outre qu’il convient « de veiller à ce que, sans préjudice de l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État, les fournisseurs de médias de service public bénéficient de procédures de financement transparentes et objectives, qui garantissent des ressources financières suffisantes et stables pour l’accomplissement de leur mission de service public ».

La proposition de loi organique favorise le respect de ces règles constitutionnelles et communautaires. En écartant la perspective d’une budgétisation de l’audiovisuel public porteuse de certains risques, ce texte renforce leur indépendance financière.

  1.   Une budgétisation porteuse de certains risques

L’hypothèse d’un financement durable de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires avait été envisagée en 2022 par le Gouvernement au moment de la suppression de la CAP avant que le Parlement ne décide de lui substituer l’affectation d’une fraction de TVA.

Un financement durable de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires soulève en effet plusieurs objections. Cette solution renforcerait les possibilités de régulation budgétaire infra-annuelle ; accroîtrait les risques d’atteinte à l’indépendance éditoriale de l’audiovisuel ; pourrait s’accompagner d’une réduction des moyens de l’audiovisuel public ; nuirait à la crédibilité de ce secteur en favorisant son assimilation à un média d’État.

Une budgétisation renforcerait les possibilités de régulation infra-annuelle. Un audiovisuel public financé par des crédits budgétaires serait à tout moment à la merci d’un décret de virement, de report ou d’annulation des crédits.

La budgétisation accroîtrait les risques d’atteinte à l’indépendance éditoriale de l’audiovisuel public. Comme le rappelle le règlement précité du 11 avril 2024, « les fournisseurs de médias de service public peuvent être particulièrement exposés au risque d’ingérence, compte tenu de leur proximité institutionnelle avec l’État et du financement public qu’ils reçoivent » ([41]). Plus un média dépend directement de l’État pour son financement, plus celui-ci peut être tenté de peser sur sa ligne éditoriale.

La budgétisation pourrait s’accompagner d’une réduction des moyens de l’audiovisuel public. Dans une récente contribution apportée à M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis des crédits de la mission Audiovisuel public sur le PLF 2025, France Télévisions a fait observer que « dans les pays ayant rebudgétisé le financement de leur audiovisuel public, les dotations ont en moyenne baissé de 7 % (contre + 6 % pour ceux financés par une taxe affectée) » ([42]).

Enfin, la budgétisation nuirait à la crédibilité de l’audiovisuel public en favorisant son assimilation à un média d’État. Cette crainte concerne tout particulièrement France Médias Monde et, à un degré moindre, TV5 Monde. À de nombreuses reprises, il a par exemple été rappelé qu’en 2023 Radio France internationale a failli perdre sa licence de diffusion sur le réseau FM à Berlin après que l’Autorité de régulation des médias de la région Berlin-Brandebourg a craint que la budgétisation envisagée pour se substituer à la redevance ne conduise cette antenne à méconnaître la jurisprudence allemande relative à « l’obligation d’éloignement vis-à-vis de l’État » (la Staatsferne). L’atteinte portée à la crédibilité de l’audiovisuel public serait particulièrement sensible dans les territoires où la France est victime d’actions massives de désinformation.

Si l’institution de différents garde-fous pourrait, comme dans certaines démocraties européennes, dissiper ces craintes, le choix d’un financement de l’audiovisuel public par une ressource non budgétaire semble préférable. En écartant la perspective d’une budgétisation, la proposition de loi organique adoptée par le Sénat va dans le bon sens.

  1.   Le dispositif adopté par le Sénat apporte des garanties au financement de l’audiovisuel public

Le rapporteur partage le choix du Sénat de financer l’ensemble de l’audiovisuel public par l’affectation directe d’une imposition de toute nature plutôt que de financer ce secteur, en totalité ou en partie, par un prélèvement sur recettes (PSR) ou par une nouvelle CAP.

  1.   L’affectation d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature : un mode de financement préférable au financement par un prélèvement sur recettes ou par une nouvelle contribution à l’audiovisuel public
    1.   Les PSR sont réservés aux organismes « extérieurs » à l’État

Si l’institution d’un PSR pourrait constituer un mode de financement intéressant pour l’audiovisuel public et serait favorable à l’initiative parlementaire, cette modalité de financement se heurterait à des arguments d’opportunité et de droit.

Le PSR pourrait constituer un mode de financement avantageux pour l’audiovisuel public puisque, s’il était arrêté à l’euro près, il offrirait une protection contre la régulation budgétaire plus importante que l’affectation d’une imposition de toute nature. Ainsi, et comme l’a rappelé récemment la Cour des comptes, « les PSR ne peuvent faire l’objet de mesures de régulation en cours d’année. En particulier, les articles 13 (annulation de crédits afin de compenser l’ouverture de crédits supplémentaires par décret d’avances) et 14 (annulation de crédits afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée) de la LOLF ne leur sont pas applicables. La réduction éventuelle en cours d’année du montant d’un PSR nécessite l’intervention d’un projet de loi de finances rectificative » ([43]). L’article 15 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a par exemple ajusté le montant du prélèvement sur les recettes de l’État au titre du soutien exceptionnel pour les communes et leurs groupements face à la croissance des prix de l’énergie et de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

L’institution d’un PSR serait également favorable à l’initiative parlementaire. Comme le rappelle un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements, « la technique du prélèvement sur recettes est particulièrement favorable à l’initiative parlementaire puisqu’elle s’analyse, dans le cadre de l’examen de la recevabilité financière, comme une perte de recettes pour l’État et non une charge. Elle autorise donc des amendements prévoyant l’augmentation d’un PSR » ([44]).

Le financement de l’audiovisuel public par un PSR se heurterait cependant à des arguments d’opportunité et de droit.

En opportunité, une extension du PSR au financement de l’audiovisuel public placerait Arte France, France Médias Monde, France Télévisions, Radio France, l’INA et TV5 Monde au même niveau que les collectivités territoriales et l’Union européenne, ce qui en soi, soulève certaines interrogations. Par ailleurs, au regard de la nature extrêmement dérogatoire du PSR, le rapporteur partage l’avis de la Cour des comptes selon lequel le champ de cette technique « doit être circonscrit » et non étendu ([45]).

En droit, une extension du PSR au financement de l’audiovisuel public serait susceptible de contrevenir à la jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 82-154 DC du 29 décembre 1982 portant sur la loi de finances pour 1983, le Conseil constitutionnel a effectivement encadré le recours au PSR. Saisi pour apprécier la conformité à la Constitution des prélèvements sur les recettes de l’État opérés au profit des collectivités locales et des communautés européennes, il a considéré qu’un PSR « s’analyse en une rétrocession directe d’un montant déterminé de recettes de l’État au profit des collectivités locales ou des communautés européennes en vue de couvrir des charges qui incombent à ces bénéficiaires et non à l’État ([46]) et qu’il ne saurait, dans ces conditions, donner lieu à une ouverture de crédits dans les comptes des dépenses du budget de l’État ».

Comme Mme Claire Bazy-Malaurie, membre du Conseil constitutionnel du 7 septembre 2010 au 13 mars 2022, l’a observé dans une conférence donnée en octobre 2010 sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière budgétaire et financière, « le Conseil a considéré que les organismes au profit duquel étaient prélevées ces recettes étaient des organismes "extérieurs" à l’État et qu’elles pouvaient ainsi être soustraites au corps principal du budget » ([47]). Autrement dit, un PSR peut être ouvert au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne dans la mesure où ces entités sont détachables de l’État. À l’inverse, une extension de ce mode de financement au secteur de l’audiovisuel public n’est pas envisageable puisque ce secteur est composé de sociétés dont le capital est détenu, en totalité ou très majoritairement, par l’État ([48]) et d’un établissement public industriel et commercial (l’INA) placé sous la tutelle du ministre chargé de la communication ([49]).

La question de l’extension limitée de ce mode de financement à la seule société Arte France fait l’objet de l’article 2 de la proposition de loi organique dans sa version initiale (cf. infra commentaire de l’article 2).

  1.   L’institution d’une nouvelle contribution à l’audiovisuel public est inenvisageable à court terme

Dans le prolongement des travaux de Mme Julia Cagé, professeure d’économie au département d’économie de Sciences Po Paris ([50]), plusieurs initiatives parlementaires ont proposé d’instituer une forme rénovée de CAP (cf. supra).

Une telle mesure est cependant inopérante à très court terme. À brève échéance, aucune nouvelle contribution à l’audiovisuel public ne peut être opérationnelle. Dans l’hypothèse où cette CAP ferait l’objet d’une disposition du PLF en cours de discussion, voire d’un article de la présente proposition de loi organique, cette mesure ne serait pas de nature à répondre aux besoins de financement urgents de l’audiovisuel public. Sa mise en œuvre se heurterait à une considération simple : l’administration ne serait pas en mesure, d’ici au 1er janvier 2025, de déployer un système d’information adapté et de recruter et de former les personnels chargés de suivre le recouvrement de cette taxe. Le rapporteur rappelle qu’avant sa suppression, le Pôle national de la redevance audiovisuelle et le Service de contrôle de la redevance audiovisuelle employaient 17 agents.

En outre, et comme l’a souligné Mme Carole Anselin, sous-directrice de la 8e sous-direction du budget lors de son audition, les dispositions de la proposition de loi organique sont compatibles avec l’institution ultérieure d’une CAP. Le dispositif proposé n’interdit ainsi pas, à droit organique constant, une évolution vers une nouvelle redevance puisque celle-ci constituerait une imposition de toute nature dont l’affectation répondrait aux trois conditions posées par le second alinéa du II de l’article 2 de la Lolf (l’existence d’une personnalité morale, l’exercice par le bénéficiaire d’une mission de service public et l’existence d’un lien entre la mission financée et l’imposition affectée).

  1.   L’affectation d’un montant déterminé de TVA : un mode de financement éprouvé

La proposition de loi organique adoptée par le Sénat prévoit le financement de l’audiovisuel public par un montant déterminé d’une imposition de toute nature. Théoriquement, cette imposition de toute nature pourrait être l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la TVA ou toute autre imposition de ce type. Comme M. Vial et le Sénat, le rapporteur considère cependant que l’affectation d’un montant de TVA à l’audiovisuel public constitue la solution la plus satisfaisante.

Deux arguments plaident en ce sens.

En premier lieu, d’un point de vue pratique, le financement de l’audiovisuel public par un montant de TVA donne satisfaction depuis trois ans. Ce mécanisme présente donc l’avantage d’être opérationnel immédiatement sans investissement particulier. Les systèmes d’information sont en place, les administrations sont formées et les entités de l’audiovisuel public sont satisfaites de ce mode de financement.

En second lieu, la conformité à la Constitution de ce mode de financement a déjà été vérifiée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022. À l’inverse du prélèvement sur recettes, aucune incertitude juridique n’existe. Comme Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, l’a rappelé lors de son audition, avec ce mode de financement, l’audiovisuel public est « en terrain connu ».

Le choix de la TVA s’impose donc naturellement même s’il présente l’inconvénient de ne pas proposer de dégrèvement en faveur de certaines catégories de redevables – les moins favorisés – ou, comme l’a récemment fait remarquer le Conseil des prélèvements obligatoires, de réduire la part des recettes générales de l’État ([51]).

Par ailleurs, comme le Sénat, le rapporteur croit utile d’inscrire dans la Lolf la référence à un montant déterminé de TVA plutôt qu’à un pourcentage de cette taxe. La rédaction retenue permet en effet de se prémunir contre des variations de recettes. Comme toute ressource fiscale, la TVA peut ainsi se heurter à des difficultés de prévision. Le PLF pour 2025 indique par exemple qu’en « 2024, la prévision de TVA nette État budgétaire s’établit à 96,1 Md€, soit une moins-value de  4,8 Md€ par rapport à la LFI pour 2024. » ([52])

Pour ces différentes raisons, le dispositif proposé apporte des garanties satisfaisantes au financement de l’audiovisuel public même si la rédaction retenue par le Sénat soulève certaines interrogations que l’urgence ne permet pas de traiter.

  1.   le dispositif proposé soulève certaines interrogations, toutefois mineures, que l’urgence ne permet pas de traiter

Les contraintes particulièrement fortes pesant sur le calendrier parlementaire conduisent le rapporteur à soutenir une adoption sans modification de la proposition de loi organique dont l’équilibre général est tout à fait satisfaisant. Si le calendrier parlementaire avait été moins contraint, certains ajustements auraient cependant pu être apportés au texte transmis.

  1.   Des interrogations sur la rédaction retenue s’agissant : de l’absence de coordination avec l’article 34 de la Lolf ; de la référence aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ; de la restriction du financement de l’audiovisuel public à l’affectation d’un montant d’« une imposition » de toute nature

La rédaction de la proposition de loi organique adoptée par le Sénat aurait pu être adaptée en trois points qu’il importe de mentionner dans la perspective d’une éventuelle réforme ultérieure de la Lolf opérée dans des délais moins contraints.

Le premier ajustement, de portée très limitée, aurait consisté à corriger l’absence d’une disposition de coordination. Comme indiqué précédemment, l’article 1er de la proposition de loi organique subordonne l’affectation d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature à trois réserves portant sur les articles 2 (III), 34 et 51 de la Lolf. Si la rédaction des articles 2 (III) et 51 de la Lolf ne nécessite pas de mesure de coordination, la rédaction de l’article 34 aurait pu être ajustée pour renvoyer aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle. À l’heure actuelle, le 5° bis du I de cet article prévoit que la première partie de la loi de finances « présente la liste et le produit prévisionnel de l’ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décide, le cas échéant, d’attribuer totalement ou partiellement ce produit à l’État ». Par parallélisme des formes, il aurait été logique de compléter la mention des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des organismes de sécurité sociale par une référence aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle.

Le deuxième ajustement concerne la référence aux « organismes du secteur public de la communication audiovisuelle ». Justifiée, selon le rapporteur du Sénat, par la volonté de reprendre « la formulation figurant dans la loi de 1986 » (cf. supra), cette mention soulève certaines questions. Ainsi, si le titre III de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication vise effectivement le « secteur public de la communication audiovisuelle », les articles 43-11 à 57 composant ce titre concernent France Télévisions (article 44), Radio France (article 44), France Médias Monde (article 44), Arte France (article 45) et l’INA (article 49). En revanche, ces articles ne couvrent pas TV5 Monde ([53]) mais incluent la chaîne parlementaire LCP composée de deux sociétés distinctes, « La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale » et « La Chaîne parlementaire-Sénat » (article 45-2). Cette même loi dispose néanmoins explicitement que le financement de LCP « est assuré par des dotations annuelles, chaque assemblée dotant sa société directement de la totalité des sommes qu’elle estime nécessaires à l’accomplissement de ses missions ».

Le troisième ajustement envisageable aurait été plus conséquent. Le texte adopté par le Sénat pose le principe de la possible affectation d’une imposition de toute nature à l’audiovisuel public et non plus, comme cela était initialement envisagé par M. Vial, de la possible affectation de plusieurs impositions de toutes natures. La restriction à une seule imposition de toute nature interdit ainsi la constitution d’un panachage d’impositions de toutes natures ne remplissant pas les conditions posées au second alinéa du II de l’article 2 de la Lolf (l’existence d’une personnalité morale, l’exercice par le bénéficiaire d’une mission de service public et l’existence d’un lien entre la mission financée et l’imposition affectée) en faveur de ce secteur. Si, la rédaction retenue par le Sénat autorise un financement de l’audiovisuel public conjuguant un montant de TVA et le produit d’une éventuelle nouvelle contribution à l’audiovisuel public ([54]), cette rédaction n’autorise en revanche pas un financement de l’audiovisuel public reposant, par exemple, d’une part, sur la TVA et, d’autre part, sur l’impôt sur le revenu ou sur l’impôt sur les sociétés.

Selon le rapporteur, la rédaction adoptée par le Sénat aurait mérité d’être assouplie pour se référer à « des » impositions » de toutes natures et non plus à « une » imposition de toute nature afin de conserver des marges de manœuvre. À l’heure actuelle, et comme Mme Carole Anselin, sous-directrice de la 8e sous-direction du budget l’a indiqué, lors de son audition, seule une dizaine d’impositions de toutes natures présentent un produit net prévisionnel supérieur ou égal à 4 milliards d’euros et sont donc susceptibles de couvrir le financement de l’audiovisuel public ([55]).

