Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E2761
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier les obligations relatives à la taxe sur la valeur ajoutée. Proposition de directive du Conseil définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 77/388/CEE, en faveur des assujettis non établis à l'intérieur du pays mais qui sont établis dans un autre Etat membre. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1798/2003 en vue d'introduire des modalités de coopération administrative dans le cadre du système de guichet unique et de la procédure de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée.


E2761 déposé le 17 novembre 2004 distribué le 25 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0728 final du 29 octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 3 novembre 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 12 avril 2005

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document n'a pas encore été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne.

Base juridique :

Article 93 du Traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

Unanimité du Conseil.

Avis du Conseil d'Etat :

Ces propositions concernant le système de taxe sur la valeur ajoutée visent respectivement à une simplification des obligations fiscales, à l'allègement des formalités exigées des assujettis redevables de la TVA dans un Etat membre dans lequel ils ne sont pas établis et au renforcement de la coopération administrative entre les Etats membres. Ces propositions mettent en cause le régime de la TVA, touchent aux règles fiscales et comportent des dispositions relatives à l'échange d'informations nominatives. Elles seraient en droit interne de la compétence du législateur.

Contenu et portée :

Ces trois propositions d'actes communautaires visent à simplifier les règles et obligations fiscales relatives à la TVA, pour faciliter notamment les opérations transfrontalières des entreprises.

Elles s'inscrivent dans la stratégie TVA lancée par la Commission en juin 2000, définie autour de quatre objectifs : la simplification, la modernisation, une application plus uniforme des règles sur le territoire communautaire et un renforcement de la coopération administrative entre les Etats membres pour lutter contre la fraude.

Elles répondent également à la demande du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 d'une simplification des normes européennes comme aux conclusions du Conseil " compétitivité " concernant l'amélioration de la législation, adoptées les 17 et 18 mai 2004.

Elles vont enfin dans le sens de la démarche de " promotion de la croissance par la réduction des charges administratives ", souhaitée par la présidence néerlandaise lors de la réunion informelle du Conseil Ecofin du 11 septembre 2004.

Leur contenu a été défini sur la base d'une étude récemment menée sur la fiscalité européenne (document SEC (2004) 1128), avec enquête auprès de 700 entreprises de 14 Etats membres( 1). Selon celle-ci, le poids des obligations administratives qui pèsent actuellement sur les redevables de la TVA, lorsqu'ils entreprennent des opérations commerciales dans un Etat membre où ils ne sont pas établis, constitue un obstacle à la distribution de leurs produits, en raison notamment du niveau, élevé, des coûts administratifs qui en résultent.

La principale des mesures proposées porte ainsi sur la mise en place dans chaque Etat membre d'un " guichet unique " pour la remise des déclarations de TVA relatives aux opérations effectuées dans l'ensemble des pays de l'Union.

En complément, cinq autres mesures sont proposées par la Commission, de manière à faciliter la déduction, le remboursement, le cas échéant, ainsi que le recouvrement de la TVA afférente aux opérations transfrontalières :

- un dispositif, similaire, de " guichet unique " pour les demandes de remboursement de TVA adressées aux Etats membres dans lesquels une entreprise n'est pas établie ;

- une harmonisation des règles de limitation du droit à déduction de la TVA, de manière à les rendre plus homogènes ;

- une extension du champ d'application du mécanisme de l'autoliquidation, lequel transfère du fournisseur étranger au client les obligations relatives à la déclaration et au paiement de la TVA ;

- la clarification du régime des ventes à distance, avec la taxation dans l'Etat de départ jusqu'à un seuil global de 150.000 euros, qui serait applicable à l'ensemble des ventes à destination des autres Etats membres, en remplacement du dispositif actuel fondé sur un seuil de droit commun de 100.000 euros par pays (lequel peut d'ailleurs être réduit à 35.000 euros) ;

- la création d'une limite maximale unique, d'un montant de 100.000 euros, applicable à l'ensemble des Etats membres, pour la franchise en base en faveur des petites entreprises, en remplacement des dispositions actuelles qui ne placent pas ceux-ci sur un pied d'égalité.

