Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E2758
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) n°3030/93 et (CE) n° 3285/94 en ce qui concerne le régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires des pays tiers.


E2758 déposé le 17 novembre 2004 distribué le 25 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0713 final du 25 octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 25 octobre 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 25 novembre 2004

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Règlement (CE) n° 2200/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 modifiant les règlements (CEE) n° 3030/93 et (CE) n° 3285/94 en ce qui concerne le régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires des pays tiers.
    (JO L 374 du 22 décembre 2004) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 26/01/2005 p.1378)

Base juridique :

Article 133 du traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

Majorité qualifiée au sein du Conseil.

Avis du Conseil d'Etat :

Cette proposition de règlement modifie un règlement qui comporte des dispositions qui relèveraient en droit interne du domaine législatif (mise en place de limites quantitatives aux importations de textile ).

Motivation et objet :

Cette proposition a pour objet de supprimer, conformément aux engagements multilatéraux de l'Union, les quotas que celle-ci continue d'appliquer à ses importations de textiles et de vêtements.

En effet, l'article 9 de l'Accord sur les textiles et les vêtements (ATV) de 1994, négocié lors du Cycle d'Uruguay et supervisé par l'OMC, prévoit la libéralisation, par étapes, des quotas d'importations de produits textiles (16 % du volume des importations devant être libéralisé le 1er janvier 1995, 17 % supplémentaires le 1er janvier 1998, 18 % supplémentaires le 1er janvier 2002), jusqu'à leur retrait définitif, le 1er janvier 2005.

A cette date, le commerce international du textile-habillement intégrera le " droit commun " des échanges de produits industriels, mettant ainsi fin à une exception qui a été imposée en 1979, dans le cadre du GATT, par les négociateurs des pays développés, sous la forme d'un accord dit " multifibres " ou AMF.

Le texte soumis à l'examen de la Délégation modifie, en conséquence, les règlements de base de 1993 et 1994 encadrant le commerce du textile et de l'habillement.

Toutefois, afin de respecter le respect des accords bilatéraux conclus dans le cadre de l'AMF, la Commission propose de vérifier jusqu'au 31 mars 2005 le respect des contingents 2004 de produits textiles exportés vers la Communauté d'ici la fin de l'année.

A l'heure actuelle, l'Union gère 210 contingents à l'importation de produits textiles et de vêtements originaires de 11 pays ou territoires membres de l'OMC : Argentine, Chine, Hong Kong, Inde, Indonésie, Malaisie, Pérou, Philippines, Taiwan, Corée du Sud et Thaïlande. Les importations assujetties à ces quotas représentent 20 % du volume total des produits textile/habillement vendus dans la Communauté.

Contenu et portée :

La libéralisation quantitative complète des importations de textile/habillement va accroître les importations des pays développés, dont le marché ne sera plus protégé que par les droits de douane.

En Europe, elle aura un impact économique et social important sur un secteur industriel fragile, car ce dernier emploie une main d'œuvre nombreuse (2,7 millions de personnes dans l'Union à 25, qui travaillent pour 177 000 entreprises ; 196 000 personnes en France), mais souvent peu qualifiée.

En effet, cette industrie est particulièrement exposée à la concurrence des pays à bas salaires, dont les effets négatifs s'accroissent d'année en année.

Durant la période 1995-2000, l'emploi dans cette branche aura chuté de 2,6 % par an (-5,4 % par an aux Etats-Unis). Plus récemment, en 2003, ce secteur a connu, après deux années " noires ", une baisse très sensible de la production (-4,4 %), ainsi que de l'emploi (-7,1 %).

Une étude réalisée à la demande de la Commission européenne par l'Institut français de la mode et le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) chiffre l'effet négatif de la libéralisation des échanges soumis à quotas, en termes de diminutions d'activité, à -3 % dans le secteur du textile et à -8 % dans le secteur de l'habillement.

Parallèlement, la structure des importations communautaires va être modifiée, avec une part croissante provenant de Chine, premier exportateur mondial d'habillement avec 28 % du marché mondial en 2003, et dans une moindre mesure d'Inde, au détriment des fournisseurs traditionnels (Maghreb, pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et pays les moins avancés), dont le commerce extérieur dépend parfois très majoritairement des exportations de textile (cas du Bengladesh ou du Cambodge).

Dans cette perspective, le représentant de l'île Maurice à l'OMC a récemment déclaré que les pays africains et d'autres pays pauvres bénéficiant de préférences commerciales pourraient perdre jusqu'à 70 % de leurs parts de marché au sein des pays développés.