  1.   Des interrogations sur le fond : des mesures d’accompagnement de nature non organique pourraient être utiles

L’adoption de la proposition de loi organique représenterait un progrès significatif pour l’audiovisuel public qui mériterait cependant d’être confirmé par une mesure législative de nature non organique et par une mesure pratique.

  1.   Sécuriser le financement de l’audiovisuel public en prévoyant un versement précoce et intégral de ses ressources

La mesure législative envisagée consisterait à sécuriser le financement de ce secteur en imposant à l’État de verser ces ressources en totalité, dès le début de l’année considérée.

En application du 2 du VI de l’article 46 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, les avances du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public sont aujourd’hui « versées chaque mois aux organismes bénéficiaires à raison d’un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte ». Autrement dit, chaque entité de l’audiovisuel public reçoit, douze versements par an représentant chacun un douzième de sa dotation ([56]). Cette modalité de fonctionnement expose l’audiovisuel public à des mesures de régulation budgétaire. Tant que la totalité de la dotation n’est pas versée, celle-ci peut être diminuée comme l’a montré le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits. Seule une modification de cette disposition, qui n’est pas de nature organique, proscrirait toute régulation infra-annuelle. Les fonds versés ne pourraient pas être repris.

Le rapporteur a déposé un amendement au PLF modifiant le fonctionnement du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public en vue d’organiser le versement précoce de l’intégralité des ressources de l’audiovisuel public dans un délai d’un mois maximum à compter de l’ouverture de la gestion à l’exception des avances finançant les actions de transformation qui, dans l’hypothèse où elles bénéficieraient d’une dotation, demeureraient financées en fonction de leur rythme d’avancement.

Cet amendement, soutenu dans son principe par une recommandation du récent rapport d’information de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024‑2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’INA ([57]), a été adopté par la commission des finances lors de sa réunion du 6 novembre 2024 ([58]).

Dans l’hypothèse où cet amendement figurerait dans la loi de finances, sa mise en œuvre supposerait le maintien du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

  1.   Respecter la trajectoire financière des contrats d’objectifs et de moyens

La mesure pratique envisagée concerne le respect de la trajectoire financière prévue dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus entre l’État et chacune des entités de l’audiovisuel public concernées.

Comme le paragraphe 31 du règlement (UE) précité 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 le souligne, le financement de l’audiovisuel public « devrait être déterminé et alloué, de préférence, sur une base pluriannuelle, […] afin d’éviter les risques d’influence indue liés à des négociations budgétaires annuelles ». En Allemagne, les moyens de l’audiovisuel public sont ainsi fixés pour une période de quatre ans. En France, le principe constitutionnel d’annualité budgétaire s’oppose à une pluri-annualité budgétaire contraignante ([59]). Seules des trajectoires financières indicatives peuvent être conclues sous la forme de dispositions des COM.

L’exécution des derniers COM s’est malheureusement très régulièrement écartée des prévisions initiales. Le respect des trajectoires financières annoncées constituerait un progrès essentiel pour l’audiovisuel public. L’absence de visibilité porte gravement atteinte à la bonne gestion de ce secteur.

En dépit de ces différents tempéraments, le rapporteur invite la commission spéciale à adopter, sans modification, l’article premier de la proposition de loi organique.

 

  1.   La position DE LA COMMISSION

La commission spéciale a adopté cet article sans modification.

 

 

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Suppression maintenue par la commission

 

Dans la proposition de loi organique initiale, le présent article modifiait l’article 6 de la Lolf pour instituer un prélèvement sur recettes en faveur de la « chaîne culturelle européenne » Arte.

Le Sénat a supprimé cet article.

  1.   le droit en vigueur

Depuis 2022, le financement public d’Arte France repose sur l’affectation du produit d’une partie de la TVA dans les conditions exposées dans le commentaire de l’article premier (cf. supra).

  1.   LES Modifications apportées par le Sénat
    1.   les dispositions de la proposition de loi organique initiale : le financement d’arte France par un prélèvement sur recettes

L’article 2 de la proposition de loi organique modifie l’article 6 de la Lolf pour instituer un prélèvement sur recettes en faveur de la « chaîne culturelle européenne » Arte France.

La proposition de loi organique aligne la situation de cette chaîne sur celle des collectivités territoriales et de l’Union européenne qui, aux termes de ce même article 6, bénéficient aujourd’hui d’un PSR, c’est-à-dire d’une rétrocession directe « d’un montant déterminé de recettes de l’État ». La proposition de loi organique justifie cette modalité spécifique de financement par la nature de la chaîne culturelle européenne qui a été créée par un traité international ([60]).

Un prélèvement sur recettes, qu’est-ce que c’est ?

Un prélèvement sur recettes est une technique ancienne et dérogatoire permettant de présenter certaines opérations comme des moindres recettes de l’État et non comme des dépenses.

L’article 6 de la Lolf dispose, d’une part, qu’un « montant déterminé de recettes de l’État peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne » (alinéa 4) et, d’autre part, que « ces prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur montant, évalués de façon précise et distincte dans la loi de finances. Ils sont institués par une loi de finances, qui précise l’objet du prélèvement ainsi que les catégories de collectivités territoriales qui en sont bénéficiaires » (alinéa 5). En réponse au questionnaire du rapporteur, la direction du budget a précisé qu’un PSR « trouve sa source dans le paquet global des recettes de l’État (sans détermination précise de la recette qui l’alimente) » et son montant est « par nature évaluatif » et non « limitatif ».

Sur ces bases, les PSR servent « au paiement des contributions de la France à l’Union européenne en application des traités (ceci depuis 1973), mais aussi au financement des collectivités territoriales (depuis 1963 mais de manière significative depuis la décentralisation) » (1).

Dans le PLF pour 2025, ces deux natures de PSR représentent 67,5 milliards d’euros (44,2 milliards d’euros au profit des collectivités territoriales et 23,3 milliards d’euros au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne) (2).

Les PSR en faveur des collectivités territoriales ne constituent pas un bloc unique. La loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 comprend ainsi 26 PSR différents dont deux nouveaux : l’un institué par l’article 132 de ce texte pour compenser, pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les pertes de recettes de taxe d’habitation sur les logements vacants ; l’autre, institué par l’article 138, pour compenser aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre enregistrant d’une année sur l’autre une perte importante de base de taxe foncière sur les propriétés bâties et une perte importante, au regard de leurs recettes fiscales, de produit de taxe foncière sur les propriétés bâties afférent aux entreprises à l’origine de la perte de base de taxe foncière sur les propriétés bâties.

(1) Mme Claire Bazy-Malaurie, La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière budgétaire et financière, intervention à l’occasion d’un déplacement au Conseil constitutionnel du Maroc, 18 octobre 2010

(2) PLF pour 2025, Chiffres clés, page 5.


  1.   les dispositions adoptées par le Sénat : un financement d’arte France par l’affectation du montant déterminé d’une imposition de toute nature

L’article 2 a été supprimé par le Sénat au motif que la création d’un PSR constituerait « un précédent qui n’est pas justifié par la situation spécifique d’Arte », serait susceptible de contrevenir à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et représenterait « un risque de précédent » ([61]).

En conséquence, le financement d’Arte France serait assuré sur les mêmes bases que celui des autres composantes de l’audiovisuel public, c’est-à-dire par l’affectation du montant déterminé d’une imposition de toute nature. Comme aujourd’hui, le mode de financement d’Arte France ne différerait pas de celui de France Médias Monde, de France Télévisions, de l’INA, de Radio France et de TV5 Monde.

  1.   La position du rapporteur

Comme cela est indiqué dans le commentaire de l’article premier, le financement de l’audiovisuel public par un PSR se heurte à un argument d’opportunité et à un argument de droit. Ces deux arguments s’appliquent également à la situation d’Arte France.

En premier lieu, il ne semble pas opportun d’aligner la situation de cette entreprise sur celle de l’Union européenne et des collectivités territoriales.

En outre, un tel mode de financement serait probablement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui limite le bénéfice des PSR aux organismes « extérieurs » à l’État (cf. supra), ce que n’est pas Arte France. Le capital de cette société est ainsi indirectement détenu à 100 % par l’État par l’intermédiaire de France Télévisions (45 %), de l’Agence des participations de l’État (25 %), de l’INA (15 %) et de Radio France (15 %). Arte France ne constitue donc pas un organisme « extérieur » à l’État susceptible de bénéficier d’un PSR.

Le financement de la seule société Arte France par un PSR ne saurait non plus se fonder sur le traité précité du 2 octobre 1990. Ce texte n’impose nullement un mode de financement spécifique. L’article premier de ce traité affirme simplement une indépendance de la chaîne dans l’établissement et dans la gestion de son budget ([62]).

Lors de son audition devant la commission spéciale, M. Bruno Patino, président du directoire d’Arte France, a confirmé que si cette chaîne avait une préférence pour un financement par PSR – qui aurait selon lui constitué un « optimum de premier rang » –, un financement par un montant déterminé d’une imposition de toute nature constituerait un « optimum de second rang » tout à fait acceptable – qui « resterait un optimum » – naturellement préférable à une éventuelle budgétisation.

Pour ces motifs, le rapporteur invite la commission spéciale à maintenir la suppression de cet article.

  1.   La position DE LA COMMISSION

La commission spéciale a maintenu la suppression de cet article.

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Suppression maintenue par la commission

 

L’article 3 de la proposition de loi organique initiale prévoyait un gage financier couvrant la perte de recettes pour l’État résultant de ses dispositions.

À l’initiative du Gouvernement, le Sénat a supprimé cet article.

L’article 3 la proposition de loi organique initiale prévoyait que la perte de recettes pour l’État résultant des dispositions de ce texte était compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Le 23 octobre 2024, lors de la séance publique au Sénat, le Gouvernement a « levé le gage » en déposant un amendement de suppression de cet article, adopté par le Sénat.

La commission spéciale a maintenu la suppression de cet article.

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   Travaux de la commission spéciale

EXAMEN DES ARTICLES

Lors de sa réunion du mercredi 13 novembre 2024 à 15 heures ([63]), la commission spéciale procède à l’examen de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, portant réforme du financement de l’audiovisuel public (n° 482) (M. Denis Masséglia, rapporteur).

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Mes chers collègues, un peu plus d’une semaine après la constitution de cette commission spéciale, nous voici réunis pour examiner la proposition de loi organique (PPLO), adoptée par le Sénat le 23 octobre, portant réforme du financement de l’audiovisuel public, sur laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre de la culture qui, malgré un agenda chargé, participera à la discussion générale. Je la remercie de sa présence : nous aurons ainsi un débat de fond sur ce texte avant son examen en séance publique, le 19 novembre – soit moins d’un mois, je le rappelle, après sa transmission à notre assemblée.

Dans le temps particulièrement contraint qui nous est imparti, et que nous ne pouvons que déplorer, nous n’avons pu organiser que quatre auditions. Celles-ci nous auront néanmoins permis de recueillir le point de vue des principaux intéressés et d’éclairer nos travaux.

Sans plus attendre, je cède la parole à notre rapporteur, puis à Mme la ministre.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Nous le savons tous, l’audiovisuel public est confronté à une situation d’urgence financière.

En 2022, nous avons fait le choix de supprimer la redevance, également appelée contribution à l’audiovisuel public (CAP). Il s’agissait avant tout de protéger le pouvoir d’achat des Français : 138 euros en Hexagone et 88 euros en outre-mer, ce n’est pas négligeable pour le budget d’un ménage. Mais cette décision nous permet également d’établir une assiette plus large pour le financement de l’audiovisuel public. Avant, les Français qui utilisaient leur smartphone pour regarder une émission de France Télévisions ou écouter un podcast de Radio France n’y contribuaient pas. Aujourd’hui si, par la TVA, et demain aussi je l’espère.

À compter du 1er janvier prochain, à droit organique constant, l’audiovisuel public ne pourra plus être financé par une fraction de TVA, comme c’est le cas depuis 2022. Ainsi, sans réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) avant le vote du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, l’audiovisuel public devrait désormais être financé par des crédits budgétaires. Il s’agit évidemment d’une source importante d’inquiétude pour les organismes concernés, notamment ceux qui sont présents à l’étranger et qui participent au rayonnement de la France à l’international. Dans une telle configuration, France Médias Monde et TV5 Monde risquent en effet d’être considérés comme des médias d’État, avec les conséquences que cela emporte sur leur réputation et leurs capacités de diffusion.

Pluralité des opinions, source fiable face aux infox, ou encore soutien à la création : éviter la budgétisation du financement de l’audiovisuel public représente un enjeu de taille – il s’agit tout simplement de préserver son indépendance.

Plusieurs initiatives parlementaires, sous l’égide de nos anciens collègues Bruno Studer, Quentin Bataillon ou Jean-Jacques Gaultier, ou plus récemment de notre collègue Constance Le Grip, ont été engagées pour éviter la budgétisation. En raison notamment de la dissolution, toutes ces propositions de loi organique n’ont pu aboutir. Nous sommes désormais saisis d’un texte adopté par le Sénat et engagés dans une course contre la montre.

C’est pour répondre à cette situation d’urgence que je suis partisan d’une adoption sans modification de la présente PPLO. Nous devons agir sans attendre pour assurer la sécurité juridique de l’opération, étant rappelé que le texte doit être adopté par le Parlement, contrôlé par le Conseil constitutionnel et promulgué avant la fin de l’examen en première lecture du PLF pour 2025 par le Sénat, afin que ce dernier puisse mettre le PLF en cohérence avec la loi organique. Si nous n’adoptons pas la PPLO dans les temps, de lourdes incertitudes juridiques pèseront sur notre capacité à réaliser cette mise en cohérence ; compte tenu de la sensibilité du sujet, nous ne pouvons prendre un tel risque.

Le temps nous est donc compté. Si nous pouvons le regretter, nous n’avons pas le luxe de faire autrement. Si nous voulons échapper à la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, nous devons voter ce texte sans modification – soit par conviction, soit par pragmatisme.

Pour ma part, au-delà de ce contexte, je considère que la PPLO répond de manière satisfaisante aux enjeux du financement de l’audiovisuel public.

Outre qu’elle permet d’échapper à la budgétisation, elle ne ferme aucune porte en matière de financement. Une imposition de toute nature sera affectée à l’audiovisuel public : ce sera certainement une fraction de TVA, mais il pourrait aussi bien s’agir de l’impôt sur le revenu ou encore de l’impôt sur les sociétés. De plus, et j’insiste sur ce point, le texte n’interdit en rien de financer l’audiovisuel public grâce à une nouvelle redevance. Nos auditions l’ont confirmé, l’instauration d’une CAP rénovée serait possible.

J’ajoute que nous avons renoncé à l’introduction d’un prélèvement sur recettes (PSR) en faveur d’Arte France. À première vue, une telle option présentait certains avantages, mais elle se serait certainement heurtée à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui limite le bénéfice des PSR aux organismes extérieurs de l’État, ce que n’est pas Arte France. Comme c’est le cas depuis trois ans, Arte France serait donc financé de la même manière que France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel, France Médias Monde et TV5 Monde.

Enfin, afin de renforcer la portée du présent texte, je suis favorable à la modification des modalités de versement des « dotations socles » à l’audiovisuel public. Une telle mesure ne relève pas de la PPLO mais du PLF. J’ai déposé un amendement visant à ce que la dotation publique soit versée en totalité dès le mois de janvier afin de limiter les possibilités de régulation budgétaire. En sécurisant son financement, nous renforcerions l’indépendance de l’audiovisuel public. Cet amendement a été adopté par la commission des finances mais n’a pu être examiné en séance en raison du rejet, hier, de la première partie du PLF. J’espère toutefois qu’il figurera dans la version définitive du texte.

Chers collègues, je répète que je souhaite l’adoption de cette proposition de loi organique sans modification. Le Sénat a montré la voie en adoptant le texte à une quasi-unanimité – 339 votes favorables sur 340 exprimés. J’espère que notre commission et notre assemblée feront de même.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Merci de me permettre de m’exprimer devant vous aujourd’hui, même si c’est dans un temps très contraint. Vous savez que je réponds toujours à l’ensemble des parlementaires qui me sollicitent. Si nécessaire, je le ferai hors de cette enceinte d’ici à l’examen de la proposition de loi organique en séance.