I.- Une mesure de modernisation et de simplification qui exigera de chaque Etat membre la mise en œuvre de moyens adaptés : la mise en œuvre d'un " guichet unique " pour les déclarations de la TVA due au titre des opérations réalisées dans les Etats membres où les entreprises ne sont pas établies

· Les règles actuelles sont complexes pour les entreprises

Lorsqu'elle effectue actuellement des opérations taxables dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, une entreprise assujettie à la TVA doit respecter, dans chacun des pays concernés, plusieurs obligations :

- elle doit s'y faire identifier ;

- elle doit déposer les déclarations prévues auprès de l'administration compétente ;

- elle doit effectuer les paiements correspondants.

Comme chaque Etat membre conserve une grande liberté pour définir, outre les taux de TVA, le contenu précis et la périodicité des déclarations à adresser à l'administration fiscale, ce " faisceau d'obligations " est considéré par les entreprises, en raison de sa complexité et de sa lourdeur, comme un frein au développement de leurs activités commerciales dans l'ensemble du marché intérieur, ainsi que comme une source de coûts administratifs excessifs.

Le nombre des immatriculations à la TVA imputables aux opérations commerciales transfrontalières par les entreprises qui ne sont pas physiquement établies dans l'Etat membre d'imposition, est ainsi estimé à 250.000.

Il existe certes quelques régimes dérogatoires plus simples que celui de droit commun, mais leur champ d'application est limité.

En ce qui concerne les transactions entre les entreprises assujetties à la TVA, le régime de l'auto-liquidation qui substitue, comme redevable de la TVA, l'entreprise cliente à son fournisseur, ne concerne que quelques cas. La Commission propose certes d'en étendre le champ, selon les modalités examinées au IV ci-dessous, mais ne suggère pas d'en faire le principe de droit commun.

Quant aux transactions avec les particuliers, une seule exception est prévue, par la directive 2002/38/CE du Conseil du 7 mai 2002, qui définit le cadre du régime applicable aux services électroniques délivrés au consommateur.

· Pour éviter que les entreprises n'aient autant d'interlocuteurs que de pays avec lesquels elles ont des relations commerciales, la Commission propose la mise en place dans chaque Etat membre d'un " guichet unique " auprès duquel seraient déposées toutes les déclarations de TVA destinées aux autres Etats membres.

Dans un esprit de simplification, la Commission propose de diminuer le nombre des interlocuteurs des entreprises et la diversité des obligations qui leur incombent, en demandant à chaque Etat membre de mettre en place un " guichet unique ".

Géré sous la forme d'un portail électronique, ce guichet unique permettrait aux entreprises :

- d'une part, d'utiliser leur numéro d'immatriculation auprès de l'Etat membre dans lequel elles sont implantées pour leurs déclarations à l'étranger ;

- d'autre part, d'y remplir, selon une procédure et des règles harmonisées, ces mêmes déclarations relatives aux opérations transfrontalières.

Ces données seraient ensuite transmises automatiquement, par voie électronique, à chaque Etat membre concerné. Le système d'échange d'informations en matière de TVA entre les Etats membres, le système VIES , est prévu pour être modernisé en ce sens.

Ce nouveau régime de déclaration serait optionnel. Les opérateurs qui estiment y trouver avantage pourraient continuer à appliquer les règles actuelles.

· Les relations avec les administrations étrangères se limiteraient donc au paiement et au contrôle de l'impôt

La proposition de la Commission représente un progrès significatif, à deux titres.

D'une part, une entreprise devrait, en principe, n'utiliser désormais qu'un seul numéro de TVA pour les déclarations relatives à ses opérations intervenant sur l'ensemble du territoire communautaire.

D'autre part, les informations déclarées seraient automatiquement transmises aux Etats membres dont relèvent, au titre de la TVA, les opérations concernées.

Ce dispositif ne supprime cependant pas toute relation entre l'entreprise et l'administration étrangère.

En effet, tant le paiement que le contrôle de l'impôt continueraient à relever de cette dernière. L'entreprise devrait par conséquent continuer à se faire identifier auprès d'elle.

S'appuyant sur l'exemple du régime particulier applicable au commerce électronique, la Commission a, en effet, estimé qu'il n'était pas réaliste de faire assurer la perception de l'impôt par un Etat membre autre que celui auquel il est dû. Un tel schéma exigerait de prévoir un vaste réseau de trésorerie et de redistribution actuellement jugé hors de portée.

