N° 4601

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022

 

 

TOME III

 

 

DÉFENSE

 

Soutien et logistique interarmÉes 

 

PAR M. Claude DE GANAY

Député

  ——

 

 Voir le numéro : 4524 (annexe 12)


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Première partie : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2022

I. Les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » relatifs au soutien et à la logistique interarmées

A. Les crédits de l’action 1 « Planification des moyens et conduite des opérations »

1. Emploi des forces

2. Renseignement d’intérêt militaire

3. Les systèmes d’information et de communication

4. Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

B. Les crédits inscrits à l’action 5 « Logistique et soutien interarmées »

1. Le soutien santé

2. Les infrastructures de santé

3. Le soutien pétrolier

4. Les crédits des bases de défense

5. Les soutiens complémentaires

6. Le service interarmées des munitions

7. Le service du Commissariat des armées

8. Les infrastructures de soutien

C. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

II. Les crédits du Programme 212 « Soutien de la politique de défense »

A. La politique immobilière du ministère des Armées

a. Le plan Hébergement

b. Le contrat CEGeLog

B. Les systèmes d’information, d’administration et de gestion

C. La politique des ressources humaines

1. Des effectifs caractérisés par une légère hausse de la proportion de contractuels, chez les militaires comme chez les civils

2. Une masse salariale de 12,2 milliards d’euros hors pensions

3. Les aides à la reconversion

4. L’action sociale du ministère et les autres politiques de ressources humaines

D. La politique culturelle et éducative

E. L’accompagnement des restructurations

F. Les dépenses de pilotage, de soutien et de communication

Seconde partie : Les bases de défense, dix ans après leur création :  quel bilan ?

I. La création des bases de défense est intervenue dans un contexte de profond bouleversement des ressources humaines consacrées au soutien

A. Une réorganisation des soutiens imposée par les réductions massives d’effectifs jusqu’en 2015

1. Des réductions massives d’effectifs jusqu’en 2015…

2. …ayant essentiellement affecté les soutiens

B. Une problématique de civilianisation des soutiens aujourd’hui dépassée

1. Une civilianisation des soutiens envisagée un temps, avant la remontée en puissance des armées

2. L’interdépendance entre soutien et opérationnel et la nécessité d’assurer le contrat opérationnel ont conduit à abandonner l’objectif de civilianisation des soutiens au profit de la réaffirmation d’une complémentarité civilo-militaire

II. La création des bases de défense : une réorganisation complète et radicale des soutiens à l’échelon local

A. Une réorganisation complète des services de soutien dans une optique de performance et d’économies

1. Une logique de mutualisation

2. La création, en deux phases, de chaînes de soutien professionnelles et expertes

a. La première phase : la création d’opérateurs spécialisés et experts dans une logique de performance économique et de professionnalisation

b. La seconde phase : une optimisation interne des services de soutien dans une logique de « front office » et de « back office »

3. Le maintien de services non embasés

4. Une mutualisation des soutiens qui s’est doublée d’un processus d’externalisation et de digitalisation

a. L’externalisation, une pratique ancienne ayant connu une expansion importante

b. La digitalisation vise à renforcer la qualité du service rendu dans un contexte de resserrement des effectifs

B. Les bases de défense, un modèle unique ayant été adapté aux spécificités propres à chaque territoire

1. Une cartographie des bases de défense qui a été légèrement resserrée dans un objectif de simplification et de lisibilité

2. Une typologie des bases de défense qui a évolué

3. Deux cas particuliers : l’Île-de-France et l’outre-mer

a. L’organisation du soutien en Île-de-France

i. Les particularités très fortes de la région parisienne ont justifié la création d’un service parisien de soutien de l’administration centrale

ii. Le SPAC, un service aux prérogatives particulières

iii. La dissolution du SPAC et la création de la base de défense d’Île-de-France, prolongement de la rationalisation opérée lors de la création des bases de défense

b. Les bases de défense d’outre-mer

4. Trois exemples de la diversité territoriale des bases de défense

a. Lyon-Valence-La Valbonne : une base à dominante « terre » marquée par l’interarmisation

b. Luxeuil-Épinal : une base à dominante « air » également soutien de formations terriennes

c. Cherbourg : une base à dominante maritime

C. Le commandant de base de défense, acteur pivot du système ayant vu son rôle renforcé en 2019

1. Le commandant de base de défense, acteur-clef ayant vu son rôle récemment conforté dans une optique de renforcement de l’efficacité opérationnelle

a. Le COMBdD, pivot de la base de défense

b. Un rôle revalorisé en 2019 à des fins d’efficacité opérationnelle

2. Les trois budgets à la main du COMBdD

3. Les commandants de base de défense ultramarine sont dotés de prérogatives spécifiques au regard de celles de leurs homologues de métropole

D. Le CICos, interlocuteur privilégié du comBDD auprès de l’état-major des armées

III. Une réforme de l’organisation locale des soutiens ayant d’emblée suscitÉ des rÉticences qui tendent À s’estomper

A. Des réticences au départ, notamment dans l’armée de Terre

B. Une réforme aujourd’hui un peu mieux acceptée

C. Le maintien d’une certaine logique de milieu

IV. Des interrogations persistantes à l’égard d’une réforme qui reste en cours d’évolution

A. Un sentiment de déconnexion entre « soutenants » et « soutenus » renforcé par la complexité de l’organisation

B. Une dégradation du ratio soutenants/soutenus qui détériore la qualité du service rendu

C. Donner toute sa portée au principe de subsidiarité dans la passation des contrats et la gestion des crédits des bases de défense

1. Favoriser le tissu économique local dans les contrats d’externalisation

2. Renforcer les ressources nécessaires au rôle d’arbitre du COMBdD dans le domaine des infrastructures

D. De la nécessité de faire primer l’opérationnel

1. Faire évoluer la politique de soutiens communs, un enjeu stratégique

2. Une crise sanitaire conduisant à s’interroger sur la résilience des armées en cas de crise de plus grande ampleur

3. Une réflexion sur l’organisation locale des soutiens qui se poursuit au ministère des Armées

Travaux de la commission

I. Auditions devant la commission

1. Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

2. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

3. Audition de Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

4. Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

II. Examen des crédits

Annexe : Auditions du rapporteur pour avis


—  1  —

   introduction

L’an dernier, le rapporteur introduisait son avis budgétaire en évoquant le service de santé des armées (SSA), compte tenu de sa mobilisation dans le cadre de la crise sanitaire. Il soulignait que ce service ne devait pas devenir un recours habituel pour soulager un système de santé publique saturé, tout comme il lui semble être de son devoir de rappeler que les armées et les services du ministère, sont, de manière générale, trop souvent mobilisés pour pallier les lacunes du secteur civil. Le rapporteur réitère son propos. Le SSA est un service d’une qualité exceptionnelle disposant des meilleurs experts de notre pays, en particulier dans le domaine de la virologie qui fait l’actualité depuis un an et demi. Le SSA était, déjà avant la crise sanitaire, à la fois en surchauffe et en sous-effectifs, subissant un effet de ciseaux dont souffrent malheureusement d’autres services, comme le service d’infrastructure de la défense, par exemple. Dans de telles conditions, l’implication du SSA dans la vaccination de la population civile interroge.

Concernant les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2022 sur les programmes 178 et 212 en faveur des soutiens et de la logistique interarmées, le rapporteur tient notamment à saluer la hausse des crédits du service du Commissariat aux armées et du service de l’énergie opérationnelle. Les crédits du programme 212 reflètent les démarches entreprises par le ministère en faveur de la condition militaire, notamment dans les domaines de l’hébergement, de la reconversion et de la modernisation de la politique salariale.

S’agissant de l’immobilier, l’ensemble des acteurs salue le plan Hébergement et le rapporteur partage ce sentiment de satisfaction. Le rapporteur note que la ministre des Armées a annoncé le 5 octobre dernier la désignation du groupement conduit par Eiffage SA et Arcade comme attributaire pressenti pour la gestion externalisée des logements domaniaux du ministère, dans le cadre du contrat CEGeLog ([1]), rebaptisé Ambition Logements. À la suite des discussions avec le groupement nouvellement choisi, la signature du contrat devrait se concrétiser à la fin du mois de janvier 2022.

2021 est la première année de mise en application de la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle indemnité de mobilité géographique. En 2022, le deuxième volet de la réforme se traduira par la création de trois autres indemnités et 2023 sera la dernière année du processus de redéfinition globale de la solde. Si l’on peut saluer les objectifs de simplification et d’amélioration de la lisibilité de la rémunération des militaires, il convient à tout prix d’éviter que certains militaires ne soient lésés par cette nouvelle réforme alors même qu’une grande partie d’entre eux a déjà été traumatisée lors de la mise en application du système Louvois, avant Source Solde.

S’agissant enfin du statut militaire, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 15 juillet dernier un arrêt dans lequel elle a considéré que les activités des militaires liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions pouvaient se voir appliquer la directive de 2003 sur le temps de travail, tant que ces activités n’étaient pas exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate. Cette catégorisation remet en cause l’unicité et la singularité de notre modèle militaire français et méconnaît profondément la nature de l’activité de nos militaires. Il semble essentiel au rapporteur de rappeler qu’aux termes de l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne, la sécurité nationale est du seul ressort des États membres.

Quant au thème retenu cette année par le rapporteur, il se distingue, par sa transversalité, des thèmes étudiés les années précédentes : pour ce dernier avis budgétaire de la législature, le rapporteur a choisi de dresser un bilan, dix ans après, de la création des bases de défense.

La création des bases de défense est intervenue dans un contexte de profond bouleversement des ressources humaines du ministère des Armées. La réorganisation des services de soutien a en effet été imposée par les réductions massives d’effectifs jusqu’en 2015. La création des bases de défense a entraîné une réorganisation complète et radicale des soutiens à l’échelon local, dans une optique de performance et d’économies. Cette réorganisation s’est appuyée sur une logique de mutualisation et sur la création de chaînes de soutien professionnelles et expertes. La mutualisation des soutiens s’est accompagnée d’un double processus d’externalisations et de digitalisation. Si les bases de défense ont été constituées selon un modèle unique, chacune d’entre elles présente d’importantes spécificités territoriales. Au sein de chaque base, le commandant de base de défense est un acteur pivot responsable de la coordination des soutiens dont le rôle a été nettement renforcé en 2019 à des fins d’efficacité opérationnelle.

La réforme des bases de défense, dont le rapporteur présente le processus en détail, semble encore inachevée et continue de soulever des interrogations. Tout d’abord, si la réforme semble aujourd’hui un peu mieux acceptée qu’au départ, elle n’en a pas moins suscité un sentiment de déconnexion entre personnels soutenants et personnels soutenus, sentiment alimenté par la grande complexité du système. Ensuite, en dépit des efforts notables prévus en loi de programmation militaire pour favoriser la remontée en puissance des effectifs du ministère des Armées, la dégradation du ratio soutenants/soutenus ne peut qu’entraîner une détérioration de la qualité du service rendu. Il convient donc de continuer à appliquer pleinement le volet « remontée en puissance des effectifs » de la loi de programmation militaire au-delà des échéances électorales de 2022. Il convient également de donner sa pleine portée au principe de subsidiarité, tant dans la passation des contrats d’externalisation que dans la gestion des budgets des bases de défense. Enfin, il paraît impératif au rapporteur de faire primer le domaine opérationnel sur les enjeux d’organisation et les objectifs de performance économique. S’il est encore trop tôt pour se prononcer sur les conclusions à tirer de la réflexion stratégique actuellement en cours au sein des états-majors, la crise sanitaire conduit à s’interroger sur la résilience des armées en cas de conflit de haute intensité. Dans un contexte marqué par la multiplication des menaces, la coordination des chaînes hiérarchiques – organique, opérationnelle et de soutien – au sein des armées ainsi qu’entre l’organisation civile et militaire revêt un caractère central.

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 41 réponses lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.


—  1  —

 


—  1  —

   Première partie :
Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2022

Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de crédits consacrés aux soutiens lato sensu. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :

– le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée ;

– le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens.

I.   Les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » relatifs au soutien et à la logistique interarmées

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA). Il constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet du programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle.

Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales relevant de la planification des moyens et de la conduite des opérations, du soutien et de la logistique interarmées ou encore des surcoûts liés aux opérations intérieures et extérieures. Les trois autres retracent spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font l’objet d’une analyse distincte par les rapporteurs pour avis ([2])  désignés à cet effet.

Afin de donner une image fidèle des moyens alloués aux différentes actions, en cohérence avec l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le tableau ci-dessous fait figurer à titre indicatif les dépenses de personnel (dites « de titre 2 ») correspondant à chaque action, bien qu’elles soient retracées depuis 2015 sur le programme 212 (cf. infra 0).


—  1  —

 

Crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » relatifs au soutien et à la logistique interarmées

Les dépenses de titre 2, inscrites au programme 212, sont reportées dans ce tableau à titre indicatif.

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

PLF 2022

LFI 2021

Évolution
(en %)

PLF 2022

LFI 2021

Évolution
(en %)

Action 01 - Planification des moyens et conduite des opérations

768 431 251,00

731 712 066,00

5,02 %

741 417 769,00

686 776 339,00

7,96 %

titre 2 (P212, A 54)

1 396 436 217,00

1 392 744 942,00

0,27 %

1 396 436 217,00

1 392 744 942,00

0,27 %

sous-action 01-10 - Emploi des forces

323 681 137,00

311 300 885,00

3,98 %

309 415 952,00

298 039 887,00

3,82 %

titre 2 (P212, SA 54-01 à 54-05)

699 459 730,00

705 364 359,00

-0,84 %

699 459 730,00

705 364 359,00

-0,84 %

sous-action 01-11 - Renseignement d’intérêt militaire

52 298 002,00

55 795 238,00

-6,27 %

51 259 143,00

54 701 214,00

-6,29 %

titre 2 (P212, SA 54-06)

179 416 710,00

173 794 020,00

3,24 %

179 416 710,00

173 794 020,00

3,24 %

sous-action 01-14 - Systèmes d’information et de communication

374 259 551,00

351 869 808,00

6,36 %

362 906 829,00

321 539 027,00

12,87 %

titre 2 (P212, SA 54-07)

517 559 777,00

513 586 563,00

0,77 %

517 559 777,00

513 586 563,00

0,77 %

sous-action 01-21 – Infrastructures des systèmes d’information et de communication

18 192 561,00

12 746 135,00

42,73 %

17 835 845,00

12 496 211,00

42,73 %

Action 05 - Logistique et soutien interarmées

2 203 330 527,00

2 560 184 990,00

-13,94 %

2 086 488 151,00

2 194 498 768,00

-4,92 %

titre 2 (P212, SA 58)

2 705 170 118,00

2 688 470 455,00

0,62 %

2 705 170 118,00

2 688 470 455,00

0,62 %

sous-action 05-11 – Infrastructures de santé

14 783 470,00

147 748 459,00

-89,99 %

51 447 021,00

48 251 041,00

6,62 %

sous-action 05-80 - Fonction santé

244 731 908,00

224 181 129,00

9,17 %

151 344 714,00

130 023 205,00

16,40 %

titre 2 (P212, SA 58-06)

914 785 831,00

904 012 942,00

1,19 %

914 785 831,00

904 012 942,00

1,19 %

sous-action 05-81 - Fonction pétrolière (jusqu’en 2015)

 

 

 

 

 

 

titre 2 (P212, SA 58-01)

135 978 814,00

132 987 545,00

2,25 %

135 978 814,00

132 987 545,00

2,25 %

sous-action 05-82 - Soutien des forces par les bases de défense

905 623 181,00

1 206 110 922,00

-24,91 %

939 616 846,00

999 633 934,00

-6,00 %

titre 2 (P212, SA 58-02)

73 482 301,00

71 779 386,00

2,37 %

73 482 301,00

71 779 386,00

2,37 %

sous-action 05-83 - Soutiens complémentaires

129 245 756,00

179 857 721,00

-28,14 %

126 711 526,00

141 625 216,00

-10,53 %

titre 2 (P212, SA 58-03)

0,00

0,00

 

0,00

0,00

 

sous-action 05-84 - Service interarmées des munitions

13 286 390,00

15 755 602,00

-15,67 %

14 575 872,00

16 721 178,00

-12,83 %

titre 2 (P212, SA 58-04)

91 795 228,00

90 914 513,00

0,97 %

91 795 228,00

90 914 513,00

0,97 %

sous-action 05-85 - Service du commissariat aux armées

729 918 796,00

643 676 184,00

13,40 %

672 919 205,00

669 910 928,00

0,45 %

titre 2 (P212, SA 58-05)

1 489 127 944,00

1 488 776 059,00

0,02 %

1 489 127 944,00

1 488 776 059,00

0,02 %

sous-action 05-89 – Infrastructures des soutiens

165 741 026,00

142 854 973,00

16,02 %

128 872 967,00

188 333 266,00

-31,57 %

Action 06 - Surcoûts liés aux opérations extérieures

820 000 000,00

820 000 000,00

0,00 %

820 000 000,00

820 000 000,00

0,00 %

titre 2 (P212, SA 59-01)

250 000 000,00

250 000 000,00

0,00 %

250 000 000,00

250 000 000,00

0,00 %

Action 07 - Surcoûts liés aux opérations intérieures

30 000 000,00

30 000 000,00

0,00 %

30 000 000,00

30 000 000,00

0,00 %

titre 2 (P212, SA 59-02)

100 000 000,00

100 000 000,00

0,00 %

100 000 000,00

100 000 000,00

0,00 %

Total (hors titre 2)

3 821 761 778,00

4 141 897 056,00

-7,73 %

3 677 905 920,00

3 731 275 107,00

-1,43 %

Total (titre 2 du P212 correspondant au personnel concourant aux actions présentées) (2)

4 451 606 335,00

4 431 215 397,00

0,46 %

4 451 606 335,00

4 431 215 397,00

0,46 %

Total

8 273 368 113,00

8 573 112 453,00

-3,50 %

8 129 512 255,00

8 162 490 504,00

-0,40 %

 

P : programme. SA : sous-action. Les dépenses de personnel correspondantes à ces actions figurent au programme 212. Elles sont indiquées à titre d’information dans le tableau et n’ont pas d’influence sur les totaux par action.

Source : ministère des Armées, réponses au questionnaire budgétaire envoyé par le rapporteur, octobre 2020.


—  1  —

 

 

A.   Les crédits de l’action 1 « Planification des moyens et conduite des opérations »

L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Les crédits de cette action, de 768,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 5,02 %) et de 686,8 millions en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2022, augmenteront surtout au profit des systèmes d’information et de communication – de 6,37 % en autorisations d’engagement et de 12,87 % en crédits de paiement – et des infrastructures des systèmes d’information et de communication – de 42,73 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

1.   Emploi des forces

La sous-action 10 « Emploi des forces » de l’action 1 du programme 178 finance diverses activités de l’état-major des armées (EMA) et des organismes et états-majors interarmées (EMIA).

Après une hausse de 8 % l’an dernier, les crédits de paiement inscrits à la sous-action 10 augmentent de 4 % en 2021 pour s’établir à 309 millions d’euros.

Par rapport aux hausses nombreuses engagées en 2021, la plupart des dépenses liées aux activités opérationnelles restent stables. Conformément aux objectifs de la loi de programmation militaire, la hausse des crédits bénéficie principalement au fonctionnement et activités spécifiques. Les dépenses liées aux activités opérationnelles, de 65,25 millions d’euros en crédits de paiement, sont en légère baisse (- 3 %). Les dépenses de fonctionnement et activités spécifiques, de 108,45 millions d’euros en crédits de paiement, sont en hausse (+6,67 % en crédits de paiement et +6,75 % en autorisations d’engagement). Cette hausse est tirée exclusivement par l’opération stratégique « relations bilatérales et états-majors interalliés », qui s’établit à 103,29 millions d’euros en crédits de paiement (+ 10,25 % en autorisations d’engagement et +10,23 % en crédits de paiement). Ceci s’explique par la hausse constante des contributions françaises à l’OTAN et notamment à sa structure de commandement.

Les crédits de paiement pour les dépenses de communication et de relations publiques, de 2,04 millions d’euros, sont en forte baisse (-38 % en crédits de paiement, -22,43 % en autorisations d’engagement).

 

 

2.   Renseignement d’intérêt militaire

La sous-action 11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM), consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers.

 

La direction du renseignement militaire (DRM)

 

1) Missions et organisation

 

Placée sous l’autorité du chef d’état-major des armées, la DRM a pour mission d’éclairer la prise de décision autonome des hautes autorités politiques et militaires, et à appuyer les forces armées en fournissant le renseignement nécessaire à la planification et à la conduite de la manœuvre militaire. Elle assure une veille stratégique permanente.

Elle dispose de centres spécialisés et d’un centre de formation concourant à son autonomie d’action. De plus, la DRM est le chef de file de la fonction interarmées du renseignement, et coordonne fonctionnellement les moyens de renseignement issus des trois armées, représentant 8 000 hommes et femmes.

 

 2) Une modernisation en cours

 

i) Consolider les capacités en équipements et infrastructures

 

Sur le plan capacitaire, les acquisitions d’équipements et leur maintien en condition opérationnelle se poursuivent et portent notamment sur l’ensemble des modes de recueil du renseignement et sur les capacités d’exploitation. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) et l’évolution d’Artere 3R ([3]) seront assurés afin de consolider l’architecture numérique de la DRM.

Dans le domaine de l’infrastructure et du stationnement, la base aérienne 110 de Creil se voit densifiée pour accompagner la montée en puissance du soutien, du centre interarmées de recherche et de recueil du renseignement humain (CI3RH), du centre de recherche et d’analyse du cyberespace (CRAC) et surtout le déménagement du centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR) de Strasbourg vers Creil.

 

ii) Poursuivre la transformation numérique

 

En 2022, et via les projets et programmes décrits ci-dessus, la DRM poursuit son investissement dans la transformation de ses systèmes d’information et de communication (SIC) en vue de répondre à l’augmentation des flux à traiter et de la transformation numérique de manière plus globale. Le schéma directeur des SIC de la DRM devrait ainsi être officialisé fin 2021-début 2022. L’amélioration des réseaux d’échange est nécessaire afin d’irriguer tous les acteurs (dont les théâtres d’opérations) et d’être en mesure d’accueillir le socle ARTEMIS IA ([4]). Ce projet vise à doter le ministère des Armées d’une infrastructure souveraine de stockage et de traitement massif de données en captant l’innovation des PME, start-ups et laboratoires qui travaillent sur les applications civiles de l’intelligence artificielle (IA). En outre, pour assurer un croisement rapide et automatique de données de renseignement d’intérêt militaire provenant de différents capteurs avec une disponibilité quasi immédiate, une centralisation des données brutes techniques dans des entrepôts uniques s’avère nécessaire.

 

iii) Renforcer l’exploitation des données

 

L’effort est également porté sur les capacités d’exploitation avec le renforcement des moyens permettant de traiter la croissance exponentielle des données liée à l’arrivée de nouveaux capteurs ainsi que l’ajout d’un outil de transcription et de traduction de langues sur le portail de la DRM (Portail TAL) au profit des analystes.

 

Concernant le domaine du renseignement d’origine cyber, le développement d’un moteur de recherche spécifique et d’outils pour l’investigation sur supports numériques sera privilégié afin d’augmenter la capacité renseignement.

 

Dans le domaine du renseignement d’origine humaine (ROHUM), l’objectif étant le développement de nouveaux capteurs biométriques et d’applicatifs de gestion de sources pour outiller le centre interarmées de recueil et de recherche du renseignement humain et équiper des unités spécialisées.

 

Dans le domaine du renseignement d’origine image (ROIM), l’exploitation de données massives issues des nouveaux capteurs spatiaux et la poursuite de l’acquisition et du maintien en condition de systèmes spécifiques seront les principaux enjeux.

 

Enfin, dans le domaine du renseignement d’origine électromagnétique (ROEM), l’enjeu sera le lancement de nouvelles capacités spatiales et l’exploitation des données associées en liaison avec les armées. En parallèle, la réorganisation des détachements avancés de transmission (DAT) va se poursuivre afin d’être toujours plus efficiente.

 

Le rapporteur salue les important efforts de modernisation qu’entreprend la direction du renseignement militaire, notamment la volonté de se doter d’une infrastructure souveraine de stockage des données, qui consolideront sa place centrale dans l’environnement de renseignement français.

La ressource prévue en 2022, soit 52,3 millions d’euros en autorisations d’engagement, est en baisse pour la deuxième année consécutive – de 6,27 % en autorisations d’engagement et de 6,29 % en crédits de paiement. Cette baisse s’explique notamment par la diminution des dépenses opérationnelles de déplacements et transports (-18,7 % en autorisations d’engagement) à la suite du déménagement des personnels et matériels du centre de formation interarmées du renseignement (CFIAR) de Strasbourg à Creil.

Les mesures principales de l’année sont liées à l’hébergement et au traitement des données informatiques. La hausse de 6 % des autorisations d’engagement devrait permettre à la DRM de développer ses capacités d’hébergement des données et de faire du multi-intercepteurs, qui consiste à croiser automatiquement des données de renseignement d’intérêt militaire provenant de différents capteurs.

3.   Les systèmes d’information et de communication

La sous-action 14 retrace les crédits de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui a pour mission de gérer et de maintenir en condition des matériels de télécommunication, de communication et d’information, au profit des armées, directions et services du ministère de la défense.

Comme en 2021, les autorisations d’engagement continueront à croître (+ 6,3 %) en 2022. Les crédits de paiement sont quant à eux en forte hausse, pour s’établir à 362,9 millions d’euros (+12,87 %). Cette hausse est notamment tirée par les dépenses opérationnelles (+17 % en crédits de paiement). Cela s’explique principalement par le renouvellement de la certification ISO 9001 (système de management de la qualité) et par une hausse des besoins en moyens de communication à distance.

4.   Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

La sous-action 21 définit les programmes d’infrastructure à lancer et à conduire dans les établissements de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI) en métropole, outre-mer et à l’étranger, ainsi que des organismes qui lui sont rattachés organiquement.

En 2022, les crédits de paiement destinés à cette sous-action croîtront fortement (+42,73 %), quoique moins que l’année dernière (+390 %). Cette hausse s’explique par la poursuite du déploiement du logiciel cœur du système intégré de protection de site (SIPS) sur cinq nouveaux sites : Lyon, Brest, Nancy, Saint-Dizier et Toulon.

 

 

 

B.   Les crédits inscrits à l’action 5 « Logistique et soutien interarmées »

L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs fonctions de soutien, spécialisés ou communs. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées et les bases de défense et concourt donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation.

Dans sa globalité, le budget de l’action 5, qui s’élève à 2 203 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2 086 millions d’euros en crédits de paiement, est en baisse pour l’exercice 2022 (- 14 % en autorisations d’engagement et -5 % en crédits de paiement).

1.   Le soutien santé

La sous-action 05-80 retrace les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention du service de santé des armées (SSA).

Outre la médecine des forces en opérations, le SSA a quatre missions qui font aussi du service un contributeur essentiel de la politique de santé publique : la gestion des hôpitaux militaires, le ravitaillement sanitaire, la formation et la recherche.


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Le SSA, un service d’une qualité exceptionnelle qui, bien qu’en surchauffe, demeure sollicité pour combler les lacunes de la médecine civile dans le cadre de la crise sanitaire

 

1) Un service organisé en cinq directions et un département

 

Composé de 14 700 hommes et femmes, civils et militaires, et de plus de 3 000 réservistes, le service de santé des armées a pour mission première d’assurer, en toutes circonstances, le soutien médical des forces armées (Terre, Air, Marine) et de la gendarmerie en métropole et en outre-mer comme sur les théâtres d’opérations. En plus de cette mission, le service de santé participe à l’offre de soin publique sur le territoire national.

 

Afin de répondre à ses différentes missions, le service de santé est organisé en cinq directions et un département :

 

– la direction de la médecine des forces (DMF) qui assure la direction des 16 centres médicaux des armées, des chefferies du service de santé (force d’action navale, forces sous-marines, forces spéciales), et du service de protection radiologique des armées (SPRA) ;

 

– la direction des hôpitaux (DHOP) qui assure la direction de la composante hospitalière et de ses huit hôpitaux d’instruction des armées (HIA) ;

 

– la direction de la formation, de la recherche et de l’innovation (DFRI) ;

 

– la direction des approvisionnements en produits de santé des armées (DAPSA) qui a pour rôle stratégique de permettre aux forces armées de bénéficier, à n’importe quel endroit du globe, des produits de santé nécessaires au soutien du blessé et du malade ;

 

– la direction des systèmes d’information et du numérique (DSIN) ;

 

– le département de gestion des ressources humaines (DépGRH).

 

2) Un service sous forte tension

 

i) Le poids de la réduction des moyens budgétaires

 

Comme l’a rappelé le rapporteur l’an dernier à la suite des sénateurs Jean-Marie Bockel et Christine Prunaud dans leur rapport d’information du 10 juin 2020 ([5]) , injonction est faite au SSA de répondre à l’augmentation de ses missions tout en subissant une diminution de ses ressources. La révision générale des politiques publiques et les lois de programmation militaires, en imposant une déflation du personnel, ont porté préjudice aux capacités de ce service. Dans la configuration actuelle, la continuité des soins est en grande partie liée à l’apport de 3 000 réservistes. Avec 14 700 personnels, le SSA, a perdu 1 600 postes en cinq ans et aurait besoin d’un apport de 100 médecins.

 

 

 

 

ii) L’action du SSA dans le cadre de la crise sanitaire

 

Malgré sa surutilisation structurelle [6](1), le SSA a été fortement déployé pour répondre à la crise sanitaire, notamment dans le cadre de l’opération Résilience. Outre l’importante contribution des hôpitaux d’instruction des armées à la gestion de la crise en appui de la santé publique, qui ont notamment assuré l’accueil et le parcours de soins des malades COVID-19, le SSA a été en mesure :

 

- de mener des évacuations médicales dans tous les milieux (terre, air, mer) dès les premiers temps de la crise ;

 

- d’effectuer des prêts et des dons d’équipements (respirateurs et masques notamment) ;

 

- de mettre à profit ses capacités de recherche dans ses laboratoires, en lien avec l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) ;

 

- de constituer de nouvelles capacités médicales, comme par exemple l’élément militaire de réanimation (EMR) à Mulhouse dès le mois de mars 2020, et les modules militaires de réanimation (MMR) en renfort des centres hospitaliers dans nos outremers, notamment en Martinique, ainsi que la capacité de réanimation projetable (CARP) pour les théâtres d’opérations.

