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Document E4097
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil modifiant le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.


E4097 déposé le 18 novembre 2008 distribué le 19 novembre 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0786 final du 12 novembre 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 12 novembre 2008)

La présente proposition de règlement a pour objet de donner un statut aux assistants des députés européens en poste dans l’un des trois lieux de travail du Parlement européen (Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg) en créant au sein du Régime communautaire applicable aux autres agents des Communautés (RAA) une nouvelle catégorie de personnel.

1.- Un régime actuel contesté

Le régime d’emploi des assistants parlementaires a fait l’objet au cours des dernières années de nombreuses critiques.

Les députés emploient aujourd’hui directement leurs collaborateurs par des contrats nationaux. Le Parlement européen prend en charge les frais réellement exposés dès lors qu’ils découlent « entièrement et exclusivement » de l’engagement ou du recours aux services d’un ou plusieurs assistants (1), dans la limite d’un plafond de 16.914 euros par mois, en versant l’indemnité soit directement aux assistants, soit à un agent payeur désigné par le député et chargé, en tout ou en partie, de la gestion administrative de ses assistants, soit à un prestataire de services.

Le régime conduit à de fortes disparités dans la situation des assistants, mises notamment en évidence par un audit interne mené par le Parlement européen au début de l’année 2008. Environ les deux tiers des assistants disposent ainsi, par exemple, d’une assurance santé nationale couvrant imparfaitement les soins dispensés en dehors de l’Etat du contrat. Leurs salaires sont peu homogènes, même lorsqu’ils remplissent les mêmes tâches au siège de l’institution. Leur régime d’imposition relève très majoritairement des législations des Etats membres, quel que soit leur lieu d’affectation. En outre, l’application de 27 régimes différents fait peser une lourde charge administrative tant sur le Parlement que sur les députés.

Dès 2000, le Conseil a estimé nécessaire de réglementer les conditions d’emploi des assistants parlementaires, dans le respect de trois principes directeurs : (1) le paiement direct des assistants par le Parlement européen, sous la responsabilité et suivant les instructions personnelles du député concerné, (2) l’existence d’un contrat écrit enregistré auprès du Parlement et (3) le respect des « dispositions applicables en matière de fiscalité et de sécurité sociale ».

Dans un même esprit, l’article 21 du statut des députés européens adopté, après l’approbation du Conseil statuant à la majorité qualifiée, par la décision du Parlement européen du 28 septembre 2005, mais qui n’entrera en vigueur qu’à compter du premier jour de la législature 2009-2014 (voir infra ), dispose que « les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels qu’ils ont librement choisis » en précisant que le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et fixe les conditions d’exercice de ce droit.

2.- Une distinction entre les assistants locaux et les assistants en poste dans les lieux de travail du Parlement européen

Les travaux ensuite conduits par le Président du Parlement européen, M. Hans-Gert Pöttering (plan en huit points du mai 2008) puis par le groupe de travail présidé par Mme Martine Roure et M. Ingo Friedrich ont rapidement conclu à la nécessité de distinguer la situation des assistants « locaux », qui assistent les députés dans leur Etat membre d’élection et qui, pour cette raison, doivent continuer à relever du droit national, de celle des assistants « accrédités » en poste dans l’un des trois lieux de travail du Parlement européen.

Le bureau du Parlement européen a ainsi adopté le 11 juillet 2008, à l’unanimité, un nouvel article 34 des mesures d’application du statut des députés.

– Le texte prévoit que les assistants « locaux » seront employés, à compter du début de la législature 2009-2014, directement par les députés selon un contrat de travail ou de prestation de services relevant du droit national. Leur rémunération se fera, en revanche, par le biais d’agents qualifiés (les « tiers payants ») chargés d’assurer la bonne gestion de l’indemnité d’assistance parlementaire attribuée à chaque député en en assumant la responsabilité juridique. Par ailleurs, au moins 75 % de l’indemnité devra être utilisée pour des contrats soumis à un régime de sécurité sociale, les services tels les études de recherches ou autres travaux de consultance étant plafonnés à 25 % de l’indemnité.

Enfin, plus aucun contrat ne pourra être conclu avec les parents proches des députés, les contrats en cours pouvant être prolongés, pour seulement une législature, à condition d’être mentionnés clairement dans la déclaration d’intérêt financier du député sur le registre consultable par le public.

– Les assistants « accrédités », quant à eux, devraient relever d’un régime particulier dans le Règlement (CE, Euratom) n° 259/68 du Conseil fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents des Communautés.

Cette distinction se justifie par la situation particulière des assistants accrédités qui se trouvent « de manière générale, dans une situation de dépaysement [en travaillant] dans les locaux du Parlement européen dans un environnement européen, multilingue et multiculturel » et qui « exercent des tâches qui sont directement liés aux travaux du Parlement européen » (2).