Il n’est pas habituel qu’une ministre de la culture défende une révision de la loi organique relative aux lois de finances ! Cela montre l’importance que j’accorde à la sanctuarisation du financement de l’audiovisuel public – ce que j’ai toujours répété, même avant de prendre cette fonction. En quelques semaines, nous avons fait du chemin, c’est le moins que l’on puisse dire, et je suis ravie d’en débattre de nouveau avec vous.

Ce texte sur la pérennisation du mode de financement de l’audiovisuel public a été élaboré collectivement, dans un esprit de responsabilité, et je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires. L’échéance, très rapprochée, demeure celle du 31 décembre, mais je ne doute pas que nous parviendrons à sanctuariser ce financement avant cette date. J’espère d’ailleurs que nous travaillerons de la même manière lorsque nous aborderons la question de la gouvernance du secteur.

Que contient le texte ? La pérennisation du mode de financement actuel, c’est-à-dire l’affectation d’une partie du produit de la TVA, libellée en euros, afin d’assurer la continuité et la prévisibilité des budgets. Les sociétés de l’audiovisuel public seront ainsi protégées à la fois des aléas de la conjoncture économique et des écarts qui peuvent survenir entre les prévisions et le rendement effectif de l’impôt. Le dispositif proposé répond à l’exigence que nous nous sommes fixée, avec un montant défini lors de l’examen de la loi de finances. Les dotations seront ainsi à l’abri d’éventuelles mesures de régulation budgétaire prises par le gouvernement. J’y insiste : avec un tel financement consolidé, nous assurerons clarté et indépendance.

À mon tour, je remercie les membres de la commission spéciale pour leurs travaux, à commencer par sa présidente et son rapporteur. Je n’oublie pas les textes précédents, qui ont été évoqués, non plus que les travaux de Constance Le Grip, qui ont permis de faire avancer nos réflexions.

Je ne serai pas plus longue, afin d’avoir le temps d’échanger avec vous. J’espère que, comme le Sénat, vous vous prononcerez à l’unanimité, ou presque. Vous le savez, un vote conforme de l’Assemblée nationale est la seule voie pour pérenniser le mode de financement de l’audiovisuel public avant le 31 décembre.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Philippe Ballard (RN). En l’état, et même si cette position peut changer en fonction de l’examen des amendements, les députés de mon groupe envisagent de s’abstenir sur ce texte, par souci de cohérence intellectuelle – car il nous arrive de réfléchir et de raisonner.

Projetons-nous un instant dans le futur. Si nous arrivons au pouvoir en 2027, nous procéderons évidemment à la privatisation de l’audiovisuel public, de façon organisée.

Dans un premier temps, pour faire face aux géants que sont les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), Netflix ou encore Paramount, qui ont une puissance de feu sans comparaison possible avec les entreprises françaises, publiques ou privées, nous ferons sauter les verrous empêchant la concentration des acteurs. Les règles en vigueur datent des années 1986-1988, lorsque François Léotard était ministre de la culture et de la communication. C’était au siècle dernier : il n’y avait que six chaînes de télévision – ni internet, ni Gafam ! Ainsi laisserons-nous les entreprises fusionner – business is business… Une fois les opérations achevées, après deux, trois ou quatre ans, nous privatiserons les acteurs publics, à l’exception de l’audiovisuel extérieur, des chaînes ultramarines ainsi que de TV5 Monde et d’Arte France, dont le statut est différent. Voilà notre schéma.

Nous ne nous sommes pas réveillés un matin en souhaitant la mort de l’audiovisuel public : il faut tout simplement se projeter dans l’avenir et en passer par là si nous voulons sauvegarder notre souveraineté audiovisuelle et conserver nos chaînes françaises. Dans le domaine de l’audiovisuel, tout ce qui est small n’est pas beautiful.

Oui à l’audiovisuel français et à notre souveraineté dans ce domaine. Dans cette attente, et en l’état, abstention sur le texte qui nous est soumis !

Mme Céline Calvez (EPR). Cela fait maintenant plus de deux ans que notre assemblée a voté la suppression de la contribution à l’audiovisuel public pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Supprimer la CAP, devenue désuète et décalée, était nécessaire, mais maintenir l’investissement de l’État dans les médias publics l’était tout autant – tout en évitant la budgétisation tant redoutée par les acteurs du secteur compte tenu du risque qu’elle ferait peser sur leur indépendance. Certaines entreprises ne manqueraient pas, en effet, d’être considérées comme des médias d’État.

C’est pourquoi le choix s’est porté sur l’affectation d’une partie du produit de la TVA aux différentes entités de l’audiovisuel public. Si cette solution a eu le mérite d’éviter ladite budgétisation, elle ne peut toutefois pas être reconduite en l’état dès lors qu’elle contreviendra au droit organique à compter du 1er janvier prochain.

Notre responsabilité est donc de déterminer la méthode la plus à même de répondre aux défis liés à cette transition. Monsieur le rapporteur, le groupe EPR salue le travail que vous avez accompli en ce sens. À l’instar du Sénat et dans le souci de garantir un vote conforme de la proposition de loi organique, vous avez choisi d’écarter les options d’un prélèvement sur recettes et d’une nouvelle contribution à l’audiovisuel public et de vous concentrer sur l’affectation d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature, et donc sur la fraction de TVA. Cette solution est la bonne – résolument.

Rappelons que son adoption n’empêchera aucunement la réintroduction d’une CAP, si le Parlement devait l’estimer opportune, et aussi que certaines évolutions seront nécessaires pour consolider durablement ce mode de financement. En effet, si ce modèle, instauré en 2022, a fait ses preuves, les différentes coupes budgétaires qui ont eu lieu cette année sur les crédits de transformation ainsi que sur les « dotations socles » ont montré certaines fragilités. Il est important de prévoir une trajectoire financière réaliste, soutenable et protégée de potentielles coupes infra-annuelles. La législation européenne sur la liberté des médias – l’European Media Freedom Act – insiste d’ailleurs sur la nécessité d’allouer des ressources financières prévisibles aux sociétés audiovisuelles publiques.

La présidente Taillé-Polian et moi-même, dans notre rapport d’information sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 des entreprises audiovisuelles françaises, avons d’ailleurs suggéré l’élaboration d’une véritable loi de programmation pluriannuelle, qui serait certainement plus sécurisante que les COM et qui pourrait prévoir le versement de l’intégralité des dotations en tout début d’année. Aussi bien la commission des finances que la commission des affaires culturelles ont approuvé un tel versement en une fois. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, que pensez-vous de cette solution ?

Enfin, alors que les crédits de transformation ont été fortement réduits cette année, il apparaît essentiel que le nouveau mode de financement garantisse le respect des engagements pris par les entreprises de l’audiovisuel public, notamment en matière de coopération. Je suis personnellement favorable au maintien des crédits de pilotage, qui me semblent être un bon moyen de renforcer le rapprochement des acteurs, mais je sais que la question de la gouvernance doit être prochainement abordée, avec la perspective, que je soutiens, d’une présidence commune. Seriez-vous favorables à l’idée de mettre l’ensemble des financements à la disposition d’une telle présidence commune, laquelle serait chargée d’équilibrer leur répartition dans le respect de toutes les entités et de favoriser les coopérations et les transformations ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Dans quelle curieuse situation sommes-nous ? Pour résumer, il y a deux ans, les macronistes ont supprimé la redevance contre l’avis de la gauche et ils lui demandent désormais d’abandonner ses convictions et d’entériner cette décision au prétexte qu’il y aurait urgence. Sans adoption de la présente proposition de révision de la Lolf, nous serions forcés d’en passer par la budgétisation du financement de l’audiovisuel, laquelle est considérée comme un tabou par tous les groupes ici présents à l’exception de l’extrême droite ; il n’y aurait pas de solution alternative.

Pour notre part, nous estimons qu’il y en a une, que les macronistes se sont un peu empressés de faire oublier pour éviter d’avoir à prendre leurs responsabilités. Pour sortir d’une impasse, la méthode la plus efficace reste la marche arrière ! Ainsi, rien n’interdit au gouvernement de prendre acte, d’une part, que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public était une erreur, et, d’autre part, que deux défaites électorales consécutives aux élections européennes et législatives ne lui donnent pas la légitimité d’imposer aux autres forces l’option qu’il avait retenue il y a deux ans. Revenir sur cette décision serait la solution la plus simple et la plus sage.

Certes, nous connaissons les défauts de la redevance telle qu’elle s’appliquait. Nous plaidons pour instaurer une contribution progressive et universelle, afin que chacun paye en fonction de ses possibilités mais que tous contribuent à ce service public, en vertu du même principe simple et évident selon lequel chacun, qu’il ait des enfants ou non, qu’il soit malade ou non, participe par ses impôts au fonctionnement de l’éducation nationale et de l’hôpital public.

Si, pour des raisons de calendrier, il n’était pas possible de créer une contribution rénovée, nous accepterions de revenir à la situation antérieure. Il ne faut pas des mois pour entériner le retour de la redevance ; nous avons trop d’estime pour les fonctionnaires de Bercy pour qu’on nous persuade du contraire.

Notre rapporteur, à plusieurs reprises ces derniers jours, a insisté sur le fait que la suppression de la redevance était avant tout une mesure de pouvoir d’achat. Nous lui répondons qu’il n’y aurait rien de plus facile, si la redevance devait être rétablie, que de la compenser à due concurrence dans le PLF. Nous avons montré ces derniers jours qu’il existe bien des marges de manœuvre pour soutenir le pouvoir d’achat.

Dès lors, à quoi bon nous presser, comme vous le faites ? Vous qui, d’habitude, nous expliquez qu’il faut développer la culture du compromis et qu’il ne faut toucher à la Constitution et aux lois organiques, ces augustes textes, que d’une main tremblante, pourquoi nous forcer à réformer la Lolf ?

Peut-être n’avons-nous pas bien compris, peut-être tenez-vous tellement à la suppression de la redevance que vous préféreriez accepter la budgétisation plutôt que d’y renoncer ? Dans ce cas, l’honnêteté nécessaire à la vie démocratique commande de le préciser en toute clarté. Que fera le gouvernement si cette proposition de loi organique est rejetée ? Laissera-t-il l’audiovisuel public aller dans le décor ?

D’ailleurs, madame la ministre, si vous tenez tellement à faire adopter ce texte, pourquoi ne pas faire un pas dans notre direction ? Vous avez dit publiquement que, dans votre esprit, les réformes du financement et de la gouvernance étaient liées. De fait, depuis plus d’un an, le changement du mode de financement est présenté comme l’aboutissement – voire la récompense – d’une fusion de Radio France et de France Télévisions. Pourtant, les auditions menées par la commission spéciale ont établi de manière irréfutable que ces deux volets sont bien totalement indépendants sur le plan organique.

Les députés insoumis ne sont pas les jusqu’au-boutistes que l’on dépeint parfois. Nous avons le sens du compromis, ce qui nous amène à formuler une proposition : si vous renoncez, chers collègues, ou faites renoncer officiellement le gouvernement à toute réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public au cours de la présente législature, nous considérerons que cette modification de la Lolf nous est soumise de toute bonne foi. La balle est dans votre camp.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je dois dire notre inconfort à nous aussi vis-à-vis d’une situation à bien des égards ubuesque, pour ne pas dire pénible, dont le gouvernement est directement responsable. À l’évidence, c’était une erreur de supprimer la contribution à l’audiovisuel public sans prévoir un mode de financement pérenne garantissant son indépendance. Ainsi le gouvernement se retrouve-t-il désormais contraint de demander aux parlementaires d’adopter la présente PPLO afin d’éviter un risque qu’il a lui-même créé, voire instrumentalisé : celui de la budgétisation du financement de l’audiovisuel.

Après une longue réflexion, il est fort désagréable d’admettre que, pour de basses raisons de calendrier, toute autre chose qu’un vote conforme de l’Assemblée nationale conduirait à cette budgétisation. Si nous n’adoptons pas la PPLO dans les mêmes termes que le Sénat, il faudra une nouvelle lecture du texte dans les deux chambres, puis une commission mixte paritaire, et si le désaccord persiste un dernier vote à l’Assemblée selon les conditions spécifiques relatives aux lois organiques. Bref, il serait impossible d’y parvenir d’ici à la fin de l’année civile. Nous avons donc à choisir, pour ainsi dire, entre desservir l’audiovisuel public et se soumettre à un vote impératif.

Avant toute chose, le groupe socialiste demande au gouvernement d’assumer ses responsabilités. À cet égard, madame la ministre, vous avez indiqué être favorable à un vote conforme de l’Assemblée afin de protéger le budget de l’audiovisuel public. Pardon, mais les régulations infra-annuelles de 2024 ainsi que l’examen des enjeux budgétaires pour 2025 démontrent le contraire. Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais il y a bien une double économie budgétaire en exécution en 2024 et le souhait d’une réduction supplémentaire pour l’année prochaine : un amendement au PLF a été déposé en ce sens par le gouvernement, dont même notre rapporteur a convenu qu’il n’était pas question de l’accepter – même si je ne sais pas si son avis engageait le socle commun.

Ainsi, un vote conforme de cette PPLO ne protégera en rien le financement et l’indépendance de l’audiovisuel public. Le débat autour du mode de financement sera, quoi qu’il arrive, immédiatement rouvert après l’examen de ce texte – charge à chacun, alors, de faire œuvre de conviction et de trouver une majorité. À cet égard, nous aurons une réflexion à mener au sujet du rétablissement d’une CAP, laquelle devra, le cas échéant, se fonder sur la proportionnalité et comprendre des mécanismes d’exemption des foyers modestes qui n’auraient pas pour conséquence un effondrement du rendement fiscal du dispositif.

Changer la moindre virgule à ce texte par voie d’amendement entraînerait une navette parlementaire et l’impossibilité d’éviter la budgétisation pour 2025. Le gouvernement est le premier responsable de cette situation profondément insatisfaisante et, même si nous voterons la PPLO, nous l’avertissons que la question du financement de l’audiovisuel public n’est pas derrière nous.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Cette proposition de loi organique répond à une urgence, celle d’assurer un financement solide, transparent et pérenne à un service public de l’audiovisuel dont le bon fonctionnement est essentiel à la bonne santé démocratique de notre pays. Les défis sont nombreux.

Face à la transformation de nos usages et au bouleversement du paysage médiatique depuis l’arrivée des plateformes numériques, notre audiovisuel public doit être capable de s’adapter, d’innover et de répondre aux attentes des Français tout en restant fidèle à ses missions de service public : informer, éduquer, divertir et garantir un accès à la culture pour tous.

Sous votre impulsion, madame la ministre, nous avions commencé nos travaux avant la dissolution et je tiens à saluer l’engagement de nos anciens collègues Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon. Le 23 octobre dernier, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité, avec 339 voix sur 340 votants, la présente proposition de loi organique qui avait été présentée par nos collègues sénateurs Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon. Elle répond à la question posée par la suppression de la redevance en 2022 : comment garantir un financement indépendant et pérenne à l’audiovisuel public sans déroger à notre cadre légal ? Remplacer la contribution à l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA est en effet contraire à l’article 2 de la Lolf.

La dissolution a certes provoqué des bouleversements, mais nous regrettons, en tant que parlementaires, d’avoir à débattre de cette question dans l’urgence. Une autre voie aurait pourtant été possible pour prendre le temps d’une réflexion plus longue. Rappelons que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et celle de la taxe d’habitation, à laquelle elle était rattachée, ont été envisagées dès 2017. Madame la ministre, je salue votre volonté de trouver une solution en concertation avec le Parlement.

Le dispositif adopté en première lecture au Sénat garantit l’indépendance des médias publics. Si nous ne l’adoptons pas aujourd’hui, le financement de l’audiovisuel public reposera sur le budget de l’État en application de l’article 2 de la Lolf, ce qui aurait pour conséquence de remettre directement en cause l’indépendance des médias concernés et serait contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les garanties de l’État envers l’audiovisuel public.

La réforme du financement de l’audiovisuel public va de pair avec une réforme de sa gouvernance, que nous jugeons, comme vous, nécessaire. Sous quelle forme et selon quel calendrier pourrait-elle revenir à l’ordre du jour ?

