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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 103

Réunion du jeudi 25 novembre 2004 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Communication de M. Edouard Landrain sur le Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions (document E 2586)

Le rapporteur a d'abord présenté les grandes lignes du Livre vert, avant d'évoquer certaines réactions exprimées en France et en Allemagne.

Les partenariats public-privé (PPP) sont des formes de coopération entre les autorités publiques et les entreprises privées donnant lieu à la mise en place de montages juridiques et financiers complexes pour la réalisation de projets d'infrastructures ou la fourniture de services d'utilité publique. Bien que ces partenariats se soient développés dans de nombreux domaines, le droit communautaire ne prévoit pas de régime juridique spécifique englobant les multiples formes qu'ils peuvent prendre. Ils ne sont d'une façon générale couverts que par les règles du Traité relative au marché intérieur ou par les directives sur les marchés publics. En revanche, certaines concessions n'entrent pas dans le champ d'application de ces dernières. Le souci de la Commission est, dès lors, de s'assurer que le cadre juridique communautaire ne constitue pas un obstacle à l'accès des opérateurs économiques aux différentes formes de PPP. Cette démarche conduit la Commission à distinguer les PPP purement contractuels et les PPP institutionnalisés, qui impliquent une coopération entre les secteurs public et privé au sein d'une entité spécifique.

S'agissant des PPP purement contractuels, la Commission examine d'abord l'opportunité d'appliquer ou non la procédure dite de dialogue compétitif aux PPP revêtant la forme de marchés publics. Prévue par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, cette procédure est ouverte dans les cas où l'organisme adjudicateur n'est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins et à ses objectifs et d'établir le montage juridique et/ou financier d'un projet. Aux yeux de la Commission, cette procédure comporte notamment l'avantage d'offrir la flexibilité nécessaire aux discussions avec les candidats de tous les aspects du marché, tout en veillant au respect des principes de transparence et d'égalité de traitement.

En second lieu, la Commission propose une initiative législative pour porter remède à l'absence d'un cadre juridique satisfaisant pour les concessions de services, pour viser tous les PPP, qu'ils soient qualifiés de marchés publics ou de concessions.

Enfin, la Commission juge également opportun de poser la question d'un dispositif communautaire, afin de répondre aux incertitudes et aux interrogations que soulèvent parfois les montages de PPP dans le cadre de la sous-traitance.

En ce qui concerne les PPP institutionnalisés, il s'agit, pour la Commission, d'opérations qui impliquent la mise en place d'une entité détenue conjointement par le partenaire public et le partenaire privé. Cette entité a pour mission de veiller à la livraison d'un ouvrage ou d'un service au bénéfice du public, comme par exemple les services publics locaux qui gèrent l'approvisionnement en eau ou la collecte des déchets. Tout en observant que certaines opérations relèvent de la compétence exclusive des Etats membres, la Commission souhaiterait l'intervention d'un texte, pour clarifier les obligations des organismes adjudicateurs.

M. Edouard Landrain a alors évoqué certaines réactions exprimées en France ou en Allemagne. Abordant la difficulté d'appliquer un régime unique de PPP aux marchés publics et aux concessions, le rapporteur a déclaré que pour les autorités françaises, la démarche de la Commission méconnaissait pour l'essentiel leurs particularités respectives. Quant aux autorités allemandes, elles estiment que les PPP sont non pas des marchés publics mais des formes d'organisation des tâches de l'Etat, une décision de nature politique présidant au recours à ces partenariats.

Soulignant ensuite l'importance accordée par les uns et par les autres à la nécessité de respecter le principe de subsidiarité, le rapporteur a indiqué que les entretiens qu'il a pu avoir avec les représentants de certains ministères avaient montré que la France était d'autant moins favorable au principe d'une réglementation autonome des PPP, qu'elle dispose déjà d'un cadre législatif très complet. Pour des raisons différentes, il existe en France, comme en Allemagne, une opposition à une initiative de la Commission en matière de concessions. Les autorités françaises font valoir qu'une telle initiative devrait se limiter aux concessions de services, tandis que les autorités allemandes considèrent que les insuffisances révélées par l'application de la réglementation actuellement en vigueur, ne sauraient justifier l'intervention d'une nouvelle législation, dont on peut craindre qu'elle ne soit un facteur supplémentaire de complexité.

En conclusion, le rapporteur a souligné que bien qu'il ne soit qu'un document de consultation, le Livre vert n'en soulevait pas moins des enjeux considérables pour la France et pour l'Europe. Pour la France, il s'agit de conserver les aspects les plus positifs de sa législation et de tirer profit des novations offertes par la notion de PPP. Pour l'Europe, il convient d'urgence de stimuler l'industrie par les commandes publiques. Des statistiques émanant de l'OCDE révèlent que les commandes publiques à composante technologique importante représentent 250 milliards de dollars par an aux Etats-Unis, contre 25 milliards seulement dans l'Union européenne, dont la moitié est assurée par les Britanniques. Le rapporteur a considéré qu'il y avait là une piste de réflexion dont l'Europe ne pourra faire l'économie à l'heure où elle s'interroge sur les moyens de relancer la stratégie de Lisbonne.

