N° 5117

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2022.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ([1]) ,

sur la mise en œuvre des recommandations adoptées par la Délégation
au cours de la législature,

par

Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL, Annie CHAPELIER, Karine LEBON, Brigitte LISO, MariePierre RIXAIN, Bénédicte TAURINE
et M. Stéphane VIRY,

Députés

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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

 

Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Fiona Lazaar, M. Gaël Le Bohec, Mme Laurence Trastour-Isnart, vice-présidents ; Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; M. Erwan Balanant ; M. Pierre Cabaré, Mme Céline Calvez ; Mme Annie Chapelier ; M. Guillaume Chiche ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; M. Philippe Dunoyer ; Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Sonia Krimi ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Karine Lebon ; Mme Geneviève Levy ; Mme Brigitte Liso ; M. Thomas Mesnier ; Mme Frédérique Meunier ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Claire Pitollat ; Mme Josy Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Isabelle Santiago ; Mme Bénédicte Taurine ; M. Stéphane Viry.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

première partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation en matière de lutte contre les violences faites aux femmes

I. La prévention des violences et l’amélioration des moyens de détection

A. rappel des recommandations de la Délégation

B. Analyse de leur mise en œuvre

II. Les conditions de dépôt de plainte et de réponse aux urgences

A. rappel des recommandations de la Délégation

B. Analyse de la mise en œuvre des recommandations

III. Accompagnement des victimes, autorité parentale et prise en charge des auteurs

A. rappel des recommandations de la Délégation

B. Analyse de la mise en œuvre des recommandations

IV. lutte contre la prostitution

A. Rappel des recommandations de la délégation

B. Analyse de la mise en œuvre des recommandations

V. la lutte contre les violences économiques

A. rappel des recommandations de la Délégation

B. Analyse de la mise en œuvre des recommandations

1. Intégrer la notion de violences économiques en droit français

2. Garantir le versement de salaires sur un compte personnel

3. Parachever l’instauration de la réforme du service de versement des pensions alimentaires

deuxième partie : mise en œuvre des recommandations de la délégation en matière de diplomatie féministe

I. rappel des recommandations adoptées par la Délégation

II. La diplomatie féministe de la France résulte d’un engagement ancien et est désormais consacréE par la loi

A. Les engagements multilatÉraux consacrant les droits des femmes

1. Rappel des engagements internationaux de la France

a. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

b. La résolution n° 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU

c. La ratification de la Convention n° 190 de l’OIT

d. L’engagement de la France pour une ratification universelle de la Convention d’Istanbul

2. Les suites données au G7 de Biarritz et le Forum Génération Égalité

B. LE parlement a consacré la notion de diplomatie féministe en droit interne

C. Promouvoir le droit à l’interruption volontaire de grossesse et la lutte contre les mutilations sexuelles

D. pilotage et gouvernance de la diplomatie féministe

troisième partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation relatives à la santé des femmes

I. DES THÉMATIQUES DE SANTÉ RÉCURRENTES DE LA PUBERTÉ à LA MATURITÉ

A. LA PLACE CENTRALE DES MENSTRUATIONS DANS LA VIE DES FEMMES

1. La sécurité des produits de protection périodique

2. Des actions à amplifier en matière de lutte contre la précarité menstruelle

3. La nécessaire prise en charge de l’endométriose

B. L’URGENCE À RENFORCER L’INFORMATION, LA COMMUNICATION ET LA SENSIBILISATION EN MATIÈRE D’ÉDUCATION A LA SEXUALITÉ

C. UN PARCOURS IVG À FACILITER ET À ALLÉGER

II. UNE PRISE EN COMPTE DE LA SANTÉ DES FEMMES SÉNIORES ENCORE INSUFFISANTE

A. Des actions de prévention à renforcer pour favoriser le maintien à domicile

B. La refonte indispensable de la prise en charge de la dépendance

III. L’impact DU GENRE DANS LES SOINS DE SANTÉ

A. PRENDRE EN COMPTE LE GENRE POUR MIEUX SOIGNER

B. INTÉGRER DAVANTAGE LES FEMMES DANS LES ESSAIS CLINIQUES ET LIMITER LES EFFETS SECONDAIRES

C. FAVORISER une meilleure représentation des femmes pour L’ACCES AUX POSTES À RESPONSABILITÉ DANS LES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET LA RECHERCHE

Quatrième partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation en matière de parité

I. rappel des Travaux et recommandations de la délégation

A. Nomination aux organismes extérieurs

B. Travaux en lien avec le projet de réforme constitutionnelle

C. Parité dans les conseils et exécutifs locaux

II. Analyse de la mise en œuvre des recommandations de la Délégation

A. Nomination aux organismes extérieurs

B. Recommandations en lien avec le projet de réforme constitutionnelle

C. Parité dans les conseils et exécutifs locaux

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

COMPTE RENDU DE L’audition de M. éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

COMPTE RENDU DE L’audition de M. Olivier véran,  ministre des solidarités et de la santé

annexe 1 : liste des personnes entendues par la délégation et par vos rapporteurs

I. partie lutte contre les violences faites aux femmes

auditions de la délégation

II. partie diplomatie féministe

auditions de la délégation

III. partie santé des femmes

A. auditions de la délégation

B. auditions CONDUITES PAR LES RAPPORTEURES

IV. partie parité

auditions CONDUITES PAR LE RAPPORTEUR

Annexe 2 : évaluation des crédits de la diplomatie féministe de la france

Annexe 3 : liste des ministres auditionnés par la délégation au cours de la législature et déplacements effectués


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   Introduction

 

Le Bureau de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a décidé lors de sa réunion du 21 septembre 2021 de conduire des travaux d’évaluation de la mise en œuvre des recommandations adoptées par la Délégation au cours de la présente mandature (2017-2022).

Elle a désigné à cette fin des rapporteurs chargés de chacune des quatre parties composant ce rapport, à savoir :

- Mmes Marie-Noëlle Battistel, Brigitte Liso et Marie-Pierre Rixain pour la partie I relative aux mesures de lutte contre les violences faites aux femmes ;

- Mmes Annie Chapelier, Marie-Pierre Rixain et Bénédicte Taurine, pour la partie II traitant de la diplomatie féministe de la France ;

- Mmes Karine Lebon et Marie-Pierre Rixain pour la partie III portant sur la santé des femmes ;

- M. Stéphane Viry pour la partie IV évaluant les mesures relatives à la parité.

Ce rapport traite du suivi des principales recommandations adoptées dans ces domaines. Pour mener à bien leurs travaux, les rapporteurs ont adressé des questionnaires détaillés aux services des ministres de la Justice, des Solidarités et de la santé, de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi que de la ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.

Ils ont auditionné des représentants de la société civile, une ambassadrice ainsi que deux membres du Gouvernement.

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, est intervenu auprès de la Délégation le 1er décembre 2021 pour échanger sur la mise en œuvre des recommandations de la Délégation en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Mme Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale de Forum Génération égalité, est intervenue devant la Délégation le 11 janvier 2022.

Le ministre des Solidarités et de la santé est intervenu devant la Délégation le 8 février 2022, afin d’évoquer la mise en œuvre des recommandations relatives à la santé des femmes.

Ce rapport témoigne de l’apport concret de la Délégation aux droits des femmes dans ces domaines cruciaux. Il met en lumière les avancées permises ou accompagnées par le travail parlementaire, ainsi que les domaines dans lesquels une attention particulière s’avérera nécessaire au cours des prochaines années.

 


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   première partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation en matière de lutte contre les violences faites aux femmes

La lutte contre les violences faites aux femmes a constitué un axe fort de l’action de la Délégation aux droits des femmes au cours de la présente législature. De nombreuses initiatives (auditions, colloques, déplacements, rapports, …) ont été consacrées à cette thématique. La clé de voûte en a été le Livre Blanc sur la lutte contre les violences conjugales, du 6 novembre 2019 ([2]). Celui-ci s’inscrit dans le vaste mouvement de mobilisation suscité par le Grenelle contre les violences conjugales qui a été lancé le 3 septembre 2019 par le Premier ministre, Édouard Philippe, et s’est achevé le 25 novembre 2019.

Le plan gouvernemental contre les violences faites aux femmes issu du Grenelle s’est traduit par 30 mesures destinées à lutter contre les violences de genre. Il vise à renforcer la protection des victimes et de leurs enfants, à assurer le suivi et la prise en charge des auteurs, afin d’empêcher la récidive, ainsi qu’à prévenir davantage les faits de violence.

Le Livre Blanc de la Délégation aux droits des femmes a repris un certain nombre de ces mesures, dans le cadre de ses recommandations, et les a complétées. Il s’agissait de mettre en œuvre un véritable continuum d’actions, seul susceptible de freiner cette spirale de violences dont les femmes sont victimes, mais également les enfants, et qui nécessite d’agir sur les auteurs pour mettre un terme à des actes de violence pouvant conduire à des féminicides. Le nombre élevé de ceux-ci est le révélateur de l’échec de notre société à enrayer ce fléau.

Plus de deux ans après le Grenelle des violences conjugales, il est indispensable d’effectuer un premier bilan des dispositifs déployés, afin d’en évaluer la pertinence et l’efficacité.

Dans ce cadre, afin de conduire la présente évaluation, la Délégation a entendu, le 1er décembre 2021, M. Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Elle a par ailleurs organisé, le 8 décembre 2021, une table ronde relative à l’évaluation des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes et réunissant :

– Mme Elisabeth Moireau‑Braud, secrétaire générale de la mission interministérielle chargée de la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) ;

– Mme Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid-France ;

– Mme Françoise Brié, directrice générale de la Fondation nationale Solidarité femmes ;

– M. Benoît Durieux, de l’Association Solfa, directeur du Pôle hébergement insertion responsabilisation.

Vos rapporteures ont également adressé un questionnaire aux services du ministre de la justice et de la ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Au terme de leurs travaux, vos rapporteures peuvent ainsi mettre l’accent sur les actions qu’il convient d’approfondir ou de compléter, afin de renforcer l’arsenal de lutte contre les violences faites aux femmes.

 

 


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I.   La prévention des violences et l’amélioration des moyens de détection

Les travaux menés sur les violences conjugales ont permis d’établir qu’il était essentiel d’agir en amont des signalements de violences pour, d’une part, les prévenir et, d’autre part, les déceler au plus tôt, avant qu’elles prennent une forme dramatique. En effet, le phénomène des violences conjugales est fréquemment banalisé voire minimisé, tant par les auteurs que par les victimes, soumises à l’emprise de leur agresseur.

Ces violences demeurent un phénomène trop souvent caché, les victimes, par peur ou par honte, hésitant à les dénoncer. Il est donc essentiel d’agir à un stade précoce, afin d’attaquer le phénomène à la racine.

A.   rappel des recommandations de la Délégation

La Délégation a formulé de nombreuses recommandations à ce sujet, dont la plupart ont été décrites et développées dans le Livre blanc des violences conjugales, assorti de 200 recommandations.

Elle préconisait tout particulièrement :

- de lancer une campagne nationale de grande ampleur pour sensibiliser la société contre le viol et les autres violences sexuelles ;

- de renforcer la politique interministérielle d’éducation à la sexualité ;

- de contrôler les publicités sexistes et les images dégradantes ;

- de pérenniser la formation des magistrats et des forces de l’ordre sur les violences conjugales ;

- d’étendre la formation à l’ensemble des personnels de santé et des intervenants, travailleurs et éducateurs sociaux, afin de mieux repérer les victimes potentielles, en particulier lors de visites médicales ou d’examens de grossesse ;

- d’améliorer l’accueil et l’écoute des personnes victimes de violences par l’action des référents, intervenants sociaux ou psychologues spécialisés dans la prise en charge des violences, déployés dans les hôtels de police ou de gendarmerie et dans les services d’urgence.

La Délégation a également mené un travail spécifique concernant la reconnaissance du terme de « féminicide », tant dans le langage courant que dans le langage juridique ([3]).

Ce rapport a décrit l’ampleur de ces crimes, commis à l’encontre de femmes en raison de leur sexe, ainsi que le nombre toujours élevé de féminicides dans notre pays. Afin de mieux lutter contre ce phénomène, la rapporteure a préconisé une reconnaissance légale et administrative de ce terme, afin d’initier de véritables changements culturels. Elle a également proposé d’y recourir dans les communications administratives et médiatiques.

La Délégation a adopté ce rapport assorti d’une annexe décrivant le projet de résolution de la rapporteure, visant à rappeler le caractère prioritaire de la lutte contre les violences faites aux femmes et à reconnaître le caractère spécifique des féminicides

B.   Analyse de leur mise en œuvre

Interrogés sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces recommandations, les ministères concernés ont apporté des éléments de réponse précis.

● Plusieurs campagnes nationales d’information, ont été lancées depuis le Grenelle des violences conjugales. En 2019, l’une d’elles a mis en avant les nouveaux dispositifs déployés, à commencer par la plateforme de signalement de violences sexistes et sexuelles, le 3919, désormais accessible en permanence. En 2020, une autre campagne reprenant la promotion des dispositifs de recours a été de nouveau organisée, les violences ayant augmenté pendant la période de confinement et la crise sanitaire. En mars 2021, la campagne « 1000 possibles » valorisant le parcours des femmes a été engagée, complétée en novembre par une campagne d’ampleur, rappelant la mobilisation de tous, en particulier des professionnels concernés, contre les violences sexistes et sexuelles.

● En ce qui concerne la politique interministérielle d’éducation à la sexualité, le guide violences en milieu scolaire a été actualisé. Des mesures ont été inscrites dans la nouvelle feuille de route de mise en œuvre de la santé sexuelle. Hors milieu scolaire, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle a été renforcée, via la consolidation du réseau des Espaces vie affective, relationnelle et sexuelle, qui ont pour missions d’écouter, d’accueillir, d’informer et d’orienter sur les thèmes de l’égalité des sexes, de la violence et de la sexualité, ainsi que d’aborder les difficultés de communication, les problèmes de couple (rupture, divorce, violences) et de discuter sur les questions de contraception, de sexualité, d'infections sexuellement transmissibles.

Toutefois, en matière de contrôle des publicités sexistes et des images dégradantes, les dispositifs sont encore insuffisamment connus du grand public, tel le dispositif de signalement en ligne mis en place par le Conseil supérieur de l’audiovisuel - devenu l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, - permettant à toute personne de l’alerter sur un programme diffusé à la radio ou la télévision pour son caractère sexiste ou dégradant.

● La formation aux violences conjugales des magistrats tend depuis le Grenelle à être systématisée et pérennisée, qu’il s’agisse de la formation initiale (avec des modules de formation comportant des outils dédiés, élaborés notamment avec l’appui de la MIPROF ou de la formation continue. Un volet « lutte contre les violences faites aux femmes » a notamment été introduit dans les sessions de formation obligatoires, lors des changements de fonction. Par ailleurs, 90 000 policiers et gendarmes ont reçu une formation pour un meilleur accueil et accompagnement des victimes.

En outre, une action systématique a été engagée pour former l’ensemble des professionnels conduits à intervenir dans le domaine des violences conjugales (professionnels de santé, travailleurs sociaux, …). Cette sensibilisation fait appel à des outils dédiés, notamment ceux élaborés par la MIPROF. Des protocoles ont été conclus entre les ordres locaux de médecins et les parquets permettant sous conditions la levée du secret médical. Par ailleurs, un référent « violences faites aux femmes » doit désormais être identifié dans chaque Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues. Ces actions de sensibilisation s’étendent également aux professionnels de l’hébergement et aux acteurs du logement.

● S’agissant de l’accueil et de l’écoute, au niveau des services de police et de gendarmerie, il existe 404 postes d’intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie, soit 133 supplémentaires depuis le Grenelle sur les violences conjugales. Il existe actuellement 73 postes de psychologues dans les commissariats et des référents violences « intrafamiliales » (dits « référents VIF ») ont été nommés dans tous les commissariats et brigades de gendarmerie.

● Au sujet du terme « féminicide », vos rapporteures constatent que les préconisations adoptées par la Délégation n’ont été que partiellement suivies d’effets. Elles se réjouissent de constater qu’il est désormais fréquemment utilisé dans le langage courant, s’imposant même dans certaines communications gouvernementales et que son usage se soit significativement répandu dans la presse ces dernières années. Toutefois, sa reconnaissance juridique n’est pas à l’ordre du jour.

Une table ronde avec les associations parties prenantes de la lutte contre les violences conjugales a été organisée par la Délégation aux droits des femmes, afin qu’elles puissent faire part des évolutions constatées depuis le Grenelle et des améliorations qui leur paraissent devoir être apportées.

Mme Elisabeth MoireauBraud, secrétaire générale de la MIPROF, a souligné l’importance de la formation des professionnels. En effet, il lui apparaît indispensable que tous les professionnels partagent une culture commune et aient la même perception des violences faites aux femmes, afin de mieux les repérer. Ainsi, le fait que la notion d’emprise soit entrée dans notre législation depuis 2019 constitue une avancée. Toutefois, elle a observé que tous les professionnels ne sont pas formés avec les outils de la MIPROF. Elle estime donc nécessaire d’aller plus loin en la matière.

En ce qui concerne les professionnels de santé, il faudrait introduire un questionnement plus systématique sur les violences et diffuser cette règle plus largement. Il conviendrait également de prévoir des formations multidisciplinaires, déconcentrées, en lien avec les acteurs locaux, afin de mieux connaître les autres acteurs de la lutte contre les violences conjugales. Mme Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid-France, a estimé qu’il faudrait étendre la formation contre les violences à la prostitution, celle-ci relevant également des violences faites aux femmes. Mme Françoise Brié, directrice générale de la Fondation nationale Solidarité femmes, a rappelé, quant à elle, l’impératif d’expérience et d’expertise pour évaluer le danger et souhaité que les pouvoirs publics s’appuient davantage sur les associations. En ce qui concerne la situation des femmes étrangères victimes de violences, il faudrait mettre en place des référents également dans les préfectures.

Enfin, vos rapporteures tiennent à souligner le rôle essentiel que les enseignements d’éducation à la sexualité dispensés dans le milieu scolaire doivent jouer, afin de lutter contre les stéréotypes de genre et de permettre la construction de relations harmonieuses entre les filles et les garçons, fondées sur la confiance et le respect mutuel ([4]). Il est très important qu’ils soient informés dans ce cadre sur la question du consentement et du viol. Or, les trois séances obligatoires par an représentent un nombre d’heures insuffisant. De plus, comme le soulignait Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, « cette loi n'est pas appliquée partout, alors que l'information à la sexualité semble indispensable », lors d'une conférence sur la protection des enfants et adolescents contre la pornographie, le 15 juin 2018. À cet égard, il est précisé dans un rapport de 2016 du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qu’un quart des établissements reconnaissent ne pas mettre en œuvre des séances ou des ateliers d'éducation à la sexualité. Celle-ci, telle qu’elle est conçue et dispensée dans le cadre scolaire, ne répond pas actuellement aux besoins ni aux attentes des élèves. Elle doit donc être entièrement repensée, afin de remplir pleinement son rôle dans la prévention des violences faites aux femmes, en faisant évoluer les perceptions et les représentations mentales, tant des filles que des garçons.


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II.   Les conditions de dépôt de plainte et de réponse aux urgences

La lutte contre les violences conjugales nécessite une action politique large afin de protéger les victimes et de mieux prévenir, anticiper et sanctionner les actes des auteurs et des futurs auteurs de violences. La Délégation, durant son mandat, a mené un travail riche afin de proposer des recommandations sur des outils appropriés permettant de faciliter la détection de violences et la prise en charge rapide des victimes. Ces outils ont aussi pour but de sécuriser la situation des femmes qui sont mises en danger par la dénonciation des faits de violences.

En 2020, 159 400 femmes victimes de violences conjugales ont porté plainte, leur nombre connaissant une progression de 10 % par rapport à 2019. Ces chiffres attestent de l’importance de bien encadrer les conditions du dépôt d’une plainte. Leur assouplissement permettrait, en effet, de mieux accompagner les femmes dans le signalement de violences et de les encourager à le faire.

A.   rappel des recommandations de la Délégation

Au cours de cette législature, la Délégation a formulé un certain nombre de propositions pour améliorer les conditions de dépôt de plaintes et de réponse aux urgences.

En adoptant son Livre blanc sur les violences conjugales, elle a proposé :

- de réformer l’ensemble de la procédure relative au dépôt de plainte, en élaborant des protocoles d’accueil standardisés et adaptés aux victimes de violences conjugales ;

- d’assurer un accueil et une mise en sécurité immédiate de ces dernières ;

- de généraliser le dépôt de plainte en ligne et à l’hôpital ;

- d’accroître le nombre de places d’hébergement d’urgence en prenant particulièrement en considération les impératifs familiaux des victimes ;

- de renforcer l’efficacité de l’ordonnance de protection par de nombreux moyens (réduction du délai de délivrance par le juge aux affaires familiales, étude de la mise en place d’un recours d’urgence, simplification des conditions de la délivrance d’ordonnance).

L’ensemble de ces mesures doivent s’accompagner :

- d’un déploiement plus rapide et massif des téléphones grave danger et des bracelets anti-rapprochement.

En outre, dans son rapport d’information n° 721 sur le viol([5]), la Délégation a préconisé :

- de privilégier la conduite des enquêtes pour viol par des enquêteurs spécialement formés sur cette question, ou encore de revoir le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.

Dans son rapport d’information n° 895 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes([6]), la Délégation a recommandé :

- de mieux réprimer les cyberviolences en créant une plateforme de signalement des cyberviolences intégrée à un portail d’information et de pré-dépôt de plainte contre toute forme de violence, et améliorant la formation des acteurs et le recueil de données à ce sujet ;

- de permettre aux agents de police judiciaire adjoints et aux agents assermentés agissant dans les transports en commun de relever la contravention d’outrage sexiste.

Enfin, le Livre blanc de la Délégation sur les violences a rappelé :

- la nécessité de déployer plus largement un système de « kit » opérationnel permettant de procéder aux observations et aux prélèvements médico-légaux en dehors des unités médico-judiciaires quand cela est nécessaire au sein des hôpitaux.

B.   Analyse de la mise en œuvre des recommandations

● Concernant la généralisation du dépôt de plainte, une boîte à outils relative à l’accueil et l’accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé a été élaborée dans le cadre d’un groupe de travail interministériel constitué sous l’impulsion du ministère de la justice. Ce dispositif doit favoriser le déploiement des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des victimes par l’ensemble des partenaires qui œuvrent à leur protection, ou améliorer les dispositifs existants en les complétant le cas échéant, afin en particulier de faciliter le recueil de preuves sans plainte.

D’après les données fournies à vos rapporteures, le 27 septembre 2021, 88 conventions avaient été signées entre parquets, structures hospitalières, commissariats et gendarmeries en lien avec les agences régionales de santé (ARS) pour la mise à disposition d’un officier de police judiciaire à la demande du médecin pour recueillir la plainte de la victime à l’hôpital. En outre, une circulaire conjointe du 25 novembre 2021 du Garde des Sceaux, du ministre de l’Intérieur et du ministre des Solidarités et de la santé, a été prise pour favoriser la généralisation des dispositifs de prise en charge au sein des établissements de santé des victimes majeures de toutes formes : en informant les victimes de leurs droits, en les accompagnant vers la révélation des faits à destination de l’autorité judiciaire et/ou des forces de l’ordre et en facilitant leurs démarches, ou encore en adoptant les modalités de plainte à la situation de chaque victime.

La recommandation de réformer l’ensemble de la procédure relative au dépôt de plainte a donc été partiellement satisfaite.

● En ce qui concerne l’hébergement, vos rapporteures ont salué le fait que 2 000 places supplémentaires ont été créées depuis 2020, la crise sanitaire ayant permis d’accélérer leur mise en place. Il s’agit d’un effort réel qu’il convient de saluer. On comptait ainsi, fin 2021, 7 800 places pour les femmes victimes, soit une hausse de 60 % depuis le Grenelle. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé, le 25 novembre 2021, la création de 1 000 places d’hébergement supplémentaires en 2022. Cette hausse des places d’hébergement satisfait une demande pressante de la part de la Délégation afin de garantir une prise en charge efficace des victimes.

 Des progrès certains ont également été enregistrés sur le plan de l’organisation et du traitement judiciaires des violences conjugales.

Les ordonnances de protection ont bénéficié à davantage de victimes de violences conjugales, puisque 4 980 décisions statuant sur la demande ont été prononcées en 2020, contre 2 368 en 2017, soit une augmentation de 110,3 % sur trois ans. 1 392 ordonnances de protection étaient délivrées en 2017 contre 3 330 en 2020, soit une augmentation de 138,5 % en trois ans. Ainsi, le taux d’acceptation est passé de 58,8 % en 2017 à 66,7 % en 2020.

Dans le cadre du suivi des actions issues du Grenelle, le Gouvernement a entendu définir une stratégie globale de traitement de l’urgence relevant des situations de violences conjugales. Ainsi – et à partir d’éléments collectés sur l’ensemble du territoire – différentes directions du ministère ont défini conjointement un certain nombre d’indicateurs permettant d’affirmer la mise en œuvre d’une filière de l’urgence en juridiction. La mise en place de ces filières de l’urgence dans les tribunaux, désormais installées dans 75 % d’entre eux, visait précisément à garantir le respect des délais impartis par la loi. D’après le ministère de la Justice, le dépassement de ces délais, lorsqu’il se produit, ne résulte plus aujourd’hui pour l’essentiel que de l’exigence liée au respect du contradictoire.

Conformément aux préconisations de la Délégation, l’efficacité de l’ordonnance de protection a donc été effectivement renforcée grâce à ces mesures.

Le déploiement des téléphones grave danger (TGD) a augmenté de 168,2 %. Ce dispositif a fait la preuve de son efficacité. En 2020, 1 185 déclenchements d’alarme ont été recensés, soit autant d’agressions évitées d’après le ministère de la justice. Au 3 novembre 2021, 3 036 TGD avaient été déployés dans les tribunaux, dont 1 969 étaient effectivement attribués. En outre, le 25 novembre 2021, le Premier ministre a annoncé la mise à disposition de 5 000 TGD supplémentaires en 2022. S’agissant du bracelet antirapprochement, 676 ont été imposés au 3 novembre 2021, ce qui constitue une grande montée en puissance sur ces derniers mois.

Les modalités du recueil de preuves sans plainte ont été facilitées. La circulaire du 25 novembre 2021 co-signée par les trois ministres de la justice, de l’intérieur et de la santé, vise à faciliter le recueil des preuves sans plainte. Un « dossier conservatoire de preuves sans plainte », comportant des fiches pratiques très détaillées, figure dans la boîte à outils en annexe de cette circulaire. La mise en œuvre de cette circulaire devra être évaluée au cours des prochaines années.

S’agissant du travail d’enquête, la recommandation de privilégier la conduite des enquêtes pour viol par des enquêteurs spécialement formés sur cette question n’a pas été retenue en tant que telle.

 


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III.   Accompagnement des victimes, autorité parentale et prise en charge des auteurs

La lutte contre les violences conjugales ne saurait se réduire à la prise en charge des victimes. Au sein du foyer, les enfants doivent également être considérés comme victimes de ces violences, soit parce qu’ils y assistent, soit parce qu’ils les subissent. Des mesures spécifiques, destinées à les protéger, doivent donc intervenir pour les mettre à l’abri de l’auteur des faits. Quant aux auteurs, il est indispensable qu’un travail et un suivi soient entrepris afin d’éviter la récidive, les violences familiales se limitant rarement à un seul épisode, y compris lorsque les auteurs ont fait l’objet de sanctions pénales.

A.   rappel des recommandations de la Délégation

La Délégation a formulé des recommandations très concrètes sur la thématique de l’accompagnement, concernant aussi bien les victimes que les enfants et les auteurs.

S’agissant des victimes, les principales recommandations étaient les suivantes :

poursuivre les efforts de fléchage des logements sociaux vers les victimes de violences conjugales, en adaptant ces logements à la situation familiale de la victime ;

- associer les acteurs privés du logement en revalorisant la prime versée par l’Agence nationale de l’habitat aux propriétaires privés et en s’associant à des propriétaires de maisons d’hôtes et de gîtes dans les espaces ruraux ou sousdotés ;

- assurer le remboursement intégral de l’ensemble des soins dont ont besoin les victimes, dès le dépôt de plainte, pour prendre notamment en charge les effets du stress post-traumatique ;

- engager une réflexion sur une meilleure protection des individus à la suite de la rupture d’un PACS ou d’un concubinage ;

- fixer un délai maximal d’un mois entre l’assignation en divorce et l’audience introductive de fixation des mesures provisoires ;

- renforcer la protection, la prise en charge, l’accompagnement et l’accès aux droits des femmes étrangères victimes de violences conjugales ;

- mieux prendre en compte les femmes en situation de handicap, notamment en améliorant l’accessibilité des outils et des lieux d’accueil et d’accompagnement des victimes de violences conjugales.

Les recommandations de la Délégation portant sur la réglementation de l’autorité parentale et de la protection des enfants étaient les suivantes :

mettre au plus vite en application la possibilité de suspendre ou d’aménager l’autorité parentale en cas de violences conjugales ;

- envisager d’étendre la possibilité de suspension automatique de l’autorité parentale en cas de tentative d’homicide sur l’autre conjoint et non seulement en cas d’homicide ;

- favoriser le prononcé, par le juge aux affaires familiales, de l’exercice exclusif de l’autorité parentale au parent victime dans le cadre de l’ordonnance de protection ;

- renforcer l’offre de « tiers lieux », ces lieux neutres inter médiés visant à organiser le « passage de bras » pour les enfants ;

- développer les soins pour les enfants co-victimes de violences conjugales, ainsi que leur gratuité et créer des dispositifs dédiés à l’accompagnement des enfants au sein des structures spécialisées dans l’accueil des victimes de violences conjugales ;

- poser un interdit clair des relations sexuelles entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, ainsi que la prohibition directe et distincte des atteintes sexuelles incestueuses ;

- élargir la liste des auteurs mentionnés dans les dispositions relatives au viol incestueux aux cousins et cousines de la victime ;

- aggraver les peines prévues en cas d’inceste.

Les recommandations de la Délégation relatives à la prise en charge des auteurs étaient les suivantes :

développer les structures de prise en charge des auteurs de violences conjugales, notamment le suivi thérapeutique et psychosocial ;

- soutenir et généraliser le développement de places d’hébergement pour les auteurs de violences conjugales.

B.   Analyse de la mise en œuvre des recommandations

Les ministères concernés ont apporté un certain nombre de réponses sur ces différents points.

 Concernant la problématique du logement, à la suite de la convention « dix engagements pour le logement des femmes victimes de violences », signée en septembre 2019 par le ministre du logement, un effort important a été engagé par les bailleurs sociaux dans ce domaine. En 2020, plus de 10 000 logements sociaux ont été attribués à des femmes victimes de violences dont 80 % avec des personnes à charge. Cette même année, 97 % des demandes de logement de femmes victimes de violences ont été satisfaites dans un délai de douze mois et 65 % dans un délai de six mois. Pour vos rapporteures, il s’agit d’un délai encore trop long au regard de l’urgence dans laquelle se trouvent les victimes. Il conviendra de travailler à les réduire fortement et ce très rapidement sur l’ensemble du territoire.

 En matière de soins, le déploiement d’unités dédiées à la prise en charge sanitaire des femmes victimes de violences, ainsi que des centres de prise en charge du psycho-traumatisme répond à cet objectif.

 S’agissant des femmes de nationalité étrangère, l’information sur les droits doit intervenir dès le dépôt de plainte et dans une langue compréhensible par la victime. Plusieurs dispositifs ont été adoptés pour renforcer la protection de ces victimes : la mise en place de structures d’hébergement spécialisées ; l’élaboration de conventions de partenariat entre les acteurs intervenant dans le champ de l’asile et ceux intervenant dans le champ des violences faites aux femmes ; une accessibilité des informations avec le 3919 disponible en plusieurs langues ; un soutien aux associations accompagnant ces victimes.

Le ministère de l’intérieur a initié en 2021 un plan visant à renforcer la prise en charge des vulnérabilités (dont violences sexistes et sexuelles) des demandeurs d’asile. En outre, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est désormais délivrée à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection, en raison de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un PACS, un ancien concubin ou en cas de menace de mariage forcé. Il est théoriquement possible pour la victime, si elle porte plainte contre l’auteur des faits, de se voir renouveler son titre de séjour et ce, même après l’expiration de l’ordonnance de protection. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident d’une durée de dix ans est délivrée à l’étranger qui aura déposé plainte. Il conviendra d’évaluer dans la durée la mise en œuvre de cette disposition.

