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Nos 105 et 106

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 juillet 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ( 98) ET SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ( 99) ADOPTÉS PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE  
pour la régulation de la vie publique

PAR MME Yaël BRAUN-PIVET

Députée

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Voir les numéros :

Sénat : 580, 581, 602, 607, 608, 609, T.A. 113 et T.A. 114 (20162017)

Assemblée nationale : 98, 99

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION....................................................... 13

I. le renforcement des garanties de probitÉ dans l’exercice des mandats Électifs

1. Les mesures en matière de prévention des conflits d’intérêts

2. Le contrôle renforcé du respect de leurs obligations fiscales par les membres du Gouvernement et les parlementaires

3. L’introduction de nouvelles sanctions en cas d’atteinte à la probité

4. Le renforcement des moyens de contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

II. la réforme des conditions d’exercice du mandat parlementaire

1. La suppression de la réserve parlementaire

2. La prise en charge des frais de mandat

3. L’interdiction des emplois familiaux de collaborateurs

III. une protection renforcée des collaborateurs parlementaires

1. La reconnaissance d’un statut des collaborateurs parlementaires

2. Une procédure de licenciement des collaborateurs familiaux plus protectrice

3. La clarification du dispositif de licenciement des collaborateurs en raison de la cessation du mandat parlementaire

4. La création d’un parcours d’accompagnement personnalisé des collaborateurs licenciés pour un motif autre que personnel

IV. L’amÉlioration du financement de la vie politique

1. Les mesures d’encadrement du financement de la vie politique

2. La création d’un médiateur du financement des candidats et des partis politiques

3. La création d’une banque de la démocratie

V. DES DISPOSITIONS ADDITIONNELLES SANS LIEN DIRECT AVEC LE PROJET DE LOI INITIAL

Audition de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et discussion générale

EXAMEN des articles du projet de loi

Titre ier Dispositions RELATIVES À LA PEINE D’inéligibilité en cas de crimes ou de manquements à la probité

Article 1er (art. L.441 [nouveau] L. 340 du code électoral) Élargissement du champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité

Article 1er bis A (nouveau) (art. 12 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Suppression d’une double incrimination pour la divulgation illégale de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Article 1er bis (supprimé) (art. 432-12 du code pénal) Modification de la définition du délit de prise illégale d’intérêts

Article 1er ter (supprimé) (art. L. 228 du livre des procédures fiscales) Limitation de l’application du « verrou de Bercy »

Titre ii dispositions relatives À la prévention des conflits d’intêrets

Article 2 (art. 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Prévention et traitement des conflits d’intérêts des parlementaires

Article 2 bis A (supprimé) Encadrement des conflits d’intérêt dans la fonction publique

Article 2 bis (supprimé) (art. 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Registre des déports des membres du Gouvernement

Article 2 ter A (supprimé) (art. L. 1 du livre des procédures fiscales [nouveau]) Interdiction pour le Gouvernement d’adresser des instructions dans le cadre de la délivrance de l’attestation fiscale

Après l’article 2 ter A

titre ii bis a (supprimé) dispositions relatives À la déontologie des fonctionnaires

Article 2 ter B (supprimé) (art. 25 undecies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires [nouveau]) Interdiction pour un ancien fonctionnaire d’exercer des activités de conseil en lien avec sa précédente fonction pendant une durée de trois ans

Article 2 ter C (supprimé) (art. 25 duodecies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires [nouveau]) Interdiction pour un fonctionnaire d’exercer une mission de service public en lien avec une précédente activité pendant une durée de trois ans

Article 2 ter D (supprimé) (art. 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Encadrement de l’activité de représentant d’intérêts

Article 2 ter E (supprimé) Rapport du Gouvernement sur le remboursement des indemnités perçues par certains fonctionnaires au cours de leur scolarité

Après l’article 2 ter E

TITRE II BIS  DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

Article 2 ter (art. L. 4122-8 du code de la défense, L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative, art. L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières, art. L. 139 B du livre des procédures fiscales, art. 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Délai de transmission d’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Article 2 quater (art. 6 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Exercice d’un droit de communication direct par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Après l’article 2 quater

titre III Dispositions relatives aux emplois de collaborateur parlementaire À l’assemblée nationale et au sénat, de collaborateur de ministre et de collaborateur d’élu local

Article 3  Interdiction de l’emploi de membres de la famille des élus et des membres du Gouvernement – conséquences juridiques et financières

Après l’article 3 et article 3 bis (art. 8 bis A [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Conditions d’emplois des collaborateurs parlementaires

Article 3 ter (supprimé) (art. 9 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l’État, art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale et art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires de la fonction publique hospitalière) Accès des collaborateurs parlementaires aux concours internes des trois versants de la fonction publique

Article 4 (art. 8 bis [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Interdiction de l’emploi de membres de la famille des parlementaires – conséquences juridiques et financières

Après l’article 4

Article 5 (art. 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) Interdiction de l’emploi de membres de la famille des élus locaux – conséquences juridiques et financières

Article 5 bis (nouveau) (art. 122181 et L. 163144 [nouveaux] du code des communes de la Nouvelle-Calédonie) Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » aux autorités territoriales de Nouvelle-Calédonie

Article 5 ter (nouveau) (art. 72-6 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements administratifs) Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » aux autorités territoriales de Polynésie française

Article 6  Modalités du licenciement des collaborateurs « familiaux » de parlementaires ou d’autorités territoriales

Article 6 bis Accompagnement des collaborateurs parlementaires licenciés

TITRE IV  DiSPOSITIONS RELATIVES À L’INDEMNITÉ DES MEMBRES DU PARLEMENT

Article 7 (art. 4 sexies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, art. L. 1362 du code de la sécurité sociale, art. 81 du code général des impôts) Définition par chaque assemblée parlementaire des règles relatives au remboursement des frais de mandat de ses membres

Article 7 bis (art. 80 undecies du code général des impôts) Imposition des indemnités de fonction complémentaires versées à certains parlementaires exerçant des fonctions particulières

TITRE IV bis A DiSPOSITIONS RELATIVES À la nomination DES MEMBRES DU Gouvernement

Article 7 ter A (art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Procédure préalable à la nomination des membres du Gouvernement

TITRE IV bis DiSPOSITIONS RELATIVES aux frais de réception et de représentation des membres du gouvernement ainsi qu’à leur situation fiscale

Article 7 ter B (supprimé) (art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Conditions de prise en charge des frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement

Article 7 ter (art. 9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Extension du champ de la procédure de vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement

Après l’article 7 ter

titre v dispositions relatives au financement de la vie politique

Chapitre Ier  Dispositions applicables aux partis et groupements politiques

Avant l’article 8

Article 8 (art. 11, 11-1, 11-2, 11-3, 11-3-1 [nouveau], 11-4, 11-5, 11-7, 11-8, 11-9, 11-10 [nouveau] et 19 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie publique, art. 10 de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats) Règles de financement des partis et groupements politiques

Après l’article 8

Article 8 bis (supprimé) (art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) Possibilité pour les parlementaires de ne pas contribuer au financement des partis politiques

Chapitre II Dispositions applicables aux campagnes électorales

Article 9 (art. L. 52-7-1 [nouveau], L. 52-8, L. 52-10, L. 52-12, L. 113-1, L. 388, L. 392, L. 393, L. 558-37, L. 558-46 et L. 562 du code électoral et art. 15 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales) Règles de financement des campagnes électorales

Après l’article 9

Article 9 bis (art. L. 52-6 et L. 52-6-1 [nouveau] du code électoral) Conditions d’ouverture et de fonctionnement du compte bancaire ou postal pour une campagne électorale

Après l’article 9 bis

Chapitre II bis Dispositions relatives à la Commission nationale des comptes de campagne  et des financements politiques

Article 9 ter (supprimé) (art. L. 52-14 du code électoral) Assistance de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par des magistrats financiers

Chapitre III Accès au financement et pluralisme

Article 10 Création d’un médiateur du financement des candidats et des partis politiques

Article 11 (tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) Désignation de la commission permanente compétente pour examiner la candidature à la fonction de médiateur du financement des candidats et des partis politiques

Article 12 Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour créer une structure dédiée ou un mécanisme de financement en cas de défaillance avérée du marché

titre vi dispositions relatives aux représentants  au parlement européen

Article 13 (art. 11 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ; art. 53 [nouveau], 6 et 26 de la loi n° 77729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen) Extension aux représentants français au Parlement européen des incompatibilités relatives à l’exercice de fonctions de conseil

Article 13 bis (nouveau) (art. 11 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Obligation pour le déontologue de l’Assemblée nationale de déposer une déclaration d’intérêt et une déclaration de situation patrimoniale

Article 13 ter (nouveau) (art. 12 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Publicité des déclarations de situation patrimoniale des représentants français au Parlement européen

Article 14 Modalités d’entrée en vigueur de la modification des déclarations d’intérêts et d’activités et des incompatibilités parlementaires pour les représentants français au Parlement européen

Après l’article 14

Article 15 (supprimé) Possibilité pour l’ensemble des parlementaires de la circonscription de participer à la commission de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR)

Après l’article 15

Intitulé du projet de loi

examen des articles du projet de loi organique

titre ier dispositions relatives au président de la république

Article 1er (art. 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ; art. 3 de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France) Déclaration du patrimoine du Président de la République

titre ier bis dispositions relatives aux membres du gouvernement

Article 1er bis (art. 5 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) Limitation de la durée de l’indemnisation des anciens ministres

Après l’article 1er bis

Article 1er ter (nouveau) (art. 1er bis [nouveau] de l’ordonnance n° 581099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) Contrôle du bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes pressenties pour entrer au Gouvernement

TITRE II Dispositions relatives AUX PARLEMENTAIRES

Chapitre Ier A (nouveau) Dispositions relatives à l’indemnité parlementaire

Article 2 A (nouveau) (art. 4 de l’ordonnance n° 581210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement) Sanction de la perception de rémunérations publiques illégales par des parlementaires

Après l’article 2 A

Chapitre Ier  Dispositions relatives aux conditions d’éligibilité et inéligibilités

Article 2 B (nouveau) (art. L.O. 1271 [nouveau] du code électoral) Éligibilité au Parlement conditionnée par l’absence de certaines mentions de condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire

Article 2 (art. L.O. 136-4 [nouveau], L.O. 176, L.O. 178 et L.O. 319 du code électoral) Contrôle de la régularité de la situation fiscale des parlementaires

Après l’article 2

Article 2 bis A (nouveau) (art. L.O. 135-2 du code électoral) Suppression d’une double incrimination pour la divulgation illégale de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Après l’article 2 bis A

Article 2 bis (art. L.O. 132 du code électoral) Inéligibilité des titulaires de fonctions de direction dans des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales

Après l’article 2 bis

Chapitre II Dispositions relatives aux incompatibilités

Article 3 (art. L.O. 135-1 du code électoral) Champ de la déclaration d’intérêts et d’activités des parlementaires

Après l’article 3

Articles 4 à 6,6 bis (nouveau), et 7 à 8 (art. L.O. 146, L.O. 146-1, L.O. 146-2 [nouveau], L.O. 151-1 et L.O. 151-2 du code électoral)  Incompatibilité du mandat parlementaire avec certaines activités de conseil

Article 4

Après l’article 4

Article 5

Après l’article 5

Article 6

Après l’article 6

Article 6 bis (nouveau)

Après l’article 6 bis

Article 7

Article 8

Article 8 bis (art. L.O. 144 du code électoral, art. 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote et art. 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Interdiction des parlementaires en mission

Article 8 ter (art. L.O. 145 du code électoral) Réserver à la loi la possibilité de prévoir la participation de parlementaires à des organismes extraparlementaires

Chapitre III Dispositions relatives à la « réserve parlementaire » et à la « réserve ministérielle »

Article 9 (art. 7 et 11-1 [nouveau] de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) Dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements

Après l’article 9

Chapitre IV Renforcement des obligations de publicité de la « réserve ministérielle »

Article 9 bis Transparence de la « réserve ministérielle »

Titre II bis Dispositions relatives aux obligations dÉclaratives

Article 9 ter (art. L.O. 135-1 du code électoral, 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) Délai de transmission d’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et transfert de dispositions intéressant les membres du Conseil supérieur de la magistrature

Article 9 quater (art. L.O. 135-3 du code électoral) Exercice par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique d’un droit de communication sans médiation de l’administration fiscale

Article 9 quinquies (supprimé) (art. 9-1 nouveau de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social) Déclarations de situation patrimoniale et d’intérêt des membres du Conseil économique, social et environnemental

Après l’article 9 quinquies

titre iii dispositions relatives au mÉdiateur du financement des candidats et des partis politiques

Article 10 (tableau annexé à la loi n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution) Avis du Parlement sur l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques

TITRE IV Dispositions diverses et transitoires

Avant l’article 11

Article 11 Modalités d’entrée en vigueur de l’article 2 relatif à la vérification de la situation fiscale des parlementaires

Article 12 Modalités d’entrée en vigueur des dispositions renforçant les incompatibilités

Article 13 Poursuite de l’exécution des crédits ouverts au titre de la « réserve parlementaire »

Article 14 Application du présent projet de loi à tout le territoire de la République

Après l’article 14

Article 15 (nouveau) (art. L.O. 1112-13 du code général des collectivités territoriales et art. 159 de la loi organique n° 2004192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française) Application au référendum local des dispositions de l’article 9

Article 16 (nouveau) (art. 196 et 197 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) Extension à certains élus de Nouvelle-Calédonie des incompatibilités parlementaires applicables à certaines activités de conseil

Article 17 (nouveau) (art. 64, 114 et 161 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » des collaborateurs de cabinet aux institutions de Nouvelle-Calédonie

Article 18 (nouveau) (art. 86 et 129 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française) Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » des collaborateurs de cabinet aux institutions de Polynésie française

Article 19 (nouveau) (art. 111 et 112 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française) Extension à certains élus de Polynésie française des incompatibilités parlementaires applicables à certaines activités de conseil

Intitulé du projet de loi organique

PERSONNES ENTENDUES ou consultÉes PAR LA RAPPORTEURE

Fiche n° 1 : Des lois successives pour la transparence de la vie politique

Fiche n° 2 : LES Modalités de recrutement des collaborateurs du Président de la République, des membres du Gouvernement, des parlementaires et des autorités territoriales

Fiche n° 3 : Le statut du collaborateur dans vingt-cinq parlements étrangers

Fiche n° 4 : LA Prise en charge des frais liés à l’exercice du mandat de député dans les parlements étrangers

Fiche n° 5 : Le régime EN VIGUEUR des incompatibilités parlementaires

fiche n° 6 : la réserve parlementaire EN 2016

fiche n° 7 : la réserve ministérielle en 2015 et 2016


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Mesdames, Messieurs,

La confiance est le fondement de la démocratie. Elle ne se décrète pas, elle ne se proclame pas : elle se mérite. Il revient aux représentants du peuple d’être à la hauteur de cette exigence à travers les décisions qu’ils prennent, les comportements qu’ils adoptent, la probité dont ils font preuve.

C’est sur ce fondement que les deux projets de loi « rétablissant la confiance dans l’action publique » ont été élaborés par le Gouvernement, dans le prolongement des engagements pris au cours de la campagne pour les élections présidentielle et législatives. Textes majeurs, adoptés en conseil des ministres le 14 juin 2017 et par le Sénat moins d’un mois plus tard sous un intitulé modifié – projets de loi « pour la régulation de la vie publique » –, ils ont alors été transmis à l'Assemblée nationale. Renvoyés à votre commission des Lois, confiés au rapport de sa présidente comme ils l’ont été à celui de son homologue au Sénat, ils ont fait l’objet d’une saisine pour avis de la commission des Finances et font partie des premiers à être inscrits à l’ordre du jour de la XVe législature.

Les mesures proposées ont trait aux règles d’accès aux mandats électifs ainsi qu’aux conditions de leur exercice. Elles comprennent également un important volet dédié au financement des partis politiques qui, selon les termes de l’article 4 de la Constitution, « concourent à l’expression du suffrage » et participent « à la vie démocratique de la Nation ». À l’issue des délibérations de votre commission des Lois 27 articles ordinaires et 31 articles organiques vous sont proposés, sous un intitulé encore modifié : projets de loi « pour la confiance dans la vie publique ».

Le calendrier dans lequel ce travail a été accompli a été exceptionnellement contraint : cinq jours à peine se sont écoulés entre l’adoption du texte par le Sénat et le début de son examen en commission à l’Assemblée nationale. On peut certes regretter la brièveté de ce délai. Mais dans ce laps de temps votre rapporteure a procédé à de nombreuses auditions – retracées en annexe au présent rapport – ouvertes à tous les députés. Elle a par ailleurs souhaité s’entretenir avec le Président de l’Assemblée nationale, ses trois questeurs et tous les présidents de groupe.

Au total, les mesures adoptées n’ont pas la prétention de rendre morale une vie politique qui ne le serait pas. Lors de son message au Parlement réuni en Congrès le lundi 3 juillet 2017, le Président de la République a rappelé que « nul n’est irréprochable car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige, la perfection n’existe pas ». Ce qui s’impose à chaque élu, c’est un devoir de vigilance, une exigence éthique : l’ambition de ces projets de loi est donc de fixer des règles de comportement, de façon à donner un nouvel élan à notre vie publique.

Au final, deux axes forts sont retenus : le renforcement de la transparence de la vie politique et la prévention de toute situation pouvant conduire à des conflits d’intérêts.

Ces deux projets seront complétés par un projet de loi constitutionnelle qui devrait être examiné prochainement. Des mesures importantes seront proposées, visant notamment à limiter dans le temps les mandats électifs, à réduire le nombre des membres des trois assemblées constitutionnelles et à introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives. La réflexion sur le rôle de l’élu et les conditions dans lesquelles il doit exercer ses fonctions devra également se poursuivre et guider nos travaux.

Dans l’immédiat, votre rapporteure vous invite à franchir cette nouvelle étape dans la voie d’une confiance renouvelée. Cela a été dit, beaucoup a déjà été fait dans ce sens au cours des dernières années ([1]). Mais les textes qui vous sont proposés montrent, s’il en était besoin, que beaucoup restait à faire.

 

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I.   le renforcement des garanties de probitÉ dans l’exercice des mandats Électifs

1.   Les mesures en matière de prévention des conflits d’intérêts

Deux séries de mesures sont prévues par les projets de loi organique et ordinaire pour prévenir d’éventuels conflits d’intérêts dans l’exercice des mandats électifs : l’extension du champ des incompatibilités et l’amélioration du traitement des conflits d’intérêts.

Il est proposé d’étendre les informations devant être transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ainsi qu’au bureau des assemblées dans le cadre des déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires, pour prévenir de manière plus efficace les incompatibilités avec l’activité de conseil (article 3 du projet de loi organique).

Par ailleurs, la liste de ces incompatibilités est également révisée, notamment de manière à préciser les entreprises et entités dans lesquelles un parlementaire ne peut exercer des fonctions de direction (articles 4 à 8 du même projet).

La Commission a ajouté un nouveau cas d’incompatibilité du mandat parlementaire avec des activités de représentation d’intérêts (lobbying) au sens de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

De même, afin d’assurer un meilleur respect du principe de la séparation des pouvoirs, le Sénat a introduit une disposition visant à supprimer les missions temporaires confiées aux parlementaires par le Gouvernement (article 8 bis du même projet).

La notion de conflit d’intérêt – dont la définition était auparavant arrêtée par le bureau de chaque assemblée – serait désormais présentée dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires comme une interférence entre un intérêt public et des intérêts privés. Il reviendra aux assemblées de prendre les mesures nécessaires à la prévention ou cessation de ces conflits dans le cadre de leur règlement, notamment par la mise en œuvre d’un registre public recensant les décisions de déport des parlementaires (article 2 du projet de loi ordinaire).

La Commission s’est prononcée en faveur de ce dispositif tout en le complétant, à l’initiative de la rapporteure, pour prendre en compte, dans la définition des conflits d’intérêts, l’expression d’intérêts publics particuliers qui interféreraient avec la poursuite de l’intérêt général.

2.   Le contrôle renforcé du respect de leurs obligations fiscales par les membres du Gouvernement et les parlementaires

Le contrôle de la régularité de la situation fiscale des parlementaires nationaux et européens est renforcé (articles 2 et 11 du projet de loi organique et article 13 du projet de loi ordinaire). Ceux-ci devront désormais présenter une attestation de leur situation fiscale au bureau de l’assemblée concernée ou de la HATVP dans le cas des parlementaires européens. Cette obligation doit permettre d’identifier d’éventuelles irrégularités qui devront être régularisées dans les meilleurs délais. En cas de refus de la part de l’élu, il reviendrait au bureau de saisir le Conseil constitutionnel qui prononcerait sa déchéance.

Cette disposition a été complétée par le Sénat de manière à permettre au bureau d’apprécier les suites à donner aux irrégularités constatées, ainsi que par le Gouvernement qui a assorti la déchéance du parlementaire d’une peine d’inéligibilité pouvant être prononcée par le juge pour une durée maximale de trois ans.

La Commission a précisé les conséquences de la déclaration d’inéligibilité du parlementaire en situation de manquement : il sera inéligible à toutes les élections et son suppléant ne sera pas appelé. Elle a également restreint la marge d’appréciation de l’opportunité d’une saisine du juge par l’autorité de saisine – bureau de l’assemblée dans le cadre national, président de la HATVP pour les élus européens. Enfin, elle a ordonné la transmission des attestations de situation fiscale au déontologue afin de faciliter sa mission de conseil.

Le Sénat a introduit deux dispositions complémentaires visant pour l’une, à étendre le champ des impositions susceptibles de faire l’objet d’une vérification de situation fiscale pour les membres du Gouvernement (article 7 ter du projet de loi ordinaire) et, pour l’autre, à conditionner leur nomination à la transmission d’informations par la HATVP sur le respect de leurs obligations déclaratives et de prévention des conflits d’intérêts, ainsi qu’à la présentation d’une attestation fiscale permettant de s’assurer du respect de leurs obligations (article 7 ter A du même projet).

La Commission a supprimé l’obligation de définir par décret des conditions de prise en charge des frais de réception et de représentation pour les ministres, introduite par les sénateurs à l’article 7 ter B. Elle a, en effet, estimé qu’il y avait là un cas d’injonction au Gouvernement.

3.   L’introduction de nouvelles sanctions en cas d’atteinte à la probité

De manière à sanctionner davantage les manquements à la probité des responsables politiques, le Gouvernement a proposé que la peine complémentaire d’inéligibilité pouvant être prononcée par le juge à l’encontre des auteurs d’infractions pénales soit désormais prononcée par défaut sauf à ce que le juge décide expressément le contraire (article 1er du projet de loi ordinaire).

Le Sénat a adopté cette disposition en ajoutant de nouvelles infractions pouvant justifier cette peine complémentaire, comme le harcèlement sexuel ou l’association de malfaiteurs.

La Commission a remplacé le dispositif de peine complémentaire présenté par le Gouvernement par une exigence d’absence de certaines mentions de condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Elle a également adopté deux amendements portant articles additionnels au projet de loi organique pour réprimer les atteintes à la probité : en interdisant la nomination au Gouvernement d’une personne dont le casier judiciaire mentionne une condamnation (article 2 B) et en prévoyant une sanction pour la rémunération illégale d’un parlementaire sur fonds publics (article 2 A).

À rebours des mesures allant dans le sens de sanctions plus adaptées aux atteintes à la probité, le Sénat a adopté une disposition visant à réduire le périmètre de l’infraction de prise illégale d’intérêt (article 1er bis du projet de loi ordinaire).

Par cohérence avec l’objet des projets de loi et à l’initiative du Gouvernement, la Commission a supprimé cette disposition.

4.   Le renforcement des moyens de contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Le Sénat a octroyé à la HATVP un droit de communication auprès de divers organismes, sans intermédiation de l’administration fiscale. Il s’agit de lui permettre d’améliorer les conditions dans lesquelles elle réalise ses contrôles (article 9 quater du projet de loi organique).

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a restreint ce droit de communication autonome aux établissements bancaires et aux entreprises d’assurance-vie.

II.   la réforme des conditions d’exercice du mandat parlementaire

1.   La suppression de la réserve parlementaire

Conformément à un engagement de la majorité présidentielle, le Gouvernement a proposé la suppression, à compter de l’exercice 2018, de la pratique de la réserve parlementaire qui permettait aux députés et sénateurs de soutenir des projets locaux ou associatifs. Il a également prévu l’abrogation du dispositif de transparence des subventions versées au titre de la réserve parlementaire à la même date (article 9 du projet de loi organique). Le Sénat a substitué à cette suppression la création d’une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements au sein de la mission budgétaire Crédits non répartis. À travers cette dotation les parlementaires pourraient proposer au Gouvernement d’utiliser les crédits disponibles pour financer certains projets locaux à hauteur de 20 000 euros au maximum ou 50 % de leur montant ainsi que des projets et actions concourant au soutien et à l’accompagnement des Français établis hors de France.

À l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a supprimé le dispositif proposé par le Sénat. La réserve parlementaire est ainsi supprimée à compter de l’exercice 2018 comme le proposait le Gouvernement. En revanche, le dispositif de transparence prévu par le 9° de l’article 54 de la LOLF est maintenu jusqu’en 2024 afin de pouvoir contrôler les subventions accordées au titre de la réserve parlementaire jusqu’en 2017 et dont le versement peut s’échelonner jusqu’au 31 décembre 2023 pour certaines opérations.

2.   La prise en charge des frais de mandat

Le Gouvernement a proposé une réforme de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) de manière à transformer l’allocation forfaitaire en vigueur en un nouveau dispositif de remboursement des frais sur présentation de justificatifs (article 7 du projet de loi ordinaire). Le Sénat a substitué à ce remboursement a posteriori la possibilité pour le bureau de chaque assemblée d’arbitrer entre cette première solution, une prise en charge directe (notamment pour les dépenses importantes) et un système d’avance.

La Commission a poursuivi le travail entamé par les sénateurs et posé les fondements d’un nouveau régime de prise en charge des frais de mandat des parlementaires. Il appartiendra, cependant, au Bureau de chaque assemblée, après avis du déontologue ou du comité de déontologie, de définir le détail des frais éligibles, des plafonds applicables et des modalités de contrôle.

À l’initiative du Sénat, les indemnités de fonction complémentaires perçues par certains parlementaires exerçant des responsabilités particulières ont été soumises à l’imposition (article 7 bis du même projet).

3.   L’interdiction des emplois familiaux de collaborateurs

Les articles 3, 4 et 5 du projet de loi, marginalement modifiés par le Sénat, interdisent aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux autorités territoriales (élus locaux) de compter, dans leur cabinet, des membres de leur famille. L’interdiction concerne le conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin) ; les grands-parents ; les parents, frères et sœurs, enfants ainsi que leur conjoint ; les petits enfants, enfants des frères et sœurs ainsi que les parents, enfants et frères et sœurs du conjoint.

La violation de cette interdiction serait passible de trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, lillégalité de l’acte de nomination du collaborateur et la cessation de plein droit du contrat de travail. S’y ajouterait une obligation, pour le membre du Gouvernement, le parlementaire ou l’autorité territoriale, de rembourser les sommes versées au collaborateur familial, étant précisé qu’il est interdit d’en obtenir restitution de la part du collaborateur concerné.

Il est également prévu, en cas d’ « emplois croisés », l’obligation, pour un collaborateur ministériel, de déclarer, sans délai, ses liens familiaux avec un membre du Gouvernement auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ou, pour un collaborateur parlementaire, lorsqu’il a un lien familial avec un autre parlementaire, auprès du bureau de l’assemblée dans laquelle il travaille. L’article 3 modifié par le Sénat précise que la HATVP peut faire usage de son pouvoir d’injonction pour faire cesser les situations de conflit d’intérêt auprès des membres du Gouvernement mais également auprès des collaborateurs ministériels.

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a amélioré l’encadrement des emplois de collaborateurs des ministres, des parlementaires et des élus locaux.

Elle a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille proche sous peine des sanctions pénales et financières prévues par le projet de loi au conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin), enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint.

À l’image du dispositif retenu par le Sénat pour les « emplois croisés », la Commission a introduit un dispositif de transparence permettant de recruter comme collaborateur tout autre membre ou ancien membre de sa famille à la condition de le déclarer à la HATVP s’agissant des membres du Gouvernement et des autorités territoriales ou, s’agissant des parlementaires, au bureau de l’assemblée et à l’organe parlementaire chargé de la déontologie.

La HATVP, dans le cadre sa mission de contrôle des conflits d’intérêt des ministres et de certaines autorités territoriales, pourra, le cas échéant, faire usage de son pouvoir d’injonction pour faire cesser une situation de conflit d’intérêt lié à cet emploi de cabinet. Il en est de même de l’organe parlementaire chargé de la déontologie lorsqu’il considérera qu’un tel recrutement est en contradiction avec les obligations déontologiques du parlementaire employeur. Cette information sera rendue publique.

Ce mécanisme déclaratif, sous le contrôle de la HATVP ou de l’organe parlementaire chargé de la déontologie, est étendu à l’emploi de toute personne avec laquelle le membre du Gouvernement, le parlementaire ou l’autorité territoriale entretient des liens directs personnels (suppléant notamment).

Enfin, à l’initiative de votre rapporteure, la Commission a procédé aux adaptations nécessaires dans le projet de loi et dans le projet de loi organique pour que ce dispositif soit applicable aux institutions de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ainsi qu’aux élus des communes, des groupements de communes et des établissements publics de coopération intercommunale de ces deux territoires ultramarins.

III.   une protection renforcée des collaborateurs parlementaires

1.   La reconnaissance d’un statut des collaborateurs parlementaires

L’article 3 bis, adopté par le Sénat à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois avec un avis de sagesse du Gouvernement, a introduit dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 des dispositions générales sur les conditions d’emploi des collaborateurs parlementaires. Celles-ci reprennent les règles actuellement prévues par le règlement de l’Assemblée nationale et du Sénat selon lesquelles les parlementaires peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs qui les assistent et dont ils sont les employeurs directs et bénéficient, à ce titre, de crédits permettant de les rémunérer. Le Sénat a également consacré l’existence d’un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et ceux des collaborateurs parlementaires, qui doit être mis en œuvre par le bureau de chaque assemblée.

À l’initiative de Mmes Paula Forteza et Naïma Moutchou et de l’ensemble des membres du groupe La République en marche, la Commission a adopté un amendement, sous-amendé par votre rapporteure, complétant l’article 3 bis par deux alinéas.

D’une part, votre Commission a souhaité consacrer l’instauration d’un « statut » des collaborateurs parlementaires en confiant au bureau de chacune des deux assemblées la mise en place d’un cadre d’emplois et la définition des missions. Ce statut pourra être défini à travers le dialogue social prévu par l’article 3 bis.

D’autre part, votre Commission a précisé que les parlementaires sont tenus de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs. Cela supposera notamment d’établir des fiches de postes dont le contenu pourra être négocié dans le cadre du dialogue social prévu par l’article 3 bis.

2.   Une procédure de licenciement des collaborateurs familiaux plus protectrice

L’article 6 du projet de loi initial a introduit une procédure ad hoc de licenciement des collaborateurs parlementaires et de ceux des autorités territoriales en raison du lien familial qui les unit à leur employeur compte tenu de l’interdiction des emplois familiaux prévue aux articles 4 et 5.

Afin d’éviter une rupture brutale du contrat des collaborateurs familiaux, le Sénat a allongé le délai pour notifier le licenciement à deux mois à compter de la promulgation de loi et prévu que la notification intervienne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il a introduit la possibilité pour les collaborateurs d’exécuter leur préavis (trois mois maximum) ou de choisir de percevoir l’indemnité compensatrice de préavis correspondante. Il a précisé que le licenciement des collaborateurs parlementaires reposerait, dans ce cas, sur un motif « spécifique » prévu par la loi et donnerait lieu à la cessation du contrat plutôt qu’à son annulation. Il a enfin interdit le licenciement de collaboratrices en état de grossesse conformément à l’article L. 1225-4 du code du travail.

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a approuvé ces dispositions sous réserve de deux amendements de précision.

3.   La clarification du dispositif de licenciement des collaborateurs en raison de la cessation du mandat parlementaire

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a introduit un motif sui generis de licenciement des collaborateurs en raison de la fin du mandat ainsi qu’une procédure adaptée au I-A de l’article 6 bis.

Actuellement, les collaborateurs sont licenciés en raison de la fin du mandat parlementaire mais selon la procédure du licenciement pour motif personnel. Cela entraîne une confusion entre le motif du licenciement (la fin du mandat) et la procédure de licenciement (celle du motif personnel). Cette confusion peut laisser croire à un futur employeur que le collaborateur est responsable de son licenciement alors que tel n’est pas le cas.

Le I-A de l’article 6 bis, adopté par votre Commission, dispose que la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif spécifique de licenciement du collaborateur dont la cause est réelle et sérieuse. Il introduit une procédure de licenciement ad hoc adaptée : notification du licenciement dans un délai de cinq jours francs à compter du lendemain du dernier jour du mandat, dispense légale d’exécution du préavis, droit aux indemnités légales (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité compensatrice de préavis) et remise des documents de fin de contrat.

4.   La création d’un parcours d’accompagnement personnalisé des collaborateurs licenciés pour un motif autre que personnel

À l’initiative du rapporteur de la commission des Lois, le Sénat a adopté l’article 6 bis pour instituer un parcours professionnel personnalisé au profit des collaborateurs licenciés pour un motif autre que personnel.

Ce dispositif, qui devra être précisé par décret, comporte d’une part des mesures d’accompagnement et de formation renforcées mises en œuvre par Pôle emploi, d’autre part une indemnisation chômage supérieure à l’indemnisation de droit commun, sur le modèle du contrat de sécurisation professionnelle ouvert aux salariés licenciés pour motif économique.

L’objectif est de permettre aux collaborateurs parlementaires licenciés en raison du lien familial qui les unit à leur employeur ou en raison de la fin de son mandat de bénéficier des avantages liés au licenciement pour motif économique, sans pour autant leur appliquer les règles de ce licenciement dans la mesure où un député ou un sénateur ne constitue pas une « entreprise » au sens de l’article L. 1233-1 du code du travail.

De façon à simplifier et sécuriser le dispositif d’accompagnement personnalisé, la Commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteure, qui donne la possibilité à tout collaborateur demandeur d’emploi licencié pour un motif autre que personnel d’y accéder directement auprès de Pôle emploi, en prévoyant sa mise en place par Pôle emploi, dans des conditions fixées par décret, plutôt que par l’intermédiaire du député-employeur.

IV.   L’amÉlioration du financement de la vie politique

1.   Les mesures d’encadrement du financement de la vie politique

Les règles de financement des partis et groupements politiques sont réformées de manière à garantir la production d’un recueil de l’ensemble de leurs ressources par un mandataire financier, l’encadrement des prêts qui leur sont consentis et la certification de leurs comptes, l’information de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et le renforcement des sanctions pénales en cas d’irrégularité (article 8 du projet de loi ordinaire).

Le Sénat a apporté plusieurs modifications à ce dispositif visant, entre autres mesures, à renforcer l’information de la CNCCFP en cas de prêt à un parti politique, à assurer la publication par cette commission des comptes des partis et à relever le quantum des peines pour les infractions résultant du défaut de transmission des documents nécessaires.

Des dispositions semblables ont été adoptées en matière de financement des campagnes électorales (article 9 du même projet de loi).

La Commission a rétabli la progressivité des sanctions pénales prévues aux articles 8 et 9, ramenant à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende les peines encourues en cas de violation des obligations d’information de la CNCCFP.

2.   La création d’un médiateur du financement des candidats et des partis politiques

En cas de rejet d’une demande de prêt d’un candidat ou d’un parti, l’institution d’un « médiateur du crédit », chargé d’une mission de conciliation avec les banques, doit permettre d’offrir des solutions adaptées pour assurer le financement de la vie politique (article 10 du projet de loi ordinaire). Le Sénat a complété ces dispositions en étendant les missions du médiateur aux difficultés rencontrées par les mandataires financiers ou les associations de financement de parti politique pour l’ouverture d’un compte bancaire.

La Commission a approuvé la création de ce médiateur et l’élargissement de ses missions, rétablissant cependant la procédure de nomination prévue par le projet de loi initial.

3.   La création d’une banque de la démocratie

Le Gouvernement souhaite être habilité à créer par ordonnance une « banque de la démocratie », établissement doté de la personnalité morale, qui pourra être adossé à un établissement de crédit existant ou prendre la forme d’un mécanisme de financement spécifique, dont la mission sera de consentir des prêts, avances ou garanties (article 12 du projet de loi ordinaire). Cette disposition a toutefois été supprimée par le Sénat au motif que ce projet d’établissement de crédit serait insuffisamment détaillé.

La Commission a rétabli, à l’initiative du Gouvernement, cette habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour créer une « banque de la démocratie ».

V.   DES DISPOSITIONS ADDITIONNELLES SANS LIEN DIRECT AVEC LE PROJET DE LOI INITIAL

Le Sénat a adopté de nombreux articles additionnels n’entretenant pas de lien direct avec les projets de loi examinés.

La Commission a adopté des amendements du Gouvernement visant à supprimer ces dispositions, relatives notamment à la déontologie dans la fonction publique ou à la limitation du « verrou de Bercy ». Elle a considéré que les conséquences de ces dispositions devaient être préalablement évaluées et que des auditions des personnes concernées étaient nécessaires.

 

 


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   Audition de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et discussion générale

Sous la présidence de M. Stéphane Mazars, vice-président de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, il est procédé, lors de la réunion du mardi 18 juillet 2017, à l’audition de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les projets de loi organique (n° 99) et ordinaire (n° 98) pour la régulation de la vie publique (Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure).

M. Stéphane Mazars, président. Je suis heureux d’accueillir la garde des sceaux au sein de cette Commission, que j’ai l’honneur de présider aujourd’hui car notre présidente est la rapporteure des deux textes en discussion.

Les textes que nous allons examiner sont attendus par les Français et ils correspondent à un engagement fort, pris par le Président de la République pendant sa campagne. Nous avions également porté ce projet dans le cadre des élections législatives, à l’époque sous le nom de « moralisation de la vie politique ».

Nous devons nous montrer à la hauteur de cet engagement lors de notre examen en profondeur de ces textes. Je remercie la rapporteure pour le travail qu’elle a déjà commencé à réaliser.

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Je suis très heureuse et honorée de vous présenter deux textes emblématiques, qui ont été voulus par le Président de la République. Conformément aux engagements pris par mon prédécesseur, M. François Bayrou, deux projets de loi ont été préparés, l’un organique, l’autre ordinaire, visant à rétablir la confiance dans l’action publique. Déjà examinés par le Sénat, ils vous sont soumis dans la version adoptée par cette assemblée.

La réforme qui vous est proposée repose sur un constat. Les dernières consultations électorales ont montré que nos concitoyens étaient inquiets et exprimaient une large défiance vis-à-vis d’une certaine manière de conduire l’action politique. Cette défiance, qu’elle soit justifiée ou non, existe. Plusieurs sondages parus dans de grands journaux en portent témoignage. Un besoin profond de renouvellement s’est manifesté et la composition actuelle de l’Assemblée nationale le traduit. Nos concitoyens ont exprimé la volonté de concevoir l’action politique autrement, sans doute avec plus de rigueur, de transparence et de responsabilité.

Mon propos ne vise pas à disqualifier l’action des parlementaires : pour avoir été moi-même une responsable politique locale, je sais l’investissement, l’éthique et l’engagement des élus. La confiance qu’on leur doit me semble primordiale. Mais il faut aussi prendre acte du regard que la société pose sur nos élus et savoir trouver les réponses adéquates.

Cette exigence n’est pas nouvelle. Chacun le sait : la transparence, la probité des élus et l’exemplarité de leur comportement constituent une nécessité sociale, politique et éthique qui est apparue dès 1789 dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : aux termes de son article 15, « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

La société contemporaine est sans doute plus exigeante encore que celle d’hier. C’est pourquoi, même si beaucoup a été fait ces dernières années, il faut aller plus loin. Plusieurs lois ont été votées sur les sujets qui nous occupent aujourd’hui et il faut rendre hommage à ceux qui ont été à l’origine de ces textes : les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la loi du 20 avril 2016, qui a renforcé les obligations déontologiques des fonctionnaires et, plus récemment encore, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Au-delà de ces textes, le Parlement a également pris de son côté des initiatives. Dès 2011, votre Assemblée s’est dotée d’un code de déontologie et d’un déontologue, puis toute une série de mesures ont été adoptées dans ce domaine. Il faut le souligner.

Il n’en demeure pas moins que la confiance de nos concitoyens en leurs représentants a pu être mise à mal par des comportements non conformes, même s’ils étaient epsilonesques, à ce que l’on doit attendre des élus ou relevant de pratiques qui étaient acceptées hier mais ne le sont plus aujourd’hui.

De nombreux progrès doivent donc être mis en œuvre pour restaurer la confiance entre les citoyens et leurs représentants. C’est cet engagement qui a été pris devant les Français.

Je sais parfaitement que la confiance ne se décrète pas : elle se gagne et ce sera essentiellement par la réussite des réformes engagées et par la crédibilité des acteurs qui les conduisent. L’une des conditions de l’acceptation des réformes et du soutien que les Français pourront leur apporter est bien qu’ils soient convaincus que leurs représentants agissent selon toute la rigueur et la probité nécessaires, dans le seul intérêt public, ces aspects étant intimement liés.

Comme l’a montré notre vie politique depuis des années, et non pas seulement depuis quelques mois, nous avons collectivement besoin d’un « pacte de confiance » fondé sur une exigence éthique. La réforme que le Gouvernement présente est fondée sur cette exigence éthique. C’est un acte de confiance que le Gouvernement souhaite proposer, avec votre concours, en ouverture de ce mandat.

Il ne s’agit en aucun cas, comme on l’écrit encore trop souvent, d’un texte de « moralisation » de la vie publique : c’est un terme que je n’emploie jamais. L’idée n’est pas de punir et de trouver des coupables, mais simplement de clarifier et de fixer des règles de comportement qui soient parfaitement pertinentes d’un point de vue éthique. La détermination de règles plus claires est d’ailleurs l’une des meilleures garanties pour les élus. Il s’agit de donner des repères face à des situations parfois extrêmement complexes. C’est aussi faire en sorte que les élus qui, dans leur écrasante majorité, démontrent au quotidien leur honnêteté, leur engagement et leur rigueur, ne soient plus cloués au pilori par le comportement de quelques-uns.

Le renforcement des garanties de probité et d’intégrité des élus et la prévention des conflits d’intérêts répondent à un objectif que le Conseil constitutionnel a considéré comme étant d’intérêt général en 2013.

La réforme qui vous est soumise répond à quelques principes simples : sanctionner plus sévèrement ceux qui manquent à la probité ; éviter les conflits d’intérêts ; mettre fin à des pratiques qui ne sont plus acceptées par les citoyens ; renforcer les contrôles sur les comptes des partis tout en leur offrant, ainsi qu’aux candidats, un accès plus facile au financement, ce qui est aussi une manière de garantir le pluralisme de la vie politique.

Je me limiterai ici à une présentation des grandes lignes de cette réforme et des éléments que le Sénat a souhaité modifier ou introduire, en faisant état de ce que le Gouvernement en pense.

La réforme porte essentiellement sur trois points : elle a trait tout d’abord à l’exercice du mandat parlementaire ; elle renforce ensuite les règles de probité des acteurs politiques ; elle conduit enfin à une refonte importante des règles de financement de la vie publique.

Sur le premier point, le devoir d’exemplarité auquel sont tenus les membres du Parlement est à la hauteur des missions que la Constitution leur assigne. Au sens de son article 24, elles sont au nombre de trois : voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Il est évidemment essentiel que les parlementaires puissent remplir ces fonctions éminentes en toute indépendance et en s’extrayant du jeu potentiel des lobbies ou des puissances. Les mesures applicables aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sont naturellement au cœur des deux projets de loi. Ces mesures ont été conçues dans le respect de la séparation des pouvoirs et du principe d’autonomie des assemblées qui en découle, par un renvoi à leur règlement chaque fois que nécessaire.

Par ailleurs, chaque fois que cela se justifiait, les mesures applicables aux parlementaires nationaux ont été étendues aux représentants français au Parlement européen.

J’aborderai successivement quatre points : les inéligibilités et incompatibilités ; les conflits d’intérêts ; l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) ; la réserve parlementaire.

Tout d’abord, de nouveaux cas d’inéligibilité et d’incompatibilité sont créés.

En premier lieu, les parlementaires qui ne justifient pas avoir satisfait à leurs obligations fiscales ne pourront plus rester en fonction. Saisi par le bureau de l’assemblée concernée, le Conseil constitutionnel pourra prononcer la démission d’office du parlementaire.

En second lieu, les incompatibilités relatives à l’activité de conseil – et il n’est pas question d’autre chose – sont renforcées et étendues. À l’heure actuelle, seule existe l’impossibilité pour un parlementaire de commencer, pendant son mandat, une activité de conseil. La contrainte temporelle sera étendue, cette disposition étant apparue très insuffisante en raison des risques de conflit d’intérêts qui sont liés à ces activités.

Le dispositif existant est complété dans plusieurs directions. La principale est qu’un parlementaire ne pourra commencer à exercer des activités de conseil pendant son mandat et qu’il devra cesser celles débutées dans les douze mois précédant le début de son mandat. De plus, la dérogation prévue pour les professions réglementées, comme celle d’avocat, sera supprimée.

Le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d’encadrement des activités de conseil assure une conciliation entre les objectifs d’intérêt général qui sont recherchés, comme l’indépendance des élus ou la prévention de risques de conflits d’intérêts, et d’autres droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier la liberté d’entreprendre, reconnue au parlementaire comme à tout citoyen. Les dispositions prévues sont destinées à éviter l’écueil d’une déclaration d’inconstitutionnalité que pourrait prononcer le Conseil constitutionnel. Il avait censuré en 2013 une interdiction considérée comme trop générale.

J’ajoute qu’il ne s’agit nullement d’interdire aux parlementaires d’exercer d’autres activités professionnelles compatibles avec leur mandat. Si nous le faisions, ce qui n’est pas notre intention, nous nous exposerions là aussi à une censure constitutionnelle. S’il y a donc une limitation temporelle et concernant la nature des activités, il n’y a pas d’interdiction générale d’exercer une activité professionnelle.

Ces nouvelles règles sont renforcées par des dispositions relatives à la prévention des conflits d’intérêts.

Le choix, assumé, du Gouvernement est de retenir une définition de la notion de conflit d’intérêts moins englobante que celle figurant dans les précédentes lois de 2013 et de 2016. Le Gouvernement estime en effet qu’il ne faut pas mettre les parlementaires exerçant d’autres responsabilités, notamment électives au niveau local, dans une situation qui les empêcherait de manière récurrente de participer aux travaux du Parlement, parce qu’ils gèreraient deux intérêts publics, l’un local et l’autre national.

Sur cette question, il reviendra à chaque assemblée de préciser les règles internes de prévention et de traitement des situations de conflits d’intérêts. Le rôle du déontologue, que la rapporteure souhaite renforcer, est tout à fait essentiel en la matière.

J’en viens à la question de l’IRFM. Le projet du Gouvernement a prévu sa disparition, dans un souci de transparence concernant les frais engagés par les parlementaires dans l’exercice de leur mandat. L’IRFM sera remplacée par un remboursement de ces frais sur une base réelle et sur présentation de justificatifs.

Dans le cadre d’un dialogue approfondi avec le Gouvernement, le Sénat a adopté un nouveau dispositif qui présente l’intérêt de préserver le principe de la suppression de l’IRFM et du remboursement sur justificatifs des frais de mandat engagés par les parlementaires, ce qui était pour nous un point incontournable, mais en offrant aux assemblées un minimum de souplesse dans leur organisation, avec la possibilité de prendre directement en charge un certain nombre de frais et de consentir des avances qui ont vocation à être ponctuelles et ciblées. Ce dispositif de l’article 7 de la loi ordinaire prévoit aussi l’intervention de l’organe de déontologie parlementaire, ce qui est tout à fait essentiel.

Je sais que votre rapporteure travaille pour améliorer encore la rédaction de ce dispositif. Je suis certaine qu’avec son concours, et le vôtre, nous trouverons un texte à la fois rigoureux et opérationnel.

Enfin, et c’est un sujet très sensible, le projet de loi organique propose de mettre fin à la pratique actuelle de la « réserve parlementaire ». Cette pratique est contestée et elle constitue aujourd’hui, dans la manière dont elle est articulée, une forme de non-dit juridique.

Prenant acte de la suppression de la réserve sous sa forme actuelle, le Sénat a prévu dans la loi organique la création d’une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leur groupement, dotation qu’il a étendue aux projets portés par les Français de l’étranger.

Avec le système proposé par le Sénat, nous sommes très loin d’une rupture avec le système existant.

Il faut en la matière être plus clair et le Gouvernement souhaite s’en tenir à sa position initiale, qui consiste à supprimer la réserve parlementaire. Mais nous entendons bien sûr ceux qui s’inquiètent de la perte de moyens que ce choix pourrait entraîner pour certaines petites collectivités et certains projets portés par les Français de l’étranger ou par des associations. Je sais que c’est une préoccupation forte à l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement considère que ces questions relèvent non pas de la loi organique mais du projet de loi de finances, car elles sont de nature budgétaire. Nous travaillons en ce moment même pour déterminer quels seront les dispositifs budgétaires pouvant répondre à l’ensemble des préoccupations. S’agissant des collectivités, comme je l’ai souligné au Sénat, nous sommes en train d’explorer le recours à des outils existants tels que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), en associant davantage les parlementaires à la répartition des dotations. Au-delà de ces pistes, il faut aussi que nous puissions avancer parallèlement sur la question des associations.

Le second grand chapitre de la réforme a trait aux règles de probité des acteurs politiques.

Tout d’abord, les obligations de transparence à l’égard du Président de la République sont renforcées. Chaque citoyen pourra juger de l’évolution de son patrimoine entre le début et la fin de son mandat, au regard d’un avis publié par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le Sénat a ajouté une disposition imposant aux candidats une déclaration d’intérêts et d’activités. Le Gouvernement n’y est pas hostile.

Le projet de loi étend par ailleurs, sauf décision spécialement motivée, l’obligation pour les juridictions répressives de prononcer la peine complémentaire d’inéligibilité pour tout crime, ainsi que pour une série d’infractions à la probité, comme la corruption, le détournement de fonds publics et la fraude électorale ou fiscale. Dans le projet de loi initial, il s’agissait essentiellement d’infractions à la probité financière. Le Gouvernement a été extrêmement vigilant sur le respect du principe de nécessité des peines, garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du principe d’individualisation des peines qui en découle. Ce sont deux points qu’il faut impérativement respecter.

Seront écartées des fonctions électives les personnes qui ont démontré ne plus remplir les conditions de moralité essentielles à l’exercice d’un mandat.

Le Sénat a souhaité compléter la liste des délits conduisant à cette peine complémentaire d’inéligibilité en y ajoutant notamment le délit de harcèlement. Le Gouvernement n’est pas opposé à cette démarche, pour autant que nous puissions conserver une certaine cohérence dans cette liste et qu’il existe une adéquation entre les délits concernés et la peine encourue. Faute d’une telle adéquation, on pourrait s’interroger sur la constitutionnalité des ajouts à la liste des délits. La ligne de partage est assez délicate à tracer : nous y travaillons, comme aussi la rapporteure, pour répondre à beaucoup de préoccupations dont vous vous êtes faits l’écho, tout en sécurisant le dispositif juridique et en conservant sa cohérence.

Comme le précise l’étude d’impact, le choix d’un tel dispositif a été préféré à une solution qui paraît parfois plus évidente ou plus simple, à savoir une interdiction plus générale de se présenter aux élections qui serait faite aux personnes ne disposant pas d’un casier judiciaire vierge, le fameux « B2 », et ce pour des raisons constitutionnelles. Une telle mesure pourrait s’analyser comme une peine automatique, privative d’un droit – et non le moindre –, qui s’appliquerait quand bien même la juridiction n’aurait pas décidé de condamner le coupable à une peine complémentaire d’inéligibilité lorsque celle-ci est encourue. La constitutionnalité de cette disposition apparaît donc très fragile et il nous semble que l’on ne peut pas prendre un tel risque.

Il sera par ailleurs interdit au Président de la République, aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux titulaires de fonctions exécutives locales d’employer des membres de leur famille proche comme collaborateurs. Cette pratique, sur laquelle je ne porte aucun jugement moral, était acceptée hier mais elle ne l’est plus du tout aujourd’hui. C’est un fait social qu’il faut prendre en considération : tout recul en la matière serait mal perçu par nos concitoyens. Vous avez pu le voir lorsque le Sénat n’a pas souhaité, à un moment donné, adopter cette disposition, avant d’y revenir dès le lendemain.

Cette interdiction est déjà prévue, concernant les collaborateurs du Président de la République et les membres du Gouvernement, par un décret très récent, du 14 juin dernier, le principe de séparation des pouvoirs trouvant à s’appliquer en la matière.

La question du périmètre du cercle familial concerné peut être discutée et le dispositif peut sans doute être ajusté, mais le Gouvernement reste attaché au principe.

Ces deux projets de loi comportent enfin une dernière série de dispositions conduisant à une refonte importante des règles de financement de la vie politique.

Les partis politiques dépendent très largement du financement public. Cependant, les règles qui s’appliquent à eux n’offrent pas toutes les garanties contre les abus ou les dérives. Ces règles sont par ailleurs peu favorables au renouvellement de la vie politique et au pluralisme, lequel est inscrit à l’article 4 de la Constitution.

Il est donc d’abord proposé de renforcer le contrôle des comptes des partis politiques et des campagnes électorales, dans le respect des dispositions de l’article 4 de la Constitution selon lequel « les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement ». Il est prévu que le mandataire financier du parti puisse recueillir l’ensemble des ressources reçues par ce dernier et non plus seulement les dons. Les partis politiques devront par ailleurs tenir une comptabilité, selon un règlement établi par l’Autorité des normes comptables.

En second lieu, le financement des partis et des campagnes électorales sera mieux encadré quant aux prêts des personnes physiques, afin d’éviter les dons déguisés.

Mais en contrepartie, l’accès au financement par les candidats et partis politiques sera amélioré grâce à la création d’un médiateur du crédit, dont il me semble que le Sénat a modifié le nom.

Enfin, le Gouvernement souhaite la création d’une structure pérenne de financement, la Banque de la démocratie, afin de pallier les carences du financement bancaire privé. Sur ce dernier point, le Sénat a supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement, au motif qu’elle manquait de précision. Le Gouvernement estime au contraire que le projet proposé est clair dans ses objectifs mais qu’il faut déterminer les modalités de création et d’organisation de cette future Banque de la démocratie. Pour cela une mission va être confiée à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale de l’administration pour étudier les conditions de mise en place de cette structure.

Voilà, en quelque mots, quelles sont les grandes orientation de ces deux textes.

Comme je l’indiquais au début de mon propos, le Sénat a introduit des dispositions, utiles pour certaines, sujettes à caution pour d’autres, dont la présence dans ces projets de loi n’est pas toujours justifiée si l’on souhaite maintenir cohérence et lisibilité à cette réforme.

Le Sénat est d’abord intervenu pour modifier les conditions de licenciement des collaborateurs parlementaires et pour améliorer leur situation professionnelle. Sur ce point précis, le Gouvernement a fait le choix de s’en remettre à la sagesse des assemblées, en reconnaissant l’utilité de progresser en la matière, eu égard à l’importance du rôle des collaborateurs des députés et des sénateurs dans le travail parlementaire.

En revanche, de manière générale, les dispositions introduites par le Sénat et qui sont relatives aux fonctionnaires n’ont pas vocation à se trouver dans ce texte, qui initialement ne traitait nullement de la fonction publique. Ces articles insérés par le Sénat ont un caractère de « cavalier législatif », comme plusieurs autres dispositions d’ailleurs, et pourraient être censurés. J’appelle en outre votre attention sur le fait que le Parlement a voté en 2016 deux textes, l’un sur les obligations déontologiques des fonctionnaires – la loi du 20 avril 2016 – et l’autre sur la transparence et la lutte contre la corruption – la loi Sapin II, du 9 décembre 2016. Il est préférable d’appliquer pleinement les dispositions de ces deux lois très récentes avant de légiférer à nouveau en la matière.

Le Sénat a aussi souhaité introduire des dispositions qui s’appliquent au Gouvernement comme un registre des déports en conseil des ministres, la publicité des subventions relevant de la réserve ministérielle ou l’obligation de remboursement des frais des ministres sur présentation de pièces justificatives. Le Gouvernement est d’autant moins opposé à ce que les subventions tirées de la réserve ministérielle soient rendues publiques qu’elles le sont déjà ! Quant aux autres dispositions relatives aux membres du Gouvernement, elles se heurtent au principe de séparation des pouvoirs, quand elles ne sont pas tout simplement inopérantes ou sans objet, comme ce qui concerne les frais des ministres.

Enfin, le Sénat a souhaité donner un titre excessivement neutre à ces deux textes en faisant simplement référence à la « régulation de la vie publique ». C’est ignorer profondément l’attente des citoyens face à cette réforme. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que l’on puisse en revenir à l’esprit du titre initial de ces deux projets.

L’ensemble des dispositions que le Gouvernement soumet à votre examen entendent servir la démocratie en lui apportant un surcroît de transparence, de justice et d’éthique. Comme vous le savez, ces mesures seront complétées par la réforme constitutionnelle dont le Président de la République a présenté les lignes directrices devant le Congrès, le 3 juillet dernier. Il s’agit donc ici du premier acte, inaugural, essentiel, de cette volonté de rétablir le lien de confiance entre les Français et leurs élus.

Dans les débats qui nous attendent, le Gouvernement sera naturellement très attentif aux propositions de l’Assemblée nationale. Nous devons nous retrouver autour de propositions fortes et réalistes, lisibles et cohérentes, qui répondent au besoin de transparence et de prévention des conflits d’intérêts tout en étant respectueux de l’action parlementaire et de la séparation des pouvoirs. L’exercice n’est pas simple, mais je suis convaincue que nous saurons trouver ensemble la voie pour le mener à bien.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, rapporteure. Je suis fière d’être rapporteure de ces projets de loi, qui correspondent à l’un des thèmes forts de notre campagne et à une réelle attente de nos concitoyens. Il s’agit de textes emblématiques, destinés à marquer, au-delà du renouveau des visages, ce renouveau des pratiques auquel nous nous sommes engagés.

Il est vrai que l’on peut regretter les délais extrêmement contraints dans lequel s’effectue le travail parlementaire, tout en étant bien conscient qu’il s’agit de démarrer la législature sur des textes symboliquement forts, qu’il était important d’adopter dans les tous premiers temps.

Afin d’éclairer nos travaux, nous avons procédé la semaine dernière à de nombreuses auditions, qui ont donné lieu à des débats passionnants entre les commissaires et les intervenants, parmi lesquels des représentants des autorités administratives indépendantes, d’associations ou d’élus locaux. Nous avons également beaucoup appris des déontologues de l’Assemblée, qui nous ont permis de prendre du recul et de la hauteur, et d’appréhender les dispositions de ce texte de manière moins technique. J’ai également rencontré la plupart des présidents de groupe pour tenter d’élaborer des lignes de convergence, dans la mesure où certaines dispositions de ces projets de loi me semblent pouvoir faire consensus.

Il est vrai que le texte qui nous parvient a été largement modifié par les sénateurs. Si certaines modifications me semblent judicieuses, d’autres, en revanche, sont incomplètes, impropres ou sans lien avec l’objectif que nous nous sommes fixé. Il nous reste donc, sur des sujets comme les emplois familiaux ou l’IRFM, encore beaucoup de travail à faire pour aboutir à un texte cohérent et lisible.

Comme la garde des Sceaux, nous tenons à ce que le terme de « confiance » soit réintroduit dans le titre. Je déposerai donc un amendement en ce sens. Je partage enfin son avis, selon lequel de nombreuses dispositions introduites par le Sénat n’ont pas vocation à s’inscrire dans ces textes, notamment les dispositions concernant les fonctionnaires, même s’il s’agit de sujets dont notre Commission devra se saisir, soit dans le cadre d’une mission d’évaluation soit dans celui d’une mission d’information.

Mme Cécile Untermaier. Merci, madame la garde des Sceaux, pour votre présentation fort complète de ces textes qui ont vocation à rétablir la confiance de nos concitoyens dans leurs représentants. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se gagne, ce qui exige que nous puissions travailler selon un rythme décent qui nous permette d’enrichir le texte. Or nous avons le sentiment d’avoir dû travailler dans une précipitation qui ne nous permettra pas de répondre au souci qu’ont les citoyens de voir les parlementaires adopter de bonnes pratiques, sachant que cela ne concerne pas que ces derniers et qu’il ne faut pas stigmatiser les élus nationaux. Les bonnes pratiques ont également vocation à s’appliquer dans la haute administration comme dans d’autres institutions.

Ces projets de loi sont des textes de circonstance, or la déontologie et les bonnes pratiques méritent mieux qu’un texte de circonstance répondant à un problème ponctuel, comme cela avait déjà été le cas pour « l’affaire Cahuzac ». Ces réactions au coup par coup ne font qu’accroître la défiance, et l’anticipation est l’un des fondements de la confiance. Pour rétablir celle-ci, il faudrait surtout se pencher sur la question de l’efficacité, voire de l’effectivité, de l’action publique, parce que, si le citoyen n’a pas toujours confiance dans son député ou dans son sénateur, il manque surtout de confiance dans une administration qui est incapable de lui fournir les réponses qu’il attend dans les bons délais.

Il faudrait ensuite mieux tenir compte des citoyens, dont je constate qu’ils sont totalement absents de ces projets de loi, alors que nous devrions travailler à établir des règles permettant au débat public et au débat citoyen de s’organiser.

Si ces projets répondent à des problèmes ponctuels – ce qui est très bien –, ne nous leurrons pas : ils ne rétabliront pas la confiance mais, beaucoup plus humblement, inscriront dans la loi de bonnes pratiques que nous aurions déjà dû faire nôtres depuis longtemps, bien avant que les textes ne nous y contraigne.

Mme Paula Forteza. Madame la ministre, merci pour votre intervention. Nous sommes tous fiers de travailler sur ce texte emblématique, qui répond à la nécessité de mettre en place de nouvelles pratiques pour aller plus loin dans la transparence et la participation citoyenne.

Avant d’aborder demain, lors de l’examen des amendements, les questions touchant au statut des collaborateurs, à l’IRFM ou au casier judiciaire vierge, nous souhaiterions avoir quelques précisions au sujet de la réserve parlementaire. Nous ne sommes pas opposés dans le principe à la suppression de cette réserve, mais nous voudrions quelques détails sur la manière dont ces fonds pourront désormais être affectés, à travers quels programmes, quels véhicules législatifs et selon quels dispositifs à toutes les associations locales qui en ont besoin pour mener à bien leur activité citoyenne.

M. Philippe Gosselin. S’il est nécessaire d’édicter des règles, nous voudrions éviter la stigmatisation. Or nous avons le sentiment que ces projets de loi concernent spécifiquement les parlementaires. Pourtant, moraliser et réguler la vie politique, renforcer la confiance, toutes choses qui sont pour nous une ardente obligation, exige d’aller beaucoup plus loin et de légiférer de manière plus large que ce que vous proposez. J’ajoute que nous n’avons pas découvert hier cette ardente obligation puisque, depuis 1985, elle a motivé pas moins de trente et un textes.

Je rejoins par ailleurs Cécile Untermaier au sujet des conditions dans lesquelles nous examinons ce texte. On confond vitesse et précipitation : la rapporteure évoquait un texte symbolique, mais ici nous faisons du droit, ce qui exige du temps et de la sérénité. Au contraire, il a fallu procéder à nos auditions, alors que les textes étaient déjà en discussion au Sénat, avant que nous le récupérions le 14 juillet, à la veille du week-end. Certes, nous pouvons travailler jour et nuit, mais nos collaborateurs – sur le statut desquels je reviendrai – ne sont pas nécessairement disponibles. Pour citer quelqu’un, il aurait fallu donner du temps au temps…

En ce qui concerne à présent le fond, on est loin, avec ces projets de loi, du « grand soir », tel qu’on nous l’avait annoncé pendant la campagne électorale. Ils sont partiels – pour ne pas dire partiaux – et leur définition de l’élu se limite au parlementaire. Or, il aurait fallu aller au-delà et s’intéresser aux élus locaux. Cela aurait été une bonne occasion de créer un statut des élus locaux – sujet sur lequel Philippe Doucet et moi-même avons travaillé sous la précédente législature – qui leur permettrait de concilier vie professionnelle et mandat, mais également d’attirer de jeunes talents.

Par ailleurs, la vie publique ne se limite pas à mes yeux à la vie parlementaire. Elle englobe également le syndicalisme, le mouvement associatif, les fondations, tous ces organismes qui, d’une façon ou d’une autre, et sans jeter l’opprobre sur eux, reçoivent des fonds publics, parfois sans contrôle très rigoureux. Je m’étonne donc que l’on n’en parle pas ici.

D’autre part, ces textes révèlent une méconnaissance du travail parlementaire et du métier de représentant de la Nation. Nous voulons être des élus ancrés dans leur territoire, présents sur le terrain, à Paris comme dans nos circonscriptions, ce qui suppose notamment d’être à l’écoute du monde associatif et des collectivités. Cela m’amène à la suppression de la réserve parlementaire à laquelle le Sénat a tenté de trouver un palliatif, mais qui n’est qu’un palliatif. En effet, le député se trouvera entièrement nu face aux associations ou aux collectivités qui viendront le trouver pour des conseils ou des encouragements ; il n’aura que des encouragements symboliques à leur prodiguer et devra, pour les financements, les renvoyer au préfet ou à tel ou tel organisme. Du reste, dans la formule retenue par le Sénat, je constate qu’il vaut mieux être une association dédiée à l’éducation ou à la culture en faveur des Français de l’étranger – ce qui est, par ailleurs, tout à fait respectable – plutôt qu’une association qui se consacre aux Français « de l’intérieur » – Hexagone ou outre-mer. Il y a là une rupture d’égalité, qui crée dans notre pays des citoyens de seconde zone, ce qui est regrettable et qui témoigne que vous n’avez pas compris que la réserve parlementaire n’était rien d’autre qu’une manière de mettre « un peu de beurre dans les épinards » en s’affranchissant des règles parfois un peu contraignantes qui régissent la vie des collectivités.

Il me paraît tout aussi normal que les parlementaires voient leurs moyens contrôlés, mais faut-il pour autant instaurer un contrôle tatillon ? Tous les week-ends, nous arpentons nos circonscriptions, parcourant braderies, vide-greniers ou autres comices agricoles, auxquels il est de bon ton de participer, offrant à l’occasion un apéritif. Il faudra m’expliquer comment exiger alors des factures en bonne et due forme du comité des fêtes local…

Enfin, je m’étonne que l’on ne parle pas davantage des collaborateurs. Au-delà de la question – que je ne sous-estime pas – des emplois familiaux, nos collaborateurs méritent mieux que d’être traités comme des Kleenex. Or leurs conditions de licenciement ne sont pas bien précisées et restent assez défavorables. De surcroît, nous avions l’occasion de nous saisir ici de la question du statut de ces collaborateurs, dont il n’est pourtant dit mot.

Nous sommes donc face à des projets qui, malgré leur intérêt, présentent bien trop de lacunes pour être à la hauteur de ce qui nous était promis.

M. Erwan Balanant. Merci, madame la garde des Sceaux, pour votre présentation.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il ne s’agit pas d’un texte d’opportunité, mais d’un acte nouveau qui renforcera – nous le souhaitons en tout cas – le lien de confiance que nous avons avec nos concitoyens. La confiance ne se décide pas, elle se traduit dans les pratiques : à nous de montrer le changement.

Les présents textes font partie d’un triptyque.

Le premier volet de ce triptyque est constitué des différentes lois que nous avons votées pour lutter contre la corruption, en particulier la loi Sapin 2. Son deuxième volet est constitué par ce texte et par la réforme constitutionnelle. Et son troisième volet sera constitué par un texte à venir sur le statut des élus : l’élection, la durée du mandat puis la période qui suit son terme. Ces différents points étant essentiels si l’on envisage, par exemple, de réduire la durée du mandat. Nous y reviendrons.

Fallait-il intituler ce texte « projet de loi de rétablissement de la confiance dans l’action publique » ? Nous pensons qu’il s’agit plutôt d’un texte portant sur la transparence de l’action politique ; les références à l’action publique, notion assez large, y sont d’ailleurs rares. Peut-être les termes « action politique » seraient-ils plus appropriés.

Je terminerai en évoquant la réserve parlementaire. En la matière, nous devons envoyer un signal simple à nos concitoyens en la supprimant purement et simplement. Trouver des artifices pour tenter de la conserver à moitié relèverait du renoncement. La réserve permet d’aider les associations, nous dit-on. Mais il y a certainement d’autres manières de le faire, dans le cadre d’une pratique politique que nous souhaitons plus éthique.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés considère que c’est une pratique dépassée, qui manque de transparence, dans la mesure où elle repose sur le choix discrétionnaire des parlementaires. De la même façon, notre groupe considère qu’il conviendrait de supprimer la réserve ministérielle.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la ministre, j’interviendrai pour ma part au nom du groupe Les Constructifs.

J’ai bien noté les arguments que vous avez avancés en faveur de ce texte, dont vous avez fait un symbole. Mais il ne faudrait pas que l’on en vienne à penser que tous les parlementaires sont des voyous ! Les parlementaires sont généralement des hommes et des femmes qui travaillent beaucoup, et qui n’ont aucun penchant pour les trafics. Le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique nous a d’ailleurs précisé que sur neuf cent vingt-cinq parlementaires français, il n’avait rencontré de problèmes qu’avec vingt-cinq d’entre eux.

Je regrette moi aussi que nous devions examiner ce texte dans des délais contraints, et que l’on n’y aborde pas la question du statut juridique du parlementaire. Selon certains, c’est un statut sui generis. Mais il l’est tellement qu’aucune règle n’a été fixée ! Il aurait été intéressant de disposer enfin de définitions précises. Notez qu’en cas de divorce, les juges civils assimilent ou additionnent indemnité parlementaire et indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), et considèrent que le parlementaire gagne 10 000 euros par mois, ce qui n’est évidemment pas sans incidence. C’est un problème, qui n’a jamais été réglé.

De la même façon, aucun président de l’Assemblée nationale n’a apporté de réponse sur la nature juridique de l’indemnité qui est considérée comme un salaire – auquel on enlève un abattement pour frais de 10 % alors qu’il y a l’IRFM, puis 20 %. Il aurait été utile, là encore, que votre texte s’intéresse à la question. Car tout en se trouvant hors du champ normal de droit, le député reste assujetti à des contrôles fiscaux et à des contrôles de l’Urssaf.

On peut déplorer également l’absence de toute règle sur les collaborateurs.

J’aimerais maintenant vous poser deux questions précises.

Premièrement, est-ce que les nouvelles règles s’appliquent aux avocats, qui ont exercé dix, quinze, vingt ans, et qui peuvent reprendre momentanément une activité après avoir été omis du tableau ?

Deuxièmement, s’agissant de l’IRFM, pourquoi n’avez-vous pas fait appel à une profession réglementée – je pense au commissaire aux comptes ? Celle-ci aurait pu se prononcer, sinon sur la nécessité de la publicité des dépenses effectuées au titre de l’IRFM, du moins sur leur régularité – en établissant une nomenclature des dépenses autorisées.

Enfin, votre texte n’aborde pas les organismes extra-parlementaires, dans lesquels certains parlementaires peuvent toucher des indemnités. Il aurait pourtant été utile d’aborder la question.

M. Fabien Roussel. Au nom du groupe de la Gauche démocratique et républicaine, je tiens moi aussi à dénoncer la précipitation avec laquelle nous devons examiner ce projet de loi, qui aurait mérité un travail plus approfondi. En même temps, je reconnais qu’il fallait aborder la question, car le fossé entre les citoyens et les responsables politiques se creuse. Il fallait un signe, face à un sentiment de rejet, voire de dégoût. Pourtant, malgré certaines avancées, ce texte est encore loin de ce qu’attendent nos concitoyens.

Ce sentiment de rejet est essentiellement dû aux promesses non tenues, aux reniements, aux mensonges qui font que la déception grandit au fur et à mesure des élections. Les élections passent, et les difficultés de vie des Français demeurent. La situation est devenue insupportable. Dans ces conditions, à quoi bon voter ? Pourquoi élire des responsables politiques dont on sait qu’ils n’amélioreront pas notre vie ?

Par ailleurs, ce texte semble désigner les responsables politiques comme étant à l’origine de cette situation. Selon le proverbe chinois, quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt… De fait, aujourd’hui, ce sont les responsables politiques, les parlementaires, qui sont jetés en pâture. Pourtant, à côté d’eux, des responsables économiques, des acteurs essentiels de la vie économique de notre pays peuvent s’affranchir de toute déontologie. Certains vont jusqu’à commettre des parjures devant le Parlement. Je pense à M. Oudéa, président de la Société Générale, qui avait déclaré en 2012 que son établissement n’avait pas de filiale dans les paradis fiscaux. Par la suite, il a été démenti par les Panama Papers. Mais il n’a pas été poursuivi pour autant.

Voilà pourquoi nous disons que si ce texte permet de faire un pas dans le bon sens, ce pas est encore bien petit. Ce texte devrait aller beaucoup plus loin encore, et toucher un cercle beaucoup plus large que celui des responsables politiques. Il importe également de veiller à ne pas jeter l’opprobre sur les 550 000 élus locaux, les conseillers municipaux, les adjoints, les maires des villages qui se donnent sans compter pour le bien de tous, et qui pourraient être emportés dans cette tourmente. Ce ne serait pas juste.

Je rejoins mes collègues, qui ont insisté sur la nécessité de travailler à la mise en place d’un statut de l’élu. Le sujet mérite qu’on prenne le temps de s’y pencher. Que ce soit au niveau local ou au niveau national, chacun, quelle que soit sa profession ou sa catégorie sociale, doit pouvoir exercer un mandat électif au moins une fois dans sa vie.

J’observe par ailleurs que certains articles de notre Constitution – je pense au 49-3 ou à celui qui permet de légiférer par ordonnances – sont encore utilisés alors qu’ils sont rejetés par nos concitoyens. Cela ne contribue pas à rétablir la confiance entre nos concitoyens, les responsables politiques et le Parlement.

Venons-en à la réserve parlementaire. Celle-ci est évaluée à 160 millions d’euros, alors même que l’on envisage d’enlever 13 milliards d’euros aux collectivités. Pour clore tout débat, on pourrait rétablir les dotations aux collectivités. Tout le monde serait content, à commencer par ces dernières.

En tout cas, dans ma circonscription, l’attribution aux communes de la réserve parlementaire se fait dans la transparence, et pour répondre à des besoins. Cette réserve parlementaire a donc son utilité. Mais ce n’est qu’une paille, comparée aux 10 milliards qui ont été retirés aux collectivités, et aux 13 milliards que l’on envisage de supprimer à nouveau.

Enfin, le groupe GDR se félicite que le Sénat ait supprimé le « verrou de Bercy » : cela permettra de montrer que nous sommes tous égaux face à l’administration fiscale. Il n’était pas juste que le ministre du budget soit le seul à pouvoir décider des poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale. Ainsi M. Cahuzac était-il le seul à pouvoir lancer des poursuites judiciaires contre lui-même...

Mme Danièle Obono. J’interviens au nom du groupe de La France Insoumise.

Nous faisons nôtres les remarques faites par nos collègues sur les circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à discuter de ce projet qualifié pourtant d’emblématique par la garde des Sceaux. Un tel sujet et un tel chantier méritaient mieux qu’une session extraordinaire, dans les conditions que l’on sait. Pour répondre à cette exigence démocratique, il aurait fallu un calendrier permettant d’organiser le débat, les discussions, et la publicité de ce projet de loi – parce que nous devrons en rendre compte auprès des citoyens et des citoyennes.

Nous constatons nous aussi que le titre du projet de loi, qui tend à rétablir la confiance dans l’action publique, va plus loin que les dispositions proposées. Or nous connaissons une crise démocratique profonde depuis plusieurs années qui se traduit notamment par un très fort niveau d’abstention – même si nous sommes tous légitimes du fait de notre élection. Il faudrait donc apporter une réponse beaucoup plus large, à tous points de vue – débat sur le projet politique, nature des institutions.

À cet égard, nous continuons à défendre la réforme de l’ensemble des institutions. Ce projet s’inscrit dans la continuité d’autres lois. Or nous pensons qu’il serait temps de remettre en cause les institutions de la Ve République. C’est nécessaire si l’on veut rétablir la confiance, si l’on veut que les citoyens et les citoyennes se sentent partie prenante de la démocratie, responsables des décisions prises, et demandent plus activement des comptes aux élus.

Puisque, pour l’heure, il n’y a pas une majorité de partisans et de partisanes de la VIe République, nous participerons au débat et défendrons nos amendements qui visent à aller plus loin que ces deux textes car nous pensons, comme d’autres collègues, qu’il est nécessaire et urgent de le faire.

La garde des Sceaux a insisté sur la nécessité de ne pas jeter l’opprobre sur les élus, et rappelé l’importance de leur travail. Je salue son propos. Je remarque cependant que le texte ne porte malheureusement pour l’essentiel que sur le travail parlementaire. Or l’action publique – ou politique – n’engage pas que les parlementaires : elle engage l’ensemble des élus, à tous les niveaux, mais aussi les membres de la société civile. Par exemple, on pourrait élargir le débat aux syndicats, et s’interroger sur la représentativité des organisations syndicales patronales en raison du rôle qu’elles jouent dans l’action publique et dans le débat politique.

Il faudrait par ailleurs évoquer la question des conflits d’intérêts, le lien entre l’action politique et le monde du privé, et le rôle de la finance. On a parlé des Panama Papers – je rappelle qu’un parlementaire, Jean-Luc Mélenchon, a été mis en cause par la Société Générale pour avoir dénoncé certains propos tenus par le responsable de cette banque devant le Parlement. Nous aurons l’occasion de lancer un débat politique sur la question de la confiance, et de mettre en avant le rôle de la finance. Différentes affaires nous ont d’ailleurs montré que les citoyens et les citoyennes exigeaient que l’on intervienne de manière systématique en cas de collusion.

Enfin, comment donner confiance aux citoyens et aux citoyennes, si on ne leur donne pas les moyens d’intervenir de manière plus directe ? Il faut qu’ils puissent juger de l’action des élus, en introduisant des outils comme la possibilité d’une révocation à mi-mandat. Car la démocratie ne doit pas être que le fait des élus. Elle doit aussi être le fait des citoyens et des citoyennes qui sont partie prenante de l’action engagée, et qui devraient pouvoir, à un certain moment, exiger de leurs élus qu’ils rendent compte non seulement des dépenses faites, mais aussi des politiques menées. C’est aussi ce manque de moyens d’action qui contribue au désenchantement et au désengagement démocratique.

Voilà l’esprit dans lequel nous avons déposé un certain nombre d’amendements. Nous espérons que le débat sera intéressant et constructif avec l’ensemble des parlementaires ici présents, comme avec vous, madame la ministre, s’agissant d’un sujet très important mais dont nous craignons qu’il ne soit pas traité comme il le devrait.

Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice. Merci pour vos observations.

Je crois que nous sommes au moins d’accord sur un point : nous devons éviter toute stigmatisation, comme l’a dit M. Gosselin. Et surtout, nous devons éviter de donner le sentiment de vouloir stigmatiser les parlementaires, ou de vouloir mettre quiconque en accusation. C’est tout le contraire : ce texte vise à lutter contre l’antiparlementarisme, en apportant des réponses claires, carrées et objectives, à des situations complexes ou susceptibles d’entraîner des conflits d’intérêts.

C’est essentiel, et je n’aurai de cesse de le répéter : ce n’est pas un texte de moralisation ou de stigmatisation ; ce sont des règles éthiques et de comportement face à des situations qui peuvent prêter à confusion, être mal vues ou mal comprises. Je crois à cet égard que nous sommes tous sur la même longueur d’onde.

Certains d’entre vous – si ce n’est tous – ont soulevé la question du rythme de travail imposé par le calendrier. J’en ai parfaitement conscience. Nous vivons en cela une situation assez classique en début de législature : un engagement très fort du Président de la République sur un texte, la nécessité de procéder rapidement à certains ajustements, et notre ambition de montrer que nous partageons la volonté d’aboutir.

Nous verrons ce que la suite du travail parlementaire nous réserve. Vous avez le sentiment de devoir aller vite, et donc de ne pas pouvoir approfondir le sujet. Je crois tout de même que la commission des Lois, avec sa rapporteure, a réalisé un travail extrêmement sérieux, ce qui nous permettra d’améliorer le texte. Mais je comprends tout à fait votre souci.

Madame Cécile Untermaier, vous avez évoqué la nécessité de développer d’autres volets, posé la question de l’effectivité de l’action publique, et remarqué que ce texte ne s’adressait pas tellement aux citoyens, mais bien plutôt aux parlementaires, et dans une moindre mesure au Président de la République ou aux membres du Gouvernement. Vous avez notamment déploré l’absence de référence au débat public citoyen, qui reste à mettre en place. Il me semble que cette question pourra trouver des réponses dans les évolutions proposées par le Président de la République – transformation du Conseil économique, social et environnemental, initiatives citoyennes, effectivité des pétitions. N’oublions pas, comme je l’ai dit tout à l’heure, que ce texte est un premier pas vers un ensemble de textes qui reprendront cette question de l’efficacité de l’action publique.

Madame Forteza, nous serons attentifs aux amendements que vous avez déposés. Je ne reprendrai pas ici l’argumentation sur le casier judiciaire vierge, ni sur l’IRFM.

Sur les collaborateurs, non, monsieur Gosselin, nous ne considérons pas les collaborateurs comme des Kleenex. Vous ne m’avez d’ailleurs jamais entendu utiliser ce terme, que je réfute totalement. Je connais suffisamment le travail des collaborateurs parlementaires pour savoir qui ils sont.

C’est le Sénat qui a décidé d’ajouter à ce texte des éléments relatifs au statut des collaborateurs ; ce n’était pas initialement prévu. Je crois savoir que la rapporteure souhaite engager un travail sur ce sujet. Nous y sommes ouverts, mais il faudra l’aborder avec les assemblées pour définir des éléments de cadrage précis, sans empiéter sur les compétences du bureau de chacune des assemblées, dont je veillerai à respecter l’autonomie.

Madame Forteza, s’agissant de la suppression de la réserve parlementaire, sujet qui fait débat, je reprendrai ce que j’ai déjà dit, à savoir que nous n’en sommes qu’à l’épure. L’idée, que j’ai développée devant le Sénat, est que les fonds qui étaient jusqu’à présent consacrés à cette réserve parlementaire ne soient pas dilués dans le budget, et que nous puissions toujours les identifier.

J’ai évoqué à ce propos la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Je sais très bien qu’il sera difficile de faire participer les parlementaires à la répartition de cette dotation, et que la réserve parlementaire représente une petite somme par rapport à la masse de la DETR. Mais il me semble que nous devrions pouvoir impliquer les parlementaires dans le nouveau dispositif.

Au moment où je vous parle, je n’ai pas de solution pour les associations. Pour le moment, nous restons sur les dispositifs de droit commun. Ma réponse est sans doute insuffisante. Nous allons devoir retravailler sur ce dossier.

Monsieur Gosselin, souhaitant relever l’ensemble des lacunes de ce texte, vous avez abordé la question du statut des élus locaux. Sachez que je suis totalement d’accord avec vous : je pense qu’il y a, et depuis longtemps, un vrai problème – malgré quelques bribes de statut, en matière de formation par exemple. Selon moi, la mise en place d’un vrai statut de l’élu est la condition du renouvellement permanent de la vie politique. Mais cela a un coût, cela demande réflexion, et ce n’est pas dans le cadre de ce texte et dans la précipitation que nous pourrons trouver les réponses adéquates.

M. Philippe Gosselin. Vous reconnaissez qu’il y a de la précipitation !

Mme la garde des Sceaux. Je parle de la mise en place du statut de l’élu, qui devra faire l’objet d’une réflexion plus large.

Je sais que de nombreuses réflexions ont d’ores et déjà été engagées sur le sujet. Je reprendrai la suggestion de M. Roussel qui a exprimé la nécessité de prendre du temps pour y travailler encore, et aboutir ainsi à un texte cohérent et emblématique.

Monsieur Balanant, j’ai été sensible à votre propos sur le fait que ce texte porte plutôt sur l’action politique que sur l’action publique. Je ne sais si cette remarque prospérera ; mais au Sénat, j’ai plusieurs fois entendu que, puisque ce texte portait sur la notion plus large d’action publique, l’on pouvait légitimement y inclure des dispositions autres, sur les fonctionnaires par exemple… J’écoute avec intérêt et la rapporteure répondra sans doute elle aussi à votre suggestion.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous savez que je pense, comme vous, que les parlementaires ne sont pas des voyous !

S’agissant de l’IRFM, et du regard du juge civil que vous évoquiez, c’est précisément pour ne pas assimiler cette indemnité à une rémunération que nous avons choisi de traiter l’IRFM comme nous le faisons : suppression et remboursement sur justificatifs, mais avec une souplesse accordée aux assemblées. Vous évoquez l’éventualité de faire appel à des commissaires aux comptes. Pourquoi pas ? Mais la question de la certification devra être tranchée par les bureaux des assemblées – elle ne relève pas, me semble-t-il, de la loi.

Madame Obono, vos réflexions sur le désenchantement démocratique et la nécessité de repenser le fonctionnement des institutions même de la Ve République dépassent de beaucoup le cadre de ce projet de loi. Je connais la position de La France insoumise sur ce sujet… Une réforme constitutionnelle interviendra, même si elle ne sera sans doute pas à la hauteur de vos ambitions.

En revanche, j’ai été très intéressée par vos propos sur les conflits d’intérêts. Les dispositions comprises dans le projet de loi apportent, je crois, des réponses. Outre ce que j’ai dit dans mon propos introductif, je souligne que le projet de loi évoque le déport des députés qui se trouveraient en situation de conflit d’intérêts. Cette question sera, comme le dispose l’article 2, traitée en lien avec le déontologue. Un registre public des déports des parlementaires sera tenu, et des sanctions seront prévues par chacune des assemblées. Ces mesures permettront, je crois, de répondre aux situations de conflit d’intérêt, et constituent à coup sûr une amélioration par rapport à l’existant.

M. Olivier Marleix. Madame la ministre, je regrette que vous ne vous attachiez pas à retrouver à l’Assemblée nationale la quasi-unanimité avec laquelle ce texte a été voté au Sénat.

Si cette unanimité a été réunie, c’est d’abord parce que la Haute Assemblée a élargi la définition du conflit d’intérêts, qui ne saurait en aucun cas ne concerner que les députés – un député parmi 577 ne peut pas grand-chose. En revanche, s’agissant des hauts fonctionnaires, la question n’est pas théorique du tout. Je vous ferai tenir, d’ici à la séance publique, un très bon livre intitulé Sphère publique, intérêts privés, rempli de pépites sur le pantouflage et les scandales que notre pays tolère en la matière. Prétendre moraliser l’action publique sans s’intéresser à cette question, c’est se moquer de nos concitoyens.

Le Sénat a également souhaité étendre aux ministres les règles que le Gouvernement propose d’appliquer aux parlementaires. Je pense en particulier à la réserve ministérielle, ou aux dépenses de fonctionnement engagées par les membres du Gouvernement.

Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice. Mais je suis entièrement d’accord avec vous ! Simplement, la réserve ministérielle est au ministère de l’intérieur, et elle se monte à 5 millions d’euros – elle était de 19 millions il y a quelques années. Destinée aux investissements locaux, elle est absolument transparente, puisqu’elle est publiée annuellement sur internet, en open data (Exclamations sur de nombreux bancs)

M. Olivier Marleix. Mais c’est la même chose pour la réserve parlementaire ! Et c’est la même ligne budgétaire. Le « deux poids, deux mesures » proposé par le Gouvernement ne se comprend donc absolument pas en droit.

Vous écartez d’un revers de main la question des frais de fonctionnement du Gouvernement ; c’est pourtant également une question de confiance. Je vous rappelle les scandales de naguère, concernant des achats de cigares par exemple… Si le Gouvernement laisse volontairement cette question de côté, votre texte sera très incomplet et des scandales viendront à nouveau émailler notre actualité.

Enfin, le Président de la République s’était engagé à créer un statut de la Première dame. La presse a évoqué la création d’une charte, mais un tel document ne constitue pas une base légale. Or la Première dame est un agent qui n’a aucun statut public, mais qui bénéficie d’argent public. Pourquoi ne profitez-vous pas de ce texte pour régler, une bonne fois pour toutes, cette question qui se pose à chaque quinquennat ?

M. Olivier Dussopt. Madame la ministre, j’aimerais vous interroger sur la question de la prise illégale d’intérêts, définie à l’article 432‑12 du code pénal.

Aujourd’hui, la prise illégale d’intérêts fait l’objet d’une jurisprudence parfois contradictoire, selon que c’est le juge pénal ou le juge administratif qui se prononce. Le code pénal la définit comme « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Ce qui est interdit, c’est de rassembler en une même personne la qualité de surveillant public et celle de surveillé privé.

La jurisprudence établit le fait qu’il n’est pas nécessaire, pour que le délit soit constitué, que la collectivité ait souffert d’un quelconque préjudice. Le chef de l’exécutif d’une collectivité est par ailleurs d’autant plus vulnérable que le code général des collectivités territoriales le désigne comme unique chargé de l’administration de la collectivité locale, nonobstant les délégations qu’il peut accorder. Enfin, il faut souligner que la loi ne pose aucune limite au degré de parenté entre la personne chargée du dossier et le bénéficiaire de la décision susceptible d’être retenue.

La Cour de cassation a rendu sur ce sujet, le 22 octobre 2008, un arrêt qui précise que « l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils président entre dans les prévisions de l’article 43212 du code pénal », et ce même si cette présidence est bénévole. Se trouve ainsi démentie l’interprétation rassurante développée par le ministère de l’intérieur jusqu’en 2005, dans diverses réponses à des questions écrites – position qui était également celle du juge administratif lorsque ce dernier a à connaître de la légalité des délibérations, l’article L. 2131‑11 du code général des collectivités territoriales disposant que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Force est de constater aujourd’hui que la jurisprudence du juge pénal est plus stricte que celle du juge administratif. Afin d’améliorer la sécurité juridique des élus locaux, et en particulier de ceux qui participent aux organes de direction d’associations subventionnées, le sénateur Bernard Saugey avait proposé, en 2009, de modifier la rédaction du code pénal en s’inspirant de la jurisprudence administrative, en limitant l’incrimination aux cas d’intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Cette proposition a été adoptée par le Sénat, contre votre avis et malgré vos arguments. Vous avez en effet souligné, à juste titre, que rien ne garantit que le juge pénal se conformera à l’esprit de cette nouvelle rédaction.

Il serait donc utile, je crois, de clarifier dans ce projet de loi la notion de prise illégale d’intérêts. Une formulation plus précise pourrait être envisagée, en remplaçant l’intérêt quelconque qui apparaît dans la décision de la Cour de cassation par l’intérêt explicitement matériel ou financier.

Je crains en outre que les mesures du projet de loi visant à interdire les emplois familiaux ne renforcent la confusion autour de la notion de prise illégale d’intérêts. Une incrimination pénale est en effet prévue en cas de violation de la nouvelle interdiction faite aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux chefs d’exécutifs locaux, d’employer ou de nommer des membres de leur famille proche comme collaborateurs.

Or cette interdiction, qualifiée de nouvelle par votre exposé des motifs, existe déjà pour les chefs d’exécutifs locaux. Le fait que les chefs d’exécutifs locaux embauchant des membres de leur famille ne soient pas systématiquement poursuivis pour prise illégale d’intérêts s’explique uniquement par la politique pénale des parquets, et non par l’absence de disposition législative : les parquets pourraient tout à fait poursuivre les dirigeants d’exécutifs locaux qui recrutent des proches comme collaborateurs, politiques ou autre. Pas plus tard que le 6 juillet dernier, un élu du Rhône, maire, a été condamné pour prise illégale d’intérêts parce qu’il avait recruté sa sœur comme directrice générale des services ; celle-ci a été condamnée pour recel de prise illégale d’intérêts. À aucun moment n’a été évoqué le fait que cet emploi ait pu être fictif.

La seule nouveauté du texte réside finalement dans la création d’un principe de remboursement.

De plus, vous prévoyez pour cette interdiction « nouvelle » une peine de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende ; mais les mêmes faits sont punis, par l’article 432‑12 du code pénal, d’une peine de prison de cinq ans. Il y a là une distorsion regrettable : est-elle volontaire ?

Madame la ministre, envisagerez-vous de clarifier la notion de prise illégale d’intérêts, souvent utilisée dans des affaires nuisant à la crédibilité des élus et des acteurs publics ?

Enfin, il me semble que ce que nos concitoyens ne supportent plus, c’est le caractère fictif ou complaisant d’un emploi plutôt que son caractère familial. La seule manière de mesurer ce caractère fictif ou complaisant serait d’établir un référentiel : pour cela, il faut que nos collaborateurs aient un statut.

M. Paul Molac. Je crois, contrairement à ce que j’ai entendu tout à l’heure, qu’il y a urgence à agir. Certains d’entre nous savent bien de quoi il retourne, puisque nous avons passé les cinq années de la législature précédente à évoquer ces problèmes. Quand on se promène sur les marchés ou ailleurs, il faudrait être autiste pour ne pas entendre ce que nous disent nos concitoyens – et je ne vous dis pas combien de fois on m’a demandé si j’employais ma femme !

J’appelle en particulier votre attention, madame la ministre, sur les causes d’inéligibilité. Nous avions, en 2016, voté une loi qui les élargissait. J’ai bien compris qu’il existait des risques d’inconstitutionnalité. Mais nos concitoyens ne supportent plus que celui qui fait la loi – la loi qui contraint ou qui oblige à payer l’impôt – ne soit pas exemplaire. Fut un temps, sans doute, où les élus étaient mis sur un piédestal ; ils en sont tombés. L’élu doit être encore plus exemplaire que le commun des mortels. Notre loi ne doit donc pas à mon sens se limiter aux questions de probité : cela nous serait reproché.

En ce qui concerne l’indépendance des parlementaires, je note que l’on ne touche pas à l’immunité parlementaire, et je m’en réjouis. Quant à l’IRFM, elle nous permet simplement d’exercer notre mandat. La transparence est évidemment nécessaire : les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 assurent que tout contribuable doit pouvoir vérifier l’emploi de l’impôt. Mais je me suis battu pendant cinq ans contre le fléau de la complexité administrative qui touche tout un chacun, comme nos collectivités locales et nos entreprises : il ne faudrait pas construire une usine à gaz. Il est indispensable de mettre au point un dispositif simple et transparent.

Quant à la réserve, elle permet d’établir un lien avec nos concitoyens et avec les maires. Le Gouvernement souhaite la supprimer, soit ; mais comment alors le parlementaire rencontrera-t-il des vrais gens, avec des problèmes réels, des besoins et des attentes ? On peut évidemment imaginer un système autre. Mais nos concitoyens ne voudraient pas de députés qui ne seraient qu’à Paris, qui ne comprendraient plus le territoire où ils ont été élus.

M. Arnaud Viala. Il est en effet nécessaire de restaurer la confiance entre les élus et nos concitoyens. Ceux-ci sont aujourd’hui très éloignés de la chose publique et se méfient de leurs représentants, ce qu’ils ont fermement exprimé en particulier lors des récents scrutins. Cette expression de défiance laissera des traces durables. Du côté des élus, ce sentiment de méfiance est difficile à supporter. Il est extrêmement désagréable d’être vus comme des voleurs de poules, alors que la plupart, voire la totalité, d’entre nous, ne volent rien et essayent d’exercer honnêtement leurs fonctions, de mener honnêtement leur vie. Il ne peut exister de confiance que si les deux parties collaborent pour la rétablir.

Tel qu’il est rédigé, le projet de loi est un catalogue de mesures sans principe fondateur. Je voudrais donc en citer trois.

Tout d’abord, la sphère publique englobe différents acteurs ; le champ du projet de loi est à mes yeux trop restreint. Il est clairement antiparlementaire ; et beaucoup d’articles traitent de l’exercice du mandat de député, mais pas des sénateurs, ni des autres élus, ni d’ailleurs des autres responsables publics, notamment des fonctionnaires. Cela constitue à mon sens un manque grave.

Ainsi, on dit qu’il faut supprimer la réserve parlementaire parce qu’elle ne serait pas transparente ; or son attribution est publiée tous les ans sur le site de l’Assemblée nationale, et certains députés dont je fais partie ont publié la répartition de leur propre réserve par tous les moyens possibles, dans la presse locale par exemple. Et c’est en arguant du fait qu’elle est publiée sur internet que vous défendez la réserve ministérielle ! Cet argument, qui concerne tout aussi bien la réserve présidentielle, puisque l’on sait qu’une partie des fonds précédemment gérés par le ministère de l’intérieur l’est maintenant à l’Élysée, n’est donc pas recevable.

Je voudrais également évoquer la nécessité, pour tout député, de présenter une situation fiscale sans tache. Cela me paraît normal ; mais pourquoi cela ne concernerait-il pas tous les élus qui prennent des décisions en matière fiscale, qui votent des taux, des budgets, des contributions ? Si cette mesure n’est pas clairement antiparlementaire, je ne sais pas lire ce texte.

Le deuxième principe que je voudrais replacer au cœur de l’examen du projet de loi, c’est celui de la territorialisation de l’élu, et en particulier du député. Avec la disparition de la réserve parlementaire et le pis-aller proposé par le Sénat, vous mettez fin au lien entre le député et le territoire, lien qui se faisait par l’attention portée aux associations. La fin de l’IRFM marque, quant à elle, le peu de considération que vous accordez aux différences qui peuvent exister entre un élu d’Île-de-France et celui d’une province éloignée : les dépenses, les besoins, les exigences ne sont évidemment pas les mêmes. C’est faire peu de cas des nuances qui existent entre les territoires.

Le troisième principe, qui me paraît essentiel, et qui est gommé par ce texte, c’est celui de la liberté et de l’indépendance de l’élu dans l’exercice de son mandat. De là devrait pourtant découler toute décision sur les moyens alloués. Ainsi, s’agissant des frais relatifs au mandat, l’existence d’un contrôle est normale ; mais qui jugera de l’opportunité de la dépense ?

Ces trois principes guideront les amendements que je défendrai.

M. Éric Ciotti. Ce projet de loi vise notamment à supprimer la réserve parlementaire. Pouvez-vous, madame la ministre, vous engager solennellement aujourd’hui, devant la représentation nationale, sur le fait que les montants concernés – et qui sont bien loin des fantasmes nourris par certains – demeureront attribués aux associations et aux collectivités locales, et ne seront pas simplement supprimés ?

M. David Habib. Je ne rappellerai pas, madame la ministre, le contexte dans lequel est né ce projet de loi, fruit d’un renoncement à une candidature et du ralliement à un autre candidat. Député des Pyrénées-Atlantiques, je peux vous assurer que si la parfaite honnêteté de François Bayrou ne saurait être mise en cause, il n’est pas exempt d’emballements hâtifs ni d’enthousiasmes rapides. Ce texte nous montre les limites de cette philosophie de l’action.

Pour les conflits d’intérêts, on attendra une réforme constitutionnelle ; pour le casier judiciaire, on ne sait pas si la Constitution autoriserait une restriction ; pour la banque de la démocratie – une très bonne idée –, on attend d’en savoir un peu plus et peut-être que l’on choisira de légiférer ; sur l’IRFM, on cherche un mode de fonctionnement à la fois praticable et transparent. Cela fait beaucoup d’hésitations, beaucoup d’incertitudes pour un texte censé révolutionner notre démocratie !

Cerise sur le gâteau pour celui qui habite à 800 kilomètres de Paris, et s’en réjouit souvent, voici la réforme de la réserve parlementaire. Il faut être très parisien pour remettre en cause ce dispositif. Mes concurrents d’En marche dans ma circonscription – le titulaire et le suppléant sont tous deux maires – me demandaient chaque année un peu de ma réserve parlementaire ; chaque année, je leur en ai donné. On parle de clientélisme : je me suis demandé si ce que je leur avais donné était suffisant… (Sourires.)

Où est le clientélisme, lorsque l’on est député d’une circonscription qui compte 172 communes, dont certaines qui comptent 38 ou 50 habitants et qui ont besoin d’aide pour avoir accès à la DETR, à une aide départementale, et qui n’ont pas les moyens de faire face rapidement à un affaissement de voirie ou de bâtiment public ? Il est faux de dire que la réserve ministérielle est plus transparente que la réserve parlementaire : c’est l’inverse, madame la ministre ! J’attends toujours de savoir comment a été utilisée la réserve ministérielle des années précédentes. On en connaît un montant global, mais pas le détail de l’affectation. J’ai appartenu durant quinze ans à la commission des Finances : nous votions une somme globale, mais c’est tout.

En supprimant la réserve parlementaire, ne pensez-vous pas nourrir une plus grande docilité des parlementaires vis-à-vis d’un exécutif qui pourra seul aider financièrement le territoire d’élection du parlementaire ? Je pose la question, mais je connais la réponse !

Votre démarche participe d’un affaiblissement du Parlement que nous craignons, que nous constatons depuis les élections présidentielle et législatives. On ne peut que partager le souci de transparence et de modernisation de la vie publique. Mais nous devons être très vigilants sur la place du Parlement dans l’organisation de notre système démocratique.

M. Manuel Valls. Il est normal que ce texte soit présenté maintenant, étant donné les engagements qui ont été pris et les attentes de nos concitoyens – même si nous savons tous qu’il ne résoudra pas la crise de la représentation que nous connaissons et qui est intrinsèque à la démocratie. Quoi qu’il en soit, il est normal de légiférer, même dans une sorte d’urgence, quoique nos débats fassent parfois apparaître davantage de questions que de réponses.

Je crois néanmoins qu’il existe un manque que je tiens à souligner devant vous, madame la garde des sceaux, puisque vous allez certainement défendre des réformes constitutionnelles. L’exercice du mandat de député est confronté à trois changements majeurs. Le premier concerne l’entrée en vigueur – je m’honore de l’avoir défendue – du non-cumul des mandats, qui modifiera profondément l’exercice du mandat parlementaire sans que l’on n’en mesure encore – nous en avions débattu il y a trois ans – toutes les conséquences. Le deuxième événement tient au renouvellement profond de l’Assemblée nationale, dont vous incarnez le nouveau visage et que nous sommes quelques-uns, très minoritaires, à ne pas représenter – et c’est heureux, pour ce qui me concerne. Troisième changement : les réformes à venir. Je pense en particulier à la diminution du nombre de parlementaires et à l’introduction d’une dose de proportionnelle. Il restera alors environ trois cents députés élus au suffrage direct dans des circonscriptions qui devraient à peu près doubler en taille – ce qui, incidemment, met presque fin au débat sur la réserve parlementaire puisqu’il faudrait donc la doubler pour être vraiment efficace.

Or, aucune réflexion, y compris dans le présent texte sur la fonction de député, n’intègre ces trois éléments profonds. Nous légiférons certes dans une certaine urgence, et c’est bien normal, même si la navette avec le Sénat nous laissera un peu de temps, mais nous ne tenons pas compte de la question suivante, déjà posée : qu’est-ce aujourd’hui qu’être député ? Quelle est sa mission, qu’il s’agisse de contrôler l’exécutif, de voter et d’évaluer la loi mais aussi de représenter les territoires ? Faute de mener cette réflexion, le texte que nous allons voter risque d’être pour partie remis en cause dans les années qui viennent, soit par l’évolution constitutionnelle, soit par la réalité des pratiques, soit encore parce que l’Assemblée nationale comptera beaucoup moins de députés. Il faut pourtant partir de cette question fondamentale : au cœur de la crise démocratique que nous connaissons se trouve la question de la représentation du député, sans doute aujourd’hui la personne publique la moins comprise et la moins soutenue par nos concitoyens qui, à l’inverse, font confiance au Président de la République ou au maire. L’abstention en est l’illustration – à relier à l’inversion du calendrier électoral intervenue il y a quelques années.

J’insiste : l’indépendance est au cœur de la mission du parlementaire. L’indépendance par rapport au monde économique, tout d’abord, d’où la nécessité de légiférer sur les conflits d’intérêts, mais aussi l’indépendance par rapport à l’exécutif, d’où la nécessité de donner aux parlementaires les moyens d’agir. De ce point de vue, il faut de la clarté. M. Habib vient de le dire, mais allons jusqu’au bout de ce débat : la demi-mesure sera inutile. Je vous mets en garde contre la demi-mesure au sujet de la réserve parlementaire : soit l’on considère que le député peut agir sur son territoire alors qu’il ne cumule plus de mandats, soit qu’il n’agit plus mais, dans un cas comme dans l’autre, il faudra être clair. À cet égard, le texte dont nous débattons aujourd’hui ne me satisfait pas. M. Carlos Da Silva, qui fut mon suppléant pendant quatre ans et demi, a parfaitement bien utilisé la réserve parlementaire dans la plus grande transparence et les associations en sont très heureuses. La question qu’il faut poser, et qui n’est guère présente dans nos débats, est donc celle-ci : est-ce utile ?

De même, s’agissant de l’indemnité de parlementaire et de l’IRFM, toutes les propositions évoquées sont des demi-mesures. Nous pourrions décider d’augmenter l’indemnité des parlementaires – c’est une question que devra défendre le Président de l’Assemblée nationale – contre l’opinion, et ce serait très violent … Mais le travail effectué par le Sénat, qui n’entretient pas le même rapport avec l’opinion, est à terme voué à l’échec. Nous verrons ce qu’il en est lors de l’examen des amendements, et chacun des groupes pourra s’exprimer mais là encore, le député a son rôle. Je me fais une certaine idée de ce qu’est ce rôle du député, qui est au cœur de la fondation de la République en 1789 ; cela vaut pour son indemnité, sa retraite et son rapport avec l’exécutif. Nous touchons à des sujets essentiels. L’enthousiasme est certes important, mais il recouvre la conception même du rôle du député. Même à l’ère de la mondialisation, du numérique et de l’exigence citoyenne, la représentation parlementaire ne changera pas. Les députés sont des hommes et des femmes élus pour représenter le peuple. Démocratie directe ou non, il n’existe qu’un seul système démocratique – que l’on me prouve que les autres ont fonctionné ! – qui consiste en la représentation souveraine du peuple dont chacun d’entre nous exerce une part.

Parce que ce que nous faisons est essentiel, je souhaite vivement que nous allions au bout du débat avec le Sénat, au sein de l’Assemblée et avec vous, madame la garde des sceaux, car je vous sais soucieuse des fragilités dont souffre parfois la démocratie. Nous devons poursuivre la discussion, car nous sommes saisis de plusieurs sujets qui touchent au cœur de ce qu’est le mandat du député. Qu’est-ce qu’un député ? C’est à cette question qu’il nous faut tous répondre non seulement dans le texte que nous allons voter dans les prochains jours mais aussi dans les prochains mois, si réforme constitutionnelle il y a.

M. Philippe Latombe. Par parallélisme des formes, nous sommes favorables à la suppression de la réserve parlementaire et, cela va de soi, à celle de la réserve ministérielle. S’agissant de l’IRFM, nous proposerons un amendement visant à répondre à la nécessité de faire contrôler les comptes par des commissaires, comme l’a évoqué M. Morel-À-L’Huissier ; nous y reviendrons plus en détail demain.

Nous souhaitons appeler votre attention, madame la garde des sceaux, sur un point qui n’a encore été qu’effleuré : la banque de la démocratie. Vous avez mentionné le médiateur du crédit, qui apporte certes une réponse, mais insuffisante, car un médiateur du crédit esseulé ne pourra guère agir. Nous souhaitons établir un dispositif simple et efficace de banque de la démocratie qui, en outre, encouragera à l’évidence le pluralisme de la vie démocratique en favorisant certains partis qui ne parviennent pas à émerger faute de moyens, d’autres qui connaissent des trous d’air en termes de financement et qui ont besoin d’être accompagnés. Nous n’envisageons donc pas le texte qui nous est présenté aujourd’hui sans la banque de la démocratie, un sujet sur lequel le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés sera une force de proposition.

M. Xavier Breton. Je ne reviendrai pas sur l’opportunité de ce texte : annoncé pendant la campagne électorale, il était d’une certaine façon attendu par nos concitoyens. Peut-être d’autres préoccupations économiques et sociales étaient-elles plus urgentes, mais c’est ce texte qui nous est présenté ; soit. À la lumière des débats que nous avons, nous regrettons le recours à la procédure accélérée, car une navette supplémentaire avec le Sénat aurait pu être utile pour améliorer le contenu du texte.

Permettez-moi de m’interroger sur trois points.

Le premier point porte sur la transparence : oui à la transparence, mais alors pour tous. Certaines catégories de nos concitoyens seraient pourtant exemptées des règles qui s’imposeront aux élus et, en particulier, aux parlementaires ; c’est le cas des hauts fonctionnaires, qui ne seront pas soumis aux mêmes règles d’utilisation de l’argent public.

Ensuite, ce texte présente un risque de recentralisation technocratique lié à la suppression de la réserve parlementaire, les crédits concernés étant placés à la discrétion des services de l’État. La critique qui est faite de cette réserve au motif qu’elle serait un instrument de clientélisme témoigne d’une méconnaissance de son utilisation, a fortiori à l’heure où les baisses de dotations frappent durement les collectivités locales, notamment les communes de petite taille, et les associations locales.

Enfin, le titre de ces projets de loi visant à « rétablir la confiance dans l’action publique » est quelque peu prétentieux, et le Sénat a bien fait de le remplacer par un intitulé plus modeste. Je m’interroge néanmoins sur votre recul, madame la ministre, concernant la notion de moralisation, un terme dans lequel vous avez dit ne pas vous retrouver. Pourtant, la première phrase de l’exposé des motifs du projet de loi est ainsi rédigée : « Les premières lois du quinquennat doivent viser à moraliser la vie publique ». Est-ce pour vous une manière de vous démarquer de votre prédécesseur, et cette démarcation ne se limite-t-elle qu’au titre du texte ou s’étend-elle aux mesures qu’il contient et, le cas échéant, lesquelles ?

