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N° 1678

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale
et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])

 

relative à la fiscalité du patrimoine

 

MM. Jean-Paul MATTEI et Nicolas SANSU
Rapporteurs

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La mission d’information est composée de : MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, rapporteurs, Mme Christine Arrighi, M. Michel Castellani, M. Fabien Di Filippo, M. Daniel Labaronne, Mme Christine Pires Beaune, M.Xavier Roseren et M. Alexandre Sabatou, membres.

 


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SOMMAIRE

 

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Pages

AVANT-PROPOS

Avant-propos du rapporteur Jean-Paul Mattei

Avant-propos du rapporteur Nicolas Sansu

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

INTRODUCTION

I. À la hausse des inégalités de patrimoine répond une fiscalité patrimoniale dynamique

A. Le patrimoine des mÉnages Français croît de façon continue mais est distribuÉ de façon de plus en plus inÉgalitaire

1. Un patrimoine composé d’actifs réels et d’actifs financiers

a. Le patrimoine des ménages est principalement constitué de biens immobiliers

b. Le patrimoine financier des ménages comprend près d’un tiers d’actifs risqués

c. Le patrimoine professionnel est concentré dans le haut de la distribution

2. Les différences patrimoniales sont croissantes depuis vingt ans.

a. Les caractères de la répartition des patrimoines

b. Le vieillissement de la détention du patrimoine

c. Des inégalités alimentées par la part croissante du patrimoine hérité

B. Une fiscalitÉ qui mobilise l’ensemble des leviers et procure un rendement ÉlevÉ et dynamique dans un cadre juridique contraint

1. La taxation de la détention, de la transmission et des revenus du patrimoine des ménages.

a. Des motifs d’imposition complémentaires et éprouvés par l’histoire

b. Des enjeux de cohérence et de lisibilité

2. Des rendements dynamiques, tirés par la hausse des prix de l’immobilier

3. Des niveaux de prélèvements plus élevés que la moyenne de nos partenaires

4. Un cadre juridique garant du droit de propriété et de l’égalité des contribuables devant les charges publiques

a. L’imposition des revenus ou de la détention du patrimoine ne doit pas conduire à rendre l’impôt confiscatoire

b. Les différenciations fiscales doivent respecter le principe d’égalité entre contribuables nationaux et européens

c. Le principe de garantie des droits invite à limiter l’instabilité des règles fiscales

C. Une connaissance de l’impôt à améliorer aux fins, notamment, d’un meilleur contrôle

1. Des remontées d’informations insuffisantes

2. Une priorité du contrôle bien identifiée, une augmentation des moyens dédiés à confirmer

a. L’organisation du contrôle fiscal des particuliers

b. Le contrôle fiscal

II. Les rÉformes envisageables À ÉchÉances proches et lointaines

A. Détention et revenus du capital financier

1. La cohérence d’ensemble de la réforme de la fiscalité du capital appliquée depuis 2018 n’interdit pas d’y apporter des ajustements ou d’en proposer le dépassement

a. La suppression de l’imposition sur la détention du patrimoine financier

b. La réforme de l’imposition des revenus du capital a simplifié le prélèvement et amélioré le rendement budgétaire en incitant à accroître les distributions de dividendes

c. La mise en place du PFU a permis de revoir le périmètre de certaines dépenses fiscales en matière d’épargne

d. Les perspectives d’accroissement de la contribution des revenus financiers aux finances publiques ne sauraient être écartées

2. Une nouvelle réforme de la fiscalité du capital financier pourrait porter tant sur les bénéfices des sociétés que sur les revenus financiers des personnes physiques

a. La fiscalité des dividendes et des plus-values ne saisit qu’une petite partie des distributions auxquelles procèdent les entreprises

b. Les ménages les plus fortunés ont ainsi la possibilité de conserver, avec peu ou pas de fiscalité, une part élevée de leurs revenus financiers sous forme de plus-values latentes ou de liquidités des sociétés patrimoniales qu’ils contrôlent

c. Les travaux récents de l’IPP montrent que ces dispositifs contribuent à atténuer considérablement la progressivité du système fiscal

d. Les futures réformes peuvent s’intéresser à la notion de « revenu économique » sans pour autant ignorer la personne morale ou fiscale.

B. La fiscalité des successions et des donations

1. La stabilité actuelle de la fiscalité des successions et donations contribue au dynamisme du rendement

a. Un cadre fiscal stable depuis 10 ans après une forte instabilité dans la période antérieure

b. Une fiscalité qui pèse peu, en ligne directe, sur les patrimoines moyens et qui épargne largement les patrimoines les plus élevés

2. Des ajustements envisageables à brève échéance

a. Un préalable indispensable : mettre à profit la modernisation en cours du recouvrement des DMTG pour en mesurer les effets redistributifs

b. Toute réforme du barème et des abattements des DMTG devra prioritairement réduire les écarts d’impositions entre lignes directe et indirecte

c. Les éventuels régimes dérogatoires en faveur des donations doivent être soigneusement encadrés

d. Normaliser la fiscalité des transmissions hors successions

3. Transmissions d’entreprises : objectiver le coût du dispositif « Dutreil », mieux en encadrer les avantages

a. Un dispositif très favorable, dont les conditions ont été continûment assouplies

b. Un coût probablement très élevé et une connaissance insuffisante de ses usages et de ses effets

c. Un encadrement supplémentaire peut être proposé

4. Des réformes structurelles sont susceptibles de rendre la fiscalité des transmissions plus redistributrice

a. Une fiscalité fondée sur le « flux successoral total » perçu tout au long de la vie mettrait en échec les stratégies d’optimisation successorale

b. Un aménagement du principe d’effacement de la plus-value lors des transmissions à titre gratuit mettrait à contribution les patrimoines les plus importants

C. Fiscalité de l’immobilier

1. L’IFI : un impôt imparfait qui doit être adapté

a. Un impôt focalisé sur la richesse immobilière, qui pèse excessivement sur les classes moyennes

b. L’abattement de 30 % sur la résidence principale : un dispositif à plafonner

c. Un impôt insuffisamment progressif en raison notamment du dispositif de plafonnement

d. Le caractère purement déclaratif de l’IFI pose des difficultés tant pour les contribuables que pour l’administration fiscale

2. Revenus fonciers : revenir sur les incitations à la location meublée non professionnelle.

a. Les revenus issus de la location meublée ou de la location nue sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR) selon différentes modalités fiscales.

b. La comparaison des différents régimes fiscaux montre un avantage fiscal en faveur de la location meublée non professionnelle et touristique de courte durée.

c. Un alignement progressif du régime fiscal de la location meublée non professionnelle sur le régime fiscal de la location nue permettrait de supprimer cette distorsion fiscale.

d. Définir un statut spécifique de l’investisseur immobilier

3. Les taxes sur les logements vacants

4. La fiscalité des plus-values immobilières doit être rendue plus neutre sur les choix de cession ou de rétention

5. Les taxes foncières, un impôt à rénover

a. Les taxes foncières sont un impôt insuffisamment progressif pesant essentiellement sur les ménages

b. Une base d’imposition obsolète : la nécessité de repenser la valeur locative cadastrale

c. Une connaissance de l’impôt à améliorer

6. Les droits de mutation à titre onéreux, un impôt essentiel dont l’impact sur les transactions immobilières doit être limité

a. Les DMTO représentent une ressource centrale des départements, qui demeure cependant trop volatile

b. L’enjeu de la fluidification du marché : la proposition d’imputer des DMTO déjà payés sur ceux à payer par la suite

c. Les enjeux de l’évitement par montages sociétaires

TRAVAUX DE LA COMMISSION

CONTRIBUTION DES GROUPES POLITIQUES

Contribution du groupe RN

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION

 


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   AVANT-PROPOS

Avant-propos du rapporteur Jean-Paul Mattei

« Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes »

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1784.

C’est avec ces mots, mis dans la bouche du valet du Comte Almaviva, que Beaumarchais critique à la veille de la Révolution la société d’Ancien régime, fondée sur la naissance, l’héritage et la rente.

C’est en opposition à cette inégalité de l’Ancien régime que se sont construits notre culture politique, notre système juridique et notre modèle de société – avec comme pierre de taille la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Non contente de proclamer la liberté et l’égalité des hommes dès la naissance, elle fixe à mon sens, encore aujourd’hui, les objectifs et les limites du pouvoir politique.

En matière fiscale, l’article 13 affirme ainsi la nécessité de l’impôt mais aussi – et peut être surtout – sa juste répartition entre « tous les Citoyens à raison de leurs facultés » créant de fait un principe de progressivité de l’imposition globale de tous les contribuables. En un mot, les plus aisés doivent contribuer plus largement que les moins bien dotés au financement des politiques, qu’elles soient sociales, régaliennes ou économiques. Cette progressivité ne saurait néanmoins pas être la seule conclusion qui puisse être tirée de cet article 13. L’égalité devant l’impôt doit aussi s’entendre comme une limite au pouvoir du législateur en dépit des volontés de certains : le niveau d’impôt, même pour les mieux dotés, ne doit pas être déraisonnable – conduisant à l’injustice inverse.

Plus encore, la Déclaration pose le principe cardinal de l’inviolabilité du droit de propriété – qui se voit consacrée comme une liberté individuelle.

Le législateur que je suis garde, en toutes circonstances, ces deux valeurs – étant aidé en cela par le Conseil constitutionnel qui depuis 1958 a su développer une jurisprudence de plus en plus en précise en la matière.

C’est en gardant à l’esprit cette pensée qui remonte à 1789 que j’ai souhaité préparer ce rapport sur la fiscalité du patrimoine avec mon collègue Nicolas Sansu. Ce rapport vise en premier lieu à faire un état des lieux du patrimoine en France, nous permettant de constater une hausse des inégalités en la matière au cours des dernières décennies. Si cette croissance reste modérée en comparaison d’autres pays développés comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, elle doit toutefois nous conduire à nous interroger sur ses raisons et proposer des solutions.

Le travail que nous présentons, ainsi que les études de nombreux économistes, permettent d’avancer plusieurs tendances de fond.

Peut ainsi être relevée la politique monétaire non conventionnelle qui, certes, a permis de préserver au cours de la dernière décennie l’économie et des emplois, mais aussi conduit à une inflation importante de la valeur des actifs financiers et de l’immobilier au bénéfice des plus aisés. De même, le vieillissement de la population conduit à une concentration du patrimoine dans les catégories les plus âgées – à rebours peut-être des besoins de la société.

Les inégalités sont aussi dues à des déséquilibres du système économique, déséquilibres renforcés par la mondialisation, l’émergence de l’économie numérique et une forme de financiarisation de l’économie.

Ces raisons ne sont pas toutes condamnables par nature ! Toutefois, certaines sont appelées à s’amplifier à court et à moyen terme – alors que nous faisons face à des défis de plus en plus importants, au premier rang desquels le changement climatique.

Ce contexte nous conduit, par le biais de ce rapport, à interroger le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine. Nous avons, avec mon co-rapporteur Nicolas Sansu et les membres de la mission d’information que je souhaite remercier pour leur importante participation, organisé de nombreuses auditions avec des économistes, des praticiens des mondes juridiques, administratifs, financiers et immobiliers, mais aussi des associations et des syndicats nous permettant d’avoir un tableau que j’espère complet du sujet. Je voudrais aussi, en mentionnant le travail que nous avons effectué, remercier vivement les administrateurs de l’Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans la préparation de ce rapport.

Nous concluons de ce travail que le modèle actuel de fiscalité du patrimoine n’est plus tout à fait en adéquation avec les besoins contemporains – ce qui appelle des évolutions. Nous formulons ainsi 27 recommandations communes, mais aussi des propositions individuelles qui reflètent les différences politiques et philosophiques que nous pouvons avoir sur des sujets comme les donations ou encore la fiscalité du logement.

Ce rapport ne propose pas un « grand soir » fiscal Il dresse des pistes d’évolution de la fiscalité au regard des défis contemporains. Ces pistes doivent faire l’objet pour certaines d’une évaluation plus poussée, comme notre proposition de réforme de la taxation des plus-values immobilières ou encore la normalisation de la fiscalité de l’assurance-vie. D’autres ne peuvent, à l’instar du prélèvement exceptionnel sur le capital pour financer la lutte contre le changement climatique, être mises en place qu’à l’échelle de la France au risque de répéter les erreurs du passé.

Plus qu’un aboutissement, la présentation de ce rapport n’est ainsi à mon sens qu’un point d’étape dans notre réflexion collective dans la définition d’un système fiscal qui garantit l’équité, tout en encourageant l’éclosion de tous les talents.

 


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Avant-propos du rapporteur Nicolas Sansu

Le 6 septembre 2023, une chronique du journal économique mettait en exergue ce que tout le monde s’accorde à reconnaître « le travail ne paie plus et l’héritage est devenu la principale composante de la richesse des ménages. Nous avons basculé d’une société du mérite à une société de rentiers ».

Tous les chiffres corroborent ce basculement, déjà mis en évidence par des chercheurs en économie, tels que Thomas Piketty ou Gabriel Zucman. Ainsi, la fortune héritée représente aujourd’hui 60 % du patrimoine total, contre 35 % dans les années 1970. Cette dynamique tend à accroître les inégalités de patrimoine, comme cela fut le cas à fin du XIXe et au début du XXe siècle, renforcée par le phénomène autoentretenu d’accroissement du patrimoine et des revenus.

Cette concentration de richesse et sa reproduction au travers des générations dépassent largement le simple stade symbolique. Elle remet aujourd’hui directement en question notre pacte social, censé offrir à chacun, la possibilité d’évoluer dans la société. L’ascension sociale et l’émancipation constituent, pour beaucoup et malgré les inégalités sociales et culturelles, une aspiration mobilisatrice. Or, une société qui fige les situations personnelles de chacun de ses membres ne peut perdurer dans le temps.

En outre, la concentration de richesse remet également en cause le corollaire indispensable de notre pacte social, le consentement à l’impôt. À partir du moment où le respect du principe constitutionnel de capacité contributive apparaît comme rompu, mettant en exergue des patrimoines astronomiques qui, par de multiples mécanismes, minimisent leur contribution à la charge publique, comment demander des efforts au plus grand nombre ?

Urgence climatique, urgence sociale et urgence démocratique. Notre pays doit répondre à ces trois enjeux. Le creusement des inégalités patrimoniales constitue un frein pour répondre efficacement à ces enjeux.

C’est pourquoi, dans le respect des différences des deux co-rapporteurs, nous avons cherché à objectiver ce phénomène, afin de retrouver du sens et de faire en sorte que des chemins nouveaux soient explorés.

Nous avons ainsi mis en avant la notion de revenu économique, moins sujet aux manipulations que le revenu fiscal.

Nous avons également pointé le problème posé par les remontés de dividendes au sein des sociétés holdings, qui permet à certains contribuables de se soustraire totalement à l’impôt sur le revenu.

Nous avons également mis dans le débat la nécessaire contribution, au moins exceptionnelle, des plus hauts patrimoines pour financer notamment la transition écologique.

Nous nous sommes enfin intéressés au régime des transmissions successions, un domaine jusqu’alors largement inexploré et au sein duquel l’impératif de justice fiscale est encore plus essentiel. Nous avons ainsi mis en avant la nécessité de mieux encadrer certaines niches, parfois utiles économiquement mais très avantageuses, comme le pacte Dutreil, et poursuivi la réflexion sur la prise en compte du flux successoral tout au long de la vue, seul à même de limiter la reproduction générationnelle des très hauts patrimoines.

Nous avons mené ce travail avec rigueur, détermination, multipliant les auditions, les lectures et les échanges, en nous appuyant sur les compétences avérées des administrateurs de l’Assemblée nationale et de nos collaborateurs, que nous remercions pour leur qualité et leur disponibilité.

Nous partageons dans ce rapport 27 recommandations, issues de nos réflexions. Certaines font l’objet d’un consensus, d’autres sont plutôt portées par l’un ou l’autre des co-rapporteurs. Mais, toutes ont pour vocation à faire grandir l’idée que nous devons à la fois mieux assurer la justice fiscale, déterminer un niveau de prélèvements cohérent avec les choix collectifs de notre pays (services publics, collectivités locales, sécurité sociale), retrouver de la dynamique dans le cadre du pacte social.

Pour le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine au sein duquel je siège et qui rassemble les députés communistes ainsi que des députés progressistes ultra-marins, ce rapport constitue une pierre supplémentaire dans le combat mené de longue date pour faire participer le capital à sa juste mesure. Lors des discussions budgétaires pour 2024 et au-delà, nous porterons un certain nombre des recommandations du rapport, mais aussi d’autres propositions issues de ce travail mais qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus, notamment :

– la progressivité de la taxation des revenus, notamment ceux du capital ;

– la nécessité de raisonner en termes de revenu économique plutôt qu’en termes de revenu fiscal (plus facilement manipulable), en prenant notamment en compte dans le calcul de la base taxable des personnes les revenus non distribués par holding qu’il possède ;

– la taxation pérenne du stock de capital détenu par les personnes privées, notamment les très hauts patrimoines ;

– la nécessité de prendre en compte en compte le flux successoral reçu tout au long de la vie, afin de limiter l’héritage reçu.

 

 

 

 


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Fiscalité de la détention et des revenus du capital financier (ISF / PFU)

Recommandation n° 01 : Lors de la déclaration en ligne des revenus, améliorer l’information pour permettre aux contribuables ayant intérêt à voir leurs revenus mobiliers imposés au barème de l’impôt sur le revenu (IR) d’opter plus aisément pour cette modalité d’imposition.

Recommandation n° 02 : Étudier la possibilité d’appliquer une retenue à la source sur les plus-values mobilières.

Recommandation  03 : Déterminer la fiscalité applicable aux revenus d’assurance-vie en fonction de l’ancienneté réelle des versements et non de la date d’ouverture du contrat.

Recommandation n° 04 : Repenser le régime fiscal de l’épargne retraite afin que ses avantages ne soient pas concentrés sur les contribuables à hauts revenus.

Recommandation n° 05 : Pour accroître la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques, prévoir une hausse modérée, par exemple de trois points, du taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU) à l’IR.

Recommandation n° 06 : Pour financer les nécessaires investissements dans la transition climatique, envisager la mise en place au niveau européen de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le patrimoine des contribuables les plus riches, dont le montant serait calibré ex ante en fonction du coût anticipé pour les finances publiques

Recommandation n° 07 : Lancer une réflexion sur un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches, afin de financer des aides aux pays les plus pauvres.

Recommandation n° 08 : Pour faire mieux contribuer le patrimoine financier conservé dans des holdings patrimoniales, relever les différentes quotes-parts pour frais et charges (QPFC) applicables aux remontées de dividendes ou aux plus-values de cessions de participations.

 

 

Fiscalité des donations et des successions

Recommandation n° 09 : Accorder à la DGFiP les moyens nécessaires pour mener à bien de façon prioritaire la modernisation de l’enregistrement des déclarations de donations et successions (e-Enregistrement).

Recommandation n° 10 : Traiter de façon exhaustive les informations figurant dans les déclarations de donations et successions pour déterminer la progressivité effective des DMTG, et pour connaître l’incidence, à ce titre, du barème, des abattements et des dispositifs successoraux de faveur selon les niveaux de revenus et de patrimoine des bénéficiaires.

Droits de mutation à titre gratuit

Recommandation n° 11 : Apporter au barème et aux abattements des DMTG des évolutions visant prioritairement à réduire les écarts de fiscalité selon le degré de parenté pour adapter la fiscalité aux évolutions des schémas familiaux et en particulier réduire les différences de traitement fiscal entre enfants au sein des familles recomposées.

Recommandation n° 12 : Adapter les bornes d’âge applicable à l’exonération de droits aux titres de dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété dans un cadre familial.

Assurance-vie et PER

Recommandation n° 13 : Aligner le taux marginal supérieur du prélèvement applicable aux transmissions d’assurance-vie sur le taux marginal supérieur applicable aux successions en ligne directe.

Pacte Dutreil

Recommandation n° 14 : Rassembler et diffuser des informations exhaustives sur l’utilisation des pactes Dutreil, les catégories d’entreprises bénéficiaires, la distribution des avantages fiscaux qu’il procure et les durées effectives de détention des titres transmis.

Recommandation n° 15 : Définir de manière plus précise la notion d’activité d’une société.

Autres

Recommandation n° 16 : Pour garantir un traitement fiscal plus équitable en cas de cession à titre onéreux des titres transmis sous le régime d’un pacte Dutreil, retenir pour le calcul de la plus-value de cession réalisée, comme valeur d’acquisition des titres, la valeur des titres au jour de leur transmission à titre gratuit après application de l’exonération de 75 %.

 

Fiscalité immobilière

IFI

Recommandation n° 17 : Indexer le seuil d’assujettissement à l’IFI sur l’inflation.

Recommandation n° 18 : Plafonner l’abattement de 30 % sur résidence principale existant dans l’assiette de l’IFI à 600 000 euros.

Recommandation n° 19 : Mettre en place un système de pré-remplissage des déclarations IFI par la DGFiP, et examiner la possibilité de mettre en place un système de tiers déclarants, qui serait sécurisant pour le contribuable et une garantie sur la qualité de la déclaration.

Revenus fonciers

Recommandation n° 20 : Mettre en place un régime foncier unique intermédiaire entre les actuels régime micro-foncier applicable à la location nue et régime micro-BIC applicable à la location meublée

Plus-values immobilières

Recommandation n° 21 : Remplacer les abattements pour durée de détention par l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction d’un indice statistique (inflation, coût de la construction) pour déterminer la plus-value imposable. L’exonération sur la résidence principale serait maintenue. En raison du côté systémique de la mesure, prévoir un délai de prévenance.

Taxes foncières

Recommandation n° 22 : Faire en sorte que la révision des valeurs locatives cadastrales soit bien mise en œuvre d’ici 2028.

Recommandation n° 23 : Réfléchir à un critère de revalorisation annuelle des valeurs locatives cadastrales qui reflète davantage l’évolution des marchés immobiliers locaux.

Recommandation n° 24 : Lancer une réflexion sur une évolution de la base d’imposition à la taxe foncière pour remplacer les valeurs locatives cadastrales par une estimation de la valeur vénale.

Recommandation n° 25 : Fournir aux décideurs locaux des informations statistiques précises sur la nature des contribuables assujettis aux taxes foncières dans leur commune (particuliers, entreprises, taille de l’entreprise le cas échéant…).

DMTO

Recommandation n° 26 : Remédier à la perte du pouvoir de taux des départements du fait de la réaffectation de la part départementale de la taxe foncière, en élargissant le pouvoir de taux sur les DMTO.

Recommandation n° 27 : Réfléchir à une modalité d’imputation des DMTO déjà payés par un acquéreur lors de l’acquisition de sa résidence principale sur ceux à payer en cas de revente du bien pour assurer l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, afin de fluidifier le parcours résidentiel.

 

 


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   INTRODUCTION

Créée par la commission des Finances de l’Assemblée nationale à la demande du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine s’est fixé l’objectif ambitieux de dresser un panorama d’ensemble de cette fiscalité, et d’en proposer des évolutions dans un objectif premier de taxation plus juste et de réduction des inégalités.

Rapportée par MM. Jean-Paul Mattei, président du groupe parlementaire Démocrate, et Nicolas Sansu, membre du groupe parlementaire Gauche démocrate et républicaine, la mission a centré son analyse sur le patrimoine des ménages. Est donc exclue du champ de ce rapport la fiscalité des entreprises – bien que la frontière entre fiscalité des ménages et fiscalité des entreprises ne soit parfois pas clairement définie, à l’image de celle pesant sur les biens professionnels.

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Les travaux des rapporteurs partent d’un constat : les inégalités de patrimoines en France sont en hausse depuis plus de 20 ans. Au début de l’année 2021, 92 % de la masse de patrimoine brut est ainsi détenue par la moitié la mieux dotée des ménages ; les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux et les 1 % les mieux dotés en concentrent 15 %.

C’est ce phénomène que les rapporteurs se proposent d’analyser dans la première partie de leur rapport, en étudiant la composition des patrimoines des ménages et la contribution de chacun à l’augmentation des inégalités - 62 % des inégalités de patrimoine au sens de l’indice de Gini sont ainsi dues au patrimoine immobilier en 2018, contre 55 % en 1998 ; le patrimoine financier y contribue également fortement, sa répartition étant plus inégale que celle du patrimoine non-financier - et en mettant en exergue les différents facteurs contribuant à l’accroissement des inégalités, comme le rôle croissant joué par le patrimoine hérité – l’héritage moyen des 0,1 % plus gros héritiers représentant environ 180 fois l’héritage médian.

Pour enrayer ce phénomène, la puissance publique dispose d’un outil : la fiscalité qui frappe le patrimoine des ménages, c’est-à-dire les impôts périodiques et non périodiques sur la propriété, la mutation ou l’utilisation des actifs financiers et non financiers (OCDE).

Les rapporteurs proposent un panorama d’ensemble de cette fiscalité, dont le rendement s’élevait en 2022 à 117,2 milliards d’euros, en présentant les différents impôts pesant sur la détention du patrimoine, sur les revenus patrimoniaux et sur la transmission ou l’aliénation du patrimoine. Ce panorama est également l’occasion pour les rapporteurs de fournir une analyse de leur cadre juridique, de leur cohérence ainsi de leur bonne connaissance par l’administration – une nécessité pour procéder efficacement aux activités de contrôle fiscal.

La mission s’attache dans un deuxième temps à étudier sous un angle plus technique chacun des impôts patrimoniaux, en s’intéressant successivement aux impôts pesant sur la détention et les revenus du capital financier, à la taxation des successions et des donations et enfin à la fiscalité pesant sur l’immobilier.

L’objectif des rapporteurs a été de proposer une analyse complète de chacune de ces impositions, conduite au travers de plusieurs prismes complémentaires, allant de l’objectif de politique publique poursuivi (redistribution, circulation du patrimoine, accès à la propriété, maintien du tissu économique…) aux dimensions techniques de l’impôt (cohérence des bases taxables, modalités d’imposition…), en passant par les modalités de déclaration.

 

*

À l’issue de huit mois de travail, au cours desquels ont été auditionnés près de 40 personnes et organismes, les rapporteurs formulent 27 recommandations pour réformer la fiscalité frappant le patrimoine des ménages.

 

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I.   À la hausse des inégalités de patrimoine répond une fiscalité patrimoniale dynamique

A.   Le patrimoine des mÉnages Français croît de façon continue mais est distribuÉ de façon de plus en plus inÉgalitaire

Entre 1998 et 2015, le patrimoine des Français a doublé, mais cette augmentation n’a pas profité aux 20 % des ménages les moins dotés en patrimoine, dont la part dans l’ensemble a diminué ([2]).

Cette tendance s’explique en premier lieu par des évolutions macroéconomiques : le contexte de politique monétaire accommodante a tiré à la hausse les prix des actifs, entraînant une hausse des valorisations de patrimoines plus forte que celle des revenus, ce qui a surtout bénéficié aux ménages déjà fortement détenteurs de biens immobiliers et de patrimoines financiers.

Comme l’a relevé l’économiste Clément Dherbécourt, « entre 1980 et 2015, la valeur réelle du revenu disponible des ménages français ([3]) a augmenté de 77 %, passant de 719 à 1 275 milliards d’euros en 2015. Dans le même temps, leur patrimoine était multiplié par trois, bondissant de 3 500 à 10 600 milliards d’euros en 2015 » ([4]).

Or l’accumulation et la concentration des patrimoines ont pour effet de s’alimenter l’une l’autre, par un effet « boule de neige » qui est renforcé par la hausse du poids du patrimoine hérité dans le patrimoine total, la fortune héritée représentant désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % en moyenne au début des années 1970 ([5]).

Cette tendance est appelée à se poursuivre, puisque, comme l’indiquait à nouveau Clément Dherbécourt, « du seul fait de l’évolution de la structure de la population et de l’augmentation du taux de mortalité, la part des transmissions annuelles dans le revenu disponible net des ménages (passera) de 19 % aujourd’hui à plus de 25 % en 2050. Si, en outre, le patrimoine net moyen par âge croît au même rythme qu’entre 1990 et 2012, les transmissions représenteront plus de 31 % du revenu disponible en 2050 ».

Si aucune action publique, et particulièrement fiscale, n’est mise en œuvre, un prolongement de ces tendances pourrait exposer au retour d’une « société d’héritiers » comparable à celle de la Belle Époque, lorsque le centième le plus riche de la population possédait, en France, 60 % de la richesse nationale, aggravée par le fait que le patrimoine serait en outre concentré parmi les classes d’âge les plus avancées dans la vie, dans un contexte de vieillissement accéléré de la détention des patrimoines.

Les tendances de long terme de l’évolution patrimoniale identifiées
par l’économiste Thomas Piketty

Dans son ouvrage Le Capital au XXIe siècle, l’économiste Thomas Piketty analyse les tendances de long terme de l’évolution patrimoniale aux XXe et XXIe siècles.

La tendance de long terme à l’œuvre dans l’ensemble des pays riches sur la période 1970-2010 est celle d’un retour du capital privé. Trois facteurs expliquent cette évolution : 1) un ralentissement de la croissance (notamment démographique) et le maintien d’une épargne élevée, 2) un mouvement de privatisation et de transfert graduel de la richesse publique à la richesse privée ([6]) et 3) un rattrapage de long terme des prix des actifs immobiliers et boursiers.

La répartition des richesses a été structurellement transformée dans les pays développés au XXe siècle par l’émergence d’une « classe moyenne patrimoniale » : entre les 50 % les moins aisés (qui détiennent 5 % du patrimoine total) et les 10 % les plus aisés qui possèdent 60 % du patrimoine total, les 40 % du milieu captent 35 % du patrimoine total. Cette transformation s’est traduite par une très forte baisse des plus hauts patrimoines.

Enfin, un retour à l’héritage s’observe depuis les années 1970. Après l’effondrement du flux successoral caractéristique de la période d’après-guerre – le capital hérité ne représentait plus que 40 % du capital privé, contre 80 à 90 % au XIXe siècle. Depuis les années 1970, la part des patrimoines hérités dans le patrimoine total redevient majoritaire. Dès les années 2010, l’héritage a retrouvé l’importance qui était la sienne dans le capital privé dans la première moitié du XXe siècle, malgré un nombre de gros rentiers qui demeure moins élevé. En conséquence, un sixième de chaque génération des années 2010-2020 touchera en héritage ce que la moitié de la population gagne avec son travail tout au long d’une vie.

1.   Un patrimoine composé d’actifs réels et d’actifs financiers

Début 2018, le montant moyen du patrimoine brut des ménages atteint 276 000 euros, et celui du patrimoine net 239 900 euros.

80 % du patrimoine brut se compose d’actifs réels ‑ biens immobiliers, biens durables (véhicules, bijoux, œuvres d’art) ‑ et d’actifs professionnels.

Les 20 % restants sont constitués de patrimoine financier, d’un montant moyen de 56 200 euros.

Composition du patrimoine brut des MÉnages début 2018

Lecture : début 2018, le patrimoine détenu par les 10 % des ménages les mieux dotés en patrimoine brut est composé à 24 % d’actifs financiers, 51 % d’actifs immobiliers, 19 % d’actifs professionnels (dont 5 % hors entreprises) et 6 % de patrimoine résiduel. Les emprunts privés équivalent à 7 % de leur patrimoine brut et les emprunts professionnels à 3 %. Champ : ménages ordinaires résidant en France hors Mayotte.

Source : Insee, enquête Histoire de vie et Patrimoine 2017-2018

Le patrimoine brut correspond au montant total des actifs détenus par un ménage, c’est-à-dire l’ensemble des biens lui permettant de disposer de ressources futures. Il inclut son patrimoine financier, son patrimoine immobilier et son patrimoine professionnel, mais aussi les biens durables (voiture, équipement de la maison, etc.), les bijoux, les œuvres d’art et autres objets de valeur, soit tout ce qui relève du patrimoine matériel, négociable et transmissible. Les droits à la retraite et le capital humain des membres du ménage en sont exclus. Il est évalué avant déduction des éventuels remboursements d’emprunts en cours.

Le patrimoine net correspond au patrimoine brut duquel est déduit le montant du capital qu’il doit encore au titre des emprunts qu’il a souscrits (contractés pour acquérir un bien ou pour tout autre motif personnel ou professionnel).

a.   Le patrimoine des ménages est principalement constitué de biens immobiliers

Les biens immobiliers sont la première composante du patrimoine des ménages. Début 2021, le patrimoine brut des ménages était constitué à 62 % de biens immobiliers ; cette proportion est stable depuis 2004.

La résidence principale est la principale composante du patrimoine immobilier, à hauteur de 83 %. Selon l’enquête de la Banque centrale européenne sur le comportement financier des ménages ([7]), la part de la résidence principale représente, en moyenne, près de 50 % l’ensemble des actifs nets détenus par les ménages, la part constatée en France étant, à ce titre, très proche de la moyenne européenne.

En 2021, près de 6 ménages français sur 10 sont propriétaires de leur résidence principale, qu’ils aient terminé ou non d’en rembourser les dettes d’acquisition. Ils détiennent, en moyenne un patrimoine brut de 432 000 euros et un patrimoine net de 381 000 euros.

Les propriétaires disposent ainsi d’un patrimoine brut moyen 8,6 fois plus élevé que celui des locataires et des personnes logées gratuitement.

Ainsi que le relève la dernière enquête sur les revenus et patrimoines des ménages de l’INSEE, depuis 2010, la part de ménages propriétaires s’accroît surtout pour les ménages les plus aisés (+ 1,8 point pour les ménages situés dans la moitié supérieure des niveaux de vie entre 2010 et 2015).

L’accès à la propriété est au total devenu plus sélectif, nécessitant des revenus et un montant d’apport personnel plus élevés ([8]).

Comparaison européenne du patrimoine immobilier des ménages

Selon l’enquête HFCS 2017, la France se situe à un niveau très proche de la moyenne européenne sur un grand nombre d’indicateurs liés au patrimoine immobilier des ménages.

Source : HFCS, enquête 2017.

Le patrimoine immobilier est largement majoritaire pour les ménages situés entre les quatrième et neuvième déciles de patrimoines, avec une part comprise entre 70 % et 77 %.

À l’opposé, les 30 % des Français les moins dotés en patrimoine ne possèdent quasiment pas de patrimoine immobilier : leur épargne est placée dans des produits financiers peu risqués, tels les livrets (entre 29 % et 42 %), ou des biens durables, véhicules ou autre patrimoine restant (entre 54 % et 71 %).

Évolution du Patrimoine des ménages de 1995 À 2021
(y compris Entreprises individuelles)

(en milliard d’euros)

Sources : comptes de patrimoine de l’INSEE, Banque de France ([9]).

La valeur du patrimoine immobilier moyen a augmenté de 141 % entre 1998 et 2018, essentiellement sur la période 1998-2010.

En tenant compte de la hausse de 25 % du nombre de ménages sur la période, la hausse totale de la masse du patrimoine immobilier a atteint 201 %, d’abord due à la valorisation des logements anciens (contribution de 107 points à la croissance du patrimoine immobilier), puis aux constructions de logements durant cette période (contribution de 72 points) et enfin à la hausse des prix des logements neufs (contribution de 22 points) ([10]).

À titre de comparaison, l’indice mensuel des prix à la consommation est passé de 99,5 en janvier 1998 à 120,61 en décembre 2010 ([11]), soit une hausse d’environ 21 %.

Évolution des prix de l’immobilier de 1996 À 2022

Source : INSEE, Indice des prix (bases notariales et INSEE).

Cette très forte augmentation des prix de l’immobilier explique pour une large part l’augmentation de la valeur des patrimoines – et l’augmentation des inégalités en la matière.

L’augmentation des montants de patrimoine tient davantage à une augmentation des plus-values latentes sur les biens immobiliers, qu’à des flux d’épargne supplémentaire.

Au regard de ce constat, il convient de penser la taxation du patrimoine non pas comme une mesure pénalisant les citoyens ayant fait un effort d’épargne, mais bien davantage comme l’adaptation de la fiscalité au renchérissement de la valeur du patrimoine immobilier des propriétaires, renchérissement auquel ils sont étrangers.

b.   Le patrimoine financier des ménages comprend près d’un tiers d’actifs risqués

Entre 2002 et 2022, le patrimoine financier des ménages a crû de 78 %, principalement du fait de la hausse de l’assurance-vie (+ 90 %) et des dépôts (+ 71 %).

  1.   Un patrimoine financier principalement constitué d’actifs « non-risqués »

Les dépôts (dépôts à vue, livrets d’épargne réglementée…) et l’assurance-vie sont les principaux placements financiers des ménages en encours. Le patrimoine financier brut des ménages est placé à 70 % dans ces actifs « non-risqués » (dépôts, assurances-vie en euros) et à environ 30 % dans des actifs « risqués » (17 % pour les assurances-vie en unités de compte, 12 % pour les actions détenues en direct, 1 % pour les fonds communs de placement en actions).

13 % des ménages détiennent des valeurs mobilières qui se déclinent dans un portefeuille peu diversifié : 10 % des ménages détiennent des actions en direct, 2 % des fonds communs de placement et 1 % des obligations en direct. 36 % des ménages détiennent une assurance-vie (26 % en euros et 14 % en unités de compte). Au niveau de l’ensemble des ménages, le taux de détention de valeurs mobilières a diminué d’environ 50 % entre 2004 et 2015 avant d’augmenter légèrement puis de se stabiliser début 2018.

Depuis la crise des subprimes de 2008 et celle des dettes souveraines en 2011, des facteurs d’incertitude pèsent sur l’épargne des ménages. En particulier, l’incertitude macroéconomique liée au devenir du système de sécurité sociale (retraites, santé, etc.), le risque de chômage, et les réformes fiscales sur le capital (réformes de l’ISF en 2011 et 2013, instauration d’une contribution exceptionnelle en 2012, réformes de l’imposition des dividendes, etc.) ont conduit les épargnants à opter pour des actifs sûrs et à court terme (principalement les dépôts sur compte d’épargne) et pour l’immobilier, au détriment des placements financiers risqués et à long terme.

Début 2018, la demande d’actions des ménages est faible dans toute l’Europe : environ 10 % des ménages allemands et français détiennent des actions, et moins d’un ménage sur huit dans les principaux pays de la zone euro.

Parmi les 5 % de ménages les plus aisés, la détention directe d’actions est plus élevée : trois ménages sur quatre en Belgique, mais deux sur trois en France et un sur deux en Espagne, Italie, et Allemagne.

Comparaison européenne de la structure d’épargne financière des ménages

En 2021, le rapport annuel sur l’épargne réglementée de la Banque de France a présenté une comparaison de la structure d’épargne en France, Allemagne, Italie et Espagne ([12]).

À fin 2021, la France arrive en première position de la détention d’actifs financiers par habitant, avec 97 514 euros d’actifs par habitant, devant l’Allemagne (94 204 euros), l’Italie (86 575 euros) et l’Espagne (56 864 euros) ([13]).

La composition du portefeuille d’actifs financiers diffère selon les pays. En France, les placements totalisant le plus d’encours sont les régimes d’assurance-vie et non-vie, concentrant 34 % du total. Ces produits ont un poids moins important aussi bien en Allemagne (20 %) qu’en Italie et en Espagne, (18 % et 8 %). À l’inverse, la France n’a quasiment pas d’encours concernant les fonds de pension alors qu’ils sont importants dans les trois autres pays (respectivement 13 %, 7 % et 6 % pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie).

Dans ces quatre pays, une part importante du total correspond aux encours en numéraire et dépôts, parmi lesquels figurent les produits d’épargne réglementée. En Allemagne, il s’agit du placement préféré des ménages (39 %), et en France, en Espagne et en Italie du deuxième placement (respectivement 29 %, 38 % et 32 %)

Structure des placements financiers des ménages au 31 décembre 2021

(en milliards d’euros)

Source : Rapport annuel sur l’épargne réglementée 2021, Banque de France.

  1.   L’épargne non risquée, réflexe refuge en cas de crise

La part d’épargne liquide non risquée (essentiellement dépôts à vue et livrets d’épargne réglementée) s’est maintenue ces vingt dernières années entre 20 % et 25 % du patrimoine des ménages.

Cette proportion a toutefois augmenté plus nettement à partir de 2020, pour atteindre 27,4 % fin 2022 dans le contexte exceptionnel de la crise pandémique : celle-ci a entraîné une accumulation d’épargne sur ces placements et une baisse relative de la valorisation des actifs plus risqués sur les trois dernières années.

Au cours de la période, les flux d’épargne financière ont été un peu plus dirigés vers l’assurance-vie au cours des années 2000, avant d’être en partie réorientés vers les dépôts bancaires au cours de la décennie suivante, jusqu’à la période exceptionnelle liée à la crise sanitaire.

Les effets de la pandémie sur l’épargne financière des ménages

Le calcul du surplus par la différence entre les flux d’épargne financière observés et les flux qu’on aurait obtenus en prolongeant la tendance pré-Covid met en évidence l’effet de la crise sanitaire sur l’épargne financière des ménages. En cumul sur 3 ans, ce surplus est estimé à 157 milliards d’euros par la Banque de France.

Il s’est accumulé sur les dépôts bancaires, principalement pendant les années 2020 et 2021 et en particulier au deuxième trimestre 2020, le plus marqué par la pandémie. Il a aussi indirectement été employé au désendettement au premier semestre 2020, en raison du ralentissement des souscriptions de nouveaux crédits immobiliers. À l’inverse, le surplus n’a pas été investi en assurance-vie, avant un retour à la normale en 2021 et 2022 (mais sans effet de rattrapage). Les autres placements nets (actions, obligations, fonds d’investissement…) sont plus volatils sur toute la période.

  1.   Des actifs risqués détenus en majorité par des ménages aisés, âgés et diplômés, qui ont procuré la majorité des plus-values depuis 2022

La diffusion des différents types de valeurs mobilières et de contrats d’assurance-vie varie fortement en fonction du patrimoine financier des ménages. 10 % des ménages parmi les 20 % les plus modestes détiennent des actifs risqués, contre 49 % de ceux parmi les 10 % les plus aisés. Les 1 % les plus dotés en patrimoine financier possèdent 7,7 fois plus souvent des titres que la moyenne globale : ce rapport est inférieur à 2 pour les assurances vie en euros et supérieur à 5 pour celles en unités de compte.

L’actionnariat augmente également avec l’âge (+ 3 points de probabilité tous les dix ans), le niveau de formation (être diplômé du supérieur augmente la diffusion des actions de 23 points par rapport aux non-diplômés) et l’information financière du ménage. Ainsi, 11 % des ménages de moins de 30 ans détiennent des actions, contre 23 % des ménages de plus de 40 ans. 11 % des ouvriers non qualifiés possèdent des actions contre 45 % des retraités anciens cadres ou profession libérale.

Or les placements risqués sont à l’origine de la majorité des plus-values constatées depuis 20 ans, comme l’établissent les données communiquées à la mission d’information par la Banque de France figurant dans le tableau ci-après.

Rendement des différents actifs financiers

Source : Banque de France.

Entre 2002 et 2022, le patrimoine financier total hors crédits s’est accru de 3 512 milliards d’euros, décomposé entre un flux de 2 524 milliards d’euros d’épargne supplémentaire, soit 72 % du total, et 988 milliards d’euros de valorisations, c’est-à-dire de plus-values latentes, soit 28 % du total.

Sur ces 988 milliards d’euros de valorisations, 694 milliards d’euros, soit 70,2 % du total, proviennent du renchérissement de la valeur des actions et participations qui ne représentent pourtant que 24 % de l’encours, alors que l’assurance-vie, qui représente 31,2 % de l’encours, ne contribue aux valorisations qu’à hauteur de 17 %, pour 168 milliards d’euros.

De la même façon, les parts de fonds d’investissement rendent compte de 18 % de la valorisation totale constatée en 20 ans, alors qu’ils ne constituent que 5,2 % de l’encours en 2022.

La hausse de 1 146 milliards d’euros de l’encours des « dépôts » qui comprend les dépôts à vue ainsi que l’épargne réglementée (livret A, LDDS, PEL), provient à 98,7 % des flux d’épargne, la valorisation sur 20 ans n’étant que de 14 milliards d’euros, soit 1,4 % du total des valorisations alors que cette épargne peu risquée représente 33,7 % de l’ensemble du patrimoine financier des ménages.

Moyenne des rendements annuels des actions et des taux d’intérêt obligatAire

 

1995-2023

2002-2023

Rendement des actions

9,42 %

6,4 %

Taux des obligations d’État à 10 ans

3,15 %

2,36 %

Source : Natixis FlashEconomie20juin2023 (n° 359), p. 4.

c.   Le patrimoine professionnel est concentré dans le haut de la distribution

Le patrimoine professionnel se définit comme l’ensemble des actifs professionnels détenus par un ménage (terres, machines, bâtiments, cheptel, stocks, etc.), que ce dernier les exploite dans le cadre de son activité professionnelle ou non ([14]).

Indispensable à l’activité de certaines professions, comme les agriculteurs ou les artisans-commerçants-professions libérales-chefs d’entreprise, pour lesquels la part du patrimoine professionnel dans le patrimoine brut atteint respectivement 71 % et 33 %, partiellement conservé après la retraite, il représente 11 % du patrimoine brut et en est la composante la plus inégalitairement répartie.

Le patrimoine professionnel constitue 28 % du patrimoine des 1 % les mieux dotés, contre 9 à 21 % pour les autres ménages du décile supérieur de patrimoines.

La structure du patrimoine des ménages est liée à leur activité professionnelle. Les 10 % des ménages les mieux dotés en patrimoine sont plus fréquemment des indépendants dont une partie de leur patrimoine est également leur outil de travail.

Le patrimoine professionnel des 1 % les mieux dotés est essentiellement composé des actifs des entreprises qu’ils possèdent. En effet, un de ces ménages sur deux est propriétaire d’au moins une entreprise dont la personne de référence ou le conjoint est le dirigeant, pour une valeur moyenne de 1,8 million d’euros.

Les hauts patrimoines

Début 2018, les 10 % les mieux dotés en patrimoine brut, dits « ménages à haut patrimoine », possèdent au minimum 607 700 euros d’actifs, les 5 % les mieux dotés 878 900 euros et les 1 % plus de 1,94 million d’euros.

Ces 2,9 millions de ménages à haut patrimoine détiennent en moyenne 1,28 million d’euros de patrimoine brut, et au global, 46 % de la masse de patrimoine brut de l’ensemble des ménages. Les 1 % les mieux dotés en possèdent à eux seuls 16 %.

Le patrimoine détenu par ces 10 % de ménages à haut patrimoine se compose pour 51 % de biens immobiliers, puis de 24 % de patrimoine financier et de 19 % de patrimoine professionnel. Les biens durables, bijoux, œuvres d’art et autres objets de valeur (patrimoine résiduel) représentent 6 % des actifs de ces ménages.

Les 1 % des ménages les mieux dotés répartissent différemment leur patrimoine des autres ménages à haut patrimoine. Ils placent une plus grande part de leur patrimoine dans les actifs financiers (34 % contre 16 % en moyenne pour les 10 % les mieux dotés), a place de l’immobilier dans leur patrimoine est nettement plus faible (30 %, contre 52 % en moyenne pour les 10 % les mieux dotés) et le patrimoine professionnel constitue une part très importante de leur patrimoine (28 %, contre 9 % en moyenne pour les ménages à haut patrimoine).

Source : Revenus et patrimoine des ménages, Insee Références, Édition 2021. p 172.

2.   Les différences patrimoniales sont croissantes depuis vingt ans.

a.   Les caractères de la répartition des patrimoines

Début 2021, 92 % de la masse de patrimoine brut est détenue par la moitié la mieux dotée des ménages ([15]). Les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux (34 %) et les 1 % les mieux dotés en concentrent 15 %.

La moitié des ménages déclare un patrimoine brut supérieur à 177 200 euros (soit + 7 % par rapport à 2018) et un patrimoine net supérieur à 124 800 euros (+ 4,5 % par rapport à 2018). Le 1 % des ménages les mieux dotés possède 2 239 000 euros de patrimoine brut.

Les différences de patrimoine sont plus marquées que celles de revenus, même si ces deux types d’inégalité ne coïncident pas absolument. Les 10 % des ménages les mieux dotés en patrimoine disposent d’au moins 716 300 euros d’actifs et les 10 % les moins dotés de 4 400 euros maximum soit 163 fois moins. À titre de comparaison, en 2017, le rapport interdécile est de 4,6, c’est-à-dire que le revenu maximal des 10 % de ménages aux revenus les plus modestes est 4,6 fois moins élevé que le revenu minimum des 10 % aux revenus les plus élevés.

Cette répartition du patrimoine est plus inégalitaire qu’il y a vingt ans. Entre 1998 et 2018, le patrimoine brut moyen des 10 % les moins bien dotés a diminué de 48 % alors que celui des 10 % des ménages les mieux dotés a augmenté de 119 % sur la période ([16]).

La composition du patrimoine brut varie selon la dotation patrimoniale des ménages : les 10 % de ménages les mieux dotés disposent d’une dotation dans laquelle la proportion du patrimoine financier (27 % contre 20 %) et celle du patrimoine professionnel (34 % contre 7 %) est supérieure à celle de l’ensemble des ménages, tandis que la part du patrimoine immobilier est moindre (36 % contre 67 %). Le patrimoine financier est concentré sur les hauts patrimoines : les 5 % des ménages les mieux dotés en patrimoine financier détiennent plus de la moitié de ce patrimoine et les 1 % en possèdent 31 %.

Concentration des diffÉrentes composantes du patrimoine
dÉbut 2018

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Lecture : 90 % de la population détient 1 % du patrimoine professionnel, 32 % du patrimoine financier et 58 % du patrimoine immobilier totaux.

Source : Insee, enquête Histoire de vie et Patrimoine 2017-2018.

Alors que parmi les 10 % de ménages les plus modestes 65 % ne possèdent aucun logement, on constate que 9 % de multipropriétaires possédant au moins quatre logements détiennent 31 % du parc locatif privé ([17]). Les propriétaires bailleurs ne possédant qu’un seul logement locatif représentent deux tiers de l’ensemble des propriétaires bailleurs mais ne détiennent qu’un tiers du parc locatif privé.

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En outre, une part importante des propriétaires accédants a dû contracter un emprunt immobilier : leur patrimoine net est donc inférieur à leur patrimoine brut.

Cela se traduit par un taux d’endettement des ménages élevé : 65 % du PIB (et 101 % du revenu disponible brut) en fin d’année 2022, ce qui fait de la dette des ménages français la plus lourde des quatre grands pays de la zone euro, alors que, comme l’a récemment relevé l’économiste Agnès Bénassy-Quéré, elle était parmi les plus faibles il y a dix ans ([18]). Même si cette dette est presque toujours à taux fixe, elle fait peser un risque sur des ménages dont la charge de remboursement (intérêts et principal) représente une part importante des revenus.

La mission d’information dresse ainsi les constats suivants :

 l’accroissement important en valeur du patrimoine immobilier a contribué à l’augmentation des inégalités. Le patrimoine immobilier moyen a augmenté de 141 % entre 1998 et 2018 du fait de la valorisation des logements anciens, de la construction de logements et de la hausse des prix des logements neufs. Cette conjoncture a profité aux 70 % des ménages les mieux dotés en patrimoine brut dont le patrimoine immobilier a augmenté de 127 % à 174 %, mais pas aux 30 % des ménages les moins dotés en patrimoine, peu détenteurs de biens immobiliers. En 2018, 62 % des inégalités de patrimoine au sens de l’indice de Gini sont dues au patrimoine immobilier, contre 55 % en 1998 ;

 le patrimoine financier est très inégalement réparti, davantage que le patrimoine non financier. La répartition de ce patrimoine financier est plus inégale que celle du patrimoine non financier et dépend des caractéristiques des ménages, en particulier de leurs revenus d’activité et de remplacement. En 2018, la moitié des ménages ont un patrimoine financier inférieur à 11 100 euros. Le montant médian de patrimoine financier est de 2 000 euros pour les 20 % de ménages aux revenus les plus faibles, tandis que celui des 10 % des ménages aux revenus les plus élevés atteint 61 800 euros ([19]). La probabilité que les 1 % aux patrimoines les plus élevés détiennent directement des actions est supérieure de 80 points à celle du quart le moins riche ;

 la mobilité au sein de la distribution des patrimoines est moindre aux extrémités de la distribution : les plus pauvres en patrimoine le restent et les plus riches en patrimoine le restent aussi ; les fortes variations de patrimoine n’impactent pas ou peu les 30 % des ménages les moins bien dotés en patrimoine.

b.   Le vieillissement de la détention du patrimoine

En 2018, le patrimoine moyen augmente avec l’âge de la personne de référence jusqu’à 50‑54 ans, se stabilise, puis diminue au-delà de 80 ans. Entre 1998 et 2018, si les profils d’accumulation sont restés inchangés, l’âge auquel le patrimoine atteint son maximum augmente.

Ce maximum était atteint pour les 50 à 54 ans en 1998, puis pour les 60 à 64 ans en 2010, et désormais il est atteint pour les 70 à 74 ans.

Ce décalage du cycle d’accumulation du patrimoine relève principalement de deux effets de génération.

D’une part, le pouvoir d’achat des retraités a augmenté au fil du temps. La hausse des pensions de retraite permet aux retraités de ne pas avoir à puiser dans leur épargne pour compenser une perte de niveau de vie dès le passage à la retraite ; ils peuvent cependant avoir à le faire plus tard pour financer la dépendance, l’âge à partir duquel ils désépargnent en 2018 correspondant à celui où la prévalence de la dépendance devient significative.

D’autre part, les héritages sont plus tardifs, du fait de la hausse de l’espérance de vie, mais également plus nombreux : ils permettent de maintenir le niveau de patrimoine aux âges élevés.

L’évolution du patrimoine net par âge en France est similaire à celle constatée pour le reste de la zone euro, excepté pour la tranche d’âge 75 ans et plus, dont le patrimoine net diminue relativement moins qu’ailleurs. Le cas de l’Allemagne est atypique, avec une courbe en cloche très marquée, le patrimoine net étant très élevé dès 45 ans et diminuant très fortement passé 75 ans ([20]).

 

c.   Des inégalités alimentées par la part croissante du patrimoine hérité

Si la masse de patrimoine accumulée augmente rapidement, elle n’est pas intégralement consommée au cours de la vie, une partie importante étant transmise aux générations futures. Les inégalités de distribution du patrimoine au cours de la vie se reproduisent donc par le biais de leur transmission.

Comme déjà relevé (voir supra), la fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % en moyenne au début des années 1970. De même, le flux successoral constitué du patrimoine transmis par successions ou donations représente une part croissante du revenu national, passée de 5 % en 1950 à 15 %.

Le tableau suivant illustre ces deux tendances qui, si elles se prolongent, pourraient retrouver les niveaux rencontrés au début du XXe siècle.

LE flux successoral dans le revenu national et la part du patrimoine hÉritÉ dans le patrimoine total en France (1900-2010)

Sources : Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, Les notes du CAE, n° 69, décembre 2021.p. 2.

En conséquence, le détenteur d’un patrimoine important aujourd’hui, le plus souvent, a pu le constituer ou l’accroître en raison d’un héritage ou de donations, alors que l’absence de transmission patrimoniale rend au contraire difficile la constitution d’un patrimoine important, même pour des personnes disposant de revenus confortables.

Ainsi que l’a relevé le Conseil d’analyses économique ([21]) :

– 50 % des individus auront hérité de moins de 70 000 euros de patrimoine tout au long de leur vie, et parmi ceux-là, une large fraction n’aura hérité d’aucun patrimoine ;

– en revanche moins de 10 % d’individus hériteront de plus de 500 000 euros de patrimoine au cours de leur vie. Au sein même de ce dernier décile, la concentration est extrême : le 1 % supérieur des héritiers d’une génération recevra en moyenne, une fois la fiscalité acquittée, plus de 4,2 millions d’euros et le 0,1 % supérieur environ 13 millions d’euros.

L’héritage moyen des 0,1 % plus gros héritiers représente donc environ 180 fois l’héritage médian.

Cet écart est bien plus important que les écarts de revenus du travail, puisque le revenu du travail moyen des 0,1 % des ménages aux revenus les plus élevés n’est que dix fois supérieur au revenu du travail médian.

Le spectre de la constitution d’une « société de rentiers » se matérialise ainsi, comme le relève le CAE : « Le top 1 % des héritiers d’une cohorte peut désormais obtenir, par une simple vie de rentier, un niveau de vie supérieur à celui obtenu par le top 1 % des « travailleurs ». Pour parvenir tout en haut de la distribution des niveaux de vie, il devient quasiment impératif d’avoir la chance d’hériter. » Cependant, l’effet « boule de neige » de l’accumulation et de la transmission des patrimoines ne paraît aussi univoque que pour les patrimoines les plus élevés. Concernant les patrimoines moyens, il est plus difficile de déterminer dans quelle mesure les donations et successions sont de nature à accentuer les inégalités de revenus ou à l’inverse à les corriger. En effet, les héritiers des patrimoines moyens sont susceptibles d’avoir de faibles revenus, et à l’inverse les héritiers de patrimoines faibles sont susceptibles d’avoir des revenus parfois substantiels. La nouvelle dynamique de concentration des patrimoines appelle, de facto, une fiscalité mieux adaptée qui poursuive un double objectif : asseoir une plus grande part des recettes publiques sur le patrimoine, assurer par ces prélèvements une meilleure justice répondant au principe constitutionnel de respect de la capacité contributive de chacun.

B.   Une fiscalitÉ qui mobilise l’ensemble des leviers et procure un rendement ÉlevÉ et dynamique dans un cadre juridique contraint

1.   La taxation de la détention, de la transmission et des revenus du patrimoine des ménages.

L’impôt sur le patrimoine des ménages désigne, selon l’OCDE, les impôts périodiques et non périodiques sur la propriété, la mutation ou l’utilisation des actifs financiers et non financiers ([22]).

Le système fiscal français fait appel à la totalité des motifs de perception : la détention du patrimoine, les revenus patrimoniaux et la transmission ou l’aliénation du patrimoine, comme présenté dans le tableau suivant.

Principaux impôts sur le capital des mÉnages, par catégorie

Motif de taxation

Assiette

Modalités d’imposition

Détention du patrimoine

Patrimoine immobilier

Valeurs cadastrales

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties (TFPNB)

Évaluation du patrimoine immobilier au 1er janvier (déclaration du contribuable)

Impôt sur la fortune immobilière (IFI) (ex-ISF)

Revenus et plus-values tirés du patrimoine

Revenus immobiliers

Loyers perçus

Impôt sur le revenu (IR) + Prélèvements sociaux à 17,2 %

Revenus mobiliers

(y compris plus-value de cession)

Dividendes, intérêts, assurance-vie (pour les primes versées après septembre 2017),

cession d’actifs financiers

Prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % dont 12,8 % d’IR et 17,2 % de prélèvements sociaux (ou option pour l’imposition au barème de l’IR)

(exception : prélèvement de 7,5 % d’IR sur les rachats de contrats d’assurance-vie de plus de 8 ans et sur la part des produits correspondant aux encours inférieurs à 150 000 euros)

Revenus des livrets d’épargne réglementée

Exonération de prélèvements sociaux et d’IR pour les livrets A, LDDS et LEP

(régime spécifique pour les PEL et CEL)

Mutations du patrimoine

Transactions immobilières

Plus-value pour le vendeur

 

 

Valeur du bien pour l’acheteur

Vendeur : prélèvements sociaux à 17,2 % + IR à taux proportionnel (19 %, et éventuellement surtaxe de 2 à 6 %), après abattements pour durée de détention

 

Acheteur : droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

Donations et successions

Valeur du patrimoine transmis par le défunt ou le donateur

Droits de mutation à titre gratuit (DMTG) après abattement.

 

Exonération plafonnée de DMTG pour la transmission de l’assurance-vie, avec application d’un prélèvement spécifique (abattement et barème ad hoc)

Source : Commission des finances d’après le rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, octobre 2019, p. 30.

a.   Des motifs d’imposition complémentaires et éprouvés par l’histoire

● Comme le détaille le tableau ci-après, le rendement total de la fiscalité sur le patrimoine, de 117,2 milliards d’euros en 2022, se décline selon ces motifs d’imposition en trois tiers de taille inégale :

– pour 38,4 % au titre de 44,9 milliards d’euros de prélèvements assis sur les revenus des patrimoines immobiliers et financiers ainsi que sur les plus-values procurées par leur cession ;

– pour 34,7 % au titre de 40,6 milliards d’euros de prélèvements intervenant à l’occasion des mutations ([23]) c’est-à-dire des transmissions de droits de propriété, qu’ils résultent d’une vente ou d’une donation ou succession ;

– pour 26,9 % au titre de 31,6 milliards d’euros de prélèvements périodiques assis sur la détention du patrimoine, pesant exclusivement sur le patrimoine immobilier.

rendement 2022, par motifs de taxation, des Principaux impôts
sur le patrimoine des mÉnages

(montants en millions d’euros)

Impôts, par motifs de taxation

Rendement en 2022

Part dans l’ensemble

Détention du patrimoine

31 374

26,9 %

 

Impôt sur la fortune immobilière (IFI)

2 353

2 %

Taxes foncières acquittées par les ménages

29 021

24,8 %

Revenus et plus-values tirés du patrimoine

44 991

38,5 %

 

Patrimoine financier : impôt sur les revenus mobiliers et les plus-values mobilières

8 191

7 %

Patrimoine immobilier : impôt sur les revenus fonciers

4 860

4,2 %

Patrimoine immobilier : impôt sur les plus-values immobilières

1 595

1,4 %

CSG et CRDS

17 126

14,6 %

Autres prélèvements sociaux (hors CSG et CRDS)

13 219

11,3 %

Mutations du patrimoine

40 625

34,7 %

 

Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) (transactions immobilières)

22 015

18,8 %

Droits de mutation à titre gratuit (DMTG) (successions ou donations)

18 610

15,9 %

TOTAL

116 990

100 %

Source : Commission des finances d’après le tome I de l’annexe Voies et moyens jointe au projet de loi de finances pour 2023 et les réponses de la Direction générale des Finances publiques au questionnaire des rapporteurs.

Remarque : Le montant des DMTO ne distingue pas entre fiscalité acquittée par les ménages et les entreprises.

● Le recours à ces trois motifs d’imposition présente de nombreuses garanties de cohérence d’ensemble du système de prélèvement.

L’imposition des revenus du patrimoine est le complément indispensable de l’imposition des revenus du travail ou des revenus de remplacement afin de garantir la prise en compte de la capacité contributive des ménages dans leur imposition.

Elle contribue ainsi à la neutralité entre la taxation des revenus du travail, issus d’investissement en capital humain, et des revenus du capital dans son acception classique, issus d’investissements physiques ou financiers, ce qui pose cependant également la question de l’articulation avec l’imposition des bénéfices des sociétés, qui taxe les revenus des ménages propriétaires d’entreprises.

L’imposition de la détention du patrimoine, qui a précédé historiquement l’imposition sur les revenus des ménages, vise à procurer aux États des recettes stables à partir d’une assiette prévisible, principalement immobilière. Elle permet en outre de limiter l’optimisation fiscale résultant de la minoration des revenus imposables : tout détenteur d’un patrimoine peut ainsi être mis à contribution, que ce dernier lui procure un revenu imposable ou non.

Enfin, l’imposition sur les donations et successions trouve aujourd’hui une justification importante dans la correction des inégalités de patrimoines hérités.