 Concernant les femmes en situation de handicap et victimes de violences conjugales, un nouveau marché doit être conclu pour l’amélioration du 116 006, numéro de l’aide aux victimes, qui prévoit désormais son accessibilité aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et aphasiques. Par ailleurs, le code de procédure pénale prévoit, en cas de vulnérabilité particulière de la victime, le recours à une évaluation personnalisée pour déterminer les moyens de protection à mettre en œuvre. Les dispositifs tels que le bracelet anti-rapprochement et le téléphone grave danger sont également accessibles aux personnes sourdes et malentendantes.

 En matière d’autorité parentale, la loi du 30 juillet 2020 a fait obligation au juge des libertés et de la détention, dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour violences conjugales, de se prononcer sur la suspension du droit de visite et d’hébergement dans le cas où il ordonne une interdiction de contact ou une obligation de résider hors du domicile conjugal ou le port d’un bracelet anti-rapprochement. Cela évite à la victime d’avoir à saisir en urgence le juge aux affaires familiales pour obtenir la suspension de ces droits, dans l’attente de la décision pénale, et permet d’assurer la protection immédiate de la victime et de sa famille. En outre, l’article 378-2 du code civil prévoit que « l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge et pour une durée maximale de six mois, à charge pour le procureur de la République de saisir le juge aux affaires familiales dans un délai de huit jours ». La tentative d’homicide est donc prévue par le texte. En 2020, 234 décisions ont retiré l’autorité parentale ou son exercice à des conjoints violents, contre 10 en 2017. Pour les dix premiers mois de l’année 2021, ce chiffre atteint 389. Par ailleurs, les subventions du ministère de la Justice pour les espaces de rencontre dédiés à l’exercice du droit de visite sont passées de 2,38 millions en 2019 à 3,1 millions en 2021, soit une augmentation de plus de 30 %.

En complément à ces développements sur le retrait définitif de l’autorité parentale, vos rapporteures relèvent de nombreux témoignages de terrain faisant état d’un faible recours à la possibilité de la suspendre pendant la durée de l’instruction. Ces réticences, en maintenant l’autorité parentale à un conjoint mis en cause pour des actes graves de violences, voire de féminicide, peuvent entraver la bonne prise en charge des enfants, par exemple en compliquant et en retardant la mise en place d’un suivi psychologique. Vos rapporteures appellent donc à un recours plus large à cette possibilité, dans l’intérêt des enfants et des personnes qui en assurent la garde.

Plus généralement, elles relèvent des témoignages faisant état d’une coordination insuffisante au sein même de la chaîne judiciaire. Sauf à confier l’ensemble du traitement des violences conjugales et de leurs conséquences à un juge unique, il conviendrait de veiller à améliorer la coordination entre l’ensemble des intervenants et notamment entre les juges aux affaires familiales, les juges des enfants et les juges d’application des peines.

 S’agissant de l’accompagnement des enfants dans les structures spécialisées dans l’accueil des victimes de violences conjugales, le travail interministériel sur la généralisation des unités d’accueil pédiatrique enfance en danger est parvenu à son terme. Un protocole national a été diffusé aux juridictions et aux agences régionales de santé (ARS), les financements sont déployés par le ministère des solidarités et de la santé. L’objectif à l’horizon 2022 est d’une unité par département. Ces unités permettent une prise en charge pluridisciplinaire des enfants victimes au sein d’un établissement hospitalier.

 En ce qui concerne les atteintes sexuelles, la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a introduit de nouvelles définitions du crime de viol et du délit d’agression sexuelle, permettant d’exclure du débat judiciaire la question du consentement du mineur. Une autre avancée inédite pour toutes les relations incestueuses entre un majeur et un mineur résulte du fait que les tribunaux n’auront plus à rechercher la violence, la contrainte, la menace ou encore la surprise. Ces avancées concrétisent les prises de positions innovantes de la Délégation dans ce domaine

 Pour ce qui se rapporte aux auteurs, 30 centres de prise en charge des auteurs (CPCA) ont été créés. Ces centres accueillent des auteurs de violences conjugales dans le cadre d’un parcours présentant a minima un module socle de responsabilisation et un module complémentaire d’accompagnement psychosocial et sanitaire. En outre, l’expérimentation du contrôle judiciaire avec placement probatoire a été mise en place dans un premier temps à Nîmes et à Colmar et sera étendue à 10 autres sites en 2022, avec une capacité d’accueil de 15 places par site. Il s’agit, sur décision judiciaire, de contraindre le conjoint violent à résider dans un logement déterminé et à suivre un contrôle strict, ainsi qu’un suivi renforcé, avant tout jugement ou dans le cadre d’une peine aménagée, en tenant compte de la gravité des actes commis. Ce dispositif constitue une alternative à la détention provisoire, tout en permettant la protection des victimes en amont du jugement. Lorsqu’il intervient dans le cadre d’un aménagement de peine, il permet l’exercice d’une obligation pénale, tout en imposant une prise en charge immédiate et pluridisciplinaire.

La table ronde organisée avec les associations a fait ressortir qu’il y a eu des évolutions législatives importantes et qu’il s’agit maintenant de faire appliquer la loi sur l’ensemble du territoire français. M. Benoît Durieux, de l’Association Solfa, directeur du Pôle Hébergement insertion responsabilisation, a souligné que s’il y a prise en charge des auteurs, c’est dans une perspective d’engagement en faveur des victimes, afin de participer à la protection de celles-ci en luttant contre la récidive. Il a indiqué que les auteurs ont une capacité à dénier, à banaliser leurs actes et qu’il faut qu’il y ait une prise en charge autour de la reconnaissance des faits, en créant un appareil à penser, collectif, volontaire et partenarial, la victime étant informée de la prise en charge. Tout ce travail sur le quotidien permet de construire un parcours éducatif et d’insertion et de travailler l’après. Le taux de récidive après passage par une telle structure est de 8 à 10 %. M. Durieux a souligné le problème de la non-pérennité des financements, les budgets étant annuels.

Cette prise en charge des auteurs dans le cadre de structures dédiées comportant un hébergement paraît essentielle à vos rapporteures. Il s’agit d’un travail sur le long terme qui mobilise de nombreux intervenants. Ces structures ont besoin de bénéficier d’un financement pérenne pour assurer un suivi sur le long terme et pour que des réseaux de coordination puissent s’organiser. Actuellement, ces structures de prise en charge et d’hébergement des auteurs sont encore trop peu nombreuses et le nombre de places disponibles largement insuffisant eu égard aux besoins. Il est donc indispensable d’en ouvrir davantage et de leur garantir un financement pluriannuel.

Parallèlement, le ministère de la Justice continue d’innover dans le domaine de la prise en charge des auteurs de violences conjugales en mettant en place un dispositif inédit contre la récidive. Le 24 septembre dernier, le Garde des sceaux a présenté devant la cour d’appel de Poitiers cette expérimentation qui est évaluée de manière indépendante avant une possible pérennisation. Grâce à ce dispositif, les auteurs de violences conjugales sont plongés en immersion totale grâce à un casque de réalité virtuelle. Successivement, ils se retrouvent dans la situation de l’agresseur, de la victime et d’un témoin, l’enfant du couple, et vivent les émotions ressenties par chacune de ces personnes. Cette technologie disruptive vise à favoriser la prise de conscience des auteurs et initier un travail avec les personnels pénitentiaires et psychologues.

Vos rapporteures voient dans la prise en charge des auteurs un axe d’action majeur qu’il conviendra d’intensifier. Il sera à cet égard indispensable de poursuivre résolument la politique d’accroissement des places d’hébergement qui leur sont attribuées.


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IV.   lutte contre la prostitution

La prostitution compte parmi les violences dont les victimes sont principalement des femmes. Cette activité constitue non seulement une violence, mais aussi un obstacle à l’égalité entre femmes et hommes, une atteinte à la dignité de la personne et une violation des droits humains. Les femmes en situation de prostitution présentent un taux de tentative de suicide de douze fois supérieur à la moyenne nationale, selon une étude menée en 2015 ([7]). 38 % d’entre elles ont subi un viol au cours de leur vie, 80 à 95 % des prostituées ayant vécu des violences sexuelles dans leur enfance ou leur adolescence, affirmait récemment un collectif de médecins.

Au cours de cette législature, la Délégation aux droits des femmes a suivi avec attention les conditions de mise en œuvre de la loi n° 2016444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Afin de donner leur pleine application aux dispositions de la loi précitée, la Délégation a préconisé d’accroître de manière progressive les ressources consacrées aux parcours de sortie de la prostitution, au titre de la mise en œuvre de la loi précitée.

A.   Rappel des recommandations de la délégation

Les travaux de la Délégation se sont majoritairement centrés sur des préconisations visant à améliorer le dispositif de sortie de prostitution instauré par la loi du 13 avril 2016. Ce dispositif accompagne les personnes adultes, victimes de prostitution, de proxénétisme ou de traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle qui souhaitent sortir de la prostitution et accéder à des alternatives. Il repose sur le travail des commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains et des associations agréées chargées de la mise en œuvre de ce parcours.

Aucune évolution législative majeure n’est intervenue dans ce domaine au cours de ces dernières années, si ce n’est le renforcement des dispositions incriminant la prostitution des mineurs de moins de 15 ans, dorénavant assimilée à un viol.

La Délégation, dans son rapport d’information n° 3482 sur le projet de loi de finances pour 2021 (Mme Isabelle Rauch, rapporteure, 27 octobre 2020) a préconisé d’accroître de manière progressive les ressources consacrées à ces parcours au titre de la mise en œuvre de la loi de 2016.

En adoptant le rapport d’information n° 4614 portant sur le projet de loi de finances pour 2022 (Mme Isabelle Rauch, rapporteure, 27 octobre 2021), la Délégation a recommandé de poursuivre l’accroissement de l’enveloppe budgétaire allouée par le Fonds de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis (AGRASC), alimentés par les sanctions financières appliquées aux clients et proxénètes. Ces ressources ont déjà connu une dynamique de progression ces dernières années, passant de 400 000 euros en 2019 à 1,9 million d’euros en 2020.

B.   Analyse de la mise en œuvre des recommandations

Les recommandations de la Délégation ont été progressivement satisfaites, conduisant à une augmentation graduelle de ressources dédiées au dispositif, en particulier depuis le début de la crise sanitaire.

● Mme Isabelle Rauch, rapporteure de la Délégation sur le projet de loi de finances pour 2022 ([8]) a effectué le suivi de ses recommandations. Elle a ainsi relevé que « le volet d’action de lutte contre la prostitution bénéficiera de 4,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse de 1,2 million d’euros par rapport à 2021. Il s’agit d’une augmentation significative, qui concrétise la recommandation formulée par votre rapporteure lors de l’examen du précédent projet de loi de finances.

Au niveau local, 900 000 euros supplémentaires seront ainsi consacrés au renforcement du suivi et de l’accompagnement des personnes engagées dans des parcours de sortie de prostitution par les associations agréées.

Au niveau national, 1,5 million d’euros seront consacrés au financement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (AFIS), soit une hausse de 300 000 euros par rapport à 2021. »

L’AGRASC, qui reverse les produits de la vente et de la confiscation des biens issus des réseaux de proxénétisme, et contribue au financement des actions de prévention de la prostitution et d’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, a versé à ce titre une enveloppe de 843 000 euros en 2021 (soit un quasi-doublement par rapport à 2019), en vue de répondre aux besoins exceptionnels générés par la crise sanitaire et ses conséquences de long terme, tout en soutenant une action renforcée pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement socio-professionnel vers sa sortie. Cet effort a fait suite aux recommandations de la Délégation.

● Le dispositif de sortie de prostitution a longtemps concerné un nombre limité de personnes, évalué à moins de 200 entre 2017 et début 2020. La crise sanitaire et l’engagement accru de l’État aux côtés des associations semblent avoir permis une montée en charge au cours des toutes dernières années.

Ainsi, le 1er janvier 2021, 403 personnes étaient inscrites dans un parcours, soit une hausse de 35 % par rapport à 2020. Cette progression a été favorisée par l’accroissement du nombre de commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains, installées sous l’autorité du préfet : elles étaient 80 en janvier 2021, contre 75 en mars 2020.

Au cours de son audition par la Délégation, Mme Stéphanie Caradec, directrice du mouvement du Nid-France, lors de son audition par la Délégation le mercredi 8 décembre 2021 a confirmé que ce volontarisme s’est concrétisé par un nombre accru de commissions départementales en fonctionnement, un certain nombre d’entre elles ayant été réactivées après une période de latence. Mme Caradec a indiqué percevoir une « nouvelle énergie » sur un certain nombre de territoires.

Les personnes s’engageant dans ce parcours et ne pouvant prétendre au bénéfice des minimas sociaux peuvent bénéficier de l’aide financière à l'insertion sociale et professionnelle. Signe d’une montée en charge des parcours de sortie de prostitution, le nombre de bénéficiaires de cette allocation a quasi triplé en trois ans, celui-ci passant de 108 en 2018 à 312 en 2021, neuf bénéficiaires de cette allocation sur 10 parvenant à revenir à l’emploi.

● Toutefois, ce dispositif mérite de se développer encore, le nombre de bénéficiaires demeurant trop faible, avec moins de 600 bénéficiaires en tout depuis 2017.

L’autorisation de séjour pour les femmes étrangères engagées dans ce processus de sortie de prostitution (neuf sur dix étant actuellement des ressortissantes du Nigéria) est fixée à six mois, une durée souvent insuffisante pour finaliser le traitement des dossiers par les commissions départementales. Les délais de traitement des demandes demeurent en effet trop longs.

Par ailleurs, le parcours de sortie de prostitution ne faisant pas l’objet d’une application homogène sur le territoire français, une circulaire pourrait clarifier les conditions d’accès au parcours de sortie de protection et d’application de ce dispositif par les parties prenantes locales.


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V.   la lutte contre les violences économiques

Forme particulière de violence conjugale dont la majorité des victimes sont des femmes, la notion de violence économique constitue une composante encore mal appréhendée dans notre législation.

Plus de cinquante ans après l’adoption de la loi n° 65‑570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux qui a octroyé aux épouses le droit de gérer leurs biens propres et d’exercer une activité professionnelle sans le consentement du mari, les violences économiques au sein des couples perdurent et prennent de nouvelles formes, 20 % des appels recensés au 3919, numéro national de référence pour les femmes victimes de violences, alléguant de violences économiques au sein du couple.

A.   rappel des recommandations de la Délégation

La délégation aux droits des femmes a organisé un colloque le 25 novembre 2020 consacré à la lutte contre les violences économiques dans le couple et qui a donné lieu à l’adoption d’un rapport d’information ([9]). Les différentes composantes caractérisant les violences économiques au sein du couple y ont été mises en exergue : le conjoint exerce une prééminence en matière de choix patrimoniaux, vérifie les comptes, subordonne les dépenses engagées par l’épouse à son approbation préalable, voire peut aller jusqu’à la priver de moyens ou de biens essentiels, et cela en dépit du fait que cette dernière exerce une activité professionnelle.

Au titre des recommandations adoptées dans ce rapport, vos rapporteures ont souhaité retenir trois points principaux :

- Intégrer la notion de violences économiques en droit français ;

- Proscrire le versement de salaires sur un compte non personnel ;

- Achever au plus vite la mise en place de la réforme du service de versement des pensions alimentaires.


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B.   Analyse de la mise en œuvre des recommandations

1.   Intégrer la notion de violences économiques en droit français

Pour mémoire, la France a ratifié la convention d’Istanbul ([10]), adoptée par le Conseil de l’Europe le 7 avril 2011, entrée en vigueur le 1er août 2014 et qui constitue à ce jour le texte le plus abouti en matière de répression des violences de toutes natures faites aux femmes. Son article 18 dispose que les États parties à la Convention doivent notamment veiller à ce que les mesures prises en application « visent l’autonomisation et l’indépendance économique de femmes victimes de violence ». Elle intègre par conséquent la violence économique au titre de la définition des violences conjugales. Par ailleurs, notre pays a récemment ratifié la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail ([11]). Aux termes de la convention, « la violence et le harcèlement fondés sur le genre touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles ».

Dans ce contexte, la Délégation a préconisé d’intégrer la notion de violences économiques dans le droit français pour aboutir à leur pénalisation, sur le modèle du harcèlement moral (articles 222-33-2 à 222-33-2-2 du code pénal) car, en l’état du droit, la notion semble peu précise et pourrait heurter le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.

S’il n’existe pas d’infraction spécifique, les violences économiques sont néanmoins prises en considération par les juridictions, et cela même si elles n’apparaissent pas sous cette qualification dans le code pénal.

Lors de son audition par la Délégation aux droits des femmes le 1er décembre 2021, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, a rappelé que « le code pénal réprime les violences, quelle que soit leur nature – psychologique, physique, sexuelle et naturellement économique ». Il a souligné la difficulté probatoire à laquelle sont confrontées les victimes de violences économiques et qui entraîne une moindre prise en compte de celles-ci par les juridictions.

Le Gouvernement considère donc que des poursuites peuvent d’ores et déjà être fondées en raison de violences de nature économique, sans qu’il soit opportun de donner suite à la recommandation de la Délégation d’insérer cette terminologie en tant que telle dans le code pénal.

2.   Garantir le versement de salaires sur un compte personnel

Les femmes se voyant fréquemment cantonnées à la gestion des dépenses courantes et les hommes s’impliquant plus spécifiquement dans des tâches qualifiées de plus nobles, tel le développement du patrimoine familial, parfois sans requérir l’avis ni l’approbation de la conjointe, il importe dès lors de promouvoir une gestion autonomisée du patrimoine personnel de chacun.

Au titre des mesures de prévention, une recommandation retenue par la Délégation consiste à garantir le versement du salaire ou des prestations sociales sur un compte dont le bénéficiaire est le titulaire ou, à tout le moins, le co-titulaire, les femmes n’étant pas systématiquement bénéficiaires d’un compte séparé permettant à leur employeur de verser leur salaire sur ce dernier.

Ce dispositif devait s’inscrire dans un cadre plus global privilégiant l’ouverture de comptes joints comportant des signatures disjointes, la possession de carte de crédit nominative et la conservation des documents financiers et légaux les plus importants.

Les propositions émises par la Délégation ont connu une traduction législative dans le cadre de la loi n° 20211774 du 24 décembre 2021 ([12]) visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle ([13]), et qui consacre la garantie, pour chacun, de jouir des revenus de son travail ou des prestations sociales dont il serait bénéficiaire.

Les articles 1er, 2 et 3 de la loi précitée visent à contraindre le versement des salaires ainsi que d’un vaste champ de prestations sociales individuelles sur le compte bancaire de la personne qui est titulaire des droits, modifiant notamment l’article L. 3241‑1 du code du travail relatif au mode de paiement des salaires. L’objectif est de favoriser l’autonomie financière des femmes et la maîtrise de leurs comptes bancaires, mais aussi de prévenir les risques de violences économiques au sein du couple et lutter contre l’emprise éventuelle que peuvent faire peser les conjoints ou les proches.

3.   Parachever l’instauration de la réforme du service de versement des pensions alimentaires

La difficulté à percevoir une pension alimentaire constitue une forme de violence économique. Pour y faire face, il est désormais possible que les caisses d’allocations familiales puissent intervenir et se substituer à l’ex-conjoint en cas d’impayés des pensions alimentaires.

Cette évolution législative majeure résulte des travaux antérieurs de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes qui s’est saisie pour avis du projet de loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, considérant qu’il importait de veiller à la bonne prise en compte des droits des femmes et des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes dans la réforme des procédures judiciaires.

Au titre des préconisations émises par le rapporteur, M. Guillaume Gouffier‑Cha ([14]), il s’agissait de : « généraliser dans les textes législatifs et réglementaires, ainsi que dans l’usage des administrations et associations, l’utilisation du terme de « contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » afin d’éviter les confusions que crée le terme de « pension alimentaire » quant à l’utilité et l’emploi de cet argent » (recommandation n° 13), « engager une réflexion pour revoir les modalités d’imposition de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » (recommandation n° 14), « exclure de l’expérimentation en matière de modulation des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants les cas de désaccord entre les parents » (recommandation n° 15) et « engager une réflexion pour améliorer le mode de calcul du barème relatif au montant des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants » (recommandation n° 16).

Le rapport d’information du 23 juillet 2019 ([15]) issu des travaux de la mission d’information conduite par Mme Sophie Auconie et M. Guillaume Gouffier-Cha a souligné, dans le cadre de la recommandation n° 7, l’intérêt d’expertiser une intermédiation généralisée pour la collecte et le versement des pensions alimentaires, s’inscrivant en cela dans une perspective plus large que la seule hypothèse d’impayés de pensions.

L’article 72 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a créé un nouveau service public d’intermédiation financière des pensions alimentaires, géré par l’agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA). Ce nouveau service des pensions alimentaires s’était d’abord appuyé sur les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole et avait pu faire ses preuves en quelques mois.

Entré en vigueur depuis le 1er janvier 2021, le principe du dispositif d’intermédiation financière prévoit que le parent débiteur d’une pension alimentaire verse mensuellement le montant de la pension à l’ARIPA, qui se charge ensuite de la reverser au parent créancier. Le cas échéant, le greffe du juge aux affaires familiales avise l’organisme débiteur des prestations familiales lorsque le parent débiteur a fait l’objet d’une plainte ou d’une condamnation pour des faits de menaces ou de violences volontaires sur le parent créancier ou l’enfant, ou lorsque de telles menaces ou violences sont mentionnées dans une décision de justice concernant le parent débiteur.

Cette disposition permet la mise en œuvre d’un suivi particulier, notamment le refus de l’arrêt de l’intermédiation à la seule demande d’un des parents même avec l’accord de l’autre, afin d’éviter les pressions sur le parent créancier.

Satisfaisant les préconisations de la Délégation, il s’agit d’une garantie majeure apportée aux victimes de violences économiques.

 


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   deuxième partie : mise en œuvre des recommandations de la délégation en matière de diplomatie féministe

La Délégation aux droits des femmes a suivi avec une grande attention les questions liées à la situation des femmes dans le monde et, plus spécifiquement, a plaidé pour l’affirmation d’une véritable diplomatie féministe de la France.

L’ambition d’une diplomatie féministe résulte du fort engagement du Parlement. Elle a été portée par de nombreux travaux parlementaires et notamment le rapport d’information n° 844 de Mmes Mireille Clapot et Laurence Dumont adopté le 4 avril 2018 ([16]) et s’est concrétisée en droit par l’adoption de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ([17]).

Votre Délégation a suivi de près ces développements et désigné Mmes Annie Chapelier, Marie-Pierre Rixain et Bénédicte Taurine, rapporteures en charge des travaux d’évaluation de la mise en œuvre des recommandations adoptées par la Délégation dans ce domaine au cours de la législature.

Vos rapporteures saluent la grande disponibilité de Mme Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale du Forum Génération Égalité ([18]), auditionnée le 11 janvier 2022. Les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) ont par ailleurs répondu par écrit au questionnaire qui leur a été envoyé. Ce présent rapport joint en annexe le récapitulatif des crédits relevant de la diplomatie féministe fourni dans ce cadre ([19]). Mmes Annie Chapelier et Bénédicte Taurine regrettent, pour leur part, que M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères n’ait pu donner suite à leur demande d’audition.

Enfin, la Délégation a organisé le 15 décembre 2021 une table ronde ([20]) réunissant :

- Mme Nicole Ameline, ancienne ministre, experte internationale, membre du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ;

- Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France ;

- Mme Ludovica Anedda, chargée de plaidoyer Égalité-genre chez Care France, chef de file de la commission genre et développement de la plateforme Coordination Sud, ainsi que Mme Sharlen Sezestre, responsable plaidoyer international du Planning familial, également membre de cette commission.

Au cours de cette table ronde, Mme Nicole Ameline a souligné l’intérêt pour notre pays de disposer d’une véritable diplomatie féministe, rappelant qu’ : « aujourd’hui, la diplomatie féministe doit constituer une priorité absolue car les divers contextes – de crise, mais aussi des enjeux plus généraux tels l’intelligence artificielle, les grandes migrations, la pauvreté – doivent mobiliser une politique extraordinairement volontariste comportant une approche systémique. »


I.   rappel des recommandations adoptées par la Délégation

La Délégation a régulièrement suivi les questions liées à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur la scène internationale et s’est engagée pour la définition d’une véritable diplomatie féministe pour la France.

Elle participe chaque année à la Conférence ONU femmes et contribue aux travaux de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres. Elle est saisie chaque année du projet de loi de finances, les crédits de la politique extérieure dévolus à l’égalité femmes-hommes y faisant l’objet d’un examen attentif. La Délégation organise également chaque année un colloque à l’occasion du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Le colloque organisé en 2020, consacré à la lutte contre les violences économiques faites aux femmes ([21]), a mis en lumière la nécessité de ratifier la convention n° 190 de l’OIT ([22]).

En février 2021, la Délégation a été saisie du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adoptant le rapport d’information assorti de dix recommandations ([23]) de M. Guillaume Gouffier-Cha sur ce texte le 12 février 2021.

Elle a par ailleurs auditionné Mme Delphine O, le 15 avril 2021 et, dans le cadre du présent rapport, le 11 janvier 2022, ainsi que M. David Martinon, ambassadeur de France en Afghanistan le 29 septembre 2021.

Parmi les principales recommandations adoptées par la Délégation figurent notamment :

-         la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement ;

-         la fixation d’un objectif de 85 % d’actions et programmes de l’aide publique au développement principalement ou significativement orientés vers l’égalité femmeshommes, dont 20 % relevant principalement de l’égalité des genres, selon la méthodologie établie par l’OCDE ;

-         la reconnaissance par la diplomatie féministe de la France du droit à l’interruption volontaire de grossesse comme une liberté fondamentale et la mention explicite de l’objectif de lutte contre les mutilations sexuelles faites aux femmes parmi les finalités de l’aide publique au développement ;

-         la prise en compte systématique de l'impact des projets soutenus en matière d'égalité femmes-hommes grâce à des indicateurs de résultat et de suivi ;

-         la prise en compte de l’égalité femmes-hommes parmi les objectifs de l’aide publique au développement (APD) en matière de commerce et de gouvernance ;

-         l’identification dans une catégorie séparée des crédits relevant spécifiquement de la diplomatie féministe de la France dans les prochains documents de politique transversale relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

-         l’établissement d’un document d’orientation interministériel établissant le cadre stratégique d’action de la France en matière de diplomatie et de politique extérieure féministes ;

-         la systématisation des mesures garantissant une représentation équilibrée de chaque sexe dans les instances chargées de la conception, du pilotage et du contrôle de la politique de développement solidaire.


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II.   La diplomatie féministe de la France résulte d’un engagement ancien et est désormais consacréE par la loi

Six pays peuvent revendiquer l’adoption d’une diplomatie féministe : la Suède dès 2014 et le Canada en 2017 qui ont fait office de pionniers, rejoints par la France – troisième pays du monde à vouloir s’engager dans cette voie – l’Espagne, le Luxembourg et le Mexique. Ainsi que l’a indiqué Mme Delphine O lors de son audition par la Délégation le 11 janvier 2022, les Pays‑Bas sont sur le point de parvenir à un consensus en la matière.

Esquissée depuis les années 1980, la diplomatie féministe de la France constitue un axe majeur de la politique gouvernementale. Elle s’appuie d’abord sur de nombreux engagements internationaux et est consacrée en droit interne depuis août 2021.

A.   Les engagements multilatÉraux consacrant les droits des femmes

La France a ratifié de nombreux engagements internationaux ayant trait à la protection et aux droits des femmes. Elle a vu son action diplomatique féministe s’affirmer au travers des engagements souscrits lors des deux événements majeurs qu’ont constitué le G7 de Biarritz d’août 2019 et le Forum Génération égalité co‑organisé par notre pays du 30 juin au 2 juillet 2021.

1.   Rappel des engagements internationaux de la France

a.   La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (dite « CEDAW ») du 18 décembre 1979 ([24]) couvre l’ensemble des aspects essentiels au renforcement du statut et des droits des femmes dans le monde – qu’il s’agisse de la lutte contre les violences ou bien de la question très importante de l’« empowerment » et de la prise de décision. Ainsi que l’indiquait Mme Nicole Ameline devant votre Délégation : « si seules 23 % des parlementaires dans le monde sont des femmes, il est permis de s’interroger sur le sens revêtu par l’action législative lorsque plus de la moitié de l’humanité est privée de cette capacité de décision et, au-delà et dans tous les domaines, d’une véritable possibilité d’influer, pour les femmes, sur leur propre vie, à travers les droits reproductifs, de la vie de leur pays, voire de la planète. »

Bien que son application ne soit pas encore suffisamment effective, elle demeure un cadre d’action essentiel.

b.   La résolution n° 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU

La résolution n° 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, adoptée à l’unanimité par les 192 États membres du Conseil de sécurité des Nations unies le 31 octobre 2000, constitue le premier document formel et légal issu du Conseil de sécurité qui impose aux différentes parties d'un conflit de respecter le droit des femmes et de soutenir leur participation aux négociations de paix ainsi qu’à la reconstruction post-conflit. Elle vise à modifier fondamentalement l'image des femmes dans les situations de conflit – évoluant de celle de victimes à celle d’actrices œuvrant activement au maintien et à la consolidation de la paix ainsi qu'aux négociations. Son adoption a permis de faire reconnaître l'importance de l'impact des conflits armés sur les femmes et les filles et a garanti la protection et la pleine participation de celles-ci aux accords de paix.

Son application reste cependant inégale et elle n’a que partiellement répondu aux attentes. Ainsi que l’a souligné Mme Nicole Ameline, « la prévention des conflits pourrait être mieux assurée si les femmes étaient davantage représentées dans les instances de décisions diplomatiques et sur le terrain. Dans les zones de conflits en particulier, les femmes déplorent que l’on ne leur fasse pas suffisamment confiance et qu’un rôle purement formel leur soit assigné à la table des négociations. Par conséquent, l’évaluation des plans nationaux d’action sur la résolution 1325 paraît déterminante. »

c.   La ratification de la Convention n° 190 de l’OIT

Aux termes des conclusions formulées à la suite du colloque de votre Délégation organisé le 25 novembre 2020 et consacré à la lutte contre les violences économiques au sein du couple, la Délégation a préconisé la ratification par la France de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

C’est dans ce contexte que la Délégation a entendu, le 9 juin 2021, M. Cyril Cosme, directeur du bureau pour la France de l’Organisation internationale du travail ([25]), afin d’évoquer le processus de ratification par la France de cette Convention et de la recommandation n° 206 sur la violence et le harcèlement précisant les modalités de sa mise en œuvre.

Instrument international se distinguant par la place qu’il accorde aux questions de genre, son champ d’application couvre l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Son processus de ratification, initié dès 2015, a été consacré par l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2021, pour finalement aboutir à sa promulgation le 9 novembre 2021 ([26]).

Il s’agit du premier texte de droit international conférant un caractère obligatoire à de nombreuses mesures qui s’imposeront aux secteurs privé comme public afin de prévenir très concrètement les violences morales et sexuelles sur le lieu de travail. Son caractère novateur réside également dans le fait qu’il étend sa protection de façon très large, notamment au bénéfice des employés à domicile et personnels de ménage qui jusqu’alors ne relevaient explicitement d’aucun mécanisme de protection.

La convention s’intègre dans la législation nationale sans nécessiter de transposition. Les acteurs du monde du travail sont dorénavant fondés à invoquer les dispositions de cette convention devant le juge national, une commission ad hoc de l’OIT conservant le droit de se prononcer sur d’éventuels dysfonctionnements relevés par les syndicats nationaux lors de la session annuelle de la Conférence internationale du travail.

d.   L’engagement de la France pour une ratification universelle de la Convention d’Istanbul

La Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « Convention d’Istanbul »), a été adoptée en 2011 par le Conseil de l’Europe et ratifiée par la France en 2014. Considérée comme l’instrument juridique le plus abouti en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, elle emporte des conséquences juridiquement contraignantes. Six pays de l’Union européenne, principalement du centre et de l’Est de l’Europe, ne l’ont pas ratifiée, la Pologne ayant en outre retiré sa signature. L’Ukraine s’apprêterait à rejoindre la liste des signataires. La Turquie a invoqué l’insertion de la dimension « genrée » des violences pour justifier son retrait des pays signataires en mars 2021, considérant qu’elle déstabiliserait le socle familial.

La France a conduit une campagne en faveur d’une ratification universelle de cette convention lorsqu’elle assumait la présidence du Conseil de l’Europe en 2019 et réitéré celle-ci dans le cadre du Forum Génération Égalité, menant un travail de conviction auprès des États membres ne l’ayant pas encore ratifiée et aussi en dehors du Conseil de l’Europe puisqu’elle est ouverte à tout pays.