 

Le SSA s’est engagé de façon précoce dans la campagne de vaccination, en complémentarité avec les autres services de l’État, et a pleinement contribué à l’accélération de la campagne de vaccination de la population française dès le mois d’avril 2021. Ainsi, les hôpitaux d’instruction des armées (HIA) ont débuté leur participation à la campagne de vaccination contre la COVID-19 dès le 7 janvier 2021 lors de la vaccination destinée uniquement aux patients éligibles à la stratégie gouvernementale. Depuis les 5 et 6 avril, à la demande du ministère des solidarités et de la santé, les HIA ont ouvert 7 centres militaires de vaccination (CMV) dans le cadre de l’opération RESILIENCE (Clamart, St Mandé, Brest, Metz, Bordeaux, Toulon et Marseille), ouverture complétée par la mise en place le 13 mai 2021 d’un CMV sur le site des écoles militaires de santé de Lyon-Bron (EMSLB).

 

Au 19 juillet, les CMV ont réalisé au total près de 450 000 injections vaccinales, chacun de ses centres contribuant à hauteur de 1 000 doses par jour. À l’heure actuelle, près de 70 militaires d’active comme de réserve, provenant de l’ensemble des composantes du Service, sont mobilisés chaque jour pour assurer le fonctionnement des 8 CMV. De plus, l’ensemble des armées, directions et services a été mis à contribution pour en assurer les fonctions d’accueil, de filtrage, de protection ou de soutien.

 

iii) Le défi des ressources humaines

 

Le SSA fait face aujourd’hui à un déficit en personnel soignant dans certaines spécialités médicales et paramédicales indispensables à la prise en charge des blessés et malades militaires. Compte tenu de la durée de formation des soignants, les effets des mesures prises se font parfois sentir après un délai de plusieurs années. Certaines composantes sont davantage concernées par ce déficit.

 

C’est particulièrement le cas de la médecine des forces. Le chiffre, largement partagé, de 100 médecins manquants correspond au déficit lissé observé sur une année en médecins généralistes employés en médecine des forces. En parallèle, avec un effet « ciseaux », le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est marqué par un accroissement des besoins (expertise médicale d’aptitude, soutien des activités à risque) associé à une augmentation des effectifs à soutenir (renforcement de la force opérationnelle terrestre, plan « Réserve 2019 »).

 

Mais les tensions sur les effectifs concernent également la composante hospitalière, où certaines spécialités font l’objet d’une attention toute particulière : chirurgie (orthopédique, viscérale, vasculaire, thoracique, urologique, tête et cou), médecine d’urgence en exercice hospitalier, psychiatrie et radiologie. Plusieurs spécialités paramédicales essentielles se révèlent également sous tension, à l’instar des infirmiers de bloc opératoire, ou encore des masseurs-kinésithérapeutes.

 

Dans les spécialités sous tension, le SSA est confronté à une forte concurrence du secteur civil, qui se montre très attractif et réactif, notamment dans le domaine de la rémunération, ce qui contribue à entretenir le flux de départs prématurés subi par le Service. En conséquence, si le service remplit aujourd’hui son contrat opérationnel, il y parvient au prix d’une sur-projection de ses personnels soignants (qui pour certains effectuent une OPEX chaque année), avec un risque d’usure et d’épuisement accentué depuis mars 2020 par la crise sanitaire. Le SSA subit aussi les conséquences de la possibilité faite aux militaires de bénéficier d’une retraite à jouissance immédiate. Cette particularité statutaire, liée au fort engagement demandé tout au long de la carrière, conduit à un départ à la retraite anticipé par rapport aux praticiens des structures hospitalières civiles. Afin de résoudre cette difficulté, l’emploi de contractuels et l’utilisation de réservistes sont de plus en plus courants. Cependant, ce domaine professionnel est très concurrentiel et les rémunérations proposées sont en décalage avec le secteur privé.

 

Compte tenu de ce décalage, un projet de revalorisation de la rémunération était en préparation avant même l’annonce du Ségur de la santé, notamment dans le cadre de la Nouvelle Politique de Rémunération des Militaires. Cela s’est traduit par des mesures de fidélisation qui ont été déclenchées depuis 2019, et des mesures d’attractivité qui devraient être appliquées en 2022 ou 2023.

 

Le SSA a été, dès le départ, intégré dans les mesures prévues par le Ségur de la santé. Pour l’instant, seul le complément de solde indiciaire (CSI) ou complément de traitement indiciaire (CTI pour les personnels civils) a été versé aux personnels non médicaux des hôpitaux d’instruction des armées. La transposition de la revalorisation des grilles indiciaires, mesure fondamentale du Ségur de la santé, est en cours d’étude et devrait être effective dans les meilleurs délais avec l’appui de la DRH-MD.

 

3) L’application du Ségur de la santé

 

Si le SSA a été, dès le départ, intégré dans le Ségur de la santé, il ne l’a été qu’à travers son seul périmètre hospitalier, créant ainsi un défaut de reconnaissance des professionnels de santé exerçant en dehors de ce périmètre. Cette situation de déséquilibre pourrait être à l’origine de dysfonctionnements potentiellement préjudiciables à la pleine efficacité d’un Service de santé intégré. Ainsi, le complément de traitement indiciaire (CTI) et le complément de solde indiciaire (CSI) ne sont servis qu’à l’ensemble du personnel non médical exerçant ses fonctions en hôpital d’instruction des armées (HIA), soit 5 666 bénéficiaires pour un coût hors compte d’affectation spécial Pension (HCASP) de 18,4 millions d’euros sur 12 mois. Les autres mesures attendues du Ségur de la santé – révision des grilles indiciaires, voire, dans une moindre mesure, la refonte du système indemnitaire de la fonction publique hospitalière (FPH) – s’appliqueront à l’ensemble du personnel militaire infirmier et technicien des hôpitaux des armées, quel que soit leur domaine d’emploi, dans des conditions similaires à celles mises en œuvre dans la FPH.

 

Une première extension a été sollicitée lors de l’actualisation annuelle de la programmation militaire au titre de 2022. Elle élargit le périmètre aux soignants exerçant dans les structures de premier recours hors HIA et assimilés. À la différence du CTI/CSI en secteur hospitalier, le CTI/CSI dans les structures de soins de premiers recours ne relève pas d’un financement de l’assurance maladie. Le déploiement sera donc progressif, avec une annuité 2022 calibrée à 15 points d’équivalent indiciaire par bénéficiaire – contre 49 points en HIA – pour un coût hors CAS pension de 1,346 million d’euros.

 

Enfin, en ce qui concerne le personnel médical, le Ségur de la santé crée un nouvel écart significatif de rémunération entre praticiens du système de santé hospitalier public et praticiens militaires, écart qui aura sans aucun doute des conséquences sur l’attractivité et la fidélisation.

 

4) L’ambition stratégique 2030

Cette ambition acte la fin du plan « SSA 2020 » et vise à faire évoluer le service dans son ensemble afin de l’adapter aux nouveaux enjeux identifiés à l’horizon 2030. Elle comporte 12 chantiers répartis en 3 axes : un axe opérationnel, un axe organique et un axe ressources humaines.

 

Sur le plan opérationnel, l’objectif est d’adapter le soutien santé aux spécificités des contextes opérationnels des trois armées et de la gendarmerie nationale. Cette adaptation s’appuiera sur la préparation du service au soutien médical d’un engagement majeur ou de haute intensité. Pour ce faire, une réflexion sur l’évolution des modalités du soutien médical opérationnel (SMO) a déjà été engagée.

Sur le plan organique, l’Ambition 2030 aura pour but la simplification de l’organisation du SSA - notamment celle de son administration centrale, en mettant l’accent sur la préparation de l’avenir et le développement de la notion de parcours - et la modernisation de ses moyens en conduisant un chantier numérique, notamment par la mise en œuvre d’un système d’information unifié autour des données de santé, sécurisé et interopérable.

 

Sur le plan des ressources humaines, les problématiques rencontrées par le Service en termes de déficit en personnel soignant, de manque d’attractivité de certaines spécialités et de difficultés de fidélisation - dans un contexte hautement concurrentiel et d’émergence de nouveaux métiers de santé - constituent des défis majeurs à prendre en compte afin de garantir la capacité opérationnelle du SSA.

 

Dans cette optique, la participation et la prise en compte du SSA dans la prochaine loi de programmation militaire constituent un enjeu crucial afin de sécuriser les ressources du service au-delà de l’année 2025.

 

 

 

Les observations du rapporteur

 

Le rapporteur salue bien évidemment l’excellence du SSA, une excellence ayant conduit le Gouvernement à lui faire jouer un rôle crucial dans l’opération Résilience et à apporter son soutien à la médecine civile dans le contexte de la crise sanitaire, tant en 2020 qu’en 2021. C’est en effet un service en pointe en France tant dans l’expertise médicale en situation sanitaire exceptionnelle que dans l’expertise des maladies virales émergentes – un service doté en la matière d’une expérience inégalée au plan national. Il reste que comme l’an dernier, le rapporteur alerte sur une surutilisation de ce service dans le but de compenser les éventuelles carences d’autres services de l’État. La règle des 4I demeure un principe fondamental mais ne saurait être appliquée trop régulièrement de sorte qu’elle détourne durablement le SSA de sa mission première de soutien médical aux forces armées dans tous les contextes, particulièrement opérationnels.

Après une première hausse en 2021, les crédits dévolus au SSA poursuivent leur croissance de 9,17 % en autorisations d’engagement, ce qui les porte à 244,7 millions d’euros, et de 16,4 % en crédits de paiement, ce qui les porte à 151,34 millions d’euros. L’augmentation des crédits s’explique principalement par la hausse de la dotation au regard du maintien à niveau des équipements (+38 % en AE et +49 % en CP), des frais de formation et des approvisionnements en produits de santé (au total +3 % en AE et +2 % en CP) ainsi que par les activités support du fonctionnement des établissements du service (+5 % en AE et +3 % en CP).

2.   Les infrastructures de santé

La sous-action « infrastructures de santé » définit les programmes d’infrastructure à initier et à conduire dans les établissements du service de santé des armées (SSA) afin, d’une part, de répondre à l’ambition opérationnelle dans ce domaine et, d’autre part, de garantir un niveau optimal dans l’exercice de l’activité médicale.

En 2022, le SSA poursuivra la réalisation de ses deux programmes d’infrastructure (PI) majeurs dans l’accomplissement de la transformation du service. Le PI « Fonction Hospitalière » s’attachera à la remise aux normes des réseaux d’eau chaude, la rénovation d’ateliers et de logements. La construction du centre médical des armées (CMA) de Clermont-Ferrand et la réhabilitation du CMA de Strasbourg seront les opérations majeures pour le PI « Médecine des Forces ». En parallèle de ces programmes d’envergure, les opérations de sécurisation des hôpitaux militaires des armées (HIA) seront poursuivies avec la vidéo surveillance, la rénovation de réseaux électriques et de la maintenance lourde.

Après une forte augmentation de son budget en 2021 (+ 213 % en autorisations d’engagement et + 56 % en crédits de paiement), cette sous-action créée en 2020 connaît une importante baisse de ses autorisations d’engagement (-90 %), ce qui les porte à 14,78 millions d’euros. Selon les informations fournies dans le projet annuel de performance, cette forte baisse s’explique par l’absence d’affectation sur tranches fonctionnelles [(1)] en 2022, contrairement à 2021. Les crédits de paiement sont en hausse de 6,62 %.

3.   Le soutien pétrolier

Depuis le 1er janvier 2016, les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce n° 901, intitulé « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ».

Grâce à un découvert autorisé [7](1), ce compte de commerce apporte de la souplesse aux opérations conduites par le service de l’énergie opérationnelle ([8]) (SEO) en lui permettant d’acheter de gros volumes de carburant à tout moment. Ce mode de gouvernance budgétaire, qui isole la fonction pétrolière des autres domaines, incite également le SEO à une gestion active de la trésorerie et, pour cela, à la valorisation de ses prestations à l’égard de ses clients, dans le respect du principe d’équilibre du compte de commerce.

Les dépenses de personnel du SEO sont retracées dans la sous-action 58-01 du programme 212. En 2021, elles continueront de se redresser légèrement (+ 2,25 %), conformément à la loi de programmation militaire tout en restant en décalage avec les besoins du service liés au contrat opérationnel. Comme le rapporteur l’a mis en évidence il y a deux ans, le SEO fait face à des difficultés de recrutement dans des spécialités pour lesquelles la concurrence est très forte avec les entreprises civiles, notamment depuis la suppression du statut d’ouvrier d’État pour les techniciens pétroliers.

 

Le service de l’énergie opérationnelle (SEO)

 

1) Missions et organisation

 

Le service des essences des armées, devenu service de l’énergie opérationnelle (SEO) au 1er janvier 2021, est le plus ancien service commun des armées, créé en 1940. Le SEO est un service interarmées subordonné à l’état-major des armées dont la mission historique était « l’approvisionnement en tout temps et en tout lieu des produits pétroliers nécessaires aux armées ». Au gré des réformes successives de ces trois décennies, le SEA a dû s’adapter et élargir le spectre de ses capacités opérationnelles et de son expertise afin de remplir sa mission avec efficacité. Ses missions sont aujourd’hui au nombre de six :

 

      Consolider son domaine d’excellence, c’est-à-dire l’approvisionnement en produits pétroliers ;

 

      Absorber l’arrivée de nouveaux flux non fossiles, tels que les biocarburants aéronautiques, qui coûtent entre quatre et cinq fois plus cher que les carburants normaux ;

 

      Acquérir l’expertise sur les nouvelles formes d’énergie de la mobilité, telles que les biocarburants, les batteries, l’hydrogène, etc.

 

      Concourir à la maîtrise des processus d’approvisionnement énergétique ;

 

      Être un acteur de la résilience des structures du ministère ;

 

      Soutenir la coopération en matière d’énergie, par exemple avec le Royaume-Uni.

 

La direction du SEO pilote des organismes subordonnés assurant la conduite des opérations en hébergeant les processus de réalisation et de soutien. L’organisation adoptée par le SEO lui permet ainsi d’assurer un soutien des forces de bout en bout en veillant à approvisionner, stocker et distribuer les produits pétroliers sur l’ensemble des théâtres d’opérations mais également à travers le monde.

 

2) La nouvelle stratégie énergétique de défense

 

La stratégie énergétique de défense signée par la ministre des Armées, Mme Florence Parly, en 2020 témoigne d’un virage stratégique des Armées vers des énergies plus larges, dans un objectif de prise en compte des objectifs de la transition énergétique au ministère des Armées. Cette stratégie comprend deux volets : la stratégie ministérielle de performance énergétique, qui a pour objectif la mise en conformité avec les lois environnementales des infrastructures du ministère et des véhicules (hors opérations), et la politique de l’énergie opérationnelle dont le document cadre est en cours de rédaction.

 

La politique de l’énergie opérationnelle a pour but de faire de la transition énergétique un atout opérationnel pour les forces plutôt qu’une contrainte réglementaire. Pour ce faire, elle repose sur le trilemme énergétique suivant qui vise à allier résilience, autonomie et efficience :

 

      Consommer sûr, c’est-à-dire s’assurer de disposer de ressources énergétiques en toutes circonstances ;

 

      Consommer moins, dans le but de réduire son empreinte logistique et sa vulnérabilité ;

 

      Consommer mieux, c’est-à-dire améliorer son autonomie par une plus grande maîtrise des énergies.

 

Le SEO a donc pour but d’adapter sa consommation historique aux nouvelles énergies. Le mix énergétique des armées est aujourd’hui constitué à 75 % de pétrole, qui correspond aux mobilités, les 25 % restants étant liés à l’infrastructure et répartis entre l’électricité, le gaz et le fioul.

 

Le rapporteur souhaite rappeler le caractère prospectif de cette transition énergétique pour les Armées : bien qu’il soit en accord avec le raisonnement détaillé supra, il n’en demeure pas moins que, notamment dans le domaine de la mobilité, les équipements et infrastructures des armées doivent avant tout être disponibles et résilients. Ce besoin n’est pour l’instant satisfait que par le recours aux énergies fossiles, et la transition vers de nouvelles formes d’énergie ne peut avoir pleinement lieu que lorsqu’elles aussi le satisferont.

 

3) Des défis RH et budgétaires

 

Le SEO représente 0.8 % des effectifs du ministère des Armées, composé aux deux tiers de militaires et pour un tiers, de civils. Les effectifs sont au plus bas en 2021 mais leur remontée est prévue entre 2021 et 2026 : +113 ETP conformément à la feuille de route validée par les autorités ministérielles. Même si la manœuvre RH est globalement satisfaisante, le SEO connaît comme les autres armées des difficultés de recrutement et de fidélisation de ses militaires de la filière maintenance (sous-officiers et militaires du rang) et de ses sous-officiers supérieurs, pour lesquels le bénéfice de la retraite à jouissance immédiate avec décote à 17 ans de service, la reconversion possible au sein des fonctions publiques et la concurrence avec le secteur civil (plateformes aéronautiques notamment) se traduisent par des sorties importantes et constantes depuis plusieurs années. La politique de l’énergie opérationnelle développée par le SEO soulève également le besoin de personnels en matière de cyberprotection et de gestion du futur système. En effet, la politique de l’énergie opérationnelle sera déclinée en une feuille de route de mise en œuvre à laquelle seront associées les trois armées et au sein de laquelle le SEO devra trouver la place adéquate, notamment dans son rôle de conseiller auprès des COMBdD. En effet, si les chefs de dépôt du SEO sont les interlocuteurs des COMBdD comme unité soutenue, ils sont peu reconnus dans leur rôle de conseillers énergie de la mobilité, et ce malgré les enjeux soulevés par la transition énergétique.

 

L’enjeu des ressources humaines est d’autant plus important que le personnel du SEO est particulièrement sollicité dans le cadre des opérations extérieures (OPEX). En 2020, le niveau d’engagement du personnel du SEO a augmenté de +1,9 % par rapport à 2019, mais reste globalement stable. Pour faire face à cette importante sollicitation, le service planifie le plus en amont possible les projections – 6 mois avant les départs et le service désigne aussi des remplaçants – pour donner de la visibilité aux futurs militaires projetés. Plus largement, le contrat opérationnel du SEO fait face à des besoins actuels et futurs importants, liés notamment à la préparation croissante à des conflits de haute intensité, à l’intégration de nouveaux matériels (l’arrivée du programme Scorpion est prévue en 2025) et à la nouvelle doctrine du CEMA.

 

L’infrastructure constitue une difficulté budgétaire majeure car le SEO « fait les frais » d’une nouvelle architecture budgétaire au sein de laquelle il n’est pas identifié comme un besoin majeur. Les évolutions d’infrastructure sont prises en compte dans le programme 212 mais pas dans le budget du SEO qui doit financer les travaux d’adaptation lui-même. De fait, le manque de crédits en matière d’infrastructures a des conséquences opérationnelles notables qui conduisent à un retard dans la mise aux normes et dans l’adaptation capacitaire au profit des forces, exposant ainsi les infrastructures à des risques accrus (pollution, incendie, par exemple).

 

Le rapporteur estime qu’il serait pertinent d’inclure le SEO dans le projet global d’évolution du stationnement des forces.

 

4) L’enjeu du renouvellement de la flotte tactique et logistique terrestre du SEO

 

Selon les informations fournies au rapporteur, la ministre des Armées a décidé de lancer l’opération Flotte tactique et logistique terrestre (FTLT) visant à permettre au SEO de renouveler ses camions citernes à hauteur de 144 camions citernes de nouvelle génération ([9]). Les premiers camions citernes de nouvelle génération, qui devraient être livrés à partir de 2026-2027, permettront non seulement d’assurer la sécurité du personnel (blindage) mais aussi de mieux s’intégrer en interarmées. Le SEO a en outre informé le rapporteur qu’il comptait demander, dans le cadre de l’ajustement annuel de la programmation militaire de 2022, une augmentation des camions citernes de nouvelle génération avitailleurs blindés à hauteur d’un tiers supplémentaire – soit 56 au lieu de 28. En attendant l’arrivée de ces nouveaux camions et afin d’assurer au plus vite la sécurité du personnel en opération, le directeur du SEO a décidé d’effectuer le blindage des cabines de CCP10 ([10]) (21 vecteurs de 2022 à 2023) et de régénérer des camions-citernes CBH (2021).

 

Le rapporteur se félicite du renouvellement de la flotte de camions citernes du SEO et estime qu’il conviendra de veiller à la bonne exécution des livraisons de véhicules pétroliers (CARAPACE, futur CCNG), essentiels au SEO pour remplir son contrat opérationnel à horizon 2026.

4.   Les crédits des bases de défense

Il existe aujourd’hui cinquante-cinq bases de défense (BdD) dont quarante-cinq en métropole et dix en outre-mer et à l’étranger.

La sous-action 05-82 « Soutien des forces par les bases de défense » retrace les crédits d’investissement, d’intervention et de fonctionnement des 55 bases de défense, qui répondent aux besoins d’administration générale et du soutien commun (AGSC) des unités qui leur sont rattachées (soutiens communs et financier, administration du personnel, entretien des espaces verts, gardiennage, entretien des véhicules, etc.) dans un périmètre géographique donné. Elles constituent donc un premier échelon, local, de mutualisation des soutiens.

Le rapporteur ayant choisi cette année de dresser, en seconde partie de son rapport, un bilan de l’organisation et du fonctionnement des bases de défense, il se contentera dans cette première partie de présenter les crédits correspondants.

Les autorisations d’engagement de la sous-action sont en forte baisse pour l’année 2022 (-25 %), de même que les crédits de paiement (-6 %). Cette baisse s’explique par un moindre besoin, les principaux marchés pluriannuels ayant été renouvelés en 2021. Concernant les activités opérationnelles, les autorisations d’engagement pour le budget « déplacements et transports » sont en forte hausse (+154,8 %), ce qui les porte à 60,26 millions d’euros. Parallèlement, les dépenses de personnel resteront stables, à environ 73,48 millions d’euros (+2 %).

5.   Les soutiens complémentaires

La sous-action 05-83 « Soutiens complémentaires » regroupe diverses activités interarmées concourant au soutien des forces en métropole et outre-mer, essentiellement dans le domaine de la logistique interarmées. Sous-action regroupant des domaines divers, elle connaît régulièrement des changements de périmètre.

Le montant de l’indemnité compensatrice SNCF s’établira à 111,3 millions d’euros en crédits de paiement en 2021, soit une baisse de 11,3 %. Cette baisse est due à une moindre fréquentation des trains, la ressource prenant en compte la poursuite des améliorations prévues dans le cadre du « plan Famille ».

Usage des crédits prévus à la sous-action 05-83 pour 2021

(en millions d’euros)

Domaines

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Domaines

Autorisations d’engagement en M€

Crédits de paiement en M€

Indemnité compensatrice SNCF

113,5

111,3

Services généraux externalisés

7,8

7,8

Déconstruction des installations nucléaires

1,94

1 ,90

Maintien en sécurité des installations désactivées de l’OTAN

1,1

11

Direction de la maintenance aéronautique

1,1

1

Autres dépenses

3,9

3,7

Total

129,3

126,7

Source : ministère des Armées, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur, octobre 2020.

6.   Le service interarmées des munitions

La mission du service interarmées des munitions (SIMu) consiste à mettre à disposition des forces, en tout temps et en tout lieu, des munitions de toutes natures, hors dissuasion, de la munition de 5,56 mm au missile Exocet ou Scalp, en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi.


Le service interarmées de munitions (SIMu), un service en cours de restructuration et soumis à des contraintes structurelles fortes

 

1) Un service de soutien spécialisé directement rattaché à l’état-major des armées

 

Créé en 2011, le Service interarmées des munitions est basé à Versailles. De la même manière que le SEO, son directeur est à la fois directeur du SIMu et de la division munitions de l’état-major des armées. Il s’agit donc d’un service de soutien spécialisé directement rattaché à l’EMA (comme le SSA, le SEO et la DIRISI). Le SIMu a pour mission de mettre à disposition des forces, en tout temps et en tout lieu, des munitions de toutes natures en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs la sécurité d’emploi de celles-ci. Pour ce faire, il est amené à projeter des pyrotechniciens qualifiés et préparés. Au 1er juillet dernier, 127 personnels étaient projetés en opération.

 

Le SIMu compte environ 1 300 personnels répartis entre sa direction, à Versailles (123 personnes), les 14 dépôts de munitions répartis sur le territoire national et les 9 dépôts situés en outre-mer - tous classés SEVESO seuil haut. La capacité de stockage totale est de 107 00 tonnes, répartie entre 55 magasins enterrés ou semi-enterrés (« cavernes »), 272 magasins « aériens », 483 « igloos » et 45 autres (« shelters » ou « poudrières » qui ont vocation à être transformés en igloos).

 

2) Un service en cours de transformation d’ici à 2025

 

i) Optimiser le cycle de vie des munitions

 

Le SIMu est chargé des munitions pendant l’ensemble de leur cycle de vie, de l’acquisition à l’élimination en passant par le stockage et la maintenance. Il est placé sous l’autorité technique de la direction générale de l’armement (DGA), et dispose d’une compétence pour passer des marchés et contrats relatifs à l'acquisition, la maintenance, l'élimination des munitions et équipements techniques associés – sauf pour les munitions nucléaires qui dépendent exclusivement de la DGA. Il est donc amené à travailler directement avec les industriels mais aussi avec l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition.

Dans ce périmètre, l’enjeu pour le SIMu est l’entretien des munitions dont il est essentiel d’adapter la maintenance en condition opérationnelle (MCO). Trois leviers ont été identifiés à cette fin par la feuille de route : la transformation et la digitalisation du SIMu, la maîtrise de l’environnement des munitions, et la maîtrise des activités logistiques et du MCO, avec la mise en place d’une « supply chain » munitions.

 

ii) Renforcer la résilience du service et ses processus

 

Ce renforcement suppose notamment une amélioration de l’organisation du service et sa numérisation, le développement de la résilience cyber du service ainsi que l’amélioration des formations en pyrotechnie. Le SIMu étant considéré comme opérateur d’importance vitale ([11]) (OIV) depuis 2015, la question de la résilience des systèmes et de la protection des sites est particulièrement importante.

3) Des contraintes structurelles similaires à celles du SEO

 

i) Des ressources humaines sous tensions en raison d’un niveau de technicité élevé

 

La gestion des ressources humaines du SIMu est particulièrement complexe puisqu’elle dépend de 6 gestionnaires : les trois armées, la direction générale de l’armement, le service du commissariat des armées et le secrétariat général pour l’administration. Le service est composé à 60 % de civils, la majorité des civils étant des ouvriers de l’État (65 %). Si le SIMu n’a pas de difficulté particulière à recruter des ingénieurs en armement, il lui est moins facile de trouver des personnels qualifiés dans le domaine de l’environnement alors que celui-ci constitue une part croissante de l’activité du service.

 

ii) Un poids important des infrastructures dans le budget du service

 

Depuis 2011, six dépôts de munitions ont été fermés. Il est estimé que le service est aujourd’hui en limite capacitaire, notamment en raison des contraintes environnementales croissantes s’exerçant sur les dépôts. Il semble difficile d’ouvrir un nouveau dépôt de munitions mais d’importants travaux d’infrastructure sont à prévoir pour la mise aux normes. Au niveau des infrastructures, trois projets majeurs ont été livrés en 2021 – la construction du dépôt de munitions de Canjuers, la rénovation du dépôt de Guipavas, et la construction de sept ateliers de maintenance à Brienne-le-Château –, un projet majeur est en phase de début des travaux – la modernisation du dépôt de Miramas – et trois projets sont en phase d’étude avant travaux, pour lesquels il manque en tout 17 millions d’euros de financement. Le SIMu n’a pas de budget en propre pour l’infrastructure et est soumis à une pression croissante des normes environnementales.

 

Le rapporteur tient à saluer l’action absolument indispensable de ce service de soutien qui gagnerait à être mieux connu du grand public. Il juge indispensable qu’une réflexion soit menée sur les ressources humaines du SIMu de même que sur les effets budgétaires de l’accroissement des normes applicables à ses infrastructures.

Pour la troisième année consécutive, le budget du SIMu sera en baisse, quoique moins que pour l’exercice 2021. Les autorisations d’engagement diminueront de 15,67 % pour s’établir à 13,28 millions d’euros, et les crédits de paiement diminueront de 12,83 % et atteindront les 14,58 millions d’euros. Ces baisses s’expliquent par l’engagement de ressources importantes en 2019 et 2020, afin de remettre à niveau un parc d’engins de transport et de manutention vieillissants. L’opération stratégique « entretien programmé des matériels » est en forte hausse (+ 300 %) en raison de la programmation du démantèlement des missiles anti-aériens ASTER en 2022.


7.   Le service du Commissariat des armées

Créé le 1er janvier 2010, le service du Commissariat des armées (SCA) constitue l’échelon national de mutualisation des soutiens.

En 2022, les dépenses du SCA, hors masse salariale, sont en légère hausse (+ 13,4 % en autorisations d’engagement, stable pour les crédits de paiement) et s’établissent à 729, 82 millions d’euros.

