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Document E1071
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et du Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes


E1071 déposé le 22 mai 1998 distribué le 27 mai 1998 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1998) 0249 final du 24 avril 1998, transmis au Conseil de l'Union européenne le 27 avril 1998)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Décision 2000/278/CE du Conseil, du 16 mars 2000, relative à l'approbation, au nom de la Communauté européenne, du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et du traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes.
    (JO L 89 du 11 avril 2000) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 08/04/2000 p.5438)

Base juridique :

Articles 100A et 228, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

Le Conseil statue à la majorité qualifiée après avis conforme du Parlement européen.

Motivation et objet :

Par décision du 7 juillet 1997, le Conseil a autorisé la signature au nom de la Communauté européenne des deux Traités adoptés dans le cadre de la Conférence diplomatique de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), le 20 décembre 1996 à Genève, l’un sur le droit d’auteur, l’autre sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.

La Délégation a examiné ce texte le 1er juillet 1997 (E 854 - Rapport n° 37 présenté par M. Henri Nallet au nom de la Délégation).

La proposition examinée aujourd’hui tend à autoriser l’approbation de ces deux traités et à autoriser la Commission à représenter la Communauté lors des sessions des assemblées prévues par ces traités et à négocier en son nom la suite des travaux de l’OMPI.

Il s’agit d’une phase intermédiaire, entre signature et ratification, imaginée par la Commission pour lui permettre de continuer à représenter la Communauté européenne dans la phase de ratification et de suivi des négociations à venir.

La Commission avait participé activement aux travaux préparatoires de la conférence diplomatique de 1996 en application de directives de négociation décidées par le Conseil en 1991 et 1993, mais le mandat a pris fin avec la signature des traités.

La Communauté européenne ne peut ratifier les traités signés car les Conventions de Berne (qui date de 1886) et de Rome (1961) dont la conférence diplomatique de Genève est le prolongement, ne sont ouvertes qu’aux Etats.

C’est pourquoi les deux nouveaux traités prévoient (articles 17 (3) pour le premier et 26 (3) pour le second) que la Communauté européenne peut devenir partie contractante de l’OMPI au même titre que les Etats membres, en tant qu’organisation intergouvernementale ayant des compétences et disposant d’une législation propre liant tous ses Etats membres en ce qui concerne les questions régies par les traités . Encore faut-il qu’une décision soit prise à cet effet par le législateur communautaire.

La Commission considère que l’approbation des traités relève d’une compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres dans la mesure où, pour renforcer le marché intérieur, elle a adopté une série de directives visant à harmoniser les systèmes de protection juridique portant sur les biens et services objets de propriété intellectuelle, afin qu’ils puissent circuler librement et afin d’assurer un niveau élevé de protection aux titulaires des droits.

Récemment, une proposition de directive portant sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (document E 1011), qui a pour objet la mise en oeuvre des obligations découlant des traités de l’OMPI, a été examinée par la Délégation, qui a chargé M. Jacques Myard d’établir un rapport d’information.

A ce jour, la Communauté et tous les Etats membres ont signé les deux traités de l’OMPI, mais aucun Etat membre ne les a encore ratifiés. Or l’entrée en vigueur de ces traités facilitera l’adoption et la transposition dans les législations nationales de ladite proposition de directive.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

La Cour de Justice a eu à connaître des conflits entre les normes nationales en matière de droit d’auteur et les objectifs du traité de Rome et de l’Acte unique, conflits d’autant plus importants que les droits portant sur les biens protégés ont un caractère territorial. La décision la plus marquante est l’arrêt Phil Collins, qui a considéré, sur le fondement du principe de la non-discrimination en raison de la nationalité prévue à l’article 6 du traité CE, que « le droit d’auteur et les droits voisins entrent dans le domaine d’application du traité »( 1).

Cette compétence, découlant d’une nécessaire harmonisation communautaire, fonde la possibilité pour la Communauté européenne de participer aux accords internationaux. Par une décision rendue dans un autre domaine (arrêt AETR( 2)- Accord européen sur les transports routiers), la Cour souligne que la compétence de la Communauté en matière d’accords internationaux ne résulte pas seulement d’une attribution explicite du Traité, mais peut découler également d’autres dispositions du traité et d’actes pris dans le cadre de ces dispositions par les institutions de la Communauté. De plus, selon la Cour, dans la mesure où les règles communautaires sont arrêtées pour réaliser les buts du traité, les Etats membres ne peuvent prendre des engagements susceptibles d’affecter les dites règles ou d’en altérer la portée.

Dans les domaines couverts par les Traités de l’OMPI, la compétence est partagée dans la mesure où l’harmonisation communautaire n’est nécessaire que pour certains aspects de la propriété intellectuelle et parce que les directives laissent souvent aux Etats membres la possibilité de prévoir des niveaux de protection plus élevés.

Contenu et portée :

Le 20 décembre 1996, les délégations participant à la Conférence diplomatique sur certaines questions de droit d’auteur et des droits voisins organisée par l’OMPI ont adopté deux traités dans le domaine de la propriété intellectuelle.

Ces traités représentent un pas en avant de portée historique dans la protection internationale des droits d’auteur et des droits voisins et constituent une amélioration substantielle des Conventions de Berne et de Rome qui n’avaient pas été révisées, respectivement, depuis 1971 et 1961.

Le premier traité de l’OMPI adapte le droit d’auteur au nouvel environnement numérique et étend le droit de reproduction au stockage d’une oeuvre protégée sous forme numérique sur un support électronique et à la transmission d’oeuvres dans le cadre du réseau Internet.