● Auteur d’un ouvrage sur l’histoire des impôts sur le patrimoine en France ([24]), le juriste Bastien Lignereux a présenté à la mission d’information les grands débats fiscaux qui ont abouti à la constitution progressive du système actuel. Il en ressort les traits saillants suivants :

 l’ancienneté de l’imposition sur la détention et la mutation du patrimoine, avec l’introduction, dès la Révolution française, sous l’inspiration des théories des économistes physiocrates ainsi que sous l’effet du large rejet des nombreux impôts sur la consommation qui pesaient sur le peuple sous l’Ancien régime, d’une première imposition sur la détention du patrimoine foncier avec la « contribution foncière », ainsi que des droits d’enregistrement sur les successions et donations, initialement à taux proportionnels ;

 le rôle moteur, tout au long du XIXe siècle, des débats sur la taxation des grands patrimoines à mesure que se constituaient les fortunes nées de la révolution industrielle : alors que l’impôt progressif sur les revenus n’est établi qu’en 1914, une première taxation des revenus de l’épargne était déjà intervenue pour acquitter l’indemnité de guerre de 1871 et l’impôt sur les successions avait été rendu progressif dès 1901 ([25]) ;

 la volonté d’orienter l’épargne vers certains investissements a toujours conduit à créer des avantages fiscaux à l’exemple de l’exonération de contribution foncière pour les constructions nouvelles dès 1798 et pour le logement social en 1894, de l’exonération d’impôt sur les revenus des livrets de caisse d’épargne en 1917 ou des engagements d’épargne de long terme dans le capital des entreprises en 1965, ou encore de l’exonération totale ou partielle de droits de successions en faveur des bois et forêts depuis 1930, pour les biens ruraux donnés à bail de long terme depuis 1970 ou pour la construction de logements neufs entre 1948 et 1976 ;

 enfin une tendance à l’élévation des taux, sous l’effet de certaines phases d’alourdissement, dont, en 1981, l’introduction d’un impôt sur les grandes fortunes et une réforme du barème des droits de successions et donations, même si cette tendance a été fortement atténuée par la multiplication des régimes dérogatoires offrant des possibilités d’optimisation de plus en plus importantes.

b.   Des enjeux de cohérence et de lisibilité

Dans un important rapport sur Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) ([26]) avait, en 2018, souligné le caractère éclaté du système de prélèvement « constitué d’une superposition de dispositifs très hétérogènes » dont les règles poursuivraient des objectifs en partie contradictoires.

Ce jugement englobait plusieurs points :

– concernant les revenus du patrimoine mobilier, la coexistence d’une imposition proportionnelle (prélèvements sociaux) et d’une imposition progressive (impôt sur le revenu), avec des assiettes différentes (plus large pour les prélèvements sociaux) : lors de leur audition par la mission, les représentants du CPO ont cependant considéré que ce point a été en partie réglé par la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) (« flat-tax ») sur les revenus mobiliers et les plus-values mobilières par la loi de finances pour 2018 ([27]) ;

– des incohérences dans la valorisation de l’assiette des prélèvements sur la détention du patrimoine immobilier : ainsi, l’assiette de la taxe foncière, le principal impôt sur la propriété des ménages, ne distingue pas selon que celle-ci est grevée d’un prêt ou non, alors que, pour les propriétaires les plus fortunés, l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est diminuée des prêts immobiliers en cours. En outre, la taxe foncière est assise sur la valeur cadastrale des biens immobiliers alors que l’IFI taxe leur valeur vénale ;

– des mécanismes d’orientation de l’épargne poursuivant des objectifs concurrents et parfois contradictoires : de fortes incitations fiscales existent en faveur d’une épargne liquide peu risquée (épargne réglementée, assurance-vie en fonds euros), alors que d’autres dispositifs de faveur visent au contraire à orienter l’épargne vers le financement de l’économie (fiscalité préférentielle des plans épargne en action - PEA) ;

– enfin, concernant la fiscalité des successions et donations, une tension constante et difficile à résoudre, entre les objectifs de rendement budgétaire et de redistribution, qui invite à alourdir le prélèvement, et celui de transmission accélérée vers les jeunes générations, dans un contexte de détention croissante du patrimoine par les plus âgés, qui pousse périodiquement le législateur à alléger la fiscalité des donations ou à prévoir des régimes de faveur en fonction de l’âge du donateur.

● Dans son rapport précité, le CPO rappelait en outre que les règles en matière de fiscalité du patrimoine avaient été marquées par une forte instabilité, au risque de nuire à la lisibilité de l’impôt et à l’attractivité du territoire pour les investissements des non-résidents.

À titre d’exemples, avant sa transformation en IFI en 2018, l’ISF avait fait l’objet de modifications incessantes avec la mise en place du bouclier fiscal en 2006, son durcissement en 2007, la modification de son calcul en 2009, la suppression de ce bouclier en 2011 et la mise en place du plafonnement en 2013. La même instabilité avait marqué, entre 2005 et 2013, la fiscalité des plus-values immobilières ou encore celle des droits de successions et de donations.

Cependant, il convient de relever que, depuis la loi de finances pour 2018 qui a remplacé l’ISF par l’IFI et introduit la flat tax sur les revenus mobiliers et les plus-values mobilières, les principaux paramètres de la fiscalité du patrimoine n’ont plus subi que des évolutions à la marge.

Au demeurant, si la stabilité fiscale constitue un atout en soi, sa recherche ne doit pas interdire de réinterroger des paramètres des prélèvements voire d’envisager des réformes de fond.

● Concernant la taxation des revenus du patrimoine, le rapporteur Jean-Paul Mattei souligne que, depuis l’instauration de la flat-tax, seuls les revenus fonciers se voient encore appliquer le barème progressif de l’impôt sur le revenu, les plus-values immobilières bénéficiant par ailleurs d’une imposition à taux proportionnel (19 %) assortie d’abattements pour durée de détention.

Cependant, en dépit des différences d’imposition selon la nature des biens, les éléments de cohérence doivent être soulignés.

En particulier, la fiscalité des revenus du patrimoine répond à des règles communes qui visent à s’assurer que le libre choix des contribuables dans l’affectation de leur patrimoine n’est pas guidé par un but d’optimisation fiscale.

En premier lieu, il en est ainsi du principe d’une « tunnellisation » des plus et moins-values, qui évite que le contribuable qui réalise une moins-value procède concomitamment à la liquidation d’une plus-value latente pour soustraire cette dernière à l’impôt normalement dû.

L’imputation des moins-values est encadrée de la manière suivante :

– les moins-values de cessions de droits sociaux sont imputables sur les plus-values de cessions de même nature réalisées au cours de la même année ; s’il en ressort une moins-value nette, elle est imputable sur les plus-values nettes de même nature jusqu’à la dixième année suivant la cession ;

– les moins-values de cessions d’actifs numériques sont imputables sur les plus-values de cessions de même nature réalisées au cours de la même année. La moins-value nette n’est pas imputable ultérieurement sur les autres plus-values de l’année ou sur la plus-value d’une année ultérieure ;

– les moins-values de cessions d’autres biens meubles ou d’immeubles ne sont pas imputables, ni sur les autres plus-values mobilières ou immobilières de l’année, ni sur les plus-values mobilières ou immobilières d’années ultérieures.

Ensuite, par principe, les plus-values latentes ne sont pas imposables à l’IR ou aux prélèvements sociaux : seule est imposée la plus-value effectivement constatée en cas cession à titre onéreux ou d’opération assimilée.

Néanmoins, une imposition des plus-values latente a été maintenue sous la forme d’une « exit tax » ([28]) pour éviter les abus en cas de changement de résidence fiscale, afin que la France conserve le droit d’imposer, lors de la revente de valeurs mobilières, la fraction du gain réalisé qui avait été constituée avant le départ du contribuable à l’étranger.

Par ailleurs, les mesures de faveur ou d’incitation qui réduisent la fiscalité sur certaines catégories de placements ou exonèrent certaines plus-values sont motivées par des considérations d’intérêt général ou de politique publique. La question est donc moins d’apprécier la cohérence d’ensemble de la fiscalité sur les revenus du patrimoine que d’évaluer l’efficience de chacune des dépenses fiscales existantes au regard de leurs objectifs.

● Enfin, le rapporteur Jean-Paul Mattei souligne la plus forte acceptabilité des prélèvements sur les flux de patrimoine, qui interviennent à un moment où le contribuable dispose de liquidités permettant de s’acquitter de l’impôt dû, par opposition aux prélèvements qui en frappent le stock.

En particulier l’imposition du stock de capital peut se heurter à des contraintes de liquidité pour des redevables détenant un patrimoine même important mais difficilement mobilisable et assorti de revenus faibles.

En outre, la taxation de la détention du patrimoine, en sus de la taxation des revenus provenant de ce patrimoine, peut engendrer des phénomènes de double taxation.

Il convient également de souligner le caractère mixte des droits de donations et successions qui peut contribuer à leur moindre acceptabilité, alors que la distinction entre flux et stock permet aisément de considérer séparément d’une part, les impôts sur les revenus et plus-values ainsi que les droits sur les transactions immobilières et d’autre part, les impôts sur la détention du patrimoine immobilier.

En effet, les DMTG frappent certes un flux entrant dans le patrimoine du contribuable mais le règlement des droits peut contraindre à des cessions non désirées ou mal anticipées, donnant le sentiment d’une atteinte au droit de propriété sur des « biens de famille ».

Enfin, l’incidence d’une catégorie de prélèvements doit être mise en regard des effets de l’ensemble du système fiscal. À titre d’exemple, afin d’acquitter les DMTG, l’héritier ou le donataire de parts de société qui ne disposerait pas de liquidités suffisantes peut se voir contraint de retirer de la trésorerie de l’entreprise en procédant à une distribution du bénéfice : il en résultera un impôt sur les dividendes distribués qui s’ajoutera, de fait, aux droits de successions ou donations.

2.   Des rendements dynamiques, tirés par la hausse des prix de l’immobilier

Le tableau suivant présente le rendement, depuis 2012, des principaux prélèvements sur le patrimoine des ménages.

Rendements des principaux impôts assis sur le patrimoine des mÉnages

(montants en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Détention du patrimoine

Impôt sur la fortune (ISF) / sur la fortune immobilière (IFI)

5 043

4 390

5 198

5 224

5 051

5 067

1 900

2 105

2 016

2 103

2 353

TF propriétés bâties - part acquittée par les ménages

20 256

21 038

21 623

22 322

23 390

23 776

24 375

25 148

25 291

26 717

27 929

TF propriétés non bâties - part acquittée par les ménages

987

989

1 000

1 009

1 026

1 026

1 036

1 062

1 045

1 077

1 092

Sous-total

26 286

26 417

27 821

28 555

29 467

29 869

27 311

28 315

28 352

29 897

31 374

Revenus et plus-values tirés du patrimoine

IR - revenus fonciers

4 095

4 338

4 581

4 623

4 671

4 762

4 902

5 134

4 971

4 740

4 860

IR – plus-values immobilières

1 835

1 519

1 020

885

903

1 034

1 091

1 080

995

1 347

1 595

IR – revenus de capitaux mobiliers

4 721

5 482

3 276

3 325

3 272

3 207

3 136

3 780

3 877

3 748

5 120

IR – plus-values mobilières

1 467

1 592

964

1 343

1 782

1 752

1 982

2 212

2 094

1 798

3 071

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

7 028

8 368

7 806

8 602

9 411

9 707

9 624

6 377

7 183

7 150

8 274

Prélèvements sociaux sur les revenus de placement

13 004

9 722

11 281

11 163

10 983

11 006

11 806

7 965

7 038

8 261

8 852

Dont plus-values immobilières

1 207

1 154

1 402

1 452

1 557

1 859

2 077

1 423

1 249

1 627

1 836

Prélèvements de solidarité

-

-

-

-

-

-

2 763

10 644

10 777

11 814

13 219

Sous-total

32 150

31 021

28 928

29 940

31 023

31 469

35 304

 37 191

36 935

38 859

44 991

Mutations du patrimoine

Droits de mutation à titre onéreux

11 028

10 151

10 606

12 258

13 244

15 270

16 105

17 595

17 037

21 229

22 015

dont droits au profit de l’État

713

658

575

617

679

643

885

783

642

836

1 012

dont droits au profit des collectivités

10 315

9 492

10 031

11 641

12 565

14 627

15 220

16 813

16 395

20 392

21 004

Droits de succession et donation (DMTG)

9 078

9 650

10 332

12 286

12 492

12 830

16 170

15 312

15 108

18 684

18 610

dont donations

1 416

1 116

1 462

1 656

1 799

2 273

2 678

2 998

2 488

3 877

3 357

dont successions

7 662

8 534

8 870

10 630

10 693

10 557

13 492

12 314

12 620

14 807

15 253

Sous-total

20 106

19 801

20 938

24 544

25 736

28 100

32 275

32 907

32 145

39 912

40 625

 

TOTAL

78 542

77 239

77 687

83 039

86 225

89 438

94 890

98 413

97 431

108 669

116 990

* Le recouvrement budgétaire de l’IR, global, ne permet pas d’isoler les revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers et plus-values mobilières imposées à l’IR, notamment les revenus soumis au barème de l’IR. Les rendements de ces derniers ont été déterminés par application aux bases imposables catégorielles déclarées du taux moyen d’IR estimé avant la prise en compte des réductions d’impôt.

** Le prélèvement de solidarité est compris dans les prélèvements sociaux affectés aux administrations de Sécurité sociale jusqu’en 2018, puis il est affecté à l’État.

Source : Commission des finances, d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● Entre 2012 et 2022, le prélèvement total est ainsi passé de 78,5 à presque 117 milliards d’euros, en hausse de + 38,4 milliards d’euros. Le rendement fiscal a donc augmenté de 49 % alors que, dans le même temps, l’érosion monétaire n’a été que de 13,6 %

ÉVOLUTION ENTRE 2012 et 2022 du rendement des principaux impÔts
sur le patrimoine des mÉnages

(montants en millions d’euros)

 

2012

2022

Évolution 2012-2022

Détention du patrimoine

Impôt sur la fortune (ISF) / sur la fortune immobilière (IFI)

5 043

2 353

 2 690

 53,3 %

TF propriétés bâties - part acquittée par les ménages

20 256

27 929

+ 7 673

+ 37,9 %

TF propriétés non bâties - part acquittée par les ménages

987

1 092

+105

+ 10,6 %

Sous-total

26 286

31 374

+ 5 088

+ 19,4 %

Revenus et plus-values tirés du patrimoine

IR - revenus fonciers

4 095

4 860

+ 765

+ 18,7 %

IR – plus-values immobilières

1 835

1 595

 240

 13,1 %

IR – revenus de capitaux mobiliers

4 721

5 120

+ 399

+ 8,5 %

IR – plus-values mobilières

1 467

3 071

+ 1 604

+ 109,3 %

Prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

7 028

8 274

+ 1 246

+ 17,7 %

Prélèvements sociaux sur les revenus de placement et prélèvements de solidarité

13 004

22 071

+ 9 067

+ 69,7 %

Dont plus-values immobilières

1 207

1 836

+ 629

+ 52,1 %

Sous-total

32 150

44 991

+ 12 841

+ 39,9 %

Mutations du patrimoine

Droits de mutation à titre onéreux

11 028

22 015

+ 10 987

+ 99,6 %

dont droits au profit de l’État

713

1 012

+ 299

+ 41,9 %

dont droits au profit des collectivités

10 315

21 004

+ 10 689

+ 103,6 %

Droits de succession et donation (DMTG)

9 078

18 610

+ 9 532

+ 105 %

dont donations

1 416

3 357

+ 1 941

+ 137,1 %

dont successions

7 662

15 253

+ 7 591

+ 99,1 %

Sous-total

20 106

40 625

+ 20 519

+ 102,1 %

TOTAL

78 542

116 990

+ 38 448

+ 49 %

Source : Commission des finances, d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Ainsi que le détaille le tableau ci-avant, cette hausse d’ensemble résulte, pour moitié, du très fort dynamisme de la fiscalité assise sur la valeur vénale du patrimoine immobilier avec un doublement du rendement des droits sur les transactions immobilières ainsi que des droits de successions et donations.

Le dynamisme du rendement provient donc en premier lieu de la hausse des prix du foncier et de la part de la richesse immobilière dans la richesse totale. Elle a entraîné une hausse de la valeur des transactions imposées aux DMTO ainsi que de la valeur des patrimoines transmis imposés au DMTG, très majoritairement constitués de biens immobiliers. Cette dynamique des DMTO semble néanmoins s’éroder depuis début 2023, du fait de la baisse notable du flux de transactions, ce qui pourrait avoir des conséquences sur l’investissement de certaines collectivités locales.

Par contraste, la progression de près de 40 % pour le rendement de la taxe sur le foncier bâti illustre la moindre sensibilité des bases cadastrales à la hausse de l’immobilier, cet effet d’assiette moins favorable n’ayant pas été, dans la dernière période, entièrement compensé par un effet de taux, contrairement à la hausse de + 82 % constatée par le CPO ([29]) entre 2006 et 2016.

Bien que moins dynamiques, l’ensemble des autres composantes de la fiscalité du patrimoine connaît une forte hausse, à l’exception notable du prélèvement sur la fortune, dont le rendement a diminué de plus de la moitié (en baisse de 2,7 milliards d’euros) en raison de son recentrage sur le seul patrimoine immobilier, l’ancien impôt sur la fortune (ISF) ayant été transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi de finances pour 2018 ([30]).

● Conséquence directe du constat que le patrimoine net des ménages augmente, depuis 20 ans, plus vite que le revenu national (voir supra), le rendement de la fiscalité du patrimoine augmente plus rapidement que celui de l’ensemble des prélèvements obligatoires.

Alors que depuis 2012, le total des prélèvements obligatoires a augmenté de + 30,5 %, le rendement de la fiscalité du patrimoine a crû de + 49 %, soit près de 19 points de plus, comme le détaille le tableau ci-après.

La fiscalité du patrimoine des ménages dans l’ensemble
des prélèvements obligatoires

(montants en milliards d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolutions
2012-2022

Total des prélèvements obligatoires

914,7

946,8

958,9

975

990,7

1 038

1 058,1

1 063,8

996,6

1 072,2

1 194,1

+ 279,4

+ 30,5 %

Prélèvements sur le patrimoine des ménages

78,5

77,2

77,7

83

86,2

89,4

94,9

98,4

97,4

109,7

117

+ 38,5

+ 49 %

Part dans l’ensemble

8,6 %

8,2 %

8,1 %

8,5 %

8,7 %

8,6 %

9 %

9,2 %

9,8 %

10,2 %

9,8 %

 

Source : calculs de la commission des finances, d’après les documents budgétaires et les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Ce constat prolonge ceux du CPO qui avait relevé qu’entre 2000 et 2016, la part des prélèvements sur le capital des ménages était ainsi passée de 7 % à 8,1 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires.

Les dernières années ont donc vu cette tendance se poursuivre, les impôts et prélèvements sociaux sur le patrimoine des ménages approchant donc désormais 10 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires, en hausse de + 1,2 point en 10 ans et de + 3 points en 20 ans.

● Enfin la mission d’information relève la hausse de la part de l’État parmi les affectataires de la fiscalité du patrimoine, passée, en dix ans, de 34,4 à 42,7 % du total, qui résulte principalement de la fin de l’affectation à la sécurité sociale du prélèvement de solidarité assis sur les revenus mobiliers et immobiliers, sous l’effet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([31]).

RÉpartition des impôts sur le patrimoine des mÉnages par affectataires

(montants en milliards d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Collectivités territoriales

31,6

31,5

32,6

34,9

36,9

39,5

40,6

43

42,7

48,2

50

En % du total

40,2 %

40,8 %

42 %

42,1 %

42,9%

44,1%

42,8%

43,7%

43,9%

44,3%

42,8%

État

26,9

27,6

25,9

28,3

28,8

29,3

32,8

41

40,5

45,1

49,8

En % du total

34,3 %

35,9 %

33,4 %

34,1%

33,5%

32,8%

34,6%

41,7%

41,5%

41,5%

42,6%

Sécurité sociale

20

18,1

19,1

19,7

20,4

20,7

21,5

14,3

14,2

15,4

17,1

En % du total

25,5 %

23,4 %

24,6%

23,8%

23,7%

23,2%

22,6%

14,6%

14,6%

14,2%

14,6%

TOTAL

78,5

77,2

77,7

83

86,2

89,4

94,9

98,4

97,4

108,7

117

Source : calculs de la commission des finances, d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

3.   Des niveaux de prélèvements plus élevés que la moyenne de nos partenaires

 Dans son rapport précité, le CPO a établi des comparaisons des niveaux globaux de la fiscalité du patrimoine en France par rapport aux autres pays européens, tout en soulignant que la portée de l’exercice est atténuée par le fait que les statistiques européennes disponibles ne distinguent pas entre ménages et entreprises s’agissant des prélèvements sur le stock de capital. Dans le même sens, relevons également que ce taux de prélèvement plus élevé traduit le choix de services collectif étendus, notamment dans la santé, l’éducation ou la solidarité.

Sur ce périmètre, plus large que celui retenu par la mission d’information, il ressortait en 2017 un prélèvement total en France de 10,8 % du produit intérieur brut (PIB), supérieur de 2,4 points à la moyenne européenne de 8,4 %, faisant de la France le deuxième État après l’Italie en niveau de prélèvement, 4,5 points au-dessus de l’Allemagne.

Selon la classification établie par la commission européenne des impôts sur la propriété et la cession de propriété, qui recouvre toutes les taxes immobilières (DMTO, IFI, taxes foncières, taxes d’habitation), les prélèvements sur le capital immobilier des entreprises (cotisations foncières des entreprises, contributions sur la valeur ajoutée des entreprises) et les droits de successions et de donations, la France présente les ratios d’imposition les plus élevés, à 4 % du PIB contre une moyenne européenne de 2,1 % et à près de 9 % des prélèvements obligatoires contre une moyenne européenne de 5,2 %.

Impôts sur la propriété et la cession de propriÉTÉ en % du PIB en 2021

Source : commission européenne, à partir des données Eurostat. Data on taxation trends, tableau « Property taxes » (HYPERLINK https://taxation-customs.ec.europa.eu/taxation-1/economic-analysis-taxation/data-taxation-trends_en).

Impôts sur la propriété et la cession de propriÉTÉ en part de Prélèvements obligatoires en 2021

Source : commission européenne, à partir des données Eurostat. Data on taxation trends, tableau « Property taxes » (HYPERLINK https://taxation-customs.ec.europa.eu/taxation-1/economic-analysis-taxation/data-taxation-trends_en).

 Il convient cependant de relever qu’une partie de ce constat s’explique par le niveau de richesse patrimoniale, notamment foncière, plus grand des ménages français par rapport à leurs voisins européens, le patrimoine privé étant estimé à près de 600 % du PIB en France, contre 400 % du PIB en Allemagne et 500 % au Royaume-Uni ( [32]).

L’écart par rapport à la moyenne européenne traduit par ailleurs le niveau plus important de l’ensemble des prélèvements obligatoires dans le PIB en France, 47 % du PIB en 2021 contre 41,7 % pour la moyenne de l’Union européenne ([33]), du fait du choix d’une prise en charge collective d’un plus grand nombre de besoins .

● Au-delà de l’analyse d’ensemble, on peut relever que la fiscalité en France se démarque par deux spécificités principales.

En premier lieu, la France a fait le choix d’appliquer un prélèvement important sur les donations et successions. Alors que les recettes tirées de l’impôt sur les successions et donations ne représentent que 0,36 % du total des recettes fiscales de l’ensemble des pays de l’OCDE (et 0,51 % du total lorsque seuls les pays ayant maintenu une imposition des successions ou donations sont pris en compte), ces recettes dépassent 1 % du total des prélèvements obligatoires dans seulement quatre États, dont la France, aux côtés de la Belgique, de la Corée du Sud et du Japon.

Imposition des successions et donations en part de l’ensemble
des PrÉlÈvements obligatoires en 2019

Source : OCDE, Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE, Études de politique fiscale de l’OCDE, No. 28, p. 84 (lien)

En second lieux, les représentants du CPO ont indiqué à la mission d’information que la France se démarque par le niveau des prélèvements sur le patrimoine immobilier :

 d’une part, sur une assiette recouvrant tant les ménages que les entreprises, les taxes foncières représentent 3,3 % des prélèvements obligatoires dans l’OCDE, mais atteignent en France près de 6 % de l’ensemble des PO ;

 d’autre part, la France pratique également une imposition plus élevée que la moyenne de l’OCDE sur les cessions immobilières. Les DMTO représentaient ainsi 0,65 % du PIB en 2015 contre 0,4 % en moyenne OCDE, même si leur part dans le PIB est plus élevée encore en Belgique, en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne.

● Enfin, il convient de souligner que certaines modalités d’imposition du patrimoine des ménages applicables en France, sujettes à débats, sont largement partagées en Europe.

De la même façon que les taxes foncières sont assises, en France, sur des valeurs cadastrales qui peuvent être déconnectées de la valeur vénale des biens imposés, l’Allemagne, l’Autriche, le Luxembourg retiennent également des valeurs historiques datant de plusieurs décennies. Les difficultés d’actualisation des bases foncières ne sont donc pas propres à la France.

De même, concernant les droits de succession et de donation, en France comme chez la plupart de nos partenaires européens, l’imposition diffère selon que les transmissions se font en ligne directe ou en faveur de tiers, seuls les pays anglo-saxons ne pratiquant pas cette différenciation. Dans la plupart des États européens, les transmissions d’entreprises font également souvent l’objet de dispositifs de faveur.

4.   Un cadre juridique garant du droit de propriété et de l’égalité des contribuables devant les charges publiques

● Le Conseil constitutionnel juge qu’il appartient au législateur, lorsqu’il institue une imposition, d’en déterminer librement l’assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et règles de valeur constitutionnelle et compte tenu des caractéristiques de l’imposition en cause ([34]).

Il en résulte, en matière de fiscalité du patrimoine, une jurisprudence abondante qui encadre l’intervention du législateur sans pour autant le priver de toutes marges de manœuvre.

a.   L’imposition des revenus ou de la détention du patrimoine ne doit pas conduire à rendre l’impôt confiscatoire

● En premier lieu, concernant l’imposition des revenus du patrimoine, le législateur doit veiller à ce que les règles d’assiette ou de taux n’aient pas pour effet de porter atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques.

Le principe d’égalité, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC), impose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Ce principe ne s’oppose cependant ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il n’en résulte pas non plus que le législateur soit obligé de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

Aux termes de l’article 13 de la DDHC, « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Il en résulte que l’égalité devant les charges publiques ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

Le Conseil constitutionnel considère que ce principe ne serait pas respecté à deux conditions alternatives ([35]) :

– si l’impôt revêt un caractère confiscatoire ;

– ou si l’impôt fait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

Depuis l’examen du projet de loi de finances pour 2013, le Conseil constitutionnel porte cette appréciation en prenant en considération l’ensemble des impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable ([36]). Par cette décision particulièrement topique, le Conseil a ainsi censuré une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir qui aurait eu pour effet, en tenant compte de l’ensemble des prélèvements applicables, d’appliquer un taux marginal d’imposition de 82 %.

Ceci conduit à déterminer un taux marginal maximal d’imposition applicable à un même revenu qui, s’il est excessif, est considéré comme confiscatoire.

Par un avis du 21 mars 2013 ([37]), le Conseil d’État a synthétisé cette jurisprudence en considérant qu’un taux marginal de 66,6 % est un seuil au-delà duquel une disposition fiscale s’expose à un risque de censure par le Conseil constitutionnel.

On peut relever en outre que l’application d’un taux marginal maximal de 62 %, susceptible de porter sur la cession de valeurs mobilières « détenues sur une longue durée », n’a été jugée conforme au principe d’égalité devant les charges publiques que sous réserve de l’application à la plus-value d’un coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur de l’imposition ([38]).

● En matière d’impôt sur la détention du patrimoine lorsque le taux applicable est élevé, il apparaît nécessaire, pour éviter que l’impôt ait un caractère confiscatoire, de prévoir un plafonnement de l’impôt dû en fonction des revenus disponibles.

Le plafonnement doit ainsi permettre d’éviter qu’un impôt tel que l’ISF ou l’IFI, ajouté aux autres prélèvements directs opérés sur le revenu, ne dépasse 75 % du revenu fiscal de référence du contribuable.

Dans le cadre de l’examen d’une contribution exceptionnelle instituée au titre de l’année 2012 et fondée sur le barème de l’ISF antérieur à 2012, le Conseil a jugé qu’une imposition permanente sur le patrimoine avec un barème tel que celui de l’ISF antérieur à 2012 qui ne prévoirait pas de dispositif de plafonnement créerait une rupture d’égalité devant les charges publiques et serait par conséquent inconstitutionnelle ([39]).

Cependant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas de savoir précisément à quel niveau se situe le taux marginal d’imposition nécessitant un plafonnement de l’impôt dû : un taux marginal de prélèvement à l’ISF de 0,5 % a été validé en l’absence de plafonnement tandis qu’un taux marginal de 1,8 % a nécessité un plafonnement.

La jurisprudence constitutionnelle a par ailleurs autorisé la taxation de la détention de biens non productifs de revenus, en considérant qu’elle ne méconnaît pas l’exigence de prise en compte des facultés contributives ([40]), dans la mesure où la jouissance de ces biens constitue un revenu en nature ou parce que leur imposition vise à éviter que le contribuable échappe à l’imposition en organisant son patrimoine de façon à ce qu’il ne procure pas de revenus. Cependant, l’impôt ne doit pas porter sur des biens dont le contribuable n’a pas la disposition ([41]).

Enfin les impôts sur la détention du patrimoine ne sont pas soumis aux mêmes exigences de prise en compte de la composition du foyer que l’impôt sur le revenu. Le Conseil constitutionnel a par exemple estimé, en matière d’ISF, que le législateur n’est pas tenu d’appliquer un quotient familial, dès lors que les capacités contributives du contribuable sont prises en compte selon d’autres modalités ([42]).

Le rapporteur Nicolas Sansu rappelle que certains économistes, tels que Piketty ou Zucman, estiment que pour les très hauts patrimoines (500 premières fortunes), le revenu issu de l’entreprise détenue et le revenu personnel se confondent. Sinon, comme cela a été démontré, on arrive à l’aberration où leur IR ne représente que 2 % de leur revenu total ! Intégrer la notion de revenu économique dans le plafonnement pourrait permettre de corriger cette distorsion.

b.   Les différenciations fiscales doivent respecter le principe d’égalité entre contribuables nationaux et européens

● En deuxième lieu, les différenciations fiscales établies par le législateur doivent respecter le principe d’égalité entre contribuables.

La possibilité pour le législateur de mettre en place des avantages fiscaux sous forme de réduction d’assiette (exonération, abattement), de baisse de taux ou encore de réduction ou de crédit d’impôt est conditionnée au respect du principe d’égalité.

Le Conseil constitutionnel s’assure ainsi que les distinctions introduites entre redevables répondent à des différences de situation ou à un objectif d’intérêt général, sont cohérentes avec le but poursuivi par le législateur et ne créent pas de rupture d’égalité entre redevables placés dans la même situation.

Le Conseil constitutionnel a par exemple censuré pour méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques les dispositions de la loi de finances pour 1996 instituant un abattement de 50 % sur les transmissions entre vifs de biens professionnels à titre gratuit, subordonné à la seule condition que les biens transmis soient conservés par les donataires pendant cinq ans, sans exiger que les donataires exercent une fonction dirigeante au sein de l’entreprise transmise ([43]).

De même, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi de finances pour 2014 qui majoraient la réduction des droits de mutation par décès sur des immeubles situés en Corse et reportaient l’extinction de ce régime dérogatoire d’exonération ([44]). Il a en effet considéré que ces dispositions accroissaient le caractère dérogatoire de ce régime et conduisaient à ce que, sans motif légitime, la transmission de ces immeubles puisse être dispensée du paiement d’une partie des droits de mutation.

Les rapporteurs insistent donc sur l’importance de s’assurer que toutes propositions de mesures fiscales dérogatoires soient bien justifiées par une situation spécifique des contribuables concernées ou par des exigences particulières mises leur charge : il en va au demeurant tout autant du respect des principes constitutionnels que de la bonne administration des deniers publics.

● Le contrôle du Conseil constitutionnel diffère, au regard du principe d’égalité devant les charges publiques, selon qu’il est exercé sur une disposition fiscale incitative ou « comportementale » ou sur une disposition fiscale qui vise uniquement un certain rendement budgétaire.

Dans le premier cas, le Conseil examine si le critère retenu pour fixer le champ d’application ou la base taxable est cohérent pour avoir l’effet que le législateur veut promouvoir.

Dans le second cas, le Conseil examine si l’assiette retenue par le législateur correspond bien à une faculté contributive identifiable et s’il n’a pas exclu de manière injustifiée des éléments d’assiette identiques ou très comparables à ceux retenus.

Un exemple topique est fourni par la décision du Conseil constitutionnel concernant la création de l’IFI, par laquelle il s’est assuré du caractère objectif et rationnel des critères retenus par le législateur, comme détaillé dans l’encadré ci-après ([45]).

Le contrôle par le Conseil constitutionnel de l’assiette retenue pour l’IFI

Le Conseil constitutionnel a en premier lieu écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que des biens immeubles jugés « productifs » sont inclus dans l’assiette de la taxe alors que des biens « meubles » jugés improductifs en sont exclus (point 41 de la décision).

En second lieu, le Conseil constitutionnel a validé l’exonération de l’assiette de l’IFI des biens affectés à l’activité professionnelle du redevable, au motif qu’en excluant de l’assiette de cet impôt les immeubles détenus directement ou indirectement par une société lorsqu’ils sont affectés à son activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, le législateur a entendu limiter l’imposition instituée aux biens non professionnels et ne pas pénaliser la détention de biens immobiliers pour l’exercice de ces activités.

Dès lors, le législateur pouvait traiter différemment les biens immobiliers détenus par des sociétés pour l’exercice de leur activité et ceux loués à des tiers, y compris lorsqu’ils sont affectés par le locataire à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (point 42 de la décision).

● Par ailleurs, la taxation du patrimoine ne doit pas entraîner de discrimination ni entraver l’exercice des quatre libertés protégées par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), notamment la liberté de circulation des capitaux (articles 63 et suivants du TFU), sauf si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnée à l’objectif poursuivi. Le rapporteur Nicolas Sansu relève néanmoins que le TFUE, dont l’adoption a été chaotique, génère encore une fracture dans la population française, et que les règles qui le régissent pourraient, si le peuple en décidait ainsi, être modifiées.

La principale contrainte du droit de l’Union européenne sur la fiscalité du patrimoine est ainsi de ne pas opérer de distinction entre résidents et non-résidents et entre opérations internes et transfrontalières, ce qui conduit à encadrer strictement des régimes de taxation qui reposeraient sur la territorialisation d’un avantage ou encore qui traiteraient plus favorablement les résidents que les non-résidents, d’États membres ou d’États tiers.

Cependant l’objectif de lutte contre la fraude fiscale, que le Conseil constitutionnel a consacré comme objectif de valeur constitutionnelle, autorise une approche assez souple.

Ainsi, les mesures d’exit tax, consistant à imposer les plus-values latentes des ressortissants qui transfèrent leur domicile fiscal à l’étranger, sont considérées comme une discrimination, dès lors qu’elles s’appliquent uniquement aux opérations transfrontalières. Elles peuvent cependant être justifiées si la mesure est proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi et le principe d’un report d’imposition des plus-values latentes constatées à la sortie du territoire est désormais consacré et précisé au niveau communautaire ([46])

Le droit dérivé de l’Union européenne impose par ailleurs des contraintes fortes dans deux domaines :

– sous l’effet de la directive dite « fusion » de 2009 qui organise la neutralité fiscale des opérations de restructuration entre États membres, est exclue la possibilité d’imposer sur le revenu les bénéfices ou les plus-values d’un contribuable lors d’une fusion, d’une scission ou d’un échange de titres ([47]) ;

– le règlement relatif à l’application des régimes de sécurité sociale ([48]) exclut la possibilité pour un État membre d’assujettir aux prélèvements sociaux sur des revenus du patrimoine un contribuable relevant de la législation d’un autre État membre en matière de sécurité sociale.

c.   Le principe de garantie des droits invite à limiter l’instabilité des règles fiscales

● Enfin, le principe de garantie des droits établi par l’article 16 de la DDHC conduit le Conseil constitutionnel à considérer :

– qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ;

– mais que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises, ni remettre en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l’empire de textes antérieurs.

Ainsi, la suppression de l’exonération des intérêts des plans épargne logement (PEL) de plus de douze ans ou de ceux dont le terme est échu, prévue par l’article 7 de la loi de finances initiale pour 2006, a été jugée conforme à la Constitution dès lors qu’elle n’avait pas d’effet rétroactif et n’affectait pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits ([49]).

À l’inverse, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoyant, en contrepartie de l’exonération d’impôt sur le revenu, l’application de prélèvements sociaux au taux « historique » sur les produits issus des primes versées sur les contrats d’assurance-vie souscrits avant le 26 septembre 1997 et conservés durant 6 ou 8 ans : le Conseil constitutionnel a ainsi considéré « qu’un motif exclusivement financier, ne constitue pas un objectif d’intérêt général suffisant pour justifier que les produits des contrats d’assurance-vie acquis ou constatés pendant la durée légale nécessaire pour bénéficier du régime particulier d’imposition de ces produits fassent l’objet d’une modification des taux de prélèvements sociaux qui leur sont applicables » ([50]).

Cette approche rejoint en outre celle de la Cour européenne des droits de l’homme qui a développé une jurisprudence sur l’espérance légitime en matière fiscale, sur le fondement de l’article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui est invocable devant les juridictions administratives et judiciaires.

Cependant, les garanties apportées aux « effets légitimement attendus » doivent naître du fait générateur de l’impôt et ne s’étendent pas aux effets sur des impositions futures et distinctes. Le législateur peut ainsi modifier pour l’avenir de nombreux avantages fiscaux de faveur.

En matière de DMTG, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que chaque donation ou succession constitue un fait générateur particulier pour l’application des règles d’imposition. Les modalités d’imposition d’une donation passée ne produisent donc aucun effet légitimement attendu quant aux règles d’imposition applicables aux donations ou aux successions futures. Dès lors, sans être tenu d’édicter des mesures transitoires, le législateur peut modifier le délai à compter duquel il n’est plus tenu compte des donations antérieures pour déterminer l’imposition des donations ou successions à venir ([51]).

De même, en matière d’impôt sur la détention du patrimoine, le législateur a pu ne pas reconduire, dans le cadre de l’IFI, des exonérations de parts ou actions de certaines sociétés, qui bénéficiaient de mesures d’exonération partielle dans le cadre de l’ISF. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé qu’il ne peut être déduit d’une exonération d’impôt au titre de certains biens un droit acquis à conserver le bénéfice de cette exonération dans le cadre d’un nouvel impôt incluant dans son assiette les mêmes biens. Par conséquent, la suppression de ces exonérations ne remet pas en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de situations légalement acquises ([52]).

● Au-delà des contraintes proprement constitutionnelles, dans son rapport précité, le CPO invitait en outre à veiller à la prévisibilité des règles pour en garantir l’acceptabilité ([53]).

Constatant que la forte instabilité normative en matière de fiscalité du capital, manifeste pendant la décennie 2007-2017, avait généré de nombreuses interrogations sur l’application de la loi fiscale dans le temps et le respect des situations légalement acquises, le CPO appelait à rechercher à moyen terme davantage de stabilité normative.

Il invitait en particulier à recourir aux clauses dites du « grand-père » permettant de maintenir le régime fiscal existant pour les situations en cours, soit de manière définitive, en limitant l’application des règles nouvelles aux opérations intervenues après l’entrée en vigueur de la réforme, soit pour une période déterminée suffisamment longue.

Il proposait également de différer l’application des modifications du régime fiscal de manière à laisser aux acteurs économiques la possibilité de s’y adapter.

C.   Une connaissance de l’impôt à améliorer aux fins, notamment, d’un meilleur contrôle

1.   Des remontées d’informations insuffisantes

Les rapporteurs soulignent la connaissance parfois insuffisante des caractéristiques de l’assiette des différents impôts et des dépenses fiscales qui s’y rattachent, empêchant de conduire une véritable analyse et, partant, de conduire un véritable débat sur leur efficacité.

Cette méconnaissance porte en premier lieu sur l’assiette de certains impôts. C’est le cas des impôts déclaratifs, comme l’IFI. Contrairement aux impôts prélevés par voie de prélèvement à la source, les impôts déclaratifs reposent sur la seule déclaration du contribuable. Aucune évaluation n’est conduite par l’administration. Le contribuable, confronté à plusieurs difficultés au moment de remplir sa déclaration (par exemple pour évaluer correctement la valeur vénale de ses biens immobiliers dans le cadre d’une déclaration d’IFI), est susceptible de procéder à une déclaration incorrecte.

Une autre difficulté en matière de connaissance de l’assiette se pose au regard de la méthodologie de revalorisation de certaines bases taxables. C’est en particulier le cas des taxes foncières, dont la base taxable fait l’objet d’une revalorisation annuelle indiciaire, en fonction de coefficients fondés sur l’indice des prix à la consommation harmonisée national – ce qui entraîne une déconnexion avec les prix de l’immobilier locaux. La base taxable résultant de cette méthodologie de revalorisation ne permet pas de juger de l’impact véritable des taxes foncières sur les redevables.

Les rapporteurs feront, dans la seconde partie de ce rapport, des recommandations pour améliorer la connaissance de l’assiette des différents impôts sur le patrimoine.

Les rapporteurs notent également un important manque de données et d’évaluations en matière de dépenses fiscales applicables à ces impôts. À titre d’exemple, la dépense fiscale du dispositif Dutreil, qui permet aux dirigeants qui souhaitent transmettre leur société (ou les titres détenus) de bénéficier d’une exonération des droits de mutation induits par la donation ou succession (cf. infra), est évaluée de manière conventionnelle à 500 millions d’euros. Ce montant, qui figure dans le tome II du rapport sur les Voies et moyens, serait en fait très éloigné de la réalité, le Conseil d’analyse économique ayant avancé une estimation de coût annuel autour de 2 à 3 milliards d’euros ([54]). Pour le rapporteur Nicolas Sansu, l’absence de volontarisme de la DGFiP pour mieux chiffrer ces dépenses fiscales et le peu de réponses apportées durant l’audition de cette direction par la mission d’information illustrent une volonté de masquer l’information afin d’éviter tout débat véritable sur l’encadrement ou la remise en cause de ces niches.

Enfin, les rapporteurs ont constaté des insuffisances en matière d’exploitation des données et de leur utilisation croisée. La DGFiP a ainsi indiqué aux rapporteurs qu’il lui était impossible de croiser, par exemple, la part du capital hérité et la richesse totale, afin d’étudier le poids de la première dans la deuxième. L’appareillage serait cependant une source précieuse d’information – comme l’a montré la récente note de l’Institut des politiques publiques « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » ([55]).

2.   Une priorité du contrôle bien identifiée, une augmentation des moyens dédiés à confirmer

a.   L’organisation du contrôle fiscal des particuliers

La mission de contrôle fiscal des particuliers est structurée en trois niveaux, départemental, interrégional et national, en fonction des enjeux de contrôle. Elle mobilise environ 2 900 emplois à la DGFiP.

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Source : DGFiP.

Au niveau départemental, les services d’impôts de particuliers (SIP) assurent un contrôle simple, dit « de régularisation ». Le contrôle d’initiative est réalisé par les pôles de contrôle revenus / patrimoine (PCRP), chargés depuis 2016, du contrôle corrélé des revenus et du patrimoine des particuliers. La constitution de ces pôles a permis de gagner en efficacité et cohérence dans le contrôle des dossiers des particuliers. Il s’agit d’être en mesure de procéder à un examen global du revenu et du patrimoine.

Au niveau interrégional, les brigades patrimoniales des directions spécialisées de contrôle fiscal sont chargées, depuis leur mise en place en 2017, du contrôle sur place et sur pièces approfondi des dossiers de dirigeants et associés personnes physiques des entreprises relevant de leur compétence.

Au niveau national, la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) est en charge du contrôle fiscal des dossiers des particuliers dits sensibles ou à forts enjeux. Elle est également en charge de l’examen de la situation patrimoniale et fiscale des élus (locaux, nationaux et européens), ainsi que du traitement des demandes de renseignements de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Le portefeuille des dossiers dits à très forts enjeux (DTFE) de la DNVSF a été redéfini en 2021 afin de tenir compte à la fois de la transformation de l’ISF en IFI en 2018, ainsi que de la fin de la mission du STDR en 2019 (Service de traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l’étranger non déclarés). Outre les dossiers sensibles ou particulièrement complexes, la compétence de la DNVSF a ainsi été élargie aux contribuables disposant de revenus annuels bruts supérieurs à 1 million d’euros par foyer ou d’un actif brut taxé à l’IFI supérieur à 6,9 millions d’euros.

En complément, depuis le 1er septembre 2021, cinq nouvelles structures dédiées au contrôle des particuliers, les pôles nationaux de contrôle à distance des particuliers (PNCD), ont été ouvertes. Ces pôles contrôlent les dossiers simples des particuliers situés sur l’ensemble du territoire national.

Les rapporteurs soulignent cependant l’inquiétante baisse des effectifs de la DGFiP depuis 20 ans. Les effectifs de la DGFiP s’élèveraient aujourd’hui à près de 97 000 (dont un peu plus de 91 000 effectifs réels payés) contre plus de 140 000 en 1999. S’agissant en particulier des effectifs du contrôle fiscal, les effectifs sont passés de près de 12 000 en 2017 à 10 400 en 2021 ([56]). Si cette diminution peut à certains égards s’expliquer par certaines évolutions législatives (comme la mise en place du prélèvement à la source), il n’en reste pas moins qu’elle complique le travail des vérificateurs et des enquêteurs. Les brigades dont les effectifs baissent ont ainsi de moins en moins de temps pour aller effectivement effectuer leur mission sur le terrain. Cette baisse des effectifs s’est toutefois accompagnée d’une forte hausse des moyens techniques.

La Cour des comptes a ainsi relevé dans un rapport de 2019 sur la fraude aux prélèvements obligatoires ([57]), la très forte baisse des contrôles sur place. Les vérifications de comptabilité (c’est-à-dire le contrôle sur place des professionnels) ont baissé de 20 % entre 2013 et 2018 ; et le nombre de contrôle sur place des particuliers a baissé de 25 % sur la même période.

Évolution du nombre de contrôles sur place entre 2013 et 2018

Source : Cour des comptes, « La fraude aux prélèvements obligatoires », 2019.

b.   Le contrôle fiscal

  1.   Des résultats du contrôle fiscal en progression depuis 2019

Les résultats du contrôle fiscal en matière de fiscalité patrimoniale sont en forte progression depuis 2019.

Montants des droits et pénalités rappelés (hors STDR ([58]) ) entre 2019 et 2022

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Évolution 2021-2022

Évolution 2019-2022

Droits d’enregistrement

1 242

1 427

2 370

2 690

14 %

117 %

dont droits des déclarations de successions déposées après relance

745

1 137

1 536

1 884

23 %

153 %

Impôt sur la fortune (ISF/IFI)

398

352

381

353

– 7 %

– 11 %

dont droits des relances ISF

84

83

73

43

 41 %

 49 %

Plus-value des particuliers

12

13

20

19

– 5 %

58 %

Total droits

1 652

1 792

2 771

3 062

10 %

85 %

Total pénalités

159

115

167

119

– 29 %

– 25 %

Total droits + pénalités

1 811

1 907

2 938

3 181

8 %

76 %

Source : éléments transmis aux rapporteurs par la DGFiP.

Encaissements sur droits et pénalités, hors STDR

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Évolution
2021-2022

Évolution
2019-2022

Autres impôts auto-liquidés (ISF et DE)

1 718

1 614

2 997

1 928

– 36 %

12%

IFI (uniquement à partir de 2022)

-

-

-

7

-

-

Déclarations d’ISF déposées après relance

84

83

73

43

– 41 %

– 49 %

Déclarations de succession déposées
après relance

745

1 137

1 536

1 884

23 %

153 %

TOTAL

2 547

2 834

4 606

3 862

 16 %

52 %

Source : DGFiP.

La forte progression des encaissements des droits relatifs à la fiscalité patrimoniale depuis 2019 (+ 52 %) est notamment liée à la hausse des droits issus des déclarations de successions déposées après relance ou mise en demeure (1,9 milliard d’euros en 2022 contre 0,7 milliard d’euros en 2019). Cette évolution est la conséquence de plusieurs facteurs. D’une part, le report de l’enregistrement des affaires entre 2019 et 2020 explique pour partie la hausse des encaissements liés aux droits d’enregistrements et à l’impôt de solidarité sur la fortune en 2021 (+ 1,3 milliard entre 2020 et 2021). D’autre part, la surmortalité causée par la crise sanitaire a engendré un très fort rebond des encaissements en 2021, qui se prolonge en 2022. En effet, le nombre de déclarations de successions déposées suite à relance ou mise en demeure a augmenté de 21 % entre 2020 (20 115 déclarations) et 2021 (24 422 déclarations). En 2022, les encaissements issus des droits des déclarations de successions après relance continuent de croître (1,8 milliard d’euros contre 1,5 milliard d’euros en 2021), associés à un plus grand nombre de déclarations (+ 7 % de déclarations entre 2021 et 2022) et à la hausse du rendement moyen des droits de succession de 18 % (72 000 euros en 2022 contre 63 000 euros en 2021).

  1.   Le datamining, innovation méthodologique du contrôle fiscal

Des évolutions dans les méthodes employées sont intervenues, avec notamment le développement du datamining. Dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, la DGFiP recourt aux méthodes d’analyse de données mettant en œuvre des techniques statistiques ou d’apprentissage automatique pour améliorer le ciblage des opérations de contrôle. Ces travaux sont menés par un service dédié ([59]), rattaché au service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal et en liaison étroite avec les pôles de programmation localisés dans les directions spécialisées du contrôle fiscal (DIRCOFI). Les travaux menés par ce service mettent en œuvre des techniques d’analyse prédictive qui ont pour but d’identifier, par des méthodes statistiques ou mathématiques, les critères caractérisant une personne fraudeuse et ainsi d’établir un profil de fraude qui sera appliqué à une population cible.

Les techniques d’analyse prédictive

Les techniques d’analyse prédictive reposent sur :

– des méthodes supervisées qui partent de l’analyse des contrôles réalisés au cours des années antérieures ([60]) ;

– des méthodes non supervisées qui consistent principalement à détecter des groupes d’entreprises ou de particuliers qui ont un comportement dit « atypique » ou « incohérent » qui peut être assimilé, après analyse, à de la fraude ([61]) ;

– de l’analyse de réseaux pour faire ressortir les entités ayant une proximité forte avec des personnes fraudeuses ou suspectes.

Ces travaux, désormais largement automatisés, se sont traduits, en 2022, pour la sixième année consécutive, par une augmentation sensible des productions issues de l’analyse de données nationales : elles sont à l’origine de 20 014 propositions de contrôle fiscal externe (15 034 en 2021, 10 165 en 2020, 9 919 en 2019, 6 917 en 2018, 3 000 en 2017 et 345 en 2016).

Évolution du nombre de propositions de contrôle fiscal externe
issues du datamining entre 2016 et 2022

Source : commission des finances, à partir des données de la DGFiP.

Les contrôles issus des analyses de données nationales ont permis de rappeler plus de 2 milliards d’euros de droits et pénalités en 2022 contre 1,2 milliard en 2021.

S’agissant des particuliers, le bureau en charge du datamining dispose de données décloisonnées. Sans être exhaustif, on peut citer, par exemple, les données déclarées à l’impôt sur le revenu (ADONIS), les données sur les cessions mobilières et immobilières, donations et successions (BNDP), les données foncières (MAJIC), les données sur les comptes financiers détenus en France (FICOBA) ou sur les contrats d’assurance-vie ou de capitalisation détenus en France (FICOVIE). Il dispose également de nombreuses informations en provenance de tiers comme les données EAI sur les revenus de source étrangère et les comptes financiers détenus à l’étranger, les données transmises par les employeurs au titre des rémunérations versées à leurs employés (SIR), les données transmises par les plateformes collaboratives (ECCOLAB) au titre des sommes versées dans le cadre de la location meublée d’un logement, etc.

Le recoupement de données est favorisé depuis de nombreuses années par le développement de l’échange de données. Ainsi les échanges de données internationales relatives aux comptes détenus à l’étranger sont une source essentielle de programmation du contrôle du patrimoine des personnes physiques. Ce sont ainsi près de 7 millions de rapports de comptes détenus à l’étranger qui ont été reçus à la DGFiP au titre de l’année 2021. Ces données sont recoupées avec les données déclaratives disponibles à la DGFiP pour identifier les profils frauduleux ou les anomalies déclaratives, pour inciter également les redevables à régulariser leur situation dans le cadre de la loi ESSOC.

En ce qui concerne le cas particulier de la lutte contre la fraude patrimoniale, les data-scientists de la DGFiP ont développé des modèles de valorisation des biens immobiliers, de détection des minorations de loyers déclarés au regard du patrimoine détenu ou des majorations de charges foncières comparées aux charges foncières déclarées par les foyers qui disposent d’un patrimoine immobilier similaire par exemple. Le décloisonnement des données et la mutualisation des travaux permise par le bureau en charge du datamining ont permis d’accroître l’efficacité de la programmation en améliorant le ciblage des dossiers étudiés.

Le développement de nouvelles techniques comme le text-mining.

De nouvelles technologies ont été acquises par la DGFiP et notamment le text-mining qui permet d’optimiser l’exploitation de l’information disponible sous format image (actes notariés de succession par exemple) en la transformant en texte requêtable. Cette technologie permet de récupérer des informations jusqu’alors non exploitées, car disponibles sous format image, de les structurer en base de données et de lancer des travaux d’analyse risque ou de data-science pour identifier la fraude patrimoniale (ex : minoration d’actifs successoraux). Cette technologie permet ainsi de créer de la donnée afin de mieux couvrir les risques patrimoniaux dans des domaines où la donnée n’était pas suffisante.

  1.   Pistes d’amélioration de l’efficacité du contrôle fiscal s’agissant de la fiscalité patrimoniale

Afin de répondre au besoin d’expertise et de soutien technique des agents en charge du contrôle patrimonial, la DGFiP a créé en septembre 2022 un pôle national de soutien au réseau dédié au contrôle patrimonial (PNSR Cpat), au sein de la DNVSF. Ouvert aux services à compter du 1er janvier 2023, il a pour mission de les assister aux plans technique et juridique sur les problématiques relatives au contrôle patrimonial. Son domaine d’intervention couvre ainsi les impôts liés au patrimoine et aux revenus (ISF, IFI, DMTG, DMTO, plus-values mobilières et immobilières, revenus fonciers…) et les procédures de contrôle afférentes.

Les avancées en matière de coopération internationale permettent aussi de renouveler certains axes de contrôle visant les particuliers. L’exploitation à compter de 2016 des données d’échange automatique d’informations « EAI » et l’élargissement continu des pays participant depuis lors au dispositif a permis d’étendre considérablement les possibilités de contrôle en matière de fraude fiscale. Ces informations sont exploitées par le bureau en charge du datamining et requêtables sur le fichier EVAFISC.


Le ministre chargé de l’action et des comptes publics a annoncé en mai dernier la mise en place d’un grand plan de lutte contre la fraude. Plusieurs mesures méritent d’être soulignées, notamment ([62]) :

 la mise en place d’un Conseil de l’évaluation des fraudes fiscales et sociales, présidé par le ministre chargé des comptes publics, qui rassemblera les administrations compétentes, des personnalités qualifiées, des experts indépendants et des députés et sénateurs, afin de s’assurer de la fiabilité des estimations produites ;

– en matière de contrôle fiscal, le nombre de contrôles fiscaux des particuliers augmentera de 25 % d’ici 2027 et cet effort portera sur les plus gros patrimoines. Le recours au datamining pour la programmation des contrôles fiscaux des particuliers sera porté au même niveau que pour les entreprises, soit 50 % de la programmation des contrôles et 100 000 dossiers de personnes physiques traités d’ici 2027 ;

– l’augmentation des effectifs du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude fiscale de 15 % d’ici la fin du quinquennat, soit 1 500 ETP supplémentaires.

Les rapporteurs recommandent d’aller encore plus loin et de s’inspirer de mesures préconisées par des économistes comme Gabriel Zucman, comme la création d’un cadastre financier a minima européen, voire mondial ([63]). Cet outil est présenté comme un registre indiquant qui possède l’ensemble des titres financiers en circulation, les actions, les obligations et les parts de fonds d’investissement du monde entier. Il consisterait à établir des cadastres immobiliers et financiers qui partiraient des registres immobiliers actuels, et les étendraient aux actions, aux obligations et aux parts de fonds d’investissement ; et remonteraient la chaîne d’intermédiation financière jusqu’aux bénéficiaires réels. Ce cadastre permettrait aux administrations fiscales de vérifier que les banques, onshore et surtout offshore, leur transmettent bien toutes les données dont elles disposent. Cette idée a été plébiscitée par plusieurs économistes et personnalités, à la suite notamment des révélations de l’enquête OpenLux ([64]).

*

*   *

 


—  1  —

II.   Les rÉformes envisageables À ÉchÉances proches et lointaines

A.   Détention et revenus du capital financier

Dans la mesure où le patrimoine financier et les revenus qu’il procure sont concentrés au bénéfice des plus fortunés, les taxes qui leur sont applicables jouent un rôle essentiel pour assurer la progressivité d’ensemble du système fiscal, en garantissant une juste prise en compte des capacités contributives et en réduisant les inégalités.

Au regard du niveau élevé de prélèvements obligatoires en France, le consentement à l’impôt nécessite en outre qu’il ne fasse pas de doute que les plus fortunés apportent leur juste part à l’effort commun, à rebours d’une fiscalité régressive, pesant trop fortement sur les moins aisés, qui minerait notre pacte social.

Cependant, dans une économie de marché où l’investissement est principalement financé par l’épargne privée et dans un contexte de concurrence fiscale européenne et internationale, les prélèvements directs sur la détention ou les revenus du capital des ménages peuvent avoir des effets négatifs sur l’investissement et la production.

Six ans après les réformes importantes de la fiscalité du capital introduites par la loi de finances pour 2018 et prolongées par la loi de PACTE et les lois de finances suivantes, la mission d’information a donc cherché à apprécier le point d’équilibre actuel entre les exigences de justice fiscale et celles d’efficacité économique.

1.   La cohérence d’ensemble de la réforme de la fiscalité du capital appliquée depuis 2018 n’interdit pas d’y apporter des ajustements ou d’en proposer le dépassement

a.   La suppression de l’imposition sur la détention du patrimoine financier

  1.   Un impôt répondant à des préoccupations anciennes mais dont la mise en œuvre était devenue de plus en plus imparfaite et contestée

● La détention du capital financier a été, de longue date, envisagée comme une assiette dont la fiscalité d’un État moderne ne saurait se désintéresser.

En particulier, la taxation de la détention d’un patrimoine est perçue comme une incitation, pour ses détenteurs, à en optimiser l’usage et à éviter les effets de stérilisation, ce qui inciterait à faire fructifier le capital oisif.

Dans la France du XIXe siècle ([65]), marquée par la prédominance des rentiers, de nombreux auteurs d’inspiration libérale ont ainsi plaidé pour un impôt incitant à rendre le capital financier productif, arguments repris, en 1977, par l’économiste Maurice Allais, prix Nobel d’économie.

● L’imposition annuelle des hauts patrimoines a trouvé sa première définition législative en 1982, avec la création de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) ([66]).

L’IGF était relativement simple dans sa conception et présentait l’avantage :

– de taxer une assiette très large, c’est-à-dire l’ensemble du patrimoine net dépassant le seuil de 3 millions de francs, sans distinction entre le patrimoine mobilier et le patrimoine immobilier ; l’impôt était grevé d’exonérations très limitées, et en particulier, une exonération des biens professionnels ciblée sur l’outil de travail des petits et moyens entrepreneurs, ne s’appliquant qu’à concurrence de 2 millions de francs d’actifs au maximum, les autres exonérations étant peu nombreuses (œuvres d’art, rentes ou indemnités pour dommages corporels…) ;

– d’un taux assez faible, puisque le taux marginal retenu en 1982 représentait alors environ un dixième du rendement nominal d’une obligation d’État à long terme, selon un barème de quatre tranches auquel une cinquième tranche a été ajoutée en 1984.

Cet impôt a cependant été supprimé en 1986 ([67]).

● Sous le nom d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le prélèvement a été réintroduit en 1989 ([68]). Doté d’un barème de 5 tranches (avec un premier taux de 0 % pour les patrimoines de moins de 4 millions de francs, et un taux marginal supérieur de 1,1 % pour les patrimoines de 20 millions de francs et au-delà), l’ISF est alors assorti d’un système de plafonnement (dit « Rocard ») permettant de limiter le montant à acquitter lorsque l’addition de l’ISF et de l’IR dépasse 70 % de l’ensemble des revenus du redevable.

● Entre 1990 et 2017, l’assiette et le barème de l’ISF ont subi des évolutions constantes en fonction des priorités politiques.


Entre 1989 et 2005, les modifications ont majoritairement visé à renforcer l’imposition des hauts patrimoines, à travers des modifications du barème et une limitation des possibilités de réduire l’impôt dû :

– le barème a été progressivement élargi, comptant jusqu’à sept tranches en 1999, la tranche supérieure frappant les patrimoines supérieurs à 100 millions de francs à hauteur de 1,8 % ;

– le plafonnement Rocard a été relevé à 85 % de l’ensemble des revenus du redevable en 1995, mais un « plafonnement du plafonnement » (dit « Juppé ») a été institué en 1996 afin que seuls les contribuables les moins fortunés puissent continuer de bénéficier « à plein » du plafonnement.

Le plafonnement du plafonnement de l’ISF

La loi de finances pour 1996 ([69]) a plafonné l’allègement d’impôt susceptible de résulter du plafonnement de l’ISF à 50 % du montant de l’ISF dû avant plafonnement ou, si cela était plus favorable au redevable, à l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème.

– une majoration de 10 % du montant de la cotisation due a été créée en 1995, avant d’être intégrée au barème en 1999 ;

– toutefois, à rebours de la tendance observée sur cette période, un abattement de 20 % sur la valeur vénale de la résidence principale a été instauré en 1999.

Entre 2005 et 2011, un mouvement inverse s’engage de réduction de l’assiette et d’allègement du barème :

– la loi de finances pour 2005 a porté de 720 000 euros à 732 000 euros le seuil d’imposition à l’ISF et prévu la revalorisation annuelle des limites des tranches du barème dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR ;

– la loi dite « TEPA » du 21 août 2007 ([70]) a relevé à 30 % l’abattement sur la valeur vénale de la résidence principale et a créé diverses réductions d’impôt pour les redevables La mise en place d’un « bouclier fiscal » de 50 % des revenus, prélèvements sociaux inclus, a en outre accentué considérablement les effets du plafonnement.

Enfin, en 2011, le seuil d’assujettissement à l’ISF a été relevé de 800 000 à 1,3 million d’euros puis une loi de finances rectificative ([71]) a refondu l’impôt avec seulement deux tranches d’imposition (0,25 % jusqu’à 3 millions d’euros et 0,5 % au-delà), assorties d’une suppression du mécanisme de plafonnement.

Dès l’été 2012, la nouvelle majorité parlementaire a fait échec à cette réforme en ajoutant une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012 ayant pour effet d’appliquer l’ancien barème de l’impôt aux contribuables ayant bénéficié de l’allègement introduit l’année précédente.

Enfin la loi de finances pour 2013 est revenue sur les réformes de 2011.

Elle a introduit un nouveau barème, comportant cinq taux progressifs, légèrement inférieurs cependant à ceux applicables jusqu’en 2011, variant de 0,50 % à 1,50 % contre 0,55 % à 1,80 % auparavant.

L’ISF a, en outre, été de nouveau assorti d’un plafonnement au taux de 75 % des revenus perçus l’année précédant son acquittement.

Par ailleurs, le seuil d’imposition a été maintenu à 1,3 million d’euros, avec un mécanisme de décote pour les redevables au patrimoine imposable compris entre 1,3 million et 1,4 million d’euros.