Dans ce contexte, l’année 2022 sera marquée par :

– la poursuite du soutien apporté à la mission intérieure Sentinelle ;

– la poursuite du soutien à la mission Résilience ;

– la poursuite du déploiement des espaces ATLAS, points uniques sur base pour entreprendre les démarches administratives et de soutien, afin d’atteindre 205 guichets en métropole fin 2021 ;

– la poursuite des efforts de formation du personnel au travers de la « manœuvre RH » pour accompagner la transformation mise en œuvre dans le cadre du projet « SCA 22 » ;

– la poursuite du projet de numérisation, afin d’autonomiser et d’accélérer le pilotage du SCA dans le champ de la donnée d’ici à 2023 ;

– la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie de concession à l’Économat des armées (EdA) de restaurants actuellement exploités en régie. Cette stratégie concerne 73 restaurants au cours de la période 2020-2025, dont les 22 premiers sont concédés entre 2020 (9 restaurants) et 2021 (13 restaurants) ;

– la montée en puissance de l’établissement national de la solde (ENS) ;

– l’objectif de déploiement du wifi gratuit au profit des bâtiments de la marine nationale stationnés à quai dans leur port base pour mars 2022.


 

Le service du Commissariat des armées (SCA)

 

1) Missions et organisation

 

Le service du Commissariat des armées (SCA) dont la création a été décidée au comité de modernisation des politiques publiques d’avril 2008, est né le 1er janvier 2010 afin de moderniser l’administration et le soutien des forces armées. Relevant du chef d'état-major des armées, il est le service d'administration générale des Armées et contribue à leur soutien comme à celui de la gendarmerie nationale pour l'exercice de ses missions militaires.

 

Dans ce cadre, il conseille le commandement. Il apporte, en outre, son concours à l'ensemble des organismes du ministère des Armées et peut être chargé, dans des conditions fixées par le ministre, d'assurer ses missions au profit d'organismes extérieurs au ministère. En 2013, la réforme interministérielle du soutien permet au service du commissariat des armées d’obtenir la pleine responsabilité sur l’administration générale et le soutien commun (AGSC) par l’application du principe du « bout en bout », c’est-à-dire de la conception jusqu’à la mise en œuvre.

 

Le SCA est constitué de 89 organismes en métropole et en outre-mer. Ses missions impliquent un panel important de métiers et compétences répartis en cinq filières délivrant des produits finis et des prestations de service « clés en mains » :

 

      Restauration & loisirs : prestations de service liées à l’accompagnement des déplacements et activités du personnel ;

 

      Habillement & soutien de l’Homme : délivrance des tenues et équipements du personnel, du matériel de campement et des rations alimentaires ;

 

      Assistance juridique : traitement des dossiers liés au contentieux ou au règlement des dommages ;

 

      Gestion de base vie : prestations de service sur base telles que soutien pétrolier, nettoyage, hôtellerie, ameublement, courrier, bureaux, blanchisserie…

 

      Droits individuels : gestion des frais de déplacement et du paiement de la solde des militaires.

 

Le SCA est un service particulièrement civilianisé. On compte actuellement 49 % de personnel civil pour 51 % de personnel militaire. Au total, le service du Commissariat des armées emploie 22 819 personnes et 1 267 réservistes.

 

2) Un effort de recentrage sur le cœur de métier

 

Le SCA a été particulièrement touché par la politique de déflation des effectifs à la suite de la concession des restaurants et de la sincérisation des référentiels en organisation. Entre 2019 et 2025, 2 650 postes seront supprimés, soit environ 10 %.

 

Selon le directeur central du service, la manœuvre RH a pour effet de renforcer la performance du service et donc d’atténuer les conséquences de ces réductions d’effectifs. Cependant, la tension persiste dans certains bassins (grand Est) et/ou domaines d’emploi, tels que la restauration, l’hôtellerie et les loisirs (RHL). Les efforts se poursuivent pour adapter les ressources aux missions et résorber le sous-encadrement constaté dans les groupements de soutien de base de défense (5 %).

À cet égard, le SCA fait face à l’augmentation, depuis 2017, du nombre de soutenus et à la diminution spectaculaire du nombre de soutenants (-30 % au SCA depuis 2011).

 

Malgré le contexte sanitaire dans lequel a été effectuée la manœuvre RH, le directeur central du SCA estime que la réaction du personnel à cette évolution a été positive et que la nouvelle organisation a permis de redonner du sens à la mission des agents. Elle a selon lui renforcé la proximité avec les soutenus (ATLAS) et permis une mutualisation du « back office » (pôles restauration-hôtellerie-loisirs, plateformes du commissariat, nouvelle cartographie des bases de défense) ainsi qu’un effort en faveur de la résilience opérationnelle. In fine, 25 % des postes en 2021 ont été concernés par la manœuvre RH. La réussite de la démarche constituait un enjeu particulièrement important dans un contexte de réformes permanentes, entraînant des mobilités fonctionnelles ou géographiques ainsi qu’une certaine lassitude parmi le personnel, notamment auprès d’un personnel civil vieillissant (3 200 départs à la retraite entre 2019 et 2025).

 

3) Les enjeux de gestion du parc de véhicules

 

i) Réduction et renouvellement de la « flotte blanche » ([12])

 

Les ressources du SCA dans la gestion de la flotte blanche connaissent une diminution de 20 % par rapport à celle du PLF 2021, les arbitrages effectués lors de l’actualisation de la LPM ayant reporté à 2024 l’acquisition d’une partie des véhicules.

 

Cette ressource 2022 permettra de renouveler près de 1 164 véhicules en respectant la trajectoire de verdissement fixée par la stratégie ministérielle de la performance énergétique (SMPE 2019 à 2023) mais au détriment de l’âge moyen du parc.

 

Le SCA est resté aligné sur la trajectoire de déflation du parc avec un objectif terminal de 12 488 véhicules en 2025. Le recours à de nouveaux moyens mobiles, tels que le vélo, et la poursuite de l’effort d’optimisation de la gestion du parc (mutualisation des véhicules, télématique embarquée, outil DATA « Clik SENSE », réservation en ligne sur le Système d’information ARTEMIS de gestion du parc, etc.) seront les principaux leviers permettant de réduire ce parc jusqu’en 2025.

 

ii) Une gestion territorialisée au profit des commandants de base de défense ([13]) (COMBdD)

 

Dans le cadre des nouvelles exigences en matière de mobilité et conformément à la volonté ministérielle de déconcentration et de subsidiarité de la gestion du parc de véhicules vers les bases de défense, les COMBdD se sont vu adresser individuellement une lettre d’objectifs à atteindre pour 2021. Dans cette lettre d’objectifs, les COMBdD se sont également vu attribuer une quote-part du budget de renouvellement et un calendrier de travaux. L'expression de besoins des COMBdD a fait l’objet d’une commande centralisée pour un montant de 7 millions d’euros. Le rapporteur note qu’une deuxième commande de véhicules interviendra en fin d’année si la réserve de précaution est levée. Ce dispositif vise à territorialiser les plans de gestion des parcs automobiles à l’échelle de la base de défense. Une évaluation du dispositif aura lieu en fin d’année 2021. Elle sera enrichie en 2022 d’un volet « plan de mobilité local ».

 

iii) La position du rapporteur

 

Le rapporteur s’interroge quant à la pertinence de cette politique de réduction de la flotte blanche de véhicules qui semble poser des difficultés aux unités soutenues. Il tient à souligner que le remplacement de la flotte blanche par des vélos n’est pas toujours adapté aux spécificités locales, météorologiques notamment, propres à chaque base de défense et que s’il s’agit de réduire le bilan carbone des véhicules, le verdissement du parc constitue une alternative probante. Le recours aux véhicules électriques suppose néanmoins l’installation des bornes nécessaires à la recharge desdits véhicules. En tout état de cause, le rapporteur juge dogmatique l’objectif de poursuite de cette réduction de la flotte blanche alors même que le nombre de véhicules est déjà insuffisant, poussant les soutenus à utiliser leur véhicule personnel – ce qui ne réduit en rien l’empreinte carbone des déplacements.

 

4) Le projet de numérisation du SCA

 

Dans le cadre de sa modernisation, le SCA s’est engagé dans un processus de numérisation autour de 3 projets majeurs dont la fin du déploiement est prévue en 2023 :

 

– Un projet d’infrastructure « autonomisation du SCA dans la gestion de ses données » offrant un socle technique. L’objectif de ce chantier est de maîtriser techniquement la chaîne « Données » de bout en bout sur l’ensemble du périmètre du service. Le projet est actuellement en cours et a été conjointement lancé par l’état-major des armées et la direction générale du numérique (DGNUM) ;

 

– Un projet méthodologique IDéSCA, vise à industrialiser l’usage décisionnel des données du SCA dans une approche fédérative des applications décisionnelles : chaque centre interarmées du soutien (CIS), en s’appuyant sur les acteurs métiers, bâtira ses propres indicateurs de pilotage, qui pourront être consolidés et enrichis au niveau central ;

 

– Un projet organisationnel visant à accélérer le passage d’un pilotage dit de « réaction » à un pilotage « d’action et d’anticipation » en plaçant la donnée au cœur des processus métiers.

 

5) Un bilan positif de Source Solde

 

Depuis la bascule de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) et du SSA en janvier 2021, Source Solde détermine la solde de plus de 250 000 militaires d’active et de réserve avec la qualité de solde et les performances attendues. Le déploiement de Source Solde s’est accompagné d’un effort de regroupement conséquent introduisant certaines évolutions au sein du SCA :

 

      Une organisation générale plus lisible soutenue par une évolution de la gouvernance du processus de la solde ;

 

      Une organisation centralisée de la chaîne RH-Solde autour d’un opérateur unique ;

 

      Une organisation qui permet un partage clair des responsabilités et au sein de laquelle le SCA a la responsabilité du service de l’exécution de la solde et de son ordonnancement.

 

Le rapporteur se félicite de ce basculement définitif, compte tenu des sérieux déboires subis par l’ensemble des personnels militaires à la suite de la mise en application du système Louvois.

8.   Les infrastructures de soutien

La sous-action 05-89, créée en 2020 pour accueillir une partie des crédits d’infrastructure en provenance du programme 212, est destinée à financer les travaux d’infrastructure (constructions et rénovations) d’organismes de soutien interarmées ainsi que l’infrastructure des bases de défense (BdD), à l’exclusion des dépenses d’entretien et des dépenses de maintien en condition des infrastructures des BdD transférées aux commandants de bases de défense.

Pour l’année 2021, les autorisations d’engagement augmenteront de 16 % pour s’établir à 165,74 millions d’euros. En revanche, les crédits de paiement diminueront de 31,6 % et avoisineront les 128,87 millions d’euros. Les crédits portés sur cette sous-action serviront notamment en 2022 seront principalement au bénéfice du SEO, avec la construction d’une installation pétrolière spécifique à Évreux.

C.   Les surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

En raison de leur caractère difficilement prévisible, les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une provision à l’action 6 du programme 178 au titre des « surcoûts liés aux opérations extérieures ». Les surcoûts au titre des opérations intérieures (OPINT) sont quant à eux retracés à l’action 7.

Conformément à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, le ministère des Armées poursuivra, en 2022, son effort de « sincérisation » du financement des OPEX et des OPINT.

● 1,07 milliard d’euros sera désormais provisionné pour les OPEX :

– 820 millions d’euros retracés à l’action 6 ;

– 250 millions d’euros de masse salariale retracés à la sous-action 59‑01 du programme 212.

● 30 millions d’euros seront provisionnés pour les OPINT, à l’action 7. De plus, 100 millions d’euros de masse salariale sont retracés, pour 2022, à travers la sous action 59-02..


—  1  —

 

SURCOÛTS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES ENTRE 2015 et 2020

 

En M€

2015

2016

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

Total surcoûts OPEX-MISSINT (a)

1 309

1 363

1 543

1 360

1 396

1 444

ND

Surcoûts OPEX

1 116

1 172

1 330

1 203

1 240

1 279

 

Surcoûts MISSINT

192

192

213

158

156

165

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Financement des surcoûts des OPEX-MISSINT

Loi de finances initiale (b)

461

476

491

750

950

1 200

1 200

dont Provision OPEX-MISSINT (T2-HT2)

450

450

450

650

850

1 100

1 100

dont dotation MISSINT (T2)

11

26

41

100

100

100

100

 

 

 

 

 

 

 

 

Coûts non prévus par la LFI (c = a-b)

848

887

1 052

610

446

244

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Financement des surcoûts des OPEX-MISSINT non prévus par la LFI

Décrets d’avances

796 ([14])

831 ([15])

881 ([16])

0

0

0

 

dont « gage » sur des crédits d’équipement

200

672

881 ([17])

 

 

 

 

Crédits ouverts en LFR

 

 

75

404 ([18])

214 ([19])

200

 

Crédits de la mission "Défense" annulés en LFR

 

 

 

404

214

200

 

dont crédits d’équipement (P146)

 

 

 

319

97

124

 

Ressources non fiscales (dont attributions de produits)

 

36

36

43

32

40

29

 

Redéploiement de crédits internes à la mission "Défense" notamment depuis les crédits de masse salariale non consommés

11

4

53

174

192

15

 

Autres (ex. décrets de transfert…)

5

16

 

 

 

 

 


II.   Les crédits du Programme 212 « Soutien de la politique de défense »

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des Armées. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors dépenses de personnel (c’est-à-dire hors titre 2), le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière ; systèmes d’information d’administration et de gestion ; politique des ressources humaines ; politique culturelle et éducative ; restructurations ; pilotage - soutien - communication (cf. tableau page suivante).

Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des crédits de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les actions 4 à 11 précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle. Toutefois, le rapporteur a choisi de les faire figurer aux côtés des différentes actions dans le tableau suivant, afin de disposer d’une vision globale de l’évolution des moyens.

Les crédits hors titre 2 sont en hausse de 8,9 % en autorisations d’engagement et en baisse de 1,65 % en crédits de paiement. Le programme 212 sera doté de 1,46 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,26 milliard d’euros en crédits de paiement.

L’année 2022 sera marquée par la poursuite de l’effort financier en faveur de l’hébergement des personnels, ce dont le rapporteur se félicite. En matière de ressources humaines, 2021 est la première année de mise en application de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), avec l’entrée en vigueur de la nouvelle indemnité de mobilité géographique – première « brique » de cette NPRM. Trois cents nouveaux postes seront en outre créés pour renforcer la protection du territoire national, l’action dans l’espace numérique et le renseignement.

L’application du plan Famille se poursuit et dans le cadre de la transformation numérique, la digitalisation des processus et le développement des outils de travail collaboratif sont particulièrement encouragés. De plus, outre les mesures prises dans le cadre du plan Hébergement et de la politique du logement, le plan Famille encourage la multiplication des solutions de garde d’enfants pour faciliter l’accès à l’emploi. Un appel d'offres a ainsi été lancé par iGESA auprès des plateformes d’intermédiation des services de garde d'enfants pour assurer une offre digitale adaptée aux besoins des familles. Dans cette perspective, le marché vient d’être notifié à Yoopies, le ministère prenant à sa charge la cotisation exigée de la famille pour avoir accès aux services du prestataire, la famille du militaire assurant le paiement des prestations.

Enfin, un effort important sera fait en faveur des politiques culturelle et éducative, notamment grâce à la mise en valeur du patrimoine et la gestion et la communication des archives historiques de la Défense.


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CrÉdits du programme 212 « soutien de la politique de dÉfense » consacrÉs au soutien et À la logistique interarmÉes

 (en euros)

 

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

PLF 2022

LFI 2021

Évolution
(en %)

PLF 2022

LFI 2021

Évolution
(en %)

Action 04 – Politique immobilière

681 279 373,00

585 018 452,00

16,45 %

497 883 129,00

509 508 409,00

-2,28 %

titre II (P212, A 60)

487 816 346,00

494 476 024,00

-1,35 %

487 816 346,00

494 476 024,00

-1,35 %

Action 05 – Systèmes d’information, d’administration et de gestion

168 588 791,00

187 496 067,00

-10,08 %

160 273 831,00

167 940 401,00

-4,57 %

Action 06 – Politique des ressources humaines

146 464 378,00

145 155 107,00

0,90 %

147 690 377,00

146 141 107,00

1,06 %

titre II (P212, A 61)

298 821 452,00

290 667 405,00

2,81 %

298 821 452,00

290 667 405,00

2,81 %

sous-action 06-03 – Reconversions

31 657 580,00

32 800 287,00

-3,48 %

31 657 579,00

32 790 287,00

-3,45 %

titre II (P212, SA 61-02 et 61-03)

142 778 834,00

134 106 703,00

6,47 %

142 778 834,00

134 106 703,00

6,47 %

sous-action 06-04 - Action sociale et autres politiques RH

114 806 798,00

112 354 820,00

2,18 %

116 032 798,00

113 350 820,00

2,37 %

titre II (P212, SA 61-01)

156 042 618,00

156 560 702,00

-0,33 %

156 042 618,00

156 560 702,00

-0,33 %

Action 08 – Politiques culturelles et éducatives

57 745 319,00

33 792 110,00

70,88 %

53 535 320,00

39 052 022,00

37,09 %

titre II (P212, A 62)

40 989 647,00

41 143 942,00

-0,38 %

40 989 647,00

41 143 942,00

-0,38 %

sous-action 08-01 - Action culturelle et mise en valeur du patrimoine

52 664 069,00

30 372 971,00

73,39 %

48 654 070,00

35 632 883,00

36,54 %

sous-action 08-02 - Gestion et communication des archives historiques de la Défense

5 081 250,00

3 419 139,00

48,61 %

4 881 250,00

3 419 139,00

42,76 %

Action 10 – Restructurations

44 193 925,00

34 599 988,00

27,73 %

24 373 916,00

42 188 713,00

-42,23 %

titre II (P212, A 63)

52 544 445,00

52 516 708,00

0,05 %

52 544 445,00

52 516 708,00

0,05 %

Action 11 – Pilotage, soutien et communication

366 428 644,00

358 962 553,00

2,08 %

373 278 400,00

373 332 972,00

-0,01 %

titre II (P212, A 64)

391 743 719,00

394 384 930,00

-0,67 %

391 743 719,00

394 384 930,00

-0,67 %

Total (hors titre 2)

1 464 700 430,00

1 345 024 277,00

8,90 %

1 257 034 973,00

1 278 163 624,00

-1,65 %

Total (titre 2 du P212 correspondant au personnel concourant aux actions présentées)

1 271 915 609,00

1 273 189 009,00

-0,10 %

1 271 915 609,00

1 273 189 009,00

-0,10 %

Total

2 736 616 039,00

2 618 213 286,00

4,52 %

2 528 950 582,00

2 551 352 633,00

-0,88 %

Source : ministère des Armées, réponses au questionnaire budgétaire envoyé par le rapporteur, octobre 2020.


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A.   La politique immobilière du ministère des Armées

Gérés jusqu’en 2019 en totalité sur l’action 4 du programme 212, les crédits de la politique immobilière sont répartis, depuis 2020, sur les programmes suivants :

– 146 « Équipement des forces » pour les infrastructures rattachées à des programmes d’armement (accueil des programmes SCORPION, BARRACUDA…) ;

– 178 « Préparation et emploi des forces » pour les infrastructures liées à l’activité opérationnelle des forces et l’entretien des locaux des bases de défense ;

– 212 « Soutien de la politique de défense » pour le budget lié au logement familial, à l’hébergement en enceintes militaires, aux locaux de travail et aux réseaux d’intérêt général.

Le rapporteur concentrera son analyse sur les crédits du programme 212.

L’exercice 2022 verra la poursuite des mesures visant à améliorer les conditions d’hébergement des personnels, ainsi que la réalisation des investissements qui contribuent à la transition écologique. L’action 4 « Politique immobilière » du programme 212 bénéficiera, en 2022, d’une dotation budgétaire en hausse de 16,45 % en autorisations d’engagement, fixée à 681,28 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 497,88 millions d’euros en crédits de paiement.

Selon les informations fournies au rapporteur par le secrétariat général de l’administration (SGA) du ministère des armées, aux crédits de l’action 4 s’ajouteront 28 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 31 millions d’euros de crédits de paiement en crédits d’infrastructures sur l’action 10 « Restructurations », portant le total des crédits d’infrastructures du programme 212 à 643 millions d’euros en autorisations d’engagement et 540 millions d’euros en crédits de paiement.

L’amélioration du niveau des investissements de construction et de remise à niveau des ensembles d’hébergement en enceinte militaire (237 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 96 millions d’euros de crédits de paiement) s’inscrit dans le cadre du plan Hébergement. Le rapporteur salue le lancement de ce plan qui devrait améliorer les conditions d’hébergement des militaires – conditions souvent assez dégradées et qui peuvent annihiler les efforts entrepris par le ministère des Armées pour fidéliser son personnel.

 


 

Le service d’infrastructure de la Défense (SID)

 

1)     Missions et organisation

 

Le SID est le service constructeur interarmées chargé de la mise en œuvre de la politique immobilière du ministère des Armées (MINARM). À ce titre, il est le référent ministériel en matière de connaissance administrative et technique du patrimoine. Le SID revêt un rôle de bâtisseur, gestionnaire, conseiller et référent énergie au profit des bases de défense, des armées, des directions et services du ministère.

 

      Il définit les stratégies pour la réalisation des opérations et la maintenance du patrimoine immobilier.

 

      Il contribue directement aux objectifs généraux de valorisation du patrimoine, au travers des actions et opérations conduites qu’elles concernent l’ensemble des travaux d’infrastructure ou l’instruction de dossiers domaniaux tels que les mises à disposition.

 

      Il garantit la disponibilité 24 heures sur 24 des infrastructures opérationnelles sur le territoire national et en opérations extérieures.

 

      Il est le service référent pour l’achat de l’énergie au profit du ministère des Armées, hors énergie de mobilité.

 

      Enfin avec son réseau présent au plus près des bases de défense et formations, le SID apporte en permanence, à tous les niveaux du ministère, conseil au commandement pour définir et satisfaire les besoins des armées en matière d’infrastructure.

 

Le SID comptabilisait en 2021 6 585 agents (soit deux tiers de civils). En 2020, il disposait de 2,05 milliards d’euros d’engagements juridiques pour plus de 20 000 marchés notifiés par an. L’ensemble de l’architecture financière du SID repose sur deux programmations, chacune approvisionnée par des programmes budgétaires diverses.

 

2)     Une transformation engagée : « Cap 2022 »

 

Trois enjeux principaux sont au cœur de la transformation du SID : la hausse des crédits inscrits à la loi de programmation militaire (LPM), la mise en application des plans ministériels et le soutien des infrastructures opérationnelles en métropole et outre-mer ainsi qu’en opérations extérieures. La feuille de route du SID se compose de quatre axes majeurs, permettant de répondre aux enjeux identifiés :

 

      Une adaptation de son organisation en termes de structure et de périmètre ;

 

      Une amélioration des relations avec le bénéficiaire afin de renforcer l’information sur les interventions, la maîtrise d’ouvrage et faciliter le suivi des opérations ;

 

      Une transformation des modes d’actions notamment grâce à la standardisation et à la massification des marchés ainsi qu’au renforcement des équipes des directeurs de programmes ;

 

      Une adaptation des moyens dans le domaine des ressources humaines et de la transformation numérique.

 

i)       Un effort continu de soutien aux grands projets d’infrastructures

 

Dans ce contexte, le SID soutient de grands projets d’infrastructures, essentiels pour faire face au défi du vieillissement des infrastructures et à l’accueil des nouveaux équipements dans les trois armées. Par exemple, en 2022 seront notamment livrés les hangars pour l’accueil des nouveaux blindés de l’armée de Terre pour le programme SCORPION ainsi que des bassins, quais et installations industrielles adaptés pour l’accueil des sous-marins de type Suffren sur les bases de Brest et Toulon.

Des projets vont également être lancés, tels que la construction et la rénovation d’aires de stationnement pour l’accueil de la flotte C-130H à Évreux ou encore la construction d’un hangar aéronautique pour l’accueil des mirage 2000B et d’un simulateur à Nancy.

 

ii)     Les enjeux montants de l’écologie et de la performance énergétique

 

Le SID s’est engagé dans la maîtrise et dans la performance énergétique dès 2009 en tant que référent ministériel pour l’énergie. Depuis, le SID a mis en place une fonction énergie complète dédiée sur ces sujets avec : une gouvernance, une stratégie, une filière métier, un centre référent sur la performance énergétique. Pour la période 2020-2023, la stratégie de performance énergétique vise à la fois la réduction des consommations d’énergie et le développement des énergies renouvelables. Dans ce cadre, le SID pilote 14 actions qui mettent en œuvre la quasi-totalité des leviers disponibles.

 

L’accroissement des normes relatives aux bâtiments et à l’environnement se traduisent par le décret tertiaire et la réglementation environnementale 2020 (RE2020) qui entrera en application au 1er janvier 2022. Ces évolutions engendreront un surcoût des opérations estimé du moins au départ entre 5 % et 15 % du montant global des travaux.

 

En parallèle, le SID est engagé dans le plan « Place au soleil » dont l’objectif était la mise à disposition d’opérateurs photovoltaïques 2 000 hectares de surfaces foncières inutilisées par le ministère. La difficulté avérée pour atteindre l’objectif initial de 2 000 hectares – pour des raisons opérationnelles, urbanistiques, environnementales et économiques – a été reconnue par la ministre des armées qui a validé le 22 juillet 2021 une révision de l’objectif à 1 500 hectares. Une réflexion sera poursuivie pour faire valoir d’autres atouts du foncier du Ministère des Armées en matière de biodiversité notamment.

 

En 10 ans, le SID a ainsi réduit de 22 % les consommations énergétiques du patrimoine immobilier du ministère et de 33 % ses émissions de gaz à effet de serre. Les actions du SID en matière de performance énergétique ont vocation à s’inscrire dans la durée afin de soutenir l’objectif de neutralité carbone en 2050.

 

iii)   La priorité de l’enjeu RH pour une filière en tension

 

La filière « infrastructure » est considérée depuis deux ans comme une profession en tension par la direction des ressources humaines du ministère des Armées. Ainsi les barèmes de rémunération ont été revalorisés et les conditions d’embauche revues pour mieux prendre en compte l’expérience déjà acquise par le postulant au contrat. Désormais, le SID a la capacité de recruter directement sur un contrat à durée indéterminée (CDI) et non plus sur 3 ans renouvelables comme préalable au CDI ainsi qu’il était pratiqué avant 2019.

 

Sur le plan de la formation, objet d’un schéma directeur en cours de réécriture, le SID a défini les axes majeurs à relever pour les prochaines années : la maîtrise d’ouvrage, l’assistance au commandement, les procédures d’externalisation, les domaines stratégiques tels que le nucléaire, la cyber sécurité et l’énergie, l’environnement durable et les ICPE-IOTA, l’ingénierie de la maintenance ainsi que le Building information Modeling (BIM). En moyenne, sur les 3 dernières années, le SID a formé annuellement 4 390 stagiaires pour 14 308 jours de formation.

 

Enfin, depuis 6 ans, le SID s’est engagé dans une politique d’apprentissage ambitieuse qui s’est concrétisée par le recrutement de 193 jeunes (prévision) sous contrat d’apprentissage en 2021. Cependant, le faible taux de conversion des apprentis, a conduit le SID à travailler sur un plan d’actions afin  d’assurer davantage d’embauches au terme du parcours d’apprentissage : meilleur lien entre la politique d’apprentissage et les possibilités immédiates ou prévisionnelles de recrutement, attractivité de son offre contractuelle, création d’un dispositif privilégié d’embauche des apprentis à l’instar des essais professionnels réservés aux apprentis en fin de formation pour le recrutement des ouvriers de l’État.

a.   Le plan Hébergement

La loi de programmation militaire « à hauteur d’homme » prévoit un programme d’amélioration des conditions d’hébergement en enceinte militaire des militaires du rang (casernement) et des cadres d’active, célibataires ou célibataires géographiques (bâtiments cadres célibataires). Ce plan a été présenté par la ministre des Armées le 19 octobre 2019 à Carcassonne. Deux acteurs interviennent dans la mise en application du plan Hébergement : la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), chargée de la coordination et du financement, et le service infrastructure de la défense (SID), chargé de la direction du programme et de la réalisation des opérations d’investissement.

Ce programme prévoit 1,2 milliard d’euros d’engagements de travaux au cours de la période 2019-2025, soit le double du flux consacré à l’hébergement par la loi de programmation militaire précédente. Selon les informations transmises au rapporteur, cet investissement devrait permettre la construction de nouveaux ensembles d’hébergement ainsi que la réhabilitation et la mise à niveau de nombreux ensembles existants. Au total, environ 30 000 places d’hébergement nouvelles ou réhabilitées, soit un tiers du parc existant, seront concernées.

Toutes les bases de défense, en métropole, outre-mer et à l’étranger, bénéficieront de ce programme, qui, selon les informations transmises au rapporteur, entraîne une forte accélération des commandes : 71 % des crédits du programme (850 millions d’euros) seront engagés avant l’année 2023, dont 451 millions d’euros de constructions neuves (70 % du total des constructions neuves) et 399 millions d’euros de réhabilitation (73 % du total des rénovations). Cette accélération des commandes permettra de tripler les livraisons d’ouvrages en 2021 par rapport à 2020 (3 011 places au lieu de 939 en 2020), puis de les quadrupler à partir de 2022. La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives a indiqué au rapporteur que les choix effectués en matière de normes de construction afin de réduire la consommation énergétique traduisaient la volonté du ministère de se conformer à l’objectif de performance énergétique fixé par l’État, autant que possible, pour toute nouvelle construction.

Le rapporteur salue l’effort du Gouvernement en faveur des conditions d’hébergement des militaires, tant la situation est critique à cet égard.

b.   Le contrat CEGeLog

 Un contrat adapté aux nouveaux enjeux

À compter du 1er janvier 2023, la gestion du parc métropolitain de logements domaniaux y compris les assiettes foncières concernées par ces logements, sera assurée dans le cadre du contrat de concession de service encore appelé « CEGeLog ([20]) », d’une durée de 35 ans. En outre, le contrat CEGeLog aura également un objectif de surface habitable à construire de 228 000 m2 et le versement dans la concession d’environ 4 000 logements actuellement sous baux emphytéotiques administratifs.

Le périmètre de ce contrat comprendra :

– Les services de gestion locative et d’entretien-maintenance, assurés dans le dispositif existant par le « bail civil » ;

– Le gros entretien renouvellement, assuré dans le dispositif existant par le service d’infrastructure de la défense ;

– La rénovation de tous les logements, celle-ci était assurée dans le dispositif existant selon le besoin par le service d’infrastructure de la défense ;

– La construction de nouveaux logements (de 2 500 à 3 000 ) ;

– Une prestation d’acquisition, de valorisation et d’assistance à la cession de logements.