M. Robin Reda. Nous en arrivons au stade de la synthèse et je prends la précaution oratoire de dire que je suis évidemment favorable au rétablissement de la confiance et de la morale dans notre vie publique, même si ce projet de loi s’apparente à un projet de rééducation des masses amorales que nous serions, nous ignares du Parlement tout juste arrivés et pas encore habitués aux astuces de la maison.

Je regrette comme d’autres que nous rédigions une loi à la découpe qui, au fond, est destinée à affaiblir les parlementaires. Comment croire que demain, les moyens de ces parlementaires en moindre nombre augmenteront, conformément aux engagements du Président de la République ?

Il est important de mener un débat serein, entre voyeurisme et victimisation. J’ai tout de même été interpellé par la notion de « renouvellement des visages », qui aurait mis fin à des pratiques immorales. Sans doute a-t-il mis fin au manque de confiance envers la vision et la capacité à décider de certains candidats, mais ceux-ci n’étaient pas toujours éloignés de la probité.

Certaines mesures de bon sens permettront d’aider les électeurs à choisir, puisqu’ils sont, selon moi, les seuls juges de paix : le casier judiciaire, le quitus fiscal, la déclaration d’intérêts – autant d’éléments à fournir avant la présentation d’une candidature à une élection qu’il devrait aussi falloir fournir avant la nomination à de hautes fonctions publiques.

Enfin, la moralisation renvoie avant tout à la question de l’usage de l’argent public. En menant un débat honnête sur l’IRFM, nous avons évoqué le contrôle de légalité et le contrôle d’opportunité – autrement dit, le pouvoir de l’administration et celui du député, en son âme et conscience. J’insiste également sur l’examen des frais de gestion liés à l’IRFM, qui générerait une augmentation de dépenses et un renforcement du pouvoir de l’administration par rapport au pouvoir des responsables politiques.

En somme, la véritable question à poser est la suivante : voulez-vous que les députés existent demain pour eux-mêmes, à l’Assemblée nationale et en circonscription, ou qu’ils soient des députés hors sol, infantilisés par leur groupe et par l’administration ?

Mme Delphine Batho. Je considère qu’une grande loi de moralisation de la vie publique est nécessaire. Nos échanges, au fond, se résument à la question suivante : ce texte sera-t-il une énième loi qui en annoncera d’autres, nécessaires, ou s’agit-il d’un véritable acte législatif refondateur ? Il faut selon moi écouter l’avis sur ce point du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui déplore un texte écrit dans l’urgence et semblable à une loi d’ajustement qui, à ce titre, ne comporte pas un certain nombre de réformes que nous proposerons quant à nous par voie d’amendement.

Je tiens à appeler votre attention sur plusieurs reculs par rapport à ce que le Président de la République a présenté lors de sa campagne, en particulier l’interdiction de la fonction de conseil. Certes, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la loi de 2013 existe. De deux choses l’une : soit le Président de la République avait pris l’engagement de cette interdiction en méconnaissance de cette jurisprudence, soit il savait que cet engagement ne serait pas tenu. Sans doute, comme l’ont dit certains collègues, aurions-nous dû faire les choses dans l’ordre en commençant par la révision constitutionnelle pour en traduire dans un deuxième temps certaines dispositions dans une loi organique. Il n’existe aucune objection rédhibitoire, même constitutionnelle, à établir le non-cumul strict de l’exercice du mandat parlementaire avec toute autre activité professionnelle rémunérée – c’est la suite logique du non-cumul des mandats. Nous vous proposerons des amendements qui apportent des solutions, notamment dans le cadre de la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, afin d’empêcher la corruption, tout simplement. Lorsqu’un député est rémunéré par des fonds privés dans le cadre d’une fonction de conseil pour son influence dans tel ou tel débat parlementaire, cela s’appelle en réalité de la corruption.

Enfin, je ne souscris pas du tout au raisonnement selon lequel on pourrait inclure l’expression « confiance dans l’action publique » dans l’intitulé d’un texte sans aborder la question de l’influence des lobbies sur la haute administration et sur la haute fonction publique. Autant je suis tout à fait ouverte à tout débat sur l’IRFM, sur la réserve parlementaire ou encore sur le nouveau statut des députés, autant il me semble anormal, dès lors que l’on veut mettre la décision publique et démocratique à l’abri de toute influence du secteur privé, de considérer que cette question est hors du sujet du débat alors même qu’elle est centrale pour expliquer pourquoi nos concitoyens ont le sentiment que si les gouvernements passent et les alternances se succèdent, ce sont toujours les mêmes qui, dans les coulisses, influencent les décisions.

M. Éric Diard. Je partage l’avis de la rapporteure, madame la ministre : il faut replacer le terme « confiance » dans le titre de ce projet de loi. Pour autant, je crois comme M. Breton que l’emploi du verbe « rétablir » est quelque peu prétentieux car à lui seul, ce texte ne résoudra pas la crise démocratique. Mieux vaudrait qu’il vise à « améliorer la confiance », plutôt qu’à la « rétablir ».

Au sujet de la réserve parlementaire, madame la ministre, vous avez parlé de pratique contestée. Par qui ? Je me suis rendu sur les marchés et nul ne m’en a parlé. Vous avez aussi parlé de « non-dit juridique » : là encore, je ne comprends pas ce que vous avez voulu dire. L’utilisation de la réserve parlementaire est contrôlée. Je veux ici me faire l’avocat – loin de tout conflit d’intérêts – des associations, qui subissent le contrecoup des économies réalisées par les collectivités territoriales et pour lesquelles ces aides – dont je rappelle qu’elles ne concernent que l’investissement – sont une véritable bouffée d’oxygène. Je citerai par exemple le cas d’une association environnementale dont le véhicule a brûlé dans l’incendie de Vitrolles et de Pennes-Mirabeau, et qui a pu s’acheter un véhicule flambant neuf grâce à la réserve parlementaire. Pourquoi la supprimer, en dépit de son importance ? Il faut certes davantage de transparence mais, à ce stade, vous n’avez apporté de réponse ni aux communes ni aux associations. Vous faites preuve de précipitation. Je vous en conjure : revoyez le texte sur ce point.

De même, il faut davantage de transparence concernant l’IRFM, mais le système que vous proposez me semble impraticable, car il est difficile de tout contrôler, à moins d’effectuer de nouveaux recrutements. Il est à craindre que votre proposition ne se transforme en véritable usine à gaz.

M. Raphaël Schellenberger. Vous avez présenté ce projet de loi, madame la ministre, comme le garant du rétablissement de la démocratie, qui souffre aujourd’hui beaucoup de plusieurs turpitudes. Or, depuis quelques temps, on sent que ce qui peut sauver la démocratie, c’est la transparence. Est-ce du voyeurisme lié aux données ouvertes et massives, au numérique et à la revendication de démocratie directe, ou faut-il plutôt « injecter » de la transparence dans l’ensemble du processus politique ? De ce point de vue, votre démarche est carencée ; il eût été plus transparent de nous présenter d’emblée l’ensemble de votre triptyque législatif en y incluant votre projet de réforme constitutionnelle et la vision que vous avez de la réforme des institutions.

Dans votre propos introductif, vous avez résumé les raisons qui vous poussent à procéder comme vous le faites. Les sondages, qui diraient ce que les Français veulent, sont le premier élément qui vous incite à nous présenter ce projet de loi aujourd’hui. Je ne suis pas convaincu que sur des questions aussi précises, les sondages soient l’outil le plus à même d’éclairer les gouvernants ; mieux vaudrait un véritable débat avec la représentation nationale et les citoyens que nous représentons.

Ce raccourci vous conduit à faire des références maladroites, y compris aux fondements de la démocratie et à 1789. Faire en sorte que chaque citoyen puisse être élu et contribuer aux politiques publiques, cela signifie d’abord donner aux élus les moyens de leur action. Or, c’est précisément ce que vous attaquez par vos propositions sur l’IRFM. Et en même temps, vous nous dites que vous donnerez davantage de moyens à ceux qui veulent être élus en créant une banque de la démocratie. Selon moi, les parlementaires ont plus de difficultés à exercer leur mandat qu’à se faire élire, comme en attestent les dernières élections législatives où le renouvellement n’a guère posé de problème, puisqu’une large part de notre Assemblée se compose de nouveaux élus.

D’autre part, vous faites dans votre présentation une confusion entre agents publics et élus avant d’indiquer que la loi ne concernera que les parlementaires, et non les fonctionnaires et les ministres ; là encore, des précisions sont nécessaires.

J’en viens à l’exercice du mandat parlementaire. J’ai été très attentif aux propos que vous avez tenus concernant l’indépendance de l’action des parlementaires, et je vous remercie de vous en préoccuper. L’exercice d’un mandat local, cependant, et l’observation de l’exercice du pouvoir par votre Gouvernement m’amènent à m’interroger sur plusieurs points. Le Parlement sera-t-il réellement indépendant lorsqu’il demandera à auditionner à huis clos le chef d’état-major des armées et qu’il en sera empêché par crainte que l’intéressé ne raconte des bêtises ? Une loi seule ne suffira pas à garantir l’indépendance du Parlement ; c’est la pratique du pouvoir que les uns et les autres exerceront qui le permettra. C’est là toute la limite d’un projet de loi tel que celui dont nous débattons : au fond, une fois la règle établie, reste à savoir comment elle sera interprétée et mise en œuvre. C’est sur ce point que je souhaite que le Parlement soit très attentif.

S’agissant des conflits d’intérêts, j’éprouve quelque déception à vous entendre les réduire à deux situations : vous n’avez évoqué que les conflits d’intérêts entre l’échelon local et l’échelon national, comme si le fait d’être à la fois élu local et parlementaire générait mécaniquement un conflit d’intérêts, comme si les élus ne pouvaient pas faire preuve de libre arbitre et faire la part des choses entre l’exercice de leurs mandats, et comme si l’exercice d’un mandat local ne pouvait pas contribuer à mieux exercer un mandat national. C’est faire preuve d’un profond mépris à l’endroit des élus locaux que d’invoquer systématiquement un conflit d’intérêts par essence entre mandat local et national. De surcroît, vous ignorez la question plus générale du statut de l’élu, et celle qui a pourtant semblé préoccuper les Français lors des élections législatives, à savoir la représentation de la société civile. En élisant des candidats issus de la société civile – comme s’il existait par ailleurs une société politique –, on a finalement multiplié les sources potentielles de conflits d’intérêts puisque les élus ont été choisis pour leur parcours professionnel, personnel, associatif, comme s’ils n’allaient pas continuer de défendre les convictions qu’ils avaient dans l’exercice de leurs fonctions antérieures.

En clair, comme beaucoup d’autres propositions, ce projet de loi correspond avant tout à une vision de la recentralisation administrative de l’exercice du pouvoir. En déresponsabilisant le politique, vous entendez confier davantage de pouvoir à l’administration centrale. Ce n’est pas ainsi que l’on rétablira la confiance des électeurs et des citoyens. La seule façon de rétablir leur confiance est de repositionner la responsabilité du politique, qu’il s’agisse de la libre administration des collectivités locales, de la responsabilité des parlementaires ou de leur identification sur le territoire. De ce point de vue, les différentes mesures que vous proposez, notamment le scrutin proportionnel aux élections législatives, loin de rétablir la confiance entre les élus et leurs électeurs, contribueront plutôt à l’affaiblir, voire à l’éliminer.

M. Régis Juanico. M. Molac évoquait à l’instant l’urgence d’agir ; il n’a pas tort. Ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines, un certain nombre d’affaires et de comportements ont alimenté un sentiment de défiance, désormais très fort dans le pays, entre nos concitoyens et les élus qui les représentent. En matière de confiance dans l’action publique, nous ne partons toutefois pas de rien ! Depuis l’époque de Michel Rocard, en 1988, une quinzaine de textes de loi ont été adoptés et ont permis de mieux encadrer le financement des partis politiques et des campagnes électorales. Je cite en particulier la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique, par laquelle a été créée la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Ce nouveau texte doit donc compléter utilement une législation déjà robuste et pallier les vides juridiques. Il comporte de bonnes mesures, comme l’interdiction des emplois familiaux, le durcissement des peines d’inéligibilité prononcées à l’encontre d’élus condamnés pour absence de probité, ou encore le renforcement du contrôle et de la transparence de l’IRFM, que nous avions commencé d’entreprendre, à condition qu’il ne conduise pas au recrutement d’une cinquantaine de fonctionnaires supplémentaires à l’Assemblée nationale alors que les députés eux-mêmes – dont M. Valls a rappelé le rôle à juste titre – ont besoin de moyens supplémentaires pour mieux contrôler l’exécutif et évaluer les lois.

Cela étant, ce texte peut fournir une occasion d’aller plus loin en termes de transparence et d’exemplarité afin de placer la vie publique à l’abri des intérêts financiers privés et des influences étrangères. Je tiens à citer deux propositions que nous présenterons par voie d’amendement. La première concerne la prévention des conflits d’intérêts. Pourquoi ne pas rendre publique l’identité des personnes qui font un don total supérieur à 2 500 euros lors d’une campagne électorale ou à un parti politique ? Nos concitoyens sont en droit de savoir qui sont les principaux contributeurs au financement des campagnes, qui finance ceux qui vont nous gouverner et si ceux-ci gouverneront au nom de l’intérêt général.

Notre deuxième proposition, que Mme Batho vient d’évoquer, porte sur le régime d’incompatibilités. Pourquoi ne pas interdire purement et simplement toute activité professionnelle à quiconque exerce un mandat parlementaire ? Aujourd’hui, il existe une inégalité de fait entre les fonctionnaires qui, naturellement, ne peuvent poursuivre l’exercice de leur profession, et les personnes qui exercent un certain nombre d’activités – notamment les professions libérales – bénéficiant de dérogations. Si celles-ci souhaitent continuer de se former via la formation continue gratuite afin de ne pas perdre leurs compétences, il n’est pas nécessaire qu’elles soient rémunérées. Nous proposons donc un principe clair et étanche : aucune activité professionnelle n’est autorisée pendant l’exercice du mandat parlementaire, de sorte que les députés le soient à temps plein.

Enfin, ma dernière question concerne moins le texte de loi à proprement parler que ses conséquences, en particulier pour la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques. Cette instance qui fait bien son travail a des missions de plus en plus étendues, et son rôle se trouvera encore renforcé par ce texte de loi. Comptez-vous augmenter les moyens humains, matériels et budgétaires de cette commission, madame la ministre, ainsi que ceux de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ? En effet, ces deux institutions ont besoin que nous soutenions leur travail quotidien.

M. Charles de Courson. L’instauration de la règle du non-cumul du mandat parlementaire avec des mandats exécutifs locaux devrait s’accompagner du renforcement des moyens des parlementaires. Autrement dit, il faut des parlementaires moins nombreux mais mieux payés et dotés de moyens adaptés à leurs missions. Voilà ce que nous ferions si nous étions des gens sérieux qui souhaitent sincèrement revaloriser la fonction parlementaire. Or, si ce texte, même quelque peu précipité, va dans la bonne direction, il comporte un certain nombre d’imperfections.

Tout d’abord, il aborde la question de l’inéligibilité mais pas celle de l’incompatibilité. Que pensez-vous, madame la ministre, du vieux débat sur la proposition selon laquelle les personnes issues des trois fonctions publiques seraient tenues de démissionner à l’issue de leur premier mandat en cas de réélection, afin de rétablir l’égalité entre les fonctionnaires, en détachement, et les autres, qui ne le sont pas ?

S’agissant des conflits d’intérêts, le texte renvoie en grande partie la définition de cette notion aux bureaux des deux assemblées. Il existe pourtant des textes, y compris européens, qui la définissent – même si l’on peut toujours les contester. Pourquoi ne pas les reprendre dans le présent texte ?

De même, le véritable problème que présente l’IRFM est celui de sa définition. En l’espèce, je soutiens le texte du Gouvernement puisque j’ai défendu cette proposition pendant des années, mais il manque une définition de la notion de frais professionnels. Sans une telle définition, sur quels critères les frais doivent-ils être remboursés ? Les costumes et vêtements, par exemple, sont-ils imputables sur l’IRFM, et dans quelle limite unitaire ? Contrairement à ce que l’on prétend, il n’existe qu’une définition vaseuse de ces frais.

En troisième lieu, je n’ai guère compris votre proposition concernant la réserve ministérielle. Comment maintiendrez-vous l’équilibre entre les parlementaires issus de la majorité du moment et l’opposition ? Chacun sait que la réserve ministérielle, qui est rendue publique, était massivement destinée aux amis politiques – à hauteur de 80 % environ. Je n’incrimine là aucune majorité plus qu’une autre : tout le monde s’est comporté de la sorte. Comment, néanmoins, préserver l’équilibre ? En matière de responsabilisation, êtes-vous favorable à ce que les ministres relèvent de la Cour de discipline budgétaire et financière ? Pourquoi les membres des cabinets en relèvent-ils et non les ministres ?

L’interdiction faite aux élus d’employer un membre de leur famille pose le problème du troc, même si vous avez évoqué des ajustements possibles. Le troc consiste pour un député à embaucher le parent de l’un de ses collègues. Il faudrait donc élargir cette interdiction, à laquelle je suis par ailleurs favorable, en précisant qu’il est interdit d’embaucher un membre de la famille d’un parlementaire, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle d’un autre, faute de quoi le troc qui existe déjà se poursuivra. Il en va de même des ajustements concernant les ex-conjoints : quiconque a un peu vécu sait que le recrutement des ex-conjoints peut parfois se substituer au versement d’une pension alimentaire. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les ajustements que vous avez évoqués en introduction ?

Enfin, nous n’avons nul besoin d’une banque de la démocratie. Que fera-t-elle ? Travaillera-t-elle une fois tous les cinq, tous les trois ou même tous les deux ans ? Elle sera chargée en période de campagne, mais autrement ? Le Sénat a d’ailleurs retoqué cette idée. Une solution bien plus simple et concrète consisterait à créer un fonds de garantie géré par la Caisse des dépôts et consignations afin de faciliter l’accès au crédit des partis et des candidats, par exemple ; nul besoin de créer une banque pour cela.

M. Sébastien Huyghe. Durant la précédente législature, il m’est rarement arrivé d’être en phase avec M. Manuel Valls. Est-ce l’influence du Président de la République ? Aujourd’hui, je partage un grand nombre des idées qu’il a exprimées devant nous. Sans doute sa pudeur naturelle l’a-t-elle amené à s’exprimer à la forme interrogative ; pour ma part, je serai beaucoup plus radical.

Manifestement, les textes qui nous sont soumis ont été écrits par des gens qui n’ont jamais été parlementaires. Nous assistons au premier acte de destruction de la fonction de parlementaire – je pense, en particulier, aux députés –, et de l’essence de la représentation. Le second acte consistera vraisemblablement en une diminution du nombre de parlementaires. On comptera sans doute trois cents députés élus en circonscription, soit la moitié du nombre actuel.

En clair, le lien entre le parlementaire et son territoire sera détruit. Aujourd’hui, un député est ancré dans sa circonscription, il participe à la vie de cette dernière. Lorsqu’il ne siège pas à l’Assemblée, il est sur le terrain où il rencontre souvent ceux de ses concitoyens qui connaissent les plus grandes difficultés. Il les reçoit dans sa permanence, il assiste à de nombreuses manifestations qui ont lieu sur son territoire : fêtes associatives, kermesses, galas de danse, concerts… Cette fonction s’exerce sept jours sur sept.

Ces multiples activités sont l’occasion de dépenses d’une variété infinie, de la chambre d’hôtel que l’on réserve pour une femme qui dort depuis huit jours dans sa voiture alors qu’aucune aide d’urgence n’est mobilisable, au panier de la ménagère que l’on remplit parce qu’une famille ne peut pas nourrir les enfants pour le dîner. Il existe une foultitude de dépenses pour lesquelles nous ne pouvons pas présenter de justificatifs. Notre collègue Philippe Gosselin a évoqué, à juste titre, les participations aux kermesses ou aux tombolas et les tournées payées au bar des fêtes des associations – autant de dépenses indispensables dans le cadre de la fonction de représentation du parlementaire. Supprimer l’IRFM revient donc à supprimer tous ces moyens d’action au quotidien, d’aide et d’ancrage, qui permettaient aux parlementaires d’être présents sur un territoire.

La suppression de la réserve parlementaire participe de la même logique de disparition de la participation du parlementaire à la vie de son territoire. Cette réserve, qui nourrit de nombreux fantasmes, constitue, dans les faits, le moyen d’aider des petites communes qui ne disposent pas des moyens financiers nécessaires à certains investissements – ce financement initial provoque ensuite en cascade l’obtention d’autres subventions de collectivités locales. La réserve permet de participer à la vie associative et sociale d’un territoire.

Vous avez évoqué la possibilité d’un report vers la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), mais cette dotation est à la main du préfet, donc de l’exécutif. Que faites-vous de la séparation des pouvoirs ? Quant au recours à la réserve du ministère de l’intérieur, il faut avoir quelques notions d’histoire : la réserve parlementaire a précisément été créée pour rééquilibrer l’attribution préférentielle de fonds par le ministère de l’intérieur et l’exécutif à des collectivités proches de la majorité.

Vous proposez des textes de défiance à l’égard des parlementaires. Ces derniers seraient a priori malhonnêtes et, pour remettre les choses en ordre, il faudrait leur retirer l’ensemble de leurs moyens d’action locale !

Ces réformes auront pour conséquence de créer des députés hors-sol dont l’élection sera soumise au seul bon vouloir de leur formation politique et aux vagues électorales successives. Aucun député ne pourra se prévaloir d’une plus-value liée à son action, à sa présence sur le terrain, ou à sa connaissance des problématiques locales et à sa capacité à agir pour les traiter.

M. Alain Tourret. Il faut ramener une telle loi à des principes.

Le premier est la séparation des pouvoirs. Nous n’existons, surtout au sein de la commission des lois, que pour renforcer la séparation des pouvoirs. Les présents textes la renforcent-t-ils ? Il s’agit de la première question que nous devons nous poser.

Un deuxième principe surgit lorsque l’on se demande ce qu’est un député. Ce doit être un homme fondamentalement indépendant, sans quoi il est un valet du pouvoir. Voulons-nous renforcer les valets du pouvoir ? Nous devons nous poser cette seconde question.

Un dernier principe s’énonce ainsi : le député est un honnête homme mais aussi un homme honnête. La question de l’inéligibilité de plein droit entraînée par une condamnation est alors résolue si l’on se reporte aux lois d’amnistie du passé. Elles prévoyaient que toute condamnation contraire à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs n’était pas susceptible d’être amnistiée. L’application de ces règles issues des grands principes républicains nous offre une solution.

S’agissant de l’IRFM, j’ai regardé les pratiques de nos voisins. Au Royaume-Uni, les remboursements font l’objet d’une étude de chaque facture. C’est extraordinairement dangereux, car cela entraîne un contrôle du détail de toutes les activités de chaque parlementaire : avec quel industriel a-t-il déjeuné, avec quel responsable politique, pourquoi tel restaurant, pourquoi telle cuisine, pourquoi s’être rendu à tel endroit ? Une solution simple aurait consisté à augmenter la rémunération des députés, comme le Président de la République voulait le faire initialement. Comment peut-on admettre, que, ici, dans cette assemblée, nous soyons dans les 20 % des personnes les moins bien rémunérées ; c’est aussi simple que cela. On a peur de devoir affronter l’opinion publique, mais on a tort : je suis partisan d’une augmentation de la rémunération dont le parlementaire doit pouvoir disposer comme il le veut – évidemment, elle doit être intégralement imposable. Toute autre réforme ne serait qu’une demi-réforme sur laquelle nous devrions revenir.

D’une certaine façon, la publicité existe déjà aujourd’hui. J’ai été victime de hackers. Je correspondais avec le Président de la République ce qui a permis aux hackers russes de Sputnik de fouiller mes comptes et mes mails, et de faire les montages qu’ils voulaient avant publication. Aujourd’hui, 500 000 Français sont victimes des hackers. Ne nous soumettons pas à de tels pillages ! Il suffit de prévoir une rémunération normale afin d’assurer un niveau de vie « décent » des élus, puisque tel est le terme consacré.

Pour conclure, souvenons bien que toute loi qui ne permettra pas aux parlementaires d’être indépendants, toute loi qui ne renforcera pas la séparation des pouvoirs sera une mauvaise loi ; ce sera une loi contre la République.

Mme Typhanie Degois. Je partage les réflexions que j’ai entendues sur l’IRFM et la réserve parlementaire. Je ne peux qu’interpeller mes collègues en leur demandant : quel député voulez-vous être ?

S’agissant du financement de la vie politique indispensable à la démocratie, vous proposez la création d’un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, et d’une banque de la démocratie. Comment ces deux très intéressantes institutions s’articuleront-elles ? Seront-elles plutôt subsidiaires ou complémentaires ?

M. Rémy Rebeyrotte. Il me semble que ce texte comporte un intrus : la réserve parlementaire. Cela explique que nous ayons beaucoup de mal à définir nos positions sur ce sujet. Tous les autres points abordés concernent des statuts à redéfinir, ceux du Président, du parlementaire, du candidat ou des collaborateurs. La réserve parlementaire est le seul sujet qui concerne nos moyens d’agir et, par voie de conséquence, la définition même de ce que nous voulons être. Selon la façon dont nous voyons le député de demain, il faudra réfléchir à son lien avec la circonscription, à la façon dont il pourra animer son territoire et aux moyens dont il disposera pour le faire. Il me semble que cette question devrait être mise entre parenthèses afin que nous puissions nous interroger sur ce que nous devenons, et sur notre action sur le terrain.

Mme la garde des Sceaux. À l’heure qu’il est, je ne peux évidemment pas répondre à l’ensemble de vos questions et observations. Nous les avons toutes notées avec précision, et je m’efforcerai de vous apporter des réponses.

Si vous le voulez bien je me contenterai d’évoquer deux questions précises et deux autres plus principielles.

Monsieur Olivier Dussopt, vos observations relatives à l’articulation entre prise illégale d’intérêt et interdiction des emplois familiaux prévue par le projet de loi soulèvent des problèmes auxquelles nous n’avions peut-être pas totalement pensé. Je vous remercie car nous allons nous pencher sur ces sujets, et voir comment nous pouvons les traiter.

M. Xavier Breton et plusieurs d’entre vous ont fait remarquer que le projet de loi ne traitait pas des hauts fonctionnaires et du pantouflage. Nous avons essayé de présenter un texte clair et lisible : tout ne peut pas être dans tout. Par ailleurs, ces sujets ont été traités assez récemment par la loi du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 ». Un registre numérique a été créé qui permet de vérifier les liens entre, d’une part, les représentants d’intérêts et, d’autre part, les membres du gouvernement, les parlementaires et les hauts fonctionnaires. Cette loi mérite sans doute d’être complétée, mais je ne suis pas certaine que le projet que nous vous proposons soit le véhicule approprié pour le faire.

S’agissant des principes, j’affirme que nous sommes particulièrement attentifs à la séparation des pouvoirs et à l’autonomie des assemblées. Monsieur de Courson, vous évoquiez les imprécisions relatives aux frais professionnels, mais si nous n’avons pas voulu faire figurer de définition dans le projet de loi, c’est que nous croyons qu’il appartient aux bureaux des Assemblées et au déontologue de se prononcer sur ces sujets.

On peut s’interroger sur la mission du député. Pour moi, elle est clairement fixée par la Constitution : il vote la loi, il contrôle le Gouvernement, et il évalue les politiques publiques. De mon point de vue, le député est l’élu de la Nation. Il est élu dans une circonscription, mais ce n’est pas l’élu de la circonscription : c’est l’élu de la Nation. (Murmures.) On peut être d’accord ou non, mais il s’agit de la conception républicaine des élus. C’est, selon moi, la vision logique de la construction de la République. Il en découle des conséquences qui figurent dans les projets qui vous sont soumis.

M. Stéphane Mazars, président. Madame la garde des Sceaux, nous vous remercions.

Lors de ses trois réunions du mercredi 19 juillet 2017, la commission des Lois examine les articles du projet de loi ordinaire (n° 98) et du projet de loi organique (n° 99) pour la régulation de la vie publique.

 

 


   EXAMEN des articles du projet de loi

Titre ier
Dispositions RELATIVES À LA PEINE D’inéligibilité en cas de crimes ou de manquements à la probité

Article 1er
(art. L.441 [nouveau] L. 340 du code électoral)
Élargissement du champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er du projet de loi sanctionne d’une inéligibilité les auteurs de certaines infractions pénales mettant en doute leur aptitude à gérer la cité avec honnêteté. Alors que le droit actuel permet au juge d’infliger cette inéligibilité s’il le souhaite (peine facultative), elle serait désormais prononcée par défaut sauf à ce que le juge décide expressément le contraire (peine obligatoire). Ce dispositif est conforme aux droits fondamentaux, notamment aux principes de nécessité et d’individualité des peines : il n’institue pas une peine automatique, de plein droit attachée à la sanction, puisque le juge peut décider de ne pas la prononcer.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 19 de la loi du 9 décembre 2016 a modifié l’article 432‑17 du code pénal pour instaurer, pour un nombre limité d’infractions, une peine obligatoire d’inéligibilité, prononcée sauf décision contraire du juge. L’article 1er du présent projet de loi soumet à ce principe des infractions supplémentaires.

Modifications apportées au Sénat

Approuvant l’article 1er, le Sénat s’est borné à intégrer de nouvelles infractions à la liste de celles qui sont visées : harcèlements sexuel et moral, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs, abus de bien social.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de Mme Paula Forteza déclarant inéligible tout candidat dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire présente une mention de condamnation pour certaines infractions limitativement énumérées.

I.   L’état du droit

Sous la XIVe législature, plusieurs textes ont été adoptés pour accroître les garanties de l’éthique des élus : les lois organique n° 2013-906 et ordinaire n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ; la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « loi Sapin II ».

Pour autant, les événements du premier semestre de l’année 2017 ont montré combien grande était l’exigence d’éthique des Français envers leurs élus et ceux qui aspirent à le devenir. Une nouvelle action législative s’impose pour, définitivement, écarter de l’exercice des charges publiques celles et ceux dont le comportement passé démontre qu’ils ne sont pas dignes de gérer la cité.

Au cours de la campagne électorale, le Président de la République s’est engagé à agir en ce sens : « Nous exigerons des comptes. Aujourd’hui, le principal danger pour la démocratie est la persistance de manquements à la probité parmi des responsables politiques, dont le comportement est indigne de la charge de représentant du peuple. Demain, les responsables politiques devront rendre des comptes. Sur leurs entourages et la façon dont ils utilisent l’argent public. Sur leur probité personnelle, car si on ne peut être fonctionnaire lorsqu’on ne dispose pas d’un casier judiciaire B2 vierge, on ne devrait pas non plus pouvoir être parlementaire. Sur leur politique, surtout, parce que les Français demandent de la clarté » ([2]) ».

A.   Le cadre constitutionnel

1.   Un texte constitutionnel ouvert

Le droit de vote et d’éligibilité des personnes, traditionnellement très ouvert en France, est régi par deux dispositions de rang constitutionnel :

–  le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution, qui dispose : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques » ;

–  l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui proclame : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

L’admissibilité aux dignités, places et emplois publics est donc susceptible, selon la lettre même de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de recevoir des restrictions sur le fondement des « vertus ». Il revient à la loi de fixer celles-ci.

2.   Une protection très forte par le Conseil constitutionnel

Comme il est normal dans un État démocratique, le Conseil constitutionnel a manifesté un attachement particulier aux droits de vote et d’éligibilité des personnes, pour la restriction desquels sa jurisprudence est exigeante.

Le Conseil a d’abord aligné le régime constitutionnel de l’éligibilité sur celui du droit de vote ([3]). Il a ainsi précisé que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ».

La préservation de la liberté de l’électeur ou de l’indépendance de l’élu est une motivation que ne prévoit pas la Constitution, mais qui a permis de fonder des inéligibilités ou incompatibilités à l’encontre de membres de la magistrature ou de la haute fonction publique, dont l’office ne saurait être suspecté de partialité.

Sur le fondement du critère de l’incapacité, l’inéligibilité peut valablement être prononcée par une décision de justice. Ce peut être :

–  une sanction relevant du droit électoral, prononcée par le juge constitutionnel dans le domaine parlementaire ([4]) ou par le juge administratif pour les consultations locales ([5]) ;

–  une sanction pénale sur le fondement de la peine complémentaire d’interdiction des droits civiques prévue à l’article 131-26 du code pénal. Elle ne peut excéder dix ans à la suite d’un crime et cinq ans en répression d’un délit ([6]).

L’article 132‑21 du code pénal précise toutefois que « l’interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille […] ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d’une condamnation pénale ».

Cette prohibition a d’abord été affirmée par le législateur qui, à l’occasion de l’introduction d’un nouveau code pénal ([7]), a abrogé les interdictions d’inscription sur les listes électorales qui frappaient systématiquement, jusqu’alors, les personnes pénalement condamnées ([8]).

Cette interdiction des peines automatiques a été élevée au rang constitutionnel par la décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres, censurant une disposition de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, codifiée à l’article L. 7 du code électoral, qui tendait partiellement à revenir à l’état du droit antérieur en énonçant que : « Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions » limitativement énumérées.

Selon le Conseil constitutionnel, cette sanction méconnaissait les principes de nécessité et d’individualisation des peines inscrits à l’article 8 de la Déclaration de 1789 ([9]). Ainsi que l’indique le commentaire de cette décision publié aux Cahiers du Conseil constitutionnel (n° 29), « le Conseil constitutionnel juge qu’une peine est prononcée par une juridiction de jugement et suppose une appréciation de la culpabilité. Le critère de la peine est donc sa finalité répressive. Ainsi, les incapacités constituent des peines si elles sont l’accessoire de cette peine, mais elles n’en sont pas si elles sont édictées seulement pour garantir la moralité d’une profession ([10]). Or, la radiation prévue par l’article L. 7 n’était pas une simple mesure de sûreté destinée à "moraliser" le monde politique. Elle avait été conçue comme une punition et son but était répressif. Elle était liée au jugement d’une juridiction de jugement et à l’appréciation de la culpabilité de l’intéressé. Par ailleurs, elle ne pouvait être assimilée à une interdiction professionnelle, l’exercice d’un mandat électif n’étant pas assimilable à l’exercice d’une profession ».

La qualification de peine avait pour conséquence l’application de l’article 8 de la Déclaration de 1789. Or :

–  le principe de nécessité des peines prohibe les peines automatiques, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel en 1999 : « Le principe de nécessité des peines implique que l’incapacité d’exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l’espèce ([11]) » ;

–  le principe d’individualisation des peines ([12]) exige qu’une sanction non seulement puisse être modulée, mais que cette possibilité relève du juge seul et ne soit pas conditionnée à une demande des parties en ce sens.

B.   Le débat sur la condition d’absence de condamnation au casier judiciaire

Le Gouvernement considère que cette jurisprudence constitutionnelle s’oppose à l’interdiction d’inscription sur les listes électorales de toute personne dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte la mention d’une condamnation ou de certaines condamnations ([13]).

Une analyse différente avait été soutenue, au début de l’année, par l’Assemblée nationale – donnant lieu à un vote des députés à l’unanimité sur le dispositif proposé – à l’occasion de la discussion de propositions de loi organique et ordinaire conditionnant l’éligibilité des personnes à l’absence de certaines mentions sur leur casier ([14]). Cette démarche se fondait sur la volonté de ne pas instituer une peine automatique, mais de s’inscrire dans une démarche générale de moralisation de la vie politique pour l’avenir. Il s’agissait donc moins de créer une nouvelle cause d’inéligibilité qu’une nouvelle condition d’éligibilité fondée sur le casier judiciaire des personnes.

Le bulletin n° 2 du casier judiciaire

Le casier judiciaire a été mis en place à compter de 1848 par Arnould Bonneville de Marsangy, procureur à Versailles, afin que chaque infraction soit recensée et vienne appuyer les décisions futures des autorités judiciaires. Son application fut organisée en 1850 par une circulaire du Garde des Sceaux Eugène Rouher. Devenu, en 1980, casier judiciaire automatisé, il reprend tous les casiers manuels précédemment tenus en métropole. Son fonctionnement, régi par les articles 768 à 781 du code de procédure pénale, prévoit trois bulletins à l’exhaustivité décroissante :

–  figurent au bulletin n° 1, dont l’usage est réservé à l’autorité judiciaire, les condamnations pénales à compter de la contravention de cinquième classe, les compositions pénales exécutées, les incapacités ainsi que divers éléments issus de la vie familiale des personnes, de leur activité commerciale ou de leur situation réglementaire sur le territoire national au regard du droit des étrangers ;

–  le bulletin n° 2 est destiné aux administrations, aux autorités militaires et aux employeurs dans les secteurs identifiés comme sensibles – travail auprès de mineurs notamment. L’intéressé n’est pas informé de sa communication et n’a aucun moyen de la solliciter ;

–  enfin, le bulletin n° 3 est le seul extrait de casier judiciaire délivré sur demande à l’intéressé, et que peuvent solliciter les employeurs qui justifient d’un intérêt légitime à connaître les antécédents de leurs salariés. Il ne fait apparaître que les sanctions les plus graves : les condamnations à une peine d’emprisonnement ferme de plus de deux ans ou d’une durée inférieure si le juge en a ordonné l’inscription, ainsi que les condamnations à des interdictions, déchéances ou incapacités prononcées sans sursis.

Aux termes de l’article 775 du code de procédure pénale, le bulletin n° 2 se compose – en matière pénale – du bulletin n° 1 duquel sont retirées les décisions de justice frappant les mineurs, les condamnations de nature contraventionnelle, les condamnations assorties d’un sursis considérées comme non avenues, les condamnations faisant l’objet d’une dispense de peine ou d’un ajournement du prononcé de celle-ci, les condamnations prononcées à l’étranger et les compositions pénales exécutées. Par ailleurs, n’y figurent pas les condamnations dont le juge n’a pas souhaité l’inscription, ayant fait l’objet d’une réhabilitation, ou définitives depuis plus de cinq ans lorsqu’elles ont donné lieu à une mesure alternative à l’emprisonnement.

Les députés avaient affirmé vouloir légiférer, non pour le passé et les personnes déjà reconnues coupables, mais pour l’avenir et l’éthique des futurs élus, de façon à éloigner la mesure de la qualification de peine. À cette fin, ils avaient restreint le périmètre des infractions couvertes à celles ayant un lien direct avec la gestion des affaires publiques, éliminant les autres incriminations non criminelles – les crimes s’imposant de par leur caractère de gravité affirmé par la loi pénale.

Par ailleurs, les députés avaient avancé que « le bloc de constitutionnalité protège de façon identique, par l’article 6 de la Déclaration de 1789, l’accès des citoyens à "toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents", c’est-à-dire, en langage moderne, la possibilité de briguer un mandat électif ou d’entrer dans la fonction publique ». Or l’administration exige que les mentions portées au bulletin n° 2 du candidat soient compatibles avec le poste auquel il aspire ([15]). Le Conseil constitutionnel admet, dans sa jurisprudence, des exigences similaires ([16]).

C.   Les peines d’inéligibilité complémentaires obligatoires

La décision n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015, M. Abdullah N., et son commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel sont particulièrement éclairants pour la détermination de la conformité à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’une peine complémentaire : « Il n’y a pas d’interdiction de principe des peines obligatoires. Le Conseil subordonne leur conformité au principe d’individualisation des peines en se fondant sur un faisceau d’indices :

  la possibilité de modulation des peines en fonction de la gravité des comportements reprochés au justiciable (le juge a-t-il la faculté de faire varier la peine ou la loi instaure-t-elle elle-même une modulation ?) ;

  l’existence d’un lien entre la peine obligatoire en cause et le comportement réprimé (l’absence de lien rend plus nécessaire le pouvoir d’individualisation du juge) ;

  la possibilité – consécutive – pour le juge d’exercer son plein contrôle quant aux faits et à leur qualification et ainsi, de proportionner la peine à la gravité des comportements reprochés au justiciable ;

  la sévérité de la peine (plus la peine est sévère plus l’exigence d’individualisation est forte) ;

  la gravité des faits ou les antécédents de leur auteur, qui peuvent atténuer le contrôle de l’exigence d’individualisation. »

Dans le respect de ces principes et afin d’assurer une application plus rigoureuse de la loi en cas d’atteinte à la probité publique, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a transformé la peine complémentaire d’inéligibilité, jusqu’alors facultative, en peine obligatoire ([17]) : alors que la juridiction devait auparavant choisir de la prononcer, elle doit désormais justifier ses choix lorsqu’elle estime ne pas devoir l’infliger. Les quantums encourus demeurent fixés à dix ans pour les crimes et les délits commis par des responsables politiques, et à cinq ans pour les autres délinquants.


Le périmètre d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité de la loi « Sapin 2 »

–  concussion (art. 432-10 du code pénal) ;

–  corruption passive ou trafic d’influence commis par ou à l’égard d’une personne dépositaire de l’autorité publique (art. 432-11 du code pénal) ;

–  prise illégale d’intérêts (art. 432-12 et 432-13 du code pénal) ;

–  favoritisme (art. 432-14 du code pénal) ;

–  soustraction ou détournement de biens publics commis intentionnellement (art. 432-15 du code pénal) ;

–  corruption active et trafic d’influence commis par les particuliers (articles 433-1 et 433-2 du code pénal).

 

La jouissance des droits civils et politiques emportant droit de vote et d’élection, l’article L. 44 du même code prévoit que « tout Français et toute Française ayant la qualité d’électeur peut faire acte de candidature et être élu, sous réserve des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi ».

II.   Les dispositions du projet de loi

Écartant le principe d’un casier judiciaire vierge par crainte d’une possible inconstitutionnalité, l’article 1er du projet de loi fait le choix d’une extension du champ de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité afin d’éloigner plus systématiquement des fonctions électives les personnes qui, par les infractions qu’elles ont commises, ont démontré ne plus remplir les conditions de probité essentielles à l’exercice de leur mandat.

La liste des infractions retenues pour l’application de la peine obligatoire est la suivante :

–  crimes, retenus en raison de leur caractère de gravité ;

–  manquements à la probité électorale ;

–  infractions électorales, au financement des campagnes électorales et des partis politiques ainsi que manquements aux obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ;

–  faits de faux, retenus en raison de l’atteinte qu’ils portent, par leur objet, à la confiance publique ;

–  infractions qui ressortissent, aux termes des articles 705 et 705‑1 du code de procédure pénale, à la compétence du parquet national financier (atteintes à la probité, délits d’initié, fraude fiscale aggravée…).

On peut s’interroger sur la logique qu’il y a à faire figurer dans cette liste les délits boursiers, fussent-ils poursuivis par le parquet national financier. À l’inverse, pourquoi la fraude fiscale, par nature attentatoire au premier devoir du citoyen que réclame la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([18]), nécessiterait-elle une circonstance aggravante pour être punie d’une inéligibilité ?

Enfin, deux points doivent être soulignés :

–  hormis pour quelques délits boursiers et électoraux, la peine complémentaire facultative d’inéligibilité était déjà encourue pour les autres infractions de la liste proposée par le Gouvernement ;

–  de nature pénale, ce dispositif plus rigoureux ne pourrait s’appliquer qu’aux faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi – et non simplement aux condamnations prononcées après cette entrée en vigueur.

III.   Une disposition approuvée par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a approuvé l’article 1er, ne lui apportant qu’une clarification rédactionnelle proposée par le rapporteur.

En séance publique, les sénateurs se sont attachés à compléter la liste des infractions donnant lieu au prononcé obligatoire de la peine complémentaire. Trois amendements ont été adoptés avec le soutien de la Commission, mais contre l’avis du Gouvernement qui craignait de distendre à l’excès le lien entre les incriminations retenues et le principe d’une inéligibilité. Les délits ajoutés sont :

–  à l’initiative de Mme Laurence Rossignol, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral prévus par les articles 222‑33 et 222‑33‑2 du code pénal ;

–  sur proposition de M. Pierre-Yves Collombat, l’escroquerie en bande organisée (articles 313‑1 et 313‑2 du code pénal) et les délits d’association de malfaiteurs (article 450-1 du même code) ;

–  par amendement de Mme Éliane Assassi, les abus de biens sociaux (articles L. 241-3 et L. 242-6 du code du commerce).

IV.   La position de la commission des Lois

La Commission a longuement discuté du dispositif proposé par le Gouvernement et approuvé par le Sénat, dont elle a comparé les mérites avec les dispositions exigeant de tous les candidats aux élections un casier judiciaire ne présentant pas de mention de condamnation pour certaines infractions, dispositions adoptées à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 1er février 2017 ([19]).

Certains considèrent qu’une analyse de la lettre de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme ne permet pas de rejeter la perspective d’une inéligibilité fondée sur le casier judiciaire. Ils font valoir que le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution, selon lequel « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques » n’y fait pas obstacle. Au contraire, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui autorise explicitement que l’admissibilité aux « dignités, places et emplois publics » soit en partie fondée sur les « vertus », semble autoriser le législateur à écarter de toute compétition électorale les personnes dont la malhonnêteté et l’absence de considération pour la chose publique ont été constatées dans le cadre d’un examen présentant toutes les garanties de la procédure judiciaire. Au demeurant, des dispositions plus draconiennes, qui interdisaient d’inscrire sur les listes électorales et privaient donc du droit de vote, ont existé dans notre droit – jusqu’au 1er septembre 1993 à l’article L. 5 du code électoral pour le droit commun, jusqu’au 11 juin 2010 à l’article L. 7 du même code pour les auteurs d’infractions liées à la probité ([20]).

Ces dispositions ne sauraient cependant être interprétées sans prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel développée, depuis, dans le domaine notamment des peines automatiques et qui s’oppose à une telle évolution. La décision n° 2010‑6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres, a censuré l’article L. 7 susmentionné comme contraire au principe d’individualisation des peines : l’interdiction d’inscrire sur les listes électorales est considérée comme une sanction que le juge n’avait pas à prononcer, et non comme une mesure de nature à assurer une moralisation parmi les élus. La lecture de cette décision par le Gouvernement et par le Sénat ne peut se contester.

Alors que la dernière élection présidentielle a été marquée par des affaires liées à la probité du personnel politique, la commission des Lois a estimé que les doutes relatifs à la constitutionnalité du dispositif, quoique réels, ne valaient pas certitude et ne permettaient pas de présumer de la décision du Conseil constitutionnel, ni d’écarter absolument la possibilité d’une évolution de sa jurisprudence. Dans le prolongement d’un vote unanime exprimé par l’Assemblée nationale sur le même dispositif le 1er février 2017, elle a donc adopté un amendement de Mme Paula Forteza et du groupe La République en marche inscrivant dans le projet de loi le dispositif privant d’éligibilité les personnes dont le casier judiciaire présente l’une des mentions suivantes :

–  au , des infractions de nature criminelle, que le code pénal juge les plus graves pour l’ordre social et qu’il réprime d’une peine de réclusion ;

–  au , des délits d’ordre sexuel – agression sexuelle, harcèlement sexuel et proxénétisme – particulièrement attentatoires au principe d’égalité entre les femmes et les hommes ;

–  au , des manquements au devoir de probité ([21]) ;

–  au , des faux en écriture publique et délits assimilés ;

–  au , des délits de corruption et trafic d’influence ;

–  au , des délits de recel ou de blanchiment ;

–  au , de tous les délits constitutifs de fraude électorale que le code électoral réprime d’une peine d’emprisonnement ;

–  au , du délit général de fraude fiscale.

*

*     *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL7 de M. Philippe Gomès et CL72 de Mme Paula Forteza.

M. Philippe Gomès. L’amendement CL7 vise à élargir le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de condamnation pour des faits criminels ou délictuels. Il est proposé d’aller plus loin que ce que prévoit le texte en instaurant une obligation pour chacun des candidats à une élection locale de présenter un casier judiciaire vierge. Toute candidature d’une personne ne pouvant produire un bulletin n° 2 vierge serait ainsi proscrite. Cet amendement reprend une proposition de loi adoptée en première lecture à la fin de la précédente législature, qui n’a pu achever son parcours législatif. Un second amendement, au projet de loi organique, concernera naturellement les candidats à une élection présidentielle, législative ou sénatoriale.

Mme Paula Forteza. L’amendement C72 vise lui aussi à reprendre le dispositif adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale dans la proposition de loi ordinaire visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge concernant les candidats à une élection locale.

M. Stéphane Mazars, président. Je propose que nous discutions dès maintenant de l’amendement CL89 après l’article 1er de M. Gosselin, qui porte sur le même sujet.

M. Philippe Gosselin. Comme les auteurs des amendements précédents, nous tirons les conséquences du travail engagé lors de la législature précédente : cette proposition faisait l’unanimité et nous enverrions un beau signal en l’acceptant, étant entendu que son pendant pour les élections nationales figurera dans le projet de loi organique.

Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure. Cette question a largement occupé nos réflexions ces derniers jours. Elle est très symbolique, elle correspond à un engagement que nous avions pris durant la campagne présidentielle. L’un des vice-présidents de la Commission indiquait hier, lors de l’audition de la garde des Sceaux, que notre rôle n’est pas de produire des symboles, mais du droit ; hélas, nous nous heurtons en l’espèce à une difficulté, de nature constitutionnelle.

Selon les amendements, toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pour l’une des infractions répertoriées ne pourrait pas se présenter à une élection. Or, la Constitution garantit particulièrement le droit de vote et d’éligibilité, conformément au principe selon lequel la possibilité de se présenter à une élection quelconque doit être la plus large possible. De nombreuses décisions montrent qu’il n’est pas possible de limiter ce droit pour des motifs qui ne semblent pas proportionnés. C’est pourquoi j’émets des réserves sur cet amendement, bien que l’Assemblée ait récemment adopté cette disposition à l’unanimité. Sur le plan philosophique, mon avis serait plutôt favorable ; sur le plan juridique, en revanche, il serait défavorable. Je laisse le soin aux commissaires éclairés de trancher.

M. Stéphane Mazars, président. Je précise que l’adoption des amendements CL7 ou CL72 ferait tomber tous les autres amendements à l’article 1er.

Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes. Permettez-moi de prendre la parole au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ces amendements visent à limiter l’inéligibilité pour un certain nombre d’actes commis à l’encontre des femmes, mais pas uniquement. Je souhaite que la Commission prête une attention particulière aux violences conjugales et familiales. Je suis consciente, madame la rapporteure, que notre rôle n’est pas de produire du symbole mais du droit ; cependant, vous comprendrez que ce texte a également une valeur exemplaire pour nos concitoyens.

Les violences conjugales et familiales marquent terriblement les équilibres familiaux. Nous sommes aujourd’hui face à nos responsabilités d’élus. Le choix est simple : que voulons-nous ? Voulons-nous relativiser, cautionner voire excuser ce type de violences quotidiennes qui contribuent à entretenir un climat de peur et de subordination dans les foyers, ou voulons-nous au contraire faire le droit et agir concrètement en renforçant la loi de 2014 et en rappelant que ce type de comportements est avant tout inacceptable chez des candidats et des élus du XXIe siècle ? Je souhaite que vous envisagiez d’intégrer ces violences quotidiennes, hélas trop courantes, dans un texte aussi structurant et aussi puissant que celui-ci pour nos concitoyens et pour nous-mêmes. C’est la raison pour laquelle je demande que les violences habituelles telles qu’elles sont décrites à l’article 222-14 du code pénal soient incluses dans le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité prévue à l’article 1er du texte, afin de renforcer les exigences en matière d’éthique et d’exemplarité qui s’imposent aux élus de la République et de prouver l’engagement de la représentation nationale contre les violences conjugales et intrafamiliales.

M. Ugo Bernalicis. Ces amendements vont dans le bon sens ; nous en avons déposé plusieurs autres afin d’étendre le champ de l’inéligibilité à certains délits supplémentaires. Qu’est-ce qui justifie toutes ces propositions ? C’est l’inégalité, l’injustice même, que ressentent nos concitoyens entre les candidats aux centaines de professions réglementées, notamment aux concours de la fonction publique, qui sont soumis à l’obligation de présenter un casier judiciaire vierge, et les élus de la République : pourquoi ceux-ci ne devraient-ils pas être soumis à la même obligation ? Voilà une situation pour le moins étrange. Je comprends bien l’argument d’inconstitutionnalité selon lequel on réduirait le nombre de personnes pouvant se présenter à des fonctions électives, mais ne vaut-il pas tout autant s’agissant des candidats aux concours de la fonction publique ?

Je souhaite que nous allions plus loin que ce que le texte prévoit en l’état, y compris avec les amendements dont nous discutons, et que nous établissions une règle d’égalité entre les représentants de la nation et les citoyens qui se présentent au concours de la fonction publique ou souhaitent exercer une profession réglementée. Ce serait vertueux ; autant la confiance ne se décrète pas, la régulation est sans doute un terme trop pauvre, la moralisation trop négative, autant la vertu, en revanche, ne tient qu’à nous, à nos actes, à nos propositions. Je suis donc favorable à l’extension de la liste des crimes et délits justifiant l’application quasi systématique d’une peine d’inéligibilité.

M. Charles de Courson. Deux questions se posent, madame la rapporteure. Vous avez abordé la première, et la plus importante : l’individualisation des peines – un débat que nous avons eu lors de l’adoption récente de la loi déjà mentionnée. Cela étant, dans le texte issu du Sénat qui nous est présenté, la peine complémentaire est automatique mais le juge peut y renoncer « en considération des circonstances de l’infraction ». Ne laisserez-vous pas une marge d’appréciation très importante au juge en raison du flou des circonstances ? De ce point de vue, en effet, le juge n’est pas encadré. Si vous maintenez le texte dans sa version présentée par le Gouvernement, au moins faudrait-il donc préciser la notion de circonstance, car elle est très vague.

Deuxième question : le champ des infractions visées a changé. Celui que prévoit le texte issu du Sénat est-il plus ou moins large que celui que nous avions voté en deuxième lecture dans le texte précédent, même s’il n’a hélas pas abouti ? Il me semble que cela dépend des domaines. Pouvez-vous nous éclairer sur ces deux points ?

Mme Laurence Vichnievsky. Permettez-moi quelques observations de nature plus juridique que politique, encore qu’à titre personnel, je ne sois pas une adepte du politiquement correct. Tout d’abord, tous les amendements qui visent à exiger un bulletin n° 2 du casier judiciaire néant contrediraient l’article 1er et le videraient même de son contenu. La proposition n’est pas scandaleuse en principe, même si elle est contraire au principe de l’individualisation des peines et pose donc une difficulté d’ordre constitutionnel ; à titre personnel, j’émets donc des réserves. J’ajoute que l’argument selon lequel la même règle s’applique dans la fonction publique est inexact : la règle vise les condamnations incompatibles avec la nature de l’emploi considéré.

Je souhaite revenir à l’approche initiale du Gouvernement, lors du dépôt du projet de loi, qui consistait à limiter les infractions entraînant une peine d’inéligibilité au domaine de la probité financière. Certes, la notion de probité peut être entendue dans une acception plus large, mais le projet gouvernemental était calé sur la compétence du parquet national financier et visait en réalité les détournements de fonds publics. C’est pourquoi le Sénat a proposé un amendement visant à étendre la mesure au détournement de certains fonds privés, comme l’escroquerie, et nous défendrons un amendement visant à l’étendre encore à l’abus de confiance, au blanchiment et au recel. Nous nous inscrivons néanmoins dans le cadre de la probité financière. Tous les amendements visant à ajouter telle ou telle infraction sont l’expression de la conception qu’a chacun d’un comportement amoral ou non probe, mais ils ne sont pas cohérents avec le projet déposé. Toute la question est de savoir où arrêter le curseur : soit la règle est celle du casier judiciaire vierge, au risque de l’inconstitutionnalité, soit elle consiste en une liste d’infractions dont la cohérence tient à ce qu’elles relèvent de la probité financière et, dans ce cas, rien ne justifie d’y ajouter le harcèlement sexuel. On pourrait tout aussi bien préférer y inclure les coups sur ascendants ou descendants, par exemple ; les deux comportements ne sont-ils pas également amoraux ? À mon sens, mieux vaut se limiter à la cohérence de la notion de probité financière proposée par le Gouvernement et respectée par le Sénat.

Mme Cécile Untermaier. Le groupe Nouvelle gauche n’a pas déposé d’amendements sur ce point, conscient qu’ils le seraient déjà ; nous envisagions de le faire en séance publique. Nous ne pouvons pas nous contredire : l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi de Mmes Dombre-Coste et Descamps-Crosnier. Il s’agissait d’une mesure simple et de bon sens. Afin de « rétablir la confiance », il n’y a rien de plus simple en effet que de garantir au citoyen qu’une candidature n’est valable que si elle répond à des exigences de probité et que le bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui est nominatif – d’où ma peine à suivre l’argument relatif à l’individualisation des peines – permet d’en faire une lecture claire.

En revanche, je comprends qu’il se pose un problème d’ordre matériel. Les magistrats sont débordés et la situation qui prévaut dans les tribunaux n’est pas facile. Demander aux magistrats d’émettre un certificat concernant le bulletin n° 2 de tous les candidats n’est pas chose évidente. C’est un autre problème, cependant, et l’on peut aisément imaginer de ménager des délais suffisants ou encore que la politique de numérisation que mène le Gouvernement permette la production instantanée de ces certificats, étant entendu que l’inscription à ce bulletin n’est pas systématique et peut être supprimée. Peut-être disposons-nous d’assez de temps avant la séance publique pour concevoir ensemble un dispositif qui parle davantage aux Français ; redonner constamment la main au juge qui l’a déjà concernant le certificat est un moyen d’alléger le travail administratif et judiciaire des magistrats.

Mme la rapporteure. Vos interventions reprennent mes débats avec de nombreux interlocuteurs sur tous ces points depuis plusieurs jours. Je tiens simplement à démythifier cette disposition relative au casier judiciaire vierge, car elle n’existe nulle part. Elle n’a pas été votée en février 2017 : il n’a pas été prévu à l’époque que tout candidat à une élection ait un bulletin n° 2 du casier judiciaire vierge – c’est un mythe. Elle n’existe d’ailleurs pas davantage dans la fonction publique, monsieur Bernalicis : l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si « les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ». Les magistrats apprécient la compatibilité de la condamnation avec l’exercice des fonctions selon la nature de l’emploi, le niveau des responsabilités, le délai écoulé depuis la peine infligée et les circonstances des faits sanctionnés. En clair, les magistrats formulent systématiquement une appréciation sur la compatibilité d’une infraction et d’une sanction avec la faculté d’exercer ou non dans la fonction publique. Notre droit ne comporte donc en l’état aucune disposition qui interdise automatiquement quelque emploi ou mandat que ce soit faute de respecter la règle du casier judiciaire vierge.

D’autre part, la loi que l’Assemblée nationale a adoptée à l’unanimité en février dernier et qui n’a pas pu être transmise au Sénat en raison de la fin de la législature interdisait les candidatures en cas d’inscription sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire des infractions énumérées dans une liste qui comprend un certain nombre de délits, dont celui de harcèlement sexuel ; le législateur de l’époque a considéré que les condamnations pour ces délits faisaient obstacle à une candidature. Or, ce système conduit à empêcher systématiquement les personnes condamnées pour les infractions figurant dans ladite liste à se présenter aux élections. Il nous revient d’apprécier si cette automaticité correspond à l’exigence de morale, de vertu et d’exemplarité qu’un candidat doit respecter lorsqu’il sollicite le suffrage de nos concitoyens. Il n’en demeure pas moins que la peine s’appliquerait donc de manière automatique, car si le juge a la faculté de déroger à l’inscription au bulletin n° 2, ce n’est que sur demande de la défense. Lorsque j’exerçais en tant qu’avocate, nous déposions des requêtes en exclusion du bulletin n° 2, et le juge ne pouvait pas prononcer d’office cette exclusion le jour de l’audience. C’est pourquoi cette disposition pourrait être considérée comme une peine d’inéligibilité automatique, qui serait contraire à la Constitution.

Tel est le raisonnement juridique auquel nous sommes parvenus. À titre personnel, c’est une proposition que j’aurais pourtant souhaité défendre, mais sur le plan juridique, je doute de sa constitutionnalité pour les raisons que je viens de vous exposer. En tant que rapporteure de la commission des Lois, il est de mon devoir de vous alerter sur ce risque et de vous indiquer que le dispositif alternatif voté par les sénateurs et présenté par le Gouvernement est similaire, puisqu’il prévoit une liste d’infractions – dont on peut discuter de l’opportunité – et permet au juge de se prononcer par une décision spécialement motivée contre l’inéligibilité qu’entraînerait la condamnation ; nous avons la certitude qu’il est juridiquement recevable.

Je vous laisse apprécier ces deux options et décider laquelle vous semble la plus appropriée.

M. Charles de Courson. Êtes-vous certaine, madame la rapporteure, que le principe d’individualisation des peines s’applique en droit électoral, et non pas seulement en droit pénal ?

Mme la rapporteure. Une question prioritaire de constitutionnalité déposée en 2010 s’est soldée par la censure de l’article L. 7 du code électoral, précisément pour cette raison.

M. Erwan Balanant. Quelle difficulté le principe qui figure dans la loi de 1983 concernant les fonctionnaires, que vous avez rappelé, présente-t-il du point de vue de d’individualisation des peines ? Combien de candidats ont un bulletin n° 2 non vierge ? Ils doivent être très peu nombreux ; à titre personnel, je n’en connais pas. Peut-on imaginer que le bulletin n° 2 figure parmi les conditions de candidature et que les très rares cas qui devront être traités lors du dépôt soient examinés par le juge compétent, comme c’est le cas pour les fonctionnaires ? Cette solution ne serait-elle pas satisfaisante ?

J’ai été plusieurs fois candidat à des élections. L’examen des candidatures par les services préfectoraux donne lieu à l’envoi d’un récépissé. Ne pourrait-on pas imaginer un système semblable qui ne rendrait pas la peine d’inéligibilité automatique ? Je sais que les délais sont courts. Peut-on nous fournir des statistiques sur le nombre de candidats aux élections dont le bulletin n° 2 n’est pas vierge ?

M. Olivier Dussopt. Si j’ai bien compris, madame la rapporteure, vous donnez à ces amendements un avis juridique défavorable – tout en le dissociant de votre avis « philosophique ». Vous invoquez l’argument selon lequel une question prioritaire de constitutionnalité se serait soldée par la censure de l’article L. 7 du code électoral en raison de l’absence de caractère individuel de la peine. Pourtant, cette QPC, si mes souvenirs sont bons, portait sur la radiation de listes électorales. Or, la mesure que proposent nos collègues dans ces amendements, qui était au cœur de la loi défendue par Mme Dombre-Coste, ne concerne pas la radiation de listes. Maintenez-vous votre argument ?

Mme la rapporteure. Le Conseil constitutionnel lie les droits de vote et d’inéligibilité ; mes propos sont donc maintenus.

Quant aux statistiques chiffrées, nous n’en disposons pas pour la simple raison qu’il faudrait collecter les bulletins n° 2 de tous les candidats à toutes les élections, ce qui est impossible. De plus, il me semble extrêmement dangereux de donner aux préfets la possibilité de juger, à quelques semaines de la tenue d’une élection, de la compatibilité d’un éventuel casier judiciaire avec la présentation d’une candidature : comment l’autorité administrative pourrait-elle apprécier la capacité d’une personne à solliciter le suffrage des électeurs ? En outre, si l’appréciation préfectorale variait d’un département à l’autre, il en résulterait une distorsion territoriale. Cette solution me paraît donc trop aléatoire.

Toutes les positions ont été exprimées ; vous avez compris la mienne. Je vous propose de voter. Nous pouvons à mon sens privilégier l’amendement CL72 de Mme Forteza, dont la rédaction est plus complète. Mon avis, qui repose sur mes convictions personnelles, est favorable à cet amendement, malgré les réserves que j’ai indiquées sur sa constitutionnalité.

M. Stéphane Mazars, président. Je vais donc mettre aux voix l’amendement CL7, auquel la rapporteure a donné un avis défavorable, puis l’amendement CL72 auquel elle a donné un avis favorable moyennant des réserves quant à sa constitutionnalité et l’invitation adressée au Gouvernement de venir dans l’hémicycle nous éclairer sur ce point.

La Commission rejette l’amendement CL7.

Puis elle adopte l’amendement CL72. L’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL187, CL29, CL30, CL105, CL9, CL31, CL93, CL28, CL33, CL32, CL188, CL189, CL90, CL190, CL194, CL62, CL191, CL192, CL193, CL10, CL34, CL92 et CL11 tombent.

Mme Delphine Batho. Permettez-moi un bref rappel au règlement sur le déroulement de nos travaux. Nous venons d’adopter un amendement dont la rapporteure nous dit douter de la constitutionnalité. En conséquence, une révision constitutionnelle devra avoir lieu. Dès lors, les arguments de constitutionnalité ne seront pas davantage recevables lorsque nous présenterons des amendements pour interdire le cumul du mandat de député avec une fonction de conseil, par exemple.

M. Stéphane Mazars, président. J’ai clairement rappelé que la rapporteure, dans son avis sur l’amendement que nous venons d’adopter, avait émis des réserves, mais elle ne s’est pas prononcée sur la constitutionnalité de la mesure.

M. Ugo Bernalicis. Madame la rapporteure, je suis heureux que vous ayez apporté ces précisions concernant le casier judiciaire des fonctionnaires.

Par ailleurs, plusieurs des amendements que nous avions déposés ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils étaient inconstitutionnels ; j’espère que nous aurons néanmoins l’occasion d’en discuter ?

Enfin, l’adoption de l’amendement CL72 a, certes, fait tomber l’ensemble des propositions que nous avions déposées à l’article 1er, mais nous les redéposerons en vue de la séance publique. J’invite donc nos collègues à en prendre connaissance, car il me semble que sur certains d’entre eux, qui visent à étendre la liste des infractions susceptibles d’entraîner une inéligibilité, nous pourrions trouver un accord.

Les amendements CL89 de M. Philippe Gosselin et CL3 de Mme Brigitte Kuster n’ont plus d’objet.

Article 1er bis A (nouveau)
(art. 12 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Suppression d’une double incrimination pour la divulgation illégale de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Résumé du dispositif adopté par la commission des Lois

L’article 1er bis A résulte d’un amendement du Gouvernement adopté par la Commission avec avis favorable de la rapporteure. Il apporte une correction à une malfaçon législative résultant de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Depuis la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l’infraction de publication ou de divulgation illégale d’une déclaration, information ou observation transmise à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fait l’objet d’une double incrimination. Les mêmes faits peuvent être réprimés :

–  de l’amende de 45 000 euros prévue par l’article L.O. 135-2 du code électoral pour les parlementaires et par le II de l’article 12 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 pour les autres personnes assujetties à l’obligation de déclaration ;

–  d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende sur le fondement de l’article 26 de la même loi du 11 octobre 2013, qui renvoie à l’article 226‑1 du code pénal.

L’amendement présenté par le Gouvernement, qui a reçu l’avis favorable de la rapporteure, a pour objet d’abroger les dispositions de l’article 12 de la loi du 11 octobre 2013 au profit des seules dispositions de l’article 26, pour mettre fin à cette double incrimination.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL109 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à corriger une malfaçon législative qui a créé une double incrimination pour des faits identiques. Avis favorable.

M. Olivier Dussopt. Cet avis favorable est de bon sens, puisqu’il s’agit en effet d’une malfaçon. Cela dit, je tiens à préciser que nous proposerons également, en séance publique, des amendements à l’article 1er visant à étendre la liste des crimes et délits entraînant une inéligibilité. Notre commission ayant accepté de prendre le risque d’adopter un amendement sur la constitutionnalité duquel notre rapporteure a émis des réserves, j’espère qu’elle acceptera de prendre le même risque en étendant les peines d’inéligibilité obligatoire aux délits d’injures ou de violences à caractère raciste, antisémite ou homophobe, d’apologie du terrorisme, de négationnisme ou de participation à des associations dissoutes.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 1er bis A est ainsi rédigé.

Article 1er bis (supprimé)
(art. 432-12 du code pénal)
Modification de la définition du délit de prise illégale d’intérêts

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er bis résulte d’un amendement adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement. Il met en œuvre une demande exprimée de longue date par le Sénat, tendant à réduire le périmètre de l’infraction de prise illégale d’intérêt qui réprime le fait, pour un fonctionnaire ou un élu, de poursuivre un intérêt « quelconque » dans le cadre de sa mission de surveillance ou d’administration.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a porté à 500 000 euros ou au double du produit de l’infraction l’amende prévue en répression de la prise illégale d’intérêts.

Modifications apportées au Sénat

Faisant valoir que l’infraction est excessivement large dans la mesure où elle aboutit à condamner chaque année une vingtaine d’élus locaux qui n’ont bénéficié d’aucun avantage personnel, le Sénat propose de la réduire à la poursuite d’un « intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de suppression déposé par le Gouvernement et soutenu par la rapporteure.

I.   L’état du droit

A.   Une infraction ancienne spécifique à la sphère publique

Le délit de prise illégale d’intérêt constitue, selon le rapport sénatorial consacré à la prévention des conflits d’intérêts pour les parlementaires ([22]), « le pivot de l’ensemble des dispositifs de répression des conflits d’intérêts en France [qui] s’applique à l’ensemble des acteurs concourant à l’exercice de la puissance publique ». Jusqu’à la loi  2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il représentait même la seule prise en compte de la notion de conflit d’intérêts, non définie par ailleurs.

L’infraction répond à une préoccupation ancienne. Déjà présente dans le droit romain, qui « interdisait aux gouverneurs de rien acquérir, par achat, donation ou quelque autre contrat que ce fut, dans les provinces où ils étaient établis et pendant le temps de leur administration ([23]) », réprimée dans la France médiévale par des ordonnances de Saint Louis (1254) et Charles VI (1388), elle apparaît dans le code pénal napoléonien (1810) sous la dénomination de délit d’ingérence ([24]).

La prise illégale d’intérêt est aujourd’hui définie au premier alinéa de l’article 432‑12 du code pénal. Il dispose : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ([25]) ».

Ainsi l’infraction de prise illégale d’intérêt vise-t-elle strictement les personnes exerçant des fonctions publiques :

–  les dépositaires de l’autorité publique, investis d’un pouvoir de contrainte ou de décision ;

–  les personnes chargées d’une mission de service public ;

–  enfin les détenteurs d’un mandat électif public.

B.   Un délit très large, mais qui ne couvre pas l’ensemble des conflits d’intérêts

La constitution d’une prise illégale d’intérêt nécessite la réunion de deux conditions : il convient d’une part que le justiciable soit en capacité d’influer sur l’action publique et, d’autre part, qu’il ait un intérêt quelconque dans l’opération ([26]).

La personne incriminée doit être responsable, au moment de l’acte, de la surveillance, de l’administration, de la liquidation ou du paiement de l’affaire dans laquelle elle a pris un intérêt. Cette rédaction a donné lieu à une jurisprudence extensive de la chambre criminelle de la Cour de cassation : l’administration peut ainsi se réduire à la préparation ou à la proposition de décisions prises par d’autres ([27]) ou à la participation aux travaux d’un organe délibérant – même lorsque l’élu concerné ne prend pas part au vote, dès lors que ses propos ou même sa présence ont pu influencer les débats ([28]).

La deuxième condition exige que la personne concernée ait pris, obtenu ou conservé un intérêt quelconque dans l’opération en cause. La notion « d’intérêt quelconque », particulièrement large, a été délimitée, là encore, par la jurisprudence. Ainsi cet intérêt peut-il être :

–  matériel ([29]) ou moral ([30]) ;

–  direct ou indirect ([31]) ;

–  indépendant de la recherche d’un avantage personnel ([32]) ;

–  compatible avec l’intérêt local ([33]).

Les éléments constitutifs de l’infraction sont donc définis de manière objective. C’est bien davantage la fonction que le comportement, la motivation ou la nature de l’implication du justiciable qui apparaît déterminante. Contrairement au détournement de fonds public ou à la corruption, la prise illégale d’intérêt n’exige aucune intention frauduleuse ([34]).

Pour autant, ce champ très large exclut deux catégories d’acteurs majeurs de la sphère publique :

–  en premier lieu, l’infraction de prise illégale d’intérêt ne peut être reprochée aux parlementaires dans les actes relevant de leur mandat puisque l’article 26 de la Constitution fait obstacle à ce qu’ils puissent être poursuivis ou jugés en raison des opinions ou des votes émis dans le cadre de leurs fonctions ;

–  en second lieu, les juges et magistrats ne peuvent être rattachés à une fonction de surveillance, administration, liquidation ou paiement, de sorte que l’activité juridictionnelle échappe au périmètre de l’infraction.

C.   Un délit sévèrement réprimé mais peu souvent appliqué

Les peines encourues en répression de la prise illégale d’intérêt s’élèvent à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 500 000 euros, qui peut être portée au double du produit de l’infraction. L’ancien code pénal prévoyait également une exclusion définitive de plein droit de toute fonction publique, peine accessoire qu’il revient désormais au juge de prononcer en opportunité, dans le respect du principe d’individualisation des peines ([35]).

Toutefois, le volume annuel de condamnations prononcées pour prise illégale d’intérêt demeure très modeste : il oscille depuis dix ans autour d’une cinquantaine d’occurrences, dont moins de la moitié concerne des élus locaux. Il est très exceptionnel que les juridictions ordonnent une peine de prison ferme.

II.   Une disposition insérée par le Sénat

Le Sénat s’est, à plusieurs reprises, déclaré en faveur d’une restriction du périmètre de la prise illégale d’intérêts. Le 24 juin 2010, il a adopté à l’unanimité une proposition de loi ([36]) limitant la prise illégale d’intérêts aux situations dans lesquelles un élu poursuit un « intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».

Cette modification permettrait d’écarter expressément du champ de l’infraction les situations où les élus concernés siégeant ès qualités de représentant de leur collectivité au sein des instances décisionnaires des organismes extérieurs tels qu’établissements publics ou associations parapubliques, n’y prennent pas un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Elle a cependant été critiquée par la doctrine.

Une clarification ambiguë ([37])

Selon le sénateur Bernard Saugey, cette proposition « ne tend pas à protéger les élus mais à éviter aux élus honnêtes d’être importunés ». Cependant, il ne faut pas confondre la probité avec l’honnêteté, au risque d’assimiler la prise illégale d’intérêts à une simple infraction contre les biens. Le manquement au devoir de probité est réprimé indépendamment de tout enrichissement, préjudice ou intention frauduleuse. Formel et objectif, le manque de probité est « sanctionné pour lui-même, c’est-à-dire pour ce qu’il représente de trahison envers l’autorité et le public ». Les dispositions de l’article 432-12 du code pénal ont ainsi « pour finalité de faire échec à toute suspicion de partialité à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique, notamment celles chargées d’une mission de service public ». S’agissant de l’arrêt du 22 octobre 2008, des élus qui participent au vote des subventions à des associations qu’ils président ne peuvent que faire naître un doute sur leur prétendue impartialité et sur la neutralité de la décision qui a été prise. Ce n’est donc pas la vénalité qui est réprimée mais la partialité des élus.

Concernant l’expression même d’« intérêt personnel distinct de l’intérêt général », elle n’apparaît pas exempte de tout reproche. Tout d’abord, l’expression, en apparence rigoureuse, semble redondante car l’intérêt personnel ne peut se confondre avec l’intérêt général. Ensuite, la notion même d’intérêt général pourrait donner lieu, à l’instar de « l’intérêt quelconque », à des interprétations très subjectives car son contenu peut varier selon les temps, les lieux et les opinions. Enfin, l’expression d’« intérêt personnel distinct de l’intérêt général » étant plus restrictive que celle d’« intérêt quelconque », cette clarification ne risque-t-elle pas de conduire à dépénaliser les situations où l’élu favorise un tiers avec lequel il n’a pas de lien personnel ou à ne sanctionner que les hypothèses d’enrichissement personnel ?

En séance publique, le Gouvernement a sollicité la suppression de l’article 1er bis. Aux termes de l’exposé des motifs de son amendement, la prise illégale d’intérêt « ne doit pas être confondu[e] avec l’infraction de corruption qui suppose l’existence d’un pacte aux termes duquel l’agent public peut obtenir une contrepartie, de quelque nature qu’elle soit ». La rédaction défendue par le Sénat « aurait pour conséquence de dépénaliser toutes les situations dans lesquelles l’intérêt de l’élu rejoint l’intérêt de la collectivité lorsqu’il participe à la décision, alors qu’elles peuvent mettre en cause la probité de l’élu et favoriser le clientélisme ». Or, le Gouvernement souhaite qu’il soit possible de réprimer la situation dans laquelle « le décideur public a un intérêt moral notamment lorsqu’un avantage a été accordé à une personne avec laquelle l’agent disposait de liens affectifs, notamment familiaux ou amicaux. Cela permet par exemple ainsi de sanctionner des personnes dépositaires de l’autorité publique qui interviennent dans des décisions qui intéressent directement leurs proches, par exemple pour l’attribution d’un immeuble appartenant à la commune, au prix du marché, à un membre de la famille d’un élu, en écartant d’autres candidats : la collectivité locale ne subirait aucun préjudice de cette attribution, qui implique pour autant un manque d’impartialité de la part du décideur ».

Cet argumentaire n’a pas convaincu le Sénat qui a repoussé l’amendement de suppression sur la recommandation de la Commission.

III.   La position de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de suppression déposé par le Gouvernement et soutenu par la rapporteure. Contrairement à l’analyse du Sénat, elle a considéré que la prise illégale d’intérêt ne devait ni ne saurait se réduire à la poursuite d’un enrichissement ou d’un avantage personnel, et que la circonstance d’une confusion entre l’intérêt général et un intérêt quelconque ne suffisait pas à légitimer ce dernier.

En effet, élus et agents publics doivent se conformer au principe d’égalité. La violation de ce principe dans l’exercice de leurs prérogatives, qu’elle conduise ou non à s’écarter de l’intérêt général, constitue en soi une atteinte à l’ordre social. Or, c’est justement ce que vient réprimer la prise illégale d’intérêt : non un défaut de probité, mais une manifestation de partialité.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL110 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à supprimer une disposition introduite par le Sénat visant à restreindre le périmètre du délit de prise illégale d’intérêt. À l’origine de cette disposition se trouve un amendement sénatorial conçu de longue date en réaction à une jurisprudence de la Cour de cassation qui considère comme fautifs les élus qui poursuivent un intérêt propre dans l’exercice de leur mission, quand bien même ils n’en tireraient aucun enrichissement personnel ni aucun autre avantage matériel.

De fait, la prise illégale d’intérêt est utile à la préservation de l’impartialité des élus, et non de leur honnêteté. On peut en effet être partial en rompant l’égalité entre des personnes privées, sans pour autant léser l’intérêt général. Ainsi, un maire qui céderait des terrains communaux et qui, parmi plusieurs offres au prix du marché, choisirait celle présentée par ses enfants ne porterait pas préjudice à la commune, mais l’on pourrait considérer sa décision comme partiale.

Les élus doivent, bien entendu, être insoupçonnables, et il serait dommage d’introduire une telle disposition dans un texte pour la confiance dans la vie publique. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable à cet amendement visant à la supprimer.

M. Olivier Dussopt. J’ai eu l’occasion de dire, lors de la réunion d’hier, que la rédaction du Sénat, inspirée par la proposition de loi déposée par M. Bernard Saugey en 2009, n’était pas adaptée et ajoutait au caractère confus de la définition de la prise illégale d’intérêt. Toutefois, j’espère, contrairement à vous, madame la rapporteure, que la garde des Sceaux pourra, d’ici à l’examen en séance publique, nous proposer des amendements visant à améliorer cette définition. En effet, plus celle-ci sera précise, plus les conditions de la confiance seront réunies, car ce délit est évoqué dans de trop nombreuses affaires mettant en cause la probité des élus. On pourrait ainsi préciser la nature des intérêts pris par les personnes décisionnaires, qu’ils soient élus ou agents publics, limiter la liste des bénéficiaires, insister sur l’aspect matériel, direct ou indirect, de l’intérêt pris ou limiter le moment de l’appréciation à l’acte irrégulier, de façon à pouvoir sanctionner véritablement celles et ceux qui usent de leur influence pour prendre des décisions partiales. En tout état de cause, je crois utile de supprimer la disposition introduite par le Sénat.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter (supprimé)
(art. L. 228 du livre des procédures fiscales)
Limitation de l’application du « verrou de Bercy »

Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article résulte d’un amendement adopté par le Sénat malgré un avis défavorable de la commission des Lois et du Gouvernement. Il vise à exclure l’application du « verrou de Bercy » dans le cas de connexité d’une infraction fiscale avec d’autres infractions faisant déjà l’objet d’une procédure judiciaire ou en cas de découverte incidente d’une telle infraction dans le cadre d’une procédure pénale.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a modifié la composition de la commission des infractions fiscales (CIF), chargée de l’application du « verrou de Bercy », et a renforcé la publicité de ses travaux en prévoyant notamment la remise au Parlement d’un rapport annuel sur son activité.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

I.   L’État du droit

Le « verrou de Bercy » est ainsi dénommé en ce qu’il constitue une limitation à la libre mise en mouvement par le procureur de la République de l’action publique ([38]) en matière d’infraction fiscale.

En effet, le premier alinéa de l’article L. 228 du livre des procédures pénales prévoit que « sous peine d’irrecevabilité, les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l’administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ».

Concrètement, aucune poursuite judiciaire ne peut être entreprise au titre d’infractions commises pour l’établissement ou le paiement de ces impositions sans que l’administration fiscale ne porte préalablement plainte.

A.   L’exigence d’une plainte préalable de l’administration

1.   Une règle procédurale ancienne

À la suite d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation en la matière, le législateur a consacré le monopole de l’administration fiscale pour initier les poursuites en matière d’infraction fiscale dans la loi du 25 juin 1920 portant de nouvelles ressources fiscales ([39]).

Cette exception procédurale tient à la considération que les administrations chargées de veiller aux intérêts financiers de l’État sont plus à même d’apprécier la gravité des délits en matière fiscale, notamment dans le cadre de montages complexes ([40]). Elle doit également garantir la bonne articulation entre les réponses administratives et pénales à ces délits.

Le champ des infractions soumises à cette procédure est large puisqu’il couvre notamment, pour les impositions précitées :

– le délit de fraude fiscale (article 1741 du code général des impôts) ;

– le délit d’omission ou de passation d’écritures inexactes ou fictives (article 1743 du même code) ;

– le délit d’organisation de fausse comptabilité ou le délit de production de pièces fausses ou inexactes pour obtenir un dégrèvement en matière d’imposition (article 1772 du même code).

En revanche, sont exclues de l’obligation d’une plainte préalable de l’administration les trois infractions suivantes :

– le blanchiment de fraude fiscale ([41]) ;

– le délit d’escroquerie à la TVA ;

– les infractions en matière de contributions indirectes et douanières.

2.   Une transparence progressivement accrue

La Commission des infractions fiscales, chargée de se prononcer sur l’opportunité de poursuites, n’a pas de pouvoir d’auto saisine et examine les dossiers que le ministre chargé du Budget lui soumet. Celui-ci est lié par son avis.

Afin de garantir son indépendance, la CIF a vu sa composition réformée par la loi du 6 décembre 2013 précitée, de manière à y inclure des magistrats judiciaires et à prévoir que l’ensemble de ses membres soient désormais désignés ou élus par leurs pairs ou les présidents des assemblées parlementaires, et non plus nommés par le Gouvernement ([42]).

Cette même loi a également prévu qu’un rapport d’activité soit publié chaque année à l’attention du Parlement, qui présente notamment les dossiers transmis à son examen et les avis rendus ([43]).

Dans son rapport public annuel de 2016, la Cour des comptes soulignait toutefois que « l’action de la CIF reste limitée aux seuls dossiers qui lui sont transmis par la DGFiP ». Si la pénalisation des dossiers de fraude fiscale à fort enjeu s’est accrue du fait notamment de l’allongement de trois à six ans du délai légal pour déposer plainte, la sensibilisation des agents par la DGFiP « sur la nécessité de proposer des poursuites » sur ce type de dossiers, « plutôt que sur des fraudes ʺ simples ʺ plus faciles à instruire », doit être poursuivie ([44]).

De la même façon, l’administration fiscale s’est engagée à encadrer davantage la transaction en matière fiscale afin de privilégier, lorsque cela est justifié au vu du dossier, la possibilité de poursuites pénales. Comme le souligne la Cour, « ces efforts se sont traduits par une augmentation du nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire ».

B.   la constitutionnalité de cette procédure

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mai 2016 par la Cour de Cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de cette procédure particulière.

Si la décision du 22 juillet 2016 ([45]) reconnaît que « les dispositions contestées, telles qu’interprétées par une jurisprudence constante, limitent le libre exercice de l’action publique par le procureur de la République » en matière d’infraction fiscale, le Conseil a toutefois considéré qu’elles n’étaient pas contraires à la Constitution pour trois raisons :

– une fois la plainte déposée par l’administration fiscale, le ministère public a la faculté de décider librement de l’opportunité d’engager des poursuites ;

– les infractions faisant l’objet de cette procédure particulière causent principalement un préjudice au Trésor public. Aussi, l’absence de mise en mouvement de l’action publique ne constitue pas un trouble substantiel à l’ordre public ;

– l’administration exerce sa compétence en la matière dans le respect d’une politique pénale déterminée par le Gouvernement conformément à l’article 20 de la Constitution et dans le respect du principe d’égalité.

Pour ces motifs, le juge constitutionnel a écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’indépendance de l’autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs. Le principe de nécessité des peines n’a pas davantage été méconnu, la procédure contestée n’instituant aucune sanction.

II.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article est issu d’un amendement de Mme Eliane Assassi et des membres du groupe communiste, républicain et citoyen ([46]).

Il introduit une exception à l’application du « verrou de Bercy » pour les cas de connexité d’une infraction fiscale avec d’autres infractions faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou de découverte incidente d’une telle infraction dans le cadre d’une procédure pénale. Il s’agit d’éviter qu’une procédure en cours ne soit interrompue du fait du monopole actuellement exercé par l’administration fiscale en cette matière.

Toutefois, de manière incidente, le présent article supprime également les mots « sous peine d’irrecevabilité » figurant à l’article 228 du livre des procédures fiscales, qui sont appréciés par la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel comme établissant le monopole préalable de l’administration fiscale pour l’engagement des poursuites. Il y a lieu, à tout le moins, de s’interroger sur la portée de cette suppression qui pourrait fragiliser l’ensemble de la procédure du « verrou de Bercy » au-delà des seuls cas de connexité prétendument visés par les auteurs de l’amendement.

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission qui a considéré que ses conséquences devaient être davantage appréciées et qu’il pourrait être à nouveau discuté dans le cadre de la prochaine loi de finances.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL111 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Il s’agit, ici, de revenir sur une disposition introduite par le Sénat visant à limiter le « verrou de Bercy », disposition dont nous ne devons pas négliger les conséquences.

Le « verrou de Bercy » est un sujet récurrent, qui soulève la question de l’équilibre entre, d’une part, l’efficacité de l’administration fiscale, qui doit pouvoir instruire des dossiers complexes et, surtout, recouvrer les sommes dues par les contribuables et, d’autre part, le souci d’assurer un traitement égal de l’ensemble des justiciables.

L’amendement du Sénat présente l’intérêt de ne pas supprimer purement et simplement ce dispositif puisqu’il ne vise que les cas d’infractions connexes, c’est-à-dire ceux dans lesquels le magistrat a engagé des poursuites pour une autre infraction. Cependant, il n’a aucun lien avec le texte que nous examinons aujourd’hui et qui n’a donc pas été examiné dans l’étude d’impact. J’ajoute que, si nous voulions nous intéresser à cette question dans le cadre de ce projet de loi, il nous aurait fallu auditionner des magistrats, notamment de la Cour des comptes, et des représentants de l’administration fiscale afin de nous assurer de créer un mécanisme à la fois pertinent au plan des principes et efficace pour l’administration fiscale.

Pour ces différentes raisons, j’émets un avis favorable à l’amendement du Gouvernement, en indiquant néanmoins qu’il nous faudra traiter cette question.

M. Fabien Roussel. Cette question entre parfaitement dans le champ du projet de loi, dont je rappelle qu’il vise à rétablir la confiance dans la vie publique. Faut-il rappeler combien « l’affaire Cahuzac » a profondément choqué l’opinion ? Je rappelle que celui-ci a été pris les doigts dans le pot de confiture puisqu’il détenait des comptes à Singapour. Or, en tant que ministre du budget, il était, grâce au « verrou de Bercy », le seul à pouvoir instruire le dossier le concernant, ce qu’il s’est évidemment bien gardé de faire. S’il a été pris, c’est grâce aux médias, notamment à Mediapart.

Si nous voulons rétablir la confiance, il faut laisser à la justice le soin d’instruire tous les dossiers d’évasion fiscale, y compris, le cas échéant, ceux de responsables politiques. Bercy nous explique qu’il vaut mieux laisser l’administration fiscale négocier en toute opacité pour faire rentrer un peu d’impôts dans les caisses. Mais c’est peu, puisqu’il s’agit de 2 à 3 milliards, alors que le montant de la fraude fiscale est évalué entre 60 et 80 milliards d’euros par an – nous y reviendrons dans le cadre de la discussion budgétaire.

Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre que Bercy soit seul juge de l’opportunité de rendre publique la liste qu’il détient ou d’engager des poursuites ? C’est parfaitement scandaleux ! Si nous voulons faire un grand pas en faveur de la transparence, la clarification et la confiance dans l’honnêteté des responsables politiques, nous devons faire sauter le « verrou de Bercy » une bonne fois pour toutes. La majorité prétend incarner le renouveau et apporter un nouveau souffle. Eh bien, qu’elle souffle !

M. Bastien Lachaud. Nous avons déposé un amendement qui va plus loin en supprimant purement et simplement le « verrou de Bercy », car ce dispositif d’un autre temps est clairement inconstitutionnel dans la mesure où il méconnaît la séparation des pouvoirs. C’est en effet à l’institution judiciaire, singulièrement au parquet, et non à une administration, de décider s’il faut engager des poursuites.

En outre, ce verrou est en contradiction avec l’article 40 du code de procédure pénale, qui impose à tout fonctionnaire de dénoncer les faits illégaux dont il aurait connaissance dans l’exercice de ses fonctions. De fait, un inspecteur du fisc qui constate une fraude doit en référer à son supérieur hiérarchique et uniquement à celui-ci ; il ne peut absolument pas s’adresser au parquet. C’est ainsi que le lanceur d’alerte Rémi Garnier a été victime de mesures disciplinaires à répétition suite à sa dénonciation de l’affaire Cahuzac.

J’ajoute que les plus hautes institutions de notre pays elles-mêmes contestent ce dispositif. Je pense en particulier à la Cour des comptes, qui a relevé dans plusieurs de ses rapports que le « verrou de Bercy » conduisait à limiter les poursuites aux fraudes les plus simples et à épargner les plus répréhensibles, de sorte qu’il est particulièrement inefficace.

Enfin, le verrou de Bercy non seulement protège les responsables politiques, qui peuvent enterrer ces affaires, mais allonge les procédures pénales concernant des affaires de corruption ou de blanchiment d’argent.

Cette procédure est donc inefficace et immorale. Comment comprendre que le ministre des finances cherche à réaliser 4,5 milliards d’économies en rabotant ce qui ne peut plus l’être – la démission, ce matin, du chef d’état-major des armées en est une illustration –, alors que les auteurs de fraudes fiscales, dont le montant annuel s’élève à 90 milliards d’euros, ne sont jamais inquiétés ?

M. Olivier Marleix. Je m’étonne d’autant plus de la frilosité du Gouvernement que le Sénat ne propose pas d’abroger complètement le « verrou de Bercy ». Il souhaite en effet uniquement que le ministre du budget ne puisse plus retarder la procédure dans les affaires qui donnent déjà lieu à des poursuites pour une infraction connexe. Cette disposition entre donc parfaitement dans le champ de ce texte, puisqu’il s’agit de supprimer une sorte de pouvoir régalien d’ancien régime et de permettre à la justice de mener des investigations lorsqu’elle le juge nécessaire.

La rédaction du Sénat est équilibrée et représente un progrès. Du reste, l’argumentation du Gouvernement n’y répond pas entièrement. Encore une fois, je m’étonne de sa prudence et de sa volonté de ne rien changer en la matière.

Mme Cécile Untermaier. Je souscris aux propos de M. Marleix quant à la frilosité du Gouvernement qui, dans l’exposé sommaire de son amendement, estime nécessaire de maintenir la règle selon laquelle le ministre du budget ne peut « déposer plainte pour fraude fiscale qu’après saisine et avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF) », laquelle ne peut même pas s’autosaisir. Force est de constater que ce dispositif ne répond pas aux exigences du projet de loi que nous examinons.

M. Jean-Luc Warsmann. Je soutiens la position de notre rapporteure. Sous la précédente législature, j’ai travaillé sur ces sujets avec Mme Sandrine Mazetier, et je puis vous dire que la commission des infractions fiscales, créée en 1977, fait son travail. Sur 52 000 redressements fiscaux, mille environ font l’objet d’une procédure. Si l’ensemble de ces redressements sont traités par le parquet, il les classera sans suite car les tribunaux correctionnels ne peuvent absorber une telle masse de contentieux supplémentaires.

Ensuite, il est contraire à la réalité de dire que le « verrou de Bercy » bloque les procédures. Le parquet peut tout à fait instruire des plaintes pour escroquerie ou blanchiment de fraude fiscale. Du reste, M. Cahuzac a été poursuivi pour blanchiment de fraude fiscale, et ce sont ces poursuites qui ont permis de découvrir qu’il possédait un compte non déclaré à l’étranger. Il ne faut pas aborder ce sujet avec des idées trop simplistes et il convient donc de prendre le temps nécessaire pour y travailler.

Mme Naïma Moutchou. On voit bien l’intérêt que suscite la question du « verrou de Bercy », mais celui-ci répond bien à un double objectif : sanctionner le fraudeur et recouvrer l’impôt. La proposition du Sénat est intéressante, mais je crois que nous devons aborder la question avec un peu de recul, en envisageant toutes ses conséquences. Par ailleurs, il conviendrait d’auditionner le ministre du budget, mais aussi les magistrats et les procureurs qui sont directement concernés.

Mme Laurence Vichnievsky. Moi qui ai quarante ans de pratique judiciaire derrière moi, je puis vous dire, monsieur Warsmann, que le parquet ne peut pas exercer de poursuites en matière fiscale en l’absence d’une plainte préalable de la commission des infractions fiscales. Vous avez raison pour ce qui est de l’escroquerie. En revanche, avant d’engager des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale, il faut d’abord établir la fraude fiscale elle-même, qui est l’infraction première.

Le groupe MODEM partage la position du Sénat. Peut-être même pourrions-nous envisager d’examiner cette question de manière générale, plus tard, à tête reposée, car, au-delà des sanctions financières qui relèvent de Bercy, l’exercice des poursuites pénales soulève la question de la séparation des pouvoirs. Nous sommes donc opposés à l’amendement du Gouvernement.

M. Ugo Bernalicis. Je rappelle que le texte a trait à la vie publique, et pas uniquement au personnel politique. Dès lors, ni l’amendement adopté par le Sénat, qui représente un premier pas, ni une disposition qui irait plus loin, comme nous le proposons, ne sont hors sujet. De plus, lorsqu’on constate que nombre de corrupteurs ne sont pas poursuivis pour des infractions fiscales, on peut se poser beaucoup de questions.

Je suis très étonné par l’argument de la rapporteure. Il me semble que l’amendement sénatorial est le fruit de débats. Plutôt que de proposer de le compléter ou de le préciser, le Gouvernement souhaite le supprimer pour étudier, éventuellement, la possibilité de légiférer ultérieurement sur le sujet. Mais, dans ce cas, il ne fallait pas nous présenter ce texte dans la précipitation ! Il est prévu que nous examinions un projet de loi constitutionnel dans un an. Pourquoi ne pas avoir attendu un an pour réfléchir et aller au fond des sujets ? On se cache derrière des arguments d’inconstitutionnalité pour prendre des demi-mesures qui nous font passer pour des drôles auprès de nos concitoyens.

J’espère que nos collègues du groupe La République en marche ne se prononceront pas comme un seul homme pour la suppression de cet article, car c’est une bonne disposition. Il faut même aller plus loin. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à supprimer purement et simplement le « verrou de Bercy ». Mais peut-être la majorité ne souhaite-t-elle pas que l’on puisse défendre cette proposition.

En tout cas, il me paraît important que l’institution judiciaire puisse exercer des poursuites en matière fiscale sans dépendre de l’avis d’une commission de Bercy. Si l’affaire Cahuzac a abouti, ce n’est pas grâce à cette commission, c’est grâce à l’enquête de Mediapart. Faut-il déposer un amendement pour confier à Mediapart le soin de s’occuper de ces affaires pour le compte de l’État ? La quasi-totalité des affaires de ce type qui concernent des hommes politiques sont dévoilées par la presse ; c’est symptomatique de notre incapacité, à nous responsables poltiques, à faire le ménage chez nous. Quant à moi, je souhaite que ce ménage soit fait par une justice indépendante.

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure, vous avez indiqué qu’il conviendrait, avant de légiférer sur ce sujet, de consulter les juridictions financières. Pour avoir été, en tant que magistrat à la Cour des comptes, rapporteur à la CIF, je peux vous raconter comment cela se passe. Tout d’abord, il n’y a jamais de gros poisson. Pourquoi ? Parce que Bercy leur donne le choix : soit ils paient, soit ils sont renvoyés devant la commission des infractions fiscales, dont l’avis est conforme dans la plupart des cas. Voilà pourquoi Bercy s’accroche et maintient ce système d’Ancien Régime.

La position du Sénat est très prudente, beaucoup plus que l’amendement radical de nos collègues – qui pourraient s’appeler les « Insoumis radicaux ». Moi, cela fait vingt-cinq ans que je tente de faire sauter le « verrou de Bercy », car il rompt l’égalité des citoyens devant la loi, notamment pénale. Soit l’avis de la commission des infractions fiscales est défavorable, et le ministre ne peut pas saisir la justice, soit il est favorable, et le ministre est tenu de saisir la justice. C’est un système malsain !

Mes chers collègues, si vous voulez mettre fin à l’Ancien Régime, bien que ce dispositif soit plus récent… il faut soutenir le Sénat et rejeter les arguments du Gouvernement. Celui-ci prétend notamment que « la saisine de la CIF assure une homogénéité de l’action pénale contre la fraude fiscale ». Or, ce n’est absolument pas vrai, puisqu’en la matière, c’est l’administration fiscale qui fait la loi, si je puis dire, en s’abstenant de saisir la commission des gros dossiers. En termes financiers, ce n’est pas idiot, mais les intérêts financiers me semblent moins importants que le respect du principe d’égalité des citoyens devant la loi pénale. C’est pourquoi je vous invite à repousser l’amendement du Gouvernement.

M. Jean-Luc Warsmann. Si l’on confie ce contentieux au parquet, l’action pénale ne sera plus homogène, car chaque parquet mènera une politique de poursuite différente.

Mme Laurence Vichnievsky. Je m’étrangle !

M. Stéphane Peu. Nous estimons tous que la création d’un parquet national financier est une des grandes avancées de ces dernières années. Mais celui-ci est confronté à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, qui fait du ministre de l’économie et des finances le véritable juge d’instruction en matière de fraude fiscale, puisque les poursuites dépendent de son avis. C’est bien ce verrou qu’il s’agit de faire sauter. Certes, nous pouvons envisager une suppression plus large que celle qui nous est proposée, mais, en matière de moralisation de la vie publique, le moins que l’on puisse faire est de suivre le Sénat. C’est pourquoi nous sommes contre l’amendement du Gouvernement.

M. Dominique Potier. Le groupe Nouvelle gauche estime que, dans ce domaine, nous sommes trop souvent pompiers et trop rarement architectes. Le Sénat nous offre l’occasion d’agir en architectes en favorisant la prévention. À cet égard, il me semble que la possibilité pour la commission de s’autosaisir est une piste qui mériterait d’être explorée. La sagesse voudrait que l’on rejette l’amendement du Gouvernement et que nous fassions confiance à celui-ci pour apporter, en séance publique, les précisions nécessaires de manière à éviter des effets connexes néfastes.

Mme la rapporteure. Monsieur Bernalicis, si nous examinons cette disposition en urgence, ce n’est pas de notre fait : elle ne figurait pas dans le projet de loi initial et y a été introduite par le Sénat. En tout état de cause, nos débats montrent qu’il s’agit d’une question extrêmement complexe, et il serait vain de croire que l’ajout de ce dispositif réglerait toutes les questions relatives aux procédures appliquées en matière de fraude fiscale. De fait, les sénateurs n’ont pas mesuré toutes les conséquences qu’il pourrait avoir au plan technique, pour les magistrats, au plan de l’efficacité du recouvrement du produit de la fraude ou au plan de l’égalité des citoyens face aux poursuites.

Je souscris pleinement aux propos du président Warsmann. Il est vrai qu’actuellement, le « verrou de Bercy » n’empêche pas les poursuites pour blanchiment de fraude fiscale ou pour escroquerie. À preuve, M. Cahuzac a été poursuivi pour blanchiment et, en l’espèce, le « verrou de Bercy » n’a joué aucun rôle. L’affaire a été rendue publique par des lanceurs d’alerte et des journalistes, et il continuera d’en être ainsi. La justice a fait son œuvre, dans ce dossier comme dans de nombreux autres.

J’appelle également votre attention sur le fait que nous n’avons pas de remontées particulières du parquet national financier faisant état d’un blocage de l’administration fiscale l’empêchant d’exercer des poursuites.

Enfin, à ceux qui considéreraient que la décision de poursuivre ou non dépend du ministre ou de ses services, j’indique que la commission des infractions fiscales est composée, depuis 2015, de magistrats, de conseillers de la Cour des comptes et de personnalités qualifiées, et que son avis lie le ministre du budget. Il ne faudrait donc pas laisser accroire que celui-ci est tout-puissant en matière de poursuite des infractions fiscales. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. Stéphane Mazars, président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement CL111 du Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er ter est supprimé.

L’amendement CL35 de Mme Danièle Obono n’a plus d’objet.

Titre ii
dispositions relatives À la prévention des conflits d’intêrets

Article 2
(art. 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Prévention et traitement des conflits d’intérêts des parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 propose une nouvelle définition des conflits d’intérêts pour les parlementaires, que les assemblées auront pour mission de prévenir et de faire cesser. La mise en œuvre de ces règles devra figurer dans le règlement de l’assemblée concernée.

La définition proposée retient les conflits entre un intérêt public et des intérêts privés, mais pas ceux qui peuvent exister entre plusieurs intérêts publics. Elle correspond à celle qui prévaut aujourd’hui au Sénat ; elle s’écarte, en revanche, de celles qui figurent dans la loi pénale, dans la loi civile et dans le règlement de l’Assemblée nationale. L’article 2 crée enfin un registre des déports accessible au public.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a modifié l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour faire figurer, à son article 4 quater, que « le bureau de chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. Il veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre ».

Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a adopté sans modification la rédaction du Gouvernement.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Un amendement de la rapporteure a inclus dans la définition du conflit d’intérêts applicable aux parlementaires les interférences entre plusieurs intérêts publics.

I.   L’état du droit

En l’absence de dispositif répressif comparable à l’infraction pénale de prise illégale d’intérêts ([47]), la lutte contre les conflits d’intérêts à l’Assemblée nationale et au Sénat a essentiellement pris la forme de mécanismes préventifs : par la définition d’incompatibilités avec le mandat parlementaire d’abord ([48]), avec l’émergence de règles et d’organes de déontologie plus récemment.

Le Sénat s’est doté, en 2009, d’un comité de déontologie parlementaire, composé exclusivement de sénateurs et disposant d’attributions consultatives, et dont les modalités de fonctionnement sont régies par l’instruction générale du bureau.

L’Assemblée nationale a fait le choix de solliciter une personnalité extérieure pour veiller à la prévention des conflits d’intérêts ([49]). La fonction de déontologue a été créée par arrêté du bureau du 6 avril 2011. La résolution n° 437 du 28 novembre 2014 l’a transcrite dans le Règlement de l’Assemblée nationale.

Extraits du Règlement de l’Assemblée nationale

Article 80-1

1 Le Bureau établit un code de déontologie définissant les obligations déontologiques s’imposant aux députés. Ce code détermine notamment les règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts, entendus comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif du mandat.

2 Le Bureau veille au respect de ce code de déontologie et en contrôle la mise en œuvre. Il nomme à cet effet un déontologue.

Article 80-2

1 Le déontologue de l’Assemblée nationale est une personnalité indépendante nommée par le Bureau, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, sur proposition du Président et avec l’accord d’au moins un président d’un groupe d’opposition.

2 Il exerce ses fonctions pour la durée de la législature et son mandat n’est pas renouvelable. Il ne peut en être démis qu’en cas d’incapacité ou de manquement à ses obligations, sur décision du Bureau prise à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, sur proposition du Président et avec l’accord d’au moins un président d’un groupe d’opposition.

Article 80-3

1 Le Bureau consulte le déontologue pour la détermination des règles du code de déontologie en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts.

2 Le déontologue peut être saisi par tout député qui souhaite, pour son cas personnel, le consulter sur le respect des règles définies dans le code de déontologie. Les demandes de consultation et les avis donnés sont confidentiels et ne peuvent être rendus publics que par le député concerné.

3 Le déontologue et les personnes qui l’assistent dans sa mission sont tenus au secret professionnel et ne peuvent faire état d’aucune information recueillie dans l’exercice de leurs fonctions.

4 Le déontologue remet au Président et au Bureau un rapport annuel dans lequel il présente des propositions aux fins d’améliorer le respect des règles définies dans le code de déontologie et rend compte des conditions générales d’application de ces règles sans faire état d’éléments relatifs à un cas personnel. Ce rapport est rendu public.

Article 80-4

1 Lorsqu’il constate un manquement aux règles définies dans le code de déontologie, le déontologue en informe le député concerné ainsi que le Président. Il fait au député toutes les recommandations nécessaires pour lui permettre de se conformer à ses obligations. Si le député conteste avoir manqué à ses obligations ou estime ne pas devoir suivre les recommandations du déontologue, celui-ci saisit le Président, qui saisit le Bureau afin que celui-ci statue, dans les deux mois, sur ce manquement.

2 Le Bureau peut entendre le député concerné. Cette audition est de droit à la demande du député.

3 Le Bureau, lorsqu’il conclut à l’existence d’un manquement, peut rendre publiques ses conclusions, formuler toute recommandation destinée à faire cesser ce manquement et proposer ou prononcer une peine disciplinaire dans les conditions prévues aux articles 70 à 73.

Le code de déontologie mentionné à l’article 80‑1 du Règlement indique notamment que « les députés doivent agir dans le seul intérêt de la Nation et des citoyens qu’ils représentent, à l’exclusion de toute satisfaction d’un intérêt privé ou de l’obtention d’un bénéfice financier ou matériel pour eux-mêmes ou leurs proches » (article 1er). Par ailleurs, « en aucun cas, les députés ne doivent se trouver dans une situation de dépendance à l’égard d’une personne morale ou physique qui pourrait les détourner du respect de leurs devoirs tels qu’énoncés dans le présent code » (article 2).

Les manquements au code de déontologie identifiés par le déontologue font l’objet d’un traitement en deux phases :

–  un échange avec le député pour l’inciter à régulariser sa situation ;

–  en cas d’échec, une transmission au bureau de l’Assemblée nationale qui statue sur la violation, peut rendre publiques ses conclusions, et décide de l’opportunité d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la censure avec exclusion temporaire – sanction qui emporte de droit la privation, pendant deux mois, de la moitié de l’indemnité parlementaire allouée au député.

L’Assemblée nationale a fait le choix d’une définition du conflit d’intérêt identique à celle du droit civil, qui présente également l’avantage d’une proximité avec celle retenue dans le code pénal pour l’incrimination de prise illégale d’intérêt. Le Sénat s’est, en revanche, singularisé en excluant de ses règles déontologiques l’objectif de prévention d’un conflit entre intérêts publics.

Prévention et répression des situations de conflit d’intérêts

 

Personnes concernées

Situations à prévenir

Prise illégale d’intérêt – art. 432‑12 du code pénal

Personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, sauf parlementaires et magistrats

Prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement

Droit civil – art. 2 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

Membres du Gouvernement, élus locaux, personnes chargées d’une mission de service public, membres des autorités administratives et publiques indépendantes, fonctionnaires

Toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction

Assemblée nationale – art. 80-1 du Règlement

Députés

Toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif du mandat

Sénat – art. XX bis de l’Instruction générale du Bureau

Sénateurs

Toute situation dans laquelle les intérêts privés d’un membre du Sénat pourraient interférer avec l’accomplissement des missions liées à son mandat et le conduire à privilégier son intérêt particulier face à l’intérêt général

Parlement européen – art. 3.1 du code de conduite

Représentants français au Parlement européen

Intérêt personnel qui pourrait influencer indûment l’exercice des fonctions en tant que député.

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Enfin, la prévention des conflits d’intérêts passe également par la bonne gestion des activités des groupes d’intérêts (lobbies). Les 27 février et 26 juin 2013, le Bureau de l’Assemblée nationale a encadré les conditions de cette représentation d’intérêts en insistant sur des impératifs de transparence, qui doit conduire les représentants d’intérêts à faire savoir qui ils représentent et pour le compte de qui ils agissent, de publicité, pour permettre à tous les citoyens de savoir dans quelles conditions se déroulent les contacts entre leurs élus et les représentants d’intérêts, et de déontologie, c’est-à-dire la soumission de l’activité des représentants d’intérêts à un ensemble de droits et de devoirs. Il en a résulté l’ouverture d’un registre des représentants d’intérêts.

Ce dispositif s’est renforcé avec la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Celle-ci a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts, ouvert depuis le 3 juillet 2017.

II.    Les dispositions du projet de loi

L’article 2 du projet de loi réécrit l’article 4 quater de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958. Auparavant du ressort des bureaux des assemblées, la définition du conflit d’intérêts applicable aux députés et sénateurs y figurerait désormais.

La définition proposée s’inspire de celle du Sénat : une interférence entre « un intérêt public et des intérêts privés ». Le Gouvernement justifie sa préférence dans l’étude d’impact jointe au projet de loi en avançant que les parlementaires, « bien que représentants de l’ensemble de la Nation, n’en restent pas moins élus dans une circonscription territoriale. Certains d’entre eux sont également titulaires d’un mandat local. Dans ces conditions, [opter pour] une définition en termes d’interférence entre l’intérêt public, dont ils sont garants en tant qu’investis d’un mandat parlementaire national, et un autre intérêt public, pourrait conduire, par exemple, un parlementaire à devoir s’abstenir systématiquement lorsque serait en débat (...) un projet dont il aurait par ailleurs à connaître dans sa circonscription ou au titre de son mandat local ».