● L’assiette de l’ISF a été continûment mitée par de nombreux dispositifs de faveur. L’exonération la plus emblématique concerne les biens professionnels, sans aucun plafonnement de montant à compter de 1989 ([72]) et les objets d’art, mais peuvent également être citées :

– l’exonération partielle et plafonnée des bois et forêts et parts de groupements forestiers ;

– l’exonération des droits de propriété littéraire et artistique ainsi que des droits voisins ;

– l’exonération des droits de propriété industrielle ;

– l’exonération de certains titres financiers n’entrant pas dans le patrimoine professionnel du redevable, comme des titres de sociétés familiales faisant l’objet du pacte « Dutreil - ISF », miroir du régime Dutreil applicable aux DMTG (voir infra), ou encore les titres détenus par les salariés et mandataires sociaux ;

– enfin, le régime des « impatriés » permettait aux nouveaux résidents de bénéficier d’un dispositif d’exonération temporaire portant sur les biens situés hors de France.


Enfin l’ISF pouvait être minoré par deux réductions d’impôt à vocation incitative :

– la réduction d’impôt ISF-PME ([73]) permettait de déduire, dans la limite de 45 000 euros par an et par redevable, les investissements directs dans des PME ainsi que les investissements intermédiés via des fonds investissant dans les PME ;

– la réduction d’impôt ISF-Dons ([74]) permettait réduire le montant de l’impôt dû à hauteur à 75 % des dons au profit de certains organismes d’intérêt général.

● Comme le montre le tableau suivant, il résulte de cette instabilité législative une forte variation du nombre de redevables et du rendement de l’ISF entre 2007 et 2017.

principales évolutions budgétaires de l’ISF

Caractéristiques

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de redevables

(en milliers)

527

565

559

593

291

290

312

331

342

351

358

Actif net imposable

(en milliards d’euros)

908

987

947

1 041

772

777

839

904

949

986

1 028

Produit d’ISF avant plafonnement

(en milliards d’euros)

4,41

4,19

3,63

4,09

4,39

2,26

4,34

4,71

4,94

5,19

5,56

Produit d’ISF après plafonnement

(en milliards d’euros)

4,03

3,81

3,26

3,61

3,87

1,7

3,63

3,80

3,89

4,04

4,23

Contribution exceptionnelle

2,26

Produit d’ISF après bouclier fiscal

3,11

3,39

3,5

4,05

3,45

3,77

3,88

4,04

nc

Source : DGFiP, et rapport d’information n° 1172 sur l’application des mesures fiscales présenté par le rapporteur général Joël Giraud, le 18 juillet 2018.

● Malgré ces variations fortes, il convient de relever que, comme l’a souligné une mission d’information du Sénat en 2019, « le poids de l’ISF dans la richesse nationale a doublé depuis la mise en place de l’impôt sur les grandes fortunes » ([75]). Le rapporteur Nicolas Sansu rappelle néanmoins qu’il ne représente que 0,4 % de l’actif imposable

S’élevant à 0,1 % du PIB en 1982, le rendement de l’ISF s’établissait à 0,22 % du PIB en 2017.

Cela traduit le fait que, malgré les nombreux dispositifs de faveur, l’ISF bénéficiait du mouvement de hausse constante du patrimoine des Français les plus aisés, augmentant, en tendance, les montants d’actifs nets imposables.

● Au total, il résultait de l’ensemble de ces paramètres, et particulièrement de l’exonération sans limite du patrimoine professionnel et du plafonnement de l’ISF à 75 % du revenu fiscal de référence, que l’ISF s’est progressivement transformé en un impôt combinant une assiette mitée et des taux élevés, ce qui n’a pas contribué à sa lisibilité et à son acceptabilité.

● Le mécanisme de plafonnement visait initialement à atténuer la contrainte de liquidité inhérente à une imposition du stock de patrimoine, par opposition aux impôts sur les flux de patrimoine, et accentuée par le fait que l’ISF devait frapper l’ensemble des biens du redevable, qu’ils soient productifs de revenus ou non.

Il s’agissait d’éviter aux titulaires de patrimoines modestes ou moyens déclarant de faibles revenus d’être contraints d’aliéner une partie de leur capital imposable pour acquitter l’impôt.

Cependant, le plafonnement a permis à certains très hauts patrimoines d’échapper à l’impôt en minorant artificiellement leurs revenus, au moyen de différentes stratégies d’optimisation, sans pour autant porter atteinte à leur train de vie, particulièrement en conservant des liquidités importantes à l’actif des sociétés qu’ils contrôlaient.

Ce phénomène avait pris au cours des derniers exercices avant 2017 une ampleur sans précédent, sous le double effet de l’absence de réintroduction d’un « plafonnement du plafonnement » et des nouveaux développements de la jurisprudence constitutionnelle qui ont empêché d’inclure dans l’assiette des revenus pris en compte pour calculer le plafonnement certaines catégories de revenus « latents », comme des bénéfices distribuables ou la variation de la valeur de rachat des contrats d’assurance vie.

En effet, en 2012 ([76]), le Conseil constitutionnel a censuré la prise en compte de ces revenus latents qui visait précisément à faire échec aux détournements du mécanisme de plafonnement, en considérant qu’elle méconnaissait l’exigence de prise en compte des facultés contributives, en comptabilisant comme revenus des « sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année ».

● La répartition par tranche des bénéficiaires du mécanisme de plafonnement au titre de l’année 2017 confirme le dévoiement du mécanisme :

– les redevables de la première tranche représentaient seulement 13 % des bénéficiaires et 0,5 % du coût du mécanisme de plafonnement, alors que c’est pour eux que le mécanisme avait été initialement introduit ;

– les redevables de la dernière tranche concentraient à l’inverse 37 % des bénéficiaires et 89 % du coût du mécanisme de plafonnement, pour un gain moyen par contribuable de 280 000 euros.

Pour les plus hauts patrimoines, le mécanisme pouvait même permettre d’« annuler » entièrement l’impôt.

Les travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital installé au sein de France stratégie en décembre 2018, présentés à la mission d’information, ont confirmé que les effets de l’ISF étaient dégressifs pour le dernier centile supérieur de patrimoine déclaré : alors que le taux effectif d’imposition débutait à 0,15 % pour le premier décile des contribuables redevables de l’ISF puis croissait pour atteindre 0,7 % jusqu’au 99e centile, l’imposition diminuait pour l’ensemble des millimes supérieurs, jusqu’à 0,4 % au sommet de la hiérarchie des patrimoines imposables.

En outre, comme le montre le graphique suivant, sous l’effet des réformes successives et d’un recours croissant à l’optimisation fiscale, les taux effectifs d’imposition des patrimoines les plus élevés diminuaient, en tendance, depuis le début de la décennie 2000.

Taux effectifs d’imposition des patrimoines de plus de 10 millions d’euros déclarés à l’ISF, selon leur composition

Source : France stratégie, Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital.

  1.   Principalement motivée par un contexte de concurrence fiscale, la transformation de l’ISF en un impôt sur le seul patrimoine immobilier a restitué 3 milliards d’euros aux contribuables, très inégalement répartis

● La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi de finances pour 2018 ([77]) s’est, en premier lieu, prévalue d’une tendance constatée dans la majorité des pays de l’OCDE.

Alors qu’en 1990, 18 pays membres de l’OCDE disposaient d’un impôt sur la fortune, en 2018, après sa suppression en France, cet impôt ne subsistait qu’en Espagne, en Norvège et en Suisse.

Ces suppressions étaient principalement justifiées par la volonté de se prémunir contre un risque de fuite des capitaux ou de moindre attractivité pour les investissements étrangers, auquel s’ajoutait celui de départs vers l’étranger des contribuables assujettis, dans un contexte de mobilité croissante des facteurs de production, en particulier en Europe.

En France, le maintien de l’ISF était de plus en fréquemment perçu comme la cause d’une augmentation de l’expatriation de contribuables fortunés, bien qu’il soit difficile de faire la part des différents motifs d’expatriation et que le nombre des redevables concernés, certes croissant, demeurait réduit par rapport au total de 351 000 redevables en 2016 (525, soit 0,14 % des redevables).

Nombre de redevables de l’ISF partis pour l’étranger et revenus en France

https://www.senat.fr/rap/r19-042-1/r19-042-119.png

Source : Sénat, Rapport d’information n° 42, octobre 2019, op. cit.

Le motif déterminant la suppression d’un prélèvement sur la détention du patrimoine financier réside donc dans la volonté de faire entrer la France dans la « norme » européenne en diminuant l’imposition sur le capital, perçu comme le facteur de production le plus mobile et donc le plus exposé à la concurrence fiscale.

● La transformation de l’ISF en IFI a ainsi eu pour but de maintenir une imposition sur l’actif net des ménages en la recentrant sur les seuls actifs immobiliers, moins « mobiles » par définition que les actifs financiers immatériels.

À l’appui de la réforme, le Gouvernement a avancé qu’elle devrait répondre à un objectif de réallocation de l’épargne vers l’investissement qualifié de « productif ».

Les rapporteurs soulignent cependant que l’assiette de l’IFI ne correspond en rien à un capital « improductif », dans la mesure où le logement et la construction sont des secteurs économiques importants.

Inversement, les investissements dans des titres de dette publique étrangère ne contribuent pas à la croissance du tissu productif français.

En tout état de cause, par elle-même, la suppression du prélèvement sur le patrimoine financier n’emportait aucune garantie quant à l’allocation du gain fiscal vers plus d’épargne, les sommes antérieurement consacrées à acquitter l’impôt ayant pu accroître le niveau de consommation des ménages concernés.

● Comme l’avait établi l’ancien rapporteur général du budget Joël Giraud ([78]), la transformation de l’ISF en IFI a diminué le nombre de redevables de 217 000 contribuables et réduit la base taxable de 670 milliards d’euros.

À l’issue de l’exercice 2018, le coût budgétaire de la réforme s’est élevé à 2,9 milliards d’euros.

L’INSEE ([79]) a établi que le passage à l’IFI a fait 340 000 gagnants, en additionnant les contribuables redevables de l’ISF qui n’ont pas été assujettis à l’IFI et les contribuables dont la cotisation au titre de l’IFI était inférieure à celle acquittée au titre de l’ISF : ces gagnants de la réforme se sont partagés, fin 2019, un gain de 3,4 milliards d’euros, soit un montant moyen légèrement inférieur à 10 000 euros par contribuable.

La réforme aurait cependant fait 10 000 perdants, du fait de la perte de la réduction d’impôt relative à l’investissement dans les PME, et du fait que le recentrement de l’impôt sur le patrimoine immobilier ne permet plus de bénéficier de mécanismes de déduction du passif mobilier.

Les 10 % des plus aisés ont obtenu deux tiers des gains totaux.

En janvier 2019 ([80]), l’Institut des politiques publiques (IPP) a établi que les 1 % des ménages les plus aisés ont vu leur revenu disponible augmenter de 6,4 %.

Les gains ont été concentrés sur les 0,5 % des ménages les plus aisés (soit environ 150 000 ménages) et les 0,1 % des ménages les plus aisés (environ 30 000 ménages) ont vu leur revenu disponible croître, en moyenne, de 17,5 %.

Selon France Stratégie ([81]), le passage à l’IFI a eu pour conséquence d’exonérer d’impôt sur le stock de patrimoine l’essentiel des contribuables les moins fortunés de l’ISF : au sein du premier décile de patrimoine ISF, neuf contribuables ISF de 2017 sur dix ne sont plus contribuables à l’IFI.

Pour les bénéficiaires de la réforme, le taux d’imposition du patrimoine a été divisé par trois et demi au moins, quel que soit leur niveau de patrimoine initial observé en 2017. Les gains sont cependant répartis de façon hétérogène : par exemple, parmi les 1 % les plus fortunés, un quart gagne au moins l’équivalent de 0,8 % de leur patrimoine net taxable de 2017 et un quart moins de 0,25 %.

b.   La réforme de l’imposition des revenus du capital a simplifié le prélèvement et amélioré le rendement budgétaire en incitant à accroître les distributions de dividendes

  1.   L’unification, la simplification et la diminution de l’imposition des différentes catégories de revenus du capital

● Par opposition à d’autres types de revenus, comme les revenus salariaux, les revenus fonciers et les différents types de bénéfices (agricoles, industriels et commerciaux, non commerciaux), les revenus du capital recouvrent, d’un point de vue juridique et fiscal, la catégorie des revenus et profits du patrimoine mobilier (RPPM), à l’exclusion, en leur sein, des biens meubles (cf. l’encadré suivant).

Au sein de ces revenus, on distingue :

– d’une part, les revenus de capitaux mobiliers (RCM) couvrant deux catégories principales : les produits de placement à revenu variable, qui correspondent essentiellement aux revenus distribués par les sociétés, c’est-à-dire les dividendes, et les produits de placement à revenu fixe, qui résultent de prêts conférant uniquement un droit de créance (obligations, bons du Trésor…) ;

– d’autre part, les gains de cessions, c’est-à-dire les plus-values mobilières.

Alors que ces trois catégories de revenus financiers faisaient l’objet de régimes d’imposition différents, ayant fortement varié lors des quinze années précédentes, la loi de finances pour 2018 ([82]) a unifié leur fiscalité avec le prélèvement forfaitaire unique.


L’imposition des produits de cession du patrimoine mobilier non financier
des particuliers

Non modifiée en 2017, la fiscalité des revenus des biens meubles soumet les revenus sur biens meubles corporels et objets précieux aux modalités suivantes d’imposition :

● Biens meubles corporels (yachts, chevaux de course, vins, etc.) :

– Imposition au taux global de 36,2 % (19 % au titre de l’IR et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux) ;

– Abattement pour durée de détention de 5 % par an après deux ans de détention (exonération totale après vingt-deux ans) ;

● Objets précieux (or, platine, argent, monnaies, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité) :

– Taux forfaitaire de 10 % du montant de la cession pour les métaux précieux et 6 % du montant de la cession pour les autres objets ;

– Option possible pour le régime des biens meubles corporels quand le redevable peut justifier de la date et du prix d’acquisition.

● L’imposition des dividendes avant 2018

● Depuis la loi du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers ([83]), les dividendes et revenus assimilés étaient soumis au barème de l’IR en ouvrant droit à un avoir fiscal, qui visait à éviter leur double imposition en tenant compte du fait qu’il s’agit de revenus distribués préalablement imposés à l’impôt sur les sociétés (IS).

● En raison de sa complexité et de l’incompatibilité de certains aspects de son périmètre d’application avec le droit européen, cet avoir fiscal a été supprimé par la loi de finances pour 2004 ([84]) et remplacé par des abattements :

– un abattement proportionnel de 50 % du montant des dividendes, ensuite abaissé à 40 % par la loi de finances pour 2006 ([85]), et toujours applicable aujourd’hui en cas d’option pour l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu ;

– un abattement fixe annuel de 1 220 euros, montant porté à 1 525 euros par la loi de finances pour 2006. Cet abattement fixe annuel a été supprimé à compter des revenus de 2012 par la loi de finances pour 2013 ([86]).

Avant application de ces deux abattements, s’y ajoutait en outre un crédit d’impôt portant sur les mêmes dividendes, égal à 50 % du montant des dividendes, plafonné à 115 euros par redevable, qui a été supprimé par la loi de finances pour 2011 ([87]).

● Afin d’inciter les contribuables à investir leur épargne en actions de sociétés soumises à l’IS, la loi de finances pour 2008 ([88]) a permis aux contribuables, sur option irrévocable, d’opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) de la soumission de ces revenus au barème de l’IR, ouvert aux seuls revenus bénéficiant déjà de l’abattement de 40 % au titre des revenus distribués.

Initialement de 18 % au titre de l’IR, le taux de ce PFL a ensuite été porté à 19 % par la loi de finances pour 2011 ([89]), puis à 21 % par la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 ([90]).

● Enfin, dans le cadre d’une réforme d’ensemble des revenus financiers visant à taxer les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail, la loi de finances pour 2013 ([91]) a rétabli l’assujettissement obligatoire des dividendes au barème de l’IR.

Afin d’éviter que le passage d’une imposition selon le PFL (perçu en année n au moment de l’encaissement des dividendes) à une imposition au barème de l’IR (perçue en année n+1) ne se traduise par une perte nette d’une année d’imposition du capital, le PFL perçu en année n a été « transformé » en prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO) perçu, au même taux, en année n avant perception d’un éventuel complément (ou une restitution) en année n+1 lors de la soumission de ces mêmes revenus au barème de l’IR ([92]). Le PFO s’analyse donc comme un acompte de l’impôt dû en année n+1.

Si, concernant les dividendes, l’assujettissement au barème consistait à rétablir le droit existant jusqu’en 2007, il en résultait cependant une très forte hausse de la fiscalité, compte tenu des autres mesures de taux prises au titre de l’IR, de l’évolution à la hausse des prélèvements sociaux et de la suppression de certains abattements anciennement applicable : après application de l’abattement de 40 %, le taux marginal d’imposition des dividendes atteignait ainsi 41,2 % en 2013, supérieur de 13 points au taux marginal de 2007.

Évolution des taux des prélèvements applicables aux dividendes

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

total PFL+PS

1966-2007

Barème de l’IR + PS

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

21

13,5

8,2

34,5

1er juillet 2012

21

15,5

8,2

36,5

Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017

Barème de l’IR (PFO de 21 %) + PS

Source : commission des finances.

● L’imposition des produits de placement à revenu fixe avant 2018

Les revenus des intérêts d’obligations et des titres d’emprunts ([93]) étaient par principe soumis au barème progressif de l’IR.

Toutefois, depuis la loi de finances pour 1966 ([94]), le contribuable pouvait opter pour un PFL ; une fois l’option exercée, elle n’avait initialement pas besoin d’être renouvelée. Elle pouvait être révoquée mais uniquement pour les revenus à venir.

Le tableau suivant présente l’évolution de la fiscalité appliquée, compte tenu des évolutions apportées au taux de ce PFL ainsi qu’aux prélèvements sociaux.

Évolution des taux des prélèvements
applicables aux intérêts d’obligations

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

total PFL+PS

1966

25

0

 

25

1984

25

1

 

26

1985

25

1

 

26

1987

25

2

 

27

1991

15

3,1

1,1

18,1

1993

15

4,4

2,4

19,4

1996

15

4,9

2,4

19,9

1997

15

5,4

3,4

20,4

1998

15

10

7,5

25

2004

16

10,3

7,5

26,3

2005

16

11

8,2

27

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

24

13,5

8,2

37,5

1er juillet 2012

24

15,5

8,2

39,5

Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017

Barème de l’IR (PFO de 24 %) + PS

Source : commission des finances.

À l’instar du changement de régime fiscal applicable aux dividendes, la mise au barème obligatoire introduite par la loi de finances pour 2013, assortie d’un remplacement du PFL par un PFO, a abouti à une hausse significative du taux marginal d’imposition au barème de l’IR des produits de placement à revenu fixe, porté à 62 % ([95]).

● Néanmoins, pour atténuer la rigueur de l’imposition, le PFL était maintenu, au taux de 24 %, pour les personnes appartenant à un foyer dont le montant total des intérêts perçus au titre d’une année n’excédait pas 2 000 euros. Il était alors libératoire du barème de l’IR.

En revanche, les personnes appartenant à un foyer dont le revenu fiscal de référence était inférieur à 25 000 euros (ou 50 000 euros pour un couple) pouvaient demander à être dispensées du PFO, de manière à ce que ces revenus soient directement soumis au barème de l’IR en année n+1 sans avoir à réaliser une avance de trésorerie.

● L’imposition des plus-values mobilières avant 2018

● Fusionnés notamment par la loi de finances pour 2000 ([96]), les différents régimes d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers ont relevé, jusqu’à 2013, d’un strict régime d’imposition forfaitaire, sans possibilité d’option pour le barème de l’IR.

Le tableau suivant présente l’évolution de ce taux, qui atteignait 19 % au début de la décennie 2010, et y ajoute les prélèvements sociaux.

Évolution des taux de taxation des plus-values mobilières

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

PFL + PS

1966

15

0

15

1984

15

1

16

1985

16

1

17

1987

16

2

18

1991

16

3,1

1,1

19,1

1993

16

4,4

2,4

20,4

1996

16

4,9

2,4

20,9

1997

16

5,4

3,4

21,4

1998

16

10

7,5

26

2004

16

10,3

7,5

26,3

2005

16

11

8,2

27

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

19

13,5

8,2

32,5

1er juillet 2012

19

15,5

8,2

34,5

Du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017

Barème de l’IR+ PS

Source : commission des finances.

● Tout en soumettant les plus-values mobilières au barème progressif de l’IR, la loi de finances pour 2013 a cherché à en atténuer les rigueurs, au moyen d’abattements pour durée de détention.

À défaut, la constitutionnalité d’une imposition des plus-values à un taux élevé – comme le taux marginal du barème de l’IR – couplée à l’absence de prise en compte de l’érosion monétaire aurait été douteuse, car elle aurait méconnu les véritables capacités contributives du contribuable.

Ces abattements ont été marqués par une très grande instabilité, qui a accru l’illisibilité globale de cette fiscalité pour les redevables.

Les abattements pour durée de détention de la loi de finances pour 2013

Durée de détention

Abattement

2 ans à moins de 4 ans

20 %

4 ans à moins de 6 ans

30 %

Plus de 6 ans

40 %

Source : commission des finances.

À la suite des assises de l’entreprenariat et de la fronde des entrepreneurs dite « des pigeons » dans le courant de l’année 2013, la loi de finances pour 2014 ([97]) a revu le cadencement et les taux d’abattements adoptés l’année précédente et créé un abattement renforcé spécifiquement applicable aux créateurs d’entreprises, réservé aux cessions de titres de sociétés soumises à l’IS existant depuis moins de 10 ans et relevant de la catégorie des PME.

Les abattements pour durée de détention de la loi de finances pour 2014

Cas général

Création d’entreprises

Durée de détention

Abattement

Durée de détention

Abattement

2 ans à moins de 8 ans

50 %

1 an à moins de 4 ans

50 %

Plus de 8 ans

65 %

4 ans à moins de 8 ans

65 %

Plus de 8 ans

85 %

Source : commission des finances.

En outre, la même loi de finances pour 2014 introduisait un abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant en retraite ([98]).

● Une fiscalité unifiée et simplifiée depuis 2018

● En remplacement de l’imposition obligatoire au barème de l’IR applicable les cinq années précédentes, la loi de finances pour 2018 a soumis, à compter du 1er janvier 2018, à un prélèvement forfaitaire unique (PFU) l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers et ses gains de cession. Ce prélèvement au taux de 30 % se décompose entre :

 l’impôt sur le revenu (IR) au taux de 12,8 %, défini au 1 de l’article 200 A du CGI ;

– des prélèvements sociaux pour un total de 17,2 %, dont la contribution sociale généralisée (CSG) sur les produits de placement au taux de 9,2 %, le prélèvement de solidarité de 7,5 % et la CRDS au taux de 0,5 %.

 Cette taxe à taux unique assure ainsi une neutralité fiscale entre les différents revenus des capitaux mobiliers et doit contribuer à rendre la fiscalité plus lisible et acceptable.

Il en résulte également une baisse du taux du prélèvement.

Le total de 30 % est en effet, concernant les dividendes :

– inférieur de 6,5 points au niveau de prélèvement atteint, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy ;

– inférieur de 11,2 points aux effets de la mise au barème progressif de l’IR en 2013 qui aboutissait, après application de l’abattement de 40 %, à une imposition maximale de 41,2 %.

 Le redevable a toutefois la possibilité d’opter pour une imposition au barème de l’IR lors de la déclaration en année n+1 et cette option est alors applicable à l’ensemble des revenus du capital entrant dans le champ du PFU (voir infra).

En année n, le redevable est soumis à un prélèvement à la source – équivalent du PFO – non libératoire de l’imposition en année n + 1 ; les taux de ce PFO ont été unifiés et alignés sur ceux du PFU. Les contribuables dont le revenu fiscal net n’excède pas 50 000 euros peuvent demander à être dispensés du PFO dans les mêmes conditions que celles du régime antérieur.

● Le PFU est appliqué aux revenus financiers retenus pour leur montant brut.

En particulier, les abattements pour durée de détention ne sont pas applicables aux plus-values mobilières imposées par application du PFU.

Cependant :

 l’abattement de 40 % sur le montant des dividendes a été maintenu mais n’est applicable que lorsque le contribuable opte pour l’imposition au barème de l’IR ;

– concernant les plus-values, l’abattement de droit commun et l’abattement renforcé applicable aux PME ont été supprimés pour l’avenir, mais restent en vigueur pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018. Le redevable ne peut toutefois les utiliser qu’en cas d’option pour l’imposition de l’ensemble de ses revenus du capital au barème de l’IR et non en cas d’application du PFU ;

– enfin l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant en retraite a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2024.

Le traitement fiscal des « management packages »

 Les « management packages » constituent une modalité de rémunération variable des dirigeants d’entreprise sous forme d’attribution de titres ou contrats financiers à conditions préférentielles. Le recours à ces instruments est fréquent, par exemple lorsque des entreprises sont reprises par des fonds d’investissement, pour intéresser les cadres aux objectifs de rentabilité fixés par les actionnaires.

 

La doctrine administrative ([99]) prévoit que, lorsqu’un dirigeant salarié ou toute autre personne en relation d’affaires avec un groupe de sociétés bénéficie d’options de souscription ou d’achat d’actions en dehors du dispositif légal, ou se voit offrir la possibilité d’acheter ou de revendre dans des conditions préférentielles des titres d’une société, l’administration se réserve le droit de requalifier le gain réalisé à cette occasion et de le taxer, non pas en plus-value mobilière (PVM), mais dans la catégorie correspondant effectivement à la nature de l’opération réalisée.

Dans le cas le plus fréquent, l’imposition est alors effectuée au barème progressif de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, mais elle peut également être considérée comme relevant des bénéfices non commerciaux, ou des revenus de capitaux mobiliers.

 Certains avocats et fiscalistes auditionnés par la mission d’information ont considéré que l’application de la doctrine fiscale conduirait abusivement à appliquer la fiscalité, plus lourde, des traitements et salaires, sur des revenus qu’ils estiment devoir être qualifiés de financiers et dès lors ouvrir droit à l’application du PFU.

Ils ont également suggéré que le législateur intervienne pour définir précisément ce régime d’imposition, considérant qu’une définition par la doctrine administrative n’apporte pas les mêmes garanties pour le contribuable ou rend ce régime moins lisible, notamment pour les investisseurs étrangers.

 Dans ses décisions du 13 juillet 2021 ([100]) le Conseil d’État a confirmé la doctrine et précisé une jurisprudence bien établie.

Il réaffirme que la requalification en traitements et salaires d’un gain issu d’un « management package » ne peut être opérée qu’à la double condition que l’administration démontre l’existence d’un écart entre la valeur réelle d’un titre et le prix consenti pour l’acquérir et qu’elle établisse, en outre, compte tenu notamment des stipulations du contrat concerné, que le caractère préférentiel du prix pratiqué trouve sa cause dans la qualité de salarié ou de dirigeant du souscripteur et a ainsi pour objet de lui conférer un avantage en contrepartie de son travail.

Contrairement à ce qui est parfois avancé, le Conseil d’État s’est donc toujours refusé à considérer que l’existence d’un risque en capital pris par le manager était à lui seul de nature à emporter la qualification en plus-value des gains réalisés dans le cadre des « management packages ».

 Au regard de ces éléments issus de la jurisprudence du Conseil d’État, les rapporteurs considèrent qu’il n’est pas opportun de préciser le régime fiscal associé aux « management packages » dans la loi, d’autant plus que la définition d’un cadre législatif rigide semble incompatible avec l’évolution et la diversité des montages financiers en question.

  1.   Les contribuables doivent être clairement informés de la possibilité qui leur est offerte d’opter pour l’imposition au barème de l’IR

● Si le PFU constitue l’option par défaut d’imposition à l’IR des revenus et plus-values mobilières, le contribuable peut cependant opter pour une imposition au barème progressif de l’IR.

Cette option doit être formulée expressément dans la déclaration de revenus (case 2OP). Dans ce cas, elle est exercée de manière globale pour l’ensemble des revenus entrant dans le champ du PFU imposables au titre de la même année.

Ce choix est logiquement minoritaire, dans la mesure où, sauf dans les cas de plus-values de cessions bénéficiant d’abattements pour durée de détention renforcés, ce n’est que lorsque le revenu fiscal de référence ne dépasse pas les deux premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu que ce dernier est plus favorable que le PFU.

Comme le montre le tableau suivant, entre 2018 et 2021, les montants d’IR établis, sur les avis d’imposition, par application du barème progressif, se sont élevés en moyenne à 675 millions d’euros par an, contre 5,3 milliards d’euros pour les montants d’IR résultant de l’application du PFU.

RÉpartition des rendements d’iR au titre des revenus mobiliers

(en milliards d’euros)

Année de revenus

Rendement de l’IR

2018

PFU

4,6

Barème

0,9

2019

PFU

4,9

Barème

0,6

2020

PFU

4,7

Barème

0,5

2021

PFU

7,1

Barème

0,7

TOTAL 2018-2021

PFU

21,3

Barème

2,7

Moyenne annuelle

PFU

5,3

Barème

0,675

Source : Calculs de la commission des finances d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● L’article 200 A du CGI prévoit que cette option d’imposition globale au barème est expresse et irrévocable : après l’expiration de la date limite de déclaration, le contribuable qui l’a exercée ne peut plus y renoncer.

La question a pu être posée de supprimer le caractère irrévocable de l’option pour l’imposition au barème. Cependant cela rendrait plus difficile l’exercice du droit de reprise de l’administration et serait une source d’abus.

Par exemple, un contribuable qui aurait opté pour l’imposition de ses revenus mobiliers au barème mais omis de déclarer certains de ses autres revenus s’expose, en cas de rectification par l’administration, à une hausse du taux d’imposition.

Il ne serait pas juste de lui permettre alors de réduire le montant d’impôt dû en optant rétroactivement pour le PFU sur ses revenus mobiliers.

Il en irait de même dans le cas d’un contribuable qui aurait gonflé les abattements et déductions sur ses revenus mobiliers pour réduire l’imposition au barème, puis chercherait à opter rétroactivement pour le PFU si les services fiscaux opèrent une rectification.

● Inversement, au titre du droit à l’erreur, les contribuables qui n’ont pas opté pour l’imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus peuvent formuler une demande tardive en ce sens.

Dans une réponse à une question écrite de la députée Valérie Rabault ([101]), publiée le 25 février 2020, le ministre de l’action et des comptes publics avait indiqué qu’en 2018, 8 millions de foyers imposés au PFU auraient eu intérêt à opter pour le barème progressif de l’IR.

Si le gain potentiel total n’était pas précisé, le ministère avait cependant indiqué que les gains auraient été inférieurs à 7 euros pour la moitié des foyers et inférieurs à 50 euros pour 80 % des foyers. 800 000 foyers auraient pu obtenir un gain potentiel supérieur à 120 euros.

Selon les informations actualisées communiquées aux rapporteurs, au titre des revenus 2021, parmi les 13,1 millions de foyers imposés au PFU, 4,2 millions auraient eu intérêt à opter pour une taxation au barème.

Le gain potentiel d’impôt pour ces foyers est estimé à 200 millions d’euros, sans précision sur sa répartition.

Les rapporteurs rappellent que depuis 2018, les ministres en charge des comptes publics ont pris l’engagement que les campagnes déclaratives de revenus apportent toutes les informations nécessaires pour permettre aux contribuables d’opérer le choix d’imposition correspondant le mieux à leur situation.

Ils soulignent que les contribuables qui n’ont pas conscience d’être pénalisés par l’application automatique du PFU sont, en règle générale, des ménages disposant de revenus financiers occasionnels et de petits montants.

Ils invitent donc à améliorer l’information du contribuable en lui permettant, même s’il n’a pas « coché la case 2OP », de disposer, dans le cadre de la déclaration de revenus en ligne, d’un calcul automatique simulant l’option d’une imposition des revenus mobiliers au barème de l’IR.

Recommandation : Lors de la déclaration en ligne des revenus, améliorer l’information pour permettre aux contribuables ayant intérêt à voir leurs revenus mobiliers imposés au barème de l’IR d’opter plus aisément pour cette modalité d’imposition.

  1.   La non-inclusion dans le champ du prélèvement à la source du PFU sur les plus-values mobilières doit être reconsidérée

Sous l’effet du PFO non libératoire de l’IR au taux de 12,8 %, l’IR dû au titre des revenus de capitaux mobiliers est prélevé « à la source », dès l’année n-1. À l’inverse, dans les cas de cession de titres, la plus-value mobilière qui entre dans le champ du PFU n’est pas soumise à un PFO : l’impôt n’est donc recouvré qu’en année n+1.

La justification de cette exclusion des plus-values mobilières du champ de la retenue à la source applicable au PFU est leur caractère irrégulier et les modalités complexes de calcul de la plus-value taxable. Le contribuable a par exemple la faculté d’imputer les moins-values au titre d’une même année sur la plus-value de son choix. Pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, les contribuables peuvent arbitrer entre application du PFU et imposition au barème pour bénéficier des anciens abattements pour durée de détention qui demeurent applicables à ces titres.

Les rapporteurs invitent à réexaminer la situation. La définition d’un PFO spécifique ou d’une modalité de retenue à la source permettrait d’étendre le champ du prélèvement à la source à une plus grande part des revenus imposables. Outre qu’il en résulterait une simplification pour le contribuable et une sécurisation du prélèvement, il s’agirait d’une avance de trésorerie pour l’État.

Si les rapporteurs ne méconnaissent pas certaines des difficultés techniques auxquelles l’administration fiscale serait confrontée, ils relèvent que les opérations à prendre en compte relèvent d’un périmètre relativement bien circonscrit : moins de 1,5 % des foyers fiscaux déclarent des gains de cession de valeurs mobilières, soit 400 000 contribuables sur plus de 36 millions, et l’assiette des plus-values mobilières avant abattements pour durée de détention s’élevait à 8,5 milliards d’euros en 2021, pour un total de 1 322 milliards d’euros de revenus, y compris déficits et abattements, déclarés à l’IR.

Recommandation : Étudier la possibilité d’appliquer une retenue à la source sur les plus-values mobilières.

 

  1.   La hausse du rendement provient d’effets d’assiette illustrant la sensibilité des distributions de dividendes aux choix d’un petit nombre de contribuables aux revenus élevés

● De 2017 à 2022, malgré la baisse du niveau de l’impôt sur les revenus financiers des particuliers, le rendement total, à l’IR, est passé de près de 5 milliards d’euros à près de 8,2 milliards d’euros, en hausse de 3,2 milliards d’euros, soit + 65 %.

Rendement budgétaire à l’IR de l’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers des particuliers

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Revenus de capitaux mobiliers

4 721

5 482

3 276

3 325

3 272

3 207

3 136

3 780

3 877

3 748

5 120

Plus-values mobilières

1 467

1 592

964

1 343

1 782

1 752

1 982

2 212

2 094

1 798

3 071

TOTAL

6 188

7 074

4 240

4 668

5 054

4 959

5 118

5 992

5 971

5 546

8 191

Source : commission des finances, d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Inversement, l’alourdissement de cette fiscalité initiée en 2013 avait conduit à une chute du rendement budgétaire, passé de 7 milliards d’euros à 4,2 milliards d’euros entre 2013 et 2014, en baisse de 2,8 milliards d’euros soit – 40 %.

Les travaux de France stratégie ont ainsi permis d’établir que la réforme du PFU s’est largement « autofinancée » en raison des distributions supplémentaires de dividendes imposables qu’elle a suscitées.

Comme le montre le graphique suivant, les distributions de dividendes soumises à l’IR atteignent, depuis 2018, environ 24 milliards d’euros par an, soit 10 milliards d’euros de plus que les années précédentes.

Montant des revenus du capital soumis à l’IR

(en milliards d’euros)

Source : France Stratégie, Évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Actualisation des données, 20 octobre 2022.

Inversement ces distributions avaient fortement baissé en 2013 à la suite de la mise au barème des revenus financiers des particuliers.

Les variations du rendement budgétaire à la hausse en 2018, comme à la baisse en 2013, sont ainsi une fonction directe de changements dans les distributions des dividendes de la part de contribuables disposant de la capacité de les contrôler.

Le surcroît de distributions de dividendes depuis 2018 provient en effet principalement de sociétés non cotées contrôlées par des personnes physiques, susceptibles, en fonction de la fiscalité, de faire varier la trésorerie de ces sociétés pour adapter les montants des dividendes versés.

Les distributions de dividendes et, partant, l’acquittement d’impôt supplémentaire au titre du PFU sont donc concentrées sur un petit nombre de foyers fiscaux aux plus hauts revenus ([102]).

64 % des dividendes sont perçus par des foyers déclarant plus de 100 000 euros de dividendes en 2020, niveau en hausse de 44 % par rapport à 2017. 62 % du total des dividendes sont perçus par 0,1 % de l’ensemble des foyers (environ 40 000 foyers) et 30 % par 0,01 % des foyers (3 900 foyers). Les montants de dividendes supérieurs à 1 million d’euros représentent 24 % du total en 2020, contre 10 % en 2017.

 La transformation de l’ISF en IFI a également eu un effet haussier sur les distributions de dividendes. En effet, les entreprises dont les actionnaires étaient majoritairement imposés à l’ISF leur distribuaient moins de dividendes, afin de leur permettre de limiter leurs niveaux de revenus imposables et de bénéficier du plafonnement de l’ISF. Selon France Stratégie, c’est de la part de ces entreprises que la distribution de dividendes a le plus augmenté en 2018.

 Enfin, les travaux de France Stratégie n’ont pas confirmé que cette hausse des dividendes résulterait de la bascule vers des dividendes de revenus antérieurement versés sous forme de salaires, par la voie d’une « redénomination » (income shifting) qui aurait présenté un risque de perte importante de ressources publiques au titre de l’IR sur les salaires ainsi que des contributions sociales.

En effet, France stratégie a constaté que les ménages ayant déclaré des dividendes en forte hausse n’ont pas, en moyenne, réduit leurs autres revenus d’activité.

La hausse des prélèvements sociaux sur l’ensemble des revenus du capital

● L’instauration du PFU s’est accompagnée, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, de la hausse des prélèvements sociaux sur l’ensemble des revenus du capital, leur taux cumulé étant relevé de 15,5 % à 17,2 % (+ 1,7 point) dans le cadre plus général d’une bascule des cotisations sociales vers la CSG.

● À ce titre, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine contribuent au financement du système de retraite, à hauteur de 4,1 % de ses ressources en 2021, contre 2,2 % en 2015.

La CSG sur les revenus du capital procurera ainsi 16 milliards d’euros en 2023, contre 12,6 milliards d’euros en 2020, cette dynamique provenant en grande partie des revenus de placements, dont les dividendes, pour 8,8 milliards d’euros de recettes en 2023 contre 6,4 milliards d’euros en 2020.

Chaque point de CSG sur les revenus du capital procure ainsi 1,75 milliard d’euros, affectés aujourd’hui majoritairement au Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

RÉPARTITION DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS FINANCIERS
ENTRE BRANCHES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Source : commission des comptes de la sécurité sociale. Les comptes de la sécurité sociale, septembre 2022. p. 61.


c.   La mise en place du PFU a permis de revoir le périmètre de certaines dépenses fiscales en matière d’épargne

● Dans son rapport, déjà mentionné, sur la fiscalité du capital des ménages, le Conseil des prélèvements obligatoire recommandait de « favoriser une plus grande neutralité fiscale en supprimant les régimes dérogatoires dont l’impact économique est contestable » ([103]).

● Selon une estimation établie par la Cour des comptes, en matière d’épargne, les différents régimes fiscaux préférentiels occasionnent une dépense fiscale d’environ 2,7 milliards d’euros, détaillée dans le tableau suivant.

Les principales dÉpenses fiscales en matière d’Épargne financière en 2021

 

Montants des dépenses fiscales en millions d’euros

Estimations du nombre de ménages concernés

Montants des dépenses fiscales par ménages

(en euros)

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance vie

1 289

13 800 000

93

Exonération des intérêts et primes versés dans le cadre de l’épargne logement

411

23 000 000

18

Exonération des dividendes capitalisés et des gains de cession dans le cadre d’un plan d’épargne en actions

245

6 000 000

41

Exonération des revenus provenant de l’épargne salariale

220

11 200 000

20

Livrets réglementés - exonération de prélèvements sociaux

177

54 900 000

3

Exonération des intérêts des livrets A

131

54 900 000

2

Réduction d’impôt pour la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de PME

57

39 530

1 442

Exonération des intérêts des livrets de développement durable

56

24 200 000

2

Réduction d’impôt pour la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI)

49

23 215

2 111

Exonération des intérêts des livrets d’épargne populaire

19

7 300 000

3

Réduction d’impôt pour la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité (FIP)

12

10 747

1 117

Réduction d’impôt pour la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité (FIP) investis dans les entreprises corses

8

8 408

951

Réduction d’impôt pour de la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité outre-mer (FIPOM)

4

3 740

1 070

TOTAL

2 678

 

Source : Commission des finances, d’après, Cour des comptes, Observations définitives S 2022-1310, L’épargne réglementée (2016-2021) p. 62.

● La réforme du PFU a contribué à s’approcher de l’objectif de normalisation de la fiscalité de l’épargne, en permettant de revoir le périmètre de certains avantages.

En particulier la loi de finances pour 2018 a mis fin au régime dérogatoire de l’épargne-logement qui comprenait à la fois l’exonération d’IR des intérêts des plans d’épargne logement (PEL) et des comptes épargne logement (CEL) et le versement d’une prime d’État, complémentaire du prêt immobilier accordé sur le fondement du plan.

Les PEL et CEL ouverts à compter du 1er janvier 2018 relèvent ainsi du régime de droit commun : ils se voient appliquer le PFU et n’ouvrent plus droit à une prime financée par l’État lors de l’attribution d’un prêt réglementé.

Le montant de 411 millions d’euros de dépenses fiscales en 2021, recensés par la Cour des comptes au titre de l’épargne logement, constitue donc un stock appelé à se réduire progressivement, comme c’est également le cas concernant la fiscalité des revenus de l’assurance-vie, dont la réforme, de longue haleine, a été poursuivie à l’occasion de la mise en place du PFU (voir ci-après)

● Plutôt que d’établir un inventaire des différents dispositifs fiscaux applicables, de nature très diverse (tantôt des exonérations ou allègements d’impôt sur les produits de l’épargne, tantôt des réductions d’impôt calculées en fonction des montants investis), aux objectifs variés (financement du logement social, financement des PME innovantes, financement d’entreprises en Corse ou Outre-mer…) et aux enjeux budgétaires très disparates, les rapporteurs ont souhaité examiner prioritairement deux dispositifs centraux destinés à orienter l’épargne des ménages vers l’épargne longue.

La détention longue, si elle est investie de manière diversifiée et dynamique, est en effet la plus susceptible :

– d’une part, de consacrer l’épargne collectée au financement des investissements de long terme ;

– d’une part, de procurer à ses détenteurs un rendement significatif, ce qui invite à s’assurer que l’avantage fiscal procuré n’est pas réservé aux seuls épargnants les plus fortunés.

Par ailleurs, les enjeux de la fiscalité de l’épargne salariale relevaient du périmètre de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise dont le rapport a été récemment présenté à la commission des finances ([104]) et l’épargne réglementée (livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire) relève de la mission d’information, en cours, sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes ([105]).

  1.   La normalisation de la fiscalité des revenus de l’assurance-vie doit être poursuivie

● Totalisant, à la fin du mois d’avril 2023, un encours de 1 893 milliards d’euros ([106]), les contrats d’assurance-vie engagent un assureur à verser une rente ou un capital à l’assuré ou à ses bénéficiaires, en contrepartie du paiement de primes. Ils peuvent être investis sur trois types de support :

– les fonds dits en euros, dont le capital et les intérêts déjà versés sont garantis, qui représentent près de 75 % de l’encours ;

– les unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d’actifs assimilés, et dont l’assureur ne garantit que le nombre et non la valeur, qui représentent près de 25 % de l’encours ;

– enfin les fonds eurocroissance, offrant une garantie en capital au terme du contrat, qui représentent moins de 1 % de l’encours.

● Par sa nature d’« enveloppe capitalisante », un contrat d’assurance-vie procure, en soi, un avantage fiscal appréciable consistant dans le fait que l’ensemble des opérations effectuées à l’intérieur du support, réalisées par l’assureur pour le compte de l’épargnant (capitalisation des dividendes et intérêts, ventes de produits suivies de rachats), s’opèrent en franchise d’impôt pour l’épargnant, l’IR ne s’appliquant que lorsque le contrat a été racheté ou dénoué.

● Outre un régime fiscal de faveur au regard des droits de succession (voir infra), l’assurance-vie bénéficie d’un régime d’exonération ou d’imposition réduite des produits lorsque le contrat est racheté ou dénoué, qui constitue la principale dépense fiscale en matière d’épargne, pour un total de 1,3 milliard d’euros.

Cependant, cette dépense fiscale résulte principalement d’un stock d’encours au titre de contrats très anciens, alors que, en flux, la fiscalité des gains procurés par les nouveaux versements a été rapprochée du droit commun.

● Apparus dans l’entre-deux-guerres, les contrats d’assurance-vie n’ont subi aucune fiscalité jusqu’à la loi de finances pour 1983 ([107]) qui a posé le principe de l’imposition des produits issus de ces contrats, tout en maintenant une exonération complète des contrats souscrits antérieurement, y compris au titre des primes versées par la suite. Il aura fallu attendre la loi de finances pour 2020 ([108]) pour qu’il soit mis fin à l’exonération complète des produits des contrats d’assurance‑vie souscrits avant le 1er janvier 1983, les produits perçus à compter du 1er janvier 2020 et se rattachant à des primes versées depuis le 10 octobre 2019 étant désormais taxables.

● En instaurant le PFU, la loi de finances pour 2018 l’a appliqué pour les produits des primes versées depuis le 27 septembre 2017 ([109]) avec possibilité d’option pour le barème progressif de l’IR.

Le droit commun a remplacé le principe antérieur d’imposition au barème progressif avec option pour un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), au titre de l’IR, dont le taux dégressif (35 %, 15 % ou 7,5 %) dépendait jusqu’alors de l’ancienneté et de la durée de vie du contrat (de moins de quatre ans, de quatre à huit ans ou de plus de huit ans).

Si le PFU à l’IR s’applique en principe au taux de 12,8 %, un taux de faveur de 7,5 % a cependant été maintenu pour la fraction des produits des contrats de plus de huit ans se rattachant à des primes n’excédant pas un seuil de 150 000 euros.

Surtout, la loi a maintenu des abattements annuels de 4 600 euros (9 200 euros pour les couples), pour les contrats de plus de six ou huit ans, appliqués en priorité sur la part des produits imposée à 7,5 %.

● Pour les retraits sur des primes versées avant le 26 septembre 2017, le régime antérieur a été maintenu, le législateur ne pouvant modifier le régime d’imposition des primes versées antérieurement à ses interventions, puisque le principe constitutionnel de garantie des droits, tel qu’appliqué par le Conseil constitutionnel ([110]), ne permet pas qu’un simple motif de rendement budgétaire bouleverse rétroactivement l’équilibre du contrat sous l’empire duquel ces primes avaient été versées.

L’accumulation, par couches successives, des régimes d’imposition distincts est illustrée par le tableau suivant qui présente les principaux taux d’imposition applicables, qui varient selon la date de souscription du contrat, la date de versement des primes ainsi que la durée de détention du contrat.

Imposition des gains issus de contrats d’assurance vie
dans le cadre de rachat ou de dénouement

Date de souscription

Date de versement des primes

Durée de détention du contrat lors du rachat

Taux de PFL (sauf si barème progressif de l’impôt sur le revenu) ou PFU

Prélève-ments sociaux

Taux effectif d’imposition

Avant le 1er janvier 1983

Avant le 10 octobre 2019

-

exonération

17,2 %

17,2 %

Après le 10 octobre 2019

Après 8 ans

7,5 % si l’encours total est inférieur à 150 000 euros

24,7 %

12,8 % (PFU) au prorata de l’encours supérieur à 150 000 euros

30 %

Après le 1er janvier 1983

Avant le 26 septembre 1997

Avant 4 ans

35 %**

52,2 %

Entre 4 et 8 ans

15 %

32,2 %

Après 8 ans*

0 %

17,2 %

Entre le 1er janvier 1998 et le 26 septembre 2017

Avant 4 ans

35 %

52,2 %

Entre 4 et 8 ans

15 %

32,2 %

Après 8 ans

7,5 %

24,7 %

Après le 26 septembre 2017

Avant 8 ans

12,8 % (PFU)

30 %

Après 8 ans

7,5 % si l’encours total est inférieur à 150 000 euros

24,7 %

12,8 % (PFU) au prorata de l’encours supérieur à 150 000 euros

30 %

* ou après six ans dans le cas des contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989.

** Pour les contrats souscrits avant le 1er janvier 1990, le taux est de 45 % lorsque la durée de détention est inférieure à deux ans, et de 25 % lorsqu’elle est comprise entre deux et quatre ans.

● Enfin, des régimes d’exonération demeurent applicables :

– sous l’effet de la « cristallisation des droits » déjà mentionnée, il est en ainsi de gains acquis issus des contrats de plus de six ans pour ceux souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989, et il y a plus de huit ans pour ceux souscrits ultérieurement et attachés à des primes versées avant le 26 septembre 1997 ;

– les gains issus des contrats dits « DSK » ([111]), créés par la loi de finances pour 1998 et qui ne peuvent plus être souscrits depuis le 1er janvier 2005, catégorie spécifique de contrats prévoyant des niveaux plus élevés d’investissements risqués ;

– les gains issus des contrats dits « NSK » ([112]), également investis dans des actifs plus risqués, souscrits entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2013, dès lors que la durée du contrat est d’au moins huit ans ;

– dans la limite de 4 600 euros par an (9 200 euros pour un couple), les gains issus d’un contrat souscrit il y a plus de huit ans et qui sont transférés vers un plan d’épargne retraite ([113]).

● Indépendamment des contraintes liées aux droits acquis liés aux primes versés par le passé, les principaux avantages de la fiscalité des gains de l’assurance-vie sont donc, sous condition de durée de détention :

– l’imposition préférentielle à l’IR de 7,5 % au lieu de 12,8 % pour la partie des gains provenant de l’encours inférieur à 150 000 euros ;

– et les abattements de 4 600 euros (9 200 euros pour un couple) applicables à l’IR de l’année au titre de l’imposition des gains de l’ensemble des contrats éligibles.

Les représentants de la direction du Trésor ont indiqué aux rapporteurs que ce régime de faveur a été maintenu dans la mesure où l’assurance-vie continue de jouer un rôle essentiel pour permettre la constitution d’une épargne individuelle à long terme contribuant au financement de l’économie française.

L’atteinte de ces objectifs serait attestée par la durée de détention moyenne des contrats (de 12,6 ans) et par le fait que, désormais, 695 milliards d’euros d’encours sont plus résolument orientés vers des entreprises françaises dont, fin 2021, plus de 110 milliards d’euros vers les PME et ETI.

Les rapporteurs relèvent en outre que 420 milliards d’euros d’encours contribuent au financement de la dette publique française.

● Dans son rapport de janvier 2018 déjà mentionné sur la fiscalité du patrimoine, le Conseil des prélèvements obligatoires proposait d’aller jusqu’au terme de la démarche de normalisation de la fiscalité de l’assurance-vie, en appliquant le PFU sur l’ensemble des gains ou en réduisant fortement les abattements à l’IR.

Un des motifs avancés pour cet alignement serait de rapprocher la fiscalité des gains d’assurance-vie de celle de l’épargne-retraite ; cependant, celle-ci bénéficie désormais d’avantages fiscaux spécifiques (voir infra) propres à assurer son attractivité.

● De façon alternative, le CPO proposait de déterminer la fiscalité applicable aux revenus d’assurance-vie en fonction de l’ancienneté réelle des versements et non de la date d’ouverture du contrat.

Le régime de l’assurance-vie inciterait ainsi réellement à la détention longue, alors que ces incitations sont aujourd’hui détournées par la possibilité de « prendre date » en ouvrant un contrat sans pour autant y verser des sommes importantes dans un premier temps et de se servir seulement dans un second temps de ce support devenu fiscalement avantageux.

Les rapporteurs relèvent que, jusqu’à la loi de finances pour 1990 ([114]), le régime fiscal de l’assurance-vie était précisément fondé sur l’ancienneté réelle des versements et non sur la date d’ouverture du contrat.

La durée des contrats était calculée de deux manières, selon les modalités de versement des primes :

– si la prime était unique ou si les primes étaient périodiques et régulièrement échelonnées, la durée pour définir le régime fiscal était calculée de manière réelle, et correspondait à la durée effective du contrat ;

– si les versements étaient libres dans le temps, la durée était calculée selon la moyenne pondérée des versements : les dates réelles étaient pondérées en fonction de l’importance des montants des primes. Cette modalité de calcul permettait d’éviter un régime fiscal trop favorable pour des versements trop tardifs.

L’abandon de ces modalités de calcul a procédé d’un souci de simplification et de lisibilité pour les bénéficiaires dans le cadre d’une réforme qui allongeait par ailleurs la durée minimale pour bénéficier du taux le plus favorable à l’époque, passée de 6 à 8 ans.

Dès lors que des obstacles techniques ne sauraient réellement être avancés, un retour à la prise en compte de l’ancienneté réelle des contrats doit être pris en considération.

Recommandation : Déterminer la fiscalité applicable aux revenus d’assurance-vie en fonction de l’ancienneté réelle des versements et non de la date d’ouverture du contrat.

  1.   La fiscalité des PER doit être rendue plus incitative pour les épargnants faiblement imposés

● Le plan épargne retraite (PER) ([115]) résulte de la réforme de précédents dispositifs d’épargne retraite supplémentaire opérée par la loi « PACTE » ([116]).

Distribué depuis novembre 2019, il comprend un PER individuel, accueillant les versements volontaires du titulaire, et, le cas échéant, deux catégories de PER d’entreprises, alimentés notamment par l’intéressement, la participation ou des abondements de l’employeur.

À compter du départ à la retraite ([117]), le PER permet d’obtenir, à la liquidation du plan, le versement d’un capital ou une rente viagère, la loi PACTE ayant facilité la combinaison de ces deux modalités.

La loi prévoit que, par défaut, les PER relèvent de la gestion dite « pilotée », stratégie d’investissement qui tient compte de l’horizon de placement de l’épargnant avec plus d’actifs risqués au début et une part croissante de fonds garantis à l’approche du terme du plan.

Il s’agit d’un élément important de la réforme, qui permet d’orienter cette épargne longue vers le financement de l’économie.

● Le développement des PER est rapide, un bilan à trois ans de la loi PACTE, établi par la direction générale du Trésor en juin 2022, faisant état de 6 millions de titulaires des nouveaux plans, le double de l’objectif initialement fixé.

Cependant, la progression du PER est due à près de 80 % à des transferts en provenance d’autres produits d’épargne-retraite plus anciens,

Montants des provisions mathématiques associées à l’épargne retraite

(montants en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

PER

0

3 641

33 370

60 631

PER individuel

0

414

22 691

36 662

PER d’entreprise collectif

0

3 183

6 643

16 298

PER d’entreprise obligatoire

0

44

4 036

7 671

Autres produits d’épargne retraite

229 280

236 375

217 068

206 059

Source : Réponse de la Banque de France au questionnaire des rapporteurs.

Néanmoins, les flux nets d’épargne retraite augmentent depuis 2018, avec 9 milliards d’euros en 2020 et 12 milliards d’euros en 2021, qui sont les deux meilleures années depuis 2005.

Montants des flux nets (cotisations – prestations)
au titre de la retraite supplémentaire

(montants en millions d’euros)

Source : Réponse de la Banque de France au questionnaire des rapporteurs.

● Les produits de l’épargne placée dans un PER ne bénéficient pas d’une fiscalité préférentielle « en sortie », et relèvent, à ce titre, du régime de droit commun du PFU.

Cependant, le PER se caractérise par un mécanisme incitatif « à l’entrée » : le titulaire du plan a la possibilité de déduire les versements volontaires de son revenu imposable de l’année ([118]), ce qui revient à généraliser aux PER des modalités de déduction des cotisations applicables à des produits d’épargne retraite préexistants (PERP, contrats dits Madelin, PREFON…).

La déduction ne peut pas dépasser un plafond global, pour chaque membre du foyer fiscal, de 10 % des revenus professionnels de l’année précédente, retenus dans la limite de huit plafonds annuels de la Sécurité sociale, soit, en 2023, une déduction maximale de 35 193 euros.

En cas de faibles revenus d’activité ou de déficit professionnel, il est appliqué un plancher de déduction correspondant à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 4 399 euros. La marge de déduction inemployée peut être reportée sur les trois années suivantes. Les versements excédant la limite annuelle ne sont pas reportables.

● Cet avantage fiscal doit s’analyser comme un sursis à imposition, puisque les sommes correspondant aux versements déduits « à l’entrée » sont réintroduites dans le revenu imposable « en sortie ».

Le mécanisme fiscal a été établi par analogie avec les régimes de retraite, dans lesquels les cotisations sociales sont retranchées de l’assiette de l’IR mais financent des prestations de retraite qui sont imposées à l’IR en tant que revenus de remplacement lors de leur perception.

Cependant, dans le cas d’un produit d’épargne, la déduction des versements fournit un avantage propre, croissant avec le niveau de revenus, en augmentant le revenu non imposé et donc la propension à épargner : par un « effet de levier », cela permet d’épargner plus et donc de bénéficier à terme d’une plus-value d’épargne plus élevée.

Surtout, ce mécanisme est très attractif pour les ménages qui, en phase d’épargne, relèvent de taux marginaux d’imposition élevés à l’IR : les versements initialement déduits ne feront l’objet que d’une imposition à l’IR très fortement différée et atténuée sous l’effet de deux phénomènes :

– l’imposition future au barème de l’IR sera minorée par la dépréciation monétaire, qui est prise en compte par l’indexation du barème ;

– le revenu imposable ayant tendance à diminuer à la retraite, le taux marginal d’imposition appliqué à l’avenir sera probablement inférieur à celui de la déduction initiale.

Inversement, les ménages pas ou peu imposables ont rarement intérêt à cette déduction en phase d’épargne. La loi autorise donc l’épargnant à renoncer la faculté de déduire les versements dans un PER de son revenu imposable.

● En conséquence, l’imposition des revenus perçus à la liquidation du plan dépend, d’une part, du choix initial de déduire ou non les versements du revenu imposable et, d’autre part, du mode de sortie, en capital ou en rente.

Si l’épargnant a déduit les versements initiaux de son revenu imposable :

– en cas de sortie en capital ([119]), les sommes qui ont été préalablement déduites du revenu imposable sont imposées selon le barème progressif de l’IR, contrairement aux produits du plan (plus-values de l’épargne) qui sont imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) ;

 en cas de sortie en rente ([120]), l’IR est appliqué à l’ensemble des sommes, qu’elles proviennent des versements initiaux ou des gains selon le régime applicable aux pensions de retraite après application d’un abattement de 10 % ; les prélèvements sociaux sont affectés d’un abattement proportionnel en fonction de l’âge selon le régime des rentes viagères.

Si l’épargnant a fait le choix de ne pas déduire les versements initiaux de son revenu imposable :

– en cas de sortie en capital, les sommes correspondant aux versements initialement inclus dans le revenu imposable sont exonérées d’IR, seuls les produits de l’épargne restant imposés au PFU ;

– en cas de sortie en rente, la part correspondant aux versements non déduits se voit appliquer le régime favorable des rentes viagères à titre onéreux, qui limite la part imposable à l’IR à 40 % après 60 ans et à 30 % après 70 ans.

● Le coût budgétaire de la déduction des cotisations est évalué à 1 057 millions d’euros en 2021 au titre des revenus 2020, la part attribuable aux PER s’élevant à 586 millions d’euros.

Il n’a pas été communiqué aux rapporteurs d’estimation du rendement procuré par la réintégration, dans le revenu imposable, des montants préalablement déduits.

● Si la plupart des intervenants auditionnés par la mission d’information se sont félicités de l’intérêt porté par un nombre croissant d’épargnants au régime de l’épargne retraite, il a été relevé que ce régime est, au final, faiblement attractif pour les ménages disposant de petits revenus.

Or ces ménages sont généralement dépourvus d’une épargne longue et auraient tout à gagner d’un produit bloqué jusqu’à la retraite et susceptible de leur procurer des rendements très supérieurs à ceux de l’épargne réglementée.

Il a donc été suggéré d’accorder aux épargnants ne bénéficiant pas de la déductibilité des versements à l’IR une exonération des plus-values à l’IR (hors prélèvements sociaux) comme c’est au demeurant le cas aujourd’hui pour le plan d’épargne en actions (PEA) dont le PER partage désormais certaines caractéristiques : une détention longue et un fort investissement en actions dans le cadre de la gestion pilotée.

Il a également été proposé d’améliorer le traitement fiscal des sorties en rente viagère, qui constituent un utile complément à la sortie en capital, notamment pour assurer un complément de revenus finançant les besoins de la dépendance. Il a été suggéré de doubler, dans ce cas, l’abattement de 10 % applicable aux revenus de remplacement, en le portant à 20 %.

Recommandation : Repenser le régime fiscal de l’épargne retraite afin que ses avantages ne soient pas concentrés sur les contribuables à hauts revenus.

  1.   Les perspectives d’accroissement de la contribution des revenus financiers aux finances publiques ne sauraient être écartées
    1.   Les évaluations des réformes de la fiscalité du capital, si elles attestent d’une baisse de l’exil fiscal, ne permettent pas de déterminer d’effets sur l’investissement productif

● Ainsi que l’a résumé, en octobre 2021, le troisième avis annuel rendu par le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, « les réformes de 2018 ont conduit à ramener les taux d’imposition de la France sur les actifs mobiliers à des niveaux proches de la moyenne observée dans les principaux pays développés, ce mouvement étant mécaniquement plus notable pour les contribuables les plus aisés. Avec la mise en place du PFU et la suppression de l’ISF, la France rejoint de fait la situation majoritaire des pays s’agissant des capitaux mobiliers, où les revenus sont imposés à un taux unique et où il n’existe pas d’imposition annuelle sur le patrimoine » ([121]).

Comme le montrent les tableaux suivants, les taux marginaux d’imposition applicables tant aux dividendes qu’aux plus-values mobilières des particuliers se situent désormais dans la moyenne européenne, bien que l’application de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) ([122]), qui s’ajoute à l’IR et comprend, dans son assiette, les revenus mobiliers, a pour effet de porter, pour les contribuables de revenus supérieurs, l’imposition sur les revenus du capital à 34 %.

Taux marginal d’imposition des dividendes des particuliers

Remarque : Les Pays-Bas appliquent un taux de 25 % lorsque le niveau de participations dépasse 5 %.

Source : commission des finances, d’après les réponses de l’AFEP au questionnaire des rapporteurs.

Taux marginal d’imposition des plus-values mobilières des particuliers

Source : commission des finances, d’après les réponses de l’AFEP au questionnaire des rapporteurs.

● Cette « normalisation » relative de la fiscalité de revenus financiers concentrés, de fait, sur une population d’entrepreneurs, a été concomitante d’une modification rapide de tendance des principaux indicateurs d’exil fiscal, sur le périmètre, proche, des contribuables assujettis à l’ISF ou qui l’auraient été en cas de maintien de cet impôt.

Comme le montre le tableau ci-après, les impatriations fiscales de ménages imposables hier à l’ISF et désormais à l’IFI dépassent en nombre les expatriations (380 contre 220 en 2020), à l’inverse de la tendance constatée avant réforme (470 contre 1 020 en 2016). Surtout, les expatriations ont fortement baissé. Ces évolutions portent toutefois sur de faibles effectifs, de l’ordre de quelques centaines de foyers fiscaux.

Solde des retours et des départs des contribuables assujettis à l’ISF
puis À l’IFI

Source : France stratégie, Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital

Les travaux de France Stratégie ont porté en outre sur les départs et retours des contribuables « fortunés » qui déclarent plus de 50 000 à 100 000 euros de revenus mobiliers par an. Contrairement à l’analyse des départs et retours des assujettis à l’ISF-IFI, cela permet de conserver un périmètre d’observation constant dans le temps.