Contrairement au contrat du précédent concessionnaire (CDC Habitat), les termes du contrat CEGeLog sont plus englobants puisqu’en plus de sa mission d’entretien et de réhabilitation, le concessionnaire sera également chargé d’assurer la construction de logements. Les prestations du nouveau contrat couvrent tout le cycle de vie du logement résidentiel : de la maîtrise et qualification foncière à la gestion puis à la cession voire la déconstruction, le cas échéant. L’objectif final est de disposer d’un parc utile en métropole d’environ 12 000 logements domaniaux au standard de location dès l’année 2032 et de 15 000 logements à la fin de la concession en 2056, contre 9 000 actuellement. À ce stade et dans le cadre du DCE actuel, l’ensemble des constructions nouvelles sont prévues sur des fonciers (63  sites au total) mis à disposition par le ministère.

 L’évolution du calendrier de passation : un retard qui s’explique par quatre facteurs

Le calendrier initial de la procédure de passation du contrat CEGeLog a été établi dans la seconde moitié de l’année 2018, en cohérence avec la fin du bail civil signé avec CDC Habitat prévue à l’époque à la fin de l’année 2020. Il prévoyait la signature du contrat CEGeLog au plus tard le 1er octobre 2020. Cependant, le calendrier a été décalé pour plusieurs raisons :

– les multiples demandes de report des soumissionnaires, eu égard à la complexité du projet, auxquelles le ministère a fait droit, afin de préserver un haut degré de concurrence tout au long de la procédure ;

– l’impact de la crise sanitaire et du confinement, qui a amené le ministère à allonger les délais de la procédure et des négociations ;

– la nécessité de rechercher l’ensemble des optimisations possibles sur les plans technique et financier dans le cadre de ce projet complexe, en lien avec l’association au projet de la Banque européenne d’investissement ;

– ces optimisations ont amené le ministère à modifier le dossier de consultation des entreprises initial et à publier un dossier de consultation des entreprises optimisé le 4 décembre 2020.

L’attributaire pressenti a été désigné à la fin du mois de septembre dernier, pour une notification du contrat en début d’année 2022. Les autorisations d’engagement nécessaires pour couvrir le contrat devront faire l’objet d’un amendement du gouvernement au présent projet de loi de finances pour 2022.

Le retard pris dans la passation du contrat n’a pas engendré de coût direct. La gestion du parc domanial se poursuit selon les règles du bail civil qui a été prorogé jusqu’à la fin de l’année 2022 afin qu’il n’y ait aucune interruption de service.

Le retard dans la passation du contrat CEGeLog repousse d’un an le lancement de nouveaux travaux qui seront engagés par le concessionnaire. Pour compenser pour partie ce décalage, le ministère des armées a augmenté le nombre de petites opérations commandées à CDC Habitat en 2021 et 2022 dans le cadre du bail civil.

Dans un communiqué de presse en date du 5 octobre dernier, la ministre des Armées Florence Parly a annoncé qu’elle avait désigné le groupement conduit par Eiffage SA et Arcade Vyv comme attributaire pressenti pour la gestion externalisée des logements domaniaux du ministère des Armées. Le ministère a informé le rapporteur qu’à la suite des discussions avec le groupement nouvellement choisi, la signature du contrat devrait se concrétiser à la fin du mois janvier 2022.

Le rapporteur note la pertinence de cette concession qui poursuit des objectifs ambitieux dont la satisfaction devra être suivie de près lors de futurs travaux de contrôle parlementaire.

● Les modalités de financement

Pendant la période dite « des travaux initiaux » qui court jusqu’en 2029 et de laquelle sera réalisée la majorité des investissements, des constructions neuves et remise à niveau du parc, les dépenses dans le champ du contrat relevant de l’investissement seront couvertes par l’apport de préfinancements du concessionnaire complété par une subvention d’investissement versée annuellement par le ministère des Armées, à la constatation de l’avancement des investissements. Celle-ci s’élèvera à 50 % des investissements réalisés durant l’année. Le besoin de financement annuel des investissements sera donc couvert à parts égales par le préfinancement mis en place par le concessionnaire et par l’État. D’après les informations transmises au rapporteur, le chiffre d’affaires total du concessionnaire durant la période du contrat s’élèvera à 5,9 milliards d’euros.

Au-delà de cette période de travaux initiaux, le gros entretien renouvellement, les travaux ponctuels de rénovation des logements issus des baux emphytéotiques arrivés à échéance, la remise en état du parc en fin de contrat, ainsi que les préfinancements apportés par le concessionnaire seront financés par une fraction des revenus locatifs de la concession.

Dans le cadre du contrat, les risques financiers sont partagés. En cas de faillite du concessionnaire, le ministère des Armées serait en position de prononcer la résiliation du contrat pour faute du concessionnaire. Le mécanisme indemnitaire prévu dans cette hypothèse permet d’indemniser le concessionnaire pour les investissements qu’il aura réalisés, tout en tenant compte du préjudice subi par le ministère à raison de la faute du concessionnaire.

● L’application des règles d’urbanisme

Le rapporteur tient à appeler l’attention de ses collègues sur le fait que dans le cadre du contrat CEGeLog, 30 des 55 sites disponibles à la réalisation de logements domaniaux sont concernés par les prescriptions de mixité sociale fixées par le code de la construction et de l’habitation ainsi que par le code de l’urbanisme. En l’état actuel du droit, ces prescriptions amèneraient à grever d’au moins 500 logements locatifs sociaux sur un objectif de construction d’environ 2 500 à 3 000 logements domaniaux fixés par le contrat, une ponction considérable aux conséquences majeures sur les plans économique et social pour le ministère, et qui s’inscrirait en contradiction avec les objectifs recherchés dans le contrat CEGeLog.

Le rapporteur note que dans le cadre de l’examen au Sénat du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dit « projet de loi 3DS »), un amendement sénatorial a été adopté à ce sujet. Le rapporteur tient à appeler l’attention de la représentation nationale sur l’importance capitale d’exonérer des contraintes de mixité sociale le foncier du ministère. L’application de la règle en vigueur remettrait en effet complètement en cause l’ambition initiale du contrat – garantir aux familles de militaires (et seulement elles), soumises à l’obligation de mobilité et aux autres sujétions qu’implique la condition militaire, l’accès à un logement dans les meilleures conditions.

B.   Les systèmes d’information, d’administration et de gestion

Pour l’exercice de ses responsabilités dans les domaines du numérique et des systèmes d’information et de communication (SIC), le ministre est, depuis 2019, assisté par le directeur général du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM), qui propose la politique ministérielle et le plan d’investissement ministériel SIC, et assure la cohérence d’ensemble du système d’information et de communication de la défense en concertation avec les autorités suivantes :

– le chef d’état-major des armées pour les systèmes d’information opérationnels et de communication (SIOC) ;

– le délégué général pour l’armement pour les systèmes d’information scientifiques et techniques (SIST) ;

– le secrétaire général pour l’administration pour les systèmes d’information d’administration et de gestion (SIAG).

La pluralité des acteurs impliqués dans la transformation numérique du ministère des armées induit une comitologie particulière.

Retracé à l’action 5 du programme 212, le budget des SIAG finance des programmes divers. Un effort conséquent sera maintenu l’année prochaine.

En 2022, les autorisations d’engagement baisseront de 10 % pour atteindre 168,59 millions d’euros, tandis que les crédits de paiement diminueront d’environ 4,57 % par rapport à 2021. Cette diminution s’explique par la réalisation par le passé des phases d’étude, de conception voire de déploiement de plusieurs projets et du seul maintien des dépenses de maintenance.

C.   La politique des ressources humaines

Les crédits de l’action 6 sont destinés à la mise en œuvre de la politique des ressources humaines conduite au niveau ministériel, dont font partie l’accompagnement et le reclassement du personnel militaire, l’action sociale, la formation professionnelle et la couverture des frais de gestion pour prestation administrative.

1.   Des effectifs caractérisés par une légère hausse de la proportion de contractuels, chez les militaires comme chez les civils

Les effectifs du ministère s’élèvent au 30 septembre 2021 à 269 394 ETPE (hors volontaires du « service militaire volontaire » et apprentis). On compte parmi eux 206 787 militaires (76,8 %) et 62 607 civils (soit 23,2 %). Le taux de contractuels est de 67 % pour les personnels militaires (contre 65 % en 2017) et de 21 % pour les personnels civils, contre 17 % en 2017.

2.   Une masse salariale de 12,2 milliards d’euros hors pensions

La masse salariale, hors CAS pensions, s’élève à 12,2 milliards d’euros hors CAS Pensions et hors OPEX-MISSINT. Ce montant comprend les dépenses dites « de socle », correspondant à la rémunération des agents, et les dépenses « hors socle ». Les dépenses dites de socle représentant 94 % des crédits de titre 2 hors OPEX et hors pensions (11,5 milliards d’euros, soit +2 % par rapport à LFI 2021) rassemblent les rémunérations brutes, primes et indemnités de tous les personnels en activité ainsi que les cotisations patronales hors CAS Pensions.

La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM)

En matière de rémunération des militaires, la loi de programmation militaire 2019-2025 a lancé le projet majeur de la NPRM. Le constat de la complexité de la solde, de son inadaptation aux besoins RH des armées et aux enjeux sociaux contemporains a été fait à de multiples reprises. Au cours des 15 dernières années, deux tentatives de refonte du système de solde des militaires ont échoué.

La NPRM constitue donc, selon les termes des services du ministère, un chantier de transformation inédit pour des dispositifs vieux de 60 ans. En volume budgétaire, environ 80 % des primes et indemnités actuelles sont concernées par la réforme. Cette dernière poursuit l’objectif de rendre la solde des militaires « plus juste, plus adaptée, plus moderne et plus simple » en s’appuyant sur Source solde, dont le développement est achevé.

La mise en application de la NPRM est fondée sur 3 volets et 8 primes afin de rémunérer le militaire pour ce qu’il est, ce qu’il fait et ce qu’il apporte. Les indemnités créées seront mises en place progressivement sur une période de 3 ans (2021-2023).

En 2021, le premier volet de la réforme a concerné la création de l’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) à destination de tous les militaires et gendarmes. Dotée d’une enveloppe de 38 millions d’euros, elle indemnise l’obligation de devoir quitter sur ordre un lieu d’affectation.

En 2022, le deuxième volet de la réforme NRPM sera mis en application autour de la création de 3 indemnités :

 - L’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) qui valorise la participation à l’activité opérationnelle en indemnisant l’absence opérationnelle ;

- La prime de commandement et de responsabilité (CDT-RESP) qui valorise le commandement et les résultats obtenus ;

- La prime de performance (PERF) qui rémunère l’expertise technique.

En 2023, le dernier volet de la réforme concernera 4 indemnités : l’indemnité d’état militaire et son complément (IEM), l’indemnité de garnison et son complément (IGAR), la prime de parcours professionnel et son complément indiciaire (3PM) et la prime de compétences spécifiques (PCS).

Si le rapporteur salue les objectifs de simplification et d’amélioration de la lisibilité de la rémunération des militaires, il s’interroge quant au risque qu’il y ait des « perdants » de la réforme. Il tient à appeler l’attention sur la nécessité d’éviter que certains militaires se voient lésés par ce nouveau dispositif, alors même qu’une grande partie de la communauté militaire a déjà été traumatisée lors de la mise en application du système Louvois, ancêtre de Source Solde.

 

 


 

Un enjeu majeur de la politique de ressources humaines du ministère des Armées : le contentieux européen relatif à l’application de la directive de 2003 sur le temps de travail aux militaires

 

Dans un arrêt rendu le 15 juillet 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail était par principe applicable aux militaires, même si elle ménage certaines exceptions.

 

Cette directive, que la France n’a pas transposée aux forces armées considérant que ce texte ne s’appliquait pas aux militaires au regard des stipulations du droit primaire et des exclusions qu’elle prévoit, instaure un décompte individualisé du temps de travail et un plafonnement de celui-ci à 48 heures.

 

Dans son arrêt, la CJUE distingue les activités de haute intensité, non soumises à l’application la directive 2003/88, et les activités dites de service ordinaire soumises au respect de la directive. Or, cette distinction est jugée incompatible avec les principes et sujétions qui caractérisent l’état de militaire (disponibilité, esprit d’engagement, unicité et singularité du statut) et la réalité de l’engagement des forces armées françaises.

 

Conformément aux orientations données par le Président de la République, le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu’il était déterminé à répondre à cet arrêt de la Cour par le droit. Selon les informations fournies au rapporteur, les autorités françaises mèneront au cours des prochains mois des échanges techniques avec la Commission européenne.

 

Le rapporteur note qu’un gendarme ayant formé un recours sur le fondement de cette directive, un contentieux est actuellement pendant devant le Conseil d’État sur ce même thème. Il appelle donc l’attention de ses collègues sur les conséquences dommageables de l’arrêt de la CJUE et sur l’importance capitale de soutenir le Gouvernement dans sa démarche. L’application de la directive aux personnels militaires entraînerait en effet des contraintes de gestion redoutables pour nos forces armées et risquerait de compromettre durablement l’identité et l’opérationnalité de nos forces armées.

De la nécessité de favoriser le recrutement des apprentis à l’issue de leur contrat

 

Le ministère des Armées a indiqué au rapporteur que depuis six ans, il s’était « résolument engagé » en faveur de l’apprentissage. Cet investissement s’est traduit en 2020 par le recrutement de 2 035 apprentis. L’effort sera poursuivi en 2021 et 2022, le ministère des Armées s’étant fixé une cible de 2 220 apprentis pour 2021-2022. Cette nouvelle augmentation des contrats d’apprentissage fait du ministère des Armées le troisième employeur de jeunes en apprentissage de l’État, derrière l’Éducation nationale et le ministère de l’Intérieur, ce dont le rapporteur se félicite.

 

La multitude de ses spécialités permet au ministère d’offrir des places d’apprentissage à tous les niveaux de formation d’être représentés, du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au niveau ingénieur, avec une concentration sur les niveaux IV (baccalauréat professionnel) et III (BTS et DUT). L’embauche d’apprentis se fait prioritairement dans les filières en tension : systèmes d’information et de communication, infrastructure, maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques et terrestres, achats, santé-sécurité-environnement, renseignement, logistique supply chain, pyrotechnie.

 

Afin d’accompagner la montée en puissance de l’apprentissage et de reconnaître l’investissement des personnels qui les accueillent et les forment, le Gouvernement a créé une prime spécifique pour les maîtres d’apprentissage, civils et militaires. Elle est évaluée à hauteur de 1,3 million d’euros pour le ministère.

 

En 2020, 144 apprentis ont ainsi pu intégrer le ministère des Armées comme personnel civil (les apprentis recrutés en tant que militaires sous contrat ne sont pas encore comptabilisés mais le seront dorénavant) à l’issue de leur contrat d’apprentissage :

 

      43 catégories A (16 fonctionnaires et 27 contractuels) ;

      27 catégories B (18 fonctionnaires et 9 contractuels) ;

      40 catégories C (2 fonctionnaires et 38 contractuels) ;

      34 ouvriers de l’État.

 

Le ministère des armées a indiqué au rapporteur qu’il avait pour ambition d’une part, de fidéliser les apprentis à l’issue de leur apprentissage en les orientant vers des recrutements pérennes (concours ministériel ; recrutement comme agent contractuel ou ouvrier de l’État) et d’autre part de conclure des partenariats privilégiés avec les écoles offrant une formation dans les métiers dans lesquels le ministère des Armées recrute. La réalisation de cette ambition bute néanmoins sur la faible attractivité des concours, dans la mesure où la période d’apprentissage n’est pas retenue au titre de l’ancienneté de service et que les apprentis ne peuvent passer des concours internes.

 

Le rapporteur note que comme d’autres ministères, le ministère des Armées peine à recruter ses apprentis au terme de leur apprentissage, alors même qu’il investit dans leur formation et que, les apprentis, déjà acculturés aux spécificités du ministère, représentent une véritable opportunité de recrutement grâce aux compétences acquises au cours de leur formation.

 

Ainsi, si l’armée de Terre comptait 334 apprentis au 31 décembre 2020, elle n’en a recruté que 23 au terme de leur contrat d’apprentissage.

 

De même, sur les 186 apprentis formés au SID entre 2015 et 2019, 19 ont été recrutés après obtention de leur diplôme et à l’issue de leur contrat d’apprentissage, soit moins de 5 % des apprentis accueillis au sein du réseau de ce service. Pour accroître le nombre d’apprentis embauchés au terme de leur parcours de formation et d’apprentissage, le SID a défini un plan d’action visant à consolider le lien entre sa politique d’apprentissage et les possibilités immédiates ou prévisionnelles de recrutement. Celui-ci permet ainsi de renforcer l’attractivité de son offre contractuelle – qu’il s’agisse du type de contrat, de la durée ou du niveau de rémunération proposés – et d’appliquer un dispositif privilégié d’embauche des apprentis comparable à celui des essais professionnels réservés aux apprentis en fin de formation pour le recrutement des ouvriers de l’État.

 

Le rapporteur s’interroge donc quant à l’opportunité de permettre aux armées, directions et services du ministère des Armées de recruter des apprentis en dehors du cadre du concours, à l’instar de ce qu’il lui est possible de faire pour les ouvriers de l’État.

3.   Les aides à la reconversion

Les crédits de la sous-action 06-03 de l’action 6 financent les prestations délivrées par Défense Mobilité, les dépenses de soutien à l’activité de reconversion ainsi que l’équipement et les activités du centre militaire de formation professionnelle (CMFP) implanté à Fontenay-le-Comte (Vendée) et rattaché à l’ARD. Les crédits d’aide à la reconversion sont en légère baisse pour l’exercice 2022.

Au 31 décembre 2020, 8 472 militaires ont été accompagnés par les conseillers de Défense Mobilité en transition professionnelle, et 5 026 ont accédé à un emploi soit 59,3 % d’entre eux.

 

Évolution des crédits dédiés à la reconversion depuis 2016

(en millions d’euros)

En M€

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Autorisations d’engagement

36,47

37,39

38,66

32,89

32,82

31,65

Évolution N / N-1

+ 1,68

+ 0,92

+ 1,27

- 5,77

- 0,07

-1,17

Crédits de paiement

36,47

37,39

37,66

32,89

32,82

31,65

Évolution N / N-1

+ 1,68

+ 0,92

+ 0,27

- 4,77

- 0,07

-1,17

Source : ministère des Armées, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur, octobre 2020.

La ressource allouée dans le projet de loi de finances 2022 à la sous-action 3 « Reconversion » de l’action 6 « Politique des ressources humaines » s’élève à 31,66 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement, en diminution de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Selon les informations fournies au rapporteur par le Gouvernement, les crédits de la sous-action 3 seront employés pour financer :

– les prestations de reconversion délivrées par Défense Mobilité au profit des militaires et du personnel civil des armées quittant le ministère, ainsi qu’au profit des conjoints ([21]) ;

– les frais de déplacement des stagiaires ;

– les dépenses de soutien à l’activité de reconversion (documentation, frais de marketing opérationnel, frais de déplacement des agents de DM, diverses dépenses de fonctionnement courant non prises en charge par les organismes de soutien) ;

– l’équipement et les activités du centre militaire de formation professionnelle (CMFP) implanté à Fontenay-le-Comte (Vendée).

 

4.   L’action sociale du ministère et les autres politiques de ressources humaines

Le budget inscrit à la sous-action 06-04 du programme 212 regroupe les crédits propres à l’action sociale du ministère mais aussi ceux afférents à la formation professionnelle des personnels civils et à l’apprentissage.

En 2022, les sommes allouées à cette sous-action avoisineront les 114,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 116 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 2,18 % en autorisations d’engagement et de 2,37 % en crédits de paiement. Ces sommes recouvrent principalement les dépenses :

– de prestations sociales ministérielles et interministérielles au profit des ressortissants du ministère, sous forme de subventions versées à l’institution de gestion sociale des armées (IGéSA) et à diverses associations, d’aides attribuées aux organismes de protection sociale complémentaire et de crédits gérés de manière centralisée ou déconcentrée ;

– relatives à l’accompagnement RH en faveur du handicap. Ainsi en 2020, le ministère des Armées a recruté 72 personnes en situation de handicap – contre 69 en 2017 ;

– de fonctionnement courant de l’action sociale.

L’enveloppe allouée tient compte de la poursuite du plan Famille ainsi que du développement de l’apprentissage.

Afin de compenser les fortes obligations qui pèsent sur le personnel du ministère dans un contexte d’intense engagement en opérations, intérieures et extérieures, cette dotation permettra de poursuivre les mesures sociales visant à améliorer les conditions de travail et à alléger les contraintes qui pèsent sur les familles. Les ambitions affichées en 2021 seront maintenues en 2022, à l’aide de dispositifs visant à s’adapter à la diversité des situations familiales.


D.   La politique culturelle et éducative

La politique culturelle et éducative a pour objectif de sensibiliser le public à la culture et à l’histoire militaire en valorisant l’important patrimoine du ministère des Armées (archives, collections des musées, bibliothèques, patrimoine monumental et mobilier, formations musicales militaires). La direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) de pair avec le service historique de la défense (SHD) élaborent et mettent en œuvre la politique culturelle du ministère au moyen de ses trois grands musées – le musée de l’armée, le musée de l’air et de l’espace et le musée national de la marine – , de ses bibliothèques et de ses millions de photographies, avec le concours de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), chargé des reportages et de leur archivage. En outre, le ministère soutient la recherche en histoire militaire.

En 2022, les crédits consacrés à la politique culturelle s’élèveront à 57,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 53,5 millions d’euros de crédits de paiement. On note une hausse importante de ces crédits. En effet, les autorisations d’engagements ont augmenté de 70 %. Les crédits de paiement ont, eux aussi, augmenté dans une moindre mesure, de 37 %. Selon les informations fournies au rapporteur par le Gouvernement, ces augmentations de crédits – de 23,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 14,5 millions d’euros en crédits de paiement – par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021 sont liées aux subventions qui ont principalement pour vocation le financement de rénovations lourdes des trois musées nationaux.

Les priorités retenues pour 2022 sont les suivantes :

– la construction d’une réserve « Grands Formats » au Musée de l’air et de l’espace à Dugny (93), l’installation d’une médiathèque-ludothèque grand public au Bourget ;

– la préparation de l’extension des espaces dédiés aux périodes de la décolonisation et après 1945 du musée de l’Armée (déménagements, restauration et acquisitions) ;

– la poursuite de la rénovation du site de Chaillot du musée national de la marine et du programme d’investissement dans les antennes du musée situés dans les ports ;

–  la transformation numérique du SHD ;

– la poursuite du développement et du déploiement de systèmes de gestion et d’information des archives et des bibliothèques (Archipel pour les archives, CLADE pour les bibliothèques) ;

– les coéditions et des productions audiovisuelles en soutien au programme commémoratif ;

– l’enrichissement du site Mémoire des hommes (poursuite de la campagne d’indexation collaborative des registres matricules, numérisation de registres de recensement des troupes de la période révolutionnaire à des fins de mise en ligne).

 

Deux enjeux majeurs pour la politique menée par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives : les restitutions d’œuvres et la gestion des archives

 

1) Les restitutions d’œuvres

 

Le discours de Ouagadougou du 28 novembre 2017 du Président de la République a entraîné un mouvement de restitutions d’œuvres, concernant les collections du ministère de la culture comme celles du ministère des armées.

 

Ainsi, la loi du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal a acté la sortie du sabre dit d’El Hadj Omar Tall et de son fourreau des collections nationales conservées au musée de l’Armée. Les biens étaient déposés depuis novembre 2019 au musée des civilisations noires de Dakar.

 

À l’automne 2020, la décoration de dais en forme de couronne de Ranavalona III a été enlevée au musée de l’Armée pour être remise à la République de Madagascar, sans que sa sortie des collections nationales ait été actée. Une régularisation de la situation juridique de cette couronne de dais par la loi est donc souhaitable, le code du patrimoine imposant la voie législative pour sortir des collections nationales des biens entrés par don ou legs et inscrits sur un inventaire réglementaire d’établissement bénéficiant de l’appellation « musée de France ».

 

En 2021, aucune demande officielle n’a été faite. Les dernières demandes répertoriées d’États africains étaient trop imprécises pour être traitées en l’état (Tchad et Éthiopie) ou concernaient uniquement les musées sous tutelle du ministère de la Culture (Côte d’Ivoire et Mali).

 

Le rapporteur insiste sur le bien-fondé du recours à la voie législative afin de sortir des objets des collections nationales, puisqu’elles sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables : ces restitutions doivent demeurer l’exception et non la règle.

 

2) La politique de gestion des archives

 

Contrairement aux autres archives publiques, celles du ministère des Armées sont conservées dans deux services : le service historique de la Défense (SHD) et l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD).

 

Le droit relatif à la communicabilité des archives a fait l’objet de récentes évolutions législatives et réglementaires. Ces évolutions ont conduit à deux modifications du code du patrimoine :

 

 La déclassification au moyen d’un tampon n’est plus nécessaire une fois qu’un document est devenu librement communicable au titre de l’article L.213-2 du code du patrimoine ;

 

 Le renforcement de la protection de certaines catégories de documents d’archives, classifiés ou non, quand leur communication porterait atteinte à la sûreté de l’État ou à la sécurité publique et que leur sensibilité subsiste malgré l’écoulement du temps.

 

Une nouvelle version de l’Instruction générale interministérielle n°1300 sur la protection du secret de la défense nationale, qui tient compte des nouvelles dispositions législatives, a été approuvée par arrêté du 9 août 2021. Elle relève l’enjeu de la communication des documents classifiés consistant à trouver le point d’équilibre entre l’ouverture des archives pour les besoins de l’histoire et de la recherche, et la protection du secret de la défense pour garantir la sécurité des personnes et de l’État.

 

Le rapporteur salue ces récentes évolutions qui dynamiseront le travail des historiens et dont les conséquences gagneraient à être mieux communiquées, le dialogue entre la communauté scientifique et le ministère des Armées étant bénéfique pour les deux parties.

 

E.   L’accompagnement des restructurations

Les crédits de l’action 10 concernent la mise en œuvre des restructurations décidées dans le cadre de la réforme du ministère des Armées. Ils financent trois types de mesures :

– les mesures d’accompagnement social des restructurations (dépenses de titre 2) ;

– un soutien économique aux collectivités territoriales affectées par une restructuration via le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED) ;

– la mise en œuvre d’un nouveau plan de stationnement, afin d’adapter le parc immobilier.

Les montants qui seront consacrés à l’action 10 en 2022 sont en augmentation (+27,73 % en autorisations d’engagement, -42,33 % en crédits de paiement). « L’accompagnement des restructurations » sera doté de 6,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une baisse de -6 % en autorisations d’engagement et de -42 % en crédits de paiement. L’importance de cette baisse s’explique par la fin progressive des actions menées au titre de la loi de programmation militaire 2009-2014.

Les principaux projets de l’année 2022 bénéficieront aux bases aériennes d’Évreux et de Nancy-Ochey, avec le lancement d’opérations structurantes visant à les préparer à l’arrivée respectivement des flottes d’avions de transport C 130H, CN 235 CASA à Évreux, et la flotte de Mirage 2000 B d’entraînement avec leurs simulateurs sur la base de Nancy.

F.   Les dépenses de pilotage, de soutien et de communication

Les crédits de l’action 11 concernent le soutien des cabinets, des organismes rattachés et de l’administration centrale, le versement des subventions à quatre opérateurs (SHOM, ECPAD, CEA et IRSN), le remboursement de l’indemnité compensatrice versée à SNCF, le règlement des contentieux non contractuels et de réparation de l’ensemble du ministère des Armées, l’achat et l’entretien des véhicules détenus en gestion patrimoniale, le financement du partenariat public-privé Balard et celui des marchés multiservices.

En 2022, le montant des crédits de cette action se stabilisera par rapport à 2021 et s’élèvera à 366,43 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 358,96 millions d’euros en crédits de paiement.

Le principal poste budgétaire demeure celui du « Fonctionnement courant », qui s’élève à 180,86 millions d’euros, soit près de 50 % du budget total. Celui-ci est principalement constitué des dépenses liées au partenariat public-privé (PPP) de Balard, soit le règlement de redevances forfaitaires ainsi que les dépenses liées à la poursuite des travaux de sécurisation du site.

Les crédits consacrés aux « Prestations intellectuelles » sont en hausse de 15,38 %, ce qui correspond notamment au report de prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’audit initialement programmées en 2020.


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   Seconde partie :
Les bases de défense, dix ans après leur création :
quel bilan ?

Le soutien est l’une des quatre fonctions-clefs décrites dans la doctrine d’emploi des forces. Ainsi que le soulignait le Haut comité d’évaluation de la condition militaire en 2014 ([22]) « historiquement, l’administration générale et du soutien commun des militaires a progressivement pris forme avec la création d’une armée permanente et s’est notablement développée sous l’Ancien régime. Forte de ses traditions, l’administration du soutien a disposé pendant longtemps de deux caractéristiques : l’emploi des « masses » ainsi que la fonction « administration intérieure » des corps de troupe, fondée sur le principe de subordination de l’administration au commandement ». Or, dans un contexte de professionnalisation des armées, les réformes introduites au début des années 2000 ont conduit à l’application d’une nouvelle logique d’organisation des services de soutien.

Aux termes de l’article R. 3231-1 du code de la défense, le soutien a pour objet la satisfaction des besoins des armées, des organismes interarmées et des autres organismes du ministère ainsi que, dans certains domaines, de la gendarmerie nationale et d’autres organismes extérieurs au ministère. Les prestations délivrées sont assurées sous l’autorité des armées, directions et services, de la conception à la réalisation, et consistent à assurer la combinaison et l’ordonnancement des différentes activités assurées au profit des forces engagées afin de leur permettre de se déployer, de vivre, d’agir, de combattre, de soigner, de se remettre en condition et de durer. À cet effet, les services de soutien définissent l’organisation et les moyens nécessaires.

