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Document E2788
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Projet de décision du Conseil en vue de rendre la procédure visée à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par le titre IV de la troisième partie dudit traité.


E2788 déposé le 11 décembre 2004 distribué le 16 décembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : 14497/04 du 12 novembre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 12 novembre 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 21 décembre 2004

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Décision 2004/927/CE du Conseil du 22 décembre 2004 visant à rendre la procédure définie à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par la troisième partie, titre IV, dudit traité.
    (JO L 396 du 31 décembre 2004) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 26/01/2005 p.1378)

Commentaire :

La proposition de décision dont la Délégation est saisie vise à modifier la procédure d'adoption des actes relatifs notamment au contrôle des frontières et à l'immigration illégale, en permettant un vote à la majorité qualifiée au Conseil et en codécision avec le Parlement européen.

Le passage à la majorité qualifiée et à la codécision dans ce domaine est en effet possible, par une décision du Conseil prise à l'unanimité( 1). C'est le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, qui prévoit cette " clause passerelle ", qui peut être activée depuis le 1er mai 2004 (soit cinq ans après l'entrée en vigueur dudit traité).

Comme notre collègue Thierry Mariani l'avait indiqué dans sa communication du 3 novembre dernier sur le programme pluriannuel de La Haye (" Renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne "), le Conseil européen du 5 novembre 2004 a décidé d'activer cette clause, à compter du 1er avril 2005, en matière d'immigration illégale (l'immigration légale ayant été exclue à la demande de l'Allemagne) et de contrôle des frontières.

Ce passage à la majorité qualifiée permettra à l'Union de développer une véritable politique européenne d'immigration et de renforcer le contrôle de ses frontières (I). Il met également en lumière certains des apports de la Constitution européenne (II).

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I. Le passage à la majorité qualifiée permettra à l'Union de développer une véritable politique européenne d'immigration et de renforcer le contrôle de ses frontières.

Cette proposition de décision complète le passage à la majorité qualifiée et à la codécision en matière d'asile, que le traité de Nice rend automatique dès lors que le Conseil aura adopté une législation communautaire définissant les principes essentiels régissant ces matières (ce qui sera le cas avec l'adoption formelle de la directive relative aux procédures d'asile( 2), vraisemblablement au début de l'année 2005).

Une politique européenne d'immigration plus ambitieuse

L'unanimité a considérablement appauvri le contenu des directives adoptées jusqu'ici en matière d'asile et d'immigration. Le degré d'harmonisation de ces textes est en effet très faible, à tel point que certains observateurs parlent d'" harmonisation à droit constant ". La directive sur les procédures d'asile contient ainsi près d'une cinquantaine de dérogations, tout comme celle sur le regroupement familial, chaque délégation ayant modifié ces textes afin qu'il n'entraîne aucun changement de son droit national. La diversité des techniques employées (renvoi de certaines dispositions au préambule, insertion de déclarations finales interprétative privant certaines dispositions de leurs effets, renvoi au droit national, rédaction de dispositions non contraignantes, etc .) témoigne d'ailleurs de l'inventivité du Conseil en la matière.

Le droit de veto conféré à chaque Etat membre a également souvent retardé l'adoption de ces textes, quand elle ne l'a pas tout simplement empêchée. La première proposition de directive relative aux procédures d'asile, par exemple, a été déposée par la Commission il y a cinq ans (le 20 septembre 2000), et n'a toujours pas été adoptée, et la proposition de directive sur l'immigration économique déposée par la Commission en 2001 n'a jamais abouti.

Ces effets négatifs de l'unanimité, déjà importants à 15, auraient conduit à la paralysie à 25. Il faut donc se féliciter que le Conseil européen ait décidé de passer à la majorité qualifiée sur ces questions. Ce changement est indispensable pour parvenir à une politique d'immigration plus ambitieuse, qui nous permette de lutter efficacement contre l'immigration clandestine et de renforcer le contrôle de nos frontières extérieures.

Il est en revanche regrettable que le passage à la majorité qualifiée ait été exclu en matière d'immigration légale, à la demande de l'Allemagne notamment. Sur ce point, seule l'entrée en vigueur de la Constitution permettra des progrès, avec le passage à la majorité qualifiée.

D'autres restrictions, plus techniques, ont été apportées au champ d'application du passage à la majorité qualifiée à la suite de son examen par le Conseil " Justice et affaires intérieures ". Ainsi, la proposition de la présidence néerlandaise visant à étendre la majorité qualifiée et la codécision aux mesures relatives au séjour et à la mobilité des réfugiés ou des personnes déplacées, au motif que ces questions relèvent davantage de l'asile que de l'immigration régulière, n'a pas été retenue. Plusieurs Etats membres s'y sont opposés, parce qu'ils considèrent que ces mesures sont incluses dans la politique migratoire.

L'introduction d'une base juridique spécifique relative à l'intégration, proposée par la présidence, a également été rejetée. Plusieurs délégations ont en effet exprimé leur préoccupation face à l'introduction " subreptice " d'une base juridique sur cette question, et la décision ne comporte finalement qu'un considérant, sans valeur contraignante, sur ce sujet.

Le renforcement du Parlement européen

Le rôle du Parlement européen dans ce domaine sera considérablement renforcé, avec le passage à la codécision. Actuellement, il n'est en effet que consulté, souvent après un accord politique au Conseil et sans qu'il ne soit vraiment tenu compte des modifications qu'il propose.

La codécision changera radicalement cet état de fait, et le Parlement européen, en particulier sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures va devenir un acteur important sur ces questions.