Le taux de départ des « fortunés » est en baisse depuis le point haut de 2013, sans inflexion particulière en 2017, alors que le taux de retour est en hausse marquée à partir de 2017, alors qu’il était stable auparavant, comme le montre le graphique suivant.

Évolution du nombre de retours de contribuables selon leur montant
de dividendes déclarés l’année de leur retour

Source. France Stratégie, Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital. Troisième rapport. Octobre 2021, p. 99.

● Enfin, les effets des réformes sur l’investissement et le financement des entreprises sont encore difficiles à cerner.

En premier lieu, il n’est pas possible d’estimer si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises.

Le seul changement objectivable réside dans le fait que, parmi les contribuables qui acquittaient l’ISF en 2015 et détenaient plus de 3 millions d’euros d’actifs immobiliers, on observe, en moyenne sur 2018-2020, que 12 % d’entre eux déclarent une baisse substantielle de la part de leurs actifs immobiliers, soit le double d’avant-réforme. Il est possible d’en déduire que l’exonération de l’impôt sur la fortune des actifs financiers pourrait inciter certains de ces gros propriétaires à y réallouer une partie de leur patrimoine, mais pas d’en tirer des conséquences en termes d’investissements dans les entreprises.

De même, l’indisponibilité des données ne permet pas d’identifier si les ménages dont les dividendes ont fortement augmenté entre 2017 et 2018 ont réinvesti tout ou partie de ce surcroît de revenu dans les actions d’autres entreprises.

Pour ceux de ces ménages qui étaient, par ailleurs, assujettis à l’ISF, il a toutefois été possible de suivre l’évolution du patrimoine immobilier : il apparaît que pour les ménages dont les dividendes ont augmenté en 2018 d’un montant compris entre 100 000 et un million d’euros, le patrimoine immobilier a augmenté concomitamment, en moyenne, de 150 000 euros.

Enfin, le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital n’a détecté aucun impact sur l’investissement, sur la gouvernance ou sur les salaires dans les entreprises possédées davantage par des personnes physiques ayant fortement accru leurs distributions de dividendes ou dont les actionnaires étaient le plus assujettis à l’ISF.

Les derniers travaux, en cours, du comité, confiés à l’IPP, vont chercher à mesurer les « effets diffus » des réformes de 2018, par-delà les entreprises dont les actionnaires en ont le plus bénéficié, par exemple sur la dynamique des créations de nouvelles entreprise et sur le financement des entreprises en croissance.

  1.   Malgré l’intérêt de la stabilité fiscale, le contexte de baisse de l’IS paraît justifier une hausse mesurée du taux du PFU

● La suppression de l’ISF et la mise en place du PFU se sont inscrites dans le contexte, plus large, d’une réforme de la fiscalité du capital dont la première composante a consisté à baisser le taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS), qui est désormais de 25 % contre 33,33 % en 2017.

Depuis 2018, la baisse du taux d’IS a accru la rentabilité des entreprises, ce qui leur permet de distribuer des montants de dividendes plus importants ou ce qui accroît la valeur des titres des sociétés et procure donc des plus-values de cession plus élevées.

● Pour les détenteurs de titres de sociétés, l’effet d’enrichissement est donc double puisque c’est la fiscalité du capital dans son ensemble qui a été fortement allégée :

– « à la source », dans les comptes des sociétés, au moyen de la baisse de l’IS, impôt qui constitue l’équivalent, pour les sociétés, de l’impôt sur le revenu pour les personnes physiques ;

– puis, dans le revenu personnel du détenteur du patrimoine financier, lorsque les revenus du capital sont distribués ou réalisés à travers des cessions de titres.

● Si une hausse des prélèvements obligatoires devenait nécessaire pour assurer la soutenabilité des comptes publics et financer les investissements publics, l’effort supplémentaire ne saurait entièrement reposer sur les revenus du travail et une mise à contribution des revenus du capital devrait être envisagée.

Concernant le PFU, le principal apport de la réforme de 2017, à savoir son taux forfaitaire et son application uniforme aux différentes catégories de revenus financiers, peut, sans difficultés, être conservé dans la mesure où cette réforme a rendu la fiscalité du capital plus claire et lisible.

En revanche, il peut être envisagé de faire évoluer le taux du PFU, inchangé depuis cinq années, sans que la perspective d’une hausse modérée ne fasse immédiatement ressurgir le spectre de « l’instabilité fiscale ».

● Si la France venait à accroître de façon modérée le taux du PFU, cette démarche n’aurait pas pour effet de détourner soudainement les investisseurs de notre pays.

Il convient de rappeler que taux le marginal d’imposition des plus-values mobilières atteint 42 % au Danemark ou que la Suisse ([123]) applique une retenue à la source de 35 %.

Surtout, certains de nos partenaires ont accru leur fiscalité des revenus financiers au moment où la France la diminuait.

En 2017, la Belgique a porté de 27 % à 30 % le taux de sa retenue à la source sur les dividendes et les intérêts.

Depuis le 6 avril 2023, le Royaume-Uni a alourdi sa fiscalité sur les revenus financiers :

– concernant les dividendes, il a réduit de 2 000 à 1 000 livres le montant de l’abattement annuel appliqué, et, au-delà, il a augmenté les taux d’imposition appliqués : 8,5 % au lieu de 7,5 %, dans la limite de la première tranche du barème de l’IR, 33,75 % au lieu de 32,5 % dans la limite de la deuxième tranche et enfin 39,35 % au lieu de 38,1 % au-delà ;

– concernant les plus-values, cette réforme a abaissé de 12 300 à 6 000 livres l’abattement annuel sur les gains de cessions, qui sera ensuite ramené à 3 000 livres à partir du 6 avril 2024.

● En apparence, une hausse générale du taux du PFU n’aurait pas pour effet de cibler directement les contribuables aux plus hauts revenus ; cependant, dans les faits, ces derniers en seraient les principaux contributeurs, puisque :

– les ménages les moins imposés peuvent, comme déjà mentionné, renoncer à l’application du PFU au profit du barème de l’IR, qui est plus favorable sur les premières tranches ;

– l’épargne des neuf premiers déciles prend rarement la forme d’une détention directe d’actions ou de droits sociaux mais plus fréquemment celle d’une détention intermédiée au travers d’investisseurs institutionnels et assortie de régimes fiscaux plus favorables (épargne réglementée, assurance-vie, épargne retraite, plans épargne en actions…).

● À la demande des rapporteurs, la DGFiP a présenté une estimation du rendement susceptible d’être procuré par une hausse de 3 points du taux du PFU, qui serait, hors effets d’assiette éventuels, de 1 089 millions d’euros en année n, puis 1 563 millions d’euros à compter de l’année n+1 .

Recommandation : Pour accroître la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques, prévoir une hausse modérée, par exemple de 3 points, du taux du PFU à l’IR.

  1.   Les défis mondiaux peuvent nécessiter d’établir de nouvelles formes de contributions assises sur la détention du patrimoine financier

● Dans leur récent rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat ([124]), Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont fait valoir qu’une hausse de la fiscalité sur le capital serait nécessaire pour financer les investissements nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Elle répondrait, en outre, à un impératif d’équité, susceptible de faire accepter plus largement les efforts induits par la transition climatique.

À l’appui de travaux récents ([125]) de Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ils comparent en effet le financement de la politique climatique aux chocs exogènes sur les finances publiques résultant des guerres du XXe siècle, qui avaient conduit à alourdir la fiscalité sur le capital.

Un exemple paradigmatique est fourni par la guerre de Corée dont le coût de 15 points de PIB pendant 3 ans a été entièrement financé par une hausse des impôts directs, sans recours à l’inflation ou à de l’endettement.

Néanmoins, les auteurs considèrent qu’un alourdissement durable de la fiscalité du capital a pour effet de réduire les incitations à l’épargne, ce qui ne peut être que défavorable à l’activité économique comme à l’investissement privé dans la transition écologique.

En conséquence, ils proposent des « prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le capital », qui doivent être bien perçus comme non récurrents, afin de ne pas avoir d’effets négatifs sur les comportements d’investissement.

Un prélèvement dédié, explicitement temporaire et calibré ex ante en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques serait ainsi assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés.

À titre d’exemple, un prélèvement de 5 % étalé sur 30 années, assis sur l’actif financier net des 10 % les mieux dotés (3 000 milliards d’euros), procurerait 150 milliards d’euros soit 5 points de PIB.

Dans une contribution au journal Le Monde ([126]), Jean Pisani-Ferry a en outre proposé que les contribuables puissent s’acquitter de cette « dette à l’égard de l’administration fiscale » selon différentes modalités « à leur choix », ce qui laisse supposer que le financement direct de politiques climatiques pourrait se substituer en partie au paiement de l’impôt. Le rapporteur Jean-Paul Mattei souligne toutefois qu’un tel prélèvement, même temporaire, ne saurait être mis en place qu’à l’échelle nationale. Le principe de liberté de circulation du capital à l’échelle de l’Union, l’attractivité fiscale de la France ainsi que la capacité des entreprises françaises à se financer doivent conduire à être très prudent et de privilégier la piste d’un impôt au niveau européen.

Recommandation : Pour financer les nécessaires investissements dans la transition climatique, envisager la mise en place au niveau européen de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le patrimoine des contribuables les plus riches, dont le montant serait calibré ex ante en fonction du coût anticipé pour les finances publiques.

● Dans la même optique, le rapporteur Nicolas Sansu souligne qu’une contribution des patrimoines les plus élevés pourrait répondre aux enjeux de solidarité internationale, à des fins de redistribution mondiale des richesses.

Il attire l’attention sur la proposition d’impôt mondial sur la fortune présentée par le Global Redistribution Advocates ([127]), fondée sur le constat qu’au plan mondial, 1 % des ménages les plus riches ([128]) détient 38 % du patrimoine mondial et que la portion de ces patrimoines dépassant le million de dollars représente le quart de la richesse accumulée au niveau mondial.

Une démarche internationale visant à instaurer une contribution mondiale sur les patrimoines les plus élevés s’inscrirait dans la même logique que les accords multilatéraux visant à établir un taux minimal d’imposition des bénéfices des entreprises ([129]).

Au demeurant, les ménages les plus fortunés ont disproportionnellement bénéficié, pour accroître leurs patrimoines, d’une fiscalité faible dans un contexte de concurrence fiscale internationale.

Il ressort d’une étude d’opinion réalisée dans 20 pays à revenus nationaux élevés ou moyens qu’une très large majorité des populations des pays les plus riches est favorable à ce que les ménages millionnaires contribuent, sur leur patrimoine, au financement de contributions à destination des pays les plus pauvres.

Comme le montre le graphique suivant, le soutien à cette proposition atteint 69 % en France, contre 13 % d’oppositions et 17 % sans opinion.

Niveaux de soutien à une proposition de taxation des hauts patrimoines pour financer des aides aux pays les plus pauvres

Lecture, de gauche à droite : « s’oppose fortement », « s’oppose », « est indifférent », « soutient » et « soutien fortement ».

Source : Global redistribution advocate, 23 juin 2023, A global wealth tax. policy brief, p. 6.

Recommandation : Lancer une réflexion sur un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches, afin de financer des aides aux pays les plus pauvres.

2.   Une nouvelle réforme de la fiscalité du capital financier pourrait porter tant sur les bénéfices des sociétés que sur les revenus financiers des personnes physiques

Comme l’ont établi les travaux de France Stratégie évaluant la réforme du PFU (voir supra), l’assiette des dividendes imposés à l’IR est très sensible aux décisions d’un petit nombre de ménages contrôlant des sociétés pour lesquelles ils maîtrisent les choix d’allocation des bénéfices.

La hausse du volume des dividendes observée depuis la réforme de 2018 correspond ainsi essentiellement à une baisse de l’épargne des entreprises, donc à un déplacement des frontières, mouvantes, entre patrimoine privé des ménages et patrimoine financier des entreprises.

Ces constats sont nourris en particulier par des travaux récents de l’Institut des politiques publiques ([130]) qui ont montré l’incidence, sur l’imposition des revenus professionnels des très grandes fortunes, des mécanismes de mise en place de sociétés permettant d’y loger des revenus épargnés puis réinvestis sans subir autrement que marginalement une imposition personnelle, à l’IR, de ces revenus financiers.

Si ces enjeux, qui recouvrent ceux de la fiscalité des entreprises et du droit des sociétés, dépassent le strict cadre de la fiscalité sur les revenus procurés par le patrimoine des ménages, il est nécessaire de les prendre en considération afin de s’assurer de la cohérence d’ensemble de notre régime fiscal, et de sa progressivité.

a.   La fiscalité des dividendes et des plus-values ne saisit qu’une petite partie des distributions auxquelles procèdent les entreprises

● Après avoir payé l’impôt sur les sociétés, l’entreprise peut affecter le solde de deux manières : le mettre en réserve ou le distribuer aux associés sous forme de dividendes.

D’après les comptes nationaux de l’INSEE, les sociétés non financières ont distribué, en 2021, 230,2 milliards d’euros de dividendes, comme le montre le tableau suivant.

Emplois des comptes des sociÉtÉs non financiÈres

(montants en milliards d’euros)

Entreprises

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Revenus de la propriété

266,2

240,0

254,5

270,5

264,6

246,0

276,5

294,9

249,8

308,8

Dont intérêts

75,1

71,9

72,0

67,0

65,0

65,1

64,5

62,9

61,3

66,6

Dont dividendes

182,7

159,5

172,9

192,2

187,1

166,6

197,6

219,7

183,9

230,2

La catégorie « intérêts » comprend les paiements liés aux emprunts et aux obligations.

Source : INSEE. Comptes des sociétés non financières (S11) Emplois du compte d’affectation des revenus primaires.

Cependant, les comptes des ménages ne font apparaître, en ressources, que 44,6 milliards d’euros de dividendes, comme le montre le tableau suivant.

Ressources des comptes des ménages

(montants en milliards d’euros)

Ménages

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Revenus de la propriété

118,8

102,2

98,6

98,5

94,4

92,6

102,8

100,6

91,5

96

Dont intérêts

23,9

19,8

16,0

16,3

14,8

14,1

14,4

14,3

12,1

10,9

Dont dividendes

39,6

26,0

27,3

27,9

30,6

30,6

40,1

42,1

38,7

44,6

Dont autres revenus d’investissements

52,6

53,7

52,6

51,5

46,1

45,1

45,5

41,3

38,0

37,8

Dont autres

2,6

2,7

2,8

2,9

2,9

2,8

2,8

2,9

2,7

2,7

La catégorie « intérêts » comprend les placements à vue et les intérêts sur obligations.

Source : INSEE. Comptes des ménages (S14) Ressources du compte d’affectation des revenus primaires.

Enfin, en parallèle, les sociétés non financières ont enregistré, en ressources, 180,1 milliards d’euros de dividendes.

Plus de 78 % des distributions de bénéfices sont donc opérées en faveur de sociétés et échappent à l’imposition au titre du revenu d’une personne physique actionnaire ou détenteur des droits sociaux, qui couvre moins de 20 % des distributions.

Ces sociétés actionnaires peuvent être elles-mêmes des sociétés opérationnelles détenant des participations dans d’autres sociétés, mais elles peuvent aussi être des sociétés ayant pour seule activité de détenir des participations financières, couramment dénommées les « holdings », contrôlées chacun par un petit nombre d’actionnaires individuels.

● Lorsque les dividendes sont perçus par une société, leur imposition ne relève pas du PFU mais est soumise aux règles de l’IS.

La distribution de dividendes à une société peut donc entraîner une double imposition : au niveau de la société distributrice – le résultat ayant déjà été soumis à IS – et dans les mains de la société bénéficiaire, puisque les dividendes intègrent le résultat imposable.

Afin d’éviter ce phénomène, les produits de participation peuvent, sur option, bénéficier du régime des sociétés mères ([131]) qui permet, sous conditions, l’exonération des produits distribués par une filiale à sa mère.

● À cette exonération est néanmoins appliquée une quote-part de frais et charges (QPFC) égale à 5 %, voire à 1 % du produit total des participations, comme présenté dans l’encadré ci-après.

L’application de la quote-part de frais et charges aux remontées de dividendes dans les holdings

En cas de QPFC de 5 %, le prélèvement au taux normal de l’IS sur les remontées de dividendes peut donc atteindre 1,25 %.

Ce régime peut être appliqué à la double condition que la société qui perçoit les dividendes possède au moins 5 % de celle qui les distribue, et qu’elle s’engage à en conserver les titres pendant au moins deux ans.

Le taux de QPFC est ramené à 1 % pour les dividendes perçus de filiales éligibles au régime des sociétés mères incluses dans le périmètre de l’intégration fiscale, qui nécessite une détention des titres de la société fille par la société mère supérieure ou égale à 95 % du capital social.

En revanche, lorsque les conditions de niveau de participation ne sont pas satisfaites, les dividendes reçus sont taxés à 100 % de leur montant en étant intégrés au résultat de la société bénéficiaire.

Cette QPFC est imposée au taux normal de l’IS acquitté par la société qui reçoit les dividendes, ce qui aboutit à une imposition effective de la remontée de dividendes de 1,25 % (25 % X 5 %), voire de 0,25 % (25 % X 1 %).

● Un même régime favorable est appliqué aux plus-values nettes à long terme qui sont exonérées d’IS, sauf QPFC égale à 12 %, principalement appliquée à la cession de titres de participation détenus depuis au moins deux ans ([132]).

Il s’agit de la « niche Copé » introduite en 2004 ([133]) dans le but d’éviter l’exil de sociétés holdings françaises vers des pays voisins. Initialement fixé à 5 %, le taux de cette QPFC a été relevé à 10 % en 2011 ([134]) et à 12 % en 2012 ([135]).

b.   Les ménages les plus fortunés ont ainsi la possibilité de conserver, avec peu ou pas de fiscalité, une part élevée de leurs revenus financiers sous forme de plus-values latentes ou de liquidités des sociétés patrimoniales qu’ils contrôlent

● En 2022, selon la Banque de France, sur un patrimoine financier total des ménages de 6 000 milliards d’euros, 1 443 milliards d’euros, soit 24 %, sont détenus en « actions et autres participations » correspondant, pour 20 % à des actions cotées, pour 50 % à des actions non cotées et pour 30 % aux parts de SARL détenues par leur chef d’entreprise.

Plus de 1 000 milliards d’euros de patrimoine financier relèvent donc de la catégorie du patrimoine professionnel, dont 98 % appartiennent à 10 % des ménages et 65 % appartiennent à 1 % des ménages.

● Le patrimoine financier professionnel est une source de revenus d’une nature différente du patrimoine financier non professionnel en ce qu’il peut être conservé dans la société contrôlée par le contribuable.

De nombreux intervenants auditionnés par la mission d’informations ont souligné que ces sociétés dites « patrimoniales », c’est-à-dire directement contrôlées par leurs dirigeants personnes physiques, permettent de constituer des « réserves d’épargne défiscalisée ».

Elles peuvent procurer à leurs dirigeants des revenus « non visibles » ([136]) résultant des gains en capital des entreprises, diminués de la consommation de capital fixe et des effets de l’inflation. Le véritable « revenu économique » d’un ménage résulte donc de la somme de ces revenus non visibles et du revenu fiscal de référence imposé à l’IR.

● Un propriétaire de sociétés peut ainsi, à son libre choix :

 décider de se verser des dividendes sur son compte personnel, avec, dans ce cas application du PFU de 30 % : le solde peut être consommé à des fins personnelles ou réinvesti ;

 décider de conserver ces bénéfices dans la société ou les faire remonter dans une holding patrimoniale, acquittant seulement une QPFC modique. Avec un minimum de « frottement fiscal », les revenus financiers perçus par la holding peuvent ensuite être réinvestis pour accroître son actif global.

Après paiement de l’IS, l’épargne entrepreneuriale échappe ainsi en large partie à la fiscalité. Ce phénomène, qui existe pour les sociétés opérationnelles, est plus prégnant encore pour les holdings fiscales familiales, que plusieurs intervenants auditionnés par la mission d’information ont qualifié de véritables « tirelires défiscalisantes ».

● Le patrimoine professionnel peut en outre fournir des liquidités peu imposées par différents biais :

– l’actionnaire personne physique peut obtenir des liquidités en choisissant de céder les titres présentant les plus-values les plus faibles donc peu imposés, ces mêmes titres ayant pu néanmoins procurer précédemment des dividendes à la holding qui a pu les réinvestir avec peu ou pas de fiscalité ;

– l’emprunt personnel pour lequel le patrimoine professionnel peut être retenu en collatéral et qui peut être aisément renouvelé : cela permet de bénéficier d’un effet de levier voire de diminuer le patrimoine privé net imposable par ailleurs, par exemple avec un emprunt immobilier qui viendrait en déduction de la valeur du patrimoine imposé à l’impôt sur la fortune immobilière

● En outre, les entrepreneurs disposent de facilités de réinvestissement avec report de la plus-value par le biais du régime de l’apport-cession ([137]).

Ce régime permet au contribuable personne physique de reporter l’imposition de la plus-value constatée lors d’apports de titres qu’il détient à d’autres sociétés qu’il contrôle, par exemple à une holding.

Le report d’imposition de la plus-value est maintenu même lorsque la holding cède les titres qui ont été apportés sous une condition de « réinvestissement économique » d’au moins 60 % des fonds dans des activités économiques contrôlées directement.

La loi de finances pour 2019 ([138]) a en outre élargi la portée de ce régime de l’apport-cession, en autorisant un réinvestissement indirect du produit de cession, par l’intermédiaire de fonds investissant dans des PME.

S’il vise à favoriser l’investissement dans les PME et à améliorer le financement de l’économie, ce mécanisme de report d’imposition de la plus-value constatée lors d’apports de titres effectués à des sociétés contrôlées par l’apporteur constitue un avantage considérable et expose au risque que, de reports en reports, une plus-value croissante ne soit, au final, jamais imposée.

C’est le cas, a fortiori, si intervient in fine une donation ou succession qui ne donne alors pas lieu à l’acquittement d’un impôt sur la plus-value mais uniquement des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) (voir infra), avec la possibilité soit d’une exonération totale en cas de transmission par décès au conjoint, soit d’un traitement fiscal très favorable en bénéficiant du régime de faveur des successions ou donations de titres de société dans le cadre d’un pacte Dutreil.

 Enfin, alors que les contribuables aux revenus peu élevés doivent liquider des fractions importantes de leur épargne pour assurer leur train de vie, ce qui les conduit à devoir acquitter la fiscalité de droit commun sur leurs revenus financiers, les contribuables dont les revenus sont plus élevés, en revanche, peuvent différer très largement la taxation d’une part substantielle des revenus tirés de leur patrimoine, dont ils n’ont pas besoin pour vivre.

c.   Les travaux récents de l’IPP montrent que ces dispositifs contribuent à atténuer considérablement la progressivité du système fiscal

● Grâce à l’accès à des données fiscales de 2016 fournies par la DGFiP, l’IPP ([139]) a pu apparier les revenus déclarés par les ménages et les bénéfices correspondant à leurs détentions de titres de propriété des entreprises.

L’IPP a ainsi fourni des estimations chiffrées précises du « revenu économique » des ménages.

En ajoutant au revenu fiscal de référence (RFR) les bénéfices non distribués des sociétés que les ménages contrôlent ([140]), ce revenu économique s’élevait à 1 275 milliards d’euros en 2016, supérieur de plus d’un quart aux 1 000 milliards d’euros de revenus fiscaux des ménages

● Comme le montre le tableau ci-après, en moyenne, pour l’ensemble des contribuables, le RFR est relativement proche du revenu économique : le revenu économique calculé par l’IPP est d’environ 33 000 euros par contribuables, dont 26 000 inclus dans le revenu fiscal de référence.

La part du revenu économique non prise en compte par le RFR ne serait donc, en moyenne, que de 21,7 %.

Distribution des revenus en 2016

Fractile

Nombre de foyers fiscaux au-delà

Moyenne du RFR

Moyenne du revenu économique

Revenu économique hors RFR

Part du revenu économique hors RFR

P 0

37 833 500

26 457 

33 778 

7 321 

21,7 %

P50

18 916 700

43 100 

56 400 

13 300 

23,6 %

P90

3 783 300

92 300 

137 000 

44 700 

32,6 %

P95

1 891 700

125 000 

204 000 

79 000 

38,7 %

P99

378 300

265 000 

580 000 

315 000 

54,3 %

P99,9

37 800

895 000 

3 385 000 

2 490 000 

73,6 %

P99,99

3 780

3 401 000 

23 530 000 

20 129 000 

85,5 %

P99,999

378

12 320 000 

171 822 000 

159 502 000 

92,8 %

P99,9998

75

35 890 000 

1 076 710 000 

1 040 820 000 

96,7 %

Source : IPP et, concernant les niveaux de revenu économique hors RFR, calculs de la commission des finances.

Cependant, la part du revenu économique non prise en compte dans le RFR croît de façon considérable dans le haut de la distribution des revenus : elle atteint 54 % en moyenne pour le centile supérieur et 85 % pour les 0,01 % les plus riches.

Pour 75 ménages de « milliardaires », 97 % du revenu économique n’est pas pris en compte par le RFR qui s’élevait, en 2016, à 35,9 millions d’euros en moyenne, ces contribuables contrôlant chacun directement l’équivalent de plus d’un milliard d’euros de revenus économiques.

Ce constat est la conséquence logique de la très forte concentration des biens professionnels au sommet de la distribution des patrimoines, qui prennent alors la forme de titre de sociétés cotées ou non cotées, comme illustré par le graphique suivant, qui compare la part, dans le patrimoine des centiles et millimes supérieurs, des biens professionnels et des biens entrant dans l’assiette de l’ancien ISF.

Répartition du patrimoine des trois cENTiles supérieurs

Source : Bach et al. (2021) cité par CAE, p. 10.

● Se fonder sur le revenu économique permet dès lors d’apprécier avec un regard neuf la progressivité du système fiscal.

En rapportant le RFR à l’ensemble des impôts personnels (IR, prélèvements sociaux et ISF en 2016), l’IPP confirme la progressivité élevée du système fiscal : les milliardaires sont ainsi imposés à hauteur de 37 % de leur RFR, ce qui est supérieur au taux d’imposition appliqué à 99,9 % de la population.

Cependant, les résultats sont très différents en rapportant l’ensemble de la fiscalité applicable au revenu économique, le prélèvement paraissant régressif à partir des 0,01 % les plus riches, dont les revenus, ainsi définis, ne supportent plus principalement l’impôt progressif sur le revenu mais avant tout l’impôt proportionnel sur les bénéfices des sociétés.

Progressivité de l’imposition du revenu économique
pour le décile supérieur

IPP progressivité revenu élargi

Source : Notes IPP, n° 92, juin 2023 op. cit. p. 6.

Pour 0,0002 % des contribuables, soit 75 milliardaires, le taux d’imposition totale du revenu économique s’établit ainsi à 26 % sur lesquels :

 2 points proviennent de l’IR personnel, acquitté en stricte application du barème progressif soit jusqu’à 59 % ([141]) de l’ensemble des sommes qui sont effectivement versées sur les comptes bancaires de ces contribuables ;

– 24 points correspondent principalement à l’IS acquitté par les sociétés qu’ils contrôlent, pour l’ensemble des bénéfices qui sont conservés par ces sociétés et non redistribués, diminué de l’effet de quelques crédits d’impôts.

L’IPP propose enfin un scénario contrefactuel dans lequel, en cas d’imposition directe de l’ensemble des revenus économiques comme des revenus personnels, le taux global d’imposition des revenus économiques de ces mêmes milliardaires passerait de 26 à 59 %.

d.   Les futures réformes peuvent s’intéresser à la notion de « revenu économique » sans pour autant ignorer la personne morale ou fiscale.

● Dans sa note précitée, l’IPP relève que la faible fiscalisation des facilités de détention de revenus financiers et de réinvestissement par des montages sociétaires constitue une situation générale en Europe et qu’« il ne s’agit pas de conclure que le système fiscal français offre une situation plus avantageuse aux très grandes fortunes que ses voisins ».

Ce constat ne saurait cependant justifier l’absence de réforme et les rapporteurs invitent à engager une réflexion de fond pour identifier les leviers fiscaux permettant de mettre à contribution les revenus des plus grandes fortunes, par-delà les catégories juridiques auxquelles ils se rattachent.

Si les rapporteurs sont en effet convaincus que les groupes de sociétés sont utiles et nécessaires, en ce qu’ils constituent un outil de développement des entreprises, les dérives constatées sont quant à elles préjudiciables. Une société holding est vertueuse lorsque les dividendes qu’elle perçoit sont réinvestis ; elle devient problématique lorsque le capital y stagne.

● La réponse la plus radicale consisterait à prévoir la « transparence fiscale » de l’ensemble des sociétés patrimoniales détentrices de participations.

Il en résulterait l’imposition directe des revenus des holdings à l’IR du contribuable. Cette solution ne fait toutefois pas l’objet d’un consensus entre les deux rapporteurs. Alors que le rapporteur Nicolas Sansu y est favorable, le rapporteur Jean-Paul Mattei considère qu’une telle solution présenterait des risques importants.

En premier lieu, le rapporteur Jean-Paul Mattei y voit un risque tenant à la cohérence de notre système juridique : il ne serait pas anodin de prévoir la transparence fiscale d’opérations que le droit des sociétés qualifie d’affectations au patrimoine d’une personne morale. La forme sociétaire a, en effet, sa logique propre, dont le droit des sociétés et le droit fiscal assure la pérennité.

Ensuite, une taxe directe sur les holdings au titre de leurs revenus non distribués contreviendrait directement à la directive européenne dite « mère-fille » ([142]) qui, afin d’assurer la liberté de circulation des capitaux en Europe, contraint fortement la taxation d’une société au titre de dividendes reçus de ses filiales.

En outre, au regard du droit constitutionnel français, l’imposition des actionnaires personnes physiques sur tout ou partie d’un résultat non distribué nécessiterait de fixer des critères de contrôle et de disponibilité du patrimoine conformes à l’exigence constitutionnelle d’une imposition personnelle pesant exclusivement sur des revenus ou des éléments de patrimoine dont le contribuable a effectivement disposé ([143]). Si l’on peut envisager qu’une partie des revenus d’une holding puissent être assimilés à des éléments de patrimoine aisément disponibles pour le contribuable, tel ne saurait être le cas pour l’ensemble de leurs participations.

Enfin, une imposition au taux « contrefactuel » de 59 % présenté par l’IPP pourrait exposer à un risque économique, en ce qu’elle pénaliserait l’investissement, les bénéfices d’une société, fut-elle sous le contrôle très d’un petit nombre de contribuables, ayant principalement vocation à être réinvestis.

● Indépendamment de la question de la transparence fiscale des holdings, les rapporteurs ont identifié trois principaux leviers pour accroître l’impôt des contribuables disposant de « revenus économiques » importants.

● Le premier levier est d’accroître le taux de l’impôt sur les sociétés ou de le rendre progressif, puisqu’il s’agit, de fait, du premier impôt acquitté par les détenteurs du capital.

L’impôt sur les sociétés dans sa forme actuelle résulte au demeurant d’une refonte de l’IR en 1948 et avait été établi dans le but que le système fiscal ne crée pas de lacune en faveur du statut juridique des sociétés de capitaux qui permettrait aux revenus du capital d’échapper à l’impôt en n’étant pas distribués.

Une démarche de hausse de l’IS irait cependant à rebours de la trajectoire établie depuis 2017 et ne fait pas consensus au sein de la mission d’information. Elle n’a d’ailleurs pas été proposée par la mission d’information de la commission des finances qui a récemment présenté ses travaux sur les différentiels de fiscalité entre entreprises.

● En revanche, les rapporteurs proposent une solution intermédiaire qui consisterait à augmenter les quotes-parts pour frais et charges des holdings, applicables aux remontées de dividendes ou aux cessions de participations, ce qui réduirait la marge de manœuvre procurée par les holdings patrimoniales.

Ils relèvent que lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, l’Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, un amendement d’Émilie Cariou portant la QPFC de 12 % à 13,29 % au titre de la « niche Copé », ce qui visait à lui conserver un taux plancher de 4 % en tenant compte des effets de la baisse, alors en cours, du taux normal d’IS.

La ministre Agnès Pannier-Runacher avait cependant objecté qu’en Europe « tout le monde a soit une exonération totale soit une exonération de 95 % avec une quote-part de 5 %, c’est le cas de l’Allemagne et de l’Italie », et l’initiative n’avait pas prospéré.

Il convient de relever qu’un relèvement de la QPFC sur la niche Copé ne saurait être introduit sans relever également celle applicable aux dividendes dans le cadre des régimes mère-fille ou de l’intégration fiscale. À défaut, la différence de traitement fiscal entre les dividendes et les plus-values encouragerait la distribution de dividendes plutôt que le réinvestissement des profits, puisque la plus-value de cession reflète l’accumulation des produits réinvestis.

Compte tenu de la baisse du taux normal de l’IS depuis 2017, les rapporteurs considèrent qu’un relèvement des différentes QPFC applicables doit être envisagé, le cas échéant sur un périmètre permettant de viser les seules remontées dans des sociétés non opérationnelles exclusivement détentrices de participations dans d’autres sociétés.

Cela permettrait de « mettre du sable » dans les rouages des mécanismes de défiscalisation des revenus financiers par le biais de remontées dans les comptes des holdings.

Recommandation : Pour faire mieux contribuer le patrimoine financier conservé dans des holdings patrimoniales, relever les différentes quotes-parts pour frais et charges (QPFC) applicables aux remontées de dividendes ou aux plus-values de cessions de participations dont elles bénéficient.

● Le rapporteur Nicolas Sansu identifie un deuxième levier serait d’établir un nouvel impôt sur la fortune, rénové, visant exclusivement la fortune financière, dont l’assiette comprendrait une partie, définie comme plus liquide, des biens professionnels.

Le seuil d’assujettissement pourrait être très élevé, significativement plus que pour l’ancien ISF ou l’actuel IFI, afin de ne viser que les multimillionnaires ou les milliardaires.

Cependant le rendement pourrait être fortement réduit par application du plafonnement qui interdit que cet impôt, ajouté aux prélèvements directs opérés sur le revenu, ne dépasse 75 % du revenu fiscal de référence.

Ces difficultés pourraient être toutefois levées en faisant valoir le fait qu’une part considérable de l’épargne et des plus-values latentes des sociétés patrimoniales que contrôlent les très fortunés est constituée d’actifs relativement liquides et librement disponibles.

Dès lors, le rapporteur Nicolas Sansu pense que le législateur pourrait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles, définir, pour l’application de cet impôt sur la fortune financière, un « revenu fiscal élargi », mis en relation avec le montant total de l’actif du contribuable, et distinct du RFR, ce qui fournirait des marges de manœuvre pour percevoir un nouvel ISF sur les plus fortunés, malgré les exigences du plafonnement.

Pour faire contribuer le patrimoine financier des multimillionnaires et milliardaires constitués de l’épargne et des plus-values latentes des sociétés patrimoniales (holdings) qu’ils contrôlent, le rapporteur Nicolas Sansu recommande de définir un nouvel impôt sur la fortune financière, au seuil d’assujettissement très élevé.

● Enfin, le rapporteur Nicolas Sansu identifie un troisième levier, qui pourrait être fourni par la fiscalité sur les donations et successions de titres de sociétés afin de permettre à l’impôt de saisir, in fine, les revenus économiques accumulés.

Cela passerait principalement par deux outils :

– un plafonnement de l’avantage total procuré par le dispositif Dutreil qui réduit considérablement les droits acquittés lors de la transmission de titres de société, par exemple à un niveau correspondant au montant moyen des transmissions constatées pour les ETI ;

 un prélèvement spécifique et supplémentaire, lors de la transmission des titres, assis sur les plus-values les plus importantes constatées dans le patrimoine du donataire et du défunt, par exception au principe actuel selon lequel la transmission efface la plus-value constituée antérieurement.

Sur ces points, les rapporteurs renvoient aux observations détaillées dans la partie de ce rapport consacrée aux droits de succession et de donations.

*

*    *

 


—  1  —

B.   La fiscalité des successions et des donations

● Au cours de chacune des auditions menées dans le cadre de la mission d’information, les rapporteurs ont pu mesurer à quel point les enjeux symboliques et économiques du régime fiscal des transmissions de patrimoine sont considérables.

La structure et le poids de cette fiscalité expriment en effet la façon dont une société perçoit les liens de solidarité entre les personnes. À travers un barème des droits de mutation à titre gratuit, on peut lire une certaine conception de la famille et une certaine idée du partage des richesses. De même, la fiscalité appliquée à la transmission des biens professionnels influe sur la propriété des moyens de production et donc sur le tissu industriel et commercial du pays.

● De nombreuses propositions de réformes de cette fiscalité ont été présentées aux rapporteurs, nombre d’entre elles suggérant une hausse des droits de mutation à titre gratuit et un élargissement de leur assiette.

Il a ainsi souvent été proposé que les droits de successions et de donations jouent pleinement un rôle de « force de rappel » du système fiscal dont il a été constaté qu’il peine à faire pleinement contribuer les revenus des plus fortunés au cours de leur vie (voir supra). Améliorer le caractère redistributif de l’impôt permettrait ainsi de tenir pleinement compte de la hausse constante de la part de l’héritage au sein des patrimoines et de son rôle dans l’augmentation des inégalités.

Inversement, des allègements ou des aménagements fiscaux ont été proposés afin d’accélérer les transmissions anticipées vers les plus jeunes générations ou afin de mieux tenir compte de l’évolution de la composition des familles, alors que les transmissions en ligne indirecte sont aujourd’hui beaucoup plus lourdement taxées que les transmissions en ligne directe.

Enfin, concernant la fiscalité des successions et donations d’entreprises, il a été fait état avec force de l’importance des dispositifs de faveur pour la pérennité du tissu de PME et ETI familiales, tout en concédant l’importance de l’avantage et les risques qu’il présente de permettre à de très grandes fortunes d’éviter l’impôt.

● Ces différentes approches recoupent au demeurant celles de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ([144]) dont une récente étude d’ensemble sur la fiscalité des successions conclut qu’« il existe de bons arguments en faveur d’un recours accru à l’imposition des successions et des donations, pour des raisons tenant à l’équité, à l’efficacité et à la simplicité d’administration » de l’impôt.

L’OCDE recommande ainsi aux pays membres :

– d’envisager d’augmenter la progressivité de l’impôt « en appliquant des taux d’imposition plus élevés aux héritages de grande valeur » et en exonérant les patrimoines de faible valeur ;

– d’éviter les écarts importants entre le traitement fiscal accordé aux transmissions aux descendants directs et celui s’appliquant à des parents éloignés ou à des héritiers hors famille ;

– s’ils prévoient, s’agissant du patrimoine professionnel, certaines exonérations ou allègements, de s’efforcer d’en limiter les effets sur les transmissions de patrimoines très importants ;

– et d’envisager de « réduire les exonérations et les allégements fiscaux pour lesquels il n’existe pas de justification tangible, et qui ont tendance à être régressifs », citant comme exemples les dispositifs d’épargne-retraite privée ou les paiements reçus de contrats d’assurance-vie.

Les droits de successions et de donation : une fiscalité privilégiée
par la théorie économique

Alors que l’analyse économique a tendance à mettre en avant les effets défavorables de la fiscalité de la détention ou des revenus du capital sur les niveaux d’épargne et d’investissement, il n’en va pas de même concernant l’impact économique des DMTG.

Selon les motifs de transfert du patrimoine retenus par la théorie économique, la fiscalité applicable est soit neutre, soit favorable à l’épargne des donateurs :

– si les transferts au décès sont perçus comme non intentionnels, leur taxation ne pénalise pas le donateur et n’a pas d’impact sur son taux d’épargne ;

– si ces transferts sont perçus comme la rétribution après décès de services rendus par les proches dans un cadre familial, services pour lesquels il y a peu de substituts, la fiscalité en augmente le prix et incite plutôt à accroître l’épargne tout au long de la vie afin d’augmenter les montant transmis nets d’impôts ;

– enfin si les transferts sont purement altruistes, la fiscalité continue d’inciter à transmettre le plus possible, donc à accroître son épargne.

En outre, la fiscalité des successions et donations aurait un effet favorable sur l’offre de travail et sur l’activité.

Elle permet en effet d’atténuer « l’effet Carnegie » qui résulte du fait que recevoir un héritage ou une donation peut conduire le bénéficiaire à accroître sa consommation et réduire son offre de travail. Cet effet serait plus élevé lorsque l’héritage est reçu tardivement, conduisant plus de personne ayant passé 50 ans à réduire leur activité si elles perçoivent des héritages, de façon croissante à mesure que les montants reçus augmentent.

 

● Les rapporteurs relèvent cependant que cette approche générale, favorable aux droits de succession et de donation, contraste avec la perception défavorable qu’en ont nos compatriotes, en tout cas telle qu’elle résulte d’enquêtes régulières dans l’opinion.

Par exemple, selon une enquête menée en juin 2017 ([145]), les Français jugent très défavorablement l’impôt sur l’héritage : 87 % approuvaient l’affirmation selon laquelle « l’impôt sur l’héritage devrait diminuer, car il faut permettre aux parents de transmettre le plus de patrimoine possible à leurs enfants », tandis que seuls 9 % estimaient que « l’impôt sur l’héritage devrait augmenter, car les héritages entretiennent les inégalités sociales », 3 % ne tranchant pas entre ces deux options.

Cette hostilité varie peu selon le revenu, la composition du patrimoine, le fait d’avoir la qualité d’héritier ou de donataire, les espérances d’héritage. Elle est cependant plus faible chez les personnes possédant des diplômes élevés, les cadres supérieurs et les professions intellectuelles

L’hostilité aux droits de succession a même augmenté depuis 2011, date à laquelle seuls 78 % des Français se prononçaient en faveur de leur baisse.

● Confrontés à ce paradoxe, les rapporteurs invitent à rompre avec les discours démagogiques dénonçant une fiscalité qui « ruinerait l’épargne d’une vie de travail » et à engager des réformes propres à en accroître l’acceptabilité sociale, en s’assurant de sa lisibilité et de sa réelle progressivité.

1.   La stabilité actuelle de la fiscalité des successions et donations contribue au dynamisme du rendement

● Défini aux articles 750 ter à 808 du CGI, le régime des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) repose sur le principe général d’une taxation au bénéfice de l’État, des donations et de l’actif net ([146]) des successions.

Les DMTG frappent en principe tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au jour du décès, y compris les biens détenus à l’étranger ([147]). Dans le cas où le défunt était domicilié hors de France, le bénéficiaire est imposable sur les seuls bien français qu’il reçoit lorsqu’il est domicilié hors de France. En revanche, si le bénéficiaire est domicilié en France, il est imposable sur tous les biens, situés en France ou hors de France.

● L’imposition est calculée de façon distincte pour chaque transmission d’un donateur ou défunt vers un donataire ou héritier, et résulte de l’application d’une multiplicité de barèmes et d’abattements, distinguant successions et donations, et qui s’appliquent selon le degré de proximité familiale unissant le donateur ou le défunt et le bénéficiaire.

● Selon le principe du rapport ([148]) fiscal des donations antérieures (dit également « rappel fiscal »), l’assiette des DMTG comprend également la valeur des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures depuis moins de quinze ans, à nouveau en ne considérant que les transmissions liant un même défunt ou donateur à un même donataire ([149]).

Les modalités de mise en œuvre du rapport fiscal des donations antérieures

Pour les donations de moins de quinze ans, le rapport fiscal entraîne les conséquences suivantes :

– les abattements de droits de succession s’appliquent déduction faite de ceux dont les intéressés ont bénéficié sur les donations qui leur ont été consenties par le défunt depuis moins de quinze ans ;

– lorsqu’il y a lieu à application d’un tarif progressif, les tranches les plus basses qui ont totalement servi pour l’imposition des donations de moins de quinze ans ne sont pas utilisées, et celles ayant servi en partie ne sont reprises que pour leur solde.

Les donations de plus de quinze ans sont quant à elles dispensées de rapport fiscal. L’héritier ou le légataire peut alors bénéficier à plein des abattements et des tranches les plus basses du barème.

a.   Un cadre fiscal stable depuis 10 ans après une forte instabilité dans la période antérieure

● À la suite de la réforme des droits de succession intervenue en 1984 ([150]), qui a conduit notamment à doubler le taux marginal du barème pour les successions en ligne directe en le portant de 20 % à 40 %, la fiscalité des successions et donations n’avait connu que des modifications ponctuelles pendant 20 ans avant d’être très largement revue, dans le sens d’un allègement important depuis le début des années 2000, en particulier par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) ([151]).

Dès 2011 et 2012 le législateur est cependant intervenu pour remettre en cause certaines de ces réformes, dans le but d’accroître les DMTG, sans procéder pour autant à de nouvelles réformes d’ensemble, et les principaux paramètres de cette fiscalité n’ont pas été modifiés depuis lors.

● La loi TEPA avait procédé, pour l’essentiel :

– à la suppression des droits de succession pour le conjoint survivant ([152]);

– à l’alignement des droits des partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) sur celui des conjoints mariés ;

– à une hausse importante des abattements applicables en portant l’abattement, en ligne directe, de 50 000 euros à 150 000 euros et celui entre frères et sœurs, de 5 000 euros à 15 000 euros, et en créant un abattement spécifique de 7 500 euros pour les mutations en faveur des neveux ou des nièces ;

– à l’indexation du montant des abattements ainsi que des limites des tranches des barèmes des DMTG au 1er janvier de chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu ;

– à la création d’une exonération spécifique des dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce ([153]), dans la limite d’un plafond de 31 865 euros tous les dix ans par donations consenties par un même donateur à un même donataire ;

– et à la création d’un abattement de 76 000 euros pour la perception des droits de donation au bénéfice du conjoint du donateur ou de son partenaire lié par un PACS ([154]).

L’ensemble de ces dispositions a représenté une diminution du rendement annuel des DMTG d’environ 1,5 milliard d’euros ([155]).

● Dès un collectif budgétaire de l’été 2011 ([156]), des ajustements ont été adoptés afin de faire contribuer les successions importantes au redressement des finances publiques. Il s’agit :

– de l’augmentation de cinq points des taux applicables aux deux dernières tranches du barème applicable en ligne directe, les portant respectivement de 35 à 40 % et de 40 à 45 % et aboutissant au barème présenté ci-après, demeuré inchangé depuis lors :

Barème des DMTG en ligne directe ([157])

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

≤ 8 072 euros

5 %

Comprise entre 8 072 et 12 109 euros

10 %

Comprise entre 12 109 et 15 932 euros

15 %

Comprise entre 15 932 et 552 324 euros

20 %

Comprise entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Comprise entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Source : Commission des finances.

Les montants résultent de leur indexation comme les seuils du barème de l’IR jusqu’en 2012 et sont fixes depuis lors.

– du passage de six à dix ans du délai de rappel des donations antérieures, revenant sur un raccourcissement de la durée de la période de rappel opéré par la loi de finances pour 2006 ([158]) ;

– de la suppression d’un dispositif ancien, antérieur à la loi TEPA, de réduction générale des droits de donation liée à l’âge du donateur ([159]) qui accordait, par exemple, une exonération de 50 % pour un donateur âgé de moins de 70 ans et de 30 % pour un donateur dont l’âge était compris entre 70 et 80 ans. Depuis 2011, ce dispositif n’est plus applicable que pour les donations d’entreprises en pleine propriété, à hauteur de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans.

● Enfin le collectif budgétaire de l’été 2012 ([160]) a procédé aux modifications suivantes :

 il a réduit de 159 325 euros à 100 000 euros le montant de l’abattement applicable aux transmissions en ligne directe. Ce montant s’est donc situé à mi-chemin entre le montant résultant de la loi TEPA et celui de 50 000 euros qui lui préexistait ;

 il a porté de dix à quinze ans le délai de rappel des donations ainsi que, par cohérence, des donations-partages ([161]), des donations intergénérationnelles entre grands-parents et petits-enfants ([162]) et des « dons manuels » ([163]) dans un cadre familial, déjà mentionnés,

 enfin il est revenu sur l’ensemble des actualisations automatiques pour les seuils du barème des DMTG et pour la valeur des abattements applicables pour le calcul de la part nette taxable.

En conséquence, depuis lors, en l’absence de décision spécifique chaque année du législateur, le poids de l’impôt s’alourdit mécaniquement du fait de l’absence d’indexation du barème.

Évolution des abattements en ligne directe et de la durée
de rapport fiscal

 

Loi TEPA du 22/08/2007

Loi de finances rectificative 31/07/2011

Loi de finances rectificative 16/08/2012

Abattement en ligne directe

150 000 €

159 325 €

100 000 €

Durée de rappel fiscal des donations antérieures

6 ans

10 ans

15 ans

Source : Commission des finances.

 

Les personnes handicapées ont droit par ailleurs à un abattement spécifique de 159 325 euros ([164]). Il bénéficie à chaque héritier, donataire ou légataire incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité en raison d’une infirmité physique ou morale, congénitale ou acquise. Cet abattement s’ajoute, le cas échéant, à ceux dont les handicapés peuvent bénéficier à titre personnel, notamment en tant que descendant.

Si les successions entre conjoints sont exonérées de droits, les donations entre conjoints se voient appliquer un barème spécifique mais qui reprend les tarifs du barème applicable, en ligne directe, pour les donations et les successions ([165]), après abattement de 80 734 euros ([166]).

● La sensibilité du rendement des DMTG à l’évolution du cadre fiscal se traduit par des changements rapides dans la proportion des successions taxables depuis 15 ans, comme illustré par le graphique suivant.

Évolution de la proportion de successions taxables et Évolution
du montant de l’abattement sur un héritage reçu par un enfant

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, d’après France stratégie, 2017.

En conséquence de la loi TEPA, sous l’effet des nouveaux cas d’exonération de droits, de la hausse des abattements et de l’indexation des montants du barème des droits, la part des successions effectivement taxées est passée de 25 % en 2007 à 13 % en 2011.

Les rectifications apportées en 2011 et en 2012 ont conduit, depuis lors, à une hausse continue de la part des déclarations de succession donnant lieu à paiement de droits, passée de 15 à 22 % entre 2012 et 2014 et qui a continué de croître à la faveur de la stabilité du cadre fiscal, atteignant, 36 % en 2021, comme le détaille le tableau suivant.

parts des successions payantes et non payantes de 2017 à 2021

 

Nombre de déclarations principales de succession déposées

Déclarations sans paiement
de droits

Déclarations avec paiement
de droits

2017

344 335

226 331

66 %

118 004

34 %

2018

349 010

235 212

67 %

113 798

33 %

2019

351 754

237 907

68 %

113 847

32 %

2020

330 628

222 236

67 %

108 392

33 %

2021

374 034

240 309

64 %

133 725

36 %

Source : Réponses de la DGFiP aux questionnaires des rapporteurs, extraction des bases Moorea et Fidji.

Il en résulte également une hausse des montants des droits versés. Comme le montre le tableau suivant, entre 2017 et 2021, le montant moyen des droits versés au titre des successions donnant lieu à paiement de droits est passé de 89 463 euros à 110 727 euros, en hausse de 21 264 euros (+ 23,8 %).

Évolution des montants de droits versés

 

Montant total de droits versés (en M€)

Nombre de déclarations principales de succession déposées

Montant moyen, en euros, des droits versés au titre de l’ensemble des successions

Nombre de déclarations principales de succession payantes déposées

Montant moyen, en euros, des droits versés au titre des successions payantes

2017

10 557

344 335

30 659

118 004

89 463

2018

13 492

349 010

38 658

113 798

118 561

2019

12 314

351 754

35 007

113 847

108 162

2020

12 620

330 628

38 170

108 392

116 429

2021

14 807

374 034

39 587

133 725

110 727

Source : Réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● En conséquence, les recettes des DMTG progressent de façon continue depuis 15 ans ; elles sont passées de 8,2 milliards d’euros en 2006 à 18,6 milliards d’euros en 2022, en hausse de + 10,4 milliards d’euros (+ 127 %).

Rendement des DMTG depuis 2006

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

● Les effets de l’absence de nouvelles mesures d’allègement jouent donc à plein pour accroître le rendement budgétaire sous l’effet :

– de la hausse du nombre de décès qui augmente le nombre des successions : le nombre de décès a crû de 15 % entre 1995 et 2015, puis de 19 % entre 2014 et 2022, phénomène qui devrait se prolonger jusqu’au milieu du siècle pour atteindre 750 000 décès par an, contre environ 660 000 décès chaque année depuis trois ans ;

– d’un « effet de structure » ([167]) susceptible d’accroître durablement le taux moyen d’imposition de ces transmissions plus nombreuses, compte tenu d’une part de la baisse du nombre d’enfants par famille, qui réduit l’effet de la fiscalité plus favorable en ligne directe et notamment des abattements, et d’autre part, de la hausse des transmissions en ligne collatérale et entre non-parents, plus lourdement taxées (voir infra) ;

– enfin de l’augmentation des montants transmis, à la fois en raison de la hausse des prix de l’immobilier qui accroît le montant des successions taxables mais également en raison d’un « effet de générations », les générations « des trente glorieuses » s’étant, en moyenne, plus fortement enrichies que les générations précédentes marquées par les destructions de patrimoines liées aux guerres et crises monétaires du XXe siècle.

b.   Une fiscalité qui pèse peu, en ligne directe, sur les patrimoines moyens et qui épargne largement les patrimoines les plus élevés

● La hausse du rendement des DMTG comme celle du montant moyen acquitté pour les successions ayant donné lieu à paiement de droits ne doit pas masquer le fait que les DMTG sont concentrés sur une assiette réduite, à laquelle sont appliqués des taux élevés, tandis que la majorité de l’assiette taxable est exonérée ou peu imposée.

Le total de 18,6 milliards d’euros de rendement budgétaire de 2022 doit ainsi être mis en regard avec le fait que le flux total des transmissions est estimé à plus de 300 milliards d’euros, ce qui porte le taux d’effectif d’imposition à environ 6 %.

● Les patrimoines moyens ou élevés peuvent en effet être largement épargnés par les techniques de planification successorale qui permettent de préparer très en amont une succession de façon à en réduire la fiscalité.

Ce constat était déjà dressé, en 1997, par Didier Migaud, alors rapporteur général du budget, dans un rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine, où il considérait que les droits de succession et de donation frappent « d’abord les patrimoines de moyenne importance, dont les titulaires n’ont pas su, pu ou voulu organiser la transmission, ainsi que la fortune de personnes qui meurent accidentellement et prématurément » ([168]), alors que les ménages disposant des plus gros patrimoines « sont généralement les mieux informés et les plus à même de réduire le montant des droits qui résultent de la transmission de l’ensemble de leur patrimoine ».

  1.   Le renouvellement régulier des donations personnelles

● Un même héritier ou donataire peut bénéficier de plusieurs abattements personnels en fonction du lien qui l’unit aux défunts ou aux donateurs et ces abattements peuvent être renouvelés tous les quinze ans.

L’encadré suivant présente un cas limite illustrant le fait que le cumul des plafonds d’abattement dans le chef d’un même enfant bénéficiant de donations de la part de ses deux parents et de quatre grands-parents peut permettre de recevoir, tous les quinze ans, plus d’un demi-million d’euros en franchise totale de droits.

Un enfant peut recevoir, tous les quinze ans, plus d’un demi-million d’euros
en franchise de droits, en cumulant les donations de ses parents
et de ses grands-parents

Sous forme de sommes d’argent, un enfant peut recevoir de ses deux parents, jusqu’à 263 730 euros, sans que des droits de donation soient dus :

● 200 000 euros (100 000 euros * 2) au titre de l’abattement « ordinaire » de droits de donation en ligne directe (applicable aux sommes d’argent comme aux autres biens)

● Et 63 730 euros (31 865 euros * 2) au titre de l’exonération de dons de sommes d’argent dans un cadre familial, pour autant que l’enfant soit majeur et que le parent donateur soit âgé de moins de 80 ans.

Le même enfant peut en outre recevoir, en franchise de droits, 254 920 euros de ses quatre grands-parents, en cumulant ces deux mêmes avantages :

● 127 460 euros (31 865 euros * 4) au titre de l’abattement « ordinaire » de droits de donation des grands-parents aux petits-enfants (applicable aux sommes d’argent comme aux autres biens),

● Et la même somme au titre de l’exonération de dons de sommes d’argent dans un cadre familial, pour autant que l’enfant soit majeur et que chaque grand-parent donateur soit âgé de moins de 80 ans.

Le total peut ainsi s’établir à 518 650 euros, renouvelables tous les quinze ans.

● Dans le rapport déjà mentionné, l’OCDE constate que les abattements applicables en matière de donations permettent aux plus riches d’échapper largement à l’impôt : « les personnes fortunées dont le patrimoine est essentiellement constitué d’actifs liquides et très supérieur à ce dont elles ont besoin pour leur retraite sont les mieux placées pour profiter de ces avantages fiscaux ».

Ce phénomène pourrait être particulièrement marqué en France où l’on constate, en tendance, une hausse de la part des dons entre vifs dans les montants transmis : cette part, qui était, aux alentours de 1900, d’un peu plus de 10 % des flux annuels de transmissions, en représentait 20 % en 1984, 45 % en 2006 et aujourd’hui environ la moitié ([169]).

L’augmentation de la part des donations dans les transmissions

Source : CAE Focus n° 077-2021, décembre 2021, Repenser l’héritage : analyses supplémentaires, p. 6.

Les transmissions patrimoniales sont donc plus étalées dans le temps, et beaucoup plus planifiées qu’auparavant.

Il en résulte que si près de la moitié du flux des transmissions patrimoniales prend la forme de donations, moins de 18 % du rendement des DMTG proviennent des droits qui leur sont applicables et qui procuraient, en 2022, 3,3 milliards d’euros sur un total de 18,6 milliards d’euros.

L’effet sur le rendement des droits est donc double :

– d’une part, les donations correctement planifiées pour bénéficier à plein des abattements diminuent le rendement des droits de donation qui auraient, à défaut, été appliqués ;

– d’autre part, dans la mesure où elles sont intervenues assez tôt pour ne pas être saisies par la période de rappel fiscal des donations antérieures, les donations défiscalisées réduisent l’assiette des droits de succession.

Le bénéfice est retiré principalement par les patrimoines moyens et supérieurs : des travaux de l’INSEE repris par le Conseil d’analyse économique ([170]) établissent qu’à âge comparable, les ménages donateurs ont en moyenne un patrimoine net deux fois supérieur aux autres ménages. Ils ont également des niveaux de vie significativement plus élevés. Les ménages qui reçoivent une donation sont, eux aussi, mieux dotés en patrimoine que les autres ménages. Les probabilités de donation et de réception d’une donation sont ainsi croissantes avec la richesse des ménages alors que plus de 80 % de ménages n’ont reçu aucune donation au cours de leur vie et que seuls 8 % en ont effectué une.

  1.   Les effets du traitement fiscal du démembrement de propriété

● Le démembrement de propriété est un principe de droit civil, appliqué par l’ensemble des États de droit continental, qui permet de diviser la pleine propriété d’un bien, mobilier ou immobilier, entre d’une part, la nue-propriété et d’autre part, l’usufruit : seul l’usufruitier détient alors le droit d’utiliser ce bien et de percevoir les revenus qu’il procure.

L’article 757 du code civil prévoit par exemple que le conjoint survivant dont l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants a la faculté de recueillir, à son choix, soit la pleine propriété du quart des biens de l’époux décédé, soit l’usufruit de la totalité des biens, les enfants en devenant dès lors nus-propriétaires, ce qui assure aux enfants la transmission ultérieure tout en permettant au conjoint survivant de continuer de bénéficier de l’usage et donc également des éventuels revenus provenant de ces biens.

Les donations avec réserve d’usufruit permettent ainsi au donateur de s’assurer de la transmission d’un démembrement de propriété au donataire tout en en conservant la jouissance ou les revenus, ce qui présente des avantages par exemple lorsqu’un parent souhaite transmettre un bien immobilier mis en location tout en continuant à bénéficier du revenu tiré de ce bien.

● Les donations assorties d’une réserve d’usufruit ouvrent droit à un avantage fiscal important puisque le montant des droits de mutation est établi à partir de la valeur de la nue-propriété, qui est considérée comme plus faible que la valeur de la pleine-propriété.

Lorsque l’usufruit est viager, le barème appliqué, codifié au I de l’article 669 du CGI et reproduit ci-après, est construit pour refléter, de façon assez grossière, l’espérance de vie de l’usufruitier.

Barème fiscal de l’usufruit et de la nue-propriÉtÉ

Âge de l’usufruitier

Valeur de l’usufruit

Valeur de la nue-propriété

Moins de :

 

 

21 ans révolus

90 %

10 %

31 ans révolus

80 %

20 %

41 ans révolus

70 %

30 %

51 ans révolus

60 %

40 %

61 ans révolus

50 %

50 %

71 ans révolus

40 %

60 %

81 ans révolus

30 %

70 %

91 ans révolus

20 %

80 %

Plus de 91 ans révolus

10 %

90 %

Source : Article 669, I du CGI.

Les usufruits peuvent également être constitués pour une durée fixe ; le II de l’article 669 du CGI estime dans ce cas l’usufruit à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier.

Le barème de l’usufruit, institué en 1901 ([171]), n’a pas été modifié jusqu’à la revalorisation opérée par la loi de finances pour 2004 ([172]) (art. 19) afin de tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie.

L’article 1133 du CGI dispose que la reconstitution de la pleine propriété entre les mains du nu-propriétaire, par exemple lors du décès de l’usufruitier, s’opère sans perception de droits complémentaires.

Une donation avec réserve d’usufruit, moins taxée qu’une donation en pleine-propriété, est donc « pour solde de tous comptes » au plan fiscal, sans nouvelle taxation au moment de la réunion à la nue-propriété.

● Les représentants de la direction de la législation fiscale du ministère des finances ont fait valoir que le traitement fiscal du démembrement de propriété serait justifié par le fait que la taxation de la donation de la nue-propriété suivant l’âge du donateur aurait anticipé la future réunion de la nue-propriété et de l’usufruit.

Cependant de nombreux intervenants auditionnés par la mission d’information ont considéré que l’avantage fiscal très significatif en comparaison de l’imposition due lors d’une transmission en pleine propriété est aujourd’hui largement utilisé afin de maximiser les opérations de planification successorale et à des fins d’optimisation fiscale.

En outre, il convient de souligner que la valeur du bien transmis au moment de la reconstitution en pleine-propriété peut avoir considérablement évolué par rapport à celle qui avait été retenue au moment du démembrement, procurant le cas échéant un enrichissement qui n’est alors ni imposé dans le chef de l’héritier, ni pris en compte dans l’assiette des droits de successions.

La taxation ultérieure de la plus-value dégagée en cas de vente du bien ne permet de corriger cela qu’imparfaitement. En effet, si le bien est cédé par le nue-propriétaire postérieurement à l’extinction de l’usufruit, le calcul de la plus-value imposable diffère selon qu’il s’agit d’un bien immobilier ou d’un bien mobilier.

Dans le cas d’un bien mobilier, le prix d’acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value est celui de la valeur transmise en nue-propriété. La plus-value sur laquelle est alors assise l’imposition « couvre » donc l’ensemble de l’enrichissement du nu-propriétaire lié à l’extinction de l’usufruit.

Dans le cas d’un bien immobilier, le prix d’acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value correspond à l’inverse à l’ensemble de la valeur d’acquisition en pleine propriété au moment de la transmission de la seule nue-propriété. La plus-value sur laquelle est alors assise l’imposition ne permet pas de saisir l’enrichissement du nu-propriétaire lié à l’extinction de l’usufruit, mais uniquement l’enrichissement lié à l’évolution de la valeur vénale du bien postérieurement à son démembrement.

Les donations assorties d’une réserve d’usufruit ne s’appliquent au demeurant pas seulement aux transmissions de biens immobiliers mais également aux transmissions de titres de société ou de contrats d’assurance-vie, ce qui peut faciliter la transmission de patrimoines considérables.