La création des bases de défense est intervenue dans un contexte de profond bouleversement des ressources humaines du ministère de la Défense, et en particulier de celles consacrées au soutien (I). La réorganisation verticale des soutiens s’appuie sur une logique de performance et d’économies de moyens (II). Cette réforme a suscité des réticences fortes au départ, notamment dans l’armée de Terre, qui ont eu tendance à s’atténuer (III). Des interrogations majeures demeurent cependant à l’égard d’une réforme qui reste en cours d’évolution (IV).

 

I.   La création des bases de défense est intervenue dans un contexte de profond bouleversement des ressources humaines consacrées au soutien

Le soutien a été profondément affecté par l’ensemble des réformes menées au ministère de la Défense depuis 2008, à la suite des décisions du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La réorganisation des services de soutien à l’échelon local a été imposée par les réductions massives d’effectifs au ministère de la Défense (A). Il a été un temps envisagé de « civilianiser » les services de soutien mais pour des raisons évidentes de continuum entre activités de soutien et missions opérationnelles, cette idée a désormais cédé le pas à celle de complémentarité étroite entre personnels civils et personnels militaires (B).

A.   Une réorganisation des soutiens imposée par les réductions massives d’effectifs jusqu’en 2015

Jusqu’en 2015, le ministère des Armées a poursuivi une politique de déflation des effectifs (1) qui a particulièrement affecté les soutiens (2).

1.   Des réductions massives d’effectifs jusqu’en 2015…

Le 12 juillet 2017, lors de sa dernière audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général d’armée Pierre de Villiers alertait la représentation nationale en ces termes :

« Vous le savez, nos armées sont confrontées depuis plusieurs années à une situation de forte tension, sous l’effet combiné d’un niveau d’engagement très élevé s’inscrivant dans la durée – 30 000 soldats en posture opérationnelle, de jour comme de nuit, depuis plus de deux ans – et d’un contexte budgétaire compliqué. Ce grand écart n’est pas tenable, je suis désolé de devoir vous le dire avec force ! Notre liberté d’action en souffre. Ainsi, je suis de plus en plus souvent contraint de reporter ou d’annuler certaines opérations, faute de moyens disponibles. La dépendance vis-à-vis de nos alliés, notamment américains, touche ses limites parce qu’eux aussi doivent faire face au durcissement de la situation et à la multiplication des priorités.

Le système a en outre été fragilisé par le processus qui, entre 2008 et 2014, a affecté la totalité des composantes de nos armées, directions et services : le nombre de militaires est passé de 241 000 à 203 000 et l’organisation territoriale des armées a été repensée de fond en comble, principalement selon une logique d’efficience économique et de réduction des dépenses publiques. Depuis 2008, cinquante formations de l’armée de terre, dix-sept bases aériennes, deux bases aéronavales et vingt bâtiments ont été supprimés.

L’impact de ces réformes, menées dans un laps de temps très court, se fait sentir. Faut-il le rappeler ? Le ministère de la Défense a été le plus important contributeur de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le modèle s’est alors contracté autour d’un cœur de métier minimaliste, fragilisant du même coup sa cohérence d’ensemble, au moment même où il était davantage sollicité. Lorsque les engagements sont en hausse et le budget, en baisse, j’appelle cela un grand écart. À ceux qui en douteraient, je le dis et je le répète : on a déjà donné, on a déjà tout donné. »

Cette citation met en lumière le contexte dans lequel s’est inscrite la réforme des soutiens et la création des bases de défense.

Quelques mois plus tard, le 4 octobre 2017, le général d’armée François Lecointre, qui succédait au général Pierre de Villiers au poste de chef d’état-major des armées, confirmait les propos de son prédécesseur devant les mêmes commissaires de la Défense : « Les déflations massives d’effectifs imposées depuis une dizaine d’années par les réformes successives ont mis les armées, directions et services sous forte tension, d’autant plus que nous avions consenti d’importantes déflations d’effectifs et d’importantes réductions de format qui devaient s’accompagner d’une réduction de l’engagement des armées. Dès lors que cet engagement n’a cessé d’augmenter, la tension s’est révélée difficile à soutenir. Je rappelle qu’entre 2008 et 2017, ces déflations ont représenté un volume de l’ordre de 50 000 militaires sur un total de 250 000 environ en 2008, soit une diminution de près de 20 %. Les soutiens sont particulièrement concernés par ce phénomène. Le cadrage à plus 1 500 équivalents temps plein de la LPFP ([23]) marque un début de prise en compte de cette situation. Les armées sont conscientes de l’effort que cela représente au moment où la fonction publique doit supporter des déflations mais j’insiste sur le fait que les armées ont subi des déflations trop importantes lors des deux lois de programmation militaire précédentes au regard de l’engagement que la Nation leur demande de soutenir. »

Comme l’illustrent les courbes ci-dessous, les fortes baisses d’effectifs ont concerné l’ensemble des personnels du ministère des Armées – militaires et civils – qui sont passés de 296 493 à 269 055 entre 2011 et 2019, avec une remontée d’effectifs à partir de 2015.

 

2.   …ayant essentiellement affecté les soutiens

Les déflations, restructurations et transferts en organisations ont porté fortes attritions aux ressources humaines du soutien entre 2008 et 2015. Selon les termes de la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014, la réduction des effectifs s’inscrivait dans une optique de modernisation des équipements et d’amélioration de la condition militaire au profit d’une prévalence des nouveaux formats opérationnels.

Ainsi, par exemple, le service interarmées des munitions (SIMu) a perdu, entre 2011 et 2016, 158 postes dans le cadre de la RGPP et de la LPM précédente. Cette politique de réduction des effectifs a nécessité une réorganisation majeure du service qui est passé de 7 à 4 établissements et de 20 à 14 dépôts en 2018. La réorganisation et l’harmonisation des groupements de munitions (GMu) ont permis d’atténuer les effets induits par ces déflations importantes. Il reste selon la dernière enquête sur les risques psychosociaux réalisée fin 2020 au SIMu, le taux de charge mentale du service, de 8/10, est particulièrement élevé ([24]).

Quant au service d’infrastructures de la défense (SID), il a subi une diminution de 41 % de ses effectifs infra entre 2005 et 2020 : ces effectifs sont ainsi passés de 11 500 à 6 700 personnels, étant réparti à la hausse à partir de 2014. Cette situation a particulièrement pesé sur le service compte tenu de l'augmentation du plan de charge du SID et d'un renforcement de ses missions dans les domaines cyber, nucléaire et en matière d'installations classées. Sur la période 2005-2020, les crédits dévolus au SID ont ainsi augmenté de 110 %.

Comme le rapporteur l’a souligné en première partie du présent rapport ainsi que dans son avis budgétaire de l’an dernier, le service de santé des armées (SSA) fut, ces dernières années, un service également soumis à une très forte contrainte, les différentes politiques menées ayant conduit à une sursollicitation du service et à l’accroissement du recours aux réservistes et aux contractuels pour faire face à la baisse de ses effectifs. De nombreux médecins ayant quitté l’institution, les objectifs de réduction du nombre de personnels ont été largement dépassés. Ce phénomène s’explique en partie par le souhait de certains personnels d’exercer dans le secteur civil face à un contexte de transformation permanente. Au total, durant la précédente LPM, le service a perdu pas moins de 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. Ainsi que l’a souligné le rapporteur en première partie du présent rapport, la conduite d’une politique de ressources humaines attractive constitue l’un des axes clés de la stratégie SSA « Ambition 2030 », celle-ci devant assurer une remontée en puissance des effectifs dans un contexte hautement concurrentiel et d’émergence de nouveaux métiers de santé tout en garantissant la capacité opérationnelle du service.

Autre service fortement marqué par ces diminutions, le service du commissariat aux armées (SCA) a vu ses personnels passer de 34 000 à 25 000 entre 2008 et 2018, soit une réduction de 8 500 postes. Ces « effectifs soutenants » ont diminué plus vite que les effectifs soutenus et la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre a d'ailleurs marqué un tournant, les effectifs soutenus augmentant de nouveau alors que les effectifs soutenants continuaient de diminuer (« effet ciseaux »). Alors que les effectifs du SCA ont diminué de 30 %, dont 100 personnels ces 6 dernières années, l'arrêt de la déflation des personnels a finalement été décidé pour la fin de la période de programmation précédente. Cependant, la diminution des effectifs s’est poursuivie entre 2019 et 2025, de l’ordre d’environ 10 %.

Ces exemples illustrent à quel point l’interarmisation des soutiens et la création des bases de défense se sont inscrites dans un mouvement de profond bouleversement des services de soutiens, sur fond d’évolution de l’ensemble des armées, directions et services.

B.   Une problématique de civilianisation des soutiens aujourd’hui dépassée

Si la réforme des soutiens et la création des bases de défense s’est inscrite dans un contexte de resserrement très net des effectifs du ministère des armées, il a été envisagé un temps de « civilianiser » ces services pour concentrer les personnels militaires sur les missions opérationnelles (1). Néanmoins, dans le contexte de la remontée en puissance de nos armées, engagée à la suite des tragiques attentats de 2015 et poursuivie dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025, et pour des raisons évidentes de continuum entre les activités de soutien et les missions opérationnelles, cette idée a cédé le pas à celle de complémentarité étroite entre personnels civils et personnels militaires (2).

1.   Une civilianisation des soutiens envisagée un temps, avant la remontée en puissance des armées

Comme le soulignaient nos collègues Jean-Charles Larsonneur et Alexis Corbière, auteurs du rapport d’information sur les personnels civils de la Défense ([25]), la déflation des effectifs, conforme à la politique annoncée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, a porté en priorité sur le soutien, « La doctrine d’emploi, contrainte par le resserrement des effectifs, consistait alors à spécialiser les personnels civils sur les fonctions de soutien, les personnels militaires étant appelés à se concentrer sur les missions opérationnelles », expliquent nos collègues, citant un rapport remis par le contrôle général des armées le 22 décembre 2015, couramment désigné sous l’appellation de « rapport Hamel », du nom de l’un de ses quatre rédacteurs, au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. « La mission confiée par le ministre au contrôleur général des armées consistait notamment à déterminer les conditions de relance de la politique de rééquilibrage entre personnels civils et militaires dans les différents métiers du soutien.

L’idée de spécialiser les personnels civils sur les fonctions de soutien a néanmoins été abandonnée, compte tenu de l’interdépendance entre missions de soutien et missions opérationnelles – interdépendance caractéristique de la singularité militaire. Comme le rappellent à juste titre les auteurs du rapport sur les civils de la Défense, « ce postulat s’est avéré délicat à mettre en œuvre pour les tâches de soutien car il est indispensable de conserver des effectifs militaires projetables ».

2.   L’interdépendance entre soutien et opérationnel et la nécessité d’assurer le contrat opérationnel ont conduit à abandonner l’objectif de civilianisation des soutiens au profit de la réaffirmation d’une complémentarité civilo-militaire

La distinction entre missions de soutien et missions opérationnelles – qu’a tenté de mettre en avant la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 15 juillet dernier ([26]) – n’est pas si évidente dès lors qu’il existe une étroite interdépendance entre les deux types d’activité et de la nécessité pour les services de soutiens de satisfaire le contrat opérationnel.

Les services de soutien sont en effet indispensables à la réussite des missions assurées par les armées en opérations extérieures. Pour ne citer qu’un seul exemple, 45 % des personnels présents sur les théâtres de l’opération Barkhane sont des personnels de soutien. Or, seuls les militaires peuvent être projetés en opération. Il est donc indispensable de maintenir une proportion importante de personnels militaires dans les services de soutien et de ne pas civilianiser ces derniers à outrance. Comme l’ont expliqué nos collègues dans leur rapport du 12 avril dernier sur les personnels civils de la Défense, si les personnels civils représentent un atout indispensable aux services de soutien – assurant une certaine permanence du fait de leur stabilité au regard de la rotation régulière des personnels militaires –, il reste important de maintenir une présence militaire forte afin de permettre aux services de projeter des personnels et de remplir le contrat opérationnel. Pour mémoire, le contrat opérationnel est un outil pérenne définissant la nature, le volume et le niveau de disponibilité des forces nécessaires pour tenir les engagements des forces armées françaises. Le contrat opérationnel engage collectivement toutes les composantes en leur demandant des capacités opérationnelles à mettre, dans les délais fixés, à la disposition de l’état-major des Armées.

Pour cette raison, l’idée de civilianiser les soutiens, un temps envisagée, est aujourd’hui obsolète, ayant cédé le pas à celle de complémentarité étroite entre personnels civils et militaires.

II.   La création des bases de défense : une réorganisation complète et radicale des soutiens à l’échelon local

Si l’organisation des services de soutien aux armées s’est progressivement construite à partir de l’Ancien Régime, la grande nouveauté des réformes engagées depuis le début des années 2000 a été l’introduction d’une logique de « bout en bout » visant à réorganiser le soutien en filières dans une optique de performance et d’économies de moyens et de ressources humaines, logique dont le rapporteur estime qu’elle a compliqué l’organisation pyramidale des armées.

La réorganisation complète des services de soutien s’est inscrite dans une logique de performance et d’économies budgétaires (A). Si les bases de défense ont été conçues selon un modèle unique, chacune d’entre elles conserve sa singularité en raison des spécificités territoriales propres à son lieu d’implantation (B). Au sein de cette nouvelle organisation des soutiens, le commandant de base de défense (COMBdD) joue un rôle pivot entre « soutenants » et « soutenus » (C). Le centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) est l’interlocuteur privilégié des commandants de base de défense auprès de l’état-major des armées (D).

A.   Une réorganisation complète des services de soutien dans une optique de performance et d’économies

Dans le contexte de forte réduction des effectifs de soutien décrit supra, la création des bases de défense visait à répondre à deux objectifs clairement explicités dans leur arrêté de création du 29 novembre 2010 : en vertu de ce texte, chaque base de défense « doit permettre de coordonner et de trouver des synergies pour le soutien apporté au niveau local au sein d'une aire géographique déterminée. La base de défense est par ailleurs le creuset permettant de générer des économies en rendant en particulier possibles une harmonisation et une rationalisation de l'ensemble des procédures de soutien au niveau ministériel. ».

1.   Une logique de mutualisation

C’est dans le but de dégager des économies que les bases de défense ont été créées. Leur objectif était de mutualiser dans une aire géographique donnée les fonctions d'administration générale et de soutien commun (AGSC) au profit de toutes les formations et organismes situés dans la base de défense. La mise en commun des soutiens s'est accompagnée d’une réduction simultanée du nombre de personnels affectés à ces tâches et plus largement à une réorganisation des fonctions d’achat, de finances, d’administration des ressources humaines, de transports, de restauration, d’hôtellerie et d’habillement. Alors que ces différentes fonctions étaient auparavant assurées en interne par les armées, elles ont été mutualisées au sein d’un organisme, le groupement de soutien de base de défense (GSBdD) lui-même placé sous l’autorité du commandant de base de défense ([27])  (COMBdD).

Dans l’esprit des auteurs de la réforme, la mutualisation des structures de soutien présentait plusieurs atouts :

 Une harmonisation et une simplification de la gestion des ressources humaines, les unités étant déchargées des actes administratifs ;

 Une performance économique et une harmonisation des droits en matière d’alimentation ;

 Une rationalisation et une centralisation de la fonction habillement ;

 Une concentration et une professionnalisation des achats ;

 Un élargissement du périmètre d’exercice de la politique locale menée en faveur du logement.

2.   La création, en deux phases, de chaînes de soutien professionnelles et expertes

La création de chaînes de soutien professionnelles et expertes s’est effectuée en deux phases.

a.   La première phase : la création d’opérateurs spécialisés et experts dans une logique de performance économique et de professionnalisation

Dans un contexte de réduction drastique des effectifs et dans une logique de performance économique et de professionnalisation, les services de soutiens, auparavant organisés par armée et souvent à la main des chefs de corps ou des autorités territoriales des armées, ont été réorganisés en filières d’expertise selon une hiérarchie verticalisée.

Ainsi, le service du Commissariat aux armées, auquel le rapporteur a consacré un encadré en première partie du présent rapport, a été créé en 2010 en même temps que les groupements de soutien de base de défense, à partir de services administratifs et financiers propres aux armées. Cette réorganisation a été par la suite renforcée avec la nouvelle réforme du soutien de proximité engagée en 2014 qui modifia durablement l’administration des militaires. En 2014, les GSBdD ont été rattachés au SCA et parallèlement, les trois corps de commissaires des armées ont fusionné en un corps unique. Deux évolutions ont ensuite été mises en application : un pilotage global sans échelon intermédiaire dans une logique « verticale » et la création de « filières ».

La fusion des trois commissariats d’armées

Comme le soulignaient à juste titre nos collègues André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon dans un rapport d’information consacré aux petits équipements, la fusion des trois commissariats d’armée en un service du commissariat des armées (SCA) a « été opérée très rapidement : décidée en avril 2008 dans le cadre de la RGPP, elle était accomplie dès le 1er janvier 2010, et le service devait poursuivre sa « montée en puissance » – c’est-à-dire la restructuration des entités qu’il a fédérées – jusqu’en 2014 ». Au terme de cette réforme, le service a connu une déflation très importante de ses effectifs.

Le service est également engagé dans une refonte totale de ses structures : alors qu’il comptait 93 organismes fin 2009, il n’en possédait plus que 34 en 2014.

Une nouvelle réforme a suivi celle de 2010 : dans une logique de simplification, les groupements de soutien de base de défense ont en effet été rattachés au SCA le 1er septembre 2014. Selon nos collègues Chassaigne et Cubertafon, « si la réforme des bases de défense avait permis de réaliser des économies par la mutualisation de fonctions au niveau local, l’organisation s’était révélée trop complexe pour les formations soutenues et source d’une dégradation des prestations rendues. Tout en persévérant dans la réforme des bases de défense, il a donc été décidé d’adopter une logique verticale, dite « de bout en bout » en complément de la logique de regroupement des fonctions des bases de défense ». Depuis l’adoption du modèle « SCA 22 » en 2014, le service développe donc une expertise dans huit filières de soutien : habillement ; gestion de « base vie » ; soutien de l’homme ; restauration ; hébergement ; assistance juridique ; droits financiers individuels ; formation. Ces filières sont animées par des « métiers » : achats, finances, logistique, juridique.

Autre exemple, le réseau du service d’infrastructure de la défense (SID) a été profondément réorganisé en 2011 afin de s'adapter à la nouvelle organisation territoriale des forces et à la création des bases de Défense :

sept établissements du service d'infrastructure de la Défense (ESID) – situés à Bordeaux, Brest, Île-de-France, Lyon, Metz, Rennes et Toulon – couvrent l'ensemble des activités de la fonction infrastructure ;

cinquante-trois unités de soutien de l’infrastructure de la Défense (USID), structures locales subordonnées aux ESID, assistent et conseillent les commandants de bases de défense et les formations dans l’expression de leurs besoins et la programmation des travaux d'infrastructure (elles assurent en particulier la gestion technique et administrative du patrimoine ainsi que le pilotage de la maintenance) ;

– les directions d’infrastructure de la Défense (DID) soutiennent les forces de souveraineté en outre-mer et les forces de présence à l'étranger.

Quant au SID, il assure également le soutien au stationnement des forces engagées sur les théâtres d'opérations extérieures. Il comprend une direction centrale du SID (DCSID) à Versailles, un centre d’expertise des techniques de l’infrastructure de la Défense (CETID) à Versailles.

En dehors de la métropole, le SID compte :

– cinq directions d’infrastructure de la Défense (DID) en outre-mer, implantées à Cayenne, Fort-de-France, Nouméa, Papeete et Saint-Denis de la Réunion.

– quatre directions d’infrastructure de la Défense à l’étranger, implantées à Dakar (Sénégal), Abidjan (République de Côte d'Ivoire), Djibouti (Djibouti) et Libreville (Gabon).

S’agissant du service de santé des armées, avant la création des bases de défense, les services médicaux étaient complètement intégrés aux armées. En 2012, le service a été réorganisé en plaçant la direction de la médecine des forces à la tête de la chaîne hiérarchique de toutes les antennes médicales, passant par des directions régionales, alors qu’elle n’était avant qu’une autorité technique.

La direction de la médecine des forces est aujourd’hui la seule à avoir autorité sur l’ensemble du soutien médical de proximité des armées, à l’exception des outre-mer où les antennes sont déployées sous l’autorité de la direction interarmées du soutien santé (DIASS). Cette spécificité résulte d’une adaptation à la chaîne de commandement spécifique en vigueur dans les outre-mer.

Au niveau local, le SSA est organisé en centres médicaux des armées, eux-mêmes subdivisés en antennes médicales qui sont au plus proche des forces. Chaque centre médical regroupe entre 10 et 15 antennes médicales.

Auparavant, il y avait 55 centres médicaux des armées implantés sur les bases défense mais le service de santé des armées a estimé qu’en conséquence il y avait trop de médecins à des postes de direction et plus assez pour pratiquer la médecine. Il y a donc désormais 16 centres médicaux des armées, englobants et pouvant avoir plusieurs bases de défense dans leur giron. En plus de ces centres médicaux, trois chefferies sont dédiées à une composante spécifique : les sous-mariniers, les forces de surface et les forces spéciales. Quant aux antennes médicales, elles sont au nombre de 185 et sont rattachées aux 16 centres médicaux des armées.

b.   La seconde phase : une optimisation interne des services de soutien dans une logique de « front office » et de « back office »

La seconde phase de réorganisation des soutiens a eu pour objectif une optimisation interne du soutenant, dans un contexte de diminution des effectifs. Elle a introduit des échelons supplémentaires ainsi qu’une séparation organique des tâches entre unités de soutien.

Ainsi, au sein du SCA a été introduit un échelon supplémentaire, le groupement de soutien socle, échelon intermédiaire entre l’opérateur central qu’est le SCA et l’opérateur local qu’est le groupement de soutien de base de défense. Le groupement de soutien socle n’est implanté que dans certaines bases de défense et en sert plusieurs, soit dans le domaine de la logistique – stocks notamment – soit pour certaines fonctions en « back-office », les groupements de soutien présents sur chaque base ne jouant alors qu’un rôle de guichet unique ou de « front office » pour lesdites fonctions. Les groupements de soutien socles, au nombre d’une quinzaine, ont généralement une taille plus importante que les autres GSBdD.

Le domaine des infrastructures est également concerné puisque depuis la réforme, une répartition des opérations de maintenance est réalisée entre les ESID et les USID, chaque unité étant liée à un échelon spécifique. Les ESID, situés au niveau zonal, sont compétents en matière d'assistance au commandement et de passation de marchés d’infrastructures. Ils conduisent les opérations d'investissement, le maintien en condition pour les opérations dites de maintenance lourde et la gestion du patrimoine immobilier. Ils conseillent les COMBdD dans la conduite des opérations d’investissement et les informent de la programmation des opérations de maintenance lourde. Les USID sont quant à elles situés à l’échelon de la BdD et permettent au SID de correspondre localement avec les COMBdD. Elles sont tournées vers la gestion du patrimoine, au profit du COMBdD, et sont spécialisées dans les opérations de plus petite maintenance immobilière, appelée maintenance courante (MeC), ou dans certains travaux d’adaptation mineure des infrastructures (TAM).

La carte ci-dessous présente le maillage territorial du SID.

 


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Cette réorganisation des soutiens a été profonde. Loin de se réduire à la seule volonté de simplifier et d’harmoniser, elle a été conduite en repensant complètement l’action des armées et s’est inscrite dans le prolongement des réformes introduites par la révision générale des politiques publiques en 2008.

3.   Le maintien de services non embasés

Malgré la création des bases de défense, certains services sont restés non embasés en raison des spécificités propres à leur activité. C’est le cas du service interarmées des munitions (SIMu) et du service de l’énergie opérationnelle, auparavant appelé service des essences des armées.

Ainsi que le rapporteur l’a indiqué en première partie de son rapport budgétaire, le SIMu – qui a pour mission de mettre à disposition des forces, en tout temps et en tout lieu, des munitions de toutes natures en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs la sécurité d’emploi de celles-ci – est un service de soutien interarmées directement subordonné à l’état-major des armées (EMA). Il est organisé autour d’un échelon central situé à Versailles et d’un échelon local constitué, d’une part, de 14 dépôts de munitions répartis sur le territoire national et, d’autre part, de 9 dépôts en outre-mer. Cette répartition ne correspond pas au maillage territorial des bases de défense et l’on constate une concentration importante de ses dépôts de munition métropolitains dans le Sud-Est du territoire.

Quant au SEO, il avait pour rôle historique « l’approvisionnement en tout temps et en tout lieu des produits pétroliers nécessaires aux Armées » mais a été amené à diversifier ses missions afin d’assurer la prise en compte de la transition énergétique par le ministère des armées. En raison de la localisation de ses structures pétrolières de stockage et de distribution, essentiellement dédiées aux plateformes aéronautiques et maritimes, le SEO n’est pas embasé. Les seules exceptions qui demeurent sont les stations-services du service du Commissariat des armées (SCA), qui pour des raisons administratives dont on peut interroger la pertinence, sont encore sous le contrôle du SCA. Dans ce cadre, le SEO ne fait que maîtriser les commandes de produits à livrer aux stations-services militaires mais n’en assure pas la gestion. Les stations-services du SCA devraient prochainement passer sous la coupe du SEO, ainsi que le niveau 1 terrestre (train) encore sous la responsabilité de l’armée de Terre. Le SEO est également un service complètement intégré verticalement, de l’identification de la source à la facturation, en passant par l’achat, le transport, le stockage et la distribution des produits et prestations. Cette intégration verticale totale est essentielle à la capacité de projection du SEO.

https://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/essences/depots/carte-france-etablissements-du-sea/9086588-1-fre-FR/carte-france-etablissements-du-sea.jpg

4.   Une mutualisation des soutiens qui s’est doublée d’un processus d’externalisation et de digitalisation

La réorganisation des soutiens, fondée sur la mutualisation, s’est accompagnée :

– d’une externalisation, dans le cadre de contrats, de certaines prestations de soutien (a) ;

– et de la digitalisation de certains processus (b).

a.   L’externalisation, une pratique ancienne ayant connu une expansion importante

Pour mémoire, le rapporteur a consacré la deuxième partie de son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019 ([28]) à l’externalisation des soutiens et de la logistique interarmées. Si tel n’est pas le seul enjeu du présent avis budgétaire, il rappellera néanmoins utilement des éléments de réflexion à ce sujet.

L’instruction n° 7538 du 12 mars 2018 relative au processus ministériel de préparation, de conduite et de suivi des projets d’externalisation ou de régie rationalisée optimisée dispose que « l’externalisation consiste à confier sur une base contractuelle pluriannuelle, en partie ou en totalité, à un ou des opérateurs économiques extérieurs au ministère des armées, et ce quel que soit le mode de contractualisation, une fonction, une activité ou un service jusqu'alors assurés partiellement ou totalement en régie ».

Ainsi que le rappelait déjà le rapporteur en 2019, le recours à des opérateurs extérieurs aux armées pour assurer des prestations de tous ordres au profit de ces dernières est une pratique courante et ancienne. Cependant, avec la suspension du service national et la pression croissante sur les finances publiques au tournant de l’an 2000, le recours à l’externalisation comme mode de gestion s’est systématisé :

– pour remplacer la main-d’œuvre massive et peu onéreuse des appelés, les armées ont confié, de manière parfois précipitée, de nombreuses activités jugées annexes auparavant exercées par les appelés à des prestataires extérieurs, allant de l’accueil à l’entretien des espaces verts, en passant par l’alimentation, la blanchisserie et la collecte des déchets.

– la recherche d’économies budgétaires et les contraintes pesant sur les effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la modernisation de l’action publique (MAP) ont, par ailleurs, favorisé l’appel à des opérateurs privés. Selon M. Jean-Pierre Bodin, alors secrétaire général pour l’administration du ministère des Armées auditionné par le rapporteur, les économies sur le périmètre des soutiens réalisées sur le titre 2 ont ainsi atteint 877 millions d’euros sur la période écoulée de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, dont 180 millions d’euros au cours de l’année 2017.

– le ministère est allé plus loin dans les opérations d’externalisation en ayant recours, à de multiples reprises, à des partenariats public-privé.

S’agissant du soutien assuré par les bases de défense, l’externalisation concerne prioritairement la restauration, la maintenance, la gestion des déchets, l’entretien des espaces ainsi que l’habillement.

Deux exemples d’externalisation

Les restaurants du SCA et les contrats SOS dépannage du SID

En matière de restauration, l’externalisation s’est concrétisée par la concession des restaurants du commissariat aux armées (SCA) à l’Économat des armées (EdA) le 18 décembre 2019. Cette manœuvre vise à remédier aux difficultés structurelles de la filière grâce à une remise à niveau des infrastructures et du matériel de restauration collective ainsi qu’au desserrement des tensions sur les ressources humaines, au profit des sites concernés mais aussi de ceux qui resteront exploités par le SCA.

Le rapporteur note qu’à terme, en 2026, la fonction restauration dans les armées demeurera majoritairement opérée en régie par le SCA de manière à garantir la résilience des armées sur le territoire et un socle capacitaire de personnel militaire indispensable au respect du contrat opérationnel. Cependant un volume très substantiel de l’activité sera opéré sous différentes formes d’externalisation représentant 140 restaurants. Aujourd’hui, 25% des repas sont externalisés au ministère des Armées ; cette part sera portée à 40% en 2025 lorsque les 72 restaurants prévus auront basculé en concession. Dans ce contexte, les chefs de groupement de soutien de base de défense restent garants de la qualité du soutien en restauration sur les sites externalisés et jouent un rôle déterminant dans la transition entre la régie et la concession.