Le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les parlementaires veillent à prévenir ou à faire cesser un conflit d’intérêts, le cas échéant après consultation du déontologue, est laissé au soin de chaque assemblée, qui édicte les modalités de mise en œuvre de ces règles dans son règlement. Ce dernier point signifie que le Conseil constitutionnel sera amené à apprécier les options retenues par les deux assemblées ([50]).

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article 2 du projet de loi procède à la création d’un registre public des déports dans chacune des assemblées. La procédure de déport, bien connue des magistrats ([51]) et des élus locaux ([52]), conduit une personne à s’abstenir de siéger ou de prendre une décision lorsqu’elle estime se trouver en situation de conflit d’intérêts.

Les lois n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, et n° 2016‑483 du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, ont consacré l’obligation pour certains responsables publics – ministres, élus locaux, membres du collège d’une autorité administrative ou publique indépendante – de se déporter dans l’hypothèse où ils seraient confrontés à un conflit d’intérêts. Elles ne sont cependant pas applicables aux parlementaires ([53]), dont :

–  les opinions et les votes émis dans l’exercice de ses fonctions ne peuvent donner lieu à poursuite, recherche, arrestation, détention ou jugement ([54]) ;

–  le vote est personnel, dégagé de tout intérêt lié à ses électeurs ou à sa circonscription d’élection ([55]).

Le code de déontologie de l’Assemblée nationale, s’il prescrit aux députés de s’abstenir de tout conflit d’intérêts et de « prendre toute disposition pour résoudre un tel conflit d’intérêts au profit du seul intérêt général ([56])», n’enjoint jamais de s’abstenir de prendre part à un vote. De plus, si des députés ont pu décider de se déporter de leur propre initiative lorsqu’ils ont estimé être confrontés à un conflit d’intérêts, au besoin sur recommandation du déontologue de l’Assemblée nationale, cette décision est demeurée volontaire et, dans l’hypothèse inverse, aurait difficilement pu fonder une sanction disciplinaire. L’article 2 précise d’ailleurs que le registre des déports aura un caractère public afin que s’organise un contrôle citoyen sur le comportement des députés et sénateurs, et n’impose pas aux assemblées de prévoir des sanctions disciplinaires en répression d’éventuels manquements.

III.   Une disposition non modifiée par le Sénat

L’article 2 du projet de loi a satisfait le Sénat : aucun amendement n’a été adopté ni même déposé, tant en commission des Lois qu’en séance publique.

IV.   La position de la commission des Lois

La Commission s’est opposée à la définition restrictive du conflit d’intérêts applicable aux parlementaires. La rédaction adoptée par le Sénat, qui s’inspirait directement de son instruction générale du bureau, néglige la perspective d’une interférence entre l’intérêt public, général et national que doivent poursuivre députés et sénateurs, et d’autres intérêts portés par des personnes publiques – collectivités territoriales, entreprises publiques, voire États étrangers.

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a donc adopté une rédaction conforme à celle qui prévaut dans la loi du 11 octobre 2013, qui inclut les conflits entre plusieurs intérêts publics. Elle a également apporté une amélioration rédactionnelle à l’article 2.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL126 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de revenir à la définition du conflit d’intérêts privilégiée par l’Assemblée nationale pour ce qui est de l’exercice des missions du législateur. La définition du Sénat ne prend en compte que le conflit entre des intérêts publics et privés.

Je propose une définition qui inclut le conflit entre intérêts publics. Mieux vaut faire en effet la plus grande clarté sur les raisons qui poussent les parlementaires à prendre telle ou telle position. Les parlementaires ont des liens avec les territoires où ils sont élus ; ils peuvent aussi, dans une mesure réduite désormais, exercer des fonctions au sein des collectivités territoriales ou d’établissements publics.

Comme élu de la nation, le parlementaire contribue à la formation de la volonté générale et n’est, en aucun cas, le mandataire d’intérêts particuliers, fussent-ils publics. Pour cette raison, il est proposé de retenir à l’article 2 la définition des conflits d’intérêts qui prévaut dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Cette définition large du conflit d’intérêts n’entraînera pas nécessairement l’obligation systématique de déport. Au contraire, dans l’un de ses avis récents, le déontologue de l’Assemblée nationale souligne que cette disposition permettra d’assurer la clarté et la transparence et de montrer que l’élu agit en toute impartialité, car ses intérêts d’autre nature seront ainsi connus.

Revenons donc à une vision plus large du conflit d’intérêts.

M. Raphaël Schellenberger. Vous vous dites préoccupée par la notion de conflits entre intérêts publics. Mais nous ne sommes pas des élus hors sol, car nous sommes confrontés à des problématiques locales qui doivent être prises en compte au niveau national. La fermeté proposée ne me semble pas de mise et je suis donc opposé à cet amendement.

M. Ugo Bernalicis. J’y suis pour ma part favorable : au cours de nos auditions, je me suis aperçu qu’il y avait un manque qu’il s’agit en effet de combler. Telle sera notre ligne de conduite dans ce débat : nous soulignerons tout ce qui nous paraîtra aller dans le bon sens et nous le voterons.

M. Philippe Latombe. Nous soutiendrons aussi l’adoption de cet amendement, car nous étions favorables à une réécriture.

M. Arnaud Viala. L’exposé des motifs me pose problème. Que l’on exclue les conflits entre des intérêts publics, pourquoi pas. Mais je ne puis vous suivre, Madame la rapporteure, lorsque vous allez par extension vers la déterritorialisation de l’élu parlementaire.

Ce problème n’a de toute façon pas sa place dans une loi ordinaire. Il conviendrait d’en discuter plutôt lorsque nous examinerons le projet de loi sur l’introduction de la proportionnelle. Si nous voulions instaurer une liste unique nationale, nous couperions court à cette possibilité de conflits d’intérêt.

Mme Cécile Untermaier. Je suis favorable à l’adoption de cet amendement. C’est une excellente chose que de reprendre la définition contenue dans la loi de 2013. Ne confondons pas relation d’intérêt et conflit d’intérêts. On peut très bien avoir à discuter un texte se rapportant à notre mandat d’élu municipal sans être dans le conflit d’intérêts ! L’appréciation sera portée dans le cadre du registre des déports.

M. Philippe Gosselin. La définition proposée par l’amendement est très large. Son exposé des motifs va également très loin. Dans chaque vote, des dizaines de déport deviendraient envisageables. Au sein de la commission, un magistrat ou un élu local devront-ils se déporter quand nous traitons de la procédure pénale ou de la réforme territoriale ? Il me semble que cela va très loin. L’introduction de cette notion de conflits d’intérêts publics est une source de flou et risque de nous emmener très loin.

Mme Delphine Batho. Comme l’a dit notre collègue Cécile Untermaier, ce n’est pas la question du territoire qui pose problème. Il s’agit plutôt de l’absence d’intérêt direct et personnel. C’est au demeurant une définition qui figure dans le règlement de l’Assemblée nationale. Cela s’étend à tous les fonctionnaires aujourd’hui, comme à tous les élus locaux, en vertu du code pénal. Nous ne faisons donc que reprendre la définition la plus largement admise.

M. Philippe Gosselin. Je ne vois pas de raison d’extirper cette disposition du règlement de l’Assemblée nationale pour la mettre dans la loi. Ce n’est pas bon.

Mme Delphine Batho. La définition retenue du conflit d’intérêt me semble être la bonne. Mais, à l’alinéa 5 de l’article 2, nous sommes en présence de deux logiques différentes. Soit l’on empêche la situation où le parlementaire se trouverait en position de conflits d’intérêts et le déport n’est pas nécessaire. Soit l’on crée un registre des déports si des risques de conflits subsistent. Je suis quant à moi favorable à la première solution car je ne veux pas que les députés se trouvent en situation de conflit d’intérêt.

La Commission adopte l’amendement. En conséquence, l’amendement CL12 de Mme Untermaier tombe.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL127 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis A (supprimé)
Encadrement des conflits d’intérêt dans la fonction publique

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 bis A résulte d’un amendement adopté par le Sénat avec avis défavorable de la commission des Lois et du Gouvernement. Il interdit de nommer à une fonction d’intérêt général (relevant de la procédure de l’article 13 de la Constitution) une personne qui aurait travaillé, au cours des trois années précédentes, dans une entreprise ayant des liens avec l’organisme au sein duquel elle exercerait sa fonction.

Par ailleurs, cet article interdit la participation des personnes exerçant actuellement une fonction d’intérêt général à une délibération concernant une entreprise dans laquelle ils ont travaillé au cours des trois années précédant cette délibération et qui entretient des liens avec l’organisme auquel elles sont rattachées.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

L’article 2 bis A est issu d’un amendement adopté en séance publique par le Sénat à l’initiative de Mme Marie-Noëlle Lienemann contre l’avis de la commission des Lois et du Gouvernement. Son champ d’application couvre les emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées à l’article 13 de la Constitution

Ces emplois sont ceux qui, selon les termes de l’article 13 de la Constitution, revêtent une importance particulière « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Dans ces hypothèses, la nomination ne peut avoir lieu qu’après avis des commissions permanentes compétentes des deux assemblées, l’addition des votes négatifs dans chaque commission y faisant échec lorsqu’elle représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le Sénat a souhaité que ces emplois soient incompatibles avec l’exercice, au cours des trois dernières années, de fonctions au sein d’une société contrôlée par la personne morale à laquelle ils se rattachent.

Par ailleurs, l’article 2 bis A interdit aux personnes occupant un tel emploi de prendre part à une délibération concernant une entreprise dans laquelle elles ont travaillé au cours des trois années précédentes, ou d’y détenir des intérêts.

Il est enfin précisé que la violation des règles édictées est constitutive de l’infraction réprimée par l’article 432-13 du code pénal relatif à la prise illégale d’intérêts des anciens agents publics ou élus locaux ([57]).

À l’initiative du Gouvernement cet article a été supprimé par la Commission qui a considéré que le dispositif de prévention des conflits d’intérêts actuellement en place pour les emplois à décision du gouvernement permet d’atteindre l’objectif recherché sans pour autant restreindre de façon générale les possibilités de recrutement sur ces emplois, et en particulier le recrutement de personnes ayant développé des compétences dans le secteur privé en lien avec les missions qui leur sont confiées.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL112 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à la suppression de cet article introduit par le Sénat. Les sénateurs ont en effet inséré subrepticement dans le texte, par voie d’amendements, des dispositions relatives à la fonction publique. Ce sujet me semble plutôt devoir être traité de manière complète et globale dans les mois qui viennent. C’est pourquoi je m’opposerai à chaque fois aux ajouts opérés par le Sénat en ce domaine.

En l’espèce, sous couvert de lutter contre le pantouflage, la disposition adoptée par nos collègues interdirait de promouvoir à la tête d’un groupe public le directeur d’une de ses filiales. Cela n’a pas de sens.

M. Olivier Dussopt. J’ai du mal à comprendre : ne veut-on pas rétablir la confiance dans l’action publique ? Non contente de qualifier l’action de nos collègues sénateurs de « subreptice », ce qui n’est guère aimable, vous entendez vous opposer à tout ce qu’ils ont adopté afin de renforcer la probité, la transparence ainsi que la clarté dans les nominations. Voilà qui me semble bien peu cohérent avec l’objet du projet de loi. Saisissons plutôt cette occasion d’améliorer la transparence.

M. Olivier Marleix. La garde des Sceaux nous a dit elle-même que le projet de loi porte d’abord sur les conflits d’intérêts. D’ailleurs, la loi de 2013 instaurant la Haute autorité pour la transparence de la vie publique visait à la fois les élus et les emplois faisant l’objet d’une nomination en Conseil des ministres. Tout à coup, il faudrait restreindre le champ du conflit d’intérêts aux seuls élus. Votre position, madame la rapporteure, est une position de recul et de frilosité.

L’argument du cavalier législatif ne tient pas davantage. Grâce à cet article nouveau, il ne serait pas possible de nommer à la tête de la commission de régulation de l’énergie un dirigeant des grands groupes de ce secteur, non plus qu’un dirigeant d’un groupe de télécommunications à la tête de l’Agence de régulation des communications électroniques et des postes. Cela me paraît à même d’apporter une garantie supplémentaire dans la prévention du conflit d’intérêts, qui fait l’objet même de ce projet. À moins que ce dernier ne soit qu’un texte d’antiparlementarisme, ce qui serait en contradiction avec les intentions affichées par le Gouvernement. En l’espèce, le Sénat s’est montré constructif, et il a adopté l’article nouveau à l’unanimité. Ne refermons pas la porte qu’il a ouverte dans le strict respect de la loi de 2013, afin de ne pas perdre cette unanimité : ce serait dommage.

Mme Danièle Obono. Votre explication, Madame la rapporteure, va à l’encontre de ce que nous a expliqué la garde des Sceaux. Saisi de ce texte, le Sénat a exercé son droit constitutionnel d’amendements, il n’y a là rien de « subreptice » ! Ne faisons-nous pas de même afin d’étendre la transparence et de restaurer la confiance dans l’action publique ? Vous expliquez que cela ne sert à rien et qu’il faudra s’en préoccuper plus tard. La présente loi ne serait ainsi qu’une loi d’affichage, dépourvue des outils aptes à lui permettre d’atteindre son objectif de restaurer la confiance. Cela ne va dans le sens ni des intentions affichées par le Gouvernement, ni de la confiance dans l’efficacité des travaux parlementaires.

M. Rémy Rebeyrotte. Cette loi ne saurait être l’alpha et l’oméga de la transparence : elle ne saurait régler d’un coup d’un seul trente ans de débats sur ce thème. Examinée en session extraordinaire, elle vise à prendre rapidement des mesures relatives aux statuts, qu’il s’agisse de celui du candidat, du parlementaire ou du collaborateur, afin de rétablir la confiance des citoyens. Sans doute conviendra-t-il ensuite de reprendre les autres éléments mis en avant par nos collègues, afin d’adopter un texte d’une autre nature.

M. Bastien Lachaud. Voilà qui confirme que la véritable intention du Gouvernement est de stigmatiser les parlementaires, comme s’il les craignait. Que je sache, madame la rapporteure, le Sénat n’a pas la réputation d’être peuplé de radicaux échevelés… Sa sagesse est même sa raison d’être institutionnelle. Les citoyens auront confiance dans leurs élus s’ils ont du pouvoir et s’ils l’exercent.

Pourquoi dès lors contester aux sénateurs le droit d’amendement et refuser de débattre au fond de dispositions qu’ils ont adoptées à l’unanimité ? A quoi servons-nous si nous ne pouvons user de ce droit ? Pourquoi le Gouvernement ne recourt-il pas à un vote bloqué pour aller plus vite encore ? Donnons plutôt du temps au temps et laissons aux parlementaires le temps de travailler.

Mme Laurence Vichnievsky. Au sein du groupe MODEM, nous sommes attachés à la cohérence du texte. Or, il est cohérent que les personnes concernées appartiennent à la sphère politique. C’est aussi pourquoi nous proposerons que le titre du projet fasse explicitement référence à la transparence politique.

Il me semble que nous devrons discuter plus et plus longtemps des autres sphères que sont la fonction publique, les syndicats et les grandes associations.

Avec cette disposition sur les conflits d’intérêts impliquant les fonctionnaires, en cas de pantouflage ou de nomination à un emploi public, ne risquons-nous d’ailleurs pas de nous priver de talents ? Nous aurons aussi à examiner cette question.

M. Jean-Luc Warsmann. J’ai été le rapporteur de la loi du 20 janvier 2017 qui porte statut général des autorités indépendantes. Si nous devions y interdire une nomination dès que quelqu’un a l’expérience d’un domaine, nous risquerions une perte de substance et il ne resterait guère que les professeurs d’université.

Il me semble que nous étions parvenus à un équilibre avec l’article 12 de cette loi : « Aucun membre de l’autorité administrative indépendante ou de l’autorité publique indépendante ne peut siéger ou, le cas échéant, ne peut participer à une délibération, une vérification ou un contrôle si : 1° Il y a un intérêt, au sens de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, ou il y a eu un tel intérêt au cours des trois années précédant la délibération, la vérification ou le contrôle ; 2° Il exerce des fonctions ou détient des mandats ou, si au cours de la même période, il a exercé des fonctions ou détenu des mandats au sein d’une personne morale concernée par la délibération, la vérification ou le contrôle ; 3° Il représente ou, au cours de la même période, a représenté une des parties intéressées. »

Certes, tout est perfectible. Mais cela nous avait semblé être le meilleur équilibre afin notamment de ne pas nous couper du vivier des compétences existantes. Ces autorités ont des décisions concrètes et techniques à prendre. À l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), on ne peut s’improviser spécialiste. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de suppression du Gouvernement.

M. Dominique Potier. Montaigne disait qu’on appelait barbare ce qui n’était pas notre usage. En l’occurrence, nous ne sommes pas hors sujet au motif que nous abordons un sujet qui n’est pas dans l’intérêt politique du Gouvernement. Nous cherchons à aligner ces équivalences et ces obligations sur la loi de 2013. Nos propositions pourront être améliorées en séance publique, mais, je le répète, nous ne sommes pas hors sujet lorsque nous cherchons à améliorer le texte. Peut-être devriez-vous montrer plus de bienveillance, Madame la rapporteure, à l’égard de nos propositions qui concourent à restaurer la confiance.

Mme Delphine Batho. Ce débat de fond était en germe dans le discours qu’a tenu le Président de la République à Versailles. Pour nous, tout ce qui a trait au fonctionnement de l’appareil d’État et à sa perméabilité aux groupes de pression relève du débat sur la moralisation de la vie publique et participe de la restauration de la confiance des citoyens. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’autres amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Nous entendons que certaines dispositions seraient prises non dans cette loi, mais dans une loi suivante, dont il n’est question que depuis hier et dont nous ignorons ce qu’elle comportera. Pour le présent texte, nous nous en tiendrions à l’essentiel. La gestion des conflits d’intérêts dans l’action publique me semble faire partie de l’essentiel.

Soyons vigilants sur la séparation des pouvoirs et ne traitons que des parlementaires, nous dites-vous. Mais, si ce texte ne devait concerner que les parlementaires, il suffirait alors de recourir au règlement de l’Assemblée nationale. En réalité, il doit concerner l’ensemble des pouvoirs.

Je défends cet article aussi parce que l’on sent une volonté de nourrir l’antiparlementarisme et de concentrer le pouvoir autour de l’exécutif et de la haute administration, tout en se gardant bien de traiter des conflits d’intérêt à ce niveau.

Monsieur Warsmann, vous dites en fait qu’un parlementaire compétent pourrait être en conflit d’intérêts tandis qu’un haut fonctionnaire compétent serait une chance pour la nation… Un peu de cohérence ! Tenons le même propos vis-à-vis des parlementaires comme de la haute administration.

M. Fabien Roussel. Ce texte jette l’opprobre sur les parlementaires. Pourquoi ne pas saisir l’occasion de lutter contre les groupes de pression et les conflits d’intérêt ? C’est pourtant un sujet important pour rétablir la confiance dans la vie politique et dans les élus.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de compétences. Quand le sénateur Éric Bocquet s’est rendu dans les îles anglo-normandes, il s’est aperçu que le consul de France est aussi administrateur de BNP Paribas. Sans doute est-il très compétent, mais quels intérêts sert-il ? Voilà le problème. Les choses peuvent bien se passer, comme elles peuvent tourner au conflit d’intérêts. Saisissons l’occasion d’une clarification : c’est ainsi que l’on montrera qu’il y a un changement.

M. Ugo Bernalicis. Nous sommes tous « en marche » pour faire avancer ce débat et nous sommes plutôt de bonne volonté, mais, alors que nous avons pu voter en deux semaines un texte qui remet en cause l’intégralité du code du travail, nous ne pourrions pas conserver un amendement débattu et adopté au Sénat parce qu’il remettrait trop de choses en question ? Il semble qu’il y ait deux poids et deux mesures !

Le seul talent, la seule expérience que l’on demande à un parlementaire et, a fortiori, à la haute administration, c’est la vertu. Seule, elle garantit la République et la démocratie. Seule, elle assure que sera uniquement pris en compte l’intérêt général, fût-ce, parfois, au détriment des intérêts particuliers des siens.

Sans revenir sur le mépris dont fait preuve notre collègue à l’égard des professeurs d’université, rappelons que les entités administratives ont certes des dirigeants, mais qu’elles comptent surtout des techniciens compétents qui aident à la prise de décisions. Notre assemblée, par exemple, ne pourrait pas fonctionner sans les administrateurs qui travaillent avec nous. Ne confondons pas ce que l’on demande à un dirigeant, à savoir la vertu, et ce que l’on demande à un technicien !

Nous voulons évidemment que les parlementaires, comme la haute administration, fassent preuve d’un dévouement total à la chose publique. Ce texte devrait s’étendre bien au-delà des frontières qui lui sont assignées, et concerner le Président de la République, les membres du Gouvernement, et un certain nombre d’autres acteurs de la vie publique – puisque tels sont bien les termes de l’intitulé du projet de loi. Dès lors, je ne pense pas que les amendements hors-sujet soient nombreux dans cette discussion.

M. Arnaud Viala. Madame la rapporteure, il faut revenir aux promesses que vous avez faites aux Français. Alors que vous vous êtes engagés à moraliser la vie publique, nous allons nous retrouver avec un texte qui se contentera d’encadrer très strictement les moyens et l’exercice du mandat parlementaire. C’est un premier mensonge dont les Français vous tiendront rigueur. Vous avez changé le titre du texte, vous en changez le contenu, et vous refusez que l’on discute de son périmètre !

Vous demandez aux oppositions présentes dans cette salle d’être constructives ; elles le sont et cherchent à enrichir le texte. Nous voulons rétablir la confiance entre nos concitoyens et les institutions. Il est clair que cela ne se fera pas en muselant les élus qui doivent disposer des moyens et d’une administration qui leur permettent d’exercer librement leur mandat.

J’ai eu le désarroi de constater que des amendements, que j’avais déposés pour traiter de la question de la réserve gouvernementale en même temps que celle de la réserve parlementaire avaient été écartés au motif qu’ils n’entraient pas dans le périmètre du texte. Cela pose un véritable problème démocratique. De la même façon, madame la rapporteure, le fait que vous rejetiez toutes les dispositions ajoutées au Sénat ou proposées par les propositions des oppositions parce que, selon vos termes, « elles ne correspondent pas à l’esprit initial du texte présenté par le Gouvernement », constitue un véritable problème en ce début de législature.

Mme Cécile Untermaier. L’intitulé du projet déposé en juin dernier était clair : nous avions affaire à un « projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique ». Je ne comprendrais pas qu’un tel texte ne concerne que les parlementaires. Soit il faut totalement modifier l’ambition initiale, et expliquer clairement que le Gouvernement ne travaille plus que sur les assemblées, soit, si nous conservons ce texte, il faut cesser de prétendre que le pantouflage ou les conflits d’intérêts élargis à la sphère publique n’y ont pas leur place.

Mme la rapporteure. Certains d’entre vous ont prêté à la ministre de justice des propos qu’elle n’a pas tenus devant nous. Je rappelle que nous discutons d’un amendement du Gouvernement qui reflète en conséquence les positions de la garde des Sceaux.

Plusieurs textes récemment adoptés traitent des fonctionnaires. La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires n’a même pas dix-huit mois. La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », comporte des dispositions sur ce sujet, de même que la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Avant de modifier à nouveau des textes relatifs à la nomination ou au statut des fonctionnaires, j’estime qu’il convient d’évaluer l’application des mesures déjà en vigueur. Il serait sage en conséquence de procéder à des auditions et d’essayer de bâtir un texte spécifique issu d’un vrai travail parlementaire.

En tant que présidente de notre Commission, je concrétiserai le souhait que je viens d’émettre comme rapporteure, en créant une mission d’information à la rentrée prochaine. Tous les groupes pourraient y être associés. Je vous propose de traiter ce sujet lors de notre prochain bureau. Cette mission d’information permettra d’aborder ce sujet et de d’envisager la suite de notre travail dans la sérénité.

Enfin, je précise que les parlementaires ne sont absolument pas écartés des dispositifs de nomination : les commissions permanentes des assemblées doivent se prononcer lorsque le Président de la République procède à une nomination. On ne peut pas parler du fait du prince. Les craintes que j’entends s’exprimer sont infondées.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis A est supprimé, et les amendements CL1 de M. Éric Straumann, et CL63 de M. Ugo Bernalicis tombent.

Article 2 bis (supprimé)
(art. 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Registre des déports des membres du Gouvernement

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 bis, issu d’un amendement du Sénat, crée un registre des déports des membres du Gouvernement, voué à consigner les décrets par lesquels un ministre renonce à exercer l’une de ses attributions du fait d’un conflit d’intérêt ainsi que les absences au Conseil des ministres motivées par ces mêmes raisons.

Dernières modifications législatives intervenues

L’obligation de déport pour les membres du Gouvernement confrontés à un conflit d’intérêts est prévue par l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Elle prend la forme d’un décret qui confie l’attribution du ministre concerné à un autre membre du Gouvernement.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement du Gouvernement soutenu par la rapporteure portant suppression de l’article.

I.   Une disposition adoptée par le Sénat

L’article 2 bis du projet de loi est issu d’un amendement du rapporteur du Sénat adopté par la commission des Lois. À la suite de la création d’un registre des déports pour les parlementaires à l’article 2, il prévoit l’ouverture d’un même registre recensant les cas de déport des membres du Gouvernement.

L’obligation de déport des membres du Gouvernement soumis à un conflit d’intérêts est réglée par l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, et par le décret n° 2014‑34 du 16 janvier 2014 relatif à la prévention des conflits d’intérêts dans l’exercice des fonctions ministérielles. Ces textes prévoient que :

–  lorsque le Premier ministre s’estime en conflit d’intérêts pour certaines de ses attributions, il les délègue au ministre premièrement nommé dans le décret relatif à la composition du Gouvernement ;

–  lorsqu’un ministre rencontre une telle situation, le Premier ministre exerce directement l’attribution ;

–  lorsque le conflit d’intérêts concerne un ministre délégué ou un secrétaire d’État, l’attribution est exercée par le ministre auquel il est rattaché.

Ce déport prend la forme d’un décret. Le cas s’est produit à deux reprises, à chaque fois en raison des fonctions exercées par le conjoint au sein d’un organisme lié au ministère concerné :

–  en 2014, lorsque, sur recommandation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, l’ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Geneviève Fioraso, a renoncé a exercer ses prérogatives sur le Commissariat à l’énergie atomique ([58]) ;

–  en 2017, lorsque l’actuelle ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, a été déchargée des dossiers relatifs à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ([59]).

En séance publique, la tentative du Gouvernement de supprimer l’article 2 bis au nom du principe de séparation des pouvoirs a succombé à l’avis défavorable du rapporteur.

II.   La position de la commission des Lois

Comme le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([60]), la Commission a considéré que la tentative de régir par la loi l’organisation du Gouvernement et, plus encore, les modalités de fonctionnement du conseil des ministres, heurtait le principe de la séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ([61]).

En conséquence et conformément à l’avis de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement portant suppression de l’article 2 bis.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL114 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement de suppression de l’article, car je partage l’analyse juridique du Gouvernement.

M. Olivier Dussopt. Madame la rapporteure, vous donnez raison au Gouvernement qui invoque un risque constitutionnel alors que vous nous avez incités à adopter une nouvelle rédaction de l’article 1er en dépit de ce même risque, nous renvoyant à la réforme prévue pour le mois de septembre. À mon sens, en attendant la future loi constitutionnelle, nous pouvons prendre ce risque, s’il existe bien, et maintenir le registre de déports prévu pour les membres du gouvernement.

Je note par ailleurs que l’article 2 bis est parfaitement conforme au souhait que vous avez exprimé : il ne concerne que le personnel politique et en aucun cas la fonction publique. Nous ne sommes pas dans la confusion des genres que vous craigniez.

Il y a donc lieu de maintenir l’article 2 bis voté par le Sénat afin que la transparence ne s’applique pas aux seuls parlementaires, mais aussi aux membres du gouvernement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Article 2 ter A (supprimé)
(art. L. 1 du livre des procédures fiscales [nouveau])
Interdiction pour le Gouvernement d’adresser des instructions dans le cadre de la délivrance de l’attestation fiscale

Résumé du dispositif et effets principaux :

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, avec un avis favorable de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement. Il interdit à ce dernier d’adresser à l’administration fiscale des instructions dans des affaires individuelles ayant trait à la délivrance de l’attestation fiscale, prévue par l’article 2 du projet de loi organique examiné concomitamment au présent projet de loi, et dont l’objet est de s’assurer que les parlementaires ne méconnaissent pas leurs obligations en matière fiscale.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

I.   Le Contrôle de la régularité de la situation fiscale des parlementaires

En l’état du droit, il n’existe aucune procédure systématique de vérification de la situation fiscale des parlementaires à leur prise de fonction.

Pour garantir que ces derniers ne méconnaissent par leurs obligations en matière fiscale, l’article 2 du projet de loi organique prévoit qu’à l’entrée en fonction d’un député ou d’un sénateur, l’administration transmette dans le mois qui suit une attestation de sa situation au bureau de l’assemblée concernée.

En cas de manquement, le parlementaire serait tenu de régulariser sa situation sans délai ou d’introduire un recours contentieux. Dans le cas contraire ou à la suite d’une décision de justice, il reviendrait au bureau de saisir le Conseil constitutionnel qui prononcerait sa déchéance.

II.   le dispositif introduit par le SÉnat

À l’initiative de M. François Baroin et de certains de ces collègues, le Sénat a introduit un nouvel article au livre des procédures fiscales visant à interdire aux membres du Gouvernement d’adresser des instructions à l’administration des impôts portant sur des affaires individuelles dans le cadre de la délivrance de cette attestation.

Pour les auteurs de cet amendement, il s’agirait de « prévenir l’ingérence des membres du Gouvernement dans cette procédure qui relève strictement de l’administration fiscale » ([62]).

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission, la présomption d’ingérence n’étant pas étayée.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL113 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement de suppression.

M. Olivier Marleix. Je ne comprends pas l’acharnement du Gouvernement et de la rapporteure à vouloir systématiquement supprimer tous les ajouts du Sénat. Je ne suis député que depuis cinq ans, mais je ne me souviens pas d’avoir vu un Gouvernement demander que l’on fasse table rase du travail du Sénat après que ce dernier s’est exprimé à la quasi unanimité – un texte a été approuvé à l’unanimité moins deux voix, l’autre à l’unanimité moins cinq voix. C’est totalement extravagant, et cela en dit long de votre esprit de fermeture. Lors des premiers jours de cette législature, j’ai entendu des discours d’ouverture sur la nécessité d’être constructif et de légiférer différemment ; je suis très étonné par ce qui se passe aujourd’hui. Les unes après les autres, vous refermez toutes les portes ouvertes par le Sénat. Il ne faudra pas nous reprocher que ce texte ne soit pas adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Mme Danièle Obono. Madame la rapporteure, vous nous annoncez pour demain un « vrai travail parlementaire », mais que sommes-nous donc en train de faire selon vous ?

À moins, comme le disait notre président, que nous ne travaillions à marche forcée pour vider de son sens notre fonction et nier nos responsabilités de parlementaires. En rejetant tous les amendements et en supprimant tous les ajouts du Sénat, vous évitez le débat, et vous ne vous donnez pas les moyens de créer les outils qui rétabliraient la confiance et accroitraient la transparence.

M. Cédric Roussel. Ce n’est pas le tout d’être « en marche », encore faut-il emprunter le bon chemin. Si nous voulons rétablir la confiance envers les responsables politiques, et si nous voulons la probité, je ne comprends pas que l’on demande la suppression de cet article, en invoquant « l’impartialité de l’administration fiscale ». Je rappelle que le parquet financier ne peut être saisi que par le ministre de l’économie et des finances et par la commission des infractions fiscales.

Mme la rapporteure. Loin de nous l’idée de considérer que le travail que nous faisons ici doit être balayé d’un revers de la main ! Je vous l’ai dit : j’entends créer une mission d’évaluation des lois précédemment adoptées sur le statut des fonctionnaires. Une loi a été votée sur ce sujet il y a un an…

Le périmètre du projet de loi a certes été étendu par les sénateurs, mais nous sommes libres de considérer que les ajouts en question sont hors du champ que nous voulons traiter. Notre autonomie est entière, nous pouvons légitimement exprimer cette opinion dans le cadre du « travail parlementaire ».

Les questions relatives aux fonctionnaires et les autres points soulevés sont importants mais, dans le cadre du travail préparatoire effectué au sein de la Commission, nous n’avons entendu personne sur ces sujets, ni procédé à la moindre étude d’impact. Nous légiférerions très mal si nous intégrions tous ces sujets dans le projet de loi. Nous avons encore cinq ans pour travailler au sein de la commission des Lois. Je vous invite à me faire des propositions de thèmes de mission ou d’études… (Murmures.)

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas la question !

Mme la rapporteure. Je considère que ces dispositions ne seraient pas traitées correctement dans le cadre de ce projet de loi. C’est mon sentiment ; je ne vous demande pas de le partager, mais laissez-moi l’exprimer !

M. Stéphane Mazars, président. Il serait en effet de bonne méthode que chaque orateur puisse s’exprimer sans être interrompu, en particulier la rapporteure lorsqu’elle répond aux intervenants.

M. Jean-Luc Warsmann. Je voterai l’amendement de suppression car l’article 2 ter A est au mieux mal rédigé – au pire, il ne veut rien dire.

Écrire que « les membres du Gouvernement ne peuvent adresser à l’administration des impôts aucune instruction dans des affaires individuelles » laisse en effet sous-entendre qu’ils le peuvent dans les affaires collectives.

Et puis, pourquoi parler de ces instructions dans le cadre des attestations fiscales, alors que cela ne pourrait avoir de sens que dans le cadre de la politique du contrôle fiscal ?

La commission des Lois de l’Assemblée nationale s’honorerait à faire disparaître cette disposition bien mal écrite.

M. Arnaud Viala. Madame la rapporteure, sous les yeux des Français, alors qu’elle présente un texte relatif à la transparence de la vie publique, la majorité refuse de manière systématique tout ce qui proposé afin de l’enrichir et d’élargir son périmètre. Elle exonère ainsi l’exécutif et des pans entiers de la fonction publique de l’application de ces nouvelles dispositions.

Nous ne détricotons pas ce qui nous est proposé ; nous enrichissons le projet de loi, ce que vous refusez. Nous ne comprenons pas cette tactique. Sur le fond, elle va à l’encontre de votre promesse de modifier le système. Un certain nombre d’entre vous ont été élus grâce à une position antisystème, mais aujourd’hui vous verrouillez ce dernier. Au moins assumez-le !

M. Charles de Courson. Je crois qu’il faut soutenir le Gouvernement dans cette affaire.

Que signifie le fait de vouloir empêcher que « les membres du Gouvernement » adressent des instructions à l’administration des impôts ? Cette dernière n’est pas sous l’autorité du ministre de l’intérieur, mais sous celle du seul ministre chargé des impôts – aujourd’hui M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

De plus, l’attestation fiscale indique que le contribuable est à jour de ses obligations déclaratives et du paiement de ses impôts. Cette disposition me semble inutile, et même contre-productive. Elle crée une sorte de suspicion à l’égard de l’administration fiscale alors que le contrôle fiscal n’est pas piloté par le ministre. Si quelqu’un que vous connaissez prétend qu’il a été contrôlé pour des raisons politiques, signalez-le à la commission des Finances : nous entendrons le directeur général des finances publiques !

M. Sacha Houlié. J’ai l’impression que certains découvrent aujourd’hui le projet d’En Marche. Nous nous sommes engagés à respecter ce que nous avions promis dans notre programme. Le 6 avril 2016, lors de la création du mouvement, nous disions que les élus devaient être en règle avec leurs obligations fiscales. Le 2 octobre 2016, à Strasbourg, nous avons évoqué les questions du casier judiciaire vierge, de l’inéligibilité, et des emplois familiaux. Le 2 mars 2017, à l’occasion de la présentation du projet, nous avons parlé des incompatibilités et du financement de la vie publique. Le 14 juin, lorsque nous avons présenté notre projet entre les deux tours des élections législatives, nous avons soulevé les problèmes de l’IRFM et de la réserve parlementaire.

Ce qui se trouve dans le projet de loi est donc seulement ce que nous avons promis. Vous ne pouvez pas nous reprocher aujourd’hui de nous en tenir à ce que nous avons promis aux Français ni de faire ce pour quoi nous avons été élus. Ce serait, en tout cas, un grand paradoxe, en particulier pour les tenants du mandat impératif.

Mme Danièle Obono. Que mes collègues d’En Marche me le pardonnent, mais nous ne sommes pas ici l’Assemblée nationale d’En Marche ; nous sommes l’Assemblée nationale !

Nous pouvons tous nous mettre d’accord sur un certain nombre des dispositions du projet de loi et les voter. Mais le débat ne porte pas seulement sur le projet d’En Marche : il est plus large. Nous ne sommes plus en période électorale ; nous siégeons ensemble pour une législature. Vous êtes majoritaires, certes, mais l’Assemblée nationale est censée discuter et débattre largement de façon constructive. Notre travail de député ne consiste pas à retranscrire le programme d’En Marche, ou de quelque organisation que ce soit ; nous devons écrire des lois qui s’appliquent et permettent aux citoyens de se réapproprier la politique et de croire à nouveau que les institutions servent l’intérêt général.

Car c’est bien de l’intérêt général dont il est question dans nos débats, et les propositions faites en son nom devraient être prises en compte, même si elles vont au-delà de ce qu’annonçait le programme d’En Marche. Si ce n’est pas le cas, je demande à nouveau à nos collègues de La République en Marche : à quoi pensez-vous que nous servirons pendant cinq ans ? À quoi servons-nous si l’on ne nous demande que d’appliquer au mot près le programme d’En Marche ? (Applaudissements des députés Les Républicains.)

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, prenez cela comme une sorte de rappel au règlement sur le déroulement de nos travaux, mais je tiens à dire qu’il y a d’autres façons d’argumenter que de faire la liste de phrases prononcées dans des meetings électoraux. Ce n’est pas la meilleure façon de tourner la page d’une campagne.

De plus, ce que notre collègue d’En Marche vient de dire tranche singulièrement avec les propos de notre rapporteure au début de l’examen du projet de loi. Elle affirmait alors sa volonté et celle de la majorité de rester ouverts à l’ensemble des amendements proposés par tous les groupes de notre commission. Nous sommes loin de l’affirmation selon laquelle un texte ne serait bon que s’il s’en tient une série d’engagements pris en meeting !

Nous avons tous été minoritaires un jour quelque part, et nous avons tous eu à regretter l’attitude parfois sectaire ou fermée de directions ou de majorités. Cela ne peut qu’engager à l’ouverture.

Delphine Batho et moi-même avions dit notre surprise devant la façon dont la rapporteure avait présenté son avis favorable à l’article 1er sur lequel pèse un risque constitutionnel. Nous considérions à juste titre que cela permettait de prendre date.

J’ai entendu que le texte ne serait bon que s’il se limitait à des engagements pris durant la campagne électorale, mais, sur le régime des incompatibilités, sur le cumul entre le mandat parlementaire et d’autres activités, le projet de loi n’est pas à la hauteur des engagements pris. Le moment venu, vos propres arguments vous persuaderont donc sans doute d’adopter les amendements présentés sur ces sujets par notre groupe.

Mme Naïma Moutchou. Enrichir un texte, ce n’est pas faire de la surenchère ! La disposition issue du Sénat que l’amendement entend supprimer manque de clarté. C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement auquel la rapporteure est favorable.

M. Ugo Bernalicis. À mon tour de citer Emmanuel Macron s’exprimant dans le Journal du dimanche : « C’est une erreur de penser que le programme est le cœur d’une campagne électorale. » Après avoir dit que la politique était « mystique » et qu’elle était « un style », il ajoute : « C’est une magie, il faut définir le cœur de ce que l’on veut porter. » Un programme resserré devait en effet permettre d’avoir des marges de manœuvre une fois élu. L’idée était de laisser ensuite les assemblées transcrire le détail de l’esprit de la campagne. En effet, tout ne peut pas être dans un programme politique pour les élections présidentielles.

Même notre mouvement, qui a présenté un programme très détaillé avec quarante livrets thématiques et qui a publié une proposition de loi de vertu républicaine, a l’humilité de penser qu’il n’a pas tout prévu. Nous discutons au sein de notre groupe politique… (Exclamations et sourires.)

Nous n’avons pas l’impression de nous opposer à votre démarche en soutenant les articles votés par le Sénat puisque ce dernier a travaillé dans l’esprit de la campagne d’Emmanuel Macron. Vous devriez être extrêmement heureux.

Nous voterons les dispositions avec lesquelles nous sommes d’accord, et nous souhaitons aller plus loin en faisant usage de notre droit d’amendement. Ce droit est constitutionnel, s’il ne sert plus à rien, passons immédiatement au mandat impératif…

M. Sacha Houlié. Je croyais que vous étiez partisan du mandat impératif !

M. Ugo Bernalicis. Non, je n’y suis pas vraiment favorable. Je suis en revanche partisan de la révocation des élus, mais notre amendement à ce propos a été refusé.

Nous avons un travail à faire, et le droit d’amendement n’est pas à l’usage exclusif de l’opposition : la majorité peut aussi en user. J’ai constaté, lors des auditions, que votre groupe n’était pas un bloc uniforme. Certains veulent aller plus loin que d’autres, tant mieux ! J’espère que nous pourrons dégager des majorités autour de certaines de nos propositions.

M. Pacôme Rupin. J’ai du mal à comprendre l’argument récurrent qui remet en cause la légitimité du groupe majoritaire La République en marche lorsqu’il prend une position commune pour ou contre un amendement. Nous respectons le travail effectué par tous les groupes et nous sommes tout simplement en train de faire le nôtre.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence l’article 2 ter A est supprimé.

Après l’article 2 ter A

La Commission examine l’amendement CL38 de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame la rapporteure, j’ai bien entendu qu’en qualité de présidente de la Commission, vous proposez la création d’une mission d’information sur les hauts fonctionnaires et les questions de déontologie et de conflits d’intérêts. Je m’en réjouis. Je ne peux toutefois m’empêcher de répéter que c’est la première fois que l’on nous présente un texte relatif à la régulation et à l’éthique de vie publique, qui ne s’intéresse qu’aux parlementaires. Ce n’était pas le cas de la loi de 2013 ni de la loi Sapin 2 dans lesquelles tous les acteurs de l’action publique étaient pris en compte.

J’espère que ce revirement et cette pudeur à évoquer la haute administration ne sont pas dus au fait que le Président de la République est inspecteur des finances et le Premier ministre membre du Conseil d’État…

J’en viens à mon amendement. La loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a précisé qui est soumis aux dispositions relatives au répertoire des représentants d’intérêts, mais, dans un décret d’application, le pouvoir réglementaire a ensuite retenu une définition beaucoup plus restrictive, qui tend en particulier à exclure systématiquement toutes les personnes, quelles qu’elles soient, en droit de bénéficier d’un avantage.

Il en résulte aujourd’hui des doutes : un membre de l’inspection des finances travaillant pour une grande banque d’affaires qui interrogerait Bercy pour savoir si une opération tombe sous le coup du décret dit « Montebourg » pourrait ne plus relever de la définition du représentant d’intérêts, ce qui est tout à fait contraire à l’esprit de la loi.

J’avais personnellement posé plusieurs questions au ministre de l’époque, M. Michel Sapin, lequel m’avait assuré que la définition était très large. Par cet amendement, je souhaite y revenir.

Mme la rapporteure. Ce dispositif, adopté dans le cadre d’une loi du 9 décembre 2016, est entré en application le 1er juillet dernier, il y a donc 15 jours : je ne vois pas en quoi il faudrait le modifier dès maintenant, sans avoir pu évaluer son application.

M. Ugo Bernalicis. La loi permettant de réformer le code du travail par ordonnances comportait un article modifiant un texte entré en vigueur il y a seulement un mois, ce qui ne posait visiblement pas de problème. Je ne comprends donc pas l’argument.

De manière plus générale, le président de la Haute autorité pour la transparence de vie publique a regretté la précipitation dans laquelle le présent texte est élaboré. Il faudrait peut-être écouter ceux qui ont réfléchi à ces sujets. L’amendement va dans le sens d’une extension des pouvoirs de la Haute autorité, ce que son président souhaitait. Il s’enorgueillissait aussi du fait que cette instance ne s’intéresse pas seulement aux élus et qu’elle ait un champ bien plus large.

Je suis donc en faveur de l’amendement.

Mme Delphine Batho. Le décret ne s’inscrit pas dans l’esprit de la loi Sapin 2 : je comprends que sous l’influence des groupes de pression, il est très en deçà de ce que nous avions voté. Je soutiens donc l’amendement visant à y remédier.

Mme la rapporteure. Comme il ne vous a pas échappé que les décrets sont pris par le Gouvernement, je vous invite à interroger la garde des Sceaux en séance sur ce point particulier. Je maintiens mon avis défavorable.

M. Olivier Marleix. Vous n’avez pas vraiment répondu à la question. Nous avions eu un long débat sur la définition des représentants d’intérêts à l’occasion de l’article 25 de la loi de 2016. On sentait d’ailleurs bien que le ministre, influencé par l’administration qui l’entourait au banc, était extrêmement prudent. Il ne voulait pas que l’on soumette les membres de la haute administration en situation de pantouflage aux mêmes obligations que les vulgaires représentants d’intérêts.

Il est désolant que le décret donne une définition très en deçà de ce que le législateur a clairement voulu. Si vous me permettez cette remarque, madame la présidente, votre devoir est aussi d’être attentive pendant cette législature à ce que le pouvoir réglementaire ne reprenne pas d’une main ce que le législateur lui a arraché de l’autre.

M. Jean-Luc Warsmann. Je n’ai entendu aucune réponse sur le fond et je voterai donc l’amendement, en invitant tous nos collègues à faire de même. Si l’amendement n’était pas parfait, nous aurions le temps de le rectifier d’ici à la séance. Sur la forme, il serait bien que la majorité fasse de temps en temps un geste en acceptant des amendements.

La Commission rejette l’amendement.

titre ii bis a (supprimé)
dispositions relatives À la déontologie des fonctionnaires

Article 2 ter B (supprimé)
(art. 25 undecies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires [nouveau])
Interdiction pour un ancien fonctionnaire d’exercer des activités de conseil en lien avec sa précédente fonction pendant une durée de trois ans

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, avec avis favorable de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement. Il interdit à un ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer des activités de conseil ayant trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant une durée de trois ans.

Dernières modifications législatives intervenues

Plusieurs lois ont renforcé la déontologie au sein de la fonction publique au cours des dernières années, à l’instar de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

I.   Le contrôle déontologique des fonctionnaires

Les règles encadrant le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique ont été fortement renforcées par la loi du 20 avril 2016 précitée, qui a notamment réformé – dans sa composition, ses attributions et ses prérogatives – la commission de déontologie de la fonction publique, dont l’existence législative remonte à 1993 ([63]).

Celle-ci est désormais chargée de se prononcer sur toutes les questions touchant aux obligations générales des fonctionnaires, aux conflits d’intérêts, aux « lanceurs d’alerte », aux déclarations d’intérêts et aux cumuls d’activités. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est, quant à elle, compétente en matière de mandats de gestion et de déclarations de situation patrimoniale.

S’agissant des départs vers le secteur privé (définitifs ou temporaires), la commission de déontologie est chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative dans une entreprise privée ou de toute activité libérale avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.

La commission exerce alors un double contrôle ([64]), soit :

– un contrôle dit « pénal » consistant à éviter que le fonctionnaire ne commette un délit de prise illégale d’intérêts prévu à l’article 432-13 du code pénal ;

– un contrôle dit « déontologique » permettant d’apprécier si l’activité qu’exerce ou que projette d’exercer le fonctionnaire « risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service » ou « méconnaît tout autre principe déontologique inhérent à l’exercice d’une fonction publique ».

II.   Le dispositif introduit par le sénat

À l’initiative de M. Jacques Genest et de certains de ces collègues, le Sénat a adopté un amendement interdisant à un ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer une activité de contrôle ayant trait directement ou indirectement aux missions de service public qu’il a exercées au cours des trois années précédentes.

Selon les auteurs de l’amendement, il s’agirait « de prévenir l’utilisation à des fins lucratives d’un réseau ou d’une clientèle constitués dans le cadre de l’exercice et pour l’objet d’une mission de service public ». ([65])

Cette disposition substitue donc au contrôle actuellement exercé par la commission de déontologie une interdiction totale.

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission au motif que la déontologie des fonctionnaires constituait un sujet distinct de ceux contenus dans le projet de loi initial et devant faire l’objet d’un travail d’évaluation préalable pour apprécier les avancées de la loi du 20 avril 2016 et les éventuels compléments à y apporter.

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*     *

La Commission examine l’article CL115 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Mon avis est favorable aux amendements de suppression du Gouvernement, que nous allons examiner successivement, sur ces mesures ayant trait à la fonction publique.

M. Olivier Marleix. J’invite chacun à lire l’article 2 ter B tel qu’il a été adopté par le Sénat : « Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer une activité de conseil qui a trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant un délai de trois ans. » Il s’agit de demander à un fonctionnaire de ne pas monétiser son savoir-faire dans le secteur privé pendant ce délai.

Contrairement à ce qu’affirme l’exposé sommaire de l’amendement, ce n’est pas un cavalier législatif. Il s’agit de prévenir les conflits d’intérêts. Est-ce dans le cadre du mandat parlementaire lui-même qu’on en rencontre le plus souvent ? J’attends que la rapporteure nous cite un cas concret… Ce sont les allers-retours incessants entre le secteur public et le secteur privé qui sont le plus susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts. Il n’y a pas moins de 257 avocats d’affaires à Paris qui sont issus de la haute administration. Cela représente six promotions du concours externe de l’ENA parties pantoufler dans des cabinets d’avocats d’affaires, où la rémunération est en général dix fois supérieure à celle de la fonction publique.

Le Sénat, dans sa sagesse, a ajouté un verrou au moyen d’une incompatibilité, de trois ans, comme il en existe déjà tant d’autres. Cette disposition est parfaitement en accord avec l’esprit des lois de 2013 et de 2016, qu’elle complète. Je ne comprends donc pas l’objection. J’observe néanmoins que 30 % des membres du gouvernement actuel sont des fonctionnaires en disponibilité…

Ne balayons pas d’un revers de main cette disposition qui correspond parfaitement à l’objectif de prévention des conflits d’intérêt.

M. Bastien Lachaud. Mon groupe avait déposé des amendements visant à allonger la durée proposée par le Sénat, mais nous en sommes à essayer seulement de maintenir cet article… Ce n’est pourtant qu’un retour à la situation antérieure à 2007. Le délai de trois ans a alors été supprimé et on a bien vu ces dernières années les problèmes que cela a pu entraîner. Un ancien directeur général des finances publiques, puis du Trésor, M. Bruno Bézard, a été recruté par un fonds d’investissement franco-chinois ; son prédécesseur, M. Ramon Fernandez, l’avait été par Orange.

Mme Delphine Batho. Il y a aussi le cas de M. David Azéma.

M. Bastien Lachaud. Le Sénat a souhaité revenir à la situation antérieure pour répondre à ces cas scandaleux, mais on nous dit que ce n’est pas possible. Il faudrait donc laisser perdurer ces va-et-vient entre public et privé, où l’on voit bien que les carnets d’adresses se monétisent très cher. On ne peut pas nous dire que ce n’était pas dans le programme de M. Macron : c’est une mesure de salubrité publique !

Mme la rapporteure. Il existe déjà des dispositifs : ne les balayons pas d’un revers de main. La commission de déontologie de la fonction publique, réformée en 2016, rend des avis publics et exerce un contrôle. Le système prévu par le Sénat nous fait passer à une interdiction systématique et générale, ce qui ne me paraît pas de bonne administration : il est important d’instruire chaque cas de passage dans le privé. La commission de déontologie peut rendre des avis…

M. Olivier Marleix. Secrets !

Mme la rapporteure. Non, ils sont publics. C’est un dispositif conséquent. Si vous avez un doute sur son efficacité, je vous invite là encore à rejoindre la mission d’évaluation que je proposerai de mettre en place. Nous devons travailler de manière efficace. On ne peut pas soupçonner les passages du public au privé pour la seule raison qu’ils existent. Il existe un dispositif, qui a été réformé il y a un an, pour les encadrer. Interrogeons-nous d’abord sur son efficacité et sa pertinence avant d’en créer un nouveau. Ne cédons pas à l’inflation législative sans avoir commencé par contrôler l’existant.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 ter B est supprimé.

Les amendements CL65 de Mme Danièle Obono, CL2 de M. Éric Straumann et CL64 de Mme Danièle Obono n’ont alors plus d’objet.

Article 2 ter C (supprimé)
(art. 25 duodecies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires [nouveau])
Interdiction pour un fonctionnaire d’exercer une mission de service public en lien avec une précédente activité pendant une durée de trois ans

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, avec un avis favorable de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement. Il interdit à un fonctionnaire ou agent public ayant exercé des fonctions au sein d’une entreprise publique ou privée dans le cadre d’une mise en disponibilité d’occuper une fonction à laquelle serait rattachée une mission de service public ou des prérogatives de puissance publique portant sur le même secteur d’activité pendant une durée de trois ans.

Dernières modifications législatives intervenues

Plusieurs lois ont renforcé la déontologie au sein de la fonction publique au cours des dernières années, à l’instar de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

Cet article est issu d’un amendement présenté par M. Jacques Genest et certains de ces collègues. Il participe d’une série de dispositions adoptées par le Sénat et relatives à la déontologie au sein de la fonction publique.

En l’espèce, il est proposé d’interdire aux fonctionnaires ayant exercé une activité dans le secteur privé ou public d’occuper une fonction publique portant sur le même secteur d’activité pendant trois ans.

Pour les auteurs de l’amendement, il s’agirait « d’éviter les conflits d’intérêt et de garantir l’impartialité des fonctionnaires et agents publics » concernés ([66]).

On rappellera que la commission de déontologie de la fonction publique est d’ores et déjà chargée de contrôler les conflits d’intérêt pouvant intervenir dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires. Les avis qu’elle rend s’imposent à eux et elle peut prononcer des sanctions s’ils ne sont pas respectés.

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

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*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL116 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Sur cet amendement visant à supprimer l’article, même avis favorable que précédemment.

Mme Delphine Batho. Les exposés des motifs de ces amendements du Gouvernement ne sont pas recevables : il ne s’agit pas de cavaliers législatifs ! Toute disposition introduite en première lecture qui a un lien, même indirect, avec le texte – et l’on pourrait débattre du caractère direct ou indirect en l’occurrence – n’est pas un cavalier législatif. On voit bien la pauvreté de l’argumentation du Gouvernement. Nous aurons en séance le débat sur la commission de déontologie et la manière dont tout cela fonctionne dans l’entre-soi des élites. Je suis opposée à l’amendement.

M. Stéphane Mazars, président. Vous l’avez dit, nous aurons le débat en séance. Je vais donc mettre aux voix l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 ter C est supprimé.

Les amendements CL66 de M. Ugo Bernalicis et CL67 de Mme Danièle Obono tombent.

Article 2 ter D (supprimé)
(art. 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Encadrement de l’activité de représentant d’intérêts

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, avec avis favorable de la commission des Lois mais contre celui du Gouvernement. Il interdit à un représentant d’intérêts d’exercer toute action pour le compte ou auprès d’une personne de droit public dont il aurait été le fonctionnaire ou l’agent public au cours des trois années précédentes.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, que le présent article propose de modifier, a été créé par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II ».

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

Cet article est issu d’un amendement présenté par M. Jacques Genest et certains de ces collègues. Il participe d’une série de dispositions adoptées par le Sénat et relatives à la déontologie au sein de la fonction publique.

En l’espèce, il est proposé de compléter les dispositions de l’article 18-5 précité pour éviter qu’un ancien fonctionnaire ou agent public puisse exercer une activité de représentant d’intérêt auprès de l’administration à laquelle il était rattaché, pour une durée de trois ans.

Selon les auteurs de l’amendement, il s’agirait « de prévenir les situations potentielles conduisant à des prises illégales d’intérêts au sens de l’article L. 432-12 du code pénal et de rétablir ainsi la confiance des citoyens dans l’action publique ».

On rappellera que, en application de l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors », le fonctionnaire cessant définitivement ou temporairement ses fonctions ou, le cas échéant, l’autorité dont il relève doit saisir à titre préalable la commission de déontologie afin d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative privée qu’il entendrait exercer avec les fonctions assumées au cours des trois années précédentes. Celle-ci donne alors un avis qui s’impose au fonctionnaire et peut prononcer des sanctions s’il n’est pas respecté.

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL117 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Même avis favorable sur cet amendement de suppression, pour des raisons déjà longuement exposées.

M. Olivier Marleix. Le sujet est d’une importance extrême. Le Sénat a voulu qu’un fonctionnaire parti pantoufler dans le privé ne puisse pas revenir, dans les trois ans qui suivent, pour exercer une mission de contrôle sur l’entreprise qu’il a dirigée. Sinon, le conflit d’intérêts est de fait constitué. Cela ne vous pose-t-il vraiment aucun problème ? Ce ne sont pourtant pas des cas d’école. Quand M. Bézard, qui a une connaissance très précise de toutes les participations de l’Etat et de leurs fragilités, en tant que directeur du Trésor, part dans le privé pour gérer un fonds d’investissement chinois, cela ne vous choque pas ? Il est urgent de légiférer pour continuer à améliorer le dispositif.

J’ajoute que les lois de 2013 et de 2016, auxquelles la garde des Sceaux a fait référence hier, englobaient tous les acteurs de l’action publique : c’est la première fois qu’un Gouvernement refuse sciemment de s’intéresser au pantouflage et aux allers-retours entre le public et le privé, qui sont des nids à conflits d’intérêts. Il y a sans doute une volonté de protection au plus haut niveau de l’exécutif : le Président de la République et le Premier ministre ont personnellement pratiqué le pantouflage.

M. Raphaël Schellenberger. J’attends qu’on me fasse la démonstration qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Ce n’est pas le cas quand on s’intéresse à la haute fonction publique dans un projet de loi pour la « régulation de la vie publique ». Dites-nous que cela ne vous convient pas ou que ce n’est pas dans l’intention du Gouvernement, mais nous sommes le législateur : nous avons aussi notre pierre à apporter à l’édifice

M. Rémy Rebeyrotte. Il aurait été bon de commencer par redonner au texte le nom qui était le sien à l’origine : ce n’est pas une loi relative à la fonction publique et l’on nous fait donc un procès d’intention assez déplacé. Il y aura sans doute un débat sur ces questions à un moment donné.

Je me réjouis par ailleurs du soutien apporté au Sénat par la France insoumise : c’est une véritable évolution par rapport à son projet de VIe République…

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas un soutien au Sénat dans l’absolu, mais aux bonnes propositions faites par les sénateurs. Au lieu de plaisanter, expliquez-nous plutôt en quoi vous êtes en désaccord sur le fond avec cet article. Si vous ne voulez pas tenir compte du travail du Sénat, supprimez-le donc pour aller plus vite !

Il ne s’agit pas d’un cavalier législatif. Par ailleurs, si personne n’a rien à se reprocher sur le fond, pourquoi ne pas maintenir cet article ? Y a-t-il donc autre chose ? Je ne le pense pas et je ne l’espère pas.

Mme Émilie Chalas. Un complot ?

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas une question de complot : un conflit d’intérêt, c’est un conflit d’intérêt ! Je ne suis pas soupçonneux, mais je lis la presse comme tout le monde et je vois des cas qui ne me semblent pas anecdotiques. Je le dis très solennellement : faites attention à ce que vous faites. Nous aurons beau jeu d’expliquer à la presse tout à l’heure que vous êtes opposés à ce qu’il n’y ait plus de conflits d’intérêts, y compris dans la fonction publique.

Mme Danièle Obono. Je comprends qu’un certain nombre de membres de la majorité ne souhaitent pas travailler sur un texte relatif à l’action publique, mais plutôt en rester au périmètre défini par le Gouvernement. Or, le texte qui nous est transmis est plus large et j’en reviens à ce qu’a déclaré hier la garde des Sceaux : il ne s’agit pas de pointer du doigt les parlementaires. Il y a donc une contradiction avec la volonté de restreindre le périmètre. Vous ne l’expliquez pas, répondant par des votes en bloc qui suppriment toute possibilité de débat. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’effet que cela produit. Vous aurez à expliquer pourquoi vous refusez de vous donner des outils, qui sont de notre ressort, pour répondre à des cas concrets qui se sont déjà présentés.

On fera des évaluations, et nous avons d’ailleurs une mission de contrôle, mais il s’agit ici de prévenir des situations. La majorité s’y refuse, tout en se drapant dans un discours symbolique très fort sur la confiance. Vous discréditez encore plus notre fonction, de même que les prétentions et les intentions affichées par la majorité. Vous pourrez peut-être vous gargariser d’être des démocrates si d’autres amendements sont adoptés, mais ce n’est pas la réalité. En retoquant systématiquement ces dispositions, alors qu’il existe un accord entre différents groupes sur des points très concrets, vous donnez le signal que cette loi n’a pas d’autre objet que de servir la communication du Président de la République et du Gouvernement sur une prétendue transparence, sans en donner les moyens et surtout en attaquant les parlementaires censés faire le travail.

M. Erwan Balanant. Il y a une ambiguïté et un paradoxe dans les interventions que nous venons d’entendre. Ambiguïté, car ce n’est pas au nom du fait majoritaire que nous supprimons ces dispositions, mais parce que nous voulons une cohérence dans le texte. Nous proposons d’ailleurs, par un amendement que nous examinerons plus tard, de ne plus parler de vie « publique », mais « politique », dans le titre de la loi. Paradoxe, parce que, alors que vous nous dites qu’il faut avancer rapidement sur ces sujets, vous nous reprochez sans cesse d’aller trop vite.

Soyons clairs et précis : cette loi doit porter sur le champ politique, ce qui nous laissera le temps de bien travailler sur d’autres sujets ayant des implications fortes et des curseurs parfois très sensibles. Travaillons sur l’essentiel, qui répond à une demande de la société actuelle, en régularisant la fonction politique dans ses droits et devoirs. Nous pourrons aborder d’autres champs par la suite, dans une sorte de trépied législatif. Avançons bien sur les questions politiques et donnons-nous le temps, comme vous ne cessez de le réclamer par ailleurs, de travailler sur les sujets entrant dans le champ de cet article.

M. Philippe Gosselin. Il faudrait que le Gouvernement présente des exposés des motifs plus consistants. On ne peut pas écarter ces sujets d’un revers de main en affirmant qu’il s’agit de cavaliers législatifs : cela ne tient pas la route ! Dès que l’on entre dans le cœur du sujet, on botte en touche en renvoyant à plus tard, parce qu’il faudrait du temps.

Nous sommes sur un texte symbolique, et pour une part cosmétique, qui répond à une commande politique. Ce n’est d’ailleurs pas totalement illogique, car nous faisons tous ici de la politique, mais il faudrait traiter des questions au fond. La prévention des conflits d’intérêts n’est pas un sujet anecdotique et leur premier nid est le pantouflage.

Le texte nous revient amendé par le Sénat, dont même la France insoumise reconnaît maintenant les mérites, la VIe République commençant ainsi à se rapprocher de la Realpolitik… Au-delà de la boutade, nous avons là un dispositif très utile que l’on écarte au motif que ce ne serait pas le moment. Je veux donc m’associer au « coup de gueule » de nos collègues : il va falloir que le Gouvernement trouve d’autres arguments que celui de ces cavaliers législatifs car nous aurons bientôt une écurie complète – je n’évoquerai pas ici les écuries d’Augias…

Mme Lætitia Avia. Il faut savoir raison garder. Chacun disposera en séance publique d’une tribune pour afficher des postures. S’agissant du champ du texte, qui doit être défini, nous ne souhaitons pas forcément qu’il soit plus large que nécessaire. Par ailleurs, la rapporteure n’a pas fait référence aux cavaliers législatifs dans son argumentation : elle a rappelé que le texte imposait une interdiction a priori, ce qui n’est pas pertinent car il existe des mécanismes de contrôle a posteriori. Une telle disposition relève pour moi d’une chasse aux sorcières que nous avons tous dénoncée hier lors de l’audition de la garde des Sceaux. Au-delà de l’exposé sommaire du Gouvernement, la rapporteure a donné un avis sur le fond. Qu’il nous convienne ou non, déterminons-nous sur cette base.

Mme la rapporteure. J’ai cru comprendre que l’on nous reproche de ne pas être démocrates ? Les débats en commission et les échanges dans le cadre du bureau de la Commission montrent exactement le contraire.

Sur le fond, je répète que j’aime travailler de façon sérieuse : il ne me viendrait pas à l’esprit de réformer le statut des fonctionnaires sans avoir procédé à la moindre audition et sans étude d’impact.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 ter D est supprimé.

L’amendement CL43 de M. Ugo Bernalicis tombe.

Article 2 ter E (supprimé)
Rapport du Gouvernement sur le remboursement des indemnités perçues par certains fonctionnaires au cours de leur scolarité

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, avec un avis de sagesse de la commission des Lois et défavorable du Gouvernement. Il prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement présentant les mesures mises en œuvre pour obtenir le remboursement des traitements et indemnités perçues lors de leur scolarité par certains fonctionnaires bénéficiant d’une mise en disponibilité et n’ayant pas souscrit à l’engagement de rester au service de l’État pendant la durée minimale prévue par décret.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

À l’initiative de M. Pierre-Yves Collombat et certains de ces collègues, le Sénat a adopté une demande de rapport au Gouvernement portant sur le remboursement des frais de scolarité des fonctionnaires n’ayant pas exercé leurs fonctions pendant la durée minimale attachée à leur statut.

Cette demande serait motivée par le caractère aléatoire des remboursements perçus de la part des fonctionnaires concernés ([67]).

On rappellera que l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors », dispose que, lorsque le statut d’un fonctionnaire comporte une période de formation obligatoire préalable à sa titularisation, celui-ci souscrit l’engagement de servir l’administration publique pendant une durée minimale. Dans le cas contraire, son admission à la retraite, avant que cet engagement soit honoré, entraîne une obligation de remboursement des sommes en jeu dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

À titre d’exemple, les élèves de l’École nationale d’administration s’engagent, à la fin de leur cursus, à servir l’État pendant une durée minimale de dix ans.

À l’initiative du Gouvernement et sur avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

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*     *

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement de suppression CL186 du Gouvernement.

En conséquence, l’article 2 ter E est supprimé.

L’amendement CL44 de Mme Danièle Obono n’a alors plus d’objet.

Après l’article 2 ter E

La Commission examine l’amendement CL39 de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. La garde des Sceaux a débuté hier son audition en rappelant que l’objectif est de réduire les conflits d’intérêts. Nous avons dans notre droit un dispositif assez étonnant selon lequel les collectivités et l’Etat ne sont pas tenus de procéder à des appels d’offres pour les prestations de services juridiques. Dans l’affaire Tapie, l’Etat et le Consortium de réalisation ont dépensé près de trente millions d’euros en honoraires d’avocats, sans le moindre appel d’offres. On ne peut pas rester plus longtemps en dehors du code des marchés publics. C’est pourquoi je propose de supprimer l’exception prévue à son article 30. Il faut une concurrence entre les cabinets d’avocats : nous éviterons ainsi de découvrir un jour des problèmes.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le code des marchés publics a été abrogé par l’ordonnance du 23 juillet 2015 faisant suite à la directive européenne du 26 février 2014. Les dispositions dont vous faites état sont de nature règlementaire et n’ont donc pas vocation à être modifiées par la loi.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement CL37 de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Je ne doute pas que cet amendement obtiendra l’avis favorable de la rapporteure, car il respecte la cohérence du texte. Vous nous avez dit qu’il ne fallait pas tout renvoyer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et que les fonctionnaires relevaient de la commission de déontologie. Certes, la commission de déontologie est compétente pour les cas de pantouflage mais une difficulté tient au fait que ses avis sont tenus secrets. Autrement dit, lorsqu’elle fait savoir à un haut fonctionnaire qui souhaite exercer dans une grande entreprise ou dans un cabinet d’avocats qu’il en a la possibilité sous réserve qu’il n’entretienne pas de liens avec tel ou tel acteur et qu’il s’abstienne de faire ceci ou cela, personne ne le sait sauf l’intéressé lui-même. Je ne suis en outre pas convaincu que la commission dispose des moyens nécessaires pour vérifier quelles suites sont données à ses réserves. Il serait donc beaucoup plus simple et transparent que les avis de la commission de déontologie soient rendus publics. Cela pourrait même sembler superflu car à la moindre polémique – souvenez-vous de l’affaire Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée parti exercer dans une grande banque –, la publicité de l’avis de la commission est demandée. Il serait plus simple que cette publicité soit inscrite dans la loi. Quel est votre avis spontané sur ce point, madame la rapporteure ?

Mme la rapporteure. Je considère à titre personnel que dès lors qu’il s’agit de toucher à ces dispositions, mon avis n’est pas assez éclairé car, encore une fois, je n’ai pas entendu la commission de déontologie. Dans les délais que vous connaissez nous avons orienté les auditions préparatoires sur les questions abordées par le texte, et non pas sur ces questions-là. J’estime donc que les membres de la Commission ne sont pas à ce stade en mesure de rendre un avis éclairé. Or, le législateur a une responsabilité et ne saurait voter une disposition importante alors que son information n’est pas complète.

Sur le fond, la commission de déontologie ne publie pas ses avis lorsqu’ils sont négatifs pour une raison simple : l’administration renonce alors à nommer les fonctionnaires en question. La publication de ces informations ne présenterait donc aucun intérêt. En revanche, les avis sont rendus publics concernant tous les fonctionnaires qui décident de créer une entreprise ou de quitter temporairement leurs fonctions pour exercer une activité lucrative dans le secteur privé. Autrement dit, la publicité existe. La commission produit alors un avis de compatibilité, de compatibilité avec réserve ou d’incompatibilité qui s’impose à l’agent. En clair, le dispositif existe déjà ; il est peut-être imparfait, comme vous l’indiquez, mais je renvoie une fois de plus à un prochain projet d’étude ou de texte s’il s’avère que la mission que nous conduirons nous amène à modifier ces dispositions dans le cadre d’un travail approfondi.

La Commission rejette l’amendement CL37.

TITRE II BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

Article 2 ter
(art. L. 4122-8 du code de la défense, L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative, art. L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières, art. L. 139 B du livre des procédures fiscales, art. 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Délai de transmission d’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 ter porte de six mois à un an le délai pendant lequel les personnes soumises à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale sont dispensées d’adresser une nouvelle déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a soumis les membres du Gouvernement, les représentants français au Parlement européen, les titulaires de fonctions exécutives locales et de certains emplois publics à l’obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale. Ces dispositions ont été étendues aux agents publics, militaires et fonctionnaires ainsi qu’aux membres des juridictions administratives et financières par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Modifications apportées au Sénat

L’article 2 ter a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles.

Le présent article reprend la mesure commentée à l’article 9 ter du projet de loi organique concernant les parlementaires et les membres du Conseil supérieur de la magistrature pour la rendre applicable aux membres du Gouvernement, aux représentants français au Parlement européen, aux magistrats administratifs et financiers ainsi qu’à certains militaires et fonctionnaires, dont les statuts relèvent de la loi ordinaire.

Lorsqu’une personne a adressé une déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le législateur a prévu une dispense d’adresser une nouvelle déclaration, sauf modification substantielle, pendant un délai de six mois, même si celle-ci est désignée à des fonctions impliquant normalement une telle déclaration.

Il est proposé d’étendre ce délai à un an, s’agissant :

– des membres du Gouvernement (I de l’article 4 de la loi du 11 octobre 2013, modifié par le I du présent article) ;

– des représentants français au Parlement européen ainsi que des titulaires de fonctions exécutives locales et de certains emplois publics (II de l’article 11 de la même loi, modifié par le II) ;

– des militaires (II de l’article L. 4122-8 du code de la défense, modifié par le III) ;

– des agents publics et fonctionnaires (II de l’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifié par le IV) ;

– des membres des juridictions administratives (articles L. 131-10 et L. 231-4-4 du code de justice administrative, modifiés par le V) ;

– et des membres des juridictions financières (articles L. 120-13 et L. 220-11 du code des juridictions financières, modifiés par le VI).

La commission des Lois n’a adopté, sur cet article, qu’un amendement de portée rédactionnelle.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CL128 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 2 ter modifié.

Article 2 quater
(art. 6 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Exercice d’un droit de communication direct par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 quater, inséré dans le projet de loi par le Sénat, accorde un droit de communication direct à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), sans passer par l’intermédiaire de la direction générale des finances publiques. Le droit de communication est l’instrument juridique qui permet de solliciter auprès de divers organismes, notamment bancaires mais pas seulement (greffes, état civil, notaires, etc.), des informations destinées à opérer un contrôle sur la situation d’un individu.

La disposition adoptée par le Sénat vise à éviter les délais et pertes de temps qui résultent du passage obligé par un intermédiaire et à limiter la vérification au seul objet poursuivi par la Haute Autorité.

L’article 2 quater équivaut, dans le projet de loi ordinaire, à l’article 9 quater du projet de loi organique.

Dernières modifications législatives intervenues

La HATVP a été dotée, à sa création par la loi du 11 octobre 2013, d’un droit de communication indirect, mis en œuvre sur demande par l’administration fiscale.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Un amendement du Gouvernement soutenu par la rapporteure a restreint le droit de communication direct de la HATVP aux seules relations avec les établissements bancaires et les compagnies d’assurance.

I.   Une disposition adoptée par le Sénat

Issu d’un amendement du sénateur François Bonhomme adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 2 quater complète la loi ordinaire dans un objectif de mise en cohérence avec l’article 9 quater du projet de loi organique.

Il autorise la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à faire un usage direct de son droit de communication, sans l’intermédiation de l’administration fiscale prévue à l’article 6 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([68]), pour le contrôle des déclarations produites par les parlementaires. Cette évolution correspond à une demande de la Haute Autorité qui, dans son rapport d’activité pour l’année 2016, réclamait un droit de communication autonome « susceptible de limiter la redondance des procédures patrimoniales et des procédures fiscales, qui suscitent parfois l’incompréhension de déclarants confrontés à des demandes successives sur des éléments similaires ».

En séance publique, le Gouvernement a souhaité limiter le droit de communication autonome de la HATVP aux seuls établissements bancaires et entreprises d’assurance-vie. Cette demande s’est heurtée à l’avis défavorable du rapporteur et à l’opposition du Sénat.

II.   La position de la commission des Lois

Votre Commission a considéré que l’évolution suggérée par le Sénat était souhaitable, mais excessivement rapide : il semble délicat de confier d’un bloc à la HATVP la faculté d’exercer un droit de communication comparable à celui dont bénéficient les autorités judiciaires.

Sur avis favorable de la rapporteure, elle a donc adopté un amendement du Gouvernement accordant ce droit de communication direct à la HATVP dans ses seules relations avec les établissements bancaires et les compagnies d’assurance. Les communications avec d’autres tiers restent soumises à l’intermédiation de l’administration fiscale.

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La Commission est saisie de l’amendement CL118 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à restreindre le droit de communication dont dispose la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Le Sénat lui a en effet accordé un droit de communication direct global dont elle ne disposait pas, et qui équivaudrait à celui dont disposent l’administration fiscale et l’autorité judiciaire. Nous estimons que ce droit est trop étendu. Lors de son audition, le président de la Haute Autorité nous a fait savoir que, s’il souhaitait naturellement que son droit de communication soit le plus étendu possible, il se satisferait du bon début que représenterait son extension aux banques et aux compagnies d’assurance. J’émets un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

Mme Delphine Batho. La disposition adoptée par le Sénat correspondait à une demande de la Haute autorité, et l’amendement du Gouvernement vise en effet à restreindre le droit de communication qui en résulte. Contrairement à ce que vous venez de dire et avec tout le respect que je vous dois, je précise que le président de la Haute Autorité, auditionné devant la Commission, a dénoncé cette intention du Gouvernement et a même parlé d’un « droit de communication croupion ». J’invite donc l’ensemble de nos collègues à repousser cet amendement, puisqu’il revient à obliger la Haute Autorité à passer par Bercy pour, par exemple, obtenir les statuts d’une société de conseil et à informer le pouvoir politique de toute requête adressée à l’administration fiscale, et il permet au pouvoir politique d’avoir connaissance des informations transmises par l’administration fiscale à la Haute Autorité. En somme, cet amendement très important touche à la question de l’indépendance des investigations de la Haute autorité et à ses prérogatives. S’il était hélas adopté, nous y reviendrions longuement en séance.

Mme Cécile Untermaier. Je confirme ces propos. Lorsque nous avons créé la Haute Autorité, nous savions que les règles de communication devraient évoluer, et le Sénat nous donne précisément cette possibilité. J’aimerais comprendre ce que redoute le Gouvernement pour proposer une restriction, une régression même, de la transparence sur ces questions.

Mme Danièle Obono. Je peine à comprendre l’argumentation de la rapporteure. Elle vient d’indiquer qu’il faut prendre le temps d’écouter les organisations concernées ; or, le président de la Haute Autorité a souhaité l’extension du droit de communication, dans le sens de la disposition adoptée par le Sénat. Autrement dit, votre argumentation sur cet amendement contredit celle que vous avez employée au sujet du précédent. Comment comprendre une telle contradiction ? La Haute Autorité demande l’extension de son droit de communication et nous sommes saisis d’une disposition allant précisément dans ce sens, mais vous expliquez qu’il faut au contraire le restreindre sans argumentation ! Encore une fois, je peine à comprendre, et je pense qu’il ne faut pas aller dans le sens que préconise le Gouvernement.

Mme la rapporteure. À l’heure actuelle, la Haute Autorité n’a pas de droit de communication directe. Le Sénat a décidé de lui offrir un droit de communication très étendu ; nous considérons qu’il l’est trop.

Mme Cécile Untermaier. Pourquoi ?

Mme la rapporteure. Parce qu’il reviendrait à conférer à la Haute Autorité les mêmes pouvoirs qu’à un juge judiciaire ; ce n’est pas opportun. Nous souhaitons donc restreindre le droit de communication qui, encore une fois, n’existait pas jusqu’ici. Nous sommes favorables à sa création, mais nous voulons qu’il soit limité à un certain nombre d’éléments.

M. Philippe Latombe. Le groupe du Modem ne votera pas cet amendement, car l’extension adoptée par le Sénat est judicieuse.

La Commission adopte l’amendement CL118.

Puis elle adopte l’article 2 quater modifié.

Après l’article 2 quater

La Commission examine l’amendement CL46 de M. Ugo Bernalicis.

M. Bastien Lachaud. En entrant à l’École nationale d’administration, les élèves prennent l’engagement de servir l’État pendant dix ans, au motif qu’ils sont rémunérés pendant leur formation. Malheureusement, nombre d’entre eux ne le font pas et vont pantoufler dans le privé. Cet amendement vise à mettre fin à ces pratiques insupportables ; c’est une question de salubrité publique : ces fonctionnaires doivent tenir leur engagement à servir leur patrie. C’est pourquoi nous proposons d’interdire ces mises en disponibité.

Mme la rapporteure. Je me doute que ma réponse ne vous satisfera pas mais j’espère sincèrement que vous voudrez bien participer à la mission d’information que nous constituerons sur tous ces sujets.

J’ajoute qu’une loi de 2016 a renforcé le rôle de la commission de déontologie de la fonction publique, désormais obligatoirement saisie, en cas de départ d’un agent public vers le secteur privé et qui s’assure désormais du respect des principes déontologiques dans le cadre de son contrôle de la compatibilité des activités projetées avec celles précédemment exercées.

M. Olivier Marleix. Je ne crois pas que les avis rendus par cette commission soient publics de plein droit.

Par ailleurs, lorsque vous invoquez pour écarter certains amendements, Madame la rapporteure, le fait que vous n’ayez pas auditionné les personnes compétentes, j’ai envie de vous dire Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans – nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. En effet, c’est à vous-mêmes que vous faites un reproche puisque c’est à vous, en tant que rapporteure, qu’il appartenait de définir qui nous devions entendre.

Par ailleurs, ne venons-nous pas de réécrire un article de la loi de 2013 qui a institué la HATVP, autorité compétente également pour les fonctionnaires ? Il est donc bien possible de traiter ici de la fonction publique et nous persistons à ne pas comprendre pourquoi vous choisissez d’aborder les autres sujets en empruntant la plus petite porte possible.

Mme la rapporteure. Je ne puis vous laisser dire cela à propos des auditions ! Leur programme a été arrêté sur la base du texte initial : comment aurais-je pu deviner alors que le Sénat ajouterait des dispositions dans d’autres domaines alors que les projets de loi ont été adoptés par les sénateurs jeudi dernier 13 juillet, dernier jour de nos auditions ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL45 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à étendre l’obligation de transparence pour qu’elle incombe non seulement aux agents publics et aux élus, mais aux représentants d’intérêt. Il a pour but de restreindre leur présence et l’influence qu’ils exercent sur les parlementaires, en marquant de manière claire notre engagement en faveur de la transparence.

Il rappelle aux parlementaires qu’ils doivent déclarer les cadeaux de moins de 150 euros. Il ferme la porte du Parlement aux représentants d’intérêts qui viennent s’entretenir avec les parlementaires pour les influencer. Il renforce considérablement l’outil de transparence que constitue le répertoire numérique des représentants d’intérêts. Il élargit le périmètre de surveillance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en lui permettant de contrôler un ensemble d’individus qui lui échappaient auparavant.

Il me semble que, dans le cadre de notre travail, cet amendement pourrait recevoir l’approbation d’une majorité d’entre nous.

Mme la rapporteure. Je crois que tout ceci est plutôt du niveau de l’Instruction générale du Bureau.

La Commission rejette l’amendement.

titre III
Dispositions relatives aux emplois de collaborateur parlementaire À l’assemblée nationale et au sénat, de collaborateur de ministre et de collaborateur d’élu local

Article 3
Interdiction de l’emploi de membres de la famille des élus et des membres du Gouvernement – conséquences juridiques et financières

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 définit les peines et sanctions applicables aux membres du Gouvernement en cas de violation des dispositions du décret présidentiel n° 2017-1098 du 14 juin 2017 interdisant au Président de la République et aux membres du Gouvernement de compter parmi les membres de son cabinet un membre de sa famille.

La peine prévue est de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende. Le membre du Gouvernement est également tenu de rembourser les sommes versées au membre de sa famille comme collaborateur de cabinet (interdiction d’obtenir restitution de la part du collaborateur).

L’article 3 introduit également l’obligation, pour le collaborateur ministériel, de déclarer ses liens familiaux avec un autre membre du Gouvernement auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il prévoit que la HATVP peut faire usage de son pouvoir d’injonction pour faire cesser les situations de conflit d’intérêt auprès des membres du Gouvernement et des collaborateurs ministériels.

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition légale ne limite la liberté de recrutement des membres du Gouvernement. Toutefois, le décret n° 2017-1098 du 14 juin 2017 interdit aux membres du Gouvernement de compter parmi les membres de son cabinet des membres de sa famille (conjoint, pacsé ou concubin / parents, enfants, frères et sœurs / grands parents, petits-enfants et enfants de ses frères et sœurs) ou de sa belle-famille (parents, enfants, frères et sœurs de son conjoint, pacsé ou concubin / conjoint, pacsé ou concubin des parents, enfants, frères et sœurs).

Modifications apportées au Sénat 

À l’initiative de son rapporteur, le Sénat a introduit une définition légale de la notion de « famille » des membres du Gouvernement afin de respecter le principe constitutionnel de légalité des peines, alors qu’auparavant cette définition était précisée par le décret présidentiel du 14 juin 2017.

Il a aussi précisé que les membres du Gouvernement doivent informer « sans délai » la HATVP en cas d’emplois croisés, laquelle pourra enjoindre aux membres des cabinets ministériels (et pas seulement aux membres du Gouvernement) de faire cesser un conflit d’intérêts.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille sous peine de sanctions pénales et financières au conjoint, enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint.

À l’image du dispositif retenu par le Sénat pour les « emplois croisés », elle a introduit un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle un membre du Gouvernement entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer à la HATVP. Celle-ci pourra, si elle constate que cet emploi caractérise un conflit d’intérêt, enjoindre au membre du Gouvernement d’y mettre fin. L’injonction sera rendue publique.

Enfin, le dispositif de contrôle des emplois croisés a été étendu à l’hypothèse dans laquelle un membre de cabinet entretient un lien personnel direct avec un membre du Gouvernement, autre que celui qui l’emploie.

Historiquement et étymologiquement, le népotisme est une forme de favoritisme qui régnait au Vatican, en particulier au XVIe siècle, consistant, pour un pape, à attribuer des titres, des donations ou des faveurs à ses parents, notamment ses neveux. Aujourd’hui et par extension, le népotisme désigne une pratique qui, pour un responsable (membre du Gouvernement, élu, haut fonctionnaire, dirigeant d’entreprise...), consiste à distribuer des honneurs, des avantages ou des emplois à des membres de sa famille, à des amis ou à des proches, plutôt qu’aux personnes qui y ont droit (logement, par exemple) ou qui sont les plus compétentes (promotion, attribution de postes).

Les articles 3, 4 et 5 du présent projet de loi entendent mettre fin au népotisme en politique, abolissant ainsi le règne des entourages familiaux qui singularise depuis longtemps la République française ([69]) et qui a de nouveau fait scandale lors de la dernière campagne présidentielle.

La liberté de recrutement des collaborateurs des membres du Gouvernement, des parlementaires et des autorités locales est encadrée afin de rétablir la confiance de nos concitoyens envers leurs responsables politiques, dans le respect des exigences constitutionnelles, à travers trois mesures nouvelles :

– l’interdiction de compter parmi ses collaborateurs des membres de sa famille ou de celle de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

– l’introduction d’une nouvelle sanction pénale et financière en cas de violation de cette interdiction ;

– l’obligation pour le collaborateur membre de la famille d’un ministre ou d’un parlementaire et employé par un autre collègue ministre ou parlementaire de déclarer ce lien familial.

I.   Le droit existant

Le Président de la République, les membres du Gouvernement et les élus nationaux et locaux choisissent librement leurs collaborateurs par voie contractuelle selon des modalités résumées dans la fiche n° 2 annexée au présent rapport ([70]).

Depuis l’entrée en vigueur des lois n° 2013-906 et n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, les membres du Gouvernement et les élus nationaux ainsi que certaines élus locaux sont tenus de préciser, sur leur déclaration d’intérêts et d’activités transmise à la HATVP, les activités professionnelles exercées par leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou leur concubin, à la date de leur élection ou de leur nomination.

Le Gouvernement et sa majorité considèrent qu’une République exemplaire impose d’adopter des règles plus strictes permettant de mettre fin à tout risque de népotisme ou de conflits d’intérêt avec les membres de sa famille. C’est la raison pour laquelle, anticipant le dépôt du présent projet de loi, le Président de la République a pris un décret le 14 juin 2017 interdisant aux membres du Gouvernement comme à lui-même de compter, parmi leurs collaborateurs, un membre de leur famille ou de la famille de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

A.   Le principe : la liberté de choix des collaborateurs de cabinet ministériel

À l’instar des nominations des collaborateurs du Président de la République, les nominations des collaborateurs ministériels ne sont pas soumises à des règles statutaires. Ainsi, leurs origines sont-elles diverses : il peut s’agir de personnes ayant ou non la qualité d’agent public et, parmi les agents publics, de fonctionnaires ou de contractuels de l’une des trois fonctions publiques. Lorsqu’ils n’ont pas la qualité de fonctionnaires, les membres des cabinets ministériels sont recrutés par contrat de droit public, régis par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ([71]).

Ils assistent les membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Ils sont nommés par un arrêté ministériel publié au Journal officiel de la République française.

Comme l’indique l’étude d’impact, les seules dispositions applicables sont de nature règlementaire et concernent la composition des cabinets ministériels ([72]), l’indemnité pour sujétions particulières ([73]) et le nombre maximum de collaborateurs par cabinet depuis le 18 mai 2017 ([74]). Il existe toutefois, depuis 2000, une annexe au projet de loi de finances consacrée aux personnels affectés dans les cabinets ministériels, qui vise à rendre compte au Parlement de leur composition et, depuis 2013, de la rémunération des collaborateurs des cabinets.

Pour l’année 2017, ce document budgétaire montre qu’au 1er août 2016, le Gouvernement comptait 563 collaborateurs ministériels, dont :

– 309 fonctionnaires (146 mis à disposition, 28 détachés et 135 appartenant aux services du ministère et « affectés » par celui-ci auprès du cabinet) ;

– 254 personnels recrutés par un contrat de droit public spécifique, le « contrat à durée gouvernementale ».

Les fonctions de collaborateur de cabinet ministériel cessent au plus tard en même temps que celles du membre du Gouvernement qui les recrute.

Les collaborateurs ministériels sont généralement choisis par les membres du Gouvernement en raison de la confiance qu’ils leur inspirent et des compétences techniques qu’ils leur apportent. Ils peuvent donc être des personnes issues ou non du cercle familial des membres du Gouvernement. On pourrait citer de nombreux exemple de collaborateurs « familiaux » sous la Vème République autour du Président de la République ou de ministres tels que Henri Domerg, beau-frère et conseiller de Georges Pompidou pour les questions d’éducation à Matignon puis pour les affaires culturelles à l’Élysée, ou plus récemment Jean-Christophe Mitterrand, fils et conseiller pour les affaires africaines de son père, ou encore Claude Chirac, fille et conseillère communication du Président Jacques Chirac.

Si le principe demeure la liberté de recrutement des collaborateurs de cabinet ministériel, la loi organique n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a imposé une nouvelle obligation de transparence aux membres du Gouvernement. Ces derniers doivent désormais préciser, dans leur déclaration d’intérêts et d’activités transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « les activités professionnelles exercées à la date de l’élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ».

B.   Le décret présidentiel n° 2017-1098 du 14 juin 2017 interdisant les « emplois familiaux » au sein des cabinets ministériels et présidentiel

Parallèlement à la présentation du présent projet de loi, le Président de la République a adopté, le 14 juin 2017, un décret n° 2017-1098 interdisant aux membres du Gouvernement comme à lui-même de compter des membres de sa famille parmi les membres de leur cabinet.

Sont concernés :

– le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

– les parents, enfants, frères et sœurs ainsi que leurs conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins ;

– les grands-parents, les petits-enfants et les enfants de leurs frères et sœurs ;

– les parents, enfants et frères et sœurs de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

La violation de cette interdiction emporte l’illégalité de l’acte de nomination et, le cas échéant, la cessation de plein droit du contrat dans un délai de deux mois après la publication du décret.

Il est précisé que s’il a la qualité de contractuel, le collaborateur se voit notifier son licenciement par l’autorité de nomination avant l’expiration de ce délai de deux mois et bénéficie des indemnités prévues par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.

Or, l’article 3 du présent projet de loi parachève ce dispositif réglementaire en introduisant notamment une nouvelle sanction pénale à l’encontre des membres du Gouvernement en cas de violation de cette interdiction. La peine peut aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende, plus l’obligation de rembourser les sommes versées au collaborateur.

Le Président de la République a ainsi tiré les conséquences de l’avis du Conseil d’État sur l’avant-projet de loi selon lequel :

« Le principe de la séparation des pouvoirs découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789, qui est applicable au Gouvernement comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision  2011-192 QPC du 10 novembre 2011, n’autorise pas le législateur à intervenir dans l’organisation du Gouvernement et, en particulier, dans celle des cabinets ministériels, qui relève du pouvoir réglementaire autonome de l’article 37 de la Constitution.

Toutefois, dès lors que l’interdiction faite aux membres du Gouvernement est assortie de peines correctionnelles, l’article 34 de la Constitution impose au législateur, ainsi qu’il est dit plus haut, de préciser à quelles infractions s’appliquent les sanctions en question.

Le Conseil d’État modifie en conséquence la rédaction du projet afin de laisser au pouvoir réglementaire le soin de décider si l’interdiction d’employer une personne de sa famille, telle qu’elle est définie par la loi pour les parlementaires et les élus locaux, s’applique aux membres du Gouvernement, tout en maintenant dans la loi les sanctions qui leur sont applicables en cas de violation de cette interdiction » ([75]).

II.   la rÉforme proposÉE

Le I du présent article introduisait initialement une nouvelle peine de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende à l’encontre d’un membre du Gouvernement employant comme collaborateur ministériel un membre de sa famille telle que définie par le décret du 14 juin 2017 et l’obligeait à rembourser les sommes ainsi versées dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Toutefois, il a été complété au Sénat, à l’initiative de M. Philippe Bas, pour introduire la définition de la « famille » applicable aux membres du Gouvernement, laquelle reprend celle du décret précité, mais également celle retenue, dans le présent projet de loi, pour les parlementaires (article 4) et les autorités territoriales (article 5).

Le II prévoit les conditions dans lesquelles les « emplois croisés » de collaborateurs ministériels doivent faire l’objet d’une déclaration.

L’étude d’impact précise que la réforme envisagée s’inspire d’une recommandation sur l’intégrité publique du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques, du 26 janvier 2017, qui vise notamment à assurer « une gestion des ressources humaines où l’on applique systématiquement des principes fondamentaux, comme le mérite et la transparence, pour soutenir le professionnalisme du service public, et qui empêche le favoritisme et le népotisme, protège contre les ingérences politiques indues, et atténue les risques d’abus de pouvoir et de faute » ([76]).

A.   La condamnation pénale et financière des emplois de collaborateurs ministériels issus du cercle familial

À l’issu des débats au Sénat, et à l’instar de ce que prévoit le décret n° 2017-1098 du 14 juin 2017 précité, le I du présent article (alinéas 1 à 5) interdit aux membres du Gouvernement d’employer en tant que collaborateur de cabinet :

– leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

– leurs parents, enfants, frères et sœurs ainsi que leurs conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins ;

– leurs grands-parents, leurs petits-enfants et les enfants de leurs frères et sœurs ;

– les parents, enfants et frères et sœurs de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin (alinéas 1 à 5).

Contrairement à l’avis du Conseil d’État, le Sénat a en effet considéré que le principe de légalité des peines exige de définir dans la loi la règle interdisant les emplois familiaux au sein des cabinets ministériels dès lors qu’elle conduit à une sanction pénale pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le principe de légalité des peines l’emporterait donc sur celui de la séparation des pouvoirs.

Autrement dit, si l’on se réfère à l’avis du Conseil d’État, l’article 34 de la Constitution qui autorise le législateur à fixer les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale prendrait le pas sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrant le principe de la séparation des pouvoirs à l’égard du Président de la République et du Gouvernement, qui interdit au législateur d’intervenir dans l’organisation du Gouvernement et, en particulier, dans celle des cabinets ministériels.

Il appartiendra, le cas échéant, au Conseil constitutionnel de trancher cette question, mais votre rapporteure observe qu’en se bornant à reprendre à l’identique les termes choisis par le Président de la République dans le décret du 14 juin 2017 précité, le Sénat n’a pas contesté l’organisation du Gouvernement, et en particulier celle des cabinets ministériels. En outre, il lui paraît nécessaire d’assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre le principe de séparation des pouvoirs énoncé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 8 de la même Déclaration selon lequel : « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». Le Conseil constitutionnel veille d’ailleurs à « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » ([77]). La définition légale de la notion de « famille » – qui commande à la nouvelle infraction créée par le présent article –semble donc nécessaire.

Cela est d’autant plus vrai que la définition de la famille retenue par le Président de la République est déjà très large. Certes elle ne s’étend pas « à l’ensemble des liens de filiation et à l’ensemble des degrés » comme le souligne l’étude d’impact car le Gouvernement considère que cela serait « disproportionné », mais elle est plus large que celle retenue pour encadrer les emplois familiaux des parlementaires dans la plupart des Parlements occidentaux, à l’exception du Congrès américain, comme le montre la fiche n° 3 relative au statut des collaborateurs parlementaires dans 25 pays. Généralement, l’interdiction ne concerne que les conjoints, collatéraux (frères et sœurs), enfants voire ascendants et descendants des parlementaires, tandis que la définition retenue par le décret présidentiel du 14 juin 2017 et reprise au présent article emporte également celle de recruter ses neveux et nièces mais également les parents, enfants et frères et sœurs de son conjoint (ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin). En outre, l’actualité montre qu’aux États-Unis, le Président de la République peut recruter au sein de son cabinet ses trois enfants et son beau-frère.

Le Gouvernement considère toutefois que l’objectif de « renforcer les garanties de probité et d’intégrité, de prévention des conflits d’intérêts et de lutte contre ceux-ci » constitue « un motif d’intérêt général, que ce soit vis-à-vis des parlementaires (décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013) ou des titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics (décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013) ». Un tel motif justifierait l’interdiction de recruter des collaborateurs au sein de son cercle familial dès lors qu’elle constitue une atteinte proportionnée à cinq droits de valeur constitutionnelle :

– le respect du droit à la vie privée, garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;

– la liberté contractuelle des parties, qui résulte de l’article 4 de la Déclaration ;

– l’égal accès aux emplois publics, protégé par l’article 6 de cette même Déclaration, dans le cas des collaborateurs de cabinet ministériel et des collectivités territoriales au motif que leur statut serait assimilé à celui des agents publics non titulaires ;

– le droit à l’emploi, reconnu par le cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;

– la libre administration des collectivités territoriales, qui repose sur l’article 72 de la Constitution.

La définition retenue par le Gouvernement entend ainsi prévenir – de façon ferme et définitive – tout risque de favoritisme familial de la part des représentants politiques afin d’éviter de nouvelles « affaires » telles que celles portées à la connaissance de nos concitoyens durant la dernière campagne présidentielle.

Il n’en demeure pas moins que des inquiétudes se font jour quant au champ extrêmement large de cette interdiction pénale et aux modalités de contrôle que le juge devra mettre en œuvre pour vérifier son respect. De plus, tous les risques de conflit d’intérêt ne sont pas couverts par le dispositif proposé : ainsi reste-t-il possible d’employer son ex conjoint ou le père (ou la mère) de son enfant par exemple. Enfin, le dispositif proposé ne résout pas la question de l’emploi abusif d’un collaborateur ministériel qui ne serait pas de la famille de celui qui l’emploie, qui pourrait ne pas avoir les compétences requises, ou bénéficier de conditions de rémunération excessive ou encore ne pas donner lieu à une contrepartie réelle de travail effectif.

En tout état de cause, la question du contrôle du respect de l’interdiction d’employer un membre de sa famille au sein de son cabinet est essentielle car la violation de cette interdiction emporte plusieurs conséquences graves :

– la cessation de plein droit du contrat du collaborateur (alinéa 6) ;

– l’obligation de rembourser les sommes versées au collaborateur en violation de cette interdiction, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État pour les membres du Gouvernement (alinéa 7). Il est précisé qu’aucune restitution des sommes versées ne peut être exigée du collaborateur ministériel (alinéa 8) ;

– enfin et surtout, la condamnation à une peine de trois d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende d’un membre du Gouvernement (alinéa 9) qui méconnaîtrait l’interdiction mentionnée précédemment.

Cette nouvelle incrimination pénale – non codifiée – est originale et exceptionnelle. Comme le souligne le Gouvernement dans l’étude d’impact, « dans la majorité des pays, en particulier aux États-Unis, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Italie et en Allemagne, il n’existe pas de dispositions pénales ou civiles spécifiques qui ne s’appliqueraient qu’aux collaborateurs parlementaires. En cas d’éventuelle violation des règles fixées en matière de recrutement et de statut des assistants parlementaires, ou en cas de conflit d’intérêt, les seules dispositions pouvant être éventuellement invoquées sont les incriminations de droit commun, traitées selon les procédures de droit commun ». Les incriminations pénales de droit commun auxquelles il est fait référence sont celles relatives aux emplois fictifs, aux faux et usage de faux ou encore celles relatives aux conflits d’intérêt, qui existent aussi en France.

Le projet de loi se veut exemplaire puisqu’il permet de sanctionner pénalement le seul fait de recruter un membre de sa famille ou de sa belle-famille parmi les membres de son cabinet, indépendamment de la réalisation ou non d’un véritable travail. À titre de comparaison, la sanction prévue – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – est comparable à celle retenue en cas de non-respect des obligations de déclaration des membres du Gouvernement auprès de la HATVP (article 26 de la loi n° 2013-907 relative à la transparence de la vie publique). Elle est également comparable à la sanction du vol simple (article 311-3 du code pénal) ou en cas de faux et usage de faux en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui (article 441-7 du code pénal) notamment.

La Commission a considéré qu’une autre option méritait d’être envisagée afin de répondre aux insuffisances décrites ci-dessus. Elle a donc adopté un amendement de votre rapporteure qui prévoit un dispositif à double étage à travers :

– le resserrement de l’interdiction pure et simple d’employer un membre de sa famille comme collaborateur sous peine des sanctions pénales et financières proposées par le Gouvernement et le Sénat. Cette interdiction est désormais circonscrite au recrutement du conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin), des enfants, des parents ainsi que des enfants et parents de son conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin) (I du présent article) ;

– l’introduction d’un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle un membre du Gouvernement entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer à la HATVP (II du présent article). Celle-ci pourra ensuite, s’il elle constate que cet emploi caractérise un conflit d’intérêt, enjoindre au membre du Gouvernement d’y mettre fin. L’injonction sera rendue publique (III du présent article). Ce mécanisme est à l’image du dispositif prévu pour le contrôle des emplois familiaux croisés proposé au Sénat (voir infra).

Votre rapporteure considère que cette modification du dispositif allie trois qualités majeures : la fermeté car il demeure strictement interdit de recruter sa famille proche au sein de son cabinet ministériel ; la souplesse car il est permis de recruter d’autres membres de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute autre personne avec laquelle on entretient un lien personnel direct dès lors que cela est transparent ; l’efficacité car ce mécanisme permet de contrôler des cas non couverts par l’article voté au Sénat (comme l’ex conjoint ou l’ami de complaisance). En effet, si la Haute Autorité considère que ces recrutements familiaux ou personnels sont susceptibles de constituer un conflit d’intérêt, elle peut enjoindre au membre du Gouvernement de faire cesser cette situation. L’injonction est rendue publique. Il est rappelé que cela ne fait pas obstacle à d’éventuelles incriminations pénales de droit commun.

B.   Une déclaration obligatoire en cas d’« emplois croisés » au sein des cabinets ministériels

Le II du présent projet de loi introduit un nouvel article 10 bis dans la loi n° 2013-907 du 22 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoyant que les « emplois croisés » au sein des cabinets ministériels soient déclarés par les collaborateurs à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État (alinéas 10 et 11).

Il s’agirait ainsi d’une procédure d’information ad hoc de la HATVP, qui ne rendrait pas ces données publiques. La HATVP pourrait faire usage du pouvoir qui lui est reconnu par l’article 10 de la même loi afin d’enjoindre à un membre du Gouvernement se trouvant en situation de conflit d’intérêts de faire cesser cette situation puis de rendre son injonction publique. Cette prérogative de la HATVP ne serait toutefois pas applicable au Premier ministre, conformément à ce même article 10 de la loi n° 2013-907, ni au membre du cabinet ministériel concerné par cet éventuel conflit d’intérêts. Enfin, le titulaire de cet « emploi croisé » informerait de ce lien familial le membre du Gouvernement dont il est le collaborateur.

À l’initiative de son rapporteur, le Sénat a précisé que le collaborateur concerné doit déclarer ce lien familial « sans délai » à la HATVP, par parallélisme des formes avec le système de déclaration retenu pour le Parlement à l’article 4. Il s’est référé à la définition de la notion de « famille » – telle que définie précédemment – pour mieux déterminer le périmètre de ce dispositif déclaratif. Il a également renforcé le pouvoir d’injonction de la HATVP pour qu’il s’applique également aux collaborateurs qui se trouveraient dans une situation de conflit d’intérêts. Enfin, il a prévu que cette information soit rendue accessible au public.

À l’initiative de votre rapporteure, le dispositif de contrôle des emplois croisés a été étendu par votre Commission à l’hypothèse dans laquelle le collaborateur de cabinet d’un ministre entretient un lien personnel direct avec un autre membre du Gouvernement. De plus, elle a précisé que l’injonction que peut prononcer la HATVP est rendue publique.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL130 de la rapporteure.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, rapporteure. L’article 3 traite de la question des emplois familiaux des membres des cabinets ministériels.

Le Sénat a adopté un dispositif interdisant aux membres du Gouvernement, aux parlementaires et aux autorités territoriales d’employer des membres de leur famille, sous peine d’être pénalement et lourdement sanctionnés : la peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ce dispositif, qui repose sur une définition très large de la famille, a pour but de réprimer les emplois fictifs ; je pense pour ma part qu’il ne permet pas d’atteindre cette cible. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose de le modifier. L’idée est d’interdire tous les emplois familiaux dans un cercle très restreint, mais de faire en sorte que, dans le cas de liens familiaux plus éloignés – cousin, ex-femme, etc. –, ces emplois soient simplement déclarés pour s’assurer de leur effectivité.

En nous inspirant du modèle québécois, qui fonctionne depuis des années, nous proposons donc un mécanisme à deux étages. Nous maintenons l’interdiction pure et simple d’employer sa famille proche, définie comme le conjoint – pacsé ou concubin –, les enfants ou les parents, ainsi que les enfants ou les parents du conjoint. Nous maintenons également la sanction pénale prévue par le projet de loi : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, auxquels s’ajoutent le remboursement des sommes versées au collaborateur familial ainsi que la cessation de son contrat de travail. C’est le premier étage.

Le deuxième étage concerne les membres de la famille élargie, à savoir tous les autres membres de la famille, de la belle-famille ou de l’ex-belle-famille ainsi que les personnes avec qui l’on entretient un lien personnel direct. Pour toutes ces personnes, nous proposons que l’emploi, dans le cas d’un membre du Gouvernement, soit déclaré sans délai auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; si la HATVP constate un risque de conflit d’intérêts au sens de l’article 2 de la loi pour la transparence de la vie publique, elle enjoint au ministre de mettre un terme à cette situation, l’injonction étant rendue publique. Le même système s’appliquerait également à tous les « emplois croisés ».

Ce dispositif présente à nos yeux plusieurs avantages. Celui de la fermeté d’abord, puisqu’il maintient les sanctions pénales et financières pour l’emploi d’un membre de la famille proche ; celui de la souplesse ensuite, car tout emploi d’un collaborateur familial ou d’une personne avec laquelle on a un lien personnel direct n’est pas pour autant fictif ou source de conflit d’intérêts. Celui de l’efficacité, puisque le dispositif retenu par le Sénat ne couvrait pas l’ensemble des cas susceptibles de constituer un conflit d’intérêts, y compris ceux auxquels les déontologues nous ont indiqué avoir été confrontés à de nombreuses reprises. Dans la formule que nous proposons, il est possible de s’appuyer sur le pouvoir de contrôle et d’injonction de la HATVP. Notre dispositif a enfin l’avantage de la transparence, puisque tout emploi d’un membre de la famille élargie ou d’une personne avec laquelle on entretient un lien personnel direct devra être déclaré.

M. Olivier Dussopt. Dans cet amendement, comme votre amendement CL132 à l’article 4, qui concerne les collaborateurs des parlementaires, les frères et sœurs ne sont pas mentionnés. Est-ce à dire que vous les excluez de la liste des personnes qu’il sera interdit d’embaucher ? Ils relèvent pourtant de la famille proche…

Seriez-vous d’accord pour que l’on réfléchisse d’ici la séance à une harmonisation entre les sanctions pénales que vous proposez et celles prévues à l’article 432-12 du code pénal ?

Enfin, comment comptez-vous articuler ce régime d’interdiction avec l’amendement CL71 présenté par vos collègues de La République en Marche, qui renvoie aux bureaux des assemblées la définition du cadre d’emploi des collaborateurs parlementaires ?

M. Arnaud Viala. L’appellation « emplois familiaux » pose en soi un problème. En effet, il ne s’agit pas simplement d’éviter les emplois fictifs mais surtout d’empêcher tout enrichissement personnel grâce à des fonds publics que l’on ferait transiter par celui que l’on emploie. Dès lors que ce principe est posé, il y a moyen de circonscrire le périmètre visé sans qu’il soit besoin de tant de complications.

Lorsque vous parlez de « toute autre personne avec laquelle il entretient un lien personnel direct », cela signifie-t-il qu’il faudra déclarer à la HATVP les liens amicaux ou affectifs ? Où est la limite ? Cette forme d’inquisition qui touche à la vie privée pourrait à la rigueur se comprendre s’il s’agissait de lutter contre la corruption, mais ne serait-il pas préférable, dans le cas qui nous occupe, de raisonner en termes de foyer fiscal élargi, ainsi que je le propose dans un de mes amendements, de façon à empêcher les situations permettant l’enrichissement personnel ?

J’ajoute que, lorsqu’on travaille avec quelqu’un, des liens personnels directs se tissent inévitablement au fil du temps. À quel moment dès lors aura-t-on outrepassé la règle ? Faudra-t-il en référer à la HATVP en cours de contrat de travail pour signaler que l’on est finalement devenu amis ?

M. Jean-Luc Warsmann. Le Président de la République a été élu sur un programme qui appelait à une réduction de 30 % du nombre de députés mais également à un poids accru du Parlement. Dans ces conditions, il paraîtrait utile d’exiger de nos collaborateurs un niveau de compétences minimal. Autant, dans nos circonscriptions, les fonctions d’accueil qu’assument nos collaborateurs peuvent justifier un lien intuitu personae, autant, si l’on veut des députés qui pèsent à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire qui soient capables de faire face aux hauts fonctionnaires énarques qui peuplent les ministères, il est nécessaire que nous réfléchissions à imposer un niveau minimum de compétences, comparable à celui de nos administrateurs, voire une forme de concours.

M. Philippe Gosselin. On prend le problème par le mauvais bout en voulant régler en vitesse avec ce projet de loi, et sur commande directe du Président de la République, le problème des emplois fictifs, qui a récemment défrayé la chronique. Le Sénat élargit pour cela la notion de famille jusqu’aux conjoints des neveux ou des nièces, voire aux anciens membres de la famille. Mais où s’arrête donc cette famille au sens romain du terme ? Et l’amendement CL130 y ajoute les anciens membres de la famille… Si Gustave est décédé quand il s’est remarié avec Germaine, cela va devenir ingérable !