Les députés du groupe Droite républicaine voteront pour ce texte, issu pour bonne part des travaux de notre formation politique. Il apporte une réponse concrète, équilibrée et indispensable à un problème qui devenait urgent. J’insiste sur la nécessité d’avoir un vote conforme et formule le vœu que l’esprit de responsabilité qui a guidé nos collègues de l’opposition au Sénat nous anime également aujourd’hui.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Le texte que nous examinons est technique, mais d’une importance fondamentale dans un contexte national et international où l’extrême droite cherche, notamment en fragilisant l’information, à renverser la démocratie pour la remplacer par des États autoritaires. J’en veux pour preuve ce qui se passe aux États-Unis, mais aussi en France où des capitaines d’industrie rachètent des médias pour déverser une certaine idéologie. La question de l’éducation du public est donc un intérêt démocratique de première importance.

Nous venons d’entendre le Rassemblement national défendre la privatisation de l’audiovisuel public et nous avons vu ce matin le ministre Kasbarian féliciter Elon Musk : autant de signaux d’alerte qu’il faut prendre au sérieux. D’autant que l’audiovisuel public a été fragilisé par Emmanuel Macron, en 2018 avec la désindexation de la redevance par rapport à l’inflation, ce qui l’a privé de 300 millions, en 2022 avec la suppression de la redevance, ou encore en 2024 avec la question de la gouvernance, qui nous inquiète beaucoup, sans parler des baisses de financement réalisées en 2024 et annoncées pour 2025. Bref nous avons de sérieux doutes sur les intentions réelles du gouvernement quand il dit vouloir soutenir l’audiovisuel public.

Nous voterons malheureusement conforme la proposition de loi sans pouvoir l’amender, par la faute du gouvernement, mais la question du financement reste entière.

Madame la ministre, quelle est votre position sur l’annualisation des crédits, qui seraient versés en une fois, sur la fin du programme de transformation et de toute enveloppe conditionnée, et sur la possibilité de confier à un organisme indépendant, comme l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la mission d’évaluer les besoins de financement de l’audiovisuel public ?

Je rappelle que le financement public de l’audiovisuel en France est deux fois inférieur à celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni. Il nous faudra trouver un mode de financement pérenne et à la hauteur des enjeux, comme une contribution à l’audiovisuel public progressive, et garantir une gouvernance plurielle et indépendante.

M. Erwan Balanant (Dem). Je ne vais pas entretenir le suspense : notre groupe votera ce texte conforme. Il est de notre responsabilité d’assurer à l’audiovisuel public un financement viable et de mettre un terme à cet entre-deux délicat.

Certains de ceux qui disent aujourd’hui regretter la suppression de la redevance avaient dénoncé à l’époque l’inadaptation et l’injustice de la CAP. Nous l’avions remplacée dans l’urgence par l’affectation d’une fraction de TVA et il est désormais temps de pérenniser ce dispositif, au moins pour quelques années. Si nous ne le faisons pas avant le 1er janvier 2025, le financement de l’audiovisuel public sera budgétisé, ce qui n’est démocratiquement pas acceptable et serait contraire aux textes européens.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur ne pouvait modifier le financement de l’audiovisuel public qu’à la condition de lui accorder les recettes nécessaires à l’exercice de sa mission.

Notre groupe est très attaché au service public de l’audiovisuel. Même si les deux méritent réflexion, nous pensons que la question du financement doit être posée indépendamment de celle de la gouvernance. Pour l’heure, nous devons voter un financement viable et nous mettrons devant leurs responsabilités ceux qui seraient à l’origine d’un échec.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue le travail des rapporteurs et des présidents de commission de l’Assemblée et du Sénat, ainsi que celui de Constance Le Grip, de Quentin Bataillon et de Jean-Jacques Gaultier, qui montre que notre commission est capable de travailler de manière transpartisane.

Notre groupe réaffirme son soutien à un audiovisuel public fort, ce qui exige de garantir sa stabilité et son indépendance et de lui assurer un financement pérenne. Nous soutenons à ce titre le choix de l’affectation d’une fraction de la TVA et nous voterons conforme la proposition de loi organique. Elle a le mérite de mettre fin à la redevance, inefficace et désuète, de garantir l’autonomie de l’audiovisuel public et la pérennité de son financement, et de préserver le pouvoir d’achat des Français.

Le paysage médiatique traverse des évolutions majeures en raison de la concurrence exacerbée des plateformes étrangères. Pour y faire face, l’audiovisuel public a besoin d’objectifs stratégiques et de décisions claires sur son avenir, notamment celui de sa gouvernance. Notre assemblée devra se prononcer rapidement sur ces questions. Madame la ministre, quelle est votre vision de la gouvernance de l’audiovisuel public ? Êtes-vous favorable à une fusion et à une présidence commune ? Si nous sommes tenus à l’urgence aujourd’hui, j’espère que nous pourrons prendre le temps de travailler sur la question de la gouvernance et de l’avenir de notre audiovisuel public.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). À la suite d’une succession de mauvaises décisions prises sans anticipation, le gouvernement nous place devant le fait accompli. Nous le déplorons.

La suppression de la CAP en 2022 s’est faite sans réflexion sur un financement alternatif et nous savions que son remplacement par une fraction de la TVA ne pouvait être que temporaire, en raison de la date couperet du 31 décembre 2024. Nous voici aujourd’hui dos au mur et contraints de légiférer sans pouvoir amender le texte afin d’éviter – seul objectif qui fasse consensus – une budgétisation qui nuirait à l’indépendance de l’audiovisuel public.

En tant que membre de la commission des affaires étrangères et ancienne journaliste, je me dois de vous alerter sur la question du financement de nos médias internationaux, France Médias Monde et Arte. La budgétisation remettrait en cause l’existence même de ces institutions, qui se verraient assimilées à des médias d’État. La fréquence de RFI à Berlin pourrait à ce titre être coupée et le traité franco-allemand d’Arte serait remis en question. Cela mettrait également en danger la vie de nos journalistes, qui seraient traités par certains États en conflit avec la France comme des agents étrangers.

Le financement par la TVA n’est pas satisfaisant : étant assuré par tous les Français, y compris les plus modestes, il n’est pas plus équitable ni légitime que l’ancienne redevance. En outre, il ne résout pas le problème de la stabilité : nous sommes encore loin d’un financement déterminé et alloué sur une base pluriannuelle, ainsi que le préconise le règlement européen sur la liberté des médias. Pire, avec l’introduction de crédits de transformation, dont 50 millions ont été annulés en 2024, le gouvernement opère une régulation infra-annuelle qui nuit à la stabilité et aux projets d’investissement des sociétés.

Les sociétés de l’audiovisuel public ont déjà tiré publiquement le signal d’alarme sur la trajectoire financière, qui ne respecte pas les contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028. Alors que nos démocraties et nos concitoyens ont plus que jamais besoin de contenus de qualité et d’informations vérifiées, et alors que la bataille informationnelle fait rage, cette trajectoire interroge sur l’ambition réelle de l’exécutif quant à l’avenir de l’audiovisuel public.

Notre groupe votera la PPLO dans sa version issue du Sénat, mais il ne le fera que pour éviter la budgétisation et parer à l’urgence que le gouvernement a lui-même créée. Son adoption ne doit pas être considérée comme la fin du débat. Le travail pour trouver un financement juste, stable et garantissant l’indépendance de l’audiovisuel public doit se poursuivre.

Nous souhaitons à ce titre ouvrir la réflexion sur les nouveaux modes de consommation des contenus et suggérons un financement basé sur les abonnements de box.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). En 2022, le gouvernement a supprimé la redevance, selon une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, afin de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat des ménages. Son remplacement par une partie de la TVA n’a rien changé : ce sont toujours les ménages qui financent l’audiovisuel public, et notamment les plus modestes, mais cette fois de manière indirecte. Ce mode de financement est très injuste. Pire, à cadre organique constant, la suppression de la redevance a exposé le service public audiovisuel au risque d’une budgétisation au 1er janvier 2025.

Nous sommes aujourd’hui contraints de réparer les erreurs de l’ancienne majorité parlementaire en votant à la hâte une modification du cadre organique afin d’éviter cette budgétisation, qui mettrait à mal l’indépendance économique et la crédibilité internationale de notre audiovisuel public.

Dans un contexte marqué par la concentration des médias, la méfiance envers les journalistes, la multiplication de la désinformation et la fatigue informationnelle, il est urgent de renforcer le service public audiovisuel dans son rôle de garant de la pluralité et de la qualité de l’information ainsi que dans son indépendance vis-à-vis du pouvoir économique et politique. Notre groupe est favorable à l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public universelle et proportionnelle aux revenus disponibles de l’ensemble des personnes physiques, qui serait à la fois plus juste et plus dynamique. Seule une contribution affectée peut garantir la pérennité et la prévisibilité des ressources de l’audiovisuel public.

Nous voterons néanmoins ce texte conforme – nous retirerons donc nos amendements – afin d’éviter la budgétisation, ainsi que le souhaitent les représentants syndicaux des salariés.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Avec la suppression de la redevance télé, les Français se sont crus enfin débarrassés du fardeau de l’audiovisuel public, qui pompe dans leur portefeuille pour diffuser des idéologies minoritaires. Certains disent que l’audiovisuel public serait essentiel au bon maintien de notre démocratie, mais la vérité est tout autre.

La pluralité d’opinions et la qualité des informations ne sont plus garanties. De France Inter à France Télévisions, on entend partout le même son de cloche. D’octobre à décembre 2023, la proportion était de cinquante intervenants de gauche pour dix intervenants de droite. L’actualité est traitée de façon grossière, voire mensongère, comme en témoignent des titres comme « Trump, un fascisme à l’américaine », « La dérive autoritaire en Hongrie » ou « Italie, la montée des populismes ». Quelle finesse ! Tout cela nous semble être une utilisation dévoyée de l’argent public.

Le financement de l’audiovisuel public, qui coûte 4 milliards d’euros, est aujourd’hui assuré par un transfert d’une partie des recettes de la TVA. Il nous est proposé de pérenniser ce système ou de choisir une autre imposition de toute nature. Autrement dit, alors que la France est déjà championne du monde des impôts, il faudrait que les Français continuent à financer des médias publics qui soit les ignorent, s’agissant de la majorité silencieuse qui s’oppose aux délires wokistes, soit les insultent, s’agissant de la majorité des Français de droite.

Notre groupe, favorable à la privatisation, votera contre ce texte. D’autres solutions de financement existent, comme les ressources publicitaires, qui ne sont d’ailleurs pas plafonnées, contrairement à celles des chaînes privées. Ces recettes seraient d’autant plus importantes que les chaînes de service public élargiraient leur audience – mais encore faudrait-il pour cela qu’elles proposent un contenu qui intéresse vraiment les Français.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Nous en venons aux questions des députés.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’indépendance de l’audiovisuel public dépend d’un financement dédié, mais elle ne se limite pas à cette question. Que pensez-vous des décrets Tasca, dont l’objectif était de préserver cette indépendance mais qui, à l’heure de la concurrence des plateformes, ne paraissent plus adaptés ?

Par ailleurs, France Médias Monde est-il concerné par le projet de holding ou de fusion, qui semble être toujours dans l’air du temps ? Les journalistes ont besoin de savoir. Leur crédibilité est atteinte. Nous avons été renvoyés du Sahel et d’autres pays africains et cela continuera si France Médias Monde semble continuer à être sous la coupe de l’exécutif.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). La loi de finances pour 2024, adoptée par 49.3, consacre 180 millions d’euros à l’audiovisuel public à la condition de la réalisation d’objectifs de transformation, comme la transition numérique ou la mutualisation de moyens. Deux mois seulement après l’adoption du budget, près de 70 millions d’euros ont été annulés, rendant impossible toute évaluation des objectifs de transformation. La sécurisation des ressources est pourtant nécessaire au travail à long terme de nos médias. Êtes-vous en mesure de garantir que le budget prévu par le PLF pour 2025, qui est en baisse, sera exécuté dans son intégralité et que les objectifs de transformation ne seront pas imposés au service public ?

Mme Clémentine Autain (EcoS). Aujourd’hui est un jour noir pour les services publics : celui où le ministre de la fonction publique M. Kasbarian félicite Elon Musk d’avoir été nommé par Donald Trump pour démanteler la bureaucratie, et celui où nous examinons une loi organique de destruction de l’audiovisuel public.

Ce texte est le signe d’un manque total d’anticipation du gouvernement comme d’un manque total d’esprit public.

Depuis quarante ans, le même scénario se répète. La première phase est celle de la suppression des ressources – la redevance en l’occurrence. Il y a pourtant bien d’autres moyens de redonner du pouvoir d’achat aux Français, comme davantage de justice fiscale ou l’augmentation des salaires. La deuxième phase, présentée comme sans alternative, est celle du regroupement. La logique est toujours la même : faire des économies sur le dos du bien commun.

L’information est un bien commun. L’audiovisuel public est indispensable au pluralisme et à la démocratie. Une contribution proportionnelle et progressive permettrait d’assurer son indépendance et la pérennité de son financement.

M. Charles de Courson (LIOT). En tant que rapporteur général du budget, j’ai reçu, à leur demande, les cinq responsables de l’audiovisuel public. Je leur ai fait part de mon soutien au texte sénatorial et leur ai expliqué que le montant affecté d’une imposition de toute nature n’est pas plus protecteur qu’une dotation budgétaire. L’absence de régulation d’un montant affecté peut en effet être facilement contournée par l’étalement des versements. En outre, des amendements peuvent le modifier, à la baisse comme à la hausse. Enfin, le pouvoir des rapporteurs spéciaux pour vérifier le bon usage des fonds publics est le même, que le financement soit budgétisé ou qu’il soit affecté.

La redevance, qui a malheureusement été supprimée en 2022, est une imposition de toute nature. Elle est à ce titre compatible avec la proposition de loi organique et pourrait donc être rétablie sous une autre forme, ce qui semble souhaitable puisqu’elle serait plus protectrice qu’une taxe affectée. Y êtes-vous favorable ? Et êtes-vous favorable à la création d’une holding publique regroupant les cinq entités de l’audiovisuel public ?

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Madame la ministre, vous avez choisi de placer l’audiovisuel public dans une situation d’incertitude financière. Les rustines que le gouvernement nous appelle à poser sont la conséquence de vos choix. Vous avez déstabilisé ce secteur nécessaire à l’information et, en démocratie, à la prise de décision commune.

La France a une histoire internationale et l’information qui nous parvient du monde est essentielle pour que nous prenions les décisions qui incombent à notre pays. Les correspondants internationaux ont, de ce point de vue, un rôle central. Un fixeur palestinien de Radio France, Roshdi Sarraj, a été tué par un bombardement israélien il y a un an et de nombreux journalistes ont été assassinés depuis. Or, malgré les risques considérables liés à leur fonction, les 500 correspondants internationaux de la presse française, notamment ceux de France Médias Monde, n’ont pour beaucoup aucun statut qui leur permettrait de bénéficier d’une protection sociale. « On se bagarre pour le moindre euro », témoigne l’un d’entre eux.

Le code du travail est pourtant clair : « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. » Mais il n’est pas respecté pour les correspondants internationaux. Pourquoi, à l’heure de modifier la loi, ne pas commencer par respecter celles qui existent ?

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Ballard, la concurrence des Gafam est une question importante qui ne se posait pas il y a quelques années. Lorsqu’il a été question de la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public, certains ont parlé d’un retour de l’ORTF, mais à l’époque de l’ORTF, il n’y avait ni vingt-sept chaînes, ni les groupes privés, ni les Gafam. C’est aussi en raison de ce contexte que l’audiovisuel public doit regrouper ses forces et bénéficier d’un financement pérenne pour demeurer puissant. Vous le savez, je ne suis pas favorable à la privatisation parce que je considère qu’un audiovisuel public pluraliste et indépendant est un facteur d’égalité.

Nous allons défendre de nombreuses autres mesures, issues des conclusions des états généraux de l’information, comme le renforcement de l’effectivité des droits voisins, celui de la concurrence sur les marchés de la publicité et le fléchage des investissements publicitaires vers les médias traditionnels.

Madame Calvez, une loi de programmation pluriannuelle peut paraître intéressante, mais je ne la crois pas à ce stade plus protectrice que les COM, qui sont davantage sur mesure. En outre – et je m’adresse également ici à Mme Youssouffa – le principe de l’annualité budgétaire s’applique. Par ailleurs, le versement en une fois peut poser des problèmes de trésorerie à l’État. L’absence de mesure de régulation budgétaire est une garantie suffisante pour que le versement soit effectif.