Dans le domaine des infrastructures, le service d’infrastructure de la défense, qui est responsable de la construction, de la maintenance immobilière et de la gestion domaniale des infrastructures du ministère des Armées, a notamment externalisé la petite maintenance corrective qui fait désormais l’objet de nouveaux marchés dits de « SOS dépannage ». Cela concerne les petites réparations courantes ainsi que la réalisation de petites prestations du niveau du locataire (remplacement d’ampoules, de flexibles de douches, etc). L’objectif affiché pour le SID est de pouvoir davantage se consacrer à des interventions INFRA en accord avec ses compétences. Il s’agit aussi de réduire significativement les délais d’intervention du service.

b.   La digitalisation vise à renforcer la qualité du service rendu dans un contexte de resserrement des effectifs

La volonté de modernisation et d’amélioration de la qualité de soutien s’est appuyée, parallèlement à la mutualisation et à l’externalisation, sur la digitalisation de certains services dans cette même perspective de redéploiement en interne des effectifs dégagés par une productivité accrue. Depuis l’entrée des services du soutien dans la transformation numérique, les systèmes d’information (SI) se sont multipliés, témoignant parfois d’une certaine complexité voire d’un empiétement entre opérateurs et gestionnaires des SI.

Un premier exemple de digitalisation est celui de l’habillement, qui a longtemps fait l’objet d’un certain mécontentement des armées. Comme l’indiquait le commissaire général Stéphane Piat, alors directeur central du commissariat des Armées, lors de son audition du 6 février 2019 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées : « Les difficultés ne datent pas d’aujourd’hui. Elles sont structurelles et résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : absence de système d’information logistique de bout en bout, tissu industriel fragile et peu réactif, gamme encore trop large d’articles et de références, règles de gestion complexes. » Ayant écarté l’option de l’externalisation en 2013, le choix d’une modernisation du dispositif en régie fut confirmé, celui-ci s’appuyant sur une délivrance nouvelle avec le lancement de la plateforme numérique « e-habillement ». Accessible sur internet, la plateforme « e-habillement » est disponible pour les marins et aviateurs affectés en métropole depuis 2021 avec une extension aux autres populations, dont les personnels de l’armée de terre en 2022. Lors de la dernière évaluation de la qualité du service rendu, le taux de satisfaction global de la fonction habillement était de 82 %, une amélioration notable dont le rapporteur se félicite.

Un second exemple est celui, plus récent, des bornes e-ATLAS permettant l’accès à la plateforme numérique EUREKA en libre-service au sein des espaces ATLAS ([29]). Le projet EUREKA vise à simplifier l’accès au soutien pour le personnel du ministère en leur proposant une plateforme unifiée, accessible en mobilité, d’accès aux demandes de soutien. Il consiste ainsi à porter sur l’ensemble des domaines de soutien, des opérateurs de soutien et du processus d’appel au soutien. Il couvre une partie du périmètre de soutien du SCA, sauf l’habillement évoqué plus haut, mais n’inclut pas les autres composantes de soutien que sont par exemple le SID. Aujourd’hui, l’évolution du SCA, en lien avec le projet « SCA 2022 », mise sur la valorisation de ses services et prestations via la digitalisation ([30]). À terme, EURÊKA ([31]) devrait remplacer, avec plus d’ergonomie, l’actuel système d’appel au soutien, SILLAGE – ce dernier, opéré par le Centre interarmées de coordination du soutien (CICoS), ayant toutefois périmètre plus large que celui d’EURÊKA puisqu’il concerne les services gérés tant par le SID que par le GSBdD.

B.   Les bases de défense, un modèle unique ayant été adapté aux spécificités propres à chaque territoire

1.   Une cartographie des bases de défense qui a été légèrement resserrée dans un objectif de simplification et de lisibilité

Après une phase d’expérimentation de deux ans entre 2009 et 2011 destinée à identifier les bonnes pratiques et à relever les difficultés à résoudre, le dispositif des bases de défense s’est généralisé, avec 51 BdD en métropole et 9 en outre-mer et à l’étranger, le 1er janvier 2011. Puis l’arrêté du 23 mai 2018 a réduit le nombre de bases de défense métropolitaines de 51 à 45. Cet ajustement de la carte des bases de défense, effectif depuis le 1er janvier 2019, a pour objectif l’amélioration de la qualité du soutien, l’optimisation de la ressource dédiée, la simplification du fonctionnement et le renforcement de la lisibilité de l’organisation des armées, au sein du ministère comme en interministériel.

2.   Une typologie des bases de défense qui a évolué

Les instructions officielles de 2010 prévoyaient quatre types de bases de défense, hiérarchisées selon la taille des unités soutenues, la base de défense de type 4 étant la plus importante :

– le type 1 concernait huit bases soutenant une seule formation majeure à laquelle pouvaient se rajouter des micro-organismes relevant d'autres subordinations ;

– le type 2 concernait 40 bases soutenant plusieurs formations et organismes importants, relevant, ou non, de subordinations différentes ;

– le type 3 visait 3 bases soutenant un effectif de plus de 10 000 personnels ou correspondant à des situations particulières ;

– le type 4 renvoyait aux 9 bases soutenant des forces de souveraineté ou des forces de présence.

Cependant, cette typologie si elle existe toujours, ne semble plus avoir de réelles conséquences opératoires. Quelle que soit leur taille, les bases de défense métropolitaines, à l’exception de l’Île-de-France, obéissent aux mêmes règles de soutien. Dans la pratique, on distinguera désormais les bases de défense métropolitaines selon le périmètre de responsabilités des commandants de base de défense :

– dans huit bases de type 1, le commandant de base de défense est également commandant de la seule formation administrative soutenue ;

– dans 34 bases de type 2, le COMBdD est commandant de formation administrative ([32]) (CFA) mais il soutient également d’autres formations administratives ;

– dans trois bases de type 3, le COMBdD n’a pas de fonction de CFA et soutient plusieurs entités.

En plus de cette typologie actuelle, les BdD présentent également des connotations spécifiques s’illustrant par l’ancrage du COMBdD (terre, mer ou marine) et par la typologie des formations administratives soutenues. Bien que le soutien conserve sa nature interarmées, une certaine logique de milieu perdure, comme le rapporteur l’expliquera infra : en métropole, 28 d’entre elles sont à connotation « terre », 14 à connotation « air » et 3 BdD sont à connotation « marine ».

La carte ci-dessous illustre l’implantation actuelle des bases de défense sur le territoire national :

 


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3.   Deux cas particuliers : l’Île-de-France et l’outre-mer

En raison de leurs particularités très fortes, l’Île-de-France et les territoires ultramarins bénéficient d’une organisation spécifique.

a.   L’organisation du soutien en Île-de-France

i.   Les particularités très fortes de la région parisienne ont justifié la création d’un service parisien de soutien de l’administration centrale

Lors de la création des bases de défense, le ministère de la Défense a fait le choix de créer par arrêté du 6 avril 2009, non pas une base de défense mais un service parisien de soutien de l’administration centrale (SPAC), par la suite dissous au 31 décembre 2020. Il s’agissait à l’époque d’un choix d’organisation délibéré, appuyé sur l’idée que les besoins de soutien de l’administration centrale se présentaient avec des particularités suffisamment fortes – concentration géographique, prédominance de très hautes autorités – pour justifier que le ministère ne fasse pas le même choix d’organisation pour le soutien de son administration centrale que pour celui de ses organismes implantés en province. La création du SPAC constituait déjà une étape de rationalisation très significative au sein du ministère, par rapport à la situation antérieure.

ii.   Le SPAC, un service aux prérogatives particulières

Le service parisien de soutien à l’administration centrale (SPAC) a été créé par fusion, d’une part, de deux services de soutien qui avaient des missions en partie similaires mais sur des périmètres complémentaires – le service des moyens généraux (SMG) relevant du SGA et l’établissement central de soutien (ECS), relevant de la direction générale de l’armement (DGA) – et, d’autre part, de diverses petites structures de soutien héritées de l’histoire, généralement spécialisées par métiers et dispersées sur les divers sites de l’administration centrale. Par la suite, le SPAC a également intégré un autre service de la DGA, le service administration rémunérations (SAR), complétant ainsi le périmètre qui a été le sien jusqu’à l’été 2020.

Ce périmètre permettait au SPAC de proposer à l’administration centrale du ministère une offre de soutien particulièrement complète puisqu’il n’y manquait que le soutien « SIC », apporté par la DIRISI et le soutien « santé » apporté par le SSA. L’intérêt de ce choix était d’offrir un interlocuteur unique : dès qu’un organisme, un site, ou un agent d’administration centrale avait un besoin (sauf SIC et santé), son interlocuteur était forcément le SPAC, qui assurait la gestion-administration et la paie, les achats publics, l’exécution financière, le soutien des sites, y compris en matière d’infrastructure, l’impression-reprographie industrielle, la fourniture et la maintenance des véhicules (véhicules légers, véhicules de transports en commun et camions), la fourniture de conducteurs professionnels et la mise en application de la politique ministérielle de prévention et de sécurité routière.

La recherche de performance du soutien, dans des domaines aussi divers, a conduit à une autre spécificité du SPAC qui était l’importance donnée à un système de gestion intégré, décrit par un ensemble complet de processus formalisés.

Enfin, une dernière particularité du SPAC était d’agir dans certains cas au profit de l’ensemble du ministère et non pas seulement de son administration centrale, pour des motifs de rationalisation et/ou de simplification technique. C’était notamment le cas en matière de paie – le SPAC ayant payé tous les officiers des corps de l’armement, quels que soient leurs organismes d’affectation –, des véhicules de la gamme commerciale, dont le SPAC assurait l’achat et la maintenance pour l’ensemble du ministère et, enfin, de la prévention et sécurité routière, déjà citée, dont l’action quotidienne s’exerçait principalement auprès des forces, donc hors de l’administration centrale.

iii.   La dissolution du SPAC et la création de la base de défense d’Île-de-France, prolongement de la rationalisation opérée lors de la création des bases de défense

La dissolution du SPAC, au 31 décembre 2020, a résulté d’un nouveau choix d’organisation, analysé comme un prolongement de la précédente rationalisation déjà opérée en 2009 dans le soutien de l’administration centrale. Les fonctions de soutien jusqu’ici confiées au SPAC furent redistribuées aux structures ministérielles qui en étaient déjà attributaires à titre principal hors du périmètre d’administration centrale et la base de défense d’Ile-de-France remplaça la structure du SPAC.

En vertu de l’annexe IV de l’instruction ministérielle n° 144, la base de défense d’Île-de-France, sans revêtir les mêmes spécificités que le SPAC, se caractérise par l’importance de la place de Paris pour le ministère des Armées (cérémonies, hommages, etc) et le soutien de nombreux organismes particuliers. De fait, la BdD présente une organisation adaptée à ses missions :

– le chef de l’état-major interarmées de défense et de sécurité de Paris assure également les fonctions de commandant de base de défense ;

– la « passerelle  » ([33]) du commandant de base de défense est identifiée au sein de l’état-major interarmées de défense et de sécurité de Paris, cette organisation permettant un appui mutuel ;

– les groupements de soutien de base de défense de l’Île-de-France sont au nombre de six (Paris - École Militaire, Saint-Germain-en-Laye, Vincennes, Versailles, Villacoublay, Montlhéry) ;

– des dispositions particulières précisent, en tant que de besoin, la nature des soutiens attendus, en particulier pour les missions ou événements majeurs tels que le plan Vigipirate ou les cérémonies du 14 juillet.

b.   Les bases de défense d’outre-mer

Les territoires ultramarins présentent de nombreuses spécificités au premier rang desquelles figurent l’éloignement géographique de la métropole et, pour la majorité d’entre eux, l’insularité. C’est pourquoi les commandants de base de défense d’outre-mer sont dotés de prérogatives plus importantes que leurs homologues de métropole – spécificités sur lesquelles le rapporteur revient plus en détail infra dans sa présentation du rôle des commandants de base de défense.

4.   Trois exemples de la diversité territoriale des bases de défense

Le rapporteur illustrera la grande diversité territoriale des bases de défense à l’aide de trois exemples :

– la base de défense de Lyon-Valence-La Valbonne (1) ;

– la base de défense de Luxeuil-Épinal (2) ;

– la base de défense de Cherbourg (3).

a.   Lyon-Valence-La Valbonne : une base à dominante « terre » marquée par l’interarmisation

Premier exemple, la base de défense de Lyon-Valence-La Valbonne est issue de la fusion, au 1er janvier 2019, des bases de défense de Lyon-Mont Verdun (très interarmées), de Valence (essentiellement Terre) et de La Valbonne (Terre et Air). Elle compte en son sein 37 % de terriens, 18 % d’aviateurs et presqu’autant de personnel du SSA ([34]) ou encore des autres soutiens interarmées.

Conséquence directe de sa fusion, la base de défense de Lyon-Valence-La Valbonne est commandée par un état-major décentralisé. Les 20 personnels de cet état-major sont répartis sur trois sites, les réunions sont délocalisées et le COMBdD se déplace sur chacun des trois sites, au sein desquels un de ses représentants est en poste. Elle est actuellement l’une des principales bases de défense métropolitaines, dotée de 85 organismes et de 13 000 personnels soutenus – dont 3 000 renforts opérationnels, stagiaires et réservistes. La base de défense Lyon-Valence-La Valbonne fournit un soutien nécessairement marqué par la présence de la métropole de Lyon et d’un officier générale de zone de défense à l’échelle régionale (OGZD).

Sur cette base, le logement constitue une problématique centrale, particulièrement à Lyon où la pression immobilière est forte. Dans l’optique d’améliorer la qualité de vie du personnel, des projets sont donc en cours, appuyés par des initiatives locales et nationales :

– le développement de conventions avec les bailleurs sociaux en lien avec le plan Famille ;

– le développement d’une banque privée de données de logements au profit de la recherche de logement des militaires ;

– la construction de 270 logements domaniaux dans le cadre du futur contrat de concession CEGeLog ([35]), à horizon 2030 ;

b.   Luxeuil-Épinal : une base à dominante « air » également soutien de formations terriennes

Luxeuil-Épinal présente la caractéristique d’être une base de défense resserrée dont le COMBdD est également le commandement de la base aérienne 116 (BA116). La base de défense présente ainsi deux caractéristiques :

– une forte synergie entre le commandant de base de défense, les services de soutien et unités soutenues, appuyée en cela par la petite taille de la base de défense ;

– un double soutien, à la fois à la base aérienne 116 sur le site de Luxueil et au 1er régiment de Tirailleurs sur le site d’Épinal, soit un total de soutenus de 2 407 personnes.

c.   Cherbourg : une base à dominante maritime

La base de défense de Cherbourg fait partie des trois bases de défense métropolitaines, avec Brest et Toulon, à afficher une dominante portuaire. Elle couvre entièrement les départements du Calvados et de la Manche ainsi que l’arrondissement d’Argentan dans l’Orne ([36]). Au sein d’une base de défense à dominante portuaire, le commandant de base de défense assume une double casquette puisqu’il y est également l’adjoint territorial du commandement d’arrondissement maritime, avec des prérogatives organiques sur les unités de la Marine stationnées dans l’arrondissement maritime.

La base de défense de Cherbourg assure le soutien quotidien de 3 sites principaux au sein de sa zone, pour un total de 2 600 soutenus.

Plus de 90 % des effectifs se situent sur les deux sites de Cherbourg : le port militaire et les écoles de Querqueville. Le port militaire accueille notamment cinq patrouilleurs dont les missions principales sont tournées vers l’action de l’État en mer, un groupement de plongeurs démineurs avec un bâtiment base, une compagnie de fusiliers-marins. C’est le lieu des premiers essais des sous-marins neufs livrés à la marine et de démantèlement des sous-marins retirés du service. La DGA dispose de deux emprises au sein du port militaire. Le site des écoles de Querqueville, autrefois centre d’instruction naval de Querqueville, désormais emprise relevant du SCA. Ce site comprend 3 écoles : l’école des fourriers (SCA), l’école des applications militaires de l’énergie atomique (Marine), l’école des mousses et des matelots de Cherbourg (Marine). Il comprend aussi la 133e antenne médicale, dépendant du CMA 15 (SSA).

La base de défense compte également une emprise à Caen. Le quartier Lorge, accueillant la délégation militaire départementale (DMD) 14, un centre de recrutement (CIRFA), une direction nationale du service historique de la Défense (SHD), une direction régionale de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), et le centre du service national et de la jeunesse (CNSJ) de Caen.

La base comprend enfin des sites isolés : 7 sémaphores, une brigade de surveillance du littoral de la gendarmerie maritime, la DMD50, le CIRFA de St-Lô, le détachement 33F de l’aéronautique navale, deux antennes de la base aérienne 105 d’Évreux.

Les élongations maximales depuis le siège de la base de défense, sur le port militaire de Cherbourg, sont d’environ 1 h 30 en voiture, en faisant une base de défense à taille humaine. Cependant, la dispersion et l’éloignement des directions régionales des chaînes de soutien rendent encore plus évident le besoin d’une coordination locale assurée par le COMBdD.

Auditionné par le rapporteur, l’actuel commandant de la base de défense de Cherbourg a indiqué que cette dernière avait été l’une des bases pilotes dans le déploiement des espaces ATLAS et qu’elle disposait actuellement d’espaces ATLAS sur les sites de Cherbourg, de Caen et de Querqueville. Elle dispose d’un ATLAS « Familles » à Cherbourg. Un projet en cours d’études vise à la création d’un ATLAS Mobile afin de parcourir les différents sémaphores une fois par mois.

Le plan Hébergement est particulièrement important pour la base de défense de Cherbourg qui présente un nombre important de célibataires géographiques. Les bâtiments d’hébergement sont en bonne condition et bénéficient depuis 2020 d’investissements importants avec notamment le lancement de la création d’un bâtiment pour cadres célibataires en octobre 2021. Actuellement, 60 % des célibataires logent dans les bâtiments du parc militaire. Le COMBdD fait état d’un manque de 200 places à l’horizon 2030.

C.   Le commandant de base de défense, acteur pivot du système ayant vu son rôle renforcé en 2019

Le commandant de base de défense, acteur pivot de la base de défense, a vu son rôle récemment conforté dans une optique de renforcement de l’efficacité opérationnelle des bases de défense (1). Il gère trois budgets distincts (2). Le commandant de base de défense ultramarine est doté de prérogatives spécifiques au regard de celles de ses homologues de métropole (3).

1.   Le commandant de base de défense, acteur-clef ayant vu son rôle récemment conforté dans une optique de renforcement de l’efficacité opérationnelle

a.   Le COMBdD, pivot de la base de défense

Le commandant de base de défense (COMBdD) est un officier général ou un officier supérieur désigné par le chef d’état-major des armées (CEMA) sur proposition des armées. Il est placé sous l’autorité du commandant du centre interarmées de coordination du soutien ([37]) (COMCICoS), dont il reçoit ses directives de commandement. Le COMBdD peut cumuler ses responsabilités avec d’autres fonctions organiques ou opérationnelles, en particulier le commandement d’une formation administrative ou d’une grande unité. Il peut par ailleurs exercer les fonctions de commandant d’armes ou de commandant d’armes délégué. Il peut enfin exercer les responsabilités de délégué militaire départemental (DMD).

En application des dispositions de l’article R. 3231-9 du code de la défense, sous l'autorité du chef d’état-major des armées, le COMBdD est responsable dans sa base de défense de la coordination des soutiens délivrés par les directions et services interarmées (DSIA) et du secrétariat général des armées (SGA), à l'exception du maintien en condition opérationnelle des matériels. Le COMBdD est l’autorité locale de coordination, de cohérence et de synthèse des besoins de soutien. Il est en effet le seul à disposer d’une compréhension globale à la fois des besoins des unités soutenues et des capacités que les services de soutien locaux sont aptes à délivrer. Le COMBdD est :

acteur du soutien par son insertion dans les processus de soutien, notamment dans les domaines de l’infrastructure, de la politique immobilière et domaniale, de l’action sociale, de la politique du logement, de la restauration et du transport ;

arbitre du soutien dans sa BdD en cas de difficulté nécessitant une décision ou une orientation ;

chef de projet lorsqu’il faut mener à bien un dossier qui concerne l’ensemble de la BdD.

Le COMBdD est également l’un des correspondants du ministère des Armées vis-à-vis de l’environnement de la base de défense, notamment des collectivités locales et territoriales ou des services déconcentrés de l’État. Dans ce contexte local, il met en œuvre les politiques ministérielles de transformation et de modernisation telles que le plan Famille et le plan Hébergement en synchronisant l’action des services de soutien.

Si le COMBdD, intègre et coordonne les soutiens, il ne dispose pas toujours sur eux de la même autorité, dans la mesure où il n’en n’est pas hiérarchiquement le chef, au profit de tous les organismes et unités soutenus par la base de défense. Cette fonction, qu'il cumule parfois avec celle de commandant d'une unité, suivant le principe de la double (voire triple) casquette, exige du commandant de base des capacités d'animation et de persuasion.

 

Le COMBdD interagit au sein d’un environnement relativement complexe, directement avec les opérateurs locaux du soutien situés au sein de la base de défense. Pour mémoire, le COMBdD est en relation constante avec :

– le groupement de soutien de la base de défense (GSBdD), échelon local du service du commissariat des armées (SCA) ;

– les unités de soutien de l’infrastructure de la défense (USID) du service d’infrastructure de la défense (SID) ;

– le centre médical des armées (CMA) du service de santé des armées (SSA) ;

– le centre interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (CIRISI), subordonné à la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) ;

– les bureaux du logement ;

l’antenne locale de Défense mobilité ;

– l’antenne de l’action sociale.

b.   Un rôle revalorisé en 2019 à des fins d’efficacité opérationnelle

Dans un discours prononcé le 18 juin 2020 devant les COMBdD, le général d’armée François Lecointre, alors chef d’état-major des armées, soulignait : « Il est indispensable de défendre cette singularité militaire, clef de voûte de notre efficacité opérationnelle. Cela passe – entre autres – par le rétablissement des responsabilités de chacun via une meilleure déconcentration au profit des acteurs locaux. ».

C’est bien à cette fin que l’instruction ministérielle n° 144 ([38]), texte qui définit le rôle et les missions du commandant de base de défense, a été profondément rénovée un an auparavant, en 2019. Cette IM144 de nouvelle génération promeut la subsidiarité mais aussi une plus grande cohérence entre l’organisation des soutiens et l’organisation territoriale des armées, en introduisant la notion de relation zonale entre le COMBdD et l’officier général commandant de zone de Défense (OGZDS). Cette relation particulière, adossée au maillage territorial des zones militaires, permet de garantir le continuum « structure de paix – structure de crise/guerre ». Le principe de subsidiarité appuyant l’action des COMBdD doit, selon le général Lecointre, permettre de « placer, entre les mains de chefs qui sont les plus proches des réalités, les leviers pour décliner une vision et des directives, et pour favoriser l’initiative ».

L’instruction ministérielle n° 144 dans sa version de 2019 fait ainsi évoluer la réforme des bases de défense de 2010 au profit des chefs opérationnels. Il en a résulté un renforcement de la cohérence locale au sein d’une organisation fonctionnant communément en « tuyaux d’orgue ». Le mouvement de déconcentration fondé sur le principe de subsidiarité doit ainsi permettre de resituer l’état-major dans sa dimension stratégique en réaffirmant et en consolidant ses capacités de prospective, d’arbitrage et de décision sur les sujets opérationnels, capacitaires et organiques.

La réforme de 2019 fait ainsi évoluer le rôle du COMBdD sur plusieurs aspects :

– en cas de circonstances exceptionnelles ou de crise, le COMBdD exerce les attributions dévolues au commandement au titre de l’article R. 3231-8 du code de la défense précité ;

– l’affirmation de nouvelles responsabilités budgétaires dans le domaine des infrastructures avec la création d’un budget pour les travaux d’améliorations mineures (TAM) ;

– un élargissement du périmètre de gestion, puisque le COMBdD préside les conseils d’administration des cercles BdD et qu’il joue un rôle dans le dispositif du plan Famille.

2.   Les trois budgets à la main du COMBdD

Sur le plan budgétaire, le COMBdD est responsable d’une unité opérationnelle (UO), relevant du budget opérationnel de programme « soutien des forces » du programme 178. Au sein de cette enveloppe, il assure le pilotage de trois budgets : celui des infrastructures (maintenance courante et travaux d’adaptation mineure), celui du soutien commun (AGSC) et celui de l’amélioration du cadre de vie (AACV). Par ailleurs, via le comité social, il valide la ventilation des crédits des actions sociales, culturelles et communautaires (ASCC), relevant du programme 212.

Le budget des rénovations et de la construction en matière d’infrastructures est partagé entre les travaux d’adaptations mineures (TAM) et le maintien en condition des infrastructures existantes (MeC). Ce budget est souvent évoqué pour illustrer la faible marge de manœuvre accordée aux COMBdD ainsi que la baisse budgétaire alors que de nouvelles problématiques comme la sécurité et la protection des infrastructures nécessiteraient un investissement financier.

Le budget de soutien commun (AGSC) se réfère à tout ce qui est nécessaire pour faire fonctionner les formations et unités, comme par exemple le transport et les énergies.

L’amélioration du cadre de vie constitue le budget le moins important piloté par le COMBdD. Il vise l’amélioration des conditions de travail et de vie en enceinte militaire.

3.   Les commandants de base de défense ultramarine sont dotés de prérogatives spécifiques au regard de celles de leurs homologues de métropole

Le COMBdD d’outre-mer endosse un statut particulier en tant que commandement supérieur (COMSUP), conformément à l’annexe II de l’instruction ministérielle n° 144 précitée, annexe qui a trait aux spécificités des bases de défense outre-mer et étranger. Le COMBdD ultramarin exerce une double fonction : celle de COMBdD et celle de commandant interarmées (COMIA). À ce titre, et conformément au code de la défense, le COMSUP :

– a autorité sur les formations et éléments de service des trois armées ainsi que des services interarmées stationnés dans les limites territoriales de son commandement ;

– exerce, par ailleurs, lorsqu'elle lui est accordée, une autorité d'emploi sur les organismes locaux relevant des autres directions et services du ministère des armées.

Le fonctionnement des BdD d’outre-mer s’appuie sur des organismes de soutien plus intégrés car les chefs des services locaux sont également autorité hiérarchique. Ainsi, le directeur du commissariat d’outre-mer (DICOM) est également le chef du GSBdD et cumule ces responsabilités. Il en est de même pour le SSA puisque le directeur interarmées du service de santé, à défaut le chef du centre médical interarmées (CMIA), est le médecin-chef de la BdD.

D.   Le CICos, interlocuteur privilégié du comBDD auprès de l’état-major des armées

Organisme de création récente, en date du 1er septembre 2014, le centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) remplace l’ancien centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS). Selon les dispositions de l’instruction ministérielle ([39]) relative aux attributions et à l’organisation du CICoS, l’action du CICoS peut être définie selon deux axes complémentaires :

– assurer la coordination des soutiens, notamment la priorisation au plan local des besoins des organismes soutenus en fonction des capacités de soutien ;

– garantir la qualité du service rendu dans une optique de pilotage interne du dispositif centré sur le bénéficiaire.

Dans le cadre de son action, le CICoS, l’échelon central, est en relation étroite et directe avec les COMBdD, l’échelon local, puisqu’il :

– commande les commandements des bases de défense et anime le réseau des bases de défense ;

– pilote la ressource budgétaire des bases de défense ;

– garantit la qualité du service rendu (QSR) ;

– contribue aux instances de gouvernance et de pilotage ;

– pilote l’action des commandements des bases de défense et des bureaux « stationnement infrastructure » des états-majors de zone de défense dans les domaines de l’infrastructure et de l’immobilier de défense ;

– pilote l’action des commandements de défense dans le domaine « systèmes d’informations et de communication ».

L’arbitrage et la coordination fournis par le CICoS aux COMBdD permettent ainsi une gouvernance efficiente du soutien entre autonomie, souplesse et contrôle, celle-ci étant par ailleurs renforcée par les nouvelles attributions du COMBdD et le maillage territorial actuel.

III.   Une réforme de l’organisation locale des soutiens ayant d’emblée suscitÉ des rÉticences qui tendent À s’estomper

La réorganisation des soutiens a d’emblée suscité de nombreuses réticences, notamment dans l’armée de Terre (1). Elle est désormais un peu mieux acceptée (2) d’autant que persiste une logique de milieu (3).

A.   Des réticences au départ, notamment dans l’armée de Terre

Transversale, la nouvelle organisation des soutiens, déjà pratiquée dans le monde de l'entreprise, est relativement inédite dans l'univers militaire.

La réorganisation des soutiens s’est faite sous fortes contraintes de déflations d’effectifs et a donc suscité de nombreuses réticences au sein des armées. Si cette réorganisation a fait l’objet de mesures correctrices bienvenues, les études se poursuivent pour bien décliner la logique de milieu (Terre, Air, Mer) dans l’organisation générale des soutiens. Outre le fait que la notion de « base » était déjà bien ancrée dans la culture des marins comme dans celle des aviateurs, les difficultés induites par cette réorganisation ont été plus marquées dans l’armée de Terre pour trois raisons principales.

La première est historique. L’armée de Terre s’est constituée depuis la fin du XIXe siècle selon une organisation autarcique en unités au sein desquelles le chef de corps commande selon le célèbre adage « un chef, une mission, des moyens ». Le chef de corps avait alors entre ses mains l’ensemble des leviers opérationnels lui permettant de répondre aux besoins de son unité. Le chef de corps jouait un peu le rôle de « père » du régiment puisque c'était au niveau du corps qu'étaient dupliqués les moyens d'administration et de soutien. L’armée de Terre a ainsi pu percevoir cette réorganisation soutien comme une forme de dépossession de ses moyens et de remise en cause du modèle des « corps de troupe ».

La deuxième raison tient au fait territorial : les unités de l’armée de Terre ont en effet un positionnement plus éclaté, obéissant à une organisation régimentaire, de l’ordre de 1 000 personnes par implantations. En revanche, la marine nationale avait déjà concentré l’essentiel de ses forces auprès de ses bases maritimes, et l’armée de l’Air poursuivait quant à elle la diminution, déjà entamée, du nombre de ses bases aériennes, s'appuyant sur une organisation où la base soutenait les formations stationnées dans son périmètre.

La troisième raison est d’ordre plus identitaire ou culturel. Certains régiments de l’armée de Terre se sont en effet vus rattachés à des bases de défense commandés par l’armée de l’Air ou la Marine alors qu’il n’existe aucune base aérienne ou navale rattachée à une base de défense à dominante « terre ».