Lors de son audition par la Délégation, Mme Delphine O a indiqué que la perspective d’une ratification par l’Union européenne se dessinait également, les dernières interrogations juridiques ayant été levées par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Vos rapporteures insistent pour que la Présidence française du Conseil de l’Union européenne porte le plaidoyer en faveur de l’élargissement de la ratification de la Convention d’Istanbul auprès des partenaires encore hésitants.

2.   Les suites données au G7 de Biarritz et le Forum Génération Égalité

La présidence française du G7 organisé à Biarritz les 24 au 26 août 2019 a abouti au Partenariat dit de Biarritz pour l’égalité entre les femmes et les hommes, cosigné par dix autres États et visant à instaurer des mesures tendant à améliorer l’autonomisation des femmes, dont plus de 2,5 milliards dans le monde sont affectés par des lois discriminatoires ou l’absence de protection juridique.

Lors de la table ronde organisée le 15 décembre 2021 par la Délégation, Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive de ONU Femmes France ainsi que les porte-parole des associations intervenantes, Mme Sharlen Sezestre, responsable plaidoyer international du Planning familial, membre de la commission genre et développement de la plateforme Coordination Sud et Mme Ludovica Anedda, chargée de plaidoyer égalité-genre chez Care France, ont salué la création d’un fonds de soutien aux organisations féministes dans le cadre de la présidence française du G7. Ce dernier est mis en œuvre conjointement par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et l’agence française de développement (AFD). Il est doté de 120 millions d’euros pour la période 2020‑2022 destinés à soutenir et renforcer les actions de la société civile féministe, en particulier opérant avec les pays partenaires du Sud. Il a également pour objectif de financer des activités de recherche-action sur les enjeux de genre, recueillir et produire des données et évaluer l’impact genre des projets. Il s’inscrit dans un processus de coconstruction avec la société civile que lesdites associations avaient appelé de leurs vœux.

La présidence française du G7 a permis de mettre en avant ou d’intensifier le soutien de la France en faveur de certains projets multilatéraux, tels que l’Initiative Affirmative finance action for Women in Africa, le Fonds mondial pour les survivant(e)s de violences sexuelles liées aux conflits du Docteur Denis Mukwege, luttant contre les violences sexuelles et aidant à la réintégration sociale des femmes (cf. développements supra), ou encore, par exemple l’appui à l’inclusion numérique des femmes via la fondation Gates. 

Traduction des ambitions de sa diplomatie féministe, la France a coorganisé, avec ONU Femmes et le Mexique, le Forum Génération Égalité « Pékin+25 », à l’occasion des 25 ans de la Conférence mondiale de Pékin. Reporté d’une année en raison de la pandémie, il s’est finalement tenu à Paris du 30 juin au 2 juillet 2021. Il s’agissait de la première grande conférence sur les droits des femmes depuis la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin de 1995 qui avait donné lieu à une déclaration et un programme d’action visant l’autonomisation des femmes et voyait, pour la première fois, 189 États signataires s’engager à inclure effectivement l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines de leur action gouvernementale.

Lors de son audition, Mme Delphine O a rappelé que le FGE avait réussi à mobiliser 40 milliards de dollars pour l’égalité entre les femmes et les hommes, enregistrant la participation de 68 pays (soit un peu moins de la moitié des États membres des Nations Unies). Le FGE étant dépourvu de mandat officiel de l’assemblée générale de l’ONU, les engagements souscrits par les États à l’issue du Forum, notamment sur le plan financier, ne revêtent pas de dimension juridique contraignante, les parties demeurant cependant liées par les engagements pris au sein des coalitions.

Interrogés par vos rapporteures, les services du MEAE ont rappelé qu’à l’occasion du Forum Génération Égalité, la France, « championne de la coalition sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, s’est engagée à mobiliser 400 millions d’euros sur cinq ans ».  Ces financements, décrits par Mme Delphine O, lors de son audition par votre Délégation, se répartissent de la façon suivante :

- 100 millions d’euros pour améliorer l’accès des femmes à la contraception, à l’avortement sécurisé, et pour l’éducation à la sexualité. Ces crédits sont cependant pour l’essentiel alloués au financement d’un seul programme, à savoir 90 millions d’euros en faveur du Fonds des Nations unies pour la population, qui finance l’achat et la distribution de produits contraceptifs modernes, et pour lequel une première tranche de 18 millions d’euros avait été versée fin 2021 ;

- 50 millions d’euros alloués au Fonds français Muskoka, créé en juin 2010 à la suite du sommet du G8 tenu à Muskoka au Canada, et qui s’investit en matière de prévention de la mortalité maternelle et infantile dans neuf pays d’Afrique francophone, en lien avec ONU Femmes, Unicef et ONU Sida ;

- 250 millions d’euros d’engagements bilatéraux de l’AFD pour les droits et santé sexuels et reproductifs au cours des cinq prochaines années.

Toutefois, Mme Delphine O a indiqué à votre Délégation que ces crédits ne sont que pour partie des crédits nouveaux, les crédits inscrits par l’AFD préexistant à cette annonce, leur orientation en faveur de l’égalité femmes‑hommes se trouvant ainsi confirmée. L’ambassadrice a également confirmé que la moitié des financements français dans le cadre de l’engagement de la France pour le partenariat mondial pour l’éducation soutiendrait des programmes bénéficiant à l’éducation des petites filles ou à des actions d’éducation en faveur de l’égalité filles-garçons.

 

B.   LE parlement a consacré la notion de diplomatie féministe en droit interne

La construction d’une diplomatie féministe résulte de la volonté du législateur et doit désormais constituer une composante majeure de notre politique extérieure ainsi qu’un objectif transversal commun à tous les programmes et interventions du pays.

Votre Délégation a été saisie du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ([27]), adoptant le rapport d’information sur ce texte[28] de M. Guillaume Gouffier-Cha, assorti de dix recommandations. Fortement enrichi par le Parlement, ce texte, a érigé la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons au rang d’objectif transversal de la diplomatie féministe de la France (article 1er) et consacré le concept de diplomatie féministe de la France, dont il précise le contenu dans son rapport annexé. Il est à cet égard curieux de constater que, interrogés par les rapporteures sur la mise en œuvre des recommandations de la Délégation, les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, considèrent que les dispositions décrites dans le rapport annexé « ne figurent pas dans la loi », celles‑ci ayant pourtant été largement modifiées par des amendements adoptés en commission puis en séance publique.

L’un des premiers axes de la diplomatie féministe de la France consiste à renforcer la part des actions soutenant le droit des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes financées au titre de la politique de développement, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale. Pour mémoire, avant l’entrée en vigueur de la loi, ainsi que le relevait M. Gouffier-Cha dans son rapport d’information, et selon les données de l’OCDE, 26 % de l’APD française vise l’égalité entre les femmes et les hommes, loin des objectifs affichés pour 2017 de 50 %. Notre pays se situe donc en deçà de la moyenne des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE ([29])

Dans son rapport d’information sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ([30]), la Délégation a formulé des recommandations précises portant sur la finalité de l’allocation des fonds soutenus dans le cadre de l’aide publique au développement, le rapporteur préconisant de fixer un objectif de 85 % d’actions et programmes de l’APD principalement ou significativement orientés vers l’égalité femmes‑hommes, dont 20 % relevant principalement de l’égalité des genres, selon la méthodologie établie par l’OCDE.

Amendé par le Parlement, le rapport annexé prévoit que : « composante de sa politique extérieure féministe, la diplomatie féministe de la France se matérialise dans les engagements d'aide publique au développement et la mobilisation des opérateurs publics autour de l'objectif de l'égalité entre les femmes et les hommes, objectif transversal à tous les programmes et à toutes les interventions de la France. L'État s'engage à tendre vers un marquage « égalité femmes-hommes » conforme aux recommandations du plan d'action sur l'égalité des genres de l'Union européenne, soit en pourcentage des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale programmable française : 85 % comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal, suivant les marqueurs du comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Dans cette perspective, il s'engage à ce qu'en 2025, 75 % des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale programmable française aient l'égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif et 20 % pour objectif principal. »

Interrogé sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces recommandations, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants.

● La stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022) prévoyait d’atteindre en 2022 un objectif de 50 % de l’APD affecté – via l’AFD – à des projets ayant pour objectif significatif ou principal l’égalité femmes-hommes.

En 2021, cet objectif a été revu à la hausse, la France s’étant en effet engagée à atteindre 75 % des volumes annuels d’engagements de l’APD bilatérale programmable française ayant l’égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif, et 20 % pour objectif principal à l’horizon 2025.

L’objectif de 85 % mentionné dans le rapport annexé à la loi correspond à la cible européenne, à savoir 85 % de projets intégrant des co-bénéfices genre (dits CAD 1 ou 2 selon le marqueur genre de l’OCDE), conformément aux objectifs du Plan d’Action Genre de l’Union européenne soutenu par la France.

● S’agissant de la prise en compte plus systématique de l’impact des projets soutenus en matière d’égalité femmes-hommes grâce à des indicateurs de résultat et de suivi, plusieurs actions sont menées pour améliorer leur intégration spécifique dans les projets pour mesurer leur impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes :

- depuis 2020, le marqueur genre de l’OCDE est utilisé dès la phase d’instruction des projets humanitaires ou de stabilisation soutenus par le Conseil national du développement et de la solidarité internationale ;

- l’AFD prend en compte cette dimension dans ses appuis sectoriels. Pour se faire, elle s’appuie sur une expertise interne dans le montage des projets et en évaluant leur dimension genre en amont des octrois ;

- les contrats d’objectifs et de moyens des opérateurs intègrent de plus en plus systématiquement cette dimension. À titre d’exemple, le contrat d’objectifs et de moyens 2018-2020 de Canal France international mentionnait à ce titre le développement d’indicateurs sexo-spécifiques de suivi des projets.

Les services du MEAE ont indiqué à vos rapporteures que, sur le plan multilatéral, les grands fonds auxquels participe la France (Fonds mondial pour la lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose, Partenariat mondial pour l’éducation), s’efforcent de produire des statistiques en veillant à désagréger par sexe les données à mettre en regard des investissements réalisés.

La question des critères de définition de projets sensibles au genre et d’évaluation de leur mise en œuvre est évidemment fondamentale. Les montants mobilisés au titre de la diplomatie féministe doivent aller croissant et cette évolution n’est envisageable qu’en renforçant les moyens spécifiquement dédiés à cette politique et en la soumettant à un contrôle parlementaire rigoureux. Dans une matière difficile à évaluer par nature, celui-ci suppose transparence et rigueur méthodologique.

C.   Promouvoir le droit à l’interruption volontaire de grossesse et la lutte contre les mutilations sexuelles

● Le soutien envers ce droit fondamental occupe naturellement une place particulière pour votre Délégation. Chaque année, dans le monde, 47 000 femmes meurent des suites d’une IVG pratiquée clandestinement et les exemples abondent de remises en cause du droit à l’IVG.

S’il n’a que récemment été autorisé en Irlande, à la suite du référendum organisé le 25 mai 2018, le droit à l'avortement connaît aujourd’hui des remises en cause dans certains pays, dont les États-Unis. Le 14 mai 2020, les élus de l'Alabama ont voté un texte interdisant aux médecins de pratiquer l'IVG, l'entrée en vigueur de la loi ayant ensuite été suspendue par un juge fédéral pour inconstitutionnalité. La Géorgie, quant à elle, a souhaité interdire en janvier 2020 l'avortement dès le premier battement de cœur du fœtus, soit autour de six semaines.

Ce droit connaît également des remises en cause au sein de l’Union européenne, comme l’a montré l’audition par votre Délégation de Mme Wanda Nowicka, députée de la Diète polonaise, le 1er février 2021, qui a fait part de la situation en Pologne, pays dans lequel l'avortement est bien plus fortement encadré depuis 2020 et désormais limité à deux circonstances : grossesse résultant d'un acte illégal, risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte.

C’est dans ce contexte que la Délégation aux droits des femmes a souhaité que le droit à l’IVG soit affirmé comme liberté fondamentale et l’objectif de lutte contre les mutilations sexuelles faites aux femmes soit mentionné explicitement parmi les finalités de l’aide publique au développement. Au terme des travaux parlementaires, le rapport annexé de la loi du 4 août 2021 prévoit ainsi que : « la France s'engage notamment en faveur (…) de l'égalité entre les femmes et les hommes et les filles et les garçons, de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse… », cette disposition conférant là encore, une traduction de nature législative à une préconisation de la Délégation.

Interrogés sur la mise en œuvre de ces objectifs, les services du ministère des affaires étrangères ont rappelé que la France s’est dotée d’une stratégie sur les enjeux de population, de droits et de santé sexuels et reproductifs (2016‑2020), qui a défini le cadre d’action extérieure de notre pays en matière de promotion de l’accès à l’avortement sûr et légal et de disponibilité des infrastructures. Les services du ministère ont indiqué à vos rapporteures début 2022, que « cette stratégie devrait être renouvelée prochainement ».

Ces éléments invitent à une vigilance particulière de votre Délégation quant à la mise en œuvre concrète de la politique de soutien à ce droit fondamental. Il convient non seulement de l’affirmer mais également d’y consacrer une part significative des actions d’aide au développement. Volontiers mise en avant, la notion de « droits sexuels et reproductifs », regroupe en effet des droits hétérogènes et dont la portée politique et sociale est variable. Une enveloppe consacrée à ces droits peut en réalité être essentiellement allouée au financement de la contraception, et, dans le détail, fortement négliger le soutien au droit à l’avortement. C’est malheureusement le cas de l’enveloppe de 100 millions d’euros décrite précédemment : destinée selon les services du ministère « à financer l’accès des femmes à la contraception, à l’avortement sécurisé, et pour l’éducation à la sexualité », elle est, dans les faits, allouée pour 90 % au financement d’un programme des Nations unies portant essentiellement sur la contraception.

Pour faire suite à la consécration par le législateur du droit à l’IVG parmi les principes de notre diplomatie féministe, il conviendra donc de distinguer clairement dans les documents budgétaires remis au Parlement ce qui parmi les actions de soutien aux droits sexuels et reproductifs relève de la contraception, de ce qui relève du soutien concret au droit à l’IVG.

● Enfin, votre Délégation a pris fermement position pour que, dans le cadre de sa diplomatie féministe, la France s’engage dans la lutte contre les mutilations sexuelles. Parmi les éléments communiqués à vos rapporteures, le MEAE rappelle que « la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, notamment en temps de conflits, constitue un des enjeux prioritaires du programme 209 relatif à l’égalité entre les femmes et femmes » ([31]). Le ministère revendique ainsi « la lutte contre les pratiques néfastes » au titre des priorités de la stratégie DSSR 2016-2020.

C’est dans ce cadre que la France soutient depuis 2017 le Fonds mondial pour les survivantes de violences sexuelles liées aux conflits porté par les Prix Nobel de la paix 2018, le Dr Denis Mukwege et Nadia Murad. Le Fonds met en œuvre des projets dans différents pays afin de mettre en place des mesures de réparations individuelles et collectives pour les victimes de violences sexuelles dans les conflits. La contribution française au fonds s’élevait à 1,4 million d’euros en 2020. Elle a fortement crû en 2021 pour atteindre 2,6 millions d’euros. Ce montant demeure stable pour 2022 avec 2,62 millions (cf. annexe).

Si vos rapporteures se réjouissent de cette contribution, elles suggèrent de la compléter sur les plans politique et juridique, afin non seulement de dénoncer les crimes de masse, commis notamment à l’encontre des femmes en République démocratique du Congo, mais également de veiller aux poursuites et à la condamnation des auteurs.

Dans le cadre de ses travaux, la Délégation aux droits des femmes a abordé cette question et pu manifester directement son soutien au Dr Mukwege lors de son audition, intervenue le 12 janvier 2022 ([32]). Il a décrit à cette occasion les atrocités perpétrées contre des millions de victimes en République démocratique du Congo et notamment les viols de masse commis à l’encontre des femmes, ces viols étant utilisés comme de véritables armes de destruction des populations. Les débats ont mis en lumière une forme d’inertie, voire d’incapacité de la communauté internationale, à tirer de véritables conclusions du rapport dit « Mapping ».

 

RDC : le projet « Mapping » concernant les violations des droits de l’homme
1993-2003

Suite à la découverte de trois fosses communes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) à la fin de 2005, les Nations Unies ont annoncé pour la première fois, dans un rapport au Conseil de Sécurité en juin 2006, leur intention d’envoyer une équipe de spécialistes des droits de l’homme en RDC pour y dresser un inventaire. En mai 2007, le Secrétaire général des Nations unies a approuvé le mandat du projet dit Mapping afin de :

- dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003.

- évaluer les moyens dont dispose le système national de justice pour donner la suite voulue aux violations des droits de l’homme qui seraient ainsi découvertes.

- élaborer, compte tenu des efforts que continuent de déployer les autorités de la RDC ainsi que du soutien de la communauté internationale, une série de formules envisageables pour aider le Gouvernement de la RDC à identifier les mécanismes appropriés de justice transitionnelle permettant de traiter les suites de ces violations en matière de vérité, de justice, de réparations et de réforme.

Le rapport a été soumis au Haut-Commissaire pour les droits de l’homme en juin 2009 afin d’être revu, commenté et finalisé. Il comprend une description de 617 incidents violents survenus sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003. Chacun de ces incidents suggère la possibilité que de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire aient été commises. Plus de 1 500 documents relatifs aux violations des droits de l’homme commises durant cette période ont été rassemblés et analysés en vue d’établir une première chronologie par province des principaux incidents violents rapportés, seuls les incidents dont le niveau de gravité était suffisamment élevé selon l’échelle de gravité développée dans la méthodologie ayant été retenus. Par la suite, les équipes du projet sur le terrain ont rencontré plus de 1 280 témoins en vue de corroborer ou d’infirmer les violations répertoriées dans la chronologie. Au cours de ces entretiens, des informations ont également été recueillies sur des crimes jamais documentés auparavant.

Il a proposé la mise en place d’une justice transitionnelle afin de traiter de ces crimes.

Source : ONU Femmes

Sur ce fondement objectif et incontestable, vos rapporteures considèrent que la France doit prendre une position très claire en exigeant la mise en œuvre de véritables poursuites contre les responsables directs ou indirects de ces atrocités, qu’il s’agisse d’individus, d’organisation ou d’États. Une telle prise de position serait bien évidemment au crédit de la diplomatie féministe de la France.

D.   pilotage et gouvernance de la diplomatie féministe

● Dans le cadre de ses travaux, Mme Isabelle Rauch, députée et vice‑présidente de la Commission des affaires étrangères, a souligné l’importance de la création d'une formation dédiée à l’égalité femmes-hommes au sein du Conseil de l’Union européenne afin de permettre la réunion des ministres concernés. Elle est soutenue par vos rapporteures, par Mme Nicole Ameline, experte internationale, membre du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et par Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France lors de la table ronde organisée dans le cadre des présents travaux.

● La Délégation a préconisé d’établir dans un document d’orientation interministériel le cadre stratégique d’action de la France en matière de diplomatie et de politique extérieure féministes.

Cette proposition n’a pas été satisfaite, le ministère indiquant que bon nombre de positions françaises relevant de la diplomatie féministe sont construites dans un cadre interministériel avec le ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, les ministères concernés travaillant « de concert et de façon coordonnée sur les actions relevant de la diplomatie féministe », lesquelles s’inscrivent dans le cadre de la stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018‑2022). La coordination interministérielle est en effet indispensable, mais elle ne répond pas complètement à la finalité d’un document d’orientation ministériel, qui offre davantage de transparence pour le contrôle parlementaire et la société civile.

De même, lors de son audition par la Délégation, Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive de ONU Femmes France, a, de son côté, indiqué « qu’il conviendrait d’aller au-delà de la déclaration d’intention en élaborant un Livre blanc recouvrant les principales composantes de la diplomatie féministe afin d’impulser un effet d’entraînement que l’on ne perçoit pas encore véritablement. Reconnaissant que « la France s’est dotée d’une stratégie globale qui n’est plus seulement centrée sur l’aide publique au développement ». Elle déplore « un manque de systématisation de l’intégration des perspectives de genres, notamment dans la diplomatie bilatérale. »

● Sur le plan budgétaire, la Délégation a préconisé d’identifier dans une catégorie séparée les crédits relevant spécifiquement de la diplomatie féministe de la France dans les prochains documents de politique transversale (DPT) relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette recommandation n’a pas suscité de suite particulière, les services du ministère indiquant simplement que « les documents de politiques transversales (DPT) Égalité entre les femmes et les hommes comptabilisent l’ensemble des engagements et des crédits du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement relevant de la diplomatie féministe de la France ».

Il s’agit pourtant non pas de constater la publication du DPT mais bien d’améliorer la présentation qu’il donne des crédits relevant de la diplomatie féministe. Cette recommandation fait suite aux travaux de Mme Isabelle Rauch, rapporteure budgétaire de la Délégation, qui constate le caractère très hétérogène des crédits regroupés dans le DPT au titre de l’action extérieure. Ceux‑ci comprennent par exemple les ressources des programmes 105 et 185 qui « regroupent des crédits ne relevant que très indirectement de la diplomatie féministe en tant que telle (formation des personnels du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, actions de sensibilisation et de communication, etc.) » ([33]). Cette question pourrait être abordée par votre Délégation à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances.

● S’agissant de la représentation équilibrée de chaque sexe au sein de la gouvernance de l’aide au développement, la Délégation avait formulé le souhait de promouvoir l’égalité femmes-hommes dans les structures de conception, de pilotage et de gestion de l’APD française, à savoir le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le Conseil d’administration de l’AFD, Expertise France et la commission d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Le processus d’examen parlementaire de la loi du 4 août 2021 a permis de satisfaire ces ambitions. Il conviendra certainement de poursuivre cette dynamique afin de combler un retard important quant aux postes à plus haute responsabilité, en favorisant systématiquement un équilibre entre femmes et hommes, seul un quart des postes d’ambassadeurs étant par exemple occupé par des femmes.

● Enfin, vos rapporteures ont constaté au cours de leurs travaux qu’en dehors de la nomination de Mme Delphine O au poste ambassadrice et secrétaire générale du Forum Génération Égalité, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne s’était malheureusement doté d’aucune autre structure dédiée à la diplomatie féministe. Il serait dommageable pour l’ambition portée par la loi du 4 août 2021 dans ce domaine que le travail remarquable mené par l’ambassadrice ne soit pas pérennisé. Il convient désormais d’y remédier avec la création d’un service permanent rassemblant des profils spécialisés.

 


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   troisième partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation relatives à la santé des femmes

Votre Délégation a accordé une attention particulière tout au long de la législature aux problématiques de santé des femmes, tant dans ses auditions, ses colloques ou ses rapports. Elle a mis spécifiquement l’accent sur des aspects essentiels tels que :

- la santé des femmes séniores, à l’occasion du rapport d’information n° 1986 sur la séniorité des femmes de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle, adopté le 4 juin 2019 ([34]) ;

- ou encore les menstruations, avec le rapport d’information n° 2691 de Mme Laëtitia Romeiro Dias et Mme Bénédicte Taurine, adopté le 13 février 2020 ([35]) ;

- le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dans le cadre du rapport d’information n° 3343 sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, adopté le 16 septembre 2020 ([36]).

Ces travaux ont donné lieu à l’adoption de nombreuses recommandations, parfois d’avant-garde. Il apparaît que beaucoup reste à faire et que la prise en compte du genre dans le domaine de la santé représente un enjeu déterminant pour améliorer les conditions de vie des femmes et assurer davantage d’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans le cadre de ses travaux de bilan de la législature, votre Délégation a désigné Mmes Karine Lebon et Marie-Pierre Rixain rapporteures chargées de traiter de ces questions.

Afin d’examiner le degré de mise en œuvre de ses recommandations, vos rapporteures ont entendu le 9 février :

- les représentantes de l’association « Donner des Elles à la santé » : le Dr Géraldine Pignot, urologue, le Pr Cécile Badoual, vice-présidente Formation Université de Paris, le Dr Catherine Auzimour, présidente de Sirius-Customizer et le Dr Coraline Hingray, psychiatre ;

- Mmes Delphine Bauer et Ariane Puccini, auteures de l’ouvrage : « Mauvais traitements Pourquoi les femmes sont mal soignées ».

Les services du ministère des Solidarités et de la santé ont répondu au questionnaire des rapporteures. Par la suite, la Délégation a entendu le 8 février M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la santé, puis, le 9 février, Mme Catherine Vidal, neurobiologiste, cofondatrice du groupe « Genre et recherches en santé » au sein du Comité d'éthique de l’Inserm, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, auteure du rapport « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique ».

I.   DES THÉMATIQUES DE SANTÉ RÉCURRENTES DE LA PUBERTÉ à LA MATURITÉ 

Dès la puberté, les jeunes filles sont confrontées à des enjeux de santé spécifiques qui représentent un élément majeur de leur vie : menstruations, contraception, vie affective et sexuelle, éventuel recours à une IVG. Autant de circonstances qui constituent une dimension importante de leur existence, qu’elles partagent rarement avec les hommes qui ne sont pas concernés directement et peuvent ne pas se sentir solidaires de ces préoccupations.

A.   LA PLACE CENTRALE DES MENSTRUATIONS DANS LA VIE DES FEMMES

Les menstruations font partie des non-dits de la vie des très jeunes femmes et des femmes. Ce phénomène naturel, trop souvent occulté, les laisse souvent démunies et isolées, face aux interrogations et aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer, quand il ne s’agit pas de difficultés économiques, la précarité menstruelle touchant un certain nombre non négligeable de femmes.

Le sujet mérite une attention particulière car il concerne la moitié de l’humanité et les femmes y sont confrontées pendant la moitié de leur vie, de la puberté à la ménopause. Il s’agit d’une problématique extrêmement complexe, qui soulève plusieurs types de difficultés, tant sur le plan éducatif que sur celui de la santé, de la sécurité des produits ou encore du point de vue économique. La Délégation a formulé de multiples recommandations dans son rapport sur les menstruations, dont vos rapporteures se sont assurées du suivi, notamment auprès du ministère des Solidarités et de la santé.

1.   La sécurité des produits de protection périodique

Les recommandations de la Délégation en matière de sécurité des protections menstruelles étaient les suivantes :

- exiger des fabricants de protections menstruelles de faire des analyses régulières de la composition de leurs produits, pour vérifier l’absence de substances toxiques, et de publier les résultats ;

- faire contrôler régulièrement par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) la composition des produits de protections menstruelles ;

- établir un cahier des charges standardisé avec les fabricants pour l’ensemble de la profession ;

- mettre en place au niveau national une procédure de déclaration obligatoire des cas de syndrome de choc toxique par les professionnels de santé ;

- clarifier les compétences de chaque professionnel de santé en matière de suivi gynécologique et améliorer l’information sur le remboursement de ce suivi pour lutter contre le renoncement aux soins, systématiser la prise en compte des menstruations et de tout syndrome associé dans le suivi gynécologique des femmes.

Le ministère des Solidarités et de la santé a indiqué qu’à la suite de l’avis de l’ANSES qui ne mettait pas en évidence de risques sanitaires liés à la présence de substances chimiques, la DGCCRF s’était rapprochée des industriels, afin de les inciter à améliorer leurs approvisionnements en matières premières et leurs processus de fabrication pour limiter les contaminations. Elle a par ailleurs mené plusieurs campagnes de contrôle sur ce type de produits depuis 2016.

La mise en œuvre d’autocontrôles par les professionnels a notamment été vérifiée, au titre de l’obligation générale de sécurité à laquelle ils doivent répondre. La DGCCRF devrait publier, début 2022, les résultats de sa dernière enquête sur les nouveaux produits de protection menstruelle (serviettes et tampons réutilisables majoritairement).

Ce sujet fait également l’objet d’une attention sur le plan international. La Commission européenne, dans le cadre du programme CASP (Coordinated activities on the safety of products), a proposé d’initier une enquête européenne sur les serviettes et tampons en 2022. La France participera aux premières discussions prévues au cours du premier semestre de cette année qui porteront sur un projet de norme internationale, porté par la Suède. Cette norme intégrerait des exigences en matière de sécurité et d’information des personnes utilisant ces produits, notamment en termes d’étiquetage. Vos rapporteures considèrent qu’une telle norme permettrait un progrès significatif par rapport à la situation actuelle, où, trop souvent, les informations concernant la composition des produits s’avèrent succinctes et où l’accent est insuffisamment mis sur les conditions d’utilisation des produits, s’agissant tout particulièrement de la durée de port maximum pour les tampons mais aussi pour les cups. Or, il est avéré que le non-respect de ces durées de port maximum, trop souvent ignorées, peut être à l’origine de cas de syndrome de choc toxique, dont les conséquences peuvent être gravissimes, notamment chez les plus jeunes femmes. Le contrôle et la normalisation de l’étiquetage de ces produits de consommation régulière et fréquente pour les femmes, doivent donc impérativement être renforcés pour améliorer l’information et la sécurité des utilisatrices.

S’agissant du signalement des cas de syndrome de choc toxique par les professionnels de santé, le ministère des Solidarités et de la santé a indiqué que le portail de signalements des événements sanitaires indésirables permet déjà à tous les professionnels de santé mais également aux consommateurs et aux industriels de signaler un événement indésirable grave lié à l’utilisation d’un produit de consommation courante (article D. 1413-58 du code de la santé publique). Toutefois, vos rapporteures estiment que ce cadre ne paraît pas le plus adapté pour le signalement des cas de syndrome de choc toxique qui sont rares et donc mal connus, ce qui entraîne souvent un diagnostic peu évident, avec des conséquences dramatiques en cas de prise en charge tardive. Il s’agit donc d’en améliorer la connaissance par les professionnels de santé, d’alerter sur les symptômes et de rendre la prise en charge plus rapide et plus efficiente. Un portail de signalement spécifiquement dédié à ces cas de syndrome de choc toxique, avec un système de déclaration obligatoire par les professionnels de santé, de préférence au niveau européen, serait davantage de nature à permettre l’approfondissement des analyses scientifiques relatives à cette pathologie et la prise en charge médicale de ces cas qui peuvent conduire à des tragédies touchant de très jeunes femmes.

Sans préjudice des projets envisagés au niveau de l’Union européenne, vos rapporteures ont déposé le 21 décembre 2021, avec 21 membres de la Délégation, la proposition de loi n° 4833 relative à la lutte contre la précarité menstruelle, dont l’article 3 vise précisément à répondre à ces enjeux de santé publique induits par la mauvaise utilisation des protections menstruelles voire par leur composition parfois contestée, en intégrant la prise en compte d’informations pratiques sur les menstruations ainsi que sur les précautions à respecter afin de prévenir les risques de syndrome de choc toxique dans le cadre des programmes d’éducation à la vie sexuelle  ([37]).

2.   Des actions à amplifier en matière de lutte contre la précarité menstruelle

La précarité menstruelle est définie comme une difficulté d’accès aux produits d’hygiène de première nécessité et, plus particulièrement, aux protections hygiéniques. Même s’il est difficile d’évaluer précisément le coût de ces dernières dans la vie d’une femme, il a été estimé à 7,50 euros par mois, soit environ 3 800 euros pour une vie. Au total, cela représente un minimum de 10 euros par mois, dépense qui reste problématique pour les 1,5 million de femmes en situation de précarité et, parmi elles, 270 000 étudiantes.

Plusieurs publics concernés par la précarité menstruelle ont été identifiés : les jeunes filles en milieu scolaire ou universitaire issues de milieux défavorisés ; les femmes en situation de précarité parce qu’elles disposent de faibles ressources ou bien parce qu’elles se trouvent sans domicile fixe ; les femmes en situation d’enfermement (dans les prisons ou les centres de rétention notamment). Malgré la prise de conscience récente de ce phénomène, peu d’actions d’envergure et pérennes ont été menées au niveau national par les pouvoirs publics et l’on en reste actuellement au stade d’expérimentations ponctuelles. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’un sujet sensible, trop souvent occulté et qui génère stigmatisation et sentiment de honte pour les femmes qui en sont victimes, alors qu’un accès gratuit pour les publics les plus vulnérables pourrait être assuré pour un coût maîtrisé.

En 2019, une proposition de loi concernant la gratuité des protections hygiéniques, accompagnée d'un projet de distribution gratuite dans les écoles, les hôpitaux ou encore les prisons, était à l'étude, mais elle n’a pas connu de concrétisation. Malgré les nombreuses initiatives qui ont vu le jour en France (expérimentations dans certains établissements scolaires, campagnes de dons à des associations à l’initiative de certaines marques, …) la précarité menstruelle est une réalité encore difficile pour de trop nombreuses femmes. Il est indispensable qu’une politique publique volontariste soit menée, afin de remédier à cette situation indigne d’un pays développé, notamment en partenariat entre le ministère des Solidarités et de la santé et celui de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en organisant l’accès régulier et gratuit aux protections menstruelles pour les jeunes filles démunies en milieu scolaire et universitaire, ainsi que pour les femmes en situation de précarité.