En ce qui concerne l’avenir de la gouvernance, vous connaissez ma position : je suis favorable à une présidence unique, disposant de moyens de pilotage, mais aussi financiers.

Monsieur Saintoul, la suppression de la redevance a contribué à améliorer le pouvoir d’achat des Français et je ne crois pas que vous puissiez vous opposer à cette amélioration, fût-elle de 100 euros. La mesure a été plébiscitée par les Français et je n’envisage pas un retour au financement de l’audiovisuel public par cette voie. Aller dans l’impasse, faire marche arrière, revenir vers l’avant et se prendre un mur, ce n’est pas la vision que je défends pour l’audiovisuel public. Les Français n’accepteraient pas qu’on leur reprenne 100 euros de pouvoir d’achat.

La culture du compromis que vous invoquez est illustrée par le vote favorable du Sénat sur le texte, à l’unanimité, certes moins une voix : c’est vraiment transpartisan.

Pour moi, la réforme du financement et celle de la gouvernance sont effectivement liées, même si les textes et l’urgence ne sont pas les mêmes. On ne peut pas assurer un financement sans modifier la gouvernance. On ne peut pas s’en tenir au statu quo. C’est d’ailleurs la première question qui m’a été posée, avec celle de la pérennisation et de la sanctuarisation du financement. Vous considérez que ces dernières seraient une carotte pour faire accepter la réforme de la gouvernance ? Cela n’a jamais été mes propos ni ma vision, vous le savez très bien. Je suis pour un financement sanctuarisé, mais la réforme de la gouvernance est rendue nécessaire par le nouveau contexte qu’a rappelé M. Ballard – des groupes privés qui rassemblent leurs forces, qui se structurent et s’organisent dans des conditions qui peuvent conduire à s’interroger sur le pluralisme. Je le répète, je veux un audiovisuel public fort, dont les forces soient réunies, dont le financement soit sanctuarisé, et qui soit indépendant – et pluraliste si possible !

Monsieur Grégoire, j’entends vos arguments de procédure, mais nous sommes tenus par l’urgence. Le texte du Sénat nous permet d’avancer rapidement. L’échéance du 31 décembre n’a pas changé. Cette urgence est d’ailleurs liée à la dissolution, qui vous permet de siéger ici : elle n’a pas eu que des inconvénients ! J’en appelle à la responsabilité.

Vous dites que le sujet du financement de l’audiovisuel public reste devant nous, mais il le sera toujours. Je crois à un État fort. Je crois au service public, dont je suis le produit. Il faut lui donner les moyens de rester puissant. Mais, ce faisant, on ne peut pas en rester au statu quo, qui se fait percuter par l’évolution de la société. La budgétisation serait bien pire que les problèmes que vous craignez : elle laisse la possibilité d’effacer tout le financement d’un trait de plume ! La sanctuarisation et la pérennisation sont donc une véritable avancée.

Les annulations de crédits en cours d’année ne portaient que sur les crédits de transformation. Ces derniers ont aussi été l’occasion de mettre en œuvre la régulation. Ce ne sera plus le cas en 2025, puisque celle-ci ne sera plus de mise. Pour 2026 et 2027, je suis favorable à ce que ces crédits soient intégrés aux dotations dites socle. Je l’ai dit publiquement au Sénat, je le répète ici. Avec la PPLO, le montant voté en loi de finances sera le montant versé : il n’y aura pas de régulation possible. Oui, monsieur de Courson, on peut toujours contourner l’absence de régulation, mais de deux choses l’une : soit on est transparent et honnête au sujet de ce que l’on veut faire, soit on est cynique – or le sujet est beaucoup trop grave pour cela.

Madame Duby-Muller, vous avez raison de souligner que, pour renforcer l’audiovisuel public, il faut pérenniser et sécuriser son mode de financement. Je vous remercie de ce soutien. Mais ce n’est qu’une partie du chemin : vous l’avez aussi dit, l’audiovisuel public doit se transformer et se projeter dans l’avenir compte tenu du contexte que j’ai rappelé. Je vous confirme que je compte défendre la réforme de la gouvernance – même si nous avons un problème de calendrier parlementaire – pour aboutir à une présidence unique et exécutive. Les dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public la souhaitent, car les coopérations entre ces sociétés ont été très longues et très coûteuses.

Ce n’est pas une question d’économies, madame Autain, vous le savez bien. De même, quand j’ai fait la réforme de la carte judiciaire, c’était dans un souci non d’économies mais d’efficacité et de renforcement du service public de la justice. La Cour des comptes indique d’ailleurs dans un rapport que cette réforme a amélioré l’efficacité de la justice, notamment en ce qui concerne la justice de proximité.

Monsieur Iordanoff, il ne faut pas avoir d’obsessions, elles risquent de finir par se réaliser… Des inquiétudes, en revanche, je peux les comprendre – et c’est pour les dissiper que je vous réponds. Et puis, il ne faut pas être sectaire ! On voit où le sectarisme peut mener. Croyez-moi, le financement pérenne est un combat et il est l’objectif de ce texte. L’urgence, le contexte s’imposent à nous tous : ce n’est pas une question de gauche, de droite, d’extrême droite, de Donald Trump ou de je ne sais qui d’autre. Il est urgent de pérenniser le financement et de le soustraire à des régulations. C’est le sens de ce texte qui, je le répète, a obtenu l’unanimité – moins une voix – au Sénat.

Vous souhaitez que l’Arcom se prononce sur le niveau de financement nécessaire, mais c’est déjà le cas puisqu’elle rend un avis sur les contrats d’objectifs.

Quant au fait de tout verser en une fois, je pense que ce n’est pas indispensable. La redevance était versée aux entreprises bénéficiaires par douzièmes ; ce que vous proposez va au-delà. En l’état, le dispositif prévu par la PPLO suffit. Je le répète, le montant adopté sera le montant effectivement versé et ne sera pas soumis à régulation.

J’ai répondu aux questions de MM. Balanant et Patrier-Leitus.

Vous avez raison, madame Youssouffa : la budgétisation du financement de l’audiovisuel public aurait des conséquences toutes particulières et très concrètes sur l’audiovisuel extérieur en faisant assimiler ses chaînes à des médias d’État, au lieu de médias publics financés par l’État. C’est l’une des raisons, et non des moindres, qui nous obligent à aboutir avant le 31 décembre.

Je répète que la pluriannualité se heurte au principe d’annualité budgétaire. Le Parlement est souverain en la matière.

Madame Mansouri, les attaques et les caricatures de la part des médias, je suis très bien placée pour en parler ! Vous comptez les interventions politiques à l’antenne ; vous avez raison, mais c’est aussi le rôle de l’Arcom, garante du respect du principe du pluralisme auquel l’audiovisuel public est soumis, comme l’audiovisuel privé – le Conseil d’État l’a rappelé.

S’agissant des décrets Tasca, monsieur Taché, la production indépendante est au cœur de notre système. Elle ne repose pas sur la négociation professionnelle, comme vous semblez l’indiquer : le dispositif s’applique à tous, y compris aux plateformes.

Madame Autain, vous parlez de journée noire pour les services publics, comme d’autres parlent de tragédie. Nous avons mené trop de combats communs dans lesquels de tels termes ne sont pas exagérés pour les employer dans la situation dont nous parlons. Je vous ai dit ma vision et mon ambition pour l’audiovisuel public. Il y a de nombreux endroits, dont celui où vous êtes élue, où la présence d’un service public audiovisuel indépendant et au financement pérennisé est décisive, comme dans les zones rurales, où il est parfois la seule voie d’accès à l’information. Sans lui, l’expression « territoires perdus », si souvent galvaudée, ne serait pas, elle, exagérée, et l’on pourrait vraiment parler de fracture républicaine. C’est pour cela qu’il faut un service public fort, donc à la gouvernance réformée, et un financement indépendant, pérenne et dont on connaît le montant – c’est l’avantage du texte.

Tout ne sera pas parfait, évidemment. Mais l’audiovisuel public, comme le droit, évoluera toujours avec la société. Menons ensemble ce combat.

Monsieur de Courson, il est toujours possible d’étaler les versements – vous le savez mieux que quiconque. Quant au fait que les dotations peuvent être modifiées par la loi, c’est vrai, mais le Parlement peut tout : ce qui est fait peut toujours être défait. Concernant une résurrection de la redevance, j’ai déjà répondu. Enfin, je suis favorable à une présidence unique – une holding –, mais exécutive, pour l’efficacité de la stratégie et pour être à la hauteur de notre ambition pour l’audiovisuel public.

Monsieur Cadalen, votre question sur les correspondants internationaux est à la fois technique et politique. Sur le plan politique, je ne veux pas m’exprimer. Sur l’aspect technique, je vous répondrai par écrit si vous en êtes d’accord.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Merci beaucoup pour vos réponses, madame la ministre.

 

La réunion est suspendue de seize heures vingt à seize heures vingt-cinq.

 

M. Denis Masséglia, rapporteur. Dans mes réponses aux orateurs, je me limiterai aux sujets liés à la PPLO qui est en discussion. Je ne parlerai donc pas de la gouvernance.

Monsieur Ballard, pour ma part, je ne veux surtout pas opposer le privé au public : ils ont chacun leurs missions, leurs programmes, et nous avons besoin des deux. Oui à un regroupement, à une constellation ; non à une privatisation.

Madame Calvez, merci de soutenir l’audiovisuel public depuis de très nombreuses années. Je remercie également le groupe Ensemble pour la République de son soutien à cette proposition de loi organique si importante.

Monsieur Saintoul, vous souhaitez une contribution progressive et universelle : libre à vous de tenter de l’introduire par voie d’amendement aux textes budgétaires ou par une proposition de loi. Simplement, pour obtenir un vote favorable, encore faudrait-il réunir une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Vous avez raison de parler de culture du compromis, ce qui m’amène à rappeler le compromis qui a été trouvé au Sénat. Tout comme vous, j’aurais aimé pouvoir apporter des modifications à la PPLO, mais l’urgence nous oblige à un vote conforme. L’essentiel est de sauver le financement de l’audiovisuel public.

Je suis aussi d’accord avec vous sur le fait que le financement et la gouvernance sont deux sujets différents. Mais, je l’ai dit, nous sommes là pour parler de la PPLO et non de la gouvernance.

Monsieur Grégoire, il est vrai qu’il n’est pas agréable de voter à l’identique le texte issu du Sénat, mais l’urgence nous oblige à avancer. Je note votre pragmatisme à ce sujet.

Madame Duby-Muller, le Sénat a effectivement fourni un travail de grande qualité pour parvenir à un consensus et produire un très bon texte. Les modifications que j’aurais aimé lui apporter restent mineures.

Monsieur Iordanoff, je vous répondrai exactement comme à M. Grégoire.

Monsieur Balanant, je vous remercie de vos propos et je salue votre engagement de longue date pour l’audiovisuel public et la culture. Je le répète, je distingue le sujet de la PPLO de celui de la gouvernance.

Monsieur Patrier-Leitus, merci de votre soutien et de tout ce que vous faites pour l’audiovisuel public et, plus largement, pour les médias. Il est en effet important de donner un cap, une visibilité – un horizon ! – à l’audiovisuel public.

Madame Youssouffa, la proposition de loi organique n’impose pas le financement par une part de TVA. Toute imposition de toute nature serait possible, y compris la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) par exemple. Il faut seulement que le montant soit suffisant pour répondre aux besoins.

Madame Bourouaha, merci d’avoir rappelé que la majorité présidentielle et, surtout, le président de la République respectent leurs engagements de campagne. Le président Macron avait annoncé qu’il souhaitait supprimer la CAP. Nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons. C’est très important en politique.

Contrairement à Mme Mansouri, je ne pense pas que l’audiovisuel public soit un fardeau pour notre nation. C’est une chance, au contraire, d’avoir autant d’émissions de grande qualité pour lutter contre les infox et fournir une information de référence. Le terme de fardeau est en outre très irrespectueux envers les salariés qui, au quotidien, travaillent dur pour mener à bien leur mission. On a le droit de souhaiter la privatisation de l’audiovisuel public, mais ce vocabulaire n’est vraiment pas approprié.

Monsieur Taché, je vous ai déjà répondu.

Monsieur Duplessy, les crédits de transformation sont un sujet très important, mais qui ne relève pas de la proposition de loi organique.

Madame Autain, je crois vous avoir répondu.

Monsieur de Courson, vous avez raison de rappeler que la PPLO permet de recréer une CAP, voire des CAP. Le Parlement est libre de décider de l’outil de financement qui lui semble le plus approprié.

Monsieur Cadalen, le sujet important que vous abordez ne concerne pas le texte, mais je profite de l’occasion pour assurer de tout mon soutien et de celui de la représentation nationale les journalistes qui, de par le monde, travaillent dans des théâtres d’opérations souvent dangereux, où certains d’entre eux laissent leur vie. Merci à eux et à toutes les personnes qui nous permettent ainsi de nous informer.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Je me joins à l’expression de ce soutien. Les différents épisodes de la fragilisation du service public ont pu être d’autant plus difficiles qu’ils étaient vécus sur le terrain à l’étranger, sur des théâtres de guerre ou de déstabilisation politique profonde. Les décisions que nous prenons affectent directement les conditions de travail des journalistes et des correspondants internationaux et, parfois, leur sécurité.

 

Article 1er Affectation directe du montant déterminé d’une imposition de toute nature aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle

Amendement CS2 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pour résumer ce qui a été dit, tout le monde est contre la réforme, mais beaucoup vont, malgré tout, voter pour. Je relève plusieurs contradictions dans votre propos, monsieur le rapporteur. D’abord, vous dites qu’il faut réunir une majorité en faveur du texte alors que, sur d’autres sujets, comme la réforme des retraites, vous vous étiez nettement moins soucié de cet aspect. Ensuite, la TVA est injuste. Lorsque nous débattions de l’opportunité de rendre le repas à 1 euro accessible à tous les étudiants, vous estimiez qu’il n’était pas normal que le fils de Bernard Arnault puisse en bénéficier. Or, chacun paie le même montant de TVA, quel que soit son revenu.