Enfin, certaines opérations complexes de démembrement temporaire d’actifs financiers suivi de vente peuvent avoir pour objectif principal d’optimiser la fiscalité applicable aux revenus et plus-values mobilières.

● Selon l’étude déjà mentionnée du Conseil d’analyse économique, la valeur déclarée des biens donnés en nue-propriété représentait environ 18 milliards d’euros en 2006 – dernière année pour laquelle les chiffres ont été fournis par la DGFiP – soit 45 % de la valeur de l’ensemble des donations constatées à la même époque.

En estimant que la nue-propriété correspondait alors, en moyenne, à 60 % de la valeur de pleine propriété de ces biens, qui se serait alors élevée à environ 30 milliards d’euros, le CAE estimait ainsi la perte de rendement potentiel des droits de donation et de succession de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros par an.

  1.   Les plus fortunés disposent de patrimoines bénéficiant plus largement de traitements fiscaux avantageux

Enfin, outre les effets des donations et du démembrement de propriété, le niveau effectif d’imposition des patrimoines est tributaire de leur composition, et de la part d’actifs bénéficiant de traitements fiscaux avantageux qu’ils comprennent.

● Or les transmissions de certains biens bénéficient de larges niveaux d’exonérations :

– les transmissions par décès et les donations de parts ou d’actions de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation (dit « pacte Dutreil ») (voir infra) , de même que, sous conditions, les transmissions d’entreprises individuelles, sont exonérées à concurrence des trois quarts de leur valeur, sans limitation de montant ([173]), et bénéficient, en outre, d’une exonération de 50 % du montant des droits en cas de donation en pleine-propriété avant les 70 ans du donateur ;

– les donations en pleine propriété de biens professionnels aux salariés ouvrent droit, sous conditions, à un abattement de 300 000 euros ([174]) ;

– les transmissions intéressant les propriétés en nature de bois et forêts ou les parts de groupements forestiers sont exonérées de droits à concurrence de trois quarts de leur montant, sous conditions de garanties de gestion durable ([175]) ;

– les transmissions de bien ruraux donnés à bail à long terme et les parts de groupements fonciers agricoles sont exonérées à 75 % jusqu’aux montants de 300 000 ou 500 000 euros, sous des conditions distinctes de durées de détention, et à 50 % au-delà de ces montants ([176]) ;

– les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques et les meubles qui en constituent le complément sont entièrement exonérés si les bénéficiaires de la transmission souscrivent avec le ministère de la culture une convention à durée indéterminée prévoyant les conditions d’entretien des biens exonérés et les modalités d’accès du public ([177]).

Comme le montre le tableau suivant, la France ne se distingue pas fondamentalement, à ce titre, des pays de l’OCDE qui accordent une imposition préférentielle ou une exonération de fiscalité à différentes catégories de biens, de façon variable selon les pays.

Le traitement fiscal des diffÉrents actifs soumis à l’impôt
sur les successions dans les pays de l’OCDE

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Source : OCDE, 2021. Impôt sur les successions et les donations dans les pays de l’OCDE p. 7.

● Ainsi que le relevait le CAE dans l’étude déjà mentionnée ([178]), les exonérations et exemptions fiscales françaises sont « généreuses par rapport à la norme fiscale et focalisées sur les actifs détenus en nombre par les individus les plus aisés ».

En réalisant une simulation à partir des données détaillées sur les successions et donations de 2006 (à nouveau, les dernières données exhaustives en date fournies par la DGFiP), complétées au moyen des comptes de patrimoines distribués, les économistes du CAE ont pu mesurer à quel point ces exonérations bénéficient aux plus grandes transmissions.

Comme le montre le graphique suivant, les taux effectifs d’imposition de l’héritage économique total, qui comprend des biens exonérés de droits de succession comme des parts de société bénéficiant du dispositif Dutreil, sont inférieurs aux taux effectifs d’imposition de l’héritage fiscal déclaré, qui résulte de l’application du barème progressif et des abattements.

Estimation des taux effectifs d’imposition sur le patrimoine total hÉritÉ

Source : Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, Les notes du CAE, n° 69, décembre 2021.p. 6.

L’examen de montants de patrimoines transmis par cohortes montre ainsi que le 0,1 % supérieur, qui aura reçu au cours de la vie environ 13 millions d’euros de transmissions brutes, ne paie qu’à peine 10 % de droits de succession sur l’ensemble de ce patrimoine hérité, bien loin du taux marginal de 45 % affiché par le barème au-delà de 1,8 million d’euros transmis en ligne directe.

L’incidence des droits de succession est donc bien plus forte sur les « classes moyennes supérieures », en bas du dernier décile des héritages, que sur les plus grandes fortunes : en effet, il ressort des travaux du CAE que les héritiers figurant dans le millième des plus fortunés sont frappés d’un taux d’imposition deux fois supérieur à celui applicable aux héritiers du bas du décile supérieur, alors qu’ils disposent d’un patrimoine hérité près de 24 fois plus important… Si le prélèvement demeure progressif, on constate donc que la progressivité est fortement atténuée pour les patrimoines les plus importants.

2.   Des ajustements envisageables à brève échéance

a.   Un préalable indispensable : mettre à profit la modernisation en cours du recouvrement des DMTG pour en mesurer les effets redistributifs

● Toute réforme des DMTG visant à en assurer l’acceptabilité sociale et à en accroître le caractère juste et équilibré doit se fonder sur une analyse informée de ses effets redistributifs.

Cela nécessite de connaître précisément la composition des flux de successions et de donations annuels, et, par niveaux de revenu fiscal des contribuables bénéficiaires, les montants transmis et les niveaux de fiscalité effectivement acquittés, afin d’être en mesure d’établir la concentration de l’impôt.

Pour apprécier la pertinence du régime fiscal des donations, dont celles avec réserve d’usufruit, il convient également de connaître de manière détaillée la part, les montants et la répartition des successions ayant donné lieu à des libéralités antérieures, le taux de recours aux donations en fonction des revenus ou les effets de la période de rappel sur la fiscalité appliquée.

Pour apprécier les effets de la fiscalité selon le lien de parenté, il convient de connaître la distribution des transmissions et des droits acquittés selon la qualité des héritiers et donataires.

Pour juger de la pertinence des régimes de faveur selon les biens transmis, il est nécessaire de mesurer la structure des successions selon les niveaux bruts d’actifs transmis, permettant d’établir la part des liquidités, des autres biens meubles, de l’immobilier, des biens exonérés, ainsi que des dettes et passifs rattachés aux successions.

● Or ces informations n’ont pu être fournies ni à la mission d’information, ni aux économistes déjà mentionnés du CAE et de France Stratégie ayant conduit des travaux importants sur la fiscalité des successions et donations ([179]).

Alors que jusqu’en 2006, l’administration fiscale réalisait des enquêtes régulières issues d’un échantillon représentatif d’une dizaine de milliers d’actes transmis par les études notariales aux directions départementales des finances publiques (DDFiP) ce qui permettait de suivre l’évolution de la distribution des successions, de donations et de leur taxation, depuis lors, l’administration n’a produit aucune information exploitable permettant de retracer les transmissions effectuées et les droits payés.

● Pourtant, l’ensemble des informations pertinentes figurent dans les déclarations de succession et de donation établies lors des transmissions de patrimoines.

Une déclaration de succession doit ainsi être déposée auprès de l’administration fiscale, accompagnée du paiement des droits, dans les six mois suivant le décès ([180]). Ces déclarations comportent des informations essentielles sur le volume, la composition et la transmission des patrimoines privés :

– l’identité du défunt et celles des héritiers, donataires et légataires, ainsi que leur qualité (lien de parenté, origine du droit, quotité dans la succession) ;

– le détail, le cas échéant, des dispositions testamentaires ;

– le rappel de toutes les donations consenties par le défunt de son vivant ;

– le détail de l’actif et du passif de succession, avec l’ensemble des valeurs, que les biens concernés soient imposables ou exonérés ;

– une affirmation de sincérité.

La qualité et la sincérité des informations recueillies sont confortées par le recours à un notaire qui est obligatoire pour régler une succession dans la plupart des cas : si elle comprend un bien immobilier ([181]), ce qui nécessite de faire établir l’attestation de propriété, ou si le montant de la succession dépasse 5 000 euros, ce qui nécessite de faire établir un acte de notoriété permettant de prouver sa qualité d’héritier ([182]), ou s’il existe un testament ou une donation entre époux.

Les déclarations de donation constituent une source tout aussi précieuse puisque les donations doivent être déclarées dès lors qu’elles ne constituent pas un « présent d’usage » ([183]) d’une valeur modique. L’article 931 du code civil prévoit en outre que le recours à un notaire est le principe en matière de donation, ce qui constitue à nouveau un gage de la qualité et de la sincérité des déclarations souscrites.

● Or, ainsi que les représentants de la DGFiP l’ont confirmé aux rapporteurs, les comptables publics des directions départementales contrôlent uniquement la liquidation des droits lors du dépôt des déclarations de succession et ne procèdent à aucune remontée statistique précise sur les patrimoines transmis et le détail des mesures fiscales qui leur ont été appliquées.

Il s’agit en outre aujourd’hui essentiellement de déclarations de succession sur format papier transmises du notaire aux DDFiP. Les DDFiP procèdent ensuite à une saisie informatique limitée aux éléments utiles à l’établissement de l’impôt. Les déclarations sont ensuite scannées et un exemplaire en est archivé.

Il convient de souligner l’archaïsme de ce processus de transmission à l’administration fiscale alors que, depuis 2008, le notariat s’est progressivement adapté à la numérisation, au point que plus de 96 % des notaires rédigent leurs actes sur support électronique.

Ce retard de l’administration fiscale concernant le volet fiscal des transmissions est d’autant plus surprenant que l’attestation immobilière, établie par le notaire dès lors qu’une donation ou une succession comporte un bien immobilier, est obligatoirement transmise par voie dématérialisée au service de la publicité foncière depuis la généralisation, le 1er janvier 2018, du dispositif Télé@ctes ([184]).

● Les rapporteurs soulignent qu’un intérêt public majeur s’attache de toute évidence à ce que ces données soient recueillies et traitées selon des moyens modernes qui les rendent exploitables.

Cette modernisation est en cours, à travers la mise en place d’une plateforme numérique dite « e-Enregistrement », initiée en partenariat avec les notaires depuis une convention d’objectifs signée le 8 octobre 2020.

Les rapporteurs ont obtenu communication de l’état d’avancement de cette plateforme, aujourd’hui opérationnelle seulement pour les déclarations de dons manuels et qui ne devrait pas être entièrement déployée avant, au mieux, 2025.

Les rapporteurs insistent pour que ce projet soit mené à bien le plus rapidement possible et que des crédits suffisants soient consacrés aux dépenses d’investissement informatique et de formation des agents rendues nécessaires.

Il conviendra ensuite que l’administration procède, ou autorise des économistes et statisticiens à procéder, à des appariements de données entre cette plateforme et les données d’impôts sur le revenu et d’impôts sur la fiscalité immobilière, ce qui permettra de disposer d’un panorama complet de l’incidence des DMTG en fonction des patrimoines, notamment hérités.

Toute inertie en la matière ferait naître le soupçon d’une volonté de masquer les informations, en particulier sur les effets des dispositifs successoraux de faveur et leur concentration au bénéfice des contribuables les plus fortunés.

L’état d’avancement du projet de modernisation de l’enregistrement des déclarations de donations et successions (e-Enregistrement)

Déclarations de dons :

Le service de déclaration des dons manuels a été ouvert via le portail impots.gouv.fr en 2021. Son déploiement a lieu en 3 temps : en juin 2021, pour la seule déclaration en ligne des déclarations non payantes sans donations antérieures ; en octobre 2021, pour l’extension aux déclarations payantes via un paiement en ligne par carte bleue ou autorisation de prélèvement ; enfin, en avril 2023, la possibilité de rappeler, lors de la déclaration de don, une ou plusieurs donations antérieures de moins de 15 ans.

En 2022, 155 000 déclarations de dons ont été déposées en ligne sur un total de 412 468 déclarations de dons (soit un taux de dématérialisation de 37,5 %).

Déclarations de succession :

Les 400 000 déclarations de succession déposées chaque année par les notaires pour le compte de leurs clients devraient pouvoir être adressées de manière dématérialisée selon l’échéancier suivant :

– en 2024, les déclarations de succession sans droits dus ;

– en 2025, les déclarations de succession avec droits dus, pouvant comporter le rappel des contrats d’assurance-vie déjà déclarés ou le rappel des donations antérieures, ainsi que les déclarations d’acomptes ;

– enfin, à une échéance ultérieure non définie : les déclarations partielles d’assurance-vie prises en charge par les notaires et les déclarations assorties d’une demande de paiement différé ou fractionné.

Donations : La dématérialisation sera étudiée dans le cadre du projet Télé@ctes pour une mise en œuvre à partir de 2025.

 

Recommandation :

– Accorder à la DGFiP les moyens nécessaires pour mener à bien de façon prioritaire la modernisation de l’enregistrement des déclarations de donations et successions (e-Enregistrement).

–  Traiter de façon exhaustive les informations figurant dans les déclarations de donations et successions déterminer la progressivité effective des DMTG, et pour connaître l’incidence, à ce titre, du barème, des abattements et des dispositifs successoraux de faveur selon les niveaux de revenus et de patrimoine des bénéficiaires.

b.   Toute réforme du barème et des abattements des DMTG devra prioritairement réduire les écarts d’impositions entre lignes directe et indirecte

● Depuis la loi de finances du 25 février 1901 relative aux successions, le droit fiscal suit le modèle de l’ordre des successibles défini à l’article 734 du code civil, reproduites dans le schéma suivant, en imposant les successions de plus en plus lourdement selon les degrés de parenté, à mesure que l’héritier ou donataire est éloigné du défunt ou donateur dans l’ordre familial.

Les degrÉs de parentÉ

Remarque : Le conjoint est un héritier mais n’est pas un parent.

Cette approche paraît, à première vue, logique, puisque chacun a, en règle générale, d’abord vocation à hériter de ses parents : les successions en ligne indirecte peuvent donc être considérées comme par surcroît. Imposer plus lourdement ces transmissions supplémentaires qui viennent compléter le patrimoine du contribuable constitue un facteur améliorant le rendement de l’impôt.

Les écarts d’imposition appliquée sont en effet significatifs, comme le montre le tableau suivant.

Comparaison des abattements et tarifs applicables selon le lien
de parenté entre donation et succession en France

Lien de parenté

Abattement
donation

Abattement succession

Barème des droits

Parents à enfants

100 000 €

(+ 31 865 €*)

100 000 €

≤ 8 072 euros

5 %

Comprise entre 8 072 et 15 932 euros

10 %

Comprise entre 15 932 et 31 865 euros

15 %

Comprise entre 31 865 et 552 324 euros

20 %

Comprise entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Comprise entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Grands-parents à petits-enfants

31 865 €

(+ 31 865 €*)

1 594 €

Entre frères et sœurs

15 392 €

15 392 €

≤ 24 430 euros

35 %

> 24 430 euros

45 %

D’oncles et tantes à neveux et nièces

7 967 €

7 967 €

55 %

Aux arrière-petits-enfants

5 310 €

(+ 31 865 €*)

1 594 €

55 %

Autres transmissions jusqu’au quatrième degré inclus

1 594 €

1 594 €

55 %

Entre parents au-delà du quatrième degré et entre personnes non parentes

1 594 €

1 594 €

60 %

* applicable aux seuls dons d’argent si le donateur a moins de 80 ans et le bénéficiaire plus de 18 ans.

Source : Commission des finances, d’après le CGI.

On constate que l’abattement de 100 000 euros en ligne directe est d’un montant 62 fois plus élevé que celui dont peut bénéficier un parent éloigné ou un non parent. Au-delà du deuxième degré, le barème prévoit, dès le premier euro, et après application d’abattements modestes, des taux d’imposition de 55 % voire 60 %, alors que la tranche supérieure du barème en ligne directe n’est que de 45 % au-delà de 1,8 million d’euros.

● Les éléments de comparaison européenne recueillis par les rapporteurs et présentés dans le tableau suivant montrent au demeurant qu’une différenciation des abattements et des tarifs selon le degré de parenté est appliquée de façon générale, sauf au Royaume-Uni. Mais on constate que la France se singularise par des taux marginaux bien plus élevés en ligne indirecte, même pour les petites transmissions.

Principales caractéristiques des Abattements et barèmes
applicables aux successions et donations dans six États européens

 

Allemagne

Belgique

Espagne

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Abattements personnels

Abattement variant selon le degré de parenté (de 500 000 € pour le conjoint, à 20 000 € pour l’héritier le plus éloigné). L’abattement est de 400 000 € pour les enfants.

- Région flamande :

Conjoint survivant 

abattement de 50 000 € pour les biens meubles ; Autres : pas d’abattement mais réduction de droits selon degré de parenté.

- Abattement de 12 500 € 

(Wallonie) et de 15 000 € (Bruxelles) pour le conjoint survivant et chaque héritier en ligne directe.

Abattements variant selon le degré de parenté avec le défunt (15 957 € pour enfants majeurs et conjoint). Cet abattement peut être majoré sous certaines conditions

(ex. enfants mineurs, handicap).

 

Franchise de 1 M € pour le conjoint survivant, ascendants et descendants en ligne directe, de 100 000 € pour les frères et sœurs.

Abattement variant de 723 526 € (conjoint) à 2 418 € pour l’ayant droit le plus éloigné.

L’abattement est de 22 918 € pour les enfants. Cet abattement peut être majoré sous certaines conditions (ex. handicap).

Abattement de 325 000 £ sur la masse successorale globale.

Barèmes

Taux d’imposition variant selon le degré de parenté de 7 % à 50 % (de 7 % à 30 % en ligne directe).

Taux d’imposition variant selon le degré de parenté :

- Région flamande : de 3 % à 65 % (27 % en ligne directe) ;

- Wallonie et Bruxelles :

de 3 % à 80 % (30 % en ligne directe).

Taux de 7,65 % à 34 %.

Majoration de la cotisation par application d’un coefficient variant en fonction du degré de parenté avec le défunt et du patrimoine personnel de l’ayant droit.

Taux proportionnel en fonction du degré de parenté avec le défunt : de 4 % (conjoint survivant) à 8 % (autres bénéficiaires).

Taux variant de 10 % à 40 % selon le degré de parenté avec le défunt (20 % en ligne directe).

Taux proportionnel de 40 % sur l’ensemble de la masse successorale.

Depuis avril. 2012
Taux de 36 % (au lieu de 40 %) lorsque plus de 10 % de l’actif successoral net transmis au profit d’une charity.

Indexation annuelle des abattements ou seuils.

Pas d’indexation. Abattements et barème sans changement durant la dernière décennie.

Pas d’indexation.

 

Pas d’indexation.

Abattements et barème sans changement durant la dernière décennie.

Pas d’indexation.

Abattements et barème sans changement durant la dernière décennie.

Indexation annuelle des abattements et seuils.

 

Pas d’indexation.

Abattements et barème sans changement durant la dernière décennie.

Source : Réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● Ainsi que l’a souligné le CPO dans son rapport déjà mentionné, l’article 734 du code civil, fixant l’ordre dans lequel les héritiers sont appelés à succéder par différents liens de parenté, ne connaît pas la catégorie des enfants du conjoint alors qu’il mentionne les descendants des frères et sœurs. En conséquence, les transmissions aux enfants du conjoint sont soumises au taux le plus élevé de 60 %, applicable en l’absence de tout lien de parenté.

Cette différence de traitement entre enfants au sein d’une même famille « recomposée » paraît difficile à justifier. Elle pousse les parents concernés à recourir à des solutions complexes, via l’assurance-vie en particulier, voire par l’adoption de l’enfant du conjoint.

Si l’alignement complet des règles applicables aux transmissions à l’enfant du conjoint sur celles applicables aux transmissions en ligne directe paraît délicat, les rapporteurs relèvent que l’Allemagne et la Suède mettent sur un pied d’égalité fiscale tous les enfants de l’un ou l’autre des membres du couple.

● Les rapporteurs invitent donc à engager une réflexion sur l’adaptation des DMTG aux évolutions des schémas familiaux, et notamment sur le traitement fiscal des transmissions à l’enfant du conjoint. Les évolutions prioritaires à apporter au barème et aux montants d’abattements devraient ainsi viser à réduire les écarts de fiscalité selon le degré de parenté.

● Des ajustements, même minimes, pourraient cependant avoir un coût budgétaire élevé ; en effet, les différences de traitement actuelles entre lignes directe et indirecte ont pour conséquence qu’une fraction importante des recettes des droits de succession et donations en France proviennent des lignes indirectes qui ne représentent pourtant qu’un faible nombre des transmissions. Si la DGFiP n’a pas été en mesure de donner aux rapporteurs un ordre de grandeur, France Stratégie a chiffré ce rapport par extrapolation de données anciennes et partielles, sans disposer d’une répartition précise des recettes selon le lien de parenté, faute, comme déjà signalé, d’un recueil exhaustif de ces données par les administrations fiscales.

Recettes des dMTG selon le lien de parentÉ

Source : CAE Focus n° 077-2021, décembre 2021, Repenser l’héritage : analyses supplémentaires, p. 7.

La question des évolutions à apporter au barème et aux abattements des DMTG ne saurait donc être dissociée d’une approche d’ensemble fondée sur une meilleure connaissance des patrimoines transmis et des prélèvements effectivement appliqués, afin que les évolutions soient correctement ciblées et budgétairement soutenables.

Recommandation : Apporter au barème et aux abattements des DMTG des évolutions visant prioritairement à réduire les écarts de fiscalité selon le degré de parenté pour adapter la fiscalité aux évolutions des schémas familiaux et en particulier réduire les différences de traitement fiscal entre enfants au sein des familles recomposées.

c.   Les éventuels régimes dérogatoires en faveur des donations doivent être soigneusement encadrés

Outre les objectifs de rendement budgétaire et de redistribution, la fiscalité des successions et donations doit aussi viser à faciliter la transmission anticipée des patrimoines vers les jeunes générations ([185]) .

Or les tendances actuelles au vieillissement de la détention des patrimoines posent la question des inégalités de patrimoine entre les générations, qui ont considérablement augmenté depuis 40 ans, puisqu’en 1986, le patrimoine net médian des trentenaires était 45 % plus élevé que celui des plus de 70 ans et qu’en 2015, il était trois fois plus faible ([186]).

Cet enjeu recoupe un objectif de dynamisme économique, afin que, plutôt que d’être thésaurisée dans les patrimoines de personnes très âgées, l’épargne puisse être investie ou consommée par les plus jeunes générations.

À cet égard, l’exemple caractéristique, plusieurs fois invoqué lors d’auditions de la mission d’information, est celui des créateurs d’entreprises, qui sont le plus souvent des quadragénaires, âge auquel, par le passé, ils étaient susceptibles de recevoir un héritage mis à profit pour un projet entrepreneurial, alors que l’on hérite aujourd’hui à plus de 50 ans en moyenne, contre 42 ans en 1982.

● Pour renforcer l’attractivité des donations, deux options principales sont dès lors envisageables :

– rehausser l’imposition des successions par rapport aux donations, par exemple en diminuant les montants d’abattements, voire en réservant leur application aux donations ;

– à l’inverse, alléger l’imposition des donations par rapport aux successions, mais au travers de mesures de baisse ciblée sur les transmissions aux jeunes générations.

● Les rapporteurs relèvent que, dans la mesure où les patrimoines élevés sont largement concernés par les techniques de planification successorale résultant du renouvellement de donations, assortie le cas échéant d’un démembrement de propriété, toute nouvelle mesure d’allègement des droits de donation, quelle qu’en soit la forme, présente le risque d’être contraire à la recherche d’une plus grande équité.

En particulier, une mesure qui renforcerait les abattements ou exonérations existants ou réduirait la durée de rappel fiscal des donations antérieures, n’aurait d’effets qu’en faveur des donataires qui ont déjà bénéficié des avantages auxquels ils sont éligibles, et représenterait donc un effet d’aubaine pour les familles disposant des plus hauts patrimoines.

Si une telle mesure rééquilibrerait la répartition du patrimoine entre générations, elle aurait ainsi pour inconvénient de renforcer les inégalités de patrimoine parmi les jeunes selon la situation de leurs parents et grands-parents, et de reproduire d’une génération à la suivante les inégalités patrimoniales entre familles, alors que les DMTG doivent contribuer à les réduire.

● Il convient de rappeler, qu’outre l’abattement de droit commun de 100 000 euros en ligne directe, l’article 790 G du CGI accorde déjà une exonération de droits à concurrence de 31 865 euros au titre des dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété, par une personne de moins de 80 ans, au profit de chacun de ses enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants âgés de plus de 18 ans.

Ce dispositif, renouvelable tous les 15 ans, peut être considéré comme efficace, car c’est bien la transmission de sommes d’argent qui est la plus susceptible de répondre à l’objectif de dynamisation économique et de réinvestissement, contrairement aux transmissions de biens immobiliers, a fortiori assorties d’une réserve d’usufruit.

Comme cela a été suggéré à la mission par les représentants du Conseil supérieur du notariat, il pourrait être envisagé :

 de lever la contrainte liée à la borne d’âge applicable au donateur, en incluant les donations effectuées après l’âge de 80 ans,

 de moduler les montants plafonds en fonction de l’âge du bénéficiaire, par exemple pour concentrer le bénéfice de la mesure autour de 30 ou de 40 ans.

Recommandation : Adapter les bornes d’âge applicable à l’exonération de droits aux titres de dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété dans un cadre familial.

● Si une nouvelle mesure encourageant les donations devait être mise en place sous la forme d’un abattement ad hoc, le rapporteur Jean-Paul Mattei considère qu’elle gagnerait à s’appliquer à toutes les donations, indifféremment du degré de parenté dans le cadre de familles recomposées.

La simplicité, la lisibilité et le caractère « universel » d’une telle mesure maximiseraient sans aucun doute le volume de patrimoine transmis, en suscitant des donations qui n’auraient probablement pas eu lieu en son absence.

La mesure pourrait être bornée dans le temps, mais il faudrait cependant qu’elle soit établie pour une période suffisamment longue pour assurer son appropriation.

Le montant de l’abattement devrait être fixé à un niveau assez élevé pour libérer des montants suffisants d’épargne, et suffisamment bas pour éviter de nourrir la hausse du prix des actifs ou de favoriser les plus hauts patrimoines.

● Enfin, le nouveau dispositif de faveur pourrait être assorti de conditions précises d’emploi des sommes données, à l’exemple du dispositif temporaire établi, entre le juillet 2020 et juin 2021 par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificatives pour 2020 ([187]), présenté dans l’encadré suivant.

Le dispositif conditionnel d’abattement sur les droits de donation établi
par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020

● Établi à l’article 790 A bis du CGI, ce dispositif exonère de droits de donation les dons de sommes d’argent consentis à un descendant en ligne directe ou, à défaut d’une telle descendance, à un neveu ou une nièce. Ces dons ont été exonérés jusqu’à 100 000 euros par donateur, entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, si les sommes ont été affectées, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert :

– à la souscription au capital d’une petite entreprise de moins de cinq salariés où le donataire exerce son activité professionnelle principale pendant au moins trois ans après la souscription ;

– à des travaux de rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. Ces travaux doivent être éligibles à la prime de transition énergétique (« MaPrimeRénov ») gérée par l’Agence nationale de l’habitat ;

– à la construction de la résidence principale.

Le donataire ne pouvait bénéficier du dispositif qu’une seule fois par donateur.

● Un recensement partiel effectué en août 2021 par les services de la DGFiP semble montrer que cette mesure, mise en place pendant une période assez brève dans le contexte de la pandémie de Covid-19, a rencontré un succès limité :

– le taux de recours au dispositif d’exonération temporaire est estimé à 1,5 %, soit 6 245 actes et déclarations de don sur un total de 419 900 actes de dons enregistrés entre juillet 2020 et juin 2021 ;

– le montant total des dons exonérés serait de 389,3 millions d’euros.

Accorder l’exonération de droits sous une condition d’emplois des sommes transmises permettrait ainsi de faire contribuer la fiscalité des donations à d’autres objectifs de politique publique, comme la réindustrialisation, le financement de la transition écologique ou la rénovation énergétique des bâtiments.

Dans cette même logique, Conseil supérieur du notariat a par exemple proposé d’introduire une exonération des donations de sommes d’argent dès lors que le donataire s’engagerait à l’investir dans des sociétés à vocation écologique ou dans l’acquisition de biens immobiliers sous condition d’engager des travaux de rénovation énergétique.

Afin d’encourager les donations anticipées, le rapporteur Jean-Paul Mattei recommande de privilégier la mise en place de dispositifs d’exonération de droits sous conditions d’emplois des sommes transmises, et appliqués indifféremment du lien de parenté dans le cadre de familles recomposées.

d.   Normaliser la fiscalité des transmissions hors successions

  1.   Les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie.

● Les sommes stipulées payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré, quel que soit le degré de parenté existant entre ce dernier et le bénéficiaire.

La libre détermination du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie constitue donc un élément de souplesse eu égard aux règles de dévolution successorale définies par le code civil et l’objectif de transmettre un patrimoine figure au premier rang des motifs du recours à l’assurance-vie ([188]).

● Ces sommes sont en principe exonérées des droits de succession, mais la portée de cette exonération est limitée à deux titres :

– tout d’abord, le capital reçu correspondant aux primes versées après 70 ans est soumis aux droits de succession, après application d’un abattement spécifique de 30 500 euros sur les primes versées (et permettant également que la fraction des produits correspondant aux primes bénéficiant de l’abattement soit exonérée), partagé entre l’ensemble des contrats d’assurance d’un même souscripteur ([189]) ;

– ensuite, si le capital reçu correspondant aux primes versées avant 70 ans n’est pas soumis aux DMTG, il est, depuis la loi de finances pour 1999 ([190]), soumis à un prélèvement spécifique sur « les sommes dues par les organismes d’assurance et assimilés » distinct des droits de succession ([191]). Ce prélèvement sui generis est appliqué sur la part revenant à chaque bénéficiaire, après avoir fait masse des différents contrats le cas échéant.

Il est appliqué un abattement fixe de 152 500 euros par bénéficiaire, puis un prélèvement égal à :

 20 % pour la fraction des sommes transmises inférieure ou égale à 700 000 euros ;

– 31,25 % pour la fraction excédant cette limite.

Depuis une loi de finances rectificative pour 2013 ([192]), s’y ajoute en outre un abattement supplémentaire au taux proportionnel de 20 % pour l’ensemble des sommes correspondant à des contrats « vie-génération », contrats en unité de compte et pour au moins 33 % investis dans certains actifs définis (logement social et intermédiaire, économie sociale et solidaire, capital-risque, ETI).

Comme le montre le tableau ci-dessus, ce prélèvement ne s’applique qu’aux contrats conclus depuis le 13 octobre 1998 ([193]) ainsi qu’aux primes versées depuis cette date sur l’ensemble des contrats ouverts antérieurement, ce qui illustre la contrainte que représente, pour faire évoluer la fiscalité des contrats d’épargne, le respect des situations légalement acquises et des effets qui peuvent légitimement en être attendus.

rÉgime fiscal des contrats d’assurance-vie au dÉcès de l’assurÉ

 

Primes versées

Date de souscription du contrat

Avant le 13 octobre 1998

À partir du 13 octobre 1998

Contrat souscrit avant le 20 novembre 1991

Pas de taxation

Prélèvement de 20 % jusqu’à 700 000 euros puis 31,25 %, après application de l’abattement de 152 500 euros

Contrat souscrit à partir du 20 novembre 1991 :

 

▪ Primes versées avant le 70e anniversaire de l’assuré

 

Pas de taxation

Prélèvement de 20 % jusqu’à 700 000 euros puis 31,25 %, après application de l’abattement de 152 500 euros (et éventuellement de l’abattement proportionnel de 20 % pour les contrats « vie génération »)

▪ Primes versées après le 70e anniversaire de l’assuré

Droits de succession sur la fraction des primes excédant 30 500 euros

Droits de succession sur la fraction des primes excédant 30 500 euros

Source : commission des finances.

● Établi par la loi de finances pour 1999, initialement au taux unique de 20 % après abattement de 1 000 000 de francs (correspondant aux 152 500 euros actuels), le prélèvement a été progressivement durci :

– une loi de finances rectificative pour 2011 ([194]) a introduit une tranche supérieure, au-dessus de 902 838 euros, au taux de 25 % ;

– puis une loi de finances rectificative pour 2013 ([195]) a abaissé le seuil de cette tranche supérieure à 700 000 euros, et a porté son taux à 31,25 %.

● Ainsi que le montre le tableau suivant, les rendements de ce prélèvement spécifique sont en forte hausse depuis 2015, en raison d’un effet de composition qui réduit la part dans l’encours des contrats entièrement défiscalisés et accroît, par paliers, la part des transmissions donnant lieu à prélèvement.

prélèvement sur les sommes versées par les organismes d’assurances
et assimilés à raison des contrats d’assurance en cas de décès

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (prévision)

Évolutions
2015-2022

Montants recouvrés

157,9

223,8

184,4

217,5

221,8

336,4

353,01

371,4

386,6

+ 213,5

+ 135 %

Source : Commission des finances, d’après les documents budgétaires joints aux projets de lois de règlement de 2015 à 2022 et au projet de loi de finances pour 2023.

● Les rendements du prélèvement doivent être mis en regard des volumes considérables de transmissions de contrats d’assurance-vie qui, selon les travaux déjà mentionnés du Conseil d’analyse économique, atteignaient 44 milliards d’euros en 2019, soit plus du double du niveau observé en 2006.

Selon les estimations du CAE, en prenant comme norme fiscale l’imposition au barème de droit commun des DMTG et en se limitant aux contribuables recevant au moins 152 500 euros par assurance-vie, l’avantage fiscal procuré par ce régime fiscal de faveur serait de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros.

La distribution des transmissions par assurance-vie est particulièrement concentrée ([196]).

En 2017 et 2018, environ 45 000 bénéficiaires se sont vus transmettre chaque année des contrats d’un montant supérieur à l’abattement de 152 500 euros, pour un total de 17,5 milliards d’euros.

En outre, plus de 1 900 de ces bénéficiaires avaient reçu des transmissions dépassant 852 500 euros, c’est-à-dire atteignant la tranche marginale d’imposition de 31,25 % après application de l’abattement de 152 500 euros et de la première tranche de 700 000 euros. Le montant moyen de ces transmissions s’établissait à 2,8 millions d’euros pour un montant total de 5,5 milliards d’euros.

● Les rapporteurs considèrent que, sans porter atteinte de façon excessive à la confiance des épargnants dans l’assurance-vie, il devrait être possible à brève échéance d’adapter la fiscalité spécifique des transmissions d’assurance-vie, afin de réduire les écarts avec celle applicable aux autres actifs.

Des pistes d’évolution pour élargir la base taxable ou rendre ce prélèvement plus équitable figurent dans un rapport transmis par le Gouvernement au Parlement en novembre 2021 en application de l’article 180 de la loi de finances pour 2020 ([197]) :

 pour les primes versées avant 70 ans, l’abattement de 152 500 euros appliqué aujourd’hui de façon distincte par bénéficiaire, pourrait ainsi être remplacé par un abattement unique, par assuré (à l’instar de l’abattement appliqué aux primes versées après 70 ans) ;

– alternativement, le montant de l’abattement pourrait être revu, en l’alignant par exemple sur l’abattement de 100 000 euros en ligne direct des DMTG ;

– l’âge, fixé actuellement à 70 ans, à partir duquel les primes n’entrent plus dans le dispositif dérogatoire mais sont assujetties aux DMTG pourrait être réexaminé ;

– enfin le taux d’imposition marginal pourrait être modifié.

Les rapporteurs invitent à examiner l’ensemble de ces propositions et suggèrent, en première approche, d’aligner la tranche marginale du prélèvement sur les transmissions d’assurance-vie, aujourd’hui de 31,25 %, sur la tranche marginale des successions en ligne directe, soit 45 %.

Recommandation : Aligner le taux marginal supérieur du prélèvement applicable aux transmissions d’assurance-vie sur celui applicable aux successions en ligne directe.

  1.   Les transmissions des plans épargne-retraite

● Au décès du titulaire du PER, la transmission des sommes figurant sur le plan se voit appliquer une fiscalité distincte selon que le PER a donné lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe ou a été souscrit sous forme de compte-titres.

Le PER souscrit sous forme de compte-titres, dépourvu de clause bénéficiaire, est directement intégré à l’actif successoral et soumis aux DMTG.

Si le PER a donné lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, les sommes épargnées sont reversées aux bénéficiaires désignés dans le contrat :

 en cas de décès après 70 ans, les DMTG sont applicables, après un abattement global de 30 500 euros, partagé, le cas échéant, entre les différents contrats d’assurance conclus sur la tête d’un même assuré, selon le même régime que celui applicable aux primes d’assurance-vie versées après 70  ans (voir supra) ;

 en cas de décès avant 70 ans, la fiscalité des transmissions de contrats d’assurance vie est appliquée, avec un abattement de 152 500 euros sur la part revenant à chaque bénéficiaire, puis un prélèvement spécifique de 20 % jusqu’à 700 000 euros et de 31,25 % au-delà.

● La mission a relevé que la possibilité offerte à l’épargnant, pendant la phase de constitution de son PER, de déduire de son revenu imposable les versements volontaires sur le plan expose, dans les cas où le plan n’est pas liquidé à la retraite, à un risque d’optimisation fiscale sur les transmissions après décès.

Alors que le mécanisme de déduction des versements initiaux est conçu comme un sursis à imposition, l’assujettissement à l’IR étant différé à la liquidation du plan, ce « rattrapage fiscal » peut en effet être mis en échec si le contribuable fait le choix de ne pas liquider le plan mais de le conserver, à la retraite, dans le but de le transmettre à ses héritiers.

L’avantage fiscal procuré au souscripteur lors de la constitution du plan n’est, dès lors, jamais récupéré et peut être assimilé, dans ce cas, à une subvention à la transmission d’un capital.

Il semble manifeste qu’en bénéficieraient principalement les contribuables les plus aisés, fortement imposés à l’IR et disposant de revenus et de patrimoines qui peuvent les dispenser de liquider leur PER à la retraite.

Interrogées par les rapporteurs, les responsables des administrations fiscales ont indiqué ne pas être en mesure de quantifier la portée de ce phénomène, d’autant que la diffusion des nouveaux PER est récente, bien que dynamique.

Par ailleurs, il convient de noter qu’il existe également une autre hypothèse dans laquelle le sursis à imposition sur les versements ayant alimenté le PER n’est jamais rattrapé : lorsque le PER peut être débloqué de manière anticipée en raison d’un accident de la vie (chômage, décès du conjoint). Dans ce cas, il s’agit moins d’une optimisation que d’une faveur fiscale liée à une situation imprévue. Il n’en demeure pas moins qu’il peut s’agir également d’un avantage substantiel.

● Les rapporteurs relèvent que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a adopté un article additionnel ([198]) visant à récupérer les sommes non-imposées à l’IR du vivant du titulaire du plan, sous la forme d’une imposition des sommes transmises sur le revenu de l’héritier.

Cette proposition a cependant été rejetée en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale qui a considéré son dispositif comme inopérant. D’une part, il instituait une double imposition des mêmes sommes, une première fois au moment de la succession, puis une seconde fois à l’impôt sur le revenu de l’héritier ; d’autre part, son assiette paraissait trop large, puisque le prélèvement envisagé aurait frappé la totalité du PER transmis aux héritiers au lieu des seules sommes correspondant à des versements déduits du revenu du titulaire lors de la constitution du plan.

Si un prélèvement devait être opéré, les rapporteurs considèrent qu’il devrait reposer non sur l’IR de l’héritier mais intervenir en amont, avant la transmission du plan, sous la forme d’un prélèvement ad hoc : le redevable serait alors l’organisme gérant le plan et le prélèvement devrait être défini au regard d’une estimation de l’impôt que le titulaire du plan aurait acquitté s’il avait effectivement liquidé son PER à sa retraite.

La définition du taux du prélèvement peut être délicate, puisque le titulaire du plan peut demander le versement de son capital soit en totalité, soit par fractions, ce qui emporte des taux marginaux d’imposition à l’IR différents. Néanmoins, un taux correspondant à une moyenne du taux d’imposition à l’IR des revenus du défunt, au cours d’une période définie avant le décès, pourrait être retenu.

Le rapporteur Nicolas Sansu recommande qu’en cas de transmission d’un plan épargne retraite non liquidé à la retraite, instituer un prélèvement ad hoc équivalent à l’impôt que le titulaire du plan aurait acquitté au titre des versements préalablement déduits de son revenu imposable.

3.   Transmissions d’entreprises : objectiver le coût du dispositif « Dutreil », mieux en encadrer les avantages

● Au cours des décennies 1980 et 1990, une vision largement partagée dans le champ politique s’est progressivement formée sur la nécessité de prévoir une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit pour la transmission de parts d’entreprises, sous réserve d’engagements tenant à la stabilité de l’actionnariat et à la continuité des fonctions de direction.

Cette démarche visait à éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise ne soient obligés, lors de son décès :

– soit, pour acquitter les droits, de prélever sur l’entreprise des sommes excessives sous forme de dividendes, au risque d’obérer leur capacité de développement ;

– soit de céder l’entreprise à un tiers, dans un contexte croissant d’acquisition de PME et ETI françaises par des groupes étrangers, susceptibles d’en restructurer l’activité pour l’intégrer dans leur propre processus de production, au détriment le cas échéant de l’emploi et du tissu industriel français.

À l’objectif de favoriser la continuité de l’actionnariat de l’entreprise au stade où, du fait du décès du dirigeant, elle est particulièrement vulnérable, s’est en outre ajouté celui de pousser les dirigeants d’entreprises à envisager leur transmission anticipée, tout en assurant une certaine stabilité de l’actionnariat lors de cette opération.

a.   Un dispositif très favorable, dont les conditions ont été continûment assouplies

● L’avantage fiscal « Dutreil », permet de bénéficier d’une exonération partielle de droits de donation ou de succession pour les transmissions de parts ou actions de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Établi par la loi de finances pour 2000 ([199]) à l’article 787 B du CGI, et initialement limité aux successions, le dispositif a été étendu aux donations en 2003 par la loi pour l’initiative économique dite loi Dutreil ([200]).

Le taux de l’exonération, fixé au départ à 50 %, a été porté à 75 % en 2005 par la loi en faveur des petites et moyennes entreprises ([201]).

En cas de donation en pleine propriété avant 70 ans, l’avantage fiscal peut se cumuler avec une réduction de droits de 50 %, prévue à l’article 790 du CGI et réservée aux transmissions d’entreprises.

● L’avantage fiscal s’applique sous trois conditions principales devant garantir la stabilité de l’actionnariat et de la direction de l’entreprise :

– un engagement collectif de conservation des parts ou actions de deux ans minimum par l’ensemble des signataires du pacte ;

– un engagement individuel de conservation des parts ou actions de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;

– l’obligation pour l’un des associés du pacte ou l’un des héritiers, donataires ou légataires d’exercer une fonction de direction au sein de la société durant la phase d’engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

Le dispositif s’applique aux titres de la société opérationnelle objet du pacte (ou à une société holding qualifiée d’animatrice), mais également aux titres des sociétés dites interposées, dans la limite de deux niveaux d’interposition. Un mécanisme de prorata réserve le bénéfice de l’exonération à la fraction de la valeur des titres de la holding de tête correspondant à la participation détenue dans la société opérationnelle : les autres actifs détenus par la holding ne sont pas pris en compte.

La prise en compte des spécificités du foncier agricole

 Si les transmissions de titres d’exploitations agricoles sont pleinement éligibles au dispositif Dutreil, il n’en va pas de même du foncier, dans les cas, fréquents, de dissociation entre, d’une part, le foncier donné à bail, et d’autre part, l’exploitation agricole elle-même.

 L’article 793 du CGI prévoit une exonération partielle de DMTG pour :

– les biens donnés à bail à long terme, ou à bail cessible, dans les conditions prévues par le code rural et de la pêche maritime, pour les trois quarts de leur valeur ([202]),

– les parts des groupements fonciers agricoles, à concurrence des trois quarts de la fraction de la valeur nette des biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible ([203]).

 L’article 793 bis du CGI subordonne ces exonérations partielles à la condition que le bien reste la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit. Lorsque cette condition n’est pas respectée, les droits sont rappelés, majorés de l’intérêt de retard.

Le même article prévoit que lorsque la valeur des biens transmis excède un certain montant, l’exonération est ramenée, au-delà de cette limite, de 75 % à 50 %.

Ce seuil, initialement de 101 897 euros, a été porté à 300 000 euros par la loi de finances pour 2019 ([204]).

En outre, l’article 24 de la loi de finances pour 2023, introduit par un amendement du rapporteur Jean-Paul Mattei, a relevé ce seuil à 500 000 euros, dans les cas où l’engagement de conservation du bien serait prolongé pour une durée supplémentaire de cinq ans, soit dix ans au total.

● La loi de finances pour 2019 a apporté des aménagements importants au pacte Dutreil à la suite des travaux entourant la loi PACTE, en particulier :

– la fin de l’obligation de fournir annuellement une attestation permettant de contrôler le respect des engagements liés au pacte Dutreil au profit d’une transmission au début et à la fin du pacte ou, pendant sa durée, sur demande de l’administration ;

– de nouvelles possibilités de cession ou donation des titres soumis au pacte pendant la phase de l’engagement collectif de conservation, à condition que la cession soit opérée au profit d’un autre associé de cet engagement ; dans ce cas, l’exonération partielle pour le cédant ou le donateur ne sera pas remise en cause en totalité mais seulement à hauteur des parts transmises ;

 des possibilités plus larges d’apport de titres à une société holding au cours de la phase d’engagement collectif et non plus uniquement au cours de la phase d’engagement individuel de conservation.

Certaines de ces modifications résultaient d’amendements de la commission des finances, par lesquels l’Assemblée nationale a :

– assoupli les conditions de seuil minimal de détention du capital pour la souscription d’un engagement collectif de conservation ;

Alors qu’il devait jusqu’alors porter sur 20 % au moins des droits financiers et des droits de vote pour les entreprises cotées ou sur 34 % des droits financiers et des droits de vote pour les entreprises non cotées, l’engagement collectif doit désormais porter sur : 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les entreprises cotées et 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les entreprises non cotées.

– assoupli les conditions dans lesquelles l’engagement collectif de conservation est considéré comme « réputé acquis » sans avoir été formellement souscrit : ce régime a été élargi aux parts ou actions de sociétés détenant directement ou indirectement, avec un seul niveau d’interposition, une participation dans la société opérationnelle dont les titres répondent aux conditions de conclusion d’un engagement collectif de conservation ;

– considéré qu’une offre publique d’échange précédant de moins d’un an une opération de fusion ou de scission ne porte pas atteinte à l’engagement individuel de conservation ;

– rendu possible de souscrire un engagement unilatéral de conservation des titres, ce qui permet d’ouvrir le pacte aux sociétés unipersonnelles. L’engagement peut donc être pris par une personne seule pour elle ou ses ayants cause à titre gratuit.

● Par ailleurs, en complément des modifications opérées en loi de finances, le régime du pacte Dutreil a fait l’objet d’éclairages doctrinaux tirant les conséquences d’une consultation publique conduite par la direction de la législation fiscale

Les observations des praticiens et des instances représentatives des entrepreneurs ont ainsi contribué à l’actualisation, en décembre 2021, de la doctrine fiscale au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), apportant de nouvelles garanties de lisibilité et d’accessibilité du droit

● Dans un récent rapport sur les reprises et les transmissions d’entreprise ([205]),, une mission d’information de la délégation aux entreprises du Sénat recommande de ne pas apporter d’assouplissements supplémentaires au Pacte Dutreil, au motif que « vouloir aller plus loin dans l’exonération risquerait d’arriver à un résultat contraire à l’effet recherché : la pérennité du Pacte Dutreil risquerait d’être remise en cause, alors qu’il est précisément question de le sanctuariser ».

En effet, ce dispositif de faveur ne saurait être assoupli sans limites car le principe constitutionnel d’égalité entre les contribuables implique de ne pas réduire excessivement les droits acquittés au titre des seules transmissions d’entreprises, sans prévoir, en contrepartie, certains engagements contraignants.

Les rapporteurs rappellent que la première tentative du législateur pour exonérer les transmissions d’entreprises, adoptée dans la loi de finances pour 1996, avait été censurée par le Conseil constitutionnel ([206]) qui, tout en validant l’objectif de « transmission d’entreprise dans des conditions permettant d’assurer la stabilité de l’actionnariat et la pérennité de l’entreprise », a considéré que les conditions posées par le législateur n’étaient pas suffisamment contraignantes pour justifier un traitement fiscal spécifique.

Le dispositif figurant à l’article 9 de la loi de finances pour 1996 comportait pourtant un certain nombre de conditions, puisqu’il consistait en une exonération de droits, à hauteur de 50 % et dans la limite de 100 millions de francs pour chacun des bénéficiaires, à condition que le donateur ait exercé son activité dans l’entreprise pendant cinq ans au moment de la transmission et, en cas de donation, que cette dernière porte sur la pleine propriété de plus de 50 % des titres.

Le Conseil constitutionnel a censuré l’intégralité du dispositif, en considérant qu’il entraînait une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables puisque le bénéficiaire de l’avantage devait seulement s’engager à conserver les titres pendant cinq ans sans que soit exigé l’exercice « de fonction dirigeante au sein de l’entreprise ».

La constitutionnalité du dispositif dépend donc de l’intensité du lien entre les bénéficiaires et l’entreprise, et toutes mesures d’adaptation ou d’assouplissement supplémentaires pourraient le dénaturer.

Des propositions d’assouplissement supplémentaire du pacte Dutreil régulièrement rejetées par l’Assemblée nationale

Des propositions d’assouplissements supplémentaires ont été rejetées par l’Assemblée nationale lors de l’examen des derniers projets de lois de finances, dont :

– le maintien de l’avantage fiscal en cas de détention indirecte avec trois niveaux d’interposition, au motif que la limitation actuelle à deux niveaux d’interposition maximum serait inadaptée à certains groupes familiaux ;

– l’assouplissement de la condition d’exercice d’une fonction de direction pendant l’engagement de conservation, ou la suppression de l’obligation d’exercer son activité principale dans l’entreprise transmise en cas de fusion ou de scission : or la condition d’exercice d’une fonction dirigeante au sein de l’entreprise est considérée comme déterminante au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

– la remise en cause du pacte limitée au prorata des titres transmis en cas de cession entre associés pendant la phase d’engagement individuel : si cet assouplissement peut se justifier au stade de l’engagement collectif, l’étendre à la phase d’engagement individuel aurait pour effet de réduire trop fortement la portée des obligations du pacte ;

– l’assouplissement de la condition de maintien inchangé des participations en cas de sociétés interposées entre le redevable et la société objet du pacte ;

– l’ajout d’une exonération partielle renforcée de 90 %, subordonnée à un engagement collectif de trois ans et un engagement individuel de cinq ans ;

– l’extension de la qualification de holding animatrice, en établissant une nouvelle définition dans la loi : alors que la qualification de holding animatrice est aujourd’hui réservée par la doctrine administrative aux seules sociétés qui « participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales » et « rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers », une disposition adoptée par le Sénat proposait notamment de l’étendre à « toute société qui détient une ou plusieurs filiales et (…) participe à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de tout ou partie des filiales » et prévoyait qu’une holding peut être « réputée animatrice ».

– ou encore, la réduction des droits au taux de 60 % au lieu de 50 % en cas de donation en pleine propriété avant 70 ans.

b.   Un coût probablement très élevé et une connaissance insuffisante de ses usages et de ses effets

● Le tome II du rapport sur les Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2023 présente une estimation conventionnelle du coût du « Dutreil » de 500 millions d’euros.

Ce montant, inchangé depuis plus de dix ans, y est qualifié d’« ordre de grandeur », avec un nombre de bénéficiaires « non déterminé ». Ainsi que l’avait relevé la sénatrice Christine Lavarde, ce chiffrage apparaît « extrêmement fragile, dans la mesure où il ne tient pas compte du coût lié aux donations et repose, pour les successions, sur une enquête statistique réalisée en 2006 » ([207]).

De fait, l’étude précitée du Conseil d’analyse économique a avancé une estimation de coût annuel autour de 2 à 3 milliards d’euros, sur le fondement de données, non confirmées aux rapporteurs par la DGFiP, indiquant un montant total d’actifs transmis de 8 milliards d’euros en 2018 et en 2019. Dans cet ensemble la valeur moyenne d’actifs transmis par pacte serait d’environ 5 millions d’euros, mais les pactes d’une valeur supérieure à 60 millions d’euros représenteraient 40 % du total.

● En tout état de cause, l’évaluation du coût de la dépense fiscale fournie par l’administration est en décalage complet avec la forte augmentation du nombre de pactes Dutreil depuis une quinzaine d’années : plus de 2 000 signatures annuelles en 2018-2020, contre 700 en 2008-2009.

Le recours aux pactes Dutreil a en effet connu une montée en puissance initialement progressive, à mesure que les entreprises en ont été mieux informées et que la réglementation a été allégée au fil des adaptations législatives successives. Les données les plus récentes, communiquées aux rapporteurs par la DGFiP, figurant dans les tableaux suivants, montrent une hausse continue ces dernières années, un léger fléchissement en 2020 résultant seulement du contexte de la pandémie de Covid-19.

Nombre de pactes dutreil signÉs par an

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total 2015-2020

% du total

Donations

410

385

639

851

1 104

941

4 330

42,95 %

Donations-partage

422

476

661

1 007

1 331

984

4 881

48,42 %

Successions

152

171

192

143

145

67

870

8,63 %

Total

984

1 032

1 492

2 001

2 580

1 992

10 081

100 %

Sources : réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Nombre de pactes dutreil signÉs par an

Sources : réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

On constate que 91,4 % des pactes Dutreil interviennent par la voie de donations ou donations-partage et seulement 8,6 % lors de déclarations de succession, la part des successions ayant en outre tendance à diminuer au fil des ans.

Cela indique que les transmissions de parts sociales de sociétés tendent à être de mieux à mieux organisées et sont d’autant plus susceptibles de bénéficier de la réduction des droits dans les cas de donations en pleine propriété avant 70 ans, même si la part de ces donations ne peut pas être établie à partir des données communiquées par l’administration.

Cette évolution correspond sans aucun doute à l’objectif recherché par le législateur, qui est de faciliter les transitions ordonnées, du vivant du dirigeant, mais cela peut également être un indice d’optimisation fiscale, dans le cadre de stratégies de planification successorales par les actionnaires familiaux d’entreprises, n’ayant plus la poursuite durable de l’activité de l’entreprise comme objectif principal.

● Les seules autres informations fournies par l’administration aux rapporteurs, pour l’ensemble des actes constatés entre 2015 et 2022 sont relatives à l’âge moyen des héritiers et donataires, qui est de 37,7 ans, et à la répartition du nombre de bénéficiaires par pacte, présentées dans les tableaux suivants.

On constate que les pactes Dutreil sont généralement signés par un petit nombre de bénéficiaires mais que certains groupes à l’actionnariat familial très étendu peuvent associer dans un pacte Dutreil jusqu’à une vingtaine d’héritiers ou donataires.

Nombre de donataireS ou héritiers par pacte, pour les pactes signÉs
entre 2015 et 2020

 

1

2

3

4

plus de 5 et moins de 10

de 10 à 24

Total

Nombre de donataires ou héritiers par pacte

3 327

2 616

2 097

1 068

764

296

10 168

Part dans l’ensemble

32,7 %

25,7 %

20,6 %

10,5 %

7,5 %

2,9 %

 

Sources : réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Pour aussi intéressantes qu’elles soient, ces informations lacunaires ne disent rien sur l’utilisation des pactes Dutreil et en particulier :

– le type d’entreprises qui y recourent selon les secteurs d’activité et les niveaux de capitalisation, ce qui permettrait de savoir si l’avantage fiscal bénéficie aux PME et ETI ou s’il est très largement capté par des grandes sociétés cotées ;

– corrélativement la distribution des avantages fiscaux par bénéficiaires et selon les catégories d’entreprises, ce qui permettrait d’apprécier les effets du Dutreil sur la progressivité du système fiscal dans son ensemble ;

– enfin la durée effective de détention des titres par les bénéficiaires afin de vérifier si les durées de détention définies par la loi sont adaptées à la temporalité des transmissions des groupes familiaux.

S’il était constaté que des cessions de titres interviennent rapidement dès que s’achève la phase d’engagement individuel des titres, on pourrait considérer que le pacte Dutreil est largement détourné de son objet et utilisé principalement à des fins d’optimisation fiscale.

Les rapporteurs invitent donc l’administration fiscale à conduire, sans tarder, un chiffrage précis du coût du pacte Dutreil, l’absence d’une évaluation fiable pouvant laisser croire que le dispositif est opaque. Ils invitent également à un recensement de l’ensemble des informations figurant dans les déclarations de succession et de donation mentionnant une transmission de titres de sociétés, et de mettre ces informations à la disposition des centres de recherche qui pourront éclairer le débat public sur ces points essentiels.

Recommandation : Rassembler et diffuser des informations exhaustives sur l’utilisation des pactes Dutreil, les catégories d’entreprises bénéficiaires, la distribution des avantages fiscaux qu’il procure et les durées effectives de détention des titres transmis.

c.   Un encadrement supplémentaire peut être proposé

● Comme le montre le tableau suivant, nos principaux partenaires européens prévoient tous un régime de faveur pour les successions et donations du patrimoine professionnel, avec des taux d’exonération proches du Dutreil, voire plus favorables.

Régimes préférentiels applicables aux successions
ou donations d’entreprises dans six pays européens

 

Allemagne

Belgique

Espagne

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Patrimoine professionnel

Part de l’actif d’exploitation transmise à chaque héritier < 26 M€ : exonération à hauteur de 85 % ou 100 %, sous conditions

Part d’une valeur > 26 M€ : exigence de conditions supplémentaires pour l’octroi d’une exonération.

Wallonie : exonération, sous conditions.

Bruxelles et région flamande : : taux réduit d’imposition de 3 % ou 7 % sous conditions.

Exonération des exploitations agricoles transmises aux jeunes agriculteurs.

Abattement de 95 % sur la valeur de l’entreprise familiale (ou d’une participation) transmise au conjoint survivant ou aux héritiers en ligne directe en contrepartie d’un engagement de conserver l’entreprise ou la participation pendant 10 ans.

Exonération des droits de succession si l’héritier (conjoint survivant ou descendant) maintient l’activité de l’entreprise pendant au moins 5 ans.

Réduction des droits si transmission d’exploitations agricoles et d’entreprises artisanales (sous conditions).

Abattement de 100 % ou 83 % selon la valeur de l’entreprise transmise aux ayants-droits sous condition de poursuite de l’activité pendant 5 ans.

Sous certaines conditions, abattement de 100 % ou de 50 % sur la valeur des actifs professionnels. Fractionnement optionnel sur 10 ans du paiement des droits afférents à ces actifs moyennant un intérêt de 5 %.

Source : réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● Les rapporteurs attirent cependant l’attention sur la législation allemande en la matière, alors que, pour justifier les avantages considérables accordés par le Dutreil dans sa forme actuelle, l’exemple des transmissions d’ETI allemandes a été fréquemment mis en avant lors des auditions de la mission d’information.

La législation allemande module en effet fortement l’avantage fiscal en fonction du montant des biens transmis :

– les transmissions de biens professionnels inférieures à 26 millions d’euros bénéficient d’une exonération légale de 85 % ou d’une exonération sur option de 100 %, en contrepartie de durées minimales de conservation respectivement de 5 ans ou de 7 ans, sous des conditions qui varient selon le nombre de salariés de l’entreprise ([208]).

– lorsque la valeur des biens professionnels est supérieure à 26 millions d’euros, le bénéficiaire doit, pour bénéficier pleinement du dispositif, se soumettre à une analyse de sa capacité financière à acquitter l’impôt. Il doit ainsi prouver à l’administration fiscale qu’il n’est pas en mesure de payer les droits même avec d’autres fonds que ceux de l’entreprise transmise.

Alternativement, le bénéficiaire peut renoncer à l’analyse de sa capacité financière : dans ce cas, il ne peut bénéficier que d’une exonération fiscale dégressive dont le niveau dépend de l’importance du dépassement du seuil de 26 millions d’euros.

Par ailleurs, les transmissions d’entreprises familiales bénéficient d’un abattement supplémentaire allant jusqu’à 30 % sur la part des biens professionnels avant application des exonérations de droit commun. Le niveau de cet abattement dépend de la proportion dans laquelle la valeur des parts des associés familiaux est minorée par rapport à la valeur des parts retenue par l’administration. Le bénéfice de cet abattement supplémentaire nécessite la définition conventionnelle de restrictions aux conditions de distribution et de prélèvement des bénéfices aux associés ainsi qu’une disponibilité limitée des parts sociales qui doivent subsister pendant une durée allant de 2 à 20 ans à compter de la transmission des biens.

● L’exemple allemand peut donc être cité à l’appui d’une modulation de l’avantage fiscal procuré par le Dutreil en fonction des capacités effectives de paiement des droits par les héritiers ou donataires – le rapporteur Jean-Paul Mattei rappelant toutefois que la valorisation des entreprises en Allemagne obéit à des règles différentes de celles applicables en France.

Dès lors qu’une société importante procure des revenus élevés aux actionnaires qui la contrôlent, une baisse massive de la fiscalité des transmissions au bénéfice de ces mêmes actionnaires par la conclusion d’un pacte Dutreil paraît nettement moins justifiée que dans les cas de transmissions de PME et d’ETI.

En effet, la contrainte de liquidité peut, sans difficulté, être levée au moyen du paiement différé et fractionné des DMTG, accordé à l’ensemble des héritiers ou donataires de bien professionnels, qu’ils aient ou non conclu un pacte Dutreil. Dans ces cas, le paiement des droits est différé pendant cinq ans et, à l’expiration de ce délai, le paiement est fractionné pendant une période de dix ans ([209]).

Si les rapporteurs jugent souhaitable que soit mise en place une modulation de l’intensité de l’avantage fiscal procuré par le Dutreil, le critère de seuil retenu par la législation allemande n’apparaît pas opérant pour le rapporteur Jean-Paul Mattei, qui juge qu’il pourrait même être dangereux pour les grandes entreprises. Les rapporteurs s’accordent néanmoins que le fait qu’une réflexion soit menée sur la définition des actifs pouvant être transmis par Dutreil.

Ils suggèrent par exemple que l’administration fiscale conduise une analyse de l’entreprise en amont de l’opération, afin de déterminer quels actifs sont éligibles au dispositif. Une entreprise ayant par exemple un important surplus de trésorerie par rapport à son besoin de fonds de roulement serait ainsi contrainte à le distribuer préalablement à la transmission Dutreil – une distribution de dividendes qui serait dès lors taxable au PFU. Cette analyse effectuée par l’administration pourrait donner lieu à la délivrance d’un rescrit.

Recommandation : Définir de manière plus précise la notion d’activité d’une société.

 

Vers un Dutreil pour les salariés ?

Si le dispositif Dutreil est la plupart du temps utilisé en cas de transmission à titre gratuit de titres de société par un chef d’entreprise à un parent, rien n’interdit, en l’état du droit, que les salariés, a priori non parent du chef d’entreprise, en soient les bénéficiaires. Une telle opération rencontrerait cependant deux difficultés majeures :

– d’une part le barème d’imposition de 60 % des transmissions à titre gratuit entre personnes non parentes ;

– d’autre part, la question de la réserve héréditaire, prévue à l’article 913 du Code civil.

Les rapporteurs invitent à réfléchir à une évolution de la législation afin de rendre possible la transmission d’une société à ses salariés dans le cadre d’un dispositif Dutreil adapté.