Quant aux Etats-Unis, des experts de l'OMC ont estimé que la Chine et l'Inde pourraient fournir les deux tiers des importations américaines de vêtements, avec une Chine triplant sa part de marché et une Inde doublant la sienne par rapport à l'année 2002.

La Chine sera donc le principal bénéficiaire de cette libéralisation, les associations professionnelles européennes estimant que ce pays pourrait, en cinq ans, détenir 50 % du marché mondial.

Ce dernier a déjà vu ses exportations vers l'Union doubler entre 2001 et 2003. En 2003, les importations de textile/habillement en provenance de Chine représentait 17,5 % des importations communautaires totales de ces produits, pour une valeur de 12,3 milliards d'euros. Ce chiffre représentait une augmentation de 8,3 % par rapport à 2002, de 18 % par rapport à 2001 et de 156 % par rapport à 1995.

Ce contexte explique pourquoi, malgré un processus déjà engagé depuis plusieurs années, la fin de l'ATV suscite de fortes inquiétudes dans les secteurs industriels européens.

Un groupe de haut niveau sur le textile et l'habillement, associant trois commissaires européens (MM. Pascal Lamy, Erki Liikanen et Philippe Busquin) et les ministres compétents des Etats membres les plus concernés (Allemagne, France, Italie et Portugal), a donc été mis en place pour identifier les mesures permettant d'aider ce secteur à relever ces nouveaux défis.

La Commission s'est appuyée sur ces recommandations pour formuler, le 13 octobre 2004, dans le cadre d'une communication, les propositions suivantes :

- renforcer la protection des droits de la propriété intellectuelle , en créant notamment un site Web donnant des informations sur la législation existante et sur les organes chargés de sa mise en œuvre ;

- agir au niveau de l'éducation et de la formation , en les garantissant tout au long de la vie professionnelle et en encourageant à cet effet l'utilisation du programme Leonardo da Vinci ;

- stimuler la recherche et l'innovation , en encourageant les technologies les plus avancées et les produits textiles à forte valeur ajoutée grâce aux programmes de R&D de l'Union ;

- utiliser les fonds structurels pour remédier aux crises imprévues et limiter leur impact socio-économique sur les régions caractérisées par une importante concentration d'usines textiles. La Commission propose, dans ce but, la création d'un fonds de réserve au sein des fonds structurels, à hauteur de 1 % de la contribution annuelle destinée à l'objectif de " convergence " et de 3 % de l'objectif " compétitivité régionale et emploi " ;

- ouvrir, grâce aux négociations engagées à l'OMC, les marchés des pays tiers , notamment émergents, afin d'améliorer, par la baisse des droits de douane, l'accès de l'industrie européenne, en procédant par ailleurs à l'élimination des barrières non tarifaires ;

- finaliser la zone de libre-échange euro-méditerranéenne , en encourageant la conclusion des accords d'association en cours de négociation et en permettant le cumul des règles d'origine au sein de la même zone ;

- renforcer la coopération avec la Chine , en recourant au dialogue UE-Chine sur les textiles établi le 6 mai 2004 et en mettant en place un mécanisme de surveillance des importations chinoises.

Réactions suscitées :

Les discussions s'étant concentrées sur la surveillance des importations qui seront libéralisées, la présidence a obtenu, sur ce sujet, un compromis, qui repose sur deux axes.

En premier lieu, une surveillance douanière, dite erga omnes, s'exercera, dès le 1er janvier 2005, à l'égard de l'ensemble des produits libéralisés lors de la dernière phase et couvrira aussi bien les quantités que les prix. Les données statistiques seront transmises au plus tard à la fin de chaque mois, de manière obligatoire, pour toutes les administrations douanières des Etats membres, et publique, à des fins de transparence.

En second lieu, une surveillance préalable pour la Chine sera également mise en œuvre à partir du 1er janvier 2005. Elle se fera dans le cadre d'une licence automatique d'importation, pour une période transitoire d'un an, avec une clause de rendez-vous fixée à six mois. A l'issue de ce délai, la Commission devra établir un rapport sur la fiabilité du système de surveillance douanier.

Les Etats membres se sont ralliés à la demande française d'une transmission mensuelle des données statistiques, la date de la clause de rendez-vous finalement retenue, passée de fin mars à fin juin, répondant aussi à un souhait de la France.

Conclusion :

Compte tenu des améliorations ainsi apportées, la Délégation a approuvé ce texte au cours de sa réunion du 25 novembre 2004, après que M. Edouard Landrain, rapporteur, ait considéré qu'il marque la " fin d'une époque ".