Le traité souligne nettement la nécessité de préserver l’intérêt public général face aux droits des auteurs, notamment en matière d’enseignement de recherche et d’accès à l’information. En conséquence, les Etats signataires sont autorisés à assortir leur législation de limitations ou d’exceptions aux droits conférés aux auteurs sous réserve qu’il ne soit pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. Egalement, en ce qui concerne la portée de l’épuisement des droits, le traité, sans faire prévaloir la théorie de l’épuisement international, laisse aux Etats signataires le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l’épuisement du droit de distribution s’appliquera après la première vente ou autre opération de transfert de propriété effectuée avec l’autorisation de l’auteur.

Le second traité de l’OMPI, relatif aux interprétations et exécutions et aux phonogrammes, n’a pas accordé aux artistes interprètes ou exécutants l’extension de la protection de leurs droits à la « fixation audiovisuelle » de leurs prestations ; la protection est limitée à la « fixation sonore ». Les signataires reconnaissent toutefois que, dans le contexte numérique, les interprétations et exécutions sonores et audiovisuelles sont de plus en plus apparentées . En revanche, un nouveau droit fait son apparition en relation avec les nouvelles technologies de communication, le droit exclusif d’autoriser la mise à disposition des interprétations ou des phonogrammes sur un réseau de transmission à la demande d’un utilisateur de réseau.

Cette Conférence diplomatique constitue globalement un compromis plutôt favorable aux auteurs, mais qui ne tranche pas un certain nombre de points importants et reste assez éloigné du haut niveau de protection qui est l’objectif de la proposition de directive sur le droit d’auteur et les droits voisins.

On ajoutera que la Conférence diplomatique avait pour mission d’adopter un troisième traité relatif à la propriété intellectuelle en matière de base de données mais que les négociations ont échoué sans être définitivement abandonnées. Cet échec a conduit la Communauté européenne à adopter la directive relative à la protection juridique des bases de données( 3), dont la loi de transposition a été définitivement votée par le Parlement le 16 juin 1998.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

Aucun

Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

La Commission souhaite une adoption rapide de la proposition de décision du Conseil, qui lui permettrait de déclencher les procédures de ratification au nom de la Communauté européenne et d’exercer un effet d’entraînement sur les trente actes de ratification ou adhésions nécessaires à l’entrée en vigueur des traités. Un certain nombre de délégations des pays d’Europe centrale et orientale ont laissé entendre que leur adhésion aux traités dépendrait de celle de la Communauté et de ses Etats membres. L’entrée en vigueur des traités facilitera incontestablement l’adoption de la proposition de directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

De leur côté, les Etats membres s’interrogent et interrogent leurs services juridiques sur le problème de la compétence de la Communauté européenne pour être partie contractante de l’OMPI. L’analyse du service juridique du ministère des affaires étrangères devrait être disponible vers le 30 juin.

Conclusion :

La compétence partagée dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins peut justifier la possibilité pour la Communauté de devenir partie contractante de l’OMPI et de disposer du pouvoir de ratification. En conséquence la Commission serait autorisée à représenter la Communauté lors des sessions des Assemblées de l’OMPI prévues par les traités et à négocier en son nom.

Cette situation n’est pas nouvelle même si il est clair que la Commission cherche à acquérir une compétence supplémentaire. Membre fondateur de l’OMC, la Communauté européenne a participé à l’adoption de l’accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)( 4) ; cet accord a une importance fondamentale pour la protection de la propriété intellectuelle, qui englobe la propriété littéraire et artistique.

La ratification de l’ADPIC avait été l’occasion de nombreuses discussions entre la Commission et le Conseil sur la compétence exclusive ou partagée de la Communauté. La Cour de Justice, saisie par la Commission, a rendu un avis par lequel elle conclut à une compétence partagée entre la Communauté et ses Etats membres pour ratifier l’ADPIC( 5).

La situation de la Communauté vis à vis de l’OMPI et des conventions de Berne et de Rome constitue un handicap notamment dans les négociations commerciales bilatérales avec des pays tiers. Il est difficile pour la Communauté d’obtenir que des pays tiers adhèrent aux conventions de Berne et de Rome ou respectent les engagements qu’ils y ont contractés alors qu’elle-même n’est pas partie à ces traités.

Or deux grandes conceptions sur les droits attachés à la création intellectuelle continuent à s’affronter au niveau international, celle du droit d’auteur à laquelle s’est ralliée la conception française de « la propriété intellectuelle et artistique » et celle du copyright anglo-saxon. L’approche initialement mercantile de la Commission a été progressivement réorientée en faveur de la création intellectuelle et vers la recherche d’un niveau de protection élevé qui va bien au-delà des accords internationaux, se substituant à eux lorsqu’ils n’ont pas abouti.

Pour ces raisons et pour lui permettre de défendre l’acquis communautaire dans le secteur culturel, il ne semble pas inopportun de voir la Communauté européenne admise comme Partie contractante à l’OMPI même si cela confère une compétence supplémentaire à la Commission.

Sous le bénéfice de ces observations, ce texte n'appelle pas, en l'état actuel des informations de la Délégation, un examen plus approfondi (réunion de la délégation du 25 juin 1998).

 

(1) Cour de justice des Communautés européennes, octobre 1993, C-92/92.
(2) CJCE 31 mars 1971, aff 22/70, Commission/Conseil.
(3) 96/9/CE du 11 mars 1996.
(4) Accord ADPIC et OMC: JOCE n°L 336, 23 décembre 1994.
(5) CJCE 15 novembre 1994, avis 1/94 rendu en vertu de l’article 228, § 6 du traité CE.