La crise sanitaire et les périodes de confinement ont conduit à accentuer cette prise de conscience, et notamment de l’urgence de soutenir les femmes en situation de précarité. Ainsi que l’a salué Mme Isabelle Rauch, rapporteure de la Délégation sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 :  « conformément aux recommandations formulées dans le rapport d’information n° 2691 fait au nom de la Délégation sur les menstruations (Mme Laëtitia Romeiro Dias et Mme Bénédicte Taurine, rapporteures)([38]), un effort particulier est consacré cette année encore à la lutte contre la précarité menstruelle. Le PLF pour 2022 prévoit une enveloppe de 300 000 euros à cette fin. » Il s’agit de la reconduction d’une enveloppe débloquée en 2020, reconduite en 2021 puis en 2022.

Plus récemment, une initiative a été prise en France en faveur des étudiantes. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avait annoncé, le 23 février 2021, « qu’en 2021, il est inacceptable qu'on doive choisir entre se nourrir et pouvoir se protéger ». Pour répondre à cette précarité menstruelle, l'exécutif s’était engagé à faire installer dans les universités 1 500 distributeurs gratuits de protections hygiéniques d’ici à la rentrée de septembre 2021. Le ministère de l’Enseignement supérieur avait ajouté que ces tampons et serviettes hygiéniques seraient « respectueux de l’environnement ». Le coût de ce dispositif est estimé à 15 millions d’euros par an. Par ailleurs, il devait s’accompagner d’une campagne de communication pour toucher l’ensemble des étudiants. Vos rapporteures estiment que de telles initiatives méritent d’être étendues en direction de l’ensemble des publics concernés et qu’il faudrait notamment installer ces distributeurs dans tous les collèges et lycées.

Enfin, la proposition de loi relative à la lutte contre la précarité menstruelle ([39]) s’efforce de répondre très précisément à cet enjeu, ses articles 1er et 2 prévoyant la distribution de protections menstruelles dans les établissements d’enseignement secondaire, et dans les établissements universitaires par les services de médecine préventive et de promotion de la santé.

3.   La nécessaire prise en charge de l’endométriose

L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche près d’une femme sur dix en âge de procréer. Elle entraîne de violentes douleurs pendant les règles et des rapports sexuels douloureux. C’est la première cause d’infertilité en France. Il s’agit donc d’une pathologie qui impacte fortement la vie des jeunes filles et des femmes qui en sont atteintes, affectant leur vie affective et sexuelle. Elle entraîne un absentéisme au moment des crises qui retentit fortement sur leur parcours scolaire et professionnel. La méconnaissance de cette maladie par une grande partie des professionnels de santé, ainsi que les difficultés de diagnostic se traduisent souvent par une errance médicale de plusieurs années, au cours desquelles la maladie s’aggrave. Aujourd’hui l’endométriose est diagnostiquée, souvent par hasard, avec un retard moyen de cinq années après l’apparition des symptômes, période durant laquelle la maladie a eu le temps de causer des dommages notables à différents organes.

Dans son rapport de février 2020 consacré aux menstruations, la Délégation préconisait :

- d’intégrer un module spécifique consacré à l’endométriose et à sa détection dans la formation initiale des professionnels de santé en lien avec cette pathologie : médecins généralistes, gynécologues médicaux et obstétriciens, chirurgiens, sages-femmes, infirmiers ;

- d’élaborer et transmettre à l’ensemble des professionnels de santé en cours d’exercice, une plaquette d’information sur l’endométriose mettant particulièrement l’accent sur sa prévalence, les signaux d’alerte la faisant suspecter, les examens de détection à prescrire pour établir le diagnostic, ainsi que les traitements de première intention ;

- de sensibiliser les services d’urgence des hôpitaux et des cliniques sur les symptômes évocateurs de l’endométriose, afin qu’ils puissent diriger les patientes vers des spécialistes, lorsqu’ils accueillent des femmes en crise aigüe ;

- de créer des centres de santé dans chaque département, avec des consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque femme atteinte de cette pathologie puisse être prise en charge à proximité de son domicile et qu’il soit ainsi remédié à l’errance médicale constatée actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie ;

- de financer des programmes de recherche sur l’endométriose et d’organiser la coordination des équipes, tant au niveau national qu’européen, afin de mutualiser les moyens humains et financiers.

La ministre des Solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, avait annoncé, en mars 2019, un plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose, s’articulant autour de deux objectifs : améliorer les soins prodigués aux femmes et lutter contre la méconnaissance de cette maladie chez le grand public et les personnels de santé. Pour y parvenir, le plan comptait développer quatre grands axes : la détection précoce de l’endométriose chez les jeunes filles ; l’accompagnement médical des femmes qui en sont atteintes ; l’information du grand public, des femmes et des professionnels de santé ; le renforcement et le soutien de l’effort de recherche.

Deux ans après l’annonce de ce plan ambitieux pour lutter contre l’endométriose, en partie du fait de la pandémie, le problème reste entier. Le plan 2019 pour améliorer la prise en charge de cette maladie, a, en effet, pris du retard à cause de la crise sanitaire, ralentissant la mise en place de filières régionales destinées à rassembler les divers spécialistes de la maladie. D’où la nouvelle initiative du ministre de la Santé, M. Olivier Véran, qui a lancé, le 12 mars 2021, une mission visant à élaborer d’ici fin avril une stratégie nationale contre l’endométriose, l’objectif étant de mieux faire connaître, diagnostiquer et prendre en charge cette maladie dont souffre une femme sur dix en France. La mission confiée à l’eurodéputée Mme Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue très engagée sur ce sujet depuis des années, a pour ambition de répondre « aux cinq défis principaux que nous pose cette maladie, à savoir sa détection, le parcours de soins des patientes, leur prise en charge, la recherche et la communication », a déclaré Olivier Véran lors de la réunion de lancement.

Le 11 janvier 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé les grands axes de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose dont la mise en œuvre a été déclinée, le 14 février 2022, par le ministre des Solidarités et de la santé, M. Olivier Véran, avec toujours le même objectif : mieux connaître, diagnostiquer et prendre en charge la maladie. Près de 200 experts, associations de patients, professionnels de santé et chercheurs concernés par l’endométriose, ont été consultés pour élaborer un plan d’action sur les prochaines années. Il prévoira notamment la création de filières territoriales dédiées à l’endométriose dans chaque région, et ce d’ici à 2023.

Concernant la prise en charge financière de la maladie, l’État assure l’« améliorer ». À cet égard, les députés ont adopté à l’unanimité, le 13 janvier 2022, la proposition de résolution, présentée par Mme Clémentine Autain, visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée, aux termes de laquelle il est demandé au Gouvernement d’inscrire par voie réglementaire l’endométriose dans la liste des affections de longue durée (ALD 30) ([40]).

À ce jour, d’après les réponses communiquées à vos rapporteures, seules les patientes souffrant « de formes invalidantes » de la maladie peuvent bénéficier d’une exonération au titre de l’ALD 31 (affection hors liste). Lors de son audition par la Délégation, le ministre des Solidarités et de la santé a indiqué qu’« en 2020, ce sont plus de 6 800 femmes qui ont bénéficié de cette exonération ».

Vos rapporteures considèrent que la mise en place de filières médicales dédiées à l’endométriose et maillant le territoire apparaît comme la première urgence, afin d’assurer l’égal accès aux soins des patientes concernées et d’éviter l’errance médicale, à l’origine de retards de diagnostic et de prise en charge.

B.   L’URGENCE À RENFORCER L’INFORMATION, LA COMMUNICATION ET LA SENSIBILISATION EN MATIÈRE D’ÉDUCATION A LA SEXUALITÉ

La Délégation a mis l’accent à de nombreuses reprises sur l’importance de développer l’information et la communication en matière d’éducation à la sexualité et sur la sensibilisation aux thématiques d’égalité dans le domaine de la vie affective et sexuelle, avec notamment la nécessité de mise en œuvre de campagnes nationales d’information à périodicité régulière, la mise à disposition de sites internet dédiés et une éducation à la sexualité dans le cadre scolaire répondant davantage aux attentes et aux besoins des élèves et qui devrait commencer beaucoup plus tôt dans le parcours scolaire.

Interrogé à ce sujet par vos rapporteures, le ministère des Solidarités et de la santé a indiqué que l’investissement dans la promotion de la santé sexuelle, en particulier en direction des jeunes, dans une approche globale et positive, constitue l’un des six axes de la Stratégie nationale de santé sexuelle (SNSS) 2017-2030.

Le Gouvernement s’est doté d’une feuille de route « santé sexuelle » pour la période 2018‑2020, dont les actions phares sont les suivantes :

- à l’école, la place de l’éducation à la vie affective et sexuelle au sein d’une démarche éducative transversale a été rappelée par instruction à tous les professionnels du milieu scolaire, ainsi que les modalités de mise en œuvre des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, du CP à la terminale, dans le cadre de la circulaire n° 2018-111 du 12 septembre 2018 relative à l’éducation à la sexualité dans le cadre des enseignements primaire et secondaire ;

- s’agissant du milieu périscolaire, un guide à la sexualité a été publié en 2019, à destination des animateurs et éducateurs sportifs. Le Gouvernement a indiqué à vos rapporteures qu’à ce jour plus de 8000 collectivités territoriales et 151 000 éducateurs sportifs l’avaient reçu ;

- depuis 2018, le service sanitaire des étudiants en santé, d’une durée six semaines dans le cadre de la formation initiale, permet aux promotions de 50 000 futurs professionnels de santé de choisir comme thème prioritaire la santé sexuelle et reproductive pour s’approprier les enjeux de prévention et de promotion dans ce domaine et déployer des actions concrètes sur ce thème ;

- enfin, ainsi que l’a rappelé le ministre devant votre Délégation, un accès étendu à une consultation longue en santé sexuelle et reproductive est désormais possible et entièrement pris en charge pour tous les jeunes, filles et garçons, jusqu’à leurs 25 ans, ce dispositif ayant été adopté par les parlementaire dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Vos rapporteures estiment qu’il serait souhaitable que la manière dont les établissements scolaires mettent en place les trois séances annuelles obligatoires d’éducation à la sexualité fasse l’objet d’un contrôle systématique et que les établissements concernés soient tenus de faire un compte rendu annuel à l’inspection d’académie dont ils dépendent sur la façon dont ils se sont acquittés de cette obligation.

S’agissant de la formation initiale et continue des professionnels de santé, il apparaît indispensable à vos rapporteures que le module santé sexuelle et reproductive soit érigé en enseignement obligatoire, faisant l’objet d’un contrôle au cours du cursus universitaire et ne se contente pas d’être proposé comme un simple enseignement optionnel.

Enfin, la consultation longue en santé sexuelle et reproductive devrait également être proposée avant 16 ans, afin que filles et garçons puissent débuter leur vie affective et sexuelle en disposant de toutes les informations nécessaires, en termes de contraception, d’IVG, de prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST), ou encore de consentement. Il faudrait que ces consultations leur soient accessibles dans le cadre scolaire, auprès de médecins ou d’infirmiers scolaires, afin que tous les élèves puissent en bénéficier, tout particulièrement dans les zones rurales et les quartiers prioritaires de la ville.

Le ministère des Solidarités et de la santé a également présenté les actions de la feuille de route santé sexuelle 2021-2024, dont l’une des grandes ambitions consiste à poursuivre l’information, la promotion et la formation à la santé sexuelle dans tous les milieux, à toutes les étapes de la vie, pour agir en profondeur sur la perception de la santé sexuelle et favoriser l’égalité de genre, ainsi que la lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles. Il est notamment prévu de :

- renforcer les connaissances en santé sexuelle des jeunes, dans le cadre du Service national universel ;

- transformer la semaine du dépistage en semaine de la promotion de la santé sexuelle ;

- renforcer l’éducation à la sexualité à l’école, en développant la formation initiale et continue des personnels de l’Éducation nationale ; en élaborant des ressources en direction des familles pour expliciter l’éducation à la sexualité à l’école, par le biais de la « mallette des parents » et en désignant un interlocuteur en éducation à la sexualité dans chaque département ;

- former les étudiants « relais santé » sur les questions de santé sexuelle dans l’enseignement supérieur.

S’agissant de l’information et de la sensibilisation des parents, au-delà des ressources théoriques qui peuvent être mises à leur disposition, il apparaît indispensable à vos rapporteures de développer des actions concrètes de proximité, par exemple en proposant des réunions régulières dans les établissements scolaires ou les mairies, animées par des professionnels qualifiés ou des bénévoles issus du monde associatif, comme le Planning familial, afin que les parents trouvent des réponses à leurs questions, dans un cadre dédié, permettant de libérer la parole et d’apporter des informations adaptées, afin de mieux accompagner leurs enfants.

C.   UN PARCOURS IVG À FACILITER ET À ALLÉGER

Dans son rapport de septembre 2020 sur l’accès à l’IVG ([41]), la Délégation avait souligné que ce droit fondamental pourtant reconnu depuis des décennies, n’allait pas de soi et que les conditions d’accès à l’IVG s’avéraient très hétérogènes sur l’ensemble du territoire français, se traduisant par un allongement des délais de prise en charge qui ne sont pas toujours compatibles avec le délai légal en vigueur en France.

La principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt des professionnels à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant. La charge du maintien effectif de ce droit repose essentiellement sur une poignée de praticiens militants dont beaucoup se trouveront bientôt à la retraite. Il est donc essentiel d’élargir l’offre médicale pour satisfaire l’ensemble des demandes qui reste relativement stable (entre 225 000 et 230 000 par an) au fil des années et de remédier aux disparités territoriales. Il est urgent de faire face à une situation qui ne cesse de se dégrader, comme on a pu le constater depuis le début de la crise sanitaire qui s’est traduite par un allongement des délais de prise en charge.

La Délégation avait formulé de nombreuses recommandations, afin de fluidifier le parcours des femmes souhaitant recourir à l’IVG et notamment :

- mettre en place une exonération généralisée d’avance de frais pour les femmes souhaitant recourir à une IVG ;

- établir un forfait de remboursement différencié pour les DROM qui prenne en compte la différence des coûts constatée sur ces territoires ;

- mettre en place une couverture totale et indexée des frais encourus par les professionnels dans la pratique de l’IVG ;

- imposer à l’ensemble des hôpitaux publics d’assurer une prise en charge des IVG et de ne pas refuser les patientes dont la grossesse se situe en fin de délai légal, celles-ci constituant une urgence absolue, afin d’assurer une offre de soins équitable sur l’ensemble du territoire. Créer des postes de praticiens hospitaliers fléchés vers la pratique de l’IVG et faire une obligation à chaque service de gynécologie-obstétrique en hôpital public de proposer une offre d’IVG ;

- mettre en place un répertoire des professionnels pratiquant l’IVG sur le modèle du site ivgadresses.org et mis à jour par les ARS ;

- pérenniser l’allongement du délai de recours à l’IGV médicamenteuse en ville de 5 à 7 semaines de grossesse ;

- allonger le délai de l’IVG chirurgicale de deux semaines, pour le faire passer de 12 à 14 semaines de grossesse, afin d’éviter que les femmes confrontées à des difficultés en début de parcours (errance médicale, délais de rendez-vous trop longs, …) se trouvent hors délai et dans l’impossibilité de pratiquer une IVG en France ;

- autoriser la pratique de l’IVG chirurgicale sous anesthésie locale par les sages-femmes dans les établissements et les centres de santé habilités, sur la base du volontariat, notamment grâce à des formations réalisées par les centres d’orthogénie ;

- développer et pérenniser l’accès aux différentes techniques d’IVG sur l’ensemble du territoire, en intégrant dans la formation initiale et continue des praticiens susceptibles de pratiquer des IVG (gynécologues-obstétriciens, médecins généralistes, sages-femmes), une formation pratique à ces techniques, y compris pour l’interruption médicale de grossesse (IMG) ;

- modifier la rédaction de la clause dite « de conscience » en rédigeant ainsi le premier alinéa de l’article L. 2212-8 du Code de la santé publique « Un médecin ou une sage-femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2 ».

Entendu par la Délégation, le 8 février 2022, M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a fait part des avancées intervenues afin de fluidifier le parcours IVG.

Concernant l’allongement du délai de l’IVG médicamenteuse de 5 à 7 semaines, mis en place pendant la crise sanitaire, le ministre a annoncé qu’il avait prolongé ce dispositif à la demande de la Délégation et qu’il s’était engagé à faire entrer ces mesures dérogatoires dans le droit commun. Le décret d’application a été publié le 20 février 2022. Par ailleurs, les IVG instrumentales peuvent désormais être réalisées en centre de santé, le décret qui en précise les conditions ayant été publié en avril dernier.

Le décret et l’arrêté d’application relatifs à l’expérimentation de la réalisation d’IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé ont été publiés le 31 décembre 2021, la proposition de loi n°3292 visant à renforcer le droit à l’avortement en prévoit la généralisation. Une cinquantaine d’équipes sera sélectionnée et les premiers projets commenceront à la mi-2022. Le ministre a souligné qu’il s’agissait d’une étape importante pour jeter les bases d’une pratique qui, sans nul doute, facilitera l’organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d’IVG et donnera aux femmes un nouvel interlocuteur dans leurs parcours.

À la suite de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, le tiers payant intégral est dorénavant prévu pour toutes les femmes s’agissant des dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, c’est‑à-dire 100 % des frais liés à l’IVG. À ce tiers payant s’ajoute la garantie du respect du secret pour la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes. L’adaptation des forfaits de prise en charge dans les DROM ne s’est, en revanche, pas concrétisée, ce que vos rapporteures regrettent fortement.

Par ailleurs, le ministère des Solidarités et de la santé a fourni des précisions sur un certain nombre de points. S’agissant de l’information des patientes au sujet des praticiens pratiquant l’IVG, la feuille de route stratégie santé sexuelle pour 2021-2024 prévoit de faire de Sante.fr l’annuaire de référence pour trouver l’offre en santé sexuelle et reproductive près de chez soi (action 9 de la feuille de route). Il s’agit ainsi de faciliter l’accès référencé à une offre en santé sexuelle sur les territoires, grâce à des outils numériques adaptés, notamment pour les populations les plus éloignées du système de soins. Les travaux sont engagés, afin de référencer l’offre territoriale et mettre à jour les sites nationaux déjà existants, tels que ivg.gouv.fr et Sante.fr. La proposition de loi sur le renforcement du droit à l’avortement prévoit également d’inscrire le droit d’accès à un répertoire IVG libre et effectif dans la loi.

Vos rapporteures insistent sur la nécessité de mettre en place ces répertoires, l’errance médicale en début de parcours étant souvent à l’origine des prises en charge tardives, avec le risque de dépassement du délai légal. Les ARS paraissent les plus qualifiées pour la tenue de ces répertoires des praticiens pratiquant l’IVG sur leur territoire et pour sa mise à jour. En effet, elles sont destinataires des conventions que doivent impérativement conclure les praticiens de ville (médecins, sages-femmes) souhaitant pratiquer des IVG médicamenteuses, avec un établissement de santé de rattachement en cas de complications (hémorragie, infections, …). Par ailleurs, chargées de l’organisation de l’offre de soins sur leur territoire, elles sont également tout à fait à même de recenser les établissements et les centres de santé proposant l’IVG chirurgicale sur leur territoire. Il serait donc logique que cette mission leur soit confiée et que l’existence et la tenue à jour d’un répertoire des praticiens et des établissements de santé pratiquant l’IVG revête un caractère obligatoire.

Concernant le point le plus attendu, à savoir l’allongement du délai de recours à l’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse, celui-ci a été acté lors de l’adoption de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement, de la députée Albane Gaillot le 23 février 2022. Le contenu de la proposition de loi a été enrichi au cours des discussions par le travail de la Délégation aux droits des femmes, notamment grâce au rapport sur l’accès à l’IVG de Mmes Battistel et Muschotti, et des remontées des associations et professionnels de santé. Enfin, la même proposition de loi prévoit la modification de la rédaction de la clause dite « de conscience » conformément aux préconisations de votre Délégation.

 


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II.   UNE PRISE EN COMPTE DE LA SANTÉ DES FEMMES SÉNIORES ENCORE INSUFFISANTE

Les femmes vivent plus longtemps que les hommes mais passent plus d’années qu’eux en mauvaise santé. En effet, l’espérance de vie à la naissance est de 79,3 ans pour les hommes et de 85,4 ans pour les femmes. Quant à l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire sans limitations d’activité ou sans incapacité majeure, elle est de 64,4 ans pour les hommes et de 65,9 ans pour les femmes. On peut imputer pour partie cette dégradation de l’état de santé des femmes au diagnostic tardif de certaines pathologies, ainsi qu’aux conséquences de la précarité économique qui les touche davantage, entraînant un renoncement aux soins et une mauvaise hygiène de vie, en particulier sur le plan alimentaire.

Pour que les femmes vieillissent dans de meilleures conditions, il est nécessaire de renforcer la prévention, afin de retarder l’apparition de la dépendance, en favorisant notamment le maintien à domicile. Enfin, la dépendance et sa prise en charge, avec le vieillissement de la population qui concerne essentiellement les femmes, constitue plus que jamais un enjeu majeur pour notre société, impliquant les pouvoirs publics, les familles et les nombreux acteurs du secteur, tant publics que privés. L’actualité récente a mis en lumière l’urgence à repenser l’ensemble du système, afin d’offrir une fin de vie dans la dignité à nos aînés, parmi lesquels la proportion de femmes est particulièrement importante.

A.   Des actions de prévention à renforcer pour favoriser le maintien à domicile

Dans son rapport consacré à la séniorité, de juin 2019, la Délégation avait formulé de multiples recommandations destinées à favoriser le maintien à domicile des femmes :

améliorer, développer et accentuer les différentes pratiques de prévention de la perte d’autonomie en renforçant le pilotage et l’évaluation de la politique de prévention de la perte d’autonomie ; en mettant en œuvre une logique de prévention tout au long de la vie adaptée aux différents âges, afin de favoriser les comportements bénéfiques pour la santé de chacun ;

- favoriser le développement d’un système de soins, de services et d’accompagnement mieux coordonné et mieux adapté au maintien à domicile des personnes âgées en simplifiant les démarches ;

- repenser les prestations de soins à domicile et de services à la personne âgée à domicile, ainsi que leur tarification et leur financement, notamment en réévaluant les dispositifs de crédits d’impôts et d’exonération de cotisations sociales ;

- mieux prendre en compte la situation des proches aidants, notamment en envisageant la création d’un statut et la possibilité de formations.

Le ministère des Solidarités et de la santé a apporté certains éléments de réponse à ces propositions :

Sur la base de l’expérimentation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile expérimentaux lancée en 2019, à partir de 2023, les catégories existantes de services à domicile seront progressivement fusionnées pour former une seule catégorie de services à domicile, les « services autonomie ».

S’agissant des aidants, la stratégie nationale Aidants « 2020-2022 » porte un certain nombre de mesures en leur faveur. L’élément essentiel est l’axe sur la conciliation vie professionnelle et vie personnelle qui s’attache à faciliter les aménagements du temps de travail des aidants par une indemnisation du congé de proche aidant porté au niveau du SMIC par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022. Par ailleurs, la formation continue des professionnels hospitaliers à la question des aidants a été renforcée et l’aidant peut être identifié dans le Dossier médical partagé.

Vos rapporteures insistent sur la nécessité de mettre à disposition des femmes âgées des programmes de bien-être sur mesure, ces dernières étant généralement capables d’entreprendre une série d’activités au-delà de la simple marche. En effet l’entraînement musculaire présente de nombreux avantages pour les femmes âgées qui perdent généralement de la densité osseuse et de la masse musculaire en vieillissant.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l’activité physique est liée à de plus faibles taux de chutes, d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète, d’hypertension, de maladies coronariennes et de certains cancers. L’OMS établit également un lien entre l’activité physique et un indice de masse corporelle plus sain, une meilleure densité osseuse, un risque réduit de chutes et un meilleur fonctionnement cognitif. Or, la difficulté d’accès à ces activités, tant pour des raisons géographiques (zones rurales, absence de moyens de transport) que financières (faibles ressources ne permettant pas de s’inscrire à une activité physique régulière) constitue un frein majeur à la pratique d’une activité physique régulière. Il est donc indispensable que les pouvoirs publics, notamment les communes, en partenariat avec les caisses de sécurité sociale, les caisses de retraites et les maisons de retraite, développent une offre adaptée à ces publics, afin de leur permettre de pratiquer une activité physique régulière, retardant ainsi le vieillissement et la perte d’autonomie.

B.   La refonte indispensable de la prise en charge de la dépendance

L’entrée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) intervient en moyenne à 85 ans et 2 mois et concerne majoritairement des femmes. Cet âge n’a cessé de reculer, ce qui s’explique en partie par les différentes mesures encourageant le maintien des personnes âgées à domicile. La durée médiane du séjour s’élève à 2 ans et 7 mois. Plus du tiers des résidents en Ehpad souffrent d’une maladie neurodégénérative.

Selon les travaux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) qui conduit une enquête tous les quatre ans, au 1er décembre 2019, près de 11 000 structures d’hébergement pour personnes âgées proposaient près de 770 000 places d’accueil. Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes représentent 70 % des structures d’hébergement pour personnes âgées et totalisent 79 % des places installées. Fin 2015, plus de 500 000 personnes travaillaient dans une structure d’hébergement pour personnes âgées, pour un volume de travail correspondant à 429 800 personnes en équivalent temps plein. Les femmes représentent 87 % du personnel employé.

Ces structures qui accueillent des personnes âgées très vulnérables doivent s’appuyer sur du personnel qualifié, en nombre suffisant, et être particulièrement attentives à la qualité des soins prodigués, ainsi qu’à l’équilibre nutritionnel de l’alimentation. La récente actualité a mis en lumière des dysfonctionnements inquiétants, auxquels il est urgent de remédier au plus vite.

La Délégation, dans son rapport sur la séniorité des femmes, avait fait de nombreuses recommandations, afin d’améliorer la qualité de l’accueil dans les structures dédiées aux personnes dépendantes. Elle préconisait de repenser le modèle de l’Ehpad en :

- ouvrant ses missions sur l’extérieur pour en faire une plateforme de services accessible à toutes les personnes âgées ;

- favorisant la logique de la bientraitance pour garantir de meilleures conditions de vie aux résidents (privilégier une alimentation à la fois saine et gourmande, développer les activités physiques) ;

- améliorant les conditions de travail des employés qui sont souvent confrontés à des situations humainement difficiles et manquent de temps pour réaliser leurs tâches, faute d’effectifs suffisants.

Interrogé sur la mise en œuvre de ces recommandations, le ministère des Solidarités et de la santé a mis en avant les efforts effectués. Le plan d’investissement du Ségur de la Santé a affecté 2,1 milliards d’euros, entre 2020 et 2024, pour rénover et moderniser les Ehpad publics et privés associatifs. La mesure « Ehpad centres de ressources », dans la LFSS pour 2022, prévoit la montée en charge de crédits pour un centre de ressource territorial par département en 2022 et quatre par département en 2024.

 S’agissant de l’amélioration des conditions de travail, le Gouvernement a indiqué que, face à la crise sanitaire, 40 000 recrutements en urgence ont été initiés dans les établissements. Depuis 2017, il a été procédé à 10 000 recrutements de soignants. Sur les prochaines années, 10 000 soignants supplémentaires seront recrutés, tout en rendant obligatoire au moins une astreinte d’infirmier diplômé d’État de nuit et la présence d’un médecin coordonnateur au moins deux jours par semaine, ce qui représente 10 % de soignants supplémentaires.

 En ce qui concerne l’isolement des personnes âgées en Ehpad, le ministre des Solidarités et de la santé, Olivier Véran, a apporté des précisions lors de son audition par la Délégation. Le ministre a indiqué que, dans le cadre du Ségur de la santé, 700 millions ont été prévus pour l’équipement numérique des Ehpad, visant à profiter à 700 000 résidents, soit 1 000 euros par résident. Les personnes âgées en perte d’autonomie seront donc supposées disposer d’un écran et d’une télécommande à plusieurs touches, l’une pour appeler leur famille en visioconférence, une autre pour allumer le poste de télévision et une autre pour appeler à l’aide.

 Interrogé sur la question du droit de visite par vos rapporteures, le ministre a rappelé que des directives ont été adressées aux établissements depuis plusieurs mois, tout en indiquant que les directeurs pouvaient adapter le protocole en fonction de leur établissement. Il convient de rappeler que, d’un point de vue légal, sauf situations extrêmes, rien ne peut empêcher les visites ; cependant, dans de nombreux cas encore aujourd’hui, les familles de personnes âgées dépendantes ne peuvent visiter leurs proches, se voyant opposer des protocoles sanitaires.

Malgré l’importance du dispositif en cours de déploiement, l’onde de choc provoquée par la révélation des mauvais traitements infligés aux pensionnaires des Ehpad du groupe privé Orpea interroge sur l’efficacité du contrôle de ces établissements pour garantir la sécurité et le bien-être des résidents. Par-delà les dérives mises au jour par les enquêtes journalistiques, c’est tout le modèle des Ehpad et de la prise en charge des personnes âgées dépendantes qui ne parvient pas à garantir les droits et soins nécessaires à des personnes vulnérables.

Il est donc primordial de réfléchir à l’avenir du système sanitaire en matière de dépendance, afin d’éviter que l’organisation même de la prise en charge des patients puisse échapper à tout rationnel médical et à toute stratégie ancrée dans un territoire, en cas de multiplication d’établissements dont la rentabilité est le seul guide et qui sont totalement dénués de valeurs humanistes.

 Des dispositifs de signalement ainsi que des mesures de contrôle en matière de sécurité et de bien-être des résidents doivent donc être mises en place rapidement. Le taux d’absentéisme, de maladie professionnelle, le remplacement fréquent des personnels, qui sont des indicateurs de la qualité des soins, ne sont pas suffisamment suivis. Quant aux ARS, elles ne disposent pas de visibilité sur l’ensemble des budgets du secteur privé, les flux financiers sur la partie hébergement leur échappant. Vos rapporteures considèrent qu’une évolution de la loi est indispensable pour que les comptes du secteur lucratif puissent être entièrement examinés par les pouvoirs publics.

Au-delà de l’aspect financier qui conduit à privilégier la rentabilité, au détriment de la qualité du service rendu aux résidents, il apparaît indispensable à vos rapporteures qu’un contrôle régulier de la qualité des soins et de l’alimentation soit opéré régulièrement dans l’ensemble des Ehpad et services de santé chargés de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, de manière à apporter toutes garanties aux familles qui leur confient leurs aînés. À cet égard, on pourrait imaginer un système d’accréditation annuelle, avec des contrôles sur place inopinés et aléatoires par un corps d’inspecteurs mandaté à cet effet par la puissance publique. Les établissements qui, après avertissement, ne satisferaient pas un cahier des charges d’obligations standardisées, se verraient alors retirer leur accréditation et privés de leur habilitation, jusqu’à leur mise en conformité avec les exigences communes à l’ensemble des établissements.


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III.   L’impact DU GENRE DANS LES SOINS DE SANTÉ

Pendant longtemps, la médecine ne s’est intéressée à la santé des femmes qu’à travers la gynécologie et l’obstétrique, négligeant d’autres pathologies. Ainsi, les femmes demeurent moins bien dépistées et moins bien soignées que les hommes, comme on peut le constater dans le cas de nombreuses pathologies, où le diagnostic et le traitement sont souvent formatés par rapport aux caractéristiques des hommes, sans tenir compte des spécificités féminines.

A.   PRENDRE EN COMPTE LE GENRE POUR MIEUX SOIGNER

Afin de mieux appréhender les différences de prise en charge médicale des femmes et des hommes, la Délégation a auditionné le Dr Catherine Vidal, neurobiologiste, co-fondatrice du groupe « Genre et recherches en santé » au sein du Comité d'éthique de l’Inserm, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, auteure du rapport 2020 « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique », pour le Haut Conseil à l’égalité.

Le Dr Vidal a présenté à la Délégation les principales conclusions de ce rapport. Elle a souligné la persistance d’inégalités sociales en matière de santé entre les femmes et les hommes qui se traduisent par des biais dans l’accès aux soins et la prise en charge médicale. Or, la prise en compte du genre peut au contraire être source d’innovation dans la médecine, la recherche et les politiques de santé.