II. Cette décision, et les conditions dans lesquelles nous en sommes saisis, mettent en lumière les apports de la Constitution européenne.

Plusieurs des avancées de la Constitution européenne sont mises en évidence par cette proposition, qu'il s'agisse du champ de la majorité qualifiée ou des prérogatives des Parlements nationaux.

La généralisation de la " clause passerelle " à l'ensemble des politiques

La Constitution européenne généralise la " clause passerelle " à l'ensemble des politiques de l'Union, à l'exception de la défense et des décisions ayant des implications militaires (art. IV-444). Des " clauses passerelles " spécifiques sont en outre prévues en matière sociale (art. III-210 § 3), d'environnement (art. III-234 § 2), de coopération en matière civile (art. III-269), de cadre financier pluriannuel (art. I-55) et de politique étrangère et de sécurité commune (art. III-300).

La présente proposition de décision démontre que ces " clauses passerelles " ne sont pas de simples " clauses de style ", et que tous les Etats membres peuvent se mettre d'accord pour en faire usage. Si l'harmonisation apparaît nécessaire dans un domaine, comme c'est le cas pour l'immigration et le contrôle de nos frontières, une volonté politique en ce sens apparaîtra.

La souplesse apportée par ces " clauses passerelles " ne doit donc pas être négligée. Combinées au droit d'initiative du Parlement européen en matière de révision et à la procédure de révision simplifiée relative à la partie III de la Constitution (qui dispense du recours à une CIG, art. IV-445), elles contribuent à rendre le traité établissant une Constitution pour l'Europe bien plus facilement modifiable que le traité de Nice. Rien n'est donc " figé dans le marbre ".

Le renforcement des parlements nationaux

Il faut également insister sur le renforcement du rôle des parlements nationaux apporté par la Constitution. Les conditions dans lesquelles nous sommes saisis de cette proposition de décision les mettent particulièrement en évidence :

- ce texte n'a été transmis au Parlement français qu'en application de la " clause facultative " de l'article 88-4 de la Constitution, qui permet au gouvernement de soumettre à la Délégation un texte ne comprenant pas de dispositions législatives. Le Conseil d'Etat a en effet estimé, dans son avis, que cette proposition ne relevait pas du domaine législatif, donc de l'article 88-4 au sens strict ;

- cette proposition, qui découle de la décision prise par le Conseil européen du 5 novembre dernier, a en outre fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil " Justice et affaires intérieures " du 2 décembre dernier, soit plus d'une semaine avant sa transmission à la Délégation (qui l'a reçue le 10 décembre).

La situation sera radicalement différente une fois la Constitution européenne entrée en vigueur. Elle prévoit en effet que les décisions du Conseil européen faisant usage de la " clause passerelle " générale seront obligatoirement transmises aux parlements nationaux, qui disposeront d'un délai de six mois pour, le cas échéant, s'y opposer. Les Parlements nationaux ne seront donc plus seulement consultés, mais détiendront un pouvoir décisionnel.

Celui-ci n'a pas vocation à bloquer le passage à la majorité qualifiée (les hypothèses d'opposition d'un Parlement national à la décision prise par son gouvernement ou son chef d'Etat au Conseil européen devraient être limitées), mais à renforcer la légitimité démocratique de ces décisions dont la portée est importante.

La révision constitutionnelle préalable à la ratification de la Constitution européenne, que notre Assemblée examinera le 25 janvier prochain, consacre d'ailleurs ce droit d'opposition.

Conclusion :

Après la présentation de ce document par le Président Pierre Lequiller, la Délégation l'a approuvé au cours de sa réunion du 21 décembre 2004.

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ANNEXE

Article 67 du traité instituant la Communauté européenne

1. Pendant une période transitoire de cinq ans après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, le Conseil statue à l'unanimité sur proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre et après consultation du Parlement européen.

2. Après cette période de cinq ans :

- le Conseil statue sur des propositions de la Commission ; la Commission examine toute demande d'un Etat membre visant à ce qu'elle soumette une proposition au Conseil ;

- le Conseil, statuant à l'unanimité après consultation du Parlement européen, prend une décision en vue de rendre la procédure visée à l'article 251 applicable à tous les domaines couverts par le présent titre ou à certains d'entre eux et d'adapter les dispositions relatives aux compétences de la Cour de justice. [...]

" Clause passerelle " générale

de la Constitution européenne

ARTICLE III-422

1. Lorsqu'une disposition de la Constitution susceptible d'être appliquée dans le cadre d'une coopération renforcée prévoit que le Conseil statue à l'unanimité, le Conseil, statuant à l'unanimité conformément aux modalités prévues à l'article I-44, paragraphe 3, peut adopter une décision européenne prévoyant qu'il statuera à la majorité qualifiée.

2. Lorsqu'une disposition de la Constitution susceptible d'être appliquée dans le cadre d'une coopération renforcée prévoit que le Conseil adopte des lois ou lois-cadres européennes conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil, statuant à l'unanimité conformément aux modalités prévues à l'article I-44, paragraphe 3, peut adopter une décision européenne prévoyant qu'il statuera conformément à la procédure législative ordinaire. Le Conseil statue après consultation du Parlement européen.

3. Les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

(1) Art. 67, deuxième paragraphe, deuxième tiret, du traité instituant la Communauté européenne.
(2) Cette proposition de directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres a fait l'objet d'un accord politique au Conseil " Justice et affaires intérieures " du 29 avril dernier, mais son adoption a été retardée par la définition d'une liste des pays d'origine sûrs, finalement abandonnée à ce stade. Le texte doit être à nouveau soumis au Parlement européen.