3.- Une nouvelle catégorie d’emploi au sein du statut des fonctionnaires des Communautés et des autres agents des Communautés, dotée d’importantes spécificités liés à la nature particulière du métier d’assistant parlementaire

Sur la base de ces travaux, la Commission a présenté la présente proposition de règlement, qui crée une nouvelle catégorie au sein des « autres agents des Communautés européennes » en s’attachant à concilier deux impératifs : doter les assistants d’une réelle sécurité juridique et clarifier leur régime d’emploi et de protection sociale, d’une part, tout en ménageant, d’autre part, le caractère spécifique de leur fonction d’assistance parlementaire qui repose sur un lien étroit de confiance entre le député et son assistant.

En ajoutant la catégorie d’assistants parlementaires accrédités au agents relevant du régime du Règlement n° 259/68 précité, la proposition implique que le régime des autres agents des Communautés s’appliquerait intégralement sauf dérogations expressément prévues.

Le contrat des assistants accrédités serait ainsi conclu avec le Parlement européen et non plus le député concerné, qui cependant conserverait de la faculté de les sélectionner. Les assistants bénéficieraient du régime de sécurité sociale des agents des Communautés, des voies de recours qui leur sont ouvertes et seraient rémunérés dans les conditions de droit commun sur les crédits globaux affectés à la section du Budget de l’Union européenne afférente au Parlement européen. En contrepartie, le Parlement européen verserait au Budget de l’Union la totalité des contributions nécessaires au financement des régimes de pension en complément des mensualités déduites du traitement des assistants.

Les indispensables spécificités du métier d’assistant parlementaire seraient toutefois aménagées grâce à l’insertion d’un titre VII dédié.

S’agissant des conditions d’engagement, en dérogation des règles générales applicables aux agents des Communautés, le projet d’article 128 rappelle que « l’assistant parlementaire est choisi par le député au Parlement européen qu’il est chargé d’assister » et l’article 131 que son contrat « est conclu pour une durée déterminée [arrivant] à expiration au plus tard au terme de la législature pendant laquelle il a été conclu ».

Ces deux principes de libre choix des assistants par les députés et de temporalité de leur mission, inhérents au métier d’assistant parlementaire, contreviennent aux caractéristiques traditionnelles du statut des statut des fonctionnaires soumis, au moyen du concours et de leur situation statutaire et réglementaire, au principe d’indépendance institutionnelle.

Ces différences éclairent le souci du législateur de garantir une parfaite étanchéité entre les deux régimes. Le considérant n° 7 précise ainsi que « les concours internes ne sont ouverts qu’aux fonctionnaires et aux agents temporaires » des Communautés (considérant n° 7), ce qui exclut clairement les assistants. Dans un même esprit, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté, le 8 décembre 2008, deux amendements précisant, d’une part, que les dispositions du règlement ne peuvent être interprétées comme permettant aux assistants d’accéder à des postes de fonctionnaire ou d’autre agent des Communautés et, d’autre part, que les périodes d’emploi en tant qu’assistant « ne sont pas considérées comme constituant des années de service » à la différence du régime applicable aux agents temporaires.

Des critères de qualification et d’aptitude seraient néanmoins introduits : aux critères traditionnels de nationalité (ressortissants de l’Union), de jouissance des droits civiques, de position régulière au regard des obligations militaires, d’aptitude physique et de « garanties appropriées de moralité requises pour l’exercice de ses fonctions » s’ajouteraient une qualification minimale (sanctionnée par un diplôme d’enseignement supérieur ou un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur et une expérience professionnelle « appropriée » d’au moins trois ans ou « lorsque l’intérêt du service le justifie, une formation professionnelle ou une expérience professionnelle de niveau équivalent ») et la connaissance « approfondie » d’une des langues des Communautés ainsi qu’une connaissance « appropriée » d’une autre langue de l’Union. Relevons à cet égard que la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a utilement suggéré de remplacer ce terme « appropriée » par le terme « satisfaisante », beaucoup plus précis, répondant à une préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres.

De plus, une période préalable de stage de trois mois serait aménagée afin de permettre au député de s’assurer de la capacité de son assistant à s’acquitter de ses tâches (article 129).

En parallèle, la fin de l’engagement (article 140 de la proposition) des assistants serait fixée :

– à l’échéance du contrat (qui est, au plus tard, celle de la législature) ;

– à la fin du mois au cours duquel s’achève le mandat du député quel qu’en soit le motif ;

– ou à l’issue du préavis fixé dans le contrat.

Le contrat devrait en effet « donner à l’assistant et au Parlement européen une faculté de résiliation avant l’échéance », en prévoyant l’existence d’un préavis qui ne pourrait être inférieur à « un mois par année de service, avec un minimum d’un mois et un maximum de trois mois ».

Afin d’écarter toute ambiguïté, la Commission des affaires juridiques a adopté un amendement précisant que la résiliation à l’initiative du Parlement européen se ferait « sous l’autorité du ou des député(s) ayant engagé l’assistant parlementaire accrédité », « compte tenu du fait que la confiance est la base de la relation entre le député et son assistant ».