Ces inégalités s’observent dans les pathologies les plus répandues et tout particulièrement les patients souffrant de maladies cardiovasculaires, qui constituent la première cause de mortalité chez les femmes, 56 % des femmes décédant de maladies cardiovasculaires, contre 46 % des hommes. De nombreux stéréotypes de genre entourent les facteurs de risques des maladies cardiovasculaires : on considère souvent que ce sont les hommes les principaux consommateurs de tabac et d’alcool, ou encore que les femmes font plus souvent attention à leur ligne. Or, contrairement aux idées reçues, les femmes sont de plus en plus concernées par les facteurs de risques tels que le tabagisme, la consommation d’alcool, le manque d’activité physique, le surpoids, l’obésité et le stress. Elles sont également plus susceptibles d’être plus rapidement ou plus gravement touchées par ces facteurs de risques que les hommes car, du point de vue anatomique, leur cœur est en moyenne plus petit que celui d’un homme.

Le sexe et le genre influencent le diagnostic d’un infarctus du myocarde ou d’un AVC. Les symptômes de ces deux maladies, bien identifiés par le grand public, constituent des signaux d’alerte spécifiques chez les hommes mais près d’une femme sur deux ne s’y reconnaît pas. Les femmes sont davantage touchées par des maladies dites micro vasculaires (à l’opposé des grandes artères coronaires chez les hommes), ce qui provoque chez elles des symptômes « atypiques ». De manière générale, les symptômes chez les femmes sont plus difficilement identifiables, et surtout, mal connus. En moyenne, les femmes malades entament ainsi le processus de prise en charge médicale avec deux heures de retard sur les hommes, le temps que l’entourage appelle les urgences. Une fois arrivées à l’hôpital, elles doivent en moyenne attendre une heure de plus que leurs homologues masculins avant d’être prises en charge par un cardiologue. Ainsi, à toutes les étapes de la prise en charge des maladies cardiovasculaires, les normes sociales et les stéréotypes liés au genre influencent les attitudes des médecins et des malades, entraînant une perte de chances pour les femmes.

Il apparaît donc que la norme médicale se pense à partir des hommes et cela a des impacts dramatiques sur la santé des femmes. Les auditions conduites par la Délégation ont révélé que les femmes ont trois fois plus de « chances » que les médecins expliquent leur état par des causes émotionnelles plutôt que par des causes biologiques du type trouble cardiaque. De manière générale, les symptômes présentés par une femme ont plus de risques d’être identifiés comme relevant d’une forme de stress, de dépression ou de fatigue plutôt que d’une maladie cardiovasculaire. Le genre d’une personne tend à influencer le diagnostic posé par un professionnel de la santé, les femmes se voyant par exemple prescrire plus fréquemment des anxiolytiques plutôt qu’un rendez-vous chez un cardiologue.

La prise en compte de la dimension du genre dans le domaine de la santé a des retombées majeures en termes de connaissances scientifiques, de prise en charge médicale et de traitements, ainsi qu’en matière de prévention et d’optimisation des coûts de santé. Le Dr Vidal estime qu’il est donc nécessaire de construire des politiques de recherche et de santé publiques plus égalitaires, au bénéfice de la santé des femmes et des hommes. Pour y parvenir, il est indispensable d’intégrer la thématique « genre et santé » dans la formation aux professions médicales et paramédicales.

B.   INTÉGRER DAVANTAGE LES FEMMES DANS LES ESSAIS CLINIQUES ET LIMITER LES EFFETS SECONDAIRES

Vos rapporteures ont également auditionné Mmes Delphine Bauer et Ariane Puccini, auteures de l’ouvrage « Mauvais traitements : pourquoi les femmes sont mal soignées » qui est le fruit d’une enquête achevée au printemps 2020. Leur enquête a porté sur la fabrication des médicaments, la prescription et la prise en charge des victimes, et s’est fondée sur des données existantes mais qui n’avaient pas été mises en perspective. Ce travail leur a permis d’établir que les femmes sont surreprésentées parmi les victimes dans les scandales liés aux médicaments, ainsi qu’en matière d’effets secondaires indésirables des médicaments (56 % en France, 60 % dans le monde).

En ce qui concerne la part des femmes dans les essais cliniques, celle-ci augmente mais elle reste très faible, ne représentant que 30 % à l’échelon mondial. Elles sont très présentes dans les pathologies féminines mais très sous‑représentées dans les pathologies mixtes.

Concernant les effets secondaires, beaucoup d’entre eux n’ont été détectés que bien après la mise sur le marché des médicaments, faute d’une prise en compte suffisante des populations féminines lors des phases d’essai. Certains résultent également d’injonctions sociales pesant particulièrement sur les femmes, comme celle de la minceur, qui se traduisent par davantage de prescriptions à l’égard des femmes (comme l’a illustré le scandale dit du « Médiator »). On observe une surproportion de femmes dans la prescription des opioïdes et des antidouleurs, la douleur de la femme étant plus acceptée socialement. Il existe bel et bien un biais cognitif qui amène à orienter la prise en charge de la santé chez les femmes et les hommes.

C.   FAVORISER une meilleure représentation des femmes pour L’ACCES AUX POSTES À RESPONSABILITÉ DANS LES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET LA RECHERCHE

Dans la très grande majorité des cas, quand la question du genre est soulevée, c’est parce que des femmes s’en emparent. C’est pourquoi, au-delà des questions d’égalité, il importe qu’elles soient plus nombreuses à accéder aux postes à responsabilité dans le domaine médical et de la recherche.

À cet égard, vos rapporteures ont auditionné l’association Donner des Elles à la santé, créée en juillet 2020, pour faire évoluer cette question. En effet, les membres de l’association sont parties du constat que, si les femmes ont investi les premières strates professionnelles dans le domaine médical et celui de la recherche, elles peinent encore à accéder aux échelons de responsabilité. Elles ont observé chez les femmes médecins et chercheures un manque de confiance en soi se traduisant bien souvent par un syndrome de l’imposteur, tant il est avéré qu’elles peuvent être fréquemment confrontées à des situations de discriminations et de comportements sexistes. En outre, la maternité est clairement identifiée comme un frein à leur carrière professionnelle, celle-ci constituant un point de rupture majeur dans leur parcours. Aucun aménagement du temps de travail n’est en effet proposé à ces jeunes médecins, dans un milieu où la tension sur les effectifs est extrêmement importante. Par ailleurs, les stéréotypes genrés sont très ancrés à l’hôpital, c’est un milieu très conservateur, où règne le mandarinat.

La situation actuelle est encore très éloignée de la parité : alors que 52 % des médecins à l’hôpital sont des femmes, seules 22 % des professeurs des universités-praticiens hospitaliers sont des femmes. Les femmes professeurs des universités sont beaucoup moins nombreuses car l’opportunité d’évolution de carrière se joue généralement entre 30 et 40 ans, un âge où la femme médecin doit généralement concilier sa carrière avec ses projets familiaux. Par ailleurs, d’après les données indiquées à vos rapporteures, 85 % des femmes médecins se sont senties discriminées du fait de leur sexe dans leur parcours ; 78 % des femmes médecins ont déjà été victimes de comportements sexistes (propos choquants, gestes inappropriés), tandis que 74 % des hommes ont déjà été témoins de comportements sexistes à l’égard des femmes.

Face aux discriminations, l’association Donner des ELLES à la santé préconise d’adapter le parcours et les exigences des postes pour intégrer les spécificités des femmes (allonger le temps de parcours du cursus pour les femmes, adapter le moment de la mobilité, prévoir des crèches, etc.) ; d’améliorer le dispositif de congés maternité ; d’assurer la transparence des carrières (recrutements, évaluations, nominations, etc.) ; de publier aux niveaux régional et national les chiffres des bilans réalisés dans le cadre obligatoire de la « Démarche Égalité » des établissements de santé en France. Face aux violences sexistes, les directions d’établissements doivent s’engager pour une tolérance zéro et il faut que la confidentialité des plaintes soit assurée. Ils doivent également progresser dans la présence des femmes au sein des postes de responsabilité, leur sous-représentation favorisant un environnement plus permissif aux violences sexistes et sexuelles.

Au moment où l’hôpital est en crise, améliorer la parité dans l’accès aux postes de responsabilité serait un levier majeur pour la transformation souhaitable de celui-ci et bien évidemment bénéfique pour l’ensemble des patients.


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   Quatrième partie : Mise en œuvre des recommandations de la Délégation en matière de parité

La parité porte sur la répartition des postes de responsabilité de nature politique, mais s’applique également à l’essentiel des domaines de la vie économique et sociale. L’objectif d’une répartition équilibrée entre femmes et hommes des emplois, et notamment des postes de décision, compte parmi les principales thématiques de travail de la Délégation depuis sa création, et a conduit à l’adoption de nombreuses recommandations. Le Bureau de la Délégation a donc naturellement souhaité compléter son travail d’évaluation de la législature en consacrant la quatrième partie du présent rapport à cette question. La Délégation a désigné M. Stéphane Viry, rapporteur de cette partie thématique.

La Délégation ayant consacré un rapport à l’égalité économique et professionnelle de Mmes Marie-Pierre Rixain et Laurence Trastour-Isnart, qui aborde très précisément les questions de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans le domaine économique, le rapporteur a souhaité concentrer ses travaux sur la question de la parité dans les mandats électifs et dans la constitution des exécutifs locaux. Ce choix est intervenu alors même que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi n° 4587 visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal ([42]).

À cette fin, il a consacré une audition aux travaux du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes « Comment obtenir la parité au sein des communes et des intercommunalités : freins et leviers » ([43]), auditionnant le 14 février 2022 Mme Agnès Arcier, présidente de la Commission parité du HCE, Mme Mahaut Chaudouët-Delmas rapporteure, ainsi que Mme Reine Lépinay, membre de cette Commission. Le même jour, il a également organisé une table ronde réunissant des représentants d’associations, avec : Mme Nadine Kersaudy, membre du bureau de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ; Mme Danièle Bouchoule, co-présidente de l’association « Elles aussi » ; Mme Julia Mouzon, présidente et fondatrice de l’association « Élues locales », ainsi que Mme Virginie Carolo-Lutrot, première vice‑présidente d’Intercommunalités de France.

 

I.   rappel des Travaux et recommandations de la délégation

Au cours de la législature, la Délégation a été successivement saisie d’une proposition de loi relative aux nominations des parlementaires au sein d’organismes extérieurs, d’un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, et d’une proposition de loi visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

A.   Nomination aux organismes extérieurs

En avril 2018, la Délégation a été saisie de la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, adoptant le rapport de Mme Isabelle Rauch sur ce texte le 19 avril 2018 ([44]).

Parmi les six recommandations adoptées par la Délégation, votre rapporteur relève les préconisations suivantes :

- d’étendre le principe paritaire à toutes les nominations relevant du Parlement ;

- de fournir des données sur la répartition des femmes et des hommes au sein de l’organe dans lequel la personne va être nommée ;

- de créer un observatoire de la parité chargé du suivi de la mise en œuvre de la parité dans le monde politique, professionnel ou social.

B.   Travaux en lien avec le projet de réforme constitutionnelle

La Délégation a également été saisie du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, adoptant le rapport d’information de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la Délégation, le 20 juin 2018 ([45]). La rapporteure de la Délégation a constaté que « ce texte constitutionnel ne comportant, au stade du projet de loi, aucune disposition en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, la Délégation a choisi de s’interroger le plus largement possible sur cette problématique. »

Ce rapport a permis de faire un point sur les avancées enregistrées au cours des années précédentes en matière constitutionnelle et légale ainsi que sur les possibilités d’améliorations. Il a ainsi rappelé que toute démarche de discrimination positive est considérée comme contraire au principe plus général d’égalité, le Conseil Constitutionnel ayant notamment censuré en 1982 une loi proposant l’instauration de quotas par sexe pour les listes aux élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants. S’appuyant sur l’article 3 de la Constitution et l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel avait considéré que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux ».

Sans inscrire le principe de parité en tant que tel, la révision constitutionnelle de 1999 a permis de dépasser cet obstacle en :

- inscrivant à l’article 3 le principe selon lequel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » ;

- et en précisant à l’article 4 que les partis politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi.

Par la suite, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a réaffirmé solennellement ce principe en étendant la disposition précitée « aux responsabilités professionnelles et sociales » et en l’inscrivant à l’article premier de la Constitution.

S’appuyant sur ces évolutions constitutionnelles, plusieurs lois ont été adoptées depuis une vingtaine d’années pour promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques et sociales, grâce à des instruments variés : listes alternées femmes-hommes, pénalités financières, ou encore scrutin binominal. Ces dispositions législatives ont permis des avancées majeures en termes d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment dans le champ politique avec la mise en place de dispositifs paritaires pour la plupart des élections.

Toutefois, le corpus constitutionnel ne reconnaissant pas le principe de « parité » en tant que tel mais celui de favoriser l’« égal accès » aux responsabilités, la rapporteure de la Délégation a préconisé de renforcer les dispositions de l’article 4 de la Constitution qui dispose que les partis et groupements politiques « contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi ». Afin de faire progresser l’égalité réelle, elle a notamment proposé de remplacer le verbe « contribuer » par le verbe « mettre en œuvre ».

Parmi les recommandations adoptées par la Délégation dans le cadre de ce rapport, votre rapporteur relève les recommandations suivantes :

- d’inscrire dans la Constitution que la France assure l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ;

- de renforcer le rôle des partis et groupements politiques en matière de parité et d’égalité entre les femmes et les hommes ;

- d’inscrire le principe d’un Gouvernement paritaire à l’article 8 de la Constitution.

C.   Parité dans les conseils et exécutifs locaux

La Délégation a été saisie de la proposition de loi n° 1491 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, adoptant le rapport et les recommandations de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la Délégation, le 6 mars 2019. ([46])

La rapporteure a rappelé que la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives a imposé une stricte alternance entre les femmes et les hommes sur les listes aux élections européennes et aux élections sénatoriales à la proportionnelle ainsi qu’une alternance par tranche de six candidats aux élections municipales et régionales.

En 2003, l’exigence de listes paritaires alternées a été systématisée pour l’élection des conseillers régionaux et pour l’élection des membres de l’assemblée territoriale de Corse. En 2007, le principe d’alternance entre les femmes et les hommes a été étendu, d’une part, à l’exécutif des régions et, d’autre part, aux communes de plus de 3 500 habitants. La parité est également devenue une obligation pour les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants mais sans principe d’alternance.

L’article 24 de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires a abaissé le seuil paritaire pour les élections municipales aux communes de 1 000 habitants et plus et a introduit un scrutin binominal paritaire (un homme et une femme élus pour chaque canton) pour l’élection des conseillers départementaux.

Finalement, seules les communes de moins de 1 000 habitants ne sont aujourd’hui soumises à aucune règle paritaire, le scrutin majoritaire avec un système dit de « panachage » rendant la parité impossible a priori. De même, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) échappent à toute règle en matière de parité, malgré les responsabilités croissantes qu’ils assument.

Par ailleurs, en dépit le mode d’élection paritaire, la situation des départements demeure peu satisfaisante : alors même que les assemblées sont strictement paritaires, seules 8,2 % d’entre elles étaient, en 2019, présidées par des femmes, soit un taux quasi équivalent à celui des structures intercommunales qui ne sont soumises à aucune règle paritaire. La rapporteure de la Délégation a ainsi conclu que malgré la modification du mode de scrutin, la féminisation des présidents de conseil départemental n’avait progressé que de deux points, passant de 6 % en 2011 à 8 % en 2015.

Parmi les recommandations adoptées par la Délégation, votre rapporteur relève les préconisations suivantes :

- généraliser le scrutin de liste paritaire à toutes les communes (y compris celles de moins de 1 000 habitants) ;

- dans toutes les communes, élire les adjoints par un scrutin de liste paritaire avec une alternance entre les femmes et les hommes ;

- que dans les communes, départements et régions, le maire et le premier adjoint ou le président et le premier vice-président soient de sexe différent ;

- réserver le poste de 1er vice-président d’une intercommunalité à un candidat de sexe différent de celui du président ;

- imposer à toutes les intercommunalités de se doter de règles de parité applicables à leur exécutif.


II.   Analyse de la mise en œuvre des recommandations de la Délégation

Faute de véhicule juridique, certaines avancées ont peiné à se concrétiser, confirmant la nécessité de véritables impulsions législatives.

A.   Nomination aux organismes extérieurs

La proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination a été adoptée le 3 août 2018 ([47]) après avoir été enrichie d’un titre liminaire traitant de l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités et en prévoyant effectivement un principe de parité dans toutes les nominations relevant du Parlement.

Ce texte n’a, pour autant, pas créé d’observatoire de la parité. Pour mémoire, il existait un Observatoire de la parité créé en 1995 et qui a été remplacé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2013.

B.   Recommandations en lien avec le projet de réforme constitutionnelle

Les recommandations de nature constitutionnelle adoptées par la Délégation n’ont pas connu de traduction juridique, faute d’un véhicule constitutionnel, le Gouvernement ayant retiré ce projet de loi constitutionnelle le 29 août 2019, ajournant ainsi le projet de révision de la Constitution.

C.   Parité dans les conseils et exécutifs locaux

Les recommandations adoptées par la Délégation n’ont été que partiellement satisfaites.

Au cours de la table ronde organisée par votre rapporteur, les associations auditionnées par la Délégation ont salué les avancées intervenues ces vingt dernières années en matière de parité dans les conseils et exécutifs locaux. Mme Julia Mouzon, présidente de l’association « Élues locales » a évoqué de « très belles réussites collectives », les évolutions législatives « ayant permis une réelle représentation des femmes à l’échelle locale », « plaçant ainsi la France à la troisième place européenne du nombre de femmes élues dans les conseils et exécutifs locaux ». Mme Danièle Bouchoule, co‑présidente de l’association « Elles aussi », a également porté un regard positif sur les lois promulguées depuis les années 2000, dénonçant le fait que « l’histoire française a humilié les femmes jusqu’au 21 avril 1944 », date à laquelle le général de Gaulle a accordé par ordonnance le droit de vote et d’éligibilité aux Françaises.

● La recommandation de généraliser le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants ne s’est pas concrétisée au cours de la législature.

Toutefois, aux termes des dispositions de l’article 28 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, le législateur a prévu qu’avant le 31 décembre 2021, « les dispositions du code électoral relatives à l’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires sont modifiées pour étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ».

C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a adopté, le 3 février 2022, la proposition de loi de Mme Élodie Jacquier‑Laforge ([48]) visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, dont l’article 1er étend le scrutin de liste paritaire aux communes de moins 1 000 habitants et autorise le dépôt de listes incomplètes ([49]).

Le texte adopté a été transmis au Sénat, cependant, compte tenu du calendrier législatif, il semble peu probable que le texte puisse être adopté avant la fin de l’actuelle législature.

Auditionnée par votre rapporteur le 14 février, Mme Agnès Arcier, présidente de la Commission parité du HCE, a rappelé que cette disposition figurait au nombre des propositions émises par le Conseil dans son rapport et qu’il convenait de procéder par étapes, approuvant la démarche pragmatique consistant à permettre le dépôt de listes incomplètes afin de laisser un temps d’adaptation.

Des auditions des représentantes des associations effectuées le même jour, il est ressorti un large consensus quant à la nécessité d’élargir les scrutins de listes paritaires aux communes de moins de 1 000 habitants, au premier rang desquelles Mme Virginie Carolo-Lutrot, première vice-présidente d’Intercommunalités de France et Mme Nadine Kersaudy, membre du bureau de l’Association des maires ruraux de France, cette dernière considérant que « les femmes s’investissaient bien souvent davantage dans leurs fonctions d’élues locales. »

Hormis le cas particulier des communes de moins de 1 000 habitants, les assemblées locales sont déjà paritaires. Ce progrès ne s’est cependant pas étendu à la tête des exécutifs, ceux-ci demeurant très largement masculins. Ainsi, Mme Nadine Kersaudy a déploré le fait que la proportion de femmes maires ne s’établisse aujourd’hui qu’à environ 20 % (ce taux s’élevant à 23 % dans les communes de moins de 1 000 habitants). La représentation des femmes décroît en fonction des responsabilités, un tiers seulement d’entre elles occupant la fonction de première adjointe, ces dernières demeurant souvent cantonnées à des thématiques stéréotypées telles que les affaires sociales, l’enfance, la vie associative… Les changements culturels s’opèrent très lentement.

Cette stagnation persistante rappelle l’acuité de la proposition de la Délégation que dans les communes, départements et régions, le maire et le premier adjoint ou le président et le premier vice-président soient de sexe différent.

● La recommandation consistant, dans toutes les communes, à « élire les adjoints par un scrutin de liste paritaire avec une alternance entre les femmes et les hommes » a, quant à elle, été satisfaite.

L'article L. 2122-7-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, a renforcé l'obligation de parité dans les communes de plus de 1 000 habitants. Le premier alinéa de ce texte prévoit désormais que « dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

● La problématique de la moindre représentation des femmes dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) demeure entière.

90 % des postes de présidents d’EPCI sont occupés par des hommes, cette proportion s’accroissant encore à la tête de la Métropole du Grand Paris puisque 5 % des EPCI seulement y sont dirigés par des femmes. Mme Virginie Carolo‑Lutrot, première vice-présidente d’Intercommunalités de France a mis en rapport cette proportion avec le fait qu’environ 20 % des mandats de maires sont occupés par des femmes, tout en soulignant les disparités géographiques et la taille des territoires qui la déterminent, les femmes n’étant que 8,7 % à être élues dans les intercommunalités intermédiaires.

Mme Virginie Carolo-Lutrot a rappelé que, dans bien des cas, le fait d’être maire renforce la légitimité à siéger dans l’EPCI. La sous-représentation des femmes dans les intercommunalités est donc susceptible de durer aussi longtemps que celles-ci seront également sous-représentées dans les postes de maires et de premières adjointes. Mme Bouchoule a considéré que seule une évolution législative pourrait faire progresser cette moindre représentation des femmes, relevant qu’à raison d’une évolution de 4 % de femmes élues maires tous les six ans, 42 ans seraient nécessaires pour atteindre la parité dans les EPCI.

Dans sa version initiale, la proposition de loi portée par Mme Jacquier‑Laforge disposait à l’article 4 une répartition des fonctions de vice‑président des EPCI par sexe en proportion de la répartition par sexe des membres de l’organe délibérant. Lors de son examen, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a supprimé cet article.

La question de l’amélioration de la représentation des femmes dans les EPCI reste donc ouverte. Parmi les propositions évoquées lors de la table-ronde, votre rapporteur relève celle d’élire un binôme paritaire à la tête des intercommunalités.

● En ce qui concerne les départements, là encore, bien que la composition des assemblées soit strictement paritaire, force est de constater que peu de femmes sont élues à leur tête. L’une des explications avancées au cours des travaux de votre rapporteur résiderait dans le caractère plus politisé qui entoure cette élection, les hommes mettant davantage en avant une notoriété ou des réseaux.

● Au titre des recommandations émises lors de ses travaux, votre rapporteur relève la nécessaire réforme du statut de l’élu local qui pourrait se décliner :

- par la lutte contre le sexisme, qui passe notamment par un meilleur respect des règles de prises de parole, les femmes étant plus fréquemment interrompues dans leurs interventions ;

- par une meilleure prise en considération de la vie privée, par exemple en proscrivant les réunions trop tardives, qui permettrait de favoriser davantage l’engagement des femmes en politique ;

- par le renforcement des formations destinées aux élus, et notamment aux femmes ;

- par une réflexion sur le caractère toujours très stéréotypé des délégations attribuées aux femmes par les conseils municipaux et communautaires.

Enfin, les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en lumière la question de la disponibilité de données genrées, également mise en avant par les travaux antérieurs de la Délégation. L’outillage demeure imparfait dans les communes de plus de 10 000 habitants où elles sont pourtant obligatoires. Celles‑ci sont recueillies sur la base du volontariat pour celles de moins de 10 000 habitants. Il conviendrait de rendre plus systématiques le recueil et la publicité de ces données, afin de disposer des bases les plus solides possibles pour analyser et corriger les déséquilibres de représentation entre femmes et hommes dans toutes les collectivités, quelle que soit leur taille.

 

 


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   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

La partie II du présent rapport, relative à la diplomatie féministe, a été examinée lors de la réunion du lundi 21 février 2002, sous la présidence de M. Gaël Le Bohec, vice-président.

La Délégation a adopté le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 23 février 2022, sous la présidence de Mme Marie‑Pierre Rixain, présidente de la Délégation.

Les vidéos de ces réunions sont accessibles en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale aux adresses suivantes :

https://assnat.fr/1IqUzC

https://assnat.fr/LNo3H4

 


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   COMPTE RENDU DE L’audition de M. éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/BiiBqg

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Monsieur le garde des Sceaux, je vous remercie de votre présence pour cette deuxième audition, en peu de temps. Il s'agit pour nous de contrôler la mise en œuvre des recommandations que nous avons adoptées au cours de cette législature, dans quatre domaines : la lutte contre les violences faites aux femmes ; la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur la scène internationale ; la santé ainsi que les droits sexuels et reproductifs ; l’égalité économique et sociale.

Nous souhaitons notamment vous entendre dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes. La délégation aux droits des femmes s’est engagée dès 2017 sur le sujet, par de multiples travaux allant des violences sexuelles aux violences conjugales, en passant par les violences économiques. Ils visaient à mettre en lumière le continuum des violences faites aux femmes et à proposer des solutions concrètes, pour aider les victimes à sortir de ce schéma matriciel. Nous le savons, y compris lorsque nous nous rendons dans nos circonscriptions, la route est longue. Nous le regrettons, et travaillons tous ensemble pour y remédier.

Le Livre blanc de la délégation aux droits des femmes sur la lutte contre les violences conjugales a notamment mis l’accent sur la prévention, en soulignant, en amont de l’urgence, l’indispensable renforcement de l’action publique, qui suppose un travail spécifique de sensibilisation. Quelles mesures d’information et de formation des magistrats ainsi que des forces de police et de gendarmerie ont été prises en matière de lutte contre les violences conjugales ?

En outre, nous avons régulièrement insisté sur la nécessité d’améliorer les conditions d’accueil dans les postes de police et de gendarmerie, ainsi que les capacités de suivi des plaintes. Dans quelle mesure les conditions de dépôt de plainte pour violences conjugales ont-elles été facilitées ? Observe-t-on davantage de recours de la part des victimes ? Comment le droit des enfants est-il mieux garanti dans le cadre des violences conjugales ? Les enfants peuvent-ils être considérés par le droit comme des co-victimes ?

À l’issue du dépôt de plainte, nous avons relevé des lacunes portant sur les ordonnances de protection. Jeudi dernier, j’organisais à Nozay une réunion sur les violences faites aux femmes, en présence de tous les acteurs, y compris la procureure de la République, Caroline Nisand, dont le volontarisme et les résultats, depuis sa prise de fonction, doivent être soulignés. Au cours des échanges, deux magistrats ont fait part des difficultés pratiques induites par l’article 515-9 du code civil, qui dispose : « Lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. »

Cette rédaction soulèverait des interprétations divergentes de la part des tribunaux : certains tribunaux considèrent en effet qu’une ordonnance de protection ne peut être délivrée qu’à un parent, au motif de violences commises par l’autre sur les enfants. Il est argumenté qu’une ordonnance de protection ne peut être délivrée qu’en cas de violences exercées au sein du couple, dont le caractère vraisemblable doit être démontré – cela l’est souvent, et n’implique pas de difficulté. Le second critère, celui d’un danger immédiat pour la victime ou ses enfants est en revanche plus difficile à démontrer. Une clarification rédactionnelle permettrait d’éviter le rejet d’une demande d’ordonnance de protection dans le cas de violences commises au préjudice d’un enfant. Qu’en pensez-vous ?

Les conditions de prise en charge des victimes et des auteurs ont également préoccupé la Délégation, en cohérence avec les travaux du Grenelle des violences conjugales. En dehors des dispositions temporaires prises lors des confinements, dans quelle mesure l’offre de places d’hébergement destinées aux victimes et aux auteurs a-t-elle augmenté ? Observez‑vous des progrès dans la méthodologie de la prise en charge des auteurs de violence, notamment avec les conditions de déploiement des bracelets anti-rapprochement dans l’ensemble du territoire ? La présentation de casques de réalité virtuelle, que vous proposez à l’issue de l’audition, permettra de compléter vos propos.

Notre société est également confrontée à un accroissement inédit de certaines formes de violence, dont les femmes sont tout particulièrement les victimes – harcèlement de rue et cyberviolences, notamment. Pouvez-vous dresser un bilan des mesures visant à renforcer la répression de ces actes ainsi que de leur mise en œuvre ? En particulier, les dispositifs relatifs au harcèlement de rue ont-ils apporté une réponse satisfaisante à ce fléau ?

Notre Délégation a également travaillé sur les questions pénales, notamment celles relatives à la protection des mineurs face aux violences sexuelles. Quel bilan dressez-vous de l’évolution des mesures de répression de ces actes et de l’avancée des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Monsieur le garde des Sceaux, je vous remercie de votre disponibilité pour cet exercice visant à synthétiser les actions de lutte contre les violences faites aux femmes. Il s’agit de débattre de la pertinence et de l’efficacité des recommandations que nous avons adoptées lors de cette législature, de leur mise en œuvre et de ce qu’il faudrait améliorer ou compléter.

Trois points méritent d’être soulignés. Le premier porte sur la lutte contre les cyberviolences. Dans les rapports d’information que j’ai rédigés avec Erwan Balanant, à l’occasion des propositions de loi d’Isabelle Santiago puis d’Annick Billon relatives à la protection des mineurs victimes de violences sexuelles et sexistes, nous avons insisté sur la nécessité de poursuivre l’adaptation des outils techniques et juridiques de lutte contre ce fléau de notre époque. Nous avons notamment préconisé d’instaurer un délit consistant, pour un majeur, et par un moyen de communication électronique, à contraindre un mineur de 15 ans à commettre un acte de nature sexuelle ou à user sur ce dernier de pressions, de violences, de menaces de violences ou de contraintes de toute nature, pour qu’il réalise un tel acte. Malheureusement, il ne se passe pas une semaine sans que la presse ne relate de nouveaux drames en la matière. Jeunes, parents, membres de la communauté éducative, comme forces de l’ordre, tous se sentent bien souvent démunis face au déferlement de violence que permettent les nouveaux moyens de communication. Quelles mesures ont déjà été prises dans ce domaine au cours de la législature, et quels ont été leurs premiers effets ? Pourriez-vous préciser ce qui pourrait être envisagé pour l’avenir ?

Mon deuxième point porte sur la lutte contre la prostitution, qui est aussi une violence. Elle a constitué un sujet de vigilance et d’action très important pour notre Délégation, fortement investie lors de la précédente législature autour de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, qui a inscrit dans le droit la position abolitionniste de la France. Nous avons depuis lors effectué un suivi des conditions de mise en œuvre de ce texte. Pouvez-vous revenir sur ses conditions de mise en œuvre par les juridictions depuis 2017 ? Quel regard portez-vous sur l’équilibre que le texte a instauré ?

Enfin, bien que la question relève essentiellement du ministre de l’intérieur, je souhaitais vous interroger sur les conditions d’accompagnement des femmes en situation irrégulière, victimes de violences conjugales. Notre Délégation avait préconisé de renforcer les mesures d’accompagnement, y compris sur le plan administratif. Le ministre de l’intérieur a annoncé la semaine dernière son intention d’envoyer des instructions précises aux préfets, afin qu’ils facilitent la régularisation de ces victimes. Pouvez-vous rappeler la position du Gouvernement sur la question ? Combien de personnes seraient a priori concernées ?

S’agissant du suivi des victimes et des auteurs de violences, les dispositifs actuels ne semblent pas toujours suffisants. On le constate malheureusement chaque jour. Quelles solutions pouvons-nous envisager ? Quel est l’état des réflexions engagées par la chancellerie sur ce point ?

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je me réjouis de cette audition, qui permettra d’évoquer les actions du Gouvernement pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Lutter contre les violences conjugales nécessite une formation poussée des forces de l’ordre et des magistrats sur le sujet. Comme le Livre blanc de la Délégation l’a souligné, ces questions doivent être présentées dès la formation initiale, puis tout au long de la carrière des forces de l’ordre. La formation doit considérer l’ensemble des formes que peuvent prendre les violences – physiques, sexuelles, psychologiques, administratives ou économiques. Elle est indispensable pour accueillir au mieux la parole des victimes. Pouvez-vous nous éclairer sur les formations instituées tout au long de la carrière des forces de l’ordre et des magistrats, pour les sensibiliser à ces enjeux ? Quel volume horaire est consacré à ces modules ? Quels retours en avez-vous, tant sur leur forme que sur leur contenu ?