Qui va définir par ailleurs ce que sont des liens directs personnels ? À partir de quand sommes-nous dans ce cas ? un échange de regards ? un dîner chez des amis communs ? plus si affinités ? Nous voilà en train d’instaurer une police des mœurs et des relations humaines, ce qui va bien au-delà de la nécessité, que nul ne conteste, de mieux encadrer l’emploi des collaborateurs parlementaires.

Pour moi, cet encadrement passe d’abord par la création d’un statut du collaborateur, qui précise sans doute les compétences requises, soit en termes de diplômes, soit en termes de validation des acquis de l’expérience. Sans oublier que les postes de collaborateurs sont d’une nature très particulière : ce ne sont pas des emplois salariés classiques, du fait du mandat politique exercé par l’employeur. Cela requiert de la part du collaborateur une disponibilité qui va bien au-delà des horaires de bureau et exige que s’établisse entre l’employeur et le salarié une relation de confiance. J’entends que cette relation de confiance est possible au-delà du cercle familial mais, en l’occurrence, les réponses que vous proposez ne sont pas les bonnes – même si c’est une vraie question, j’en conviens.

M. Philippe Latombe. L’article 3 parle des « membres de la famille ». Le degré de parenté qui était précisé dans le texte d’origine a disparu. Avez-vous envisagé de le faire apparaître ?

Mme Lætitia Avia. Il apparaît clairement, à la lecture de l’amendement, que les personnes visées par ces emplois familiaux sont bien les conjoints ou les personnes à qui l’on est lié par un lien de filiation. Il s’agit certes de lutter contre les emplois fictifs, en écho à l’actualité récente, mais ce n’est pas le sujet cœur de ce texte : il a surtout pour vocation de remettre les choses en ordre et d’en finir avec la pratique qui veut que l’on aille chercher parmi ses proches ses collaborateurs. C’est une demande de nos concitoyens.

Mme Paula Forteza. La question du statut du collaborateur est effectivement très importante, mais nous allons nous y pencher plus tard. Le dispositif imaginé par la rapporteure nous paraît beaucoup plus équilibré, précis et efficace contre le népotisme que ce que proposait le Sénat.

M. Raphaël Schellenberger. En posant la question du « qui » au lieu de celle du « pour quoi faire », on se trompe de question. L’essentiel en effet est d’avoir des collaborateurs qui fassent ce pourquoi l’on a besoin d’eux.

Alors qu’on prétend vouloir renforcer le rôle des parlementaires, on imagine ici toute une série de mesures qui limitent leurs moyens au lieu de les renforcer, en leur interdisant d’employer des personnes, non pas du fait de leur manque de qualités, de compétences ou d’engagement, mais simplement parce qu’elles sont qui elles sont. Nous devons être plus rationnels et nous rapprocher de ce qui existe dans le droit du travail, à savoir l’établissement d’une fiche de poste et la définition d’une relation hiérarchique claire avec l’employeur. Cela permettra de mettre en adéquation un profil et un besoin, selon des critères différents pour chacun, car il n’y a pas de règle en la matière : certains députés ont leur secrétariat à l’assemblée et un juriste dans leur circonscription, ou vice-versa. Le travail parlementaire est loin d’être uniforme, et cette liberté est fondamentale.

M. Michel Zumkeller. Assimiler emploi familial et emploi fictif est un raccourci. Ce sont deux choses très différentes. Si l’on veut donc mieux cadrer l’emploi des collaborateurs parlementaires, cela passe certes par la création d’un statut, dans lequel figurent des conditions de diplôme, comme le suggère à juste titre Jean-Luc Warsmann, mais il faut surtout que l’Assemblée nationale et le Sénat jouent leur rôle. Sinon, ou sera la limite ? Mieux vaudra ne pas tomber ami avec son assistant parlementaire, sinon on sera obligé de le virer ! Ou bien nous sommes des employeurs indépendants et nous nous débrouillons seuls en assumant ce que nous faisons ; ou bien il y a un statut et les assemblées vérifient qu’il est respecté. Méfions-nous surtout des sirènes des médias et du populisme ambiant : cela ne nous mènera à rien, et on nous en demandera toujours plus. Il faut trouver un juste milieu : que chacun assume sa part et surtout que l’on s’assure de l’effectivité du travail.

Mme Cécile Untermaier. Nous devons choisir entre la version du Sénat et celle de la rapporteure. La première est sans doute excessive par certains aspects, mais elle est cohérente. Au contraire, le second étage de votre dispositif, madame la rapporteure, n’est pas tenable, ni en ce qui concerne les emplois de personnes à qui nous lient des liens personnels ni en ce qui concerne les « emplois croisés ». Un collaborateur de cabinet sera ainsi tenu de confesser entretenir des liens directs avec un autre membre du Gouvernement ! On est visiblement dans l’excès. Je voterai résolument contre cet amendement.

M. Olivier Marleix. Je rends hommage à l’effort de notre rapporteure pour redéfinir le périmètre des interdictions, qui doivent être circonscrites à la famille proche. Je rejoins Mme Untermaier : la rédaction du Sénat était incontestablement trop large, mais la seconde catégorie proposée par la rapporteure paraît bancale, en tout cas très aléatoire, notamment lorsqu’il s’agit d’une personne avec laquelle on entretient des liens personnels directs. Je me rallierais donc volontiers à l’amendement de la rapporteure, à la condition qu’il soit sous-amendé.

M. Pacôme Rupin. J’ai entendu que l’on qualifiait les parlementaires d’employeurs indépendants. Gardons-nous cependant des amalgames : à la différence des véritables employeurs indépendants, nous avons un statut d’élu et donc des comptes à rendre à nos concitoyens, a fortiori dès lors que l’argent que nous dépensons dans le cadre de notre mandat est de l’argent public.

Quant aux personnes qu’il est interdit d’embaucher, n’oublions pas que ce pays regorge de talents et que ce texte doit nous inciter à voir au-delà du cercle restreint de notre famille proche – laquelle est certes un soutien indispensable –, ce qui permettra en tout cas de couper court à tout soupçon d’embauche motivé par un désir d’enrichissement du foyer. Au moins les choses, de ce point de vue, seront-elles claires.

M. Cédric Roussel. Nous perdons beaucoup de temps à essayer de définir le cadre des emplois familiaux ; nous devrions plutôt nous intéresser aux liens qui peuvent exister entre notre administration et le secteur bancaire, par exemple. Une fois de plus, on va jeter l’opprobre sur les parlementaires tout en laissant dans l’ombre des liaisons qui se révèlent parfois dangereuses : on peut citer le cas de Bruno Bézard qui, après avoir été directeur général du Trésor et directeur général des finances publiques, dirige désormais un fonds d’investissement franco-chinois – une commission de déontologie s’est réunie, mais elle a finalement laissé faire… Et qu’en est-il de Robert Ophèle qui vient d’être nommé président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), alors même qu’il serait le beau-père de Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires ? Situation pour le moins étonnante si cette information était confirmée !

M. Philippe Gosselin. Une affaire à suivre ! C’est bien pour cela qu’il aurait été intéressant d’évoquer les conflits d’intérêts lors de notre réunion de ce matin !

M. Cédric Roussel. Je le répète, nous ne concentrons pas notre attention sur les questions les plus intéressantes.

M. Erwan Balanant. Au-delà de l’actualité, le sujet dont nous débattons, et qui préoccupe les Français depuis un moment, n’est autre que le népotisme – la définition même de la pratique consistant à faire travailler une personne de sa famille en la rémunérant avec de l’argent public. Dès lors, il nous revient de fixer le curseur déterminant jusqu’à quel degré de proximité familiale cette pratique est permise – je considérais pour ma part que la solution adoptée par le Sénat était assez satisfaisante.

Une fois le curseur fixé se pose la question de l’effectivité du travail fourni. Si la plupart des députés qui viennent d’être élus ont à cœur d’accomplir un travail de qualité, ce qui implique de s’entourer de collaborateurs fournissant des prestations réelles, je rejoins ce que vient de dire M. Schellenberger sur la nécessité de travailler sur des profils de postes et de compétences, mais aussi sur l’intérêt, rappelé par M. Zumkeller, qu’il y aurait à intégrer dans les règlements intérieurs de l’Assemblée et du Sénat la définition du rôle des collaborateurs parlementaires, c’est-à-dire quels sont à la fois leurs missions, mais aussi les moyens de contrôler l’effectivité de leur travail. Je rappelle que les collaborateurs de certaines assemblées sont tenus de badger pour justifier de leur présence – c’est le cas au Parlement européen, par exemple.

M. Philippe Gosselin. Et en circonscription ?

M. Erwan Balanant. Certes, on ne va pas demander aux parlementaires de badger en circonscription, mais pourquoi ne pas envisager des appels téléphoniques de contrôle, effectués de manière aléatoire ?

M. Philippe Gosselin. C’est du flicage ! Il faudrait que des administrateurs de l’Assemblée appellent les députés au téléphone pour vérifier ce qu’ils sont en train de faire ?

M. Erwan Balanant. Il faut savoir si l’on a la volonté de contrôler, et le cas échéant s’en donner les moyens – les parlementaires qui n’ont rien à se reprocher n’ont d’ailleurs rien à redouter de la mise en place d’un tel dispositif. En tout état de cause, nous devons trouver le moyen de rassurer l’opinion publique sur ces pratiques.

Mme Danièle Obono. Le népotisme ne consiste pas à employer des membres de sa famille, mais à mettre en œuvre des procédés visant à les favoriser sur le plan professionnel, au détriment d’autres personnes. C’est dans cette optique que certaines propositions, ayant pour objet de définir des profils de postes ou de mettre en place un statut des collaborateurs, visent à clarifier les processus de sélection. Notre rôle n’est pas seulement de rassurer nos concitoyens : il faut également que nous proposions la mise en place de modes de fonctionnement transparents et démocratiques, qui nous permettent de mieux travailler.

Plutôt que de nous perdre dans des débats interminables sur la définition de la famille – sans remonter aux Romains, chacun a là-dessus sa propre conception –, concentrons-nous sur les propositions objectives dont nous disposons, et sur lesquelles nous pouvons nous mettre d’accord rapidement.

M. Marc Le Fur. Je déplore que, du fait de certaines dérives, on en vienne à remettre en cause si profondément le travail des parlementaires.

Il me semble que certains de nos collègues commettent un contresens en considérant que le député s’inscrit dans une quelconque hiérarchie : en réalité, il n’est placé ni sous l’autorité de l’administration ni sous celle du président de l’Assemblée ; il n’a de comptes à rendre qu’à ses électeurs. Dès lors, je ne vois pas sur quel fondement nous pourrions mettre en place un système de contrôle de l’activité des uns et des autres. En revanche, nous devons nous efforcer d’améliorer la transparence en matière d’activité des députés, afin que les électeurs puissent être parfaitement informés sur ce point : chaque électeur doit ainsi être en mesure d’obtenir des renseignements précis sur la présence de son député à l’Assemblée et, plus généralement, sur son activité. Nous avons déjà fait quelques progrès dans ce domaine.

Par ailleurs, je constate que les dispositifs figurant aux articles 3 et 4 ne font aucune différence entre les députés et les ministres, dans le sens où il est proposé de leur appliquer les mêmes règles, ce qui paraît assez logique. Mais si le député n’a que des collaborateurs parlementaires, le ministre ne s’appuie pas seulement sur les membres de son cabinet : il dirige une administration et nomme des directeurs – même si, juridiquement, ceux-ci sont nommés par le Premier ministre, c’est lui qui les propose. Dès lors, à partir du moment où on veut faire un parallèle avec les députés, les règles applicables aux membres des cabinets des ministres doivent en toute logique s’imposer également à leurs directeurs d’administration centrale et à toutes les personnes placées directement sous leur autorité.

M. Didier Paris. Cet amendement nous confronte à une double obligation. La première, très claire, consiste à répondre à l’exigence de transparence de l’opinion publique. La seconde est de le faire sur la base de règles aussi objectives que possible – exigence à laquelle le I de l’amendement de la rapporteure répond parfaitement. Nous débattons de notions certes complexes – la vie de chacun n’est pas toujours simple à faire rentrer dans un texte de loi –, mais objectives en ce qu’elles peuvent être définies clairement. En l’occurrence, l’amendement propose de restreindre au premier cercle l’interdiction faite à un membre du Gouvernement d’employer un membre de sa famille à son cabinet.

Le II de l’amendement, applicable au second cercle, pose quant à lui une exigence de transparence, de nature un peu différente. Sa définition est nécessairement plus vague, peut-être un peu plus floue, ce qui nécessitera éventuellement de la ré-évoquer en séance publique. À cette réserve près, cet amendement me paraît globalement répondre à la fois aux exigences de l’opinion publique et au souci d’objectivité et de transparence qui est le nôtre.

Mme la rapporteure. Les différentes interventions sur l’amendement CL130 mettent en évidence la difficulté majeure qui survient lorsqu’on entreprend de sérier la famille en distinguant les personnes pouvant être employées par un membre du Gouvernement au sein de son cabinet de celles qui ne doivent pas l’être. Il me paraît en tout cas essentiel d’affirmer clairement qu’un parlementaire, un membre du Gouvernement ou d’une collectivité territoriale ne peut pas employer son épouse, ses parents ou ses enfants et les rémunérer sur des fonds publics.

Cela dit, la définition retenue par le Sénat du cercle familial, assortie d’une aussi lourde sanction pénale – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende –, me paraît beaucoup trop large. C’est la raison pour laquelle le II de mon amendement prévoit une obligation de déclaration, donc de transparence, pour les personnes faisant partie d’un cercle familial plus étendu : quand un membre du Gouvernement voudra embaucher son frère ou le fils de son ex-compagne, par exemple, il devra déclarer cette situation à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) afin d’éviter que l’embauche concernée puisse paraître dissimulée, et dès lors suspecte. Une autorité indépendante – la HATVP pour les membres du Gouvernement, l’organe chargé de la déontologie parlementaire, au sein de chaque assemblée – sera chargée de s’assurer que la situation n’est pas source de conflit d’intérêts, en vérifiant que le contrat de travail correspond à une prestation réellement effectuée, par une personne disposant des compétences pour occuper l’emploi qui lui est confié ; on peut même imaginer que cette instance vérifie que la rétribution accordée correspond au niveau de rémunération usuel d’un collaborateur de même ancienneté, employé pour la même fonction.

Je suis d’accord pour considérer que l’on ne peut éluder les questions relatives au statut du collaborateur parlementaire au sens large, et qu’il faut faire en sorte de bannir toutes les pratiques pouvant s’apparenter à du népotisme. Afin de répondre à toutes ces exigences, nous avions fait le choix d’un dispositif qui nous paraissait la fois plus souple et correspondant davantage aux situations pouvant se présenter dans la réalité.

J’entends vos remarques sur la difficulté de définir les personnes avec lesquelles on entretient un lien personnel direct ; je suis tout à fait disposée à supprimer ou préciser cette mention si vous la jugez susceptible de semer la confusion et poser des problèmes d’application.

Sous ces réserves, je maintiens que plus nous serons transparents, plus nous serons en mesure d’écarter la suspicion pouvant naître dans l’esprit de nos concitoyens devant certaines situations. Je ne suis pas opposée à ce que nous discutions des termes du II de l’amendement afin de tenter de trouver ensemble une rédaction convenant à tout le monde – nous avons le temps de le faire avant la séance publique – mais, dans l’immédiat, afin de ne pas en rester à la liste retenue par le Sénat, à la fois trop large et ne couvrant pas le champ des possibles – et en l’absence d’autre amendement proposant de modifier cette liste – je vous propose d’adopter l’amendement CL130, qui prévoit un dispositif répondant à nos préoccupations tout en paraissant réaliste en termes d’application.

M. Stéphane Mazars, président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement CL130, en rappelant que la rapporteure s’est déclarée ouverte à une discussion sur le II de cet amendement avant la séance publique – nous avons jusqu’à vendredi soir pour nous mettre d’accord sur ce point.

M. Raphaël Schellenberger. Ne vaudrait-il pas mieux adopter un sous-amendement, plutôt que de voter un amendement qui ne convient à personne ?

M. Stéphane Mazars, président. L’idée d’un bricolage autour d’une table ne me paraît pas satisfaisante. Vous avez jusqu’à vendredi soir pour déposer un amendement pour la séance.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé et les amendements CL119, CL74, CL120 et CL121 tombent.

 

Après l’article 3 et article 3 bis
(art. 8 bis A [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Conditions d’emplois des collaborateurs parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 bis résulte d’un amendement adopté par le Sénat, à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois après un avis de sagesse du Gouvernement. Il introduit dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires des dispositions générales sur les conditions d’emploi des collaborateurs parlementaires.

Il est ainsi précisé que :

– les parlementaires peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont les employeurs directs (I) ;

– ces derniers bénéficient à ce titre de crédits affectés à la rémunération de leurs collaborateurs (II) ;

– le bureau de chaque assemblée s’assure de la mise en œuvre d’un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et les représentants des collaborateurs parlementaires (III).

Dernières modifications intervenues

La résolution n° 437 du 28 novembre 2014 a introduit dans le Règlement de l’Assemblée nationale un nouvel article 18 prévoyant déjà les dispositions mentionnées aux I et II du présent article. Dans sa décision n° 2014-705 du 11 décembre 2014, le Conseil constitutionnel avait toutefois censuré l’introduction d’un « statut » des collaborateurs au sein du Règlement (proposé par le III du présent article) au motif que ces dispositions « ne sont relatives ni à l’organisation ou au fonctionnement de l’Assemblée nationale, ni à la procédure législative, ni au contrôle de l’action du Gouvernement, et ne sont pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans le règlement de l’Assemblée nationale ».

L’article 102 bis du Règlement du Sénat modifié par une résolution du 13 mai 2015 prévoit également les dispositions mises en œuvre par les I et II du présent article.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de Mmes Paula Forteza et Naïma Moutchou et de l’ensemble des membres du groupe La République en marche, la Commission a adopté un amendement, sous amendé par la rapporteure, qui :

– consacre l’instauration d’un « statut » des collaborateurs parlementaires en confiant au bureau de chacune des deux assemblées la mise en place d’un cadre d’emplois et la définition des missions. Ce statut pourra être défini à travers le dialogue social prévu par l’article 3 bis ;

– introduit l’obligation pour les parlementaires de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs dans des conditions à définir dans le cadre du dialogue social.

Adopté en séance publique, au Sénat, à l’initiative du rapporteur, M. Philippe Bas, après un avis de sagesse du Gouvernement, l’article 3 bis du projet de loi introduit dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires des dispositions générales sur les conditions d’emploi des collaborateurs parlementaires. Les I et II du présent article reprennent des dispositions figurant déjà dans les règlements des deux assemblées. Le III reprend au sein de l’ordonnance du 17 novembre 1958 une disposition que les députés avaient souhaité inscrire dans leur règlement mais qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’entrait pas dans le champ du règlement d’une assemblée parlementaire.

I.   le droit en vigueur

La reconnaissance juridique du rôle des collaborateurs au sein des assemblées parlementaires françaises est récente.

À l’Assemblée nationale, elle résulte de la résolution n° 437 du 28 novembre 2014 adoptée à l’initiative du Président Claude Bartolone ([78]), laquelle a été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel. Le Sénat a repris les mêmes dispositions à l’article 102 bis de son règlement par une résolution du 13 mai 2015.

L’article 4 de la résolution de l’Assemblée nationale transmise au Conseil constitutionnel modifiait l’article 15 du règlement relatif au pouvoir des questeurs en y insérant un nouveau deuxième alinéa qui habilitait les questeurs à « déterminer et mettre en œuvre les conditions du dialogue social et de la négociation d’un statut des collaborateurs parlementaires avec les organisations de ceux-ci ».

L’article 5 de cette résolution modifiait l’article 18 du même règlement relatif aux services de l’Assemblée nationale en y insérant un nouveau second alinéa ainsi rédigé́ : « Les députés peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs parlementaires, qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont les seuls employeurs. Ils bénéficient à cet effet d’un crédit affecté à la rémunération de leurs collaborateurs. Ces collaborateurs bénéficient d’un statut, négocié́ avec les organisations de collaborateurs, dans les conditions fixées par les questeurs ».

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 1er décembre 2014, en application de l’article 61, alinéa 1er, de la Constitution, de cette résolution. Considérant que les dispositions de l’article 4 et la dernière phrase de l’article 5 « ne sont relatives ni à l’organisation ou au fonctionnement de l’Assemblée nationale, ni à la procédure législative, ni au contrôle de l’action du Gouvernement, [le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions] ne sont pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans le règlement de l’Assemblée nationale ; que, par suite, l’article 4 et la dernière phrase insérée dans l’article 18 du règlement par l’article 5 de la résolution doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que le surplus de l’article 5 n’est pas contraire à la Constitution » ([79]).

Dans le commentaire de cette décision publié aux Cahiers du Conseil constitutionnel est citée la fiche de synthèse n° 82 de l’Assemblée nationale relative aux collaborateurs de députés dans laquelle il est rappelé que ([80]) : « Le principe de base est celui du député-employeur : le collaborateur est le salarié du député, non celui de l’Assemblée nationale. De ce principe, dont la portée a été renforcée en 2002 par la possibilité offerte aux députés de gérer directement leur crédit collaborateur, découle l’ensemble des règles et dispositifs qui organisent la relation du député avec son ou ses collaborateurs :

 le député a la qualité d’employeur : il recrute librement ses collaborateurs, licencie, fixe les conditions de travail et le salaire de son personnel, dans le respect des dispositions du code du travail ;

 les collaborateurs sont recrutés sur la base d’un contrat de travail de droit privé. En règle générale, il s’agit de contrats de travail à durée indéterminée, mais le député peut recruter des collaborateurs sur la base de contrats à durée déterminée (dans les conditions fixées par le code du travail) ou conclure des contrats spécifiques lorsqu’un fonctionnaire est détaché auprès de lui en application des lois portant statut des fonctionnaires. Le contrat à durée indéterminée perdure en cas de réélection du député employeur ; en revanche, il est rompu lors de la fin de mandat du député ou en cas de dissolution ;

 des contrats types, dont les clauses sont approuvées par les questeurs, sont mis à la disposition des députés par le service de la gestion financière et sociale. Ils comportent deux stipulations directement liées au mode de gestion du crédit collaborateur : la première, relative à l’objet du contrat, dispose que « le député-employeur, agissant pour son compte personnel, engage le salarié qui lui est juridiquement et directement subordonné et a toute sa confiance, pour l’assister à l’occasion de l’exercice de son mandat parlementaire » ; la seconde précise que « la cessation, pour quelque cause que ce soit, du mandat du député-employeur constitue une juste cause de rupture du contrat ».

En cas de différend entre le député-employeur et son collaborateur, le conseil des prud’hommes est seul compétent – comme pour tout litige opposant un salarié et son employeur au sein d’une entreprise privée ».

Il est également rappelé que le principe du député́-employeur a été confirmé par la Cour de cassation qui a jugé, dans un arrêt du 18 février 2004, qu’« il n’existe aucune unité de direction sur les collaborateurs parlementaires » et que « les députés composant l’Assemblée nationale ne constituent pas une unité́ économique et sociale » ([81]).

Il est fait référence, enfin, à l’ouvrage de MM. Pierre Avril, Jean et Jean-Eric Gicquel selon lequel l’objet des règlements des assemblées est : « d’organiser le fonctionnement interne des assemblées, les procédures suivies dans leurs délibérations et la discipline de leurs membres... Ce sont des règles juridiques dont les autorités de l’assemblée assurent l’application » ([82]).

La conclusion de ce commentaire est que les règles du droit du travail applicables aux collaborateurs des députés, liés à ces derniers par des contrats de droit de privé, ne relèvent pas du domaine du règlement des assemblées.

II.   la réforme proposée

1.   Le texte adopté par le Sénat

Le présent article additionnel, résultant de l’adoption d’un amendement du rapporteur au Sénat, M. Philippe Bas, en séance publique après un avis de sagesse du Gouvernement propose :

 d’inscrire, dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les dispositions figurant déjà à l’article 18 du règlement de l’Assemblée nationale et à l’article 102 bis du règlement du Sénat (I et II) selon lesquelles les parlementaires « peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont les employeurs directs. Ils bénéficient à cet effet d’un crédit affecté à la rémunération de leurs collaborateurs ». Ces dispositions, déjà en vigueur, n’appellent pas de commentaire sur le fond, même s’il est possible de s’interroger sur l’opportunité de « remonter » au niveau législatif des dispositions figurant dans les règlements des assemblées. On peut considérer que ce choix revêt une valeur symbolique à l’égard des collaborateurs parlementaires dont le rôle est essentiel et mérite d’être souligné ;

 de consacrer au niveau législatif la mise en place d’un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et les représentants des collaborateurs parlementaires (III), cette disposition, en revanche, ne trouvant pas sa place dans les règlements des assemblées.

Ce point est plus important. Il s’inscrit dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel du 11 décembre 2014 précitée, en vertu de laquelle les règles du droit du travail des collaborateurs parlementaires doivent figurer dans la loi. Surtout, il consacre la nécessité d’instaurer un dialogue social entre les représentants des députés ou sénateurs employeurs et les représentants des collaborateurs parlementaires, lequel n’est apparu que récemment à l’Assemblée nationale.

En effet, les organisations syndicales et associations de collaborateurs parlementaires réclament depuis longtemps l’institution d’un « statut » des collaborateurs, idéalement sous la forme d’une convention collective afin de sécuriser leur relation de travail avec les députés.

Sous la dernière législature, cette préoccupation a été prise en compte par les questeurs de l’Assemblée nationale qui ont engagé des négociations avec les représentants des collaborateurs. Ces négociations ont abouti à l’amélioration de la situation des collaborateurs grâce à diverses mesures ([83]).

Néanmoins, la question de la négociation d’un statut ou d’une convention collective entre les collaborateurs parlementaires et les députés, compte tenu de la nature particulière du député-employeur, restait complexe. Le collège des questeurs de l’Assemblée nationale a donc confié à deux avocats la réalisation d’une étude juridique sur l’ensemble de ces questions. Leur rapport a été présenté en juin 2015 et recommandait plusieurs scénarii, en particulier la conclusion d’un accord collectif inter-employeurs – qui aurait été négocié par une structure associative mais signé ensuite par chaque député, des représentants des salariés étant désignés dans le cadre d’élections ad hoc définies par voie législative.

Les réflexions se sont poursuivies tout au long de l’année 2015 afin de répondre aux préoccupations des collaborateurs, notamment sur la question du temps de travail, en dégageant une option permettant de recueillir l’assentiment des différents groupes politiques.

Finalement, un consensus a été trouvé le 9 février 2016 pour négocier un accord de branche grâce à la création d’une association de députés-employeurs de l’Assemblée nationale, habilitée à mandater le collège des questeurs pour négocier avec les organisations syndicales de salariés qui bénéficiaient d’une présomption de représentativité jusqu’en 2017 (du fait de leur affiliation à un syndicat lui-même représentatif au plan national et interprofessionnel, en vertu du système légal transitoire prévu au niveau des branches professionnelles). Ce système a permis d’éviter de passer par une mesure législative comme le proposait le rapport des avocats.

L’assemblée constitutive de l’« Association des députés-employeurs pour la négociation collective concernant les collaborateurs de députés », ayant pour but exclusif « la négociation et la conclusion d’accords collectifs de travail », s’est tenue le 27 avril 2016. L’association a déposé ses statuts à la préfecture de police deux jours plus tard (en avril 2017, 80 % des députés y adhéraient). Le conseil d’administration, composé des questeurs, membres de droit, ainsi que d’un député par groupe parlementaire, a compétence pour toute décision relative à la négociation ou la conclusion d’un accord collectif – après consultation de l’assemblée générale s’agissant des décisions de conclusion, de révision ou de dénonciation de l’accord.

Le premier accord collectif signé entre l’association des députés-employeurs de l’Assemblée nationale et trois organisations syndicales de collaborateurs de députés (CFDT, CFTC, SNCP-FO) est entré en vigueur le 1er mars 2017. Il comporte plusieurs mesures (introduction d’un dispositif de forfait en jours, rétablissement d’une indemnité destinée à compenser la précarité afférente à la rupture du contrat des collaborateurs en raison de la fin du mandat, consécration de régimes indemnitaires et sociaux existants favorables aux collaborateurs, demande expresse auprès du ministère du travail pour garantir la représentativité des syndicats de collaborateurs après 2017, réunions de suivi de la mise en œuvre de l’accord). Cet accord collectif reste en vigueur sous la nouvelle législature, les députés adhérents réélus continuant de l’appliquer et les nouveaux députés pouvant adhérer à l’association.

L’existence d’un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et ceux des collaborateurs parlementaires ne fait donc plus débat à l’Assemblée nationale depuis 2016. Le III du présent article a néanmoins le mérite d’encadrer sa mise en œuvre au niveau législatif en confiant cette mission au bureau de chacune des deux assemblées.

2.   La consécration d’un statut des collaborateurs parlementaires par la commission des Lois

À l’initiative de Mmes Paula Forteza et Naïma Moutchou et de l’ensemble des membres du groupe La République en marche, la Commission a adopté un amendement, sous-amendé par votre rapporteure, complétant l’article 3 bis par deux alinéas.

D’une part, votre Commission a souhaité consacrer l’instauration d’un « statut » des collaborateurs parlementaires en confiant au bureau de chacune des deux assemblées la mise en place d’un cadre d’emplois et la définition des missions. Ce statut pourra être défini à travers le dialogue social prévu par l’article 3 bis et conduire à l’élaboration de fiches de poste, à la définition des compétences requises des collaborateurs parlementaires…

D’autre part, votre Commission a précisé que les parlementaires sont tenus de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs. L’objectif visé est de protéger tant les collaborateurs que les parlementaires en cas d’accusation d’emploi fictif ou abusif dès lors qu’ils auront les moyens de démontrer la réalité du travail effectué.

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La Commission examine l’amendement CL8 de M. Philippe Gomès, qui fait l’objet d’une présentation commune avec les quatre amendements à l’article 3 bis : l’amendement CL71 de Mme Paula Forteza, qui fait l’objet d’un sous-amendement CL199 de la rapporteure, l’amendement CL47 de Mme Danièle Obono, l’amendement CL131 de la rapporteure et l’amendement CL91 de M. Xavier Breton.

M. Philippe Gomès. L’amendement CL8 vise à introduire la possibilité de créer un statut de la profession de collaborateur parlementaire en précisant les conditions de la création d’un tel statut au sein de notre assemblée, conformément aux dispositions du code du travail relatives au dialogue social entre les représentants des employeurs et des salariés.

Mme Paula Forteza. L’amendement CL71 a pour objet d’inscrire le statut de collaborateur parlementaire dans l’ordonnance régissant le fonctionnement des assemblées parlementaires, avec le double objectif d’offrir de meilleures conditions de travail aux collaborateurs parlementaires, sur qui repose une grande partie du travail parlementaire, et de permettre un contrôle de leurs compétences grâce à l’établissement de fiches de postes.

Mme la rapporteure. Le sous-amendement CL199 vise à consacrer l’instauration d’un statut des collaborateurs parlementaires à travers la mise en place d’un cadre d’emplois des collaborateurs parlementaires et la définition de leurs missions, conformément à l’objectif poursuivi par l’amendement.

Pour ce faire, ce sous-amendement procède à trois modifications. Il supprime l’alinéa 3 de l’amendement CL71, qui présente des difficultés légistiques et juridiques : la première phrase reprend le sens de l’alinéa 1er de l’article 3 bis – qui n’est pas modifié, de sorte qu’il y a une répétition malvenue ; la troisième phrase répète le droit en vigueur, puisque le contentieux du droit du travail des collaborateurs parlementaires relève déjà exclusivement des prud’hommes, ce qui est le droit commun ; enfin, le régime de retraite des collaborateurs relève du régime général de droit commun, et il n’y a pas de raison d’instaurer un régime de retraite spécial.

L’alinéa 3 est remplacé par une disposition précisant que les parlementaires sont tenus de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs afin de prémunir les collaborateurs et les députés contre toute accusation d’emplois fictifs dès lors qu’ils seront en mesure de présenter des justifications. Cela supposera notamment d’établir des fiches de postes, dont le contenu pourra être négocié dans le cadre du dialogue social.

M. Ugo Bernalicis. L’amendement CL47 procède du même état d’esprit, mais il va un peu plus loin dans le détail de la définition du statut des collaborateurs parlementaires, en précisant dans son II que le statut devra déterminer les compétences requises, les salaires minima, les modalités d’organisation du temps de travail, la santé au travail, la formation professionnelle et les règles relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, nous proposons que ces différents aspects soient négociés dans le cadre d’une convention collective : même si, malheureusement, nous évoquons des dispositions dont personne ne sait ce qu’elles vont devenir une fois que les ordonnances sur le droit du travail auront été prises par le Gouvernement, il nous paraît nécessaire d’aller dans le sens d’un renforcement de la convention collective, afin d’éviter que la négociation et le dialogue de gré à gré entre le député et son collaborateur puissent déroger à la convention collective.

M. Raphaël Schellenberger. Si j’entends la nécessité de répondre à la préoccupation de nos concitoyens de s’assurer que les collaborateurs d’élus occupent des emplois réels, je ne suis pas convaincu pour autant de l’intérêt d’inscrire dans la loi que les parlementaires sont tenus de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs. Nous devons en effet veiller à ne pas dévoyer et ridiculiser les travaux de notre Commission en intégrant au texte qui nous est soumis des notions – notamment celle d’emploi fictif – qui n’ont pas vocation à y figurer, et contribueraient par leur présence à une inflation normative qu’il nous a été demandé de limiter. Si je suis tout à fait d’accord pour confier aux bureaux des assemblées le soin de créer un statut des collaborateurs de parlementaires, un tel degré de précision ne me semble pas relever du domaine de la loi.

Mme la rapporteure. Il y a unanimité pour considérer que nous devons avancer sur le statut des collaborateurs parlementaires, à qui incombe une tâche lourde et complexe, et qui sont soumis à de fortes pressions. Dans le cadre de nos auditions, nous avons rencontré de nombreuses associations de collaborateurs de parlementaires, et avons tenu compte de leurs observations pour rédiger l’amendement CL71 et le sous-amendement CL199. Nous pensons qu’il ne faut pas aller aussi loin dans la loi que le proposent les membres du groupe de la France insoumise dans leur amendement CL47, en fixant de façon trop précise le cadre des négociations à venir avec les collaborateurs parlementaires, mais je suis heureuse que nous nous retrouvions sur le principe. Il nous semble suffisant de prévoir qu’il reviendra aux parlementaires de contrôler l’exécution des tâches confiées à leurs collaborateurs, en laissant aux bureaux des assemblées le soin de préciser, dans le cadre du dialogue social, les différents éléments ayant vocation à entrer dans la définition du statut des collaborateurs – énumérés dans le cadre de l’amendement CL47.

L’amendement CL8 est retiré, de même que l’amendement CL131 de la rapporteure à l’article 3 bis.

La Commission adopte le sous-amendement CL199.

Puis elle adopte l’amendement CL71 sous-amendé.

En conséquence, l’article 3 bis est ainsi rédigé et les amendements CL47 et CL91 tombent.

Article 3 ter (supprimé)
(art. 9 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l’État, art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale et art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires de la fonction publique hospitalière)
Accès des collaborateurs parlementaires aux concours internes des trois versants de la fonction publique

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 ter résulte d’un amendement adopté par le Sénat à l’initiative des groupes communiste, républicain et citoyen et du groupe centriste, avec un avis favorable de la commission des Lois et de sagesse du Gouvernement.

Il introduit la possibilité pour les collaborateurs parlementaires d’être recrutés dans la fonction publique par la voie des concours internes ouverts aux agents publics pouvant justifier d’une durée minimale d’exercice, validant une expérience professionnelle. Cette voie d’accès au concours interne concernerait la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Dernières modifications législatives intervenues

Actuellement, les collaborateurs parlementaires peuvent accéder aux trois versants de la fonction publique par la voie du troisième concours dans les conditions prévues au 3° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l’Etat, de l’article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale et de l’article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires de la fonction publique hospitalière.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a supprimé cet article.

Le présent article propose d’ouvrir la possibilité aux collaborateurs parlementaires, contractuels de droit privé, d’accéder aux trois versants de la fonction publique par la voie du concours interne, actuellement réservée aux seuls agents publics, étant précisé qu’ils peuvent déjà y accéder par la voie du troisième concours ouvert aux agents du secteur privé, aux élus et aux personnes employés dans le secteur associatif.

 

I.   Le droit en vigueur

Il existe trois possibilités en France pour devenir fonctionnaire au sein de la fonction publique de l’État ([84]), de la fonction publique territoriale ([85]) et de la fonction publique hospitalière ([86]) :

– le concours externe ouvert aux candidats justifiant de certains diplômes ou ayant accompli certaines études ;

– le concours interne réservé aux fonctionnaires de l’État, aux militaires et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents contractuels de droit public ainsi qu’aux candidats qui justifient d’une durée de services dans une administration, un organisme ou un établissement d’un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’espace économique européen dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires de l’État français exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l’un de ces États une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l’accès aux corps considérés ;

– le troisième concours ouvert aux candidats justifiant de l’exercice, pendant une durée déterminée, d’une ou de plusieurs activités professionnelles, quelle qu’en soit la nature, d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable, y compris bénévole, d’une association. 

Les collaborateurs parlementaires, qui sont employés directement par les parlementaires dans le cadre d’un contrat de droit privé, entrent dans la catégorie des « candidats justifiant de l’exercice, pendant une durée déterminée, d’une ou de plusieurs activités professionnelles, quelle qu’en soit la nature » et peuvent donc accéder aux trois versants de la fonction publique par la voie du troisième concours ou du concours externe s’ils disposent des diplômes ou des niveaux d’études requis.

II.   La réforme proposée

Le présent article propose de permettre aux collaborateurs parlementaires de devenir fonctionnaires par la voie des concours internes dans les trois versants de la fonction publique.

Deux points méritent d’être soulignés.

Tout d’abord, on peut s’interroger sur le caractère suffisant du lien de cet article additionnel avec le projet de loi présenté par le Gouvernement : il existe un risque de censure au titre des cavaliers législatifs si le Conseil constitutionnel est saisi du présent projet de loi.

Par ailleurs, les auteurs de cet article additionnel le justifient par la situation particulière dans laquelle se trouvent les collaborateurs parlementaires : employés directement par les députés sous contrat de droit privé, ils soulignent qu’« ils sont rémunérés au moyen de fonds issus de deniers publics. Ils assistent les parlementaires dans l’accomplissement de leurs fonctions de législation, d’évaluation et de contrôle, fonctions qui sont toutes énumérées par la Constitution. Ils concourent, par leur action, à permettre aux élus nationaux de faire vivre le principe, lui aussi constitutionnel, du pluralisme. Enfin, ils sont employés, soit directement par des élus, soit par des associations composées exclusivement d’élus, c’est-à-dire des employeurs dont l’activité est exclusive de tout intérêt économique ou commercial. Ils devraient donc pouvoir bénéficier d’un régime de droit public assimilable à celui d’un fonctionnaire » ([87]). Un autre argument avancé au cours des débats est que les collaborateurs de cabinet des ministres ou des autorités territoriales sont recrutés comme agents publics non contractuels et peuvent donc, s’ils remplissent les conditions d’ancienneté, accéder aux trois versants de la fonction publique par la voie du concours interne.

Toutefois, le dispositif proposé crée une situation plus favorable aux collaborateurs parlementaires qu’aux autres candidats aux concours de la fonction publique. On peut douter, en conséquence de sa compatibilité avec le principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics.

Le Conseil constitutionnel considère de façon constante que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » ([88]).  

Or, en l’espèce, les collaborateurs parlementaires seront, parmi les candidats susceptibles de se présenter au troisième concours, les seuls à pouvoir se présenter en même temps, pour accéder au même poste, aux trois voies de concours d’accès à la fonction publique.

À l’initiative du Gouvernement, la Commission a donc supprimé cet article.

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La Commission est saisie de l’amendement CL122 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. L’amendement CL122 a pour objet de supprimer l’article 3 ter, qui vise à ouvrir le bénéfice du concours interne de la fonction publique aux collaborateurs parlementaires.

Cette disposition n’a pas de rapport direct avec le projet de loi. Elle rompt l’équilibre entre les trois voies d’accès aux concours de la fonction publique, à savoir le concours externe pour tous, à condition d’être titulaire des diplômes requis ; le concours interne pour les agents contractuels ou fonctionnaires de la fonction publique et pour les militaires ; enfin, le troisième concours pour tous les salariés de droit privé, les élus locaux et les personnes travaillant dans le secteur associatif.

En permettant aux collaborateurs de passer aussi bien le concours interne que le concours externe et le troisième concours, la disposition votée par le Sénat crée une rupture d’égalité entre les candidats.

M. Marc Le Fur. Un fonctionnaire peut aussi passer le troisième concours grâce à son activité associative. Certes, ce serait une première d’ouvrir la possibilité de passer un concours interne à quelqu’un qui n’est membre d’aucune des trois fonctions publiques, mais je voudrais mettre en exergue ce qu’ont vécu des centaines de collaborateurs de députés battus : le renouvellement de l’Assemblée a laissé entre 1 100 et 1 200 collaborateurs sans perspective. Il ne me semble pas illégitime, y compris sur le plan social, d’anticiper ce type de difficultés, mais également d’inciter des jeunes de qualité à venir vers nous en leur ouvrant d’autres perspectives : la fonction de collaborateur parlementaire n’est pas une vie pour l’éternité. C’est une expérience enrichissante, pour l’employeur comme pour le collaborateur ; ce pourrait être demain un enrichissement pour les administrations également si on permettait à ces collaborateurs de passer les concours internes. En tout cas, la question est pertinente.

M. Arnaud Viala. Le Sénat a cherché par cette disposition à travailler sur le statut des collaborateurs. Vous n’en voulez pas. Du coup, la seule disposition en tout et pour tout que la commission des Lois de l’Assemblée nationale adoptera en leur faveur aura été d’obliger leurs députés employeurs à vérifier qu’ils travaillent ou pas ! Voilà la seule contrainte que nous nous serons infligée, après quinze jours à discuter de la réforme, particulièrement complexe, du code du travail ! Et qui plus est, sur proposition de la rapporteure ! Qu’en penseront les Français ? Franchement, les bras m’en tombent !

Mme Émilie Chalas. Il serait dépourvu de sens d’ouvrir aux collaborateurs la possibilité de se présenter à des concours internes ; ce serait créer un précédent dont nombre d’autres filières, se prévalant de leur expérience – car c’est cela que le Sénat entend valoriser –, se saisiront aussitôt pour entrer dans la fonction publique. Ce serait une erreur stratégique. Les collaborateurs parlementaires, forts de l’expérience qu’ils auront acquise à nos côtés, pourront accéder à bien d’autres carrières par la suite sans user de ce privilège d’accès très contestable – et qui sera à coup sûr très contesté à l’avenir.

M. Olivier Dussopt. Je partage l’avis de notre collègue Marc Le Fur : d’autres catégories de personnes peuvent déjà accéder aux trois concours, de manière simultanée ou presque. Il ne s’agit pas d’accorder à nos collaborateurs un privilège, à moins que nous considérions que la voie d’accession par le concours interne est plus facile et donc moins valorisante. Ne parlons donc pas de privilège, mais de précédent. La précarité des fonctions de celles et ceux qui nous accompagnent au quotidien justifie que nous leur offrions cette opportunité.

Mme Isabelle Florennes. Nous sommes favorables au texte du Sénat. Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, il me semble important d’ouvrir ces passerelles. Peut-être pourrait-on seulement envisager une durée minimale d’occupation de la fonction de collaborateur ?

M. Marc Le Fur. C’est la règle de droit commun : cinq ans.

Mme Isabelle Florennes. Si une durée minimale de droit commun de cinq ans s’applique, nous sommes opposés à la suppression du texte du Sénat.

M. Éric Poulliat. Sans parler de privilège, il me semble que ce serait tout de même un non-sens d’ouvrir le concours interne aux anciens collaborateurs, alors que le troisième concours est précisément destiné à ceux qui n’ont jamais exercé dans la fonction publique.

M. Cédric Roussel. La précarité subie par les collaborateurs justifie à mes yeux l’ouverture à eux des concours internes eu égard à leur précarité, d’autant qu’ils la subissent par vagues : ils se retrouvent nombreux à être lâchés brutalement sur le marché du travail à intervalles réguliers. Ajoutons que les missions qu’ils exercent auprès des parlementaires et au sein des assemblées sont aussi des missions d’intérêt général ; à ce titre, ils pourraient bénéficier de ce droit.

M. Raphaël Schellenberger. Les modalités d’accès à la fonction publique – en tout cas la fonction publique territoriale ou d’État, je connais moins bien la fonction publique hospitalière – permettent déjà à des gens de devenir fonctionnaire sans avoir jamais passé de concours. Il ne me paraît pas si scandaleux d’offrir une opportunité supplémentaire à ceux qui auront été pendant cinq ans nos collaborateurs. La leur refuser, c’est aussi mépriser l’expérience qu’ils auront acquise en travaillant à nos côtés à l’élaboration des politiques publiques.

Mme la rapporteure. Nous ne méprisons certes pas cette expérience, mais la voie du troisième concours leur est d’ores déjà ouverte, comme à toute personne ayant travaillé dans le secteur privé. Je ne peux pas laisser dire qu’un grand nombre de gens sont autorisés à se présenter aux trois de concours : ce n’est pas exact. Quand un fonctionnaire se présente au troisième concours, c’est parce qu’il est par ailleurs un élu, par exemple, et c’est en cette qualité qu’il est autorisé à y postuler. Les mots ont un sens.

Ouvrir les concours internes à des salariés de droit privé serait extrêmement dangereux. Demain, ce seront les collaborateurs parlementaires, après-demain, les avocats collaborateurs… Et qui après après-demain ? Pour toutes ces catégories de salariés, il y a la voie du troisième concours, où ils peuvent faire valoir leur compétence, leur expérience et la qualité de leur travail. Nous ne leur fermons pas la voie de la fonction publique.

M. Raphaël Schellenberger. Tout à l’heure on nous disait qu’embaucher comme collaborateurs des membres de sa famille c’était du népotisme, voilà qu’on nous oppose maintenant que ce sont des salariés de droit privé !

Mme la rapporteure. Précisément, ce sont des salariés de droit privé.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 ter est supprimé.

Article 4
(art. 8 bis [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)
Interdiction de l’emploi de membres de la famille des parlementaires – conséquences juridiques et financières

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 interdit à un parlementaire de compter au sein de son cabinet des membres de sa famille (conjoint, pacsé ou concubin / parents, enfants, frères et sœurs / grands parents, petits-enfants et enfants de ses frères et sœurs) ou de sa belle-famille (parents, enfants, frères et sœurs de son conjoint, pacsé ou concubin / conjoint, pacsé ou concubin des parents, enfants, frères et sœurs) à travers :

– la création d’un nouveau délit conduisant à une peine de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende en cas de violation de cette interdiction ;

– l’illégalité de l’acte de nomination et la cessation de plein droit du contrat de travail ;

– l’obligation, pour le parlementaire ou l’autorité territoriale, de rembourser les sommes versées au membre de sa famille comme collaborateur de cabinet (interdiction d’obtenir restitution de la part du collaborateur).

Il prévoit également l’obligation, pour le collaborateur parlementaire, de déclarer ses liens familiaux auprès du bureau de chaque assemblée lorsqu’il a un lien familial avec un autre parlementaire.

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition légale ne limite la liberté de recrutement des parlementaires.

Modifications apportées au Sénat

À l’initiative de son rapporteur en commission des Lois, le Sénat a renvoyé au bureau (et non pas au règlement) des assemblées le soin de déterminer les modalités de remboursement des sommes versées à un collaborateur familial ainsi que les déclarations d’emplois familiaux croisés. Il a également rendu ces déclarations accessibles au public.

Après avoir voté la suppression du présent article en séance publique, le Sénat a rétablit cet article en seconde délibération sous réserve de la prise en considération d’un amendement de M. Bonhomme qui a interdit à un parlementaire d’employer comme collaborateur parlementaire son remplaçant et les personnes élues sur la même liste que lui, sous peine des mêmes sanctions et d’un amendement de M. Richard qui a prévu que le bureau de chaque assemblée puisse rendre accessible au public l’information sur les emplois croisés.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille sous peine de sanctions pénales et financières au conjoint, enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint.

À l’image du dispositif retenu par le Sénat pour les « emplois croisés », elle a introduit un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle un député ou un sénateur entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer au bureau et à l’organe parlementaire chargé de la déontologie dans l’assemblée à laquelle il appartient. L’organe parlementaire chargé de la déontologie pourra, s’il constate que cet emploi caractérise un manquement aux obligations déontologiques du parlementaire, lui enjoindre d’y mettre fin. L’injonction est rendue publique.

Enfin, elle a étendu le dispositif de contrôle des emplois croisés à l’hypothèse dans laquelle le collaborateur parlementaire entretient un lien personnel direct avec un autre parlementaire et confié à l’organe parlementaire chargé de la déontologie dans chaque assemblée une mission de contrôle assortie d’un pouvoir d’injonction pour mettre fin à tout manquement déontologique.

Miroir de l’article 3 applicable aux membres du Gouvernement, le présent article décline, pour les parlementaires, l’interdiction de recruter des collaborateurs au sein de son cercle familial, à laquelle s’ajoute l’interdiction de recruter son suppléant et les personnes élues sur la même liste que lui, sous peine de sanctions pénales et financières (I). Il décline aussi l’obligation, pour un collaborateur parlementaire, de déclarer ses liens familiaux avec un autre parlementaire auprès de son parlementaire-employeur et du bureau de l’assemblée dans laquelle il travaille, lequel peut rendre accessible au public cette information (II). Il introduit, pour ce faire, un nouvel article 8 bis dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Le dispositif proposé poursuit le même objet : lutter contre le népotisme en politique. Il soulève les mêmes questions ([89]).

I.   Le droit en vigueur

Les parlementaires peuvent recruter toute personne de leur choix pour les assister dans l’exercice de leurs fonctions.

Aucune exigence de qualification professionnelle n’est exigée à l’Assemblée nationale pour être collaborateur parlementaire. Au Sénat le collaborateur doit être titulaire du baccalauréat ou disposer de quinze années d’expérience professionnelle.

Dans les deux assemblées, leurs tâches sont définies par le parlementaire, seul à pouvoir contrôler l’effectivité de leur travail. En effet, les collaborateurs sont employés directement par les parlementaires dans le cadre d’un contrat de droit privé au sens du code du travail. Ils sont soumis aux règles complémentaires fixées par le bureau et le conseil de questure de chaque assemblée.

Les parlementaires bénéficient d’un crédit affecté à la rémunération de leurs collaborateurs relevant du budget de chacune des assemblées, conformément aux dispositions de leur règlement intérieur ([90]). Depuis 2002, les députés peuvent choisir de gérer directement ce crédit ou confier un mandat de gestion « déléguée » à l’Assemblée nationale. Dans ce cas, le service de la gestion financière et sociale impute, sur les instructions de chaque député, les rémunérations des collaborateurs et effectue, pour le compte du député, les actes de gestion tels que l’établissement des bulletins de paye, le paiement des salaires et des charges y afférant, l’élaboration et la transmission aux organismes compétents des déclarations sociales et fiscales. Il n’exerce, à ce titre, qu’une fonction de prestataire de services. Au Sénat, l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS) s’occupe de la gestion administrative, salariale et sociale des collaborateurs.

Il ressort des réponses à un questionnaire adressé par l’Assemblée nationale au réseau d’information du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires en mars 2017 qu’un tel régime est courant : tel est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni, en Autriche, en République tchèque, en Lituanie, en Suisse, aux États-Unis, au Canada ou au Québec, par exemple ([91]).

Toutefois, dans certaines chambres, ce sont les groupes politiques qui disposent d’une allocation, proportionnelle à leur effectif, pour recruter des collaborateurs qu’ils mettent en partie à disposition de leurs membres. C’est le cas au Congrès espagnol ou au Parlement norvégien (le Storting). Le Parlement finlandais (l’Eduskunta) prévoit un système alternatif : le parlementaire bénéficie soit d’un collaborateur personnel, employé et payé directement par le Parlement, mais recruté sur sa proposition, soit d’un collaborateur partagé avec un autre parlementaire, recruté par son groupe. La Chambre des représentants belge a mis en place un système mixte : les groupes bénéficient de collaborateurs qu’ils choisissent et qui sont employés directement par la Chambre, et chaque représentant dispose par ailleurs d’un collaborateur qu’il recrute.

Au Parlement européen, les députés peuvent aussi recruter deux catégories de collaborateurs : des « assistants accrédités » qui sont juridiquement employés directement par le Parlement européen et qui travaillent dans ses locaux ; des assistants locaux qui sont employés dans un des États membres de l’Union européenne et disposent d’un contrat de travail ou de prestations de services, directement conclu avec le député, selon le droit national. Les assistants accrédités sont des contractuels de droit public et sont soumis à une partie des dispositions applicables aux fonctionnaires du Parlement tandis que les assistants locaux relèvent du droit privé avec des conditions d’emploi moins encadrées.

S’agissant plus précisément de la possibilité de recruter ou non des membres de sa famille, les règles divergent entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ainsi, un député peut librement recruter un ou plusieurs membres de sa famille, la seule limite étant que le salaire brut du collaborateur conjoint, pacsé, ascendant ou descendant est limité à la moitié du crédit collaborateur (9 618 euros brut par mois en gestion déléguée ou 14 487 euros brut par mois en gestion directe). À la veille du changement de législature, 14,21 % des députés employaient un membre de leur famille. Le passage à la XVe législature a entrainé la rupture de 83 contrats familiaux au sens du présent article. Subsistent 28 contrats familiaux au 1er juillet 2017 sorte que 5,2 % des députés continuent d’employer un membre de leur famille.

En revanche, un sénateur ne peut recruter qu’un seul membre de sa famille, définie comme « le conjoint, les ascendants, les descendants et les conjoints de ceux-ci », son salaire brut étant limité au tiers du crédit collaborateur (soit 2 546,31 euros par mois), éventuellement majoré de 25 % si ce collaborateur dispose d’un domicile fiscal différent du sénateur avec lequel il a un lien familial. Au 31 décembre 2016, l’on comptait 90 contrats familiaux au sens du présent article.

Dans les deux chambres, la liste des collaborateurs parlementaires employés par chaque député et sénateur est publiée sur une page dédiée de leur site internet ([92]).

Cette situation peut être comparée aux règles applicables dans les 25 parlements étrangers ayant répondu au questionnaire précité de l’Assemblée nationale :

– 11 chambres autorisent le recrutement des membres de la famille sans restriction légale ou règlementaire (Pays-Bas, Espagne, Finlande, Danemark, Ancienne République de Macédoine, République tchèque, Pologne) ;

– 4 chambres adoptent un système mixte autorisant le recrutement d’au moins un membre de sa famille sous certaines conditions (Royaume-Uni jusqu’en 2020, Québec, Allemagne, Géorgie) ;

– 10 chambres interdisent le recrutement de membres de la famille (Parlement européen, Autriche, Hongrie, Belgique, Roumanie, États-Unis, Canada, Slovaquie, Lettonie et Croatie). Cela étant, la définition du champ de cette interdiction varie d’un pays à l’autre.

En France, si le principe est la liberté de recrutement des collaborateurs parlementaires, des obligations de transparence pèsent depuis peu sur les parlementaires. En effet, la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique leur impose de préciser, dans leur déclaration d’intérêts et d’activités transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « les activités professionnelles exercées à la date de l’élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin » et d’indiquer « les noms des collaborateurs parlementaires ainsi que les autres activités professionnelles déclarées par eux ». 

II.   la rÉforme proposÉe

A.   Une interdiction absolue de recruter un membre de sa famille comme collaborateur parlementaire

Le I du présent article propose d’interdire aux parlementaires de compter des membres de leur famille ou de leur belle-famille au sein de leur cabinet, sous peine de sanction pénale et financière.

La définition de la famille retenue aux alinéas 1 à 6 est identique à celle commentée à l’article 3 puisqu’elle inclut :

– le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

– les parents, enfants, frères et sœurs ainsi que les conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins ;

– les grands-parents, leurs petits-enfants et les enfants de leurs frères et sœurs ;

– les parents, enfants et frères et sœurs de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

La violation de cette interdiction emporte plusieurs conséquences :

– la cessation de plein droit du contrat du collaborateur (alinéa 7). Il convient de relever qu’initialement le projet de loi prévoyait la cessation de plein droit des contrats des collaborateurs ministériels et des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales, lesquels sont assimilés à des agents non titulaires de droit public, tandis qu’il prévoyait la nullité de plein droit du contrat du collaborateur parlementaire qui relève du droit privé. La commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, a néanmoins privilégié la cessation de plein droit dudit contrat par parallélisme des formes avec les dispositions relatives aux collaborateurs des membres du Gouvernement et des autorités territoriales ;

– l’obligation de rembourser les sommes versées au collaborateur en violation de cette interdiction, selon des modalités définies par le bureau des assemblées pour les parlementaires (alinéa 8). Il est précisé qu’aucune restitution des sommes versées ne peut être exigée du collaborateur ministériel ;

– enfin et surtout, la condamnation à une peine de trois d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende d’un parlementaire (alinéa 9) qui méconnaîtrait l’interdiction mentionnée précédemment.

Ce dispositif pose les mêmes questions que celles déjà évoquées dans le commentaire de l’article 3 quant au champ de la « famille » retenu, aux difficultés de contrôle et au risque de ne pas couvrir certains cas d’emplois de collaborateurs tout aussi problématiques du point de vue du conflit d’intérêt que l’emploi d’un collaborateur familial ([93]).

C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de la rapporteure, votre Commission a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille sous peine des sanctions pénales et financières prévues par le projet de loi, au conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin), enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint (ou partenaire lié par un PACS ou concubin) et introduit un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle un parlementaire entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer au bureau et à l’organe parlementaire chargé de la déontologie dans l’assemblée à laquelle il appartient. L’organe parlementaire chargé de la déontologie pourra, s’il constate que cet emploi caractérise un manquement aux obligations déontologiques du parlementaire, lui enjoindre d’y mettre fin. L’injonction sera rendue publique.

B.   Une déclaration obligatoire en cas d’« emplois croisés » entre les parlementaires

Le II du présent article (alinéa 11) introduit un dispositif de déclaration équivalent en cas d’emplois croisés de collaborateurs familiaux entre parlementaires qui couvre deux hypothèses :

– lorsqu’un parlementaire (un député par exemple) emploie un membre de la famille d’un collègue de la même assemblée (un député en l’occurrence) ;

– lorsqu’un parlementaire (un sénateur par exemple) emploie un membre de la famille d’un collègue de l’autre assemblée (un député en l’occurrence).

Dans le projet de loi initial, les collaborateurs parlementaires concernés par cette déclaration avaient l’obligation d’informer sans délai de cette embauche la HATVP ainsi que le parlementaire employeur tandis que les conditions de mise en œuvre de ce régime déclaratif étaient renvoyées au règlement de chaque assemblée.

Au nom de la séparation des pouvoirs, le Sénat a précisé, sur proposition de son rapporteur, que les « emplois croisés » seraient déclarés auprès du bureau de chaque assemblée plutôt qu’à la HATVP, considérant qu’il avait seul compétence pour la prévention et le traitement des conflits d’intérêts parlementaires, avec l’appui de l’organe chargé de la déontologie.

De plus, toujours à l’initiative du rapporteur de sa commission des Lois, le Sénat a souhaité que les déclarations d’emplois croisés soient accessibles au public, selon des modalités qui devront être prévues par le bureau de chaque assemblée.

On observera que les assemblées qui proscrivent les emplois familiaux n’ont dans l’ensemble pas mis en place de dispositifs particuliers pour s’assurer que l’interdiction n’est pas contournée par le biais d’emplois croisés. À la Chambre des représentants américaine, cependant, les collaborateurs doivent indiquer auprès de l’administration du Congrès tout lien de parenté ou de proximité avec un membre ou un employé du Congrès. Un formulaire en ligne est disponible à cet effet ; tout changement de lien doit être notifié dans les mêmes formes.

À l’initiative de votre rapporteure, le dispositif de contrôle des emplois croisés a été étendu par votre Commission à l’hypothèse dans laquelle le collaborateur parlementaire entretient un lien personnel direct avec un autre parlementaire. De plus, elle a confié à l’organe parlementaire chargé de la déontologie dans chaque assemblée le soin de vérifier que cet emploi croisé ne constitue pas un manquement aux obligations déontologiques du parlementaire employeur. Cet organe s’est également vu conférer un pouvoir d’injonction pour y mettre fin si tel est le cas. Cette injonction sera rendue publique.

*

*     *

La Commission examine les amendements CL17 de M. Arnaud Viala et CL132 de la rapporteure, ainsi que les amendements identiques CL52 de Mme Danièle Obono et CL94 de M. Philippe Latombe

M. Arnaud Viala. Je serai bref, puisque nous avons déjà discuté de cette question en examinant l’article 3. Au-delà de la notion d’emploi fictif, nous sommes à la recherche d’un cadrage sur la notion d’enrichissement personnel de celui qui est en mesure de mobiliser des fonds publics pour employer des gens travaillant à ses côtés.

C’est pourquoi il me semble justifié d’introduire une distinction à travers le concept de foyer fiscal élargi, en l’occurrence aux conjoints, aux enfants du conjoint et aux petits-enfants, de manière à couper court aux discussions compliquées que nous avons eues à l’occasion de l’article 3.

Au demeurant, votre deuxième alinéa, qui repose sur la notion de lien personnel, me semble trop flou : tous les députés réélus qui ont à leurs côtés des collaborateurs, avec qui ils ont pendant cinq ans partagés douze mètres carrés de bureaux ou échangé cinquante SMS par jour, ou qui les ont déclarés comme amis sur Facebook, devront en faire la déclaration à la HATVP… Dans tous les cas, il y a un lien personnel direct. Les effectifs de la Haute autorité devront être multipliés par douze ou par vingt-quatre !

Revenons à la raison d’être de ce texte : éviter les emplois fictifs et l’enrichissement personnel. Ce n’est pas en retenant des périmètres très larges que nous parviendrons à nos fins.

Mme la rapporteure. Je précise que, dans le cas des parlementaires, la déclaration n’est pas faite à la HATVP, mais au déontologue de l’Assemblée nationale. L’amendement CL132 décline pour les parlementaires le même dispositif que celui que nous avons adopté à l’article 3 pour les membres du Gouvernement. Comme tout à l’heure, j’entends bien vos remarques sur le lien personnel direct et je suis prête à redéfinir le périmètre de cette disposition. Mais je maintiens que ce dispositif offre davantage de souplesse et de transparence, et permet de couvrir beaucoup plus de situations que le texte du Sénat.

M. Philippe Latombe. L’alinéa 5 évoque l’interdiction d’employer son suppléant ou une personne élue sur la même liste que soi. Est-il couvert par votre appréciation du lien direct ? En 1996, dans une réponse à une question parlementaire, le ministre de l’intérieur avait indiqué que le suppléant n’a pas d’existence juridique par lui-même et qu’il ne peut démissionner de son mandat de suppléant, bien que celui-ci n’en soit pas vraiment un. Il y a donc une inconstitutionnalité à dire que l’on pourrait l’exclure de la fonction d’assistant parlementaire.

Mme la rapporteure. Effectivement, le suppléant ferait partie des personnes avec lesquelles le député entretient un lien personnel direct. Mais le dispositif proposé n’interdit absolument pas de l’employer : vous êtes simplement tenu de déclarer l’embauche de votre suppléant. Ce système de transparence est précisément de nature à lever les doutes et les suspicions.

La Commission adopte l’amendement CL132.

En conséquence, les amendements CL17, CL52 et CL94 tombent.

La Commission en vient à l’amendement CL123 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement a seulement pour objet d’apporter une précision juridique. La notion de « cessation de contrat » n’existe pas en droit privé. D’où le remplacement de « cessation » par « nullité ».

La Commission adopte l’amendement CL123 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement CL14 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Cécile Untermaier. L’amendement CL14 tend à ce que chaque assemblée détermine des règles destinées à contrôler l’effectivité du travail réalisé par les collaborateurs employés par les parlementaires. Nous proposons par ailleurs qu’elle soit systématiquement informée par les parlementaires de l’activité de leurs collaborateurs, faite avec leur accord ou dont ils sont eux-mêmes informés, au profit d’une organisation ou d’un parti politique, si cette situation peut laisser présumer qu’ils y réalisent une prestation de travail en parallèle de leur activité de collaborateur, elle doit également en avoir connaissance. Des situations particulières sont actuellement en cours d’examen, qui laissent à penser que cette pratique est possible et peut se traduire par des charges indues supportées par les assemblées.

Mme la rapporteure. Le premier alinéa de votre amendement recouvre le contenu de l’article 3 bis tel que nous venons de l’adopter. Pour le deuxième alinéa, je souscris à son contenu.

M. Olivier Dussopt. Vous proposez donc de le sous-amender ?

Mme la rapporteure. Je vous propose de le retirer afin de le redéposer en séance, en ne reprenant que le second alinéa, afin qu’il puisse être débattu et adopté, si une majorité de députés en est d’accord évidemment.

L’amendement est retiré.

Article 5
(art. 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale)
Interdiction de l’emploi de membres de la famille des élus locaux – conséquences juridiques et financières

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 interdit aux élus locaux de compter dans leur cabinet des membres de leur famille (conjoint, pacsé ou concubin / parents, enfants, frères et sœurs / grands parents, petits-enfants et enfants de ses frères et sœurs) ou de leur belle-famille (parents, enfants, frères et sœurs du conjoint, pacsé ou concubin / conjoint, pacsé ou concubin des parents, enfants, frères et sœurs) à travers :

– la création d’un nouveau délit conduisant à une peine de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende en cas de méconnaissance de cette interdiction ;

– l’illégalité de l’acte de nomination et la cessation de plein droit du contrat de travail ;

– l’obligation, pour le parlementaire ou l’autorité territoriale, de rembourser les sommes versées au membre de sa famille comme collaborateur de cabinet (interdiction d’obtenir restitution de la part du collaborateur).

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition légale ne limite la liberté de recrutement des parlementaires pour composer leur cabinet.

Modifications apportées au Sénat

À l’initiative de son rapporteur, le Sénat a procédé à des améliorations rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille sous peine des sanctions pénales et financières prévues par le projet de loi, au conjoint, enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint. Elle a précisé que les sommes versées en violation de cette interdiction ne peuvent être exigée du collaborateur de l’autorité territoriale à l’instar des règles applicables aux collaborateurs ministériels et parlementaires.

Elle a également introduit un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle l’autorité territoriale entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer à la HATVP. Celle-ci pourra, si elle constate que cet emploi caractérise un conflit d’intérêt, enjoindre à l’autorité territoriale d’y mettre fin. L’injonction sera rendue publique.

Le présent article décline, pour les élus locaux, l’interdiction de recruter des collaborateurs au sein de son cercle familial sous peine de sanctions pénales et financières. À l’instar des articles 3 et 4 respectivement applicables aux membres du Gouvernement et aux parlementaires, le dispositif proposé vise à lutter contre le népotisme en politique et soulève les mêmes questions ([94]).

Il faut toutefois souligner l’absence d’obligation de déclaration des emplois croisés à l’égard des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales (emploi d’un membre de la famille d’une autorité territoriale dans le cabinet d’une collectivité voisine). En effet, d’après l’étude d’impact, une telle disposition serait « inapplicable et disproportionnée pour les recrutements croisés entre les différentes collectivités territoriales (environ 50 000 employeurs territoriaux sont autorisés par la loi à recruter des collaborateurs de cabinet) ».

I.   Le droit existant

A.   Le principe de la liberté de recrutement des collaborateurs des autorités territoriales

Mentionnée par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, « l’autorité territoriale » est l’employeur des agents publics locaux. Dépourvue de définition légale, cette notion correspond, concrètement, aux présidents des assemblées délibérantes (maires, présidents du conseil départemental, présidents du conseil régional), des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des établissements publics administratifs (EPA) locaux. La France compte environ 50 000 autorités territoriales.

L’article 110 de la loi précitée permet à l’autorité territoriale, pour former son cabinet, de recruter librement un ou plusieurs collaborateurs et de mettre librement fin à leurs fonctions. Ce sont des agents non titulaires de droit public, même s’ils ont par ailleurs la qualité de fonctionnaire. Les fonctions qu’ils occupent correspondent à un emploi non permanent. La nomination de non-fonctionnaires à ces emplois ne leur donne donc aucun droit à être titularisés dans un grade de la fonction publique territoriale.

Ces collaborateurs ne rendent compte qu’à l’autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés. Celle-ci décide des conditions et des modalités d’exécution du service qu’ils accomplissent auprès d’elle. Pour autant, cela ne saurait interdire aux juridictions compétentes et aux autorités administratives chargées du contrôle de légalité d’exercer leurs missions dans les conditions de droit commun.

Le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales rappelle ce principe de liberté, qui emporte la définition par l’autorité territoriale des conditions et des modalités d’exécution du service qu’ils accomplissent auprès d’elle, ainsi que du montant de la rémunération. Ce décret détermine également le nombre maximal de collaborateurs que l’autorité territoriale peut recruter, en fonction de l’importance démographique lorsqu’il s’agit d’une commune, d’un département ou d’une région ; en fonction du nombre de fonctionnaires employés s’agissant de leurs établissements publics administratifs ([95]).

Pour être recruté comme collaborateur de cabinet, les personnes doivent satisfaire aux conditions énumérées à l’article 2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié relatif aux agents non titulaires territoriaux ([96]) : jouissance des droits civiques, absence de mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire incompatible avec l’exercice des fonctions, position régulière au regard du code du service national de l’État et respect de la limite d’âge dans la fonction publique (67 ans). Il n’existe, en revanche, aucune condition de diplôme, de grade ou d’expérience pour ce type de recrutements.

Deux particularités doivent être soulignées :

– aucun recrutement de collaborateur de cabinet ne peut intervenir en l’absence de crédits disponibles au chapitre budgétaire et à l’article correspondants ;

– le recrutement des collaborateurs de cabinet est soumis à la décision de l’organe délibérant de l’autorité territoriale concernée.

En l’état du droit, il n’existe aucune règle spécifique encadrant le recrutement de collaborateurs issus du cercle familial de l’autorité territoriale. L’étude d’impact n’apporte pas d’information précise quant à la fréquence des « emplois familiaux » au sein des cabinets des autorités territoriales.

B.   Les tempéraments légaux à la liberté de recrutement de collaborateurs de cabinet au sein du cercle familial dans les collectivités territoriales

Si le principe demeure la liberté de recrutement des collaborateurs de cabinet, deux tempéraments légaux entourent toutefois ce recrutement au sein du cercle familial.

Tout d’abord, les lois organiques n° 2013-906 et 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ont imposé à certains élus locaux ([97]) de préciser, dans leur déclaration d’intérêts et d’activités transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « les activités professionnelles exercées à la date de l’élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ».

Outre cette obligation de transparence de nature préventive et informative, le recrutement d’un membre de sa famille par un membre du Gouvernement, un parlementaire ou une autorité territoriale peut, dans certains cas, tomber sous le coup de l’article 432-12 du code pénal relatif au délit de prise illégale d’intérêt, aux termes duquel : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ».

Le Gouvernement considère que cette disposition peut conduire à interdire aux autorités territoriales de recruter un membre de leur famille en tant qu’agent non titulaire au sein des services de la collectivité qu’elles président. Dans une réponse à une question sénatoriale, il précise en effet que : « Les conditions de recrutement au sein de la fonction publique territoriale sont en premier lieu, comme pour les autres fonctions publiques, présidées par le principe d’égal accès aux emplois publics. Ensuite, elles sont encadrées par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, laquelle prévoit que les emplois publics territoriaux sont prioritairement pourvus par la voie du concours. Ce n’est que dans des cas limitativement énumérés que les collectivités peuvent avoir recours au recrutement d’un agent non titulaire. Quelle que soit l’hypothèse envisagée, c’est l’exécutif qui détient le pouvoir de nomination et à qui il revient de choisir la candidature retenue pour pourvoir l’emploi vacant. S’agissant du cas où un maire souhaiterait recruter un parent, la voie contractuelle et celle du recrutement direct sans concours sont indissociables d’un risque pénal résultant de l’intérêt moral qu’aurait ce maire à recruter un membre de sa famille. En effet, il convient de faire une lecture combinée des dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale et celles résultant, d’une part, de l’article 432-12 du code pénal définissant la prise illégale d’intérêt et, d’autre part, de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, lesquelles tendent à écarter ce type de recrutement. En ce qui concerne l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, le délit est caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel » ([98]).

La jurisprudence relative à la condamnation d’élus locaux, sur le fondement de la prise illégale d’intérêt, pour avoir recruté des membres de leur famille en tant qu’agents non titulaires de la collectivité qu’ils présidaient, en violation des dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est, en effet, relativement fournie ([99]).

Toutefois, la question se pose de savoir si le simple fait de recruter un membre de sa famille comme collaborateur de cabinet – et non comme agent public de la collectivité territoriale au sein des services de la collectivité – suffit à constituer un délit au sens de l’article 432-12 du code pénal.

Les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation permettent d’en douter. Dans un arrêt du 21 mars 2012, la Cour a condamné le président de la commission permanente de Polynésie française pour avoir recruté sa concubine en qualité de directrice de cabinet au motif « que l’embauche a été faite sans contrepartie de travail de la part de la prévenue » et qu’elle « n’avait pas les capacités pour remplir cette mission ». Elle en déduit « qu’en l’état de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d’appel, qui a caractérisé les délits en tous les éléments, tant matériels qu’intentionnel, a justifié sa décision » ([100]).

Cette interprétation restrictive des éléments constitutifs du délit de prise illégale d’intérêt confirmerait que les autorités territoriales sont en principe libres de recruter comme collaborateurs de cabinet les personnes de leur choix, y compris au sein de leur entourage familial, dès lors que l’emploi n’apparaît ni fictif ni totalement injustifié au regard des compétences requises.

Par analogie, on peut considérer que cette interprétation vaudrait également pour les membres du Gouvernement ou les parlementaires lorsqu’ils recrutent leurs collaborateurs.

L’interdiction légale de recruter des membres de sa famille comme collaborateur de cabinet pour lutter contre le népotisme en politique, telle que proposée par le présent projet de loi, n’apparaît donc pas superflue, de même que la création d’un délit spécifique en cas de méconnaissance de cette interdiction.

II.   La réforme proposée

Le I du présent article modifie l’article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée pour interdire aux autorités territoriales qui s’entourent d’un cabinet de compter parmi leurs collaborateurs des membres de leur famille ou de leur belle-famille sous peine de sanction pénale et financière.

La définition de la famille retenue aux alinéas 1 à 8 est identique à celle commentée à l’article 3 s’agissant de l’interdiction des emplois familiaux des membres du Gouvernement ([101]) puisqu’elle inclut :

– le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin ;

– les parents, enfants, frères et sœurs ainsi que les conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins ;

– les grands-parents, petits-enfants et enfants de leurs frères et sœurs ;

– les parents, enfants et frères et sœurs de leur conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin.

La violation de cette interdiction emporte plusieurs conséquences :

– la cessation de plein droit du contrat du collaborateur (alinéa 9) ;

– l’obligation de rembourser les sommes versées au collaborateur, selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. Il est précisé qu’aucune restitution des sommes versées ne peut être exigée du collaborateur ministériel (alinéa 10) ;

– enfin et surtout, la condamnation à une peine de trois d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende d’une autorité territoriale qui méconnaîtrait l’interdiction mentionnée précédemment (alinéa 11).

Ce dispositif pose les mêmes questions que celles déjà évoquées dans le commentaire de l’article 3 quant au champ de la « famille » retenu, aux difficultés de contrôle et au risque de ne pas couvrir certains cas d’emplois de collaborateurs tout aussi problématiques du point de vue du conflit d’intérêt que l’emploi d’un collaborateur familial ([102]).

Des améliorations légistiques ont par ailleurs été apportées à l’initiative du rapporteur du Sénat aux alinéas 12 à 14.

Le II du présent article précise que ces dispositions sont applicables aux autorités territoriales de la commune et du département de Paris ainsi qu’à ceux de la Ville de Paris à compter du 1er janvier 2019 (alinéa 15).

À l’initiative de la rapporteure, votre commission des Lois a resserré l’interdiction d’employer un membre de sa famille sous peine des sanctions pénales et financières prévues par le projet de loi, au conjoint, enfants et parents ainsi qu’aux enfants et parents de son conjoint. Elle a précisé que les sommes versées en violation de cette interdiction ne peuvent être exigées du collaborateur de l’autorité territoriale à l’instar des règles applicables aux ministres et aux parlementaires.

Elle a également introduit un mécanisme de transparence permettant de recruter tout autre membre ou ancien membre de sa famille ou de sa belle-famille ainsi que toute personne avec laquelle l’autorité territoriale entretient un lien personnel direct, à la condition de le déclarer à la HATVP. Celle-ci pourra, si elle constate que cet emploi caractérise un conflit d’intérêt, enjoindre à l’autorité territoriale d’y mettre fin. L’injonction sera rendue publique.

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La Commission examine l’amendement CL133 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement CL133 décline le dispositif applicable aux emplois familiaux au cas des autorités territoriales, en prévoyant, là encore, un contrôle de la HATVP. Je réitère mon engagement à revenir sur la mention relative aux liens personnels directs. J’attends vos propositions en ce sens.

M. Bastien Lachaud. Je m’interroge sur la recevabilité de cet amendement. La HATVP va bien être amenée à contrôler la véracité des déclarations ; pour ce faire, il va falloir recruter. Du coup, cet amendement ne contrevient-il pas à l’article 40 de la Constitution, en faisant naître une nouvelle charge publique ? De deux choses l’une : ou bien elle se contentera de classer les déclarations, ou bien il y aura un contrôle effectif, et il faudra recruter. Mais cela ne peut pas être les deux.

M. Philippe Gomes. L’application de ce dispositif aux collectivités de Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna requiert, selon un avis du Conseil d’État, une consultation des assemblées locales, du fait des dispositions particulières qui les régissent. Il convient donc de préparer rapidement les textes de telle sorte qu’on ne puisse imaginer que les dispositifs appliqués aux exécutifs locaux soient différents dans les territoires du Pacifique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. L’alinéa 15 de l’article 5 précise que ces dispositions seront applicables à Paris à compter du 1er janvier 2019. J’aimerais avoir des éclaircissements sur ce point…

M. Robin Reda. Nous avons vu précédemment que ce texte écartait largement de son champ d’application la fonction publique ; il en va de mêmes ici pour la fonction publique territoriale. L’article 5 comme votre amendement ne visent que les emplois de cabinet, qui ne sont pas les plus nombreux ; qui plus est, la notion d’emploi de cabinet est souvent contournée dans les collectivités territoriales afin de laisser subsister des emplois de proximité. Du coup, on va laisser perdurer des situations que l’on sera incapable de contrôler, avec des personnes qui ne seront pas directement rattachées à l’élu, mais qui pourront, par ailleurs, être titulaires de la fonction publique. Et l’on ne dit rien de titulaires qui feraient partie de la famille de l’autorité territoriale… Là encore, on peut y voir la démonstration que ce sont les élus que l’on veut abattre et que l’on n’entend pas faire cas de la situation des fonctionnaires.

M. Olivier Marleix. Les dispositions prévues sont-elles cohérentes avec ce que prévoit le code pénal ? Il me semble que le recrutement de membres de l’entourage par des élus locaux est d’ores et déjà condamné pour prise illégale d’intérêts.

M. Olivier Dussopt. Le 6 juillet, le tribunal correctionnel du Rhône a en effet condamné un élu qui avait recruté sa sœur comme directrice générale des services ; elle-même a été condamnée, en première instance, pour recel de prise illégale d’intérêts, avec suspension de la fonction publique. La question de M. Marleix rejoint celle que nous avons posée et témoigne de la complexité de la situation, tant pour les collaborateurs de cabinet que pour les contractuels des services de communication, par exemple.

Mme la rapporteure. S’agissant de la possible création d’une charge publique, l’article 40 ne saurait être invoqué, car l’amendement n’ajoute pas de nouvelle mission ni n’exige de nouvelles compétences de la HATVP : nous restons dans son cœur de métier. Une simple déclaration ne saurait nécessiter un recrutement important de personnel.

La métropole du Grand Paris fait seulement l’objet d’un alinéa de coordination. Pour la Nouvelle-Calédonie, un amendement de coordination interviendra un peu plus loin. Pour ce qui est de la prise illégale d’intérêts, M. Dussopt a très bien répondu et je vous renvoie à mon rapport sur ce point.

M. Philippe Gomes. Votre amendement de coordination ne concerne que les communes, non les exécutifs locaux des territoires ou provinces. Je renouvelle donc ma demande.

Mme la rapporteure. Nous avons déposé les mêmes amendements dans la loi organique.

M. Philippe Gosselin. Mais ils ne couvrent pas davantage le cas des exécutifs locaux.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL134 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement corrige un oubli, semble-t-il, dans le projet de loi en prévoyant que, à l’instar du dispositif applicable aux membres du Gouvernement et aux parlementaires, les sommes versées en violation de l’interdiction mentionnée au I soient remboursées par l’autorité territoriale employeuse et non par le collaborateur concerné.

M. Philippe Latombe. Pourquoi ne pas avoir remplacé le mot « cessation » dans l’alinéa 9 par celui de « nullité », comme vous l’avez proposé tout à l’heure à l’article 4, d’autant qu’il est dit expressément que ce n’est pas le collaborateur qui doit rembourser ?

Mme la rapporteure. Le terme de nullité s’applique aux contrats de droit privé ; le mot « cessation » concerne les contrats des agents publics.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 5 bis (nouveau)
(art. 122181 et L. 163144 [nouveaux] du code des communes de la Nouvelle-Calédonie)
Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » aux autorités territoriales de Nouvelle-Calédonie

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, cet article additionnel vise à prendre les adaptations nécessaires à l’application des dispositions relatives aux « emplois familiaux » des collaborateurs de cabinet, aux élus des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de Nouvelle-Calédonie.

En application du 10° de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l’État est compétent pour édicter les règles relatives à l’administration des communes et de leurs établissements publics.

Cet article additionnel procède aux coordinations nécessaires pour l’application des nouvelles règles encadrant les emplois de collaborateurs des autorités territoriales prévues par l’article 5 du présent projet de loi, en Nouvelle-Calédonie.

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La Commission examine l’amendement CL197 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement CL197, qui concerne les communes de Nouvelle-Calédonie, interdit au maire de compter parmi les membres de son cabinet des membres de sa famille en ligne directe.

La Commission adopte l’amendement CL197.

 

Article 5 ter (nouveau)
(art. 72-6 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements administratifs)
Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » aux autorités territoriales de Polynésie française

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, cet article additionnel prévoit les adaptations nécessaires à l’application des dispositions du présent projet de loi relatives aux emplois familiaux des collaborateurs, aux autorités territoriales de Polynésie française.

L’État est compétent en matière de fonction publique communale de Polynésie française. Ces agents communaux ne sont pas régis par les textes de la fonction publique territoriale métropolitaine mais par l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

L’article 72-6 de cette ordonnance est le pendant de l’article 110 de la loi relative à la fonction publique territoriale de 1984 qui est modifié par l’article 5 du présent projet de loi.

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La Commission examine l’amendement CL196 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement de coordination CL196 vise à prévoir les adaptations nécessaires à l’application des dispositions de ce projet de loi à la fonction publique communale de Polynésie française.

La Commission adopte l’amendement CL196.

 

Article 6
Modalités du licenciement des collaborateurs « familiaux » de parlementaires ou d’autorités territoriales

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 introduit une nouvelle procédure ad hoc de licenciement des collaborateurs parlementaires et des collaborateurs des autorités territoriales en raison de la nouvelle interdiction des emplois familiaux résultant des articles 4 et 5 du projet de loi.

L’employeur disposerait de 15 jours pour notifier le licenciement au collaborateur familial dont le contrat prendrait fin au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi (nullité du contrat du collaborateur parlementaire et cessation du contrat du collaborateur territorial). La période de préavis expirerait en tout état de cause à l’issu du délai de deux mois.

Les collaborateurs bénéficieraient des indemnités légales (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité compensatrice de préavis) et se verraient remettre les documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation d’assurance chômage).

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition légale ne régit spécifiquement les motifs et la prcédure de licenciement des collaborateurs parlementaires.

L’article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précise les motifs du licenciement des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales. La procédure est prévue par le décret n° 88-145 du 15 février 1988.

Modifications apportées au Sénat

Sur proposition de son rapporteur, le Sénat a allongé le délai pour notifier le licenciement à deux mois à compter de la « promulgation de loi » et prévu que la notification intervienne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il a introduit la possibilité pour les collaborateurs d’exécuter leur préavis (trois mois maximum) ou de choisir de percevoir l’indemnité compensatrice de préavis correspondante.

Il a précisé que le licenciement des collaborateurs parlementaires repose sur un motif « spécifique » prévu par la loi et donne lieu à la cessation du contrat plutôt qu’à son annulation, à l’exception des collaboratrices en état de grossesse.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté deux amendements de précision, l’un prévoyant que les documents de fin de contrat puissent être remis non à l’occasion de la notification du licenciement mais à l’issue du préavis, conformément à la pratique habituelle, c’est-à-dire au moment où le contrat prend fin, l’autre privilégiant le terme « publication » à celui de « promulgation ».

L’article 6 du projet de loi prévoit une procédure de licenciement ad hoc permettant de mettre un terme aux contrats familiaux en cours des collaborateurs du Parlement (I) et des autorités territoriales (II), dans des conditions préservant la proportionnalité de l’atteinte aux contrats par rapport au motif d’intérêt général poursuivi, conformément aux exigences du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.

I.   La procédure applicable aux collaborateurs parlementaires

A.   Les motifs de licenciement traditionnels des collaborateurs parlementaires

Comme il a été indiqué dans le commentaire de l’article 4 du présent rapport, les collaborateurs parlementaires sont directement employés par les députés dans le cadre d’un contrat de droit privé.

Il n’existe aucune disposition légale régissant la rupture du contrat d’un collaborateur parlementaire.

La jurisprudence reconnaît néanmoins deux motifs de licenciement des collaborateurs parlementaires :

– le licenciement pour « motif personnel », dont la cause est inhérente à la personne du salarié (faute, inaptitude, maladie ou insuffisance professionnelle) ;

– le licenciement en raison de la rupture du mandat, qui peut résulter du décès du parlementaire, d’un jugement prononçant son inéligibilité, de la fin de son mandat ou de son élection dans une autre assemblée. La rupture du mandat constitue une « cause réelle et sérieuse » et n’est pas inhérente à la personne du salarié. Les contrats de collaborateurs précisent d’ailleurs, à titre d’information, que « Les parties reconnaissent expressément que la cessation, pour quelque cause que ce soit, du mandat du député-employeur, constitue une juste cause de rupture du contrat ».

Dans les deux cas, la procédure de licenciement suivie est celle prévue par le code du travail en cas de licenciement pour motif personnel, à savoir : convocation à un entretien préalable par lettre recommandée ou remise en main propre, entretien préalable de licenciement dans un délai d’au moins cinq jours après remise de la convocation, notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable et préavis pouvant aller jusqu’à deux mois.

À ce jour, la Cour de cassation n’admet pas le licenciement pour motif économique d’un collaborateur parlementaire. En effet, depuis un arrêt du 20 octobre 1988 ([103]), elle considère que : « les dispositions du code du travail relatives au contrôle des licenciements pour motif économique ne s’appliquaient pas à un sénateur qui emploie un assistant, l’exercice d’un mandat parlementaire n’étant pas au nombre des entreprises énumérées aux articles L. 321-3 ancien et suivants de ce code [devenu l’article L. 1233-1 nouveau du code du travail] ([104]) ». Cette jurisprudence a été confirmée en 2014 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ([105]) qui a jugé que : « Les dispositions du code du travail relatives aux licenciements pour motif économique ne s’appliquent pas à un député qui emploie un assistant parlementaire, l’exercice d’un mandat parlementaire n’étant pas au nombre des entreprises énumérées aux articles L.1233-1 et suivants du code du travail ». De la même manière, la doctrine considère que le parlementaire-employeur n’entre pas dans le champ des entreprises au sens du code du travail et ne peut donc licencier un collaborateur pour motif économique ([106]).

Il en résulte que si les dispositions relatives au licenciement économique ne sont pas applicables à un député qui emploie un collaborateur parlementaire, la procédure de licenciement à mettre en œuvre en cas de rupture du mandat ne peut qu’être calquée sur celle du licenciement pour motif personnel, la loi ne prévoyant que deux procédures à ce jour.

B.   La création d’un motif spécifique de licenciement et d’une procédure ad hoc

Le I du présent article vise à résoudre cette difficulté, s’agissant de l’interruption des emplois familiaux, en introduisant un nouveau motif de licenciement des collaborateurs parlementaires que le Sénat a qualifié de « spécifique » sur proposition de son rapporteur.

Ce motif spécifique est la rupture du contrat fondée sur l’article 4 du projet de loi qui prohibe désormais ces emplois. Le présent article précise que « ce motif spécifique constitue une cause réelle et sérieuse ».

Sont visés l’ensemble des collaborateurs entrant dans le champ de la « famille » du parlementaire qui l’emploie au sens de l’article 4 du présent projet de loi. Le Sénat a toutefois adopté un amendement précisant qu’une salariée en état de grossesse ou de congé de maternité verra son licenciement différé jusqu’à l’expiration de la période légale de protection (soit dix semaines après la fin du congé de maternité). À la date de la rédaction du présent rapport, 28 collaborateurs de députés et environ 90 collaborateurs de sénateurs sont concernés.

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a rappelé que le Conseil constitutionnel exige que les atteintes portées à des situations acquises soient « justifiées par un motif impérieux d’intérêt général » ([107]) et « qu’elles ne doivent pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles » ([108]). Or, le Conseil d’État a estimé que le dispositif d’interdiction des emplois familiaux prévu à l’article 4 constituait un tel motif impérieux d’intérêt général et qu’en portant à deux mois le délai dans lequel les contrats devenus illégaux en raison de la publication de la loi devaient prendre fin, les exigences constitutionnelles tenant aux garanties légales étaient respectées.

La procédure de licenciement des collaborateurs familiaux concernés par le présent article est également dérogatoire au droit commun.

Initialement, il était proposé que :

 – le parlementaire notifie le licenciement au collaborateur parlementaire concerné dans un délai de quinze jours à compter de la publication de la loi et lui remette dans le même délai les documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation d’assurance chômage) ;

– la période qui s’écoule entre la notification du licenciement et l’expiration du délai de deux mois constitue le délai de préavis quel que soit le délai de préavis légal ou conventionnel prévu jusqu’alors ;

– le collaborateur bénéficie des indemnités légales (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité compensatrice de préavis), supportées par chaque assemblée dans les conditions fixées par leur règlement.

À l’initiative de son rapporteur, le Sénat a modifié ce dispositif afin :

– d’allonger le délai pour notifier le licenciement à deux mois à compter de la « promulgation » de la loi ;

– de préciser que la notification du licenciement intervienne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

– d’autoriser les collaborateurs à exécuter leur préavis (trois mois maximum) ou, à défaut, de percevoir l’indemnité compensatrice de préavis correspondante ;

– de supprimer la référence aux règlements des assemblées dont le contenu doit se limiter à l’organisation et au fonctionnement de l’institution, à la procédure législative et au contrôle de l’action du Gouvernement ([109]).

Enfin, et par cohérence, le présent article précise que le parlementaire n’est pas responsable pénalement lorsque l’infraction prévue à l’article 4 du projet de loi (interdiction des emplois familiaux) est commise pendant le délai de notification et le délai de préavis prévus par le I du présent article.

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté deux amendements de précision, l’un prévoyant que les délais courent à compter de la « publication » de la loi (et non à compter de sa « promulgation »), l’autre permettant que les documents de fin de contrat puissent être remis non à l’occasion de la notification du licenciement mais à l’issue du préavis, conformément à la pratique habituelle, c’est-à-dire au moment où le contrat prend fin.

II.   La procédure applicable aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales

A.   Le droit du licenciement des collaborateurs des autorités territoriales en vigueur

À la différence des collaborateurs parlementaires, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales – non fonctionnaires – sont assimilés à des agents contractuels de la fonction publique territoriale.

L’article 110 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée précise que : « L’autorité territoriale peut, pour former son cabinet, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions. La nomination de non-fonctionnaires à ces emplois ne leur donne aucun droit à être titularisés dans un grade de la fonction publique territoriale ».

La procédure de licenciement applicable est définie par le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ([110]). Elle s’inspire des dispositions du code du travail en prévoyant l’organisation d’un entretien préalable au licenciement, la notification de la décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et la transmission d’un certificat de travail. Le collaborateur licencié perçoit une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de congés payés. Ces indemnités sont à la charge de la collectivité territoriale ou de l’établissement public qui a prononcé le licenciement. La durée du préavis est fixée à huit jours pour le collaborateur justifiant d’une ancienneté de six mois, à un mois pour une ancienneté égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, et à deux mois pour une ancienneté égale ou supérieure à deux ans. Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est toutefois prévue pour les agents non titulaires de la fonction publique territoriale.

En cas de contentieux, l’affaire est portée devant le juge administratif, qui exerce un contrôle restreint sur la décision de licenciement mais un contrôle normal sur la procédure suivie par l’employeur.

B.   La création d’un nouveau motif de licenciement et d’une procédure ad hoc

Le II du présent article prévoit que le contrat de droit public liant les collaborateurs familiaux des autorités territoriales à leur collectivité d’emploi prend fin de plein droit en cas de contrariété avec l’article 5 du présent projet de loi ([111]).

À l’instar des garanties nouvelles apportées par le Sénat au bénéfice des collaborateurs parlementaires, le Sénat a modifié le dispositif applicable aux collaborateurs des autorités territoriales de la manière suivante.

Le II du présent article prévoit désormais que l’autorité territoriale notifie le licenciement à son collaborateur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (ce qui n’était pas précisé initialement), dans les deux mois (et non plus dans les quinze jours) suivant la promulgation (et non plus la publication) de la loi. Les documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation d’assurance chômage) lui sont remis dans le même délai.

Il est précisé qu’une salariée en état de grossesse ou de congé de maternité verra son licenciement différé jusqu’à l’expiration de la période légale de protection (soit dix semaines après la fin du congé de maternité).

Il est également indiqué que les collaborateurs pourront exécuter le préavis prévu par la règlementation applicable (trois mois maximum) ou, à défaut, percevoir l’indemnité compensatrice de préavis correspondante. Cette disposition générale concerne donc les agents non titulaires de la fonction publique territoriale, par dérogation au droit commun.

Enfin, et par cohérence, l’autorité territoriale n’est pas responsable pénalement lorsque l’infraction prévue à l’article 5 du projet de loi (interdiction des emplois familiaux) est commise pendant le délai de notification et le délai de préavis prévus par le I du présent article.

On soulignera que l’étude d’impact ne précise pas le nombre de collaborateurs familiaux susceptibles d’être licenciés par les autorités territoriales à la suite de la promulgation de la loi. Auditionnées par votre rapporteure, les associations d’élus locaux n’ont pas non plus été en mesure de fournir un ordre de grandeur en la matière.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL135 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Amendement de précision.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL136 de la rapporteure.

La Commission en vient à l’amendement CL84 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’amendement CL84 propose d’élargir le délai de régularisation concernant l’interdiction des emplois familiaux pour le porter au 31 décembre 2017. L’application de l’interdiction des emplois familiaux aux contrats en cours apparaît particulièrement brutale. Cette mise en conformité avec la loi sera très contraignante pour les élus concernés – je précise que je n’en fais pas partie – qui devront licencier des collaborateurs avec qui ils ont noué une relation de confiance et travaillé conjointement parfois depuis des années. Trouver un remplaçant et préparer la transition entre l’ancien collaborateur et le nouveau ne peut se faire dans la précipitation suivant un calendrier aussi serré.

Mme la rapporteure. Le texte initial prévoyait un délai de quinze jours. Il a été porté à deux mois par le Sénat auquel peut s’ajouter un possible préavis de trois mois. Nous en sommes donc déjà à un délai de cinq mois, ce qui nous semble suffisant, d’autant que les articles que nous avons adoptés tout à l’heure réduisent considérablement le champ de l’interdiction et des licenciements probables. Aussi nous paraît-il raisonnable de nous en tenir au dispositif déjà voté.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL85 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Même logique que pour l’amendement précédent : il s’agit de donner plus de temps, quatre mois après la promulgation de la loi au lieu de deux, aux parlementaires et aux membres d’exécutifs locaux pour signifier leur licenciement à leurs collaborateurs touchés par l’interdiction des emplois familiaux. En clair, il accorde un délai supérieur à l’élu concerné à la fois pour faire partir ceux qui doivent partir et faire venir ceux qui doivent les remplacer.

Mme la rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL137 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

 

Article 6 bis
Accompagnement des collaborateurs parlementaires licenciés

Résumé du dispositif et effets principaux

À l’initiative de son rapporteur, M. Philippe Bas, et de Mme Cartron, le Sénat a adopté un amendement portant article additionnel instituant un parcours professionnel personnalisé au profit des collaborateurs licenciés pour un motif autre que personnel.

Ce dispositif, qui devra être précisé par décret, comporte d’une part des mesures d’accompagnement et de formation renforcées mises en œuvre par Pôle emploi, d’autre part une indemnisation chômage supérieure à l’indemnisation de droit commun, sur le modèle du contrat de sécurisation professionnelle ouvert aux salariés licenciés pour motif économique.

L’objectif est de permettre à tous les collaborateurs (y compris ceux qui seront licenciés en raison du lien familial avec leur employeur) de bénéficier du régime favorable du licenciement pour motif économique, sans pour autant leur appliquer les règles de ce licenciement, dans la mesure où un député ou un sénateur ne constitue pas une « entreprise ».

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune disposition légale ne prévoit l’accompagnement des collaborateurs dans le cadre d’une procédure de licenciement.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a introduit un motif sui generis de licenciement des collaborateurs en raison de la fin du mandat ainsi qu’une procédure adaptée, au I-A du présent article.

Elle a également simplifié et sécurisé le dispositif d’accompagnement personnalisé des collaborateurs parlementaires licenciés pour un motif autre que personnel, en leur donnant la possibilité d’y accéder directement auprès de Pôle emploi, plutôt que par l’intermédiaire du député-employeur, dans des conditions fixées par décret.

Introduit en commission des Lois à l’initiative du rapporteur, M. Philippe Bas, et complété en séance publique à l’initiative de Mme Cartron, l’article 6 bis du projet de loi tend à mieux accompagner les collaborateurs parlementaires licenciés en fin de mandat ou du fait de la loi, à l’instar de ce qui est proposé pour les collaborateurs « familiaux ».

L’objectif est de permettre aux collaborateurs parlementaires de bénéficier d’un dispositif ad hoc reprenant les principes du contrat de sécurisation professionnelle prévu aux articles L. 1233-65 à L. 1233-70 du code du travail qui n’est ouvert qu’aux salariés licenciés pour motif économique. Or, tel n’est pas le cas des collaborateurs parlementaires dans la mesure où le parlementaire-employeur n’est pas une entreprise au sens du code du travail ([112]).

I.   Le dispositif introduit au sÉnat

Le I du présent article fixe les principes de ce parcours d’accompagnement. Le I bis précise les obligations du parlementaire-employeur et la procédure à suivre. Le II précise les droits du collaborateur parlementaire qui en bénéficie. Le III précise le mode de financement de ce dispositif ad hoc. Le IV prévoit la substitution de Pôle Emploi au parlementaire-employeur en cas de manquement de ce dernier et les modalités de recouvrement des sommes destinées au financement de ce dispositif auprès de ce dernier.

1.   Les principes du dispositif d’accompagnement personnalisé des collaborateurs parlementaires licenciés

Le I du présent article pose le principe selon lequel les collaborateurs qui l’acceptent peuvent bénéficier d’un parcours d’accompagnement personnalisé, qui débute par une phase de pré-bilan, d’évaluation des compétences et d’orientation professionnelle en vue de l’élaboration d’un projet professionnel.

Ce dispositif leur est proposé lorsqu’ils sont licenciés pour un motif « autre que personnel », c’est-à-dire en cas de rupture du contrat du fait de la cessation du mandat ou du fait de la loi s’agissant des collaborateurs familiaux encore en fonction.

Cette rédaction confirme de manière implicite que les collaborateurs parlementaires ne peuvent faire l’objet d’un licenciement pour motif économique, ce qui justifierait un dispositif ad hoc.

Cet accompagnement personnalisé serait assuré par Pôle emploi dans des conditions prévues par décret. De la même manière, les mesures d’accompagnement et d’appui au projet professionnel, ainsi que les périodes de formation et de travail qui pourront être proposées aux collaborateurs parlementaires, seront précisées par décret.

2.   Les obligations des parlementaires-employeurs

À la suite de l’adoption des amendements présentés par Mme Cartron en séance publique, le I bis fixe les obligations des parlementaires-employeurs :

– chaque parlementaire-employeur sera tenu de proposer au collaborateur qu’il envisage de licencier le bénéfice du dispositif d’accompagnement ;

– il devra également l’informer par écrit du motif sur lequel repose la rupture du contrat en cas d’acceptation du dispositif.

Le I bis précise ensuite les conséquences de l’acceptation du parcours d’accompagnement par le collaborateur :

– elle emporte rupture du contrat de travail sans préavis ni indemnité compensatrice de préavis. Le délai de réflexion du collaborateur ainsi que les conditions de son adhésion au dispositif d’accompagnement sont renvoyés à un décret ;

– le collaborateur perçoit l’indemnité de licenciement (s’il remplit les conditions d’ancienneté) ainsi que toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement économique au terme du préavis. En revanche, il ne perçoit pas d’indemnité compensatrice de préavis (puisque le contrat est rompu dès la fin du délai de réflexion pour accepter le dispositif). L’employeur verse à Pôle emploi l’équivalent de l’indemnité que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas bénéficié du dispositif. Toutefois, si ce montant est supérieur à 3 mois de salaire, la fraction de l’indemnité supérieure aux 3 mois de salaire est versée au salarié, dès la rupture du contrat de travail.

3.   Le statut du collaborateur parlementaire bénéficiaire du dispositif d’accompagnement

Le II prévoit que le collaborateur est – comme le salarié qui bénéficie d’un CSP – placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle.

S’il a plus de douze mois d’ancienneté à la date du licenciement, il perçoit, pendant une période maximale de douze mois, une allocation équivalente à l’allocation de sécurisation professionnelle versée au bénéficiaire d’un CSP, selon des conditions définies par décret (soit 75% du salaire brut).

En tout état de cause, le montant de cette allocation est supérieur au montant de l’allocation d’assurance des travailleurs involontairement privés d’emploi mentionnée à l’article L. 5422-1 du code du travail (aide au retour à l’emploi).

Le versement de l’allocation est immédiat, sans délai d’attente ni différé d’indemnisation.

4.   Le financement du dispositif d’accompagnement par le versement de l’indemnité compensatrice de préavis

Le III précise que chaque assemblée contribue, pour le compte du parlementaire-employeur – c’est-à-dire en gestion déléguée – au financement du dispositif d’accompagnement, en versant à Pôle Emploi, et sous son contrôle, l’équivalent de l’indemnité compensatrice de préavis du collaborateur parlementaire, dans la limite de trois mois de salaire majorés de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes. Les conditions d’exigibilité de ce versement seront précisées par décret.

5.   L’intervention de Pôle Emploi en cas de défaillance du parlementaire-employeur

Le IV prévoit que Pôle Emploi se substitue au collaborateur parlementaire dans l’hypothèse où le parlementaire-employeur n’aurait pas respecté ses obligations, à charge pour Pôle Emploi de recouvrir les sommes dues pour le compte de l’État auprès du parlementaire.

II.   Les modifications adoptÉes par la commission des lois

1.   La clarification du dispositif de licenciement des collaborateurs en raison de la cessation du mandat parlementaire

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a introduit un motif sui generis de licenciement des collaborateurs en raison de la fin du mandat.

Actuellement, les collaborateurs licenciés en raison de la fin du mandat parlementaire le sont selon la procédure du licenciement pour motif personnel. Cela entraîne une confusion entre le motif du licenciement (la fin du mandat) et la procédure de licenciement (celle du motif personnel). Cette confusion peut laisser croire à un futur employeur que le collaborateur est responsable de son licenciement alors que tel n’est pas le cas ([113]).

Le I-A du présent article, introduit par votre Commission, dispose que la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif spécifique de licenciement du collaborateur dont la cause est réelle et sérieuse.

Il introduit une procédure de licenciement ad hoc adaptée reposant sur :

– la notification du licenciement dans un délai de cinq jours francs à compter du lendemain du dernier jour du mandat ;

– une dispense légale d’exécution du préavis ;

– un droit aux indemnités légales (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité compensatrice de préavis) ;

– la remise des documents de fin de contrat ainsi qu’une attestation d’assurance chômage.

2.   La simplification du parcours d’accompagnement des collaborateurs parlementaires licenciés

Validant le dispositif introduit par le Sénat, votre Commission, suivant la proposition de la rapporteure, a simplifié et sécurisé le parcours d’accompagnement personnalisé des collaborateurs parlementaires, en leur permettant d’y accéder directement auprès de Pôle emploi.

Il est désormais prévu que, dans des conditions définies par décret, Pôle emploi propose et assure directement les prestations relatives au dispositif d’accompagnement du collaborateur parlementaire.

Il n’en demeure pas moins que le collaborateur, s’il souhaite bénéficier de ce parcours d’accompagnement, devra reverser à Pôle emploi tout ou partie du montant de son indemnité compensatrice de préavis à titre de contribution, afin de financer le dispositif, comme prévu par le Sénat. Le montant de cette contribution ne peut néanmoins excéder celui de l’indemnité compensatrice de préavis.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL138 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à introduire un motif sui generis de licenciement des collaborateurs parlementaires en raison de la fin du mandat. Chacun sait que la fin de mandat est parfois brutale, inattendue, et que les collaborateurs perdent du jour au lendemain leur emploi. Actuellement, les conditions de cessation de cet emploi sont régies par la procédure de licenciement pour motif personnel. Cela entraîne une confusion entre le motif du licenciement – qui est en réalité la fin du mandat – et la procédure de licenciement, celle du motif personnel. Cette confusion peut laisser croire à un futur employeur que le collaborateur est responsable de son licenciement, alors que tel n’est évidemment pas le cas.

Il est donc proposé de clarifier cette situation en créant un nouveau motif de licenciement des collaborateurs sui generis, la fin du mandat parlementaire, et d’instaurer une procédure de licenciement adaptée à cette situation.

M. Olivier Dussopt. Madame la rapporteure, vous proposez un motif réel et sérieux. Avez-vous mesuré l’intérêt social qu’aurait pour nos collaborateurs un licenciement pour motif économique ? Ce serait plus utile et plus protecteur pour les salariés. Nous avons franchi un grand pas tout à l’heure en adoptant l’amendement CL71. La fin du mandat s’apparente finalement à la perte pour le député employeur individuel des crédits collaborateurs lui permettant de salarier un collaborateur : on peut y voir un motif économique.

Mme la rapporteure. Le dispositif adopté par le Sénat permet d’avoir un parcours d’accompagnement des collaborateurs licenciés sur le modèle du contrat de sécurisation professionnelle et de ne pas appliquer le dispositif de licenciement économique qui n’est pas adapté à la situation précise des collaborateurs parlementaires, et surtout à celle des parlementaires employeurs qui ne sont pas des entreprises au sens du code du travail.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL139 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. C’est la suite logique de l’amendement précédent : le Sénat a prévu un parcours personnalisé permettant aux collaborateurs licenciés de bénéficier d’un accompagnement et de formations renforcées ainsi que d’une indemnisation plus avantageuse en cas de chômage sur le modèle du contrat de sécurisation professionnelle.

De façon à simplifier et sécuriser le dispositif, l’amendement donne la possibilité à tout collaborateur demandeur d’emploi d’y accéder directement auprès de Pôle emploi, en prévoyant sa mise en place par Pôle emploi, dans des conditions fixées par décret.

M. Marc Le Fur. Je déposerai en séance publique un amendement qui prévoira qu’à la suite d’échecs électoraux de leur employeur, le licenciement des collaborateurs soit qualifié de licenciement économique. Cela s’assimile à l’arrêt de l’activité d’une entreprise, et le licenciement économique est plus avantageux pour la personne que le licenciement pour motif personnel.

En fait, il existe, dans notre droit, le licenciement personnel et le licenciement économique. Toutes les entreprises, quel que soit leur statut, peuvent provoquer un licenciement de nature économique. Ce n’est pas possible lorsque l’employeur n’est pas une entreprise, qu’il n’a pas de finalité financière. Les deux cas concernés sont les employés de maison et nos collaborateurs. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on les place dans une situation très défavorable.

Nous avons fait évoluer les choses dans le bon sens lors de la précédente législature parce que nous entrevoyions les difficultés qu’ils pourraient rencontrer à l’avenir – mais on ne pouvait pas imaginer qu’il y aurait un aussi grand renouvellement de députés. La solution la plus simple consiste à aller vers un licenciement économique au terme du mandat. Bien évidemment, la procédure du licenciement personnel demeure en cas de difficultés, en cours de mandat, entre le collaborateur et l’employeur qui est le député.

Je crois que votre objectif est bien de trouver une solution plus favorable aux collaborateurs. La bonne solution, c’est d’être très cohérent. Jusqu’à présent, le licenciement économique ne s’appliquait pas à nous parce que nous ne sommes pas une entreprise. Je proposerai que le licenciement économique puisse s’appliquer en cas d’échec électoral ou de départ de l’employeur pour des raisons diverses. En tout état de cause, cette proposition aurait plus de poids si vous la proposiez vous-même.

Mme Alice Thourot. S’il s’agit d’un licenciement économique, comment satisfait-on à l’obligation de reclassement ? Cela me paraît compliqué… Ce serait dévoyer le texte que de considérer un licenciement pour cause de fin de mandat comme un licenciement économique quand on voit à quel point le critère économique d’un licenciement est apprécié sévèrement par les conseils de prud’hommes.

M. Marc Le Fur. Il n’y aura pas d’appréciation de la part des prud’hommes puisque la loi elle-même prévoira que le terme du mandat pour échec électoral générera un licenciement économique. Rappelons qu’actuellement des centaines de collaborateurs sont sur le carreau…

Mme la rapporteure. On ne peut pas nous reprocher de ne pas être les défenseurs des collaborateurs. Nous avons tous à cœur d’améliorer leur situation et de rechercher les meilleurs dispositifs. C’est le sens des amendements que nous avons déposés.