● Enfin, concernant le périmètre des activités ouvrant droit au bénéfice du Dutreil, les rapporteurs rappellent que le législateur a visé expressément les sociétés exerçant une activité « industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ». Cela exclut logiquement les activités civiles de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier, ce qui a conduit la doctrine fiscale à indiquer de façon expresse que sont exclues du bénéfice du Dutreil les « activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation » ([210]), c’est-à-dire les activités de location meublée.

Or dans le cadre d’un contentieux opposant l’administration à des donataires de parts d’une société civile immobilière exerçant l’activité de location meublée qui avaient souhaité bénéficier du Dutreil, la Cour de cassation vient de rendre un jugement considérant que cette activité y est éligible, au motif que, bien que de nature civile, la location meublée est fiscalement imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ([211]).

Le risque est donc considérable d’un détournement massif du Dutreil pour faciliter les donations de SCI exerçant une activité de location meublée, ce qui est manifestement contraire à l’intention du législateur qui a toujours voulu réserver le régime de faveur à la transmission de sociétés opérationnelles.

Pour faire échec à cette jurisprudence, le législateur doit donc intervenir, dès la prochaine loi de finances, pour prévoir expressément que les activités de location meublée sont exclues du bénéfice du Dutreil.


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4.   Des réformes structurelles sont susceptibles de rendre la fiscalité des transmissions plus redistributrice

a.   Une fiscalité fondée sur le « flux successoral total » perçu tout au long de la vie mettrait en échec les stratégies d’optimisation successorale

● Dans sa forme actuelle, la fiscalité des donations et successions traite chaque transmission de façon séparée : l’imposition est calculée de façon distincte pour chaque transmission d’un même donateur ou défunt vers un même donataire ou héritier, assortie d’un rappel fiscal des seules donations antérieures, provenant du même donataire, intervenues depuis moins de quinze ans.

Un même montant reçu sur une période donnée est donc imposé très différemment selon que les sommes proviennent d’héritages distincts et espacés dans le temps, ou d’une seule transmission.

Par exemple, l’enfant ayant bénéficié de quatre donations de 100 000 euros de ses parents au cours de sa vie, puis des héritages successifs de 300 000 euros de chacun d’entre eux acquitte beaucoup moins d’impôts que celui qui recevrait, en une seule fois, la même somme d’un million d’euros d’un seul de ses parents.

● Afin de mieux appréhender la capacité contributive des héritiers, plusieurs propositions convergentes ([212]) ont visé à mettre en place une assiette des DMTG fondée sur la somme des flux successoraux totaux perçus par un même individu tout au long de la vie, au lieu de taxer séparément chaque succession ou donation.

Dans un tel système, le taux d’imposition dépendrait uniquement de la valeur totale des héritages reçus par un même individu, et non pas du séquençage des transmissions ou de leurs montants individuels.

La progressivité peut dès lors être ajustée de façon fine :

– la première donation ou succession peut n’être pas ou peu taxée par application d’un abattement unique, d’un niveau sensiblement plus élevé que les différents abattements actuels, et, le cas échéant, des taux d’entrée dans le barème peuvent être moins élevés ou s’appliquer à des tranches de patrimoine plus importantes ;

– à chaque donation ou succession suivante perçue tout au long de la vie, la fiscalité s’alourdira dès lors que l’abattement unique aura été saturé, et du fait de la montée automatique dans les tranches du barème.

Les DMTG pourraient dès lors être plus résolument qualifiés d’« impôt sur la propriété en provenance d’un tiers », avec des tarifs croissants au-delà d’une certaine valeur des propriétés perçues tout au long d’une vie.

● Auteure d’une proposition de loi examinée par l’Assemblée nationale en janvier 2022 ([213]), que le rapporteur Nicolas Sansu avait soutenue, mais à laquelle le rapporteur Jean-Paul Mattei n’était pas favorable en raison de son attachement au modèle familial tel que défini par le code civil, la députée Christine Pires Beaune avait proposé :

– de remplacer l’ensemble des abattements applicables par un seul abattement unique, à vie, attribué à chaque contribuable et consommable sur l’ensemble des successions et donations dont il viendrait à bénéficier, quel que soit le lien l’unissant aux donateurs ou défunts : cet abattement était fixé à 300 000 euros ;

– corrélativement de prévoir que le rapport fiscal des donations antérieures s’exercerait sans limite de temps, quelle que soit la date de la donation, comme c’est au demeurant le cas en matière civile ;

– de remplacer l’ensemble des barèmes variant selon les liens familiaux par un barème unique, appliqué dès lors que le flux des donations et successions perçues par un même contribuable aurait saturé l’abattement unique.

Trois tranches étaient proposées, au taux de 30 % sur la fraction nette taxable inférieure à 800 000 euros, de 45 % jusqu’à 1,6 million d’euros, et de 60 % au-delà. Un tel barème aurait été fiscalement neutre pour 95 à 99 % des ménages, le surcroît d’imposition prélevé sur le flux successoral à vie étant susceptible de provenir des seuls millièmes supérieurs.

● Les rapporteurs relèvent que, selon cette approche, la fiscalité ne distinguerait plus entre donations et successions, ce qui supprimerait toutes les incitations à un séquençage des donations dans un but principalement fiscal et mettrait en échec les stratégies de planification successorale.

Le système fiscal serait donc neutre par rapport au libre choix des familles de procéder à des donations aux moments qui leur paraissent véritablement opportuns, et qui ne seraient donc plus dictés par des stratégies d’optimisation.

● Les rapporteurs relèvent néanmoins que cette réforme systémique distendrait les liens qui unissent aujourd’hui le droit fiscal au droit civil. Un même montant transmis sera taxé différemment non pas, comme aujourd’hui, en fonction du lien de parenté mais selon les montants des diverses transmissions reçues par le bénéficiaire.

Du point de vue de celui qui va transmettre un patrimoine, la fiscalité ne serait donc pas aussi lisible qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Alors que le droit actuel permet au donateur de connaître la fiscalité qui sera appliquée aux biens qu’il transmet, puisqu’il connaît les abattements et tarifs du barème en fonction du lien de parenté avec les donataires, dans le système proposé, un parent donateur devra, pour savoir le niveau de fiscalité appliqué in fine aux biens transmis, tenir compte du quantum de fiscalité déjà acquitté antérieurement par le donataire au titre de l’ensemble des transmissions susceptibles d’être déjà intervenues.

Un tel système avantagerait par ailleurs les donataires étrangers et ceux n’ayant pas leur domicile fiscal en France, pour lesquels la possibilité de reconstituer l’ensemble des flux successoraux du donataire serait en pratique impossible.

Enfin, un tel système rendrait difficile la mise en place de dispositifs fiscaux incitant à transmettre de façon anticipée du patrimoine aux jeunes générations, alors même que les rapporteurs ont déjà relevé l’importance de cet enjeu dans l’état actuel de la distribution des patrimoines.

Au bénéfice de ces observations, les rapporteurs souhaitent que les travaux des économistes et des juristes se poursuivent sur les enjeux d’une telle réforme, afin notamment d’en préciser les effets redistributifs et d’en identifier les effets induits.

Afin de suivre le flux successoral total par héritier, cette transformation de la fiscalité des successions et donations aurait, en tout état de cause, pour préalable indispensable la création d’un système d’information efficace et transparent – déjà réclamé par les rapporteurs.

Le rapporteur Nicolas Sansu recommande ainsi de poursuivre les travaux économiques et juridiques pour mesurer les enjeux d’une transformation des DMTG qui assoirait ce prélèvement sur le « flux successoral total perçu tout au long de la vie ».

b.   Un aménagement du principe d’effacement de la plus-value lors des transmissions à titre gratuit mettrait à contribution les patrimoines les plus importants

● Lorsque les héritiers ou les donataires vendent les actifs qui leur ont été transmis, le prix d’achat retenu pour le calcul de la plus-value correspond à la valeur évaluée au moment de la transmission, et non à leur prix d’acquisition par le donateur ou le défunt.

L’article 150–0 D du CGI prévoit que le gain net en cas de cession de valeurs mobilières correspond à la différence entre leur prix de vente et « en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ». L’article 150 VB du même code prévoit des dispositions analogues concernant les cessions de biens immobiliers.

Aucun impôt sur le revenu n’est donc payé sur la partie de la plus-value correspondant à la différence entre le prix d’acquisition historique et le prix évalué au moment de la transmission. Les droits de mutation acquittés au moment de la transmission à titre gratuit sont ainsi considérés comme effaçant la dette fiscale potentielle au titre des plus-values antérieures à la transmission.

Si une plus-value est imposée, c’est uniquement celle qui résulte d’une valorisation du bien postérieure à sa transmission, mais pas la valorisation intervenue entre l’acquisition initiale et la transmission, comme le montre l’exemple présenté dans l’encadré suivant.

Exemple d’« effacement » de la plus-value au décès

En 2003, un investisseur achète 1 000 actions l’Oréal au prix de 50 euros l’unité, soit un investissement de 50 000 euros. À son décès en 2022, le prix de l’action est de 400 euros.

La plus-value s’élève à 1 000 X (400–50) = 350 000 euros. Comme les titres n’ont pas été cédés à titre onéreux avant le décès mais transmis à titre gratuit lors du décès, la plus‑value est considérée comme latente et n’est pas imposée en tant que revenu. Si elle l’avait été, un PFU à hauteur de 105 000 euros aurait dû être acquitté.

En revanche, l’héritier doit bien acquitter des DMTG sur la valeur des titres au moment du décès, soit 400 000 euros.

Si l’on suppose que cet héritier est imposé au taux marginal supérieur des DMTG en ligne directe lors de la succession, il acquitte des DMTG à hauteur de 180 000 euros pour la transmission à titre gratuit de ces titres.

L’héritier décide un an plus tard de revendre les titres, dont la valeur unitaire est passée, depuis le décès, de 400 à 420 euros.

La plus-value imposable au PFU correspond uniquement à la différence entre le prix de vente (420×1 000 = 420 000 euros) et le prix des actions évalué au moment de la succession (400×1 000 = 400 000 euros), soit 20 000 euros. L’imposition de la plus-value représente donc 6 000 euros.

Le décès a ainsi permis d’« effacer » la fraction de la plus-value correspondant à la différence entre le prix lors de la transmission (400×1 000 = 400 000 euros) et le prix d’acquisition historique (50×1 000 = 50 000 euros), soit 350 000 euros.

Sur 370 000 euros de plus-value totale, seuls 20 000 euros auront donc été soumis au prélèvement forfaitaire unique, tandis que les 350 000 euros restants de plus-value auront été soumis uniquement aux DMTG (pour un impôt à hauteur de 180 000 euros).

Si les titres avaient à l’inverse été cédés à titre onéreux juste avant le décès de l’investisseur, il aurait acquitté un PFU à hauteur de 105 000 euros (30 % de 350 000 euros de plus-value). La somme à transmettre à son héritier nette de cet impôt n’aurait représenté que 295 000 euros. Les DMTG à acquitter sur cette transmission de la valeur nette correspondant à ces 400 000 euros de titres auraient été (en reprenant l’hypothèse d’une taxation au taux marginal supérieur en ligne directe) de 132 750 euros.

La somme des impôts acquittés se serait alors élevée à 237 750 euros (soit un surcroît d’imposition de l’ordre de 32 % par rapport à une transmission effaçant la plus-value).

Source : commission des finances, d’après Guillaume Hannezo, FIPADDICT, La grande conversation, 2022 (lien).

● La transmission permet ainsi l’« effacement » au titre de l’impôt sur le revenu, d’une plus-value antérieurement restée « latente », et non imposée, dans le patrimoine du donataire ou du défunt.

Les conséquences fiscales sont très hétérogènes selon la composition et les montants de patrimoines mais il est manifeste que l’avantage est concentré en faveur des plus hauts patrimoines sous l’effet de plusieurs facteurs :

 la rentabilité du capital financier croît avec les montants investis, le volume permettant de diversifier les risques ou d’accéder aux véhicules d’investissement les plus lucratifs, à « ticket d’entrée » élevé. En conséquence, les plus-values latentes constituées sur la durée par les ménages les plus fortunés sont généralement élevées, ce qui permet d’effacer des montants importants de plus-values par le biais de transmissions à titre gratuit ;

 comme les rapporteurs l’ont déjà souligné (voir supra), le patrimoine constitué de titres financier de participations, notamment dans les « tirelires défiscalisantes » des holdings patrimoniales, bénéficie de mécanismes de report d’imposition de la plus-value. L’effacement de la plus-value à la transmission fait donc échec au rattrapage fiscal ;

 enfin, le régime Dutreil limite considérablement les DMTG acquittés lors de la transmission des parts d’entreprises, ce qui accroît, pour les hauts patrimoines, l’avantage procuré par leur cession ultérieure, alors que n’aura au final été acquitté ni l’impôt sur la plus-value antérieure à la transmission, ni la totalité de la fiscalité de droit commun au titre de la transmission.

● Selon une étude récente ([214]), le phénomène a pu être quantifié aux États-Unis, où le décès, mais pas la donation, permet également d’« effacer » la plus-value : pour les ménages américains les plus fortunés, 44 % du patrimoine transmis au décès serait composé de plus-values latentes non imposées.

● Comme le soulignait déjà, en 2002 ([215]), le sénateur Philippe Marini, alors rapporteur général du budget, « la France est un des rares pays à pratiquer la purge des plus-values en cas de mutation à titre gratuit ».

Le Sénateur Marini citait par exemple le cas du Royaume-Uni, où, en matière de donation entre vifs, « le paiement de l’impôt sur les plus-values est dû par le donateur sauf lorsqu’il s’agit de biens professionnels pour lesquels l’imposition est reportée jusqu’à leur cession ultérieure par le donataire ».

De même, l’Allemagne ou la Suède prévoient que les titres de société entrent dans le patrimoine des héritiers et donataires à leur prix d’acquisition historique, ce qui conduira à acquitter, lors de leur revente, la plus-value réalisée depuis l’origine.

● Il serait donc possible d’assimiler fiscalement la transmission à titre gratuit à une cession et d’octroyer automatiquement un report ou un sursis d’imposition pour la plus-value latente constatée, sous réserve que l’héritier ou le donataire prenne l’engagement d’acquitter l’impôt lors de la revente effective des actifs.

Un tel transfert de la charge fiscale existe déjà en droit français par exemple en matière de plus-values professionnelles en cas de cession à titre gratuit d’une entreprise individuelle, sous condition de poursuite de l’activité. La plus-value dégagée est en principe immédiatement imposable entre les mains du donateur ou du défunt mais peut faire l’objet d’un report : si le report prend fin, les plus-values deviennent imposables entre les mains du bénéficiaire de la transmission à titre gratuit ([216]).

● L’impôt supplémentaire ne serait donc pas acquitté lors de la donation ou du décès : c’est uniquement lors de la revente que l’héritier ou le donataire serait alors imposé sur la totalité de la plus-value, et non plus sur la seule fraction de la plus-value constituée postérieurement à la transmission.

Afin d’éviter que le contribuable ne soit taxé sur une plus-value latente jamais devenue effective, et donc selon des modalités qui ne respecteraient pas ses facultés contributives, il conviendrait sans doute de privilégier un mécanisme de sursis d’imposition plutôt que de report d’imposition. Le sursis permettrait en effet de ne liquider l’assiette de la plus-value que lors de la cession définitive, et donc sur le montant définitif effectif de celle-ci. À l’inverse, un report, qui établit l’assiette de l’impôt dû dès le moment où le report est accordé, pourrait présenter le risque de générer une imposition sur la plus-value excédant celle effectivement réalisée, dans le cas où tout ou partie de la plus-value latente antérieure à la transmission est effacée par une moins-value postérieure à cette transmission.

Afin d’éviter que le contribuable ne paie « de l’impôt sur l’impôt », il conviendrait d’envisager que le montant à acquitter au titre de la taxation de la plus-value soit réduit à hauteur des DMTG payés lors du décès ou de la donation au titre de l’assiette dont l’imposition a été différée.

Enfin, il conviendrait de réfléchir aux modalités selon lesquelles pourraient être traités le cas de transmissions successives des biens sans que la plus-value soit jamais réalisée ainsi que celui de la cession d’un bien immobilier (pour lequel d’une part la durée de détention du bien conditionne l’application d’abattements pour durée de détention et d’autre part le statut d’occupation du bien au jour de sa cession peut permettre l’application d’une exonération).

● Les rapporteurs relèvent que le Conseil constitutionnel admet que le législateur transfère la charge d’imposition du donateur au donataire en cas de report d’imposition, dès lors que « lorsqu’il accepte la donation, le donataire a une connaissance exacte du montant et des modalités de l’imposition des plus-values placées en report qui grève les titres qu’il reçoit » ([217]).

● La mesure ne pénaliserait pas les reprises d’entreprises familiales, largement exonérées de DMTG sous l’effet des pactes Dutreil, et ce n’est qu’au moment de la revente de leurs parts que les héritiers seraient redevables de l’impôt sur les plus-values. La mesure pourrait en outre encourager la stabilité du capital des entreprises familiales dont les actionnaires pourraient préférer recevoir un dividende plutôt que d’acquitter un impôt sur la plus-value en report.

Ainsi que le relevait le sénateur Marini en 2002 : « si, en cas de donation entre vifs, le paiement de l’impôt sur les plus-values était mis à la charge du donataire et reporté jusqu’à la cession du bien par ce dernier, on n’aurait plus besoin de multiplier les engagements de conservation : le donataire saurait qu’en cas de vente, il aurait à payer la plus-value. »

● L’étude déjà mentionnée a proposé une simulation de rendement de l’ordre de 2 milliards d’euros par an avec un seuil d’assujettissement correspondant à celui des anciens contribuables à l’ISF, qui représentaient 0,9 % des foyers fiscaux en 2017.

Ceci correspond aux 2 500 milliards d’euros de patrimoine du premier centile supérieur, dont on peut estimer qu’il est constitué à 30 % de plus-values latentes, ce qui correspond à une assiette de 750 milliards d’euros. Dans l’hypothèse d’un taux de mortalité de 2 %, l’assiette annuelle imposable serait donc de 15 milliards d’euros (30 % de 50 milliards d’euros).

Le rendement proposé de 2 milliards d’euros résulte d’une estimation prudente, après prise en compte de la réduction des DMTG acquittés sur la même assiette. En effet, si les plus-values mobilières en report se verraient par défaut appliquer le PFU de 30 %, le rendement serait réduit des prélèvements sociaux qui sont d’ores et déjà prélevés sur les transmissions d’assurances-vie ou de PEA par exemple, de même que l’assiette des plus-values immobilières serait réduite sous l’effet des abattements pour durée de détention.

Recommandation : Pour garantir un traitement fiscal plus équitable en cas de cession à titre onéreux des titres transmis sous le régime d’un pacte Dutreil, retenir pour le calcul de la plus-value de cession réalisée, comme valeur d’acquisition des titres, la valeur des titres au jour de leur transmission à titre gratuit après application de l’exonération de 75 %.

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C.   Fiscalité de l’immobilier

Propos introductif : L’appréciation des niveaux de la fiscalité sur l’investissement l’immobilier ne peut faire abstraction de celle de sa valorisation portée par la hausse considérable des prix du foncier.

Selon Pierre Madec, en France, au cours des 20 ²dernières années, les prix immobiliers ont été multipliés par 2,4 quand les coûts de construction ne croissaient « que » de 50 %, comme les loyers environ. À Paris, les prix immobiliers ont été multipliés par plus de 3,5 au cours de la période. Un investissement locatif parisien a vu sa valorisation multipliée par 5 en 20 ans, même si son rendement n’a pas crû dans les mêmes propositions. C’est deux fois plus qu’un investissement similaire effectué sur le marché obligataire et près de trois fois plus qu’un investissement similaire réalisé sur le marché des actions.

comparaison de la valorisation des investissements sur longue pÉriode

Source : Pierre Madec, Évolutions passées et réorientations possibles de la politique du logement, septembre 2022, p. 8.

La déconnexion entre les prix immobiliers et les coûts de construction est également importante à souligner et à analyser. Celle-ci illustre la place prise par le foncier dans la valorisation immobilière. À la fin des années 1990, le foncier représentait moins de 20 % du patrimoine immobilier total des ménages. Aujourd’hui, cette part atteint presque 50 %. Autrement dit, plus que la qualité des logements ou leur coût de production, c’est bien la localisation de ces derniers qui s’est fortement valorisée au cours des 20 dernières années.

Les prix du foncier répondent à une logique de compte à rebours

Une fois déterminé le prix de sortie espéré du bien neuf, est déduite l’estimation des coûts de réalisation du projet pour aboutir au montant maximal de charge foncière « acceptable ».

En phase ascendante du cycle, la hausse du prix du foncier est donc plus ample que celle de l’immobilier, selon le mécanisme du compte à rebours. On parle d’effet de levier des prix de l’immobilier sur les prix du foncier.

En phase descendante, la proposition symétrique n’est pas vraie : lorsque le prix de l’immobilier baisse, on observe que le prix du foncier, certes, baisse mais dans une bien moindre mesure, car les propriétaires fonciers acceptent rarement d’enregistrer une chute significative du prix de leur terrain. On parle dans ce cas d’un effet de cliquet.

Alors que l’évolution du revenu disponible des ménages constitue l’un des facteurs explicatifs standards de la dynamique des prix immobiliers, on observe, à partir du début des années 2000, une déconnexion entre revenu des ménages et valorisation du patrimoine immobilier. Entre la fin des années 1970 et la fin des années 1990, le patrimoine immobilier des ménages représentait en moyenne, et sans fluctuation notable, 2,5 années de revenu disponible des ménages. Ce ratio a doublé au début des années 2000 pour atteindre aujourd’hui près de 5,5 années. Le nombre de transactions immobilières n’a toutefois cessé de croître durant cette même période.

1.   L’IFI : un impôt imparfait qui doit être adapté

L’impôt sur la fortune immobilière (« IFI ») a été institué par l’article 31 de la loi de finances pour 2018 ([218]) et codifié aux articles 964 à 983 du code général des impôts (« CGI »). Il remplace à compter de l’année 2018 l’impôt sur la fortune (« ISF »).

L’IFI est un impôt déclaratif, progressif et payable annuellement assis sur les actifs immobiliers (soit les biens comme les droits immobiliers) détenus par les personnes physiques, dont la valeur du patrimoine net taxable est supérieure à 1,3 million d’euros. L’appréciation de ce patrimoine taxable est différente selon que la personne est fiscalement domiciliée en France ou non, au sens de l’article 4B du CGI. Pour une personne physique domiciliée en France, le fait générateur de l’imposition est ainsi d’être, au 1er janvier de l’année d’imposition, propriétaire d’un patrimoine imposable tel que défini à l’article 965 du CGI situé en France et hors de France ([219]), d’une valeur nette supérieure à 1,3 million d’euros ; pour une personne physique domiciliée hors de France le patrimoine pris en compte est limité aux seuls biens et droits immobiliers possédés au 1er janvier de l’année d’imposition situés en France.

La résidence fiscale au sens de l’article 4 B du CGI

Aux termes de l’article 4 B du CGI, doivent être considérées comme ayant leur domicile fiscal en France :

– les personnes qui ont en France leur foyer ;

– celles qui ont en France le lieu de leur séjour principal ;

– celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;

– celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

Ces critères sont alternatifs et indépendants les uns des autres. Pour l’IFI, l’appréciation du domicile fiscal se fait au 1er janvier.

Une exonération totale est prévue, sous certaines conditions, en faveur des actifs professionnels mentionnés à l’article 975 et 976 du CGI. Sont ainsi exonérés, sous condition, les actifs immobiliers affectés à certaines activités et qui peuvent, en partie ou en totalité, être regardés comme l’outil de travail du redevable (actifs professionnels) ([220]).

Taux d’IFI par tranche (article 977 CGI)

En 2022, près de 164 000 foyers ont reçu de l’administration fiscale un avis d’IFI ([221]) pour un montant total d’imposition d’environ 1,8 milliard d’euros, soit 10 % de hausse par rapport à 2021.

données relatives à l’ISF puis l’IFI entre 2012 et 2022

ISF puis IFI

Nombre de redevables

(en milliers)

Patrimoine moyen taxable

(en millions d’euros)

Impôt moyen

(en milliers d’euros)

2012

290

2,79

8,1

2013

312

2,69

11,6

2014

331

2,73

11,5

2015

343

2,77

11,4

2016

351

2,81

11,5

2017

358

2,87

11,8

2018

133

2,33

9,7

2019

139

2,39

10,7

2020

143

2,42

10,9

2021

153

2,44

10,9

2022

164

2,47

11,2

Sources : réponses de la DGFiP adressées aux rapporteurs, à partir des fichiers de l’impôt de solidarité sur la fortune et de l’impôt sur la fortune immobilière de 2012 à 2022.

a.   Un impôt focalisé sur la richesse immobilière, qui pèse excessivement sur les classes moyennes

À l’inverse de son prédécesseur, l’ISF, dont l’assiette était constituée de la valeur nette de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables ([222]), l’IFI se concentre uniquement sur la valeur nette des biens immobiliers détenus par les contribuables. D’autres formes de richesse, telles que les actifs financiers, les investissements en actions ou les biens professionnels, ne sont pas pris en compte.

Outre la distorsion dans la répartition de la charge fiscale introduite par cette assiette qui met l’accent sur un seul type d’actif, le régime actuel de l’IFI appelle une réflexion s’agissant du sort de la résidence principale, qui constitue un élément « incompressible » de l’assiette de l’IFI, c’est-à-dire un bien dont ses propriétaires ne peuvent se passer ([223]) – et qui conduit de fait à assujettir à l’IFI de nombreux redevables n’ayant pas des revenus très élevés.

Au 1er janvier 2022, près de 71 500 foyers avaient déclaré un patrimoine immobilier imposable compris entre 1,3 et 1,8 million d’euros ; contre seulement 709 foyers ayant déclaré un patrimoine immobilier imposable de plus de 15 millions d’euros. Autrement dit, près de la moitié (44 %) des foyers à l’IFI disposent d’un patrimoine immobilier imposable inférieur à 1,8 million d’euros ; et trois foyers imposés sur 10 ont un patrimoine situé entre 1,8 et 2,5 millions d’euros ; contre 0,4 % pour lesquels le patrimoine déclaré est supérieur à 15 millions d’euros.

Nombre de foyers à l’IFI en 2022 et IFI médian par foyer
par tRanche de patrimoine immobilier imposable

(en euros)

Une tendance déjà observable à l’époque de l’ISF

Frédéric Douet, professeur à l’Université Rouen-Normandie et membre du Conseil des prélèvements obligatoires, rappelle ([224]) qu’à l’époque de l’ISF, 70 % des foyers fiscaux avaient un patrimoine imposable compris entre 1,3 et 2,4 millions d’euros, patrimoine qui était composé à environ 80 % d’actifs immobiliers, dont une grande part au titre de leur résidence principale. La tendance s’inversait parmi les 30 % restants, titulaires d’un patrimoine composé à environ 80 % d’actifs financiers.

L’augmentation des prix de l’immobilier aggrave ce phénomène, en faisant entrer dans l’assiette de l’IFI de nouveaux redevables dont le patrimoine s’est fortement apprécié, du fait par exemple de l’augmentation du prix du foncier (cf. supra), sans pour autant que leurs revenus se soient accrus en parallèle.

Évolution du nombre d’assujettis à l’IFI

(en milliers)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre d’assujettis à l’IFI

133

139

143

153

164

Source : DGFiP, fichiers de l’impôt sur la fortune immobilière de 2018 à 2022.

La part de la résidence principale dans le patrimoine immobilier imposable des foyers à l’IFI décroît lorsque celui-ci augmente. Plus un foyer imposé sur sa fortune immobilière a un patrimoine immobilier imposable important, moins sa résidence principale (laquelle bénéficie d’un abattement fiscal de 30 %) constitue une part prépondérante de celui-ci. Pour les foyers dont le patrimoine taxable pèse entre 1,3 million et 2,5 millions d’euros, la résidence principale, après abattement, représente à elle seule un tiers des biens et des droits taxables. Ce pourcentage passe à 6 % pour les foyers qui disposent d’un patrimoine supérieur à 10 millions d’euros ([225]).

Composition du patrimoine immobilier des foyers à l’IFI
par tranche de patrimoine imposable en 2022

Cette situation pose la question de l’indexation du barème de l’IFI sur l’inflation – une pratique constante aux premiers temps de l’ISF ([226]). La période 1997-2004 fut ainsi la première au cours de laquelle le barème n’a pas été actualisé pour tenir compte de l’évolution des prix. Cette absence d’actualisation du barème avait conduit à l’entrée mécanique de nombreux redevables dans l’impôt, sans pour autant que cela ne corresponde un « enrichissement réel » de ces derniers.

Dans une note de septembre 2022 ([227]), la fondation IFRAP compare le seuil d’assujettissement à l’IFI (anciennement ISF), soit 1,3 million d’euros, au seuil qui résulterait de son indexation, depuis 2013, sur l’évolution de l’indice des logements neufs et anciens ([228]). Le seuil d’assujettissement en 2021 dans l’hypothèse d’une telle indexation aurait été de près de 1,6 million d’euros.

Assujettissement à l’ISF et à l’IFI si l’impôt était indexé sur les prix des logements neufs et anciens

https://www.ifrap.org/sites/default/files/sffs1.jpg

Source : IFRAP.

Une telle revalorisation du plancher d’entrée dans le dispositif aurait un coût budgétaire proche de 130 millions d’euros selon l’IFRAP. Interrogé par les rapporteurs, le bureau de chiffrage de la DLF a estimé à 18 millions d’euros le coût budgétaire de l’indexation sur l’inflation du seuil d’assujettissement à l’IFI pour la seule année 2023 ([229]).

Recommandation : Indexer le seuil d’assujettissement à l’IFI sur l’inflation.

 

b.   L’abattement de 30 % sur la résidence principale : un dispositif à plafonner

Pour l’assiette de l’impôt sur la fiscalité immobilière (IFI), la résidence principale fait l’objet d’un abattement de 30 % sur sa valeur vénale au 1er janvier de l’année d’imposition ([230]). Cet abattement avait en 2021 un coût budgétaire de 305 millions d’euros.

Il bénéficie principalement aux très hauts patrimoines, dont la valeur de la résidence principale est en règle générale supérieure à celle des patrimoines moins importants : pour les patrimoines s’élevant de 1,3 million à 1,39 million d’euros, le montant de l’avantage fiscal s’élève à 28 millions d’euros ; il est de 61 millions pour les patrimoines de plus de 3,53 millions.

À la demande des rapporteurs, la DGFiP a réalisé une simulation d’un plafonnement de cet abattement :

– le plafonnement à 400 000 euros de l’abattement de 30 % au titre de la résidence principale dans le cadre de l’IFI 2021 rattachée aux revenus 2020, génère un gain budgétaire de 54 millions d’euros ;

– le plafonnement à 600 000 euros de l’abattement de 30 % au titre de la résidence principale dans le cadre de l’IFI 2021 rattachée aux revenus 2020, génère un gain budgétaire de 25 millions d’euros.

Les rapporteurs recommandent ainsi de plafonner l’abattement à 600 000 euros (ce qui correspond à une résidence principale d’une valeur vénale de 2 millions d’euros).

Recommandation : Plafonner l’abattement de 30 % sur la résidence principale existant dans l’assiette de l’IFI à 600 000 euros.

c.   Un impôt insuffisamment progressif en raison notamment du dispositif de plafonnement

En application de l’article 979 du CGI, l’impôt sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est soumis à un dispositif de plafonnement. L’impôt dû est réduit de la différence entre ([231]) :

– d’une part le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger et des retenues non libératoires ;

– d’autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l’année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l’imputation est autorisée par l’article 156 du CGI, ainsi que des revenus exonérés d’impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.

Le plafonnement de l’IFI permet ainsi de limiter la somme de cet impôt et des impôts sur les revenus de l’année précédente à 75 % de ces revenus. Si ce pourcentage est dépassé, l’excédent constaté vient en diminution de l’IFI dû ; cet excédent n’est ni imputable sur d’autres impositions ni restituable.

Le plafonnement, un dispositif tiré des exigences constitutionnelles ([232])

Le mécanisme du plafonnement de l’IFI vise à éviter « tout effet potentiellement confiscatoire de l’impôt », selon l’évaluation préalable de l’article 12 du projet de loi de finances pour 2018 créant l’IFI.

Sur le fondement de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, le Conseil constitutionnel veille à ce que l’imposition établie ne méconnaît pas les capacités contributives des contribuables et, notamment, qu’elle ne revêt pas un caractère confiscatoire (cf. supra. I.).

Ce dispositif de plafonnement bénéficie cependant très largement aux contribuables les plus aisés. Il entraîne une économie d’IFI de plus de 100 millions d’euros pour les contribuables ayant un patrimoine net imposable supérieur à 10 millions d’euros ; contre une économie de 3 millions d’euros pour ceux dont le patrimoine se situe entre 1,3 et 2,57 millions d’euros.

Répartition des bénéficiaires du mécanisme du plafonnement

Patrimoine net imposable

Nombre de bénéficiaires

(en milliers)

IFI avant plafonnement (en M€)

IFI après plafonnement (en M€)

Coût
(en M€)

Entre 1,30 M€ et 2,57 M€

0,58

4

1

3

Entre 2,57 M€ et 5 M€

0,58

13

5

7

Entre 5 M€ et 10 M€

0,60

38

20

18

Supérieur à 10 M€

0,57

147

45

103

Total

2,32

202

70

131

Source : DGFiP, fichiers de l’impôt sur la fortune immobilière 2022.

Le rapporteur Nicolas Sansu recommande ainsi de « plafonner le plafonnement » afin de limiter l’évitement de l’impôt par les ultra-riches.

d.   Le caractère purement déclaratif de l’IFI pose des difficultés tant pour les contribuables que pour l’administration fiscale

Contrairement à d’autres impôts, l’IFI est un impôt exclusivement déclaratif.

Cela pose en premier lieu une difficulté pour les redevables. L’évaluation précise de la valeur vénale des biens immobiliers peut être difficile pour eux à établir, et les conduire à déposer une déclaration erronée. Si une tolérance de 10 % sur la valeur des biens est admise, l’administration fiscale peut, au-delà, procéder à un redressement ([233]). Le délai de reprise de l’administration est de trois ans ([234]). Le contribuable doit alors régler le surplus d’IFI dû sur les trois dernières années, ainsi que les pénalités de retard prévues à l’article 1727 du CGI. En cas de sous-évaluation très significative, l’administration peut invoquer un manquement délibéré de la part du contribuable ; il est alors fait application, outre l’intérêt de retard, d’une majoration des droits de 40 % ([235]) (article 1729 du CGI).

Cela pose en second lieu une difficulté pour les autorités fiscales, qui ne disposent pas d’une connaissance de l’assiette de l’IFI. Interrogée par les rapporteurs, la DGFiP a ainsi indiqué qu’elle ne disposait pas d’un chiffrage des conséquences d’une sous-valorisation des patrimoines imposables déclarés à l’IFI.

L’administration fiscale doit justifier l’estimation qu’elle fait du bien immobilier en cas de rectification d’une déclaration d’IFI

Dans un arrêt du 24 juin 2020, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu’en cas de contestation de l’évaluation d’un bien taxé au titre de l’IFI faite par un contribuable, l’administration fiscale devait étayer ses affirmations en se fondant sur plusieurs exemples à titre de comparaison (Cass. Com, 24.6.2020, K 18-10.477).

Afin de renforcer la sécurité juridique des contribuables et leur éviter le paiement d’un intérêt de retard dû même en cas d’erreur de bonne foi, les rapporteurs recommandent de réfléchir à faire évoluer le caractère purement déclaratif de l’IFI. Cela pourrait par exemple prendre la forme d’un pré-remplissage de la déclaration d’IFI par l’administration, sur la base, par exemple, des données disponibles dans la base Patrim. À cet effet, les rapporteurs recommandent d’étendre les données disponibles dans la base Patrim aux ventes de biens situés en Alsace-Moselle et à Mayotte, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Il conviendrait sans doute, dans une telle hypothèse de pré-remplissage, à la fois de faire apparaître de manière très explicite que le contribuable a toute latitude pour corriger et compléter les données ainsi pré-remplies et de limiter ce pré-remplissage aux biens pour lesquels des termes de comparaison en nombre suffisant sont disponibles dans la base Patrim (ce qui exclurait notamment les propriétés d’exception).

Il conviendrait également d’éviter que ce pré-remplissage, qui ne serait applicable qu’aux contribuables ayant déjà déposé une première déclaration d’IFI antérieurement, ne conduise indirectement à « geler » l’entrée dans cet impôt car les contribuables situés juste en-dessous du seuil d’assujettissement auraient l’impression de demeurer légitimement hors de cette imposition.

Les rapporteurs recommandent également de réfléchir, alternativement, à la mise en place d’un système de tiers déclarant, pour accompagner les contribuables dans leur déclaration.

Recommandation : Mettre en place un système de pré-remplissage des déclarations IFI par la DGFiP, et examiner la possibilité de mettre en place un système de tiers déclarants, qui serait sécurisant pour le contribuable et une garantie sur la qualité de la déclaration.

2.   Revenus fonciers : revenir sur les incitations à la location meublée non professionnelle.

a.   Les revenus issus de la location meublée ou de la location nue sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR) selon différentes modalités fiscales.

● Les revenus de location nue, assujettis dans la catégorie des revenus fonciers, sont soumis au régime micro-foncier ou au régime réel.

Le régime fiscal des locations nues prévoit l’assujettissement des revenus correspondants à l’IR dans la catégorie des revenus fonciers ([236]) et l’imposition au régime des plus-values des particuliers en cas de cession de l’immeuble loué ([237]). Les règles d’imposition à l’IR diffèrent selon que le montant annuel des revenus fonciers est inférieur ou supérieur à 15 000 euros ([238]) :

– les revenus locatifs fonciers dont le montant annuel n’excède pas 15 000 euros sont automatiquement soumis au régime micro-foncier, ouvrant droit à un abattement forfaitaire de 30 % sur les recettes brutes imposées ([239]). Compte tenu de cet abattement, destiné à être représentatif de l’ensemble des charges de la propriété, il n’est pas possible d’effectuer des déductions complémentaires sur le revenu brut au titre de ce bien, ni de constater des déficits fonciers à l’exception de ceux constatés antérieurement à l’application du régime micro-foncier ;

Les revenus locatifs inférieurs à 15 000 euros sont automatiquement soumis au régime micro-foncier. Le propriétaire peut toutefois opter pour le régime réel. Dans le cas où un contribuable opte pour le régime réel, alors qu’il est susceptible de bénéficier du régime micro-foncier, il doit le faire pour une durée incompressible de trois ans ([240]).

– Les revenus locatifs fonciers dont le montant annuel dépasse 15 000 euros sont imposés au régime réel qui permet la déduction de nombreuses charges ([241]) telles que les dépenses de travaux de réparation et d’amélioration, les dépenses de diagnostics, les frais de gestion, les taxes foncières et les intérêts d’emprunts. Il n’est toutefois pas possible de déduire l’amortissement contrairement au régime BIC applicable pour la location meublée (cf. infra). Contrairement au régime micro-foncier, il est possible de constater un déficit foncier pouvant être déduit du revenu global de l’année. S’il excède un certain seuil (10 700 euros), la fraction de ce déficit foncier supérieure à ce seuil n’est pas déductible du revenu global mais peut être reportée et déduite durant six ans de l’ensemble des revenus (et durant dix ans des seuls revenus fonciers).

Dès lors, le choix entre le régime micro-foncier et le régime foncier réel pour les particuliers ayant moins de 15 000 euros annuels de revenus bruts fonciers est à apprécier en fonction du montant des charges réelles déductibles. Si ces charges sont supérieures à 30 %, le régime réel sera plus opportun. Cette situation sera notamment rencontrée dans le cas où le particulier réalise des travaux importants d’amélioration de son logement.

● Les revenus des locations meublées sont imposés en tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et soumis au régime micro-BIC ou au régime BIC réel.

Les revenus issus de la location meublée sont assujettis à l’IR en tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ([242]). Les règles diffèrent selon que le montant annuel des revenus locatifs est inférieur ou supérieur à 77 700 euros ([243]) :

– Les revenus locatifs annuels n’excédant pas 77 700 euros sont automatiquement soumis au régime micro-BIC si le régime réel n’est pas choisi, ouvrant droit à un abattement forfaitaire de 50 % sur les recettes brutes imposées ;

– Les revenus locatifs annuels supérieurs à 77 700 euros sont imposés au régime BIC réel qui permet la déduction des frais et charges (travaux, intérêts d’emprunt, assurance, frais de gestion, etc.). En particulier, l’amortissement des biens loués peut être déduit des revenus locatifs ([244]) : il n’est ensuite pas réintégré dans le calcul de la plus-value imposable.

Le régime fiscal des locations meublées distingue les locations meublées professionnelles des locations meublées non professionnelles.

En application de l’article 155 du CGI, l’activité de location est exercée à titre professionnel dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies ([245]) : 1) les recettes annuelles tirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal sont supérieures à 23 000 euros et 2) ces recettes excèdent les autres revenus professionnels du foyer fiscal soumis à l’IR.

En cas de location meublée professionnelle :

– les revenus tirés de la location de meublés touristiques classés et de chambres d’hôte dont le chiffre d’affaires n’excède pas 188 700 euros ([246]) sont soumis au régime micro-BIC et bénéficient d’un abattement forfaitaire pour frais de 71 % ;

– les déficits nés de cette activité professionnelle peuvent être imputés sur le revenu global et les plus-values de cession sont imposées dans les conditions de droit commun applicables aux entreprises ([247]).

À l’inverse, les loueurs en meublés non professionnels ne peuvent imputer les déficits nés de l’activité de location que sur les revenus de location meublée non professionnelle de la même année et des 10 années suivantes et la cession des biens loués relève du régime des plus-values des particuliers.

RÉGIMES FISCAUX S’APPLIQUANT AUX LOCATIONS NUES ET MEUBLÉES

 

Location meublée non professionnelle

(Revenus locatifs < 23 000 

OU < 50 % des revenus globaux du foyer)

Location meublée professionnelle

(Revenus locatifs > 23 000 

ET > 50 % des revenus globaux du foyer)

Location nue

Régime

Micro-BIC

BIC réel

Micro-BIC

BIC réel

Micro-foncier

Foncier réel

Condition

Revenus < 77 700 €

Revenus >77 700 €

Revenus < 72 600 € ([248]) ou

176 200 € ([249])

Revenus >188 700 €

Revenus <15 000 €

Revenus >15 000 €

Abattement pour charges

50 % des revenus

Charges réelles et amortissement

71 % des revenus

Charges réelles et amortissement

30 % des revenus

Charges réelles (hors amortissement)

Déductibilité des intérêts d’emprunt

Non

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Report de déficit

Non

Sur les revenus tirés de la location meublée durant 10 ans

Non

Sans limitation de montant, sur le revenu global, pendant 6 ans

Non

Dans la limite de 10 700 € par an sur les revenus fonciers ou globaux, entre 6 et 10 ans

Régime d’imposition des plus-values de cession

Régime des plus-values des particuliers (l’amortissement déduit n’est pas réintégré dans le calcul de la plus-value imposable)

Régime des plus-values professionnelles

Régime des plus-values des particuliers

Source : commission des finances.

b.   La comparaison des différents régimes fiscaux montre un avantage fiscal en faveur de la location meublée non professionnelle et touristique de courte durée.

● La fiscalité est plus favorable à la location meublée qu’à la location nue.

D’après le Conseil des prélèvements obligatoires ([250]), en 2018, la distorsion fiscale introduite par la différence de traitement des locations nues et meublées crée un écart de rendement significatif entre l’investissement dans un meublé (taux de rendement interne -TRI- estimé à 3 %) et l’investissement dans le nu (TRI estimé à 2 %), sans justification économique apparente.

Les taux d’imposition des revenus, au titre de l’IR et des prélèvements sociaux, s’appliquent aux revenus nets (i.e. après application des abattements). Dans le cas général, il apparaît donc que le régime micro-BIC présente des avantages très importants en comparaison du régime micro-foncier (50 % d’abattement contre 30 % d’abattement).

Le régime BIC réel de la location meublée non professionnelle (LMNP) ouvre une possibilité d’optimisation fiscale par la déduction de l’amortissement qui permet de neutraliser totalement le revenu locatif imposable, dans la mesure où le revenu imposé correspond à la différence entre les produits imposables et les charges déductibles. Il peut également permettre de déduire l’amortissement du prix d’achat du bien. S’agissant de l’exercice du droit d’option, la DGFiP estime que 3 % des particuliers éligibles au régime micro-BIC au titre de l’année 2020, ont opté pour le statut réel ([251]).

D’après la simulation de l’avantage fiscal lié au régime LMNP réalisée par le CPO en 2018, « pour une acquisition immobilière de 200 000 euros rapportant des loyers de 11 000 euros par an pendant 15 ans, l’amortissement pratiqué en LMNP permet d’éliminer totalement la charge fiscale alors qu’un contribuable relevant du régime foncier, dans les mêmes conditions, aura à s’acquitter, sur la période, de 37 000 euros au titre de l’IR sur les revenus fonciers » ([252]).

Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable ([253]) de 2016 démontre le caractère distorsif, en faveur de la location meublée, des différences entre les deux régimes et leur coût implicite pour les finances publiques. La perte de recettes fiscales à l’IR et aux prélèvements sociaux liées au régime LMNP par rapport au régime foncier serait de l’ordre de 330 à 380 millions d’euros par an, dont les deux tiers résulteraient de la règle de l’amortissement. L’impact pourrait être croissant étant donné le nombre croissant de contribuables optant pour le régime LMNP (+ 11 % par an en moyenne entre 2009 et 2013).

● L’abattement de 71 %, accordé aux meublés professionnels au régime micro-BIC, apparaît de nature à inciter à la location de courte durée.

Dans le cas plus particulier des meublés de tourisme classés, l’abattement supplémentaire accordé (71 % d’abattement au total) apparaît de nature à inciter à la location de courte durée, y compris dans les zones touristiques très tendues. Cet avantage fiscal accordé aux meublés de tourisme interroge d’autant plus que les revenus issus de la location de courte durée sont très supérieurs à ceux pouvant être générés par la mise en location en longue durée.

Par ailleurs, les seuils jusqu’auxquels le régime micro-BIC peut être utilisé – 72 600 euros dans le cas classique (soit 6 050 euros /mois) et 176 200 euros pour la location de gîtes ruraux, de meublés de tourisme classés ou de chambres d’hôtes (soit 14 683 euros /mois) – sont de nature à permettre d’exercer une activité de location de meublés à titre professionnel en utilisant le régime micro-BIC.

c.   Un alignement progressif du régime fiscal de la location meublée non professionnelle sur le régime fiscal de la location nue permettrait de supprimer cette distorsion fiscale.

Le CPO préconise d’harmoniser le traitement fiscal des revenus immobiliers autour d’un régime foncier unique adapté ([254]) qui se caractériserait par un taux d’abattement fixé à 40 % au régime micro-foncier et la fin de la possibilité de constater un amortissement au réel. La réforme fiscale proposée abaisserait d’environ un point la rentabilité des investissements locatifs en meublé par rapport au régime LMNP. L’impact positif pour les finances publiques de l’assujettissement des revenus des locations meublées à un régime foncier adapté serait compris entre 42 millions d’euros et 120 millions d’euros.

La DGFiP, auditionnée dans le cadre de cette mission, a toutefois alerté les rapporteurs sur le fait que tout ajustement visant à rapprocher le régime fiscal de la location meublée non professionnelle de celui de la location nue aurait pour conséquence d’accentuer la différence avec le régime applicable aux activités de location exercées à titre professionnel. À cet égard, toute mesure tendant à accorder à une telle activité professionnelle un traitement distinct de celui des autres activités professionnelles relevant des BIC devrait être justifiée par une différence de situation objective.

À défaut d’une unification des régimes fiscaux de la location meublée et de la location nue, ou d’un alignement du premier sur le second, supprimer la capacité pour les loueurs de meublés professionnels et non professionnels, d’inclure dans leurs charges déductibles dans le cadre du régime réel BIC les intérêts d’emprunt et l’amortissement des locaux lorsque le bien générant des loyers n’est pas la résidence principale du locataire, constituerait une première avancée en ce sens.

Recommandation : Mettre en place un régime foncier unique intermédiaire entre les actuels régime micro-foncier applicable à la location nue et régime micro-BIC applicable à la location meublée

d.   Définir un statut spécifique de l’investisseur immobilier

Au-delà de la remise en cause des avantages accordés à la location meublée, il pourrait être envisagé de donner plus de lisibilité à la fiscalité des revenus fonciers.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur Jean-Paul Mattei a par exemple déposé un amendement visant à créer un statut de l’investisseur immobilier avec application du PFU pour les revenus fonciers en contrepartie d’un engagement de location du bien immobilier de plus d’un an, d’un encadrement des loyers, et d’un diagnostic de performance énergétique de catégorie D ([255]).

Ce statut, sur option, n’ouvrirait pas, en contrepartie, le bénéfice des autres dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement locatif, notamment pas en matière de déficits fonciers.

Il s’agirait, en instaurant une fiscalité incitative sur les revenus fonciers assujettis à l’impôt sur le revenu, de récompenser les bailleurs vertueux et de faciliter la mise en location de longue durée de biens rénovés pour les ménages ne pouvant accéder à la propriété.

Le rapporteur Jean-Paul Mattei recommande de mettre en place un statut de l’investisseur immobilier avec application du PFU pour les revenus fonciers en contrepartie d’un certain nombre de conditions (engagement de location du bien immobilier de plus d’un an, encadrement des loyers, diagnostic de performance énergétique de catégorie D au moins).

3.   Les taxes sur les logements vacants

En application de l’article 232 du code général des impôts, une taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) est applicable dans les communes situées dans des zones où il existe des difficultés d’accès au logement, afin d’inciter les propriétaires à remettre sur le marché (incitation à la location ou à la cession) des logements actuellement non occupés. Cette taxe est une imposition obligatoire, instituée au profit de l’État, portant sur les logements vides et inoccupés depuis plus d’un an au 1er janvier de l’année d’imposition, et dont le taux est fixé par le législateur (17 % de la valeur locative cadastrale la première année d’imposition puis 34 % les années suivantes).

Par ailleurs, dans les autres communes, peut être instituée, sur délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre compétent, une taxe d’habitation sur les logements vacants (article 1407 bis du CGI). Elle est applicable aux logements vides et inoccupés depuis plus de deux ans au 1er janvier de l’année d’imposition. Son taux ne peut être librement fixé mais correspond à celui de la taxe d’habitation de la commune. Ses recettes alimentent le bloc communal.

Ces deux impositions présentent donc des caractéristiques bien distinctes et sont exclusives l’une de l’autre.

Jusqu’au 31 décembre 2022, la taxe annuelle sur les logements vacants s’appliquait de plein droit aux logements vides et inoccupés depuis plus d’un an au 1er janvier de l’année d’imposition ([256]), situés dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. Ce déséquilibre était caractérisé au regard de trois critères :

– le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;

– le niveau élevé des loyers ;

‑ le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens.

La taxe sur les logements vacants a été progressivement renforcée ([257])

Si le critère de déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements a toujours été présent, la taille minimale des zones d’urbanisation était à l’origine de 200 000 habitants et la vacance devait être d’une durée de deux années au moins. Son taux, applicable à la valeur locative cadastrale, était de 10 % la première année d’imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la troisième année. Son produit était affecté à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

La deuxième loi de finances rectificative pour 2012 a porté le taux à 12,5 % la première année d’imposition, 15 % la deuxième année et 20 % à compter de la troisième année.

La loi de finances pour 2013 a ensuite abaissé le seuil de taille de la zone d’urbanisation à 50 000 habitants et la durée de vacance déclenchant l’application de la taxe à une année ; elle a également porté le taux à 25 % à partir de la deuxième année.

La loi de finances pour 2022 a mis fin à l’affectation d’une fraction du produit de la taxe à l’ANAH, en la compensant par un relèvement du plafond d’affectation à cette agence du produit de la vente des quotas carbone.

Enfin, la loi de finances pour 2023 a modifié les critères relatifs aux communes soumises à cette taxe (voir infra) et a porté le taux à 17 % la première année d’imposition et 34 % à compter de la deuxième année.

La liste des communes où la taxe est instituée, en fonction des critères édictés par le législateur est fixée par un décret du 10 mai 2013 ([258]), modifié pour la dernière fois en 2015 ([259]). Elle comprend plus de 1 100 communes dans 28 agglomérations situées dans le même nombre de départements.

Périmètre d’application de la tlv jusqu’au 31 décembre 2022

Source : ministère de la transition écologique et d’a cohésion des territoires

L’article 73 de la loi de finances pour 2023 ([260]), issu d’un amendement de notre collègue Xavier Roseren, étend le périmètre de cette taxe. Depuis le 1er janvier 2023, la taxe est désormais appliquée dans les communes qui n’appartiennent pas à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants qui connaissent un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements. Cet article définit de nouveaux critères pour caractériser ce déséquilibre, en remplaçant le critère du nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social par celui d’une proportion élevée de résidences secondaires (les deux autres critères listés supra sont maintenus).

L’article 74 de la loi de finances pour 2023 modifie en outre le taux de la TLV, qui passe de 12,5 % à 17 % la première année d’imposition, et de 25 % à 34 % à compter de la deuxième.

 

Article 232 du CGI dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2023

« I. – La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable :

« 1° Dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;

« 2° Dans les communes ne respectant pas les conditions prévues au 1° du présent I où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou la proportion élevée de logements affectés à l’habitation autres que ceux affectés à l’habitation principale par rapport au nombre total de logements.

[…] »

Les rapporteurs saluent cette évolution ainsi que la prise, en application de cette récente modification législative, du décret 2023-822 du 25 août 2023, qui modifie le décret de zonage du 10 mai 2013 en actualisant la liste des communes soumises à cette taxe.

4.   La fiscalité des plus-values immobilières doit être rendue plus neutre sur les choix de cession ou de rétention

● Les plus-values réalisées par une personne physique à l’occasion d’une cession immobilière sont soumises à l’impôt sur le revenu (IR).

Depuis la loi de finances pour 2004 ([261]), elles ne sont pas soumises au barème progressif, mais à un taux forfaitaire, fixé à 19 % par l’article 200 B du CGI.

S’y ajoutent 17,2 % au titre des prélèvements sociaux sur le patrimoine, ce qui porte le taux global d’imposition à 36,2 %.

● En outre, les plus-values immobilières taxables figurent dans le revenu fiscal de référence (RFR) du foyer fiscal et, à ce titre, entrent dans l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) qui s’ajoute à l’IR lorsque le RFR dépasse 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 euros pour un couple, avec un taux marginal de 4 %.

Il en résulte un taux marginal d’imposition des plus-values immobilières parmi les plus élevés d’Europe, comme le montre le tableau suivant.

Exemples de taux marginaux de taxation des plus-values immobilières appliqués dans des États européens

Source : réponse de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

Le taux marginal retenu comprend, pour la France, 36,9 % au titre de l’IR et des prélèvements sociaux ainsi que 4 points au titre du taux marginal de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).

● Par ailleurs, depuis 2013 ([262]), les plus-values sur les cessions immobilières autres que les terrains à bâtir, supportent une taxe supplémentaire et distincte « sur les plus-values immobilières élevées », dès lors qu’elles dépassent 50 000 euros : il est appliqué un taux progressif de 2 % à 6 % selon le montant de la plus-value ([263]). Le rendement est de 72 millions d’euros en 2022, affecté au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

● Cependant, le niveau d’imposition au taux « facial » est atténué par le fait que la plus-value imposable est calculée après application d’un abattement progressif après 5 ans de détention du bien.

Le régime des abattements a été particulièrement instable depuis 20 ans :

– en 2004 ([264]), l’abattement avait été fixé à 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année, ce qui permettait une exonération complète de plus-values au-delà de la quinzième année de détention ;

 en 2011 ([265]), dans le but d’accroître le rendement de l’impôt, ce régime linéaire d’abattement a été remplacé par des cadences progressives, au taux de 2 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année, puis de 4° % chaque année de détention au-delà de la dix-septième et enfin de 8 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-quatrième. L’exonération complète était dès lors acquise après 30 ans de détention.

 enfin, la loi de finances pour 2014 ([266]) a de nouveau modifié le régime des abattements, en distinguant la cadence applicable à l’imposition à l’IR et celle applicable aux prélèvements sociaux, selon les modalités présentées dans le tableau suivant.

Taux d’abattements pour durÉe de dÉtention sur plus-values immobiliÈres

Durée de détention

Taux d’abattement par année de détention

Assiette pour l’impôt sur le revenu

Assiette pour les prélèvements sociaux

Moins de 6 ans

0 %

0 %

De la 6e à la 21e année

6 %

1,65 %

22e année révolue

4 %

1,6 %

Au-delà de la 22e année

Exonération

9 %

Au-delà de la 30e année

Exonération

Source : Article 150 VC du CGI et 2 du VI de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Il en résulte une exonération complète de la plus-value imposable après 22 ans au titre de l’IR, et après 30 ans au titre des prélèvements sociaux.

Par comparaison, l’Italie et la Belgique exonèrent en totalité les plus-values après une détention de 5 ans et l’Allemagne après 10 ans.

● En outre, il existe de nombreux cas d’exonération totale ou partielle de la plus-value de cession, énumérés à l’article 150 U du CGI.

Le principal est l’exonération complète de la plus-value de cession de la résidence principale du cédant, qui est également appliquée à la première cession d’un logement autre que la résidence principale lorsque le cédant n’a pas été propriétaire de sa résidence principale depuis 4 ans et dès lors qu’il emploie les sommes pour acquérir une résidence principale.

Cette exonération de principe n’est pas considérée comme une dépense fiscale et son coût budgétaire n’est pas chiffré.

Les rapporteurs se sont interrogés sur la pertinence de cette exonération de principe, dès lors que certains propriétaires occupants peuvent bénéficier de plus-values de cession très élevées.

Certes, la cession de la résidence principale vise, le plus souvent, à financer l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, et la plus-value constatée peut simplement refléter une hausse générale des prix immobiliers qui renchérit également le coût d’acquisition du nouveau logement : il n’en résulte donc pas toujours un enrichissement illégitime du propriétaire et un impôt sur la plus-value pourrait, au même titre que les taxes sur les transactions immobilières (voir infra) rendre plus difficile le parcours résidentiel.

A minima, il pourrait donc être envisagé de n’appliquer l’exonération qu’à due proportion de la part de la valeur de la résidence principale cédée réinvestie dans l’acquisition d’une nouvelle résidence principale.

Une telle réforme présenterait l’avantage de ne pas pénaliser les parcours résidentiels tout en imposant le surcroît de plus-value.

Par ailleurs les rapporteurs considèrent qu’une plus-value d’un montant important peut, par elle-même, attester d’une capacité contributive nouvelle du propriétaire, que la fiscalité ne saurait méconnaître.

Il pourrait donc être envisagé d’introduire un plafond de l’exonération de la plus-value de cession de la résidence principale, au-delà duquel le montant de la plus-value se verrait appliquer les règles d’imposition de droit commun, et donc, le cas échéant, une exonération partielle ou totale en fonction de la durée de détention.

Le plafond pourrait correspondre à un montant fixe de plus-value, défini à un niveau élevé : un point de repère peut être fourni, à ce titre, par le montant de 260 000 euros, seuil du taux marginal d’imposition à la taxe sur les plus-values immobilières élevées de l’article 1609 nonies G du CGI.

Cela permettrait de viser :

– les valorisations des biens des propriétaires dans le décile supérieur des revenus ou des patrimoines, qui acquièrent des biens très coûteux et constatent donc des plus-values, même de proportion modérée, qui peuvent aisément dépasser plusieurs centaines de milliers d’euros ;

– ou les cessions de biens immobiliers de prix moins élevés mais bénéficiant de plus-values disproportionnées, qui peuvent traduire les effets d’une rente de situation liée, par exemple, à une plus-value d’urbanisme ou d’aménagements financés par la collectivité, ou encore d’une localisation en zone tendue.

Le rapporteur Nicolas Sansu recommande de mieux tenir compte de la capacité contributive procurée par la plus-value de cession de la résidence principale en envisageant :

– de n’appliquer l’exonération de la plus-value qu’à due proportion de la part de la valeur de la résidence principale cédée réinvestie dans l’acquisition d’une nouvelle résidence principale

– de plafonner cette exonération en valeur absolue.

● Existent également les régimes de faveur suivants :

– l’exonération de la plus-value de cession de la résidence des titulaires de pensions de vieillesse ou d’invalidité, sous conditions de revenus et de patrimoine ;

 l’exonération du bien exproprié à la suite d’une déclaration d’utilité publique ou du bien cédé par un particulier ayant exercé son droit de délaissement, sous condition de remploi de l’intégralité de l’indemnité ou du prix de cession pour l’acquisition, la construction la reconstruction ou l’agrandissement d’immeubles dans un délai de 12 mois ;

 l’exonération du bien échangé dans le cadre de certaines opérations de remembrement urbain considérées comme des opérations intercalaires, et qui doivent être réalisées par l’intermédiaire d’associations foncières urbaines ou d’associations syndicales urbaines ;

– l’exonération de la plus-value de cession du bien vendu directement ou indirectement à un organisme en charge du logement social ou à un opérateur privé qui s’engage à réaliser ou achever des logements sociaux : établi en 2005 ([267]), ce dispositif est régulièrement prorogé depuis lors et en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. La dépense fiscale est évaluée à 10 millions d’euros ;

 un abattement de 70 % ([268]), sous conditions, des plus-values de cessions d’immeubles bâtis destinés à la démolition, en vue de la construction de logements, dans le périmètre d’une opération de revitalisation du territoire (ORT) ou d’une grande opération d’urbanisme (GOU). Le taux est porté à 85 % si les logements sociaux ou intermédiaires représentent 50 % de la surface totale de construction. Le dispositif est applicable aux promesses de vente conclues jusqu’au 31 décembre 2023 et aux constructions réalisées jusqu’au 31 décembre 2025.

Ces deux derniers dispositifs feront l’objet d’un rapport d’évaluation que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 30 septembre 2023, comme demandé par la loi de finances pour 2023 ([269]), ce qui doit permettre de décider, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, s’il convient de continuer de les proroger, de les réformer ou de les supprimer.

L’imposition des plus-values immobilières des personnes morales

Les cessions immobilières des entreprises sont traitées comme des cessions d’actifs immobilisés.

● Pour les entreprises soumises à l’IR :

Les plus-values (et moins-values) de court terme sont traitées comme le résultat ordinaire, avec possibilité d’étalement de l’imposition sur trois ans. Sont considérées comme de court terme les plus-values réalisées après moins de deux ans de détention. Cependant, pour les biens immobiliers amortissables (les bâtiments par opposition aux terrains), la part correspondant à l’amortissement déduit du bien relève du régime des cessions à court terme, même après deux ans.

Les plus et moins-values à long terme réalisées au cours de l’exercice font l’objet d’une compensation générale et sont imposées au taux réduit de 12,8 %, majoré des prélèvements sociaux (17,2 %).

En matière de biens immobiliers (article 151 septies B), il est appliqué un abattement de 10 % par an après 5 années de détention. L’exonération est donc totale après 15 ans. Elle s’applique aux immeubles, bâtis ou non, affectés par l’entreprise à sa propre exploitation ainsi qu’aux droits et parts de sociétés à prépondérance immobilière, et aux droits afférents à un contrat de crédit-bail immobilier.

● Pour les entreprises soumises à l’IS, les plus et moins-values immobilières sont traitées fiscalement comme un résultat ordinaire.

● Le rendement total de cette fiscalité s’élève en moyenne à 2,7 milliards d’euros par an, depuis 10 ans, tout en présentant des écarts importants selon les années (3,4 milliards d’euros en 2022), en fonction des volumes de cessions, des prix de l’immobilier mais également des abattements dont les effets sont parfois difficiles à déterminer, malgré la stabilité des paramètres appliqués depuis 2014.