En outre, notre Délégation a plaidé à de nombreuses reprises pour améliorer les conditions de dépôt de plainte à domicile ou dans un tiers-lieu, pour renforcer l’efficacité de l’ordonnance de protection ainsi que pour déployer plus rapidement les téléphones grave danger (TGD) et les bracelets anti-rapprochement (BAR). De tels outils sont essentiels pour lutter contre ces drames et pouvoir les juger. L’actualité montre chaque jour, hélas, la nécessité d’aller plus vite dans ce domaine : 146 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2019 ; 102 en 2020 ; 105 à ce jour en 2021.

Durant cette législature, notre Délégation a notamment proposé de généraliser la possibilité d’un dépôt de plainte en ligne et à l’hôpital pour les victimes, de réduire le délai de délivrance de l’ordonnance de protection, et d’en simplifier les conditions. Il est crucial de prévoir un déploiement rapide des téléphones grave danger et des bracelets anti-rapprochement. Pourriez-vous indiquer l’état de votre réflexion en la matière et fournir un bilan actualisé du déploiement de ces outils ? Quels premiers retours avez-vous sur l’expérimentation de prise de plainte hors les murs de commissariat ou de gendarmerie ?

S’agissant de la prise en charge des auteurs de violences conjugales, trente centres sont ouverts ou vont ouvrir, depuis le Grenelle. Dans le cadre de son Livre blanc, la Délégation avait soutenu l’ouverture de telles structures, qui sont indispensables pour éviter les récidives. Quel bilan dressez-vous du développement de ces centres et quels sont les axes pour les prochains mois ? Comment s’articule leur fonctionnement dans le cadre de la politique pénale, notamment la politique pénitentiaire ? En effet, comment s’assurer du suivi des auteurs, quand ils sont incarcérés, et prévenir suffisamment tôt la victime que l’auteur sortira de prison ? Une expérimentation du contrôle judiciaire renforcé est en cours. Pouvez-vous la détailler ?

En tant que députée du Nord, et membre de cette Délégation, je suis pleinement engagée sur la question des violences conjugales et l’éviction des conjoints violents. Il y a plus d’un an, avec Isabelle Bruère, directrice du Service de contrôle judiciaire et d’enquêtes (SCJE), et Carole Étienne, procureure de la République de Lille, très engagée sur ce sujet, j’ai rédigé une convention pour l’éviction des conjoints violents. Avec le SCJE, nous continuons notre mobilisation et mettons d’ores et déjà à disposition plusieurs logements, notamment dans un centre, qui accueillera plusieurs auteurs de violence, de jour et de nuit. Cela permettra de les prendre en charge professionnellement, psychologiquement et médicalement, le cas échéant, notamment lorsqu’il s’agit d’addictions. De tels centres sont rares en France : dans ma circonscription, nous n’avons ni budget ni crédits alloués par l’État pour ce projet. Pensez-vous pouvoir accorder des crédits supplémentaires aux initiatives locales, qui s’inscrivent dans l’ambition du Gouvernement d’enrayer le fléau des violences conjugales ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice. Notre dernière audition remonte au mois de mars 2021 : beaucoup de choses ont été faites durant ces huit mois. Il paraît nécessaire que vous soyez informés au plus près de ce qui a pu changer, pour renforcer encore la lutte contre les violences conjugales, sexuelles et sexistes, qui est une priorité du Gouvernement, et de mon ministère.

Avant de détailler cette évolution considérable, je veux souligner la mobilisation de votre Délégation et de l’ensemble de ses membres pour faire avancer la lutte contre les violences faites aux femmes. En effet, qu’il s’agisse de mesures et dispositifs instaurés pour mieux protéger les victimes ou des nouveaux modes d’organisation des tribunaux pour traiter de ces violences, voire de la politique pénale menée en direction des auteurs de violences, le ministère de la justice agit aujourd’hui avec une intensité inédite contre ces violences. Je partage le constat de Mme la présidente que la route est encore longue pour faire cesser ce fléau. Ma détermination en la matière est totale.

Vos nombreuses questions témoignent de l’intérêt continu que vous portez à l’action du ministère de la justice. Vous m’interrogez d’abord sur les moyens de protection mis à la disposition des victimes. Les TGD, dont l’efficacité n’est plus à démontrer, connaissent un essor croissant : leur utilisation a permis d’éviter près de 1 200 agressions en 2020. Qu’un homme parvienne à ses fins meurtrières malgré ce matériel ne saurait remettre en cause l’outil, qui constitue une véritable avancée. En 2017, 543 téléphones grave danger étaient déployés ; 3 036 le sont aujourd'hui, soit une hausse de quelque 500 %. Leur déploiement est massif. Il a été renforcé après l’effroyable drame de Mérignac et le rapport d’inspection qui a suivi. Le Premier ministre a ainsi annoncé que 5 000 TGD seront disponibles en 2022.

Les 1 000 BAR, dont le déploiement avait été annoncé par le Premier ministre en novembre 2019, sont présents sur la totalité des juridictions nationales depuis le 31 décembre 2020. L’engagement a été tenu, même si quelques mois ont été nécessaires pour que les juridictions s’emparent de ce nouvel outil. L’Espagne, qui est une référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, a mis aussi beaucoup de temps à intégrer les téléphones grave danger et les bracelets anti-rapprochement.

Pour les BAR, nous avons réussi à mobiliser magistrats du parquet et du siège, greffiers, fonctionnaires de police et de gendarmerie, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, et personnels des associations d’aide aux victimes. Ces outils ont été diffusés. Des bonnes pratiques ont été partagées ; des protocoles et des comités de pilotage ont été créés. Le 27 mai, dans une dépêche, que d’aucuns ont qualifiée de comminatoire, j’ai rappelé que ces bracelets n’avaient pas vocation à rester dans les tiroirs. Depuis, ils sont de plus en plus utilisés. Nous avons été au rendez-vous de nos obligations. Toutes les juridictions disposent de bracelets anti-rapprochement et de téléphones grave danger. Dès qu’un de ces outils est utilisé, il est immédiatement remplacé par la chancellerie.

Vous avez également le souci, que je partage pleinement, de voir la justice se montrer plus réactive dans le traitement des violences. Un travail très important a été conduit afin de permettre un signalement des faits le plus en amont possible et d’apporter les réponses judiciaires adéquates dans les délais les plus brefs. Le 25 novembre 2021, j’ai signé avec le ministre de l’intérieur et le ministre des solidarités et de la santé, une circulaire favorisant la généralisation des dispositifs de prise en charge, au sein des établissements de santé des victimes majeures de toutes formes de violence commises dans le cadre intrafamilial et/ou de toute infraction sexuelle. Elle vise à généraliser la prise en charge pluridisciplinaire, le dépôt de plainte et le recueil de preuves sans plainte dans les hôpitaux. Quatre-vingt-huit conventions ont déjà été adoptées localement entre les parquets, les forces de l’ordre et les services de santé pour faciliter le dépôt de plainte. La circulaire est accompagnée d’une boîte à outils pour permettre aux professionnels de s’emparer sans retard du dispositif dans l’ensemble du territoire.

Une visite au Cateau-Cambrésis, dans le Nord, m’a fortement impressionné. Vous connaissez tous la façon dont le dispositif a été progressivement instauré, avant de monter en puissance. D’abord, lorsqu’une femme arrive à l’hôpital, on la soigne – c’est bien le moins. On détecte les violences qu’elle a subies, puis elle rencontre les services sociaux. Parfois, la victime ne veut pas déposer de plainte car elle ne sait pas ce qu’il adviendra de ses enfants. Elle voit ensuite le psychologue, les gendarmes ou la police, le procureur de la République ou son substitut, qui se déplace, et parfois, un avocat, qui indique à la victime quels sont ses droits.

L’extension de ces dispositifs est en cohérence avec le travail conduit en partenariat avec le Conseil national de l’Ordre des médecins et la Haute Autorité de santé. Nous avons fait d’énormes progrès sur la levée du secret médical dans les situations de violence conjugale et d’emprise – c’est une révolution. Un vade-mecum a été distribué aux médecins, aux soignants, pour les aider à signaler les faits constatés et leur indiquer la procédure à suivre. Cinquante-six protocoles locaux ont d’ores et déjà été signés entre les parquets et les conseils départementaux de l’Ordre des médecins.

Pour les enfants victimes, en particulier dans un cadre familial, 100 unités d’accueil pédiatrique « enfants en danger » seront opérationnelles d’ici à la fin de l’année 2022. Cette prise en charge en un même lieu, au sein de l’hôpital, regroupant tous les professionnels de l’enquête et du soin, est particulièrement adaptée à la singulière vulnérabilité de ces victimes.

Vous l’avez évoqué, le dépôt de plainte présente des enjeux majeurs, mais il est aussi indispensable que toute la chaîne judiciaire suive. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que des filières dédiées se développent au sein des tribunaux. À ce jour, 123 tribunaux ont déjà une filière aboutie de traitement de ce contentieux, permettant de le prioriser et de le spécialiser, soit plus de 75 % des juridictions de notre pays. Ce traitement spécifique des violences conjugales s’accompagne également d’un renforcement de la formation des magistrats. C’est l’une des questions centrales que vous posez. Tous les auditeurs de justice reçoivent une formation sur ce sujet au cours de leur formation initiale.

Depuis 2019, l’ensemble des formations obligatoires au changement de fonction aborde la thématique des violences, y compris sexuelles et sexistes, faites aux femmes, lors de séquences dédiées. Un kit pédagogique, élaboré en lien avec la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) est également accessible à tous. Par ailleurs, une session annuelle est organisée chaque année à l’École nationale de la magistrature. D’une durée de trois jours, elle est ouverte à un large public de 180 participants, dont 116 magistrats. Enfin, les formations se développent en région : elles se sont d’ores et déjà tenues sur vingt-quatre sites différents, et ont regroupé des magistrats et des acteurs locaux : 50 à 250 personnes ont participé selon les lieux.

Mme Liso a également évoqué les ordonnances de protection et les préconisations faites par le Comité national de pilotage de l’ordonnance de protection sur ce sujet. Ces ordonnances sont très majoritairement prononcées dans le délai de six jours à compter de la fixation de la date d’audience. Leur nombre a augmenté considérablement, permettant d’assurer rapidement la protection des victimes et d’organiser la vie familiale. En trois ans, les décisions d’acceptation rendues ont augmenté de 138,5 %, soit 3 320 décisions en 2020, avec un taux d’acceptation qui atteint 66,7 %, alors qu’il était de 58,8 % en 2017.

S’agissant de l’élargissement de ses conditions de délivrance, le dispositif a permis une appréhension complète des situations. Il est maintenant bien appréhendé par les acteurs judiciaires. Il nous faut l’évaluer davantage, avant de penser à une nouvelle réforme. Je tiens d’ailleurs à remercier les huissiers de justice, qui ont permis de délivrer très rapidement et dans un temps très court les assignations, pour permettre à la partie assignée de préparer sa défense et éviter ainsi un renvoi à une audience ultérieure.

Madame la rapporteure Battistel, vous m'interrogez sur l’accompagnement des femmes en situation irrégulière victimes de violences conjugales. Notre droit la prend en considération. Ainsi, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée familiale » est délivrée à la personne de nationalité étrangère qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire ou concubin, ou encore à raison de menace de mariage forcé. Il est également possible à la victime qui a déposé plainte contre l’auteur des faits de se voir renouveler son titre de séjour, et ce même après l’expiration de l’ordonnance de protection.

D’ailleurs, le ministre de l’intérieur a annoncé, il y a quelques jours, que ces mesures, qui sont d’ores et déjà en vigueur dans le périmètre du ministère de la justice, seraient étendues en amont à compter du dépôt de plainte devant les services de police ou de gendarmerie, tant il est vrai qu’un certain nombre de femmes fragilisées par leur situation précaire n’osent pas déposer plainte en raison du risque d’expulsion et renoncent de ce fait aux droits dus à toutes les victimes dans notre pays. Nous avons fait ce choix parce que nous pensons qu’une victime de violences conjugales doit pouvoir sans crainte saisir la justice de notre pays.

S’agissant de l’amélioration de la lutte contre le harcèlement de rue, la loi du 3 août 2018 portée par ma collègue Marlène Schiappa a complété les dispositions du code pénal afin de réprimer de façon plus efficace toutes les formes de violences sexuelles et sexistes.

Les procureurs de la République nous ont signalé des difficultés probatoires à établir cette infraction, de nature à décourager certaines victimes de déposer plainte. En 2019 et 2020, 112 condamnations à des contraventions de cinquième classe ont néanmoins été prononcées par les juridictions, et 127 condamnations l’ont été par les tribunaux de police.

Afin de répondre à la difficulté de constater cette infraction, elle peut désormais relever de la procédure de l’amende forfaitaire contraventionnelle à même de faciliter la répression de ces comportements inacceptables.

Madame la présidente, vous avez pointé à juste titre l’impact dévastateur des violences au sein du couple sur les enfants. Il y a tout d’abord une véritable conscience de ce sujet chez les acteurs judiciaires qui conduit les tribunaux à se prononcer de plus en plus fréquemment sur le retrait de l’autorité parentale ou de l’exercice de celle-ci. En 2019, 10 décisions seulement ont statué sur cette question, 234 en 2020 et 389 sur les dix premiers mois de 2021.

J’ai aussi voulu que la reconnaissance du statut de victime soit garantie à des enfants exposés aux violences commises au sein du couple en demandant expressément aux procureurs de veiller à ce qu’ils puissent se constituer partie civile au procès, et de procéder si besoin à la désignation d’un administrateur ad hoc pour les représenter.

Tel est l’esprit du décret que j’ai signé la semaine dernière : il demande aux magistrats, en cas de non-représentation d’enfant dans un contexte de violences conjugales, de vérifier les allégations de violences avant de poursuivre le parent qui en serait effectivement victime et qui peut donc agir dans le sens de l’intérêt de l’enfant et donc ne pas commettre d’infraction.

Permettre à la victime de rester au domicile conjugal avec les enfants en ordonnant l’éviction du conjoint violent constitue également une des priorités de mon action. Concrètement, cette nécessité d’éloigner le conjoint violent est rappelée dans toutes les circulaires que j’ai adressées aux parquets. En 2020, 28 795 décisions ont ainsi mis la victime à l’abri par l’éloignement du conjoint violent tant en matière civile qu’en matière pénale.

Madame Liso, vous avez évoqué le dispositif mis en place en partenariat avec le parquet de Lille : 121 juridictions ont adopté un dispositif similaire. Il faut aussi que le conjoint violent puisse être suivi afin qu’il ne récidive pas : il n’y a pas de protection efficace de victime sans prévention de la récidive et sans prise en charge de la violence.

C’est en ce sens que j’ai demandé aux parquets et aux juridictions de développer les mesures de suivi renforcé à l’égard des auteurs de ces violences : près de 60 % mettent en place aujourd’hui des contrôles judiciaires renforcés avant jugement et près de la moitié d’entre elles des mesures spécifiques à la sortie de détention permettant le suivi des auteurs et la protection des victimes.

J’ai voulu aussi expérimenter le contrôle judiciaire avec placement probatoire.  Cette mesure permet une prise en charge continue de l’auteur, qui bénéficie d’un hébergement adapté et d’un suivi renforcé pluridisciplinaire. Actuellement, ce dispositif est expérimenté sur deux sites : il sera étendu à huit sites supplémentaires en mars 2022.

Dans le même esprit, j’ai souhaité diversifier les modalités de prise en charge des auteurs à travers la création de nouveaux dispositifs utilisant notamment la réalité virtuelle que vous avez mentionnée, Madame la présidente. J’ai ainsi lancé une expérimentation consistant à faire visionner aux auteurs de violences conjugales un film à 360 degrés avec un casque de réalité virtuelle. Ils sont ainsi immergés dans une situation ultra-réaliste de violence conjugale.

Une telle idée est née de travaux scientifiques menés par des neurologues, des psychologues, des psychiatres, des magistrats et des agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le dispositif sera scientifiquement analysé pendant environ neuf mois. Si l’expérimentation est concluante, il sera utilisé le plus souvent et le plus régulièrement possible.

La prise en charge des auteurs de violences conjugales s’est également enrichie d’un nouveau dispositif : les centres de prise en charge des auteurs (CPCA), dont le déploiement est piloté par ma collègue Élisabeth Moreno. Vingt‑sept sont d’ores et déjà ouverts et trois le seront d’ici à la fin de l’année. Ces centres coordonnent, dans les régions, les différents acteurs locaux afin d’ouvrir une prise en charge pluridisciplinaire. Les juridictions sont étroitement associées à leur mise en œuvre : 6 075 auteurs ont déjà été pris en charge sur les 18 premiers centres depuis leur création au dernier trimestre 2020.

C’est ensemble, de façon coordonnée et sans relâche, que nous pourrons faire chuter ce nombre toujours trop élevé de meurtres au sein du couple et mieux lutter contre ces violences intrafamiliales qui hypothèquent tant l’avenir de nos enfants.

Notre détermination se traduit également par un budget en constante augmentation : en 2020, 8 millions d’euros ont été consacrés à la prise en charge des femmes victimes au travers du programme d’accès au droit et à la justice auquel s’ajoute le financement des dispositifs comme le BAR ou le téléphone grave danger, avec une progression de 3,8 millions d’euros en 2022.

Nous sommes également déterminés à renforcer la protection des victimes mineurs de violences sexuelles. C’est un engagement permanent du Gouvernement. Nous avons ainsi, il y a quelques jours, présenté avec Adrien Taquet le premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs. Ce plan est axé autour de quatre priorités et de treize actions qui s’inscrivent dans la continuité des grandes avancées normatives récentes, et notamment la loi du 21 avril 2021 que vous avez votée à l’unanimité et qui criminalise le recours à la prostitution des mineurs de moins de quinze ans.

Nous vous proposerons prochainement d’inscrire dans la loi la reconnaissance à tous les enfants se livrant à la prostitution du statut de mineurs en danger relevant du champ de la protection de l’enfance, ce qui permettra des actions coordonnées de prévention et de prise en charge pluridisciplinaire.

Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, je défendrai également une évolution de nos instruments européens afin qu’ils imposent aux plateformes d’hébergement l’obligation de répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre des enquêtes visant les faits de traite d’êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution des mineurs.

S’agissant de la lutte contre le système prostitutionnel, je peux vous rassurer, madame Battistel : l’engagement des juridictions ne se dément pas dans la déclinaison de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Un référent « traite des êtres humains » a été désigné au sein de chaque juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), de même que trente et un référents l’ont été dans les autres juridictions particulièrement concernées par la traite des êtres humains. Un séminaire organisé par les services de la Chancellerie les réunira d’ailleurs au premier semestre 2022 afin de diffuser une politique pénale harmonisée auprès des juridictions et de permettre aux parquets de partager les bonnes pratiques qu’ils ont développées en la matière. Preuve que les services d’enquête et les juridictions sont pleinement investis dans la prise en compte de ce contentieux, entre 2016 et 2020, les condamnations pour traite des êtres humains ont augmenté de 44 %, et celles pour proxénétisme de 68 %. Au cours de la même période, 72 % des condamnations pour proxénétisme ont été assorties d’une peine d’emprisonnement ferme pour un quantum moyen de vingt-neuf mois.

Enfin, la réponse judiciaire s’est également portée sur la pénalisation des clients de la prostitution : le nombre de condamnations des chefs de recours à la prostitution d’autrui ou d’achat d’actes sexuels n’a cessé d’augmenter depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2016 qui a créé ce délit. Ainsi, 751 condamnations ont été prononcées en 2019 des chefs contraventionnels et délictuels de recours à la prostitution d’autrui, contre 440 en 2017. Si l’année 2020 a certes marqué un infléchissement de ce nombre, avec 493 condamnations, cela peut s’expliquer par le contexte sanitaire.

Lorsque le maillage associatif le permet, les parquets accroissent progressivement le recours aux stages de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels à titre d’alternative aux poursuites pénales : ils représentaient ainsi 29 % des poursuites en 2017 contre 36 % en 2020. La réponse pénale en matière de lutte contre le proxénétisme apparaît équilibrée et présentant une dimension tant répressive que pédagogique.

Je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions après ce balayage de la politique conduite par la chancellerie en la matière.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Les précisions chiffrées que vous avez apportées témoignent, s’il en était besoin, de votre engagement et de celui de vos services. Il reste que les drames auxquels nous sommes confrontés sur nos territoires sont autant d’échecs collectifs et de manques de réponse de la part de la République à l’endroit de femmes, enfermées dans un processus de terreur et pour lesquelles il est extrêmement difficile de parler.

Il faut faire comprendre à l’ensemble de la population ce phénomène d’emprise et la difficulté que représente pour une femme victime de violences conjugales, quelle que soit sa situation professionnelle et personnelle, le fait de parler.

Je remercie à cet égard Camille Lellouche dont le témoignage est à la fois terrible et très humain. Il montre bien quelle est la réalité, y compris pour de très jeunes victimes.

M. Stéphane Viry. La Délégation a de la suite dans les idées. Elle est déterminée à apporter une contribution – et une exigence – législative dans le combat contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Voici après le Livre blanc, cette mission d’évaluation. Cette volonté de prendre part au débat public et surtout à l’action sera un marqueur.

Le sujet n’est pas neuf. J’ai ainsi en mémoire la décision prise en 2003 par Jacques Chirac d’inscrire à l’article 1er de la Constitution le respect des femmes, et celle en 2010 du président Sarkozy d’intégrer les droits des femmes dans les politiques publiques. Je souhaite aujourd’hui accompagner le président Macron dans son action au cours du quinquennat.

En matière de droit de la famille, les magistrats et peut-être aussi les préfets et leurs services doivent être sensibilisés à ces cas de mariages qui quelque temps après avoir été contractés se révèlent l’avoir été par abus ou par escroquerie morale. Le « marié » peut ainsi obtenir un titre de séjour, la nationalité française, venir sur le territoire national, avant de se révéler violent. Si la femme est protégée et que la procédure s’enclenche, quid ensuite de cet homme qui a trahi son épouse et la nation ?

J’ai rencontré de telles situations dans le cadre de ma fonction de député et de ma vie professionnelle en tant qu’avocat. Il semblerait que l’annulation du mariage, lorsqu’elle est recevable juridiquement, reste très peu prononcée. Peut-être faudrait-il modifier notre droit afin que de tels cas ne se soldent pas simplement par un divorce mais que l’on puisse effacer cette tromperie dans laquelle une femme a été utilisée ? Quid de la décision relative au titre de séjour et à son renouvellement prise par les préfets ?

Mme Bérangère Couillard. Je vous remercie, monsieur le garde des Sceaux, pour votre engagement sans relâche dans la lutte contre les violences conjugales et dans le déploiement des mesures annoncées et des dispositions votées, notamment dans le cadre des propositions de loi issues du Grenelle des violences conjugales, dont celle que j’ai déposée avec mon collègue Guillaume Gouffier-Cha.

Franchir le pas pour aller porter plainte peut être difficile pour les victimes de violences conjugales. Or, c’est une étape essentielle. Elles peuvent craindre de n’être pas accueillies dans de bonnes conditions pendant cette démarche. Or le dépôt de plainte est déterminant pour la suite de la procédure pénale.

C’est pourquoi nous avons mis en œuvre des mesures essentielles pour les accompagner, notamment en améliorant considérablement leur accueil. Je pense à la formation de quatre-vingt-dix policiers et gendarmes et le renforcement de la présence d’un avocat lors du dépôt de plainte.

Améliorer l’accompagnement des victimes au cours de leurs démarches judiciaires est une priorité sur laquelle nous avons travaillé notamment dans le cadre de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales adoptées en juillet 2020. Nous avons en effet voté une disposition relative à l’aide juridictionnelle qui prévoit que celle-ci est octroyée aux victimes dès le dépôt de plainte lorsqu’elles requièrent un caractère d’urgence. Est-elle bien mise en œuvre ? Avez-vous des chiffres à nous donner ?

Mme Céline Calvez. J’appelle votre attention sur la place des auteurs. On a assisté depuis quatre ans à un véritable changement de paradigme en la matière. Si l’on pouvait trouver gênant hier de payer un hébergement aux auteurs de violences, on a bien compris aujourd’hui que c’était aussi rendre justice aux femmes victimes que d’éviter qu’elles soient évincées de leur domicile, souvent accompagnées de leurs enfants.

Si je me réjouis que près de trente centres de prise en charge des auteurs puissent fonctionner, je m’interroge sur notre capacité à répondre à ce besoin d’hébergement même si le Gouvernement a bien annoncé 1 000 hébergements supplémentaires Comment la justice peut‑elle faciliter le fléchage de l’utilisation de ces hébergements pour l’accueil des auteurs afin d’éviter que les victimes ne soient contraintes de quitter le domicile conjugal ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Monsieur Viry, vous ne vous y êtes pas trompé : le terrain civil, et donc le divorce, relève bien du périmètre de la justice. En revanche, le titre de séjour relève de la compétence du ministère de l’intérieur, et plus particulièrement de celui des préfets. S’il est judiciairement avéré qu’un homme ayant obtenu un titre de séjour à la suite d’un mariage blanc bat sa femme, le sens de la décision de divorce qui doit intervenir en sera simplifié. Pour le titre de séjour, la question mérite d’être posée.

Je vous rappelle que des dispositions concernant les mariages forcés et les certificats de virginité ont été prises dans la loi séparatisme que vous avez votée. S’il ne s’agit pas à proprement parler de violences faites aux femmes, il existe néanmoins un lien. Tout cela est intimement lié, si vous me permettez cet adverbe.

Dans le cadre de violences, et de violences conjugales, qui constituent une circonstance aggravante, la juridiction a-t-elle aussi la possibilité de prononcer une interdiction de territoire national ? La réponse est oui, mais cela prend du temps, sauf dans le cas d’une comparution immédiate.

Dans le cas d’une révélation de violences par une victime sans difficulté probatoire et de la convocation par un officier de police judiciaire (COPJ) à une date ultérieure de l’intéressé, que fait-on et comment ? J’évoquerai la question, qui est importante, avec mon collègue Gérald Darmanin.

C’est dire que dans cette lutte contre les violences faites aux femmes, nous n’avons jamais fini le travail, chaque situation nous amenant à réfléchir à une possible évolution. Comme vous l’avez dit, madame la présidente, chaque drame qui se produit est au fond un échec collectif, même si le principal responsable est d’abord l’auteur, et non les pouvoirs publics. Nous devons atteindre cette forme de conscience tranquille consistant à se dire que nous avons tout fait pour que la prévention soit maximale. Si nous ne pourrons jamais hélas ! vivre dans une société qui ne connaisse plus de crimes de cette nature, car ils sont consubstantiels de notre humanité, il faut en réduire le nombre.

Les magistrats ont aussi besoin de considération : ils en ont ras-le-bol de la « justice bashing », qui est le tremplin de tous les populismes. Dès que quelque chose ne va pas, c’est de la faute des magistrats !

Je veux tout de même rappeler que beaucoup de choses ont été accomplies. Les procureurs sont venus me voir pour me demander des renforts afin de faire face à l’explosion, non pas des violences intrafamiliales, mais des plaintes déposées pour ce motif. J’ai donc envoyé des personnels supplémentaires – assistants de justice, juristes assistants auprès des procureurs – pour une période assez longue dans les grandes juridictions, et pour quatre mois de dépannage, si j’ose dire, dans les petites juridictions. À la demande des procureurs, j’ai prolongé ce dispositif pour une durée de six mois à compter du 1er janvier 2022. Il y a un véritable investissement des magistrats dans ce domaine. C’est toute la société qui a évolué : autrefois, et à l’exception des homicides, les violences étaient tues ; désormais, la parole se libère, et il est légitime de répondre à cette attente.

Vous m’avez interrogé, madame la députée Couillard, sur l’aide juridictionnelle (AJ). La loi du 30 juillet 2020 dispose que l’aide juridictionnelle est attribuée de plein droit, à titre provisoire, dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence. L’article 61 du décret du 28 décembre 2020 relatif à l’AJ prévoit que les ordonnances de protection relèvent de ces procédures. S’agissant de violences conjugales, le juge aux affaires familiales est compétent pour prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle des deux parties ou de l’une d’entre elles. Les chiffres sont très intéressants : un cinquième des 5 000 procédures d’ordonnance de protection en 2020, soit 1 069 procédures, a fait l’objet d’une admission à l’AJ. Ces dispositions ont été complétées par le décret du 24 juin 2021, qui est venu garantir la rétribution de l’avocat dans un certain nombre de procédures d’urgence, l’objectif étant de sécuriser son intervention. Dans ces procédures, l’avocat de la personne bénéficiant de l’AJ est rétribué systématiquement et sans qu’il y ait eu à prendre une décision d’aide juridictionnelle. Les procédures d’ordonnance de protection entrent dans le champ d’application de ce mécanisme de l’AJ garantie, en première instance comme en appel.

Madame la députée Calvez, vous posez une question relative à l’hébergement des auteurs. Celui-ci peut être envisagé à titre de punition mais également dans un but de prévention, pour éviter la récidive. Les mentalités ont évolué sur cette question, même si j’entends encore parfois certaines personnes prétendre que nous ne faisons absolument rien en matière de violences faites aux femmes. Je dois dire que cela m’exaspère : s’agissant des bracelets anti-rapprochement et du téléphone grave danger, pardon de m’exprimer avec cette facilité, mais on a fait le job ! Nous avons donné à toutes les juridictions les moyens d’agir, mais ce n’est pas la Chancellerie qui décide de l’attribution d’un BAR ou d’un TGD ! Nous avons une obligation de moyens : nous fournissons ces outils et, à chaque fois que l’un d’eux est utilisé, nous le remplaçons immédiatement ; les stocks sont suffisants.

Mais rien n’y fait : à chaque malheur, à chaque drame, sans seulement prendre le temps de la compassion, on assène les mêmes reproches. La critique nihiliste est absolument insupportable ! Quand nous proposons d’héberger les auteurs, certaines personnes, parfois issues du milieu associatif, demandent pourquoi on n’héberge pas plutôt les victimes. C’est ridicule, cela n’a pas de sens ! Il faut évidemment héberger les victimes, mais il faut aussi faire en sorte que les auteurs soient hébergés, parce que sinon ils n’auront qu’une envie, c’est de réinvestir un domicile qu’ils estiment être le leur, en se moquant comme de colin-tampon du périmètre géographique du BAR et du TGD. Je peux comprendre qu’il y ait eu au début un peu de circonspection, mais une politique pénale, c’est une globalité. Que fait-on des auteurs une fois qu’on les a virés de chez eux ? Si on les laisse dans la rue, vous pouvez être certains que cela va quadrupler le nombre des malheurs. Cela n’aurait aucun sens. Les « yaka fokon », en cette matière comme dans d’autres, il y en a vraiment assez !

J’appartiens à un gouvernement qui a fait énormément pendant la législature, même si le crime nous rappelle parfois, hélas, que ce n’était pas suffisant. Peut-être. Il reste que c’est l’auteur qui est l’auteur. Votre investissement, notre investissement est total. Nous avons fait beaucoup de choses et nous continuerons à en faire. Ainsi, le décret sur les enfants victimes est tout à fait novateur. De même, la possibilité pour une femme en situation irrégulière d’obtenir justice, l’irrégularité de sa situation devenant superfétatoire au regard du mal qu’on lui a fait, est une avancée considérable. J’en ai plus qu’assez d’entendre que nous ne faisons rien !

Conformément à la circulaire du 9 mai 2019, plusieurs parquets – Bordeaux, Valenciennes, Amiens, Beauvais, Besançon, Chartres, Dijon, Nantes, Senlis, Bourges, Brest, Mulhouse… – ont conventionné avec les préfectures et les associations afin d’obtenir des places dans un parc de logements ou des nuitées d’hôtel. Ce mécanisme, dédié à la mise en œuvre des mesures d’éviction, est en train de s’étendre. Les procureurs et les magistrats savent mieux que personne que cela permet d’éviter la récidive, ce qui est une excellente chose pour les victimes.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci, monsieur le ministre, pour ces propos très engagés. Nous ne doutons pas, à la Délégation des droits des femmes, de la volonté de la justice d’avancer sur ces sujets. Notre crainte tient à la difficulté de percevoir le danger dans lequel se trouve la victime : nos travaux montrent qu’il est parfois indécelable et difficile à évaluer. La Délégation aux droits des femmes, et je sais que c’est votre cas aussi, se place du côté des victimes : nous rappelons de manière continue que nous croyons les femmes, les victimes, et que nous sommes de leur côté.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Il est difficile pour une femme victime de violences de faire la démarche de porter plainte. Si les violences physiques sont visibles et donc faciles à prouver, cela est bien plus compliqué s’agissant de harcèlement par le conjoint ou de violences économiques, qui peuvent parfois conduire au suicide. Certes, il n’y a pas de meurtre, mais on a poussé une femme à mettre fin à sa vie. Ces violences sont souvent peu ou mal prises en compte, parce qu’elles sont difficiles à prouver.