Sur un autre plan, elle considère que les intermédiaires financiers sont bien placés pour délivrer, aux petites entreprises notamment, des prestations permettant d'assurer le suivi des paiements internationaux qui leur incombent.

· La réforme proposée est séduisante mais sa réussite dépend de la capacité des Etats membres et de la Commission à mettre en place les moyens informatiques adéquats

La modernisation proposée par la Commission devrait permettre de réduire les coûts administratifs des entreprises. Elle est donc opportune.

En France, plus de la moitié du produit de la TVA( 2) est dorénavant collectée dans le cadre de la télédéclaration, qui s'applique obligatoirement à toutes les entreprises relevant de la direction des grandes entreprises ainsi qu'au-delà d'un chiffre d'affaires annuel supérieur à 15 millions d'euros. Au 31 mai 2005, 43 713 adhéraient au dispositif télé-TVA à titre obligatoire et 62 266 avaient choisi de s'y affilier en usant de la faculté d'option qui leur est ouverte par le code général des impôts.

Cette modernisation est cependant exigeante pour les Etats membres comme pour la Commission.

En effet, les Etats membres devront être en mesure d'assurer le fonctionnement coordonné des portails électroniques, et d'en assumer les coûts.

Par ailleurs, il appartient également aux services communautaires d'assurer dans les délais prévus la modernisation du système VIES, actuellement utilisé pour les échanges d'informations entre les Etats membres pour la TVA intracommunautaire.

En ce qui concerne les Etats membres cependant, une plus grande automatisation des opérations relatives à la TVA ne représente pas qu'une contrainte. Elle offre l'avantage d'un meilleur contrôle et devrait ainsi rendre les procédures de recouvrement plus efficaces.

Un dispositif similaire à celui proposé, le " streamlined sales tax plan ", a d'ailleurs été mis en place aux Etats-Unis pour le recouvrement de la sales tax perçue par chaque Etat, lorsqu'il s'agit des taxes sur les ventes à distance.

II.- Le " guichet unique " pour les demandes de remboursement de TVA adressées par les entreprises aux Etats membres où elles ne sont pas établies : une mesure comparable, mais contraire dans certains de ses détails avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité

· La lenteur et la diversité des procédures actuelles de remboursement de la TVA par les Etats étrangers

La 8e directive 79/1072/CEE du 6 décembre 1979 fixe les modalités selon lesquelles les entreprises peuvent obtenir des Etats membres où elles ne sont pas établies, le remboursement de la TVA qu'elles y ont acquittée.

Il s'agit de la TVA ayant grevé les biens et services utilisés pour les besoins des opérations exonérées, c'est-à-dire des livraisons intracommunautaires de biens eux-mêmes exonérés.

Ces créances sont actuellement recouvrées selon des règles prévues par chaque Etat membre.

Les entreprises ayant invoqué la lenteur et la diversité des procédures actuelles, ce qui engendre des charges de trésorerie comme des coûts administratifs, la Commission a proposé en 1998 de fixer un nouveau cadre pour la récupération de la TVA acquittée dans un autre Etat membre.

· L'échec de la proposition initiée en 1998 par la Commission, en raison de l'opposition des Etats membres

La proposition de 1998 n'a toutefois pas été adoptée par le Conseil.

Elle posait, en effet, le principe d'une déduction de la TVA selon les règles applicables dans l'Etat membre où est établie l'entreprise et non plus selon celles de l'Etat membre où la dépense taxée est intervenue.

Une telle application du principe du pays d'origine a suscité la réticence des Etats membres. D'une part, il leur reviendrait dorénavant d'appliquer des règles de droit étranger pour la liquidation de leurs créances. D'autre part, un tel dispositif n'est pas nécessairement neutre pour les finances publiques.

· La nouvelle proposition de la Commission prévoit un dispositif de " guichet unique " et de transmission automatique des données à l'Etat membre débiteur

Face à ces obstacles, la Commission a renoncé à son projet initial et suggère par conséquent une méthode alternative, qui se limite à la création par chaque Etat membre d'un portail électronique, ce qui n'affecte pas les règles de liquidation des créances de TVA.