Le licenciement économique n’est pas reconnu actuellement par la Cour de cassation. Nous ne sommes pas des entreprises…

M. Marc Le Fur. Mais on peut l’introduire dans la loi !

M. Philippe Gosselin. C’est à nous d’écrire la loi !

Mme la rapporteure. Nous vous proposons un dispositif qui apporte toutes les garanties possibles aux collaborateurs à la fin du mandat du parlementaire. Ce serait penser que les futurs employeurs ne seraient pas très futés que d’imaginer que le collaborateur parlementaire dont la fonction a cessé du fait de l’échec du député pourrait considérer qu’il y aurait une autre cause de licenciement que la cessation du mandat… Nous partageons le même objectif, celui de créer un vrai statut et d’accorder une vraie protection aux collaborateurs parlementaires. C’est ce que nous faisons avec cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 bis modifié.

TITRE IV
DiSPOSITIONS RELATIVES À L’INDEMNITÉ DES MEMBRES DU PARLEMENT

Article 7
(art. 4 sexies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, art. L. 1362 du code de la sécurité sociale, art. 81 du code général des impôts)
Définition par chaque assemblée parlementaire des règles relatives au remboursement des frais de mandat de ses membres

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 prévoit que chaque assemblée parlementaire détermine les règles relatives au remboursement des frais de mandat de ses membres, sur présentation de justificatifs. Ce dispositif aurait vocation à se substituer au versement de l’actuelle indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).

Dernières modifications législatives intervenues

L’IRFM est mentionnée au a du 3° du II de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, issu de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990) et tendant à assujettir les sommes versées à la contribution sociale généralisée.

Modifications apportées au Sénat

L’article 7 a été réécrit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, afin de préciser qu’il revenait au Bureau de chaque assemblée de définir les règles relatives au remboursement des frais de mandat et de dispenser les parlementaires de l’avance des frais.

 

Il a, de nouveau, été réécrit en séance publique, sur la proposition du rapporteur, afin de laisser au Bureau de chaque assemblée le choix entre trois possibilités, en fonction de la nature des frais :

– le remboursement sur justificatifs des dépenses du député ;

– la prise en charge directe par l’assemblée ;

– un système d’avance.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article a été réécrit, sur proposition de votre rapporteure et des membres du groupe LREM, afin de préciser et de compléter le régime de prise en charge des frais élaboré par le Sénat.

 

I.   L’État du droit

A.   L’Objet et Le montant de l’IRFM

L’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) est une allocation destinée à couvrir forfaitairement l’ensemble des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire, qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés. Elle ne constitue pas, au sens de l’article 25 de la Constitution, une « indemnité » et ne relève donc pas du domaine de la loi organique, contrairement à l’indemnité parlementaire et à l’indemnité de fonction.

À l’Assemblée nationale, son origine remonte à la création, en 1970, d’une « indemnité d’aide dactylographique », devenue, en 1995, « indemnité de secrétariat ». Elle a été instituée sous sa forme actuelle par un arrêté du Bureau du 23 avril 1997.

En 2017, son montant net, par député, s’élève à 5 372,80 euros ([114]). Au Sénat, celui-ci s’élève à 6 109,89 euros nets.

Si l’IRFM supporte la CSG et la CRDS (a du 3° du II de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale), elle n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu, en application du principe posé par l’article 81 du code général des impôts ([115]).

B.   l’utilisation de l’IRFM

Jusqu’à une période récente, aucune règle ne détaillait les frais pouvant être imputés sur l’IRFM. Plusieurs décisions ont été prises récemment afin d’encadrer son utilisation.

1.   La loi ou la jurisprudence prohibent déjà certains usages de l’IRFM

En 2013, le Conseil constitutionnel a proscrit l’affection de l’IRFM « au financement d’une campagne électorale à laquelle le député est candidat » ([116]). Il a, en particulier, jugé qu’un candidat ne pouvait utiliser ces sommes comme apport personnel pour financer sa campagne, sous peine de rejet de son compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ([117]).

Cette jurisprudence a été reprise et complétée par l’article L. 52-8-1 du code électoral, introduit par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([118]). Cet article dispose « qu’aucun candidat ne peut utiliser, directement ou indirectement, les indemnités et les avantages en nature mis à disposition de leurs membres par les assemblées parlementaires pour couvrir les frais liés à l’exercice de leur mandat ».

Dans le cadre du contrôle des comptes des partis et groupement politiques, la CNCCFP a également eu l’occasion de rappeler que l’IRFM – qui se rapporte à l’exercice du mandat parlementaire et qui, à ce titre, est exonérée de l’impôt sur le revenu – ne pouvait en aucun cas être utilisée pour payer un don ou une cotisation ouvrant droit à une réduction d’impôt.

En outre, lors de l’examen des déclarations de situation patrimoniale de fin de mandat, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) vérifie que l’IRFM n’a pas servi à accroître le patrimoine personnel du parlementaire ([119]). Dans le cas contraire, elle peut formuler des observations, voire saisir le Procureur de la République lorsqu’elle soupçonne la commission d’une infraction pénale.

2.   Les règles définies par le Bureau de l’Assemblée nationale

Comme son homologue du Sénat, le Bureau de l’Assemblée nationale a été conduit à encadrer plus strictement l’utilisation de l’IRFM par les députés.

Ainsi, en octobre 2012, il a mis un terme définitif à la possibilité pour un député de procéder à un transfert du crédit collaborateur vers l’IRFM.

À la fin de la XIIIème législature, le Collège des Questeurs a décidé que les députés non réélus devraient reverser à l’Assemblée nationale la partie non consommée de leur IRFM, une fois les derniers frais de mandat payés. Cette obligation a continué à prévaloir depuis lors, y compris en cas de cessation du mandat en cours de législature ; elle a été consacrée par le Bureau dans le Règlement budgétaire, comptable et financier.

Le Bureau de l’Assemblée nationale est allé plus loin, lors de sa réunion du 18 février 2015 ([120]), en définissant des règles impératives d’utilisation de l’IRFM. Un nouvel article 32 bis inséré dans l’Instruction générale du Bureau a ainsi dressé une liste de cinq catégories de dépenses autorisées :

– les frais liés à la permanence (à sa location comme à son fonctionnement) et à l’hébergement du député ;

– les frais de transport du député (dont l’acquisition et l’utilisation d’un véhicule) et de ses collaborateurs ;

– les frais de communication ;

– les frais de représentation et de réception ;

– les frais de formation du député et de ses collaborateurs.

Ces dispositions interdisent également l’imputation sur l’IRFM de toute dépense afférente à une nouvelle acquisition de biens immobiliers, qu’ils soient destinés à héberger la permanence ou à tout autre usage.

Elles ont institué une procédure de déclaration : chaque député est désormais tenu, une fois par an, avant le 31 janvier, d’adresser au Bureau une déclaration attestant sur l’honneur qu’il a utilisé l’IRFM au cours de l’année précédente conformément aux règles établies par le Bureau.

Aux fins de contrôle, le Président de l’Assemblée nationale peut, après avis du Bureau, saisir le déontologue d’une demande d’éclaircissements concernant la situation d’un député, avec pour mission de lui en faire rapport. Le Bureau « statue sur la situation du député au vu de ce rapport et prend les mesures appropriées ».

II.   Le droit PROPOSé

A.   Mettre fin à une « source de suspicion pour les citoyens »

L’article 7 du projet de loi insère un nouvel article 4 sexies dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ([121]). Dans sa version initiale cet article renvoyait à chaque assemblée parlementaire le soin de définir « les conditions dans lesquelles les frais de mandat réellement exposés par chaque député et sénateur lui sont remboursés, dans la limite de plafonds qu’elle détermine, sur présentation de justificatifs de ces frais ».

Bien que d’application immédiate, dès la promulgation du texte, ces dispositions sont subordonnées à l’édiction de règles par l’Assemblée nationale et le Sénat déterminant la nature des frais éligibles, les plafonds éventuellement applicables et les modalités du remboursement sur présentation des justificatifs, ainsi qu’à la mobilisation des ressources humaines et techniques nécessaires.

Selon l’étude d’impact, il s’agit de renforcer l’encadrement de la prise en charge des frais de mandat « en substituant à un versement a priori d’une somme mensuelle soumise à des conditions d’utilisation fixées par les assemblées un remboursement a posteriori sur présentation de justificatifs. Le remboursement sur la base de justificatifs permettra à chaque assemblée de contrôler que les frais engagés correspondent bien à des frais de mandat et d’éviter une confusion entre le traitement du parlementaire et cette indemnité. Afin de préserver l’autonomie des assemblées, celles-ci décideront des éléments constitutifs des frais de mandat et fixeront un plafond de remboursement » ([122]).

À titre de comparaison, le système allemand, analogue au régime actuel de l’IRFM, le dispositif mis en place au Royaume-Uni basé sur le principe d’un remboursement des frais réels, ainsi que le régime indemnitaire des sénateurs et représentants américains sont très rapidement évoqués par l’étude d’impact. Ils sont présentés plus en détail dans le présent rapport ([123]).

B.   Un nouveau dispositif de remboursement des frais

La procédure proposée pour couvrir les frais de mandat des députés et des sénateurs serait la suivante :

a) le parlementaire procèderait à la dépense en avançant les fonds sur ses deniers personnels ;

b) il devrait transmettre, dans un délai préalablement défini, un justificatif aux services de son assemblée qui contrôleraient que la dépense correspond bien au remboursement d’un frais de mandat ;

c) après vérification, chaque assemblée rembourserait les dépenses à ses membres.

Les assemblées seraient seules compétentes pour garantir la bonne application de ces nouvelles modalités de remboursement des frais de mandat. Ce dispositif, comme au demeurant l’actuel, écarte toute possibilité de contrôle de la part de l’administration fiscale.

L’étude d’impact précise, en effet, que « des remboursements de frais ne constituent pas des revenus imposables et n’ont donc pas à être déclarés à l’administration fiscale. Par ailleurs, celle-ci ne dispose pas d’un droit de vérification à l’égard des assemblées. Il est donc exclu qu’elle apprécie si les remboursements de frais du mandat assurés par les assemblées correspondent réellement à des dépenses relatives à l’exercice du mandat » ([124]).

En conséquence, l’administration fiscale ne pourrait en aucun cas, lors de la déclaration d’impôt du parlementaire, requalifier des frais de mandat en « avantages en nature », sous peine d’attenter au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées parlementaires qui en découle. Cette interprétation a été confirmée par le Conseil d’État dans son avis sur le présent projet de loi ([125]).

III.   LeS modifications opérées par le sénat

À l’initiative de son rapporteur, la commission des lois du Sénat a adopté, une nouvelle rédaction de l’article 7.

Il est prévu que le bureau de chaque assemblée fixe les conditions d’application des nouvelles dispositions législatives. Cette rédaction maintenait la double exigence de plafonds et de justificatifs, mais écartait le principe d’un remboursement et donc celui d’un contrôle a priori, dans le souci, selon l’exposé des motifs de l’amendement, de ne pas entraver excessivement l’exercice du mandat parlementaire et de limiter les coûts de gestion induits.

Le Sénat y est revenu, en séance publique, à l’initiative du rapporteur, afin de laisser le choix au Bureau de chaque assemblée entre trois possibilités, en fonction de la nature des frais :

– le remboursement sur justificatifs des dépenses du député (cas général) ;

– la prise en charge directe par l’assemblée (notamment pour des dépenses importantes : déplacements, informatique, etc.) ;

– un système d’avance, considéré comme résiduel (pour l’amorçage du système de remboursement et les petites dépenses).

Dans cette rédaction, cet article procède à plusieurs coordinations, dont l’une, au a du 3° du II de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, met fin à l’assujettissement à la CSG et à la CRDS des sommes versées aux parlementaires au titre des frais de mandat.

IV.   La réécriture opérée par la commission des lois

À l’initiative de la rapporteure, de Mmes Paula Forteza et Naïma Moutchou et des membres du groupe La République en marche, la commission des Lois a adopté une nouvelle rédaction de l’article 7.

Sans remettre en cause l’équilibre général trouvé par le Sénat, ce dispositif prévoit la compétence du Bureau de chaque assemblée pour arrêter la liste des frais autorisés et pour définir un système de contrôle et de traçabilité confié, à l’Assemblée nationale, au déontologue, et au Sénat, au comité de déontologie. Bien que cela ne soit pas du niveau législatif, la rapporteure a indiqué que ces contrôles pourraient par exemple prendre la forme de vérifications aléatoires de comptabilité ou d’une certification par un commissaire aux comptes.

Les trois formes de prise en charge des frais de mandat sont expressément mentionnées, sans hiérarchie. Il reviendra donc au Bureau de chaque assemblée d’arrêter des règles en phase avec la transparence souhaitée par le législateur.

*

*     *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL200 de la rapporteure, CL25 de M. Michel Zumkeller et CL96 de M. Philippe Latombe identiques, CL15 de Mme Marietta Karamanli, CL40 de M. Olivier Marleix et CL73 de Mme Paula Forteza.

Mme la rapporteure. Ces amendements ont trait à l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui a fait l’objet de nombreuses discussions au Sénat, parfois de fantasmes. Il a paru nécessaire au Gouvernement, aux sénateurs et maintenant à nous-mêmes, de revoir le dispositif dans sa totalité afin de poursuivre trois objectifs indispensables : la traçabilité, le contrôle et la certification.

Nous ne pouvons plus fonctionner avec une indemnité globale dont l’utilisation n’aurait pas besoin d’être justifiée dans le détail. Aussi souhaitons-nous remplacer le dispositif existant.

Nous proposons d’entériner la fin de l’IRFM et sa mention dans le code de la Sécurité sociale, de renvoyer largement au bureau de chacune des assemblées et donc de poser dans la loi les principes qui présideront à l’utilisation de l’indemnité. Cette solution permet de préserver l’autonomie des deux assemblées, chaque bureau décidant des éléments constitutifs des frais de mandat et fixant un plafond de remboursement.

En concertation avec les questeurs des deux assemblées, nous avons conservé une souplesse nécessaire au dispositif. Certaines dépenses, comme les équipements informatiques, font aujourd’hui l’objet d’une prise en charge directe par l’Assemblée ou le Sénat ; il faut en tenir compte. De même, il est nécessaire de permettre le versement d’une avance dans certains cas.

Le dispositif que nous proposons prévoit donc trois formes de prise en charge des frais : le remboursement sur justificatifs, la prise en charge directe et un système d’avance. Nous mettons également en place un contrôle obligatoire dont le bureau de chaque assemblée fixera les modalités. Pour ma part, j’imagine que nous pourrions procéder à un système de contrôle aléatoire des comptabilités que les députés seront conduits à tenir ; nous souhaitons également que ces comptabilités soient certifiées dans un cadre qui resterait à définir.

Nous inviterons le bureau de chaque assemblée à définir de façon plus stricte les dépenses autorisées et celles qui ne le sont pas, de telle sorte que tout un chacun puisse être assuré que les dépenses que nous effectuons en tant que députés le sont bien dans le cadre de l’exercice de notre mandat.

M. Michel Zumkeller. Chacun ici reconnaît que le système actuel n’est pas satisfaisant. Je rappelle que le groupe UDI avait proposé, en 2012, des amendements visant à le contrôler. À l’époque, nous n’avions été que très peu suivis. Aussi sommes-nous très heureux que ce dossier avance.

Il y a une option que vous n’avez pas envisagée, celle de la fiscalisation. Il pourrait être cohérent de fondre l’indemnité parlementaire et l’IRFM, de les fiscaliser, et de considérer les parlementaires comme des personnes réalisant des bénéfices non commerciaux. Nous aurions peut-être des frais à déduire et ce serait l’administration fiscale qui effectuerait le contrôle.

Le système que vous évoquez pose un réel problème : qui va contrôler ? Combien va-t-il coûter ? Comment cela va-t-il se passer ? Charger le bureau de chaque assemblée de ce travail nécessitera un contrôle très pointu qui engendrera des frais et le recrutement de personnels. Est-ce vraiment le rôle de l’Assemblée nationale de contrôler des factures les unes après les autres ? Nous n’en sommes pas persuadés. Voilà pourquoi nous souhaitons que soit étudiée cette option de fiscalisation qui permettrait au parlementaire de déduire éventuellement des frais qui seront vérifiés par les services des impôts. Ce serait le meilleur moyen d’aboutir à la transparence, et c’est ce que nous proposons dans notre amendement CL25.

M. Philippe Latombe. Nous souhaitons trouver un système qui soit le plus simple, le plus transparent et le plus cohérent possible. Il ne s’agit pas de transférer la totalité du contrôle à l’administration fiscale : elle vérifiera la déductibilité ou non des frais.

Notre amendement CL96 prévoit que la comptabilité soit déposée et agrée par un organisme extérieur. Au cours des auditions, nous avons entendu les représentants des commissaires aux comptes nous dire qu’il leur était tout à fait possible de certifier les comptes des députés. Ce système permettrait de faire entrer les députés dans un régime de droit commun, celui du droit fiscal, avec la possibilité de déduire ou non en fonction des instructions fiscales, et d’aboutir à la transparence. Instaurer un système de contrôle des factures a priori revient à installer une vraie usine à gaz alors que la fiscalisation a l’avantage de simplifier les choses.

M. Régis Juanico. L’amendement CL15 cosigné par Mme Karamanli, Mme Untermaier et M. Potier vise à renforcer la transparence et le contrôle des dépenses des parlementaires dans le cadre de l’IRFM de façon réaliste, et d’abord en disant que l’on peut aller plus loin que ce qui a été déjà fait.

À l’Assemblée nationale, le cadre de l’utilisation de l’IRFM a été précisément défini en février 2015 par le bureau. L’IRFM concerne tout ce qui touche à la location des permanences – jadis on pouvait acheter un bien immobilier avec l’IRFM, ce qui n’est plus possible – les frais d’hébergement, de transport, de communication, de représentation – par exemple l’achat de médailles, de coupes, de couronnes – et de formation des députés et des collaborateurs. Ont été ajoutées à ces dépenses précisément définies la rémunération des collaborateurs en cas de dépassement du crédit collaborateur, les cotisations au groupe politique et le remboursement de certaines prestations fournies par l’Assemblée nationale. Le bureau de l’Assemblée a également prévu – mais vous me direz que c’est peut-être insuffisant – que les députés doivent attester sur l’honneur qu’ils utilisent l’IRFM conformément aux règles qui ont été définies. Enfin, est prévue l’obligation, en fin d’année, en cas de reliquat d’IRFM, de le reverser à l’Assemblée nationale.

Nous proposons concrètement que chaque député puisse tenir une comptabilité, par grandes dépenses, qui correspondent aux critères définis en 2015 que je viens d’évoquer et que celle-ci soit transmise chaque année à un expert-comptable ; celui-ci devra certifier que ces dépenses ont été bien utilisées dans le cadre défini. Ensuite, nous prévoyons que l’Assemblée nationale effectue un contrôle aléatoire, suffisamment dissuasif sur cinq ans, de l’ensemble des députés. Mais ce ne doit pas être un contrôle systématique et a priori comme l’a proposé le Sénat : cela représenterait un travail énorme qui exigerait de recruter de nouveaux fonctionnaires. Or les députés ont plutôt besoin de moyens humains pour contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

Le système que nous proposons permet d’aller beaucoup plus loin en matière de transparence et de contrôle de nos dépenses d’IRFM. Il paraît plus simple et plus adapté qu’une usine à gaz qui mobiliserait de nombreux fonctionnaires à l’Assemblée nationale.

M. Olivier Marleix. Je souscris pleinement à l’objectif de ces amendements ; nous partageons tous la volonté d’améliorer la transparence dans l’utilisation de l’indemnité représentative des frais de mandat, et la nécessité que les parlementaires rendent compte devant les organes de chacune des assemblées.

À la différence de la proposition de M. Juanico, ma version ne va pas jusqu’à ériger le parlementaire en comptable. Nous faisons déjà beaucoup de métiers en tant que députés, y ajouter l’activité de comptable alourdirait considérablement ce quotidien. J’ai beaucoup d’estime pour les experts-comptables, mais je ne sais pas s’il faut aller jusque-là…

Mon amendement CL40 permettrait à chaque assemblée de définir un régime plus souple, répondant à l’exigence de transparence. Il est proposé que les parlementaires remettent à l’organe désigné par leur assemblée un relevé de comptes, et que l’on justifie de toutes les dépenses qui y figurent. Un relevé de comptes permet un traçage très précis de toutes les dépenses sans aucune contrainte comptable supplémentaire. Pourquoi recruter des fonctionnaires alors que nos banques savent très bien organiser tout cela ?

Mme Paula Forteza. Nous retirons notre amendement CL73 en faveur du CL200 présenté par la rapporteure. La position de principe du groupe est de considérer que l’IRFM n’est pas un revenu complémentaire, comme l’impliquerait la fiscalisation, mais bien qu’elle correspond à des frais de mandat qui doivent être justifiés. Les modalités seront fonction des types de dépenses, afin que chaque assemblée puisse organiser de façon plus précise et plus flexible le contrôle des frais.

Dans tous les cas, le contrôle sera obligatoire. Sa mise en œuvre impose que les dépenses éligibles soient définies plus précisément qu’aujourd’hui, comme le prévoit l’amendement CL200. Nous proposons également l’intervention d’un tiers extérieur, qui renforcerait l’exigence de contrôle, et du déontologue de chaque assemblée, dont nous proposons par ailleurs de renforcer les pouvoirs.

L’amendement CL73 est retiré.

Mme Lætitia Avia. J’entends les arguments en faveur d’une fiscalisation, mais comme cela a été rappelé, elle reviendrait à augmenter l’enveloppe de l’indemnité parlementaire. Nous avons beaucoup parlé, hier, en présence de la garde des Sceaux, de notre identité : quels députés voulons-nous être ? Voulons-nous être les députés qui augmentent leur indemnité parlementaire sous couvert d’une fiscalisation ? À titre personnel, ma réponse est négative. Nous voulons rationaliser l’utilisation de l’argent public, et déterminer dans quelle mesure les frais engagés entrent dans le cadre de l’exercice du mandat.

J’entends dire que nous allons créer une usine à gaz, mais ces obligations sont les mêmes que celles qui pèsent sur chaque chef d’entreprise : dans une société, il faut parfois faire régler quelques factures par la comptabilité de l’entreprise, parfois on engage des frais qui sont ensuite remboursés, et d’autres fois on utilise la carte bancaire de l’entreprise. Les obligations créées par cet amendement sont exactement les mêmes que celles qui pèsent sur chaque chef d’entreprise.

N’oublions pas non plus l’exigence de contrôle, extrêmement importante dans ce texte. Les modalités de contrôle seraient à définir par les bureaux des assemblées, sans pour autant s’interdire – il est même fortement suggéré – le recours à un expert-comptable. Cet amendement répond à des exigences de transparence, de cohérence à l’égard de ce qui est demandé à nos concitoyens, et de contrôle.

M. Bruno Questel. Nous sommes ici pour faire le droit, mais nous faisons aussi de la politique. Je crains qu’une fiscalisation de l’IRFM ne déclenche une réaction immédiate de nos concitoyens. Je vois d’ici le leitmotiv de la presse – qui nous adore : « Ils se doublent leurs indemnités ! » Je rappelle que bien que l’utilisation de l’IRFM soit encadrée, les parlementaires sont totalement libres d’utiliser un bien propre pour ne pas supporter de dépense de loyer : du coup, certains pourraient ramener à un niveau minime la ponction effectuée sur une indemnité portée à près de 12 000 euros. Il s’en suivrait une inégalité inéluctable entre parlementaires. La proposition de la rapporteure me paraît poser des règles de transparence, de lisibilité et de contrôle.

Mme la rapporteure. Je propose à la Commission d’adopter l’amendement CL200, qui prévoit un dispositif juste et à même de répondre à toutes les interrogations.

M. Marc Le Fur. Sur cette affaire d’IRFM, soit nous trouvons une solution interne à l’Assemblée et au Sénat, soit nous trouvons une solution banalisée.

La solution interne, que vous proposez, maintient l’entre-soi. Elle organise un autocontrôle.

L’amendement que présente notre collègue Zumkeller me semble meilleur, car nos concitoyens attendent que nous ayons un régime comparable à l’ensemble des personnes dans la même situation. Des centaines de milliers de personnes ont des frais professionnels et déduisent de leurs revenus tous ceux qu’ils peuvent justifier. Pour ce faire, ils sont en relation non pas avec la corporation à laquelle ils appartiennent, mais avec les services fiscaux.

Pour l’IRFM, nous avons essayé de trouver des formules, toujours plus contraignantes pour les députés, mais toujours dans l’entre-soi. La seule formule à moyen terme est de prévoir un statut banalisé, comme tout le monde. Des milliers de gens ont des frais professionnels, ils les déduisent et les justifient. Et s’il y a un problème, l’administration fiscale noue un dialogue, et il est possible de se justifier. Cela présente enfin un autre intérêt : celui de ne pas livrer tout cela en pâture à l’opinion.

Nous ne pouvons plus rester dans l’entre-soi, il nous faut franchir cette étape. C’est la seule façon d’être crédibles aux yeux de nos concitoyens.

Mme Cécile Untermaier. Il faut effectivement s’interroger sur l’entre-soi, comme vient de le faire notre collègue. Si le contrôle est renvoyé aux bureaux des assemblées, nous resterons entre nous.

L’amendement présenté par la rapporteure me convient globalement, le nôtre n’est là que pour inciter à instaurer un contrôle aléatoire avec un expert-comptable venant certifier les comptes. Il faut nous assurer de la publication des décisions qui seront prises par l’Assemblée comme par le Sénat suite à ces contrôles. N’envoyons pas le message que nous réglons ces questions entre nous. Les décisions des bureaux sont publiées ; encore faut-il en assurer une publicité assez large pour rassurer les citoyens sur le travail effectué à ce sujet.

M. Guillaume Vuilletet. Nous atteignons un équilibre avec le texte qui nous est proposé, et je voudrais revenir sur les propos de notre collègue Le Fur. Non, nous ne sommes pas tout à fait comme les autres ; à tel point que nous avons une caisse de Sécurité sociale spéciale. Parce que pour que l’Assemblée soit indépendante, elle doit se contrôler elle-même. C’est la garantie de son statut et du nôtre. Nous ne criminalisons pas notre fonction, nous montrons à l’opinion que nous pouvons être transparents ; ce n’est pas la même chose.

M. Erwan Balanant. Il faut trouver l’équilibre entre la transparence que nous devons à nos concitoyens, nos capacités et l’efficacité du dispositif. Les deux solutions sont séduisantes. La fiscalisation permet de sortir d’un règlement au sein de l’Assemblée, et nous donne le même régime que tout le monde. Mais le signal qui pourrait être perçu, c’est celui d’une augmentation de nos indemnités. Il faut le prendre en compte, les citoyens ne comprendraient pas. Ce n’est pas nécessairement vrai : on verra bien, une fois déduits les frais de chacun, que le net est le même. Et certains députés pourront s’engager au-delà de ce que nous avons actuellement.

Mais ce n’est pas parce que l’Assemblée règle la question au sein du bureau que nous sommes dans l’entre-soi, si les règles sont précises et connues de nos concitoyens, il n’y a plus d’entre-soi, nous avons expliqué comment les choses fonctionnaient. Cet élément a aussi l’avantage de maintenir une stricte séparation des pouvoirs.

Entre ces deux solutions, je ne sais pas laquelle choisir. Les deux me paraissent répondre aux objectifs de transparence et d’efficacité.

M. Guillaume Larrivé. L’argument de la séparation des pouvoirs que vient d’invoquer notre collègue me semble très pertinent : une fiscalisation impliquerait un contrôle du pouvoir exécutif sur ce que nous faisons. Le pouvoir exécutif a des agents qui exerceraient un contrôle au cas par cas sur la nature des dépenses, et j’y vois le risque d’une atteinte à la liberté d’action du Parlement.

L’amendement de la rapporteure n’est pas très éloigné d’un point d’arrivée qui peut être accepté. J’aurais volontiers proposé un sous-amendement, mais malheureusement cela ne relève pas de la loi mais du règlement de notre assemblée : pour que votre solution fonctionne, il faudrait que le bureau soit constitué de manière pluraliste, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui… Ce n’est pas un point de détail, parce qu’il serait assez légitime que le principal groupe d’opposition puisse participer à la définition des conditions pratiques dans lesquelles tout cela sera mis en œuvre.

L’amendement CL200 est adopté.

En conséquence, l’article 7 est ainsi rédigé et les amendements CL25, CL96, CL15, CL40, CL18, CL19, CL21, CL13, CL20 et CL141 tombent.

 

Article 7 bis
(art. 80 undecies du code général des impôts)
Imposition des indemnités de fonction complémentaires versées à certains parlementaires exerçant des fonctions particulières

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 bis vise à soumettre à l’impôt sur le revenu les indemnités de fonction complémentaires versées à certaines autorités des assemblées parlementaires (membres du bureau, présidents des groupes politiques et présidents des commissions).

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 63 de la loi de finances pour 2017 (n° 2016-1917 du 29 décembre 2016) a soumis l’indemnité de fonction versée aux parlementaires à l’impôt sur le revenu.

Modifications apportées au Sénat

L’article 7 bis a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative des trois questeurs du Sénat.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles.

I.   L’État du droit

Les députés et les sénateurs perçoivent une indemnité parlementaire. Celle-ci comprend trois éléments :

– l’indemnité parlementaire de base, fixée par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois les plus élevés de l’État ; elle est égale à la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus haut des fonctionnaires de la catégorie « hors échelle » – soit, à l’Assemblée nationale, au 1er février 2017, un montant brut mensuel de 5 599,80 euros ;

– l’indemnité de fonction, égale au quart de son montant, soit 1 441,95 euros ;

 l’indemnité de résidence, également accordée à tous les agents de la fonction publique, qui représente 3 % du montant brut mensuel de l’indemnité parlementaire de base, soit 167,99 euros.

Les deux premières composantes sont définies par l’ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement ([126]).

Au plan fiscal, l’indemnité parlementaire de base et l’indemnité de résidence sont imposées suivant les règles applicables aux traitements et salaires, conformément à l’article 80 undecies du code général des impôts. Depuis les modifications introduites par l’article 63 de la loi de finances pour 2017 ([127]), l’indemnité de fonction l’est également dans les mêmes conditions.

Par ailleurs, les titulaires de différents postes à l’Assemblée nationale et au Sénat perçoivent des indemnités de fonction complémentaires, aussi appelées « indemnités spéciales », destinées à compenser des sujétions attachées à l’exercice de certaines fonctions. Elles ne sont pas prévues par la loi organique et uniquement mentionnées par le a du 3° du II de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, qui les définit, à l’instar de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), comme des sommes versées « à titre d’allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres ».

Les indemnités de fonction complémentaires sont plafonnées à 1,5 fois le montant cumulé de l’indemnité parlementaire et de l’indemnité de fonction. À l’Assemblée nationale, leur montant brut mensuel est le suivant :

– président : 7 267,43 euros ;

– questeurs : 5 003,57 euros ;

– vice-présidents : 1 038,20 euros ;

– présidents de commission et rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales : 879,59 euros ;

– président de la commission spéciale chargée d’apurer les comptes : 879,59 euros ;

– président de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques : 879,59 euros ;

– secrétaires du Bureau : 692,14 euros.

Ces indemnités sont exonérées d’impôt sur le revenu, sur le fondement du 1° de l’article 81 du code général des impôts : elles sont considérées comme une allocation spéciale destinée à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi et effectivement utilisée conformément à son objet.

En revanche, elles sont soumises à la CSG et à la CRDS conformément à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale déjà mentionné.

II.   Le dispositif introduit par le sénat

Introduit par la commission des Lois du Sénat, sur la proposition de MM. Bernard Saugey, Jean-Léonce Dupont et Dominique Bailly, questeurs, l’article 7 bis vise à rendre imposables les indemnités de fonction complémentaires selon les règles de droit commun applicables aux traitements et salaires prévues à l’article 80 undecies du code général des impôts. Cette disposition s’appliquerait aux indemnités perçues à compter du 1er janvier 2018.

Selon les auteurs de l’amendement, les indemnités de fonction complémentaires s’apparentent davantage à un supplément de rémunération qu’à une allocation pour frais d’emploi. Cette différence justifierait un traitement distinct de celui de l’IRFM, laquelle vise à permettre aux parlementaires de faire face aux dépenses liées à l’exercice de leur mandat.

Elle conduirait également à tenir les indemnités de fonction complémentaires à l’écart du dispositif de contrôle et de transparence mis en place par l’article 7 pour la seule IRFM.

À l’Assemblée nationale, la commission des Lois n’a apporté au présent article que des modifications rédactionnelles.

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*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL142 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 7 bis modifié.

TITRE IV bis A
DiSPOSITIONS RELATIVES À la nomination DES MEMBRES DU Gouvernement

Article 7 ter A
(art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Procédure préalable à la nomination des membres du Gouvernement

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 7 ter A conditionne la nomination d’un membre du Gouvernement à la transmission :

– d’informations rassemblées par la HATVP sur le respect des obligations en matière de déclaration d’intérêts ou d’activité, de déclaration patrimoniale, de gestion par un tiers des instruments financiers et de prévention ou cessation de tout conflit d’intérêts ;

– d’une attestation fiscale attestant du respect des obligations de déclaration et de paiement des impositions dues.

Dernières modifications législatives intervenues :

Il s’agit d’un dispositif nouveau.

Modifications apportées au Sénat :

L’article 7 ter A a été introduit en séance publique à l’initiative du rapporteur M. Philippe Bas.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles.

Adopté en séance par le Sénat, à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois, avec un avis favorable du Gouvernement, le présent article donne un fondement législatif aux vérifications auxquelles il est aujourd’hui procédé préalablement à la nomination des membres du Gouvernement.

Inscrite dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([128]), sous la forme d’un nouvel article 8-1, cette procédure prévoirait la transmission au Président de la République d’informations sur une personne que celui-ci envisage de nommer au sein du Gouvernement. Ces informations seraient également transmises au Premier ministre, une fois nommé, s’agissant du choix des autres membres du Gouvernement.

D’une part, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) serait autorisée à communiquer des éléments en sa possession permettant de déterminer :

– si cette personne est en conformité, le cas échéant, avec ses obligations déclaratives (transmission d’une déclaration d’intérêts, d’une déclaration d’intérêts d’activités ou d’une déclaration de situation patrimoniale) ou de justifier d’une gestion par un tiers désintéressé de ses instruments financiers ;

– si elle est susceptible d’être placée en situation de conflit d’intérêts en raison de sa nomination ;

– et quelles mesures permettraient de prévenir ou faire cesser cette situation de conflit d’intérêts.

D’autre part, il est créé une dérogation au secret fiscal afin de permettre à l’administration fiscale de transmettre une attestation relative à la situation de l’intéressé, de même nature et sous les mêmes réserves que celle prévue pour les députés, sénateurs et représentants français au Parlement européen par l’article 2 du projet de loi organique et l’article 13 du présent projet de loi.

La commission des Lois n’a adopté, sur cet article 7 ter A, que deux amendements de portée rédactionnelle.

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La Commission adopte les amendements rédactionnels CL144 et CL143 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 7 ter A modifié.

 

TITRE IV bis
DiSPOSITIONS RELATIVES aux frais de réception et de représentation des membres du gouvernement ainsi qu’à leur situation fiscale

Article 7 ter B (supprimé)
(art. 8-1 [nouveau] de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Conditions de prise en charge des frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 ter B, introduit en séance publique à l’initiative du rapporteur M. Philippe Bas, prévoit qu’un décret en Conseil d’État définisse les conditions de prise en charge des frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement, sur présentation de justificatifs. Ce décret déterminera également les plafonds à respecter.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a supprimé cet article, sur la proposition du Gouvernement soutenue par la rapporteure.

Adopté en séance par le Sénat, à l’initiative du rapporteur de sa commission des Lois, contre l’avis du Gouvernement, le présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État définisse les conditions de prise en charge des « frais de réception et de représentation » des membres du Gouvernement, sur présentation de justificatifs, ainsi que les plafonds à respecter.

En prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre un décret pour réglementer certaines dépenses liées à l’exercice des fonctions ministérielles, ce dispositif paraît, au regard de la jurisprudence ([129]), méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs et les dispositions de l’article 21 de la Constitution.

Sur le fond, les dépenses liées à l’exercice des fonctions ministérielles, notamment les frais de réception, de représentation ou de déplacement, sont prises en charge par l’État, à l’exclusion de toute dépense à caractère personnel des ministres.

Contrairement à l’indemnité représentative des frais de mandat (IRFM) des parlementaires, qui prend la forme d’une avance, ces dépenses sont imputées sur un programme au sein d’une mission du budget général, pour lequel le Parlement vote un montant limitatif de crédits dans le cadre de la loi de finances annuelle. Elles font l’objet d’un contrôle de gestion et sont soumises au visa du contrôleur budgétaire et comptable ministériel ; elles sont retracées dans les rapports annuels de performance, qui accompagnent la loi de règlement, et peuvent être contrôlées par les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Pour ces raisons, la commission des Lois a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de suppression du présent article.

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*     *

La Commission est saisie de l’amendement de suppression CL124 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. L’article 7 ter B, adopté contre l’avis du Gouvernement, prévoit qu’un décret en Conseil d’État définit les conditions de prise en charge des « frais de réception et de représentation » des membres du Gouvernement, sur présentation de justificatifs, ainsi que les plafonds à respecter.

En prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre un décret pour réglementer certaines dépenses liées à l’exercice des fonctions de ministre, ce dispositif méconnaît les dispositions de l’article 21 de la Constitution.

Sur le fond, les dépenses liées à l’exercice des fonctions ministérielles, notamment les frais de réception, de représentation ou de déplacement, sont prises en charge sur le budget du ministère. Il n’y a pas d’avance comme pour l’IRFM.

Les crédits budgétaires ainsi dépensés peuvent faire l’objet de contrôles par les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances.

Le dispositif voté par le Sénat ne nous paraît pas utile ; c’est la raison pour laquelle nous vous proposons de voter l’amendement de suppression de cet article.

M. Olivier Marleix. C’est un sujet important. Le Gouvernement nous demande de revenir sur un apport qui nous paraissait intéressant, au risque de remettre en cause le consensus trouvé au Sénat sur ce projet de loi. Il s’agissait d’établir une forme de parallélisme entre le sort réservé aux parlementaires et celui réservé aux ministres sur l’usage de leurs frais de fonctionnement courant.

L’histoire politique récente nous rappelle qu’un certain nombre d’excès peuvent faire scandale dans l’opinion publique, et nous sommes ici pour éviter que ces scandales se reproduisent. Ce fut par exemple le cas de l’achat de cigares par un ministre il y a sept ou huit ans, ou de trajets en avion de l’ETEC plus ou moins justifiés pour un autre ministre.

Ces sujets existent, et refuser de légiférer sur ce point fait courir le risque que de tels scandales se renouvellent. Je suis prêt à parier que ce sera malheureusement le cas dans les mois qui viennent, quels que soient les efforts, si aucun encadrement n’est décidé.

Vous n’avez pas opposé la séparation des pouvoirs précédemment, lorsque nous avons interdit aux ministres de recruter des membres de leur famille. Je ne comprends donc pas bien pourquoi elle viendrait faire obstacle dans ce cas précis. J’y vois plutôt un argument de mauvaise foi.

L’objectif de transparence doit être le même s’agissant d’un député ou d’un ministre, et il n’est pas satisfait par le contrôle de gestion. Il s’agit d’un contrôle interne très rigoureux de la dépense engagée par le cabinet ministériel pour le compte du ministre ; à ceci près que, à ma connaissance, ces informations ne sont pas rendues publiques ou sont très difficiles à trouver.

Cet ajout du Sénat qui imposait la même transparence aux frais de représentation des ministres me paraissait tout à fait bienvenu ; il est regrettable que le Gouvernement ferme la porte à cette proposition.

M. Ugo Bernalicis. Je ne comprends pas cette proposition de suppression. Pour avoir été fonctionnaire dans le domaine financier, je voyais passer toutes les factures dans le cadre des frais de représentation. Un travail a été fait au nom de l’État depuis plusieurs années pour encadrer ces frais de représentation à tous les niveaux, dans les directions des corps publics d’État comme dans le corps préfectoral, où plusieurs abus s’étaient produits il n’y a pas si longtemps que cela. Aujourd’hui, des justificatifs sont demandés et des plafonds de dépenses ont été fixés. Ce n’est d’ailleurs pas si contraignant, puisque certaines dépenses effectuées par le corps préfectoral pourraient encore être discutées – pour le dire poliment.

Il me semble de bonnes logique que ce qui s’impose déjà au sein de l’appareil d’État à tous les niveaux et qui va être appliqué au Parlement soit également étendu au Gouvernement ; et, pas plus que mon collègue dont je souscris au raisonnement, je ne comprends l’argument de la séparation des pouvoirs. Je suis contre cet amendement ; si le Gouvernement y tient, libre à lui de le défendre en séance publique.

M. Guillaume Larrivé. Comme nous tous, je suis très attentif au principe de séparation des pouvoirs. Je ne suis pas sûr que nous le méconnaissions en l’espèce, car l’article 7 ter B, tel que le Sénat l’a voté à l’initiative de Philippe Bas dont on connaît l’attachement aux règles juridiques, ne règle pas la question des frais de réception, mais renvoie à un décret le soin de les définir. Autrement dit, la loi ne ferait que renvoyer au Gouvernement le soin de définir son propre régime de frais… Je ne pense pas que nous soyons frontalement opposés au principe de séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif.

Au-delà, il serait bon que ce projet de loi ordinaire fasse l’objet d’un contrôle du Conseil constitutionnel. Le projet de loi organique sera d’office soumis au Conseil, mais il me semble que le président de l’Assemblée ou celui du Sénat devraient le saisir des questions très importantes soulevées par le projet de loi ordinaire, pour bien s’assurer que tous les principes constitutionnels sont respectés.

Mme la rapporteure. On ne peut pas dire que ces dépenses s’effectuent sans aucun contrôle. Les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances disposent de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, et ils les exercent. Qui plus est, prévoir un tel dispositif revient à enjoindre au Gouvernement de prendre un décret, et le Conseil constitutionnel a déjà jugé que le législateur ne pouvait pas agir de la sorte.

M. Philippe Gosselin. Ce matin, vous avez rendu un avis favorable sur un amendement un peu spécieux et susceptible de susciter l’ire du Conseil constitutionnel… Or cette fois-ci, alors que le risque me semble équivalent, vous rendez un avis défavorable. J’ai du mal à suivre votre logique de constitutionnaliste, et nous aurons du mal à faire passer le message qu’il peut exister deux poids, deux mesures, et deux régimes différents applicables aux uns ou aux autres.

Prenons le risque, et laissons le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat saisir le Conseil. Une partie du dispositif – la loi organique – sera soumise de droit à son examen ; il me semblerait très bien qu’il en aille de même pour la loi ordinaire. Au bénéfice de cet inventaire que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas d’exercer, il serait préférable de ne pas supprimer l’article 7 ter B.

M. Stéphane Mazars, président. Je rappelle que ce matin, la rapporteure a rendu un avis favorable avec réserves, en renvoyant à la discussion dans l’hémicycle.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 ter B est supprimé.

M. Guillaume Larrivé. Je tiens à souligner, au nom du groupe les Républicains, à quel point le vote émis à l’instant montre que la transparence est à géométrie variable… Les députés sont volontaires pour faire jouer cette transparence, mais je constate que le groupe La République en Marche refuse de l’appliquer au Gouvernement, et sur ordre du Gouvernement. Son amendement de suppression vient consolider une certaine opacité des frais de fonctionnement des différents ministères, et je trouve regrettable que la majorité s’arrête au milieu du gué.

Article 7 ter
(art. 9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Extension du champ de la procédure de vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement

Résumé du dispositif et effets principaux :

L’article 7 ter étend le champ des impositions susceptibles de faire l’objet d’une vérification de situation fiscale pour les membres du Gouvernement.

Dernières modifications législatives intervenues :

L’article 9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a donné un fondement légal à la procédure de vérification de la situation fiscale des membres du Gouvernement.

Modifications apportées au Sénat :

L’article 7 ter a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles.

L’article 9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a organisé une tradition républicaine en vertu de laquelle chaque ministre fait, « à compter de sa nomination », l’objet d’une procédure de vérification de sa situation fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et, le cas échéant, de l’impôt de solidarité sur la fortune.

La procédure est « placée sous le contrôle » de la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP) qui, lorsqu’elle constate qu’un membre du Gouvernement ne respecte pas ses obligations fiscales, en informe le Président de la République, ainsi que le Premier ministre lorsqu’il s’agit d’un autre membre du Gouvernement.

En pratique, la HATVP saisit le directeur général des finances publiques (DGFiP) pour vérifier la situation fiscale du nouveau Gouvernement dans un délai d’un mois après la nomination (33 ministres et secrétaires d’État en mai et juin 2017). L’administration fiscale informe ensuite régulièrement la HATVP de ses investigations.

Alors que le contrôle était jusqu’alors limité aux deux principaux impôts déclaratifs, la commission des Lois du Sénat, sur la proposition de son rapporteur, a souhaité inclure l’ensemble des impositions dont les membres du Gouvernement sont redevables dans le champ de la procédure de vérification de situation fiscale qui s’applique d’ores et déjà à eux.

À l’Assemblée nationale, la commission des Lois n’a adopté qu’un amendement rédactionnel au présent article.

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*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL146 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 7 ter modifié.

Après l’article 7 ter

La Commission est saisie d’un amendement CL23 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Michel Zumkeller. Par cet amendement, il est proposé d’introduire une responsabilité financière pour les membres du Gouvernement, qui n’existe pas, et qui permettrait d’éviter certaines dérives.

Concrètement, dans certains cas, des ministères effectuent des dépenses non prévues. En cas de contrôle de la Cour des comptes, ils se réfugient derrière le fait que c’est une demande du ministre, et comme le ministre n’a pas de responsabilité financière, cela passe sans aucun contrôle. Dans le cadre de la transparence, cet amendement propose une très bonne solution.

M. Marc Le Fur. Nous en avons débattu lors de la discussion de la loi d’habilitation à légiférer par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, puisque j’avais déposé un amendement tendant à ce que les ministres relèvent désormais de la Cour de discipline budgétaire et financière.

Aujourd’hui, parmi les ordonnateurs, seuls les fonctionnaires relèvent de cette juridiction, pas les ministres. Cette situation pouvait se justifier à un moment où les ministres relevaient d’une juridiction spécifique, la Cour de Justice de la République. Le Président de la République a annoncé il y a quinze jours son intention de la faire disparaître. Si la juridiction d’exception disparaît, il faut que la juridiction ordinaire s’applique aux ministres. Ce parallélisme est une évidence.

Le Gouvernement et la rapporteure ont bien voulu convenir qu’il existait un problème ; si nous n’adoptons pas cette solution, le ministre n’aura aucune responsabilité de nature judiciaire sur ses actes budgétaires. Il ne sera pas responsable devant la Cour de Justice de la République, qui aura disparu, ni devant la Cour de discipline budgétaire.

Mme la rapporteure. Je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Je demande le retrait de cet amendement.

M. Michel Zumkeller. Et pour quelle raison ?

M. Stéphane Mazars, président. Retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Zumkeller. Non, je n’ai aucune raison de le retirer !

La Commission rejette l’amendement.

titre v
dispositions relatives au financement de la vie politique

Chapitre Ier
Dispositions applicables aux partis et groupements politiques

Avant l’article 8

La Commission examine l’amendement CL97 de Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. En l’absence de définition légale des partis politiques, la jurisprudence du Conseil d’État considère comme un parti politique tout groupement soumis à la loi sur le financement des partis politiques : autrement dit, la condition pour être un parti politique est de recevoir des financements en tant que parti politique ! Il nous apparaît aujourd’hui indispensable, à la suite notamment de l’audition de M. René Dosière, que la loi apporte une définition claire des partis politiques, le flou actuel permettant une explosion du nombre de partis : de 20 en 1990, nous sommes passés à 451 en 2016. C’est ce à quoi vise cet amendement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

L’article 4 de la Constitution énonce un principe d’égalité entre les partis politiques, qui « concourent à l’expression du suffrage ». Le Conseil constitutionnel a jugé possible, en 1988, de conditionner le bénéfice du financement public à des critères d’audience politique – 1 % des voix dans 50 circonscriptions pour la première fraction. Mais des restrictions plus importantes seraient probablement censurées.

D’autre part, votre dispositif n’aboutirait pas à une diminution du nombre total de partis. Il en exclurait simplement certains du champ du financement public, et donc des contrôles de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

M. Erwan Balanant. Où est le problème de constitutionnalité ? Nous visons évidemment ici les micro-partis, qui ne présentent jamais le moindre candidat à aucune élection. Cette situation est incongrue. Présenter des candidats, n’est-ce pas la raison d’être d’un parti politique ?

M. Ugo Bernalicis. Et les anarchistes ? (Sourires.)

Mme Isabelle Florennes. Il ne nous a pas paru opportun de relever les seuils, comme le proposait M. Dosière. Cet amendement ne vise qu’à préciser la définition d’un parti politique. Je ne comprends pas en quoi cela pourrait être inconstitutionnel.

M. Guillaume Larrivé. L’argument de la rapporteure est à mon sens tout à fait pertinent. L’article 4 de la Constitution dispose que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage », que ceux-ci « se forment et exercent leur activité librement » et « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Voilà la définition d’un parti politique. Je comprends bien l’intention du groupe Modem. Mais vous posez des conditions restrictives : pourquoi un parti politique devrait-il nécessairement mobiliser des adhérents et présenter des candidats aux élections, comme vous voulez le leur imposer ? Vous excluriez ainsi un parti qui serait une sorte de think tank : participant uniquement au débat d’idées, alimentant le débat public, il concourt pourtant à l’expression du suffrage. Il entre dans le champ de l’article 4 de la Constitution ; mais il n’entrerait pas dans celui de votre amendement. Votre définition m’apparaît trop restrictive au regard du principe de liberté garanti par la Constitution.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CL50 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Mon amendement reprend également une proposition de M. Dosière. Nous devons nous inquiéter de cette explosion du nombre de partis : 20 en 1990, 250 en 2000, plus de 450 aujourd’hui ! Cette situation conduit nos concitoyens à s’interroger sur la nature des partis politiques. J’entends vos arguments sur la constitutionnalité ; mais nous avons approuvé ce matin même un amendement qui présentait des risques du même ordre. Nous demandons à tout le moins un engagement à travailler sur cette question : il faut mettre fin à la prolifération des partis, qui affaiblit notre démocratie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Au cours de nos auditions, M. François Logerot, président de la CNCCFP, s’est dit tout à fait opposé à ce type de mesures, considérant que cela ferait sortir du champ de son contrôle les micro-partis ou certains groupements politiques. Cet amendement manquerait sa cible. Il vaut donc mieux s’abstenir.

La Commission rejette l’amendement.

Article 8
(art. 11, 11-1, 11-2, 11-3, 11-3-1 [nouveau], 11-4, 11-5, 11-7, 11-8, 11-9, 11-10 [nouveau] et 19 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie publique, art. 10 de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats)
Règles de financement des partis et groupements politiques

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 modifie la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique en prévoyant : le recueil de l’ensemble des ressources d’un parti ou groupement politique par un mandataire financier ; l’encadrement des prêts consentis à des partis politiques et la certification de leurs comptes ; l’information de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; des sanctions pénales.

Dernières modifications législatives intervenues

Voir la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Modifications apportées au Sénat

L’article 8 a fait l’objet de cinq modifications de fond par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur :

– les modalités d’information de la CNCCFP en cas de prêt à un parti ou de remboursement d’un prêt ont été renforcées ;

– la délivrance par le bénéficiaire d’un reçu fiscal au donataire a été étendue aux cotisations versées à un parti ;

– le recours à l’open data a été rendu obligatoire pour la publication par la CNCCFP des comptes des partis et de leurs annexes ;

– le quantum de peines pour l’ensemble des infractions résultant du défaut de transmission à la CNCCFP a été relevé ;

– les contrats de prêt consentis par des personnes physiques et des personnes morales avant l’entrée en vigueur de la loi ont été exclus.

La commission a également adopté un amendement de M. Hugues Portelli instituant une sanction pénale à l’encontre du dirigeant de fait ou de droit du parti qui n’aurait pas rempli ces obligations.

Enfin, en séance publique, cet article a encore fait l’objet de modifications tendant à interdire à une personne physique qui n’est pas française ou résidente de verser un don à un parti politique (à l’initiative de M. Jean-Yves Leconte), à préciser le champ des partis concernés (Gouvernement), tout en excluant les petites structures (M. Leconte), et à assurer l’application du dispositif outre-mer (rapporteur).

Modifications adoptées par la commission des Lois

Deux amendements ont été adoptés, à l’initiative du Gouvernement, afin de réintroduire une publication au Journal officiel des comptes de campagne, en plus de l’open data, et garantir l’anonymat des prêteurs aux partis politiques. Un troisième amendement a modifié l’échelle des sanctions pénales prévues dans cet article 8, afin de garantir une progressivité satisfaisante.

I.   L’État du droit

L’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce que les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement ». Ce principe de liberté, constitutionnellement garanti, justifie qu’aucune déclaration ou autorisation ne soit nécessaire pour créer un parti politique.

Les seules formalités concernent les formations qui souhaitent bénéficier du financement prévu par la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ([130]), modifiée à plusieurs reprises et, dernièrement, par la loi du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats ([131]).

En 2017, on recensait 496 partis ou groupements tenus, dans le cadre de la loi du 11 mars 1988, de déposer leurs comptes annuels.

A.   Le financement public des partis et groupements politiques

Le financement public des partis politiques prend la forme d’une aide publique de l’État, régie par les articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988, dont le montant est voté en loi de finances (68,7 millions d’euros pour 2017). Cette aide publique est partagée en deux fractions égales :

– la première fraction est attribuée aux partis et groupements politiques qui ont présenté des candidats ayant obtenu chacun 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale ([132]) ;

– la seconde est attribuée aux partis et groupements bénéficiaires de la première fraction proportionnellement au nombre des membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s’y rattacher ([133]).

B.   Le financement privé des partis et groupements politiques

Au titre de leur financement privé, les partis politiques ne peuvent recueillir des fonds que par l’intermédiaire d’un mandataire, qui est soit une personne physique déclarée à la préfecture, soit une association de financement agréée par la CNCCFP.

Les partis ne peuvent recevoir ni don, ni avantage financier, ni avantage en nature d’une personne morale, de droit public comme de droit privé, de droit français comme de droit étranger, y compris sous la forme de biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués habituellement.

Une exception existe au profit des partis politiques eux-mêmes, qui peuvent connaître des échanges de flux financiers entre eux, conformément au troisième alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988.

Les dons des personnes physiques sont autorisés dans la limite de 7 500 euros par an. Depuis la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([134]), cette limite s’applique par personne physique et les cotisations des adhérents aux partis politiques ([135]) sont prises en compte dans le plafond.

Tout don de plus de 150 euros doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Quel que soit le montant du don, le mandataire délivre un reçu au donateur sur un imprimé édité par la CNCCFP. Sur présentation de ce reçu, le donataire peut bénéficier d’une réduction d’impôt, dans les conditions détaillées supra.

En moyenne, les dons représentent 10 % des recettes des partis – proportion qui varie de 3 à 20 % selon les partis – et les cotisations des adhérents 15 % – proportion variant de 7 à 20 %. Quant aux contributions des élus, elles atteignent 17 % (variation de 5 à 37 %). Parmi les autres ressources, figurent, éventuellement, les emprunts consentis par les établissements de crédit ou les particuliers.

À compter de l’exercice 2018, l’article 8 de la loi du 6 mars 2017 a prévu que la CNCCFP publierait désormais aussi des informations relatives aux emprunts souscrits ou consentis par les partis ou groupements politiques ; conformément à la dernière phrase de l’alinéa 2, seraient ainsi rendus publics les « montants consolidés […] répartis par catégories de prêteurs, types de prêts et pays d’établissement ou de résidence des prêteurs ainsi que l’identité des prêteurs personnes morales ».

Il impose, pour ce faire, la transmission à la CNCCFP de nouveaux éléments figurant dans les annexes aux comptes des partis et groupements politiques :

– les montants et conditions d’octroi des emprunts souscrits ou consentis ;

– l’identité des prêteurs ;

– et les flux financiers entre les partis et les candidats tenus d’établir un compte de campagne.

C.   Le contrôle des comptes des partis et groupements politiques

L’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 impose aux partis de tenir une comptabilité, qui doit retracer « tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l’organe d’administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ».

Les comptes de ces partis sont arrêtés chaque année ; ils sont certifiés par deux commissaires aux comptes et déposés dans le premier semestre de l’année suivant celle de l’exercice à la CNCCFP, qui assure leur « publication sommaire » au Journal officiel. Toutefois, s’agissant des partis dont les ressources annuelles ne dépassent pas 230 000 euros, l’article 7 de la loi du 6 mars 2017 précitée a limité l’exigence de certification à un commissaire aux comptes.

La CNCCFP n’est donc pas un « juge des comptes » des partis : la certification est faite par des commissaires aux comptes et il revient seulement à la Commission d’en vérifier la cohérence d’ensemble (bilan, compte de résultat et annexe ; justificatifs de recettes présentés par le mandataire).

En réalité, et contrairement à une idée reçue, les comptes des partis politiques ne sont pas contrôlés en vertu de la liberté constitutionnelle de fonctionnement qui leur est reconnue.

En cas de méconnaissance des obligations comptables des partis, constatée par la CNCCFP (absence de dépôt des comptes dans le délai légal, comptes non certifiés, comptes ayant fait l’objet d’un refus de certification par les commissaires aux comptes, etc.), plusieurs sanctions, éventuellement cumulatives, sont prévues :

– le parti perd le droit, pour l’année suivante, au bénéfice de l’aide publique (en particulier, un parlementaire ne peut plus s’y rattacher) ;

– le parti perd le droit de financer une campagne électorale ou un autre parti politique ;

– le parti redevient en quelque sorte une association de droit commun et se retrouve soumis au contrôle de la Cour des comptes et à la réglementation des associations subventionnées, en application de l’article 10 de la loi du 11 mars 1988 ;

– les dons et cotisations à son profit ne peuvent, à compter de l’année suivante, ouvrir droit à réduction d’impôt, ce qui revient à pénaliser le donateur et donc indirectement le parti ;

– la CNCCFP peut également retirer l’agrément de l’association de financement, aboutissant à priver le parti de la possibilité de recevoir des dons, jusqu’à la désignation d’un nouveau mandataire financier.

L’article 9 de la loi du 6 mars 2017 a ouvert à la CNCCFP la possibilité de moduler les sanctions qu’elle prononce et leur durée en cas de manquement aux obligations comptables pour assurer une meilleure proportionnalité entre les motifs du constat et ses conséquences juridiques.

II.   LE droit PROPOSé

S’il procède à une large réécriture de la loi du 11 mars 1988, l’article 8 conserve l’essentiel du régime actuel, en le complétant par cinq mesures principales.

A.   le recueil de l’ensemble des ressources du parti par le mandataire financier

Actuellement, seul le mandataire peut recueillir, sur un compte bancaire ou postal unique qu’il a ouvert, les dons des personnes physiques consentis à un parti ou groupement politique. Cette obligation de recourir à un mandataire a été jugée conforme à l’article 4 de la Constitution ([136]). Les autres ressources financières, y compris les cotisations d’élus, sont versées directement au parti ou groupement politique bénéficiaire, généralement sous la responsabilité d’un trésorier.

Dans le souci d’accroître « la transparence et la qualité de la gestion financière et comptable des partis » ([137]), les 1°, 2°, 3° et 8° du I du présent article modifient les articles 11, 11-1, 11-2 et 11-8 de la loi du 11 mars 1988 pour imposer le recueil par le mandataire financier de l’ensemble des ressources financières du parti ou groupement politique.

Seraient concernés : 

– l’aide publique prévue aux articles 8 à 9-1 de la loi du 11 mars 1988 ;

– les dons des personnes physiques ;

– les cotisations des adhérents ;

– les contributions des élus ;

– les contributions des autres partis politiques ;

– les produits de manifestations et colloques et contributions spécifiques ;

– les produits d’exploitation ;

– les produits financiers ;

– les produits exceptionnels tels que les legs ;

– les prêts ;

– la dévolution de l’excédent des comptes de campagne d’un candidat.

Lors de son audition par la rapporteure, le président de la CNCCFP a toutefois souligné que les comptes du mandataire n’avaient pas d’identité propre et étaient déjà retracés dans les comptes annuels du parti ou groupement. Il a estimé que cette nouvelle obligation n’apporterait aucune garantie supplémentaire et pointé le risque de marginalisation du trésorier.

B.   l’encadrement des prêts consentis par des personnes physiques

Le nouvel article 11-3-1, inséré par le 4° du I du présent article dans la loi du 11 mars 1988, limite à cinq ans la durée et plafonne le montant des prêts accordés par les personnes physiques à des partis politiques, en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ce plafond et les « conditions d’encadrement » de façon à garantir qu’ils ne constituent pas un don déguisé.

Il renforce les garanties pour le prêteur puisque le parti ou groupement devra fournir à ce dernier des éléments d’information relatifs aux caractéristiques du prêt (taux d’intérêt, montant total du prêt, durée, modalités et conditions de remboursement du prêt) et aux conséquences d’une éventuelle défaillance de sa part.

Le a du 5° du I modifie, par ailleurs, le troisième alinéa de l’article 11-4 de cette loi afin d’interdire aux personnes morales de consentir des prêts aux partis et groupements politiques. Pourront toutefois déroger à cette interdiction les partis et groupements eux-mêmes, ainsi que les établissements de crédit ou les sociétés de financement dès lors qu’ils ont leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Cette même interdiction s’appliquera aux États étrangers et personnes morales de droit étranger, à l’exception des établissements de crédit et sociétés de financement déjà cités, conformément aux dispositions ajoutées par le c du même 5° à l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4.

C.   les modalités de certification des comptes des partis

Le 7° du I réécrit l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988, qui définit les obligations comptables communes aux partis ou groupements bénéficiaires d’un financement public direct et à ceux ayant désigné un mandataire, dont il étend l’application à l’ensemble des partis ou groupements au sens de l’article 4 de la Constitution. En revanche, il ne revient pas sur l’allégement de l’obligation de certification des comptes introduit, pour les partis et groupements politiques dont les ressources ne dépassent pas 230 000 euros, par la loi du 6 mars 2017 précitée.

Des dispositions nouvelles imposent que la comptabilité des partis et groupements politiques soit désormais tenue selon un référentiel unique, défini par l’Autorité des normes comptables. Cette évolution bienvenue est destinée à assurer une uniformisation des comptes déposés à la CNCCFP et une mise en œuvre facilitée des contrôles.

Par ailleurs, le périmètre de consolidation des comptes des partis et groupements politiques est étendu aux organismes, sociétés ou entreprises « satellites » : fédérations locales, sections, etc. Ces derniers sont intégrés dès lors que le parti ou groupement en question détient la moitié du capital social ou des sièges de l’organe d’administration et exerce un « pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ».

D.   l’information de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Le don d’une personne physique à un parti ou groupement politique donne lieu à la délivrance d’un reçu par le mandataire. Ce reçu permet au donateur de bénéficier du crédit d’impôt ouvert par l’article 200 du code général des impôts, à hauteur des deux tiers du montant du don.

Le 5° du I du présent article complète, à l’article 11-4, les obligations d’information de la CNCCFP pesant sur les partis ou groupements politiques, sous la forme d’une liste des donateurs assortie du montant des dons devant être communiquée chaque année, dans les conditions que déterminera un décret en Conseil d’État. Cette obligation est toutefois déjà prévue par un décret, qui a été modifié pour tenir compte des informations supplémentaires collectées par la Commission suite à l’article 15 de la loi du 11 octobre 2013 ([138]).

En outre, alors que les comptes et leurs annexes sont publiés, chaque année, par la CNCCFP au Journal officiel sous une forme « sommaire », la nouvelle rédaction proposée prévoit une publication intégrale.

E.   la création de sanctions pénales en cas de violation des règles relatives au financement de la vie politique

Les 6° et 9° du I étendent le champ des infractions en cas de violation des règles relatives au financement de la vie politique, et aggravent le quantum des peines encourues.

Les peines prévues par l’article 11-5 de la loi du 11 mars 1988 en cas de violation des règles relatives aux dons aux partis et groupements politiques, actuellement d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Les mêmes peines seraient désormais applicables en cas de manquement aux nouvelles règles relatives aux prêts consentis par les personnes physiques (article 11-3-1 de la loi du 11 mars 1988) ou les personnes morales (article 11-4).

Les manquements aux obligations d’information de la CNCCFP sont également érigés en infraction, et des sanctions pénales dissuasives prévues. L’absence de communication par les partis et groupements politiques des informations énumérées aux articles 11-4 et 11-7 de la loi du 11 mars 1988 (liste unique des donateurs et cotisants ainsi que les montants concernés, informations relatives aux emprunts souscrits ou consentis, pièces comptables ou justificatifs, etc.) serait ainsi punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Par exception, l’absence de transmission des informations relatives aux prêts consentis par une personne physique (copie du contrat de prêt avec des personnes physiques et état de remboursement de ces prêts) serait passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Ces modifications dotent la CNCCFP, comme celle-ci l’avait demandé dans son rapport d’activité pour 2015, des moyens de contraindre les partis et groupements politiques à transmettre leurs pièces comptables et justificatives.

III.   LeS modifications opérées par le sénat

Outre des améliorations rédactionnelles, visant notamment à harmoniser la référence à la notion de « partis et groupements politiques », ou relatives aux modalités d’application du présent article outre-mer, les sénateurs ont adopté de nombreuses modifications, certes plus ponctuelles.

A.   Les modalités d’information de la CNCCFP en cas de prêt à un parti ou de remboursement d’un prêt sont renforcées

Sur la proposition de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat a complété le projet de loi afin de prévoir que la copie du contrat de prêt soit transmise l’année de sa conclusion.

B.   Le régime des prêts déjà consentis par des personnes morales aux partis et groupements politiques est précisé

Afin de ne pas remettre en cause les emprunts déjà souscrits, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur excluant l’application de ces nouvelles règles aux contrats de prêt consentis par des personnes physiques et des personnes morales avant l’entrée en vigueur de la loi.

C.   L’encadrement des dons et cotisations versés à un parti est réaffirmé

Sur la proposition de son rapporteur, la commission des Lois a étendu la délivrance d’un reçu aux cotisations versées par des militants ou des élus, dès lors que celles-ci ouvrent déjà droit aux mêmes avantages fiscaux et sont soumises, par principe, aux mêmes exigences légales, notamment le plafond annuel pour une même personne physique.

Les sénateurs ont, par ailleurs, adopté en séance, à l’initiative de M. Jean-Yves Leconte, sénateur représentant les Français établis hors de France, et avec l’avis favorable du rapporteur comme du Gouvernement, le principe de l’interdiction pour une personne physique qui n’est pas de nationalité française, ou résidente en France, de verser un don à un parti politique.

D.   LeS Autres modifications

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement destiné à revenir au champ d’application des obligations comptables actuellement en vigueur, c’est-à-dire, d’une part, les partis et groupements politiques qui bénéficient d’un financement public et, d’autre part, ceux qui se soumettent au dispositif prévu par les articles 11 à 11-4 de la loi du 11 mars 1988.

Sur la proposition de M. Jean-Yves Leconte, avec l’avis favorable du rapporteur mais contre celui du Gouvernement, il a entendu limiter l’obligation de consolidation comptable aux organisations satellites les plus significatives, en renvoyant à un décret le soin de déterminer des critères basés par exemple sur la taille, le volume des recettes ou le nombre d’adhérents.

Suivant la proposition de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat a, enfin, créé une nouvelle infraction afin de sanctionner l’omission de tenue d’une comptabilité et son défaut de transmission à la CNCCFP par un parti ou groupement politique et voté un quantum de peines identique – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – pour l’ensemble des infractions résultant d’un défaut de transmission à la CNCCFP.

À titre de comparaison, on rappellera que le manquement d’un représentant d’intérêt à l’obligation de déposer auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les informations qu’il est tenu de communiquer, en application des article 18-1 et suivants de la loi du 11 octobre 2013 précitée, n’est passible que d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il en est de même de l’obligation pour les parlementaires et membres du Gouvernement de déposer une déclaration de situation patrimoniale auprès de la même autorité en vertu de l’article L.O. 135-1 du code électoral.

Pour garantir à ces sanctions leur efficacité, notamment dans le cas des partis « mis en sommeil » qui ne disposent plus d’aucuns fonds, la commission a adopté, suivant l’avis favorable de son rapporteur, un amendement de M. Hugues Portelli instituant une sanction pénale à l’encontre du dirigeant de fait ou de droit du parti ou groupement qui n’aurait pas rempli ses obligations.

IV.   LeS amendements adoptés par la commission des Lois

À l’Assemblée nationale, la commission des Lois a apporté plusieurs modifications de forme et de fond au présent article. Ces dernières ont consisté à :

– rétablir la publication des comptes annuels des partis et groupements politiques au Journal officiel, à l’initiative du Gouvernement et avec l’avis favorable de la rapporteure ;

– ne pas prévoir la publication de la liste des prêteurs personnes physiques afin de protéger leur droit au respect de la vie privée et leur liberté d’opinion, à nouveau sur la proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de la rapporteure ;

– ramener à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende le quantum de peine pour les infractions relatives à des obligations d’information de la CNCCFP (non dépôt des comptes, non réponse à une demande...).

*

*     *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL147, CL148 et CL149, tous trois de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL79 de M. Erwan Balanant.

M. Philippe Latombe. Cet amendement tend à mettre fin à toutes les activités bancaires des partis politiques. Ceux-ci n’ont pas vocation à se substituer aux établissements bancaires. Certains micro-partis, on le sait, ne sont là que pour effectuer des opérations bancaires auprès d’autres partis, moyennant rémunération ; mais ils ne présentent pas, eux, de candidats. Ce sont eux que nous visons. C’est la suite logique de notre proposition d’inscrire dans la loi une définition un peu plus stricte du parti politique, et donc de mieux réguler les financements.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Vous semblez considérer que le financement des partis devrait uniquement émaner d’établissements bancaires. Or, aujourd’hui, la difficulté d’accès au crédit est réelle – c’est d’ailleurs pour cette raison que nous prévoyons des dispositifs destinés à faciliter cet accès. Se limiter aux seuls financements bancaires empêcherait certains partis de se financer : ce n’est pas l’objectif de cette loi.

La Commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement CL68 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Le problème posé par l’amendement précédent, c’étaient les intérêts, pas le prêt lui-même…

Notre amendement CL68 vise à rendre publique la liste de ceux qui ont fait aux partis des dons dépassant 3 000 euros – nous aurions aussi bien pu écrire 2 500, d’ailleurs. L’existence de ces gros donateurs peut en effet éveiller des suspicions de conflits d’intérêts. Quand on voit que s’organisent des soirées réservées à des personnes capables de donner 7 500 euros à un candidat, on s’inquiète du financement de certaines campagnes.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il faut respecter la vie privée des donateurs, qui ne souhaitent pas forcément voir rendu public leur engagement politique. En revanche, la liste des donateurs est transmise à la CNCCFP, qui peut contrôler le respect des dispositions légales. Ce système me paraît tout à fait opérant.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL86 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à astreindre les micro-partis qui ne bénéficient ni de l’aide publique, ni de cotisations de particuliers, aux mêmes obligations de contrôle que celles qui s’imposent aux partis ou groupements qui, eux, en bénéficient. Nous ne faisons que reprendre une préconisation de la commission des Lois du Sénat.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Seuls les partis bénéficiant du financement public direct ou indirect sont aujourd’hui astreints à cette obligation. L’élargissement que vous proposez me paraît contraire au principe de liberté et à l’article 4 de la Constitution.

M. Fabien Roussel. Cet amendement me paraît plein de bon sens, et je pensais que la rapporteure l’accepterait.

Un amendement proposait de définir ce qu’est un parti, et une définition devra être donnée.

Mme Isabelle Florennes. L’amendement a été rejeté…

M. Fabien Roussel. Nous allons nous battre pour qu’il y ait une définition ! En tout cas, tous les partis doivent pouvoir être contrôlés, tout comme le sont les associations.

M. Michel Zumkeller. Sur le fond, c’est une loi de transparence, dites-vous. Or, chacun comprend bien que si l’on n’impose pas la moindre contrainte aux micro-partis, il n’y aura pas de transparence ! On nous répond systématiquement que nous portons atteinte à la liberté de je ne sais qui ou de je ne sais quoi : ce n’est pas une réponse ! Si vous ne voulez pas d’une loi de transparence, renonçons, rentrons chez nous et tout ira bien. Si c’est une loi de transparence, alors celle-ci doit concerner aussi les micro-partis, et ils doivent être contrôlés, même s’ils n’ont pas de financement public.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL150 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL125 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement quasi-rédactionnel. L’ajout dans le texte d’une obligation de publication en open data des comptes des partis politiques a malencontreusement fait disparaître la publication au Journal officiel… Il s’agit de la rétablir.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte alors l’amendement rédactionnel CL152 de la rapporteure.

Puis elle se saisit de l’amendement CL179 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Le Sénat a prévu que la CNCCFP publierait la liste des prêteurs que lui adressent les partis politiques. Au regard du droit au respect de la vie privée, il convient d’anonymiser la liste qui sera publiée, en agrégeant les montants par catégories de prêteurs et types de prêts.

M. Olivier Dussopt. Tout à l’heure, vous avez refusé un amendement présenté par le groupe de la France insoumise relatif à la publicité des donateurs. Le groupe Nouvelle Gauche présentera dans un instant un amendement similaire. Et vous nous proposez ici, à l’initiative du Gouvernement, de garder secrète l’identité des personnes privées qui financeraient par des prêts – et non par des dons ! – une campagne électorale. Seule l’identité des personnes morales, c’est-à-dire des établissements bancaires, serait rendue publique.

Nous parlons ici de campagnes législatives, mais aussi présidentielles, et donc de montants très importants. Les prêts ne sont pas limités : telle ou telle personne privée, extrêmement fortunée, pourrait donc prêter un, deux, quatre, cent millions d’euros à un candidat à l’élection présidentielle sans que son nom soit rendu public ? Je veux bien entendre que vous voulez protéger la vie privée, mais si l’on souhaite plus de transparence, et a contrario si l’on souhaite éviter telle ou telle influence dans la sphère publique, alors la publicité me paraît légitime. Encore une fois, nous parlons ici de prêts, qui ne sont pas plafonnés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL153 de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CL195 du Gouvernement tombe.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CL155 de la rapporteure.

Elle se saisit alors de l’amendement CL154 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement a pour objet de rétablir une échelle des peines cohérente. Le projet de loi crée différentes infractions pénales en cas de violation des dispositions de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques. Le Sénat a systématiquement rehaussé le quantum des peines à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Pour respecter le principe de proportionnalité, je vous propose donc de ramener ce quantum à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour les infractions relatives à des obligations d’information de la CNCCFP, telles que l’absence de dépôt des comptes ou de réponse à une demande.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL49 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Notre amendement CL49 vise à imposer des sanctions en cas de non-production de documents requis ou de fraude, y compris si celle-ci est révélée a posteriori.

Mme la rapporteure. Vous proposez de sanctionner pénalement la transmission de fausses informations à la CNCCFP. Celle-ci nous a fait savoir qu’elle souhaitait disposer d’infractions dissuasives pour obtenir la communication des pièces comptables. En revanche, elle dispose déjà, aux termes de la loi de 1988, d’une palette de sanctions en cas de fraude comptable : ainsi, le parti perd le droit, pour l’année suivante, au bénéfice de l’aide publique, de même que le droit de financer une campagne électorale ou un autre parti politique ; il redevient en quelque sorte une association de droit commun et se retrouve soumis au contrôle de la Cour des comptes ; les dons et cotisations à son profit ne peuvent plus, à compter de l’année suivante, ouvrir droit à réduction d’impôt, ce qui revient à pénaliser le donateur et donc indirectement le parti. Enfin, la CNCCFP peut retirer l’agrément de l’association de financement, aboutissant à priver le parti de la possibilité de recevoir des dons, jusqu’à la désignation d’un nouveau mandataire financier.

Ces dispositions paraissent suffisantes. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL156 de la rapporteure.

La Commission adopte alors l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La Commission examine l’amendement CL42 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Depuis 1988, nous avons su bâtir, par une quinzaine de textes, une législation en matière de financement des partis politiques et des campagnes électorales rigoureuses. Elle permet d’apporter un financement public aux partis politiques. Il me semble qu’il faudra s’intéresser aux critères et faire bouger les curseurs : 450 partis et micro-partis, ce n’est tout simplement pas possible.

Notre législation permet également d’imposer la transparence des ressources et des dépenses, et elle encadre le financement privé. J’avais, en 2010, présenté une proposition de loi relative à la transparence de la vie publique, qui visait à plafonner le montant des dons des personnes physiques à 7 500 euros par personne et par an, tous partis politiques confondus ; cette disposition a été adoptée en 2013. Notre législation permet aussi de plafonner les dépenses électorales des candidats, et de contrôler le respect de ces plafonds : on se souvient qu’en 2012, un candidat bien connu a vu son compte de campagne rejeté et ses dépenses de campagne n’ont pas été remboursées.

Il y a un aspect sur lequel nous pouvons encore progresser : celui de la transparence des dons des personnes physiques aux partis politiques et aux campagnes électorales. Notre amendement porte sur les dons supérieurs à 2 500 euros, c’est-à-dire un tiers du plafond. Les citoyens ont le droit de savoir qui sont les principaux contributeurs à la campagne d’un candidat ; ils doivent savoir si ces candidats, une fois élus, gouvernent bien au nom de l’intérêt général et pas au nom du respect d’intérêts privés. Pour conduire la transition énergétique, interdire les perturbateurs endocriniens ou d’autres substances toxiques, voter une loi bancaire, l’action des élus ne doit pas être entravée par des liens d’intérêts.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de rendre public le nom de ceux qui auront fait des dons aux partis politiques supérieurs à 2 500 euros. L’Allemagne procède ainsi, au-delà de 3 000 euros. C’est ce que nous avons fait, avec Benoît Hamon, pendant la campagne présidentielle – certes, avec très peu de dons supérieurs à 2 500 euros… (Rires.) En tout cas, beaucoup moins que d’autres candidats !

Je note que, lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron ne s’était pas opposé au principe de la publicité des donateurs ; il avait seulement estimé qu’en l’état de la législation, il ne pouvait pas rendre public le nom de ses grands donateurs… Nous proposons tout simplement de changer la loi et de garantir la transparence.

M. Pacôme Rupin. Nous avons la chance de disposer d’une législation qui fixe un plafond à 7 500 euros. Cela évite les excès. Néanmoins, il me paraît important de respecter une certaine discrétion vis-à-vis d’un donateur qui ne souhaite pas forcément que chacun connaisse sa sensibilité politique, ce qui pourrait avoir des conséquences pour lui. C’est pourquoi je suis opposé à cet amendement.

Mme la rapporteure. Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Rupin. Avis défavorable.

Article 8 bis (supprimé)
(art. 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique)
Possibilité pour les parlementaires de ne pas contribuer au financement des partis politiques

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 bis, adopté en séance par les sénateurs à l’initiative de M. Philippe Dominati, permet au parlementaire ne souhaitant pas soutenir un parti politique de voir sa contribution déduite de la seconde fraction de l’aide publique.

Dernières modifications législatives intervenues

Les critères de l’aide publique aux partis politiques ont été modifiés en dernier lieu par l’article 14 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement, avec un avis favorable de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

Le présent article résulte d’un amendement adopté par le Sénat, contre l’avis de la commission des Lois et du Gouvernement. Il ouvre une dérogation pour un parlementaire ne souhaitant pas contribuer au financement des partis au titre de la deuxième fraction de l’aide publique – celle attribuée aux partis et groupements proportionnellement au nombre de députés et sénateurs qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s’y rattacher ([139]). Sa contribution serait alors déduite du montant de cette dernière.

Cet article 8 bis a été supprimé par la commission des Lois, sur proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de la rapporteure.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL180 du Gouvernement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, rapporteure. Je vous demande de supprimer cet article, comme vous le propose le Gouvernement par cet amendement. En effet, le projet de loi n’a pas pour objet de réduire le montant des aides publiques qui sont attribuées aux partis politiques mais seulement d’assurer un financement plus transparent de la vie politique. Au Sénat le Gouvernement et la Commission étaient défavorables à cet article 8 bis, d’où cet amendement de suppression.

M. Ugo Bernalicis. Je me suis interrogé sur les raisons qui ont justifié l’introduction de cet article, étant donné qu’une dépense non réalisée est le plus souvent réintégrée dans le budget général de l’État. Or, j’ai cru comprendre qu’il existait une obligation faite aux parlementaires de s’affilier à un groupe, ce que j’ignorais, n’ayant jamais auparavant été ni élu, ni non-inscrit. Il me semble donc que cet article est plutôt salutaire pour tous ceux qui souhaitent ne pas reverser une partie de leur aide à un groupe politique. À quel titre les parlementaires non-inscrits, qui ne sont pas représentés dans un groupe politique, devraient-ils être contraints de reverser une partie de leur enveloppe à un groupe ? En clair, cet article répond à une demande qui existe dans les assemblées et il faut selon moi le maintenir.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 bis est supprimé.

 

Chapitre II
Dispositions applicables aux campagnes électorales

Article 9
(art. L. 52-7-1 [nouveau], L. 52-8, L. 52-10, L. 52-12, L. 113-1, L. 388, L. 392, L. 393, L. 558-37, L. 558-46 et L. 562 du code électoral et art. 15 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales)
Règles de financement des campagnes électorales

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 modifie les dispositions du code électoral relatives au financement des campagnes et des candidats sur trois points :

– l’encadrement des prêts consentis à des partis ;

– la transmission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de la liste complète des donateurs, avec les montants de leurs dons ;

– le renforcement des sanctions pénales en cas de violation des règles relatives aux campagnes électorales.

Dernières modifications législatives intervenues

Voir la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Modifications apportées au Sénat

L’article 9 a été modifié par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, afin de relever le quantum de peines pour l’ensemble des infractions résultant du défaut de transmission à la CNCCFP.

La Commission a également adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand visant à préciser les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale.

 

En séance, deux amendements ont été adoptés pour interdire à une personne physique qui n’est pas française ou résidente de verser un don à un candidat (à l’initiative de M. Jean-Yves Leconte) et assurer l’application outre-mer (rapporteur).

Modifications adoptées par la commission des Lois

Par cohérence avec l’article 8, la Commission a modifié, à l’initiative de la rapporteure, l’échelle des sanctions pénales, afin de garantir une plus grande progressivité.

I.   L’État du droit

Les règles intéressant le financement des campagnes électorales concernent l’ensemble des élections, nationales comme locales ([140]). Elles ne s’appliquent pas à l’élection des conseillers municipaux et à celle des conseillers communautaires dans les communes de moins de 9 000 habitants.

Conformément à la nouvelle rédaction de l’article L. 52-4 du code électoral, issue de l’article 2 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections, la période couverte porte sur les six mois ([141]) qui précèdent l’élection, « jusqu’à la date du tour de scrutin où l’élection a été acquise ». L’ensemble des recettes collectées et les dépenses engagées en vue de l’élection pendant cette durée doivent être retracées dans un compte de campagne – sauf pour les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés.

Le compte doit avoir été visé par un expert-comptable, ce qui constitue une garantie supplémentaire de sa sincérité et de sa cohérence formelle.

L’absence de dépôt du compte est sanctionnée par le prononcé de l’inéligibilité du candidat, sa démission d’office s’il a été élu ou l’annulation de son élection si celle-ci a été contestée. Lors des élections législatives de 2012, le Conseil constitutionnel a sanctionné d’une année d’inéligibilité l’absence de dépôt du compte dans les délais ([142]).

Le candidat n’a pas le droit de manipuler lui-même les fonds, mais doit recourir à un mandataire financier, qui peut être une personne physique ou une association. Le mandataire est tenu d’ouvrir un compte bancaire unique qui devra retracer la totalité des opérations financières liées à la campagne électorale.

Les dépenses électorales sont plafonnées, selon des modalités qui varient en fonction de chaque type d’élection et du nombre d’habitants de la circonscription ([143]).

Ces dépenses sont partiellement remboursées par l’État, afin de préserver l’égalité des candidats. Le remboursement est limité à 47,5 % du plafond légal de dépenses et varie en fonction du niveau réel des dépenses électorales de chaque candidat. En outre, il ne peut excéder le montant des dépenses exposées personnellement par le candidat pour éviter un enrichissement sans cause.

Pour bénéficier de ce remboursement, le candidat doit avoir obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ([144]) et avoir respecté la législation sur le financement des campagnes : si le compte de campagne est rejeté, ou si le plafond des dépenses a été dépassé, les dépenses ne sont pas remboursées.

C’est la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), instituée à l’article L. 52-14 du code électoral, qui arrête le montant du remboursement forfaitaire. Il lui appartient, sous le contrôle du juge, de :

– retirer du compte celles des dépenses qui ne peuvent être regardées comme effectuées en vue de l’élection ;

– et moduler le montant du remboursement dans les cas où des irrégularités ont été commises, sans pour autant entraîner le rejet du compte de campagne.

Les recettes électorales sont, elles aussi, strictement encadrées. L’article L. 52-8 pose une interdiction générale des dons des personnes morales, de droit privé (entreprises, associations) ou de droit public (collectivités territoriales), qui ne comporte qu’une exception en faveur des partis et groupements politiques.

Les dons des personnes physiques sont autorisés mais leur montant est plafonné : une personne physique, dans le cadre d’une même élection, ne peut contribuer à la campagne d’un ou plusieurs candidats pour plus de 4 600 euros. Les dons de plus de 150 euros doivent être versés par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire. Tous ces dons doivent figurer au compte de campagne. Aux dernières élections législatives, les dons représentaient 17 % des recettes des candidats.

Pour chaque don, le mandataire financier doit délivrer un reçu détaché d’un carnet à souche numéroté, édité par la CNCCFP. Sur présentation de ce reçu, le donataire peut bénéficier d’une réduction d’impôt, en application du 3° de l’article 200 du code général des impôts (66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable).

Le dépassement du plafond des dons justifie le rejet du compte de campagne. Il en va de même pour la méconnaissance de la règle du versement des dons de plus de 150 euros. L’essentiel des ressources provient de l’apport personnel des candidats (73 % aux dernières législatives). Cet apport personnel est constitué par un ou plusieurs emprunts dont le remboursement interviendra lorsque le candidat aura perçu l’aide financière de l’État.

En application de l’article 4 de la loi du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats ([145]), la CNCCFP est désormais tenue de rendre publiques, en complément de la publication de chaque compte de campagne sous une forme simplifiée, des informations relatives aux emprunts souscrits par les candidats ou candidats têtes de liste pour financer leur campagne.

II.   LE droit PROPOSé

Le présent article étend aux campagnes électorales les modifications introduites à l’article 8 pour encadrer le financement des partis et groupements politiques.

A.   L’encadrement des prêts

Le 1° du I insère un nouvel article L. 52-7-1 dans le code électoral qui encadre les prêts consentis par les personnes physiques dans le cadre des campagnes électorales et du recueil des soutiens.

Comme pour le financement des partis et groupements politiques, il limite à cinq ans la durée et plafonne le montant des prêts accordés par les personnes physiques. Le candidat doit informer le prêteur des caractéristiques du prêt (taux d’intérêt, montant total, durée, modalités et conditions de remboursement).

La CNCCFP serait informée annuellement de l’état de remboursement du prêt et serait destinataire d’une copie du contrat de prêt en annexe du compte de campagne.

Il est, par ailleurs, proposé d’interdire aux personnes morales de consentir un prêt à un candidat, avec la même exception concernant les établissements de crédit ou les sociétés de financement ainsi que les partis et groupements politiques (2° du I modifiant l’article L. 52-8). L’interdiction s’appliquera également aux États étrangers et personnes morales de droit étranger, à l’exception des établissements de crédit et des sociétés de financement.

L’ensemble de ces dispositions est repris à l’article L. 558-37 relatif au recueil des soutiens dans le cadre d’un référendum d’initiative partagée prévu à l’article 11 de la Constitution (6° du I).

B.   Le renforcement des obligations comptables

Le 3° du I réécrit l’article L. 52-10 afin de prévoir la transmission à la CNCCFP, par l’association de financement électorale ou le mandataire financier, de la liste complète des donateurs, avec les montants de leurs dons, afin de renforcer son contrôle sur le respect des plafonds légaux de don pour les personnes physiques.

C.   Des sanctions pénales dissuasives

Le 5° du I du présent article renforce les sanctions pénales en cas de violation des règles relatives aux campagnes électorales.

La nouvelle rédaction de l’article L. 133-1 relève d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende le quantum des peines applicables à diverses infractions aux règles applicables au financement d’une campagne électorale – le dépassement des plafonds légaux, le non-respect des formalités d’établissement des comptes de campagne, la minoration volontaire d’éléments comptables au compte de campagne – mais aussi au déroulement de cette campagne (affichages et publicités commerciales illégaux, diffusion d’un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit, etc.).

Il est également proposé de créer des infractions réprimant la violation des nouvelles règles applicables aux prêts consentis par des personnes physiques ou par des personnes morales, créées par le présent article 9. Les peines correspondantes sont fixées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Par ailleurs, comme pour l’infraction constituée en cas de défaut de transmission à la CNCCFP des informations relatives aux prêts accordés aux partis et groupements politiques, est créée une infraction pour les candidats à raison des mêmes faits. Celle-ci serait sanctionnée d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

III.   LeS modifications opérées par le sénat

Par cohérence avec les modifications apportées à l’article 8, le présent article a été amendé par les sénateurs sur plusieurs points.

À l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat a relevé à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende le quantum des peines applicables pour l’ensemble des infractions résultant du défaut de transmission à la CNCCFP.

La commission a également adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand visant à préciser les indications obligatoires devant figurer sur les documents d’appel aux dons des candidats dans le cadre de leur campagne électorale. Il convenait, à cet égard, de modifier l’article L. 52-9 du code électoral qui prescrit la mention sur ces documents des plafonds applicables et des sanctions encourues en cas de dépassement, afin de garantir le droit à l’information des personnes physiques cotisantes ou donatrices et d’éviter des dépassements de plafond accidentels.

En séance, deux amendements supplémentaires ont été adoptés par les sénateurs :

– le premier, à l’initiative de M. Jean-Yves Leconte, pour interdire à une personne physique qui n’est pas française, ou résidente en France, de verser un don à un candidat ;

– le second du rapporteur de la commission des Lois afin d’assurer l’application du présent article outre-mer.

IV.   LeS amendements adoptés par la commission des Lois

Outre des modifications rédactionnelles, la commission des Lois a adopté un amendement de la rapporteure visant, par cohérence avec celui voté à l’article 8, à garantir la proportionnalité des peines prévues pour les manquements à l’obligation d’information de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP).

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL51 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement est semblable à un précédent amendement relatif à la publication de l’identité des donateurs aux campagnes lorsque les dons dépassent 3 000 euros – c’est le seuil en vigueur en Allemagne, un pays souvent pris pour modèle, ce qui, une fois n’est pas coutume, nous convient.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : je ne reviens pas sur les explications que j’ai déjà données tout à l’heure concernant la publicité des donateurs et l’atteinte à la vie privée.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL162 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL83 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement vise à mettre fin à toutes les activités bancaires des partis politiques, conformément à une recommandation de M. Dosière.

Mme la rapporteure. Même avis défavorable que précédemment.

M. Ugo Bernalicis. Ce n’est pas l’activité de prêt bancaire qui est en cause, mais plutôt son caractère spéculatif ; là est l’essentiel. Peut-être pourrons-nous envisager de déposer un amendement conjoint avec nos collègues du Modem pour empêcher cette activité spéculative : pourquoi créer des désaccords inutiles si l’on peut s’entendre ?

M. Erwan Balanant. Il nous semble étonnant qu’un parti politique puisse se livrer à des activités bancaires, a fortiori vis-à-vis d’autres partis. Si nous allons jusqu’au bout de la démarche en instituant une banque de la démocratie et un médiateur, alors ces questions seront résolues. Nos collègues du groupe de la République en marche devraient donc réfléchir à cet amendement, faute de quoi nous risquerions, comme les membres du groupe France insoumise, de commencer à nous lamenter du fait que tous nos amendements sont rejetés.

La Commission rejette l’amendement CL83.

Puis elle examine l’amendement CL159 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à assurer une cohérence avec l’amendement adopté à l’article 8, destiné à garantir la proportionnalité des peines prévues pour les manquements à l’obligation d’information de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Je vous propose donc de ramener de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros à un an d’emprisonnement et 15 000 euros le quantum de peine en cas de violation des obligations d’information.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL160 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.

M. Ugo Bernalicis. Je profite du fait que nous débattions de la question des prêts bancaires pour poursuivre mon raisonnement : je regretterais que l’on interdise aux partis politiques de prêter de l’argent à taux zéro à leurs candidats, c’est-à-dire de consentir des avances à titre gracieux à ceux de leurs candidats qui peinent à financer leur campagne, et que cela ait pour effet d’obliger lesdits candidats à se tourner vers les établissements bancaires qui, eux, appliquent forcément des taux d’intérêts. Dans le contexte de contrainte et d’austérité budgétaire que nous connaissons, il serait plus judicieux de favoriser les circuits de prêts à taux zéro plutôt que de s’orienter systématiquement vers le circuit bancaire, fût-ce avec l’aide d’un médiateur.

La Commission adopte l’amendement CL160.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL161 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CL82 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant. Il porte sur le même sujet.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

La Commission examine l’amendement CL41 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL24 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Puisque ce texte a notamment pour objet de mieux encadrer le financement de la vie politique, l’amendement reprend l’une des propositions formulées par M. Dosière face à la création, constatée lors des élections législatives, de pseudo-partis dont le seul but est de bénéficier de l’aide publique. Nous proposons donc de resserrer les critères d’attribution de la première fraction de cette aide publique versée chaque année aux partis et groupements politiques en imposant d’avoir obtenu au moins 2,5 % des suffrages exprimés dans un minimum de cent circonscriptions.

M. Ugo Bernalicis. La démarche consistant à relever ce seuil, déjà évoquée tout à l’heure, est intéressante, car il existe en effet des organisations politiques qui se créent spontanément pour « troller » l’élection, parfois en l’affichant ouvertement, et qui reçoivent des fonds publics dont on ignore comment elles les utilisent concrètement et si elles les destinent même à une activité politique.

Néanmoins, notre réflexion sur le financement des partis politiques doit dépasser la seule question des seuils. Pendant la campagne présidentielle, nous avions par exemple proposé qu’un parrainage citoyen remplace les cinq cents parrainages d’élus, afin d’éviter la profusion excessive de candidats tout en garantissant le financement public des partis. Pour présenter une candidature aux élections législatives, il faudrait ainsi recevoir le parrainage d’une fraction – par exemple 2,5 % – des électeurs par voie de pétition, ce qui permettrait de s’assurer que les candidats représentent des idées et qu’ils peuvent ouvrir droit à des crédits au même titre que les autres groupements politiques.

Si je formule cette proposition dans le débat global, c’est moins pour m’opposer à l’amendement en tant que tel que pour envisager les choses différemment et nous extraire de la logique politique dans laquelle nous nous trouvons. C’est tout le problème de ce texte et de la révision constitutionnelle qui viendra plus tard : il faut tenir compte du système politique dans sa globalité – d’où notre proposition d’assemblée constituante pour une VIe République. En effet, en conjuguant le scrutin proportionnel, le vote obligatoire, la reconnaissance du vote blanc, les effets politiques d’un vote blanc majoritaire, l’adossement du financement public à ces règles voire l’attribution d’une enveloppe identique – un droit de tirage, en quelque sorte – à chaque candidat en sus du prêt, nous considérerions l’activité politique de notre pays sous un jour nouveau. C’est pourquoi je peine à prendre position sur tel seuil et tel point particulier, qui s’insèrent difficilement dans la réflexion politique globale.

M. Régis Juanico. Il me semble que nous devons commencer à déplacer le curseur au sujet du financement public des partis politiques. Nous avons tous constaté des abus dans nos campagnes respectives, où se présentaient parfois jusqu’à quinze candidats, certains sans affiche officielle, sans propagande, sans profession de foi. Autrement dit, le système est aujourd’hui utilisé de manière abusive par certaines formations qui ne présentent pas des candidats en vue de les faire élire mais tout simplement pour accéder à un tiroir-caisse public. Notre ancien collègue René Dosière avait effectué ces dernières années un travail sérieux et reconnu de tous ; malgré le risque d’inconstitutionnalité, je crois que nous devons avancer et durcir les conditions d’obtention de l’aide publique.

Mme la rapporteure. Les auditions nous ont permis d’expliciter toutes ces questions de financement. Il se trouve que la première fraction de l’aide publique n’est accordée qu’à une quarantaine de partis politiques, dont treize en métropole ; il ne s’agit donc pas d’une multitude de partis. Reposons les termes du débat : la révision constitutionnelle à venir touchera nécessairement à un certain nombre de questions relatives au financement des partis politiques. L’occasion sera plus appropriée pour aborder ces sujets complexes auxquels on ne saurait donner ici une réponse satisfaisante. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement CL24.

Article 9 bis
(art. L. 52-6 et L. 52-6-1 [nouveau] du code électoral)
Conditions d’ouverture et de fonctionnement du compte bancaire ou postal pour une campagne électorale

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 bis facilite l’ouverture et le fonctionnement d’un compte bancaire ou postal pour le mandataire du candidat, ou d’une liste de candidats, à une élection.

Dernières modifications législatives intervenues

Voir la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Modifications apportées au Sénat

L’article 9 bis a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur.

En séance publique, le Gouvernement a fait adopter une réécriture du dispositif pour en améliorer l’efficacité.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles.

En complément des dispositions figurant à l’article 10 du projet de loi, le présent article, adopté par la commission des Lois du Sénat sur la proposition de son rapporteur, vise à rendre effectif le droit au compte bancaire pour les campagnes électorales. Il introduit un nouvel article L. 52-6-1 dans le code électoral, comportant deux mesures inspirées du droit au compte ouvert aux particuliers, inscrites à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier.

En cas de refus d’ouverture d’un compte, l’établissement de crédit serait tenu de communiquer au mandataire les motifs du refus, gratuitement et par écrit. Cette formalisation du refus permettrait au mandataire de solliciter la Banque de France pour qu’elle désigne un établissement de crédit de substitution.

Afin d’éviter des manœuvres dilatoires, d’autant plus préjudiciables que la campagne électorale est entamée et que le candidat engage des dépenses, il était également prévu qu’au terme d’un délai de quinze jours à compter de la demande d’ouverture de compte, le silence gardé par l’établissement de crédit saisi vaille refus.

En outre, le présent article renvoie, sur le modèle du droit au compte, à un décret le soin de déterminer les prestations de base qui doivent être proposées lors de l’ouverture d’un compte par un établissement de crédit.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de réécriture du Gouvernement, sous-amendé par le rapporteur de la commission des Lois :

– le dispositif aux termes duquel l’absence de réponse de l’établissement de crédit valait refus a été supprimé car il aboutissait à priver le mandataire des pièces justificatives nécessaires pour déclencher le mécanisme de droit au compte auprès de la Banque de France ;

– il a été ajouté un renvoi, s’agissant des prestations de base que l’établissement de crédit est tenu de proposer, aux services bancaires mentionnés au III de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier et dont la liste précise est fixée à l’article D. 312-5-1 du même code.

Cet article 9 bis n’a fait l’objet, en commission des Lois, que d’une modification rédactionnelle.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL163 de la rapporteure.              

Puis elle adopte l’article 9 bis modifié.

Après l’article 9 bis

La Commission examine l’amendement CL76 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement reprend une préconisation de la CNCCFP concernant l’obligation de rotation des commissaires aux comptes. En effet, le nombre de commissaires aux comptes, qui est passé de deux à un dans les petits partis, a été allégé de manière sans doute opportune, mais le risque existe d’un renouvellement du même commissaire et d’une absence de rotation, d’où la possibilité que se créent des liens trop étroits entre le parti et le commissaire en question, qui mettraient en cause son indépendance. Nous proposons donc que s’applique le principe de la rotation des commissaires, leur mandat étant remis en jeu à échéance.

Mme la rapporteure. Lors de son audition, nous avons soumis cette idée au responsable de la compagnie nationale des commissaires aux comptes ; il nous a répondu que l’on éprouve déjà beaucoup de peine à trouver des commissaires aux comptes qui acceptent de certifier les comptes des partis. De ce fait, cette proposition, bien qu’intéressante, serait impraticable dans la plupart des cas. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Mme la rapporteure a jeté un voile pudique sur les raisons pour lesquelles il est difficile de trouver des commissaires aux comptes. Songez que certains comptes de campagne ont été certifiés alors qu’ils comportaient au moins un tiers de fausses factures ; si la justice existait encore dans ce pays, le commissaire aux comptes sauterait ! En somme, accepter d’être le commissaire aux comptes d’un parti politique est un exercice à haut risque – et ne parlons pas de la fonction de trésorier, encore plus risquée. Mieux vaut donc préserver la situation telle qu’elle est, étant donné que nous peinons déjà à trouver des commissaires aux comptes sans la rotation proposée.

La Commission rejette l’amendement.

 

 

Chapitre II bis
Dispositions relatives à la Commission nationale des comptes de campagne
et des financements politiques

Article 9 ter (supprimé)
(art. L. 52-14 du code électoral)
Assistance de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par des magistrats financiers

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 ter vise à permettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de bénéficier du concours de magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes en activité ou honoraires pour l’exercice de ses missions.

Dernières modifications législatives intervenues

Voir la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Modifications apportées au Sénat

L’article 9 ter a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur. En séance publique, il n’a fait l’objet que d’un amendement de précision.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, cet article a été supprimé par la Commission.

Introduit par la commission des Lois du Sénat, sur proposition de son rapporteur, le présent article vise à permettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de bénéficier du concours de magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires, pour l’exercice de ses missions. Ces dispositions sont présentées comme une alternative à la certification par la Cour des comptes des comptes annuels des partis et groupements politiques qui figurait dans l’avant-projet de loi et qui a été disjointe par le Conseil d’État ([146]).

Toutefois, s’agissant des comptes de campagne, le décret n° 2000-820 du 28 août 2000 ([147]) permet déjà à la CNCCFP de recruter, pour trois ans, des rapporteurs occasionnels chargés d’une première instruction des dossiers ; on compte ainsi 150 à 200 magistrats et fonctionnaires des ministères financiers, en activité ou en retraite, en fonction à la Commission.

Dans ces conditions, la commission des Lois a préféré, sur la proposition de sa rapporteure, supprimer le présent article.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL164 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à supprimer l’article. Introduit par la commission des Lois du Sénat sur proposition de son rapporteur, il a pour objet de permettre à la CNCCFP de bénéficier du concours de magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires, pour l’exercice de ses missions. Ces dispositions sont présentées comme une alternative à la certification par la Cour des comptes des comptes annuels des partis et groupements politiques qui figurait dans l’avant-projet de loi et qui a été disjointe par le Conseil d’État. Toutefois, s’agissant des comptes de campagne, le décret n° 2000-820 du 28 août 2000 permet déjà à la CNCCFP de recruter, pour trois ans, des rapporteurs occasionnels chargés d’une première instruction des dossiers ; on compte ainsi 150 à 200 magistrats et fonctionnaires des ministères financiers, en activité ou en retraite, en fonction à la commission. Dans ces conditions, je vous propose de supprimer cet article inutile.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 9 ter est supprimé.

Chapitre III
Accès au financement et pluralisme

Article 10
Création d’un médiateur du financement des candidats et des partis politiques

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 institue un « médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques », chargé d’une mission de conciliation avec les banques et pouvant être saisi par les candidats et partis ayant vu leur demande de prêt rejetée.

Dernières modifications législatives intervenues

Il s’agit d’un dispositif nouveau.

Modifications apportées au Sénat

L’article 10 a été modifié par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, afin d’étendre la mission du médiateur aux difficultés rencontrées par les mandataires financiers ou les associations de financement pour l’ouverture d’un compte bancaire et de modifier par cohérence sa dénomination. La procédure de nomination a été remaniée pour donner au gouverneur de la Banque de France un pouvoir de proposition.

 

La commission a également adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand précisant que le rapport d’activité du médiateur serait annuel.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté deux modifications de l’article 10 : la première, proposée par le Gouvernement avec l’avis favorable de la rapporteure, visait principalement à revenir à la procédure de nomination prévue dans le projet de loi initial, et la seconde, à l’initiative de Mme Élodie Jacquier-Laforge, à prévoir que le médiateur agit « dans un délai raisonnable ».

I.   L’État du droit

En application des articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral, le mandataire d’un candidat à une élection, qu’il s’agisse d’une personne physique – « mandataire financier » – ou d’une association de financement électorale, est tenu d’ouvrir un compte retraçant l’ensemble des opérations financières. La méconnaissance de cette obligation peut conduire au rejet du compte par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Comme le rappelle l’étude d’impact ([148]), la CNCCFP signale, depuis quelques années ([149]), les difficultés rencontrées par les mandataires des candidats aux élections pour ouvrir un compte bancaire et par les candidats eux-mêmes pour obtenir des prêts bancaires.

A.   Le droit au compte bancaire

L’article 13 de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique ([150]) a créé, à l’article L. 52-6 du code électoral, un « droit au compte », reconnu au mandataire financier d’un candidat :

« Tout mandataire financier a droit à l’ouverture de ce compte, ainsi qu’à la mise à disposition des moyens de paiement nécessaires à son fonctionnement, dans l’établissement de crédit de son choix. L’ouverture de ce compte intervient sur présentation d’une attestation sur l’honneur du mandataire qu’il ne dispose pas déjà d’un compte en tant que mandataire financier du candidat ».

Les modalités de mise en œuvre de ce dispositif ont été précisées par voie réglementaire ([151]). En application de l’article R. 39-6 du code électoral, un établissement de crédit qui refuse à un mandataire financier l’ouverture d’un compte de dépôt doit remettre à ce dernier une attestation de refus. L’établissement est également tenu de l’informer de la possibilité de saisir la Banque de France afin d’exercer ce « droit au compte ».

La Banque de France, après que le mandataire financier lui a transmis les documents requis, désigne alors, en tenant compte des souhaits du mandataire financier et des parts de marché des établissements bancaires, l’établissement qui sera tenu de lui ouvrir un compte.

Lors de son audition par la rapporteure, le président de la CNCCFP a néanmoins souligné que, malgré ce dispositif juridique complet, l’effectivité de ce droit se heurte encore à des difficultés. La Commission a ainsi été saisie d’une centaine de cas lors des élections municipales de 2014, départementales de 2015 et législatives de 2017, dans lesquels, même après intervention de la Banque de France, les mandataires se heurtaient aux manœuvres dilatoires de certains établissements pour délivrer l’attestation de refus, ou encore ne parvenaient à obtenir des moyens de paiement.

B.   L’Accès à l’emprunt bancaire

La CNCCFP a également souligné que la loi du 14 avril 2011 n’avait pas résolu les difficultés d’accès au crédit bancaire, qui se nourrissent en partie seulement du manque d’effectivité du droit à l’ouverture d’un compte (pas d’emprunt sans compte bancaire).

En l’absence d’éléments statistiques, ces difficultés ne peuvent être mesurées qu’indirectement, à travers le recul de l’emprunt bancaire relevé par la Commission nationale lors des dernières élections régionales, où la part de l’emprunt bancaire dans le financement a été ramenée de 52,0 % en 2010 à 35,2 % en 2015, et lors des dernières élections municipales, où elle est passée de 27,7 % en 2008 à 21,28 % en 2014.

Ces difficultés peuvent s’expliquer par la combinaison de plusieurs risques spécifiques liés au financement de campagnes électorales ou de partis politiques : des risques d’insolvabilité des candidats liés aux règles du remboursement public des frais engagés, des contraintes réglementaires supplémentaires pour les « personnalités politiquement exposées » prévues par la directive européenne du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ([152]) et des risques pour la réputation des établissements qui prêteraient ou refuseraient de prêter à un parti politique.

II.   Le droit PROPOSé

La création d’un « médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques » s’inspire de celle, en 2008, du médiateur du crédit pour les entreprises, dans le cadre des mesures de soutien à l’économie à la suite de la crise financière. À la différence de cette forme de médiation, qui repose sur un accord de place conclu avec les principaux établissements de crédit représentés par la Fédération bancaire française et possède un champ limité, il est proposé de créer un organisme nouveau, doté d’un fondement législatif.

A.   Les missionS du médiateur du crédit

Chargé de « concourir, en facilitant le dialogue entre les candidats à un mandat électif et les partis et groupements politiques d’une part, les établissements de crédit et les sociétés de financement d’autre part, au financement légal et transparent de la vie politique » (I dans la rédaction initiale du présent article), le médiateur est investi d’une mission de conciliation, à l’exclusion de tout pouvoir coercitif à l’égard des établissements de crédit. Il pourra être saisi par tout candidat, parti ou groupement politique (II) ayant vu rejetée une demande de prêt.

Pour lui permettre d’accomplir sa mission, le IV rend inopposable au médiateur du crédit le secret bancaire protégé par l’article L. 511-33 du code monétaire et financier.

En outre, le V impose au médiateur du crédit de remettre un rapport au Parlement « dans lequel il fait un bilan de son activité et peut présenter des recommandations relatives au financement des candidats et partis ou groupements politiques ».

B.   La nomination du médiateur du crédit

Le médiateur serait nommé pour un mandat de six ans non renouvelable, conformément au III du nouvel article 16-1.

Afin de garantir la neutralité et la compétence de la personnalité choisie, il est proposé que le médiateur du crédit soit nommé par le Président de la République après avis du gouverneur de la Banque de France et des commissions permanentes compétentes du Parlement, selon la procédure prévue par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

III.   LeS modifications opérées par le sénat

Le présent article a fait l’objet de plusieurs modifications par la commission des Lois du Sénat.

À l’initiative du rapporteur, M. Philippe Bas, elle a d’abord regroupé ces dispositions dans un nouvel article 16-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ([153]).

Les missions du médiateur ont été étendues aux difficultés rencontrées par un mandataire financier ou une association de financement de parti ou groupement politique pour l’ouverture d’un compte bancaire ou postal (nouveau II bis de l’article 16-1). Par cohérence, sa dénomination a été modifiée en « médiateur du financement des candidats et des partis politiques ».