Ces dispositions seraient assorties de légitimes contreparties.

Le licenciement effectué durant la période de stage serait conditionné à la communication d’un rapport du député, transmis au Parlement et à l’intéressé, qui pourrait formuler par écrit ses observations dans un délai de huit jours. Il donnerait droit à une indemnité égale au tiers de son traitement de base par mois de stage accompli.

La résiliation du contrat avant son échéance à l’initiative du Parlement européen (ou à l’expiration du mandat du député) donnerait droit quant à elle au versement d’une indemnité égale au tiers du traitement de base pour la période allant de la cessation des fonctions à l’expiration prévue du contrat, dans la limite d’un maximum de trois mois de traitement de base.

La Commission des affaires juridiques du Parlement européen s’est interrogée sur l’opportunité d’aménager une période préalable de stage dès lors que le contrat peut être résilié à tout moment. Il apparaît cependant que son maintien permet de moduler le niveau des indemnités versées à l’assistant selon la durée effective d’exercice de ses fonctions.

Les conditions de travail et de rémunération ménageraient à leur tour d’importantes facultés d’adaptation.

Si la durée hebdomadaire du travail, fixée par le député, ne pourrait « en temps normal » excéder 42 heures, l’assistant pourrait accomplir des heures supplémentaires dans les cas, assez libéralement définis, « d’urgence ou de surcroît exceptionnel de travail », et sans que ces heures supplémentaires ne puissent donner droit à compensation ou à rémunération. Le Commission des affaires juridiques a d’ailleurs suggéré de préciser la définition de ces cas dans les mesures d’application du règlement. Le régime des congés des agents temporaires des Communautés serait étendu par analogie à l’ensemble des assistants accrédités, sans que le congé spécial, le congé parental et le congé familial ne puissent pour autant se prolonger « au-delà de la durée du contrat ».

S’agissant de la rémunération, un effort est consenti pour homogénéiser la situation des assistants. S’il n’est prévu qu’une seule catégorie d’assistants, ceux-ci pourraient cependant être répartis sur différents grades attribués « en fonction de critères devant être fixés dans une décision interne du Parlement européen » auxquels seraient associés des traitements de base mensuels à plein temps allant de 1.193 euros (grade n°1) à 8.687 euros (grade n° 14). La Commission des affaires juridiques a cependant veillé à mieux garantir la marge d’appréciation que le libre choix de son assistant confère au député en substituant au terme de « critères » le terme de « paramètres », qui accorde une plus forte marge d’appréciation aux députés dans la détermination de la rémunération et de l’avancement de leurs assistants. De même, elle a augmenté le nombre de catégories salariales à 18, tout en restreignant leur amplitude de 1.886 euros à 7.457 euros.

L’entrée en vigueur de l’ensemble de ces propositions serait fixée au premier jour de la législature commençant en 2009. De plus, le Parlement européen soumettrait dans les trois ans qui suivent un rapport sur l’application de la réforme (« clause de révision »).

Au total, l’harmonisation des conditions d’emplois et la sécurisation de la situation juridique des assistants parlementaires exerçant leur fonction directement auprès du Parlement européen est un incontestable progrès. L’adossement de leur statut au régime des agents des Communautés présente, il est vrai, le défaut d’y introduire des règles ouvertement contradictoires avec les grands principes de la fonction publique, et peut par conséquent constituer un risque pour la transparence et l’indépendance de la fonction publique européenne. Cette solution offre néanmoins l’avantage d’étendre de nombreux droits et garanties, en particulier dans le domaine de la protection sociale, à des acteurs qui jouent un rôle important dans le fonctionnement quotidien des institutions européennes. Entre ces deux préoccupations, la stricte étanchéité établie par la proposition entre le statut des assistants et le statut général des agents des Communautés semble constituer un point d’équilibre satisfaisant.

La présente proposition sera examinée, pour avis, par le Parlement européen au cours de sa séance du 16 décembre 2008, sa Commission des affaires juridiques l’ayant approuvé le 8 décembre. Le Conseil de l’Union devrait l’examiner le 18 décembre 2008.

Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission a approuvé la proposition, en l’état des informations dont elle dispose, au cours de sa réunion du 17 décembre 2008.

(1) Les frais de déplacement, les cotisations de sécurité sociale et les impôts payés au nom du ou des assistants peuvent également être remboursés directement au député sur présentation des factures dûment acquittées.
(2) Cette analyse est proche de celle Tribunal de Première instance des Communautés européennes qui, dans son arrêt du 19 juin 2007, Asturias Cuerno contre Commission, avait estimé que les assistants européens pouvaient être considérés à certains égards, aux fins de l’application du statut des fonctionnaires des Communautés et du régime applicable aux autres agents, comme « accomplissant des fonctions pour le Parlement ».