Suivant la même logique de " guichet unique " que pour le paiement des dettes de TVA des entreprises, les entreprises présenteraient les demandes de remboursement qu'elles sont en droit d'adresser aux différents Etats membres où elles ne sont pas établies.

Par souci de simplicité, ce portail électronique serait commun aux déclarations prévues au I ci-dessus et aux demandes de remboursement.

Ce dispositif assurerait l'enregistrement mais également le transfert de la demande de remboursement vers l'administration de l'Etat membre auquel elle s'adresse, à savoir celui où les dépenses ouvrant droit à la restitution ont été engagées.

La procédure serait totalement dématérialisée, puisque les originaux des factures ou des documents d'acquisition intracommunautaires ne seraient plus fournis.

La vérification interviendrait ensuite en deux temps :

- d'une part, l'administration de l'Etat membre où l'entreprise est établie s'assurerait que la demande est bien adressée par un assujetti à la TVA. Cette procédure remplacerait l'actuel certificat par lequel cette administration confirme à l'autorité étrangère chargée du remboursement que le demandeur a bien, dans l'Etat où il est établi, le statut d'assujetti à la TVA ;

- d'autre part, l'Etat membre auquel la demande est adressée pourrait demander des informations complémentaires, avant de procéder au remboursement.

Considérant que la tâche des administrations responsables du remboursement serait très allégée, la Commission propose de tirer les conséquences de cette amélioration en :

- prévoyant un délai de trois mois pour le traitement des demandes et l'intervention d'une décision. En cas de demande d'informations complémentaires, un nouveau de délai de trois mois sera comptabilisé à compter de la réception des éléments demandés ;

- instituant une sanction en cas de dépassement de ce délai : d'une part, le remboursement ne pourrait plus être refusé ; d'autre part, le retard donnerait lieu à versement d'intérêts au taux de 1 % par mois.

· La mesure est intéressante, mais son détail doit être amélioré : en l'état, elle ne respecte notamment pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité

Le dispositif suggéré par la Commission apparaît satisfaisant, à trois réserves près :

- d'une part, l'obligation pour les entreprises de déposer leur demande par voie électronique, à l'exclusion de toute procédure classique, peut paraître excessive. Elle impose aux plus petites entreprises, qui n'y sont pas prêtes, notamment en raison de leurs difficultés à s'équiper, de procéder par télédéclaration ;

- d'autre part, le délai de mise en œuvre du dispositif au 1er juillet 2006, tel que prévu par la proposition de la Commission, paraît à l'évidence trop bref. Une réflexion doit indéniablement être menée sur un délai plus adapté ;

- enfin, le fait de fixer au niveau communautaire le montant précis du taux d'intérêt applicable aux créances qui seraient remboursées hors délai n'apparaît pas conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

S'il n'est pas contestable que le principe d'un tel taux doive être établi au niveau communautaire, on ne saurait méconnaître qu'aller aussi loin dans le détail :

- engendre une différence de traitement, dont le bien fondé appelle les plus expresses réserves, entre les entreprises étrangères créancières du Trésor et celles établies dans l'Etat membre concerné, dès lors que les deux taux ne sont pas identiques, ce qui serait notamment le cas pour la France( 3) ;

- conduit à fixer un taux parfaitement inadapté car beaucoup trop élevé, à raison de 12 % l'an, dans un contexte de faible inflation, comme c'est le cas des pays de la zone euro.

Il convient, par conséquent, de prévoir une modification pour rétablir les prérogatives des Etats membres sur ce point.

III.- Les mesures techniques d'harmonisation et de simplification

A.- La reprise d'un objectif ancien mais encore inaccompli de la sixième directive : l'harmonisation des exclusions du droit à déduction de la TVA

· Un objectif prévu par la sixième directive, mais qui n'a jamais été réalisé

Dans l'ensemble des Etats membres, la TVA répond aux mêmes principes : d'une part, les dépenses relatives à l'activité de l'entreprise ouvrent droit à déduction de la TVA qui les a grevées ; d'autre part, celles engagées pour des besoins autres que ceux de l'entreprise (d'une manière qui peut d'ailleurs être conforme à son intérêt) n'ouvrent pas droit à déduction ; certaines dépenses, enfin, font l'objet d'une restriction du droit à la récupération de la TVA.