Après l'intervention du Président Pierre Lequiller, la Délégation a pris acte du Livre vert.

II. Communication du Président Pierre Lequiller sur le Livre vert concernant les marchés publics de la défense (document E 2710)

Le Président Pierre Lequiller a expliqué que l'industrie européenne de défense se trouvait aujourd'hui dans une impasse. Les mauvais résultats du secteur sont dus autant au cloisonnement des marchés européens qu'à l'accès trop difficile au marché américain. La situation des marchés nationaux en Europe trouve son origine dans l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne. Repris tel quel dans le projet de Constitution européenne, il laisse quasiment toute latitude aux États membres pour soustraire le domaine de l'armement aux règles du marché intérieur. Ces règles ont même été parfois mises à profit par des importateurs européens pour s'approvisionner aux Etats-Unis sans avoir à s'acquitter des droits de douane, ce qui est désormais exclu par un règlement de janvier 2003.

D'une manière générale, l'industrie européenne devrait développer sa capacité à répondre à la demande intérieure. Le dynamisme d'Airbus dans le domaine civil donne l'exemple de ce dont l'industrie européenne est capable dans le domaine militaire. Ses succès dans l'aéronautique prouvent que la relative faiblesse de l'industrie européenne de défense n'est pas tant due à une infériorité technologique qu'au cloisonnement juridique, à l'absence de véritable marché intérieur et à la fermeture du marché américain. La solution réside dans une approche globale de ces trois questions.

La France a pris les devants en publiant le décret « spécifique défense » qui réalise une percée sans équivalent en Europe dans le domaine de la réglementation des marchés publics de défense. De concert avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, les autorités françaises font preuve dans ce secteur d'une audace qui se manifeste notamment dans les opérations engagées en matière de fusion et de restructuration industrielles. Elles devraient faire un accueil très favorable aux propositions de la Commission esquissées dans la présentation du Livre vert.

Le document propose en effet de faire naître des conditions de concurrence plus ouvertes à l'intérieur de l'Union européenne, tout en respectant les particularités propres aux marchés de la défense. Il ne vise donc pas à augmenter les dépenses militaires en Europe, mais à rationaliser l'emploi des ressources qui y sont déjà consacrées. Pour ce faire, deux instruments juridiques sont envisagés : le premier serait une « communication interprétative » qui récapitulerait sous l'autorité de la Commission l'ensemble des règles de droit applicables dans le secteur, telles qu'elles ressortent notamment de la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg ; une directive pourrait d'autre part être adoptée, qui aurait l'avantage d'édicter des règles contraignantes allant plus loin qu'une simple compilation du droit existant. La directive proposerait une harmonisation des procédures nationales de passation de certains marchés qui, tout en entrant dans le champ de la dérogation générale de l'article 296, ne correspondraient pas strictement aux cas qui en font la raison d'être. Cela ferait naître une catégorie intermédiaire de transactions, soustraites au droit commun de la concurrence mais ne bénéficiant pourtant pas d'une dérogation à tout contrôle.

Dans ses réponses aux questions posées par la Commission européenne dans le Livre vert, la Délégation a nettement marqué son soutien à l'adoption rapide de la directive envisagée et a pris acte du Livre vert.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Environnement

- proposition de décision du Conseil portant approbation de la conclusion de la convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire. Proposition de décision du Conseil portant approbation de la conclusion de la convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique (document E 2676) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse concernant la participation de la Suisse à l'agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse concernant la participation de la Suisse à l'agence européenne pour l'environnement et au réseau européen d'information et d'observation pour l'environnement (document E 2729).

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil portant modification des règlements (CEE) n° 3906/1989, (CE) 1267/1999, (CE) 1268/1999 et (CE) n° 2666/2000, afin de prendre en considération le statut de candidat de la Croatie (document E 2747).

¬ Politique agricole commune

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) (document E 2728).

¬ Politique sociale

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour l'emploi et la solidarité sociale - Progress (document E 2675).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/746/CE du Conseil autorisant la République française à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (document E 2737) ;

- lettre rectificative n° 2 à l'avant à l'avant-projet de budget 2005 - volume 1 - Etat général des recettes - volume 4 - Etat des recettes et des dépenses par section
- section III - Commission (document E 2738) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 sur l'imposition des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts et à l'approbation ainsi qu'à la signature de la Déclaration d'Intention qui l'accompagne, et Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts (document E 2748).

Point B

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires en vue de l'ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour certains produits agricoles originaires de Suisse (document E 2742) ;

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a approuvé ce texte.

- proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CEE) nº 3030/93 et (CE) nº 3285/94 en ce qui concerne le régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires des pays tiers (document E 2758).

M. Edouard Landrain a indiqué que cette proposition a pour objet de supprimer, conformément aux engagements multilatéraux de l'Union, les quotas que celle-ci continue d'appliquer à ses importations de textiles et de vêtements.

En effet, l'article 9 de l'Accord sur les textiles et les vêtements (ATV) de 1994, négocié lors du Cycle d'Uruguay et supervisé par l'OMC, prévoit la libéralisation, par étapes, des quotas d'importations de produits textiles, jusqu'à leur retrait définitif, le 1er janvier 2005.

A cette date, le commerce international du textile-habillement intégrera le « droit commun » des échanges de produits industriels, mettant ainsi fin à une exception qui a été imposée en 1979, dans le cadre du GATT, par les négociateurs des pays développés, sous la forme d'un accord dit « multifibres » ou AMF.

Le texte soumis à l'examen de la Délégation modifie, en conséquence, les règlements de base de 1993 et 1994 encadrant le commerce du textile et de l'habillement.

La libéralisation quantitative complète des importations de textile/habillement va accroître les importations des pays développés, dont le marché ne sera plus protégé que par les droits de douane.

En Europe, elle aura un impact économique et social important sur un secteur industriel fragile, car ce dernier emploie une main d'œuvre nombreuse (2,7 millions de personnes dans l'Union à 25 ; 196 000 personnes en France), mais souvent peu qualifiée.

En effet, cette industrie est particulièrement exposée à la concurrence des pays à bas salaires, dont les effets négatifs s'accroissent d'année en année.

Durant la période 1995-2000, l'emploi dans cette branche aura chuté de 2,6 % par an (-5,4 % par an aux Etats-Unis). Plus récemment, en 2003, ce secteur a connu, après deux années « noires », une baisse très sensible de la production (-4,4 %), ainsi que de l'emploi
(-7,1 %).

Une étude réalisée à la demande de la Commission européenne par l'Institut français de la mode et le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) chiffre l'effet négatif de la libéralisation des échanges soumis à quotas, en termes de diminutions d'activité, à -3 % dans le secteur du textile et à -8 % dans le secteur de l'habillement.

Les discussions sur ce texte s'étant concentrées sur la surveillance des importations qui seront libéralisées, la présidence a obtenu, sur ce sujet, un compromis, qui repose sur deux axes.

En premier lieu, une surveillance douanière, dite erga omnes, s'exercera, dès le 1er janvier 2005, à l'égard de l'ensemble des produits libéralisés lors de la dernière phase et couvrira aussi bien les quantités que les prix. Les données statistiques seront transmises au plus tard à la fin de chaque mois, de manière obligatoire, pour toutes les administrations douanières des Etats membres, et publique, à des fins de transparence.

En second lieu, une surveillance préalable pour la Chine sera également mise en œuvre à partir du 1er janvier 2005. Elle se fera dans le cadre d'une licence automatique d'importation, pour une période transitoire d'un an, avec une clause de rendez-vous fixée à six mois. A l'issue de ce délai, la Commission devra établir un rapport sur la fiabilité du système de surveillance douanier.

Compte tenu des améliorations ainsi apportées, la Délégation a approuvé ce texte après que M. Edouard Landrain ait considéré qu'il marque la « fin d'une époque ».

¬ Environnement

- proposition de décision du Conseil portant modification de la décision 1999/847/CE en ce qui concerne l'extension du programme d'action communautaire en faveur de la protection civile (document E 2658).

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et l'Ukraine (document E 2759) ;

- proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie (document E 2760) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (document E 2763) ;

- proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et la République du Kazakhstan (document E 2769).

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a approuvé ces cinq textes.

¬ Questions budgétaires

- lettre rectificative n° 3 à l'avant-projet de budget 2005 - Volume 1: Etat général des recettes et Volume 4 : Etat des recettes et des dépenses par section, Section III
- Commission (document E 2753).

Le Président Pierre Lequiller a souligné que cette lettre rectificative permettait de mettre à jour les estimations des dépenses agricoles et des accords internationaux en matière de pêche pour 2005. Par rapport aux chiffres de l'avant-projet de budget pour 2005, la Commission revoit à la baisse de 221,5 millions d'euros les dépenses agricoles de marché du fait d'économies réalisées dans les secteurs du lait, du sucre et de l'huile d'olive. La France a voté contre cette lettre rectificative en comité budgétaire mais s'y est ralliée en Coreper dans le cadre d'un compromis global sur le budget pour 2005.

La Délégation a émis des réserves sur la lettre rectificative, tout en soutenant la position du gouvernement français dans la négociation globale sur le budget 2005.

Enfin, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, du texte suivant :

- proposition de décision du Conseil définissant la position de la Communauté à l'égard de la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table (document E 2755).