Aussi proposons-nous le retour à la redevance, mais en la rendant progressive : son montant serait nul pour un revenu fiscal de référence inférieur à 15 000 euros ; il s’élèverait à 50 euros pour un revenu compris entre 15 000 et 20 000 euros, à 100 euros pour un revenu de 20 000 à 30 000 euros, et ainsi de suite. Cette mesure assurerait un financement stable, pérenne et juste – elle éviterait de porter atteinte au pouvoir d’achat des Français, qui semble être une préoccupation générale. Il s’agit d’une proposition de compromis.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Je vous propose que nous nous en tenions à l’objet de notre réunion, qui est l’examen de la proposition de loi organique. Votre amendement vise à inscrire dans la Lolf la possibilité d’instituer, par une loi de finances, des impositions de toutes natures affectées aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle. Votre exposé sommaire n’est pas en accord avec votre dispositif, mais vous soulevez un point intéressant, que j’ai évoqué dans mon rapport. Il serait en effet préférable de faire référence à plusieurs impositions de toutes natures, plutôt qu’à une seule imposition, comme le prévoit la proposition de loi organique. Néanmoins, compte tenu de la nécessité d’aller vite, et donc de voter le texte conforme, j’émets un avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La suppression de la redevance a engendré un gain de pouvoir d’achat, mais il existe de nombreuses autres façons de parvenir à ce résultat. Le cœur du problème – c’est une question à laquelle la ministre n’a pas répondu, pas plus que vous ne l’avez fait, monsieur le rapporteur – est de savoir ce que vous feriez si le texte était rejeté. Chacun s’accorde à dire que l’on ne veut pas de la budgétisation. Aussi, dans l’hypothèse où nous n’adopterions pas le texte, le gouvernement serait-il prêt à réintroduire, à Lolf constante, une redevance ? C’est cela qui doit déterminer notre choix. Contrairement à ce que vous affirmez, le rejet de la proposition de loi organique ne rendrait pas la budgétisation inéluctable : en disant cela, vous essayez de contraindre notre vote.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nous sommes défavorables à cet amendement pour deux raisons. D’abord, si l’on ne votait pas le texte conforme, cela ferait déraper le système, pour la plus grande joie du gouvernement – peut-être pas de la ministre de la culture, mais au moins de certains de ses collègues, qui n’ont rien contre la budgétisation. Ensuite, nous n’avons pas besoin d’un amendement à ce texte pour instituer une contribution à l’audiovisuel public. D’ailleurs, votre proposition consiste plutôt à graver un principe dans la loi organique.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Si la proposition de loi organique n’est pas adoptée à l’identique, on risque fort de devoir recourir à la budgétisation – ce serait quasiment une conséquence directe du vote. Vous avez déposé, dans le cadre de l’examen du PLF, des amendements visant à revenir à la CAP, mais, je le rappelle, notre assemblée les a rejetés.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CS10 de M. Nicolas Sansu et CS9 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Reconnaissez que la suppression de la redevance a eu des effets très injustes puisque chacun paie la TVA. Cette décision fut donc, en réalité, une erreur. Nous allons voter le texte car nous n’avons pas le choix – il y va de notre responsabilité – mais cela ne nous empêche pas de proposer d’autres mesures. Nous suggérons en particulier – c’est l’objet de l’amendement CS9 – que le service public audiovisuel soit financé par une contribution dédiée, universelle et proportionnelle. Applicable à tous les foyers, elle offrirait à l’audiovisuel public une stabilité essentielle pour garantir la continuité de ses missions et le développement de ses projets, en lui épargnant les aléas budgétaires.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Par l’amendement CS10, vous proposez d’affecter « la totalité du produit d’un prélèvement » aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle. S’agit-il d’un prélèvement sur les recettes de l’État, d’un prélèvement social – donc d’une cotisation – ou d’un autre prélèvement obligatoire ? La rédaction est trop imprécise. Par l’amendement CS9, vous défendez le retour à la CAP. Or, en l’état, la proposition de loi organique ne l’empêcherait pas. Avis défavorable sur les deux amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendement CS13 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à protéger le financement de l’audiovisuel public de la menace de régulations infra-annuelles par le versement de l’intégralité des crédits dédiés à l’audiovisuel public. Nous devons nous assurer, par la rédaction du texte et dans le cadre de l’application qu’en fera le gouvernement, que ces régulations, qui ont été opérées l’année dernière, n’auront plus lieu. Monsieur le rapporteur, vous aviez vous-même défendu, lors de l’examen du PLF, le versement des crédits en une fois. J’ai déposé cet amendement d’appel pour que nous puissions avoir un échange sur cette question même si je suis favorable à l’adoption conforme du texte, compte tenu du souhait unanimement exprimé par les personnes auditionnées d’être rassurées.

M. Denis Masséglia, rapporteur. J’avais déposé, devant la commission des finances, un amendement ayant un objet similaire, qui a été adopté. Il ne portait toutefois que sur les dotations-socle, alors que le vôtre inclut les crédits de transformation. J’avais souhaité que ces crédits soient évalués, mais cela suppose que nous disposions des éléments nécessaires pour juger de l’efficacité du dispositif, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. En tout état de cause, pour l’inscription de ces dispositions, le PLF me paraît un meilleur vecteur que la proposition de loi organique.

Mme Céline Calvez (EPR). Nous nous sommes réjouis que le principe du versement unique ait été avalisé par la commission des finances et la commission des affaires culturelles. Votre amendement nous permet d’appeler l’attention des sénateurs et du gouvernement sur la nécessité d’empêcher la régulation infra-annuelle grâce au versement unique en début d’exercice. Que ce versement inclue ou non les crédits de transformation, il est essentiel d’inscrire le principe dans la loi de finances au cours des semaines à venir.

M. Charles de Courson (LIOT). Votre amendement, madame la présidente, ne me paraît pas conforme à la loi organique, car il contraint le gouvernement à procéder à un versement unique. Imposer ce type d’obligation au gouvernement contredit le principe de la séparation des pouvoirs et, de ce fait, est anticonstitutionnel. Les crédits que nous ouvrons constituent un montant maximal. Vous souhaitez en réalité obtenir l’engagement du gouvernement qu’il ne régulera pas et ne contournera pas le principe de non-régulation par un étalement des versements, un abondement au dernier moment, voire l’absence de versement. Pour se prémunir contre ce danger, il faudrait que le gouvernement prenne un engagement en ce sens – qui ne peut pas émaner de la ministre de la culture dans la mesure où elle n’est pas décisionnaire. Il me paraîtrait plus sage de retirer l’amendement et de le redéposer en séance pour obtenir des éclaircissements.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu’il ne faut pas fusionner les crédits-socle et les crédits de transformation, mais il s’agit là d’un jeu de dupes. On sait que le gouvernement dispose, par cette régulation, d’un moyen de pression sur l’audiovisuel public en cours d’année, qui a été rendu possible par la suppression de la redevance. Cela lui a permis de faire passer la réforme de la gouvernance. La ministre nous a expliqué clairement que, dans son esprit, les deux aspects étaient liés – pour une fois, elle nous aura dit la vérité. Cela a offert au gouvernement un levier d’action sur les présidences des deux principales entreprises de l’audiovisuel public, grâce auquel il les a amenées à considérer que la fusion était une bonne option. La régulation infra-annuelle sert essentiellement à cela ; elle permet, éventuellement, de faire passer des mesures d’austérité. Tout en tenant compte des observations de M. de Courson, nous acceptons le principe que vous défendez par cet amendement, madame la présidente.

M. Alexis Corbière (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous affirmez que, si le texte n’est pas adopté, nous courrons le risque d’une budgétisation, ce qui s’apparente, d’une certaine manière, à une menace. Vous ne paraissez pas véritablement soutenir la démarche de la présidente Taillé-Polian. Nous avons pourtant intérêt à ce que les choses soient exprimées clairement au cours des débats à venir. Je soutiens l’amendement car il défend un principe qui mérite d’être réaffirmé.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. La présidente de France Télévisions a surnommé les crédits de transformation « crédits de régulation ». De fait, on a constaté, dès février, que ces crédits, qui étaient censés accompagner les processus de transformation, ont été suspendus avant d’être supprimés. Je m’élève contre ce pilotage financier et comptable de Bercy car ces entreprises de service public agissent dans un milieu très concurrentiel et ont besoin de visibilité à un horizon d’au moins un an. Il faut respecter le principe de l’annualité budgétaire. En ce sens, ma démarche diffère un peu de la vôtre, monsieur le rapporteur. La ministre a pris acte du fait que les crédits de transformation ont été utilisés, l’année dernière, à des fins de régulation. Elle a annoncé qu’ils seraient réintégrés dans le socle, ce dont je me réjouis. C’est un élément important, mais ce n’est pas le seul. Nous devons toutes et tous réaffirmer que nous souhaitons l’inscription, dans le projet de loi de finances, du principe du versement unique du montant de la subvention allouée à chaque organisme. Cela rassurerait la direction de ces entreprises, mais aussi leurs salariés, qui connaissent, sur de nombreux plans, une période de grande incertitude.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Votre amendement traite du sujet principal. En effet, si l’on n’avait pas connu une décroissance de la trajectoire budgétaire, en totale contradiction avec les contrats d’objectifs et de moyens (COM), personne ne s’inquiéterait de la budgétisation. Cela étant, j’ai quelques réserves juridiques ; je vous suggère de retirer l’amendement compte tenu de l’objectif, que nous partageons, de parvenir à un vote conforme. Il me paraîtrait souhaitable de le redéposer en séance pour amener le gouvernement à s’exprimer clairement sur le sujet. En effet, la remarque que vous avez faite, monsieur de Courson, montre que les propos de la ministre de la culture sont entachés d’un manque de crédibilité. Le gouvernement devrait apporter des clarifications sur l’amendement qu’il envisageait de déposer pour réduire les moyens accordés et s’engager à ne pas l’insérer dans le texte qui fera l’objet du 49.3. Nous souhaitons par ailleurs – c’est peut-être sur ce point que nos positions divergent, monsieur le rapporteur – que le gouvernement revienne sur les baisses qu’il a annoncées dès l’origine.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Monsieur Corbière, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai exprimé aucun désaccord vis-à-vis de la position de Mme la présidente. J’ai indiqué que nous avions adopté, en commission des finances, un amendement très proche du sien : il s’en distingue seulement par le fait qu’il n’inclut pas les crédits de transformation.

Mes propos ne constituent nullement une menace : je ne fais que dresser un constat, à savoir que le rejet de la proposition de loi organique aurait pour conséquence la budgétisation.

La commission des affaires culturelles et la commission des finances ont voté sensiblement la même disposition, à la différence près que la première ne s’appliquerait qu’en cas de budgétisation, tandis que l’amendement voté en commission des finances s’articule avec la proposition de loi organique et s’appliquerait hors budgétisation. Si leur philosophie est comparable, ces amendements n’ont pas exactement les mêmes effets.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. La question de l’indépendance de l’audiovisuel public est en jeu, compte tenu des desseins du gouvernement en matière de gouvernance. Cela étant, nous légiférons pour les années à venir, au cours desquelles de nouvelles atteintes sont à craindre, sous d’autres formes. L’amendement vise à nous prémunir contre ces risques. Je retire l’amendement et le redéposerai en séance. Cet échange nous aura permis d’anticiper les débats à venir. L’injonction qui nous est faite de voter conforme ne doit pas nous priver de la possibilité de dire avec force nos exigences, afin que le service public de l’audiovisuel puisse exercer dans de bonnes conditions ses missions, qui sont fondamentales pour notre démocratie.

L’amendement est retiré.

Amendements CS11 de Mme Soumya Bourouaha et CS8 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement CS11 a pour objet d’indexer sur l’inflation le montant des taxes et des impôts affectés aux organismes publics de la communication audiovisuelle. L’amendement CS8 vise à garantir que le montant affecté aux sociétés de l’audiovisuel ne puisse pas être revu à la baisse d’une année sur l’autre.

M. Denis Masséglia, rapporteur. La rédaction de l’amendement CS8 présente une faiblesse car il suffirait d’augmenter les crédits de 1 centime pour satisfaire à la règle posée. L’amendement CS11 répond à certaines attentes mais cette disposition ne me paraît pas avoir sa place dans une proposition de loi organique. L’enjeu, dans l’immédiat, est le choix du vecteur de financement et non son niveau. Avis défavorable sur les deux amendements.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Après l’article 1er

Amendement CS1 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement a pour objet de créer une redevance progressive. Je redis au rapporteur que le rejet du texte n’aurait pas pour conséquence automatique la budgétisation. Dans un tel cas de figure, il appartiendrait au gouvernement de faire un choix entre la budgétisation et la recréation, au sein du projet de loi de finances, s’il recourait au 49.3, d’une redevance, selon les modalités qu’il définirait. Ne faites pas peser sur nous la responsabilité d’un choix entre budgétisation et non-budgétisation. Assumez plutôt le fait que vous détestez tellement l’idée de la redevance que vous lui préférez la budgétisation. Certes, le gouvernement ne fera probablement pas usage de la possibilité qui lui est offerte de recréer une redevance, à Lolf constante, mais cela n’est pas de notre responsabilité.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Vous avez proposé le retour à la redevance, mais les amendements que vous avez présentés à cette fin ont été rejetés. Vous ne pouvez pas imposer à l’Assemblée nationale une position minoritaire. Lorsqu’on est attaché à la démocratie, on respecte le vote de notre assemblée. Je ne peux donc pas vous laisser dire qu’on aurait le choix de revenir à la CAP.

J’en viens à votre amendement. Au-delà de ma désapprobation du rétablissement d’une taxe qui grèverait le pouvoir d’achat de nos concitoyens, j’appelle votre attention sur le fait que, juridiquement, une redevance suppose une contrepartie. L’expression « redevance audiovisuelle » est donc juridiquement impropre : l’ancienne contribution à l’audiovisuel public était une imposition de toute nature et non une redevance au sens juridique du terme.

Mme Aurore Bergé (EPR). S’agissant du financement de l’audiovisuel public, plusieurs possibilités s’offrent, en effet, à nous : soit la pérennisation du système visant à y affecter une fraction du produit de la TVA, système que nous avions fait adopter avec Quentin Bataillon, soit le rétablissement de la contribution à l’audiovisuel public.

Vous défendez la deuxième hypothèse. Or vous êtes minoritaires, non seulement à l’Assemblée, mais aussi au sein de votre propre coalition : le rétablissement de la redevance ne figure pas dans votre bible, le programme du Nouveau Front populaire. En tout état de cause, notre seule préoccupation doit être – et c’est la raison pour laquelle une large majorité de notre commission souhaite une adoption conforme du texte du Sénat – de garantir le financement pérenne de notre audiovisuel public et son indépendance, laquelle est liée au niveau de ses ressources et au fait que celles-ci ne soient pas budgétisées.

Peut-être faudra-t-il ajouter au dispositif du Sénat des garanties concernant d’éventuelles régulations infra-annuelles, mais je ne comprends pas pourquoi vous êtes obsédés par le rétablissement de la redevance. Sa suppression n’a fragilisé ni l’indépendance de l’audiovisuel public ni le niveau de son financement. Au reste, les présidentes des sociétés de l’audiovisuel public nous demandent instamment d’adopter cette proposition de loi le plus rapidement possible.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. Nombreux sont celles et ceux qui, sur les bancs du NFP, ont proposé le rétablissement de la redevance, notamment dans le cadre du projet de loi de finances ; nous y sommes tous très attachés.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Madame Bergé, votre parti, lui, n’a même pas présenté de programme aux dernières élections législatives, et il n’en a pas davantage dans le cadre de la coalition à laquelle il appartient désormais. Sinon, pourquoi auriez-vous eu besoin de M. Wauquiez pour annoncer le renoncement à la désindexation des retraites ? Vous avez tendance à voir la paille qui est dans l’œil du voisin et non la poutre qui est dans le vôtre.

Monsieur le rapporteur, il est vrai que le rétablissement de la redevance n’a pas recueilli de majorité en séance publique. Mais il est piquant de vous entendre invoquer le vote de l’Assemblée nationale ou les résultats des législatives : M. Bataillon, comme votre propre groupe, a été défait, et le premier ministre, membre d’un parti qui a recueilli 4,5 % des voix aux élections, vient de voir son budget rejeté par notre assemblée !

Le fait est que le gouvernement est incapable de dire s’il refuse la budgétisation, au besoin en rétablissant une redevance, éventuellement améliorée, ou s’il la souhaite, le service public de l’audiovisuel dût-il en pâtir considérablement. Il en est incapable car sa volonté est d’affaiblir le service public : si celui-ci devait aller dans le mur, vous le laisseriez y aller.

M. Alexis Corbière (EcoS). Je soutiens le rétablissement de la redevance, mais je redoute une budgétisation. Pour ma part, je ne jouerai pas l’avenir du service public audiovisuel à la roulette russe. Les organisations syndicales nous disent que celui-ci serait exposé à un plus grand danger si le texte, aussi critiquable soit-il, n’était pas adopté. C’est ce qui déterminera mon vote, et j’assume la contradiction.

Par ailleurs, j’invite les uns et les autres à éviter la provocation. Monsieur le rapporteur, vous tirez argument du rejet d’un amendement en séance publique alors que beaucoup d’autres ont été adoptés et que, on le sait, à terme, le gouvernement recourra au 49.3 pour faire passer son budget. Pas vous, pas ça, pas à nous ! De même, madame Bergé, ne cherchez pas d’éventuelles contradictions au sein du Nouveau Front populaire : ses composantes sont ultramajoritairement favorables au rétablissement d’une redevance. Au demeurant, une commission spéciale ne suffirait pas à pointer toutes les contradictions de l’alliance à laquelle vous appartenez. Avançons donc, et évitons des provocations qui nous font perdre du temps !

M. Charles de Courson (LIOT). Deux petites observations. Premièrement, l’amendement est inutile, car il est satisfait par le texte. Deuxièmement, évitons le terme « redevance », qui n’est pas un concept de finances publiques. Ce que proposent nos collègues du NFP, c’est, en fait, une imposition de toute nature. Si, un jour, on veut en créer une, il ne sera pas nécessaire de modifier la Lolf.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Tout d’abord, les socialistes ne sont pas du tout opposés au rétablissement d’une contribution à l’audiovisuel public : ils ont déposé, à l’Assemblée, une proposition de loi à cette fin, et une autre l’a été au Sénat. L’enjeu technique est de garantir le rendement de cette contribution tout en protégeant les foyers les plus modestes.