B.   Une réforme aujourd’hui un peu mieux acceptée

Si, au départ, la refonte intégrale de l’organisation des soutiens a pu susciter de l’incompréhension, voire de la crainte au sein des armées, celle-ci semble désormais globalement acceptée, appuyée en cela par les récentes évolutions au profit des COMBdD.

L’outil de qualité du service rendu (QSR) permet au COMBdD de faire évaluer cette qualité tous les quatre mois pour chacun des soutiens assurés dans les bases de défense. Au travers de cette évaluation, assortie de commentaires, cet outil fait ressortir les points satisfaisants, les points durs voire les points bloquants qui pourraient empêcher la réalisation de la mission. À la fin de l’année 2018, le taux de QSR était de 83 % pour la fonction restauration, de 75 % pour la fonction transport et de 55 % pour la fonction habillement. In fine, la mesure de la QSR permet d’orienter les efforts des services du soutien selon les besoins et de favoriser le dialogue lorsque des difficultés apparaissent au sein des unités soutenues.

C.   Le maintien d’une certaine logique de milieu

Si la conduite de la réforme des bases de défense en 2010 s’est pleinement inscrite dans la logique de l’interarmisation, l’organisation du soutien à l’échelon local reste – on l’a vu avec les exemples de Cherbourg, de Lyon-Valence-La Valbonne et de Luxeuil-Épinal –, empreinte d’une certaine logique de milieu, et ce pour plusieurs raisons :

– Le soutien étant auparavant propre à chacune des armées, certains processus administratifs internes persistent.

C’est notamment le cas en matière de ressources humaines où la solde et les systèmes d’informations peuvent parfois faire état de différences entre les armées. Néanmoins, cette situation sera certainement lissée dans le temps du fait du mécanisme de rationalisation enclenché : par exemple, en 2019 avec le nouveau logiciel de rémunération Source Solde et, en 2021 avec l’arrivée concrète de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

– Les infrastructures des armées ne répondent pas aux mêmes normes, certaines nécessitant des expertises particulières.

Une base aérienne est à la fois un lieu de casernement et un lieu d’entraînement. De fait, les infrastructures sont conditionnées par l’activité aéronautique et renforcent indirectement cette logique de milieu.

– Le besoin d’identité d’armée qui peut prévaloir sur le sentiment d’interarmisation. L’ancrage d’appartenance (Air, Terre et Merre) reste central dans certains corps du soutien.

IV.   Des interrogations persistantes à l’égard d’une réforme qui reste en cours d’évolution

Si la réforme de l’organisation locale des soutiens semble aujourd’hui un peu mieux acceptée qu’au départ, elle n’en a pas moins suscité un sentiment de déconnexion entre personnels soutenants et personnels soutenus, sentiment alimenté par la grande complexité du système (A). En dépit des efforts notables prévus en loi de programmation militaire pour favoriser la remontée en puissance des effectifs du ministère des Armées, la dégradation du ratio soutenants/soutenus ne peut qu’entraîner la détérioration de la qualité du service rendu. Il convient donc de continuer à appliquer pleinement le volet « remontée en puissance des effectifs » de la LPM au-delà des échéances électorales de 2022 (B). Il convient également de donner sa pleine portée au principe de subsidiarité, tant dans la passation des contrats d’externalisation que dans la gestion des budgets des bases de défense (C). Enfin, le rapporteur juge impératif de faire primer le domaine opérationnel sur les enjeux d’organisation et les objectifs de performance économique (D).

A.   Un sentiment de déconnexion entre « soutenants » et « soutenus » renforcé par la complexité de l’organisation

En 2014, dans son 8e rapport portant sur l’administration des militaires, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire soulignait que « les réformes passées et en cours ont mis à l’épreuve le dispositif administratif et les militaires soutenus eux-mêmes. Si la performance des soutiens, telle que mesurée par les indicateurs est apparemment satisfaisante, ce n’est pas la perception qu’en ont les militaires. Leur moral est en réalité affecté par la dégradation de la qualité de leur administration. Cette détérioration pourrait également dans la durée entamer leur efficacité opérationnelle. Au-delà, cette situation ne serait sans doute pas sans conséquence sur le recrutement et la fidélisation. Elle pourrait enfin faire courir le risque d’une perte de confiance des militaires en leur institution. »

Louvois, système de liquidation de la solde auquel a succédé l’actuel dispositif Source Solde, est emblématique de cette dégradation et de cette perte de confiance. On se souvient de la catastrophe que fut, pour la communauté militaire, le lancement en 1996 par le ministère des Armées de ce logiciel unique ayant vocation à unifier le calcul de la rémunération des militaires des armées françaises, des services communs et des formations rattachées comme la direction générale de l'Armement et la Gendarmerie nationale ([40]).

De même, dans leur rapport d’information du 16 septembre 2020 sur les petits équipements ([41]), les rapporteurs André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon soulignaient « les effets à retardement des grandes réformes structurelles des années 2000 et 2010 » sur ces petits équipements, considérant la crise de l’habillement comme un « cas d’école ». Ainsi, selon nos deux collègues, « l’habillement est un sujet de forts mécontentements, et parfois de tensions locales entre les unités et les membres du service du commissariat des armées. Les problèmes concernent la qualité mais aussi et surtout la quantité de stocks disponibles, les ruptures de stocks étant fréquentes. Cette crise est d’ailleurs parfaitement reconnue par le commandement. (…) Les marins [par exemple], déplorent l’impossibilité de renouveler les effets dont ils ont besoin dans des délais compatibles avec leurs missions et des problèmes de qualité récurrents pour certains effets, notamment les chaussures de sécurité et les « tenues de protection de base », c’est-à-dire la tenue d’uniforme portée habituellement à bord des bâtiments de la flotte. Ce constat est partagé dans les trois armées. »

Nos deux collègues en ont déduit – et le rapporteur souscrit entièrement à ce constat – que l’une des causes majeures d’un tel dysfonctionnement résidait dans « la précipitation des réformes structurelles ». Les auteurs du rapport de septembre 2020 sur les petits équipements soulignent ainsi que « le caractère structurel de la crise de l’habillement tient à l’absence d’un système d’information unique de suivi des stocks et des commandes, alors même que le service du commissariat des armées doit gérer environ 32 000 référencements différents et des effets d’habillement dont les règles de gestion sont très hétérogènes entre les trois armées. Le service a en effet aggloméré les trois commissariats d’armée, dotés chacun de leur propre système d’information. L’informatisation du service s’était alors concentrée sur « la partie haute » de la supply chain, c’est-à-dire sur les entrepôts les plus importants, aux dépens des groupes de soutien de base de défense les plus petits. »

S’appuyant sur ce constat, le ministère a par la suite pris des mesures visant à remédier à ces dysfonctionnements majeurs, en substituant, par exemple, au logiciel Louvois le logiciel Source Solde, sur lequel ont désormais basculé les trois armées. De même, le rapporteur a évoqué plus haut la nouvelle plateforme e-habillement – qui semble relativement donner satisfaction même si le système reste perfectible.

Lors du pilotage de la réforme de l’organisation des soutiens, arbitrage a été rendu de privilégier la performance économique sur la qualité de service et le besoin du destinataire final, ce qui a pu causer des frictions entre soutenants et soutenus ; ces frictions ont été atténuées au fur et à mesure que s’est améliorée cette qualité du service rendu une fois la réforme pleinement appliquée.

Néanmoins, si la création d’un opérateur unique est pertinente dans de nombreux domaines du soutien, la performance économique ne doit pas être nécessairement priorisée lorsqu’elle se fait au détriment des priorités opérationnelles, le budget étant aux mains du soutenant et non du client c’est-à-dire du soutenu.

D’autre part, l’architecture de la chaîne de soutien, fondée sur les principes de mutualisation, d’externalisation et de digitalisation, a également pu compliquer les procédures d’attribution des ressources aux unités soutenues. L’empilement des systèmes d’appel au soutien – Sillage, Eurêka, e-habillement etc. – reflète bien la grande complexité du système.

Quant à l’architecture budgétaire, la réforme a consisté à confier le budget de soutien au soutenant. Si la création d’un opérateur unique est pertinente dans de nombreux domaines, ne pas confier le budget au client revient à réduire sa marge de manœuvre dans l’expression de son besoin. Le risque est grand – et parfois avéré – de voir le soutenant expliquer au soutenu ce dont il a besoin afin de garantir une performance économique du soutien, en dépit des priorités opérationnelles. Face à cette dérive, le rapporteur estime que le rôle du COMBdD est essentiel. Ce rôle est désormais consacré pour les soutiens « administration générale et soutien commun » dont le COMBdD est financeur. Il l’est partiellement pour l’infrastructure, le COMBdD étant le financeur de l’entretien courant et les armées, de l’investissement technico-opérationnel

B.   Une dégradation du ratio soutenants/soutenus qui détériore la qualité du service rendu

Les organismes et services de soutien sont tous confrontés au même problème de ressources humaines, ayant tous des effectifs « taillés au plus juste ». En dépit des efforts notables accomplis dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025 en matière de recrutement, d’attractivité et de fidélisation, le déficit d’effectifs constitue un enjeu récurrent pesant sur l’efficacité et la lisibilité de l’organisation générale des soutiens. Cette situation amène à un état de tension permanent et à des situations parfois incongrues liées à l’absence ou à l’insuffisance de personnel nécessaire.

Le rapporteur citera trois exemples représentatifs de l’enjeu, ancien et récurrent, du manque de ressources humaines au sein des services de soutien.

Si le service de l’énergie opérationnelle (SEO) voit ses effectifs augmenter de +113 ETP entre 2021 et 2025-2026, il manquera néanmoins a minima 160 ETP ([42]) au SEO en 2025 – en plus des 113 ETP assurés dans le cadre de la LPM – pour assurer son contrat opérationnel et la prise en compte de nouvelles missions.

Le service de santé des armées (SSA) fait quant à lui face à un déficit en personnel soignant dans certaines spécialités médicales et paramédicales indispensables à la prise en charge des blessés et malades militaires. C’est particulièrement le cas de la médecine des forces. Le chiffre, largement partagé, de 100 médecins manquants correspond au déficit lissé observé sur une année en médecins généralistes employés en médecine des forces. En parallèle, avec un effet « ciseaux », le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est marqué par un accroissement des besoins (expertise médicale d’aptitude, soutien des activités à risque) associé à une augmentation des effectifs à soutenir.

La dissolution du SPAC, en date du 31 décembre 2020 a également interrogé la problématique du transfert des ressources humaines entre services, celle-ci n’étant pas toujours efficiente au regard de l’accroissement de la charge de travail des soutenants. En effet, si la dissolution du SPAC a été effectuée en transférant les effectifs aux différents repreneurs de ses missions, ce transfert n’a pas concerné les missions de pilotage et de soutien interne du service, disparaissant avec le service lui-même, évaluées à 50 postes.

À cet égard, le rapporteur ne peut qu’encourager l’exécutif à poursuivre la mise en application de la loi de programmation militaire, au-delà des échéances électorales de 2022 afin de combler le manque criant de personnel dans tous les services de soutien.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

C.   Donner toute sa portée au principe de subsidiarité dans la passation des contrats et la gestion des crédits des bases de défense

Le principe de subsidiarité, on l’a vu, a été consacré – s’agissant de la gestion des bases de défense – par la refonte en 2019 de l’instruction ministérielle 144. Il convient de donner toute sa portée à ce principe, que ce soit dans le cadre de la passation des contrats d’externalisation ou dans la gestion des budgets des bases de défense.

1.   Favoriser le tissu économique local dans les contrats d’externalisation

L’externalisation des fonctions de soutien est devenue une formule prisée par le ministère des Armées mais il arrive qu’elle soulève certaines interrogations. Comme le rapporteur l’a expliqué supra, les principales fonctions concernées par l’externalisation sont la restauration, l’habillement, l’hébergement, la gestion des déchets, l’entretien/maintenance ainsi que les loisirs et le soutien à la personne. Initialement, ces externalisations devaient permettre de dégager des marges de manœuvre sur les plans budgétaire et humain tout en réduisant les risques de rupture de service.

Le rapporteur estime que le recours à l’externalisation peut être, dans certains cas, un facteur d’économies et de meilleure qualité de service. Elle est en outre parfois rendue nécessaire par le manque d’effectifs déjà évoqué. Elle pose cependant difficulté :

– lorsque la compétence est perdue par le ministère, qui n’a plus les moyens d’apprécier le marché, ses tarifs, et la qualité de la prestation fournie par les soumissionnaires ;

– lorsque la concurrence est faible ou biaisée ;

– parce qu’elle entraîne une baisse de la résilience du ministère en cas de crise grave, la solution « interne » ayant disparu partiellement ou totalement.

In fine, le bilan des avantages et inconvénients des externalisations semble mitigé. Le rapporteur a identifié trois raisons principales pouvant expliquant ce bilan en demi-teinte :

– des coûts parfois plus élevés que ceux supportés par une gestion en interne ;

– une rigidité dans la nature et le rythme des prestations. Le marché « SOS Dépannage » a permis de soulager la ressource humaine du SID mais les prestations délivrées sont contraintes par les engagements contractuels ;

– une tendance à la centralisation et à la massification des contrats d’externalisation au détriment des prestataires locaux, moins chers et plus souples dans leur prestation.

Ainsi, le rapporteur s’interroge quant à l’efficience de la dépense lors de certains renouvellements de marchés, entraînant des hausses de coût incompréhensibles. C’est notamment le cas du marché de blanchisserie, marché massifié dont la mise en œuvre se manifeste parfois localement par des hausses incompréhensibles (+454 % sur le périmètre de la base de défense de Cherbourg). La politique contractuelle du ministère des Armées, qui vise à réaliser des économies d’échelle par effet volume, semble parfois avoir des effets contre-productifs. Les unités soutenues se plaignent également assez souvent des articles commandés sur le catalogue de l’UGAP, centrale d’achat public permettant notamment l’acquisition de mobilier et de fournitures de bureau : les articles commandés sont souvent chers, livrés dans des délais parfois très longs et avec un service client insatisfaisant.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur estime que le ministère des Armées devrait s’attacher à privilégier, autant que faire se peut, l’échelon local dans le cadre de ses contrats d’externalisation, à la fois en confortant le droit de regard du COMBdD dans la procédure de passation de contrat et en favorisant les prestataires du territoire d’implantation de chaque base. Une telle option permettrait d’assurer une meilleure compétitivité des prix de même qu’une plus grande efficience des prestations. Plus largement, cette solution permettrait de tenir compte, bien davantage que ce n’est le cas actuellement, des spécificités territoriales et organisationnelles, privilégiant les circuits courts sur les labels bio qui peuvent parfois masquer une empreinte carbone désastreuse.

Le rapporteur profitera de cette réflexion sur les externalisations pour formuler une remarque concernant la restauration. La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ([43]), plus couramment appelée loi EGALIM, soulève la question de l’application indifférenciée d’objectifs de restauration au territoire national. En effet, l’obligation d’acheter 80 % des denrées en central, dont 20 % de denrées biologiques, ne semble pas toujours pertinente d’un point de vue économique et social. Le rapporteur estime qu’il eût été préférable de favoriser les circuits courts et de tenir compte des spécificités territoriales, pour la               raison évoquée ci-dessus.

2.   Renforcer les ressources nécessaires au rôle d’arbitre du COMBdD dans le domaine des infrastructures

Le rapporteur estime que le fait d’avoir confié au COMBdD la mission de « prioriser » des opérations de maintien en condition des infrastructures a incontestablement renforcé l’indépendance de l’échelon local et est donc conforme à l’objectif de subsidiarité dans la prise de décision. Il reste que le COMBdD manque souvent des crédits nécessaires pour assumer pleinement son rôle. En effet, dans certaines BdD, les crédits d’infrastructure consacrés à l’entretien couvrent seulement 40 % du besoin exprimé par les unités et ne permettent que de traiter des urgences ou des opérations réglementaires. Dans ce contexte de pression sur les effectifs et les moyens, le COMBdD est chargé de faire au mieux avec les capacités du soutenant pour que les unités opérationnelles puissent remplir leur mission. Il n’est ni « pour » l’USID ni « pour » les unités soutenues mais veille à ce que la « copie finale » soit réaliste pour l’USID en termes de plan de charge et sur le plan financier tout en étant la meilleure possible pour les unités soutenues. La proximité du COMBdD est également un gage d’écoute et de compréhension des besoins exprimés. L’intervention du COMBdD apporte un degré de pertinence et de cohérence à la « copie » qui n’est pas instruite sous le seul prisme de l’efficacité économique ou de la performance du SID.

Moins que le maillage territorial des services de soutien, c’est le degré de subsidiarité accordé aux antennes locales qui interroge le rapporteur. Ainsi, les seuils financiers en deçà desquels le service local a délégation de son échelon régional sont souvent assez bas. De plus, les services exécutants sont insuffisamment nombreux, induisant des retards dans les engagements et paiements, ce qui soulève la question de la résilience des services en cas de crise.

D.   De la nécessité de faire primer l’opérationnel

« Le domaine opérationnel doit primer, et ainsi infuser l’organisation de l’ensemble du ministère. C’est ainsi au commandement militaire que doivent répondre l’administration, le soutien et la logistique. ».

Général d’armée François Lecointre ([44])

En avril 1859, le général Bourbaki télégraphiait au début de la campagne d’Italie : « Il fait froid, nous n’avons ni tentes, ni bidons, ni effets de campements, ni cartouches. Il n’y a point de foin. Absolument rien de ce qui est nécessaire à l’organisation d’une division n’a été envoyé à destination ». Cette désorganisation a atteint son apogée lors de la guerre franco-allemande de 1870. Et dans son rapport au ministre de la Guerre, le député Léon Bouchard, chargé de préparer la loi de 1882 sur l’administration de l’armée déclarait : « On remarqua le défaut de concert entre l’administration et le commandement : on vit deux organisations fonctionner de façon parallèle, sans régler ni mettre d’accord leurs mouvements ».

1.   Faire évoluer la politique de soutiens communs, un enjeu stratégique

Dans son discours, déjà cité, prononcé devant les COMBdD le 18 juin 2020, le général d’armée François Lecointre, alors chef d’état-major des armées, soulignait : « Abandonnant ce qui garantissait la très grande réactivité des armées, on a dissocié le soutien des opérationnels, on a distingué les fonctions de temps de paix de celles du temps de guerre ou de crise, réduisant de facto gravement l’efficacité des armées. Au final, le pouvoir politique pouvant penser que la guerre avait disparu du champ des possibles, des économies furent réalisées en réduisant les capacités de la défense, en recherchant avant tout son efficience, en rationalisant au maximum son fonctionnement, en appliquant des modes d’organisation civils, donc en renonçant à ce qui rendait les armées très singulières et fondait leur efficacité. »

Faisant écho à la réflexion du chef d’état-major des armées, le général d’armée Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), soulignait en avril 2020 dans sa vision stratégique ([45]) la nécessité d’« appuyer le projet du chef d’état-major des armées de faire évoluer la politique de soutiens communs ». Pour ce faire, le CEMAT fixait trois objectifs :

– favoriser le pilotage interarmées des soutiens ;

– proposer des aménagements concrets d’organisation plus intégrée de l’échelon de soutien local (régiment / formation hébergeante) ;

réconcilier les deux logiques de milieu et de métier, qui ne doivent plus être opposées mais considérées comme complémentaires.

Le rapporteur note donc qu’une réflexion est actuellement en cours sur le sujet au sein des états-majors. L’objectif final de l’armée de Terre est d’adosser plus solidement les directions et services interarmées à l’opérationnel. Il est par exemple proposé – en liaison avec l’EMA - d’adapter l’organisation de la chaîne de commandement territoriale ou de développer des initiatives bilatérales à portée locale. L’état-major de l’armée de Terre estime que le fonctionnement simplifié de l’armée doit être un gage d’efficacité et de résilience. En liaison étroite avec l’état-major des armées, l’armée de Terre propose donc d’adapter l’organisation du « C2 territorial ([46]) » et a indiqué au rapporteur qu’elle entendait « développer des initiatives bilatérales à portée locale ». L’armée de Terre va ainsi mener des expérimentations visant à une meilleure convergence entre les chaînes opérationnelles, organiques et soutien.

L’état-major de l’armée de Terre a indiqué que des protocoles de milieu étaient actuellement en cours d’élaboration avec le SCA et le SSA, celui qui concernait le SCA étant quasiment finalisé. On entend par protocole de milieu la contractualisation entre l’EMA et la direction centrale du SCA (DCSCA) des modalités du soutien fourni aux forces par le SCA et les prescriptions génériques de ces dernières ([47]). Comme leur nom l’indique, ces protocoles sont construits selon une logique de milieu, celui-ci conditionnant les prescriptions émises par les formations et la forme de la réponse que le SCA peut apporter. ([48])

De même, l’état-major de l’armée de Terre réfléchit également, en lien avec le SSA, au concept de formation hébergeante. Portée par le projet stratégique du CEMAT, cette notion vise à contribuer, à l’échelon terminal que constitue la formation administrative, au recentrage des organismes du soutien sur leur cœur de métier. À cet effet, les corps hébergeants sont invités à s’assurer que les servitudes induites par le fonctionnement des organismes du soutien, sont autant que possible prises en charge par le corps. Dans les faits, ce concept a donné un nom à des pratiques déjà largement répandues. L’état-major de l’armée de Terre a aussi cherché de nouveaux axes, notamment la mutualisation des correspondants dans certains domaines qui ont souvent révélé des incompatibilités techniques, du fait de la spécialisation des chaînes et systèmes d’informations métiers. L’effet induit par ce travail de formalisation, au-delà des gains quantifiables en temps « cœur de métier », a été un renforcement des liens entre antennes, pôles et formation. Après la première impulsion, sa traduction en protocoles et conventions locales doit cependant rester maîtrisée dans un souci de flexibilité et de valorisation de la bonne intelligence dans le dialogue de commandement de proximité.

Enfin, l’armée de Terre instaure progressivement le dispositif des « lots de réactivité Terre » (LRT ([49])) au sein des 80 régiments dépendant de la force opérationnelle terrestre. Les LRT permettent d’assurer, en lien avec les soutiens interarmées, une autonomie initiale renforcée et une plus grande réactivité des unités à partir des garnisons, l’étape suivante étant l’autonomie initiale pour une compagnie par régiment – soit une centaine de militaires – à l’horizon 2022.

Le rapporteur note que les états-majors mènent actuellement une réflexion sur les enjeux stratégiques liés au besoin renforcé de résilience et sur la façon de faire primer l’opérationnel sur l’organisation sans trop bouleverser à nouveau les structures. Si cette réflexion n’est pas encore pleinement aboutie, elle semble stratégique dans un contexte de résurgence des crises et en vue de la préparation aux conflits de haute intensité.

2.   Une crise sanitaire conduisant à s’interroger sur la résilience des armées en cas de crise de plus grande ampleur

La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité de rapprocher soutenants et soutenus dans une perspective opérationnelle. Le général d’armée François Lecointre déclarait ainsi lors de son discours devant les COMBdD : « La crise covid 19 que nous venons de traverser montre que, au moment où nous fournissons un effort opérationnel majeur, tout ce qui peut apparaître comme « autre qu’opérationnel » est absolument central pour que les armées produisent pleinement leur effet opérationnel. ». De fait, la crise sanitaire, bien que mineure au regard des enjeux d’un conflit de haute intensité, conduit à s’interroger sur la résilience des armées en cas de crise.

Dans un contexte marqué par la multiplication des menaces, la coordination des chaînes hiérarchiques – organique, opérationnelle et de soutien – au sein des armées ainsi qu’entre l’organisation civile et militaire revêt un caractère central, celles-ci étant souvent considérées comme complexes. Les réflexions actuelles sur l’organisation du soutien s’inscrivent dans cette optique et plusieurs modèles ont été expérimentés.

En outre-mer, on l’a vu, les commandants supérieurs (COMSUP) exercent les fonctions de COMBdD et de commandant interarmées (COMIA). Cette organisation spécifique assure ainsi une coïncidence entre les zones de défense et le territoire administratif se traduisant par une fusion des chaînes locales à l’échelle du soutien et des unités militaires. C’est l’une des raisons pour lesquelles le modèle des bases d’outre-mer, s’il ne doit pas forcément être transposé tel quel en métropole, présente un attrait certain dans le cadre de la réflexion en cours sur l’organisation des bases de défense. Le niveau zonal ou le niveau régional peut en effet apparaître comme l’échelon offrant le plus de leviers pour la conception d’une manœuvre et son application, surtout en période de crise. Assurant une cohérence locale renforcée, il permettrait ainsi d’absorber la complexité et de restituer des directives claires, exécutables au niveau local, via les délégués militaires départementaux (DMD), le niveau national restant celui du niveau stratégique. À ce titre, pour certains, la crise sanitaire a confirmé le niveau local comme niveau pertinent et légitime de coordination, notamment en période de crise où les ressources et actions doivent être priorisées et s’appuyer sur un consensus fort des échelons inférieurs.

3.   Une réflexion sur l’organisation locale des soutiens qui se poursuit au ministère des Armées

Au terme de sa réflexion sur les bases de défense, il est d’avis du rapporteur que la réforme de l’organisation locale des soutiens continue d’évoluer positivement pour quitter le dogme de la performance économique et s’ancrer pleinement dans l’impératif stratégique du primat de l’opérationnel. S’il lui est par conséquent difficile de tirer des conclusions définitives à ce stade, il tient toutefois à souligner l’évolution notable qu’a constitué la refonte de l’instruction ministérielle 144 relative aux COMBdD et à insister sur l’importance majeure de la réflexion en cours au sein des états-majors.

Le rapporteur note également que le ministère, s’il a renforcé le rôle du COMBdD – en 2019 –, envisage à nouveau la refonte de plusieurs textes ayant une incidence majeure sur l’organisation des bases de défense.

Il semble ainsi que l’instruction ministérielle n°101 relative à l’organisation du commandement au niveau zonal ([50]), dont la version actuelle date du 1er octobre 2018, soit en cours de réécriture afin de mieux mettre en cohérence les chaînes locales du soutien, organiques et opérationnelles.

Parallèlement, le rapporteur a été informé qu’une réflexion était en cours afin de faire à nouveau évoluer l’IM 144 précitée, réflexion d’autant plus importante que l’année 2021 a coïncidé avec des évolutions notables du fait de la mise en application de la nouvelle architecture budgétaire.


 

Le rapporteur souhaite souligner qu’en dépit des remarquables efforts déployés par différents services de soutien qu’il a pu auditionner, la limite absolue de réduction des effectifs de soutenants a été atteinte.

Le ratio soutenants/soutenus ne peut descendre en dessous d’un certain niveau, sans quoi les armées françaises ne pourraient assurer le très haut niveau de résilience qui les caractérisent actuellement.

Les conséquences en seraient alors particulièrement néfastes, puisque selon les mots du général Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de Terre, « la résilience est indispensable et totalement liée à la haute intensité » ; le durcissement des conflits futurs nécessitant une massification des armées françaises et donc de leur soutien et logistique interarmées.

S’agissant de l’organisation de ces soutiens, le rapporteur souscrit entièrement à la vision de l’ancien chef d’état-major des armées François Lecointre, qui rappelle que « le domaine opérationnel doit primer, et ainsi infuser l’organisation de l’ensemble du ministère. C’est ainsi au commandement militaire que doivent répondre l’administration, le soutien et la logistique.[(2)] »

 


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   Travaux de la commission

I.   Auditions devant la commission

1.   Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

La commission a entendu des membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa séance du mercredi 13 octobre 2021.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/i9iPlP

2.   Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

La commission a entendu les représentants de syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2021.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/8fi2hD

3.   Audition de Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration

La commission a entendu Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du jeudi 14 octobre 2021.

Le compte rendu de cette séance est disponible sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122013_compte-rendu

4.   Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

La commission a entendu les représentants des associations professionnelles nationales de militaires, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du jeudi 14 octobre 2021.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/cxXe4X

 

 


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II.   Examen des crédits

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Claude de Ganay, les crédits inscrits au programme 212 « Soutien et logistique intermarmées » de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2021, au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021.

 

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. L’an dernier, je commençais mon propos en évoquant le service de santé des armées (SSA), compte tenu de sa mobilisation dans le cadre de la crise sanitaire. Je soulignais que ce service ne devait pas être la béquille d’une médecine civile en difficulté – les armées et les services du ministère sont trop souvent mobilisés pour pallier les lacunes du secteur civil. Or je dois réitérer mon propos s’agissant du SSA. Il s’agit d’un service d’une qualité exceptionnelle, qui dispose des meilleurs experts de notre pays, en particulier dans le domaine de la virologie, qui fait l’actualité depuis un an et demi. Avant même la crise sanitaire, le SSA était à la fois en surchauffe et en sous-effectifs, subissant un effet de ciseaux bien connu, dont souffrent d’autres services, comme le service d’infrastructure de la défense. Dans de telles conditions, ce n’est certainement pas au SSA qu’il revient de vacciner les Français.

Venons-en à l’examen des crédits budgétaires dédiés au soutien et à la logistique interarmées dans les programmes 178 et 212.

Compte tenu de l’ampleur du budget sur lequel porte mon avis, je limiterai mon propos aux principaux sujets de l’année 2022. Je tiens à souligner la hausse de 9,7 % en AE et de 16,4 % en CP des crédits du programme 178 et, parmi eux, celle de 9,17 % en AE et de 16,4 % en CP des crédits liés à la « fonction santé » du SSA. Cette augmentation s’explique principalement par la hausse de la dotation pour les équipements, la formation et les approvisionnements en produits de santé. Je note également une hausse de 42 % des crédits dédiés aux infrastructures des systèmes d’information. En revanche, les crédits dédiés au service interarmées des munitions diminuent de 15 % en AE et de 12 % en CP. Le programme 212 sera doté de 1,46 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,26 milliard en crédits de paiement, hors titre 2.