Rendement de la fiscalité sur les plus-values immobilières

 

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Impôt sur le revenu

1 835

1 519

1 020

885

903

1 034

1 091

1 080

995

1 347

1 595

Prélèvements sociaux

1 207

1 154

1 402

1 452

1 557

1 859

2 077

1 423

1 249

1 627

1 836

Total

3 042

2 673

2 422

2 337

2 460

2 893

3 168

2 503

2 244

2 974

3 431

Source : commission des finances, d’après les réponses de la DGFiP au questionnaire des rapporteurs.

● Dans son rapport précité, le Conseil des prélèvements obligatoires avait estimé le coût budgétaire des abattements pour durée de détention à 3,6 milliards d’euros, dont 1,85 milliard d’euros au titre des prélèvements sociaux et 1,74 milliard d’euros au titre de l’IR.

Surtout, le CPO relevait que le régime des abattements peut inciter à la rétention des biens dans le seul but d’être exonéré de la plus-value, ce qui va à l’encontre :

– d’un objectif de libération du foncier et de fluidité du marché immobilier, puisqu’une fiscalité favorable à la détention longue favorise les stratégies consistant à temporiser, en particulier dans les périodes de hausse des prix immobiliers ;

– d’un objectif d’équité, puisque, selon leurs niveaux de patrimoine et leurs revenus, toutes les catégories de propriétaires n’ont pas les mêmes capacités de rétention foncière et d’arbitrage intertemporel des cessions à des fins d’optimisation fiscale.

Inversement, les représentants de l’administration fiscale ont fait valoir aux rapporteurs que l’étalement de la chronique des abattements vise à lutter contre les comportements spéculatifs, notamment en zones tendues.

● À cet égard, les rapporteurs relèvent que la durée actuelle de détention pour une exonération totale est très supérieure à la durée moyenne nationale de détention des biens à usage d’habitation par les propriétaires au moment de leur revente, qui est de l’ordre de 9 années pour les appartements et de 10 années pour les maisons.

La chronique actuelle des abattements crée en outre des effets de seuil qui peuvent inciter à conserver le bien quelques années de plus, y compris sans en optimiser l’usage, afin de bénéficier d’une hausse des abattements : c’est en particulier le cas pour les prélèvements sociaux, puisque la conservation du bien au-delà de la vingt-deuxième année de détention permet de bénéficier d’abattements supplémentaires de 9 % par an contre 1,65 % ou 1,6 % les années précédentes.

● La fiscalité des plus-values immobilières doit donc concilier les objectifs de lutte contre la spéculation et de lutte contre la rétention foncière, tout en évitant des modifications trop fréquentes ou peu lisibles.

Plutôt que de nouvelles modifications de la chronique des abattements pour durée de détention, les rapporteurs suggèrent d’aller au-delà de cette approche « paramétrique » par la réforme systémique recommandée par le Conseil des prélèvements obligatoire dans son rapport précité : la suppression des abattements pour durée de détention et leur remplacement par une actualisation de la valeur d’acquisition du bien. Cette actualisation pourrait reposer par exemple sur la prise en compte de l’érosion monétaire (application de l’évolution de l’indice des prix à la consommation), ou bien encore sur la prise en compte du renchérissement du marché immobilier (application de l’évolution de l’indice du coût de la construction) ou de l’évolution du rendement des biens immobiliers (application de l’évolution de l’indice de référence des loyers pour les biens immobiliers bâtis et de l’évolution de l’indice national des fermages pour les biens immobiliers non bâtis).

Il serait donc tenu compte du délai écoulé depuis la date d’acquisition du bien en renchérissant le prix d’acquisition selon un indice statistique objectif :

 le traitement fiscal serait neutre par rapport aux choix de cession ou de rétention du propriétaire, ce qui supprimerait les stratégies d’arbitrage inter-temporel à visée principalement fiscale ;

 la plus-value imposable prendrait compte des facultés contributives du contribuable, ce qui est nécessaire pour répondre aux exigences constitutionnelles d’égalité devant la loi fiscale ([270]).

Si les représentants des administrations ont fait part aux rapporteurs de la grande prudence du Gouvernement devant la perspective d’une telle réforme, au motif qu’il serait difficile d’identifier les effets budgétaires du passage d’un système à l’autre, les rapporteurs soulignent que l’on constate les mêmes variations importantes de rendement dans le cadre du régime actuel, et que les systèmes d’information de la DGFiP ne sont pas plus en mesure de simuler les effets d’éventuelles nouvelles réformes paramétriques de cette fiscalité.

Au demeurant, si l’on peut craindre que cette réforme, comme toute réforme, soit défavorable à de nombreuses personnes et génère des effets de fébrilité chez les propriétaires ou suscite des comportements attentistes, préjudiciables pour le marché immobilier, il est parfaitement possible de prévoir une entrée en vigueur progressive avec une sortie « en sifflet » du système des abattements pour durée de détention consistant à les appliquer à une partie progressivement réduite de l’assiette de la plus-value.

Néanmoins, dans la mesure où le droit constitutionnel fiscal ne confère aucun droit acquis, pour l’avenir, au régime des abattements pour durée de détention, sa suppression sans transition est parfaitement possible.

Recommandation : Remplacer les abattements pour durée de détention par l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction d’un indice statistique (inflation, coût de la construction) pour déterminer la plus-value imposable. L’exonération sur la résidence principale serait maintenue. En raison du côté systémique de la mesure, prévoir un délai de prévenance.

Le rapporteur Jean-Paul Mattei souligne qu’une telle mesure devrait être planifiée dans le temps afin de ne prendre personne à rebours, et appelle à être vigilant quant au choc des ventes qu’elle pourrait entraîner.

 

5.   Les taxes foncières, un impôt à rénover

Les taxes foncières sont issues des contributions directes, établies à partir de 1791 sous la Révolution française avec d’autres contributions directes (dites « quatre vieilles »). Initialement perçues au profit de l’État, ces taxes sont devenues des impôts locaux lors de la création de l’impôt sur le revenu en 1914. La « contribution foncière » a alors donné naissance aux contributions foncières bâties et non bâties, en 1914 et 1917 respectivement. En 1974, la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité directe, prévue par l’ordonnance n° 59-108 du 7 janvier 1959, a remplacé ces contributions par les taxes foncières sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties (TFNB).

Biens soumis aux TFPB et TFNB

Les biens soumis à ces impôts sont recensés aux articles 1380, 1381 et 1393 du code général des impôts (CGI).

S’agissant de la TFPB, une propriété doit remplir les deux conditions suivantes pour être imposable :

– être fixée au sol (avec impossibilité de la déplacer sans la démolir) ;

– et présenter le caractère de véritable bâtiment, y compris les aménagements faisant corps avec elle.

Les principaux biens imposables sont donc les suivants : habitation (maison ou appartement) ; parking ; sol des bâtiments et terrains formant une dépendance indispensable et immédiate d’une construction ; bateau utilisé en un point fixe et aménagé pour l’habitation, le commerce ou l’industrie ; bâtiment commercial, industriel ou professionnel ; installation industrielle ou commerciale (hangar, atelier, cuve, etc.) ; terrain à usage commercial ou industriel ou utilisé, dans certaines conditions, pour la publicité.

Fondées sur la détention d’un patrimoine foncier, les TFPB et TFNB sont dues par les propriétaires d’immeubles ou de terrains quelle qu’en soit l’utilisation. Leur produit est destiné, depuis 2021, uniquement au bloc communal et elles sont acquittées tant par les professionnels que par les particuliers.

Les collectivités territoriales, et dans certains cas les EPCI à fiscalité propre, peuvent percevoir des taxes annexes ou additionnelles aux taxes foncières : taxe additionnelle à la TFPB (article 1519 I du CGI), taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM, article 1520 CGI), taxe additionnelle spéciale annuelle (TASA) au profit de la région Île-de-France (article 1599 quater D du CGI) etc. Elles ne seront pas évoquées ici.

En 2021, le montant total des recettes de TFPB et TFNB s’élevait à 35,3 milliards d’euros, contre un peu moins de 33 milliards en 2016. La TFPB représente l’essentiel de ce montant.

Source : Cour des comptes, « Les taxes foncières. Exercices 2016-2021 » Observations définitives, 2023.

a.   Les taxes foncières sont un impôt insuffisamment progressif pesant essentiellement sur les ménages

  1.   Un impôt pesant essentiellement sur les ménages

La charge des taxes foncières repose essentiellement sur les ménages. La Cour des comptes ([271]) indique ainsi que 32 millions de personnes physiques propriétaires sont imposables à la TFPB, soit un impôt total d’environ 21,2 milliards d’euros. Ce montant a progressé de 13 % entre 2016 et 2021. Il représente 65,5 % du produit total de la taxe foncière sur le bâti ([272]). 76 % du montant de la TFNB est quant à lui acquitté par les personnes physiques en 2021, une proportion en léger retrait par rapport à 2016.

Ventilation (en %) du rendement de la taxe foncière sur les propriétés bâties par type de local

Source : DGFiP.

La Cour des comptes indique qu’un propriétaire est imposé en moyenne à hauteur de 849 euros au titre de la taxe foncière sur l’ensemble de ses propriétés. La taxe foncière moyenne à verser pour un local détenu par des personnes physiques s’élève à 694 euros en 2021, contre 680 euros en 2020, tous types de locaux confondus. Ce poids croissant de la taxe foncière dans le revenu des ménages était déjà souligné par le CPO dans son rapport de 2009.

Une étude de l’Insee de 2021 ([273]) a en outre relevé de fortes disparités en fonction du lieu de résidence via l’étude du taux d’effort (part moyenne de la taxe foncière dans le revenu disponible des ménages imposables à la TFPB et TFNB). Si ce taux est proche de 2 % dans l’ouest et dans l’est de la France, il est supérieur à 3 % dans le sud-ouest et dans les zones proches de la Méditerranée.

  1.   La taxe foncière sur les propriétés bâties, un impôt insuffisamment progressif

L’étude de l’Insee précitée montre que les taxes foncières sont globalement des impôts progressifs en fonction du niveau de vie – un constat assez logique dans la mesure où la propriété immobilière est concentrée chez les ménages les plus aisés (la part de ménages propriétaires est plus faible chez les ménages modestes).

Cependant, le constat est inversé en rapportant la taxe foncière au revenu des ménages imposables. La Cour des comptes note ainsi que la part de la taxe foncière dans le revenu disponible des ménages imposables décroît en fonction du niveau de vie, en particulier pour les premiers déciles. Elle se stabilise ensuite entre 2 et 3 %, avant de diminuer à nouveau pour les 5 % de redevables les plus aisés.

Par de la taxe foncière dans le revenu disponible des ménages
en fonction des centiles de revenu

Source : Cour des comptes, à partir des données Insee (par souci de lisibilité, les deux premiers centièmes de la distribution des niveaux de vie ne sont pas représentés).

La répartition du prélèvement par décile de revenus, communiquée par la DGFiP, confirme cette absence de progressivité. Un ménage se situant au milieu du deuxième décile de revenu fiscal de référence (RFR d’environ 4 000 euros par part, soit 8 000 euros pour un couple), acquittera une TFPB moyenne de 1 021 euros, soit environ 12,5 % du RFR du ménage. Ce pourcentage tombe à 4 % pour un ménage se situant au milieu du 6e décile (15 000 euros de RFR par part, soit 30 000 euros pour un couple) ; et à 3,5 % pour un ménage se situant à la borne inférieure du RFR du 10e décile (31 600 euros de RFR par part, soit 63 200 euros au total).

Pour corriger le caractère régressif de la TFPB, le rapporteur Nicolas Sansu recommande d’étudier l’encadrement de la contribution en fonction du RFR. Les pertes pour le bloc communal seront compensées par l’État.

 

 

b.   Une base d’imposition obsolète : la nécessité de repenser la valeur locative cadastrale

La base imposable des taxes foncières repose sur la notion fondamentale de « valeur locative cadastrale » ([274]) (VLC) qui correspond au « loyer annuel théorique que pourrait produire un immeuble bâti ou non bâti, s’il était loué dans des conditions normales » ([275]).

Le calcul des VLC repose sur une première classification des biens en bâti et non bâti. Pour les propriétés bâties, en application de l’article 1388 du CGI, l’administration détermine dans un premier temps la « surface pondérée totale » de la propriété bâtie ([276]), qui est ensuite multipliée par le tarif fixé dans la commune en 1970 ([277]) pour cette catégorie d’habitation. Le résultat de ce calcul, appelé « valeur locative cadastrale valeur 1970 », est ensuite actualisé et revalorisé, en application de règles figurant à l’article 1516 du CGI :

– une mise à jour annuelle comportant la constatation des constructions nouvelles, des changements de consistance, d’affectation, de caractéristiques physiques et d’environnement ;

– une actualisation triennale des valeurs locatives issues de la précédente révision générale ;

– une révision générale des évaluations tous les six ans.

Cette valeur locative cadastrale (« VLC »), diminuée par la suite d’un abattement forfaitaire de 50 % ([278]), donne le revenu cadastral, qui constitue l’assiette de la TFPB, à laquelle sont appliqués les taux fixés par les collectivités locales bénéficiaires de cet impôt.

  1.   Aucune révision générale n’est intervenue depuis 1970 ([279])

Depuis 1970, aucune révision générale des VLC n’a eu lieu, et une seule actualisation est intervenue (depuis 1980 ([280]), c’est la valeur locative actualisée au 1er janvier 1978 ([281]) qui est retenue pour établir la base taxable, conformément à ce qui figure aujourd’hui à l’article 1518 III du CGI).

Cette ancienneté des bases de calcul a engendré de nombreuses incohérences par rapport à la valeur actuelle des biens sur le marché ([282]) : les valeurs locatives cadastrales ne reflètent que très imparfaitement le revenu fictif que rapporterait l’immeuble. Selon le CPO, la taxe foncière repose ainsi sur une base économique dont l’incohérence ne peut être que dénoncée.

Pour y remédier, l’article 146 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu les modalités de mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH). En particulier, cette loi précisait que les résultats de la RVLLH seraient intégrés dans les rôles d’imposition 2026, et apportait des précisions sur le calendrier relatif aux travaux préparatoires ainsi que sur les mises à jour des tarifs et les futures révisions.

L’exemple d’une récente révision de certaines valeurs locatives cadastrales

Une révision de la VLC des locaux professionnels (tels que définis à l’article 1498 du CGI ([283])) et des locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale a été réalisée en 2017. En 2021, une révision de la VLC des locaux industriels a été engagée. Cette réforme des VLC s’est accompagnée de la mise en place de mécanismes permettant d’éviter des perturbations trop fortes pour les propriétaires concernés et pour le bloc communal.

Dans ses observations définitives publiées en 2023 sur les taxes foncières ([284]), la Cour des comptes recommande au Gouvernement de dresser un bilan de la révision menée sur les locaux professionnels afin d’en tirer des enseignements qui pourront être utiles pour la révision de la VLC des locaux d’habitation. La Cour estime également indispensable de doter les collectivités territoriales d’outils d’analyse afin de leur permettre de mesurer l’impact de cette révision sur leurs recettes de taxe foncière.

L’article 106 de la loi de finances pour 2023 a décalé de deux ans le calendrier initialement voté. Autrement dit, les résultats de la RVLLH seront intégrés dans les rôles d’imposition émis en 2028.

Le report des travaux préparatoires et obligations déclaratives
par la loi de finances pour 2023

– décalage de la date de référence de l’état du marché locatif pour la RVLLH du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2025, avec un report de la date limite de dépôt des obligations déclaratives du 1er juillet 2023 au 1er juillet 2025 ;

– lancement en 2027 des travaux de détermination des nouveaux paramètres départementaux d’évaluation par les commissions locales et départementales ;

– décalage de l’entrée en vigueur de l’obligation annuelle de déclarer à l’administration les loyers de ces locaux avant le 1er juillet de chaque année de 2024 à 2026 ;

– report de 2029 à 2031 de l’actualisation sexennale des valeurs locatives des locaux d’habitation.

Les difficultés d’actualisation des bases foncières ne sont pas propres à la France. Le CPO indiquait ainsi aux rapporteurs lors de son audition que l’Allemagne, l’Autriche, le Luxembourg retenaient également des valeurs historiques datant de plusieurs décennies.

Recommandation : Faire en sorte que la révision des valeurs locatives cadastrales soit bien mise en œuvre d’ici 2028.

  1.   Une mise à jour annuelle indiciaire qui déconnecte la taxe foncière de la réalité du marché

Dans l’intervalle de deux actualisations prévues par l’article 1518 CGI, les valeurs locatives cadastrales sont, en application de l’article 1518 bis du CGI, majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances de l’année. Depuis 2018, à la suite de la loi de finances pour 2017, les modalités permettant de fixer ce coefficient annuel ont été pérennisées – et dépendent de l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) constatée pour l’année écoulée. Le législateur fiscal n’a plus besoin d’intervenir expressément en loi de finances de l’année pour que cette actualisation intervienne, et il n’a jusqu’à présent jamais souhaité déroger à cette actualisation automatique. Comme le rappelait le CPO lors de son audition, la TF est ainsi déconnectée de l’évolution des marchés immobiliers locaux, créant des disparités territoriales et des inégalités entre contribuables.

Détail du calcul du coefficient de revalorisation

Le 15 décembre, l’INSEE a publié l’augmentation de l’IPCH (Indice des prix à la consommation harmonisé) définitif du mois de novembre 2022 : 7,1 % en un an. Cet indice permet de calculer le coefficient de revalorisation de la valeur locative cadastrale qui s’appliquera en 2023.

Pour rappel, en 2022, l’augmentation était de 3,4 %.

La Cour des comptes indique que, depuis la mise en œuvre de cette modification, le taux annuel moyen d’évolution des valeurs locatives lié à l’application de ces coefficients forfaitaires est de 2,64 %, valeur supérieure de 1,3 point au taux moyen constaté sur la période 2009-2017.

Coefficient de majoration appliqué aux valeurs cadastrales
(hors locaux professionnels)

Source : CPO, à partir des données Insee 2023.

Selon le CPO, la révision des bases de la taxe foncière puis leur actualisation selon un coefficient de majoration reflétant les évolutions du marché immobilier local contribueraient à assurer une meilleure prise en compte des plus-values immobilières latentes dans la fiscalité.

Recommandation : Réfléchir à un critère de revalorisation annuelle des valeurs locatives cadastrales qui reflète davantage l’évolution des marchés immobiliers locaux.

De la valeur locative 1970 à la base taxable de la TFPB

Source : Assemblée nationale, commission des finances.

  1.   Réfléchir à l’utilisation d’une estimation de la valeur vénale comme assiette de la taxe foncière

Si la révision des VLC apparaît comme nécessaire, les rapporteurs y voient une solution a minima ; ils recommandent de réfléchir à une assiette de TFPB plus pertinente.

Selon les rapporteurs, les valeurs locatives ne sont pas une base d’imposition adaptée, ainsi que l’a montré la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, mise en œuvre à partir du 1er janvier 2017.

La révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) s’applique aux locaux professionnels, commerciaux et biens divers définis à l’article 1498 du CGI ([285]). Depuis le 1er janvier 2017, tous les locaux professionnels entrant dans le champ de la RVLLP ([286]) disposent d’une nouvelle valeur locative révisée, qui est égale au produit de la surface pondérée par un tarif au mètre carré, éventuellement ajusté d’un coefficient de localisation.

Les nouveaux paramètres d’évaluation de ces VLC ont cependant eu des effets indésirables, pénalisant les petits commerces locaux ([287]). En outre, les difficultés rencontrées pour mettre en œuvre le mécanisme d’actualisation sexennale de ces valeurs locatives ([288]), initialement prévu en 2022, ont conduit à repousser celle-ci à 2025 (article 103 de la loi de finances pour 2023 ([289])).

Plusieurs voix plaident en faveur d’un calcul de la taxe foncière sur la base d’une estimation de la valeur vénale de l’immeuble davantage que sur la base des valeurs locatives cadastrales, qui reposent sur une estimation du revenu locatif potentiel. Dans le contexte actuel, où l’évolution de la valeur des biens immobiliers a été durablement très supérieure à celle de leur rendement locatif, il est incontestable qu’une assiette ainsi modifiée présenterait un dynamisme et un surcroît de recettes pour les collectivités bien supérieurs à ce que pourrait procurer une revalorisation de la valeur locative cadastrale.

Il convient toutefois de faire observer que, dans la mesure où la taxe foncière est un impôt portant sur la détention et non sur la mutation des biens immobiliers, la référence à la valeur de rendement du bien immobilier est susceptible de rendre compte de manière plus exacte de la capacité contributive du propriétaire du bien immobilier, en particulier s’il s’agit d’un bien loué.

Selon le CPO, la révision des valeurs cadastrales ou l’adoption d’une estimation de la valeur vénale comme assiette des taxes foncières poursuivent l’objectif commun de rapprocher l’assiette de l’imposition de l’évolution réelle du marché immobilier local. Une majorité de pays européens utilisent cependant la valeur vénale ; et celle-ci sert également d’assiette pour l’IFI.

Les rapporteurs recommandent de réfléchir à cette évolution tout en restant attentifs à ses limites. Le rapport du CPO de 2018 estimait par exemple que l’actualisation de l’estimation de la valeur vénale sur la base de l’observation de transactions similaires pouvait être moins fiable que l’actualisation des valeurs cadastrales sur la base de l’observation des loyers des logements voisins.

Recommandation : Lancer une réflexion sur une évolution de la base d’imposition à la taxe foncière pour remplacer les valeurs locatives cadastrales par une estimation de la valeur vénale.

c.   Une connaissance de l’impôt à améliorer

Dans son rapport 2009, le CPO regrettait l’absence de distinction des ménages et des entreprises ou des indépendants dans l’établissement du rôle et l’identification des ménages parmi les contribuables. Cette situation est toujours d’actualité – la Cour des comptes souligne dans son rapport que « la ventilation des bases nettes ainsi que du produit des taxes foncières selon le type de propriétaire (personne physique, entreprise ou autre personne morale) permettrait de mieux appréhender les effets des choix de politique publique sur un temps long, particulièrement l’abattement de 50 % de la valeur locative des locaux industriels. Elle affinerait également l’approche de ces impositions classées dans la catégorie statistique des impôts pesant sur les ménages alors qu’elles concernent des acteurs économiques distincts ».

Cette situation est encore plus prégnante concernant la TFPNB. Si dans le cas de la TFPB, l’habitation peut servir d’indice pour déceler, derrière la propriété, la nature juridique du propriétaire, rien ne permet, dans le cas des propriétés non bâties, de distinguer des biens qui seraient a priori plutôt la propriété des ménages et d’autres qui seraient les biens des producteurs (indépendants, entreprises…)

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF) a regretté durant son audition que la DGFiP ne puisse produire de telles données, qui constituent des informations importantes pour le pilotage de cet impôt.

Recommandation : Fournir aux décideurs locaux des informations statistiques précises sur la nature des contribuables assujettis aux taxes foncières dans leur commune (particuliers, entreprises, taille de l’entreprise le cas échéant…) ([290]).


6.   Les droits de mutation à titre onéreux, un impôt essentiel dont l’impact sur les transactions immobilières doit être limité

Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sont des impôts sur la transmission du patrimoine du contribuable dont le fait générateur est l’accomplissement d’actes ou d’opérations juridiques.

Le régime fiscal des DMTO est un système complexe, qui varie selon la nature du bien transmis (biens immobiliers, biens mobiliers - cession de fonds de commerce principalement – ou droits sociaux). Le présent rapport ne s’intéressera qu’aux DMTO portant sur les mutations immobilières.

Les droits de mutation à titre onéreux recouvrent en réalité plusieurs impôts ([291]) :

– un droit d’enregistrement, dû lors de l’accomplissement de l’acte de mutation ;

– une taxe de publicité foncière, due à raison de l’acte de mutation réalisé par le conservateur des hypothèques, qui joue un rôle d’information en matière immobilière.

Pour un nombre important d’actes constatant des mutations à titre onéreux d’immeubles, la formalité de l’enregistrement et celle de la publicité foncière sont fusionnées en une formalité unique appelée formalité fusionnée ([292]). Il n’est alors perçu qu’un seul impôt, dénommé taxe de publicité foncière (TPF), perçu au profit du département ([293]), dont l’assiette est la valeur du bien et le taux peut être modulé entre 1,2 % et 4,5 % ([294]) (article 683 et 1594 D du CGI). Toutefois, lorsque l’acte porte sur l’acquisition d’un immeuble neuf ou en état futur d’achèvement, le taux de cette TPF est réduit à 0,7 % ;

– certaines taxes additionnelles : une taxe additionnelle perçue au profit des communes de plus de 5 000 habitants ou classées comme stations de tourisme ou d’un fonds de péréquation départemental, dont l’assiette est la valeur du bien et le taux est fixé à 1,2 % (articles 1584 et 1595 bis CGI) (cette taxe additionnelle n’est pas due lorsque l’acte porte sur l’acquisition d’un immeuble neuf ou en état futur d’achèvement) ; un prélèvement effectué au profit de l’État pour frais d’assiette dont le taux est fixé à de 2,37 % et qui est assis sur le montant de la TPF (article 1647 CGI).

Exemple de taxe additionnelle à la taxe de publicité foncière

Les communes bénéficient d’une taxe additionnelle aux DMTO de 1,2 %. Les communes de plus de 5 000 habitants en bénéficient directement ; pour les communes de moins de 5 000 habitants, la somme est répartie entre elles par un fonds départemental de péréquation.

 

Évolution du rendement des DMTO (et de la taxe additionnelle) depuis 10 ans

Source : données issues des applications de recouvrement de la DGFiP.

a.   Les DMTO représentent une ressource centrale des départements, qui demeure cependant trop volatile

  1.   Une ressource importante, clé de l’investissement, mais trop volatile

Le rendement des DMTO perçus par les départements s’élevait en 2022 à 14,5 milliards d’euros. Ils représentent ainsi une ressource importante des départements ; et ce d’autant plus que la situation des départements se caractérise depuis quelques années par un bouleversement des équilibres budgétaires, avec une baisse des concours de l’État et de la fiscalité directe et une hausse de la fiscalité indirecte. La part des concours de l’État et de la dotation générale de fonctionnement dans les ressources des départements est ainsi passée de 24 % en 2013 à 14 % en 2021 ; celle de la fiscalité directe de 33 % à 11 % entre 2014 et 2017 ; et celle de la fiscalité indirecte de 23 % à 43 % (en raison d’une augmentation des DMTO et d’une attribution d’une fraction de TVA, laquelle compense le transfert aux communes de la part départementale des taxes foncières lors de la suppression de la taxe d’habitation).

Ressource importante des départements, les DMTO n’en demeurent pas moins une ressource volatile. Cela s’explique par la nature de cette imposition, assise sur le flux, plus volatile que le stock.

L’association Départements de France (ADF) indiquait ainsi aux rapporteurs que le produit des DMTO encaissé au 30 avril 2023 était inférieur de plus de 12 % au produit des DMTO encaissé au 30 avril 2022.

Rendement des DMTO cumulés, comparaison 2022/2023

(en millions d’euros)

 

Au 31 janvier

Au 28 février

Au 31 mars

Au 30 avril

2022

753,6

1 531,1

2 279,7

3 483,1

2023

690,1

1 393,6

2 041,7

3 046,7

Écart en millions d’euros

– 63,5

– 137,5

– 238,0

 436,3

Écart en %

– 8,4 %

– 9,0 %

– 10,4 %

 12,5 %

Éléments calculés sur la base des réponses transmises par 67 départements en moyenne

Source : Association des départements de France.

  1.   Il apparaît nécessaire de rendre un pouvoir de taux aux départements

Pour faire face à cette volatilité, les départements ont mis en place deux mécanismes : un fonds de péréquation interne (abondé chaque année à hauteur d’1,6 milliard d’euros minimum), et un fonds de réserve, créé en 2021, abondé les années où les rendements des DMTO sont très élevés (40 % des départements ont aujourd’hui constitué un fonds de réserve en année exceptionnelle).

Ces dispositifs restent cependant insuffisants. En l’état du droit, les départements ont pour la quasi-totalité d’entre eux saturé leur pouvoir de taux et ne disposent donc d’aucune marge de manœuvre à la hausse qui leur permettrait d’augmenter leurs ressources. Au regard des difficultés pouvant résulter de cette situation, les rapporteurs recommandent de réfléchir à l’élargissement du pouvoir de taux des départements.

Les propositions de l’ADF relatives à l’élargissement du pouvoir
de taux des départements

– À court terme (horizon de 3 à 5 ans), l’ADF propose un « rétablissement d’un pouvoir de taux encadré sur les DMTO », même si, d’un strict point de vue juridique, ce pouvoir de taux existe et il est très large, compris dans une fourchette de 1,2 % à 4,5 %.

– À plus long terme, l’ADF propose de réfléchir à une nouvelle fiscalité locale dynamique, au regard notamment des enjeux de vieillissement de la population

 

Recommandation : Remédier à la perte du pouvoir de taux des départements du fait de la réaffectation de la part départementale de la taxe foncière, en élargissant le pouvoir de taux sur les DMTO.

b.   L’enjeu de la fluidification du marché : la proposition d’imputer des DMTO déjà payés sur ceux à payer par la suite

À la différence d’autres formes d’imposition sur le patrimoine, les DMTO sont un impôt réel, frappant les biens du contribuable sans considération de sa situation personnelle, et un impôt proportionnel. Dans son rapport de 2009, le CPO indique ainsi que les DMTO peuvent ainsi constituer, pour les ménages, « un obstacle supplémentaire à l’acquisition d’un patrimoine immobilier, en particulier pour les ménages modestes et les primo-accédants, même s’ils n’ont pas constitué un facteur déterminant du comportement des ménages sur le marché immobilier au cours des dix dernières années ». Le CPO ajoute qu’« au regard du critère d’efficacité économique, les DMTO se présentent comme un prélèvement sur le flux, et sont de ce fait un obstacle à la liquidité du marché immobilier. Ils limitent également la mobilité résidentielle des ménages, ce qui accroît la rigidité du marché du travail ».

D’après le CPO, la France pratique une imposition des mutations à titre onéreux plus élevée que la moyenne européenne. Les DMTO représentaient ainsi 0,65 % du PIB en 2015, contre 0,4 % dans l’OCDE. La France se classe cependant derrière la Belgique, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. Si le taux de DMTO en France n’est pas spécialement plus élevé que dans d’autres pays d’Europe, ces derniers ont pour beaucoup mis en place un mécanisme de progressivité de cet impôt ou des dispositifs de taux réduits, voire d’exonération pour les primo-accédants.

Taux de DMTO sur les immeubles à usage privatif
(dont résidence principale) par pays

France

5,81 % (5,11 % dans trois départements) ([295])

Allemagne

3,5 % à 6,5 % (taux variant selon les Länder. Taux de 3,5 % minimum fixé par la loi fédérale)

Belgique

12,5 %, avec de nombreuses dérogations et abattements possibles :

– en Wallonie, sous réserve que le contribuable ne possède pas d’autre immeuble, abattement de 20 000 euros en cas d’acquisition d’un bien immobilier qui constituera la résidence principale du contribuable durant au moins 3 ans ; et possibilité de taux réduits de 5 % ou 6 % dans la limite de 167 000 euros (178 000 euros si zone tendue) pour l’acquisition d’une « habitation modeste », i.e. dont le revenu cadastral n’excède pas 745 euros ;

– à Bruxelles, abattement de 175 000 euros en cas d’acquisition d’un bien immobilier qui constituera la résidence principale du contribuable durant au moins 5 ans ;

– en Flandre, taux réduit de 3 % pour les résidences principales

Espagne

6 % à 11 % (taux variant selon les Communautés autonomes. Taux minimum fixé à 6 % par l’État. Certaines communautés peuvent accorder des réductions de droits pour l’acquisition d’une résidence principale).

Italie

9 % de la valeur cadastrale. Taux réduit à 2 % de la valeur cadastrale en cas d’acquisition de la résidence principale. Jusqu’au 31/12/2023, exonération (sous conditions) en cas d’acquisition de la résidence principale, pour un acquéreur de moins de 35 ans.

Pays-Bas

2 % pour les biens immobiliers résidentiels occupés par l’acquérant. Exonération pour les acquérants âgés de 18 à 35 ans en cas d’acquisition d’une résidence principale d’une valeur n’excédant pas 400 000 euros.

Royaume-Uni

Barème applicable du 23/09/2022 au 31/03/2025 :

Jusqu’à 250 000 £ : 0 %

Fraction entre 250 001 et 925 000 £ : 5 %

Fraction entre 925 001 et 1,5 M£ : 10 %

Fraction au-delà de 1,5 M£ : 12 % ([296]) .

Les primo-accédants bénéficient d’un taux zéro jusqu’à 425 000 £, le taux de 5 % s’appliquant ensuite jusqu’à 625 000 £.

Un taux supplémentaire de 3 % s’applique dès la première livre lors de l’acquisition d’une résidence secondaire. Une surcharge de 2 points de pourcentage s’ajoute également pour les non-résidents.

Source : commission des finances, à partir des données transmises par la DGFiP.

Au regard du handicap pour le parcours résidentiel que peuvent représenter les DMTO, les rapporteurs proposent ainsi de réfléchir à un mécanisme d’imputation des DMTO payés lors de la première acquisition d’une résidence principale sur les DMTO dont le redevable devra s’acquitter ultérieurement lors de l’achat de sa résidence principale suivante. Une telle option entraînera nécessairement une perte de recettes pour les départements, qui devra donner lieu à compensation.

Le CPO faisait dans son rapport de 2018 un constat similaire : aux DMTO légèrement supérieurs à la moyenne européenne s’ajoutent des frais de transaction immobilière globalement élevés en France (14 % en moyenne) en raison du poids des frais d’agence. De ce fait, le CPO proposait un allègement des DMTO, couplé à une augmentation de la taxation des plus-values immobilières, afin de fluidifier le marché. La mise en œuvre conjointe de ces deux propositions impliquerait un mécanisme afin de corriger les transferts de recettes qu’elle engendre au profit de l’État et au détriment des départements. Elle pourrait être progressive afin d’éviter des effets de « stop and go » dans les transactions.

 

Recommandation : Réfléchir à une modalité d’imputation des DMTO déjà payés par un acquéreur lors de l’acquisition de sa résidence principale sur ceux à payer en cas de revente du bien pour assurer l’acquisition d’une nouvelle résidence principale, afin de fluidifier le parcours résidentiel.

c.   Les enjeux de l’évitement par montages sociétaires

Il est ici question de la différence de régimes de droits de mutation à titre onéreux applicables à la vente en direct d’un bien immobilier d’une part, et à la vente d’actifs immobiliers par cession de participations d’autre part. Aux fins de vente d’un bien immobilier, peut en effet être constituée une société qui détiendra l’immeuble ; et la vente portera non sur l’immeuble lui-même, mais sur la société. La société objet de la cession prend le plus souvent la forme d’une personne morale à prépondérance immobilière (PMPI), à savoir une personne morale, quelle que soit sa nationalité, qui ne constitue pas une société par actions cotées et dont l’actif est, ou a été au cours de l’année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales elles-mêmes à prépondérance immobilière (article 726 I. 2° du CGI).

La fiscalité applicable sera différente suivant le cas :

– les cessions directes d’immeubles, on l’a vu, sont imposées à une taxe de publicité foncière de 5,81 %, assis sur le prix exprimé majoré des charges augmentatives du prix et des indemnités au profit du cédant ([297]) ;

– les cessions de droits sociaux d’une PMPI sont soumises à un droit d’enregistrement proportionnel fixé à 5 %, assis sur le prix exprimé par les parties dans l’acte de cession majoré du capital des charges augmentatives du prix ([298]).

Les bases imposables peuvent différer dans la mesure où, pour la détermination du prix exprimé lors d’une cession de participations, le passif de la société est déduit (actif – passif). Or un passif ne constitue une charge augmentative du prix que si les cédants ont personnellement garanti son paiement et que les acquéreurs s’engagent à le payer, consentant ainsi « un avantage indirect (…) [aux acquéreurs] en les libérant de l’obligation personnelle de garantie qu’ils avaient antérieurement contractée » ([299]). Comme précisé par la jurisprudence de la Cour de cassation, le passif social ne constitue pas une charge augmentative du prix « car, dès lors que la société subsiste, le passif grève le patrimoine de celle-ci et non celui des cédants, s’ils n’en n’ont pas garanti le paiement » ([300]).

Une mesure visant à aligner la fiscalité applicable à la cession de droits sociaux d’une PMPI sur la fiscalité applicable lors d’une cession directe d’immeuble poserait cependant des difficultés au plan juridique (négation de la personnalité morale) et serait un dispositif peu opérant dans la mesure où les acquéreurs préfèrent souvent acquérir le bien en direct.

 

 

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 26 septembre 2023, la commission a examiné a examiné les conclusions de la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine.

M. le président Éric Coquerel. Je suis particulièrement heureux, après que notre commission a examiné à l’été un rapport d’information sur la fiscalité des entreprises que j’ai présenté avec M. le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, que nous puissions aborder, au travers du rapport qui nous est présenté par MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, la fiscalité du patrimoine . Ce rapport est le bienvenu avant l’examen du projet de loi de finances. Nous allons écouter les rapporteurs nous exposer les conclusions de leur travail.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier mon collègue  Nicolas Sansu, pour son investissement dans nos travaux, l’ensemble des membres de la mission qui ont assisté aux auditions, les administrateurs de l’Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans la préparation de ce rapport ainsi que nos collaborateurs que nous avons mis à contribution et qui se sont avérés très efficaces. Ce travail, ainsi que d’autres études menées par de nombreux économistes, permettent de dégager quelques tendances de fond.

La politique monétaire non conventionnelle a permis de préserver au cours de la dernière décennie l’économie et des emplois, mais elle a généré une inflation importante de la valeur des actifs financiers et de l’immobilier au bénéfice des plus aisés.

De même, le vieillissement de la population conduit à une concentration du patrimoine au profit des catégories les plus âgées, à rebours peut-être des besoins de notre société.

Les inégalités proviennent également de déséquilibres du système économique, renforcés par la mondialisation, l’émergence de l’économie numérique et une forme de financiarisation de l’économie. Ces raisons ne sont pas toutes condamnables. Toutefois, certaines sont appelées à s’amplifier à court et moyen termes, alors que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants, notamment le changement climatique.

Ce contexte nous conduit à interroger le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine. Nous avons organisé de nombreuses auditions non seulement d’économistes, de praticiens des mondes juridique, administratif, financier et immobilier, mais également d’associations et de syndicats. Nous nous sommes donc efforcés d’approfondir les sujets.

Nous concluons que la fiscalité actuelle du patrimoine n’est plus en adéquation avec les besoins contemporains qui appellent certaines évolutions. Nous formulons de nombreuses recommandations communes ainsi que des propositions individuelles qui reflètent les divergences politiques et philosophiques que nous avons eues sur des sujets tels que les donations ou la fiscalité du logement.

Ce rapport dresse des pistes d’évolution de la fiscalité au regard des défis contemporains.

Une de nos premières recommandations concerne la possibilité d’appliquer une retenue à la source pour les plus-values mobilières. Actuellement, le prélèvement forfaitaire unique est payé à la source en matière de distribution de dividendes, ce qui n’est pas le cas en matière de plus-value lors d’une cession de valeur mobilière. Notre proposition constituerait une façon d’assurer une rentrée de trésorerie plus rapide.

Nous avons ensuite évoqué la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques et mené une réflexion relative à l’augmentation, raisonnable, du taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Ce sujet ne fait pas l’unanimité.

Pour financer les nécessaires investissements liés à la transition climatique, nous proposons la mise en place au niveau européen de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le patrimoine des contribuables les plus riches.

Nous proposons également de lancer une réflexion relative à la mise en œuvre d’un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches afin de financer les aides aux pays pauvres. Cette proposition contient de façon sous-jacente l’idée de l’élaboration d’une forme de cadastre financier mondial, proposé par certains des économistes que nous avons auditionnés.

S’agissant des donations et successions, il conviendrait de revoir les abattements et le barème des droits de mutation à titre gratuit et de mener une réflexion relative aux transmissions, dans le cadre de familles recomposées, à des enfants qui ont vécu de nombreuses années avec des beaux-parents et qui seraient fondés à revendiquer une forme de filiation affective au sein des familles.

Nous avons constaté une accumulation des richesses en fonction de l’âge et nous proposons de transférer des capitaux, de manière modérée, en adaptant les bornes d’âge actuelles des dispositifs fiscaux en matière de donation de sommes d’argent, qui ne sont plus pertinentes.

En matière de donation et de transmission en ligne directe, il existe une tranche marginale à 45 %, alors que pour ce qui concerne l’assurance-vie la tranche marginale s’élève à 31,25 %. On peut s’étonner de cet écart.

S’agissant du pacte Dutreil, il conviendrait d’apporter une définition précise au terme « activité » afin de sécuriser son utilisation. Initialement, ce texte visait à favoriser la transmission d’entreprises familiales. Il semble efficace, bien que nous disposions de peu de données.

En ce qui concerne les plus-values sur les cessions de parts transmises dans le cadre du pacte Dutreil, beaucoup considèrent qu’il serait souhaitable d’instaurer un mécanisme de sursis à imposition. Nous proposons que, dans le cadre d’un pacte Dutreil, si l’on cède ses titres, la plus-value puisse être calculée en prenant comme référence la valeur abattue des titres transmis et non pas leur valeur totale.

S’agissant de la fiscalité immobilière, nous avons évoqué la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Nous préconisons de limiter l’abattement au titre de la résidence principale à six cent mille euros. Je rappelle que cela correspond à une valeur de la résidence principale s’élèvant à deux millions d’euros.

En ce qui concerne le revenu foncier, il importera absolument de réfléchir à une harmonisation du régime d’imposition pour les revenus des locations meublées et pour les autres revenus de location.

La mesure la plus novatrice serait, en matière de plus-value immobilière, de réformer l’abattement pour durée de détention. En effet, on peut s’interroger quant aux raisons pour lesquelles la plus-value sur la vente disparaît au bout de quelques années de détention. Ne s’agit-il pas d’un élément de rétention foncière qui limite la circulation des biens ? Ce point mérite une réflexion.

Enfin, afin de favoriser le « parcours résidentiel » depuis une première acquisition immobilière, nous préconisons de réfléchir à la mise en place d’un crédit aux droits de mutation payés lors de la première acquisition, ce qui permettrait de limiter le montant des droits d’enregistrement dus lors d’une nouvelle acquisition à la différence avec les premiers droits acquittés.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je remercie Jean-Paul Mattei pour la loyauté et la transparence dont il ne s’est jamais départi pendant ces six mois de travail en commun. Nous avons confronté et additionné nos points de vue dans un respect réel et non feint. Je le remercie également pour le choix du thème de la fiscalité du patrimoine, car il nous a permis d’examiner l’ensemble des aspects du patrimoine (mobilier, immobilier, financier) et leur fiscalisation. Je remercie également les administrateurs et nos collaborateurs respectifs, les personnes qui ont accepté d’être auditionnées afin de nourrir le rapport et les membres de la mission.

Le projet de rapport que nous vous présentons vise à objectiver la réalité du patrimoine et sa constitution. Notre première remarque porte sur l’accroissement du patrimoine rapporté au produit intérieur brut (PIB) qui induit une accumulation vers le haut de l’échelle, dans le dernier décile, voire centile, voire les 0,1 %. Il ne s’agit pas de prendre parti mais d’observer les dynamiques. Comme le montrent de nombreuses études répertoriées dans le rapport, au sein de cette dynamique, la part de l’héritage devient prépondérante puisque l’héritage explique aujourd’hui en moyenne 60 % de la constitution des patrimoines contre seulement 35 % il y a cinquante ans. Cette distorsion, qui n’est pas propre à notre pays, peut, si l’on n’y prend pas garde, entraver le pacte social et fiscal. L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui précise que chacun contribue selon ses facultés respectives à la charge commune, est-il respecté dans l’esprit, si ce n’est dans la lettre ? Force est de constater que le débat s’impose, car pour ma part, j’estime que les modifications successives ont entraîné notre architecture fiscale vers un impôt moins progressif et donc moins juste.

La fiscalité sur le patrimoine progresse en valeur parce que les patrimoines ont explosé sous le double effet d’un renchérissement de l’immobilier, bien au-delà de l’inflation, et d’une valorisation des actifs financiers, donc des revenus des capitaux mobiliers. La part de la fiscalité du patrimoine reste pourtant stable si on la rapporte à la valeur du patrimoine. Forts de ce constat posé par type de patrimoine (assurance-vie, immobilier, titres financiers), nous avons cherché à identifier des pistes de réflexion qui assurent le double objectif de favoriser le consentement à l’impôt, en retrouvant plus de justice fiscale, et de garantir un niveau de recettes compatible avec les choix politiques de notre pays en matière de service public, d’assurance-maladie, d’investissements publics au niveau national ou local.

Sur ces bases, nous avons retenu vingt-sept pistes communes. Elles ne représentent évidemment pas autant d’amendements conjoints pour le prochain PLF, mais de simples pistes de réflexion. À titre d’exemple, nous proposons des réflexions sur la contribution des très hauts patrimoines au financement de la transition écologique. Ne pas lancer ce débat serait une faute, même s’il serait souhaitable d’aller plus loin et d’établir des limites. Quoi qu’il en soit, le pire consisterait à ignorer ce qui se passe, notamment avec l’Initiative citoyenne européenne autour de « Tax the rich », à laquelle se sont joints plusieurs multimillionnaires qui se sont dits prêts à payer plus d’impôts.

Nous proposons également de réfléchir non seulement au montant de la flat tax pour la rapprocher des 33 %, mais aussi à son assiette. Nul n’ignore que je plaide pour davantage de barémisation de l’imposition de tous les revenus, mais j’ai suivi le président Mattei conformément à l’adage selon lequel un petit pas vaut mieux que mille programmes.

S’agissant des holdings et de leur défaut de transparence, il importera d’identifier des solutions visant à empêcher l’évitement fiscal manifeste par la remontée de dividendes.

Toutefois, nous manquons de données fiables sur certains dispositifs, notamment le pacte Dutreil. Nous demandons donc à l’administration de se doter des outils et des moyens nécessaires pour objectiver ces dispositifs et mieux les calibrer.

Enfin, nous avons abordé un sujet qui ne fait absolument pas l’objet d’un consensus, à savoir la proposition d’instaurer une imposition du flux successoral qui, à mon sens, constitue un outil pertinent pour lutter contre une société de l’héritage. Je pense que ce sujet ne doit pas être laissé en jachère et je ne doute pas que certains sauront s’y intéresser.

Ce sont, dessinées à grands traits, les lignes de force de ce rapport. Prenons-le pour ce qu’il est, à savoir un rapport et non pas une proposition de loi, bien qu’il puisse s’avérer judicieux d’en tirer quelques propositions de loi. Ce rapport consolide les données chiffrées sur plusieurs dizaines d’années et permet à chacun de l’utiliser pour que la fiscalité sur le patrimoine soit plus juste, plus utile et plus efficace.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est qu’un rapport, certes, mais j’estime que ce travail est très important parce qu’il a été approfondi, sans tabou. J’ai eu l’occasion, sous la précédente législature, d’être chargé d’un rapport avec Jean-Paul Mattei et j’ai apprécié son ouverture d’esprit tout comme j’ai apprécié celle du rapporteur général lors de notre travail commun sur la fiscalité des entreprises.

Je connais bien l’équité de Jean-Paul Mattei et de Nicolas Sansu. Je pense que ce système qui vise à constituer des binômes de rapporteurs de la majorité et des oppositions est efficace. C’est un rapport de qualité qui nous est présenté dans ce cadre.

Ce rapport couvre un champ fiscal très large puisqu’il ne se contente pas d’examiner la fiscalité pesant sur la détention et la transmission du patrimoine. Il s’intéresse également aux revenus générés par ce patrimoine.

Il rappelle que la répartition du patrimoine est de plus en plus inégalitaire. Ce constat se fonde sur plusieurs données très documentées aux niveaux national et international. Il me semble important de nous remémorer certaines d’entre elles avant tout débat objectif. Début 2021, 92 % de la masse du patrimoine brut sont détenus par la moitié la mieux dotée des ménages. Les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux (34 %). Le 1 % les mieux dotés en concentre 15 %. Entre 1998 et 2018, le patrimoine brut moyen des 10 % des ménages les moins dotés a diminué de 48 % alors que celui des 10 % des ménages les mieux dotés a augmenté de 119 %. Compte tenu des modifications récentes de la loi, je doute que cette trajectoire se soit infléchie. Alors que parmi les 10 % de ménages les plus modestes 65 % ne possèdent aucun logement, 9 % de multipropriétaires, qui possèdent au moins quatre logements, détiennent 31 % du parc locatif privé. Ce rappel est important parce que la concentration de richesse remet en cause notre pacte social.

Si les inégalités de patrimoine se transmettent d’une génération à l’autre, et donc s’amplifient, comment pouvons-nous accepter un système qui n’apporte pas de réponse aux difficultés à se loger, se nourrir ou se soigner, c’est-à-dire à des besoins fondamentaux ? Comment pouvons-nous accepter de demander aux plus démunis de participer à l’effort nécessaire à la transition écologique, alors que ceux qui peuvent le plus ne font pas plus ? Une société qui permet à une minorité toujours plus petite d’hériter des richesses pendant que la quasi-totalité se voit léguer une dette climatique n’est pas acceptable. Les fondations des principes républicains sont ainsi minées.

Je rappelle - et le chef de l’État l’a confirmé à plusieurs reprises - que sur la question climatique nous sommes en guerre. Si nous sommes en guerre, il importe de procéder à des modifications fiscales importantes. L’impôt sur le revenu est né de la Première Guerre mondiale. Je me félicite donc que ce rapport contienne une recommandation partagée, à savoir la mise à contribution des plus riches afin de financer les investissements nécessaires à la transition écologique.

Le redéploiement des économies liées à la suppression des « niches brunes » ne suffira effectivement pas à atteindre les 34 milliards d’euros d’investissements supplémentaires qui seront nécessaires à partir de 2030, surtout en se contentant des mesures qui sont proposées pour le PLF 2024. J’espère que cette prise de conscience partagée par les rapporteurs nous permettra d’aboutir à des propositions, si ce n’est communes, du moins majoritaires.

D’autres propositions formulées sont également intéressantes, notamment la proposition de relever les quotes-parts pour frais et charges applicables aux remontées de dividendes des holdings patrimoniales ou encore la proposition d’évolution du régime fiscal de l’épargne retraite afin d’éviter que ses avantages soient concentrés sur les contribuables à hauts revenus.

En revanche, il me semble que les rapporteurs sont un peu trop timides à l’égard de certains aspects actuels de la fiscalité du patrimoine qui peuvent être critiqués ou contestés. Restreindre l’ISF à un impôt sur la fortune immobilière a permis au patrimoine financier des particuliers d’échapper à cette taxation. La suggestion d’augmenter de quelques points la flat tax me semble encore trop modeste par rapport à ce système qui a beaucoup trop avantagé non seulement les revenus des capitaux, mais en réalité les revenus les plus importants tirés du capital alors que j’estime que les revenus du capital devraient être traités comme les revenus du travail.

Au-delà des propositions partagées par les deux rapporteurs de ce rapport, je relève que certaines idées sont mises en avant par le seul Nicolas Sansu. Il suggère notamment l’application de la transparence fiscale à l’ensemble des sociétés patrimoniales détentrices de participations, ce qui permettrait ainsi de taxer le revenu économique des personnes les plus fortunées qui échappent aujourd’hui largement à l’impôt, comme le confirme une récente note diffusée par l’Institut des politiques publiques (IPP). En effet, les cent cinquante plus grandes fortunes de France sont assujetties à un taux d’imposition d’environ 25 % (impôts personnels et professionnels confondus) alors qu’il est supérieur à 45 % pour les contribuables à hauts revenus. La limitation du plafonnement de l’impôt sur la fortune immobilière permettrait d’éviter que les plus grandes fortunes bénéficient d’un mécanisme excessivement avantageux.

À l’inverse, certaines recommandations communes me laissent perplexe, notamment la recommandation relative à l’adaptation des bornes d’âges applicables à l’exonération de droits de mutation pour les dons de sommes d’argent dans le cadre familial. Il s’agit là d’une possibilité de transmettre totalement dérogatoire, très avantageuse pour les personnes détenant de gros patrimoines qui peuvent se permettre de donner des grosses sommes d’argent à leurs enfants et petits-enfants. Je conteste le fait que les limites d’âge actuel de quatre-vingts ans pour le donateur et dix-huit ans pour le donataire soient excessives. En outre, j’attire votre attention sur le fait qu’en faisant sauter la borne des quatre-vingts ans, vous faciliterez encore plus le fait de pouvoir y avoir recours plusieurs fois au cours de la vie puisque cet avantage est reconstitué tous les quinze ans. Plus fondamentalement, je m’interroge quant à ce dispositif fiscal dérogatoire. Quel est son coût annuel ? Combien de personnes en bénéficient ? Dispose-t-on d’une évaluation sérieuse de l’intérêt qu’il représente ? Ne serait-il pas souhaitable de réfléchir à la suppression ou à un encadrement beaucoup plus strict d’un tel avantage fiscal ?

Malgré ces observations critiques, je vous félicite pour votre rapport.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je salue également le travail de très grande qualité de nos rapporteurs, et je pense qu’il fera date. Il dresse un état des lieux extrêmement exhaustif et j’encourage chacun de vous à le lire dans le détail.

Messieurs les rapporteurs, vous présentez de nombreuses recommandations, dont vingt-sept sont communes ce qui est louable. Nombreuses sont celles que je pourrais reprendre à mon compte.

Dans la première partie de votre rapport, vous posez le constat d’un rendement dynamique en France de la fiscalité du patrimoine qui aurait augmenté de 49 % entre 2012 et 2022 alors que l’érosion monétaire s’est élevée sur la même période à 13,6 %. Le niveau de prélèvements sur le patrimoine est plus élevé en France qu’ailleurs en Europe. Pour autant, vous proposez d’asseoir une plus grande part des recettes publiques sur le patrimoine et d’alourdir notre fiscalité sur l’assurance-vie, le PFU, l’IFI au titre de la résidence principale, etc. Comment définiriez-vous l’équilibre fiscal que vous recherchez à travers vos propositions ? N’identifiez-vous pas une petite contradiction entre constater que la fiscalité du patrimoine est extrêmement dynamique et vouloir encore l’alourdir ?

Vous proposez de lancer une réflexion portant sur un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches afin de financer des aides aux pays les plus pauvres. Je soutiens cette mesure qui me paraît intelligente. Comment envisagez-vous la réflexion que vous proposez ? Quelle serait selon vous la cible d’une telle initiative, s’agissant du niveau de richesse concerné et de la nature de l’assiette taxable ?

Vous proposez une légère augmentation du PFU. Il est intéressant de constater que, dans la majorité de vos propositions, vous vous placez dans un cadre international et nous savons que sans cohérence internationale, le risque de voir des personnes et des entreprises quitter notre territoire est important et prégnant. Le PFU se situe actuellement dans la moyenne internationale. Pourquoi envisagez-vous de l’augmenter ? Est-ce une pure proposition de rendement ?

Vous exposez un défaut de notre fiscalité du patrimoine qui me semble notable, à savoir qu’en cas de transmission d’un titre, sa valeur est soumise au barème des droits de mutation entre vifs ou suite au décès. Pour autant, la plus-value enregistrée par le donateur tout au long de la détention du titre n’est pas taxée en tant que telle. Elle est effacée par la transmission. Ce constat doit être étudié avec attention. Il constitue un des rouages qui génèrent un doute sur le fait que la plus-value de la réussite professionnelle des personnes les plus fortunées soit effectivement taxée un jour ou l’autre. Vous faites d’ailleurs une proposition à ce sujet dans le cadre du pacte Dutreil. Je considère pour ma part qu’il serait pertinent d’interroger le principe même de l’effacement de la plus-value lors de la transmission d’un actif mobilier. Comment pourrions-nous envisager de taxer ce type de plus-values, en déduisant bien entendu la plus-value de l’assiette des droits portant sur la transmission elle-même ?

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Une de nos recommandations concerne le régime dit mère/fille et les remontées de dividendes. Deux écoles s’opposent. La première considère qu’une société holding doit bénéficier d’une unité fiscale, c’est-à-dire de la faculté de conserver ou de réinvestir les bénéfices. À l’inverse, certains économistes préconisent la transparence fiscale de ces sociétés holding. On peut effectivement s’interroger quant au montant de la quote-part de frais de gestion appliqué aux dividendes perçus par les sociétés mères et à celui appliqué en cas de cession de titres de participation. Concrètement, cela signifie que la taxation des dividendes ainsi remontés s’élève à 1,25 % et celle des plus-values sur les titres cédés à un peu plus de 3 %. Ces systèmes peuvent être utiles pour permettre le développement des sociétés, mais on peut s’interroger lorsque la trésorerie dort, ne sert plus et devient en quelque sorte une grande tirelire qui manque d’affectation. Faut-il pour autant aller vers la transparence ? Je pense que ce n’est pas souhaitable, mais le sujet peut être posé. Tel était le sens de nos recommandations.

S’agissant de l’instauration d’un report ou d’un sursis d’imposition en matière de plus-values latentes, notre droit fiscal repose sur le principe selon lequel la transmission à titre gratuit purge la plus-value. Notre recommandation concerne a minima le pacte Dutreil. Actuellement, l’article 41 du code général des impôts prévoit de purger la plus-value réalisée lors de la cession d’un bien professionnel lorsque l’activité est poursuivie pendant au moins cinq ans. Il est possible d’aménager ce régime en restant vigilant à ne pas tomber dans des excès de reports ou de purges des plus-values.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je reviens sur les propos du président Coquerel selon lesquels une de nos propositions assouplirait et favoriserait les transmissions anticipées pour les ménages les plus aisés. Je précise qu’il s’agit d’une propositon faite par le seul rapporteur Mattei. Pour ma part, je pense qu’il faut évoluer vers la taxation du flux successoral, qui mettrait fin à l’ensemble de ces dispositifs de donation. Cette question-là mérite d’être approfondie.

Monsieur le rapporteur général s’interroge quant à notre souhait de remettre un peu de pression fiscale sur le patrimoine alors que la fiscalité dans ce domaine est déjà très dynamique. Les patrimoines ont explosé. Les revenus fiscaux sur le patrimoine ont augmenté de 42 %, mais les patrimoines ont augmenté de 50 %. Force est de constater que les plus hauts patrimoines contribuent moins, ce qui pose une question majeure, notamment en ce qui concerne le consentement à l’impôt. Ce sont des pistes de réflexion et je pense qu’il n’est pas souhaitable de s’en exonérer alors que nos concitoyens s’acquitteront de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPP) et de la TVA à des niveaux considérables et que les plus aisés ne font aucun effort.

L’impôt mondial sur les patrimoines serait un impôt progressif applicable aux plus riches, les ultra-multi-millionnaires et les milliardaires. Il serait intéressant de l’étudier attentivement afin de résoudre les crises climatique et migratoire que nous connaissons actuellement.

S’agissant du PFU, je suis évidemment partisan de la barémisation. Toutefois, le PFU existe et nous en proposons une augmentation ainsi que d’autres mesures qui permettraient d’éviter les excès, telles que l’augmentation des quotes-parts de frais de gestion.

M. Daniel Labaronne (RE). Je tiens à saluer, Messieurs les rapporteurs, la très grande qualité de votre rapport, dont la lecture nous permet d’avoir un panorama très complet sur la fiscalité du patrimoine en France, et la pertinence de certaines de vos propositions.

Dans ce rapport, vous dressez un état des lieux de l’évolution du patrimoine, vous vous interrogez sur le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine et vous faites des recommandations non seulement communes, mais aussi individuelles, qui nourrissent clairement ce rapport.

Vous soulignez que le flux et le stock de patrimoine en France sont marqués notamment par une inflation de la valeur des actifs financiers de l’immobilier due à une diminution des taux d’intérêt bas. Cependant, cette situation est volatile. En effet, les taux d’intérêt augmentent et donc, la valeur des actifs financiers immobiliers va probablement baisser. C’est une loi intangible en finances : elle dégradera le patrimoine des ménages. Vous auriez pu évoquer ce point afin de relativiser le phénomène d’une augmentation régulière des valeurs patrimoniales et d’une aggravation continue des inégalités.

S’agissant de la fiscalité du patrimoine, vous relevez à juste titre que cette fiscalité est parmi les plus lourdes de l’Union européenne et que la baisse des taux a permis d’augmenter le rendement des recettes fiscales. Vos propositions qui aggravent la fiscalité sur le flux de revenus et le stock de patrimoines me paraissent totalement contre-productives. En effet, elles se traduiraient par une diminution des recettes fiscales et elles entameraient l’attractivité de notre économie. Nous sommes à nouveau le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers. La diminution de notre fiscalité du capital, encore très lourde, est clairement à l’origine de cette performance qui crée de la croissance et donc de l’emploi.

Les propositions qui concernent l’assurance-vie sont intéressantes et nourrissent le débat. Toutefois, si nous voulons constituer une réserve d’épargne suffisante pour financer l’investissement productif, il nous faut un cadre stable sans remise en cause des règles fiscales. L’instabilité fiscale est contre-productive. Elle entame la confiance dans l’épargne et tarit les sources de financement de notre investissement. Pour ma part, je suis très sceptique sur vos recommandations trois, quatre et treize qui introduisent de la complexité là où il faudrait de la simplification, qui augmentent les impôts sur l’assurance-vie et qui abîmeraient la seule voie de transmission à un tiers.

Enfin, nous partageons vos propositions relatives au logement puisqu’avec Charles de Courson, nous avons formulé les mêmes, lors de la présentation de notre rapport en juillet.

Vos propositions relatives au pacte Dutreil et celles qui portent sur des dispositifs européens ou mondiaux me semblent tout à fait pertinentes.

M. Philippe Lottiaux (RN). Je salue l’ampleur et la qualité du travail que vous avez effectué. Votre rapport fait de nombreuses propositions. Nous en partageons certaines : éviter de favoriser la rétention des terrains, faciliter les donations, repenser le régime fiscal de l’épargne-retraite, faire contribuer le patrimoine financier plus efficacement. En revanche, nous sommes sceptiques sur quelques autres propositions.

S’agissant de l’ISF vert, repris du fameux rapport Pisani-Ferry, préconisez-vous un ISF vert au niveau français ou au niveau européen ? Dans le dernier cas, serait-ce une ressource propre de l’Union européenne ?

Vous proposez d’augmenter la flat tax de trois points. Ne craignez-vous pas que cette hausse défavorise certains artisans indépendants et certains entrepreneurs ? Nous avions d’ailleurs proposé l’année dernière de limiter le bénéfice du PFU aux foyers fiscaux dont le revenu est inférieur à un certain seuil. En tout état de cause, allez-vous présenter un amendement au PLF sur cette question ?

Concernant la fiscalité immobilière, nous souhaitons supprimer l’IFI pour le remplacer par un IFF, impôt sur la fortune financière. Votre rapport souligne d’ailleurs que le patrimoine financier est plus inégalement réparti que le patrimoine immobilier. Nous souhaitons très sensiblement alléger les droits de succession, notamment sur la résidence principale qui ne concerne pas que les ménages les plus aisés, 58 % des Français étant propriétaires. Nous souhaitons également faciliter et augmenter le seuil des donations entre vifs. Nous partageons certains points sur la facilitation des transmissions, mais nous voudrions aller plus loin, de sorte à remettre sur le marché des fonds aujourd’hui thésaurisés. En période de crise du logement, cela pourrait peut-être aider soit à acquérir un bien, soit à réaliser des travaux de rénovation énergétique dans certains logements.

Enfin, nous voudrions également aller plus loin pour la transmission des petites entreprises, notamment pour les exploitations agricoles familiales, pour lesquelles il serait souhaitable de supprimer complètement les droits de succession.