Ensuite, il n’est pas vrai que l’audiovisuel public n’a pas été fragilisé. Les présidents de ses sociétés eux-mêmes le disent : leurs crédits ont été réduits sur l’exercice 2024 et des économies leur sont encore demandées à deux reprises pour 2025. Quant à la trajectoire budgétaire des contrats d’objectifs et de moyens soumis à notre assemblée, elle est d’ores et déjà caduque.

Enfin, en supprimant la redevance audiovisuelle en 2022, nous avons décidé de financer l’audiovisuel public, non pas par la TVA, mais par nos arrière-petits-enfants. De fait, puisqu’aucune nouvelle ressource n’a été créée, ce financement est assuré par le déficit public. C’est la raison pour laquelle il est constamment menacé par des économies budgétaires.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le groupe GDR croit au rétablissement d’une redevance : nous y travaillons, au sein du NFP, et je suis convaincue que nous aboutirons à un texte qui nous mettra tous d’accord.

Nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte, sinon sous la menace, du moins sous la pression d’une forme de chantage. Parce que nous sommes responsables, nous voterons pour. Mais nous croyons à une autre forme de financement de l’audiovisuel public, et nous démontrerons qu’elle est possible.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je ne comprends pas l’attrait de nos collègues du NFP pour le rétablissement de la redevance dès lors qu’ils souhaitent préserver le financement de l’audiovisuel public. En effet, le produit de cette redevance n’a cessé de décroître, passant de 3,9 milliards d’euros en 2017 à 3,6 milliards en 2022, l’année de sa suppression : 300 millions de moins en cinq ans ! Vous travaillez au rétablissement de cette redevance, mais, à ce jour, personne n’est capable de dire quel mécanisme de ce type permettrait de garantir un financement pérenne de l’audiovisuel public grâce à un rendement stable, voire dynamique.

M. Erwan Balanant (Dem). Nos collègues du NFP souhaitent instaurer une contribution à l’audiovisuel public qui tienne compte des ressources des ménages, et c’est une bonne chose. Mais personne n’a mentionné les usages. Auparavant, cette contribution était liée au fait de posséder un poste de télévision. Or combien, parmi nous, consomment les contenus de l’audiovisuel public sur d’autres écrans que celui de la télévision ?

Cela dit, nous devons, même si ce n’est pas agréable, nous prononcer en urgence, avant le 31 décembre. Adoptons donc ce texte conforme, et continuons à réfléchir, éventuellement de manière transpartisane, à des solutions pour l’avenir.

M. Philippe Ballard (RN). Actuellement, l’audiovisuel public est financé par la TVA, qui est par ailleurs un impôt injuste – nous pouvons être d’accord sur ce point. Mais si l’on rétablit la redevance, nous ne paierons pas pour autant moins de TVA. On aura donc augmenté les prélèvements obligatoires et fait baisser le pouvoir d’achat des Français !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS3 de M. Aurélien Saintoul

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous avançons à visage découvert en proposant, là encore, l’instauration d’une redevance progressive, mais dont l’objet serait cette fois limité au financement de l’organisme du secteur public de la communication audiovisuelle instauré par le traité du 2 octobre 1990.

On nous oppose trois arguments. Le premier est lié au pouvoir d’achat. C’est pourquoi j’insiste sur le caractère progressif de cette redevance : l’imposition des plus précaires ne doit pas augmenter.

Le deuxième argument tient au rejet, en séance publique, d’un amendement visant à rétablir la redevance. Or, monsieur le rapporteur, la TVA à 0 % dans les outre-mer, l’attribution d’une demi-part fiscale aux veufs et aux veuves ou la taxe sur les rachats d’actions ont été adoptés par l’Assemblée nationale, et vous ne défendrez pas ces mesures pour autant.

Enfin, le texte doit être adopté conforme, nous dit-on. Une fois de plus, je vous le demande : si tel n’était pas le cas ou si le texte était rejeté, préféreriez-vous la budgétisation ou l’instauration d’une redevance progressive et quelle serait, selon vous, la position du gouvernement ?

M. Denis Masséglia, rapporteur. Vos propos n’ont rien à voir avec l’amendement, lequel vise à financer Arte par une redevance intégralement affectée et progressive. J’y suis défavorable, pour plusieurs raisons.

Sur le plan juridique, non seulement, je l’ai dit, le terme « redevance » est impropre, mais « l’organisme du secteur public de la communication audiovisuelle instauré par le traité du 2 octobre 1990 » mentionné dans l’amendement ne correspond pas à Arte France : il englobe également le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) Arte et Arte Deutschland. Votre redevance financerait donc ces trois entités.

Sur le plan politique, M. Patino a indiqué, lors de son audition, que la proposition de loi organique lui convenait.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Merci pour votre argument juridique : il nous sera utile lorsque nous redéposerons l’amendement en séance publique.

Nous avons un débat de fond, et c’est agréable, mais admettez qu’il est entaché d’une certaine mauvaise foi : on ne peut pas affirmer que la redevance proposée affecterait le pouvoir d’achat de tous les Français puisqu’elle serait progressive.

Enfin, notre commission spéciale s’inscrit dans un contexte politique. Que ferait le gouvernement si le texte n’était pas adopté conforme ou s’il était rejeté, et que plaideriez-vous en tant que rapporteur ? Vous ne pouvez pas ne pas répondre à cette question : elle est au cœur de notre débat.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Monsieur Boyard, puisque vous proposez d’instaurer une redevance progressive qui rapporterait 4 milliards d’euros, pouvez-vous nous dire quel serait son montant pour un ménage aux revenus moyens ou pour un député, par exemple ? 300, 400, 500 euros ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ne nous noyons pas sous la mauvaise foi ! Depuis un an et demi que la redevance a été supprimée, vous n’avez pas été foutus de modifier la Lolf et vous nous demandez de présenter un dispositif tout prêt que Bercy n’aurait plus qu’à appliquer. Cela n’a pas de sens !

Si jamais cette redevance universelle et progressive ne pouvait pas être mise en œuvre par Bercy en quelques semaines, il serait aisé de fixer – à l’ancienne, en quelque sorte – un montant forfaitaire de manière que son produit atteigne 4 milliards et de compenser, dans la version du projet de loi de finances que le gouvernement cherchera à nous imposer par 49.3, la perte de pouvoir d’achat qu’elle entraînerait pour les ménages précaires. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage. Nous ne sommes pas obligés d’être dupes.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Monsieur Boyard, nous sommes d’accord : c’est un débat politique entre, d’un côté, le NFP, qui veut créer taxes, impôts et cotisations et, de l’autre, le socle commun, qui veut préserver le pouvoir d’achat des Français. Chacun son choix ; j’ai fait le mien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS4 de M. Louis Boyard

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Puisqu’on m’a posé la question, je réponds qu’un député paierait une redevance annuelle de 200 euros. En revanche, un conducteur de train ou un retraité au revenu moyen ne paierait rien. C’est ainsi que nous protégeons le pouvoir d’achat des Français.

Monsieur le rapporteur, nous y sommes presque : vous entrez enfin dans le débat politique – certes, en caricaturant nos positions respectives. Mais répondez à la question qui est au cœur de ce débat : si le texte était rejeté, préféreriez-vous une redevance universelle et progressive ou la budgétisation ? Et avez-vous des échos sur le choix que ferait le gouvernement ?

M. Denis Masséglia, rapporteur. Vous renversez le problème ! La question qui se pose est la suivante : le groupe LFI est-il prêt à voter contre la proposition de loi organique et à mettre ainsi en difficulté le financement de l’audiovisuel public ?

Quant à votre amendement, il vise à financer France Médias Monde par une redevance intégralement affectée et progressive. Je ne reviens pas sur l'emploi du terme « redevance », qui est juridiquement impropre. Défavorable.

Mme Aurore Bergé (EPR). M. Boyard voudrait faire dire à notre rapporteur qu’il y a un projet caché : nous espérerions que le texte ne soit pas adopté conforme, afin, demain, de budgétiser le financement de l’audiovisuel public pour le sacrifier après-demain. Comment pourrait-il en être ainsi puisque l’ancienne majorité présidentielle a substitué à la redevance de l’audiovisuel public un financement assuré par l’affectation d’une fraction du produit de la TVA ? Quant à la proposition de loi organique, elle a précisément pour objet de pérenniser cette modalité de financement afin de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public. Il n’y a pas de projet caché !

Si vous avez un projet alternatif, nous pouvons en débattre, mais il faut que vous expliquiez les modalités de la redevance universelle et progressive que vous proposez : à partir de quel seuil de revenus devra-t-on s’en acquitter ? Qui y sera assujetti ? Dans le cas d’une colocation, par exemple, tous les locataires devront-ils la payer ? Car, si l’on s’en tient à votre réponse à M. Patrier-Leitus, le rendement de votre redevance n’atteindrait pas 4 milliards, de sorte que les moyens de l’audiovisuel public baisseraient.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS5 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La redevance a été supprimée il y a un an et demi. Qu’avez-vous fait entre-temps ? Pourquoi avoir attendu si longtemps pour modifier la Lolf que nous sommes contraints d’adopter conforme le texte du Sénat si nous voulons éviter le mur de la budgétisation ? J’ai une réponse : si vous proposez cette modification si tardivement, c’est parce qu’elle a été la carotte que vous avez agitée devant les responsables de l’audiovisuel public pour imposer la réforme de la gouvernance. Vous ne respectez ni le débat démocratique ni la discussion sociale car personne ne veut de la fusion des sociétés de l’audiovisuel public.

Mme Aurore Bergé (EPR). Ce n’est pas le sujet !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Si, la ministre elle-même a dit que les deux questions étaient liées.

Vous nous demandez à présent de vous sortir de l’impasse dans laquelle vous nous avez placés. Nous n’avons pas vocation à être les supplétifs de la Macronie, mais puisque vous êtes incapables de vous en tirer sans le concours des voix de la gauche, éclairez au moins notre décision en nous expliquant ce que vous feriez si nous n’avions pas la bonté de vous sortir de cet embarras. Vous comptez sur le sens des responsabilités de la gauche pour éviter le mur de la budgétisation, mais nous ne sommes pas dupes : nous savons que certains, chez vous, ne seraient pas fâchés que nous en arrivions là.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait : c’est irrespectueux envers nos anciens collègues Bruno Studer, Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier et envers Constance Le Grip, ici présente. Une proposition de loi organique a été déposée, et vous savez ce qui s’est passé par la suite. La majorité présidentielle souhaitait réfléchir à la question.

Deuxièmement, vous vous érigez en sauveurs de la Macronie mais une fois encore, vous déformez les propos. Le groupe Ensemble pour la République refuse la budgétisation et propose une solution par le biais de ce texte. Votez contre et vous irez expliquer pourquoi la budgétisation l’a emporté. Assumez ! La démocratie, c’est le vote.

Mme Constance Le Grip (EPR). Je tiens à rappeler les travaux considérables de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public qui ont abouti au dépôt d’une proposition de loi organique, à laquelle j’avais collaboré avec d’autres. Les sénateurs ont également travaillé de leur côté. Vous ne pouvez pas dire que rien n’a été fait.

Après les événements que vous connaissez, les sénateurs ont pris leurs responsabilités en juillet. C’est à notre tour. Il nous appartient de voter rapidement ce texte qui garantit l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public et la stabilité, autant que faire se peut, des ressources qui lui sont affectées.

Tenons-nous en aux faits, parmi lesquels le net rejet par la commission des finances d’une taxe supplémentaire.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous avez gagné du temps en créant une mission d’information dont les conclusions ont été sans surprise : la pérennisation du dispositif qui avait été instauré il y a un an et demi. Ne nous faites pas croire à un coup de théâtre au terme duquel vous apporteriez au débat public des propositions radicalement neuves.

Vous avez fait perdre un an et demi parce que vous vouliez que la réforme de la gouvernance soit adoptée avant celle du financement. Personne n’est dupe.

Je le reconnais, vous avez fait votre travail de parlementaire mais le gouvernement aurait tout à fait pu présenter un projet de loi. Le choix de la proposition de loi n’est évidemment pas sans signification.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). La pédagogie étant l’art de la répétition, nous venons de vivre un grand moment de pédagogie. Monsieur le rapporteur, si j’en crois votre dernière intervention, vous préférez la budgétisation à la redevance. Je veux être certain d’avoir bien compris.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Je reconnais bien là, monsieur Boyard, votre propension à déformer malhonnêtement les propos pour créer du désordre.

Je suis très clair : la seule alternative à la budgétisation est la proposition de loi organique, que je voterai. Chacun est évidemment libre de son vote. Si La France insoumise ne vote pas la PPLO, cela signifie qu’elle est favorable à la budgétisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS14 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. L’amendement a pour objet d’organiser un débat sur le niveau de financement requis pour garantir l’indépendance de l’audiovisuel public. Il s’inspire de l’Allemagne où une commission indépendante est chargée d’évaluer avec une grande précision les budgets nécessaires ainsi que leur consommation.

La ministre a fait valoir que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) s’acquittait déjà d’une telle tâche. Mais lorsqu’elle rend un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés de l’audiovisuel public, l’Arcom se prononce davantage sur leurs projets et leur adéquation avec leurs missions de service public que sur les enjeux financiers.

Par cet amendement d’appel, je propose que l’Arcom rende chaque année un avis circonstancié sur les aspects budgétaires afin de permettre à la représentation nationale de déterminer en toute connaissance de cause si les crédits prévus par le gouvernement sont suffisants pour couvrir les besoins du service public audiovisuel.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Votre amendement propose de confier à l’Arcom une mission d’évaluation du niveau de financement annuel nécessaire à l’audiovisuel public pour en faire la cousine de la commission allemande pour l’évaluation des besoins financiers des radiodiffuseurs, connue sous le nom de KEF.

Dans leur rapport d’information sur le financement de l’audiovisuel public de 2022, les sénateurs Karoutchi et Hugonet préconisaient une solution similaire, à ceci près qu’ils envisageaient la création d’une autorité supérieure de l’audiovisuel public. À l’inverse, la mission d’information de l’Assemblée nationale consacrée au financement de l’audiovisuel public n’avait pas retenu cette piste en 2023.

Pour ma part, j’y suis défavorable. Le modèle allemand s’explique par l’histoire de ce pays et par la mainmise complète du pouvoir sur les médias entre 1933 et 1945. Notre histoire n’est pas comparable, pas plus que nos traditions juridique et administrative. Par ailleurs, l’Arcom, par le biais de son avis sur les COM et de son avis annuel sur leur exécution, fait déjà connaître sa position sur le financement de l’audiovisuel public. Il n’est donc pas nécessaire d’élever cette compétence au rang organique. Avis défavorable.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage l’avis du rapporteur : la place d’une telle disposition est dans la loi de finances, pas dans la loi organique.

Mme Céline Calvez (EPR). Il ne s’agit pas créer une nouvelle entité mais d’élargir les missions de l’Arcom.

Toutefois, avant de solliciter l’Arcom, le Parlement devrait faire en sorte de renforcer ses pouvoirs dans ce domaine. On a ainsi évoqué sa possible association à l’élaboration des COM ainsi que son information plus détaillée.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. L’un n’empêche pas l’autre. Le travail de l’Arcom aurait vocation à éclairer le Parlement.

L’amendement s’inspire de l’exemple allemand sans le reproduire totalement puisque nos histoires, en effet, ne sont pas les mêmes. Ainsi, outre la pluriannualité, les avis de la KEF s’imposent ; il n’est pas question d’en faire de même en France.

L’amendement est retiré.

 

Article 2 : Institution d’un prélèvement sur recettes en faveur de la Chaîne culturelle européenne

Amendement CS12 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip (EPR). Cet amendement d’appel vise à rétablir l’article 2 que les sénateurs ont supprimé afin de mettre un coup de projecteur sur la chaîne culturelle européenne Arte, plus particulièrement sur Arte France. Cet article prévoyait de lui affecter un prélèvement sur recettes (PSR).

Née d’une volonté franco-allemande forte, matérialisée dans un traité entre la République française et les Länder de la République fédérale d’Allemagne, la chaîne Arte porte haut et fort les valeurs européennes qui nous sont chères.

L’idée sénatoriale de souligner la spécificité d’Arte France par un financement ad hoc était tout à fait légitime. Ses représentants eux-mêmes auraient souhaité idéalement la création d’un PSR qui permettait de remplir intégralement les obligations d’Arte France vis-à-vis du GEIE.