Il a été précisé (II ter) que les constatations que le médiateur pourrait faire ou les déclarations qu’il pourrait recueillir dans le cadre de sa mission seraient couvertes par le secret qui, dans le cadre d’une action civile, ne saurait être levé qu’avec l’accord des parties.

La Commission a également adopté un amendement de M. Jean-Pierre Grand précisant que le rapport d’activité du médiateur déposé au Parlement serait annuel.

Enfin, suivant la proposition de son rapporteur, la commission des Lois a réaménagé la procédure de nomination prévue au III :

– elle a supprimé une mention de la commission compétente pour entendre la personnalité pressentie, par coordination avec l’article 11 du projet de loi ;

– et elle a transformé l’avis simple du gouverneur de la Banque de France sur cette désignation en un pouvoir de proposition, sous la forme d’une liste de trois noms parmi lesquels le président de la République devrait choisir le médiateur.

IV.   LeS amendements adoptés par la commission des Lois

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a souhaité, sur la proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de la rapporteure, revenir au texte initial du projet de loi sur deux points : la procédure de désignation et la dénomination du médiateur.

Par ailleurs, elle a adopté, toujours avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de Mme Élodie Jacquier-Laforge imposant au médiateur d’agir dans « des délais raisonnables ».

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL181 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à rétablir le nom du médiateur « du crédit » aux candidats et aux partis politiques, comme le prévoyait le texte initial. Le Sénat a étendu les missions du médiateur aux difficultés rencontrées par un mandataire financier ou une association de financement de partis ou groupements politiques pour l’ouverture d’un compte bancaire ou postal. Par cohérence, sa dénomination a été modifiée en « médiateur du financement des candidats et des partis politiques ». Par ailleurs, les sénateurs ont réaménagé la procédure de nomination en transformant l’avis simple du gouverneur de la Banque de France sur cette nomination en un pouvoir de proposition sous la forme d’une liste de trois noms parmi lesquels le Président de la République devrait choisir un médiateur.

Le Gouvernement entend rétablir son texte initial sur ces deux derniers points. Il est vrai que la procédure de nomination retenue peut paraître baroque et assez difficile à mettre en œuvre. J’émets donc un avis favorable à l’amendement.

M. Philippe Latombe. Permettez-moi de dresser une analogie avec le dispositif actuel relatif au médiateur du crédit, auquel le code monétaire et financier confie la compétence non seulement sur le financement des entreprises mais aussi sur l’ouverture d’un compte. Il ne saurait en effet y avoir de quelconque financement si aucun compte n’a préalablement été ouvert.

Le Sénat avait introduit l’idée selon laquelle le médiateur du crédit pourrait être un médiateur du financement mais, pour ce faire, il doit également être compétent s’agissant de l’ouverture d’un compte bancaire à des fins d’activités politiques, ce qui est actuellement hors du champ du médiateur de la Banque de France. Dans ces conditions, le rétablissement proposé par cet amendement pose un problème que le Sénat a cherché à corriger en modifiant le périmètre d’action du médiateur tel qu’il était prévu. Je suis donc favorable à ce que l’on maintienne la notion d’action du médiateur tout à la fois en matière de financement et d’ouverture d’un compte bancaire.

M. Charles de Courson. Mme la rapporteure pourrait-elle nous expliquer à quoi sert le médiateur ? Il n’a au fond qu’un pouvoir de conciliation.

M. Ugo Bernalicis. C’est un agent du dialogue, proche du terrain.

M. Charles de Courson. Tout cela est sympathique, mais on ne saurait obliger une banque qui ne veut pas prêter d’argent à le faire. La véritable question à poser est la suivante : pourquoi les banques ne veulent-elles pas prêter ? Chacun le sait : c’est parce que certains partis politiques connaissent des faillites à répétition. La Société générale, par exemple, a interdit à toutes ses succursales de consentir des prêts et de nombreuses banques ne souhaitent plus se livrer à cette activité. Se pose en outre le problème de leur image : en prêtant à tel ou tel parti, elles donnent l’impression d’afficher une obédience, ce qui dessert leurs intérêts commerciaux au point que certaines ont interdit tout financement des partis politiques.

Ne serait-il pas plus sage de s’orienter vers un fonds de garantie plutôt qu’un médiateur ? Que pourra faire le médiateur, en effet ? J’étais trésorier d’un parti ; un beau matin, la Société générale nous a fait savoir qu’elle ne consentait plus de prêts aux partis politiques suite aux affaires survenues à l’UMP ; le parti socialiste pourrait aussi bien être mis en cause. Voilà le problème de fond. Mieux vaudrait donc créer un fonds de garantie en loi de finances en le dotant de quelques millions d’euros afin de garantir partiellement les prêts pour inciter les banques à prêter.

M. Erwan Balanant. Ce sera le rôle de la banque de la démocratie.

M. Charles de Courson. Non, ce n’est pas une banque qu’il faut : les campagnes électorales ne sont pas des marchés solvables. Quoi qu’il en soit, madame la rapporteure, ne sommes-nous pas en train d’errer ? La solution proposée ne me semble pas être la bonne. Avez-vous pris contact avec les grandes banques, le Crédit agricole par exemple ?

Mme la rapporteure. Nous essayons par ce texte de trouver de nouveaux dispositifs permettant de faciliter l’accès au financement des campagnes électorales, d’où la création du médiateur du crédit, d’une part, et de la banque de la démocratie, d’autre part. S’agissant de l’amendement en discussion, il n’est pas proposé de modifier le périmètre élargi par le Sénat pour le médiateur, mais seulement d’en rétablir l’intitulé et d’en modifier le mode de nomination. Je confirme donc mon avis favorable.

M. Bastien Lachaud. S’agissant du mode de nomination, le Sénat avait tenté une ouverture en confiant au gouverneur de la Banque de France la capacité de donner trois noms limitant le pouvoir de choix du Président de la République. Nous constatons donc un nouveau recul démocratique, le pouvoir de nomination du médiateur revenant au seul Président de la République.

La Commission adopte l’amendement CL181. En conséquence, l’amendement CL165 de la rapporteure devient sans objet.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CL166 de la rapporteure.

Elle passe à l’amendement CL88 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Cet amendement vise à fixer un délai raisonnable de réponse pour l’ouverture d’un compte de campagne. Si je n’ai pas souhaité qualifier ce délai, c’est parce que je souhaitais que la Commission se saisisse de cette question pour, ensuite, fixer un délai précis en séance publique. Il est vrai, comme l’a indiqué M. de Courson, que les banques répondent parfois négativement, voire pas du tout, moyennant des manœuvres dilatoires que certains ont peut-être connues – consistant à prétendre que le conseiller reviendra dans trois semaines ou qu’il rappellera. Je propose donc de fixer un « délai raisonnable » de réponse, positive ou négative, de la banque, ce qui éviterait de saisir ensuite le médiateur ou, s’il faut le saisir, de disposer de la date de la notification pour le faire.

M. Ugo Bernalicis. Nous semblons manquer d’imagination et nous butons sur un problème : les intérêts particuliers ne se confondent pas toujours avec l’intérêt général. En l’occurrence, l’intérêt général consiste à ce que des candidats aux élections puissent ouvrir un compte et obtenir un prêt pour être en situation d’égalité vis-à-vis de leurs concurrents.

Tout d’abord, il se pose un problème de rupture d’égalité dès lors que l’on instaure tout à la fois un plafond remboursable et un plafond total, car certains ont les moyens de dépasser le plafond remboursable et d’autres non. L’inégalité entre eux est flagrante. Dans un monde idéal, peut-être pourrions-nous envisager que le plafond remboursable corresponde en réalité à une sorte de droit de tirage ouvert à égalité pour tous les candidats dès lors qu’ils auraient obtenu leur parrainage citoyen. On résoudrait ainsi deux problèmes : celui de la surabondance de candidats, qui semble importuner certains collègues, mais aussi celui du coût de l’élection et de l’inégalité entre les candidats. En effet, les intérêts bancaires, in fine, sont intégrés aux comptes de campagne ; autrement dit, le recours aux banques coûte de l’argent, en plus des intérêts. Ce serait donc une mesure de salubrité publique que d’aller dans la direction que j’ai indiquée, même si nous en sommes extrêmement éloignés. Je me contente de tracer des pistes afin que nous menions une réflexion collective sur ce sujet.

M. Aurélien Pradié. Deux questions se posent à nous : la première concerne l’ouverture du compte, la seconde le financement de la campagne électorale. La question de l’ouverture du compte est résolue par l’article 10 : ce n’est pas le médiateur qui la règle, mais la Banque de France. Ce n’est d’ailleurs pas une disposition très originale, même si elle est saine, car elle vaut aussi en droit commun : tout concitoyen auquel une banque a refusé l’ouverture d’un compte pour des raisons diverses et variées est en droit de saisir la Banque de France qui, elle, peut imposer l’ouverture du compte. Cette disposition est étendue aux candidats aux élections, et c’est une évolution significative qui devrait permettre à tous les candidats d’accéder à un compte bancaire.

Quant au financement de la partie nécessaire pour mener une campagne électorale, nul ne saurait nier qu’il constitue une difficulté. Si l’on veut établir une véritable égalité devant les suffrages, les candidats doivent disposer des moyens nécessaires pour se présenter face aux électeurs. Ce sujet est loin d’être anecdotique : c’est d’ailleurs pour cela que la loi prévoit le remboursement, au-delà d’un certain seuil, des frais de campagne. Il manque néanmoins un élément : l’avance des frais. Il ne me paraît pas opportun de créer une banque de la démocratie qui est vouée à l’échec, et parce que nous finirons quoi qu’il en soit par nous appuyer sur un fonds de garantie. Je propose une autre hypothèse, sans savoir encore comment l’appliquer : tout comme la Banque de France peut imposer l’ouverture d’un compte bancaire, nous pourrions imaginer que lorsqu’un candidat essuie plusieurs refus de financement du plafond remboursable par l’État, c’est-à-dire le montant que la loi met à sa disposition pour conduire sa campagne, le médiateur pourrait choisir une banque dans la circonscription, comme il le fait pour l’ouverture d’un compte, et lui demander de financer la part remboursable par l’État. Dans le cas où les comptes de campagne seraient rejetés, alors le candidat en serait personnellement responsable et devrait assumer le remboursement des frais engagés. En clair, il n’est pas nécessaire d’inventer un mécanisme farfelu ; nous pouvons nous appuyer sur ce qui existe, dans l’esprit de la règle relative à l’ouverture imposée d’un compte bancaire.

Mme la rapporteure. Je rappelle que le droit au compte existe depuis 2011 pour les partis politiques et, en effet, plusieurs candidats se sont heurtés, au cours de la récente campagne électorale, à certaines difficultés. Je suis, dès lors, favorable à l’idée d’introduire la notion de délai raisonnable : il est indispensable de pouvoir ouvrir un compte bancaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11
(tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)
Désignation de la commission permanente compétente pour examiner la candidature à la fonction de médiateur du financement des candidats et des partis politiques

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 est une mesure de coordination avec l’article 10 du projet de loi organique qui prévoit un avis du Parlement sur l’exercice par le Président de la République de son pouvoir de nomination du médiateur du crédit du financement des candidats et des partis politiques.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a prévu de soumettre à l’avis des commissions parlementaires l’ensemble des nominations des présidents des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Modifications apportées au Sénat

Les sénateurs n’ont adopté que des modifications rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications de coordination.

Le présent article confie, au sein de chaque assemblée parlementaire, à la commission compétente en matière de lois électorales – c’est-à-dire les deux commissions des Lois – le soin d’émettre un avis, après une audition publique, sur la nomination du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Il complète, à cette fin, le tableau annexé à la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ([154]).

Cette disposition est la conséquence de l’ajout de cette fonction à la liste de celles soumises à la procédure du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution par l’article 10 du projet de loi organique.

Au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, ces dispositions n’ont fait l’objet que d’aménagements rédactionnels ou de coordinations.

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Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL182 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12
Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour créer une structure dédiée ou un mécanisme de financement en cas de défaillance avérée du marché

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12, dans sa version initiale, habilitait le Gouvernement à créer par ordonnance une « banque de la démocratie », qui pourra être un établissement doté de la personnalité morale, être adossée à un établissement de crédit existant ou prendre la forme d’un mécanisme de financement spécifique, dont la mission sera de consentir des prêts, avances ou garanties.

Dernières modifications législatives intervenues

Il s’agit d’un nouveau dispositif.

Modifications apportées au Sénat

La commission des Lois du Sénat a, à l’initiative notamment de son rapporteur, supprimé le dispositif.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article a été rétabli dans une rédaction légèrement resserrée.

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État avait critiqué, en des termes sévères, ce dispositif et pointé l’insuffisance de l’étude d’impact jointe, estimant que : « en raison de la très grande indétermination des choix du Gouvernement qui demande au Parlement une habilitation à légiférer avant même d’avoir fait procéder à une étude préalable de faisabilité, il ne lui est pas possible d’apprécier l’adéquation de la mesure envisagée au regard des objectifs annoncés ».

Ces critiques ont justifié l’adoption par la commission des Lois du Sénat de trois amendements de suppression, de son rapporteur, de la commission des Finances et de M. Jean-Pierre Grand. Le présent article n’a pas été rétabli en séance.

Sur la proposition du Gouvernement et avec l’avis favorable de la rapporteure, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a rétabli cet article 12, dans un texte proche de celui du projet initial.

Le Gouvernement serait donc habilité, pendant douze mois, à légiférer pour que les candidats, partis et groupements politiques puissent, « en cas de défaillance avérée du marché », assurer le financement « des campagnes électorales pour les élections présidentielles, législatives, sénatoriales et européennes » par l’obtention de prêts, avances ou garanties. Le texte initial, un peu plus large, visait le financement « des campagnes électorales et de la vie politique ».

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL183 du Gouvernement et CL106 de Mme Marielle de Sarnez.

M. Philippe Latombe. Par le biais de l’amendement CL106, nous souhaitons rétablir le texte prévoyant la création d’une banque de financement de la vie politique – nous sommes par conséquent heureux que le Gouvernement propose un amendement allant dans le même sens. Il est par ailleurs prévu que les modalités de la création de ladite banque relèveraient d’ordonnances présentées dans les douze mois.

En outre, la possibilité d’ouvrir un compte et d’accéder à des financements beaucoup plus facilement renforcerait le pluralisme.

Mme la rapporteure. L’amendement du Gouvernement est presque identique à celui du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, mais, pour des raisons de procédure, il est plus sûr au plan constitutionnel.

M. Philippe Latombe. Pour les raisons que vient d’indiquer la rapporteure, nous retirons l’amendement CL106.

L’amendement CL106 est retiré.

M. Bastien Lachaud. Je ne comprends pas l’urgence qu’il y aurait à légiférer par ordonnances. Les élections européennes de 2019 seront la prochaine échéance électorale. Nous pourrions par conséquent tout à fait créer, comme pour les questions de pantouflage, par exemple, une commission qui proposerait à la représentation nationale un projet bien ficelé.

M. Philippe Gosselin. Je m’interroge également sur la nécessité de légiférer par ordonnances même si j’ai bien conscience que c’est en ce moment à la mode. Mais puisqu’on nous annonce un « paquet » à venir, le troisième pied du trépied – je préfère parler de triptyque –, ou je ne sais quels autres éléments pour lesquels il ne semble pas y avoir d’urgence, pourquoi se précipiter pour créer une banque dont l’utilité, soyons honnêtes, n’est pas totalement démontrée ? Il s’agit d’un « machin » compliqué à gérer. Ne nous dessaisissons pas de nos compétences.

Mme Cécile Untermaier. Et cela d’autant plus que, vous l’avez tous lu, le Conseil d’État est très réservé sur l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, faisant valoir l’absence de travail du Gouvernement en amont. Ce dossier n’est absolument pas prêt. Il faudrait que le Gouvernement se montre beaucoup plus précis. Le groupe Nouvelle gauche est donc défavorable au rétablissement de cet article.

Mme Paula Forteza. Le groupe La République en Marche va au contraire voter cet amendement qui prévoit un dispositif très important pour garantir le pluralisme politique, ainsi que l’affirme le Modem. Nous allons demander au Gouvernement, en séance publique, davantage de détails sur l’exécution de cette mesure.

M. Stéphane Mazars, président. M. de Courson m’a fait parvenir un sous-amendement ainsi rédigé : « À l’avant-dernier paragraphe, après le mot "financement", ajouter les mots : "ou d’un fonds de garantie" ».

M. Charles de Courson. À lire son amendement, on voit bien que le Gouvernement n’est pas sûr de ce qu’il va faire, ne serait-ce que par l’emploi du verbe « pouvoir » : « Ce dispositif peut prendre la forme d’une structure dédiée […] » – ce qui signifie qu’il pourrait prendre d’autres formes. Le texte proposé est donc un peu vaseux. Ne pourrions-nous donc pas ajouter, comme je le propose, les mots : « ou d’un fonds de garantie », après les mots : « mécanisme spécifique de financement » ?

Le texte poursuit : « […] le cas échéant adossé à un opérateur existant, […] » – on voit là tout de suite qui on va « taper » : la Caisse des dépôts et consignations. Or je crois bien plus à un mécanisme tel qu’un fonds de garantie, lequel inciterait à prendre quelque risque. Quel est en effet le risque d’un banquier ? C’est que le candidat réunisse moins de 5 % des suffrages et qu’un parti politique fasse faillite à la suite d’une raclée subie aux élections puisque, en gros, les partis dépendent du financement public. En outre, la banque risque d’être assimilée à tel parti qu’elle financerait, ce qui explique sa réticence. De nombreux partis ont conclu un accord bancaire pour permettre à tous leurs candidats – en particulier ceux qui ne franchiront pas le seuil de 5 % des voix – de financer leur campagne avec la garantie du parti.

Reste, j’y insiste, qu’on voit bien que le Gouvernement ne sait pas trop ce qu’il va faire.

M. Stéphane Mazars, président. Votre sous-amendement soulève une question de recevabilité qui ne peut pas être tranchée dans la précipitation, son adoption pouvant être interprétée comme un élargissement du champ de l’habilitation, initiative que ne peut prendre un parlementaire.

M. Philippe Gosselin. Quitte à nous dessaisir, au moins faudrait-il connaître, ne serait-ce que dans les grandes lignes, quelles sont les intentions du Gouvernement. Le deuxième paragraphe évoque bel et bien une faculté : on ne sait pas si le dispositif sera un fonds, une structure dédiée ou une autre formule. C’est tellement flou que j’y vois un loup.

La Commission adopte l’amendement CL183.

L’article 12 est ainsi rétabli.

titre vi
dispositions relatives aux représentants
au parlement européen

Article 13
(art. 11 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ; art. 53 [nouveau], 6 et 26 de la loi n° 77729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen)
Extension aux représentants français au Parlement européen des incompatibilités relatives à l’exercice de fonctions de conseil

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 procède à la transposition au cas des députés français au Parlement européen de deux dispositifs prévus par le projet de loi organique :

–  le mécanisme de vérification de la situation fiscale, dans lequel le rôle dévolu au bureau pour les sénateurs et députés serait exercé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique s’agissant des députés européens, la fin de mandat étant prononcée par le juge administratif au lieu du juge constitutionnel ;

–  les incompatibilités imposées aux parlementaires en relation avec les fonctions de conseil.

Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a veillé à harmoniser les dispositions applicables aux parlementaires européens avec celles conçues pour les parlementaires nationaux, et a adopté à cet effet plusieurs amendements de coordination.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a modifié le dispositif de vérification de situation fiscale issu du Sénat dans un sens identique à l’article 2 du projet de loi organique régissant les parlementaires nationaux (suppression du dialogue précontentieux, absence d’appréciation d’opportunité dans la saisine du juge, inéligibilité prononcée pour toutes les élections). Les attestations de situation fiscale établies par l’administration seront transmises au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), équivalent pour les parlementaires européens du déontologue des députés et sénateurs nationaux.

I.   L’application aux représentants de la France au Parlement européen des dispositions de l’article 2 du projet de loi organique relatives à la vérification de la situation fiscale des parlementaires

A.   Les dispositions initiales du projet de loi

Comme pour les députés et les sénateurs, le 1° du II de l’article 13 prévoit qu’un représentant français au Parlement européen reçoit de l’administration fiscale, dans le mois suivant son entrée en fonction, une attestation relative au respect de ses obligations fiscales en matière de déclaration et de paiement de ses impôts nationaux et locaux. Là encore, cette procédure n’équivaut pas à une vérification de situation fiscale et ne permet pas d’exclure la découverte ultérieure d’un manquement dans le cadre d’une procédure de droit commun.

La procédure prévue est similaire à celle applicable aux parlementaires nationaux, dont elle ne s’écarte que sur deux points :

–  dès lors qu’il n’est pas envisageable que le fisc communique des informations de nature fiscale au bureau du Parlement européen, majoritairement composé de représentants étrangers, ce rôle est dévolu au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ;

–  la fin de mandat serait prononcée par le Conseil d’État, juge de l’élection des représentants français au Parlement européen ([155]), et non par le Conseil constitutionnel, juge des élections parlementaires nationales.

Le III permet une application immédiate du dispositif aux députés européens en cours de mandat, selon les modalités prévues pour les députés nationaux à l’article 11 du projet de loi organique.

B.   Des coordinations apportées par le Sénat

En commission des Lois à l’initiative du rapporteur, puis en séance publique par amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, le Sénat a apporté au dispositif les mêmes évolutions qu’à celui de l’article 2 :

–  limitation des transmissions de l’administration fiscale au président de la Haute Autorité aux seules attestations de non-conformité ;

–  délai d’un mois laissé au représentant pour dissiper une incompréhension ou régulariser sa situation ;

–  possibilité pour le Conseil d’État de prononcer, en fonction de la gravité du manquement, une peine d’inéligibilité pour une durée maximale de trois ans.

C.   La position de la commission des Lois

La Commission a adopté deux amendements de précision rédactionnelle de la rapporteure ainsi qu’un amendement du Gouvernement visant à :

– rendre destinataire des attestations de situation fiscale le président de la HATVP qui pourrait trouver utilité à ces pièces ;

– supprimer le dialogue précontentieux d’un mois inséré par le Sénat pour réintégrer le parlementaire européen dans le droit commun ;

– exclure toute appréciation de l’opportunité d’une saisine du Conseil d’État par le président de la HATVP.

Cet amendement gouvernemental a été sous-amendé par la rapporteure pour préciser que les décisions d’inéligibilité prises par le Conseil d’État valent pour toutes les élections et non pour le seul Parlement européen.

II.   L’application aux représentants de la France au Parlement européen des incompatibilités instituées par le projet de loi organique

A.   Les dispositions initiales du projet de loi

L’article 7.3 de l’Acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct stipule que « chaque État membre peut étendre les incompatibilités applicables sur le plan national » à ses représentants au Parlement européen, sous la seule réserve – exprimée à l’article 8 – de ne pas « globalement porter atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ». La France applique ainsi aux députés européens les incompatibilités auxquelles sont soumis députés et sénateurs ([156]) ; ils disposent de trente jours pour mettre fin à une éventuelle situation d’incompatibilité. Dans le cas contraire, tout électeur peut saisir le Conseil d’État qui prononce sa démission d’office.

L’article 13 du projet de loi ordinaire étend aux représentants français au Parlement européen les incompatibilités créées par les articles 3 à 8 du projet de loi organique :

–  le I ordonne la mention, dans la déclaration d’intérêts et d’activités de ces représentants, des participations directes ou indirectes leur conférant le contrôle d’une société, d’une entreprise ou d’un organisme dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseil ;

–  le  du II accorde trois mois pour céder les participations conférant le contrôle d’une structure dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseil ou pour en confier la gestion à un tiers.

B.   Des coordinations apportées par le Sénat

Conformément aux modifications apportées à l’article 7 du projet de loi organique, la commission des Lois a distingué, sur proposition du rapporteur, l’interdiction d’acquérir, au cours du mandat, le contrôle d’une structure dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseils, d’une part, et l’interdiction, sous certaines conditions, de continuer d’exercer le contrôle d’une telle structure, d’autre part. Dans le premier cas, l’interdiction serait immédiate à compter de l’entrée en vigueur de la loi ; dans le second, le parlementaire disposerait de trois mois pour régulariser sa situation.

C.   La position de la commission des Lois

La Commission n’a pas souhaité modifier le dispositif issu du Sénat.

III.   L’extension des dispositions de l’article 13 à l’outre-mer

Le 3° du II permet l’application outre-mer de ces dispositions.

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*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL167 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CL184 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL198 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement du Gouvernement a pour objet de supprimer le dialogue précontentieux et le pouvoir d’opportunité du président de la HATVP pour déférer au juge un manquement aux obligations fiscales.

Le dispositif envisagé est équilibré : soit le parlementaire mis en cause par l’administration fiscale conteste cette analyse, soit il régularise sa situation. Il n’y a pas d’autre solution. Le délai d’un mois de discussion imposé par le Sénat n’a guère de justification.

L’amendement supprime aussi toute possibilité pour le président de la HATVP de décider ou non de saisir le Conseil constitutionnel. Cette appréciation doit relever non d’un organe politique mais du juge qui décidera d’une sanction proportionnée à la faute.

Je vous propose un sous-amendement pour préciser que l’inéligibilité prononcée vaut pour tous les mandats électifs et non pour le seul mandat parlementaire.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL168 et CL170, de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 13 ainsi amendé.

Article 13 bis (nouveau)
(art. 11 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Obligation pour le déontologue de l’Assemblée nationale de déposer une déclaration d’intérêt et une déclaration de situation patrimoniale

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 bis soumet le déontologue de l’Assemblée nationale à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Il a été introduit à l’initiative de la rapporteure.

Afin de les placer au-dessus de tout soupçon, la commission des Lois, sur la proposition de sa rapporteure, a adopté un amendement pour soumettre « les membres de l’organe chargé de la déontologie parlementaire dans chaque assemblée » à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En pratique, cette disposition ne concernera que le déontologue de l’Assemblée nationale puisque le comité de déontologie est exclusivement composé de sénateurs, déjà soumis à cette obligation au titre de leur mandat parlementaire.

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La Commission examine l’amendement CL172 de la rapporteure

Mme la rapporteure. Il est proposé de soumettre les déontologues de l’Assemblée nationale et du Sénat à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale. Plus que tout autre et autant que nous, les déontologues doivent être au-dessus de tout soupçon.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 13 bis est ainsi rédigé.

Article 13 ter (nouveau)
(art. 12 de la loi n° 2013907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Publicité des déclarations de situation patrimoniale des représentants français au Parlement européen

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 ter prévoit la mise à disposition en préfecture des déclarations de situation patrimoniale des représentants français au Parlement européen.

Comme l’a relevé le rapport pour 2016 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ([157]), les représentants français au Parlement européens ne sont pas soumis au même régime de publicité que les autres parlementaires français : si les déclarations d’intérêts des uns et des autres sont publiées sur le site de la Haute Autorité, les déclarations de situation patrimoniale des seconds sont consultables en préfecture tandis que celles des premiers demeurent confidentielles.

La commission des Lois, sur proposition de la rapporteure, a souhaité imposer la publicité des déclarations de situation patrimoniale de chaque représentant français au Parlement européen, sous la forme de la mise à disposition dans toutes les préfectures de sa circonscription d’élection.

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*     *

Elle en vient à l’amendement CL171 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le présent amendement vise à étendre l’exigence de publicité aux déclarations de situation patrimoniale des représentants français au Parlement européen, sous la forme de la consultation en préfecture.

Comme l’a relevé le rapport pour 2016 de la HATVP, rien ne justifie que les députés européens ne soient pas soumis au même régime de publicité que les autres parlementaires français.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 13 ter est ainsi rédigé.

Article 14
Modalités d’entrée en vigueur de la modification des déclarations d’intérêts et d’activités et des incompatibilités parlementaires pour les représentants français au Parlement européen

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 14 échelonne l’entrée en vigueur des différents dispositifs de lutte contre les conflits d’intérêts pour les députés français au Parlement européen. Tous s’appliqueront avant le mois de mai 2019, date du prochain renouvellement du Parlement européen.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a apporté à l’article 14 des modifications de nature rédactionnelle.

 

L’article 14 du projet de loi détermine les modalités d’entrée en vigueur des évolutions des déclarations d’intérêts et d’activités et des nouvelles incompatibilités édictées à l’article 13 pour les représentants français au Parlement européen.

La commission des Lois du Sénat s’est bornée à adopter un amendement de clarification rédactionnelle.

En séance publique, aucun amendement n’a été adopté ni même déposé.

entrée en vigueur – représentants français au Parlement européen

Disposition

Article
du code électoral
(par renvoi de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977)

Entrée en vigueur

Obligation de compléter sa déclaration d’intérêts et d’activités en mentionnant le contrôle d’une structure dont l’activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils

Art. L.O. 135-1

Trois mois après l’entrée en vigueur de la loi

Interdiction de diriger une structure dont l’activité consiste « principalement » à conseiller les sociétés, entreprises, établissements ou organismes « sensibles » mentionnés à l’article L.O. 146 du code électoral

Art. L.O. 146, 8°

Entrée en vigueur de la loi avec, ensuite, un délai de mise en conformité de trois mois

Interdiction d’exercer une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début du mandat

Art. L.O. 146-1, 1°

Entrée en vigueur de la loi

Interdiction de poursuivre une activité de conseil initiée moins d’un an avant l’entrée en fonction du parlementaire

Art. L.O. 146-1, 2°

Prochain renouvellement du Parlement européen (mai 2019)

Interdiction de fournir des prestations de conseil aux sociétés, entreprises, établissements ou organismes « sensibles » mentionnés à l’article L.O. 146 du code électoral

Art. L.O. 146-1, 3°

Entrée en vigueur de la loi avec, ensuite, un délai de mise en conformité de trois mois

Interdiction d’acquérir le contrôle d’une structure dont l’activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils

Art. L.O. 146-2,

premier alinéa

À compter de l’entrée en vigueur de la loi

Interdiction d’exercer le contrôle d’une structure dont l’activité consiste « principalement » dans la fourniture de conseils, si ce contrôle a été acquis moins d’un an avant l’entrée en fonction du parlementaire

Art. L.O. 146-2, 1°

Prochain renouvellement du Parlement européen (mai 2019)

Interdiction d’exercer le contrôle dans une structure dont l’activité consiste « principalement » à conseiller les sociétés, entreprises, établissements ou organismes « sensibles » mentionnés à l’article L.O. 146 du code électoral

Art. L.O. 146-2, 2°

Entrée en vigueur de la loi avec, ensuite, un délai de mise en conformité de trois mois

Interdiction aux parlementaires qui bénéficiaient de la dérogation « professions libérales » de débuter une fonction de conseil qui n’était pas la leur avant l’entrée en vigueur de la loi

Ancien art. L.O. 146-1 du code électoral

Entrée en vigueur de la loi

Source : commission des lois du Sénat

La commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté trois amendements de nature rédactionnelle de la rapporteure, mais n’a apporté aucune modification de fond à la rédaction issue du Sénat.

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*     *

La Commission adopte successivement les trois amendements rédactionnels CL173, CL174, CL175, de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 14 modifié.

Après l’article 14

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL58 de Mme Danièle Obono.

 

Article 15 (supprimé)
Possibilité pour l’ensemble des parlementaires de la circonscription de participer à la commission de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR)

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15, introduit par le Sénat, permet à tous les députés et sénateurs d’un département de siéger à la commission de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), au lieu de quatre parlementaires au maximum aujourd’hui.

La commission DETR fixe chaque année les catégories d’opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d’État, les taux minimaux et maximaux de subvention applicables à chacune d’elles. Elle est également saisie pour avis des projets dont la subvention au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux dépasse 150 000 euros.

L’article 15 confère également un pouvoir d’avis conforme à la majorité des trois cinquièmes à ladite commission, le préfet ne pouvant plus passer outre un avis négatif.

Le montant annuel de la DETR s’élève actuellement à 1 milliard d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2017 a introduit la présence de parlementaires dans la composition de la commission DETR.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a adopté deux amendements de suppression du Gouvernement et de la rapporteure.

I.   Une disposition insérée par le Sénat

L’article 15 du projet de loi est issu d’un amendement adopté en séance publique par le Sénat à l’initiative de M. Bruno Retailleau, avec le soutien du rapporteur mais contre l’avis du Gouvernement.

La présence des parlementaires au sein de la commission d’élus prévue à l’article L. 2334‑37 du code général des collectivités territoriales, dite « commission DETR », est limitée à quatre par département. Dans les départements comptant plus de quatre parlementaires, l’Assemblée nationale et le Sénat désignent deux députés et deux sénateurs.

L’article 15 vise à ouvrir la commission à l’ensemble des sénateurs et députés du département et à lui permettre de rendre un avis décisionnel à une majorité des trois cinquièmes dès le premier euro dépensé, sans seuil minimum, alors que ses avis sont actuellement consultatifs.

Il a été présenté en séance publique au Sénat comme une mesure correctrice à la suite de la suppression de la réserve parlementaire proposée par le Gouvernement à l’article 9 du projet de loi organique.

II.   La position de la commission des Lois

La Commission a considéré que les parlementaires, représentants de la Nation, sont élus pour édicter la loi et pour contrôler l’action publique dans le cadre du Parlement. Ils peuvent contribuer à la délibération dans les territoires, comme les autres élus, en siégeant dans les commissions à caractère consultatif. Mais ils n’ont pas vocation à prendre part à des instances décisionnelles à l’échelle départementale.

Hiérarchiser les investissements locaux en milieu rural est noble, mais c’est une autre mission que celle pour laquelle sont désignés députés et sénateurs. Ainsi semble-t-il difficilement justifiable que les parlementaires représentent une majorité des membres de la « commission DETR » ; or, suivant ce principe, un département très peuplé comme le Nord ne pourrait admettre la présence de ses trente-deux parlementaires (vingt-et-un députés et onze sénateurs) qu’en conviant un nombre supérieur de représentants des collectivités locales, de sorte que la commission compterait alors plus d’une centaine de membres et se réunirait dans des conditions sensiblement dégradées.

En conséquence, la Commission a adopté deux amendements de suppression du Gouvernement et de la rapporteure.

*

*     *

La Commission examine les deux amendements identiques CL176 de la rapporteure et CL185 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Ces deux amendements visent à supprimer l’article 15 prévoyant que l’ensemble des parlementaires d’un département siègent au sein des commissions de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). En effet, il nous semble que dans certains départements, comme le Nord, qui compte 32 parlementaires à raison de 21 députés et 11 sénateurs, il serait très compliqué de faire fonctionner une commission locale. Surtout, on romprait l’équilibre des élus travaillant au sein de ces commissions. Nous pensons donc que les dispositions en vigueur concernant la composition desdites commissions sont tout à fait satisfaisantes.

M. Arnaud Viala. Sans préjuger de la suite de nos travaux, en particulier de l’examen de l’article de la loi organique concernant la réserve parlementaire, j’ai entendu hier la garde des Sceaux nous dire, ici, que si cette dernière devait être supprimée, un des mécanismes de substitution serait la DETR, et que les parlementaires qui ne bénéficient plus de la réserve devraient être associés aux décisions relatives à la DETR.

Mme la rapporteure. C’est déjà le cas aujourd’hui.

M. Arnaud Viala. Pas du tout, pas ès qualités. Certains d’entre nous siègent dans les commissions DETR parce qu’ils sont des élus locaux, présidents d’intercommunalités, maires, conseillers départementaux. Ensuite, que le pouvoir discrétionnaire de certains préfets permette à des parlementaires de siéger en tant que tels au sein desdites commissions, je n’en sais rien, mais, j’y insiste, leur composition telle que prévue par la loi en vigueur ne comprend pas les députés ni les sénateurs.

La question posée par la garde des Sceaux lors de son audition par la commission était de savoir comment les parlementaires allaient pouvoir être associés à l’attribution des fonds de la DETR, lesquels, je le répète, se substitueraient à la réserve parlementaire ; il y a donc là une incohérence avec votre volonté d’exclure cette possibilité par la suppression de l’article 15, au motif, pour le dire rapidement, que le dispositif pourrait créer une forme de conflit d’intérêts.

Plusieurs députés. Il a raison !

M. David Habib. Dans le droit fil de ce que vient de déclarer notre collègue Viala, je confirme que les parlementaires aujourd’hui membres d’une commission DETR le sont au titre d’une fonction élective locale. Les dispositions relatives à l’interdiction du cumul des mandats entraîneront donc la disparition des parlementaires au sein de ces commissions. J’ai été président de l’association des maires de mon département et, avec le préfet, nous avons conduit les travaux de la commission DETR, laquelle fixe les objectifs de subventions par type de projet – elle n’arrête pas de liste de projets. Car il y a une confusion, y compris de la part de la garde des Sceaux : la commission départementale choisit entre les écoles et les mairies, entre les stades et les églises, mais elle ne détermine pas les projets éligibles au titre de la DETR. J’ajoute pour finir que le choix de ces projets, dans chaque département, relève de la seule autorité du préfet.

M. Philippe Gosselin. Je tiens également à appeler votre attention sur la contradiction entre les propos de la garde des Sceaux, hier, et la volonté de la majorité, aujourd’hui, de supprimer l’article 15. J’entends que l’adoption de cet article risque de provoquer des déséquilibres mais cela montre bien que la solution de la DETR pour éventuellement remplacer la réserve parlementaire n’est absolument pas la bonne. Le Gouvernement se prend ainsi les pieds dans le tapis en nous promettant un gentil strapontin au sein de la commission DETR et, en même temps, en rayant notre présence par la suppression de l’article 15. De surcroît, l’exposé des motifs précise que l’avis de la commission n’est requis que pour les subventions de plus de 150 000 euros, condition qui ne correspondrait pas au fonctionnement de la réserve parlementaire puisque nous attribuons des subventions de quelques milliers d’euros. Et la somme de 150 000 euros dépasse de toute façon celle que peut recevoir un député au titre de la réserve pour l’année complète. La majorité fera donc ce qu’elle veut mais elle est en pleine contradiction.

Mme la rapporteure. La loi dispose que siègent au sein des commissions DETR quatre parlementaires ès qualités. Seulement, l’entrée en vigueur de ce texte, prévue pour 2017, a été repoussée au 1er janvier 2018. Il est donc faux de prétendre que le dispositif législatif ne prévoit pas la présence de parlementaires en tant que tels au sein de ladite commission.

M. Philippe Gosselin. Vous venez de rappeler que la loi entrera en vigueur dans six mois !

Mme la rapporteure. Encore une fois, on ne peut pas revenir sans cesse sur des textes votés…

M. Philippe Gosselin. C’est pourtant ce que vous faites.

Mme la rapporteure. …avant même qu’ils n’entrent en vigueur. C’est bien pourquoi je maintiens mon amendement.

Mme Cécile Untermaier. Que sera le député du non-cumul ? Il n’y aura plus de député-maire, plus de député-conseiller départemental. Or, il nous faut garder un lien avec les autres acteurs du territoire. Quelle vision aurons-nous du terrain si vous supprimez ainsi tous les points d’ancrage grâce auxquels nous pouvons mener un travail constructif à l’Assemblée ?

M. Philippe Gosselin. La majorité est en train de fabriquer des élus hors sol.

Mme Cécile Untermaier. Il ne s’agit pas pour les députés de surveiller les commissions en question, d’en prendre le contrôle, mais seulement d’être associés à la réflexion sur le terrain. C’est que nous devons être en mesure de défendre au niveau national les aspirations des populations. Si, à partir de 2018, des parlementaires participent aux travaux des commissions DETR, c’est fort bien, même si je comprends qu’on ne doive pas déséquilibrer ces commissions, encore que s’il ne s’agit que d’organismes de réflexion, d’organismes consultatifs, alors allons-y. Reste qu’il nous faut changer les règles du jeu car le député de demain ne sera pas le député d’hier.

M. Olivier Dussopt. Si l’application de la loi en question a été reportée de 2017 à 2018, ce n’est pas le résultat d’un vote mais parce que nos assemblées n’ont pas désigné les représentants destinés à siéger au sein des commissions DETR. En effet, les modalités de désignation par l’Assemblée ne sont pas établies.

Par ailleurs, Cécile Untermaier a raison d’insister sur l’importance de la DETR. Nous allons passer du temps, sans doute, à discuter de la réserve parlementaire qui représente 80 millions d’euros par an pour l’Assemblée alors que le montant de la DETR, que nous avons augmenté à deux reprises, est d’un milliard d’euros dont 200 millions consacrés au fonds de soutien à l’investissement local (FSIL), soit 800 millions d’euros nets pour la DETR.

J’en profite pour regretter qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016, on ait supprimé 216 millions d’euros de crédits de paiement sur la DETR, concernant en particulier la dotation de soutien aux investissements locaux et la dotation politique de la ville, ce qui signifie qu’à la fin de l’année, les engagements pris devant les élus en matière de soutien à l’investissement ne seront pas tenus.

M. Thibault Bazin. La proximité est une question de fond. Il s’agit de redonner confiance à la majorité de la population qui souhaite que les élus nationaux ne soient pas déconnectés des réalités locales. Le rôle du député est vraiment d’établir ce lien entre le national – l’action de l’État – et le local. Le député est ainsi fondé à donner son avis, y compris quand l’État engagera des fonds en des matières stratégiques. La revalorisation de la place du député est en tout cas très importante au sein de notre démocratie.

M. Pacôme Rupin. Vous avez raison, mes chers collègues, de vous interroger sur l’avenir du rôle du député, en particulier sur son ancrage local, auquel je suis favorable. Il ne me paraît toutefois pas nécessaire qu’existe une réserve parlementaire ou bien que soit prise une décision budgétaire pour donner une réalité à cet ancrage quand il suffit de s’impliquer dans les dossiers, de défendre ses concitoyens, de recevoir des maires, de parler avec eux. À chacun ses compétences : le rôle du député est de représenter ses concitoyens à l’Assemblée pour faire la loi. Dans ce cadre, le lien local est utile pour recueillir les avis et expliquer le travail législatif.

M. Bruno Questel. La richesse des territoires est constituée de la diversité des communes et les plus petites d’entre elles, qui comptent entre trente et cent habitants, étaient celles qui sollicitaient le plus leur sénateur pour qu’on installe ici une bouche d’incendie, qu’on répare là la porte de l’église… Je n’ai pas votre expérience de député mais, assistant parlementaire pendant vingt ans, je connais moi aussi quelque peu cette réalité.

Je rappellerai que les mentalités évoluent sur la question de la réserve parlementaire. Si nous ne nous en tenons pas aux orientations annoncées, si nous ne répondons pas à l’impérieuse nécessité de modifier notre approche du mandat parlementaire et d’en finir avec un clientélisme réel (Protestations),…

M. Arnaud Viala. Ça suffit !

Un député. C’est ridicule et insultant !

M. Bruno Questel. …nous aurons des difficultés. Il est intéressant de constater, au passage, que vous n’acceptez pas qu’on vous dise certaines choses et cela peut du reste expliquer les résultats de juin dernier !

M. Ugo Bernalicis. Je suis un peu embêté par cette discussion car nous sommes pour la proportionnelle intégrale ! Et, favorables au renforcement des pouvoirs de la commune, nous ne souhaitons pas qu’on ajoute un échelon local supplémentaire. Les commissions dont il est ici question existent, des fonds sont votés par la représentation nationale ; il ne me semble donc pas infondé que les parlementaires participent aux travaux de ces commissions.

Madame la rapporteure, vous avez pris l’exemple du Nord qui, alors que l’Ariège compte deux députés – membres du groupe La France insoumise –, en élit pour sa part 21, ce qui est sans doute plus compliqué pour la commission DETR. La proposition du Sénat, aux termes de laquelle tous les parlementaires doivent siéger, n’est-elle pas, en fin de compte, la plus raisonnable, la plus pragmatique ?

Mme la rapporteure. J’ai un autre exemple : le Loiret dont la commission DETR compte 23 élus. Aussi, si les 9 parlementaires du département participaient à ses travaux, les effectifs de la commission augmenteraient de 40 %. Or, il faut veiller à respecter un certain équilibre au sein de la commission, afin que les avis qu’elle émet soient représentatifs de la pensée et de l’expérience de chaque élu. Le dispositif qui va entrer en vigueur en 2018 et qui prévoit la présence de députés et de sénateurs au sein de ces commissions me semble efficient et il ne m’apparaît pas souhaitable de le modifier.

M. Pierre-Henri Dumont. J’ai le sentiment que deux conceptions du rôle du député s’opposent. La première exprime la vision d’un député de terrain, sachant que si le clientélisme était si répandu, les partis traditionnels auraient gardé leur majorité et les candidats En marche n’auraient pas été élus si nombreux. La seconde évoque un député « hors-sol », qui serait plus souvent à Paris que dans sa circonscription, élu pour voter la loi, absent du terrain et ne se préoccupant pas de ce qui s’y passe. Mais la question qui nous occupe n’est pas celle-là ! Dans ma circonscription, des villages de 200 habitants ont besoin de la réserve parlementaire ou de la DETR pour construire une aire de jeu car le maire n’a pas les fonds permettant de la financer. Il faut donc un coup de pouce et je ne considère pas qu’il s’agisse de clientélisme. Pour en revenir aux amendements proposés, comment les parlementaires seront-ils désignés ? S’ils le sont par les présidents des deux Chambres, il s’en suivra une uniformisation des représentants dans les départements et la voix des oppositions ne sera pas entendue. Mieux vaut adopter le mécanisme proposé par les sénateurs, auquel je suis très favorable.

M. Rémy Rebeyrotte. La question qui nous agite demande un débat de fond sur ce qu’est aujourd’hui un parlementaire : l’affrontement entre la conception du parlementaire façon IVème République et la conception du député de la Vème République, assistant social et animateur de sa circonscription censé régler les problèmes administratifs, n’a jamais cessé. En l’espèce, ne conviendrait-il pas de supprimer du texte tout ce qui a trait à la réserve parlementaire ?

Mme Véronique Louwagie. Je partage cette opinion. Traiter de la réserve parlementaire dans un texte qui vise à réguler la vie publique, c’est jeter l’opprobre sur les membres du Parlement. Hier, au cours de la réunion de la commission des finances, qui était saisie pour avis de l’article 9 du projet de loi organique, le lien entre les parlementaires et les territoires a été évoqué par l’ensemble des familles politiques, et il a été dit qu’en contrepartie de la modification à venir de la réserve parlementaire, les parlementaires pourraient siéger à la commission d’attribution de la DETR. Les députés connaissent très bien les territoires et ce qui distingue les différentes communes de leur circonscription ; ils ont une vision globale utile pour orienter les travaux de ces commissions. Aussi, je ne comprends pas les réticences de la rapporteure à l’idée que nous siégions dans ces commissions d’attribution que, grâce à notre ancrage local, nous pouvons éclairer.

M. Guillaume Vuilletet. Deux sujets se superposent de manière malheureuse. Des fonds sont nécessaires pour financer des projets communaux qui, sans cela, n’existeraient pas. La question mérite que l’on s’y arrête, mais c’est tout autre chose de dire que l’on est un député de terrain simplement parce que l’on a une cassette dont on est libre de distribuer le contenu à telle collectivité ou à telle autre, sans considération de sa capacité à porter des projets. Il est arrivé à ceux d’entre nous qui ont été élus locaux ou membres d’associations locales de demander à bénéficier de ces fonds et s’ils y sont parvenus c’est que leurs arguments ont touché le député ou le sénateur concerné et non parce que le parlementaire en question avait une vision immanente de la manière dont les fonds dont il disposait devaient être distribués. Il faut des fonds et il faut que le député soit sur le terrain, mais que le député ait une cassette à distribuer est autre chose.

Mme Danièle Obono. Plusieurs sujets se télescopent, effectivement, car si des problèmes de financement se posent aux collectivités territoriales, c’est parce que l’État ne compense pas à due concurrence l’augmentation des charges, et cela concerne les députés au premier chef : une telle situation est de la responsabilité des parlementaires, comptables de choix budgétaires tels que les communes sont contraintes de quémander des fonds qui ne devraient pas leur être alloués en fonction de l’entregent de telle association ou de tel élu local mais en fonction de leurs besoins. Tout cela résulte bien d’une politique nationale : la non–compensation des charges transférées aux collectivités par les lois de décentralisation.

Mme Émilie Chalas. L’engagement a été pris pendant la campagne électorale de supprimer la réserve parlementaire. Le sujet vient donc à propos, mais on pourrait imaginer d’introduire le principe d’une représentation en pourcentage des parlementaires dans les commissions d’attribution de la DETR.

Je veux aussi contester l’idée que la connaissance du terrain serait l’apanage des députés élus de longue date : répondant à la volonté de renouveau des électeurs, grâce à leur expérience professionnelle, à leur parcours, les députés de la République en marche connaissent eux aussi très bien le terrain ! Enfin, le lien avec le territoire ne se limite pas à un lien financier.

M. Aurélien Pradié. C’est en ces lieux que l’enveloppe affectée à la DETR est décidée. Il y a donc un sens à ce que les députés qui l’ont votée siègent ensuite dans les commissions d’attribution pour vérifier la bonne application de la loi. J’espère, chers collègues, que lorsque nous débattrons du prochain projet de loi de finances, vous rechignerez à voter les fonds alloués à la DETR, de l’argent qui deviendra potentiellement sale lorsqu’il arrivera dans les territoires ! Je peux comprendre que des propos passionnés s’expriment, mais j’invite ceux qui n’ont jamais siégé dans une commission d’attribution de la DETR à ne pas porter de jugement hâtif. Pourquoi un député ayant un ancrage local devrait-il intrinsèquement être soupçonné de clientélisme ? En allouant 200 000 euros à la construction d’une crèche, on fait sans doute plaisir au maire mais, surtout, on contribue à l’aménagement du territoire. Dans les commissions DETR, on fixe les grands principes de l’aménagement de notre pays

M. Stéphane Mazars, président. Je vous incite à recentrer le débat – nous traiterons ultérieurement de la réserve – et vous invite à la concision.

Mme Maina Sage. J’entends parler depuis ce matin de deux conceptions du député qui s’opposeraient ; or, elles se complètent car le travail de terrain, donc le fait de siéger dans diverses commissions, enrichissent notre travail à l’Assemblée nationale et le rendent plus efficace – je l’ai constaté en Polynésie. Si nous sommes complètement détachés du quotidien, nous passerons à côté de ce que nous pensons être des détails et qui ne le sont pas. D’autre part, ce que j’ai entendu à propos de la réserve parlementaire m’a fortement déplu. Ce n’est pas parce que quelques exemples de mauvaise utilisation ont été fortement médiatisés qu’il faut généraliser. Pour ce qui me concerne, je soumets l’attribution de ma réserve à deux jurys distincts. Dans l’un siège, outre les politiques, le Haut-Commissaire ; l’autre est un jury publique, qui se prononce en ligne par un vote citoyen. Je proposerai, en séance publique, une évolution de ce type. Plus fondamentalement, ne soyez pas jusqu’au-boutistes : ce n’est pas parce que vous avez pris un engagement en campagne que vous devez vous fermer complètement aux propositions des autres. Si vous avez décidé la suppression de toute possibilité d’amendement, donc de toute possibilité d’opposition, supprimez donc l’Assemblée, ce sera plus simple !

M. Régis Juanico. Dans une Assemblée de députés qui ne cumuleront plus les fonctions électives, la question est plus large que de savoir ce que doit devenir la DETR : pour chaque texte sur lequel nous serons appelés à nous prononcer, nous devrons nous poser la question de savoir quel sera le rôle du député, alors même qu’il a été élu au suffrage universel direct, ce qui lui donne une légitimité démocratique plus forte que celle d’autres élus locaux, élus sur des listes. Tout levier d’action au niveau local ne peut être balayé, car nous devons avoir notre mot à dire dans le contrôle de l’application des dispositions que nous votons en notre qualité de parlementaires. La DETR a été créée parce que les maires nous ont dit que la réduction des dotations de l’État était insupportable et devait être compensée, et son enveloppe a été revalorisée ces dernières années.

En ma qualité de rapporteur spécial des crédits Sport, jeunesse et vie associative, j’ai obtenu il y a deux ans par un amendement à la loi de finances de rendre éligibles à la DETR les projets de construction d’équipements sportifs, ce qui ne se pouvait auparavant. En tant que parlementaire et ancien rapporteur spécial de ces crédits, je veux pouvoir contrôler quelles suites ont été données à cette disposition nouvelle. Il est important que nous ne nous ligotions pas les mains et que nous ayons encore notre mot à dire sur les orientations, sans quoi plus personne ne tiendra compte de notre avis sur le terrain.

M. Éric Poulliat. Bien sûr, les députés du XXIème siècle ne vivent pas hors sol et je suis favorable à ce qu’ils participent aux travaux de certaines commissions, mais cela ne doit pas être uniquement dans une logique de distribution de fonds. À entendre certains, on pourrait croire que si l’on n’a pas quinze ans d’expérience, on n’a pas son mot à dire ; ce n’est pas ce qu’ont pensé les électeurs. Il y a une forme de conservatisme à considérer que les collectivités locales seraient condamnées à attendre des dotations d’un élu national, alors que d’autres solutions existent : on peut aider les communes à avancer vers une forme d’aménagement du territoire, notamment par des fusions. (Vives exclamations.)

Mme la rapporteure. Le débat sur l’article 15 relatif à la composition de la DETR a dérivé sur la réserve parlementaire, qui figure dans l’article 9 de la loi organique et dont nous aurons donc l’occasion de débattre plus avant dans la nuit. Je confirme que la loi prévoit que des députés et des sénateurs siégeront dans les commissions d’attribution de la DETR. Nous devrons réfléchir au statut de l’élu, d’autant que la réforme constitutionnelle à venir va rebattre les cartes pour ce qui concerne les liens entre les élus et les territoires, mais je ne pense pas que l’article 15 de ce texte soit le véhicule adapté à ce débat. La réserve parlementaire n’étant pas supprimée puisque la disposition n’a pas été votée, il me paraît baroque sinon ubuesque de prétendre réaffecter des crédits qui n’ont pas encore été supprimés. Je vous invite donc, en ma qualité de rapporteure, à adopter les amendements de suppression de l’article.

La Commission adopte les amendements identiques CL176 et CL185.

En conséquence, l’article 15 est supprimé.

Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement CL57 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Par cet amendement, nous proposons d’abaisser le droit de vote à 16 ans. À cet âge, on a le droit d’être émancipé, de travailler – et cela dès 14 ans pour les apprentis –, de voter aux élections professionnelles et d’exercer l’autorité parentale, mais pas celui de participer aux élections qui conditionnent l’avenir du pays. Cette proposition, qui est dans le droit fil de notre programme de campagne, élargirait et rajeunirait le corps électoral.

Mme la rapporteure. Le sujet est sans rapport avec le texte. Nous en débattrons lors de l’examen de la réforme constitutionnelle. Dans l’intervalle, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL53 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. Si l’on veut réguler la vie publique, il convient de mettre fin aux conflits d’intérêts entre le secteur public et le secteur privé. Les interdictions de cumul qui touchent les élus doivent, par cohérence, être étendues aux membres des conseils d’administration des sociétés commerciales. C’est le sens de l’amendement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable à une disposition touchant au droit commercial, sans relation avec le texte.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL98 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Par souci de moraliser la vie publique, l’obligation de probité faite aux parlementaires, aux hauts fonctionnaires et aux membres du Gouvernement devrait aussi s’appliquer aux mandataires sociaux des entreprises publiques ou de celles dont l’État détient plus de 10 % du capital. Chacun admettra que l’éventuelle nomination de personnes qui auraient des démêlés avec la justice, en particulier pour des raisons financières, serait gênante. Tel est le sens de l’amendement.

Mme la rapporteure. Je suis navrée : on ne peut interdire à quelqu’un d’exercer des fonctions de ce type simplement parce qu’il est mis en examen. C’est ce qui me conduit à exprimer un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL54 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. La majorité entend circonscrire notre débat à la question de la vie politique, mais on peut tout à fait avoir de cette dernière une vision large, qui englobe notamment la représentativité des organisations d’employeurs qui siègent dans des commissions paritaires et doivent être soumises aux mêmes règles de transparence que les organisations de salariés. Pourquoi les premières bénéficieraient-elles de conditions plus avantageuses, comme celles que leur a octroyées la loi El Khomri ?

Nous proposons donc qu’elles prouvent qu’elles sont représentatives en organisant des élections, qui seraient le gage de plus pluralité, de diversité et de transparence.

Mme Lætitia Avia. On peut débattre du champ de ce texte, mais cet amendement est manifestement hors sujet, comme ceux qui suivent.

Mme la rapporteure. Outre la question du champ de la loi se pose celle du champ des compétences de notre Commission : je vous invite à déposer plutôt de tels amendements devant la commission des Affaires sociales. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL55 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. Nous traitions d’une loi de moralisation. La morale, c’est bien, mais c’est une notion individuelle. Il y a une autre logique, à laquelle nous souscrivons, c’est celle de la vertu. Mais, pour y parvenir, l’ensemble de la société doit être vertueuse. Il faut lutter tant contre les corrupteurs que contre les corrompus. Nos amendements s’inscrivent donc pleinement dans la logique de ce texte.

Comment une société serait-elle vertueuse quand des chefs d’entreprise gagnent cent fois le SMIC en une journée ? Aussi demandons-nous, dans le sillage de la Confédération européenne des syndicats, qu’un écart d’un à ingt soit respecté entre les plus hauts et les plus bas salaires. Voilà qui serait vertueux, qui irait à l’encontre de la recherche effrénée de profits et permettrait de lutter contre la corruption.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL56 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. Nous revenons à la question du verrou de Bercy. L’amendement vise à supprimer la commission des infractions fiscales en retirant au ministre des Finances le pouvoir discrétionnaire de poursuite de ces infractions. Nous voulons également étendre la durée de prescription de 12 à 25 ans.

Mme la rapporteure. Nous avons déjà débattu de cette question du verrou de Bercy. Quant à la prescription, c’est une loi du 16 février de cette année qui l’a fixée à douze ans. La modifier déjà serait préjudiciable à la sécurité et à la stabilité juridiques.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL75 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement a trait à la composition de notre assemblée. Des progrès ont été accomplis dans le sens de la parité entre les hommes et les femmes ? Eh bien, nous voulons aussi la parité sociale. L’homogénéité sociologique de notre assemblée constitue en effet un problème, du point de vue de la représentativité.

Comment voulons-nous procéder ? Prenons l’exemple des employés. S’ils constituent 22 % de la population active, nous proposons d’imposer qu’au moins 11 % des candidatures soient issues de leurs rangs, soit la moitié de leur part dans la population active. Aujourd’hui, des catégories socio-professionnelles restent en effet trop peu représentées à l’Assemblée nationale. Or, nous connaissons le rôle que jouent les déterminants sociologiques dans les prises de décision collective.

Mme la rapporteure. Vous n’êtes pas sans savoir qu’une réforme constitutionnelle fut nécessaire pour favoriser la parité entre les hommes et les femmes. Votre proposition, prenant la forme d’un amendement à une loi ordinaire, est donc inconstitutionnelle. Le sujet n’en demeure pas moins digne d’être abordé dans le cadre de la révision constitutionnelle à venir.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL77 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Au cas où ils l’ignoreraient, je rappelle à nos collègues de la majorité qu’ils ne sont pas obligés de suivre l’avis de la rapporteure…

Nous proposons cette fois d’interdire de mandat les personnes qui ont joué un rôle de dirigeant ou de représentant dans des sociétés anonymes passant par les paradis fiscaux. Nous savons ce qu’ont révélé les LuxLeaks ou les Panama Papers.

Selon l’ONG Oxfam et son rapport de mars 2017 intitulé « Banques en exil : comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux », les vingt plus grandes banques européennes réaliosent un quart de leurs bénéfices dans des pays où l’imposition est faible, voire inexistante, parfois sans aucun employé sur place. Ce rapport démontre qu’elles déclarent un euro sur quatre de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, soit un total de 25 milliards d’euros pour l’année 2015.

Tous les gens qui sont passés par ce genre de trafic, qui volent l’argent de la Nation, ne méritent pas d’être à des postes de responsabilité. J’espère que notre amendement peut contribuer à étendre votre imaginaire sur ce que doit être la vertu dans l’action publique, qui va bien au-delà de la gestion quotidienne de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La situation des dirigeants de sociétés privées est sans lien avec le texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL59 de M. Ugo Bernalicis.

M. Bastien Lachaud. Comment parler de vertu sans parler de la presse ? On a vu que, dans certaines affaires, Mediapart a pu se substituer à l’administration fiscale.

Il est donc important de protéger l’autonomie et l’indépendance de la presse des pressions gouvernementales et financières. A cette fin, nous proposons que les présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France soient élus par l’Assemblée nationale et par le Sénat, plutôt que désignés par le Président de la République.

Mme la rapporteure. Je saisis mal pourquoi le choix de ces dirigeants serait détaché de la vie politique s’ils étaient désignés par les assemblées parlementaires plutôt que par le président de la République.

M. Bastien Lachaud. Je suis étonné – et même inquiet – que vous ne fassiez pas la différence entre le fait du prince et un débat public sur une décision de ce type.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, d’autant que nous sommes très éloignés du sujet du projet de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL60 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. N’en déplaise à notre rapporteure, nous persistons à penser que ce projet ne saurait traiter seulement des parlementaires. Il est par exemple indispensable de s’intéresser également aux médias car le discrédit qui frappe la vie publique passe aussi par ces derniers.

Le non-respect des obligations de transparence des publications de presse quant à leur actionnariat n’est pas sanctionné en pratique. Certaines publications sont détenues par une holding, sur l’actionnariat de laquelle aucune information n’est fournie, ce qui anéantit les dispositions de la loi de 1986. Prenons l’exemple de L’Opinion, détenu par une holding secrète dont il a fallu que Mediapart révèle l’existence.

L’amendement a pour objet, d’une part, de faire de chaque lecteur le dépositaire d’un droit de connaître qui détient effectivement une publication, d’autre part de durcir les sanctions pénales en cas de non-respect, enfin de préciser la notion de détention de titre de presse pour ceux appartenant à un groupe.

Son adoption devrait concourir à davantage de transparence, donc de confiance des citoyens dans l’action publique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL61 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Dans la continuité des précédents, cet amendement vise à s’opposer à la concentration dans le secteur de la presse, alors que 90 % des organes de presse sont détenus par neuf milliardaires, ce qui n’est guère favorable à la confiance dans le pluralisme et dans la liberté des choix éditoriaux, donc dans la vitalité du débat démocratique.

L’amendement tend à diviser par deux le plafond de chalandise des radios, tant en termes de zone desservie que d’audiences potentielles cumulées terrestres, à abaisser de sept à deux le nombre d’autorisations d’émettre des chaînes de télévision détenues par une même personne, hors chaînes publiques, à abaisser de moitié les seuils pour mettre en œuvre la règle anti-concentration horizontale, dit « deux sur trois », en créant un nouveau cas d’exclusion pour les détenteurs de publications non quotidiennes d’information politique et générale.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL81 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. C’est un peu l’amendement Vis ma vie ! On déplore souvent la déconnexion des parlementaire avec le terrain. Cet amendement vise à les obliger, ainsi que les membres du Gouvernement, à faire régulièrement des stages d’observation, en immersion, par exemple dans un hôpital public ou dans un commissariat de police.

J’ai, pour ma part, passé une semaine à l’hôtel de police de Lille, certes dans un autre cadre – ce n’était pas lors d’une garde à vue ! En tout cas, l’expérience s’est révélée instructive.

Bien sûr, quand nous parlons de visites sur le terrain, par exemple celle de la ministre de la Santé dans un hôpital, nous pensons plus à une observation auprès du personnel soignant qu’auprès de la direction : il s’agit bien de prendre le pouls du terrain.

Mme la rapporteure. À la faveur des dernières élections, le mouvement En Marche ! s’est attaché à investir comme candidats des personnes issues de la société civile et ayant des expériences variées. Nous n’avons donc pas besoin d’un dispositif de ce genre, même s’il est toujours utile de faire des stages. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Intitulé du projet de loi

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL178 de la rapporteure, CL27 de Mme Danièle Obono, CL95 de M. Xavier Breton et CL99 de Mme Isabelle Florennes.

Mme la rapporteure. Ces amendements nous donnent l’occasion de discuter du titre du projet de loi. La question a déjà suivi un chemin sinueux. Le Sénat en a fait un projet de loi relatif à la « régulation » de la vie publique. Pour ma part, je pense que le mot « régulation » est inapproprié. Je propose de revenir à celui de « confiance » en intitulant le texte « loi pour la confiance dans la vie publique », sans préciser s’il s’agit de la rétablir, de renouer avec elle ou de la favoriser.

M. Bastien Lachaud. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous préférons quant à nous parler de « loi de vertu républicaine », exigence qui s’impose à tous, quelle que soit la morale personnelle dont l’individu se réclame.

Car des personnes peuvent avoir des morales différentes, au sens où leur fondement philosophique ou religieux est différent. La société politique n’a pas à se mêler de ce niveau où la conscience individuelle choisit la morale qu’elle entend suivre. Car c’est le niveau où se construit la liberté de conscience qui définit l’individu lui-même. De la même manière que l’État n’a pas à s’en occuper, ceux qui mettent en œuvre une morale personnelle n’ont pas à chercher à l’imposer aux autres.

À partir de là, on doit dire de la vertu qu’elle est surtout un principe d’action gouvernant la vie en société, un principe conforme à l’intérêt général qui est bon pour tous, quand il est mis en œuvre et auquel l’on s’astreint soi-même à titre personnel. La vertu est donc la passerelle entre ce qui est bon pour tous et ce qui est bon pour soi. C’est pourquoi nous proposons de mettre en avant cette notion dans le titre de la loi, en conformité avec l’ensemble des amendements que nous avons défendus.

M. Philippe Gosselin. Aux termes « pour la régulation de la vie publique », nous préférons quant à nous « favorisant la confiance dans l’action publique ». Le rétablissement de la confiance laisserait en effet entendre qu’un seul texte y suffira. Nous sommes plus prudents. Quant à la notion de régulation, elle paraît par trop économique, nous en sommes tous d’accord. Nous vous proposons donc de favoriser la confiance dans l’action publique, même si l’on pourrait se contenter d’évoquer l’action politique, puisque nous avons écarté les amendements concernant la fonction publique.

Mme Isabelle Florennes. Dans la continuité des lois du 11 octobre 2013, nous proposons pour notre part de parler de « loi de transparence de la vie politique », ce qui exprimerait plus clairement l’objectif du projet et évite de l’étendre à toute la vie publique.

M. Ugo Bernalicis. À mon sens, « confiance » est un mot fourre-tout qui sonne un peu creux, on le voit quand on cherche à faire revenir la confiance sur les marchés afin de faire baisser les taux d’intérêt. C’est purement incantatoire. Parler de « vertu » serait préférable car c’est une notion qui nous vient de l’histoire de la Révolution française et qui a longtemps obnubilé les débats.

Permettez-moi de vous citer un passage d’un livre de Jules Barni, député de Lille sous la Troisième République, qui siégeait avec Gambetta et Victor Hugo : « On voit combien il est juste de dire avec Montesquieu que la vertu est le principe du gouvernement républicain. Et elle est à la République ce que le vice est au despotisme ». C’est bien le vice et les corrompus que nous essayons de combattre ; c’est bien la vertu qui doit donc être au cœur de notre action politique.

M. Pacôme Rupin. Le concept de vertu est intéressant mais ne jetons pas le mot confiance. Car nous nous sommes précisément enfoncés dans une forme de défiance. Nos concitoyens nous l’ont dit : ils ne font plus confiance à leurs élus. C’est donc la confiance qu’il faut rétablir. La vertu, c’est un sujet plus large…

Quant à nous, nous restons concentrés sur l’objectif de la confiance, en cohérence avec nous-mêmes. Au demeurant, la confiance n’est pas seulement importante au niveau politique, mais aussi au niveau économique. Quand les salariés, les entrepreneurs, les investisseurs ont confiance dans l’avenir, ils prennent plus de risques et un cycle de croissance, un cercle vertueux, s’amorcent.

M. Rémy Rebeyrotte. Nous entendons les élus de la France insoumise dire que nous n’allons pas assez loin. J’en venais presque à craindre qu’ils proposent d’appeler ce texte « loi de petite vertu »… Pour ma part, j’attache une grande importance au choix du mot « politique » : outre qu’il permet de clore le débat sur la fonction publique, réhabiliter la politique, avec toute sa noblesse, me paraît opportun.

M. Xavier Breton. Il n’y a pas lieu de passer trop de temps sur le titre, même si cela est symbolique. Il faut aussi se méfier des titres prétentieux, qui donnent l’impression que l’on refait le monde.

Le verbe « rétablir » peut porter à polémique ; nous pouvons nous retrouver sur le terme de confiance ; nous entendons aussi l’intérêt de reprendre le mot « vertu », qui tient une grande place dans l’histoire des idées politiques.

Mme Lætitia Avia. Ce texte sera le premier texte de fond que nous aurons examiné ; il est fondateur et parle de nous et de notre mandat. Il me semble qu’il est important de conserver cette idée de confiance puisque c’est ce que nous voulons porter et demander à nos concitoyens pour les cinq prochaines années.

Mme Danièle Obono. Comme la garde des Sceaux, Mme Avia a insisté sur l’importance et la force du symbole. De notre point de vue, il y a une incohérence entre cette présentation très emphatique et le résultat : un texte qui ne porte que sur la vie parlementaire, en dépit de quelques timides incursions sur le Gouvernement et le Président de la République.

Si nous voulions être clairs et précis, il faudrait bien parler de vertu : cela serait cohérent avec la vision d’ensemble que nous avons proposée de ce qu’il faudrait faire et vers quoi s’engage cette Assemblée renouvelée ; cette Assemblée qui porte une histoire. Une ambition plus grande, voilà ce que nous continuerons de défendre dans l’hémicycle, en tentant de la traduire par d’autres mots que celui de « confiance », qui est surtout incantatoire.

Pensons aussi à nos concitoyennes et concitoyens : qu’entendront-ils d’autre que des mots fourre-tout dans lesquels chacun met un peu ce qu’il veut ? Ne risque-t-on pas d’alimenter encore la désaffection démocratique en employant le mot « confiance » alors que, précisément, les gens n’ont pas confiance ? Ce dialogue de sourds ne permettra certainement pas de montrer symboliquement que les choses vont changer.

Nous pourrions aussi débattre du mot « politique » : la politique, c’est l’organisation de la vie dans la cité, ce qui inclut nombre d’actrices et d’acteurs, bien au-delà des seuls parlementaires. On voit, là aussi, l’écart qu’il y a entre l’ambition affichée et la réalité de ce qu’adopte la majorité.

M. Philippe Latombe. Nous étions partisans d’utiliser le mot « transparence » plutôt que « confiance », sur lequel nous pourrions toutefois nous retrouver. Le mot « publique » nous pose davantage problème. Nos débats ont largement porté sur la définition de ce qui entrait ou non dans le champ de la loi : à chaque fois, en rejetant des amendements, le choix a été fait de restreindre le champ du texte à la vie politique plutôt qu’à l’action publique.

Il ne faudrait pas que nos concitoyens en conçoivent une déception car, au-delà de la sémantique, ce qui importe, c’est l’affichage de la loi et de son périmètre.

Nous pourrions soutenir votre amendement, Madame la rapporteure, si nous avions confiance dans la vie politique, mais c’est précisément ce dernier mot qui nous gêne car notre conception des choses est bien plus large que celle du texte.

M. Arnaud Viala. Je pense effectivement qu’il faut appeler les choses par leur nom et que nous nous trouvons à l’instant de vérité puisque nous sommes en train de définir le message de synthèse qui sera adressé à nos concitoyens. Leur faire croire que cette loi les fera renouer avec la confiance dans l’action publique relève du mensonge : si nous voulons être honnêtes avec eux, il faut leur dire que ce texte a pour seul objet la restriction du travail parlementaire !

M. Dominique Potier. Albert Camus disait que « Mal nommer les choses c’est ajouter aux malheurs du monde », il faut éviter l’enflure, et rester précis. La proposition de notre collègue Latombe me paraît parfaitement adaptée : elle dit le périmètre de la loi, et ne ment pas sur ce qu’elle contient.

Je voudrais dire à notre collègue qui parle d’une loi fondatrice historique qu’il conviendrait de prendre un peu de recul. Je voudrais rappeler que nous avons certainement mal fait beaucoup de choses dans le précédent quinquennat, mais la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », la lutte contre les paradis fiscaux, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sont des progrès manifestes qui nous ont élevés au niveau des standards européens, parfois en position de pionniers.

À chaque fois, nous avons alors vu la puissance des lobbies privés s’opposer à nous, alors que ces textes imposaient une réelle transparence, qui permet aujourd’hui tous les rappels qu’ont faits nos collègues du groupe La France insoumise. Ce sont là des acquis du dernier quinquennat.

Il faut donc relativiser ; il y a eu quelques scandales inacceptables à droite comme à gauche, il fallait apporter des corrections ; mais la fondation d’une vie publique plus solide doit avant tout servir à renforcer une puissance publique vis-à-vis d’une puissance privée qui fait l’objet d’un contrôle très faible de la part du politique. C’est notre véritable défi, et l’épreuve de vérité pour vous, le groupe La République en marche, sera celle du contrôle de la puissance privée par la puissance publique, et non pas les petits ajustements moraux auxquels nous nous livrons à l’instant. Bref, nous devons retrouver le sens des réalités.

Mme Paula Forteza. Je rejoins mes collègues sur l’importance qu’il y a à revenir au terme de « confiance », par ailleurs, il me semble que le compromis proposé par la rapporteure est très intéressant, car, le titre proposé par le Gouvernement comporte le mot « rétablissement », qui semble bien ambitieux, et ne rend pas compte de ce qui est en train d’être adopté. En disant que nous agissons « pour », nous nous inscrivons ainsi dans un mouvement, que nous compléterons avec la réforme constitutionnelle qui approche.

La Commission adopte l’amendement CL178.

En conséquence, les amendements CL27 de Mme Danièle Obomo, CL95 de M. Xavier Breton et CL99 de M. Erwan Balanant tombent.

La Commission adopte ensuite l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 

 


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   examen des articles du projet de loi organique

titre ier
dispositions relatives au président de la république

Article 1er
(art. 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ; art. 3 de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France)
Déclaration du patrimoine du Président de la République

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er du projet de loi organique prévoit que la déclaration de situation patrimoniale produite par le Président de la République à la fin de son mandat est assortie d’un avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cet avis porte sur la variation du patrimoine de l’intéressé entre le début et la fin de l’exercice de ses fonctions. Pour assurer la conformité de ce dispositif à la Constitution, la date de dépôt de la déclaration est anticipée.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a transféré la charge de publier la déclaration de situation patrimoniale du Président sortant du Conseil constitutionnel à la HATVP. Toutefois, les dispositions prévoyant un contrôle par cette dernière des informations déclarées avaient été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elles risquaient d’altérer le processus électoral dans les derniers jours de la campagne.

Modifications apportées au Sénat

Le Sénat a précisé en commission des Lois que les données relevant de la vie privée du Président de la République devraient être « expurgées » avant publication. Il a aussi souhaité que les candidats à l’élection à la présidence de la République produisent, comme les parlementaires, une déclaration d’intérêts.

Surtout, le Sénat a étendu le périmètre de l’avis de la HATVP sur la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République sortant en adjoignant à l’appréciation de la variation du patrimoine un contrôle de l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a restauré le périmètre initial de l’appréciation de la HATVP, laquelle est produite dans le mois suivant la déclaration. Elle a également ajouté l’exigence d’un casier judiciaire vierge de certaines mentions aux conditions de candidature à la présidence de la République.

I.   L’état du droit

A.   Le régime issu de la loi du 11 mars 1988

Le régime des déclarations patrimoniales relatives à l’élection présidentielle a été créé par l’article 1er de la loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. Il figure au I de l’article 3 de la loi référendaire n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Si les règles applicables aux parlementaires, également conçues par les « lois de transparence » de 1988, ont évolué au cours des trente dernières années ([158]), le cadre législatif relatif à l’élection présidentielle est, au contraire, demeuré relativement stable jusqu’en 2013. Il se compose de deux éléments :

–  d’une part, tous les candidats sont astreints au dépôt d’une déclaration de situation patrimoniale auprès du Conseil constitutionnel, à peine de nullité de la candidature ([159]) ;

–  d’autre part, tous les candidats prennent l’engagement, en cas d’élection, de déposer deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l’expiration du mandat ou, en cas de démission, dans un délai d’un mois après celle-ci, une nouvelle déclaration de situation patrimoniale, publiée au Journal officiel de la République française dans les huit jours de son dépôt ([160]).

B.   Les évolutions issues de la loi du 11 octobre 2013

La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a apporté à ce dispositif des modifications qui témoignent à la fois d’un changement de philosophie et d’une impossibilité, pour le législateur organique, à exiger une transparence maximale au risque de remettre en cause la liberté de l’électeur.

Le régime initial prévoyait la publication par le Conseil constitutionnel, en même temps que la proclamation des résultats de l’élection, de la seule déclaration de situation patrimoniale du nouvel élu. Les déclarations produites par les candidats non élus leur étaient retournées. Il s’agissait, alors, de disposer d’éléments d’appréciation sur le comportement du Président de la République au cours de son mandat, les deux déclarations successives (à l’entrée et à la sortie) permettant d’apprécier les évolutions de son patrimoine.

À partir de l’élection présidentielle de 2017, ce sont les déclarations remises par tous les candidats, préalablement transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui sont publiées « au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin ». La procédure ne vise désormais plus seulement à apprécier le comportement du Président de la République en fonction mais également à informer l’électeur sur le patrimoine des candidats de façon à éclairer son vote.

En outre, la déclaration de situation patrimoniale établie par le Président de la République à l’issue de son mandat est également transmise à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

C.   Un cadre constitutionnel strict défini par le Conseil constitutionnel

La publication des déclarations de situation patrimoniale par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et non par le Conseil constitutionnel qui se borne à les collecter, permet-elle de conclure que la HATVP exerce un contrôle sur celles-ci ? L’article L.O. 135‑1 du code électoral exige une déclaration « exhaustive, exacte, sincère et certifiée sur l’honneur ». La Haute Autorité jouit de larges prérogatives de contrôle, notamment prévues à l’article L.O. 135‑3 du même code pour l’examen de la situation des parlementaires, mais la loi du 6 novembre 1962 n’en fait aucunement mention. Il ne s’agit cependant pas d’un oubli commis par le législateur organique, mais de la conséquence d’une décision du Conseil constitutionnel.

Dans sa rédaction adoptée par le Parlement, l’article 9 de la loi organique de 2013 prévoyait bien que la Haute Autorité porterait une appréciation sur les déclarations de situation patrimoniale :

–  pour celle des candidats, elle pouvait assortir la publication de « toute appréciation qu’elle estime utile quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de la déclaration, après avoir mis à même l’intéressé de présenter ses observations » ;

–  pour celle du Président de la République sortant, il était prévu qu’elle « constate que cette déclaration n’est pas exhaustive, exacte ou sincère ou [que], si elle constate une évolution de situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, elle rend public ce constat, après avoir mis à même l’intéressé de présenter ses observations ».

Le Conseil constitutionnel a censuré ces deux dispositions. Dans sa décision n° 2013‑675 du 9 octobre 2013, il a considéré la publication des déclarations de situation conforme à la Constitution ([161]) sous réserve du respect de l’égalité du suffrage – c’est-à-dire de la liberté de choix de l’électeur. Or ce principe lui est apparu méconnu dès lors que « le législateur a conféré à [la Haute Autorité] le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage » ([162]). Dans le commentaire de cette décision publié aux Cahiers du Conseil constitutionnel il est indiqué que « la publication de ces déclarations de situation patrimoniale intervient très peu de temps avant l’élection : au moins quinze jours avant le premier tour de scrutin pour les premières ; dans les huit jours de son dépôt qui intervient deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l’expiration du mandat ou, en cas de démission, dans un délai d’un mois après celle-ci pour la seconde » ([163]).

La Constitution s’oppose donc à un contrôle des déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle dès lors qu’il en résulterait, pour la Haute Autorité, un pouvoir d’influence sur les intentions de vote peu avant les opérations électorales. La même analyse est appliquée à la déclaration du Président de la République en fin de mandat.

D.   Un cadre juridique contourné

Les interrogations sur la probité de certains candidats à l’occasion de l’élection présidentielle du printemps 2017 relativisent la portée de la décision précitée du 9 octobre 2013

En premier lieu, la décision du Conseil constitutionnel de proscrire l’analyse des patrimoines des candidats par la Haute Autorité a été indirectement mise en échec par les compétences dont dispose celle-ci au titre de son contrôle sur les parlementaires et les membres du Gouvernement. Ainsi, si la déclaration de situation patrimoniale de M. Emmanuel Macron, produite en tant que candidat à l’élection présidentielle et publiée par la Haute Autorité le 22 mars 2017, ne pouvait donner lieu à aucune appréciation de sa part, il en allait différemment de la déclaration remise le 28 octobre 2016, conformément à l’article 4 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans les deux mois suivant la cessation de ses fonctions au Gouvernement ([164]). Or, c’est bien dans le cadre de la campagne présidentielle que la Haute Autorité a été amenée à formuler une appréciation sur l’évolution du patrimoine du candidat ([165]).

En second lieu, l’élection présidentielle de 2017 a montré que des soupçons relatifs aux patrimoines des candidats pouvaient déclencher des investigations judiciaires susceptibles d’avoir une influence sur les opérations électorales. Ainsi que l’écrit le Gouvernement dans l’étude d’impact jointe au projet de loi ordinaire ([166]) : « Différentes affaires judiciaires sont récemment survenues en matière de probité impliquant des élus ayant agi dans le cadre de leurs fonctions. En particulier, deux candidats à l’élection présidentielle ont été mis en cause entre décembre 2016 et mars 2017 : le premier, dans le cadre d’une information judiciaire des chefs d’abus de confiance et recel de ce délit, escroquerie en bande organisée, faux, usage de faux et travail dissimulé ; le second a fait l’objet d’une mise en examen des chefs de détournement de fonds publics, complicité et recel, complicité et recel d’abus de biens sociaux (…) ».

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 1er du projet de loi organique modifie la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct en ce qui concerne les modalités de publication et d’appréciation de la déclaration de situation patrimoniale du seul Président de la République sortant.

A.   Un avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le Gouvernement souhaite donner la capacité à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique d’émettre valablement une appréciation sur la déclaration de situation patrimoniale produite par le Président de la République en fin de mandat. Le b) de l’article 1er prévoit la publication d’un « avis » sur la seule « variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles » (et non plus, comme le Conseil constitutionnel s’y était opposé en 2013, un éventuel « constat » de défaut d’exhaustivité, d’exactitude ou de sincérité de la déclaration).

Cette disposition a vocation à améliorer l’information des citoyens, dont la lecture de la déclaration de situation patrimoniale serait éclairée par l’avis de la Haute Autorité.

Afin de prévenir l’intervention de cette instance dans le processus électoral, notamment si le Président de la République sortant venait à solliciter un second mandat, l’article 1er procède également à une modification du calendrier de dépôt et de publication de la déclaration.

B.   Des délais de dépôt anticipés

Le Conseil constitutionnel s’est opposé au mécanisme retenu par le législateur organique en 2013 au motif que celui-ci donnait à la HATVP « le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci » ([167]). Tout dispositif prévoyant la publication d’un avis de la Haute Autorité peu avant le premier tour de l’élection présidentielle encourrait donc les mêmes risques de censure.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix d’un dépôt plus en amont de la fin des fonctions présidentielles, de façon à éloigner la date de publication de la déclaration de celle des opérations de vote : entre trois et quatre mois avant l’expiration du mandat, au lien de un à deux mois actuellement, pour une publication assortie de l’avis de la Haute Autorité quinze jours après ([168]).

Conformément aux règles prévues à l’article 7 de la Constitution, le premier tour de l’élection présidentielle « a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président en exercice » ([169]). Dans ces conditions, l’avis de la HATVP serait rendu public au moins quarante jours avant le premier tour ([170]).

calendrier d’une élection présidentielle dans les conditions prévues par l’article 1er du projet de loi organique

1er février

15 février

12 mars

27 mars

1er mai

Date limite de dépôt de la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République

Publication de la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République et de l’avis de la Haute Autorité

Date limite de publication des déclarations de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle

Premier tour de l’élection présidentielle

Expiration des pouvoirs du Président de la République

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Dans son étude d’impact, le Gouvernement estime que « dans ces conditions, ces dispositions ne conféreront pas à la Haute Autorité le pouvoir d’intervenir dans la campagne électorale, dans les derniers jours de celle-ci, dans des conditions qui pourraient porter atteinte à l’égalité devant le suffrage dans le cas où le Président de la République se présenterait à sa propre succession ». Elles seraient donc conformes à la jurisprudence constitutionnelle.

C.   Un régime de contrôle différencié

Le dispositif présenté par le Gouvernement a pour singularité d’instituer un régime différencié de contrôle de la déclaration de situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle selon leurs fonctions passées.

L’article 3 de la loi référendaire du 6 novembre 1962 tel que modifié par l’article 1er du projet de loi organique ne prévoit, en droit, que deux hypothèses :

–  si le candidat est le Président de la République en fonction, la Haute Autorité émet un avis sur la variation de sa situation patrimoniale entre le début et la fin de ses fonctions ;

–  pour tout autre candidat, la Haute Autorité se borne à publier la déclaration de situation patrimoniale et ne dispose d’aucune prérogative.

Il convient toutefois de considérer que les candidats à l’élection présidentielle peuvent, selon toute probabilité, être assujettis au contrôle de la Haute Autorité au titre d’autres fonctions. Tel est notamment le cas :

–  des membres ou anciens membres du Gouvernement (articles 4 à 7 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) ;

–  des élus locaux et des représentants de la France au Parlement européen (article 11 de la même loi) ;

–  des parlementaires (article L.O. 135-1 du code électoral).

La situation dans laquelle un candidat se trouverait contraint de transmettre à la Haute Autorité deux déclarations de situation patrimoniale dans un laps de temps limité – la première au titre de l’élection à venir, la seconde pour ses fonctions passées – est tout à fait concevable. Or, alors même que les calendriers se confondraient, la Haute Autorité disposerait sur la seconde de pouvoirs de contrôle particulièrement étendus. En effet, l’article 4 de la loi du 11 octobre 2013 précitée exige des ministres une telle déclaration dans les deux mois de la cessation de leur fonction, tandis que l’article L.O. 135‑1 du code électoral l’impose aux parlementaires dans les six à sept mois avant l’expiration de leur mandat.

Prérogatives de la haute autorité pour le contrôle de la situation patrimoniale des candidats à l’élection présidentielle

Candidat

Prérogatives de la Haute Autorité

Président de la République sollicitant un second mandat

Publication d’un avis sur la variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles.

Ministre entré au Gouvernement ou ancien ministre l’ayant quitté dans les cinq mois qui précèdent

Publication de toute appréciation qu’elle estime utile quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de la déclaration.

Accès aux déclarations fiscales du candidat et de son conjoint.

Droit de communication (art. L.81 du livre des procédures fiscales).

Transmission au parquet.

Autre personne assujettie à l’obligation de déclaration (parlementaires et élus locaux notamment)

Accès aux déclarations fiscales du candidat et de son conjoint.

Droit de communication (art. L.81 du livre des procédures fiscales).

Transmission au parquet.

Candidat non assujetti

Aucune.

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, si tant la loi du 11 octobre 2013 que le code électoral prévoient que lorsqu’une personne « a établi depuis moins de six mois une déclaration de situation patrimoniale en application [de l’une ou de l’autre], aucune nouvelle déclaration […] n’est exigée », aucune référence n’est faite à la loi du 6 novembre 1962 et à l’élection présidentielle. Cette disposition n’est donc pas applicable à l’élection présidentielle.

 

D.   Des coordinations diverses

Le c) du 1° du I de l’article 1er du projet de loi organique opère une coordination avec le 1° du I de l’article 9 du projet de loi ordinaire rétablissant la confiance dans l’action publique. Cette disposition crée au sein du code électoral un nouvel article L. 52‑7‑1 limitant les conditions dans lesquelles les personnes physiques peuvent accorder des prêts et avances remboursables aux candidats. Cette règle sera donc désormais applicable à l’élection présidentielle.

Par ailleurs, l’article 4 de la loi référendaire du 6 novembre 1962 renvoie aux règles du code électoral en vigueur à sa dernière modification. Pour la prise en compte des évolutions apportées par le projet de loi ordinaire aux modalités de financement des campagnes électorales, le  du I actualise cette référence ([171]).

Le II prend en compte la modification de l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 qui interviendra au plus tard le 31 décembre 2019, en application de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France.

III.   Une disposition approuvée par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a approuvé l’article 1er du projet de loi organique.

Elle a cependant adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la publicité de la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République en fin de mandat serait assurée dans le respect de sa vie privée. Cette précision assure le retrait des informations n’intéressant pas les citoyens, comme elles le sont déjà pour les parlementaires, conformément au III de l’article L.O. 135‑2 du code électoral.

Article L.O. 1352 III du code électoral

Ne peuvent être rendus publics les éléments suivants : les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin et des autres membres de sa famille.

Pour la déclaration de situation patrimoniale, ne peuvent être rendus publics, s’agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ; les noms des personnes qui possédaient auparavant les biens mentionnés dans la déclaration ; pour les biens qui sont en situation d’indivision, les noms des autres propriétaires indivis ; pour les biens en nue-propriété, les noms des usufruitiers ; pour les biens en usufruit, les noms des nus-propriétaires.

Pour la déclaration d’intérêts et d’activités, ne peuvent être rendus publics, s’agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens. S’il s’agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin :

1° Les noms des personnes qui possédaient auparavant des biens mentionnés dans cette déclaration ;

2° Pour les biens qui sont en situation d’indivision, les noms des autres propriétaires indivis ;

3° Pour les biens en nue-propriété, les noms des usufruitiers ;

4° Pour les biens en usufruit, les noms des nus-propriétaires.

Ne peuvent être rendus publics, s’agissant des biens mobiliers : les noms des personnes qui détenaient auparavant les biens mobiliers mentionnés dans la déclaration de situation patrimoniale ; les noms des personnes qui détenaient auparavant des biens mobiliers mentionnés dans la déclaration d’intérêts et d’activités s’il s’agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin.

Ne peuvent être rendus publics, s’agissant des instruments financiers : les adresses des établissements financiers et les numéros des comptes détenus. (…)

Les éléments mentionnés au présent III ne peuvent être communiqués qu’à la demande expresse du déclarant ou de ses ayants droit ou sur requête des autorités judiciaires lorsque leur communication est nécessaire à la solution du litige ou utile pour la découverte de la vérité.

La commission des Lois du Sénat a également procédé à une coordination en insérant dans le présent article une référence au d) du 1° du I de l’article 9 bis du projet de loi ordinaire, relatif au droit au compte des candidats aux élections.

IV.   La position de la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a souhaité revenir sur l’élargissement de l’avis de la Haute Autorité sur la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République en fin de mandat. Bien que l’anticipation du dépôt de cette déclaration permette d’éloigner sa publication de la date des opérations électorales, ce qui est de nature à renforcer sa constitutionnalité, il n’en reste pas moins que cette rédaction élargie était celle que le Conseil constitutionnel avait censurée en 2013. En outre, l’inégalité induite entre les candidats, quoiqu’elle prenne appui sur des situations différentes, n’a pas paru souhaitable dans le cadre d’un affrontement électoral, alors même que certains candidats pourraient échapper totalement au contrôle de la HATVP s’ils n’occupaient auparavant aucune fonction publique ou politique.

Par ailleurs, la Commission a adopté avec l’avis favorable de la rapporteure deux amendements identiques de M. Erwan Balanant et de Mme Cécile Untermaier portant de quinze à trente jours le délai imparti à la HATVP pour la production de son avis.

Enfin, en cohérence avec les dispositions adoptées pour les élus locaux à l’article 1er du projet de loi ordinaire et pour les parlementaires à l’article 2 B du projet de loi organique, la Commission a adopté un amendement de Mme Paula Forteza pour exiger que le casier judiciaire des candidats à la présidence de la République soit vierge de certaines mentions de condamnation ([172]).

*

*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL109 de la rapporteure.

Elle examine ensuite les amendements identiques CL1 de Mme Cécile Untermaier et CL100 de M. Erwan Balanant.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit simplement de rallonger le délai imparti à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour prononcer l’avis qu’elle doit rendre sur la déclaration de patrimoine du chef de l’État en fin de mandat.

Cela répond à une demande de Jean-Louis Nadal, qui a souhaité que la HATVP puisse disposer d’un mois au lieu de quinze jours.

M. Philippe Latombe. L’argumentation est la même.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement.

La Commission adopte ces amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL110 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement propose la suppression des mots : « l’exhaustivité, l’exactitude, la sincérité ».

Son objet est relatif au périmètre de l’avis rendu par la HATVP sur le patrimoine du président sortant. Il existe un risque que l’avis émis par cette autorité puisse être interprété par le Conseil constitutionnel comme une interférence avec le libre choix de l’électeur, comme l’indique l’étude d’impact, si le Président en fonction sollicite un second mandat.

Pour cette raison, il est proposé que la HATVP se limite à un avis sur la variation de patrimoine, sans que des investigations soient conduites sur l’ensemble des éléments de la déclaration.

De plus, rappelons que les autres candidats à l’élection, eux, ne verront pas leur patrimoine analysé par la HATVP. Il est normal que le Président sortant soit traité différemment, mais pas au point de créer une forme d’inégalité d’accès à l’information en pleine campagne électorale

Nous estimons que l’avis de la Haute Autorité doit être limité à un examen portant sur la variation du patrimoine.

M. Arnaud Viala. Cet amendement me paraît tout à fait légitime et judicieux. Il me semble pourtant que cette disposition devrait être étendue aux autres élus ainsi qu’aux autres candidats soumis à déclaration de patrimoine devant la HATVP.

En clair, aujourd’hui un parlementaire sortant qui déclare son patrimoine voit cette déclaration mise à disposition du public à la préfecture de son département d’élection. Comme vous venez de l’exposer, cela crée une rupture d’équité par rapport aux autres candidats à la même fonction qui, candidats pour la première fois, n’ont pas déposé de déclaration publique de patrimoine.

M. Olivier Dussopt. Nous ne voterons pas cet amendement, car vous avez apporté des restrictions au droit de communication de la HATVP tel qu’il avait été adopté par le Sénat, mais aussi aux possibilités d’appréciation de l’autorité au sujet de la transmission d’un certain nombre de dossiers et de ses instructions, et maintenant à l’examen de la déclaration de patrimoine du président sortant.

Vous revenez ainsi sur des prérogatives de la HATVP, comme s’il y avait une volonté de brider son action, et de restreindre sa latitude d’action et d’investigation.

Mme la rapporteure. Il ne s’agit nullement de restreindre l’action de la HATVP. Bien au contraire, nous souhaitons l’enserrer dans un dispositif qui soit tenable. Nous avons entendu M. Nadal, qui n’a pas souhaité que l’autorité dispose de la possibilité d’effectuer un examen aussi poussé des comparaisons des déclarations du Président de la République.

La Commission adopte l’amendement.

Ensuite, elle examine l’amendement CL60 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Il s’agit d’appliquer aux candidats à l’élection présidentielle les dispositions que nous avons adoptées il y a quelques heures pour les candidats aux autres élections : la personne qui représentera l’ensemble des Français, et occupera les plus hautes responsabilités de la République, doit d’autant plus être soumise à cette exigence d’exemplarité.

Mme la rapporteure. Afin de demeurer dans la logique de nos débats de ce matin, j’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL111 de la rapporteure.

Ensuite, elle adopte l’article 1er modifié.

titre ier bis
dispositions relatives aux membres du gouvernement

Article 1er bis
(art. 5 de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution)
Limitation de la durée de l’indemnisation des anciens ministres

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er bis, inséré dans le projet de loi organique par le Sénat, limite la durée de l’indemnisation à laquelle peut prétendre un ancien ministre à la durée d’exercice de ses fonctions lorsque celle-ci est inférieure à trois mois.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique du 11 octobre 2013 a ramené la durée de cette indemnisation de six mois à trois mois.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La Commission a approuvé cet article et s’est bornée à améliorer sa rédaction.

I.   L’état du droit

L’article 5 de l’ordonnance n° 58‑1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution a prévu qu’un ancien membre du Gouvernement devait percevoir pendant six mois, à compter de la fin de ses fonctions, une indemnité d’un montant égal au traitement alloué en qualité de membre du Gouvernement. Il suffit, pour cela, qu’il n’ait pas retrouvé une activité rémunérée.

L’article 7 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique, a ramené la durée de cette indemnisation à trois mois.

II.   La disposition adoptée par le Sénat

L’article 1er bis du projet de loi organique est issu de l’adoption en commission des Lois d’un amendement du sénateur Jean-Pierre Grand. Il précise que l’indemnisation à laquelle peut prétendre un ancien membre du Gouvernement, tout en demeurant plafonnée à trois mois, ne saurait excéder la durée de ses fonctions.

Cette disposition n’a fait l’objet d’aucun amendement en séance publique.

Régime d’indemnisation des anciens membres du Gouvernement

Dans le dispositif issu du Sénat

Durée des fonctions gouvernementales

Durée de l’indemnisation à l’issue des fonctions

Inférieure à trois mois

Égale à la durée des fonctions gouvernementales

Supérieure ou égale à trois mois

Trois mois

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale.

III.   La position de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par la rapporteure.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL112 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er bis modifié.

Après l’article 1er bis

La Commission se saisit de l’amendement CL21 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à élargir à la fonction de ministre l’interdiction de cumul de mandats afin de ne plus voir de ministres chargés de fonctions exécutives locales. Cette promesse avait été faite par plusieurs candidats à la dernière élection présidentielle ; il est temps de la traduire dans la loi, et ce texte constitue une bonne occasion. de le faire.

Mme la rapporteure. Cet amendement soulève une vraie question, mais il porte sur un sujet d’ordre constitutionnel qui n’a pas sa place dans ce projet de loi.

En revanche, nous en rediscuterons lors de la révision constitutionnelle. L’avis est donc défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Article 1er ter (nouveau)
(art. 1er bis [nouveau] de l’ordonnance n° 581099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution)
Contrôle du bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes pressenties pour entrer au Gouvernement

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er ter, inséré dans le projet de loi organique par la Commission contre l’avis de la rapporteure, empêche la nomination au Gouvernement de toute personne dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire fait état d’une condamnation de nature criminelle ou délictuelle.

L’article 1er ter résulte d’un amendement présenté par M. Erwan Balanant et adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale contre l’avis de la rapporteure. Il modifie l’ordonnance n° 58‑1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution pour prévoir un contrôle du bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes susceptibles d’entrer au Gouvernement. Si ce bulletin fait état d’une condamnation de nature criminelle ou délictuelle, la nomination ne peut avoir lieu.

L’article 9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que tout membre du Gouvernement, à son entrée en fonction, fait l’objet d’une procédure de vérification de sa situation fiscale diligentée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En cas de manquement constaté, celle-ci prévient le Président de la République et, sauf à ce qu’il soit l’auteur dudit manquement, le Premier ministre. Toutefois, la loi laisse les deux chefs de l’exécutif seuls décisionnaires quant à d’éventuelles mesures de sanction.

Le dispositif proposé est beaucoup plus ambitieux :

–  il n’intervient pas au moment de la nomination mais préalablement à celle-ci ;

–  il fait défense au Président de la République et au Premier ministre de procéder à la nomination au Gouvernement si le bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne pressentie n’est pas vierge.

Une telle ingérence de la loi dans la composition du Gouvernement pourrait porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Par ailleurs, cette disposition apparaît éloignée du champ de la loi organique prévue à l’article 23 de la Constitution, qui porte sur « les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de mandats, fonctions ou emplois » que quitte une personne nommée au Gouvernement.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL97 de M. Erwan Balanant.

Mme Isabelle Florennes. Il s’agit de garantir que les membres du Gouvernement sont exempts de toute condamnation pénale délictuelle ou criminelle, ce qui paraît essentiel à l’objectif poursuivi par le présent projet de loi organique, ainsi que de renforcer les exigences de transparence et de probité des hommes qui incarnent et exercent les pouvoirs des institutions.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable, car nous considérons qu’il n’y a besoin d’aucune disposition légale pour permettre au Gouvernement d’obtenir un formulaire B2 à cette fin. En effet, il ne s’agit pas d’une élection, mais d’une nomination.

M. Philippe Latombe. Ce qui importe ici, par-delà le formulaire B2, c’est le parallélisme des formes. Dans les articles précédents, nous avons décidé qu’il fallait pouvoir fournir un extrait de casier judiciaire, en termes d’image, il serait préférable que les membres du Gouvernement puissent justifier d’un casier B2 vierge.

Là encore il s’agit d’affichage, nous voulons aller jusqu’au bout de la démarche par parallélisme des formes, quand bien même il ne s’agit pas d’une élection, mais d’une nomination.

Mme Delphine Batho. Nous avons adopté cette disposition pour les parlementaires. Ici la question n’est donc pas de savoir si un Président de la République et un Premier ministre qui nomment un gouvernement peuvent ou non vérifier le casier B2. Ce qui importe, c’est que quelqu’un dont le casier B2 ne serait pas vierge ne puisse pas être nommé ministre, ce n’est pas la même chose.

Mme la rapporteure. Il ne s’agit absolument pas du même dispositif. Nous avons adopté aujourd’hui des dispositions portant sur un casier B2 vierge d’un certain nombre d’infractions dont nous avons dressé la liste. Or cet amendement se borne à mentionner un casier judiciaire B2 ne comportant aucune condamnation pour crime ou délit ; le champ est beaucoup plus large et excède celui des mesures que nous avons adoptées. C’est pourquoi je maintiens mon avis défavorable.

M. Olivier Dussopt. Aujourd’hui, nous avons adopté des amendements comportant des appréciations et des engagements susceptibles d’être revus en séance publique.

Pour le parallélisme des formes, je pense que nous pourrions adopter cet amendement, posant ainsi pour un éventuel ministre l’obligation de ne pas s’être rendu coupable de tel ou tel crime ou délit. À l’occasion de la séance, nous pourrions tous déposer un amendement reprenant la liste dans les mêmes termes que celle que nous avons déterminée ce matin. Nous l’avons fait pour d’autres amendements avec le même engagement ; je ne vois pas pourquoi nous renverserions la méthode en renvoyant cet amendement à la séance publique.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 1er ter est ainsi rédigé.

M. Olivier Dussopt. J’interviens sur la base de l’article 58 du Règlement de l’Assemblée nationale qui concerne le déroulement de nos travaux. Cet amendement a été considéré comme adopté à l’issue de plusieurs épreuves, alors qu’il l’était dès la première. Au cours de cette journée, nous avons ainsi été conduits à procéder à des seconds votes, des troisièmes votes, et même, ce matin, pour la première fois depuis neuf ans que j’ai la chance de siéger dans cette Commission, à un vote par assis-debout.

Nous sommes à l’Assemblée nationale, et lorsque le vote est appelé, que ce soit vous ou quiconque qui préside la séance, si les députés de la majorité ne lèvent pas la main lorsque vous appelez les votes contre, l’amendement est adopté. Il n’y a pas lieu de recompter, et nous ne sommes pas là pour rappeler les uns et les autres à leurs obligations ou leur volonté de participer ou non à un vote.

Ce mode de fonctionnement à l’occasion des votes est à mes yeux totalement inédit. Je n’ai jamais eu à vivre une telle situation, et je crois qu’en dix ans, sous la présidence de Jean-Luc Warsmann, de Jean-Jacques Urvoas et celle de Dominique Raimbourg, la nécessité de revérifier un vote a dû se produire deux ou trois fois au maximum. Or ce chiffre est déjà dépassé aujourd’hui.

Pour la sérénité de nos débats en commission, alors qu’il y a, si j’ose dire, une session de rattrapage en séance publique, il me semble qu’au moment où le vote est appelé, il est ce qu’il est, et que la présidence – car je ne souhaite pas personnaliser le débat – ne dispose pas de la possibilité de faire revoter autant de fois que nécessaire afin d’atteindre un objectif qui conviendrait à tel ou tel.

M. Stéphane Mazars, président. Monsieur Dussopt, je prends acte de vos propos, venant de quelqu’un qui possède une expérience que je n’ai pas… Je fais au mieux ; j’ai fait répéter le vote car nous sommes nombreux, et vous pouvez me concéder qu’il est particulièrement difficile, de la place où je me trouve, de voir si les bras sont levés ou non.

Lorsqu’à l’instant j’ai appelé les votes favorables, il y a eu des bras levés, et j’ai aussitôt appelé les votes défavorables, il y a encore eu des bras levés. Je n’ai pas eu le temps de compter que l’on annonçait déjà l’adoption de l’amendement ! Je préside une commission, j’ai tout de même le souci de compter moi-même sans m’en remettre à l’appréciation spontanée d’un côté ou de l’autre.

S’il faut parfois reprendre les choses, ce que je suis désolé d’avoir été conduit à faire, c’est afin que tout soit bien fait car, ce qui importe, c’est qu’à chaque fois s’exprime un vote conforme à la volonté des membres de la Commission.

TITRE II
Dispositions relatives AUX PARLEMENTAIRES

Chapitre Ier A (nouveau)
Dispositions relatives à l’indemnité parlementaire

Article 2 A (nouveau)
(art. 4 de l’ordonnance n° 581210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement)
Sanction de la perception de rémunérations publiques illégales par des parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

Inséré dans le projet de loi organique par votre commission, ce dispositif sanctionne la rémunération publique illégale d’un parlementaire. Le régime de sanction à l’encontre du député ou du sénateur fautif et les modalités de saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière pour l’ordonnateur de la dépense illégale sont renvoyés au règlement de l’assemblée concernée.

L’article 2 A résulte d’un amendement de la rapporteure adopté par votre commission. Il prend acte des violations répétées de l’interdiction de cumul de rémunérations publiques par des parlementaires et confie aux assemblées le soin d’édicter un régime de sanctions visant à y mettre fin.

Cette disposition répond à une préoccupation consubstantielle au parlementarisme français, apparue dans le droit avant même la République. Deux décrets du 7 novembre 1789 et du 10 janvier 1790 de l’Assemblée constituante interdisaient ainsi à ses membres d’accepter des pouvoirs publics « aucune place, même celle de ministre, aucun don, pension, traitement ou emploi, même en donnant leur démission ».

L’objectif est poursuivi dès les débuts de la Ve République puisque le premier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 58‑1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement, dont la rédaction n’a jamais varié, dispose : « L’indemnité parlementaire est exclusive de toute rémunération publique ». Les exceptions admises aux alinéas suivants touchent aux pensions civiles et militaires, aux traitements afférents à la Légion d’honneur et à la médaille militaire, et au cumul d’indemnités attachées à l’exercice de mandats ou de fonctions locales – sous condition d’écrêtement.

Il est hors de doute que la perception d’indemnités, rémunérations, gratifications de toute autre nature revêt, de la part de députés ou de sénateurs, un caractère illégal. Pourtant, la presse se fait fréquemment l’écho de rétributions perçues en contrepartie d’activités publiques officielles, y compris lorsque celles-ci sont exercées en qualité de membre du Parlement ([173]). Le législateur s’en était d’ailleurs ému au cours de la discussion de la loi organique n° 2013‑906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([174]). Il avait alors modifié l’article L.O. 145 du code électoral afin d’y ajouter un alinéa final indiquant : « Un député désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur ne peut percevoir à ce titre aucune rémunération, gratification ou indemnité. »

Il faut croire que cette disposition, qui n’est entré en vigueur que le 19 juin dernier, n’a pas satisfait les sénateurs, qui l’ont répétée à l’article 8 ter du présent projet de loi organique, pour préciser que le pouvoir réglementaire ne peut attraire un parlementaire au sein d’un organisme extérieur.

Afin de mettre un terme aux violations répétées de cette interdiction, la commission des Lois a adopté le dispositif préconisé par la rapporteure. Il dispose que le règlement de chaque assemblée prévoit :

– une sanction pour le parlementaire rémunéré à tort, qui devrait normalement inclure une répétition de l’indu ;

– un défèrement à la Cour de discipline budgétaire et financière par le président de l’assemblée concernée, comme le permet l’article L. 314‑1 du code des juridictions financières, afin que celle-ci réprime le paiement irrégulier ordonné par l’organisme public fautif.

Ce mécanisme de responsabilité devrait à la fois conduire les parlementaires à refuser une rétribution illégale et dissuader les dirigeants d’organismes publics de la leur proposer.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL9 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit d’interdire aux parlementaires de cumuler une indemnité parlementaire avec une autre indemnité publique résultant de la présence ès qualités dans une entité publique – Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), Radio France, Caisse des dépôts et consignations (CDC)…

Mme la rapporteure. J’ai déposé un amendement CL113 qui a exactement le même objet, et qui précise en outre que les assemblées doivent veiller à l’application et à la mise en œuvre de ces règles, ainsi qu’à la sanction de leur violation.

M. Philippe Gosselin. Je ne vois pas pourquoi on priverait de cette indemnité le parlementaire qui réalise un travail effectif dans une instance où il représente ès qualités le Parlement, alors que l’article 7 bis du projet de loi ordinaire consacre justement la possibilité de verser, par exemple aux présidents de Commission, des indemnités spéciales et indemnités de fonction complémentaires – que nous venons tout juste, en outre, d’assujettir à l’impôt sur le revenu, auquel elles échappaient depuis toujours. La polémique lancée par Mediapart ne me paraît pas fondée.

Mme Cécile Untermaier. Un président de Commission travaille pour l’Assemblée nationale !

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL113 de la rapporteure, et l’article 2 A est ainsi rédigé.

Après l’article 2 A

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL20 de M. Xavier Breton.

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conditions d’éligibilité et inéligibilités

Article 2 B (nouveau)
(art. L.O. 1271 [nouveau] du code électoral)
Éligibilité au Parlement conditionnée par l’absence de certaines mentions de condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire

Résumé du dispositif et effets principaux

Inséré dans le projet de loi organique par votre commission, ce dispositif conditionne à l’absence de certaines mentions de condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire l’éligibilité des députés et des sénateurs.

L’article 2 B est issu d’un amendement de Mme Paula Forteza adopté par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Il conditionne à l’absence de certaines mentions de condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire l’éligibilité à l’Assemblée nationale, au Sénat et, par association, au Parlement européen, en cohérence avec les dispositions adoptées à l’article 1er du projet de loi ordinaire pour les élections locales et à l’article 1er du projet de loi organique pour l’élection à la Présidence de la République ([175]).

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*     *

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement CL59 de Mme Paula Forteza.

L’article 2 B est ainsi rédigé.