Ces exclusions concernent principalement les biens et prestations de services à usage mixte, c'est-à-dire pouvant faire concurremment l'objet d'un usage professionnel ou d'un usage privé, mais visent aussi certains éléments de frais généraux considérés par certaines administrations fiscales comme plus éloignés du cœur des besoins de l'entreprise : véhicules et moyens de transport, hébergement, nourriture et boissons, ainsi que dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Face à la diversité des situations constatées dans les Etats membres, la sixième directive avait prévu dès 1977 une harmonisation des exclusions totales ou partielles prévues par les droits fiscaux nationaux, indiquant précisément que le Conseil déterminerait, dans un délai de quatre ans après son entrée en vigueur, une liste des dépenses exclues.

Dans cette attente, une clause dite de gel, ou de statu quo , a prévu le maintien des exclusions alors en vigueur par les législations nationales. Chaque Etat membre peut y mettre fin. Toutefois, aucun durcissement ne peut intervenir, même si un assouplissement a entre temps été opéré.

Aucune décision du Conseil n'étant intervenue, la Commission a proposé sans succès et à deux reprises, d'abord en 1983 puis de nouveau en 1998, de sortir de la clause de gel et procéder à l'harmonisation annoncée.

Dans cette attente, c'est donc le dispositif initial, et provisoire, qui est donc resté en vigueur.

· La nouvelle approche est plus souple car elle se limite à harmoniser le champ des dépenses concernées

Reprenant à nouveau, pour la troisième fois, une initiative en ce sens, la Commission propose une approche plus souple harmonisant uniquement le champ des dépenses auxquelles peuvent s'appliquer les exclusions du droit à déduction.

Selon cette proposition, les restrictions ne pourraient dorénavant concerner que :

- les dépenses relatives aux véhicules, navires et avions ;

- celles de voyage, d'hébergement, de nourriture et de boissons ;

- les dépenses de luxe, de divertissement et de représentation.

Si cette proposition vise à alléger la diversité des obligations administratives des entreprises et permettra aux Etats membres de sortir des rigidités actuelles de la clause de gel, qui interdisent de durcir à nouveau une exclusion dans la portée a été restreinte, elle exigera, en revanche, de certains Etats membres qu'ils abrogent ou modifient d'une manière substantielle certaines de leurs dispositions.

En ce qui concerne la France, les exclusions actuelles, qui portent sur les véhicules de tourisme et les dépenses d'hébergement, ne seraient pas affectées par l'entrée en vigueur de la disposition proposée.

La mesure proposée n'appelle donc pas d'observation particulière.

B.- La simplification des opérations transfrontalières par le transfert des obligations fiscales du vendeur vers l'acquéreur : l'extension du champ de l'application obligatoire du mécanisme de l'autoliquidation

· Le régime de l'autoliquidation et son champ d'application actuel

Dans certains cas, les opérations intracommunautaires entre entreprises assujetties à la TVA donnent lieu à application d'un régime particulier dit de l'autoliquidation, dans le cadre duquel les formalités à accomplir en matière de TVA incombent non pas au fournisseur, comme c'est en principe la règle, mais à l'entreprise cliente.

C'est cette dernière qui déclare et liquide la TVA, et la paie à l'administration fiscale de l'Etat membre dont relève l'opération.

Parce qu'elle évite de rendre une entreprise redevable de la TVA dans un Etat membre où elle n'est pas établie et la décharge d'importantes formalités, cette règle dérogatoire au droit commun constitue un élément de simplification.

Etablie dans l'Etat concerné, l'entreprise cliente ne ressent que peu les conséquences de ce transfert, qui ajoute simplement quelques éléments nouveaux à ses charges administratives habituelles.

Actuellement, la portée de ce régime dérogatoire est cependant limitée.

Son application n'est obligatoire que pour certaines catégories de prestations de services : les prestations immatérielles (publicité, cessions et concessions de droits de propriété intellectuelle, conseils, prestations juridiques et comptables, opérations bancaires, financières et d'assurance, télécommunications notamment) ; le transport intracommunautaire de biens, les transports assimilés et les services annexes à ces transports ; certaines prestations intermédiaires pour les transports ; les travaux et expertises sur biens meubles.

Pour les livraisons de biens ainsi que pour les autres prestations de services, le recours au système de l'autoliquidation est laissé à la discrétion des Etats membres.