Néanmoins, j’entends la volonté d’être rapide et efficace.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Je sais votre attachement au PSR puisque vous en aviez fait l’objet de votre proposition de loi organique déposée en juillet.

Si le PSR présente certains avantages, il a néanmoins deux inconvénients. D’abord, il ne me semble pas opportun d’aligner le régime d’Arte sur celui de l’Union européenne ou des collectivités territoriales car leurs dimensions ne sont pas comparables.

En outre, l’institution d’un PSR se heurterait à la jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 29 décembre 1982, celui-ci a considéré que le PSR devait servir à couvrir des charges qui n’incombent pas à l’État, c’est-à-dire des charges revenant à l’Europe et aux collectivités locales. Or Arte France n’est pas un organisme extérieur à l’État. Son capital appartient à 100 % à l’État via France Télévisions, Radio France, l’INA et l’Agence des participations de l’État. Il y a donc de fortes chances que le Conseil constitutionnel censure le PSR. Compte tenu des délais qui sont les nôtres, évitons de prendre un tel risque.

Enfin, si, lors de leur audition, les représentants d’Arte France ont rappelé leur intérêt pour le PSR, ils ont aussi indiqué qu’un financement par la TVA convenait tout à fait.

Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme Constance Le Grip (EPR). Je retire l’amendement mais le sujet n’est pas clos. Nombre de travaux parlementaires plaident en faveur de la création d’un PSR pour l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public – même s’il suppose une modification non négligeable de la Lolf – qui traduirait notre attachement à un audiovisuel public fort et indépendant.

Mme la présidente Sophie Taillé-Polian. J’avoue que l’idée d’un amendement sur le sujet m’avait également traversé l’esprit.

L’amendement est retiré.

La commission maintient la suppression de l’article 2.

 

Article 3 : Gage financier

La commission maintient la suppression de l’article 3.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi organique sans modification.

*

*     *

 

En conséquence, la commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi organique dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/MejP1q

 


Annexe :
liste des personnes entendues par la commission spéciale

(par ordre chronologique)

 

       Mme Carole Anselin, sous-directrice de la 8e sous-direction du Budget – budgets des secteurs de la culture, de la jeunesse, de la vie associative, des sports, de l’économie, des finances, de l’outre-mer, de la justice et des médias, et Mme Louise Mesnard, cheffe du bureau justice et médias

       Table ronde réunissant les dirigeants des entités de l’audiovisuel public :

 Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions *

– Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France *

– M. Bruno Patino, président du directoire d’Arte France *

– M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel

– Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde *

– Mme Kim Younes, présidente-directrice générale de TV5 Monde

       Table ronde réunissant des représentants des organisations syndicales des entités de l’audiovisuel public :

 M. Renaud Bernard, délégué syndical et coordonnateur de groupe France Télévisions * (SA, Distribution, Publicité, Studio et filiales) pour Force ouvrière (FO)

 M. Renaud Dalmar, délégué syndical central pour la Confédération française démocratique du travail (CFDT) de Radio France *

 M. Soufiane Errami, délégué syndical pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) de France Médias Monde *

 Mme Soraya Morvan-Smith, secrétaire générale adjointe pour le Syndicat national des journalistes-Confédération générale du travail (SNJ-CGT) de France Médias Monde *

       Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) En mai 2024, sous la seizième législature, l’Assemblée nationale avait constitué une commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique n °2616 rectifié relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public déposée le 10 mai 2024 par MM. Quentin Bataillon, Bruno Studer et Jean-Jacques Gaultier. La dissolution intervenue le 9 juin 2024 a mis un terme aux travaux de cette commission spéciale.

([3]) Sur 340 suffrages exprimés, la proposition de loi organique a recueilli 339 voix « pour » et une voix « contre ».

([4]) Sénat, session 2023-2024, proposition de loi organique n° 740, portant réforme du financement de l’audiovisuel public, 10 juillet 2024.

([5]) Conseil d’État, Guide des outils d’action économique, décembre 2022, page 4.

([6]) En application du cinquième alinéa de l’article 46 de la Constitution, « les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après la déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution ». Cette obligation est rappelée par le premier alinéa de l’article 61 de la Constitution. Le troisième alinéa de ce même article 61 prévoit que « le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours ».

([7]) Deux coordinations devront être réalisées entre ce texte et le PLF :

– la première coordination portera sur la première partie du PLF et visera à prévoir le versement d’un montant déterminé d’une imposition de toute nature (possiblement la TVA) en faveur de l’audiovisuel public ;

– la seconde coordination portera sur la seconde partie du PLF et visera : d’une part, à abonder le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public du produit attendu de cette imposition affectée ; d’autre part, à supprimer la mission Audiovisuel public qui figure aujourd’hui dans le PLF.

([8]) Une adoption conforme de la proposition de loi organique présenterait deux avantages : elle serait à la fois plus sûre juridiquement et compatible avec le calendrier très resserré de mise en œuvre de la réforme. À l’inverse, une adoption de ce texte avec modifications poserait des questions juridiques et calendaires au regard notamment de la nécessaire coordination entre la PPLO et le PLF :

– juridiquement, une incertitude existe sur la recevabilité des nécessaires amendements de coordination entre la PPLO et le PLF au-delà de la première lecture du PLF au Sénat. En application de la « théorie de l’entonnoir », après la première lecture, les seuls amendements susceptibles d’être adoptés doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d’assurer une coordination avec un autre texte en cours d’examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle. Dans sa décision n° 2019‐786 DC du 11 juillet 2019, le Conseil constitutionnel a considéré que « l’exception relative à la nécessité d’assurer une coordination avec un texte en cours d’examen recouvre bien le cas où un tel texte a été promulgué après le début de l’examen du texte qui fait l’objet de l’amendement ». Ce considérant de principe, susceptible de s’appliquer en l’espèce, n’a cependant pas encore trouvé d’application concrète ;

– toute adoption non conforme de la proposition de loi organique allongerait les délais d’examen pour permettre une nouvelle discussion de ce texte en deuxième lecture au Sénat ou lors d’une commission mixte paritaire. En cas de réunion et d’accord de la CMP, ses conclusions devraient ensuite être approuvées dans chaque chambre alors même que le calendrier est extrêmement serré. En cas de désaccord à l’issue de la CMP et s’agissant d’un texte organique, l’Assemblée nationale ne pourrait l’adopter définitivement en dernière lecture, en vertu du « dernier mot », qu’à la majorité absolue de ses membres (article 46 de la Constitution).

([9]) Cette nouvelle dénomination résulte de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

([10]) L’ensemble de ces données sont extraites du rapport n° 147 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 établi, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale (seizième législature) par M. Jean-René Cazeneuve.

([11]) Arrêté du 18 juin 2020.

([12]) Arrêté du 27 mai 2021.

([13]) Arrêté du 28 mai 2020.

([14]) Arrêté du 13 juillet 2021.

([15]) Cette suppression résulte de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

([16]) Ces 68 millions d’euros sont ainsi décomposés : 45 millions d’euros pour France Télévisions, 15 millions d’euros pour Radio France, 2 millions d’euros pour Arte France, 2 millions d’euros pour l’Institut national de l’audiovisuel, 0,5 million d’euros pour France Médias Monde et 0,5 million d’euros pour TV5 Monde. Source : rapport n° 147 précité de M. Jean-René Cazeneuve.

([17]) Décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022. L’article 11 de cette Déclaration dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. ».

([18]) Ce montant a été déterminé par l’article 120 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([19]) Ce montant a été déterminé par l’article 162 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([20]) Ces données sont extraites de l’avis n° 472 (tome I, audiovisuel public) présenté, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (dix-septième législature) par M. Aymeric Caron sur le projet de loi de finances pour 2025.

([21]) Arrêté du 30 juin 2022 (14,94 millions d’euros) et arrêté du 5 juin 2023 (34,46 millions d’euros).

([22]) Arrêté du 19 juillet 2022 (15,6 millions d’euros), arrêté du 7 juillet 2023 (6,5 millions d’euros) et arrêté du 19 juin 2024 (0,8 million d’euros).

([23]) Arrêté du 5 août 2022.

([24]) Cet article prévoit que « le montant d’une ou de plusieurs avances peut être réduit en l’absence de mise en œuvre de tout ou partie des actions de transformation […] dans la limite de la fraction de ces avances consacrée au financement de ces actions ».

([25]) Comme Mme Carole Anselin, sous-directrice de la 8e sous-direction du budget du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, l’a rappelé lors de son audition, cette modification du cadre organique visait à renforcer le consentement à l’impôt.

([26]) Assemblée nationale, seizième législature, M. Bruno Studer, proposition de loi organique n° 159 visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public, 25 juillet 2022.

([27]) Assemblée nationale, seizième législature, MM. Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, proposition de loi organique n° 1324 portant réforme du financement de l’audiovisuel public, 6 juin 2023.

([28]) Op. cit. Sénat, session 2023-2024, proposition de loi organique n° 740 portant réforme du financement de l’audiovisuel public, 10 juillet 2024.

([29]) Assemblée nationale, dix-septième législature, Mme Constance Le Grip, proposition de loi organique n° 5 relative à l’extension des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des organismes du secteur audiovisuel public, 20 juillet 2024.

([30]) À l’Assemblée nationale, différentes initiatives parlementaires sont intervenues lors de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (amendements n° AC72 de Mme Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues et n° AC201 de M. Peu, Mme Bourouaha et M. Maillot) et de l’examen du PLF pour 2025 (amendements nos I-2246 (groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire) I-874 (groupe Écologiste et social), I-1693 (groupe Gauche Démocrate et Républicaine) et I-2745 (groupe Socialistes et apparentés).

Au Sénat : session 2023-2024, 23 juillet 2024, Mme Sylvie Robert et plusieurs de ses collègues, proposition de loi de n° 740 visant à assurer la qualité et l’indépendance du service public de l’audiovisuel par un financement affecté, juste et pérenne

([31]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Audiovisuel public, page 8.

([32]) Il est notamment indiqué que la proposition de loi organique soutient « la pérennisation des modalités de financement de l’audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA ».

([33]) Sénat, session 2024-2025, commission des finances, rapport n° 40 sur la proposition de loi organique  portant réforme du financement de l’audiovisuel public, M. Jean-Raymond Hugonet, page 26.

([34]) Op. cit. page 26.

([35]) Décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 Loi sur la communication audiovisuelle, considérant 5.

([36]Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant 9.

([37]) Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, considérant 18.

([38]) Décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022 Loi de finances rectificative pour 2022, considérant 25.

« 25. En premier lieu, en se bornant à prévoir que, « en vue d’en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion, il est institué […] sur les installations réceptrices de radiodiffusion, une redevance pour droit d’usage », l’article 109 de la loi du 31 mai 1933 n’a eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel le secteur de l’audiovisuel public ne pourrait être financé que par une redevance. Cette loi ne saurait donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance d’un tel principe ne peut qu’être écarté. »

([39]) Op. cit, considérant 30.

([40]) Sénat, session 2024-2025, commission des finances, rapport n° 40 sur la proposition de loi organique  portant réforme du financement de l’audiovisuel public, M. Jean-Raymond Hugonet, page 18.

([41]) Op. cit. paragraphe 27.

([42]) Assemblée nationale, dix-septième législature, commission des affaires culturelles et de l’éducation, avis n° 472 (tome I – Audiovisuel public) sur le projet de loi de finances pour 2025, M. Aymeric Caron, octobre 2024, page 49.

([43]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023 Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, avril 2024, page 40. Le rapporteur souligne que cette régulation budgétaire peut aussi prendre la forme d’une disposition de la loi de finances de fin de gestion.

([44]) Assemblée nationale, quinzième législature, commission des finances, rapport d’information n° 5107 sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l’Assemblée nationale, M. Éric Woerth, 23 février 2022, page 116.

([45]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023 Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, avril 2024.

([46]) Souligné par le rapporteur.

([47]) La jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière budgétaire et financière, Mme Claire Bazy-Malaurie, intervention à l’occasion d’un déplacement au Conseil constitutionnel du Maroc, le 18 octobre 2010.

([48]) L’État détient :

– 100 % du capital d’Arte France, de France Télévisions, de France Médias Monde et de Radio France ;

– 63,16 % du capital de TV5 Monde.

([49]) L’article 1er du décret n° 2004-532 du 10 juin 2004 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national de l’audiovisuel dispose que cet établissement « est placé sous la tutelle du ministre chargé de la communication ».

([50]) Fondation Jean-Jaurès, Mme Julia Cagé, Une autre redevance est possible. Pour un financement affecté mais plus juste de l’audiovisuel public, juin 2022. Les travaux de Mme Cagé s’inspirent des dispositifs observés en Finlande, Norvège et Suède.

([51]) Conseil des prélèvements obligatoires :

– La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques, février 2023 ;

– Les impôts et taxes affectés, septembre 2024.

([52]) Projet de loi de finances pour 2025, annexe – évaluation des voies et moyens tome 1 : recettes, page 30.

([53]) TV5 Monde est mentionné aux articles 17-1, 27-7 et 34 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([54]) Cette combinaison serait possible puisqu’elle associerait :

– une imposition de toute nature relevant du premier alinéa du II de l’article 2 de la Lolf (en l’espèce, la TVA) ;

– un montant d’une imposition relevant du second alinéa du II de l’article 2 de la Lolf (en l’espèce, le produit d’une nouvelle contribution à l’audiovisuel public ; cette nouvelle contribution étant affectée à un tiers doté de la personnalité morale et étant en lien avec les missions de service public lui étant confiées).

([55]) Il s’agit de la TVA (106 milliards d’euros), de l’impôt sur le revenu (94 milliards d’euros), de l’impôt sur les sociétés (56 milliards d’euros), des droits de donation et de succession (20 milliards d’euros), de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (16 milliards d’euros), des prélèvements de solidarité (15 milliards d’euros), de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards d’euros), d’autres taxes intérieures (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité et taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, 8 milliards d’euros), des retenues à la source et des prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes (5 milliards d’euros) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (4 milliards d’euros). Projet de loi de finances pour 2025, évaluation des voies et moyens tome 1 : recettes.

([56]) En 2024, les conventions de règlement conclues entre l’État et les entités de l’audiovisuel public mentionnent les douze dates de versement suivantes : 10 janvier, 5 février, 5 mars, 5 avril, 25 avril, 5 juin, 5 juillet, 5 août, 5 septembre, 7 octobre, 5 novembre et 5 décembre.

([57]) Assemblée nationale, dix-septième législature, commission des affaires culturelles et de l’éducation, rapport d’information n° 537 présentée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024‑2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel, Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian, 6 novembre 2024, page 18.

Recommandation n° 3 : En début d’exercice budgétaire, verser en une seule fois aux organismes de l’audiovisuel public les crédits ouverts en loi de finances.

([58]) Amendement n° II-CF 3078.

([59]) Le principe d’annualité budgétaire signifie que le Parlement vote chaque année sur le budget de l’État pour une durée d’un an. Dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le Conseil constitutionnel a observé que « le principe de l’annualité des lois de finances découle des articles 34 et 47 de la Constitution et s’applique dans le cadre de l’année civile » (considérant 21).

([60]) Traité entre la République française et les Laender de Bade-Wurtemberg, de l’État libre de Bavière, de Berlin, de la Ville libre hanséatique de Brême, de la Ville libre hanséatique de Hambourg, de Hesse, de Basse-Saxe, de Rhénanie du Nord-Westphalie, de Rhénanie-Palatinat, de Sarre, du Schleswig-Holstein sur la chaîne culturelle européenne, signé à Berlin le 2 octobre 1990.

([61]) Op. cit. pages 33-35.

([62]) Article 1er du traité du 2 octobre 1990 : « La C.C.E [Chaîne culturelle européenne (C.C.E.)] a la responsabilité exclusive de la programmation. Elle est également responsable de la réalisation des programmes, qu’elle assume, de même que la gestion du personnel et du budget sous la surveillance et le contrôle des seuls sociétaires et, partant, à l’exclusion de toute intervention d’autorités publiques, y compris d’autorités indépendantes chargées de la régulation de l’audiovisuel dans le pays du siège. De même, la direction, la gestion et la rémunération du personnel ainsi que l’établissement du budget des sociétaires français et allemand relèvent de la seule responsabilité de ces mêmes sociétaires » (passages soulignés par le rapporteur).

([63]) https://assnat.fr/XleWM2