Il convient aussi d’améliorer la prise en charge de la victime une fois qu’elle a porté plainte, notamment lorsque l’ancien conjoint sort de prison. J’ai pu constater, en recevant dans ma permanence des femmes victimes de violences, à quel point elles avaient peur de le voir revenir, se demandant si elles n’allaient pas devoir quitter leur domicile et changer les enfants d’école. Comment peut-on aider ces femmes à se protéger lorsque l’auteur sort de prison ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Le nombre des EVVI – évaluations personnalisées des victimes – a augmenté de près de 125 % entre 2018 et 2019, et de 79,8 % entre 2019 et 2020. C’est notamment sur la base de cette évaluation que le parquet peut décider l’attribution d’un téléphone grave danger. Les situations sont donc de plus en plus affinées ; nous sommes là dans la détection.

Concernant la question de l’information de la victime, j’ai adressé à tous les parquets une circulaire extrêmement claire, en date du 19 mai 2021, dans laquelle je leur demande d’aviser systématiquement les victimes de la libération de leur conjoint violent et de réévaluer les moyens de protection des victimes dès lors que des incidents sont signalés, afin de proposer, le cas échéant, un téléphone grave danger ou un bracelet anti-rapprochement. Je veux d’ailleurs que cette circulaire soit inscrite dans les textes, et un décret est en cours de finalisation, parce que cela me paraît essentiel.

S’agissant des violences que vous qualifiez d’économiques, elles n’apparaissent pas sous cette dénomination dans le code pénal. Pour autant, elles n’en sont pas exclues parce que le texte réprime les violences, quelle que soit leur nature – psychologique, physique, sexuelle et naturellement économique. C’est le cas lorsque le conjoint vérifie les comptes, refuse de donner de l’argent ou d’accorder à sa compagne une autonomie financière. Il est donc parfaitement possible que des poursuites soient fondées sur la violence économique, même si cette terminologie n’est pas retenue en tant que telle dans le code pénal.

Mme Fiona Lazaar. Vous venez d’indiquer qu’un décret serait bientôt publié concernant l’information des victimes lorsque leur conjoint est libéré ; je salue votre engagement à cet égard.

Concernant le déploiement du bracelet anti-rapprochement, j’aimerais savoir si nous avons un retour sur l’efficacité de ce dispositif. Comment les femmes qui sont ainsi protégées et les auteurs qui portent ce bracelet perçoivent-ils son utilisation ? Quel est le bilan de cette mesure ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. J’entends dire que le déploiement du BAR serait trop long – je ne vais pas m’énerver à nouveau sur ce sujet. En Espagne, pays pilote en la matière, moins de 300 BAR avaient été prononcés après un an d’application de la loi, et il a fallu dix ans pour que ce pays en déploie 1 100. Nous savons qu’il faut du temps pour s’adapter à un outil nouveau.

En France, à la date du 3 novembre 2021, 676 BAR ont été prononcés. En un an, nous avons comptabilisé 426 demandes d’intervention des forces de sécurité intérieure (FSI) à la suite du déclenchement d’une alarme. Même si tous les porteurs de bracelet n’avaient pas forcément l’intention de commettre des violences, nous savons que des crimes ont été évités grâce aux BAR. Nous avons ainsi l’exemple d’un homme porteur du bracelet ant‑rapprochement qui avait très clairement annoncé qu’il allait tuer sa femme : le BAR a fonctionné, les FSI sont immédiatement intervenues et l’ont interpellé. Je tiens à le dire parce qu’il est rarissime qu’un journal publie sur sa une « Un homicide a été évité ».

Mme Frédérique Meunier. Cela fait des années que je m’occupe de violence conjugale, en tant qu’avocate spécialisée en droit de la famille. C’est vrai qu’il y a eu des évolutions extraordinaires depuis l’époque où les assistantes sociales, dans les hôpitaux, conseillaient aux femmes battues de rentrer chez elles pour ne pas être accusées d’abandon du domicile conjugal.

Cependant, je porte un regard un peu mitigé sur le Grenelle contre les violences conjugales. Certes, le bracelet anti-rapprochement se développe, mais 400 bracelets en deux ans, quand 220 000 femmes sont victimes de violences, cela ne fait pas beaucoup. Je regrette également que vous soyez contraint de prendre une circulaire pour rappeler à vos troupes qu’elles doivent utiliser le bracelet anti-rapprochement : cela devrait être un réflexe automatique. Si un homme sait que, dès la première gifle, il sera viré de chez lui, qu’il aura un fil à la patte et l’interdiction de voir ses enfants, la peur changera peut-être de camp.

Travaillant depuis longtemps avec les associations sur ce sujet, je constate que des choses très simples pourraient être mises en place. Vous avez parlé tout à l’heure de l’amende forfaitaire contraventionnelle : connaissez-vous le montant de cette amende ? Il est entre 11 et 180 euros. Il faut le tripler ! Comment voulez‑vous qu’une personne soit intimidée par une telle amende ?

Nous avons également constaté que beaucoup de plaintes pour violences étaient classées sans suite, ou n’aboutissaient qu’à des peines avec sursis probatoire. La prison, dans ces cas-là, doit être ferme et dissuasive !

Vous avez indiqué que vous alliez de nouveau prendre une circulaire pour obliger les parquets à informer systématiquement les femmes que leur conjoint va sortir de prison : dommage que vous ne l’ayez pas fait plus tôt ! Le 26 novembre, une femme a été tuée par son conjoint qui avait été condamné à un an de prison et qui, grâce aux remises de peine, avait été libéré sans qu’elle en soit informée ; elle en est morte.

J’ai bien entendu votre coup de gueule, mais nous ne sommes pas dans le « yaka fokon », on en est même très loin ! Je peux vous assurer que, dans nos territoires, les associations font énormément de choses. En Corrèze, nous avons créé La Maison de soie, qui regroupe en un même lieu l’hôpital, la santé, la justice, la gendarmerie et la police nationale. La femme peut tous les rencontrer en un même lieu, sans être obligée de se rendre dans plusieurs endroits différents. Nous faisons donc un vrai travail sur le terrain.

Je n’ai pas encore le sentiment que la peur change de camp. Les contraventions devraient être plus élevées ; l’instruction d’une plainte doit être faite en trois jours, et le jugement rendu en quinze jours. Dans les comparutions immédiates, le jugement intervient immédiatement ; lorsque le Président de la République a été giflé, l’affaire a été instruite en trois jours et jugée en quatre jours. C’est d’ailleurs une bonne chose car il est honteux de porter la main sur quelqu’un. Il faut donc prendre le taureau par les cornes et renforcer l’arsenal judiciaire pour que l’auteur des violences ait peur.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Ce que vous faites sur place ne s’oppose pas à ce que nous faisons, au contraire : cela se complète.

En matière de violence conjugale, on est toujours dans le domaine délictuel : il n’y a pas de contravention. Je ne vois donc pas de quoi vous parlez quand vous évoquez les amendes de 11 euros. On ne peut pas dire des choses de cette nature, parce que ce n’est pas exact.

Vous souhaitez également des peines automatiques, si j’ai bien compris. Laissez‑moi vous dire que les magistrats ont tellement besoin de reconnaissance qu’ils ne veulent surtout pas être robotisés ni que les peines planchers et les peines automatiques reviennent à l’ordre du jour. Ce n’est peut-être pas votre vision des choses ; c’est en tous les cas la mienne.

Enfin, vous évoquez les 220 000 femmes qui auraient été victimes de violences. Il y a un certain nombre de gradations dans ces violences et tous les auteurs ne peuvent pas être jugés de la même façon.

Mme Frédérique Meunier. Concernant les amendes forfaitaires contraventionnelles, je voulais simplement rappeler que le minimum était de 11 euros et le maximum de 180 euros. Je ne peux pas me contenter, quand 220 000 femmes sont victimes de violences, de mesures qui ne soient pas plus coercitives.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je vais poser la question de M. Gaël Le Bohec, qui ne peut pas être avec nous mais qui nous regarde. Quelles actions, au-delà du bracelet anti-rapprochement et du téléphone grave danger, permettront de faire baisser les violences sexistes et sexuelles ? Comment réduire la récidive ? Travaillez-vous avec les autres ministères sur ce sujet ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. La lutte contre la récidive est une part essentielle du combat que nous menons contre les violences faites aux femmes. L’hébergement de l’auteur des violences, son suivi post-pénal mais aussi, dans le registre des mesures plus contraignantes, le bracelet anti-rapprochement et le téléphone grave danger sont autant de dispositions que nous prenons en ce sens. Elles ont fait leurs preuves, comme en témoigne le nombre d’alertes déclenchées par le BAR ou le TGD. S’agissant de ce dernier, plus d’un millier d’alertes, suivies d’autant d’interventions ont permis d’éviter la commission de nouvelles violences.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je vous remercie, monsieur le garde des Sceaux, d’avoir accepté, une nouvelle fois, notre invitation. Nous connaissons votre engagement personnel pour ce sujet. Le ministère de la justice s’est pleinement saisi de cette problématique qui frappe particulièrement certains territoires. Je salue les membres de cette Délégation qui, depuis 2017, ont su dépasser les clivages politiques pour nourrir la réflexion.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez connaître le détail du décret que j’ai signé la semaine dernière, qu’il s’agisse de la clarification du statut de victimes des enfants témoins de violences d’un parent sur l’autre ou du sort réservé au délit de non-représentation d’enfant en cas de violences ou de toute autre infraction commise sur le mineur par la personne qui a le droit de le réclamer.


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   COMPTE RENDU DE L’audition de M. Olivier véran,
ministre des solidarités et de la santé

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/DVflxk

 

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Monsieur le ministre des Solidarités et de la santé, nous vous remercions d’avoir bien voulu participer aux travaux que nous menons en cette fin de législature afin d’évaluer l’application des recommandations adoptées durant quatre ans par notre Délégation en matière de santé des femmes.

Nul besoin de rappeler le contexte sanitaire : je salue votre engagement constant et sans faille pour les droits des femmes, en particulier leurs droits sexuels et reproductifs, même et surtout en période de pandémie.

Les problématiques liées à la santé des femmes ont occupé une place importante dans nos travaux. Je résumerai les principales recommandations et avancées adoptées par le Parlement.

Demain, l’Assemblée nationale est appelée à voter, une dernière fois, la proposition de loi de notre collègue Albane Gaillot visant à renforcer le droit à l’avortement, reprenant les recommandations formulées au nom de notre Délégation par nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti. Je salue leur travail exhaustif et précis, qui fera date. Outre l’issue de cette proposition de loi, que vous soutenez publiquement depuis l’adoption du rapport de nos collègues, le législateur a adopté deux mesures importantes pour améliorer l’effectivité du droit à l’avortement, partout sur le territoire national : la généralisation à toutes les femmes du tiers payant pour un acte d’interruption volontaire de grossesse (IVG) et l’expérimentation de l’ouverture aux sages-femmes de la pratique de l’IVG chirurgical.

De plus, lors du premier confinement, vous avez permis l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville en le portant de cinq à sept semaines de grossesse et facilité le recours à la téléconsultation. Ces mesures seront-elles pérennisées ?

Notre Délégation a adopté le rapport d’information de nos collègues Laëtitia Romeiro Dias et Bénédicte Taurine sur les menstruations. Il a donné lieu à une proposition de loi – que nous avons déposée – sur ses recommandations phares.

Il convient d’insister sur la nécessité de mieux lutter contre les chocs toxiques en préconisant plus de transparence et de contrôle quant à la composition des protections intimes. Quelles ont été les avancées en la matière ? Afin de lutter contre la précarité menstruelle, notre Délégation a proposé de multiplier les mises à disposition gratuites de protections hygiéniques pour les publics les plus précaires et les jeunes. Confirmez-vous la pérennisation et l’élargissement de ces dispositions ?

Autre actualité législative récente, cette fois à propos de l’endométriose, première cause d’infertilité en France qui touche plus d’une femme sur dix. Le Gouvernement s’est mobilisé dès 2019 et le Président de la République a annoncé une stratégie nationale de lutte sur laquelle vous pourrez revenir.

De même, pourriez-vous revenir sur les moyens déployés par le Gouvernement pour faciliter l’accès des femmes… et des hommes – j’y insiste – à la contraception : je pense à la gratuité pour les femmes de moins de 26 ans, votée par le Parlement, à la consultation longue de santé sexuelle ou aux dispensations d’ordonnance permises pendant le confinement.

Autre point qui m’est particulièrement cher : le congé maternité. Dois-je rappeler la réforme que nous avons soutenue, qui a permis aux travailleuses indépendantes et aux agricultrices de bénéficier d’un véritable congé de maternité dont la durée a été alignée sur celle des salariées, et dont nous ne pouvons que nous féliciter ?

Je profite de cette audition pour appeler votre attention sur quelques aspects problématiques qui m’ont été signalés dans le prolongement du rapport que j’avais remis à Agnès Buzyn.

Tout d’abord, le report systématique du délai de paiement des cotisations sociales des travailleuses indépendantes est-il effectif ? En Essonne, ce n’est pas le cas… Qu’en est-il sur le plan national ?

Ensuite, où en est l’expérimentation visant à autoriser une reprise progressive et plafonnée de l’activité des travailleuses indépendantes, sujet encore plus important depuis la fin du régime social des indépendants (RSI) ? Je rappelle qu’il s’agit d’expérimenter la possibilité, pour les travailleuses indépendantes qui le souhaitent, de reprendre progressivement leur activité professionnelle à l’issue d’une période d’interruption totale d’activité de deux semaines avant l’accouchement et six semaines après. Cette reprise se fait sur une période de huit semaines supplémentaires pendant laquelle la femme peut reprendre une activité à temps partiel, à hauteur de 20 %. Il semblerait que cela ne soit pas encore totalement possible pour toutes ces femmes.

Enfin, dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), nous avons permis aux travailleuses indépendantes n’ayant pas suffisamment cotisé de faire valoir leurs droits liés à la maternité au titre d’un salariat précédent, ce que refusent encore à de nombreuses femmes des caisses d’assurance maladie (CPAM) locales. De plus, si nous avons autorisé une rétroactivité jusqu’en 2019, quelques travailleuses indépendantes dont les dossiers remontent à 2018 sont exclues de la loi. Peut-être pourrons-nous régulariser leurs dossiers ?

Je sais combien vous êtes mobilisé, aux côtés d’Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, sur la question des enseignements relatifs à la vie affective et sexuelle. Avez-vous eu des échanges avec le ministre de l’éducation nationale à ce sujet ?

Enfin, le rapport Femmes et ruralités de nos collègues sénateurs, dont la délégation aux droits des femmes a auditionné les auteurs, dresse un constat triste et alarmant. Quelles actions sont-elles menées pour garantir à toutes les femmes, quel que soit leur âge, un accès à des soins de qualité ? Dans un contexte de vieillissement de la population et de désertification médicale, comment permettre l’accès des femmes les moins mobiles, notamment en milieu rural, aux soins et à la prévention ? Je pense notamment à l’engagement « maternité » voté par le législateur.

Mme Karine Lebon, rapporteure. Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur la préconisation formulée par nos rapporteures, Mmes Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, visant à une meilleure prise en compte des coûts spécifiques des actes d’IVG dans les outre-mer ?

S’agissant du rapport sur les menstruations, comment mieux sensibiliser les professionnels de santé à l’endométriose ? Nos collègues ont relevé de nombreux témoignages selon lesquels, faute d’une formation satisfaisante, des professionnels assimilaient ces douleurs à des problèmes psychologiques – refus de devenir une femme, etc. –, ce qui aggrave encore les souffrances des femmes concernées.

L’actualité donne un triste écho aux travaux sur la séniorité des femmes réalisés en 2019 par Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle, qui préconisaient de revoir le modèle des EHPAD en promouvant la logique de la bientraitance pour garantir de meilleures conditions de vie aux résidents, en « favorisant une alimentation saine et gourmande » et en développant les activités physiques. Dans ces établissements, mais aussi dans nombre d’établissements de santé, la situation est souvent catastrophique pour les personnes âgées, très majoritairement des femmes. Ces personnes sont trop souvent condamnées à souffrir, voire à mourir en silence. Quelles mesures ont été prises au cours de cette législature pour améliorer la situation des résidents en EHPAD et des personnes âgées hospitalisées ? Quels dispositifs d’alerte, de signalement et de contrôle sont mis à disposition de ces personnes et de leurs proches ?

Par ailleurs, la crise sanitaire a renforcé les situations de huis clos, ce qui a aggravé les problèmes de maltraitance ou de négligence là où ils existaient déjà. Les mesures de restriction des visites ont laissé des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes âgées livrées à elles-mêmes. Ne faudrait-il pas instaurer un droit absolu de visite aux membres des familles des personnes âgées dépendantes pour les visiteurs qui fournissent la preuve d’un schéma vaccinal complet ou d’un test négatif et qui, nonobstant, se voient refuser la visite à leurs proches ? Compte tenu des possibilités de vaccination ou de test offertes, il est possible d’imaginer que des consignes claires et certaines modalités de visites peuvent réduire les risques de contamination et éviter ainsi à ces personnes de dépérir dans la solitude. De telles garanties peuvent-elles être apportées aux familles de résidents en EHPAD ou aux personnes âgées hospitalisées ? Le Gouvernement peut-il transmettre des consignes très claires ? C’est la première condition pour permettre aux personnes âgées dépendantes – très majoritairement des femmes, donc – de finir leur vie dans la dignité.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre invitation. Le moment est en effet venu de faire le bilan de chantiers structurants en matière de santé et d’accès aux prestations sociales pour les femmes.

Depuis presque deux ans que je suis ministre, la crise sanitaire m’a considérablement mobilisé mais, malgré la tempête et la lutte de chaque instant contre l’épidémie, j’ai toujours tenu à défendre des convictions fortes et à me préoccuper des questions fondamentales, dont la santé des femmes. Nous avons fait avancer des causes, nous avons renforcé des droits et nous en avons consacré de nouveaux.

Parler de la santé des femmes, cela suppose de regarder en face des réalités difficiles et de lever certains tabous. Il y a quelques années, un ministre de la santé parlant de précarité menstruelle aurait suscité de la perplexité, voire de la gêne. Je le fais aujourd’hui devant des associations qui permettent aux femmes en situation de vulnérabilité d’accéder à des protections hygiéniques.

Il y a peu, ce sujet était donc encore tabou, comme si parler d’un phénomène biologique concernant un être sur deux sur la planète supposait toujours une fausse gêne ou une vraie pudibonderie ! Dans les publicités pour les protections hygiéniques, le liquide qui coule est bleu et les jeunes filles qui ont leurs premières règles dans un établissement scolaire sont l’objet de railleries de la part des garçons… Mais quel exemple montrent les adultes ? Ce tabou est imposé par la société et il ne tient qu’à nous de le faire tomber. Ce sujet n’est ni technique ni sémantique : c’est une question d’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat.

La précarité menstruelle touche 1,7 million de femmes et concerne principalement trois publics. Le tabou est le même, les risques sont identiques mais les problématiques diffèrent.

Pour les adolescentes et les jeunes femmes – collégiennes, lycéennes ou étudiantes –, la clé est l’éducation à la sexualité. Je salue la remarquable prise en charge individuelle assurée par les infirmiers et la formation des personnels de l’éducation nationale. Je crois profondément à « l’intelligence du local ». Les universités, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et les collectivités ont trouvé d’excellentes solutions mais il faut aller plus loin en ouvrant davantage l’école et en revenant au principe : « une tête bien pleine dans un corps bien fait ». Les enfants doivent apprendre à lire, écrire et compter, or, nombre d’entre eux souffrent de plus en plus d’addiction aux écrans, de conflits sociaux – de plus en plus précocement – et de difficultés éducationnelles. Si l’on considérait la famille comme l’alpha et l’oméga de l’éducation des enfants, on ne déploierait pas des trésors d’ingéniosité pour encourager les collectivités à offrir des petits déjeuners gratuits à l’école. S’il est parfois difficile de faire comprendre qu’un enfant qui a le ventre vide ne peut pas apprendre correctement, il l’est encore plus d’aller sur d’autres terrains avec certaines familles. Il faut donc ouvrir l’école. L’intervention d’une association ou du Planning familial dans un établissement scolaire relève du seul chef d’établissement, de sorte que des inégalités peuvent se créer entre les territoires.

S’agissant des femmes incarcérées, nous avons des échanges réguliers avec le Garde des Sceaux et l’administration pénitentiaire s’est saisie de cette question.

Enfin, pour les femmes en situation de grande précarité, j’ai demandé à l’administration de travailler à un plan d’action afin de fournir des protections périodiques à celles qui sont accueillies dans les établissements spécialisés et par les services sociaux. Des avancées ont été réalisées et la précarité menstruelle a reculé sans avoir toutefois été éradiquée. Le travail n’est donc pas terminé.

J’en viens à l’endométriose. À l’école, une jeune femme ou une jeune fille qui a des douleurs pendant ses règles va à l’infirmerie et rate des cours. Pendant sept ans, en moyenne, elle s’entendra dire que c’est normal et que les règles peuvent être douloureuses. Or, si la présence de douleurs n’est pas toujours un signe d’endométriose, celle-ci peut provoquer des douleurs suraiguës dont il faut tenir compte afin d’inscrire les jeunes femmes et les jeunes filles dans des parcours diagnostiques parfois complexes, ce qui nécessite que les médecins eux‑mêmes connaissent bien les symptômes de cette maladie.

Lors de mes études de médecine, pas si lointaines, l’endométriose n’avait pas la place qu’elle aurait dû avoir alors que 10 % des femmes sont concernées. Il faut donc former les médecins, informer la population et développer les parcours diagnostiques – il est en particulier très difficile, dans la ruralité, de bénéficier de soins spécifiques. Même si nous ne savons pas comment guérir cette maladie, il est possible de soulager les patientes. Un traitement chirurgical est d’ailleurs envisageable lorsque des brides péritonéales se développent et que l’endométriose envahit d’autres organes. Première cause d’infertilité, elle est souvent diagnostiquée à l’occasion des bilans d’infertilité.

Il convient également de repenser la place de cette pathologie dans la société et sa prise en charge par la sécurité sociale : doit-elle être considérée comme une affection de longue durée – ALD 30 – c’est-à-dire comme une maladie chronique à vie, toute personne qui en est atteinte étant prise en charge à 100 %, ou comme une ALD 31 justifiant un traitement prolongé ? Les appréciations diffèrent entre experts et associations. Nous débattrons de ces questions, le Parlement ayant voté à l’unanimité une proposition de résolution en ce sens. J’ai quant à moi émis quelques réserves car, s’il faut offrir la protection la plus adaptée aux femmes, il ne serait pas de bonne politique de mettre du jour au lendemain 10 % d’entre elles en longue maladie. Le Président de la République s’est saisi de cette question à bras-le-corps. Il est intervenu le 11 janvier à ce propos et il m’a confié le pilotage d’un comité interministériel. Les travaux commenceront le 14 février à la suite de la remise du rapport de l’eurodéputée Chrysoula Zacharopoulou, qui a réalisé un excellent travail.

Par ailleurs, publiée le 1er décembre dernier, la feuille de route 2021‑2024 de la stratégie nationale de santé sexuelle prévoit des actions concrètes pour renforcer la promotion, l’information, l’éducation à la santé sexuelle, telles que le lancement de la semaine de la santé sexuelle en 2022, la conception et la diffusion d’outils de promotion de la santé sexuelle accessibles aux publics en situation de handicap et le renforcement des connaissances en santé sexuelle des jeunes dans le cadre du service national universel. Elle réaffirme la nécessité d’une offre en santé sexuelle lisible, accessible, à proximité des lieux de vie et comporte une action consacrée au renforcement de l’accès à l’IVG tant nous devons conforter l’exercice effectif de ce droit partout sur le territoire. Il est également prévu d’inscrire l’IVG comme action prioritaire du développement professionnel continu (DPC) pour la période 2023-2025. Nous intégrerons une offre de dépistage gratuit des infections sexuellement transmissibles (IST) dans le forfait IVG ; nous actualiserons et renforcerons également le site ivg.gouv.fr et son référencement pour améliorer la visibilité de l’offre.

Les premières mesures concrètes ont été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, notamment, l’extension de la consultation longue santé sexuelle à tous les jeunes jusqu’à 25 ans afin que celle-ci cesse d’être considérée comme la seule affaire des femmes, et l’accès gratuit à la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans révolus, depuis le 1er janvier dernier. Pour les hommes – cela se sait peu – l’achat de préservatifs est remboursé et pris en charge à 100 % sur prescription : la contraception masculine est en effet reconnue au titre des dispositifs de contraception efficaces et remboursables car les femmes peuvent également acheter des préservatifs masculins. La contraception masculine doit néanmoins se développer, même si cela ne relève pas de la compétence du ministre. Les laboratoires doivent investir plus massivement, ce qui suppose une demande accrue et, donc, une évolution de la société.

J’ai toujours défendu le renforcement de l’accès à l’IVG partout sur le territoire. Pendant la crise sanitaire, j’ai demandé en urgence l’allongement de cinq à sept semaines de l’avortement médicamenteux et la possibilité de le faire par télémédecine. Je me suis mis en effet à la place d’une jeune fille mineure, âgée de 16 à 17 ans qui, en plein confinement, n’avait pas envie de dire à ses parents qu’elle avait besoin de se rendre au Planning familial. Nous l’avons fait par arrêté, dans le cadre de l’urgence sanitaire, faute de quoi cela nous aurait peut‑être valu des années de débat au Parlement – nous avons d’ailleurs prolongé ce dispositif à votre demande et je m’étais engagé à faire entrer ces mesures dérogatoires dans le droit commun. Le décret d’application, en cours d’examen par le Conseil d’État, sera publié dans les prochaines semaines. Cette mesure sera pérennisée.

Par ailleurs, les IVG instrumentales en centre de santé peuvent désormais être appliquées, le décret qui en précise les conditions ayant été publié en avril dernier.

Le décret et l’arrêté d’application relatifs à l’expérimentation de la réalisation d’IVG instrumentales par les sages-femmes en établissement de santé ont été publiés le 31 décembre 2021. Je n’ignore pas que la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement en prévoit la généralisation mais, comme un bon « tiens vaut mieux que deux tu l’auras », j’ai préféré que les textes ouvrant la voie à l’expérimentation soient publiés tant on ignore de quoi l’avenir sera fait… Une cinquantaine d’équipes sera sélectionnée et les premiers projets commenceront à la mi-2022. C’est une étape importante pour jeter les bases d’une pratique qui, sans nul doute, facilitera l’organisation des équipes hospitalières pour répondre aux demandes d’IVG et donnera aux femmes un nouvel interlocuteur dans leurs parcours.

Depuis la LFSS pour 2021, le tiers payant intégral est dorénavant prévu pour toutes les femmes s’agissant des dépenses prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, c’est-à-dire 100 % des frais liés à l’IVG. À ce tiers payant s’ajoute la garantie du respect du secret pour la prise en charge de ces frais pour toutes les femmes.

Une politique efficace de prévention primaire et de dépistage reste plus que jamais essentielle pour lutter contre la survenue des cancers. Il est primordial d’informer les femmes des facteurs de risque et de protection. Ces dernières années, les campagnes de prévention des cancers du sein et du col de l’utérus ont été intensifiées à travers des actions de communication de l’institut national du cancer (INCa). La vaccination est un moyen sinon d’éradiquer le cancer du col de l’utérus, du moins, de le faire quasiment disparaître. Elle est possible mais peu effective, tant pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes qui, quant à eux, peuvent développer des cancers de la marge anale ou de la sphère oro‑pharyngée. La question de la vaccination obligatoire contre le HPV – human papilloma virus – se posera. Le vaccin est une chance et il est intolérable que sept-cents jeunes femmes décèdent du cancer du col de l’utérus chaque année alors qu’il est évitable ou que l’on considère qu’il est difficile de vacciner des jeunes filles contre une maladie sexuellement transmissible. Certains pays comme le Mexique et le Costa Rica, me semble-t-il, ont rendu cette vaccination obligatoire mais c’est assez peu le cas en Europe. J’ajoute que nous constatons une augmentation des cancers du poumon et du larynx chez les femmes parce qu’elles fument davantage.

Il est essentiel de développer la participation des femmes aux programmes de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. Plusieurs actions de communication ont été menées depuis 2017 pour les soutenir et leur apporter toutes les informations nécessaires à la compréhension des enjeux, notamment à travers des campagnes de publicité de proximité ou lors des mois de sensibilisation et de mobilisation, ainsi qu’à travers la diffusion régulière de communiqués et de dossiers de presse. Nous avons tous porté le petit sigle contre le cancer du sein.

Depuis 2021, l’institut national du cancer a mis en ligne la rubrique leseclairages.e-cancers.fr, afin de lutter contre les fausses informations et de donner au grand public une information scientifiquement robuste, notamment sur la vaccination contre le HPV et le dépistage du cancer du sein.

Plusieurs actions ont été menées pour améliorer la qualité des programmes de dépistage. S’agissant du cancer du sein, l’amélioration constante de la qualité des installations a conduit à ne plus autoriser, depuis 2019, les mammographes analogiques et à expérimenter la dématérialisation des mammographies afin de faciliter la seconde lecture des clichés. S’agissant du cancer du col de l’utérus, plusieurs actions ont permis depuis 2018 d’améliorer la qualité du programme, dont la mise en place du test HPV pour les femmes entre 30 et 65 ans. Un référentiel sur l’auto-prélèvement vaginal est en cours d’élaboration.

Je souhaite également évoquer la santé des femmes dans la période périnatale, moment de bouleversements personnels. La grossesse est en effet une période délicate. Dès 2019, nous avons généralisé l’entretien prénatal précoce pour répondre à l’enjeu de la bientraitance obstétricale. Dans la grande majorité des cas, au-delà des situations extrêmes et condamnables, se posait un problème de communication et de dialogue faute d’un temps sanctuarisé. L’enquête nationale périnatale de 2016 ayant révélé une sous-utilisation de l’entretien, celui-ci est désormais obligatoire depuis le 1er mai 2020.

La parentalité se prépare. C’est une période charnière pour se construire et assurer le développement harmonieux de l’enfant. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, s’est engagé à travers le plan « 1 000 premiers jours de l’enfant ». De nombreuses mesures ont déjà été prises, dont l’entretien postnatal, disposition que vous avez votée et qui sera effective à partir du mois de juillet. Il aura lieu entre quatre et huit semaines après la naissance pour faire le point, vérifier que tout se passe bien, dépister et détecter les symptômes de la dépression post-partum, laquelle touche 10 % à 20 % des femmes et est sous‑diagnostiquée alors que nous pouvons prévenir ou accompagner les femmes en intervenant suffisamment tôt.

Je citerai aussi le développement des visites à domicile après l’accouchement, en lien avec les centres de protection maternelle et infantile, notamment dans les situations de vulnérabilité. Afin d’accompagner au plus près les femmes, de la grossesse au post-partum, l’expérimentation d’un référent parcours périnatalité pour dix-huit mois a été engagée dans quatre territoires.

Concernant l’accès au congé de maternité pour les travailleuses indépendantes, la LFSS pour 2019 a favorisé, sur la base de vos propositions, une grande avancée sociale. En tant que rapporteur, je vous avais soutenus. Comme les salariées, elles bénéficient désormais de 112 jours d’indemnisation, conformément à l’engagement présidentiel. En outre, vous avez adopté dans la LFSS pour 2022 le principe du maintien des droits des travailleuses indépendantes anciennement salariées, lequel a fait rapidement l’objet d’un décret. Nous allons nous assurer que cette disposition soit opérationnelle partout, même s’il existe toujours des « bugs » ou des retards à l’allumage.

L’amélioration de la qualité de vie dans les EHPAD est essentielle.

Je l’ai moi-même vécu professionnellement : quand, la nuit, on est deux, un auxiliaire de soins et un aide-soignant, pour cent personnes âgées, dont une bonne cinquantaine très dépendante et une bonne trentaine souffrant de troubles psychogériatriques, il est très difficile de répondre à toutes les demandes en temps et en heure. C’est une question éminemment complexe. Plutôt que d’opposer modèle privé et public – j’ai travaillé dans le secteur public où nous étions aussi deux la nuit –, mieux vaudrait envisager la construction d’EHPAD à taille plus humaine.