· L'extension proposée par la Commission

Dans un esprit de simplification, la Commission propose par conséquent d'étendre l'application de plein droit de ce régime à trois catégories de prestations :

- les livraisons de biens installés ou assemblés par un fournisseur ou en son nom ;

- les prestations de services rattachés à des immeubles ;

- les prestations de services imposables au lieu de leur exécution matérielle en application du c du 2 de l'article 9 de la directive de 1977 : les activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d'enseignement ou de divertissement ; les activités accessoires aux transports ; les expertises de meubles corporels ; les travaux portant sur des meubles corporels.

Cette proposition n'appelle pas de réserve, dès lors qu'elle renforce la faculté des Etats membres à contrôler leur TVA propre au titre des opérations transférées.

Elle ne limite pas, en effet, en l'état, l'intérêt de la mise en place du guichet unique, lequel sera d'autant plus justifié que son champ sera étendu. Par définition, une opération donnant lieu à autoliquidation ne passe par le guichet unique, puisque le fournisseur étranger n'est plus redevable de la TVA.

C.- La mise en cohérence du régime TVA des plus petites entreprises entre les Etats membres : l'harmonisation du seuil maximum d'exonération dont elles bénéficient

· La diversité des seuils d'exonération de la TVA pour les petites entreprises engendre des inégalités entre les Etats membres

Actuellement, la sixième directive permet aux Etats membres d'exonérer de la TVA les petites entreprises.

Lorsque l'un d'entre eux fait usage de cette faculté, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à certains seuils bénéficient d'une franchise, qui peut être variable, selon les secteurs d'activité.

En conséquence, celles-ci ne facturent pas la taxe à leurs clients. Elles ne peuvent non plus, en contrepartie, déduire ou obtenir le remboursement de la taxe qu'elles ont acquittée sur leurs achats et les prestations de service dont elles ont bénéficié.

· L'harmonisation proposée par la Commission se fait à un niveau satisfaisant et représente un élément important de simplification

Constatant que cette disposition optionnelle fait l'objet d'une application très hétérogène selon les Etats membres, pour des raisons historiques, et que tous ne bénéficient pas de la même latitude pour en fixer le champ d'application( 4), la Commission propose d'opérer une harmonisation en portant à 100.000 euros pour l'ensemble des Etats membres la limite maximale de chiffre d'affaires au-delà de laquelle les entreprises ne peuvent plus bénéficier de la franchise.

Dans le cadre du dispositif proposé, très souple, les Etats membres pourraient librement fixer le plafond qu'ils souhaitent, en continuant à appliquer, le cas échéant, selon des critères objectifs et sans opérer de discrimination, des seuils différents entre les prestataires de services et les entreprises qui fournissent des biens, comme c'est actuellement le cas de la France, avec un seuil de 76 300 euros pour les livraisons de biens, les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement, et de 27 000 euros pour les autres prestations.

Le dispositif proposé par la Commission prend en compte les conséquences de l'érosion monétaire, puisque le seuil de 100.000 euros serait réévalué en conséquence.

Un tel niveau d'harmonisation n'appelle pas d'observation particulière.

D.- L'aménagement d'un régime actuellement " kaléïdoscopique " : la simplification des conditions d'application du régime des ventes à distance

Dérogatoire au principe de la taxation des biens, au titre de la TVA, dans l'Etat membre de consommation, le régime des ventes à distance, applicable uniquement sur option de l'entreprise concernée, permet de taxer les produits vendus par une entreprise à un particulier dans l'Etat membre de départ.

Deux conditions d'application sont prévues.

D'une part, ces produits ne doivent pas être soumis à accise. En sont donc exclus les tabacs, alcools et produits pétroliers, carburants comme combustibles.

D'autre part, les livraisons de l'entreprise concernée dans l'Etat membre de destination au titre de l'année précédente comme de l'année en cours ne doivent pas excéder 100.000 euros. Ce seuil peut d'ailleurs être réduit à 35.000 euros par l'Etat membre de destination qui craint des distorsions de concurrence.

Neuf pays parmi les quinze anciens Etats membres appliquent le seuil réduit de 35.000 euros. Seuls l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont par conséquent conservé le seuil de droit commun de 100.000 euros

En pratique, ce dispositif est d'une gestion difficile.