Nous nous souvenons tous du fameux amendement Mattei, qui visait à taxer les superdividendes, adopté l’année dernière par l’Assemblée nationale avant d’être balayé par le 49-3. Nous ne retrouvons pas cette proposition dans votre rapport. Y avez-vous renoncé ? Ne s’inscrivait-elle pas dans le champ du rapport ? Que devient cette proposition qu’évidemment nous soutenions ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Ce rapport est excellent. Le constat s’avère pertinent quand l’inflation dévore le budget des Français avec des prix alimentaires qui ont augmenté de 20 % alors que le ministre de l’économie affirme que la société française ne s’appauvrit pas. À l’heure où il devient extrêmement complexe pour les classes intermédiaires et populaires d’avoir accès à la propriété, vous mettez en lumière la hausse des inégalités tout en soulignant que la crise n’atteint pas tout le monde.

Les chiffres que vous présentez sont alarmants. J’espère que celles et ceux qui subissent la crise de plein fouet m’écoutent ou liront votre excellent rapport. Les 5 % les plus riches détiennent 34 % du patrimoine pendant que les 50 % des plus pauvres ne détiennent que 8 % du patrimoine. Entre 1998 et 2018, le patrimoine des plus pauvres a été divisé par deux, alors que le patrimoine des 10 % les plus riches a augmenté de 120 %. Ce constat est alarmant et il pourrait sans doute mettre en colère, à juste titre, l’ensemble des concitoyens qui se lèvent tôt chaque jour et qui n’ont pas un salaire suffisant.

Vos propositions à ce sujet vont dans le bon sens, bien qu’elles ne soient pas nouvelles. En effet, pour pallier cette situation, vous proposez notamment l’augmentation de l’impôt sur les dividendes, en particulier pour financer le déficit public, et la création d’un impôt sur la fortune européen pour financer la transition écologique. Ce sont des mesures de bon sens, conformes à ce que préconisent les économistes. M. Pisani-Ferry a participé au programme d’Emmanuel Macron et il plaide pour un impôt exceptionnel temporaire qui toucherait les plus aisés pour financer la transition écologique. C’est également l’avis des milliardaires dont deux cents ont signé une lettre ouverte intitulée « Taxez nous » lorsqu’ils étaient à Davos. D’autres pays le font : l’Espagne, les États-Unis et nous l’avons fait dans le passé, avec l’impôt sur le revenu pendant la Première Guerre mondiale.

Monsieur le rapporteur Mattei, la majorité à laquelle vous appartenez a diminué l’impôt sur les sociétés, supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune et souhaite sans cesse alléger la fiscalité sur le patrimoine, mesures qui ne vont pas dans le bon sens. Comment comptez-vous convaincre le gouvernement d’accepter toutes les propositions contenues dans un rapport qui, lui, va dans le bon sens ?

M. Marc Le Fur (LR). En effet, ce rapport est très intéressant et tout à fait remarquable. Je salue le travail de nos deux rapporteurs.

L’effet de rétention de l’impôt sur les plus-values immobilières me semble un sujet prégnant. J’ai noté également la proposition 17 sur l’indexation des abattements IFI, commune aux deux rapporteurs, et je m’en réjouis. Les propositions relatives à la flat tax ne sont pas inintéressantes. La flat tax concerne les revenus mobiliers, pourquoi ne proposez-vous pas l’équivalent sur le revenu immobilier qui ne bénéficie pas des mêmes avantages ? Le peu d’attrait des propriétaires pour l’investissement locatif pose des problèmes.

Les droits de succession constituent un véritable sujet d’actualité, d’abord parce que le Président de la République a pris des engagements clairs dont nous souhaitons qu’ils se traduisent dans les faits et dans les textes. Ensuite, parce que l’impôt sur les successions est l’impôt le plus impopulaire. Enfin, parce qu’il représente une spécificité française. Nous sommes le pays qui impose le plus lourdement les successions. J’invite les uns et les autres à lire attentivement le tableau qui figure en page 51 de votre rapport, qui montre très clairement que l’impôt sur les successions génère des recettes trois fois supérieures à celles de l’Allemagne et quatre fois supérieures à la moyenne de l’OCDE. Je dénonce cette spécificité française qui nous inquiète. Il est d’autant plus indispensable de le réformer que nous sommes dans une période d’inflation. Nous sommes également dans une période où l’espérance de vie s’étant accrue, les patrimoines sont concentrés sur des gens âgés. On peut parfaitement imaginer transmettre des patrimoines à des gens entre trente-cinq et quarante-cinq ans qui utiliseront cet argent à des fins d’investissement dans l’immobilier ou dans des entreprises. En ce sens, votre rapport est pertinent et nous espérons que la loi de finances de cette année permettra des évolutions significatives sur la base de ce rapport.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je vous remercie pour ce rapport complet et de qualité.

Vous soumettez l’idée de création d’un ISF vert sur les plus aisés, à l’échelle européenne, pour financer la transition écologique. Pouvez-vous nous apporter des précisions ? L’échelle européenne vous semble-t-elle la plus opportune ?

Nous vivons actuellement une importante crise du logement qui risque de s’aggraver. Il convient d’identifier des mesures dans l’urgence afin de libérer du foncier et plusieurs propositions figurant dans ce rapport sont à ce titre très intéressantes. Vous suggérez la création d’un statut de l’investisseur immobilier afin d’encourager les particuliers à investir dans l’immobilier en respectant des conditions écologiques et sociales. Vous avancez également l’idée très ambitieuse de supprimer l’abattement pour durée de détention au titre des plus-values immobilières pour fluidifier le marché de l’immobilier et éviter la rétention foncière. Sur ce point, je partage le constat du président Mattei. Cette évolution doit néanmoins se faire progressivement. Pouvez-vous préciser la manière dont vous envisagez de procéder pour que cette réforme puisse entrer en vigueur sans trop de bouleversements à court terme ?

De nombreux acteurs économiques insistent également sur l’importance des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement. Ils sont passés de 56,8 milliards d’euros en 2010 à 88,3 milliards d’euros en 2021. Comment expliquer cette augmentation ? Quels moyens proposez-vous pour éviter que ces augmentations de prélèvements obligatoires pèsent trop lourdement sur le propriétaire qui, souvent, s’est constitué un modeste patrimoine immobilier tout au long de sa vie pour assurer un complément de revenus à sa retraite ?

M. Christian Baptiste (SOC). Ce rapport est bienvenu parce qu’il met en lumière les inégalités de patrimoine et surtout leur évolution croissante, qui est inquiétante.

La France tourne à plusieurs vitesses, avec des très riches qui vivent sur une autre planète, une classe moyenne qui garde à peine la tête hors de l’eau et les très pauvres, abandonnés des politiques publiques et que le Gouvernement traite comme des fainéants sans mérite. Les nouvelles mesures voudraient les envoyer travailler de force, notamment dans des emplois inadaptés ou dangereux : la réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites ou encore le projet France Travail.

Ce rapport met en lumière les raisons de cet accroissement des inégalités. Force est de constater que pour devenir propriétaire, il faut hériter. La prise de valeur de l’immobilier conduit à creuser l’écart avec ceux qui ne sont pas propriétaires. Il faut être propriétaire pour rester dans le haut de la classe moyenne. Le patrimoine financier permet aux plus riches des plus riches de le rester et de le devenir encore plus. La suppression de l’ISF et l’instauration de la flat tax sur les dividendes ont intensifié cet état de fait.

Ce rapport comporte vingt-sept recommandations, mais je souhaiterais connaître la position du rapporteur général du budget sur trois points, à savoir la taxation des revenus d’assurance-vie en fonction de l’ancienneté réelle des versements et non de la date d’ouverture du contrat, le plafonnement à 600 000 euros de l’abattement sur la valeur de la résidence principale dans le cadre de l’IFI et enfin l’élargissement du pouvoir de taux des départements sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

M. François Jolivet (HOR). Ce rapport mentionne le constat selon lequel l’héritier d’aujourd’hui est un retraité, ce qui explique notamment la concentration du patrimoine. Je crois que notre pays n’a pas tiré les conséquences de cette situation liée au vieillissement. Ce constat pose la problématique de la transmission du patrimoine.

Je vous félicite d’écrire que notre pays a organisé la rétention foncière. Plus on détient un patrimoine longtemps, moins on paie d’imposition sur la plus-value. J’espère que la loi de finances en tiendra compte. En tout cas, le groupe Horizons défendra cette position.

Le défi auquel nous devons faire face aujourd’hui consiste également à produire du logement, puisque le secteur de la production est en train de s’arrêter, et à s’occuper du stock en opérant des travaux de réhabilitation. Certains auteurs, des fiscalistes et des professionnels du logement, envisagent l’idée d’exclure de l’IFI les locations soumises à un plafond de ressources et un plafond de loyer, ainsi que celles pour lesquelles les propriétaires décideraient de les soumettre à des contraintes d’intérêt général. Qu’en pensez-vous ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je remercie nos collègues pour cet excellent rapport qui examine les mécanismes actuels de la fiscalité du patrimoine, pointant plusieurs aspects dont l’amélioration permettrait une plus grande justice fiscale et dégagerait des moyens supplémentaires pour faire face aux défis de la transition écologique.

50 % des ménages détiennent 92 % de la masse de patrimoine brut. 5 % d’entre eux détiennent un tiers de ces avoirs. Et parmi ces 5 %, 1 % des mieux dotés en concentrent 15 %. Autrement dit, 50 % des ménages ne détiennent que 8 % de la masse du patrimoine.

La prédominance de la fortune héritée dans la composition de la richesse des ménages affiche une tendance croissante depuis les années soixante-dix. Cette concentration de la richesse pose des problèmes sociétaux, notamment en termes d’ascension sociale, d’émancipation individuelle, de consentement à l’impôt. Les lacunes et les insuffisances de la loi ainsi que l’incivisme fiscal permettent à certains des plus riches de trouver des échappatoires pour minimiser leur contribution au financement des biens communs, notamment des services publics. Ce rapport aborde très clairement et très fermement la nécessité de mieux encadrer certaines niches fiscales telles que le pacte Dutreil, et explore des pistes pour limiter la reproduction générationnelle des très hauts patrimoines, notamment en tenant compte du flux successoral tout au long de la vie. Ces propositions affichent l’ambition d’atteindre une plus grande justice fiscale en déterminant un niveau de prélèvements cohérent avec nos choix collectifs dans le but de revitaliser notre pacte social.

Notre groupe soutient plusieurs de ces propositions et je retiendrai en particulier la proposition relative à la fiscalité des dividendes et des plus-values qui ne saisit qu’une petite partie des distributions auxquelles procèdent les entreprises. D’après les comptes nationaux de l’Insee, en 2021, les sociétés non financières ont distribué 230 milliards d’euros de dividendes. Les comptes des ménages font apparaître en ressources 44 milliards d’euros. Les sociétés non financières ont enregistré en ressources 180 milliards d’euros de dividendes. Cherchez l’erreur et cherchez surtout à quel moment on taxe ces dividendes.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Ce rapport dresse un état des lieux nécessaire sur les inégalités de patrimoine et ouvre des perspectives fiscales pour y remédier. Plusieurs recommandations ont déjà été évoquées, notamment pour accroître la flat tax et mettre en place une contribution exceptionnelle sur le patrimoine. Ces propositions ne sont pas à la hauteur de celles que porte le groupe GDR lors des différents PLF, mais il va de soi que si nous pouvions obtenir ces avancées, nous les prendrions.

Ma question portera sur la taxe foncière. Outre la hausse mécanique des bases, à hauteur de 7 % cette année, certaines mairies, dont les dotations diminuent d’année en année, ont été obligées d’accroître le taux de cet impôt qui est désormais très mal perçu par nos compatriotes, en partie à raison. En effet, d’une part, il est assis sur des valeurs locatives qui s’avèrent totalement désuètes et d’autre part, il pèse parfois très lourd pour de petits propriétaires. Cette situation participe au délitement du consentement à l’impôt. À part l’Arlésienne de la réforme des valeurs cadastrales, comment rendre cet impôt plus progressif et donc plus acceptable pour le plus grand nombre ? Faut-il aller vers un barème progressif ?

M. Charles de Courson (LIOT). Je remercie nos deux rapporteurs pour la masse d’informations qu’ils ont récoltées. Les propositions sont très diverses et certaines s’apparentent davantage à des réflexions. Quoi qu’il en soit, ce rapport constitue une base de réflexion.

Vous n’avez pas évoqué dans votre rapport les retraites. Or pour les gens les plus modestes, leur retraite représente leur plus grand patrimoine. La capitalisation des droits à retraite est presque aussi importante que l’immobilier.

Les économistes en France et dans d’autres pays de même niveau de développement constatent que la taxation des revenus du patrimoine est d’autant plus élevée que la rentabilité des biens est faible. C’est pour partie le fruit d’un système fiscal qui est un héritage historique construit sur les biens connus, c’est-à-dire les biens immobiliers. Les biens immobiliers sont donc beaucoup plus taxés que les biens mobiliers pour une raison purement historique. Mais ce n’est absolument pas équitable et ce constat a été accentué par l’exclusion des biens mobiliers de l’assiette de l’IFI, alors même qu’ils sont beaucoup plus rentables que les biens immobiliers.

Vous considérez que la concentration des inégalités patrimoniales est liée à plusieurs phénomènes, notamment l’augmentation de l’espérance de vie. Si nous vivons tous un siècle, le patrimoine se concentrera sur les gens âgés, mais il semble que l’espérance de vie stagne désormais.

Par ailleurs, si les taux d’intérêt sont quasiment nuls, la valeur des biens explose. Les taux d’intérêt remontant actuellement très rapidement, il serait intéressant de refaire cet exercice, dans trois, quatre ou cinq ans, et de voir si le phénomène de concentration perdure ou se réduit.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Ce rapport constitue un document de travail qui permet de faire émerger des positions politiques.

En réponse à Daniel Labaronne, on peut en effet s’interroger quant à un éventuel effet pervers de l’augmentation de la flat tax. Le taux proposé est raisonnable. Je rappelle d’ailleurs qu’il est possible d’opter pour l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu. La flat tax se décompose entre 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. J’entends bien que, quand on parle d’un dividende, l’impôt sur les sociétés est applicable. En cumul, la fiscalité sur les dividendes s’élève à 37,8 %. En comparaison, la tranche marginale de l’impôt sur le revenu s’élève à 45 %. Il est donc légitime de s’interroger quant à la contribution des revenus du travail au budget de l’État par rapport à celle des revenus du capital. La situation est un peu différente en matière d’imposition des plus-values sur les valeurs mobilières.

Les recettes diminueraient-elles en augmentant le taux du PFU ? Je n’en suis pas convaincu.

S’agissant des droits de succession, en ligne directe, le barème prévoit un taux de 45 % au-dessus de 1 800 000 euros. La taxation des droits de succession est tout de même importante.

Je pense qu’il convient de limiter la taxation des donations de sommes d’argent. Ce rapport constate l’inégalité des patrimoines, mais les problèmes fiscaux ne touchent pas tout le monde. Il convient de réfléchir. Si nous permettons la fluidité, il faut l’encadrer et rechercher une réduction des inégalités entre ceux qui ont la chance de recevoir et ceux qui n’ont rien.

Vous m’interrogez sur les superdividendes, mais le rapport n’aborde pas la question. Je rappelle que l’intérêt de ma proposition de taxation des superdividendes consistait à dire qu’un bénéfice de l’entreprise investi dans cette dernière constitue un bénéfice utile. Lorsqu’il sort de l’entreprise, il change de nature et il devient un revenu du capital. On peut considérer qu’il est normal d’avoir une rémunération de l’investisseur, mais pas une sur-rémunération. C’était le sens de l’amendement sur les superdividendes.

Je souhaitais mener cette mission car la fiscalité du patrimoine a été peu évoquée dans les programmes présidentiels. C’est regrettable parce que c’est un vrai sujet de société.

S’agissant du foncier, nous sommes d’accord sur la proposition relative aux plus-values immobilières. En revanche, Nicolas Sansu ne partage pas l’idée de créer un statut de l’investisseur immobilier. Je rappelle qu’un amendement avait été adopté l’année dernière dans l’hémicycle, mais il n’a pas été retenu dans le cadre du 49-3. Il prévoyait la possibilité pour un investisseur d’opter pour la flat tax pour les revenus fonciers. Les revenus fonciers sont actuellement taxés au barème ce qui signifie qu’ils sont taxés à une tranche marginale d’impôt sur le revenu de 45 %, et même à 66,2 % en ajoutant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les prélèvements sociaux. Il convient ensuite d’ajouter le foncier bâti et l’IFI. C’est pourquoi on observe un vrai décrochage entre les revenus fonciers et les revenus du capital. C’est un constat.

S’agissant de l’IFI, l’un de vous mentionnait le paradoxe qui a consisté à ne retenir que l’immobilier dans son assiette. Il conviendra de tirer les conséquences des questions posées.

Concernant l’ISF au niveau européen, le moment est venu d’utiliser l’outil de la fiscalité pour répondre aux grands enjeux climatiques. Il faut oser ces propositions et il faut les pousser au niveau européen. Il importe d’obtenir une contribution au niveau européen des plus gros patrimoines afin d’accélérer la transition énergétique. Il s’agit d’un défi majeur et nous ne le relèverons pas sans moyens financiers.

La fiscalité n’est pas une punition ; la fiscalité est une contribution. Il importe qu’elle soit justement répartie et qu’on garantisse le consentement à l’impôt.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Sur la question du PFU, je suis favorable à la mise en place d’une barémisation pour les plus modestes. L’objectif ne consiste pas à soumettre tout le monde à un taux forfaitaire de 15,8 %.

S’agissant de l’ISF vert au niveau européen, M. Pisani-Ferry proposait sa mise en place au niveau de la France. Nous nous sommes accordés sur cette proposition qui est très intéressante parce que c’est la première fois que, dans un rapport parlementaire, rédigé par deux membres de groupes différents, on arrive à porter une proposition en faveur d’une telle contribution exceptionnelle sur le patrimoine. La presse ne s’y est pas trompée ; c’est un sujet majeur du rapport. La France a le droit d’être précurseur.

Je ne suis absolument pas d’accord avec Marc Le Fur sur les droits de succession. Arrêtons de dire que cela tape sur les gens. Un tiers des héritiers sont soumis aux droits de succession ; les deux tiers restants ne paient rien. La vraie question consiste à déterminer si l’héritage est naturel. C’est la raison pour laquelle je plaide pour la taxation du flux successoral. En effet, l’héritage appelle l’héritage ; c’est un fait. Je m’inscris en faux contre l’affirmation selon laquelle les droits de succession sont très élevés. Les héritiers paient 45 % de droits de succession au-dessus de 1,8 million d’euros par part, ce qui correspond tout de même à un héritage important.

La fiscalité de l’immobilier a augmenté parce que l’immobilier a explosé. Il s’agit malgré tout d’un patrimoine détenu et on ne peut pas l’ignorer.

En réponse à mon collègue Jean-Marc Tellier, j’avais proposé de plafonner la taxe foncière en fonction du revenu fiscal de référence, comme c’était le cas de la taxe d’habitation. La taxe foncière atteint parfois 8 à 10 % du revenu de certains ménages. La taxe foncière n’est pas un impôt proportionnel, mais un impôt régressif en fonction du revenu et cela pose quand même un problème.

M. Xavier Roseren (RE). Je remercie les rapporteurs pour ce rapport. Ma circonscription en Haute-Savoie, comme de nombreuses autres en France, connaît une situation critique en matière de logement et les habitants à l’année ne parviennent plus à se loger.

Vous mentionnez la fiscalité des logements meublés et celle des logements non meublés. Je partage la nécessité d’aligner progressivement la fiscalité de la location meublée non-professionnelle sur la fiscalité de la location nue de longue durée, ce qui permettrait de supprimer cette injustice fiscale. Le Conseil des prélèvements obligatoires préconise d’harmoniser le traitement fiscal des revenus immobiliers autour d’un régime foncier unique adapté, avec un taux d’abattement forfaitaire de l’ordre de 40 % et la possibilité d’un amortissement au réel. Selon vous, à quelle échéance ce type de mesure pourrait-il entrer en vigueur ?

On a réussi avec la flat tax à donner de la visibilité et à simplifier le système. Dans quelle mesure pourrions-nous faire de même avec la fiscalité des meublés ? Quels seraient les freins ?

M. Dominique Da Silva (RE). Je vous remercie, Messieurs les rapporteurs, pour ce rapport et pour vos vingt-sept recommandations. Je retiens votre proposition de déductibilité des DMTO, c’est-à-dire la déduction des droits de mutation déjà payés sur ceux à payer pour l’achat d’une nouvelle résidence principale, notamment en faveur des jeunes ménages. Cette mesure constituerait une réponse efficace à la mobilité professionnelle des personnes qui souhaitent accéder à la propriété sans vouloir s’attacher à un lieu et pour rester ouverts à des opportunités d’emploi ou de projets de vie.

Disposez-vous de points de comparaison avec des pays qui proposeraient de tels mécanismes ?

L’augmentation du nombre de transactions qui viendraient potentiellement compenser la perte de recettes des collectivités est-elle possible ?

M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Vous nous alertez quant à l’explosion des taxes foncières. Vous vous saisissez de la question de la réforme des valeurs locatives, ce vieux serpent de mer, pour dire d’ailleurs qu’il conviendrait de faire en sorte que la révision des valeurs locatives soit bien mise en œuvre, mais en 2028. Vous admettez donc son report. Pour quelle raison ?

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je souhaiterais que vous précisiez le sujet de la concentration des patrimoines. Comment jugez-vous l’idée de redistribution du flux successoral en dotant chaque jeune de 25 ans de 120 000 euros afin d’améliorer l’égalité dans l’entrée dans la vie tout en en réduisant l’héritage des millionnaires ?

Mme Marina Ferrari (Dem). Je vous remercie pour ce rapport très intéressant.

S’agissant des droits de mutation à titre gratuit, vous préconisez d’adapter les bornes d’âge. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? Quelle serait la borne d’âge qui vous semblerait la plus pertinente dans un objectif de garantir la continuité de l’activité économique ?

S’agissant des revenus immobiliers, vous mentionnez une fusion ou en tout cas une convergence entre les régimes de taxation. Faut-il y voir la volonté de créer un statut de l’investisseur immobilier qui s’occuperait non seulement de la fiscalité, mais également de la réglementation, des droits et devoirs de chacun et de la protection de l’investisseur ?

Par ailleurs, vous évoquez l’idée de remplacer les abattements pour durée de détention. Envisagez-vous la création d’une flat tax sur les plus-values immobilières ? Serait-il nécessaire de faire en sorte que la taxation soit plus importante en fonction de la rétention du bien ?

Enfin, actuellement, environ 3,1 millions de logements sont vacants en France. Une telle mesure serait-elle de nature à fluidifier le marché ?

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. La fiscalité des meublés est historique. L’intérêt du meublé n’est pas uniquement fiscal. Il offre également la possibilité de récupérer le bien et de ne pas le louer à long terme à des locataires. Pour autant, il n’est pas admissible qu’un propriétaire qui loue son bien sur une courte durée bénéficie d’une fiscalité plus incitative que celui qui prend le risque de louer à long terme. Il convient néanmoins d’approfondir le sujet des meublés touristiques.

S’agissant des droits de mutation à titre onéreux, nous préconisons une mesure incitative. Il conviendra néanmoins de compenser les départements, car cela représente une ressource importante des départements et ce décrochage de ressources ne serait pas neutre.

En ce qui concerne la révision des valeurs locatives, pour avoir eu la chance de présider une commission de révision pour les locaux professionnels, je vous confirme que la tâche n’est pas aisée. Je pense que cette notion de valeur locative est un peu dépassée. Nous avons désormais les moyens de disposer de valeurs vénales beaucoup plus actualisées et plus fiables que les valeurs locatives.

Je ne pense pas que la suppression de la taxe d’habitation ait entraîné une augmentation de la taxe foncière, parce que cette suppression a été compensée à l’euro près pour les collectivités. Il n’empêche que des contraintes pèsent sur les communes (augmentation des salaires, des fluides, frais d’emprunts) et qu’il peut s’avérer nécessaire d’augmenter l’impôt foncier. C’est un sujet sur lequel il conviendra de réfléchir, tout comme sur celui des logements vacants ou sur la taxation des résidences secondaires. Les élus locaux disposent de quelques outils.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. S’agissant de la question relative au flux successoral, la proposition de Piketty est une belle construction intellectuelle qui mérite d’être approfondie. Dans le monde tel qu’il est, dans la France telle qu’elle est, je pense que l’application de cette proposition est trop complexe. En revanche, il convient de poursuivre la réflexion, tout comme il importe d’approfondir la réflexion relative au revenu économique disponible. Le flux successoral tel que le préconise Piketty consisterait à disposer d’un héritage de cent vingt mille euros à la naissance et qu’ensuite, tout le reste revienne à l’État. Ce n’est pas si simple à mettre en œuvre en France.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Le droit des successions est bâti sur le code civil. Les enfants et les conjoints paient moins de droits. Ces notions civilistes ont une grande influence sur notre fiscalité des droits de succession. Est-ce que c’est souhaitable ? Il convient d’y réfléchir. Il me semble que notre recommandation relative aux familles recomposées va en ce sens, mais elle appelle une modification de notre code civil.

S’agissant du report de la révision des valeurs locatives, techniquement, cette révision exige la mise en place de commissions et deux ou trois ans sont donc nécessaires. Je préférerais que ce soit plus rapide, mais je doute que ce soit possible.

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La commission autorise, en application de l’alinéa 7 de l’article 145 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information

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   CONTRIBUTION DES GROUPES POLITIQUES

Contribution du groupe RN

Le groupe Rassemblement National a souhaité exprimer un avis sur le rapport de la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine.

Le groupe RN salue tout d’abord le choix de cette thématique large, qui permet à chaque représentant d’exposer sa vision de la répartition de l’impôt et, s’agissant de la fiscalité du patrimoine, d’exprimer sa conception de la justice fiscale.

Nous ne pouvons que rappeler nos propositions en la matière qui visent, contrairement au virage fiscal effectué en 2017 par Emmanuel Macron, à taxer et dissuader la spéculation financière, et rendre aux Français le fruit de leur travail.

Nous souhaitons ainsi remplacer l’IFI par un impôt sur la fortune financière (IFF) : celui-ci taxerait les produits financiers tels que l’assurance-vie, les titres d’entreprise et les œuvres d’art détenues depuis moins de dix ans, à l’exclusion des biens professionnels comme les bâtiments agricoles.

Aussi, les propositions du rapport relatives à l’IFI ne peuvent recevoir qu’un accueil mitigé ; plus encore, tout projet de taxation au niveau de l’Union Européenne ne peut recevoir d’appui de notre part, dans la mesure où une telle taxation violerait de façon évidente notre souveraineté budgétaire.

Par ailleurs, si le relèvement de 3 points du prélèvement forfaire unique (PFU) à l’IR peut être une piste intéressante, une telle mesure devrait veiller à protéger nos artisans, indépendants et certains entrepreneurs. Nous souhaitons ainsi, quel que soit le taux retenu, que le PFU soit réservé aux foyers fiscaux ayant un revenu inférieur à 60 000 euros par an.

S’agissant des réflexions du rapport sur la taxe foncière, le groupe RN souhaite rappeler l’essentiel en cette période d’inflation élevée : depuis l’indexation automatique, en 2018, de la revalorisation des valeurs locatives sur l’inflation, le produit de cette taxe explose, indépendamment des décisions des communes sur les taux. Nous avons déjà eu l’occasion, lors du PLF 2023, de défendre un plafonnement à 2 % de la revalorisation des valeurs locatives, en l’absence de vote annuel dédié lors du PLF.

S’agissant des positions sur l’évolution du pacte Dutreil, le groupe reste ouvert à toute évolution en la matière, dans l’esprit du rapport, en veillant en particulier à protéger la transmission d’entreprises agricoles.

Nous regrettons enfin que les questions de la taxation sur les transactions financières et de la taxation des superdividendes ne fassent pas partie des propositions du rapport.

 


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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION

France Stratégie : M. Cédric Audenis, président du comité d’évaluation de la fiscalité du capital, commissaire général adjoint de France Stratégie, et M. Clément Dherbécourt, chef de projet au sein du département Société et politiques sociales

INSEE : M. Pierre Lamarche, responsable de la division Patrimoine

Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) : M. Patrick Lefas, vice-président, et M. Guilhem Blondy, secrétaire général

Conseil supérieur du notariat : Me François Devos, directeur des affaires juridiques, Me Caroline Emerique, notaire à Paris, Me Gilles Bonnet, notaire à Paris, et Mme Camille Stoclin-Mille, administratrice en charge des relations institutionnelles

France Assureurs : M. Philippe Bernardi, directeur des Assurances de personnes, Mme Viviana Mitrache, directrice des Affaires publiques France, et M. Arnaud Giros, conseiller parlementaire

Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF)* : Me Jean-François Desbuquois, et Me Christophe Rontchevsky, membres de la commission patrimoine

Cabinet Bredin Prat : Me Sébastien de Mones, avocat, et Me Françoise Panel, avocate

CMS : Maitres Christophe Leclere et Pierre Dedieu

Banque de France : M. Olivier Garnier, directeur général des études et des relations internationales, et Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire

Direction générale du Trésor : M. Antoine Deruennes, chef du service des politiques publiques, Mme Anne Fichen, cheffe du bureau Fiscalité des ménages et taxation indirecte, et Mme Roxane Palmer, adjointe à la cheffe du bureau Fiscalité des ménages et taxation indirecte

Direction de la législation fiscale (DLF) : M. Christophe Pourreau, directeur, et Mme Marie-Astrid de Barmon, sous-directrice de la fiscalité des personnes

Oxfam France* : M. Quentin Parrinello, responsable plaidoyer justice fiscale et inégalités

Attac : M. Vincent Drezet, membre du conseil d’administration

Fédération des Associations Indépendantes de Défense des Épargnants pour la Retraite (FAIDER) : M. Guillaume Prache, président

Cercle des fiscalistes : M. Philippe Bruneau président, ancien directeur fiscal d’une grande banque, Me Bernard Monassier, notaire honoraire, ancien président de la chambre des notaires de Paris, président de family office, Me Jean François Desbuquois, avocat, et Me Jean Yves Mercier, avocat honoraire, ancien responsable de la doctrine fiscale de Francis Lefèvre

Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP) : M. Julien Seraqui de Buttafoco, président, et M. Yves Mazin, vice-présidents

Association nationale des conseils financiers (ANACOFI)* : M. David Charlet, président, et Mme Valéria Faure-Muntian, déléguée générale

Chambre nationale des conseillers en investissements financiers (CNCIF)* : M. Stéphane Fantuz, président

Institut des politiques publiques (IPP) : M. Antoine Bozio, directeur, M. Laurent Bach, enseignant à l’Essec et directeur du pôle Entreprises de l’IPP, et M. Clément Malgouyres (CNRS, CREST et IPP)

M. Alain Trannoy, économiste, co-auteur de Le grand retour de la terre dans les patrimoines (2022)

Fédération française du bâtiment (FFB)* : M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques, M. Jean-Luc Mermillon, directeur des affaires juridiques et fiscales, et Mme Léa Lignères, chargée d’études

Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM)* : M. Loïc Cantin, président, M. Jérôme de Champsavin, président adjoint, Mme Nathalie Ezerzer, directrice juridique de la Fédération

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI)* : M. Pascal Boulanger, président, Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

MM. Nicolas Frémeaux, Guillaume Allègre, et André Masson, économistes

CFDT : Mme Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale, et Mme Bérengère Faveaux, secrétaire confédérale, assistante politique chargée des relations avec le Parlement

Force Ouvrière : Mme Hélène Fauvel, secrétaire confédérale en charge de l’Économie et du Service public, M. Alain Roussenac, conseiller technique – Fiscalité /Service public, et M. Yannis Ben Lalli, conseiller technique - Finances publiques – Macroéconomie

CFTC : M. Bernard Laurent, professeur à l’EMLyon Business School, conseiller CFTC Ceser Auvergne-Rhône

CGT : M. Laurent Perin, secrétaire fédéral CGT Finances, et M. Victorien Pâté, conseiller confédéral

M. Gabriel Zucman, économiste

Génération Libre : MM. Marc de Basquiat et François-Xavier Oliveau économistes

M. Bastien Lignereux, maître des requêtes au Conseil d’État

Conseil national de l’ordre des experts-comptables (CNOEC) : Mme Cécile de Saint Michel, présidente, M. Shervin Janani, directeur de cabinet, Mme Olga Condé, directeur des études fiscales

Mouvement des Entreprises de France (MEDEF)* : Mme Christine Lepage, directrice générale adjointe en charge de l’économie, Mme Marie-Pascale Antoni, directrice des affaires fiscales, et M. Antoine Portelli, directeur de mission à la direction des affaires publiques

Confédération des PME (CPME)* : M. Gérard Orsini, président de la commission fiscale de la CPME, Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe, et Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité

Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI)* : M. Olivier Schiller, vice-président du METI et président de Septodont, M. Alexandre Montay, délégué général, et Mme Marie Perdoux, responsable des affaires publiques

Association française des entreprises privées (AFEP) : M. Jean-Luc Matt, directeur général, Mme Laetitia de La Rocque, directeur des affaires fiscales, et Mme Shandira Son, directrice adjointe des affaires fiscales

Direction générale des finances publiques (DGFiP) : M. Antoine Magnant, directeur général adjoint, M. Frédéric Iannucci, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal, M. Denis Boisnault, chef du département des études et statistiques fiscales, service de la gestion fiscale, et M. Frédéric Himpens, directeur intérimaire de la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF)

Départements de France (ADF) : M. Jean-Léonce Dupont, vice-président délégué, président de la commission finances et fiscalité, Mme Carine Riou, conseillère finances, et M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) : Mme Isabelle Le Callennec, secrétaire générale adjointe

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique


(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) « Entre 1998 et 2015, le patrimoine double, mais diminue pour les 20 % les moins dotés », Aline Ferrante et Rosalinda Solotareff, Insee Références, édition 2018 – vue d’ensemble – Patrimoine des ménages.

([3]) Le revenu disponible d’un ménage comprend les revenus d’activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d’autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage). Il est dit « brut » avant déduction des impôts directs, et « net » après déduction de ces impôts.

([4]) Clément Dherbécourt, « Peut-on éviter une société d’héritiers ? », Note d’analyse de France Stratégie n° 51, janvier 2017.

([5]) Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, Les notes du CAE, n° 69, décembre 2021.p. 2.

([6]) Dans les pays riches, la désépargne publique représente environ entre 1/10e et ¼ de l’augmentation des capitaux privés entre 1970 et 2010.

([7]) Enquête Household Finance and Consumption Survey (HFCS) 2017.

([8]) Insee Références, Revenus et patrimoines des ménages, édition 2021, p. 178

([9]) Tout actif ou passif enregistré dans un compte de patrimoine est évalué à son prix du marché comme s’il était acquis à la date d’établissement de ce compte. La comptabilité nationale distingue les bâtiments (logements) des terrains sur lesquels ils sont bâtis (terrains supportant des bâtiments et ouvrages de génie civil). L’essentiel des plus‑values immobilières est affecté aux terrains bâtis. Voir Insee Références, édition 2018 – Fiche Patrimoine des ménages en comptabilité nationale et Système européen des comptes SEC 2010.

([10]) Insee Références, Revenus et patrimoines des ménages, édition 2021, p. 41.

([11]) Insee, Indice mensuel des prix à la consommation - Base 1998 - Secteurs conjoncturels - Ensemble des ménages - France entière - Ensemble hors tabac - Série arrêtée.

([12]) Rapport annuel sur l’épargne réglementée 2021, Banque de France (focus 4.1, p. 67-72).

([13]) Ces montants moyens peuvent toutefois cacher de grandes disparités au sein d’une même population.

([14]) Dans ce dernier cas, les biens sont en général mis en location et deviennent des actifs de rapport. Si le ménage n’est propriétaire que d’une partie d’un actif professionnel, seule la part lui revenant en cas de vente est incluse dans son patrimoine professionnel.

([15]) « Début 2021, 92 % des avoirs patrimoniaux sont détenus par la moitié des ménages », Focus n° 287, Insee, janvier 2023

([16]) Enquête Revenus et patrimoine des ménages, Insee Références, édition 2021

([17]) Cette concentration se retrouve dans le million de logements détenus par les SCI, dont 30 % le sont par des sociétés possédant plus de sept logements, et la moitié par des sociétés en détenant au moins quatre.

([18]) Agnès Bénassy-Quéré, Crédit à l’habitat : la poule, l’œuf et le prix des œufs, Tribune sur le site de la Banque de France (lien).

([19]) Enquête Revenus et patrimoine des ménages, Insee Références, édition 2021, p. 99-102.

([20]) Enquête HFCS 2017.

([21]) Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, op. cit. p. 3.

([22]) https://data.oecd.org/fr/tax/impot-sur-le-patrimoine.htm

([23]) Une mutation est, en droit fiscal, la transmission d’un droit de propriété d’une personne à une autre.

([24]) Bastien Lignereux, Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours, Histoire et politiques fiscales. LGDJ, 2002. 164 p.

([25]) Loi de finances du 25 février 1901.

([26]) Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018. 150 p.

([27]) Article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([28]) Article 167 bis du CGI réformé, en dernier lieu, par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([29]) CPO, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, op. cit. p. 17.

([30]) Article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([31]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([32]) CPO, op. cit, p. 9.

([33]) Données Eurostat reproduites par l’INSEE (lien).

([34]) Décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001, cons.46.

([35]) Formulation constante depuis la décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 65.

([36]) Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, cons.18.

([37]) Avis n° 387402 du 21 mars 2013.

([38]) Décision n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016.

([39]) Décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, cons. 33.

([40]) Décision n° 2010-44 QPC du 20 septembre 2010, cons. 11.

([41]) Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, cons. 28.

([42]) Décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010.

([43]) Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995, cons. 10.

([44]) Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013.

([45]) Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017.

([46]) Article 5 de la directive 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

([47]) Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre.

([48]) Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

([49]) Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 42 à 46.

([50]) Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 13 à 20.

([51]) Décision n° 2016-603 QPC du 9 décembre 2016.

([52]) Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, cons. 46.

([53]) CPO, op. cit. p. 97.

([54]) Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, Les notes du CAE, n° 69, décembre 2021.

([55]) Institut des politiques publiques, « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? » note n° 92, juin 2023.

([56]) Assemblée nationale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général – Annexe n° 26 : Lutte contre l’évasion fiscale, Mme Charlotte Leduc, députée, octobre 2022.

([57]) Cour des comptes, « La fraude aux prélèvements obligatoires – Évaluer, préveir, réprimer », Communication au Premier ministre, Novembre 2019.

([58]) Régularisations d’avoirs à l’étranger gérées par le service de traitement des déclarations rectificatives

([59]) Bureau SJCF-1D (ex Mission requêtes et valorisation) de la DGFiP.

([60]) Cette méthode s’appuie sur un historique de données auxquelles sont déjà associés un label ou une classe cible.

([61]) Les données d’entrée n’étant pas labellisées, l’algorithme s’applique à trouver les similarités et distinctions au sein de ces données, et à regrouper celles qui partagent des caractéristiques communes.

([62]) Communiqué de presse du ministère chargé des comptes publics, 9 mai 2023 https://presse.economie.gouv.fr/09052023-gabriel-attal-annonce-une-serie-de-mesures-de-lutte-contre-la-fraude-fiscale-et-douaniere-premier-volet-de-la-feuille-de-route-gouvernementale-de-lutte-contre-toutes-les-fraudes-aux-finances/

([63]) L’idée d’un cadastre financier, présentée dans l’ouvrage La Richesse cachée des nations (G. Zucman, 2015) s’inspire de la création, en 1791, par l’Assemblée constituante, du premier cadastre de la France pour recenser toutes les propriétés immobilières, qui étaient alors la première fortune patrimoniale. Ce cadastre était la première étape permettant ensuite d’imposer les privilégiés de l’Ancien Régime, la noblesse et le clergé.

([64]) Le Monde, « Après l’enquête OpenLux, l’appel de quatorze économistes et personnalités à « créer d’urgence un cadastre financier européen », 9 mars 2021

([65]) Bastien Lignereux, Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours, op. cit, p. 62-67.

([66]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

([67]) Loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986.

([68]) Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

([69]) Article 6 de la loi n° 95-1346 de finances pour 1996.

([70]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

([71]) Article 1er loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([72]) Articles 885 N à 885 R anciens du CGI.

([73]) Article 885-0 V bis du CGI.

([74]) Article 880 V bis A du CGI.

([75]) Rapport d’information n° 42 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l’évaluation de la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et de la création du prélèvement forfaitaire unique, octobre 2019.

([76]) Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, cons. 95.

([77]) Article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([78]) Joël Giraud, rapport n° 2169 relatif à l’application des mesures fiscales, juillet 2019. En 2018, 132 722 redevables ont été soumis à l’IFI, avec un patrimoine taxable de 309 milliards d’euros.

([79]) INSEE, Simulation des effets redistributifs de la transformation de l’ISF en IFI à l’aide du modèle Ines, décembre 2019.

([80]) Budget 2019 : quels effets pour les ménages ?, IPP, note n° 37, janvier 2019.

([81]) France stratégie, Note d’analyse n° 81, octobre 2019. Clément Dherbécourt et Margarita Lopez Forero, Quelle taxation du capital, avant et après la réforme de 2018. p. 10.

([82]) Article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([83]) Loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers.

([84]) Article 93 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([85]) Article 76 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([86]) Article 9 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([87]) Article 7 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([88]) Article 10 de la loi n° 2007-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([89]) Article 6 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([90]) Article 20 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([91]) Articles 9 à 11 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([92]) Les personnes dont le foyer a un revenu fiscal de référence de moins de 50 000 euros (ou 75 000 euros pour les couples) pouvaient être dispensées de ce prélèvement.

([93]) Ces revenus comprennent également les créances, les dépôts, les cautionnements et comptes courants, les bons de caisse et les bons de capitalisation.

([94]) Loi n° 65-997 du 29 novembre 1965 portant loi de finances pour 1966.

([95]) En intégrant le taux marginal de l’impôt sur le revenu de 45 %, la surtaxe dite « Fillon » de 4 % et la déductibilité de 5,1 % de la CSG, le taux marginal au titre de l’IR est de 46,5 %. Avec les prélèvements sociaux de 15,5 %, on aboutit à un taux global de 62 %.

([96]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

([97]) Article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([98]) Article 150-0 D ter du CGI.

([99]) Bofip BOI-RSA-ES-20-10-20-50.

([100])  Décisions n° 428506 (La Providence), 435452 (Cendry) et 437498 (G7), confirmant les décisions n° 365573, Hubert Finances du 26 septembre 2014, affaire « Gaillochet » et n° 408867 du 15 février 2019, Royal Moto France.

([101]) Question écrite n° 24560 de Mme Valérie Rabault (lien).

([102]) France Stratégie, Évaluation des réformes de la fiscalité du capital – Actualisation des données, 20 octobre 2022.

([103]) Conseil des prélèvements obligatoires, op. cit. p. 114.

([104]) Assemblée nationale, Rapport d’information n° 1088 de M. Louis Margueritte et Mme Eva Sas, sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise, 12 avril 2023

([105]) Assemblée nationale, Commission des finances, Mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes (lien).

([106]) France Assureurs, communiqué de presse du 1er juin 2023 (lien).

([107]) Article 14 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 de finances pour 1983.

([108]) Article 9 de la loi de finances pour 2020, résultant de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un amendement de Jean-Noël Barrot.

([109]) Il s’agit de la date du dépôt du projet de loi de finances comportant cette mesure.

([110]) Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, cons. 13 à 20.

([111]) I quater de l’article 125-0 A du CGI

([112]) Article 39 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2006.

([113]) 1° du I de l’article 125-0 A du CGI.

([114]) Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

([115]) Articles L. 224-1 à L. 224-40 du code monétaire et financier.

([116]) Article 71 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, et ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite.

([117]) La loi autorise des cas de déblocage anticipé, dont le décès du conjoint, l’expiration des droits à chômage ou l’acquisition de la résidence principale.

([118]) Article 163 quatervicies du CGI.

([119]) c du 4° bis de l’article 81 du CGI.

([120]) bis du 5 de l’article 158 du CGI.

([121]) France Stratégie, Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital. Troisième rapport Avis du comité, octobre 2021 p. 10.

([122]) Article 233 sexies du CGI.

([123]) Après application de la retenue à la source, la Suisse applique l’imposition selon le barème général de l’impôt sur le revenu (au niveau confédéral et cantonal), avec crédit d’impôt au titre de la retenue à la source, remboursable le cas échéant.

([124]) France stratégie, mai 2023, Les incidences économiques de l’action pour le climat. 158 p. (lien)

([125]) OFCE Policy brief n° 116, 2 juin 2023. Quel financement de la politique climatique : dettes, taxes, inflation. (lien).

([126]) Jean Pisani-Ferry, 17 juin 2023 : « Il existe de très bons arguments pour un impôt exceptionnel sur le capital » (lien).

([127]) Global redistribution advocate, 23 juin 2023, A global wealth tax. Policy brief (lien)

([128]) Le seuil d’entrée dans ce centile supérieur est la détention d’un patrimoine net de plus de 900 000 dollars.

([129]) Il s’agit du « pilier 2 » des travaux de l’OCDE qui a abouti à un accord entre 136 pays, conclu le 14 décembre 2021 qui a défini différents types de règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition, suivies de commentaires adoptés le 11 mars 2022, et d’une série d’instructions complémentaires publiées le 2 février 2023.

([130]) Notes IPP, n° 92, juin 2023, Laurent Bach, Antoine Bozio, Arthur Guillouzouic, Clément Malgouyres, Quels impôts les milliardaires paient-ils ? 8 p. (lien)

([131]) Articles 145 et 216 du CGI.

([132]) a quinquies du I de l’article 219 du CGI.

([133]) Article 39 de la loi n° 2004‑1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

([134]) Article 4 de la loi n° 2011‑1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([135]) Article 22 de la loi n° 2012‑1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([136]) Revue de l’OFCE, 122 (2012) Guillaume Allègre, Matthieu Plane, Xavier Timbeau, Réformer la fiscalité du patrimoine, 32 p.

([137]) Article 150-O B ter du CGI.

([138]) Article 115 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([139]) Notes IPP, n° 92, juin 2023 op. cit.

([140]) L’IPP inclut dans le revenu économique les cotisations sociales non-contributives (maladie, famille), qui ne sont pas incluses dans le revenu fiscal, mais pas les cotisations sociales contributives (retraite et chômage) qui représentent une forme d’assurance obligatoire.

([141]) 59 % en tenant compte de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des prélèvements sociaux.

([142]) Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différent.

([143]) Conseil constitutionnel, décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, considérants 86 à 96. Le Conseil a ainsi censuré l’intégration dans le calcul du plafonnement de l’ISF des bénéfices ou revenus que le redevable n’a pas réalisés ou dont il ne dispose pas et exigé qu’il soit « établi que ces biens sont, dans les faits, à la disposition de l’actionnaire ou de l’associé ».

([144]) Études de politique fiscale de l’OCDE n° 28. Impôts sur les successions dans les pays de l’OCDE », 16 octobre 2021.

([145]) Enquête du CRÉDOC réalisée pour France Stratégie en juin 2017 (lien).

([146]) L’assiette est l’actif net taxable qui est défini par la différence entre l’inventaire des biens du défunt (actif) et ses dettes (passif).

([147]) La double imposition est évitée par l’imputation des droits acquittés à l’étranger sur l’impôt exigible en France en application de l’article 784 A du CGI.

([148]) Le mécanisme du rapport fiscal se distingue de celui du rapport civil. Ce dernier consiste à rapporter à la succession les donations en avancement de part successorale consenties par le défunt afin de déterminer la part de chaque héritier. Les biens rapportés sont évalués au jour du partage, sauf stipulation contraire de l’acte de donation. Mais ils ne sont pas imposés une seconde fois dès lors que les donations sont déduites de la part taxable de l’héritier qui effectue le rapport. Contrairement au rapport fiscal, qui ne porte aujourd’hui que sur les donations intervenues dans les quinze ans précédant le décès, le rapport civil porte sur l’ensemble des donations effectuées par le de cujus, sans restriction selon leur date.

([149]) Article 784 du CGI.

([150]) Article 19 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984.

([151]) Articles 8 à 10 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA).

([152]) Article 796-0 bis du CGI ; par ailleurs, l’article 796-0 ter du CGI accorde la même exonération pour le frère ou la sœur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition que l’héritier soit, au moment de l’ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d’une infirmité le mettant dans l’impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l’existence et qu’il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès.

([153]) Article 790 G du CGI.

([154]) Article 790 E et 790 F du CGI.

([155]) Cour des comptes, Les droits de mutation à titre gratuit, Observations définitives S. 2018-2696. Exercices 2011-2017, p. 42.

([156]) Articles 6 à 8 de la lOI n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([157]) Article 777 du CGI, tableau I.

([158]) Article 8 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([159]) Article 790 du CGI.

([160]) Article 5 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([161]) Article 776 A du CGI.

([162]) Article 776 ter du CGI.

([163]) Article 790 G du CGI.

([164]) Article 779 du CGI.

([165]) Article 777 du CGI, tableau II.

([166]) Articles 790 E et 790 F du CGI.

([167]) Clément Dherbécourt, L’évolution de long terme des transmissions de patrimoine et de leur imposition en France. Revue de l’OFCE, 161 (2019), p. 136 et 137.

([168]) Assemblée nationale, Didier Migaud, Rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine et de l’épargne. 16 juillet 1998. p. 72.

([169]) Clément Dherbécourt, op. cit.

([170]) CAE Focus n° 077-2021, op. cit, p. 5.

([171]) Article 13 de la loi du 25 février 1901 porte fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1901.

([172]) Article 19 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([173]) Articles 787 A et 787 B du CGI.

([174]) Article 790 A du CGI.

([175]) Article 793 du CGI.

([176]) Article 793 et 793 bis du CGI.

([177]) Article 795 A du CGI.

([178]) Conseil d’analyse économique, Repenser l’héritage, Les notes du CAE, n° 69, décembre 2021.p. 6.

([179]) Une demande en ce sens a également fait l’objet d’une question écrite de la députée Christine Pires Beaune, à laquelle l’administration n’a pas pu apporter les réponses attendues. Question écrite n° 32562, réponse publiée au Journal officiel le 5 janvier 2021 (lien).

([180]) Article 800 du CGI. Le dépôt de la déclaration n’est pas obligatoire lorsque l’actif brut successoral, soit la masse des biens avant déduction des dettes, est inférieur à 50 000 euros pour les transmissions en ligne directe et au conjoint survivant, pourvu que les personnes concernées n’aient pas bénéficié antérieurement de la part du défunt d’une donation ou d’un don manuel non enregistré ou non déclaré, et à 3 000 euros pour les transmissions aux autres héritiers

([181]) Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

([182]) Article 730-1 du code civil.

([183]) Un présent d’usage est un cadeau d’un montant relativement modique fait à l’occasion d’un événement particulier (anniversaire, réussite à un examen, mariage, etc.). La modicité s’apprécie relativement aux ressources du donateur. La jurisprudence ne l’admet généralement pas si le présent excède 2 % du patrimoine ou 2,5 % du revenu annuel du donateur.

([184]) Décret n° 2017-770 du 4 mai 2017 portant obligation pour les notaires d’effectuer par voie électronique leurs dépôts de documents auprès des services chargés de la publicité foncière.

([185]) Les opérations de transmission anticipée ne doivent pas être vue uniquement sous l’angle fiscal. C’est bien le code civil qui rend ces opérations possibles, notamment avec l’outil des donations partages.

([186]) CPO, op. cit. p. 121.

([187]) Article 19 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([188]) France Assureurs, Les Français et l’assurance-vie, septembre 2021. Enquête réalisée par l’institut Opinion way.p 12. 61 % des personnes interrogées considèrent que « L’assurance-vie permet de transmettre son patrimoine dans de bonnes conditions », ce taux atteignant 80 % pour les personnes interrogées détentrices d’un contrat d’assurance-vie.

([189]) Article 757 B II du CGI.

([190]) Article 37 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([191]) Article 990 I du CGI.

([192]) Article 9 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([193]) C’est la date de présentation par le Gouvernement de la mesure adoptée en loi de finances pour 1999.

([194]) Article 11 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([195]) Article 9 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([196]) Ces constats découlent de l’étude par l’économiste du CAE de la base de données FICOVIE, créée en 2016 à des fins de contrôle fiscal et qui couvre l’ensemble des contrats d’assurance-vie de plus de 7 500 euros (92 % du total des sommes transmises en France par assurance-vie).

([197]) Article 180 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, résultant de l’adoption d’un amendement de Jean-Noël Barrot et de ses collègues du groupe MODEM et indépendants.

([198]) Article 3 octodecies C, résultant de l’adoption de l’amendement n°I-27 de M. Delcros et des membres du groupe Union Centriste.

([199]) Article 11 de la loi n° 99-1172 du 29 décembre 1999 de finances pour 2000.

([200]) Article 43 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.

([201]) Article 28 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

([202]) 3° du 2 de l’article 793 du CGI.

([203]) 4° du 1 de l’article 793 du CGI. L’exonération est conditionnée au fait que les statuts du groupement lui interdisent l’exploitation en faire-valoir direct, que les immeubles à destination agricole constituant le patrimoine du groupement aient été donnés à bail à long terme ou à bail cessible et que les parts aient été détenues depuis deux ans au moins par le donateur ou le défunt.

([204]) Article 46 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([205]) Reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires, rapport d’information n° 33 de MM. Michel Canévet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann, fait au nom de la Délégation aux entreprises, 7 octobre 2022. (lien).

([206]) Conseil constitutionnel, décision° 95-369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996.

([207]) Sénat, rapport n° 515 de Christine Lavarde sur la proposition de loi n° 343 visant à moderniser la transmission d’entreprise, fait au nom de la commission des finances et déposé le 30 mai 2018, p. 31

([208]) Les biens professionnels exonérés à hauteur de 85 % bénéficient d’un abattement complémentaire de 150 000 euros. Ainsi, lorsque la valeur du patrimoine professionnel ne dépasse pas ce montant, les biens sont totalement exonérés de droits. Si la valeur est supérieure, l’abattement est réduit de la moitié du montant excédant 150 000 euros.

([209]) Article 397 A (annexe 3 CGI).

([210]) Bofip, BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, paragraphe 15.

([211]) Cass. Com., 1er juin 2023, n° 22-15. 152.

([212]) Outre le Conseil d’analyse économique, dans la note précitée, cette proposition figure dans le rapport de la commission internationale présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole, Les grands défis économiques, (lien).

([213]) Proposition de loi n° 3409 enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020, de Christine Pires Beaune et de plusieurs de ses collègues, visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires et mieux redistribuer les richesses (lien).

([214]) Guillaume Hannezo, FIPADDICT, op. cit.

([215]) Sénat, 20 novembre 2002. M. Philippe Marini, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les fiscalités des mutations à titre gratuit, p. 44.

([216]) Ce régime, défini à l’article 41 du CGI, prévoit cependant l’exonération de la plus-value en report si l’activité de l’entreprise transmise est poursuivie pendant au moins 5 ans.

([217]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019–775 QPC du 12 avril 2019, cons. 7.

([218]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([219]) Sous réserve, pour les personnes de nationalité étrangère, de l’application des conventions fiscales internationales.

([220]) Par ailleurs, une exonération partielle d’IFI est prévue, sous conditions, en faveur des bois et forêts, des biens ruraux donnés à bail à long terme et de ceux donnés à bail cessible et des parts de groupements forestiers, de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers (CGI, art. 976).

([221]) DGFiP Statistiques | L’impôt sur la fortune immobilière en 2022, avril 2023.

([222]) Ancien article 885 E du CGI, désormais abrogé.

([223]) « Quinquennat Macron : quelle évolution de la fiscalité des particuliers ? », Dalloz Actualités, 8 avril 2022, contribution de Frédéric Douet, professeur à l’Université Rouen-Normandie et membre du Conseil des prélèvements obligatoires.

([224]) « Quinquennat Macron : quelle évolution de la fiscalité des particuliers ? », Dalloz Actualités, 8 avril 2022.

([225]) Ibid.

([226]) Sénat, Rapport d’information sur l’évaluation de la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) 

([227]) Fondation IFRAP, « Il est urgent de revaloriser les barèmes de l’IR et de l’IFI », Samuel-Frédéric Servière, septembre 2022.

([228]) Tenu sur base trimestrielle par l’Insee.

([229]) En retenant le taux d’inflation appliqué pour la revalorisation des seuils du barème de l’impôt sur le revenu voté en loi de finances (soit 5,4 %, d’après les dispositions de l’article 2 de la loi de finances pour 2023).

([230]) À condition de ne pas détenir le bien par le biais d’une SCI de gestion.

([231]) BOI-PAT-IFI-40-30-10.

([232]) Voir notamment le commentaire de la décision n° 2018-755 QPC du 15 janvier 2019, M. Luc F.

([233]) En application de l’article 981 du code général des impôts (CGI), l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est contrôlé, sauf dispositions contraires, comme en matière de droits d’enregistrement.

([234]) Article 180 du livre des procédures fiscales (LPF).

([235]) La majoration est portée à 80 % si l’intéressé s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit.

([236]) Article 14 du CGI (définition des revenus fonciers)

([237]) Avec application d’un abattement pour durée de détention à compter de la cinquième année.

([238]) Charges déduites.

([239]) L’article 32 du CGI qui définit le régime micro-foncier prévoit qu’il n’est toutefois pas applicable lorsque le contribuable ou l’un des membres du foyer fiscal est propriétaire d’au moins un bien bénéficiant de certains dispositifs fiscaux, notamment les dispositifs : « Périssol », « Besson neuf », « Robien », « Robien recentré », « Besson ancien », « Robien ZRR » et « Borloo ancien ». En revanche, il est possible d’utiliser ce régime lorsqu’un logement a été acquis avec les dispositifs « Scellier », « Duflot » et « Pinel ». D’autres cas d’exclusions existent, notamment pour les détenteurs de parts.

([240]) Article 32 du CGI.

([241]) Articles 29 à 31 du CGI.

([242]) Articles 34 et 35 A du CGI (définition des bénéfices industriels et commerciaux).

([243]) Le seuil est fixé à 72 600 € pour les revenus de l’année 2022.

([244]) Article 39C II du CGI.

([245]) Article 155 IV. du CGI.

([246]) Le seuil est fixé à 176 200 € pour les revenus de 2022.

([247]) Application de l’abattement pour durée de détention prévu par l’article 151 septies B du CGI, et de l’exonération des plus-values de cession prévue par l’article 151 septies du CGI lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à 90 000 euros.

([248]) Pour les locations de locaux d’habitation meublés.

([249]) Pour les locations de chambres d’hôtes et meublés de tourisme classés.

([250]) Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, Conseil des prélèvements obligatoires, janvier 2018

([251]) Mission IGF CGEDD, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.

([252]) Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, Conseil des prélèvements obligatoires, janvier 2018.

([253]) Mission IGF CGEDD « Évaluation de politique publique – Le logement locatif meublé », janvier 2016.

([254]) Certains régimes ciblés visant des investissements spécifiques (par exemple le « Censi-Bouvard » ciblant les résidences étudiantes ou pour les personnes âgées et handicapées, dont le régime fiscal est aujourd’hui plus restrictif que le régime LMNP289) auraient vocation à être maintenus.

([255]) Amendement I-3479 au projet de loi de finances pour 2023 déposé par M. Jean-Paul Mattei.

([256]) La notion de « logement vacant » a été précisée par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 98‑403 DC du 29 juillet 1998, Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions . La TLV ne peut ainsi frapper que des logements habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur. Ces critères ont été réaffirmés par le Conseil dans une décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013.

([257]) Sénat, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2023 fait au nom de la commission des finances par M. Jean-François Husson, rapporteur général, Tome II, novembre 2022.

([258]) Décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.

([259]) Décret n° 2015-1284 du 13 octobre 2015.

([260]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([261]) Article 10 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([262]) Article 70 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([263]) Article 1609 nonies G du CGI.

([264]) Article 10 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([265]) Article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([266]) Article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([267]) Article 34 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

([268]) Ce dispositif, établi par la loi de finances pour 2021, remplace le régime d’abattement applicable aux cessions dans les zones tendues (zone A bis et A) éteint à compter du 31 décembre 2022.

([269]) Article 7 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([270]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, considérant 46.

([271]) Cour des comptes, 2023, op. cit. La part des ménages, stable entre 2016 et 2020, a augmenté de 7 points à la suite de la réforme de 2021, qui réduit l’imposition des locaux industriels

([272]) Le reste étant dû par des personnes morales.

([273]) Et pour quelques appartements de plus : Étude de la propriété immobilière des ménages et du profil redistributif de la taxe foncière, M. André et O. Meslin, INSEE Novembre 2021

([274]) Cette notion intervient également dans le calcul des autres principaux impôts locaux.

([275]) « Brochure pratique impôts locaux 2021 », DGFiP.

([276]) Cette surface pondérée totale résulte d’une addition d’éléments hétérogènes comme la surface habitable pondérée, la localisation du bien, le cadre de vie, le confort de l’habitation…

([277]) Les conditions du marché locatif au 1er janvier 1961 sont retenues pour les terrains non bâtis.

([278]) Cet abattement est destiné à tenir compte des dépenses de gestion du propriétaire, d’assurances, d’amortissement, d’entretien ou encore de réparation.

([279]) Hormis pour les locaux professionnels, dont la révision générale est intervenue en 2017.

([280]) L’article 4 de la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 a fixé au 1er janvier 1980 la date d’incorporation des résultats de la première actualisation des valeurs locatives foncières dans les rôles d’impôts directs locaux

([281]) La valeur locative de 1970 a été corrigée par un coefficient correspondant à l’évolution des loyers entre le 1er janvier 1970 et le 1er janvier 1978. Ce coefficient a été calculé pour chaque département.

([282]) Cour des comptes, « Les taxes foncières. Exercice 2016-2021 », Observations définitives, 2023.

([283]) En étaient ainsi exclus les locaux à usage d’habitation, les locaux industriels évalués selon la méthode comptable ainsi que les locaux professionnels évalués selon la méthode du barème.

([284]) Cour des comptes, op.cit.

([285]) Ainsi qu’aux locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale au sens l’article 92 du CGI, aux locaux affectés à un usage professionnel spécialement aménagés pour l’exercice d’une activité particulière mentionnée à l’article 1497 du CGI et aux locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises, définis à l’article 1407 I 2° du CGI.

([286]) Sont exclus de la RVLLP les locaux industriels évalués selon la méthode comptable prévue à l’article 1499 et les locaux professionnels évalués selon la méthode du barème prévue à l’article 1501 du CGI.

([287]) Voir par exemple la question écrite du député Franck Marlin au ministre de l’Action et des comptes publics en date du 18 février 2020 (XVe législature).

([288]) Prévu à l’article 1518 III A du CGI.

([289]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([290]) Les rapporteurs font ici leur une recommandation de la Cour des comptes, faite dans le rapport précité.

([291]) Bofip Enregistrement - BOI-ENR-DG-10 et BOI-ENR-DG-60.

([292]) Formalité créée par la loi n° 69-1168 du 26 décembre 1969 et généralisée depuis le 1er octobre 1970.

([293]) Sauf lorsqu’il s’agit d’échanges.  

([294]) Seuls trois départements (Indre, Morbihan et Mayotte) n’ont pas adopté le taux maximal de TPF de 4,5 %.

([295]) Possibilité pour les départements d’instituer des abattements (pour les immeubles à usage d’habitation ou de garage) et des réductions de taux (ventes par lots). Les conseils départementaux peuvent également voter dans des cas très précis des exonérations de droit d’enregistrement et de taxe de publicité foncière. https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/1_metier/3_partenaire/notaires/nid_11316_2022-05-31_dmto_2022_p_fiscal.pdf

([296]) Les barèmes sont différents pour l’Écosse et le Pays de Galles.

([297]) CGI, article 683, I.

([298]) CGI, article 726, I-2° et II.

([299]) Ibid.

([300]) Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt du 1er mars 1982, n° 80-10325, repris au BOI‑ENR‑DMTOI‑40-10-20, §70.