Tout d’abord, il importe de prioriser le domicile : les Français veulent vivre chez eux le plus longtemps possible. Ensuite, quand la dépendance est trop forte, quand l’autonomie disparaît, quand, malgré les congés, la famille ne peut plus assurer le quotidien et qu’une admission en EHPAD est nécessaire, il faut envisager un autre modèle. Des moyens supplémentaires ont été déployés : nous avons recruté 40 000 personnes dans l’urgence, pendant la crise, 10 000 personnes l’ont été de façon structurelle et nous en cherchons 10 000 supplémentaires. Les budgets et la feuille de route, qu’il convient maintenant de décliner, me semblent à la hauteur.

En ce qui concerne le droit de visite, des directives ont été adressées depuis plusieurs mois. Comme dans l’éducation nationale, c’est en l’occurrence le directeur qui peut adapter le protocole en fonction de son établissement. D’un point de vue légal, sauf situations extrêmes, rien ne peut empêcher les visites. J’ajoute que l’isolement peut parfois s’expliquer par la situation géographique.

Dans le cadre du Ségur de la santé, nous avons consacré 700 millions à l’équipement numérique des EHPAD pour 700 000 résidents, soit 1 000 euros par résident. Le petit papi ou la petite mamie en perte d’autonomie dispose d’un écran et d’une télécommande à plusieurs touches, l’une pour appeler son fils ou sa fille en visioconférence, une autre pour allumer la télévision et une autre pour appeler à l’aide. Tout cela est financé et en cours de déploiement partout afin d’améliorer le confort de personnes qui en ont bien besoin.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Nous mesurons concrètement la force de votre engagement pour les droits des femmes et nous vous en remercions.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. La santé mentale des femmes est moins bonne que celle des hommes et le Covid n’a pas amélioré la situation. Les troubles du comportement alimentaire touchent 1,5 % des femmes contre 0,5 % des hommes, et une femme a deux fois plus de risques qu’un homme de vivre un épisode dépressif. Le sujet, complexe et tabou, appelle des réponses interministérielles, notamment pour réduire les facteurs de risque aggravant comme les violences faites aux femmes, la pression sociétale sur le corps des femmes, la charge mentale ou les inégalités sociales. Après les assises de la santé mentale, comment votre ministère s’est-il saisi de cette question ?

M. Gaël Le Bohec. Je vous félicite de votre engagement pour permettre à un maximum de jeunes femmes d’accéder à des produits de protection gratuitement. À l’occasion de la visite, en octobre, de Mme Moreno et de M. Taquet sur des campus universitaires de ma circonscription, nombre d’étudiantes ont exprimé leur satisfaction de disposer de distributeurs.

Toutefois, les situations, en la matière, diffèrent. Ne pourrait-on envisager un déploiement national homogène – collège, lycée, enseignement supérieur – et créer un baromètre permettant de s’assurer de son effectivité ?

J’ai été alerté sur la qualité des produits diffusés alors que nous en fabriquons de très bonne qualité et bio. Ce n’est pas parce que ces produits sont mis à disposition et pris en charge par la collectivité qu’ils doivent être de moindre qualité.

Enfin, des députés ont fait état dans leurs rapports de la qualité plutôt médiocre des sanitaires, où les jeunes filles n’osent plus se rendre.

Je suis d’accord avec vous sur la nécessité d’une plus grande ouverture de l’école. Comment pourrait-on également l’ouvrir en matière de prévention et de santé mentale, en particulier pour les jeunes filles ? Si les assises de la santé mentale ont fixé de bonnes orientations, elles n’ont pas évoqué la différence de vécu psychique et psychologique entre les hommes et les femmes.

Mme Bénédicte Taurine. Mme la présidente a évoqué le rapport alarmant du Sénat sur la situation des femmes dans les territoires ruraux. Le dernier numéro de l’émission Cash Investigation a rappelé le refus, par le lobby des médecins, de l’obligation d’installation pourtant de nature à rééquilibrer l’offre de soins sur les territoires et à lutter contre les déserts médicaux, à l’image du dispositif instauré avec succès au Canada. L’obligation d’installation est d’ailleurs l’une des préconisations faites par les sénateurs devant notre Délégation.

Que pensez-vous des centres de santé fonctionnant grâce à des médecins salariés et facilitant l’accès aux soins des femmes et des autres habitants de la ruralité, comme c’est notamment le cas dans ma circonscription ariégeoise, à Lavelanet ? En zone rurale, l’incitation à l’installation est un échec car elle entraîne une surenchère des demandes et une compétition entre territoires. Lors de sa visite, samedi, M. Castex a annoncé la fin du numerus clausus mais l’obligation d’installation ne s’imposera-t-elle pas ?

Mme Josy Poueyto.  Environ 3,3 millions de Français sont concernés par l’infertilité, sujet que j’ai eu l’occasion d’aborder avec des femmes de ma circonscription de Pau. Ne faut-il pas améliorer la prévention dès le collège, le lycée et l’université alors qu’une femme sur quatre est touchée à 30 ans, une sur trois à 35 ans et une sur deux à 40 ans ? Nous avons identifié trois causes principales : médicale, sociétale et environnementale. Ne faudrait‑il pas créer une structure afin de coordonner, piloter et impulser des actions de prévention et de prise en charge des personnes infertiles à l’échelon individuel ou collectif ?

Mme Fiona Lazaar.  Une politique d’ « aller vers » est-elle menée en direction des femmes en situation de précarité afin de faciliter leur accès aux soins ? En effet, la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires est trois fois supérieure chez les ouvrières par rapport aux cadres et 6 % à 7 % des ouvrières n’ont aucun mode de contraception contre 1,6 % des femmes cadres. C’est un fait que l’accès aux soins et à la santé varie selon les classes sociales.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je rappelle qu’en moyenne, les femmes vivent plus longtemps que les hommes mais en moins bonne santé.

Mme Cécile Muschotti. Dans notre rapport sur l’accès à l’IVG, nous avons pointé du doigt la question de la sensibilisation aux problèmes liés à la sexualité et à l’égalité entre les filles et les garçons au sein des établissements scolaires. Si les textes imposent un certain nombre de séances par année, dans les faits, elles sont très peu organisées. À mon sens, elles doivent d’ailleurs l’être par des professionnels extérieurs au monde de l’éducation nationale. On pourrait très justement nous répondre que c’est aux parlementaires de contrôler la bonne application de la loi or, comme vous le savez, nous avons trop peu de temps et de moyens pour ce faire.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Nous auditionnerons demain la neurobiologiste Catherine Vidal à propos des neurosciences, qui remettent parfois en question l’égalité entre les femmes et les hommes en justifiant des inégalités économiques ou d’accès à certains postes en raison des compétences supposément spécifiques du cerveau féminin. Nous sommes vigilants sur ce point et je souhaitais vous en alerter.

M. Olivier Véran, ministre. Cela revient en effet à tenter de « scientiser » soixante ans de débats en prenant la question de travers. Je me suis passionné pour le « care » dans le champ sanitaire. Pour réaliser à Sciences Po un mémoire sur le sujet, j’avais travaillé sur deux ouvrages, l’un de Joan Tronto et l’autre de Carol Gilligan, auteur qui a fait partie de la première génération des gender studies américaines. J’ai beaucoup aimé le livre de Joan Pronto, qui rétablit toute la valeur du « care » et l’inscrit dans certains courants de pensée.

Selon certain postulat, les femmes seraient dotées d’une morale particulière qui les rendrait plus aptes à s’occuper des vieillards, des bébés et des malades. Quand elles ont revendiqué le légitime droit d’accès à la sphère professionnelle, les « insiders » ont dit aux femmes qu’elles devaient faire ce qu’elles savaient faire le mieux, c’est-à-dire s’occuper des vieillards, des enfants et des malades, en ajoutant : on vous permet déjà d’exercer des métiers féminisés, mais on ne va tout de même pas vous donner le même salaire ! Grâce au Ségur de la santé, 1,5 million de personnes, dont 85 % de femmes, a bénéficié des 10 milliards consacrés à la hausse de salaires. Nous avons ainsi rattrapé un écart salarial qui n’était justifié que par des théories infondées datant de cinquante ans et ce fut la plus forte réduction d’écart de salaires entre hommes et femmes dans l’histoire de notre pays. Rien, dans les circuits neuronaux, ne peut justifier une discrimination fondée sur une différence entre les hommes et les femmes.

Concernant la santé mentale des femmes, j’ai évoqué le cas spécifique du postpartum. Vous l’avez dit, la charge mentale peut aussi être vécue différemment. Je n’ai pas parlé de la question des violences faites aux femmes alors que nous avons beaucoup travaillé pour organiser les centres de prise en charge et d’accueil et que nous avons déployé d’importants moyens budgétaires. J’avais reçu Élisabeth Moreno dès après sa nomination et elle m’avait fait part de la nécessité d’accélérer leur déploiement : nous avons multiplié les budgets, me semble‑t-il, par cinq. Une vingtaine de ces maisons est en cours de réalisation, ce qui permettra également d’accompagner ces femmes sur un plan psychologique.

Les troubles du comportement alimentaire sont en effet plus fréquents chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes. Ils sont parfois plus insidieux et prennent des formes différentes. J’ajoute qu’un autre trouble comportemental est de plus en plus fréquent chez les jeunes adolescentes : la scarification. Cette tendance à se faire du mal et à se blesser, comme pour « graver » une image de soi différente, inquiète beaucoup les pédopsychiatres. Nous renforçons donc la filière pédopsychiatrique, les « chèques psy » permettant de lever les obstacles financiers pour consulter un psychologue. Nous renforçons les centres médico‑psychologiques (CMP) infanto-juvéniles ; nous menons des campagnes de prévention et de promotion de la santé. Les jeunes utilisent beaucoup le numéro national de prévention du suicide puisque plusieurs dizaines de milliers d’appels ont lieu, certains étant suivis de déplacements qui ont sans doute permis d’éviter nombre de passages à l’acte.

Faut-il traiter spécifiquement la santé mentale chez les femmes ? Les réseaux ont plutôt tendance à se structurer en fonction des pathologies et des troubles psychiques, les troubles du comportement alimentaire, par exemple, concernant aussi les hommes : l’anorexie est souvent présentée comme une maladie féminine, or, 5 % à 10 % des hommes en souffrent. L’approche de l’anorexie est donc la même pour un garçon ou une fille. Lors des assises de la santé mentale, les experts n’ont pas souhaité de différenciation.

La distribution des protections menstruelles fait l’objet d’initiatives locales ; nous lui consacrons chaque année 5 millions alors que nous sommes partis de rien. En 2020-2021, nous avons expérimenté une mise à disposition gratuite dans soixante-quatre collèges et lycées de l’académie de Lille afin de promouvoir la santé des élèves et de lutter contre les disparités économiques ainsi que les stéréotypes ; 6 000 protections périodiques ont été distribuées, 30 % des établissements expérimentateurs ont fait appel à des personnels formés en éducation de la sexualité, 63 % aux référents « égalité filles-garçons », 54 % à un partenaire extérieur comme le Planning familial, 77 % des établissements ont proposé un projet éducatif sur la puberté, la vie affective et sexuelle, l’égalité entre les filles et les garçons. En 2021, nous avons souhaité étendre cette expérimentation aux Alpes-Maritimes, à la Seine-Saint-Denis, aux Ardennes, aux Landes et à La Réunion. Je n’ai aucun doute quant à sa généralisation.

Je ne ferai pas d’annonce ici mais, dans les prochaines semaines, vous aurez satisfaction à propos de la qualité des protections menstruelles.

Je ne rouvrirai pas le débat sur la liberté d’installation des médecins. Une obligation d’installation est possible lorsque le nombre de médecins est pléthorique ; en période de pénurie, celle-ci serait aggravée. Si trois ou quatre médecins s’installent dans un désert médical, les autres zones en difficulté, fussent-elles un peu moindres, en pâtiront. Si vous dites que plus aucun médecin ne pourra s’installer à Tarbes pendant cinq ans parce que la démographie médicale de ce territoire se situe un peu au-dessus de la moyenne, la population protestera, considérant qu’elle manque déjà de médecins traitants. Empêcher des médecins de s’installer à un endroit ne les contraindrait pas à s’installer où on le souhaiterait et risquerait de creuser les inégalités territoriales. De plus, le vieillissement de la population des médecins entraîne des évolutions rapides : une zone considérée comme surdotée peut rapidement devenir un désert médical. À Calvi, le nombre de médecins est ainsi passé de onze à quatre en dix mois !

Il n’en reste pas moins qu’il faut favoriser l’accès à la santé en milieu rural pour tous. C’est pourquoi nous déployons télémédecine, assistants médicaux et communautés professionnelles territoriales de santé. Je me bats d’ailleurs contre les corporatismes et pour que soient reconnues à des soignants non médicaux des compétences pleinement acquises par l’expérience : infirmières à pratique avancée, développement des compétences des auxiliaires de puériculture, infirmières de bloc opératoire – IBODE –, qui passent au niveau master. Dans tous ces métiers féminisés, non par nature mais par culture, il importe de valoriser les compétences et de reconnaître les qualifications par l’apprentissage afin de leur donner une nouvelle impulsion.

S’agissant de l’infertilité, le rapport qui me sera remis ce vendredi par Samir Hamamah et Salomé Berlioux – dont je connais déjà les « bonne feuilles » ! – montre que le rythme des naissances est inférieur à celui qui est nécessaire pour assurer le renouvellement de population. Beaucoup avanceront des raisons fiscales mais je n’en suis pas convaincu. Les aides, le quotient ou les allocations, sont indispensables pour ne pas freiner financièrement le projet parental de quiconque mais je ne crois pas que la modulation de quelques pourcents de l’un ou l’autre indicateurs soit motivante. La crise du covid a entraîné une baisse de la natalité – laquelle avait commencé avant –, ce qui incite à considérer la question de l’immigration sous un angle différent de celui dans lequel on voudrait nous enfermer. Nous aborderons également la question de l’infertilité à partir des facteurs de risques, ceux qui sont connus et ceux qui sont suspectés mais non démontrés, ainsi que les parcours de prise en charge.

Après deux ans, je regrette que le volet de la santé environnementale n’ait pas été suffisamment considéré car j’y crois beaucoup. La sortie de la crise du covid peut être l’occasion d’aller plus loin.

Nous avons beaucoup évolué sur la question de la conservation de gamètes grâce à la loi de bioéthique, dont j’aurais pu parler.

Enfin, dans le cadre du Ségur de la santé, des crédits ont été déployés pour les femmes dont la situation sanitaire est la plus précaire. Des équipes mobiles ont été organisées, notamment en Île-de-France. J’ai financé les premiers lits « halte soins de suite » destinés exclusivement aux femmes dont la situation sociale, après leur accouchement, est particulièrement précaire. J’ai été bouleversé par la vie de ces femmes, qui donnent envie de se battre pour changer l’humanité, des femmes qui ont traversé des continents, des mers et des océans, qui ont été violées, qui ont subi de nombreuses violences et qui veulent élever leur enfant. Sans doute faut-il faire beaucoup mieux mais je compte sur vous, dont je connais les engagements.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Nous n’avons pas parlé de ce sujet important qu’est la PMA…

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Nous avions anticipé 3 000 demandes de PMA en un semestre et nous en sommes à 7 000 ! La loi était donc très attendue, ce qui répond aussi à vos questions sur la natalité. Nous avons reconnu des modèles familiaux qui, jusqu’ici, ne l’étaient pas. J’ai rencontré un couple de femmes qui m’a dit : « Nous sommes arrivées dans un hôpital où on nous parlait français, contrairement à la Belgique, côté flamand, où nous étions allées. Nous sommes allées dans une pharmacie française, avec une ordonnance française, et nous n’avons pas honte. On a l’impression d’être des citoyennes à part entière ».

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Si ce sont les femmes qui portent les enfants, le congé paternité est aussi un immense progrès en matière d’égalité entre les femmes et les hommes !

Je vous remercie.

 

 

 


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   annexe 1 :
liste des personnes entendues par la délégation
et par vos rapporteurs

I.   partie lutte contre les violences faites aux femmes

auditions de la délégation

Le 1er décembre 2021

– M. Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la justice

Le 8 décembre 2021

Table ronde relative à l'évaluation des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes :

– Mme Elisabeth Moireau‑Braud, secrétaire générale de la MIPROF ;

– Mme Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid-France ;

– Mme Françoise Brié, directrice générale de la Fondation nationale Solidarité femmes ;

– M. Benoît Durieux, de l’Association Solfa, directeur du Pôle hébergement insertion responsabilisation.

II.   partie diplomatie féministe

auditions de la délégation

 Mme Delphine O, ambassadrice, secrétaire générale du Forum génération égalité

 Docteur Denis Mukwege, gynécologue, fondateur de la Fondation Panzy et prix Nobel de la paix 2018

Table ronde relative à l’évaluation des mesures de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur la scène internationale

 Mme Nicole Ameline, experte internationale, membre du comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ;

 Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France ;

 Mme Ludovica Anedda, chargée de plaidoyer Égalité-genre chez Care France, cheffe de file de la commission Genre et développement de la plateforme Coordination Sud ;

 Mme Sharlen Sezestre, responsable plaidoyer international du Planning familial, également membre de cette commission.

III.   partie santé des femmes

A.   auditions de la délégation

8 février 2022

– M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la santé

9 février 2022

– Mme Catherine Vidal neurobiologiste, co fondatrice du groupe « Genre et recherches en santé » au sein du Comité d'éthique de l’Inserm, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, auteure du rapport : « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner »

B.   auditions CONDUITES PAR LES RAPPORTEURES

9 février 2022

Association « Donner des Elles à la santé »

– Dr Géraldine Pignot, urologue, institut Paoli Calmettes, Marseille, présidente ;

– Pr Cécile Badoual, vice-présidente Formation Université de Paris,
Cheffe de service d’Anatomo-Pathologie Hôpital européen Georges Pompidou, INSERM U970 PARCC Equipe 10, Consultation multidisciplinaire HPV ;

– Dr Catherine Auzimour, présidente de Sirius-Customizer, trésorière ;

– Dr Coraline Hingray, psychiatre CPN CHRU Nancy, MD PhD, secrétaire.

« Mauvais traitements : pourquoi les femmes sont mal soignées »

– Mmes Delphine Bauer et Ariane Puccini, auteures de l’ouvrage

IV.   partie parité

auditions CONDUITES PAR LE RAPPORTEUR

● Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE)

– Mme Agnès Arcier, Présidente de la Commission Parité du HCE ;

– Mme Mahaut Chaudouët-Delmas, rapporteure ;

– Mme Reine Lépinay, membre de la commission parité du HCE

● Association des maires ruraux de France (AMRF)

– Mme Nadine Kersaudy, membre du Bureau de l’AMRF

● Association des communautés de France (ADCF)

– Mme Virginie Carolo-Lutrot, première vice-présidente

● Association « Elles aussi »

– Mme Danièle Bouchoule, co-présidente

● Association « Élues locales »

– Mme Julia Mouzon, présidente et fondatrice


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   Annexe 2 : évaluation des crédits de la diplomatie féministe de la france

Les tableaux ci-dessous décrivent les crédits relevant de la diplomatie féministe de la France. Ils ont été fournis à vos rapporteures par les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Évaluation des crédits de politique extérieure retracés dans le DPT Égalité entre les Femmes et les Hommes, loi de finances pour 2022 (en euros).

Action 2 - Aide bilatérale

exprimée en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP)

 

(chiffres en euros) 

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Don projet (via l’AFD)

95 000 0000

ND

125 000 000

ND

135 750 000 ([50])

ND

Don-ONG (via l’AFD)

8 000 000

ND

9 000 000

ND

11 500 000

ND

Projets des postes à l’étranger

73 500 000

73 500 000

73 500 000

73 500 000

73 500 000

73 500 000

Projets FSPI

45 178 759

45 178 759

44 072 624

44 072 624

47 000 000

47 000 000

TOTAL AIDE BILATÉRALE

221 678 759

118 678 759

251 572 624

117 572 624

267 750 000

120 500 000

Action 5 - Aide multilatérale

 

UNICEF

10 900 000

10 900 000

12 350 000

12 350 000

12 350 000

12 350 000

ONU FEMMES

2 415 000

2 415 000

5 605 000

5 605 000

5 605 000

5 605 000

PNUD

1 141 882

1 141 882

1 481 367

1 481 367

1 481 367

1 481 367

FNUAP

2 215 000

2 215 000

1 045 000

1 045 000

0

0

Muskoka

11 500 000

11 500 000

10 309 279

10 309 279

10 309 279

10 309 279

AFAWA

 

 

4 500 000

 

 

4 500 000

 

 

4 500 000

 

 

4 500 000

 

 

4 500 000

 

4 500 000

Fonds D.MUKWEGE

1 400 000

1 400 000

2 600 000

2 600 000

2 620 000

2 620 000

FNUAP - Coalition sur les Droits et la santé sexuelle et reproductive (DSSR) du Forum Génération Égalité

0

0

18 000 000

18 000 000

18 000 000

18 000 000

Forum Génération Égalité

0

0

7 000 000

7 000 000

2 000 000

2 000 000

TOTAL AIDE MULTILATÉRALE

34 071 882

34 071 882

62 890 646

62 890 646

56 865 646

56 865 646

   Annexe 3 :
liste des ministres auditionnés par la délégation
au cours de la législature et déplacements effectués

Ministres auditionnés par la Délégation de juillet 2017 à juillet 2018 :

      Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes :

     Mme Françoise Nyssen, ministre de la Culture, le 21 mars 2018, sur les femmes et la culture et sur la feuille de route « Égalité  2022 » annoncée en février 2018 ;

     M. Jean Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, le 9 mai 2018, dans le cadre de la mission d’information sur les femmes et les sciences ;

     Mme Muriel Pénicaud, ministre du Travail, Le 29 mai 2018, sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

 

Ministres auditionnés par la Délégation de septembre 2018 à juillet 2019 :

     Mme Florence Parly, ministre des Armées, le 19 septembre 2018, dans le cadre du rapport d’information sur les femmes et les forces armées ;

     M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, le 11 avril 2019, sur le projet de loi de transformation de la fonction publique ;

     Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, le 26 juin 2019 ;

     Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, le 10 juillet 2019.

 

Ministres auditionnés par la Délégation de septembre 2019 à juillet 2020 :

     M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, le 10 septembre 2019, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales ;

     Mme Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 18 septembre 2019, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales ;

     M. Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement, auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, le 2 octobre 2019, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales ;

     M. Adrien Taquet, Secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, le 30 octobre 2019, dans le cadre de la mission d’élaboration du Livre Blanc de la Délégation sur la lutte contre les violences conjugales ;

     Mme Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées, le 6 novembre 2019, dans le cadre de la mission d’élaboration du Livre Blanc de la Délégation sur la lutte contre les violences conjugales ;

     Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, le 21 janvier 2020, pour évoquer les violences physiques et psychiques faites aux femmes, mais également les violences économiques qu’elles subissent.

 

Ministres auditionnés par la Délégation de septembre 2020 à juillet 2021 :

     Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, le 22 septembre 2020, sur la mise en œuvre du Grenelle des violences conjugales.

 

Dans le cadre des travaux de la mission d’information sur l’égalité économique
et professionnelle :

     Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, le 17 décembre 2020 ;

     M. Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des finances et de la relance, le 18 janvier 2021 ;

     Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, le 26 janvier 2021 ;

     Mme Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l'emploi et de l'insertion, le 16 février 2021.

     M. Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des communications électroniques, le 10 mars 2021 ;

     M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises, le 7 avril 2021.

 

     M. Éric DupondMoretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 2 mars 2021, dans le cadre des travaux sur la lutte contre les violences conjugales et les violences sexuelles et sexistes ;

     M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le 24 juin 2021, dans le cadre de la mission d’information sur les stéréotypes de genre ;

     Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, le 22 juillet 2021, au sujet de la réforme de la haute fonction publique.

 

Ministres auditionnés par la Délégation de septembre 2021 à février 2022 :

     Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, le 28 septembre 2021, sur le projet de loi de finances pour 2022 ;

     Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, le 17 novembre 2021, dans le cadre de la mission d’information sur l’égalité économique et professionnelle ;

     M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, le 1er décembre 2021, dans le cadre de la mission d’évaluation des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes ;

     M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, le 19 janvier 2022, sur la situation des femmes dans le monde rural ;

     M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, le 8 février 2022, dans le cadre de la mission d’information sur la santé des femmes ;

     M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité, le 15 février 2022, sur la situation des femmes dans le monde rural ;

 

Déplacements à l’étranger effectués par les membres de la Délégation

 

Déplacement à Boston aux États-Unis du 20 au 24 octobre 2017 :

dans le cadre d’un symposium international sur le thème « Éduquer pour l’égalité femmes-hommes » et organisé par le Consulat général de France ;

Déplacement à Reykjavik en Islande fin novembre 2017 :

S’étant effectué dans le cadre de la réunion annuelle du forum des femmes leaders politiques ;

Déplacement à Bruxelles (Belgique) le 8 mars 2018 :

Participation à la journée internationale de la femme organisée par la Commission des Droits de la Femme et de l’Égalité des Genres (FEMM) du Parlement européen ;

Déplacement à Genève (Suisse) les 1er et 2 octobre 2018 :

Participation à la conférence régionale de la Commission économique pour l’Europe sur la population et le développement des Nations Unies.

Déplacement en Suède des rapporteures de la mission d’information sur le viol les 22 et 23 janvier 2018 :

Est intervenu dans le cadre de la mission d’information sur le viol ;

Déplacement à Strasbourg, au siège du Conseil de l’Europe, le 20 septembre 2018 :

Intervention d’un membre de la Délégation à la conférence régionale sur « La prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes ;

Déplacement à New York début mars 2019 

À l’occasion de la 63e session de la conférence sur le statut des femmes des Nations Unies ;

Déplacement à Bruxelles le 8 mars 2019 

Participation à la journée internationale des droits des femmes, organisée par la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM) du Parlement européen ;

Déplacement à Madrid (Royaume d’Espagne) les 12 et 13 février 2020

Dans le cadre de la mission d’information sur l’accès à l’IVG ;

Déplacement à Amsterdam (Royaume des Pays-Bas) les 19 et 20 février 2020

Dans le cadre de la mission d’information sur l’accès à l’IVG 

Déplacement en Suède des 15 à 17 septembre 2021

Dans le cadre de la mission d’information sur l’égalité économique et professionnelle.

Déplacement à Madrid (Royaume d’Espagne) les 17 et 18 février 2022

Dans le cadre de la mission d’information sur l’égalité économique et professionnelle.

 


([1]) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

([2]) Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’élaboration du Livre blanc de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes portant sur la lutte contre les violences conjugales, n° 2396 déposé le 6 novembre 2019, et consultable ici https://assnat.fr/6bxSS7

([3])  Rapport d’information n° 2695 de Mme Fiona Lazaar sur la reconnaissance du terme de « féminicide », adopté le 18 février 2020 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b2695_rapport-information#

([4])  Voir le rapport n° 4517 « Stéréotypes de genre : s’en affranchir pour parvenir à l’égalité » de M. Gaël Le Bohec et Mme Karine Lebon, adopté par la Délégation le 6 octobre 2021, consultable ici : https://assnat.fr/6uqrc8

([5])  rapport d’information n° 721 de Mmes Sophie Auconie et Marie-Pierre Rixain du 22 février 2018 sur le viol et consultable ici https://assnat.fr/yKrK5Z

([6]) Rapport d’information n° 895 de M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain du 19 avril 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, consultable ici https://assnat.fr/x6VzJP

([7]) Selon les analyses du Mouvement du Nid de France, http://www.psytel.eu/PSP/documents/Fiche410.pdf

([8])  Op. cit.

([9]) Rapport d’information n° 3809 de Mme Marie-Pierre Rixain adopté le 26 janvier 2021.

([10]) La France a ratifié la convention d’Istanbul le 4 juillet 2014.

([11]) Loi n° 2021-1458 du 8 novembre 2021 autorisant la ratification de la convention n° 190 de l’OIT relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

([12])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044559192

([13])  Texte adopté sur le fondement d’une proposition de loi déposée par Mme Marie-Pierre Rixain rapporteure.

([14]) Rapport d’information n° 1358 du 31 octobre 2018 de M. Guillaume Gouffier-Cha sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, consultable ici https://assnat.fr/o4APGs

([15])  Rapport d’information n° 2184 du 23 juillet 2019 de Mme Sophie Auconie et M. Guillaume Gouffier-Cha sur le régime fiscal des pensions alimentaires, consultable ici https://assnat.fr/pKGibS

([16])  Rapport d’information n° 844 de Mmes Mireille Clapot et Laurence Dumont déposé le 4 avril 2018 par la commission des affaires étrangères sur la place des droits des femmes dans la diplomatie française :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b0844_rapport-information#

([17])  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043898536

([18])  Voir l’audition : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.11721099_61dd7d340ec51.delegation-aux-droits-des-femmes--mme-delphine-o-ambassadrice-secretaire-generale-du-forum-genera-11-janvier-2022

([19])  La Délégation n’ayant pas adopté de recommandation sur les montants des ressources dévolues à la diplomatie parlementaire, cette évaluation est retranscrite à titre d’information en annexe 2.

([20])  Voir la table ronde : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.11662210_61b9e5178b298.delegation-aux-droits-des-femmes--evaluation-des-mesures-de-promotion-de-l-egalite-entre-les-femmes-15-decembre-2021

([21]) Rapport d’information n° 3809 de Mme Marie-Pierre Rixain, fait au nom de la Délégation, adopté le 26 janvier 2021 et consultable ici : https://assnat.fr/ikgaDZ

([22]) https://assnat.fr/68Onc6  

([23]) Rapport d’information n° 3886 de M. Guillaume Gouffier-Cha, fait au nom de la Délégation, adopté le 12 février 2021, consultable ici : https://assnat.fr/IEcFVb

([24]) La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1981 après avoir été ratifiée par 20 pays.

([25])  L’audition de M. Cyril Cosme par la Délégation est accessible ici : https://assnat.fr/CaOLOc

([26]) Loi n° 2021-1458 du 8 novembre 2021 autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l'Organisation internationale du Travail relative à l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, accessible ici https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044300214.

([27]) loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

([28]) Rapport d’information n° 3886 du 12 février 2021 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

([29]) Rapport d’information n° 3886 du 12 février 2021 de M. Guillaume Gouffier-Cha.

([30])  Op. cit.

([31])  Pour mémoire, les crédits du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement concourent à l’égalité femmes-hommes. Le document de politique transversale « Egalite entre les femmes et les hommes » annexé à la loi finance pour 2022, qui décrit ce concours en légère baisse, indique qu’il permet de financer pour deux tiers des aides bilatérales (à hauteur de 120,5 millions d’euros) et pour un tiers des projets multilatéraux (pour un montant de 56,8 millions d’euros), au profit de projets fondés sur une approche transversale du genre, portés notamment par l’UNICEF et le Fonds des Nations unies pour la population.

([32])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.11733983_61dedc6e33420.delegation-aux-droits-des-femmes--conference-du-docteur-denis-mukwege-gynecologue-fondateur-de-la-12-janvier-2022

([33])  Op. cit.

([34]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b1986_rapport-information#

([35]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b2691_rapport-information

([36])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b3343_rapport-information#

([37]) Voir la proposition de loi : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4833_proposition-loi#

([38])  Op. cit.

([39])  Op. cit.

([40]) Proposition de résolution n° 4766 visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée https://assnat.fr/lu32Qd  

([41])  Op. cit.

([42])  Voir le dossier législatif correspondant :

 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/renforcement_parite_fonctions_electives_communes

([43])  Consultable sur :

https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_-_rapport_-_comment_obtenir_la_parite_au_sein_des_communes_et_intercommunalite_s_-_freins_et_leviers-3.pdf

([44]) Rapport d’information n° 896 de Mme Isabelle Rauch, consultable ici https://assnat.fr/QzVaqP  

([45])  Rapport d’information n° 1095 de Mme Marie-Pierre Rixain, consultable ici https://assnat.fr/Tu9NB5

([46])  Rapport d’information n° 1736 de Mme Marie-Pierre Rixain, consultable ici https://assnat.fr/TsQuzU  

([47])  Loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000037284338/

([48])  Proposition de loi n° 4587 déposée par Mme Élodie Jacquier-Laforge, dossier législatif consultable ici https://assnat.fr/et5ETN

([49])  Pour mémoire, le mode de scrutin prévoit actuellement une élection au scrutin majoritaire des membres des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants sans qu’il soit fait obligation de présenter des listes paritaires, les candidats pouvant présenter une candidature isolée ou groupée, les électeurs ayant la possibilité de rayer des noms (« panachage ») sur un même bulletin de vote.

([50])  Prévisionnel.