Il exige, en effet, des entreprises qu'elles contrôlent en parallèle les seuils applicables dans les différents Etats membres, pour déterminer le lieu de taxation des ventes qu'elles effectuent.

Un tel suivi leur impose un suivi véritablement " kaléïdoscopique " de leur chiffre d'affaires.

La Commission propose, à titre de simplification, un seuil global, unique, applicable à l'ensemble des livraisons intracommunautaires effectuées par l'entreprise, et d'un montant de 150.000 euros.

Il n'est guère aisé de mesurer l'impact d'une telle proposition, en l'absence d'informations précises sur les ventes à distance.

Dans l'ensemble, un seuil global à un niveau supérieur au seuil actuellement applicable pour chacun des Etats membres sera plus favorable aux petites entreprises qu'à celles de grande taille, lorsque la vente à distance répond au seul objectif de profiter d'un moindre niveau, pour le consommateur, du taux de la TVA applicable à l'étranger. Toutefois, aucune conclusion ne peut être tirée avec certitude.

Aussi la proposition de la Commission ne peut-elle qu'être acceptée au bénéfice de la mise en place, à relativement brève échéance, d'un système d'échange d'informations entre les Etats membres sur les ventes à distance.

IV.- Appréciation d'ensemble

L'ensemble des dispositions proposées par la Commission, d'une nature très technique, n'appelle en définitive que peu d'observations, comme on l'a vu. Elles concernent, pour l'essentiel, deux éléments :

- d'une part, la mise en place du guichet unique dépend en pratique de la capacité des Etats membres à se doter d'infrastructures informatiques permettant d'assurer l'échange d'informations prévu ;

- d'autre part, le dispositif relatif au guichet unique pour les demandes de remboursement de TVA adressées à un Etat étranger doit être amélioré sur trois points : les entreprises doivent pouvoir conserver, si elles le souhaitent, jusqu'à un certain seuil, la procédure actuelle, la voie électronique n'étant qu'optionnelle ; la date de mise en œuvre effective de l'option doit être ajustée, celle du 1er juillet 2006 apparaissant trop rapprochée ; la rédaction prévue par la Commission est rectifiée, de manière que le détail de la sanction prévue relève des Etats membres, afin de respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité qui s'imposent aux interventions de niveau communautaire.

Conclusion :

La présentation de ces textes par M. Daniel Garrigue, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 12 avril 2005, a été suivie par une remarque de M. Jérôme Lambert, qui a noté qu'il s'agissait d'un sujet complexe et qu'il souhaitait savoir s'il n'existait pas des risques de fraude de la part des entreprises, par le développement du nombre des filiales, chacune bénéficiant du seuil de 150 000 euros.

M. Daniel Garrigue a indiqué qu'en cas de fraude, l'administration sous le contrôle du juge pouvait procéder à des requalifications.

Sous réserve de la mise en œuvre, à échéance rapprochée, d'un système d'échange d'informations entre les Etats membres sur les ventes à distance et à condition d'une modification des règles prévues pour le remboursement de la TVA par les Etats membres, afin de les mettre en conformité avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité, la Délégation a approuvé les trois propositions d'acte communautaire.

(1) 2.000 entreprises ont été en fait consultées, sur la base du Panel d'entreprises européennes, mais 700 réponses ont pu être exploitées.
(2) 53,6 % en 2004.
(3) En France, le taux actuel de l'intérêt moratoire est l'intérêt légal. On ne manquera pas, au surplus, d'observer que le taux de 1 % par mois prévu par la Commission est sensiblement supérieur, de même qu'à celui de l'intérêt de retard éventuellement dû par le contribuable à l'administration, dont le niveau actuel de 0,75 % par mois tel que fixé par le code général des impôts, est déjà fortement contesté.
(4) Les Etats membres dont les plafonds de franchise étaient inférieurs au seuil prévu par la sixième directive au moment de son entrée en vigueur ont pu maintenir ces seuils et même les relever pour tenir compte de l'érosion monétaire. De même, des dérogations ont été accordées à certains Etats membres lors des élargissements successifs. Entre la Belgique avec 5.580 euros et la France avec 76.300 euros pour les entreprises fournisseurs de biens, on constate les cas les plus divers.