Un certain nombre de restaurants gérés par le service du commissariat des armées (SCA) ont été confiés en concession à l’Économat des armées, avec pour objectifs de moderniser des équipements devenus vétustes et de répondre à un problème de ressources humaines. Si l’alimentation servie par les entreprises partenaires est souvent d’aussi bonne qualité que celle des restaurants restés en régie, le modèle d’externalisation soulève quand même des difficultés pratiques. Un militaire qui finit sa mission au beau milieu de la nuit ne peut pas appeler le concessionnaire pour lui demander de lui préparer un repas, comme il aurait pu le faire auprès de ses camarades militaires du cercle mess. Il doit donc se contenter de paniers-repas ou de plats à réchauffer ne présentant guère de plus-value par rapport aux rations qu’on lui sert en opération.

Par ailleurs, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) impose un certain nombre d’obligations, dont celle d’acheter 20 % de denrées issues de l’agriculture biologique. Cela entraînera un renchérissement des coûts. N’aurait-il pas été préférable de promouvoir les circuits courts et les produits gastronomiques locaux ?

Compte tenu du temps qui m’est imparti et de l’existence d’une mission d’information sur le sujet, je ne reviendrai pas sur le plan Famille, déjà largement évoqué dans mon rapport d’il y a deux ans.

S’agissant de l’immobilier, l’ensemble des acteurs salue le plan hébergement. Je partage ce sentiment de satisfaction. Par ailleurs, la ministre des armées a annoncé le 5 octobre qu’elle avait désigné le groupement conduit par Eiffage SA et Arcade comme attributaire pressenti pour la gestion externalisée des logements domaniaux du ministère, dans le cadre du contrat CEGELOG, rebaptisé Ambition Logements. Le ministère m’a fait part du fait qu’à la suite des discussions avec le groupement nouvellement choisi, la signature du contrat devrait se concrétiser à la fin du mois de janvier 2022.

Le parc domanial de logements du ministère est géré par une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Habitat – anciennement Société nationale immobilière (SNI) –, qui assurera jusqu’en 2022 les prestations de gestion locative, d’entretien et de rénovation. Le contrat CEGELOG prévoit, outre ces prestations, la construction de 2 500 nouveaux logements ainsi qu’un programme de réhabilitation et de rénovation énergétique. Les exigences fixées par le cahier des charges de gestion du parc domanial ont été renforcées. Il me paraît capital d’exonérer le foncier du ministère des contraintes de mixité sociale prévues par le code de la construction et de l’habitation et par le code de l’urbanisme. En effet, il importe de ne pas remettre en cause l’ambition initiale du contrat, à savoir garantir aux familles de militaires, qui sont soumises à l’obligation de mobilité et aux autres sujétions qu’implique la condition militaire, l’accès à un logement dans les meilleures conditions. Un amendement a été adopté au Sénat sur le sujet dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), dont on peut espérer l’adoption définitive avant la fin de la législature. Cette disposition doit entrer dans le droit positif avant la conclusion définitive du contrat CEGELOG.

L’année 2021 a été marquée par le début de la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle indemnité de mobilité géographique. En 2022, le second volet de la réforme se traduira par la création de l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle, qui valorise la participation à l’activité opérationnelle, de la prime de commandement et de responsabilité, qui valorise le commandement et les résultats obtenus, et de la prime de performance, qui rémunère l’expertise technique. Si l’on peut saluer les objectifs de simplification et d’amélioration de la lisibilité de la rémunération des militaires, j’estime que la direction des ressources humaines du ministère doit à tout prix éviter que certains militaires ne soient lésés par ce nouveau dispositif, alors même qu’une grande partie de la communauté militaire a déjà été traumatisée lors de la mise en application du système Louvois, avant Source Solde.

Le 15 juillet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui concerne au premier chef nos militaires. La cour a considéré que les activités des militaires liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions pouvaient se voir appliquer la directive de 2003 relative au temps de travail, dès lors que ces activités n’étaient pas exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate. Cette catégorisation remet en cause l’unicité et la singularité du modèle militaire français et méconnaît profondément la nature de l’activité de nos militaires. Sur les théâtres de l’opération Barkhane, par exemple, les effectifs sont composés à 45 % de personnel de soutien. Il convient donc de rappeler qu’aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, la sécurité nationale est du seul ressort des États membres. Or la jurisprudence de la CJUE, outre les contraintes de gestion considérables qu’elle entraînera, pourrait compromettre l’unité de nos armées.

J’en viens au thème de mon rapport : après avoir traité de Défense mobilité, du service des essences, de la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD), du plan Famille et de la politique culturelle du ministère des armées, j’ai choisi, pour la dernière année de la législature, un thème plus transversal : je vous propose un bilan, dix ans après, de la création des bases de défense.

La création des bases de défense est intervenue dans un contexte de profond bouleversement des ressources humaines du ministère des armées. La réorganisation des services de soutien a été imposée par les réductions massives d’effectifs intervenues jusqu’en 2015. Pendant un temps, il a été envisagé de « civilianiser » le soutien, mais l’idée a finalement été abandonnée au profit d’une complémentarité civilo-militaire, les services de soutien devant être en mesure de remplir le contrat opérationnel.

La création des bases de défense a entraîné une réorganisation complète et radicale des soutiens à l’échelon local, dans une perspective de performance et d’économies. Cette réorganisation s’est appuyée sur une logique de mutualisation et sur la création, en deux phases, de chaînes de soutien professionnelles et expertes. La mutualisation des soutiens s’est accompagnée d’un double processus d’externalisations et de numérisation.

Si les bases de défense ont été constituées selon un modèle unique, chacune des cinquante-cinq bases, dont quarante-cinq sont situées en métropole, présente d’importantes spécificités territoriales. Il y a en outre, dans la cartographie des bases de défense, deux cas particuliers : l’Île-de-France et l’outre-mer. En Île-de-France a subsisté jusqu’à la fin de l’année 2020 le service parisien de soutien de l’administration centrale (SPAC). Outre-mer, le commandant de base de défense a également la casquette de commandant supérieur et a autorité sur les formations et éléments de service des trois armées ainsi que sur les services interarmées stationnés dans les limites territoriales de son commandement.

Dans chaque base, le commandant de base de défense (COMBdD) est un acteur pivot responsable de la coordination des soutiens. Il est l’autorité locale de coordination, de cohérence et de synthèse des besoins de soutien. Son rôle a été nettement renforcé en 2019 à des fins d’efficacité opérationnelle. Ainsi, a été introduite dans les textes la notion de relation zonale entre le commandant de base de défense et l’officier général commandant de zone de défense. Cette relation particulière, adossée au maillage territorial des zones militaires, permet de garantir le continuum entre structure de paix et structure de crise ou de guerre.

La réforme de 2019 fait ainsi évoluer le rôle du COMBDD sur plusieurs aspects. En cas de circonstances exceptionnelles ou de crise, il exerce les attributions dévolues au commandement. De nouvelles responsabilités budgétaires dans le domaine des infrastructures lui ont également été confiées, avec la création d’un budget pour les travaux d’améliorations mineures. Le périmètre de gestion du COMBdD a été élargi, notamment en lui accordant la présidence des conseils d’administration des cercles BdD. Enfin, le centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) est l’interlocuteur privilégié du COMBdD auprès de l’état-major des armées.

Cette réforme a suscité au départ des réticences importantes, surtout dans l’armée de terre. La première raison est d’ordre historique : depuis la fin du xixe siècle, l’armée de terre s’est constituée selon une organisation autarcique, en unités au sein desquelles le chef de corps commande selon le célèbre adage « un chef, une mission, des moyens ». La deuxième raison tient au fait territorial : les unités de l’armée de terre ont un positionnement plus éclaté que l’armée de l’air et la marine, obéissant à une organisation régimentaire. La troisième raison est d’ordre culturel. Certains régiments de l’armée de terre se sont en effet vus rattachés à des bases de défense commandées par l’armée de l’air ou par la marine, alors qu’aucune base aérienne ou navale n’a été rattachée à une base de défense à dominante « terrestre ».

La réforme semble désormais mieux acceptée, si l’on en croit les sondages réalisés à l’aide de l’outil de mesure de la qualité du service rendu (QSR), qui est à la main du commandant de base de défense. Il perdure quand même dans les bases de défense une logique de milieu, notamment dans le domaine des infrastructures, où chaque armée répond à sa propre logique.

La réforme des bases de défense paraît inachevée et continue à soulever des interrogations. Tout d’abord, si la réforme semble un peu mieux acceptée qu’au départ, elle n’en a pas moins suscité un sentiment de déconnexion entre personnels soutenants et personnels soutenus – sentiment alimenté par la grande complexité du système. Ensuite, en dépit des efforts notables prévus en loi de programmation militaire pour favoriser la remontée en puissance des effectifs du ministère des armées, la dégradation du ratio entre soutenants et soutenus ne peut qu’entraîner une détérioration de la qualité du service rendu.

Si je me félicite de la remontée en puissance permise par la loi de programmation militaire, en particulier en faveur de l’amélioration des conditions de vie des militaires, je m’abstiendrai de voter le budget compte tenu des incertitudes quant aux besoins en crédits au-delà de 2022.

Mme la présidente Françoise Dumas. Quel dommage !

Mme Patricia Mirallès. Je trouve moi aussi fort dommage pour nos militaires que vous vous absteniez.

Le programme 212 concerne le cadre de vie et d’exercice de nos forces. La restauration et l’hébergement ont à cet égard une place centrale. Les indicateurs soulignent une maîtrise des coûts de ces deux fonctions durant les dernières années. Toutefois, existe-t-il une différence, en termes d’efficience, entre les services de restauration délégués et ceux gérés en interne ? Le ministère des armées mène depuis 2020 une politique de concession à l’Économat des armées de services exploités en régie. À terme, soixante-treize restaurants seront concernés. Cette méthode permet de réintroduire la qualité de service et la maîtrise des coûts qu’apporte souvent la gestion en interne, tout en permettant dans de nombreux endroits le développement d’une alimentation saine et locale. Cette politique me semble donc être la bonne, tant pour les finances que pour les forces elles-mêmes. Elle a vocation à devenir un modèle pour l’ensemble des restaurants de nos armées.

M. Jean Lassalle. A-t-il été tenu compte, sur le plan logistique, du retrait de l’opération Barkhane, annoncé en juin par le Président de la République et qui se traduit notamment par la fermeture de trois des huit bases françaises au Mali ?

Comme ma voisine Mme Mirallès semble surveiller de près qui vote le budget, je tiens à la rassurer : pour ma part, je le voterai. En revanche, je ne suis pas sûr de réussir à entraîner mon groupe. Notre président, en particulier, est très préoccupé par la question des harkis, qui relève du premier thème abordé ce matin, avant quand j’arrive. Pour augmenter mes chances de convaincre mon groupe, peut-être pourriez-vous dissiper les inquiétudes à ce propos ?

Mme Isabelle Santiago. Les investissements en faveur de la rénovation des logements se voient désormais sur le terrain. Il reste à développer les circuits courts, qui peuvent contribuer au bien vivre des militaires. Quoi qu’il en soit, au vu des très nettes améliorations observées, mon groupe – que j’ai réussi à convaincre – votera cette partie du budget.

M. Charles de la Verpillière. Les logements militaires entrent-ils dans les quotas de logements sociaux fixés par la loi SRU, à savoir 20 % ou 25 % autour des grandes métropoles ? Pourrions-nous avoir une note sur ce point ?

M. Gérard Menuel. Il serait bon d’accroître les relations avec les villes marraines. Cela permettrait d’améliorer la qualité du logement des militaires, notamment pour les gradés. Cette évolution a déjà été amorcée. Elle correspond à une demande des militaires.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Madame Mirallès, le nouveau dispositif permet effectivement une modernisation des équipements. Toutefois, il faut absolument conserver des restaurants en régie, notamment pour des raisons de veille opérationnelle et de disponibilité. La question est très fréquemment abordée par l’ensemble des militaires.

En ce qui concerne la différence de coût entre les deux systèmes, je ne sais pas si un bilan global a été réalisé. Un certain nombre des COMBdD interrogés ont évoqué des surcoûts notables, quand d’autres ont réussi à maintenir un prix identique. Des différences importantes sont donc observées.

Mme Patricia Mirallès. Il semble que trente-sept restaurants aient choisi de réinternaliser le service.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Cela s’explique soit par un non-respect du contrat soit par des surcoûts.

Monsieur de La Verpillière, en l’état du droit, les programmes de construction de logements pour les militaires devraient inclure la construction de logements sociaux lorsque le plan local d’urbanisme (PLU) le prévoit. L’amendement adopté par le Sénat exclut les logements domaniaux construits pour les militaires des résidences principales prises en compte dans le calcul du taux de logements sociaux prévu par la loi SRU.

M. Charles de la Verpillière. La question mériterait une note.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. En effet. Il faudra aussi exempter des servitudes de mixité sociale les sites concernés.

Mme la présidente Françoise Dumas. M. le rapporteur nous fera une note précise sur la question pour nous éclairer, car nous sommes tous concernés.

M. Jean-Louis Thiériot. Si ces logements entraient dans le quota, les maires s’engageraient plus volontiers dans des programmes de construction de logements sociaux incluant des habitations réservées aux militaires. Il serait bien que nous en ayons la certitude.

M. Jean-Jacques Bridey. Si les logements destinés au ministère des armées sont construits par un opérateur HLM, ils entrent bien dans le quota. La semaine dernière encore, Mme la ministre a inauguré à Saint-Mandé un ensemble de logements sociaux réservés pour moitié aux militaires, bâtis sur une ancienne emprise foncière de l’hôpital Bégin. Ces logements sont gérés par une société HLM et ils seront intégrés dans le pourcentage de logements sociaux de la ville de Saint-Mandé.

Mme la présidente Françoise Dumas. Quoi qu’il en soit, nous aurons tous besoin d’un éclaircissement à propos de l’amendement adopté par le Sénat.

M. Fabien Lainé. Quand j’étais maire, j’ai fait construire une grande résidence dans laquelle un tiers des logements sociaux étaient destinés aux militaires. Cela a permis notamment d’introduire de la mixité. Il y avait tout intérêt à ce que ce soient des logements sociaux : quand des officiers sont mutés et arrivent avec leur famille dans une grande ville comme Toulon, Bordeaux et Paris – et même Arcachon –, très souvent ils n’ont pas les moyens d’accéder au parc immobilier classique. J’ai étudié la question dans le cadre du rapport d’information que nous avons consacré, avec Laurent Furst, à la politique immobilière du ministère des armées.

Mme la présidente Françoise Dumas. L’accès au parc social dépend quand même du niveau de revenus des ménages.

M. Fabien Lainé. Certes, mais je parle ici des logements en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), en prêt locatif social (PLS) et en prêt locatif à usage social (PLUS). Les sous-officiers et officiers ayant des enfants répondent très généralement aux critères d’attribution. Ce n’est pas le cas de certains officiers généraux, mais leur nombre est marginal.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Madame Santiago, je confirme que le plan famille est remarquablement bien accueilli par l’ensemble des militaires. Il constitue une avancée considérable.

Monsieur Lassalle, je vous renvoie vers Mme la ministre : elle sera plus en mesure que moi de vous donner des précisions sur la fermeture des trois bases au Mali.

Monsieur Menuel, je partage votre préoccupation concernant la qualité des logements. Nous espérons que les nouveaux contrats seront à la hauteur : l’amélioration de la qualité est précisément l’un de leurs objectifs.

 

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.

M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.

Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.

En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.

La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.

La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.

S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.

Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.

Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.

Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !

Le groupe La République en marche votera ce budget.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.

Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.

D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.

Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.

Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.

Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.

Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.

La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.

Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.

Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.

Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.

Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.

Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.

Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.

Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.

Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.

Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.

Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.

Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.

Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.

Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?

Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.

La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.

Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.

Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 –  destinés à nos gendarmes.

Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.

Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.

Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.

Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.

M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.

C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.

Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.

La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.

De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.

La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.

Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.

Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?

L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.

Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.

Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.

M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.

M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.

Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !

M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !

M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.

Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.

Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.

Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.

Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.

La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.

Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.

Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.

*

*     *

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Défense ».

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit ici d’une question dont on parle beaucoup : le prix du pétrole. Nous proposons d’augmenter la dotation en gazole, compte tenu des incertitudes géopolitiques et de la hausse du prix du baril.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). Je suis plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente chaque année.

Un dispositif spécifique du service de l’énergie opérationnelle permet d’atténuer les variations annuelles du cours du baril et le compte 901 « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires » permet de constituer des stocks de carburants grâce à un découvert autorisé de 125 millions. La gestion de sa trésorerie est donc très proactive.

M. Fabien Gouttefarde. Mme Santiago est envoyée au charbon par son groupe mais, en effet, cette argumentation est répétée chaque année. L’article 5 de la loi de programmation militaire votée au début de la législature prévoit un mécanisme en cas de forte hausse des cours du pétrole.

Notre groupe vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN4 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis dans les douze mois à compter de la promulgation de la loi sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces-dissuasion). Si vous le permettez, je donnerai également un avis sur cet amendement et sur celui à venir, le II-DN9.

Depuis 2017, la réponse est identique. Mon prédécesseur Jean-Charles Larsonneur l’a donnée, comme je l’ai donnée l’année dernière. Lorsque nous jugeons qu’il est nécessaire de le faire, nous auditionnons des industriels et toutes les personnes que nous souhaitons. Je ne vois donc pas l’utilité d’un rapport global. En revanche, notre commission pourrait se saisir de points particuliers et auditionner le délégué général pour l’armement afin de les lui soumettre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN5 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis afin d’évaluer nos équipements, notamment leurs coûts par rapport à ceux de nos alliés européens et au sein de l’OTAN.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Dans notre rapport sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, M. Fiévet et moi-même avions souligné combien les budgets doivent être lisibles quant aux actions menées dans les domaines de la biodiversité, de l’énergie et de l’environnement. Là encore, nous demandons un rapport sur ces questions.

Telle qu’elle est, la rédaction de cet amendement est problématique puisque nous demandons un rapport chiffré et l’inscription d’une ligne budgétaire transversale. Quel que soit votre vote, je le représenterai en séance publique dans une rédaction différente.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je m’associe aux propos de M. Gouttefarde. Nous verrons en l’occurrence ce que Mme la ministre dira dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. Charles de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante !

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Avis favorable.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Pareillement, pour nos marins !

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Abstention !

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 


—  1  —

   Annexe :
Auditions du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

  M. le général de division Philippe Gueguen, du commandant du Centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) ;

  Service de santé des armées (SSA) – M. le médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux, directeur central, M. le médecin général Frédéric Honoré, sous-directeur « politiques des ressources humaines » à la direction centrale, M. le médecin général Éric Valade, chef de la division Expertise et Stratégie Santé de Défense, adjoint au directeur central, M. le médecin général Jacques Margery, chef de la division Anticipation Stratégie, M. le médecin chef des services Didier Lanteri, adjoint au chef de la division Opérations, officier général Relations internationales, Mme le commissaire de première classe Clara Deux, officier cohérence à l’état-major de la direction centrale ;

  Ministère des Armées, Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA)  M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur, et M. Stéphane Riquier, chargé de mission ;

  M. le colonel Nicolas Brun de Saint Hippolyte, commandant de la base de défense (COM BdD) Lyon Valence La Valbonne ;

  Service d’infrastructure de la Défense (SID) ‒ M. l’ingénieur général hors classe Franck Plomion, directeur central, M. l’ingénieur en chef de première classe Philippe Vergez, sous-directeur des investissements d’infrastructure ;

  Direction des ressources humaines du ministère des Armées ‒ M. le contrôleur général des armées Thibaut de Vanssay, directeur des ressources humaines, M. Christophe Chauffour, chef du service de la politique des ressources humaines, et M. Nicolas Thivet, chargé de mission auprès du directeur et M. Jean-Charles Cottez, directeur de projet Plan Famille ;

  M. le colonel Arnaud Bouilland, commandant de la base aérienne 116 de Luxeuil et commandant de la base de défense (COMBdD) d’Épinal-Luxeuil ;

  Service du commissariat des armées – M. le commissaire général hors classe Philippe Jacob, directeur central, l’administrateur civil hors classe Frédéric Crenicy, sous-directeur performance-synthèse (SDPS).  M. le commissaire en chef de première classe Eudes Ramadier, chef de bureau planification budget de la sous-direction performance synthèse ;

  Service interarmées des munitions (SIMu) ‒ M. le général de brigade Noël Olivier, directeur, et M. le colonel Étienne Gourdain, directeur adjoint ;

  Service de l’énergie opérationnelle (SEO) ‒ M. l’ingénieur général de première classe Jean-Charles Ferré, directeur, chef de la division énergie opérationnelle de l’état-major des armées, M. l’ingénieur général de deuxième classe Jérôme Lafitte, directeur adjoint du service de l’énergie opérationnelle, M. l’ingénieur en chef de première classe Olivier Roussel, chef du bureau pilotage-performance ;

  M. le capitaine de vaisseau Laurent Bechler, adjoint au commandant d’arrondissement maritime de la Manche et de la mer du Nord, commandant de la base de défense (COMBdD) de Cherbourg.

 


([1]) CEGeLog : Contrat d’Externalisation pour la Gestion des Logements domaniaux du Ministère des Armées

([2]) Préparation et emploi des forces – Forces terrestres : Mme Sereine Mauborgne ; Préparation et emploi des forces – Marine : M. Didier Le Gac ; Préparation et emploi des forces – Air : M. Jean-Jacques Ferrara.

([3]) Créé par la DRM, le Réseau Artère 3R (A3R) est un réseau métier spécifique au renseignement et dédié au besoin d’échange de donnée issues du renseignement d’origine électromagnétique. Il a désormais vocation à s’ouvrir à des données issues d’autres domaine (imagerie, cyber, humain) pour devenir l’intranet du renseignement. Son déploiement partout où les forces opèrent est un enjeu majeur pour que ces dernières disposent à temps des renseignements multi-source utile à la réussite des opérations et à la préservation de leur potentiel humain et matériel.

([4]) Comme l’indiquait le général de corps d’armée Jean-François Ferlet lors de son audition du 9 mars 2021 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, « le programme Artemis a pour ambition de fournir le socle technique nécessaire pour accueillir les outils d’intelligence artificielle. Sur le plan humain, une restructuration interne vise à concentrer autour des thématiques et des zones géographiques outre les analystes, des experts de la recherche, des data scientists, des experts de l’IA. »

([5]) http://www.senat.fr/rap/r19-501/r19-501.html, le rapport d’information traite du « Suivi de l’action du service de santé des armées pendant la crise sanitaire ».

([6]) Le rapporteur a déjà évoqué dans son avis budgétaire de l’an dernier la surutilisation des capacités du SSA. Il renvoie donc le lecteur à cet avis.

[(1)] 

([7]) Pour mémoire, une opération qui serait trop importante au regard de son coût total pour être réalisée en une seule fois, peut être découpée en tranches fonctionnelles. Chaque tranche doit constituer un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction. 

([8])  Selon les informations fournies au rapporteur, en 2020, ce montant était de 125 millions d’euros.

([9]) 60 camions citernes de nouvelle génération en version « transport protégé » et 84 en version « ravitailleur ».

([10]) Le Scania CCP10 est un camion-citerne transportant du carburant fabriqué pour la partie châssis par le constructeur suédois Scania dans une usine d'Angers et, pour la partie pétrolière, par la compagnie française Lafon pour l'armée française. Il est désigné également sous le nom de camions-citernes polyvalents de grande capacité et camion citerne polyvalent pour ravitaillement carburant.

([11])  Les opérateurs d’importance vitale (OIV), tels que définis par l’art. L1332-1 du Code de la défense, sont « les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation. » A ce titre, ils bénéficient du dispositif de sécurité des activités d’importance vitale (SAIV) prévu par l’instruction générale interministérielle n°6600

([12]) Le terme de « flotte blanche » fait référence aux véhicules de couleur blanche dédiés au transport des personnels et aux liaisons.

([13]) Les bases de défense font l’objet de la seconde partie du présent avis budgétaire.

([14]) DA n° 2015-1545 du 27 novembre 2015.

([15]) DA n° 2016-1652 du 2 décembre 2016.

([16]) Couverture pour les OPEX et MISSINT : DA n° 2017-1 182 du 20 juillet 2017 (643,20 M€) ; DA n° 2017-1 639 du 30 novembre 2017 (237,80 M€).

([17]) DA n° 2017-1182 du 20 juillet 2017, DA n° 2017-1639 du 30 novembre 2017.

([18]) Ouverture de crédits par la LFR n° 2018-1104 du 10 décembre 2018.

([19]) Ouverture de crédits par la LFR n° 2019-1270 du 2 décembre 2019.

([20]) CEGeLog : Contrat d’Externalisation pour la Gestion des Logements domaniaux du Ministère des Armées

([21]) Celles versées au personnel concerné par les mesures de restructuration sont exclues du périmètre de l’action 6 et supportées par l’action 10 « Restructurations ».

([22]) 8e rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, 2014.

([23]) Loi de programmation des finances publiques.

([24])  Le rapporteur note qu’afin de permettre au SIMu de remplir son contrat opérationnel, et au regard du contexte stratégique et politique, la nécessité d’augmenter les effectifs du SIMu a bien été prise en considération dès 2017.

([25]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B4076.html

([26]) Cf. la première partie du présent avis budgétaire.

([27]) Cf. infra le C du II.

([28]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L15B1306-tIII.html#_Toc256000023

([29]) Ces espaces, installés à proximité des lieux de travail des soutenus, constituent un point d’accueil, de service et d’accompagnement sur une vaste palette de prestations et démarches administratives, allant de la solde à l’habillement, aux changements de résidence, au renouvellement de passeports ou encore aux loisirs.

([30]) Dans la perspective d’une telle évolution, l’accessibilité sur internet et sur téléphone mobile de la plateforme EUREKA soulève la question de la création d'un espace personnel, celui-ci étant pour le moment incompatible avec l'usage d’une borne en libre-service en raison des problèmes de sécurisation des données personnelles.

([31]) Système dont le développement est porté par la direction générale de l’armement (DGA) en raison des qualités d’expertise de cette dernière.

([32]) Les commandants de formation administrative sont responsables de l'administration intérieure de leur formation. Les formations administratives sont les corps de troupe de l'armée de terre, les formations de la marine, les bases aériennes, les régions de gendarmerie et les organismes administrés comme tels. D'autres organismes ou formations peuvent leur être rattachés pour leur administration (article R3231-10 du code de la Défense).

([33]) Comme précisé par l’instruction ministérielle n°144, le COMBdD dispose d’un état-major réduit communément dénommé « passerelle », dont le personnel est répertorié sur le REO de l’organisme CICoS. La passerelle se compose en principe du commandant, d’un secrétariat ou cellule management de l’information (CMI), d’une cellule coordination et d’aide à la décision ainsi que d’une cellule d’information et d’accompagnement des familles (CIAF).

([34]) En raison de la présence des écoles militaires de santé de Lyon-Bron.

([35]) Cf. la première partie du présent avis budgétaire.

([36]) Il n’y a toutefois aucune unité militaire dans cet arrondissement.

([37]) Cf. infra.

([38])  Instruction ministérielle 144 n°001267 / ARM du 28 février 2019.

([39]) Instruction ministérielle n°100/DEF/EMA/SC_PERF/BCS relative aux attributions et à l’organisation du centre interarmées de coordination du soutien, du 17 avril 2015.

([40]) Le développement du logiciel a été marqué par plusieurs échecs, relances, et réorientations entre 2001 et 2011. Il est entré en service en avril 2011, dans un premier temps uniquement pour les militaires du service de Santé des armées. Le 26 novembre 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, a annoncé que ce système très décrié serait finalement abandonné.

([41]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B3346.html#_Toc256000019

([42]) L’indication de 160 ETP est estimée à partir de l’évolution des missions du SEO, engendrant des besoins de personnels croissants dans 5 domaines à savoir : la transformation du service, la consolidation du service (encadrement des dépôts, protection NRBC, consolidation du processus des systèmes d’informations et de communication, revalorisation de la fonction achat, etc.), l’amélioration de la prise en compte du risque environnemental, la prise en compte des nouvelles menaces notamment cyber et enfin, le contrat opérationnel. Les besoins estimés en matière de ressources humaines vont faire l’objet de fiches de mesures. Par ailleurs, l’émergence des nouveaux matériels notamment dans le cadre du programme SCORPION, devrait accroître encore plus les besoins de personnels du SEO.

([43]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([44]) Audition du 7 juillet 2021 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2021074_compte-rendu#

([45])  http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/files/SIRPA_Vision_Strat_CEMAT_WEB.pdf

([46]) C2 : Commandement et conduite des opérations

([47])  Ces protocoles font aussi apparaitre de façon de plus en plus détaillée la contribution que l’armée considérée doit fournir au SCA (essentiellement en termes de préparation opérationnelle de ses personnels, voire en « soutien inversé » c’est-à-dire en renforts ponctuels vers le SCA pour l’aider à honorer un besoin inopiné le mettant en tension). Ces documents de niveau central sont la souche des contrats de soutien locaux qui formalisent le soutien que le SCA doit assurer au profit des formations au sein de chaque BdD et dont le COMBdD est le garant.

([48])  La logique de milieu devrait aussi prévaloir dans la construction des plans de rattachement des formations administratives aux BdD afin de privilégier la proximité culturelle à la proximité kilométrique.

([49]) Il s’agit de la livraison de stocks logistiques nécessaires à l’équipement d’une section d’environ 30 personnes, permettant à chaque régiment d’agir en temps réflexe (c’est-à-dire en moins de 6 heures) dans le périmètre de sa garnison. Les besoins logistiques recouvrent les domaines de l’alimentation, des équipements individuels (trousse de santé, système d’information et de communication, bâton de défense télescopique, diffuseur lacrymogène, optique, etc), et de la protection NBRC (cartouche filtrante, gants, tenue, chaussettes) et balistique (jeu de plaque de classe 4). S’y ajoute également le soutien munitions et carburant.  

([50])  Instruction ministérielle n° 101/ARM/EMA/SC PERF relative à l'organisation du commandement au niveau zonal, le 1er octobre 2018.

[(2)] Audition devant la Commission de la défense nationale et des forces armées du 7 juillet 2021