Article 2
(art. L.O. 136-4 [nouveau], L.O. 176, L.O. 178 et L.O. 319 du code électoral)
Contrôle de la régularité de la situation fiscale des parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 prévoit, à l’entrée en fonction d’un député ou d’un sénateur, que l’administration transmette dans le mois qui suit une attestation de sa situation fiscale (nationale et locale) au bureau de l’assemblée concernée. En cas de manquement, le parlementaire serait tenu de régulariser sa situation sans délai ou d’introduire un recours contentieux. Dans le cas contraire ou une fois une décision de justice rendue, il reviendrait au bureau de saisir le Conseil constitutionnel qui prononcerait sa déchéance.

Dernières modifications législatives intervenues

Il n’existe aucune procédure systématique de vérification de la situation fiscale des parlementaires à leur prise de fonction, contrairement à ce que prévoit la loi pour les ministres – sans autre sanction toutefois que l’information du Président de la République et du Premier ministre.

Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a réduit les transmissions d’attestation aux seuls cas d’irrégularité. Il a également prévu un délai d’un mois entre l’information du parlementaire et l’engagement d’une procédure de sanction afin de permettre une éventuelle régularisation.

Il a souhaité conférer au bureau de chacune des deux assemblées une marge d’appréciation dans la décision de saisir le Conseil constitutionnel, et que ce dernier ne prononce une déchéance qu’en cas de manquement d’une particulière gravité : le débat en séance publique l’a conduit, à la demande du Gouvernement, à renoncer à la première prétention.

Enfin, le Gouvernement a fait voter par le Sénat une peine maximale d’inéligibilité de trois ans à la suite de la décision du Conseil constitutionnel de mettre fin au mandat.

Modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a modifié le dispositif de vérification de situation fiscale issu du Sénat dans un sens identique à l’article 13 du projet de loi ordinaire régissant les parlementaires européens (suppression du dialogue précontentieux, absence d’appréciation d’opportunité dans la saisine du juge, inéligibilité prononcée pour toutes les élections). Les attestations de situation fiscale établies par l’administration seront transmises au déontologue de l’assemblée concernée. Enfin, l’inéligibilité provoquera une élection partielle et non un remplacement par le suppléant du démissionné d’office.

I.   L’État du droit

Le droit actuel comprend des dispositifs spécifiques de contrôle de la situation fiscale des parlementaires. Issu de l’article 1er de la loi organique n° 2013‑906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l’article L.O. 135‑1 du code électoral impose à tout député ([176]) d’adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les deux mois suivant son entrée en fonction, une déclaration de situation patrimoniale dont la Haute Autorité apprécie l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité.

Conformément à l’article L.O. 135‑2, l’administration fiscale lui communique « tous les éléments lui permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de [cette] déclaration, notamment les avis d’imposition de l’intéressé à l’impôt sur le revenu et, le cas échéant, à l’impôt de solidarité sur la fortune ». L’article L.O. 135‑3 autorise la Haute Autorité à :

–  demander au député communication des déclarations souscrites au titre des impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi que celles de son conjoint – qu’il y ait ou non communauté de biens entre eux – et, à défaut de réponse, les obtenir directement de l’administration fiscale ;

–  demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication ([177]) pour recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle.

La Haute Autorité ne procède cependant pas à un contrôle fiscal du parlementaire au moment de son élection, contrairement à ce que prévoit l’article 9 de la loi n°2013-907 relative à la transparence de la vie publique pour les membres du Gouvernement : « Tout membre du Gouvernement, à compter de sa nomination, fait l’objet d’une procédure de vérification de sa situation fiscale […] au titre de l’impôt sur le revenu et, le cas échéant, de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cette procédure est placée sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. ([178]) »

II.   Les dispositions du projet de loi

L’article 2 du projet de loi organique crée une procédure garantissant qu’un député ou un sénateur, à la date de son entrée en fonction, satisfait à ses obligations en matière de déclaration et de paiement des impositions dont il est redevable.

Un nouvel article L.O. 136‑4 est inséré à cette fin dans le code électoral ([179]). Il prévoit que l’administration fiscale transmette au bureau de l’assemblée concernée une attestation relative à la situation de chaque parlementaire dans le mois suivant son entrée en fonction ([180]).

L’attestation porterait uniquement sur le respect des obligations de déclaration et de paiement et couvrirait l’ensemble des impositions, nationales comme locales, dont est redevable le parlementaire. Considérant le nombre d’attestations à émettre et le faible délai imparti pour ce faire, le Conseil d’État a souligné dans son avis sur le projet de loi organique que « l’administration ne pourra pas procéder dans ce délai d’un mois à une vérification exhaustive de la situation fiscale des parlementaires concernés mais fera uniquement un relevé des informations fiscales disponibles les concernant ([181]) ». En conséquence, l’attestation ne vaudrait qu’à la date de sa délivrance, n’exclurait pas la découverte ultérieure d’un manquement, et ne saurait constituer une décision administrative faisant grief.

 

Qu’entendre par « attestation fiscale » ?

Des documents administratifs existent dans le droit actuel, qui permettent d’imaginer la forme que pourrait prendre l’attestation fiscale prévue par le projet de loi.

En matière de marchés publics, l’article 45 de l’ordonnance n° 2015‑899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics exclut du soumissionnement les candidats qui ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales et sociales. Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics pose le principe de présentation d’un certificat délivré par l’administration fiscale, dont un arrêté du 25 mai 2016 précise le champ (impôts concernés).

Il existe également un bordereau de situation fiscale ("modèle P237") utilisé dans des procédures diverses comme la naturalisation ou les procédures collectives. L’attestation ne porte que sur le paiement des dettes fiscales.

L’attestation serait adressée au bureau de l’Assemblée nationale et au député concerné ([182]). En cas de manquement, il devrait :

–  soit mettre « sans délai » sa situation fiscale en conformité avec les dispositions applicables ;

–  soit entrer ou demeurer en contentieux avec l’administration fiscale, ce qui suspendrait la régularisation à une décision juridictionnelle définitive.

En cas d’irrégularité, le Conseil constitutionnel, saisi par le bureau, peut déclarer le parlementaire démissionnaire d’office. La rédaction initiale du projet de loi organique présente ici trois difficultés :

–  comme l’a relevé la commission des Lois du Sénat, elle est « ambiguë sur l’existence ou non d’un pouvoir d’appréciation du bureau de chaque assemblée, informé d’une situation de non-conformité d’un député ou d’un sénateur, pour en saisir le Conseil constitutionnel ([183]) ». Le bureau a-t-il vocation à prévenir l’encombrement du Conseil constitutionnel par des irrégularités minimes, ou a-t-il au contraire compétence liée dès que surgir un manquement ? Le rapporteur du Sénat indique que l’intention du Gouvernement inclinait vers la seconde branche de l’alternative, mais cette appréciation ne lie aucunement le Parlement ;

–  le Conseil d’État a obtenu du Gouvernement, « afin de garantir la proportionnalité de cette sanction » la substitution du « constat par le Conseil constitutionnel de la déchéance du mandat parlementaire » par « une faculté pour le Conseil constitutionnel de prononcer une démission d’office, en fonction de la gravité des manquements constatés et non régularisés ([184]) ». Cette capacité d’appréciation pose question. Elle est prévue par le code électoral en cas d’irrégularité dans le compte de campagne du parlementaire, c’est-à-dire pour la répression d’une irrégularité administrative ([185]) ou d’une manœuvre frauduleuse ([186]) dont l’importance peut effectivement varier. En revanche, dès lors qu’il s’agit de constater a posteriori une inéligibilité ([187]) ou de sanctionner un manquement à l’obligation de déclaration à la Haute Autorité ([188]), le législateur organique ne laisse au Conseil constitutionnel aucune latitude pour apprécier les faits ou moduler la peine consécutive d’inéligibilité ;

–  enfin, aucune inéligibilité n’est prévue après la démission d’office. Il en résulte que la « proportionnalité de la sanction » recherchée par le Gouvernement sur le Conseil d’État ne peut être garantie au moyen d’une modulation de la peine prononcée. Le parlementaire démissionné est également laissé libre de faire immédiatement acte de candidature pour retrouver ses fonctions.

III.   Une disposition modifiée par le Sénat

Sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat a amendé le dispositif proposé par le Gouvernement dans l’objectif d’alléger les volumes de transmission et de garantir les droits des parlementaires dont l’irrégularité de la situation serait alléguée par l’administration fiscale.

Plutôt qu’une communication d’attestation pour l’ensemble des parlementaires, quelle que soit la situation fiscale de chacun, le dispositif sénatorial propose de limiter l’information du bureau de l’assemblée concernée aux seuls cas d’irrégularité ne faisant pas l’objet d’une procédure contentieuse – cette dernière précision étant ajoutée au nom du droit au recours effectif dont bénéficie tout contribuable.

Afin de prévenir les erreurs de bonne foi et garantir le respect du principe du contradictoire, la transmission d’une attestation de non-conformité au bureau serait précédée d’une discussion d’un mois avec l’intéressé. Le parlementaire pourrait ainsi soit dissiper un éventuel malentendu, soit régulariser sans délai ses manquements.

Les pouvoirs du bureau sont ainsi définis : « L’administration fiscale informe le bureau de l’Assemblée nationale de la situation. Si le bureau de l’Assemblée nationale constate que le député n’est pas en conformité avec [ses] obligations, il saisit le Conseil constitutionnel. » Rien n’indique cependant dans quelles conditions et après quels raisonnements le bureau, informé d’un manquement par le fisc, pourrait s’abstenir d’un constat de non-conformité.

Enfin, le Conseil constitutionnel conserverait un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de mettre fin, ou non, au mandat du parlementaire. Le Sénat limite cependant fortement cette perspective en la conditionnant à un « manquement d’une particulière gravité ».

En séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement poursuivant un triple objectif :

–  assortir la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel d’une inéligibilité d’une durée maximale de trois ans ;

–  revenir sur la marge d’appréciation dont bénéficie le bureau de l’assemblée concernée pour saisir le Conseil constitutionnel ;

–  prévoir la fin du mandat pour tout manquement constaté, quelle que soit sa gravite.

Le Sénat a consenti aux deux premières modifications, mais la troisième a été rejetée par sous-amendement du rapporteur en ce sens.

IV.   La position de la commission des Lois

La Commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle de la rapporteure ainsi que trois amendements de fond prévoyant :

– à l’initiative du Gouvernement avec l’avis favorable de la rapporteure, de rendre destinataire des attestations de situation fiscale le déontologue de l’assemblée concernée, qui pourrait trouver utilité à ces pièces pour l’accomplissement de sa mission et conseiller le parlementaire sur l’attitude à adopter dans sa relation avec l’administration fiscale ;

– à l’initiative du Gouvernement, de supprimer le dialogue précontentieux d’un mois inséré par le Sénat pour réintégrer le parlementaire européen dans le droit commun et d’exclure toute appréciation de l’opportunité d’une saisine du Conseil constitutionnel par le bureau. Un sous-amendement de la rapporteure a précisé que l’inéligibilité déclarée à la suite d’un manquement aux obligations fiscales valait pour toutes les élections, et non pour le seul mandat de parlementaire ;

– sur proposition de la rapporteure, d’exclure l’hypothèse d’un remplacement du parlementaire dont la démission d’office est décidée par son suppléant, et de tenir en conséquence une élection partielle pour pourvoir à sa succession.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL96 de M. Erwan Balanant.

M. Philippe Latombe. Il s’agit d’un amendement de cohérence. Considérer la probité des élus sous le seul angle fiscal, alors que le Sénat vient d’adopter des dispositions pénales consistant en une peine complémentaire d’inéligibilité pour toute personne condamnée, entre autres, pour harcèlement sexuel ou moral, ne semble en effet pas logique.

Mme la rapporteure. Défavorable. Nous avons tranché la question du casier judiciaire en adoptant l’amendement CL59.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL106 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement que les attestations fiscales soient également transmises au déontologue de l’Assemblée nationale. Je ne pense pas que cela soulève de difficulté particulière.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL32 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous proposons d’étendre aux sénateurs et aux membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) l’exigence, imposée aux députés, de produire une attestation de satisfaction de leurs obligations fiscales. L’article 2, en effet, ne mentionne que ces derniers, alors même qu’il est écrit à l’article 11 que l’article 2 est applicable aux sénateurs. S’il ressort de l’exposé des motifs et de l’avis du Conseil d’État que les membres du Gouvernement nouvellement nommés sont soumis à une procédure de vérification fiscale, nous estimons que les parlementaires doivent être soumis à une obligation similaire.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le Président de la République a annoncé une révision constitutionnelle, par laquelle le CESE, en particulier, verrait son fonctionnement et ses missions profondément modifiés. Ce n’est pas le temps de procéder à une telle modification.

M. Ugo Bernalicis. Raison de plus, au contraire, pour le faire maintenant, ne serait-ce qu’afin de donner un signal clair ! Nous ne pouvons préjuger, au demeurant, du contenu de la révision constitutionnelle annoncée. Et si le CESE doit voir ses missions étendues, il serait bon qu’il ait des obligations similaires à celles des autres assemblées.

M. Arnaud Viala. Je ne vois pas comment on pourrait imaginer que les députés soient visés par une mesure nécessitant une modification constitutionnelle, alors que les sénateurs en seraient exclus au motif, précisément, que cela relève d’une révision constitutionnelle. Votre argument ne tient pas, madame la rapporteure.

Mme la rapporteure. Les articles L.O. 296 et 297 du code électoral disposent que toutes les dispositions de cet ordre applicables aux députés le sont ipso facto aux sénateurs.

Mme Delphine Batho. La rédaction est tout de même étrange. J’ajoute que le renouvellement du Sénat interviendra après l’examen de la loi par le Conseil constitutionnel et sa promulgation.

Mme la rapporteure. L’article L.O. 297 du code électoral est ainsi libellé : « Les dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du présent code sont applicables aux sénateurs. » Il figure au chapitre III visant les incompatibilités.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL114 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CL74 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Il s’agit encore d’une proposition d’extension, visant cette fois tous les élus amenés à prendre des décisions en matière fiscale. L’histoire récente nous a malheureusement montré que c’est au moment où ils sont devenus ministres que l’on s’est rendu compte que certains n’étaient pas en règle avec le fisc, alors qu’ils avaient exercé des fonctions d’élu, parlementaire ou non, sans avoir à subir ces vérifications.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il y a 640 000 élus en France, et nous ne pouvons demander à l’administration fiscale de leur délivrer à tous un quitus fiscal !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL140 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL146 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’amendement du Gouvernement est la transposition d’une disposition que nous avons votée dans le projet de loi ordinaire. Le sous-amendement, outre des améliorations rédactionnelles, dispose que les parlementaires déclarés inéligibles à l’issue de la vérification de leur situation fiscale le sont pour toutes les élections et non pour les seuls mandats à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Il s’agit de rétablir les dispositions proposées par le Gouvernement prévoyant, pour la clarté et l’efficacité du dispositif, que chaque situation fiscale, conforme ou non, donne lieu à la production d’une information : il convient alors d’attester que l’examen de la situation fiscale de tous les élus a bien été fait. À cette fin, l’organe chargé de la déontologie parlementaire serait systématiquement informé des conclusions de l’administration fiscale après examen du dossier de chaque élu.

Par ailleurs, la mise en conformité des élus avec leurs obligations fiscales ne peut se concevoir que dans le cadre du droit commun. En cas de divergence de vues avec l’administration fiscale, le parlementaire conserve en particulier la possibilité, comme tout contribuable, de faire valoir son analyse, avec toutes les garanties attachées à la procédure fiscale.

M. Arnaud Viala. Qu’un parlementaire déclaré inéligible le soit également pour ses autres mandats va à l’encontre de ce que vous m’avez répondu pour justifier votre opposition à l’amendement précédent, par lequel je proposais d’étendre le dispositif à tous les élus qui ont à prendre des décisions en matière fiscale.

Votre sous-amendement constitue une rupture d’égalité entre les élus. Le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur le fait qu’un parlementaire, en raison des vérifications particulières dont il fait l’objet au titre de son mandat d’élu de la Nation, pourrait être privé de son mandat local, alors qu’un simple élu local, non soumis à ces vérifications, pourrait, lui, continuer à assurer le sien alors même qu’il serait en infraction.

M. Philippe Gosselin. Les sénateurs sont-ils également visés par le même « effet miroir » que vous avez invoqué tout à l’heure, madame la rapporteure ? Il me semble que l’équité le commande.

Mme la rapporteure. Oui, ils le sont.

Quant à la supposée rupture d’égalité alléguée par M. Viala, le Conseil constitutionnel se prononcera en effet puisque la loi organique lui sera automatiquement soumise.

M. Pierre-Henri Dumont. Si le sous-amendement est voté, certains candidats à une élection locale verront leur situation fiscale examinée et d’autres non. C’est une vraie rupture d’égalité.

La Commission adopte successivement le sous-amendement, puis l’amendement ainsi modifié.

Elle examine ensuite l’amendement CL117 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il serait anormal que le député déclaré inéligible pour irrégularité fiscale soit remplacé par son suppléant. Mon amendement vise à y parer.

M. Philippe Gosselin. Il s’agirait d’une forme de sanction, d’autant moins justifiable qu’une peine est, en principe, individuelle, comme la faute qu’elle sanctionne.

M. Arnaud Viala. La situation fiscale du titulaire ne concerne en rien le suppléant, et vice-versa. Nous nous engageons là sur un terrain juridique de plus en plus mouvant.

Mme Delphine Batho. Je profite de cet échange pour présenter l’amendement CL13, qui vient normalement en discussion avant l’article 3 mais qui est étroitement lié à notre débat.

L’idée initiale, qui avait déjà fait l’objet de plusieurs amendements à des textes antérieurs, est celle du quitus fiscal : il s’agit, en d’autres termes, de vérifier, au moment du dépôt de candidature – en préfecture pour les élections législatives –, que le candidat a bien payé ses impôts. Ce qui nous est proposé aujourd’hui, c’est une vérification a posteriori, susceptible d’entraîner l’inéligibilité de députés qui viendraient d’être élus, provoquant autant d’élections législatives partielles. Je ne suis pas sûre que le Gouvernement et la majorité aient bien mesuré la portée de cette disposition, notamment en cas de majorité fragile, voire relative, à l’Assemblée nationale...

Je ne dis pas cela pour défendre le remplacement automatique du député fautif par son suppléant – je trouve au contraire le non-remplacement plutôt logique – mais pour souligner qu’un autre mécanisme, tel que celui que nous proposons, est à la fois possible et plus simple – même s’il exige de l’administration fiscale, c’est vrai, la délivrance d’un nombre élevé d’attestations.

La Commission adopte l’amendement CL117.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL11 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Je retire cet amendement, étant donné notre décision, dans le projet de loi ordinaire, relative au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

L’amendement est retiré.

Article 2 bis A (nouveau)
(art. L.O. 135-2 du code électoral)
Suppression d’une double incrimination pour la divulgation illégale de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 bis A résulte d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des Lois à l’Assemblée nationale avec avis favorable de la rapporteure. Il apporte une correction à une malfaçon législative résultant de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Depuis la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, l’infraction de publication ou divulgation illégale d’une déclaration, information ou observation transmise à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fait l’objet d’une double incrimination. Les mêmes faits peuvent être réprimés :

–  de l’amende de 45 000 euros prévue par l’article L.O. 135-2 du code électoral pour les parlementaires et par le II de l’article 12 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 pour les autres personnes assujetties à l’obligation de déclaration ;

–  d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende sur le fondement de l’article 26 de la même loi du 11 octobre 2013, qui renvoie à l’article 226‑1 du code pénal.

L’amendement présenté par le Gouvernement, qui a reçu l’avis favorable de la rapporteure, a pour objet d’abroger les dispositions de l’article L.O 135‑2 du code électoral au profit des seules dispositions de l’article 26 de la loi du 11 octobre 2013, pour mettre fin à cette double incrimination.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL107 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Il s’agit, comme nous l’avons fait ce matin dans le projet de loi ordinaire, de corriger une malfaçon législative : l’édiction d’une double incrimination, avec des peines différentes, pour une même infraction, à savoir la divulgation des déclarations transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le Gouvernement propose, et je l’en approuve, de supprimer la peine d’amende, très élevée, et de conserver la peine d’emprisonnement.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 2 bis A est ainsi rédigé.

Après l’article 2 bis A

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL73 de M. Arnaud Viala.

Article 2 bis
(art. L.O. 132 du code électoral)
Inéligibilité des titulaires de fonctions de direction dans des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales

Résumé du dispositif et effets principaux

 

L’article 2 bis fait de l’exercice par un parlementaire de fonctions de direction dans des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales un motif d’inéligibilité, alors qu’il constitue aujourd’hui un simple cas d’incompatibilité.

Dernières modifications législatives intervenues

 

La loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et sénateurs a allongé de six mois à un an la durée durant laquelle l’exercice antérieur de certaines fonctions dans une circonscription électorale emporte l’inéligibilité, et complété la liste des fonctions concernées afin d’y ajouter les postes de direction des services d’une collectivité territoriale.

Modifications apportées au Sénat

 

L’article 2 bis a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de M. Jacques Bigot.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

À l’initiative de M. Erwan Balanant, la commission des Lois a supprimé le dispositif proposé par le Sénat. 

 

I.   L’État du droit

Pour se présenter aux élections législatives et sénatoriales, un candidat ne doit pas être dans un cas d’inéligibilité ou d’incapacité prévu par la loi. À la différence des incompatibilités qui se bornent à interdire à un parlementaire élu d’exercer certaines activités, les inéligibilités constituent un obstacle à la validité de l’élection.

A.   Les inéligibilités tenant à la personne

Ne peuvent être élues député ou sénateur les personnes :

– déclarées inéligibles, conformément à l’article L.O. 128 du code électoral, soit par le juge administratif (articles L. 118-3 et L. 118-4), soit par le Conseil constitutionnel (articles L.O. 136-1 à L.O. 136-3) ;

– placées sous tutelle ou curatelle (article L.O. 129) ;

– qui ne justifient pas avoir satisfait aux obligations imposées par le code du service national (article L.O. 131).

B.   Les inéligibilités tenant aux fonctions exercées

Comme les incompatibilités, ces inéligibilités manifestent le souci du législateur organique de dégager le parlementaire de tout lien de dépendance vis-à-vis des pouvoirs publics ou des intérêts privés. Le code électoral, profondément remanié sur ce point par l’article 1er de la loi organique du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et sénateurs ([189]), fixe la liste des fonctions concernées ([190]).

S’agissant des fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, l’inéligibilité est circonscrite à un ressort territorial précis, sauf pour le Défenseur des droits et ses adjoints ainsi que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui sont inéligibles dans toutes les circonscriptions pendant la durée de leurs fonctions (article L.O. 130).

Les préfets ne peuvent être élus dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans à la date du scrutin (I de l’article L.O. 132).

Dans les autres cas liés à l’exercice de fonctions territoriales qui sont énumérés à l’article L.O. 132 du code électoral, la durée de l’inéligibilité est limitée à un an. En particulier, ne peuvent être élus dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d’un an à la date du scrutin :

« 20° les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints, directeurs, directeurs adjoints et chefs de service du conseil régional, de la collectivité territoriale de Corse, du conseil général, des communes de plus de 20 000 habitants, des communautés de communes de plus de 20 000 habitants, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles ;

« 21° directeurs généraux, directeurs généraux adjoints et directeurs des établissements publics dont l’organe délibérant est composé majoritairement de représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités mentionnés au 20° ;

« 22° les membres du cabinet du président du conseil régional, du président de l’Assemblée de Corse, du président du conseil exécutif de Corse, du président du conseil général, des maires des communes de plus de 20 000 habitants, des présidents des communautés de communes de plus de 20 000 habitants, des présidents des communautés d’agglomération, des présidents des communautés urbaines et des présidents des métropoles. »

La jurisprudence considère que cette liste est limitative et que les articles du code électoral doivent être strictement interprétés.

II.   Le dispositif introduit par le sénat

Adopté par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative du sénateur Jacques Bigot, l’article 2 bis ajoute à la liste des inéligibilités du II de l’article L.O. 132 « les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints et directeurs des sociétés publiques locales et des sociétés d’économie mixte » locales « dont l’organe délibérant est composé majoritairement de représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités mentionnés au 20° ». Cette inéligibilité serait donc limitée à un an.

Au plan formel, les sociétés publiques locales (SPL), comme les sociétés d’économie mixte locales (SEML), dont les statuts sont respectivement fixés aux articles L. 1531-1 et L. 1521-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales, revêtent la forme juridique d’une société anonyme. Leur organisation et leur fonctionnement doivent être conformes au droit commun des sociétés tel que défini dans le code du commerce ; en particulier, les actionnaires se réunissent en assemblée générale et il n’y a pas d’« organe délibérant ». Par ailleurs, le capital de ces sociétés est intégralement (cas des SPL) ou majoritairement (cas des SEML) détenu par des collectivités territoriales. La référence à la composition majoritaire de représentants de collectivités territoriales paraît donc superfétatoire, voire comporterait un risque d’a contrario.

Plus fondamentalement, aucune fonction sociale ne constitue aujourd’hui un cas d’inéligibilité ; pour prévenir ce type de conflit d’intérêt, le législateur organique privilégie le mécanisme de l’incompatibilité. Ainsi, l’article L.O. 147-1, introduit en 2014 ([191]), prévoit déjà une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’exercice de fonctions de président ou vice-président du conseil d’administration d’un établissement public local (EPL), d’une société d’économie mixte (SEM), d’une société publique locale (SPL) ou d’une société publique locale d’aménagement (SPLA).

III.   La suppression de ce dispositif par la commission des Lois

Jugeant que l’introduction d’une inéligibilité visant les titulaires de fonctions de direction dans les SEM et les SPL porterait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de choix des électeurs, la commission des Lois a suivi l’avis de la Rapporteure et adopté un amendement de suppression déposé par M. Erwan Balanant.

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*     *

La Commission examine l’amendement CL98 de M. Erwan Balanant.

M. Philippe Latombe. Nous souhaitons supprimer cet article, ajouté par le Sénat et visant à ajouter, aux cas d’inéligibilité énumérés à l’article L.O. 132 du code électoral, une inéligibilité liée à la fonction de directeur général ou de directeur général adjoint de société publique locale (SPL) ou de société d’économie mixte (SEM) dont les actionnaires majoritaires sont des collectivités territoriales. Le législateur ne saurait en effet priver un citoyen du droit d’accéder « à toutes dignités, places et emplois publics », dont il jouit en vertu de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que dans le but impérieux de préserver le libre-arbitre de l’électeur. Les motifs d’inéligibilité prévus à l’article L.O. 132 visent en effet des fonctions auxquelles est attaché un pouvoir d’autorité publique ou juridictionnelle de nature à pouvoir influencer l’électeur, ce qui n’est pas le cas d’un directeur de SEM ou de SPL.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Après l’article 2 bis

La Commission examine l’amendement CL62 de Mme Paula Forteza.

Mme Paula Forteza. Nous proposons, par cet amendement, de limiter le nombre de mandats successifs à un maximum de trois, afin de donner corps à l’idée de renouvellement que porte notre groupe. Mme la garde des Sceaux nous ayant toutefois expliqué hier que ce sujet serait traité dans le cadre de la révision constitutionnelle, nous allons le retirer.

Mme Sandrine Mörch. Je tiens à souligner combien cette mesure est attendue par nos concitoyens, et combien il importe donc que nous confirmions notre intention de tenir rapidement cet engagement de campagne du Président de la République et de la majorité. C’est un gage de dynamisme démocratique et de renouvellement des acteurs de la vie politique, qui permettra au Parlement de mieux refléter la diversité sociale de la population et favorisera l’engagement de nos citoyens en leur permettant un accès plus facile aux mandats publics.

M. Ugo Bernalicis. Je suis déçu que l’amendement soit retiré, car je l’aurais voté, et aurais même proposé d’aller plus loin, en fixant la limite à deux mandats consécutifs. Nous en reparlerons en séance, car je ne vois pas la nécessité d’attendre.

M. Philippe Gosselin. Il est sage de retirer l’amendement, car il est manifestement inconstitutionnel, en l’état actuel des textes. Toute atteinte à la liberté du citoyen de se présenter à une élection et à celle de choisir ses représentants nécessite en effet une disposition constitutionnelle.

M. Dominique Potier. Je soutiens l’idée d’une limitation des mandats et vous invite même à vous interroger, mes chers collègues, quand le moment sera venu, sur une possible rétroactivité. Comprendrait-on que quelqu’un qui a déjà huit mandats à son actif, par exemple, puisse en faire encore trois ?

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL13 de Mme Delphine Batho.

Chapitre II
Dispositions relatives aux incompatibilités

 

  Article 3
(art. L.O. 135-1 du code électoral)
Champ de la déclaration d’intérêts et d’activités des parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

 

L’article 3 complète les éléments d’information devant figurer dans la déclaration d’intérêts et d’activités remise par les députés et les sénateurs, afin de garantir le respect de l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et le contrôle d’une société de conseil créée par l’article 6 du projet.

Dernières modifications législatives intervenues

 

La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a fusionné la déclaration d’activités professionnelles et d’intérêt général avec la déclaration d’intérêts, et fixé les modalités de dépôt de la nouvelle déclaration.

Modifications apportées au Sénat

 

Les sénateurs n’ont adopté que des modifications rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

I.   L’État du droit

Le I de l’article L.O. 135-1 du code électoral prévoit que le parlementaire nouvellement élu adresse au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ainsi qu’au Bureau de l’assemblée concernée une déclaration d’intérêts et d’activités « faisant apparaître les intérêts détenus à la date de son élection et dans les cinq années précédant cette date, ainsi que la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’il envisage de conserver ».

Créée par l’article 1er de la loi organique du 11 octobre 2013 ([192]), cette déclaration est le produit de la fusion de deux documents préexistants :

– la déclaration d’activités professionnelles et d’intérêt général, prévue à l’origine pour permettre le contrôle du respect des incompatibilités applicables aux membres du Parlement. Cette déclaration, dont le régime a, depuis, été précisé et renforcé, a été créée par une loi organique de 1972 ([193]), adoptée peu de temps après l’affaire dite de la « Garantie foncière ». Avant la réforme de 2013, le premier alinéa de l’article L.O. 151‑2 du code électoral disposait ainsi que, dans le mois suivant son entrée en fonction, « tout député dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale une déclaration certifiée sur l’honneur exacte et sincère comportant la liste des activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, qu’il envisage de conserver ou attestant qu’il n’en exerce aucune » ;

– la déclaration d’intérêts, apparue plus récemment, en dehors de tout fondement législatif. À l’Assemblée nationale, le principe de l’établissement d’une déclaration d’intérêts a été posé à l’article 4 de la décision du Bureau du 6 avril 2011 relative au respect du code déontologie des députés ([194]). Au Sénat, la mise en place de déclarations d’intérêts a été décidée par le Bureau le 14 décembre 2011 ([195]).

Les éléments devant être mentionnés dans la nouvelle déclaration sont énumérés par le III de l’article L.O. 135-1 ([196]). Il s’agit des :

– activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l’élection ;

– activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées au cours des cinq dernières années ;

– activités de consultant exercées à la date de l’élection et au cours des cinq dernières années ;

– participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société à la date de l’élection ou lors des cinq dernières années ;

– participations financières directes dans le capital d’une société à la date de l’élection ;

– activités professionnelles exercées à la date de l’élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;

– fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ;

– autres fonctions et mandats électifs exercés à la date de l’élection ;

– noms des collaborateurs parlementaires ainsi que les autres activités professionnelles déclarées par eux ;

– activités professionnelles ou d’intérêt général, même non rémunérées, que le parlementaire envisage de conserver durant l’exercice de son mandat.

II.   Le droit proposÉ

L’article 3 complète les informations qui figurent dans la déclaration d’intérêts et d’activités que les parlementaires doivent remettre à la HATVP et au Bureau de l’assemblée concernée, pour y ajouter les « participations directes ou indirectes conférant le contrôle dans des sociétés dont l’activité consiste principalement dans la fourniture d’activités de conseil ».

C’est, en effet, au Bureau de chaque assemblée qu’il revient de prendre les mesures appropriées en cas de méconnaissance par un parlementaire des règles de fond relatives aux incompatibilités professionnelles et aux conflits d’intérêts. Il convient donc de compléter la liste des activités soumises à déclaration pour permettre le contrôle effectif de la nouvelle incompatibilité créée par l’article 6 du présent projet de loi organique, qui interdit d’acquérir ou de conserver le contrôle d’une société de conseil.

Au Sénat, cet article 3 n’a fait l’objet que de modifications d’ordre rédactionnel.

Il n’a pas été modifié par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL33 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Nous proposons de supprimer l’article 3, qui marque un recul par rapport à l’interdiction, pour un député, de cumuler son indemnité parlementaire avec d’autres revenus et, a fortiori, d’exercer une activité professionnelle – autre que liée aux œuvres de l’esprit – en plus de son mandat. Une telle interdiction serait particulièrement justifiée s’agissant d’activités de conseil ou de lobbying, ou de participations directes ou indirectes permettant de contrôler des sociétés dont le conseil ou le lobbying constitue l’activité principale, un tel mélange des genres étant intolérable. La simple remise à la HATVP d’une déclaration d’intérêts et d’activités est largement insuffisante.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Une interdiction générale de cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions de conseil serait sans aucun doute jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Gosselin. En effet, les interdictions générales et absolues sont généralement prohibées.

M. Ugo Bernalicis. « Il est interdit d’interdire »…

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

La Commission est saisie de l’amendement CL34 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à définir des conditions de probité strictes, non seulement pour les candidats aux élections, mais aussi pour les ministres et secrétaires d’État, pour les membres de leurs cabinets, et pour les membres du CESE. Nous considérons que, pour prétendre à la dignité de telles fonctions, ces personnes doivent être vierges de tout crime ou délit.

Mme la rapporteure. Nous avons déjà largement débattu du casier judiciaire. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. J’appelle votre attention particulière sur le 27° de la liste des condamnations visées par notre amendement, qui concerne les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, prévus aux articles 521-1 et 521-2 du code pénal. Je précise incidemment que c’est vous, madame la rapporteure, qui m’avez donné cette idée... L’adoption d’une telle disposition constituerait un signal intéressant ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL37 de M. Ugo Bernalicis.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à limiter à deux le nombre d’élections successives possibles à un même mandat. J’ai bien entendu l’argument selon lequel une telle mesure relèverait de la loi constitutionnelle, mais je pense, pour ma part, qu’une loi organique suffit. Des propositions de loi organique allant dans le même sens ont d’ailleurs déjà été déposées au Sénat – même si elles n’ont pas encore été examinées. Je ne vois donc pas pourquoi nous ne pourrions pas profiter de la présente discussion pour limiter le cumul dans le temps. Si d’aventure c’était contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel nous le dirait, et il serait toujours temps, à l’automne, de revoter cette disposition à la faveur de la révision constitutionnelle.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL36 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à mettre fin au cumul des mandats, aussi bien dans l’espace que dans le temps. Notre pays compte suffisamment de citoyennes et de citoyens pour que les mandats soient répartis entre un plus grand nombre d’entre eux et pour que chacun puisse s’investir dans la vie publique. C’est ainsi que l’ensemble de notre société sera sensibilisée aux notions d’intérêt général, de vivre-ensemble et de participation à la vie collective.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle se penche ensuite sur l’amendement CL38 de M. Ugo Bernalicis.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement tend à interdire aux parlementaires de cumuler leur indemnité avec d’autres revenus, et donc d’exercer, en sus de leur mandat, une activité professionnelle, hormis celles liées aux œuvres de l’esprit. Il s’agit, en d’autres termes, d’obliger les parlementaires à se consacrer entièrement à leur mandat. En toute honnêteté, je ne vois pas, même si cela ne fait qu’un mois que nous sommes élus, comment un député pourrait exercer sérieusement son mandat, tant ici qu’en circonscription, tout en effectuant une autre tâche par ailleurs. L’adoption de cet amendement de bon sens serait de nature, pour le coup, à redonner à nos concitoyens confiance en l’action publique.

Mme la rapporteure. Je vous rejoins sur un point : depuis que nous avons été élus, je ne vois pas comment, à titre personnel, je pourrais cumuler les fonctions que j’exerce actuellement avec une activité privée – mais je conçois tout à fait que d’autres puissent le faire. Edicter, comme vous le proposez, une interdiction générale et absolue excéderait manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur comme l’indépendance de l’élu et pour prévenir les risques de conflit d’intérêts.

Adopter cet amendement reviendrait à changer la conception même de la fonction parlementaire, qui n’est pas un métier mais un mandat. Les députés de La République en marche sont issus de la société civile. Certains d’entre nous souhaitent continuer à exercer, à temps très partiel, leur activité professionnelle ; le lien qu’ils conserveront avec leur métier d’origine n’est pas forcément une mauvaise chose pour l’exercice même de leur mandat parlementaire.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. Philippe Gosselin. Une telle interdiction, générale et absolue, irait à l’encontre de l’objectif recherché. Si l’on veut des députés qui se renouvellent régulièrement et qui restent en phase avec la société civile, se pose inévitablement la question de leur reconversion à l’issue de leur mandat. Or, si vous demandez à un chirurgien, à un travailleur indépendant ou même à certains salariés de suspendre totalement leur activité professionnelle, ils en auront perdu la pratique au bout de quelques années.

M. Régis Juanico. Si nous avons mis fin au cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local, c’est que nous savions que la plupart des élus qui exerçaient l’un et l’autre faisaient mal leur travail de parlementaire, car ils privilégiaient naturellement leur mandat local, qui les plaçait au contact direct de leurs électeurs.

S’agissant des rémunérations, je suis favorable à ce que soit très clairement affirmé le principe d’une étanchéité forte entre l’exercice du mandat parlementaire et celui de toute activité professionnelle. J’observe au passage que les fonctionnaires, eux, ne peuvent continuer, une fois élus, à exercer leur fonction.

M. Philippe Gosselin. Certes, mais ils sont alors en disponibilité et peuvent retrouver leur poste à l’issue de leur mandat.

M. Régis Juanico. Il existe par ailleurs des dérogations au profit de certaines professions libérales – celles de médecin et d’avocat, notamment.

J’estime pour ma part que si des parlementaires exerçant une activité dans le secteur privé souhaitent continuer à se former et entretenir leurs compétences, ils peuvent très bien le faire sans être rémunérés, de façon gracieuse ou en suivant des formations continues. Le principe de la double rémunération, en revanche, me paraît choquant parce qu’il introduit une inégalité et qu’il favorise les conflits d’intérêt.

M. Pierre-Henri Dumont. Ce débat soulève deux questions. La première est celle du statut de l’élu, la seconde est celle de l’inégalité entre privé et public. Quand on travaille dans le secteur public, il est beaucoup plus simple de retrouver son travail après avoir achevé ou perdu son mandat. Dans le privé, il faut en revanche démissionner pour exercer celui-ci. On risquerait donc, en adoptant l’amendement, d’introduire une discrimination entre élus.

Mme Caroline Abadie. Il me semble que l’on confond des choses qui n’ont rien à voir. Le problème est-il que l’élu passe du temps à autre chose que son mandat ? C’est le cas, entre autres, de tous ceux – et celles – qui ont des enfants ! Le temps n’est donc pas le problème – et certains élus sont peut-être mieux organisés que d’autres. Si, par contre, c’est une question de salaire, que fait-on des personnes qui ont créé des entreprises, qui gagnent leur vie grâce à elles et qui y ont investi leur temps, leur argent et leur énergie ? Si elles devaient tout abandonner pour avoir le droit d’exercer un mandat parlementaire, cela risquerait de favoriser les professionnels de la politique.

M. Philippe Gosselin. C’est pourquoi je disais à l’instant que cet amendement va à l’encontre du but recherché.

M. Thomas Rudigoz. La volonté de ne pas réserver l’exclusivité aux professionnels de la politique est ce qui a animé notre mouvement politique. M. Juanico a cité le régime qui s’applique à la fonction publique, mais c’est justement le reproche souvent fait aux élus qui en sont issus par ceux qui viennent du secteur privé ! Tant que nous n’aurons pas instauré un vrai statut de l’élu, qui permette aux personnes issues du privé de retrouver leur emploi, il sera difficile d’édicter des interdictions telles que celle qui est proposée.

Je relève au passage une double contradiction dans le discours que tiennent nos collègues du groupe La France insoumise et M. Juanico. Si l’on allait jusqu’au bout de leur logique, il faudrait interdire tout cumul d’activités, y compris artistiques, cinématographiques ou autres… D’autre part, la loi votée sous l’ancienne législature n’interdit pas le cumul d’un mandat parlementaire avec un simple mandat local non exécutif ; cela me paraît raisonnable, mais si vous souhaitez interdire tout cumul dans le temps et dans l’espace, allez jusqu’au bout en interdisant aux parlementaires d’exercer le moindre mandat local !

M. Dominique Potier. J’adresserai tout d’abord une remarque aimable à la rapporteure. Madame, vous dites parfois vous exprimer au nom des députés du groupe La République en marche. Pour ma part, je n’ai jamais entendu, sous la législature précédente, le moindre rapporteur, de quelque sensibilité qu’il fût, faire une telle allusion. Il existe une séparation très claire entre l’animateur d’un groupe sur tel ou tel texte, et le rapporteur, qui est au service de l’intérêt général, du débat et du texte qu’il rapporte. Je me permets de vous le dire car cela vous est arrivé deux ou trois fois et ce n’est pas innocent sur le plan symbolique.

J’en viens au fond de vos propos. Vous dites que vous, députés du groupe La République en marche, venez de la société civile. Ayant été paysan pendant vingt-cinq ans, je n’ai aucune leçon à recevoir à cet égard. En réalité, si la majorité précédente était globalement composée d’une élite publique, celle d’aujourd’hui est plutôt constituée d’une élite privée, et aucune des deux n’est supérieure à l’autre. Il s’agit dans les deux cas d’élites. Le vrai problème réside dans la rupture sociologique entre nous, parlementaires, et les milieux populaires. Je fais partie des députés qui viennent de ces milieux, qui ont gravi les échelons grâce à l’éducation populaire et à la bienveillance d’une famille modeste – et nous sommes nombreux dans ce cas. Bref, encore une fois, personne n’a de leçons à donner sur l’origine professionnelle – publique ou privée – des parlementaires. La réalité est que nous ne représentons pas la France populaire : ce drame nous impose l’humilité. La solution à ce problème ne relève pas de cette loi, mais d’une politique d’égalité des chances, d’éducation populaire et d’éducation civique.

Je proposerai quant à moi, après l’article 4, l’amendement CL4 qui m’a été inspiré par mon propre parcours : je n’ai pas attendu 2017 puisque, dès 2012, je me suis appliqué la règle du non-cumul entre mon mandat parlementaire et tout mandat local.

J’ai fait preuve, en outre, d’une certaine sobriété financière dans l’exercice de mon mandat et j’affirme aujourd’hui, avec l’autorité de l’expérience, que lorsqu’on est député, on travaille à 100 % pour la République. Il n’y a aucun conflit, ni d’agenda ni d’intérêts, qui tienne. J’estime que l’on doit pouvoir continuer à exercer son métier lorsque que c’est une passion. Il m’arrive d’aller donner un coup de main à la ferme coopérative dont je viens, mais je le fais à titre gratuit. On peut tout aussi bien continuer à opérer comme chirurgien sans avoir besoin d’une rémunération. Nous gagnons trois fois le revenu médian des Français ; c’est bien assez ! Si nous voulons vraiment représenter les Français, il nous faut renoncer à tout appât du gain, considérer que la République nous a très bien dotés, et ne jamais avoir à dire à nos concitoyens que nous n’avons pas le temps d’assumer tel ou tel aspect de notre mandat parce que nous exerçons parallèlement une activité professionnelle !

Comme vous le savez, on a doté les parlementaires d’un certain nombre, sinon de privilèges, du moins d’avantages leur permettant de se déplacer dans toute la France et d’exercer correctement leur mission – notamment à l’aide de collaborateurs.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est nullement un privilège : cela fait partie des moyens permettant aux parlementaires d’exercer leur mandat !

M. Dominique Potier. C’est un privilège au sens littéral, mais je préfère ne pas jouer sur les mots et je vous accorde qu’il s’agit de moyens alloués aux élus de la Nation. À l’époque, on a jugé nécessaire d’attribuer à ces derniers un certain niveau de rémunération pour éviter la corruption. Mais l’expérience a montré que, loin de l’éviter, il pouvait aussi la susciter… Je propose pour ma part une autre philosophie, en vertu de laquelle une certaine ascèse – une rémunération limitée à trois fois le revenu médian – nous protège mieux de la corruption. L’œuvre est autre chose que la rémunération : c’est elle qui compte d’abord.

Mme Delphine Batho. Je formulerai deux remarques. Premièrement, les députés sont aujourd’hui dans une situation inégalitaire, puisque les uns prennent un risque sur le plan professionnel, et les autres non. D’autre part, lorsque certains d’entre nous affirment que le cumul du mandat parlementaire avec une activité professionnelle permet de garder le contact avec la vie réelle, j’ai l’impression d’entendre mot pour mot l’argument qui avait été opposé il y a dix ans à la poignée de députés – dont j’étais – qui se battaient contre le cumul des mandats.

Il faut aujourd’hui aller au bout de la logique du non-cumul, et c’est pourquoi il eût été préférable de commencer par la révision constitutionnelle. On en revient toujours, en effet, à la question de savoir quelle est notre conception du député du XXIe siècle. Pour moi, ce dernier est un citoyen qui, à un moment de sa vie, se consacre exclusivement à son travail de parlementaire, à l’abri de toute influence financière qui proviendrait de quelque activité rémunérée que ce soit.

Mme Danièle Obono. Je souhaite répondre, puisque nous avons été interpellés quant à la cohérence globale de nos amendements. Nos propositions visent toutes, vous l’aurez remarqué, à instaurer une logique de non-cumul dans le temps et dans l’espace. L’objectif est d’éviter que les élus conservent leurs mandats pendant quarante ans et, en conséquence, perdent tout contact avec le monde professionnel.

Je suis par ailleurs tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit concernant le statut de l’élu : si le mandat parlementaire n’est pas un métier, il constitue une responsabilité particulière, et il convient de ménager des transitions entre ce mandat et le retour à la vie professionnelle.

Il y a, c’est vrai, une forme d’inégalité entre ceux qui viennent du public et ceux qui sont issus du privé, mais l’appartenance à la fonction publique ne dispense pas de se former ni d’entretenir ses savoir-faire, et les fonctionnaires qui réintègrent les cadres au terme de leur mandat ne choisissent pas leur poste, ne reprennent pas purement et simplement leurs fonctions antérieures. C’est pourquoi il serait nécessaire de ménager des transitions.

Enfin, je m’associe à ce qui a été dit concernant la représentativité. Nous avons justement déposé un amendement, qui a pu faire sourire car sa forme était, je le reconnais, sans doute imparfaite, et qui visait à résoudre le problème soulevé par notre collègue Potier en facilitant la représentation de certaines catégories socioprofessionnelles au sein du Parlement. Nous représentons actuellement, moi y compris, une forme d’élite, qu’elle soit issue du secteur public ou du secteur privé. Si nous voulons faire évoluer la teneur de nos débats et la manière dont nous appréhendons la réalité du pays, il faut que les personnes concernées au premier chef par les lois que nous votons soient aussi aux premières loges de notre assemblée.

M. Philippe Gosselin. Il est très bon que nos collègues du groupe de la France insoumise défendent, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises, les œuvres de l’esprit, mais les œuvres des mains ne sont pas moins nobles que les premières. Je n’apprécie guère ce distinguo qui me paraît condescendant.

La Commission rejette l’amendement CL38.

  Articles 4 à 6,6 bis (nouveau), et 7 à 8
(art. L.O. 146, L.O. 146-1, L.O. 146-2 [nouveau], L.O. 151-1 et L.O. 151-2 du code électoral) 
Incompatibilité du mandat parlementaire avec certaines activités de conseil

Résumé du dispositif et effets principaux

 

Les articles 4 à 8 modifient le régime des incompatibilités destinées, d’une part, à assurer l’indépendance des députés et des sénateurs vis-à-vis de l’exécutif et, d’autre part, à les protéger contre d’éventuelles tentations d’abus de mandat :

– l’article 4 complète la liste des entreprises et entités dans lesquelles un parlementaire ne peut exercer des fonctions de direction, ni détenir un mandat à la tête des organes de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance ;

– l’article 5 restreint la possibilité pour un parlementaire d’exercer une activité de conseil à titre individuel ;

– l’article 6 prévoit l’interdiction, dans certains cas, d’acquérir ou de conserver le contrôle d’une société de conseil ;

– l’article 7 laisse au parlementaire qui se trouve dans cette situation au jour de son élection un délai de trois mois pour se mettre en conformité ;

– l’article 8 donne compétence au Bureau de l’assemblée concernée pour vérifier le respect des règles d’incompatibilité définies à l’article 3.

Dernières modifications législatives intervenues

 

La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a ajouté plusieurs cas nouveaux d’incompatibilité du mandat parlementaire avec des activités privées.

Modifications apportées au Sénat

 

L’article 7 a été précisé par la commission des Lois du Sénat pour laisser un délai de trois mois, afin de régulariser sa situation, au parlementaire concerné par l’interdiction de continuer à exercer le contrôle d’une telle structure.

Les autres articles ont fait l’objet de modifications rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

À l’initiative de la rapporteure, la commission des Lois a inséré dans le projet de loi un nouvel article 6 bis créant une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’activité de représentant d’intérêts pour le compte de l’une des entités énumérées à l’article L.O. 146 du code électoral. 

I.   L’État du droit

L’article 25 de la Constitution réserve à la loi organique le pouvoir de  déterminer, notamment, les activités et fonctions incompatibles avec le mandat parlementaire ainsi que l’autorité chargée de contrôler ces prescriptions.

Rassemblées au sein du chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral ([197]), ces incompatibilités sont le reflet d’une sédimentation progressive de règles communes à l’ensemble des parlementaires ([198]). Édictées d’abord dans le domaine des fonctions publiques, électives ou non, elles ont été par la suite étendues à certaines responsabilités exercées dans le secteur privé.

Cette protection contre les conflits d’intérêts est d’autant plus efficace que la sanction est lourde : tout député ou sénateur n’ayant pas renoncé aux fonctions incompatibles avec son mandat dans un délai de trente jours est déclaré démissionnaire d’office par le Conseil constitutionnel ([199]).

A.   la compatibilité entre le mandat parlementaire et les activités privées

À la différence des fonctions publiques non électives ([200]), le principe est ici celui de la compatibilité, tandis que l’incompatibilité demeure exceptionnelle. Cependant, l’évolution du rôle de l’État et le poids de certains intérêts dans la vie collective ont conduit le législateur à interdire aux parlementaires l’exercice de fonctions déterminées dans des catégories d’entreprises limitativement énumérées.

B.   Des incompatibilités protectrices

1.   La prohibition du cumul avec des fonctions de direction ou d’administrateur dans des entreprises publiques

Le I de l’article L.O. 145 du code électoral interdit aux parlementaires, pour la durée de leur mandat, d’exercer certaines fonctions, limitativement énumérées, « dans des entreprises nationales ou des établissements publics nationaux ». Il vise à prévenir toute entorse à la séparation des pouvoirs, s’agissant d’organismes placés sous la dépendance de la puissance publique. Cependant, cette incompatibilité ne s’applique pas aux parlementaires désignés en cette qualité comme membres de conseils d’administration, en application des textes organisant ces entreprises ou établissements.

Malgré son imprécision, la typologie retenue paraît renvoyer, d’une part, aux sociétés commerciales régies par le livre II du code de commerce et dont la majorité du capital est détenu par des personnes publiques et, d’autre part, aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et à certains établissements publics administratifs (EPA) relevant de la tutelle de l’État. Il appartient, toutefois, au Conseil constitutionnel d’apprécier chaque cas d’espèce[201].

Plus floues encore sont les fonctions rendues incompatibles par ce dispositif organique : président, directeur général et directeur général adjoint, membre de conseil d’administration. L’existence d’un directeur général n’est obligatoire que dans les sociétés anonymes ayant opté pour un modèle moniste (avec un conseil d’administration et sans conseil de surveillance). Quant aux établissements publics de l’État, la diversité de leurs statuts aboutit à une variété de titres – directeurs, directeurs généraux ou principaux ; directeurs généraux adjoints ou délégués – correspondant en réalité à des fonctions équivalentes. Là encore, c’est au Conseil constitutionnel qu’il revient de donner des définitions juridiques précises à ces expressions, pour partie empruntées au droit des sociétés et à la jurisprudence commerciale, dans une matière d’interprétation stricte.

Cette première incompatibilité peut être rapprochée de l’article LO. 147-1, introduit en 2014 ([202]), qui interdit aux parlementaires l’exercice de fonctions de président ou vice-président du conseil d’administration d’un établissement public local (EPL), d’une société d’économie mixte (SEM), d’une société publique locale (SPL) ou d’une société publique locale d’aménagement (SPLA).

2.   L’incompatibilité avec des fonctions de direction ou d’administrateur dans certaines entreprises privées

a.   Un champ d’application relativement étendu

En dehors des cas particuliers des entreprises nationales et des établissements publics nationaux précédemment évoqués, l’article L.O. 146 n’interdit le cumul avec des fonctions de direction – chef d’entreprise, président de conseil d’administration, président et membre du directoire, président de conseil de surveillance, administrateur délégué, directeur général, directeur général délégué ou gérant – que lorsque celles-ci sont exercées dans des « sociétés, entreprises ou établissements » présentant l’une des particularités suivantes :

– le bénéfice d’avantages de la part de l’État ou d’une collectivité publique sous forme de garanties d’intérêts, subventions ou orme équivalente, sauf lorsque ces avantages découlent d’une législation ou d’une réglementation générale ;

– un objet « principalement » ([203]) financier (société agréée comme établissement de crédit) ou faisant appel public à l’épargne (société dont les titres sont cotés sur un marché), y compris les sociétés qui, bien que civiles, fonctionnent comme des sociétés par actions faisant appel public à l’épargne ([204]) ;

– une activité consistant dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services « destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part » ([205]) de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;

– une activité lucrative consistant en l’achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d’immeubles en vue de leur vente ;

– le fait d’être une filiale détenue, à hauteur de plus de la moitié du capital, par des sociétés, entreprises ou établissements appartenant à l’une des quatre catégories précédentes.

Le législateur organique a complété cette liste, en 2013 ([206]), afin d’interdire désormais l’exercice de fonctions de direction dans :

– les holdings et, plus généralement, les sociétés et organismes exerçant un contrôle effectif sur une société, une entreprise ou un établissement relevant de l’une des quatre premières catégories ([207]) ;

– et les sociétés d’économie mixte.

b.   Cas particuliers

Conformément à l’article L.O. 147, un parlementaire ne peut pas accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d’administration ou de surveillance dans l’un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l’article L.O. 146. A contrario, le code électoral n’interdit donc pas à un parlementaire, qui exerçait de telles fonctions antérieurement à son mandat, de les conserver.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article L.O. 146 étend l’incompatibilité à l’exercice d’une direction de fait sur les sociétés ou entités précédemment énumérées. Le Conseil constitutionnel a été conduit à préciser la notion de direction de fait comme devant s’entendre de la participation à la conduite générale de l’entreprise, active, régulière et comportant la prise de décisions ([208]).

3.   L’encadrement des activités d’avocat et de conseil

Les professions d’avocat et de conseil sont également visées par des incompatibilités qui tendent à éviter les conflits d’intérêts.

a.   Le cumul avec la profession d’avocat

Les scandales survenus sous la IIIème République sont à l’origine d’une législation interdisant aux parlementaires exerçant la profession d’avocat l’accomplissement de certains actes, soit en raison de la qualité des parties, soit en raison de la nature des affaires.

L’article L.O. 149 leur interdit de plaider directement ou indirectement (par le biais d’un associé ou d’un collaborateur) contre l’État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics, sauf devant la Haute Cour ou la Cour de justice de la République. Il leur est également défendu de plaider dans des affaires « à l’occasion desquelles des poursuites pénales sont engagées devant les juridictions répressives pour crime ou délit contre la Nation, l’État et la paix publique ou en matière de presse ou d’atteinte au crédit ou à l’épargne ».

b.   Le cumul avec une activité de conseil

Depuis 1995 ([209]), l’article L.O. 146-1 interdit à un parlementaire de débuter une activité de conseil qu’il n’exerçait pas avant le début de son mandat. Une exception est prévue pour les « professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » : même si elle concerne, également, les experts-comptables ou les notaires, elle vise d’abord la profession d’avocat, du fait des modalités particulières d’accès à la profession pour les parlementaires ([210]).

En complément, la dernière phrase du premier alinéa du I de l’article L.O. 145 leur interdit de consulter pour le compte des entreprises nationales et établissements publics nationaux, tandis que l’article L.O. 149 prohibe l’acceptation, en cours de mandat, d’une fonction de conseil au profit des entreprises ayant des relations spécifiques avec les personnes publiques, un objet financier ou une activité de promotion immobilière visée à l’article L.O. 146. Cette dernière interdiction a été étendue par la loi organique du 11 octobre 2013 précitée, qui a supprimé l’exception jusqu’alors prévue au profit des clients dont le parlementaire était habituellement le conseil avant son élection.

4.   Les autres incompatibilités professionnelles

La loi organique du 11 octobre 2013 a interdit aux parlementaires d’exercer toute fonction de membre d’une autorité administrative indépendante, sauf s’ils y ont été désignés en leur qualité de député. Elle a également rendu incompatibles les fonctions de président d’une autorité administrative indépendante. Ces nouvelles incompatibilités ont été insérées à la fin du I de l’article L.O. 145 qui traite davantage des fonctions de direction ou d’administrateur dans des entreprises publiques.

Elle a, par ailleurs, inséré, au II du même article L.O. 145, une interdiction de principe de toute rémunération, gratification ou indemnité perçue au titre d’une fonction exercée au sein d’une institution ou d’un organisme extérieur en qualité de parlementaire. Ces dernières dispositions sont modifiées par l’article 8 ter du présent projet de loi organique.

C.   contrôle et sanction des incompatibilités constatées lors de l’élection d’un parlementaire

Conformément à l’article L.O. 151-2 du code électoral, le Bureau de chaque assemblée est compétent pour examiner si les activités déclarées par un député ou un sénateur, à l’occasion du dépôt de la déclaration d’intérêts et d’activités prévue à l’article L.O. 135-1, sont compatibles avec le mandat parlementaire.

L’intervention du Bureau est préparée, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, par une délégation constituée en son sein et chargée d’instruire les dossiers. Le Bureau examine les déclarations présentées sur le rapport du président de cette délégation ; il peut demander des compléments d’information.

En cas de doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées, le Bureau – tout comme le garde des Sceaux ou le parlementaire lui-même – saisit le Conseil constitutionnel. Si ce dernier conclut à une situation d’incompatibilité, le parlementaire concerné doit régulariser sa situation dans les trente jours, sous peine d’être déclaré démissionnaire d’office de son mandat par le Conseil constitutionnel.

Depuis 1959, le Conseil constitutionnel a rendu trente décisions relatives aux incompatibilités parlementaires. Il a conclu à quatorze reprises à l’incompatibilité des activités dont il était saisi avec le mandat parlementaire.

II.   Le droit proposé

Une interdiction générale du cumul d’un mandat parlementaire avec des fonctions de conseil serait sans doute jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci avait estimé, à propos de la loi de 2013 qui poursuivait cet objectif, que le législateur avait institué « des interdictions qui, par leur portée, excèdent manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur, l’indépendance de l’élu ou prévenir les risques de confusion ou de conflits d’intérêts » ([211]).

Afin de contourner cette difficulté, le projet de loi organique combine plusieurs nouvelles interdictions particulières. Dans son avis rendu public, le Conseil d’État a estimé que ces dispositions, qui « s’appliquent à des situations dans lesquelles les risques de confusion ou de conflits d’intérêts sont avérés », n’excédaient pas ce qui est nécessaire à la prévention de tels risques.

A.   L’interdiction de débuter une activité de conseil en cours de mandat, y compris pour les professions réglementées

L’article L.O. 146-1 du code électoral interdit déjà à un parlementaire de commencer à exercer une activité de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. Sans remettre en cause cette interdiction de principe, le 1° de l’article 5 supprime l’exception jusqu’alors prévue pour les membres d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

En outre, l’article 6 insère un nouvel article L.O. 146-2 dont le premier alinéa prévoit d’interdire à un parlementaire, pendant son mandat, d’acquérir le contrôle d’une entreprise « dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseils ».

B.   L’encadrement plus strict des activités de conseil débutées antérieurement au mandat

Le 2° de l’article 5 complète l’article L.O. 146-1 pour rendre incompatible avec le mandat parlementaire la poursuite d’une activité de conseil commencée moins de douze mois avant l’élection. Il s’agit ainsi d’éviter la création d’une activité de conseil dans les mois qui précèdent l’élection du parlementaire, destinée à tourner l’interdiction de débuter une telle activité en cours de mandat. Il faut relever que, jusqu’aux modifications introduites par la loi du 25 avril 2016 ([212]) de modernisation de diverses règles applicables aux élections, cette durée correspondait à celle de la campagne électorale.

Pour encadrer les activités plus anciennes, l’article 4 allonge la liste des sociétés, entreprises ou établissements, figurant à l’article L.O. 146, dans lesquelles un parlementaire ne peut ni accepter, ni conserver des fonctions de direction ou un mandat à la tête des organes de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance. Il y ajoute les « sociétés, entreprises ou organismes dont l’activité consiste principalement à fournir des conseils » aux entreprises et entités relevant de l’une des sept catégories précédemment énumérées, tandis que le 3° de l’article 5 interdit la fourniture de conseils dans ces mêmes entreprises et entités.

À titre complémentaire, l’article 6 interdit à un parlementaire de continuer à exercer le contrôle d’une entreprise dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseils (trois derniers alinéas du nouvel article L.O. 146-2) :

– s’il a acquis ce contrôle moins de douze mois avant son élection (1°) ;

– ou si l’activité de cette entreprise consiste principalement à fournir des conseils aux entreprises mentionnées à l’article L.O. 146 (2°).

C.   L’obligation de se mettre en conformité avec ces nouvelles incompatibilités

L’article 7 modifie l’article L.O. 151-1 afin de permettre à un parlementaire qui se trouve en situation d’incompatibilité au regard du nouvel article L.O. 146-2 de se mettre en conformité. Il lui appartiendra d’abandonner le contrôle de la société de conseil en cause dans un délai de trois mois. Les conditions sont donc plus favorables que pour les autres incompatibilités, y compris celles modifiées par le présent projet de loi organique, pour lesquelles le délai reste fixé à trente jours.

Ce délai court à compter de l’entrée en fonctions, et non de l’élection, afin de ne pas interdire à une personne élue comme suppléant d’un parlementaire et appelée à remplacer ce dernier de conserver le contrôle d’une société de conseil acquis plus d’un an avant le début de son mandat, à une date à laquelle elle n’était pas encore devenue parlementaire. En cas de contestation de l’élection du député ou du sénateur, le délai de trois mois court à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel.

L’article 8 fonde la compétence du Bureau de l’assemblée concernée pour vérifier la compatibilité des participations détenues par le parlementaire, qui font l’objet d’une déclaration conformément à l’article L.O. 135-1 tel que modifié par l’article 3 du projet de loi organique, avec son mandat. Ces dispositions conditionnent la mise en œuvre effective de l’incompatibilité introduite par le nouvel article L.O. 146-2 et relative au contrôle de sociétés de conseil. Elles permettront, le cas échéant, au Conseil constitutionnel de sanctionner ces situations par la démission d’office du parlementaire.

III.   Les modifications opérées par le sÉnat

À l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement à l’article 7 du projet de loi organique afin de mieux distinguer l’interdiction d’acquérir, au cours du mandat, le contrôle d’une structure dont l’activité consiste principalement dans la fourniture de conseils, d’une part, et l’interdiction, dans certaines conditions, de continuer à exercer le contrôle d’une telle structure, d’autre part.

Dans le premier cas, l’interdiction serait d’application immédiate à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Dans le second, le parlementaire disposerait de trois mois pour régulariser sa situation.

Pour le reste, les articles 3 à 8 n’ont fait l’objet au Sénat que de modifications rédactionnelles.

IV.   Les nouvelles dispositions introduites par la commission des Lois

Au-delà des amendements rédactionnels adoptés aux articles 5 et 7 du projet de loi, votre Commission a souhaité compléter le régime des incompatibilités parlementaires.

En l’état du droit, l’article L.O. 146 ne prohibe que le cumul avec des fonctions de direction dans des entreprises ou organismes limitativement énumérés. Cette interdiction particulière est complétée et renforcée par le présent projet de loi. Toutefois, elle n’inclut pas la représentation des intérêts (c’est-à-dire le lobbying) pour le compte de ces mêmes entités, alors même que le législateur a voté dans la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin 2 ») une définition précise de cette activité et la mise en place d’un registre de déclaration.

Sur proposition de la rapporteure, votre commission des Lois a donc créé, à l’article 6 bis, une nouvelle interdiction de cumuler une activité de représentant d’intérêts avec le mandat parlementaire pour le compte de l’une des entités énumérées à l’article L.O. 146. Ce nouveau cas d’incompatibilité est introduit dans le code électoral grâce à un nouvel article L.O. 146-3.

Les articles 3, 4, 6 et 8 n’ont, en revanche, fait l’objet d’aucune modification.

 

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*     *

Article 4

La Commission examine l’amendement CL39 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous proposons, par cohérence avec nos amendements précédents, de supprimer l’article 4.

Je souhaiterais répondre à la dernière remarque de Philippe Gosselin : si nous avons visé les œuvres de l’esprit, c’était notamment pour envisager que les parlementaires puissent rendre compte de leur action en publiant des ouvrages. Nous proposerons éventuellement, en séance, des amendements plus précis et plus percutants à ce sujet.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement CL4 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Cet amendement s’inscrit dans la logique soutenue par notre ancien collègue René Dosière, qui défendait l’idée d’un plafonnement global des indemnités électives afin de dissuader les élus de cumuler plusieurs mandats.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Article 5

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL40 de Mme Danièle Obono.

Puis elle étudie l’amendement CL14 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement, qui reprend une proposition de loi dont j’ai eu l’honneur d’être l’auteure, vise à inscrire dans le présent projet de loi organique l’engagement pris par le candidat Emmanuel Macron, désormais Président de la République, d’interdire le cumul entre le mandat de député et tout exercice d’une fonction de conseil.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation totalement hypocrite, que vous nous proposez de remplacer par une nouvelle hypocrisie. Le régime actuel des incompatibilités interdit aux députés de créer une activité de conseil, mais leur permet de l’exercer si elle a été créée avant leur élection. C’est ainsi qu’un de nos anciens collègues a pu créer un cabinet de conseil quatre jours avant d’accéder à son mandat ! Il nous est proposé, à cet article, d’imposer un délai d’un an avant l’élection – un an au lieu de quatre jours… Or, à notre sens, c’est le cumul même de la fonction de conseil avec l’exercice d’un mandat parlementaire qui permet d’organiser la corruption, en rémunérant un député pour l’influence qu’il exercera sur les travaux parlementaires. C’est pourquoi nous voulons poser le principe d’une interdiction stricte.

L’argument de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que l’on ne manquera pas de nous opposer, me semble irrecevable pour deux raisons. D’abord parce que la rédaction proposée n’est pas exactement la même que celle qui avait été censurée en 2013 par le Conseil. Ensuite parce que nous allons débattre, cet automne, d’une révision constitutionnelle : ce qui valait pour les dispositions relatives au casier judiciaire que nous avons votées ce matin au cours de la discussion du projet de loi ordinaire vaut aussi pour le présent amendement.

Politiquement et moralement, la mesure que nous proposons devrait être au cœur de ce projet de loi organique.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable, car il s’agit d’une interdiction générale et absolue, qui a été, comme vous l’avez rappelé, censurée par le Conseil constitutionnel. Le dispositif figurant à cet article nous paraît raisonnable en ce qu’il n’interdit pas de façon générale le cumul avec une activité de conseil, mais prévoit un délai d’un an garantissant que l’activité de conseil a effectivement commencé bien avant le début du mandat, voire avant que l’intéressé ait même envisagé de se présenter à l’élection.

Mme Delphine Batho. Je répondrai par une remarque plus politique. L’actuelle majorité, durant toute la campagne présidentielle et législative, a fait de l’interdiction du cumul de la fonction de conseil avec le mandat de député la pierre angulaire de son discours sur la moralisation de la vie publique. Et vous nous dites maintenant qu’il faut être « raisonnable » : cela veut-il dire qu’il faudrait accepter une petite dose de corruption ? Il faut savoir que 71 des candidats de La République en marche aux élections législatives exerçaient une fonction de conseil ! Votre position n’est pas acceptable.

Quant à l’argument de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce n’est pas, encore une fois, un obstacle insurmontable. L’amendement qu’a présenté Dominique Potier tout à l’heure est une bonne solution.

Mme la rapporteure. Vous laissez entendre que, si quelqu’un exerce une activité de conseil, il est par là-même quelque peu corrompu. J’espère que vos mots ont dépassé votre pensée ?

Mme Delphine Batho. Non seulement ils n’ont pas dépassé ma pensée, mais je persiste et signe : quand un parlementaire est rémunéré 200 000 euros par Axa, je regrette de le dire, mais cela s’appelle de la corruption.

La Commission rejette l’amendement CL14.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL118 de la rapporteure.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CL75 de M. Arnaud Viala. 

Elle adopte enfin l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement CL5 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit d’élargir la liste des incompatibilités pour prévenir les conflits d’intérêts. Cet amendement m’a été suggéré par l’organisation non gouvernementale (ONG) Transparency International France : il me paraît utile, dans un souci de transparence précisément, de le signaler. La disposition proposée consiste notamment à interdire aux députés toute activité de représentation d’intérêts.

Mme la rapporteure. Votre amendement rejoint mon amendement CL119 après l’article 6, qui est rédigé un peu différemment. Je vous propose donc de le retirer à son profit.

L’amendement est retiré.

Article 6

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement l’amendement CL41 de Mme Danièle Obono et l’amendement CL76 de M. Arnaud Viala.

Elle adopte l’article 6 sans modification.

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement CL61 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement CL5 après l’article 5, qui interdisait toute activité rémunérée en dehors du mandat parlementaire. Nous proposons de plafonner les revenus tirés des activités annexes, comme cela se fait, par exemple, aux États-Unis. La limite envisagée est de 50 % de l’indemnité parlementaire, mais nous sommes naturellement prêts à en discuter.

Cet amendement a pour but de prévenir les conflits d’intérêts et d’identifier le mandat parlementaire comme activité principale du député, auquel celui-ci doit consacrer l’essentiel de son temps. L’activité professionnelle ne peut être qu’annexe ou subsidiaire. Elle est envisagée comme un terrain de repli dans la perspective de la fin du mandat.

Mme la rapporteure. J’avais réfléchi à un dispositif plus complet qui reprenne votre idée, mais ma réflexion n’a pu parvenir à maturité. Pour cette raison, je vous propose que nous ayons ce débat en séance et que nous menions une étude plus approfondie sur les modalités et les plafonds à retenir.

La Commission rejette l’amendement.

Article 6 bis (nouveau)

La Commission adopte l’amendement CL119 de la rapporteure. L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Après l’article 6 bis

La Commission est saisie de l’amendement CL8 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Cet amendement reprend l’une des dispositions de la proposition de loi organique déposée par notre ancien collègue René Dosière le 22 mai 2007. Il tend à limiter le cumul des rémunérations perçues par des personnes titulaires de plusieurs mandats au montant de leur indemnité de base, au lieu d’une fois et demie comme actuellement. Cette même règle vaudrait pour les élus qui siègent au conseil d’administration d’un établissement public local, du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une société d’économie mixte (SEM) locale.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Je fais appel à votre discernement, mes chers collègues. Pourquoi rejeter cet amendement sans même argumenter, alors qu’il est frappé au coin du bon sens ? Il pose simplement le principe selon lequel la rémunération globale mensuelle qu’un élu touche au titre de ses différents mandats est plafonnée à 5 000 euros environ au lieu de 8 000 euros actuellement.

Il serait tout à l’honneur de notre commission d’adopter cette mesure simple, très appréciée, élaborée par ce très fin connaisseur de la vie publique qu’est René Dosière.

C’est la première fois que je vois, sur un projet de loi censé être consensuel, aussi peu d’amendements de l’opposition acceptés, alors même que nous nous efforçons d’être bienveillants et constructifs.

Mme Cécile Untermaier. Je constate que le groupe La République en marche s’accroche à des dispositifs anciens auxquels nous essayons depuis longtemps de mettre un terme. Nous nous battons pour le non-cumul des mandats et leur limitation dans le temps, et lorsque nous vous proposons de mettre un terme à des cumuls d’indemnités, vous vous y refusez. Les citoyens jugeront.

M. Philippe Latombe. Le groupe du MODEM est favorable à cet amendement, frappé du sceau du bon sens. Cette proposition, inspirée des travaux de René Dosière, est totalement transpartisane.

M. Thomas Rudigoz. Je ne vais pas polémiquer à cette heure, mais j’estime que les propos de nos collègues socialistes sont un peu excessifs, d’autant qu’ils ont été aux affaires pendant cinq ans et qu’à aucun moment ils n’ont été capables de faire voter de telles dispositions. Il y a eu pendant des années et des années, mes chers collègues, au sein de votre formation politique, des élus locaux extrêmement importants qui ont cumulé mandats et indemnités, et vous n’avez rien fait. Inutile, donc, de nous donner des leçons aujourd’hui !

Mme Paula Forteza. Nous avons discuté d’un amendement très proche au sein de notre groupe, mais nous n’avons pas encore trouvé de consensus. Nous allons continuer à en débattre.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL6 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Notre amendement est ainsi rédigé : « L’indemnité parlementaire est exclusive de toute autre rémunération issue d’une activité professionnelle ou d’un autre mandat électif exercés durant le mandat parlementaire, à l’exception des rémunérations tirées des activités artistiques, intellectuelles ou scientifiques » – cette dernière précision étant dictée par le souci de conformité à la Constitution.

Je le retire après l’avoir exposé, pour ne pas allonger notre débat.

L’amendement est retiré.

La Commission rejette ensuite l’amendement CL7 de Mme Cécile Untermaier.

Article 7

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL120 de la rapporteure.

L’amendement CL77 de M. Arnaud Viala est retiré.

La Commission adopte l’article 7 modifié.

Article 8

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

  Article 8 bis
(art. L.O. 144 du code électoral, art. 1er de
l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote et art. 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique)
Interdiction des parlementaires en mission

Résumé du dispositif et effets principaux

 

L’article 8 bis supprime les missions temporaires confiées aux parlementaires par le Gouvernement, ce procédé étant jugé contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

Dernières modifications législatives intervenues

 

Cet article reprend une proposition de loi de M. Jacques Mézard adoptée en février 2016 en première lecture par le Sénat.

Modifications apportées au Sénat

 

L’article 8 bis a été introduit en séance publique à l’initiative du sénateur François Bonhomme.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles. 

 

I.   L’État du droit

Reprenant l’article 13 de l’ordonnance du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité et aux incompatibilités parlementaires ([213]), l’article L.O. 144 du code électoral ([214]) pose le principe selon lequel « les personnes chargées par le Gouvernement d’une mission temporaire peuvent cumuler l’exercice de cette mission avec leur mandat de député pendant une durée n’excédant pas six mois ». Cette disposition est rendue applicable aux sénateurs par l’article L.O. 297.

Ces missions permettent aux parlementaires désignés de remplir des fonctions d’étude, de réflexion et de proposition. La mission est confiée à un député ou un sénateur par un décret visant expressément l’article L.O. 144, complété par une lettre de mission définissant l’objet de celle-ci. 

La mission que le parlementaire se voit confier par le Gouvernement n’a aucune incidence sur la détention de son mandat. Comme le Conseil constitutionnel l’a relevé en 1989, « le parlementaire appelé à effectuer une mission temporaire à la demande et pour le compte du Gouvernement continue d’appartenir au Parlement » ([215]).

La loi organique a, toutefois, ménagé au parlementaire en mission la possibilité de déléguer exceptionnellement son droit de vote à un de ses collègues dans le cadre de l’article 27 de la Constitution. Cette faculté peut être utilisée à tout moment durant la mission temporaire, sous réserve du respect des formes de la délégation prévue par l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote ([216]).

Selon les données recueillies par la rapporteure, 91 nominations de députés en mission ont été effectuées sous la XIVème législature, contre 74 au cours des cinq années précédentes.

II.   Le Dispositif introduit par le sÉnat

L’incompatibilité instituée par l’article L.O. 144 du code électoral soulève des interrogations au regard du principe de séparation des pouvoirs. En l’absence de restriction particulière sur la nature de la tâche confiée, la pratique des parlementaires en mission peut en effet conduire ceux-ci à exercer des missions de représentation du Gouvernement, voire des fonctions administratives.

Cette incompatibilité est également difficilement compréhensible dans ses modalités : pourquoi une fonction qui serait compatible avec le mandat parlementaire pendant six mois deviendrait incompatible au terme de ce délai ?

En outre, les modalités particulières de remplacement – par leur suppléant – des parlementaires dont la mission dépasserait les six mois peuvent conduire à des désignations qui ne présentent qu’une finalité électorale.

Ces différentes raisons avaient convaincu le Sénat d’adopter, le 3 février 2016, en première lecture, une proposition de loi de M. Jacques Mézard visant à supprimer les missions temporaires confiées aux parlementaires par le Gouvernement ([217]). Le texte n’avait toutefois pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Dans le cadre du présent projet de loi, sur la proposition de M. François Bonhomme et plusieurs de ses collègues, le Sénat a adopté un amendement abrogeant l’article L.O. 144 du code électoral, modifiant les modalités de remplacement des députés et sénateurs aux articles L.O. 176 et L.O. 319, et procédant à plusieurs coordinations dans l’ordonnance du 7 novembre 1958 précitée ainsi que dans la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([218]).

À l’Assemblée nationale, la commission des Lois n’a pas remis en cause le dispositif introduit par le Sénat, n’adoptant qu’un unique amendement rédactionnel.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL108 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. L’article 8 bis introduit par le Sénat supprime les missions temporaires confiées aux parlementaires par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144 du code électoral. Il reprend une proposition de loi organique de M. Jacques Mézard adoptée en première lecture par le Sénat le 3 février 2016.

Le Gouvernement n’est pas favorable à cette suppression. Il fait valoir que le recours à des parlementaires pour l’exercice de telles missions permet d’associer en amont des députés et des sénateurs pour étudier des questions qui pourront ensuite faire l’objet, par exemple, de projets de loi.

Cette pratique soulève pourtant des interrogations au regard du principe de la séparation des pouvoirs. En l’absence de restriction sur la nature de la tâche confiée, cela peut conduire les parlementaires à exercer des missions de représentation du Gouvernement, voire des fonctions administratives.

Quant au Gouvernement, il peut solliciter des hauts fonctionnaires ou des personnalités qualifiés s’il souhaite recueillir un avis d’expert sur un sujet donné. Il ne lui est pas nécessaire de disposer, pour cela, de parlementaires dont il pourrait superviser l’activité.

Les parlementaires doivent plutôt se consacrer aux tâches de contrôle de l’exécutif, dans le cadre des missions d’information ou des commissions d’enquête.

M. Philippe Gosselin. Vous vous contredisez, madame la rapporteure !

Mme la rapporteure. Pas du tout : j’ai d’abord exposé la position du Gouvernement, puis la mienne, qui est défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL121 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 8 bis modifié.

  Article 8 ter
(art. L.O. 145 du code électoral)
Réserver à la loi la possibilité de prévoir la participation de parlementaires à des organismes extraparlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

 

L’article 8 ter pose le principe selon lequel seule la loi peut prévoir la participation de parlementaires au sein d’organismes extraparlementaires. En conséquence, les désignations par voie réglementaire des députés et des sénateurs ne sont plus autorisées à compter de la fin des mandats en cours.

Dernières modifications législatives intervenues

 

La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a prévu la gratuité des fonctions exercées dans un organisme extraparlementaire.

Modifications apportées au Sénat

 

L’article 8 ter a été introduit en séance publique à l’initiative du rapporteur M. Philippe Bas.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

Sur la proposition de la rapporteure, la commission des Lois a prévu une entrée en vigueur différée de quelques mois avant de priver de base les désignations de parlementaires dans des organismes extérieurs.

 

I.   L’État du droit

Le II de l’article L.O. 145 du code électoral, introduit par l’article 2 de la loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([219]), autorise tout membre de l’Assemblée nationale et, par renvoi de l’article L.O. 297, tout sénateur, à siéger ès qualités de parlementaire dans « une institution ou un organisme extérieur ». Il impose, toutefois, la gratuité des fonctions exercées.

Lorsqu’un texte, qui peut être législatif ou réglementaire, prévoit la participation de parlementaires à l’un de ces organismes extraparlementaires ([220]), leur désignation est effectuée soit par l’assemblée concernée, sur proposition d’une ou plusieurs commissions permanentes, soit par son Président, soit par les commissions directement, conformément aux dispositions des articles 26 et 27 du Règlement de l’Assemblée nationale et de l’article 9 du Règlement du Sénat.

Selon les informations transmises à la rapporteure, il existait, au début de la XVème législature, 191 organismes extraparlementaires, au sein desquels 429 députés étaient appelés à siéger.

La présence de députés au sein de ces organismes est prévue par :

– des dispositions législatives dans 106 d’entre eux ;

– des dispositions exclusivement réglementaires dans les 85 autres.

II.   Le Dispositif introduit par le sÉnat

En mars 2015, MM. Roger Karoutchi et Alain Richard, rapporteurs du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, avaient formulé la recommandation que soit limitée la dispersion des sénateurs dans divers organismes afin d’encourager leur participation effective aux travaux de la Haute assemblée.

Comme le relève l’exposé des motifs de l’amendement présenté par le rapporteur M. Philippe Bas, la présence de parlementaires dans ces organismes pose également une question de principe. En effet, au nom de la séparation des pouvoirs, la présence d’un parlementaire au sein d’un organisme extraparlementaire devrait toujours être prévue par la loi, et non pas seulement par un décret.

Or, selon le relevé réalisé par le rapporteur du Sénat, on dénombrerait aujourd’hui plus de quatre-vingt-dix organismes prévoyant la présence de députés et de sénateurs par décret.

Le I du présent article pose donc le principe selon lequel seule la loi peut prévoir la participation de parlementaires au sein d’organismes extraparlementaires. Il modifie, à cette fin, l’article L.O. 145. Il s’appliquerait aux députés et, par renvoi, aux sénateurs.

Au plan juridique, cette disposition crée donc une incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’exercice de fonctions au sein d’un organisme extérieur prévues par une disposition autre que législative – un décret, un arrêté mais aussi une convention internationale. Ce faisant, elle ne méconnaît pas l’habilitation que le législateur organique tient du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

Dans un souci de sécurité juridique, le II précise qu’un parlementaire qui a été désigné dans un organisme extraparlementaire par voie règlementaire serait autorisé à poursuivre ses fonctions pour la durée pour laquelle il a été désigné.

À l’Assemblée nationale, ces dispositions ont été complétées par la commission des Lois afin de reporter au 1er juillet 2018 leur entrée en vigueur.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL78 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement fait partie d’une série de propositions suscitées par le caractère clairement antiparlementaire du projet de loi. On ne peut pas prétendre rétablir la confiance dans la vie publique en étant autant focalisé sur l’activité des seuls parlementaires. C’est insupportable !

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL123 et l’amendement de précision CL122 de la rapporteure.

L’amendement CL103 du Gouvernement tombe.

La Commission adopte l’article 8 ter modifié.

Chapitre III
Dispositions relatives à la « réserve parlementaire » et à la « réserve ministérielle »

Article 9
(art. 7 et 11-1 [nouveau] de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances)
Dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9, tel qu’il a été proposé par le Gouvernement, supprime la pratique de la « réserve parlementaire ». Jusqu’alors cette pratique permettait aux parlementaires de financer des projets au bénéfice des collectivités territoriales et du monde associatif, par le truchement du Gouvernement, les responsables des programmes budgétaires se conformant au souhait exprimé par le Parlement.

Dernières modifications législatives intervenues

Afin de rendre transparente la pratique de la réserve, la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a créé le 9° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui impose la publication, en annexe du projet de loi de règlement, de la liste des subventions accordées aux collectivités territoriales et aux associations, en précisant le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme budgétaire concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui a proposé la subvention.

Modifications apportées au Sénat

Opposé à la suppression « sèche » de la réserve parlementaire, le Sénat a fait le choix de la légaliser au niveau organique en créant une nouvelle dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements au sein de la mission budgétaire Crédits non répartis. Seraient éligibles :

– les projets que les députés et sénateurs proposent pour répondre aux besoins des communes et groupements de communes ainsi que de leurs établissements publics (ex : CCAS, caisses des écoles…) afin de financer des projets d’investissement ne présentant pas un caractère permanent, dont le montant ne peut excéder 20 000 euros et 50 % du montant total du projet (amendement adopté en commission des lois à l’initiative du rapporteur) ;

– les projets que les députés et sénateurs proposent pour répondre aux besoins d’investissement des établissements français d’enseignement à l’étranger et des organismes publics et privés qui concourent aux actions de soutien et d’accompagnement aux Français établis hors de France en matière scolaire, de bienfaisance et de solidarité, et en matière de développement culturel, ainsi que de développement économique de la France (amendement adopté en séance publique à l’initiative du rapporteur).

Concrètement, chaque année, le bureau de chaque assemblée adresserait au Gouvernement la liste des projets que les députés et sénateurs souhaitent voir financer en année n+1 à partir des crédits de la nouvelle dotation en précisant, pour chaque projet, le nom de l’éventuel bénéficiaire, le montant proposé, la nature du projet et le nom du membre du Parlement à l’origine de cette proposition. Le 31 mai de l’année n+2, le Gouvernement publierait la liste des projets en ayant bénéficié au cours du précédent exercice en open data.

Modifications adoptées par la commission des Lois

À l’initiative de la rapporteure, la commission des Lois a supprimé le dispositif proposé par le Sénat. En conséquence, la réserve parlementaire est supprimée à compter de l’exercice 2018 comme le proposait le Gouvernement. En revanche, le dispositif de transparence prévu par le 9° de l’article 54 de la LOLF est maintenu jusqu’en 2024 afin de pouvoir contrôler les subventions accordées au titre de la réserve parlementaire jusqu’en 2017 et dont le versement peut s’échelonner jusqu’au 31 décembre 2023 pour certaines opérations. 

La « réserve parlementaire » est une pratique politique née en 1973 au bénéfice de l’Assemblée nationale et en 1989 au bénéfice du Sénat où elle est dénommée « dotation d’action parlementaire ».

Elle consiste en une enveloppe de crédits, négociée avec le Gouvernement lors de l’examen de la loi de finances initiale, mise à la disposition des chacune des assemblées et permettant aux députés et sénateurs de financer divers projets d’intérêt local ou associatifs. Cette pratique permet de contourner, de manière consensuelle, l’article 40 de la Constitution qui interdit toute initiative dépensière des parlementaires. Elle s’assimile à une « convention de la Constitution » selon les termes employés par le Conseil d’État. Elle a atteint 81 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 53 millions d’euros pour le Sénat en 2016 (moins de 0,05 % du budget de l’État) ([221]).

En théorie, la seule volonté du Gouvernement de ne plus faire droit aux demandes des parlementaires devrait donc suffire à faire disparaître la réserve parlementaire. Néanmoins, le I de l’article 9 présenté par le Gouvernement proposait de formaliser cette interdiction, lui conférant ainsi une portée impérative et symbolique. Fort logiquement, le II de l’article 9 initial abrogeait concomitamment le 9° de l’article 54 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, introduit par la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui prévoit une publication, en annexe du projet de loi de règlement (dont l’objet est de rendre compte de l’exécution des lois de finances), de la répartition des subventions attribuées par les parlementaires.

Opposé à la suppression « sèche » de la réserve parlementaire, le Sénat a proposé un amendement de rédaction globale tendant à légaliser cette pratique.

I.   Le droit en vigueur

Comme l’explique Mme Éline Lemaire, maître de conférence en droit public à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, dans un récent article : « le dispositif de la réserve parlementaire est un parfait exemple de la pratique politique « saisie » par le droit : elle a, pendant près de quarante ans, existé en marge du droit écrit qui prohibe les initiatives parlementaires ayant pour effet de diminuer les recettes publiques ou d’augmenter les dépenses publiques (…). Vivement décriée en raison de son opacité, [elle] a récemment vu son statut juridique précisé sous l’impulsion conjointe des parlementaires et du Gouvernement, mais aussi par la jurisprudence administrative » ([222]).

A.   Une « convention de la Constitution » longtemps critiquÉe en raison de son opacitÉ et soupçonnÉe d’alimenter le clientÉlisme politique

Concrètement, le dispositif de la réserve parlementaire repose sur une définition préalable des « besoins » des parlementaires de la majorité et de l’opposition, centralisés au sein de la commission des Finances de chaque assemblée par le Président et le Rapporteur général. Il donne lieu ensuite au dépôt d’un amendement de crédits du Gouvernement lors de l’examen de la loi de finances, lequel fixe le montant de l’enveloppe accordée et sa répartition « conformément au souhait émis par les commissions ». Ce sont donc les députés et les sénateurs (ou leur groupe politique) qui ont le pouvoir de décider de l’emploi de ces crédits de manière discrétionnaire. Lorsque les subventions sont destinées aux collectivités territoriales, les crédits budgétaires sont inscrits sur l’action n° 1 Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales du programme 122 Concours spécifiques et administration de la mission Relations avec les collectivités territoriales, rattachée au ministère de l’intérieur ([223]). Les autres subventions versées aux associations ou fondations sont inscrites sur les programmes budgétaires relevant des ministères auxquels les demandes seront adressées.

Les subventions ne sont généralement versées aux bénéficiaires qu’une fois le projet réalisé ou en cours de réalisation. Toutefois, les délais d’instruction des dossiers ou les demandes de modification des membres du Parlement peuvent conduire à un décalage entre l’année d’octroi de la subvention par le Parlement et celle de son versement effectif. Certaines subventions – en particulier celles versées aux collectivités territoriales – peuvent également être versées par tranche, sous forme d’acomptes, dans un délai ne pouvant excéder sept années. En effet, le bénéficiaire de la subvention dispose d’un délai de deux ans maximum à partir de la date de notification de la préfecture pour commencer la réalisation du projet, avec possibilité d’une prorogation d’un an maximum. De plus, le projet doit être réalisé dans un délai de quatre ans maximum à compter de la date de déclaration du début d’exécution. Toutes les demandes de paiement doivent avoir été présentées pendant cette période. Cela étant, soulignons que ce délai a été ramené à quatre ans par l’article 140 de la loi de finances initiale pour 2017, sans possibilité de prolongation. Les projets financés au titre de la réserve parlementaire à partir de l’année 2017 doivent donc être exécutés dans ce délai raccourci.

Cette procédure permet donc de contourner si ce n’est la lettre du moins l’esprit de l’article 40 de la Constitution, qui pose le principe de l’irrecevabilité financière des initiatives parlementaires et aux termes duquel : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». En l’occurrence, l’amendement de crédits étant déposé par le Gouvernement, la règle est aisément contournée.

En soi, ce procédé relève du fonctionnement régulier des institutions dans un régime parlementaire rationnalisé : il est fréquent que des initiatives parlementaires qui risquerait d’être déclarées irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution soit finalement portées par le Gouvernement car leur objet est légitime. Il « témoigne de l’unité non pas simplement organique, mais également programmatique entre le Gouvernement et sa majorité, caractéristique de l’agencement parlementaire des institutions » ([224])

En revanche, ce qui est plus problématique est que l’exécution de la « réserve parlementaire » heurte certaines dispositions de la loi organique n° 2011-692 relative aux lois de finances du 1er août 2002 – la LOLF – dans la mesure où l’ordonnancement des dépenses dépend des « souhaits » des parlementaires d’allouer des subventions à destination des collectivités territoriales ou de personnes privées (associations), mais relève de la seule responsabilité du responsable du programme budgétaire qui l’exécute. Ce dernier perd donc de facto une part de la liberté de gestion qui lui est pourtant reconnue par le II de l’article 7 la LOLF (à travers le mécanisme de fongibilité asymétrique) ([225]).

Toutefois, d’autres tempéraments à la liberté de gestion des responsables de programme sont prévus par la loi organique relative aux lois de finances ou résultent de la pratique budgétaire, au premier rang desquels figure la mise en réserve de crédits (8 % des crédits votés en loi de finances initiale) et les pratiques de surgels et d’annulations de crédits en cours d’exercice qui réduisent d’autant la marge de manœuvre des responsables de programme. La critique de la « réserve parlementaire » en la matière mérite donc d’être relativisée d’autant que les montants en cause restent limités.

Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi et plus encore l’article précité de Mme Eline Lemaire, la réserve parlementaire était en revanche beaucoup plus critiquable en raison du secret qui l’entourait. Ignorée de la plupart des députés ou sénateurs, sa mise en œuvre était centralisée par les présidents et rapporteurs généraux des deux commissions des Finances sans qu’aucune règle ne vienne commander la redistribution des crédits entre les parlementaires. Les hauts responsables pouvaient s’accorder la meilleure part du « butin », la distribution être discrétionnaire, l’opposition ignorée... Aucune information ne filtrait non plus quant à l’utilisation des crédits de la réserve par les parlementaires en bénéficiant.

C’est la raison pour laquelle cette pratique a été largement dénoncée par des parlementaires ([226]) comme par le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) ([227]) et de nombreuses associations citoyennes au titre du risque de clientélisme, de conflit d’intérêts, d’achat de votes... Nombreux étaient ceux qui la considéraient comme indigne du fonctionnement de nos institutions et de notre démocratie et qui réclamaient une transparence complète sur les montants, les modalités de répartition, la liste et la nature des projets subventionnés, le nom des bénéficiaires... Il aura fallu attendre près de 40 ans pour que ces critiques soient prises en considération par le monde politique.

La Cour des comptes ([228]) a par ailleurs jugé que la part de la réserve parlementaire consacrée aux subventions pour travaux divers d’intérêt local destinée aux collectivités territoriales, attribuée entre 2006 et 2012, nécessitait une réforme profonde en raison de la constatation de nombreuses difficultés financières et de son cadre peu performant.

Celle-ci pointait tout d’abord des « insuffisances dans l’ouverture et la gestion des crédits ouverts » au titre de la réserve parlementaire (manque de transparence, gestion relevant du chef du cabinet du ministre de l’intérieur ou du chef du bureau du cabinet, lesquels sont placés en dehors de la hiérarchie administrative). Elle constatait un emploi ne correspondant pas toujours aux objectifs affichés et un cadre règlementaire parfois non respecté (40 % des dossiers examinés ne comportaient pas toutes les pièces justificatives requises ou portaient sur des dépenses inéligibles faute d’un contrôle de conformité approfondi par les services de l’État).

La Cour des comptes jugeait également le dispositif « peu performant » en raison de l’attribution de subventions récurrentes répondant à un « phénomène d’abonnement » incompatible avec leur caractère en principe exceptionnel et constatait un manque de coordination avec d’autres dispositifs classiques d’intervention.

Elle soulignait enfin la « gestion coûteuse » de ce dispositif, évaluant à 85 équivalents temps plein travaillés (ETPT) les effectifs mobilisés pour la gestion de ces subventions au sein du ministère de l’intérieur. Le coût moyen de mise en œuvre, pour les seules « rémunérations et charges sociales », représentait environ 385 euros par subvention versée, tandis que le coût de gestion de ces subventions représente plus de 2,5 fois le coût de la gestion de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).

En conclusion, la Cour des comptes préconisait de réorienter une part significative des crédits alloués vers des programmes et des actions budgétaires adaptés aux politiques publiques que l’État entend soutenir dans le cadre de la décentralisation (DETR ou autres dispositifs d’aide) et sous réserve des efforts attendus en matière de maitrise de la dépense publique.

B.   Une pratique devenue plus transparente sous la derniÈre lÉgislature

La « réserve parlementaire » a évolué vers davantage de transparence à l’initiative de M. Claude Bartolone, à son arrivée à la présidence de l’Assemblée nationale au printemps 2012. Ainsi décida-t-il d’imposer une répartition équitable de la réserve entre les députés de la majorité et ceux de l’opposition. Il institua également la publicité des sommes allouées et de leurs bénéficiaires sur une page spécifiquement dédiée du site internet de l’Assemblée nationale.

Cette démarche en faveur de la transparence de la « réserve parlementaire » a été confirmée par le tribunal administratif de Paris qui, dans une décision du 23 avril 2013, opéra un revirement de jurisprudence ([229]) en autorisant la communication des « documents existants sous forme électronique (…) produits ou reçus par l’administration (…) relatifs aux opérations administratives de mise en œuvre des décisions d’utilisation de la « réserve parlementaire » » ([230]).

 

 


Les modalités de répartition de la réserve parlementaire

À l’Assemblée nationale, chaque député, de la majorité comme de l’opposition, peut proposer l’attribution de subventions à hauteur de 130 000 euros en moyenne, une modulation pouvant intervenir à l’intérieur et à l’initiative de chaque groupe politique.

Les membres du Bureau de l’Assemblée nationale disposent d’une réserve de 140 000 euros, les vice-présidents, les questeurs, les présidents de groupe et les présidents de commission de 260 000 euros, le Président de l’Assemblée nationale de 520 000 euros.

Au Sénat, depuis le 11 mars 2015, le Bureau a prévu qu’une dotation institutionnelle, dotée de 3 millions d’euros, serait gérée de façon collégiale par le Président et les vice-présidents. Elle vise à soutenir des actions d’intérêt général au niveau national ou à l’international et à venir en aide aux collectivités territoriales victimes de catastrophes naturelles ou d’événements graves justifiant un effort de solidarité.

Le reste de la dotation parlementaire (53,26 millions d’euros) est affecté aux groupes politiques au prorata de leurs effectifs, soit 153 046 euros par sénateur. Chaque groupe répartit ensuite librement entre ses membres la somme qui lui a été attribuée.

Le principe de la publicité de l’usage des crédits alloués au titre de la « réserve parlementaire » a finalement acquis valeur organique avec l’adoption, à l’unanimité, d’un amendement sénatorial lors de l’examen de la loi organique du 11 octobre 2013 précitée. L’article 54 de la LOLF a été modifié de façon à insérer un 9° qui prévoit la publication en annexe du projet de loi de règlement de la liste des subventions accordées aux collectivités territoriales et aux associations, en précisant le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme budgétaire concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui a proposé la subvention.

Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif, considérant que ces dispositions n’avaient « pas pour effet de permettre qu’il soit dérogé aux règles de recevabilité financière des initiatives parlementaires prévues par l’article 40 de la Constitution », permettant ainsi à la pratique de la « réserve parlementaire » d’être légalisée ([231]).

II.   La rÉforme proposÉe

A.   La suppression de la « rÉserve parlementaire » proposÉe par le Gouvernement

Malgré les efforts de transparence sur l’utilisation de la « réserve parlementaire » depuis 2013, les critiques restent vives quant à la survivance de cette pratique.

De nombreuses propositions de loi organique ont d’ailleurs été déposées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale depuis 2013 pour réformer ou supprimer la « réserve parlementaire » ([232]) mais elles n’ont jamais été discutées.

Le Gouvernement a donc proposé de mettre un terme à cette pratique alimentant la défiance à l’égard des représentants de l’action publique en précisant qu’elle permettrait de dégager une économie brute de 146 millions d’euros. Le Gouvernement s’est néanmoins engagé à réallouer « une partie de cette économie » au bénéfice des petites communes et des territoires ruraux « dans le cadre de dispositif d’intervention existants » afin « d’assurer la publicité et l’objectivité des conditions d’allocations ». Cet engagement serait concrétisé dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2018.

Selon les informations transmises à votre rapporteure par le ministère de l’intérieur, le Gouvernement réfléchirait à redéployer les crédits jusqu’alors fléchés vers les collectivités territoriales sur les trois principales dotations dédiées à l’investissement des communes et de leurs groupements que sont : la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (la DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Ces trois dispositifs sont régis par des règles de calcul différentes et cherchent à répondre à des problématiques distinctes en matière d’investissement. Au cours de son audition devant la commission des Lois, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a ajouté que : « Au-delà de ces pistes, il faut aussi que nous puissions avancer parallèlement sur la question des associations » ([233]).

B.   La lÉgalisation de la pratique de la rÉserve parlementaire proposÉe par le Sénat

À l’initiative du Président et rapporteur de la commission des Lois, M. Philippe Bas, et du rapporteur général de la commission des Finances, M. Albéric de Montgolfier, le Sénat a refusé la suppression « sèche » de la réserve parlementaire proposée par le Gouvernement.

Le Sénat considère, en effet, que, depuis 2013, toutes les garanties ont été apportées pour assurer la répartition équitable de la réserve entre les parlementaires et la transparence nécessaire sur les projets financés ([234]).

Répondant aux critiques émises par la Cour des comptes sur l’utilisation de la réserve, le Sénat souligne que « la procédure administrative avait précisément été très sensiblement améliorée ces dernières années grâce au dynamisme des équipes en charge de l’exécution de la réserve au ministère de l’intérieur » et à la dématérialisation des procédures mise en œuvre depuis 2016 ([235])Il estime aussi que « les critères de recevabilité des demandes de subvention ne se distinguent pas, en droit, de ceux applicables aux subventions de l’État pour des projets d’investissement ». Ces critères sont définis, notamment, par le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’État pour les projets d’investissement ainsi que par l’arrêté des ministres de l’intérieur et du budget du 2 octobre 2002 ([236]).

Le Sénat observe enfin que la « réserve parlementaire » apporte un soutien important aux petites collectivités territoriales dans un contexte de réduction de leurs moyens, qu’elle irrigue le tissu associatif, contribue à la cohésion sociale et conforte la réalisation des actions de certains programmes budgétaires.

Dans ce contexte et compte tenu de l’absence d’engagement concret du Gouvernement pour maintenir les crédits destinés à l’ensemble de ces actions, il a proposé une rédaction globale de l’article 9 destinée à légaliser la pratique de la réserve parlementaire en l’orientant exclusivement sur le soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements et aux actions de soutien et d’accompagnement des Français établis hors de France.

Le I du présent article propose d’inscrire dans la maquette budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) une nouvelle dotation au sein de la mission Crédits non répartis qui comporte déjà une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, et une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations, et d’en préciser les modalités d’attribution (alinéas 1 à 6).

Le mécanisme repose sur le postulat que le Gouvernement proposerait dès le projet de loi de finances le montant des crédits qu’il souhaite inscrire au titre de cette nouvelle dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements, ce dernier étant seul à pouvoir décider de la dépense publique en vertu de la Constitution.

Une fois cette étape passée, la procédure serait prévue par un nouvel article 11-1 de la LOLF.

Le I de ce nouvel article précise que chaque année, le bureau de chaque assemblée transmettrait au Gouvernement une liste de projets ayant vocation à être soutenus par cette dotation (alinéas 7 et 8).

S’agissant du financement des projets des communes et de leurs groupements, le Sénat prévoit six critères concernant leur nature (investissement matériel ou immatériel, caractère exceptionnel, caractère non permanent), leur finalité (mise en œuvre d’une politique d’intérêt général) et leurs modalités de mise en œuvre (interdiction de cumuler les subventions parlementaires, délai d’exécution inférieur à sept ans). Les subventions issues de la dotation seraient soumises à un double seuil : elles ne pourraient pas représenter plus de 50 % du projet et 20 000 euros (alinéas 9 à 15).

La liste des projets précise, pour chaque projet proposé, le nom de l’éventuel bénéficiaire, le montant proposé, la nature du projet, le nom du membre du Parlement à l’origine de cette proposition, et est publiée en « open data », c’est à dire dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement de données (alinéa 16).

Conformément à la Constitution, le Gouvernement serait seul compétent pour attribuer les crédits de la dotation dont il aura lui-même proposé le montant dans le projet de loi de finances, après avoir vérifié que les projets proposés respectent les critères précités.

En conséquence, le II du nouvel article 11-1 de la LOLF prévoit qu’avant le 31 mai de chaque année, le Gouvernement publiera en open data la liste des projets ayant bénéficié, au cours du précédent exercice, du présent dispositif (alinéa 17).

Enfin, à l’initiative du rapporteur en séance publique, le III du même article précise que la procédure prévue au I est applicable aux projets que les députés et sénateurs proposent pour répondre aux besoins d’investissement des établissements français d’enseignement à l’étranger et des organismes publics et privés qui concourent aux actions de soutien et d’accompagnement des Français établis hors de France en matière scolaire (comme les Alliances françaises), de bienfaisance, de solidarité, et en matière de développement culturel, ainsi que de développement économique de la France (telle les chambres de commerce françaises à l’étranger). Cette préoccupation sénatoriale correspond en effet à la pratique actuelle puisqu’en 2016, le deuxième poste de subventions proposées par les sénateurs au titre de la réserve était destiné à financer les programmes Diplomatie culturelle et d’influence (pour 1,4 million d’euros), Français à l’étranger et Affaires consulaires (0,5 million d’euros) ou encore Aide au développement (0,65 million d’euros).

 Le II du présent article supprime, par coordination, le 9° de l’article 54 de la LOLF relatif au contenu des annexes du projet de loi de règlement dans la mesure où le II du nouvel article 11-1 de la LOLF prévoit déjà la publication en open data de la liste des projets financés par la nouvelle dotation créée par le Sénat selon les mêmes critères que ceux visés au 9° de l’article 54.

Enfin, le III prévoit une entrée en vigueur du dispositif à compter du 1er septembre 2017, l’objectif du Sénat étant d’utiliser cette nouvelle dotation dès l’examen du prochain budget.

C.   La suppression de la rÉserve parlementaire adoptée par la commission des lois

Après un long débat, la commission des Lois a adopté un amendement présenté par votre rapporteure proposant de supprimer la réserve parlementaire à compter de l’exercice 2018.

Par rapport au projet de loi initial, la commission a néanmoins maintenu en vigueur le dispositif de transparence prévu par le 9° de l’article 54 de la LOLF jusqu’en 2024 afin de pouvoir contrôler les subventions accordées au titre de la réserve parlementaire jusqu’en 2017 et dont le versement peut s’échelonner jusqu’au 31 décembre 2023 pour certaines opérations. 

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL65 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. L’objet de cet amendement est de supprimer l’article remplaçant la réserve parlementaire par un dispositif de soutien. Nous avons commencé à en débattre précédemment, et les accusations de clientélisme portées contre la réserve parlementaire ne se justifient absolument pas ; c’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 9.

M. Philippe Latombe. Pour notre part, nous sommes favorables à la suppression de la réserve parlementaire.

Mme la rapporteure. Je suis opposée à la réserve parlementaire. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL124 de la rapporteure et CL141 du Gouvernement, les amendements CL42 de M. Ugo Bernalicis, CL99 et CL 102 de M. Erwan Balanant.

Mme la rapporteure. Mon amendement a pour objet de supprimer la réserve parlementaire, tout en maintenant le dispositif de transparence de l’utilisation de ladite réserve jusqu’à l’extinction des projets déjà engagés, en 2024.

M. Bastien Lachaud. Nous considérons que les députés n’ont pas à distribuer une somme à leur discrétion. La suppression de la réserve parlementaire était un élément de notre programme à l’élection présidentielle, nous proposons de la mettre en application.

Mme Isabelle Florennes. Les députés du MODEM, pour leur part, sont pour la suppression immédiate de la réserve parlementaire, sans attendre 2024.

Mme la rapporteure. La date de 2024 correspond à la fin des engagements déjà pris, mais la suppression est immédiate. La réserve peut financer des projets pouvant durer jusqu’à sept ans. L’amendement que je propose prévoit en conséquence de maintenir la transparence de l’utilisation de cette réserve jusqu’à la fin des projets en question, c’est-à-dire en 2024.

M. Philippe Latombe. C’est la formulation de l’amendement CL124, prévoyant une abrogation « à compter du 1er janvier 2024 », qui suscitait nos interrogations.

M. Arnaud Viala. Pour la clarté de nos débats, je voudrais reconstituer l’argumentation de la rapporteure. Elle nous a indiqué être opposée à la réserve parlementaire parce qu’elle n’est pas transparente…

Mme la rapporteure. Je n’ai pas dit cela !

M. Arnaud Viala. Vous l’avez dit au cours de la discussion du projet de loi ordinaire. Et, par cet amendement, vous proposez maintenant que l’on maintienne le dispositif de transparence existant. Voilà qui donne une idée de votre parti pris idéologique en faveur de la suppression de ce fonds !

Nous sommes en train de prendre une décision qui correspond à des engagements que vous avez souscrits, mais qui fait fi de l’utilité de la réserve parlementaire. Les crédits de celle-ci servent tout simplement à faire en sorte que des projets puissent voir le jour dans des territoires qui n’ont pas accès à d’autres financements.

À vous entendre, nous devrions supprimer ce fonds sans avoir la moindre idée du dispositif de substitution que vous envisagez : nous en avons eu une illustration parfaite tout à l’heure à propos des commissions de distribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), sujet sur lequel vous étiez en contradiction totale avec les propos tenus par la garde des sceaux hier.

Le préjudice pour les territoires sera énorme, il faut que cela soit clairement affirmé. En défendant ce dispositif, nous ne défendons pas un mécanisme permettant au parlementaire d’agir pour sa réélection, mais la capacité de l’État à accompagner, à travers ses élus nationaux, des projets au bénéfice des territoires.

Sur tous les articles que nous venons de discuter, la vision que nous avons de la France a été totalement occultée. On peut toujours dire qu’un député est un élu de la Nation, qui doit se préoccuper de sujets nationaux – c’est vrai et j’y souscris –, mais on peut aussi se demander si la France est uniquement un tout à partir duquel on organise la vie de nos concitoyens, ou si elle est aussi l’addition de dynamiques territoriales qui s’expriment pour la plupart à travers des acteurs locaux publics ou privés très engagés, qui mènent un certain nombre de projets au bénéfice de leurs concitoyens, avec des moyens très limités, et qui ont besoin que la solidarité nationale s’exerce dans leur direction.

En supprimant de manière aussi hâtive la réserve parlementaire ainsi que d’autres dispositifs, on affaiblit considérablement l’expression des territoires. Nous le regretterons, et vous le regretterez.

M. Philippe Gosselin. L’amendement du Gouvernement et de la rapporteure trahit une méconnaissance totale de la réserve parlementaire, qui représente un « coup de pouce » donné à un certain nombre de petites collectivités. Dans beaucoup de territoires ruraux, certaines communes n’ont pas d’autres moyens, et la réserve offre un cadre beaucoup plus souple que la DETR. Pour les subventions liées aux contrats de territoire, on peut s’adresser au conseil départemental ou à la région ; pour le contrat de ruralité ou les fonds européens, les critères sont très précis.

L’intérêt de la réserve parlementaire est d’offrir cette petite souplesse qui permet d’attribuer, pour des projets qui n’entrent dans aucun autre cadre, ce petit coup de pouce, souvent pour des communes rurales. Quand vous apportez 3 000 ou 4 000 euros pour un projet routier, pour le réaménagement du cimetière, ou pour l’accessibilité de quelques bâtiments publics, cela donne vraiment de l’oxygène ; ce n’est pas du clientélisme.

Quant aux subventions aux associations, n’allez pas vous imaginer qu’il s’agisse de demandes considérables : c’est l’association des parents d’élèves locale qui fait un déplacement pédagogique avec les enfants et qui a besoin de payer 1 000 euros le transport en car que la commune ne peut pas prendre en charge ; quand des élèves viennent visiter l’Assemblée nationale, on paie le car pour leur permettre de venir à Paris. C’est le club de judo, la restauration du patrimoine, autant de petits éléments d’intervention qui créent une dynamique locale.

Si c’était du clientélisme, de l’achat de votes, nous serions beaucoup plus nombreux que cela, à droite comme à gauche, à siéger ici, et il n’y aurait jamais d’alternance dans les départements et les régions, car les hommes-liges qui auraient bénéficié de ces subventions rééliraient les sortants !

Ouvrez les yeux sur cette petite capacité d’intervention qui donne à l’Assemblée nationale et au Sénat autre chose que le pouvoir de la parole : un pouvoir plus concret d’agir et d’aider.

M. Ugo Bernalicis. Nous avions proposé deux amendements qui ont été déclarés irrecevables car, apparemment, ils créeraient une charge. Je demande à ce qu’ils soient réintégrés à la discussion, ou que l’on interroge la commission des Finances.

L’un prévoyait qu’un jury national citoyen répartisse les crédits restants pour 2017, sur le modèle des jurys locaux que certains connaissent dans leur circonscription. Le second prévoyait que des jurys départementaux gèrent la réserve parlementaire actuelle.

Mais, au fond, on se trompe de débat. Je comprends l’intérêt de financer telle ou telle action, et j’y souscris. Mais c’est parce que nous sommes dans une situation de disette, de misère des finances publiques locales, que nous en venons à avoir de tels comportements, et ce n’est pas souhaitable. Il faut augmenter les dotations de fonctionnement des collectivités locales, et si l’on souhaite de la participation citoyenne et un fléchage des crédits, imposons un pourcentage de budget participatif dans toutes les collectivités locales. Voilà comment résoudre cette équation.

Et je maintiens ma question sur nos amendements. De toute façon, ils ne passeront pas et vous voterez contre, donc il ne vous coûte rien de les laisser en discussion !

M. David Habib. Nous avons été nombreux à saluer l’intervention d’un député de La République en marche, pour qui il était incongru d’évoquer la réserve parlementaire dans le débat sur le statut de l’élu, et qui jugeait nécessaire un débat préalable sur notre vision de la fonction parlementaire pour les dix ou vingt années à venir, suite à l’interdiction du cumul des mandats.

Beaucoup avaient acquiescé à cette intervention, et je souhaite que nous ayons ce débat. J’ai été vice-président de l’Assemblée nationale, et je ne me sentais pas en situation de faiblesse lorsque j’incitais le Gouvernement à réfléchir davantage à une proposition qu’il faisait à l’Assemblée. Nous contribuons à éclairer le Gouvernement en lui disant que nous avons besoin de temps pour trouver un dispositif qui viendrait se substituer à la réserve parlementaire. Notre collègue de la France insoumise évoque l’augmentation des dotations. Je lui demande de m’entendre sur ce sujet : il y a des projets que nous sommes incapables de financer parce qu’ils n’entrent pas « dans les clous », parce que le droit commun ne prévoit pas les dispositifs de subvention adaptés. Cela existe dans tous les domaines, dans tous les secteurs de l’action publique.

Forts d’une expérience que nous avons acquise, ne privez pas les territoires les plus éloignés, composés de communes très rurales et à très faible démographie, qui cherchent à assurer, par un cumul de dotations, les moyens de faire face à des demandes sociales exprimées par leurs habitants. Le désaccord qui existe entre nous est peut-être fondé sur un problème de communication. D’abord, le terme de « réserve » est déplorable. Il ne recouvre pas la réalité des faits et crée de la suspicion dans l’opinion publique. Prenons le temps du débat, retirons cet article de la discussion qui va commencer lundi dans l’hémicycle. Cela ne présage en rien notre décision collective future. Ne commettons pas une erreur irréversible qui serait mal comprise par nos administrés.

Mme Paula Forteza. Le débat ne porte pas sur les besoins : nous les comprenons tous. Si tous les députés du groupe La République en Marche sont très sensibles à ce tissu associatif local, qui a besoin de financements et de soutien, ils estiment que la réserve parlementaire n’est pas le moyen adéquat. Il s’agit ici d’un contournement de l’article 40 de la Constitution, qui a été toléré jusqu’à maintenant mais qui ne peut plus l’être.

Nous avons interpellé la ministre, à qui nous avons demandé de nous apporter des précisions sur la manière dont ces fonds seront redirigés avant le vote.

M. David Habib. Pour l’instant, vous n’êtes pas capable de le dire !

Mme Paula Forteza. Elle a confirmé être en train de travailler sur ce dossier.

M. Philippe Gosselin. Dans l’attente, restons prudents !

Mme Caroline Abadie. Notre volonté n’est pas de priver de ces fonds les associations de nos territoires.

Force est de constater, monsieur Gosselin, que vous aimez emmener des élèves des écoles à l’Assemblée nationale. Mais, comme vous ne pouvez sûrement pas emmener toutes les écoles, vous devez faire des arbitrages, ce qui crée des inégalités. Dans les territoires, il y aura toujours des gens qui ont davantage de capacité que d’autres à demander quelque chose.

Comme l’a dit à l’instant Mme Forteza, la ministre a promis d’apporter des précisions.

Enfin, vous dites que les Français ont besoin de ces fonds. Pourtant, ils nous ont élus alors que la suppression de la réserve parlementaire faisait partie de notre programme.

M. Philippe Gosselin. Vous croyez encore à cela ?

M. Dominique Potier. Je demande la parole…

M. Stéphane Mazars, président. Monsieur Potier, nous avons abordé longuement ce sujet hier en présence de la garde des Sceaux et nous en avons reparlé tout à l’heure.

M. Dominique Potier. Cela fait un quart d’heure que je demande la parole !

Mme Cécile Untermaier. La présence de cet article jette le discrédit sur la réserve parlementaire, que nous n’avons pourtant aucune raison de considérer comme un sujet de honte. Je puis vous assurer que je n’ai ressenti aucune gêne dans les campagnes électorales à propos la réserve parlementaire, bien au contraire. J’ai même constitué, pour la gestion de cette réserve, un jury citoyen qui a permis de dynamiser de façon formidable l’activité des associations comme celle des communes rurales. Nous avons reçu l’ensemble des porteurs de projets un samedi entier, avec un jury citoyen tiré au sort et respectant la parité hommes-femmes. Nous avons auditionné ces porteurs de projets, en présence de la presse afin de garantir la transparence. Ce fut une révélation de la richesse de ce terroir. C’était le seul outil à notre disposition, qui plus est non encombré de tout l’aspect procédurier auquel nous nous heurterions avec le fonds proposé par le Sénat.

Associons un dispositif original, celui des jurys citoyens, à la réserve parlementaire, faisons travailler les parlementaires dans ces espaces de vie qui sont fracturés, car c’est aussi notre mission. Ne considérons pas que la DETR résoudra tous les problèmes. Nous sommes dans des interstices essentiels qui correspondent précisément à nos missions sur le terrain.

Je rejoins la proposition de mon ami Rémy Rebeyrotte et celle de David Habib qui consiste à prendre notre temps. On ne m’a pas pénalisée parce que j’avais utilisé la réserve parlementaire et, je le répète, je n’ai aucune honte à l’avoir fait.

M. Dominique Potier. Monsieur le président, j’ai demandé la parole !

M. Stéphane Mazars, président. J’ai donné la parole à tout le monde, même à ceux qui, comme vous, ne sont pas membres de la commission des Lois. Tout le monde doit jouer le jeu.

M. Dominique Potier. J’ai levé la main à plusieurs reprises pour demander la parole. Je n’ai jamais été ostracisé de la sorte. Nous sommes tous des parlementaires, quelle que soit la Commission à laquelle nous appartenons, et nous avons tous le même droit d’expression. Seul le droit de vote est réservé aux membres de la Commission.

M. Stéphane Mazars, président. Tout à l’heure, vous avez mis en avant de nombreuses vertus auxquelles nous avons tous plutôt souscrit. Vous n’avez pas besoin de rappeler, à chaque fois, votre expérience passée aux nouveaux députés que nous sommes. J’estime maintenant que le débat est clos.

Nous étions convenus, lors de la suspension de séance, avec M. Gosselin, M. Dussopt et Mme Untermaier, que le débat sur la réserve parlementaire avait déjà eu lieu.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, l’article 37 de notre règlement dispose que tous les députés peuvent participer à tous les travaux de toutes les Commissions, y déposer des amendements et s’y exprimer à égalité avec leurs autres collègues. S’agissant des prises de parole, il n’y a donc pas de distinction à faire entre les membres de la commission des Lois et les autres.

M. Stéphane Mazars, président. Madame Batho, il est deux heures du matin.

M. David Habib. C’est vous qui en êtes responsable, ce n’est pas nous !

Mme Danièle Obono. C’est votre majorité qui a décidé cette procédure !

M. Stéphane Mazars, président. Nous sommes collectivement responsables de cette situation.

M. Ugo Bernalicis. Monsieur le président, j’ai posé une question au sujet de nos amendements. Je souhaite obtenir une réponse.

La Commission adopte les amendements identiques CL124 et CL141, et l’article 9 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL42 de M. Ugo Bernalicis, CL99 et CL102 de M. Erwan Balanant, CL30 de M. Xavier Breton, CL17 et CL18 de M. Martial Saddier, CL95 de Mme Michèle de Vaucouleurs, CL79, CL80 et CL81 de M. Arnaud Viala, CL19 de M Martial Saddier et CL82 de M. Arnaud Viala tombent.

M. Philippe Gosselin. On vient donc de supprimer la réserve parlementaire, mais on ne sait pas par quoi elle sera remplacée !

Mme la rapporteure. Je souhaite répondre à M. Bernalicis. Le président de la commission des Finances a considéré que vos amendements créaient une charge publique au regard de l’article 40 de la Constitution. Je me suis rangée à son avis, mais vous pourrez l’interroger en séance.

Après l’article 9

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL22 de M. Xavier Breton.

Chapitre IV
Renforcement des obligations de publicité de la « réserve ministérielle »

Article 9 bis
Transparence de la « réserve ministérielle »

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 bis, introduit à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois et du rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, est la consécration légale d’une pratique mise en œuvre par le ministère de l’Intérieur depuis 2013 consistant à rendre publique, en « open data », les critères d’éligibilité et la liste de l’ensemble des subventions accordées, au cours du précédent exercice, par le ministre de l’intérieur, pour des travaux divers d’intérêt local au titre de la « réserve ministérielle ».

Cette liste précise, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé et le nom du ministre, du membre du Parlement ou de l’élu local l’ayant proposée.

Modifications adoptées par la commission des Lois

La commission des Lois a adopté l’article 9 bis introduit par le Sénat sous réserve d’un amendement de précision.

I.   Le droit en vigueur

La réserve ministérielle relève de la procédure budgétaire de droit commun, conformément à l’article 7-IV de la loi organique n° 2011-692 relative aux lois de finances (LOLF) qui prévoit que les crédits ouverts sont mis à la disposition des ministres.

À titre principal, ces crédits sont inscrits en projet de loi de finances au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales sur le programme 122 Concours spécifiques et administration. Ces crédits doivent être exclusivement utilisés pour accorder des subventions aux projets d’investissement des collectivités territoriales. Ils sont mis à la disposition du ministre de l’Intérieur en application de l’article 44 de la LOLF, sur proposition de membres du Gouvernement, de parlementaires ou le cas échéant d’élus locaux.

Les subventions accordées concernent principalement des projets d’investissements physiques (travaux de construction, de rénovation, de réhabilitation, d’amélioration, de mise aux normes, de réparation, acquisitions immobilières, équipement en matériel) ([237]).

Toutefois, il ressort du référé de la Cour des comptes du 27 novembre 2014 ([238]) que de 2010 à mai 2012, plus de 70 % des crédits ont été engagés à l’initiative des services de la Présidence de la République, une partie des crédits restants l’étant à l’initiative des services du Premier ministre ou du ministre des finances. Depuis, la Présidence de la République n’intervient plus, mais une partie des crédits aurait continué à répondre à des besoins exprimés par les ministres de l’économie et du budget en 2013 uniquement.

D’un montant de 5,3 millions d’euros au 13 juillet 2017, l’utilisation de la réserve ministérielle varie en fonction des besoins exprimés comme le montre le tableau ci-après.

Utilisation de la réserve ministérielle par le ministre de l’Intérieur depuis 2012

 

2012

2013

2014

2015

2016

au 13/07/2017

Crédits inscrits en LFI (en M€)

19 000 000

19 000 000

16 100 000

14 165 815

8 360 815

5 360 815

Total de subventions allouées (en €)

27 735 642

13 408 792

10 430 420

6 016 749

3 885 486

3 926 396

Nombre de dossiers subventionnés

890

233

226

200

202

163

Montant moyen de subvention (en €)

31 164

57 548

46 152

30 084

19 235

24 088

Montant médian de subvention (en €)

20 000

40 000

25 000

15 000

12 000

20 000

La subvention est versée en fonction de l’état d’avancement du projet, des demandes de paiement présentées et des justificatifs produits. Au maximum le versement s’étalera sur 7 années (2 + 1 pour commencer et 4 pour achever) sachant que 82% des subventions sont versées dans les 3 ans suivant l’année d’attribution de la subvention. Par ailleurs la subvention n’est pas forfaitaire mais son montant final est calculé par application du taux fixé dans l’arrêté attributif à la dépense réelle, plafonnée à la dépense subventionnable prévisionnelle. En cas d’abandon du projet, de non réalisation dans les délais réglementaires ou de début d’exécution antérieur à la date de complétude du dossier, la subvention est annulée sans possibilité de réaffecter la subvention sur un autre projet.

II.   La réforme proposée

Le présent article additionnel a pour objet d’inscrire dans la loi organique la publication de la « réserve ministérielle » avant le 31 mai de chaque année avec, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé et le nom du ministre, du membre du Parlement ou de l’élu local l’ayant proposé et d’imposer sa publication sous forme de données ouvertes.

En novembre 2014, la Cour des comptes recommandait déjà d’étendre aux subventions attribuées au titre de la réserve ministérielle les dispositions prévues par l’article 11 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 ou, a minima, de rendre compte de façon détaillée dans le rapport annuel de performances de l’emploi de ces crédits.

En réalité cet article légalise une pratique engagée depuis août 2013 puisque les subventions accordées au titre de la réserve ministérielle sont publiées sur le site internet du ministère de l’Intérieur ([239]). Les données publiées mentionnent d’ores-et-déjà la collectivité bénéficiaire, le département concerné, la nature détaillée du projet subventionné, le coût total du projet, le montant de la subvention accordée et les noms et prénoms de l’intervenant.

En outre, une page d’informations relatives à la réserve ministérielle, à l’attention des parlementaires, des collectivités territoriales et des préfectures, est disponible sur le site internet du ministère de l’intérieur ([240]).

La commission des Lois a adopté l’article 9 bis introduit par le Sénat sous réserve d’un amendement de précision présenté par votre rapporteure.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL83 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet amendement vise à supprimer l’article 9 bis. Je ne vois pas pourquoi on maintiendrait la réserve ministérielle alors que l’on vient de supprimer la réserve parlementaire.

J’espère que nos concitoyens seront sensibles à la réponse que la rapporteure m’apportera. Je n’ai aucun doute sur son avis, et je vous livre l’explication qu’elle va me fournir. Dire qu’il s’agit d’une modification qui ne relève pas de la présente loi mais d’une loi qui arrivera peut-être un jour est absolument inadmissible et faux. Si vous conservez au ministre la capacité à octroyer des fonds, tout en considérant que la réserve parlementaire est un dispositif trop opaque et doit donc être supprimé, cela montre, madame la rapporteure, à quel point les raisons que vous avez avancées sont fallacieuses et relèvent du syllogisme total.

M. Philippe Latombe. Nous sommes favorables à la suppression de la réserve ministérielle pour une raison de parallélisme des formes. Rien ne justifie que l’on supprime l’une et non l’autre. L’amendement est donc parfaitement conforme à l’esprit de la loi.

Mme la rapporteure. Monsieur Viala, vous préjugez ma réponse qui ne sera pas du tout celle que vous avez annoncée ! Je ne suis pas favorable à cet amendement, en effet, mais pour d’autres raisons, que je vais vous exposer et que je vous remercie d’écouter.

La réserve ministérielle n’est pas une pratique, contrairement à la réserve parlementaire. Ce que l’on appelle la réserve ministérielle correspond à l’action n° 1 du programme budgétaire 122 « Concours spécifiques et administration » qui figure dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Or, on ne peut pas supprimer une action ou un programme budgétaire. Le Gouvernement ayant le monopole de la maquette budgétaire, qui se décline en missions, programmes et actions, il n’est pas possible d’adopter des amendements qui prôneraient la suppression de la réserve ministérielle. Si vous voulez supprimer les crédits de l’action n° 1 du programme 122, il faudra le faire en loi de finances, en baissant le montant des crédits du programme 122 du montant inscrit par le Gouvernement pour l’action n° 1.

Les amendements visant à « supprimer la réserve ministérielle » ne peuvent donc pas prospérer. C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Dominique Potier. Je voudrais apporter mon soutien à l’initiative, prise par le groupe La République en Marche, de supprimer la réserve parlementaire pour la convertir en d’autres fonds, mais nous devons aussi apporter des garanties quant au fait que la réserve ministérielle sera traitée de la même manière. Sinon, ce serait créer une situation totalement inique.

La réserve parlementaire a beaucoup de défauts, et c’est pourquoi il faut la supprimer, mais au moins est-elle répartie équitablement entre tous les territoires. Nous savons tous, en revanche, que la réserve ministérielle est orientée en fonction des affinités des élus de tel ou tel territoire avec la majorité au pouvoir. Il serait tout simplement indécent de supprimer l’une et de maintenir l’autre : aucune explication de nature technique ne peut être satisfaisante. La garde des Sceaux a répondu que ces questions relèvent du budget et non de cette loi, mais des réponses doivent être apportées par le Gouvernement, au plus tard en séance.

Sans vouloir donner de leçons à qui que ce soit, j’ai pour ma part supprimé symboliquement la réserve parlementaire en l’attribuant aux intercommunalités de mon territoire, qui en disposent à leur guise, sur décision des assemblées communautaires souveraines. Le fonds de secours est ainsi géré par des collectivités d’une manière tout à fait démocratique, et indépendante de toute influence du député. Cela ne m’a pas nui lors des dernières élections, alors que j’avais déjà installé ce système depuis quatre ans.

Je voudrais vraiment adresser une mise en garde : supprimer la réserve parlementaire sans faire de même pour la réserve ministérielle reviendrait à créer, aux yeux de l’opinion publique, une injustice absolue que personne ne sera en mesure d’expliquer. Ce ne sont pas des arguments techniques qui sont nécessaires à ce stade, madame la rapporteure, mais un engagement politique de créer dès le projet de loi de finances les conditions permettant de convertir ces crédits en un fonds d’intervention locale, souple et agile.

M. Olivier Dussopt. Majorité après majorité, depuis très longtemps, environ 80 % de la réserve ministérielle sont attribués dans des circonscriptions où sont élus des députés de la majorité. Il y a non seulement une question de parallélisme des formes dans la volonté de supprimer la réserve parlementaire et la réserve ministérielle, mais aussi le fait que l’outil le plus discrétionnaire et le plus déséquilibré dans son usage serait sinon maintenu aux dépens d’un outil égalitaire : toutes les circonscriptions, hormis celles des vice-présidents de l’Assemblée et des présidents de Commission, bénéficient des mêmes sommes au titre de la réserve parlementaire.

Vous nous avez dit, madame la rapporteure, que l’on ne peut pas supprimer la réserve ministérielle car elle fait l’objet d’une inscription sur un programme budgétaire, mais les crédits de la réserve parlementaire sont eux aussi versés par des ministères. Où les crédits de la réserve parlementaire sont-ils donc inscrits budgétairement, et pourquoi ce qui est possible dans un cas ne le serait-il pas dans l’autre ?

M. Philippe Gosselin. C’est exactement le sens de la question que je voulais poser. La rapporteure évoque la question des programmes budgétaires en ce qui concerne la réserve ministérielle, mais les conditions sont les mêmes pour la réserve dite parlementaire, qui fait l’objet d’inscriptions et de votes à l’occasion de la loi de finances. J’aimerais avoir connaissance des articles et des programmes concernés afin d’établir un parallèle entre les deux.

Mme la rapporteure. Pour éclairer les débats, je précise aussi que la réserve ministérielle représente aujourd’hui 5 millions d’euros, ce montant étant en baisse tendancielle.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas une question de montants, mais de principes.

Mme la rapporteure. C’est aussi une question de montants quand la réserve parlementaire s’élève à 150 millions environ. Par ailleurs, tous les ministres peuvent utiliser leurs crédits dans la limite des plafonds votés par le Parlement.

M. Arnaud Viala. Comment ? Mais alors il n’y a qu’à supprimer le Parlement !

M. Pierre-Henri Dumont. La réserve parlementaire est beaucoup plus transparente : elle passe par plusieurs filtres sur le plan local et au niveau du ministère de l’intérieur, avant d’être mise en open data, ce qui n’est absolument pas le cas de la réserve ministérielle. Certains points que vous évoquez peuvent se comprendre, car nous voudrions peut-être aussi conserver cette réserve si nous étions dans la majorité, mais votre argumentation n’est pas fondée et elle fait peser un sérieux doute sur le but recherché.

M. Régis Juanico. Je vais sans doute faire une remarque de béotien, n’ayant passé que cinq ans à la commission des Finances, mais les arguments invoqués au sujet de la réserve ministérielle ne tiennent pas, pour des raisons liées au parallélisme des formes : on peut décider en loi de finances, qui a le monopole de ce type de dispositions, de supprimer ou non la réserve ministérielle et la réserve parlementaire, mais on ne peut pas avoir une argumentation différente dans les deux cas, car ce sont les mêmes mécanismes budgétaires.

Par ailleurs, les chiffres que vous évoquez concernent l’ensemble de la réserve parlementaire, Sénat et Assemblée confondus. Pour celle-ci, il s’agissait de 81 millions d’euros en 2015. J’ai été rapporteur des crédits de la vie associative : 40 millions allaient au soutien à la vie associative dans nos territoires, dont 20 % pour les associations culturelles, 17 % pour les associations de solidarité et 15 % pour les associations sportives. Allez expliquer aux 16 millions de bénévoles de notre pays pourquoi ils vont perdre ces 40 millions d’euros de soutien, qui correspondent à des demandes de crédits non reconductibles, pour des projets exceptionnels !

Sur cette réserve parlementaire qui porte très mal son nom, nous avons réussi ces dernières années à faire de la transparence et à créer un système égalitaire et public, que l’on peut encore améliorer grâce à des jurys citoyens afin d’assurer une organisation plus participative dans les territoires. Nous sommes donc en train de faire une grave erreur.

M. David Habib. Je demande que l’on nous donne, de manière très objective, les chiffres exacts de la réserve ministérielle. Vous avez indiqué, madame la rapporteure, qu’il s’agirait de cinq millions d’euros, mais nous avons le sentiment que c’est largement sous-estimé par rapport à la réalité des moyens mis à la disposition des membres du Gouvernement pour agir sur le territoire – d’ailleurs utilement, nous ne le contestons pas.

J’appelle nos collègues à bien considérer qu’en renonçant à la réserve parlementaire et en confirmant la réserve ministérielle, on accroîtrait une fois de plus le déséquilibre en faveur de l’exécutif. C’est un phénomène que nous sommes beaucoup à avoir noté, dans tous les groupes, depuis le mois de juin dernier. Nous y reviendrons en séance.

Je le dis d’autant plus que j’ai voté la confiance : je ne suis pas dans une situation d’opposition naturelle à ce Gouvernement et à cette majorité, mais nous ne pouvons pas accepter que l’on refuse le débat. Nous le ferons porter en séance sur le statut des parlementaires en demandant le retrait de l’article relatif à la réserve parlementaire, comme l’a d’ailleurs souhaité un collègue du groupe La République en Marche. Nous irons jusqu’au bout dans l’hémicycle pour dénoncer ce qui constitue pour nous une atteinte grave à la vie démocratique et à l’aménagement du territoire dans ce pays.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL45 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Je suis d’accord avec la suppression de la réserve parlementaire, pour des raisons qui ne sont pas exactement les mêmes que celles de nos collègues de La République en Marche. J’entends, bien sûr, les arguments qui ont été avancés quant à l’utilité de cette réserve, mais il nous semble qu’il faudra discuter des choix globaux d’austérité et de non-financement des associations et d’un certain nombre de services publics à l’occasion de la loi de finances, dans le contexte budgétaire qui a encore été réaffirmé cette année.

Par cohérence avec le choix de supprimer la réserve parlementaire, nous proposons de rédiger ainsi le nouvel article 9 bis : « Il est mis fin à la pratique de la "réserve ministérielle", consistant en l’ouverture de crédits en lois de finances par l’adoption d’amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Gouvernement en vue du financement d’opérations déterminées. »

Le signal donné jusque-là, avec le soutien de la majorité, consiste à protéger l’exécutif et à maintenir des pratiques qui ne sont pas suffisamment transparentes et méritent autant que d’autres le reproche d’être discrétionnaires. On cible encore une fois les parlementaires, ce qui renforce le problème de confiance que vous essayez de traiter. Tout cela n’est pas seulement intenable médiatiquement, en termes de communication, mais aussi politiquement : allez donc expliquer aux citoyens et aux citoyennes que l’on applique des règles aux parlementaires mais pas aux ministres.

C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.

Mme Maina Sage. Je ne suis pour la suppression ni de la réserve parlementaire, ni de celles du Président de la République et des ministres. Ces budgets d’intervention sont utiles et leur souplesse d’utilisation permet d’être plus efficace dans l’action menée au quotidien. Le Gouvernement a aussi besoin de ces fonds d’intervention.

Vous avez invoqué une certaine opacité, que nous contestons : il y a un contrôle a priori, les fonds sont soumis à la loi de finances et ils sont suivis en direct par le ministère qui les attribue, en direct aussi, à des associations.

Ce qui me dérange est la suppression pure et simple de ces outils, sans propositions d’amélioration ni d’étude d’impact approfondie de leur utilisation, mais avec des propos que je trouve un peu subjectifs.

J’aurais plutôt souhaité que la majorité propose un aménagement et des améliorations pour utiliser ces dispositifs, peut-être en renforçant la transparence. J’ai cité ce que l’on peut faire jusqu’en Polynésie. S’il y a peut-être eu de mauvais exemples, il ne faut pas en faire une généralité.

Cet outil ne pèse franchement pas grand-chose au regard du budget de la nation. J’aurais préféré que vous fassiez des propositions visant à renforcer la transparence plutôt que de passer d’un argument à l’autre au risque que votre raisonnement ne tienne plus debout.

Il est aujourd’hui logique que le Parlement demande que s’applique une forme de réciprocité concernant les autres réserves. La situation actuelle est un non-sens : vous continuez à protéger la réserve ministérielle avec des arguments exactement opposés à ceux que vous venez de présenter pour supprimer la réserve parlementaire !

J’espère qu’en séance nous pourrons évoluer sur ce sujet, et aboutir à des propositions constructives qui prendront en compte les aspects positifs de ces outils.

Mme la rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement.

M. Ugo Bernalicis. En 2017, pour l’action n° 1 du programme 122, des crédits sont ouverts en loi de finances initiale à hauteur de 27 360 815 euros. La somme n’est pas négligeable.

Cela dit, ce n’est pas l’utilité de ces fonds qui est en cause, mais le caractère discrétionnaire, et donc potentiellement inégalitaire, de leur distribution. Nous ne cherchons pas à réduire des crédits dans l’absolu ; nous souhaitons que ces crédits soient utilisés de façon plus égalitaire. Nous sommes opposés à la pratique des réserves, et nous ne sommes pas favorables à l’ouverture des crédits correspondants en loi de finances.

Mme la rapporteure. Monsieur Bernalicis, l’action n° 1 comporte des crédits ministériels et de nombreux crédits de la réserve parlementaire destinés aux collectivités. Le montant que vous nous citez est consolidé. Pour obtenir un montant précis des sommes engagées par le seul ministère, je vous invite à consulter son site internet ou à lire mon rapport.

M. Arnaud Viala. Madame la rapporteure, vous rendez-vous compte que vous nous avez expliqué qu’il était impossible de revenir sur la réserve ministérielle parce qu’elle était inscrite dans la loi de finances d’une façon différente de la réserve parlementaire, et que vous affirmez à l’instant que les deux figurent dans le même programme – ce que nous avions déjà souligné ?

Il est deux heures et demie du matin. Nous sommes dans cette salle parce que nous n’avons pas pu siéger hier soir, au motif que vous aviez d’autres engagements avec le Président de la République et votre groupe. Nous avons décidé ensemble de poursuivre l’examen du texte cette nuit, à condition de conserver le sérieux et la rigueur que nos concitoyens attendent de nous. Si quelqu’un ce soir n’a plus ce sérieux et cette rigueur, madame la rapporteure, c’est bien vous ! Des réponses lapidaires et totalement fausses qui ne tiennent compte de rien et se contredisent les unes après les autres, j’en ai assez entendu !

M. Philippe Latombe. Nous avons été favorables à la suppression de la réserve parlementaire, et nous souhaiterions, au nom d’un certain parallélisme, que soit également supprimée la réserve ministérielle – que ce soit par l’adoption de cet amendement ou d’un autre.

Il s’agit de rétablir un équilibre entre l’exécutif et les parlementaires. Ces derniers ont fait un effort s’agissant de leur propre réserve ; l’exécutif peut prendre sa part. J’ajoute que le montant des crédits engagés ne risque pas de créer de profonds déséquilibres sur le territoire.

Nous pourrons toujours débattre en séance sur les réserves, de façon générale, mais, ce soir, il nous appartient de revenir à un équilibre qui nous permettrait d’avancer.

M. Stéphane Mazars, président. Monsieur Viala, nous avons siégé durant seize heures déjà sur ce texte, et il est effectivement plus de deux heures trente du matin. Il peut y avoir des « coups de mou », mais ne créons pas de problèmes où il n’en existe pas.

Vous étiez présents lorsque nous avons décidé avec les représentants de tous les groupes de poursuivre jusqu’à la fin du texte. Vous y étiez favorable.

M. Arnaud Viala. À condition que l’on soit sérieux !

M. Stéphane Mazars, président. Nos débats restent sérieux, et ce n’est pas parce que vous estimez avoir relevé une discordance – car il ne s’agit que d’une appréciation personnelle – que vous pouvez remettre en cause notre capacité collective à aller au bout de nos travaux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements identiques de précision CL125 de la rapporteure et CL105 du Gouvernement.

Puis elle adopte l’article bis modifié.

Titre II bis
Dispositions relatives aux obligations dÉclaratives

  Article 9 ter
(art. L.O. 135-1 du code électoral, 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et 10-1-2 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)
Délai de transmission d’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et transfert de dispositions intéressant les membres du Conseil supérieur de la magistrature

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 ter porte de six mois à un an le délai durant lequel les parlementaires ou les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont dispensés d’adresser une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il procède, par ailleurs, au transfert des dispositions intéressant ces derniers dans la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature prévoyait le dépôt par les magistrats des juridictions judiciaires ainsi que par les membres du Conseil supérieur de la magistrature d’une déclaration de situation patrimoniale. Cette obligation, pour les premiers, a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Modifications apportées au Sénat

L’article 9 ter a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur.

 

En séance publique, il n’a fait l’objet que d’un amendement de coordination.

Modifications adoptées par la commission des Lois

 

À l’initiative du Gouvernement, la commission des Lois a restreint le droit de communication de la HATVP pour sa mission de contrôle des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

I.   L’État du droit

A.   La prévention des conflits d’intérêts dans la sphère publique

À compter de 2013, le législateur a adopté plusieurs instruments de prévention et de règlement des conflits d’intérêts auxquels sont assujettis des publics variés :

– les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ([241]), qui concernent, notamment, les membres du Gouvernement, les parlementaires nationaux ou européens, les titulaires de fonctions exécutives locales, les membres d’une autorité administrative indépendante (AAI) ou d’une autorité publique indépendante (API) et certains emplois publics ;

– la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ([242]), qui inclut dans son champ d’application les agents publics, militaires et fonctionnaires ainsi que les membres des juridictions administratives et financières ;

– la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature ([243]), qui vise les magistrats des juridictions judiciaires ainsi que les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ;

– et, dernièrement, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ([244]), qui concerne les juges des tribunaux de commerce.

Les régimes des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale, auxquelles sont soumis ces différents publics, se distinguent essentiellement par les modalités de publication ou non de celles-ci ; le tableau ci-après en dresse une synthèse.

publicité des déclarations de patrimoine et d’intérêts

Déclarants

Déclaration de patrimoine

Déclaration d’intérêts

Président de la République

publication par le Conseil constitutionnel (a)

absence de déclaration

Candidats à l’élection présidentielle

absence de déclaration

absence de déclaration

Membres du Gouvernement

publication par la HATVP – appréciation de la HATVP jointe

publication par la HATVP – appréciation de la HATVP jointe

Membres du Parlement

consultation en préfecture – appréciation de la HATVP jointe

publication par la HATVP

Membres du Parlement européen

transmission à la HATVP sans publication

publication par la HATVP

Présidents d’exécutifs locaux

transmission à la HATVP sans publication

publication par la HATVP

Délégataires de fonctions exécutives locales

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Membres des cabinets ministériels

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Collaborateurs du Président de la République

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Emplois pourvus en conseil des ministres

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Présidents et directeurs généraux d’organismes publics

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Collaborateurs des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat

transmission à la HATVP sans publication

transmission à la HATVP sans publication (b)

Agents publics, militaires et fonctionnaires « nommés dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient »

transmission à la HATVP sans publication

transmission à l’autorité hiérarchique et, le cas échéant, à la HATVP sans publication

Membres de la juridiction administrative

transmission à la HATVP sans publication (c)

entretien déontologique sans communication aux tiers

Membres des juridictions financières

transmission à la HATVP sans publication (d)

entretien déontologique sans communication aux tiers

Juges des tribunaux de commerce

absence de déclaration

entretien déontologique sans communication aux tiers

Magistrats judiciaires

absence de déclaration (e)

entretien déontologique sans communication aux tiers

Source : commission des Lois.

(a) Conséquence de la censure prononcée par la décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013.

(b) Conséquence de la réserve d’interprétation formulée dans la décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013.

(c) Obligation limitée au vice-président et aux présidents de section du Conseil d’État, présidents de tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel.

(d) Obligation limitée au premier président, au procureur général et aux présidents de chambre de la Cour des comptes.

(e) Conséquence de la censure prononcée par la décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016.

Le législateur organique a créé, pour les membres du CSM, un mécanisme très proche de celui institué pour les agents publics, militaires et fonctionnaires ou les membres des juridictions administratives et financières. Les déclarations de patrimoine, en particulier, sont contrôlées par la même autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré ([245]) les dispositions de la loi organique du 8 août 2016 créant une obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale pour les seuls chefs de cour et chefs de juridiction, sous le contrôle de la HATVP, au motif d’une rupture d’égalité entre les magistrats, tout en admettant cette même obligation pour les membres du Conseil supérieur de la magistrature dans leur intégralité.

B.   Les obligations déontologiques pesant sur les magistrats judiciaires et les membres du conseil supérieur de la magistrature

L’article 26 de la loi organique du 8 août 2016 a introduit dans l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 ([246]) trois nouveaux articles 7-1 à 7-3 qui transposent aux magistrats judiciaires les instruments créés par les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 et par la loi du 20 avril 2016 précitées.

En complément, ses articles 42 et 43 ont inséré un nouvel article 10-1 dans la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ([247]) qui soumet les membres du CSM à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale, dans les conditions déterminées aux articles 7-1 à 7-3 précités.

1.   La déclaration d’intérêts

L’article 7-1 de l’ordonnance statutaire prévoit, plus particulièrement, que les magistrats veillent à prévenir et à faire cesser sans délai les situations de conflit d’intérêts. Le conflit d’intérêts y est défini comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » ([248]).

L’article 7-2 impose à tout magistrat ([249]) l’obligation de remettre une déclaration d’intérêts dans les deux mois qui suivent l’installation dans ses fonctions. Il crée un collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire, qui peut être sollicité pour avis sur la déclaration lorsqu’il existe un doute sur une éventuelle situation de conflit d’intérêts, comme il en existe pour la juridiction administrative, conformément à l’article L. 131-5 du code de justice administrative. Il précise également le contenu des déclarations d’intérêts alors que la loi du 20 avril 2016 renvoyait, dans ce domaine, à un décret en Conseil d’État.

La remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique. Cette déclaration demeure confidentielle, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a censuré comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée la publicité des déclarations d’intérêts de « personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n’étant pas élues par les citoyens » ([250]).

Reprenant, sur ce point, la loi du 20 avril 2016, l’article 7-2 prohibe toute mention dans la déclaration d’intérêts des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques du magistrat, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement. Des dispositions pénales sanctionnent, par ailleurs, la méconnaissance des obligations déclaratives ou la divulgation du contenu des déclarations d’intérêts.

2.   La déclaration de situation patrimoniale

Le nouvel article 7-3, dans la rédaction soumise au contrôle a priori du Conseil constitutionnel, imposait à certains magistrats ([251]) l’établissement d’une déclaration de situation patrimoniale. Six alinéas ont été déclarés non conformes à la Constitution au motif qu’il en résultait une différence de traitement entre ces magistrats et les autres magistrats exerçant des fonctions en juridiction ([252]). Le Conseil constitutionnel n’a, en revanche, pas censuré les autres dispositions de l’article 7-3, qui concernaient, par renvoi, les membres du CSM.

Le contenu de la déclaration de situation patrimoniale est similaire à celui prévu par l’article 4 de la loi du 11 octobre 2013. Le soin de recueillir et de contrôler ces déclarations est confié à la HATVP ; celles-ci devront être remises par les magistrats dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions, puis dans les deux mois qui suivent la cessation de ces fonctions, afin de permettre la détection d’éventuelles évolutions inexpliquées du patrimoine.

Comme c’est le cas pour les membres des juridictions administratives et financières, la déclaration de situation patrimoniale des membres du CSM n’est pas communiquée aux tiers.

II.   LE dispositif introduit par le Sénat

A.   L’augmentation du délai de mise à jour des déclarations de situation patrimoniale

Le I de l’article L.O. 135-1 du code électoral dispense d’adresser une nouvelle déclaration, sauf modification substantielle, pendant un délai de six mois, lorsqu’une personne a adressé une déclaration de situation patrimoniale à la HATVP. Cette mesure de souplesse reste valable même si celle-ci est désignée à des fonctions impliquant normalement une telle déclaration.

Le I du présent article étend ce délai à un an s’agissant des parlementaires ou des membres du conseil supérieur de la magistrature, pour lesquels ces règles sont définies par la loi organique. Cette évolution donne suite aux propositions formulées par la HATVP dans ses rapports d’activité pour 2015 et 2016.

Des dispositions analogues ont été insérées par les sénateurs à l’article 2 ter du projet de loi pour les élus locaux, les membres du Gouvernement, les fonctionnaires, les militaires et les magistrats administratifs et financiers.

B.   La recodification des dispositions relatives aux membres du Conseil supérieur de la magistrature

Le II du présent article opère un transfert des dispositions relatives à la déclaration de situation patrimoniale vers la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, tandis que le III abroge celles qui avaient été insérées au sein l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Si, indubitablement, ce transfert améliore la cohérence des textes relatifs à la magistrature, il entérine la situation résultant de la censure du Conseil constitutionnel. Pour autant, la logique serait de rétablir, dans un prochain texte, une obligation de déclaration de situation patrimoniale pour l’ensemble des magistrats judiciaires, sur le modèle des dispositions votées en 2016 pour les magistrats administratifs ou financiers.

III.   Les modifications apportées par la commission des Lois

Le II du présent article, dans la rédaction modifiée par le Sénat en séance publique, dote la HATVP d’un droit de communication propre pour sa mission de contrôle des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Ce droit, prévu par renvoi à celui dont dispose l’administration fiscale sur le fondement du livre des procédures fiscales, est très étendu.

La commission des Lois a donc adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de la rapporteure, prévoyant que la HATVP pourra demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication dont celle-ci dispose. Un amendement similaire, quoique moins restrictif, a été adopté à l’article 9 quater.

*

*     *

La Commission est saisie de l’amendement CL104 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet amendement, qui s’inscrit dans le prolongement de dispositions votées dans le projet de loi ordinaire. L’article 9 ter porte de six mois à un an le délai durant lequel les parlementaires ou les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont dispensés d’adresser une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Il procède, par ailleurs, au transfert des dispositions intéressant ces derniers dans la loi organique du 5 février 1994 relative au Conseil supérieur de la magistrature.

Par cohérence avec l’amendement déposé à l’article 9 quater, le Gouvernement souhaite restreindre le droit de communication directe de la HATVP.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 ter modifié.

Article 9 quater
(art. L.O. 135-3 du code électoral)
Exercice par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique d’un droit de communication sans médiation de l’administration fiscale

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 quater, inséré dans le projet de loi organique par le Sénat, accorde un droit de communication direct à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), sans passer par la direction générale des finances publiques. Le droit de communication est l’instrument juridique qui permet de solliciter auprès de divers organismes, notamment bancaires mais pas seulement (greffes, état civil, notaires, etc.), des informations destinées à opérer un contrôle sur la situation d’un individu.

L’évolution adoptée par le Sénat répond à un double objectif : d’une part, éviter les délais et pertes de temps qui résultent du passage obligé par un intermédiaire et, d’autre part, prévenir les cas dans lesquels le fisc, sollicité pour une communication par la Haute Autorité, tourne son regard vers le contribuable visé pour découvrir diverses situations problématiques.

L’article 9 quater équivaut, dans le projet de loi organique, à l’article 2 quater du projet de loi ordinaire.

Dernières modifications législatives intervenues

La HATVP a été dotée, à sa création par la loi du 11 octobre 2013, d’un droit de communication indirect, c’est-à-dire qu’il est mis en œuvre sur demande par l’administration fiscale.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Un amendement du Gouvernement soutenu par la rapporteure a restreint le droit de communication direct de la HATVP aux seules relations avec les établissements bancaires et les compagnies d’assurance.

I.   Une disposition insérée par le Sénat

Issu d’un amendement du sénateur François Bonhomme adopté par la commission des Lois du Sénat, l’article 9 quater du projet de loi organique modifie l’article L.O. 135‑2 du code électoral pour le mettre en cohérence avec l’article 2 quater du projet de loi ordinaire.

Il autorise la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à faire un usage direct de son droit de communication, sans l’intermédiation de l’administration fiscale prévue à l’article 6 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([253]), pour le contrôle des déclarations produites par les parlementaires. Cette évolution correspond à une demande de la Haute Autorité qui, dans son rapport d’activité pour l’année 2016, réclamait un droit de communication autonome « susceptible de limiter la redondance des procédures patrimoniales et des procédures fiscales, qui suscitent parfois l’incompréhension de déclarants confrontés à des demandes successives sur des éléments similaires ».

En séance publique, le Gouvernement a souhaité limiter ce droit de communication autonome de la HATVP aux seuls établissements bancaires et entreprises d’assurance-vie. Cet amendement s’est heurté à l’avis défavorable du rapporteur et à l’opposition du Sénat.

II.   La position de la commission des Lois

La Commission, sur avis favorable de la rapporteure, a adopté un amendement du Gouvernement accordant un droit de communication direct à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans ses seules relations avec les établissements bancaires et les compagnies d’assurance. Les communications avec d’autres tiers restent soumises à l’intermédiation de l’administration fiscale.

Votre Commission a considéré que cette évolution était souhaitable, mais excessivement rapide : il semblait délicat de confier d’un bloc la faculté pour la HATVP d’exercer un droit de communication comparable à celui dont bénéficient les autorités judiciaires.

Par cohérence, une modification de même effet a été portée sur l’article 9 quater du projet de loi ordinaire.

*

*     *

La Commission examine l’amendement CL136 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Il est probablement excessif de conférer à la HATVP un droit de communication comparable à celui dont disposent les membres de l’administration fiscale et de l’autorité judiciaire, comme l’a fait le Sénat.

Le Gouvernement propose que la HATVP puisse s’adresser directement aux banques et aux compagnies d’assurances. C’est en pleine cohérence avec ses missions de vérification des intérêts et des patrimoines. Pour les demandes plus rares et sollicitant des opérateurs de taille plus modeste, le droit de communication passera toujours par l’intermédiaire de l’administration fiscale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 quater modifié.

Article 9 quinquies (supprimé)
(art. 9-1 nouveau de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social)
Déclarations de situation patrimoniale et d’intérêt des membres du Conseil économique, social et environnemental

Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit à l’initiative de M Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, l’article 9 quinquies a pour objet de soumettre les membres du Conseil économique, social et environnemental aux mêmes obligations déclaratives à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) que les parlementaires.

Les modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a supprimé cet article.

I.   Une disposition insérée par le Sénat

Le présent article additionnel, introduit en séance publique, au Sénat, par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste vise à soumettre les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) aux mêmes obligations déclaratives que les parlementaires. Les membres du CESE devraient donc adresser personnellement une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique dans les conditions prévues aux articles L.O. 135-1 à L.O. 135-5 du code électoral.

Il convient de rappeler que les articles 69 et suivants de la Constitution précisent le rôle du CESE, le mode de désignation de ses membres et son mode de saisine. Ils opèrent de larges renvois à la loi organique. L’introduction par voie d’amendement d’une obligation déclarative présente donc un risque d’annulation par le Conseil constitutionnel.

En effet, dans une décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 concernant la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition équivalente imposant à ses propres membres de se conformer à ces mêmes obligations déclaratives, qui avait été introduite par voie d’amendement. Il a fait valoir que les dispositions du projet de loi organique initial déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale n’avaient pas été prises sur le fondement de l’article 63 de la Constitution relatif au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel considère ainsi que : « S’il est loisible au législateur organique de modifier ou compléter les obligations qui s’imposent aux membres du Conseil constitutionnel, les dispositions, qui ont été introduites par voie d’amendement en première lecture à l’Assemblée nationale, sont prises sur le fondement de l’article 63 de la Constitution. Par conséquent, elles ne présentent pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi organique déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, qui sont prises sur le fondement des articles 13, 64 et 65 de la Constitution. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires ».

Par un raisonnement analogue, on peut considérer que la disposition introduite par voie d’amendement au Sénat pourrait être considérée comme ayant été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, dans la mesure où le présent projet de loi organique déposé sur le bureau du Sénat ne l’a pas été sur le fondement des articles 69 et 71 de la Constitution relatif au CESE.

II.   La position de la commission des Lois

Par l’adoption de deux amendements de la rapporteure et du Gouvernement, la Commission a jugé que l’article 9 quinquies avait le caractère de cavalier, et décidé sa suppression.

*

*     *

La Commission est saisie des amendements identiques CL126 de la rapporteure, et CL137 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article 9 quinquies, qui risque d’être considéré comme un cavalier législatif car il n’entre pas dans le champ de l’habilitation de la loi organique.

M. Ugo Bernalicis. En cohérence avec notre amendement qui visait les membres du CESE, je suis favorable au maintien de l’article 9 quinquies et je voterai contre ces amendements.

La Commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 9 quinquies est supprimé.

Après l’article 9 quinquies

La Commission examine l’amendement CL12 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Devant le Congrès, à Versailles, le président Macron a cité Simone Veil pour évoquer l’effectivité de la loi. L’effectivité ne se confond pas avec l’efficacité technicienne et économique, mais pose plutôt une question : la loi est-elle vraiment juste et bonne ?

Pour répondre à cette question, des indicateurs de développement humain ont été mis en place au niveau international. Ils doivent permettre de prendre en compte des facteurs aussi essentiels que la réduction des inégalités, le respect de la dignité humaine ou les externalités environnementales afin d’évaluer le but ultime d’une loi.

La loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques a d’ores et déjà prévu que les politiques publiques devaient être évaluées au regard de leur contribution au développement humain. Mais la loi ordinaire ne suffit pas, et ces indicateurs ne sont quasiment jamais utilisés. Je vous propose en conséquence de les faire figurer dans la loi organique. Ils devraient enrichir les études d’impact afin que nous évaluions correctement les mesures que nous adoptons.

Ce dispositif qui ne coûte rien peut constituer notre boussole politique commune. L’éthique et les indicateurs de développement humain ne sont pas des drapeaux que l’on hisse sur des mats ; ils devraient être les gouvernails de la vie publique.

Mme la rapporteure. Cela est très joliment dit, et je vous rejoins sur le fond de l’amendement. Il pose un petit problème par rapport au champ du projet de loi organique, dans lequel il n’entre pas vraiment, et c’est pour cette seule raison que j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

titre iii
dispositions relatives au mÉdiateur du financement des candidats et des partis politiques

  Article 10
(tableau annexé à la loi n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution)
Avis du Parlement sur l’exercice par le président de la République de son pouvoir de nomination du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 soumet la nomination du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, dont la création est prévue par l’article 10 du projet de loi ordinaire, à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes a prévu de soumettre à l’avis des commissions parlementaires l’ensemble des nominations des présidents des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Modifications apportées au Sénat

Les sénateurs n’ont adopté que des modifications rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications de coordination. 

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République a introduit un dispositif de contrôle par le Parlement des nominations effectuées par le Président de la République, en ce qui concerne les emplois ou fonctions qui se caractérisent par « leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Les commissions permanentes compétentes à l’Assemblée nationale et au Sénat sont ainsi conduites à se prononcer sur la personne pressentie ; lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, cette nomination ne peut avoir lieu.

La loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 prise pour l’application de ces dispositions a ainsi prévu de soumettre pour avis au Parlement la nomination des présidents de certaines autorités administratives indépendantes nommés par le Président de la République, tel que le président de l’Autorité des marchés financiers ou celui de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Les nominations concernées sont énumérées dans un tableau annexé à la loi organique. Celui-ci a été complété, depuis lors, à plusieurs reprises.

L’article 10 du projet de loi ordinaire prévoit que le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques sera nommé par décret du Président de la République, après avis des commissions permanentes des deux assemblées « compétentes en matière de lois électorales » et du gouverneur de la Banque de France.

Il convient d’inscrire ces modalités de désignation dans la loi organique, en complétant le tableau annexé précédemment mentionné.

Au Sénat, cet article 10 n’a fait l’objet que de modifications d’ordre rédactionnel.

À l’Assemblée nationale, la commission des Lois n’a adopté qu’un amendement de coordination.

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*     *

La Commission se saisit de l’amendement CL138 du Gouvernement.

Mme la rapporteure. Cet amendement, auquel je suis favorable, vise à rétablir la mention, dans le tableau annexé, du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10, ainsi modifié.

TITRE IV
Dispositions diverses et transitoires

Avant l’article 11

La Commission examine l’amendement CL58 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à renforcer la publicité des indemnités de fonction et des rémunérations perçues par les élus locaux lorsqu’ils appartiennent au conseil d’administration d’établissements publics, du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), ou encore d’une société d’économie mixte locale.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement renvoie à la question du cumul de rémunération des élus locaux ; il n’est dans le champ de la loi organique que parce que ces dispositions concernent des collectivités d’outre-mer à statut organique.

M. Philippe Gosselin. Il ne s’agit pas ici du cumul, me semble-t-il, mais de la publicité des revenus. Ce n’est pas la même chose.

La Commission rejette l’amendement.

Article 11
Modalités d’entrée en vigueur de l’article 2 relatif à la vérification de la situation fiscale des parlementaires

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 prévoit les modalités d’entrée en vigueur du dispositif de l’article 2 instituant un contrôle de la situation fiscale des parlementaires.

Cette entrée en vigueur serait immédiate pour l’Assemblée nationale et fixée au 2 octobre 2017, date d’entrée en fonction des sénateurs renouvelables cette année, pour le Sénat.

Modifications apportées au Sénat

La rédaction présentée par le Gouvernement prévoyait d’assujettir immédiatement à la vérification de situation fiscale les députés et les sénateurs non renouvelables en 2017, et de ne repousser au 2 octobre que les sénateurs élus à la fin de l’été. Le Sénat a préféré que tous les sénateurs soient assujettis à la même date. Ce léger décalage soulagera d’autant l’administration fiscale, qui ne dispose que de trois mois pour établir une attestation pour chaque parlementaire.

Modifications apportées par la commission des Lois

La Commission a souhaité que l’attestation de situation fiscale soit dressée à la date d’application du dispositif aux élus concernés, et non à une date antérieure.

I.   Les dispositions du projet de loi

L’article 11 du projet de loi organique prévoit les modalités d’entrée en vigueur de l’article L.O. 136‑4 du code électoral dans sa rédaction issue de l’article 2.

Le Gouvernement a proposé d’appliquer cette procédure à l’ensemble des mandats en cours à la date de publication de la loi organique. Un délai de trois mois serait imparti à l’administration fiscale pour établir, pour chaque parlementaire, l’attestation prévue à l’article 2 constatant s’il satisfait ou non, à cette date et en l’état des informations disponibles, aux obligations de déclaration et de paiement des impôts dont il est redevable.

L’article 11 exempte de cette procédure les sénateurs appartenant à la série renouvelable en septembre 2017 ([254]). En effet, ceux-ci ont vocation :

–  soit à quitter le Parlement avant le délai de trois mois imparti à l’administration fiscale pour attester de leur situation ;

–  soit à voir leur mandat renouvelé en septembre 2017 et à entrer dans le périmètre de l’article 2, qui prévoit que l’attestation fiscale soit communiquée dans le mois suivant l’élection.

II.   Une disposition modifiée à la marge par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a approuvé le principe d’une vérification de la situation fiscale des parlementaires en fonction. Elle a simplement souhaité, en adoptant un amendement en ce sens du rapporteur, que l’ensemble des sénateurs soit soumis à une même procédure afin de préserver une « égalité de traitement ([255]) » entre eux.

L’application du dispositif serait donc la suivante :

–  pour les députés, l’administration fiscale disposerait de trois mois à la date d’entrée en vigueur de la loi organique pour communiquer les attestations correspondantes ;

–  pour les sénateurs, l’administration fiscale disposerait également de trois mois, mais à compter de leur entrée en fonction à la suite du prochain renouvellement, soit le 2 octobre 2017.

III.   La position de la commission des Lois

La Commission a adopté deux amendements de la rapporteure.

L’un est de précision, fixant l’entrée en application pour les sénateurs au 2 octobre 2017, jour de l’entrée en fonctions des élus du renouvellement de septembre.

L’autre dispose que l’attestation de situation fiscale est établie à la date d’application du dispositif, et non à la promulgation de la loi organique. En effet, pour ce qui concerne les sénateurs, c’eût été grandement inutile d’établir l’existence d’un manquement régularisé avant l’entrée en application du dispositif, éteignant la procédure avant même qu’elle ne commence.

*

*     *

La Commission étudie l’amendement CL46 de Mme Danièle Obono.

M. Bastien Lachaud. En cohérence avec nos amendements précédents, nous souhaitons que l’article 2 de la loi organique s’applique également aux sénateurs dont le mandat s’achèvera au mois de septembre 2017.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La loi organique ne sera pas promulguée avant, au mieux, la fin du mois d’août. À partir de cette date, l’administration aura trois mois pour produire une attestation de situation fiscale. Cela voudrait dire que le Conseil constitutionnel ne connaîtrait qu’en 2018 des cas des sénateurs qui ne le sont plus depuis l’automne 2017, avec pour seule sanction possible une inéligibilité – alors qu’ils ne seront plus élus !

M. Ugo Bernalicis. Ce serait toujours ça de pris !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de précision CL128 et CL129 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 11 modifié.

Article 12
Modalités d’entrée en vigueur des dispositions renforçant les incompatibilités

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 reporte l’entrée en vigueur de certaines des nouvelles incompatibilités créées par les articles 4 à 6. Il organise le dépôt des déclarations complémentaires d’activités prévues par l’article 3 du présent projet de loi organique.

Dernières modifications législatives intervenues

Sans objet.

Modifications apportées au Sénat

Les sénateurs n’ont adopté que des modifications rédactionnelles.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Cet article n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles. 

Le I du présent article tire les conséquences des modifications apportées par l’article 3 au contenu des déclarations d’intérêts et d’activités prévues au I de l’article L.O. 135-1 du code électoral. Il impose à tout parlementaire de compléter, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi organique, la déclaration qu’il a adressée au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ainsi qu’au bureau de l’assemblée à laquelle il appartient.

Les députés entrés en fonction le 20 juin 2017 doivent remettre leur déclaration initiale au plus tard le 20 août. En fonction de la date de promulgation du texte organique, ils seront donc conduits soit à adresser une seule déclaration initiale, intégrant les nouveaux éléments demandés, soit à compléter leur déclaration initiale par une déclaration complémentaire. En revanche, les sénateurs élus au mois de septembre prochain pourront faire figurer les nouveaux éléments dans leur déclaration initiale tandis que leurs collègues dont le mandat n’était pas renouvelable en 2017 devront, dans tous les cas, adresser une déclaration complémentaire.

Le II fixe au 2 octobre 2017 la date d’entrée en vigueur de l’interdiction, prévue par l’article 4, de diriger des « sociétés, entreprises ou organismes dont l’activité consiste principalement à fournir des conseils » aux sociétés ou entités énumérées par l’article L.O. 146 du code électoral. Les parlementaires concernés disposeraient ensuite de trois mois pour régulariser leur situation.

Le III prévoit une application immédiate, dès l’entrée en vigueur de la loi, de :

– l’interdiction, prévue à l’article 5, pour un parlementaire, de commencer l’exercice d’une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat (1° de l’article L.O. 146-1) ;

– l’interdiction, résultant du même article, de la fourniture de conseils aux entreprises et entités « sensibles » (3° de l’article L.O. 146-1) ;

– l’interdiction, prévue par l’article 6, de contrôler des sociétés fournissant des conseils à ces mêmes entreprises et entités (2° de l’article L.O. 146-2).

Il laisse toutefois, dans les deux derniers cas, un délai de trois mois aux parlementaires pour se mettre en conformité avec ces interdictions.

En complément, le IV interdit expressément aux parlementaires qui bénéficiaient de l’exception en faveur de certaines professions libérales, dans l’état du droit antérieur au présent projet de loi organique, de commencer à exercer une fonction de conseil.

Enfin, le V reporte au premier renouvellement de l’assemblée à laquelle il appartient suivant le 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de l’interdiction, ajoutée par l’article 5, pour un parlementaire de poursuivre une activité de conseil qui aurait été initiée dans les douze mois précédant le premier jour du mois de l’élection (2° de l’article L.O. 146-1) et de l’interdiction d’exercer le contrôle d’une société de conseil acquis dans les douze mois précédant le premier jour du mois de l’élection (1° de l’article L.O. 146-2).

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi organique ([256]), ce report vise à prévenir, en particulier dans l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale, la situation dans laquelle un parlementaire se verrait reprocher d’avoir commencé dans les douze mois précédant le premier jour de son mandat une activité incompatible alors que cette interdiction n’aurait pas été prévue par les textes depuis au moins un an.

Lors de la lecture au Sénat, cet article 12 n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles. Il en a été de même lors de son examen par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

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Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL48 de M. Ugo Bernalicis.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CL130, CL131 et CL132 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13
Poursuite de l’exécution des crédits ouverts au titre de la « réserve parlementaire »

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que le dispositif proposé à l’article 9 (suppression de la pratique de la réserve parlementaire et abrogation du 9° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances) ne soit pas applicable aux crédits ouverts avant l’exercice 2018.

Dernières modifications législatives intervenues

Aucune

Modification apportées au Sénat

Le Sénat n’a pas modifié cet article malgré le fait qu’il ait entièrement réécrit l’article 9 du présent projet de loi pour légaliser la pratique de la réserve parlementaire tout en l’encadrant davantage.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté cet article sans modification.

Initialement, le présent article prévoyait que le dispositif proposé à l’article 9 (suppression de la pratique de la réserve parlementaire et abrogation du 9° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances)([257]) ne soit pas applicable aux crédits ouverts avant l’exercice 2018.

Cette modalité d’entrée en vigueur différée, suggérée par le Conseil d’État dans son avis n° 3933323 ([258]), devait permettre l’exécution des lois de finances antérieures conformément aux votes exprimés par le Parlement pour solder les décisions de subventionnement engagées jusqu’à la fin de l’année 2017. Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi organique, 25 140 opérations sont actuellement ouvertes.

S’agissant des subventions pour travaux divers d’intérêt local inscrites sur la ligne Travaux divers d’intérêt général de l’action n° 1 du programme 122 Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, le ministère de l’Intérieur a transmis à votre rapporteure le montant des crédits de paiement restant à verser au titre de la réserve parlementaire et de la réserve ministérielle par millésime ci-après :

Montant des crédits de paiement restant à verser au titre de la réserve parlementaire et ministérielle

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Au 13/07/2017

Total

5 M€

8,2 M€

7,6 M€

21,8 M€

39,7 M€

70,9 M€

50 M€

203,2 M€

En l’état du droit, les bénéficiaires de la réserve parlementaire disposent d’un délai de deux ans - prorogeable un an - pour débuter le projet, puis d’un délai de quatre ans non prorogeable pour le terminer. En conséquence, l’exécution des dossiers déposés au titre de la réserve de 2017 devait pouvoir se poursuivre jusqu’en 2024, malgré la suppression de la réserve parlementaire prévue par l’article 9. C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de la rapporteure, la commission des Lois a prévu, à l’article 9 du projet de loi organique, de n’abroger le dispositif de transparence des subventions accordées au titre de la réserve parlementaire qu’à compter du 1er janvier 2024.

La Commission a adopté cet article 13 sans modification.

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La Commission adopte l’article 13 sans modification.

Article 14
Application du présent projet de loi à tout le territoire de la République

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que les dispositions du projet de loi organique s’appliquent aussi bien en métropole que dans l’ensemble des outre-mer.

Modification au Sénat

À l’initiative du rapporteur, le dispositif initial a été supprimé au motif que les lois de « souveraineté » s’appliquent nécessairement à l’ensemble du territoire de la République. En revanche, le Sénat a considéré que, pour l’application de l’article 2 du présent projet de loi modifié relatif au contrôle par l’administration fiscale du respect par un parlementaire, au moment de son entrée en fonction, il était nécessaire de préciser que l’administration fiscale compétente localement dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie devrait transmettre, dans les mêmes conditions que l’administration fiscale compétente au niveau national, l’attestation au regard de la législation et de la réglementation applicables localement.

Modifications adoptées par la commission des Lois

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté cet article sans modification.

Par cette disposition, le Gouvernement entendait préciser que le projet de loi organique s’appliquait aussi bien en France métropolitaine que dans l’ensemble des outre-mer, y compris dans les collectivités territoriales régies par l’article 74 de la Constitution relevant du principe de spécialité législative (Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna) et en Nouvelle-Calédonie, laquelle est régie par le titre XIII de la Constitution. Rappelons en effet que dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte), les lois et règlements sont applicables de plein droit au titre du principe de « l’identité législative ».

Toutefois, à l’initiative de son rapporteur, le Sénat a rappelé que les dispositions législatives qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République, généralement qualifiées de « lois de souveraineté », sont applicables de plein droit, sans qu’une mention expresse soit requise à cette fin. Il en est ainsi des lois organiques dans la mesure où elles ne portent pas sur des matières spécifiques à une collectivité ou une catégorie de collectivités. Dès lors, le Sénat a supprimé le dispositif initial.

Toutefois, il l’a remplacé afin de prévoir les adaptations rendues nécessaires par l’adoption de l’article 2 du projet de loi organique, créant un article L.O. 136-3 du code électoral relatif au contrôle par l’administration fiscale du respect par un parlementaire, au moment de son entrée en fonction, des obligations de déclaration et de paiement des impôts dont il est redevable.

En effet, dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, la compétence fiscale n’appartient pas à l’État : l’administration fiscale relève donc des autorités locales.

C’est pourquoi, par souci d’égalité entre les parlementaires, le Sénat a précisé que, pour la mise en œuvre de cette disposition, l’administration fiscale compétente localement dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie devrait transmettre, dans les mêmes conditions que l’administration fiscale compétente au niveau national, l’attestation au regard de la législation et de la réglementation applicables localement.

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté cet article 13 sans modification.

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La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Après l’article 14

La Commission rejette successivement les amendements CL66, CL68, CL67 et CL69 de M. Gosselin.

Puis elle examine les amendements CL50 de Mme Danièle Obono et CL49 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Nous souhaitons l’instauration d’un référendum « révocatoire » : ce serait à notre sens une manière de renouer le lien de confiance avec les citoyens. Certes, nos mandats sont représentatifs et non impératifs. Mais nous avons trop souvent vu un décalage, parfois non négligeable, entre les promesses électorales et les actes des élus. Le quinquennat précédent nous a montré que l’on pouvait sans difficulté ne pas faire ce que l’on avait promis, voire faire le contraire : les institutions de la Ve République permettent de s’en tirer à bon compte.

Ce référendum révocatoire, ce n’est pas la remise en cause permanente du mandat électoral – dans les pays où il existe, il est assez peu utilisé. C’est une sorte d’épée de Damoclès « amicale », qui contraint l’élu à tenir ses promesses. D’ailleurs, même s’il tient ses promesses et qu’il est pourtant déclaré démissionnaire d’office à la suite d’un référendum révocatoire, ce n’est pas très grave : c’est le peuple souverain qui en aura décidé. Et nous ne reconnaissons pas d’autre souverain que le peuple !

Cette disposition permettrait de montrer à tous nos concitoyens que les élus ne sont que l’émanation de leur volonté.

Mme la rapporteure. Je vous propose de retirer vos amendements, qui ont d’ailleurs trait au droit de pétition et non au référendum révocatoire ; à défaut, j’y serai défavorable. Ces amendements pourront être présentés lorsque nous débattrons de la future réforme de la Constitution, mais ils n’ont pas leur place ici. Le Président de la République a annoncé au Congrès qu’il souhaitait des avancées sur le droit de pétition ; nous aborderons ces sujets dès la rentrée en commission des Lois.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Elle examine ensuite les amendements CL64 et CL57 de M. François Ruffin.

M. Bastien Lachaud. La très forte abstention enregistrée lors des récentes élections législatives l’a montré : celles-ci ont perdu de leur intérêt du fait de l’inversion du calendrier électoral intervenue en 2002. Elles ne servent plus maintenant aux Français qu’à donner un blanc-seing au Président de la République. Dès lors, le Parlement devient une chambre d’enregistrement.

Nous proposons donc de disjoindre les élections législatives de l’élection présidentielle, afin de rendre tout son rôle au Parlement et de redonner confiance aux citoyens dans l’action des parlementaires. Ces deux amendements ont donc toute leur place dans ce projet de loi organique.

Mme la rapporteure. Je souhaite le retrait de ces amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable. Il s’agit d’un sujet institutionnel sérieux, dont les implications sont majeures – mais ils n’ont à mon sens aucun lien avec ce dont nous débattons aujourd’hui. Encore une fois, nous aurons tout le loisir d’approfondir ces sujets en commission des Lois, puisque nous aurons la chance de travailler dans quelques mois sur une vraie, une grande réforme constitutionnelle. Je ne doute pas que nous aborderons ces points de la façon la plus complète.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Elle se saisit ensuite de l’amendement CL70 de M. François Ruffin.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement tend, conformément à l’article 27 de la Constitution, à punir sévèrement toute personne qui tenterait d’intimider ou de dissuader un parlementaire d’exercer pleinement son mandat, de manière personnelle et en toute indépendance d’esprit.

Je ne reviens pas sur la prééminence de l’exécutif sur le législatif que nous constatons depuis l’inversion du calendrier ; mais l’influence et les pressions du premier sur les parlementaires d’un groupe sont évidentes, puisque les membres de ce groupe sont même menacés de sanction si jamais ils s’écartaient d’une position collective. On entend même des menaces venues d’un parti extérieur au Gouvernement…

En imposant une telle discipline de groupe, on méconnaît la lettre et l’esprit de la Constitution, alors que « tout mandat impératif est nul » et que « le droit de vote des membres du Parlement est personnel ».

Cet amendement consiste, en résumé, à rendre leurs pleins pouvoirs aux parlementaires.

M. Philippe Gosselin. Viseriez-vous les visiteurs du soir à l’hôtel de Clermont ?

Mme la rapporteure. Avis défavorable. On ne saurait empêcher une majorité d’exprimer des opinions convergentes. À vrai dire, je ne comprends guère le sens de cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL72 de M. François Ruffin.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement, tel un retour de l’émission « Vis ma vie » – mais cette fois dans la loi organique –, vise à donner à l’Assemblée les prérogatives nécessaires pour organiser des stages d’observation obligatoires, même si j’en vois déjà certains qui voudraient s’y soustraire, arguant du fait qu’ils viennent de la société civile. Si nous venons tous de la société civile, c’est qu’il n’y a pas – ou peu – d’anciens militaires ici… mais nous aurons sans doute un jour un débat sur cette notion. Quant à moi, je considère que je ne viens pas de la société civile, car j’avais déjà une carte dans un parti politique ; voilà le critère que nous retenons.

C’est donc un amendement de cohérence avec celui que j’ai défendu sur le même sujet lors de l’examen du projet de loi ordinaire. Je suis certain que nos collègues du groupe Les Républicains voteront de nouveau favorablement.

Mme la rapporteure. Je ferai preuve d’autant de cohérence que vous, monsieur Bernalicis, en vous rappelant que nous n’avons pas besoin de ce genre de stages pour savoir ce qu’est la vraie vie ! Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Autrefois, on disait que « la terre ne ment pas » ; lire dans l’exposé des motifs de l’amendement que viennent de présenter nos collègues du groupe France insoumise que « le terrain ne ment pas » m’épate, même à une heure aussi tardive.

La Commission rejette l’amendement.

Article 15 (nouveau)
(art. L.O. 1112-13 du code général des collectivités territoriales et art. 159 de la loi organique n° 2004192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française)
Application au référendum local des dispositions de l’article 9

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté sur proposition de la rapporteure, le présent article rend applicables au référendum local, auquel peut décider de recourir l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, les sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions relatives au financement des campagnes électorales.

L’article 9 du projet de loi modifie l’article L.113-1 du code électoral, qui prévoit les sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions relatives au financement des campagnes électorales.

Or, l’article L.O. 1112-13 du code général des collectivités territoriales rend applicables au référendum local certaines des sanctions prévues à cet article du code électoral. La commission des Lois a donc adopté un amendement de la rapporteure, afin de mettre en cohérence le code général des collectivités territoriales avec la nouvelle rédaction du code électoral.

S’agissant du cas particulier du référendum local applicable en Polynésie française, cet amendement a procédé à l’adaptation des dispositions de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ([259]).

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La Commission adopte les amendements de coordination CL133 de la rapporteure et CL139 du Gouvernement. L’article 15 est ainsi rédigé.

Article 16 (nouveau)
(art. 196 et 197 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie)
Extension à certains élus de Nouvelle-Calédonie des incompatibilités parlementaires applicables à certaines activités de conseil

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, l’article 16 rend applicables les dispositions relatives aux incompatibilités parlementaires à certains élus néo-calédoniens.

Adopté par la commission des Lois, sur proposition de votre rapporteure, le présent article étend les incompatibilités applicables aux parlementaires, introduites par les articles 6 à 8 du projet de loi, aux membres d’une assemblée de province ou du congrès de Nouvelle-Calédonie. Il modifie, dans ce but, la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ([260]).

Il permet également :

– d’allonger le délai de mise en conformité laissé aux membres d’une assemblée de province ou du congrès qui exerceraient le contrôle d’une société de conseil ;

– d’étendre leur déclaration d’activité afin qu’ils indiquent s’ils détiennent une participation leur conférant le contrôle d’une société de conseil.

*

*     *

La Commission examine les amendements CL142, CL144, CL145 et CL143 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Nous allons examiner une série d’amendements de coordination relatifs à la Nouvelle-Calédonie pour les deux premiers, à la Polynésie française pour les deux suivants.

La Commission adopte l’amendement CL142. L’article 16 est ainsi rédigé.

Article 17 (nouveau)
(art. 64, 114 et 161 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie)
Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » des collaborateurs de cabinet aux institutions de Nouvelle-Calédonie

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, le présent article prévoit les adaptations nécessaires à l’application des dispositions relatives à l’encadrement des emplois familiaux des collaborateurs, aux institutions de Nouvelle-Calédonie.

Les articles 114 (présidence et gouvernement), 64 (président et membres du Congrès) et 161 (présidents et vice-présidents des assemblée de province) de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie précisent que ces derniers sont soumis, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées, respectivement, aux 2° et 3° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Le présent amendement complète ces trois articles des mêmes dispositions que celles relatives aux membres du Gouvernement et aux élus métropolitains prévues par les articles 3 et 4 du projet de loi n° 106 pour la confiance dans la vie publique, relatifs à l’encadrement des emplois familiaux des collaborateurs de cabinet.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement CL144.

L’article 17 est ainsi rédigé.

Article 18 (nouveau)
(art. 86 et 129 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut
d’autonomie de la Polynésie française)
Adaptation des dispositions relatives aux « emplois familiaux » des collaborateurs de cabinet aux institutions de Polynésie française

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de votre rapporteure, le présent article prévoit les adaptations nécessaires à l’application des dispositions relatives à l’encadrement des emplois familiaux des collaborateurs, aux institutions de Polynésie française.

Les articles 86 (présidence et gouvernement) et 129 (président de l’assemblée de la Polynésie) de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française précisent que ces derniers sont soumis, dans les mêmes conditions, aux obligations de déclaration applicables aux personnes mentionnées, respectivement, aux 2° et 3° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Le présent amendement complète ces trois articles des mêmes dispositions que celles relatives aux membres du Gouvernement et aux élus métropolitains prévues par les articles 3 et 4 du projet de loi n° 106 pour la confiance dans la vie publique, relatifs à l’encadrement des emplois familiaux des collaborateurs de cabinet.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement CL145. L’article 18 est ainsi rédigé.

Article 19 (nouveau)
(art. 111 et 112 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française)
Extension à certains élus de Polynésie française des incompatibilités parlementaires applicables à certaines activités de conseil

Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté à l’initiative de la rapporteure, l’article 19 rend applicables les dispositions relatives aux incompatibilités parlementaires à certains élus polynésiens.

Sur proposition de votre rapporteure, la commission des Lois a adopté le présent article qui modifie la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française ([261]).

Le I étend le domaine des incompatibilités résultant de l’activité de conseil aux représentants à l’assemblée de la Polynésie française.

Le II allonge le délai de mise en conformité des représentants à l’assemblée de la Polynésie française qui disposeraient du contrôle d’une société de conseil. Il étend leur déclaration d’activité afin qu’ils indiquent s’ils détiennent une participation leur conférant le contrôle d’une telle société.

Le III est relatif aux dispositions transitoires de ces nouvelles incompatibilités et interdictions pour les représentants à l’assemblée de la Polynésie française.

*

*     *

La Commission adopte l’amendement CL143. L’article 19 est ainsi rédigé.

Intitulé du projet de loi organique

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL134 de la rapporteure, CL31 de Mme Danièle Obono, CL71 de M. Xavier Breton et CL101 de M. Erwan Balanant.

M. Philippe Latombe. Notre argumentaire sera semblable à celui que nous avons défendu concernant le titre du projet de loi ordinaire. Nous préférons le terme de « transparence » à celui de « régulation ». Surtout, nous souhaitons remplacer l’expression « vie publique » par « vie politique », car nous traitons principalement des mandats électifs, et donc de la vie politique plutôt que publique, ce dernier terme pouvant prêter à confusion dans l’esprit des citoyens et des électeurs. Encore une fois, nous n’avons pas abordé la vie publique au sens large mais seulement la vie politique. Peut-être, madame la rapporteure, pourrions-nous trouver un terrain d’entente en retenant l’expression « confiance dans la vie politique » ; ce compromis nous agréerait.

Mme la rapporteure. Compte tenu du titre qui a été adopté pour le projet de loi ordinaire, il convient d’adopter le même pour la loi organique. Nous pourrons toujours revenir sur ce débat en séance afin de choisir le titre le plus approprié.

M. Ugo Bernalicis. Le Président de la République et le Premier ministre font régulièrement référence à la Révolution française ; le Président de la République a même cité les Girondins lors de la récente Conférence des territoires. Nous nous honorerions à tisser ce même fil historique en utilisant l’expression de « vertu républicaine » qui convient le mieux, à condition de faire l’effort d’augmenter cette loi d’une ambition plus large, comme nous avons essayé de vous en convaincre tout au long de nos débats.

M. Xavier Breton. Nous proposons de rétablir le terme de « confiance » dans le titre ; cet amendement avait du sens au terme du débat sur le projet de loi ordinaire mais, à l’issue du débat sur le projet de loi organique et, en particulier, après la suppression de la réserve parlementaire et le maintien de la réserve ministérielle, la notion de confiance en a pris un coup.

M. Rémy Rebeyrotte. Je suggérerai, pour ma part, la formule de compromis suivante : « favorisant la confiance dans l’action politique ».

La Commission adopte l’amendement CL134.

En conséquence, le titre est ainsi rédigé et les amendements CL31, CL71 et CL101 tombent.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi (n° 106) et le projet de loi organique (n° 105) pour la confiance dans la vie publique dans le texte figurant dans les documents annexés au présent rapport.

 

 


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   PERSONNES ENTENDUES ou consultÉes PAR LA RAPPORTEURE

–– M. René Dosière, ancien député

–– Mme Noëlle Lenoir, ancienne déontologue de l’Assemblée nationale

–– M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, ancien déontologue de l’Assemblée nationale

–– Ministère de la justice

–– Ministère de l’intérieur

–– Ministère de l’action et des comptes publics

–– M. Jean-Louis Nadal, président

–– Mme Élodie Cuerq, responsable de la communication et des relations institutionnelles

–– M. Yann Adusei, chargé de communication

–– M. Gérald Begranger, directeur adjoint

–– M. François Logerot, président

–– M. Régis Lambert, secrétaire général

–– M. François-Xavier Poussière, commissaire aux comptes, membre du groupe de travail « Partis et groupements politiques »

–– M. François Hurel, délégué général

–– M. Marc-André Feffer, président

–– Mme Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer

–– Mme Sophie Pène, vice-présidente

–– M. Benoît Thieulin, membre

–– M. Benjamin Ooghe-Tabanou, administrateur

–– Mme Suzanne Vergnolle, administratrice

–– M. Alain Jakubowicz, président

–– M. Mario Stasi, premier vice-président

–– M. Éric Alt, vice-président

–– M. Étienne Blanc, premier vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, délégué aux finances, à l’administration générale, aux économies budgétaires et aux politiques transfrontalières

–– Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère aux relations parlementaires

–– M. Philippe Laurent, secrétaire général

–– Mme Geneviève Cerf-Casau, chef du service Administration et gestion locales

–– M. Dominique Le Mener, ancien député

–– Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, chargée des relations avec le Parlement

–– M. Gonzague de Chantérac, responsable CFTC

–– M. Thierry Besnier, secrétaire général

–– M. Michael Levy, secrétaire général-adjoint

–– M. Nicolas Thibault, président

–– Marianne Darmon, co-présidente

 

►  Par ailleurs, la rapporteure a pris l’attache du Président de l’Assemblée nationale, des trois questeurs et des présidents de tous les groupes politiques.

 

 

 

CONSULTATION

 

Lors de la réunion du mardi 11 juillet 2017, la présidente de la commission des Lois, Mme Yaël Braun-Pivet, a signalé l’existence d’une consultation publique en ligne sur les projets de loi organique et ordinaire, conduite par l’association Parlement et Citoyens :

https://parlement-et-citoyens.fr/project/retablir-la-confiance-dans-l-action-publique/presentation/presentation-3

 

Elle a invité les membres de la Commission à prendre connaissance des résultats de cette consultation, considérant qu’ils pouvaient utilement éclairer leur réflexion. Une synthèse de ces résultats est accessible à l’adresse suivante :

https://parlement-et-citoyens.fr/media/default/0001/03/016a9d529e14a7e89d2fde9dcadd46c0c1acaa29.pdf

 

 


—  1  —

 

   Fiche n° 1 : Des lois successives pour la transparence de la vie politique

Les préoccupations relatives à la préservation de l’indépendance et de la probité des responsables politiques sont anciennes. C’est déjà dans ce but que, par deux décrets du 7 novembre 1789 et du 10 janvier 1790, l’Assemblée constituante interdisait à ses membres d’accepter des pouvoirs publics « aucune place, même celle de ministre, aucun don, pension, traitement ou emploi, même en donnant leur démission ».

Les activités privées sont également concernées puisque la loi du 20 novembre 1883, approuvant des conventions entre l’État et des compagnies de chemin de fer, a prévu que « tout député ou sénateur qui, au cours de son mandat, acceptera les fonctions d’administrateur d’une compagnie de chemin de fer sera, par ce seul fait, considéré comme démissionnaire et soumis à la réélection ». Ces incompatibilités sont peu à peu étendues, par exemple par la loi organique du 24 janvier 1972 prohibant la direction de sociétés financières faisant appel à l’épargne ou de sociétés de promotion immobilière.

À l’époque contemporaine, la transparence de la vie politique française a surtout avancé à la suite de scandales politico-financiers.

*

Il doit être relevé que, depuis quinze ans, de nombreuses mesures ont également été prises au sein des assemblées parlementaires, notamment en matière de déontologie.

Leurs propositions aboutirent à une décision du Bureau du 6 avril 2011, prise à l’unanimité, qui institua un code de déontologie, un déontologue chargé d’assurer le respect des principes ainsi énoncés et des obligations déclaratives nouvelles.

Ces dispositions ont trouvé un prolongement dans le Règlement de l’Assemblée nationale, aux articles 80-1 et suivants, introduits par la résolution n° 437 du 28 novembre 2014.

Parallèlement aux initiatives prises à l’Assemblée nationale, le Sénat s’est également doté de règles déontologiques propres. Le 25 novembre 2009, son Bureau a décidé de créer un comité de déontologie parlementaire, comprenant un sénateur de chaque groupe politique. Saisi par le Président du Sénat ou par le Bureau, ce comité rend des avis sur des situations particulières ou sur des problématiques plus générales relatives à l’éthique parlementaire.

En mai 2011, un rapport d’information du groupe de travail sur les conflits d’intérêts, conduit par M. Jean-Jacques Hyest, alors Président de la commission de Lois, a formulé une série de recommandations en la matière – non limitées d’ailleurs à la seule sphère parlementaire.

Le 14 décembre 2011, le Bureau du Sénat a instauré, à son tour, des déclarations d’intérêts, fusionnées avec les déclarations d’activités déjà existantes.

 

 


—  1  —

 

Fiche n° 2 : LES Modalités de recrutement des collaborateurs du Président de la République, des membres du Gouvernement, des parlementaires et des autorités territoriales

 

Collaborateurs présidentiels et ministériels

Collaborateurs parlementaires

Collaborateurs de cabinet des autorités territoriales

Type de contrat

 

Contrat de droit public conclu avec le secrétariat général de l’Élysée ou le ministère dont ils relèvent. Ces contrats sont régis par le décret n°86-83 applicable aux agents contractuels de l’État.

 

Nomination par arrêté du Président de la République, du Premier ministre ou du ministre dont ils relèvent, publié au JORF.

Contrat de droit privé conclu avec le député employeur.

 

Contrat de droit public conclu avec la collectivité territoriale dans laquelle ils vont travailler, régi par le décret n° 88-145 du 15 février 1988.

 

Recrutement soumis à la décision de l’organe délibérant, qui ne peut intervenir que si les crédits sont disponibles au chapitre budgétaire et à l’article correspondant.

Nombre

Collaborateurs du Président de la République : 47 au 10 juillet 2017.

 

Collaborateurs ministériels : 563 au 1er août 2016 dont :

-          309 fonctionnaires

-          254 non fonctionnaires.

2072 à l’Assemblée nationale au 1er janvier 2017

-          1881 CDI

-          110 fonctionnaires détachés

-          81 CDD

 

Environ 900 au Sénat au 1er juin 2017.

En droit : le décret n° 87-1004 fixe le nombre maximum de collaborateurs par type de collectivité (en fonction de sa démographie) ou d’établissement public (en fonction du nombre de fonctionnaires employés).

En pratique : 2 242 collaborateurs, dont 1 494 à l’échelle communale, 327 au niveau intercommunal, 297 dans les départements et 124 dans les régions au 31/12/2015.

Emplois familiaux

Possible.

À l’Assemblée nationale : possible.

 

Au Sénat : un seul membre de la famille définie comme « le conjoint, les ascendants, les descendants et les conjoints de ceux-ci »

Possible.

Exigences de qualification

À la discrétion de l’autorité de nomination.

À l’Assemblée nationale : à la discrétion des députés.

Une procédure de validation des acquis de l’expérience pour l’obtention d’un Master 2 Affaires publique – Administration politique a été ouverte à titre expérimental pour l’année 2016-2017.

 

Au Sénat : au minimum le baccalauréat ou 15 ans d’ancienneté.

À la discrétion de l’autorité territoriale.

Règles déontologiques

Déclaration de situation patrimoniale et déclaration d’intérêts adressées au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction.

Le nom des collaborateurs est mentionné dans la déclaration d’intérêts et d’activités des parlementaires. Il est aussi publié sur une page dédiée du site internet de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Les directeurs, les directeurs adjoints et les chefs de cabinet des départements, des régions, des grandes communes et EPCI à fiscalité propre doivent adresser au président de l’HATVP une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêt dans les deux mois suivant leur nomination.

 

Mécanismes d’inéligibilité applicables aux collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales, des EPCI et des EPA locaux.

Cessation des fonctions

Cessation du contrat à tout moment et au plus tard en raison de la fin des fonctions du Président de la République, des ministres et secrétaires d’État

Cessation du contrat à tout moment et au plus tard en raison de la fin du mandat, qui constitue une « cause réelle et sérieuse » (Ccass, Soc, 20 oct 1988 – Exclusion du licenciement pour motif économique).

Cessation du contrat à tout moment et au plus tard en raison de la fin du mandat.

Modalités de licenciement en cas de cessation des fonctions ou du mandat

Le fonctionnaire réintègre son administration d’origine dans les conditions de droit commun.

 

Le non fonctionnaire bénéficie d’un préavis dont la durée peut atteindre deux mois lorsqu’il justifie d’une ancienneté supérieure à deux ans et d’une indemnité de licenciement égale à la moitié de la rémunération de base du collaborateur pour chacune des douze premières années de services et au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base.

À l’Assemblée nationale : procédure inspirée de celle applicable en cas de licenciement pour motif personnel ; perception d’une indemnité légale de licenciement, d’une indemnité compensatrice de congé payé, indemnité au titre du préavis non effectué, d’une fraction de 13e mois au titre de la période de préavis, d’une indemnité destinée à compenser la précarité afférente à la rupture du contrat pour fin de mandat dont le montant varie en fonction de l’ancienneté et du niveau de salaire([264]) (6 millions d’euros prévus pour 1000 licenciements), et d’une indemnité supplémentaire de fin de législature (2 000 €). Le dispositif de formation interne à l’AN est ouvert à tout collaborateur.

 

Au Sénat : indemnités prévues par le droit commun (. Au total, le coût du licenciement d’un collaborateur de sénateur est estimé à 26 000 euros, charges comprises ; il est intégralement supporté par le Sénat.

L’Association pour la gestion des assistants de sénateurs met à la disposition des collaborateurs licenciés différents outils d’accompagnement.

Le fonctionnaire réintègre son administration d’origine dans les conditions de droit commun.

 

Pour les non fonctionnaires, la procédure est définie par le décret n° 88-145 du 15 février 1988, qui s’inspire de la procédure de licenciement pour motif personnel. Perception d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité compensatrice de congés payés à la charge de la collectivité territoriale ou de l’établissement public qui a prononcé le licenciement. La durée du préavis est fixée à huit jours pour le collaborateur justifiant d’une ancienneté de six mois, à un mois pour une ancienneté égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, et à deux mois pour une ancienneté égale ou supérieure à deux ans (mais aucune indemnité de préavis n’est versée aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale).

Contentieux

Juge administratif.

Conseil de prud’hommes puis juge judiciaire.

Juge administratif.

 


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Fiche n° 3 : Le statut du collaborateur dans vingt-cinq parlements étrangers

Synthèse des réponses au questionnaire adressé par l’Assemblée nationale au réseau d’information
du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires en mars 2017

 

Montant du crédit collaborateur et mode de gestion

Possibilité de recruter des membres de la famille

Définition de la nature des tâches et encadrement des rémunérations

Exigence de qualifications professionnelles

Incompatibilité/

code déontologie/

contrôle de l’effectivité du travail

France

(Assemblée nationale)

 

 

 

Enveloppe de 9 618 € brut/mois

 (en gestion déléguée)

 

ou de 14 487 € /mois

(en gestion directe)

 

Nombre maximum de collaborateurs : 5

 

L’employeur est le député, en gestion directe ou déléguée.

 

OUI

 

Le changement de législature entraine la rupture de 83 contrats familiaux au sens large (71 au sens strict : ascendants ou descendants, conjoints ou pacsés) : 14,21 % des députés employaient un membre de leur famille.

 

Subsistent 30 contrats familiaux au sens large (25 au sens strict) : 5,2 % des députés continuent d’employer un membre de leur famille.

 

Les noms des collaborateurs sont publiés sur le site internet.

 

Les tâches sont définies par les députés.

 

Plancher : SMIC et plafond : montant du crédit collaborateur.

 

Limitation du salaire brut du collaborateur conjoint, partenaire de PACS, enfants, ascendants et descendants à la moitié du crédit collaborateur.

 

NON

 

Pas de règle d’incompatibilité : en cas de doute sur le risque de conflit d’intérêts, possibilité pour le député ou le collaborateur de saisir le Déontologue.

 

 

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

France

(Sénat)

 

 

Enveloppe de 7 638,95 € brut par mois

 

Nombre maximum de collaborateurs : 5

 

L’employeur est le député.

 

L’association pour la gestion des assistants de Sénateurs (AGAS) s’occupe de la gestion administrative, salariale et sociale des collaborateurs.

 

La rémunération mensuelle moyenne brute de base d’un collaborateur employé à temps plein s’élève à 3 248 € au 1er juillet 2016.

 

1 seul

 

Selon le règlement du Sénat, un sénateur ne peut employer qu’un membre de sa famille « défini comme le conjoint, les ascendants, les descendants et les conjoints de ceux-ci ».

 

Au 31/12/2016, on comptait 59 emplois familiaux : 16,95% exactement des sénateurs employaient un membre de leur famille.

 

Les noms des collaborateurs sont publiés sur le site internet.

 

 

 

 

Les tâches sont définies par les sénateurs.

 

Plancher : SMIC et plafond : montant du crédit collaborateur

 

Pour les collaborateurs familiaux, limitation du salaire brut au 1/3 du crédit collaborateur, éventuellement majoré de 25 % en cas de domicile fiscal différent de l’employeur

 

Respect des règles de droit privé du travail et de la protection sociale et des règles complémentaires définies par le Bureau du Sénat et le Conseil de Questure.

 

 

Baccalauréat ou quinze années d’expérience professionnelle obligatoire.

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du sénateur.

Royaume-Uni

(chambre des Communes)

 

14 277 € brut/mois pour les députés de la circonscription de la région de Londres,

13 594 € brut/mois pour les députés des autres circonscriptions pour recruter un équivalent de 4 temps plein.

 

L’employeur est le député, l’IPSA assure le versement des rémunérations.

 

 

Un seul jusqu’en 2020

 

Possibilité d’employer une seule personne apparentée : conjoint, partenaire civil ou concubin du parlementaire, parent, enfant, petit-fils, oncle, tante, neveux ou nièce non seulement du parlementaire mais également de son conjoint, partenaire civil ou concubin.

 

Le terme s’entend également de toute personne liée à une entreprise ou une société avec laquelle le parlementaire est en relation.

 

151 emplois familiaux/650 députés (soit 23,23 %)

 

NON à partir de 2020

 

Les tâches sont définies par les députés mais des familles d’emplois ont été établies auxquelles sont associées des grilles de rémunération.

 

NON

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

 

Obligation de déclarer les autres activités professionnelles et les dons et avantages reçus en lien avec leur fonction de collaborateur.

Pays-Bas

 

Recrutement de collaborateurs par les groupes parlementaires seulement.

 

OUI

mais marginale

 

Respect du droit commun en matière de salaire minimal

 

NON

 

Il n’existe pas de règles interdisant le cumul avec un autre emploi.

 

Contrôle de l’effectivité du travail par le groupe parlementaire.

Espagne

(Congrès)

 

270 collaborateurs sont recrutés par les groupes politiques pour lesquels le Congrès verse une enveloppe forfaitaire de 28 597,08 €/mois + 1645,49€/député membre du groupe

 

Seul le président, les membres du bureau et les présidents de commission peuvent recruter des collaborateurs personnels (respectivement 6/2/1)

 

 

OUI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par chaque groupe

 

NON

 

NON

sauf cumul avec un emploi de fonctionnaire parlementaire

Finlande

(Eduskunta)

 

1 assistant par député (+ 1 conseiller spécial pour le président et les vices présidents) en gestion déléguée.

 

Recrutement par le groupe politique (3 469,25€/mois/député)

ou par le député mais en gestion déléguée par le Parlement.

 

 

OUI

mais NON en pratique en raison de scandales à la fin des années 90

 

En cas de recrutement par le député, celui-ci doit respecter les lignes directrices fournies par le Bureau parlementaire.

 

18 ans et « un niveau d’éducation adapté »

 

OUI

 

Interdiction du cumul d’activités.

 

Contrôle des horaires effectués par le Bureau du Parlement + évaluation recommandée par le député ou le groupe sur l’efficacité du travail du collaborateur.

Danemark

(Folketing)

 

Recrutement de collaborateurs par les groupes parlementaires :

1 collaborateur / député rémunéré 2000€/mois environ

 

Possibilité de faire appel à des experts extérieurs ponctuellement dans le cadre d’une enveloppe de 15 705€/groupe + 2 460€/député membre du groupe

 

OUI

 

Chaque groupe détermine sa position sur la question.

 

Les noms des collaborateurs sont publiés sur internet.

 

Par chaque groupe

 

NON

OUI

 

Le collaborateur du député est uniquement affecté au travail parlementaire (pas de représentation en circonscription).

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève de chaque

Groupe.

Ancienne République Yougoslave de Macédoine (Assemblée)

 

Recrutement par le groupe politique uniquement.

 

Un collaborateur par tranche de 5 députés.

 

OUI

 

 

 

Les tâches sont définies par l’article 196 du Règlement en dix points.

 

Le contrat est signé pour la durée de la législature.

 

NON

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

 

Cumul possible avec un emploi extérieur sur autorisation hiérarchique de l’Assemblée

République tchèque

(Chambre des députés)

 

1 665 €/an

 

Recrutement par le député d’un ou plusieurs collaborateurs librement.

 

OUI

 

Les noms des collaborateurs sont publiés sur la « fiche » du député sur le site internet

 

Le contrat de travail peut définir certaines tâches.

 

NON

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

 

Il n’existe pas de règles interdisant le cumul avec un autre emploi.

Pologne

(Diète)

Pas de crédit collaborateur.

Le député utilise les services de la Diète. Il peut recruter des personnes extérieures bénévoles ou qu’il rémunère sur ses deniers personnels.

 

OUI

 

Très peu fréquent car mal perçu par l’opinion publique

 

Encadrement par le Parlement.

 

NON

 

Le député est seul compétent pour exercer un contrôle.

 

Il n’existe pas de règles interdisant le cumul avec un autre emploi. 

Suisse

 

Environ 30200 €/an pour un parlementaire.

 

Cette enveloppe peut être utilisée pour le recrutement de collaborateurs ou comme complément de salaire.

 

OUI

 

Les collaborateurs n’ont pas de statut officiel, pas de badge ni de courriel fourni par le Parlement

 

NON

 

NON

 

 

 

NON

Estonie

(Riigikogu)

 

Le député ne dispose pas de collaborateurs personnels. Il s’appuie sur le personnel recruté directement par son groupe politique. Le groupe reçoit un financement de 4 000 €/mois + 380€/mois/député du groupe

 

OUI

 

Les noms des collaborateurs des groupes sont publiés sur le site internet

 

 

NON

 

NON

 

Pas d’interdiction de cumul.

 

 

Chaque groupe vérifie l’effectivité du travail accompli par leurs collaborateurs

Lituanie

(Seimas)

 

649€ à 744€/mois

 

Les députés peuvent librement recruter des « personnels de confiance politique » pour la durée du mandat. (3 équivalent temps plein / député maximum) mais ils sont payés par le Parlement.

 

OUI

 

mais NON en pratique pour des raisons éthiques : les emplois croisés existent néanmoins au sein d’un même groupe politique

 

OUI

 

Fiches de poste approuvées par le Secrétaire général

 

Grille de rémunération fixée par la loi sur la fonction publique

 

OUI

 

La loi sur la fonction publique impose la majorité à 18 ans, la nationalité lituanienne et un diplôme universitaire

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du bureau du personnel du Parlement.

 

Cumul possible avec un emploi extérieur sur autorisation hiérarchique du Secrétaire général

Slovénie

(Assemblée nationale)

Le député ne dispose pas de collaborateurs personnels. Il s’appuie sur le personnel de son groupe politique.

Le groupe reçoit un financement de 2114 €/député qu’il gère librement (dépenses de personnel / matériel)

 

OUI

Chaque groupe détermine sa position sur la question

 

Alignement des rémunérations sur la grille de la fonction publique selon le niveau de recrutement du collaborateur et les tâches qui lui sont assignées par son contrat de travail.

 

NON

 

Pas d’interdiction de cumul.

 

Chaque groupe vérifie l’effectivité du travail accompli par leurs collaborateurs

Québec

(Assemblée nationale)

 

9723 € brut/mois

 

+ une masse salariale additionnelle pour les députés de certaines circonscriptions ou exerçant certaines fonctions

 

Les députés sont les employeurs directs

 

MIXTE

Interdiction de recruter le conjoint, les enfants à charge et ceux du conjoint.

 

Pour les autres membres de la famille, le recrutement est permis mais ne doit pas être abusif (qualification et rémunération comparables à celles des autres collaborateurs)

 

Les tâches sont définies par les députés mais trois fonctions sont déterminées : conseiller, attaché politique et employé de soutien.

 

Les députés déterminent le taux de rémunération dans la limite du plafond fixé pour chaque catégorie.

 

NON

 

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

 

Règles déontologiques contrôlées par le commissaire à l’éthique et à la déontologie.

Géorgie

 

Le député dispose d’un assistant, recruté et rémunéré par le Parlement, sur sa proposition.

 

La liste des assistants est disponible sur le site du parlement.

 

MIXTE

L’assistant ne doit pas avoir de liens familiaux avec le député qui l’emploie sauf s’il s’agit du conjoint non marié ou du conjoint marié d’un autre député.

 

 

 

Allemagne

(Bundestag)

 

20 870 € brut/mois.

 

Le député est l’employeur direct.

 

 Gestion déléguée par l’intermédiaire du Bundestag.

 

 

 

 

MIXTE

Interdiction de recruter en gestion déléguée des personnes apparentées ou l’ayant été, par filiation ou par alliance, y compris dans un « partenariat de vie ».

 

Possibilité de recruter librement une personne de son choix sur fonds privés.

Les tâches sont définies par les députés mais quatre fonctions ont été établies : dactylos et employés de bureau, secrétaires et assistants de gestion, administrateurs-adjoints et collaborateurs scientifiques et une grille de rémunération est associée à chaque fonction.

 

Aucune donnée relative aux collaborateurs n’est rendue publique.

Diplôme universitaire : uniquement pour les « collaborateurs scientifiques »

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

 

Obligation de respecter la durée légale hebdomadaire de travail en cas de cumul d’activité.

Parlement européen

 

24 164 €/mois

pour recruter :

 

– jusqu’à 4 assistants accrédités (au moins 25 % de l’enveloppe)

 qui sont employés directement par le Parlement européen et qui travaillent dans ses locaux

 

– et des assistants locaux qui sont employés dans un des États membres de l’Union européenne et disposent d’’un contrat de travail ou de prestations de services de droit privé, directement conclu avec le député, selon le droit national.

 

Le crédit collaborateur n’est pas versé directement au député.

 

 

NON

 

interdiction de recruter des « parents proches » depuis 2009 : conjoints ou partenaires stables non matrimoniaux, parents, enfants, frères et sœurs.

 

 

 

 

Les noms et raisons sociales de tous les assistants sont publiés sur le site internet du Parlement, sauf dérogation pour raisons de sécurité.

 

 

 

Les tâches sont définies par les députés mais :

 

– la rémunération des assistants accrédités est fixée par le statut des fonctionnaires et des autres agents publics sur la base d’une grille de 19 grades et de 2 groupes de fonctions (de 1 792 à 8 523 € bruts /mois pour un temps plein en France)

 

– la rémunération des assistants locaux est plafonnée (8 523 € bruts /mois pour un temps plein en France).

 

OUI pour les assistant accrédités : un niveau d’enseignement supérieur sanctionné par un diplôme ou secondaire sanctionné par un diplôme donnant accès à des études supérieures et une expérience professionnelle d’au moins 3 ans ou une formation professionnelle ou expérience professionnelle de niveau équivalent lorsque cela est justifié dans l’intérêt du service

 

 

 

 

Pour les assistants accrédités : les articles 11 à 26 bis du statut des fonctionnaires européens relatifs à leurs droits et obligations s’appliquent et une autorisation est nécessaire pour l’exercice d’une activité externe pour éviter le risque de conflit d’intérêt.

 

Assistants locaux : déclaration préalable de toute activité externe et autorisation nécessaire également.

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

Autriche

(Conseil national)

5 229 €/mois

NON

Interdiction de recruter le conjoint (marital ou non), les frères et sœurs, les enfants

Les tâches sont définies par les parlementaires.

NON

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

Hongrie

(Diète)

 

Possibilité de recruter des collaborateurs financés par le Parlement

 

NON

(depuis 2012)

 

Même garantie de salaire minimal que tout salarié de droit privé.

 

Définition des tâches dans le contrat de travail.

 

NON

 

Pas d’interdiction de cumul.

 

Le député est seul compétent pour exercer un contrôle.

Belgique

(Chambre des représentants)

 

 

La chambre gère, en tant qu’employeur, les collaborateurs des groupes politiques et les collaborateurs des membres (un collaborateur à temps plein / député ou deux à temps partiel) ou du Président de la chambre

 

NON

Les collaborateurs des députés ou du Président ne peuvent être le conjoint ou partenaire officiel, le parent ou allié au premier degré.

 

Il existe une échelle des rémunérations en fonction du type de collaborateurs.

 

Pour certaines fonctions, une exigence de diplôme existe

 

NON

Roumanie

(Camera)

 

Indemnité forfaitaire de 2 538 € qui couvre l’embauche de collaborateur et la location d’un local en circonscription.

 

NON

 jusqu’au 3e degré de parenté

 

La rémunération d’un collaborateur ne peut excéder celle d’un fonctionnaire parlementaire s’acquittant de missions d’un niveau équivalent.

Justifications sur pièces par la Camera).

 

NON

 

NON

États-Unis

(Chambre des représentants)

 

Enveloppe de 72 685 €/mois

 

Les membres de la Chambre des représentants peuvent employer jusqu’à 18 collaborateurs ; aucune limite n’est prévue pour le Sénat.

En moyenne, un Représentant emploie 14 collaborateurs et un Sénateur 34.

 

Les membres du Congrès sont les employeurs directs.

 

NON

Interdiction de recruter des collaborateurs « ayant des attaches familiales » : frères /sœurs /enfants /parents /grands-parents /beaux-parents/neveux /nièces/beaux-frères et belles-sœurs/ cousins au premier degré.

 

Obligation de déclarer auprès de l’administration du Congrès tout lien de parenté ou de proximité avec un membre du Congrès ou un employé du Congrès.

 

Les tâches sont définies par les membres du Congrès et il n’existe pas de cadre salarial fixe pour les collaborateurs.

 

Cependant, la profession est répartie en 23 qualifications différentes et des études sont régulièrement publiées par le « Congressional Management Foundation » permettent de se référer à une grille de salaire en fonction des qualifications.

 

NON

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du représentant.

 

Pas de règles interdisant le cumul mais le Manuel des collaborateurs indique qu’il convient d’éviter tout emploi annexe susceptible d’entrer en conflit d’intérêts avec l’emploi de collaborateur et interdit, pendant un an après la fin de son contrat, à un ancien collaborateur d’exercer une action de lobbying auprès d’un membre du Congrès ou un de ses collaborateurs

Canada

(Chambre des communes)

 

Les crédits consacrés à l’emploi des collaborateurs ne sont pas individualisés. Ils sont pris sur le « budget de bureau du député »

(240 775 €/ an + suppléments pour les circonscriptions à forte population).

Les députés sont les employeurs directs mais la paie est assurée par la Chambre des communes.

 

NON

 

Interdiction de recruter les membres de leur proche famille : père,

mère, frères, sœurs, conjoints et enfants et conjoints et enfants des enfants

 

Les députés déterminent le taux de rémunération de leurs employés à la nomination, sans excéder le taux de rémunération annuel maximal de 58 271 € par employé.

 

NON

 

Le contrôle de l’effectivité du travail accompli relève du député.

Les députés ont l’obligation de remettre au service de paie un relevé mensuel des présences de leurs employés pour assurer leur paiement.

Slovaquie

(Conseil national)

 

950 €/ mois maximum

(soit 2,7 fois le salaire minimum égal à 352€/mois)

 

Recrutement de 1 à 3 collaborateurs maximum par député.

 

NON

Interdiction de recruter un membre de sa famille ou de la famille d’un autre député

 

Le contrat est signé avec l’assemblée et la rémunération publique sur le site internet.

 

OUI

 

Niveau universitaire minimal

 

Le député atteste d’un « service fait » par le collaborateur.

 

Pas d’interdiction de cumul.

 

Lettonie

(Seima)

 

Possibilité de recruter 2 assistants maximum par parlementaire.

 

Rémunération prise sur le budget de l’Etat

 

NON

Interdiction de recruter les ascendants (père, mère, grand-père, grand-mère), leurs descendants (enfants, petits-enfants même adoptés), les frères et sœurs (demi-frères et sœurs compris) et leur conjoint

 

Les tâches sont définies par l’article 196 du règlement de la Seima

 

Les salaires dépendent d’une échelle de rémunération

 

NON

 

Le travail des collaborateurs est de la responsabilité des députés. Une fiche d’évaluation annuelle qui concerne l’ensemble du personnel de la Saeima mesure le rendement du collaborateur.

 

Cumul possible sur autorisation hiérarchique.

Croatie

 

Les groupes politiques peuvent recruter des collaborateurs de leur choix, qui sont soumis à la loi sur les fonctionnaires à l’exception des conditions de durée d’emploi, de période probatoire et de promotion.

 

NON

 

Respect de l’Ordonnance sur la structure interne du service du personnel du Parlement.

 

Des coefficients de complexité d’emploi pour chaque poste de travail sont établis par le règlement sur les titres de travail et les coefficients de complexité du travail dans le service public.

 

Règlementation spécifique encadrant le cumul d’emplois identique à celle applicable aux fonctionnaires.

 

Contrôle du travail réalisé par le supérieur hiérarchique du collaborateur du groupe.


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   Fiche n° 4 : LA Prise en charge des frais liés à l’exercice du mandat de député dans les parlements étrangers

Dans les principales démocraties, les parlementaires sont défrayés pour les dépenses liées à leur mandat. Mais les parlements étrangers n’ont pas tous suivi la même voie : certains, à l’instar de la France, privilégient le versement d’une indemnité forfaitaire, d’autres, comme les pays de tradition anglo-saxonne, le remboursement sur notes de frais.

A.   Le système de l’indemnité forfaitaire

Ce sont le Bundestag allemand et le Parlement européen qui ont mis en place les systèmes de prise en charge des frais liés au mandat les plus proches du modèle français.

1.   La prise en charge des frais des députés par le Bundestag allemand

À côté d’une indemnité parlementaire proprement dite, soumise à l’impôt sur le revenu, qui s’élève à 9 327,21 euros par mois depuis juillet 2016, et d’un crédit collaborateur de 20 870 euros (part employeur des cotisations sociales non comprise), le député allemand perçoit une indemnité forfaitaire de frais de mandat, non imposable, égale à 4 318,38 euros par mois.

Cette indemnité, revalorisée chaque année au 1er janvier, permet de couvrir, entre autres, les frais d’installation et de fonctionnement de la permanence du député en circonscription, les frais d’hébergement à Berlin, les frais de déplacement autres que ceux qui sont directement pris en charge par le Bundestag, ainsi que les frais de mission sur le territoire de la République fédérale.

Il n’existe pas de définition précise des dépenses qui peuvent être imputées sur cette indemnité et aucun justificatif n’est exigé pour son versement. En revanche, l’indemnité peut être minorée en cas d’absence du député (réduction de 200 euros pour absence non excusée à une séance plénière, de 100 euros en cas de non-participation à un scrutin nominal).

2.   La prise en charge des frais des députés par le Parlement européen

En plus d’une indemnité parlementaire brute de 8 484 euros avant impôts et d’un crédit collaborateur de 24 164 euros par mois, les députés européens bénéficient d’une indemnité forfaitaire pour frais généraux de 4 342 euros par mois. Elle est destinée à couvrir les frais qui ne sont pas directement pris en charge par le Parlement européen. Le Parlement verse également aux députés une indemnité forfaitaire de 306 euros par jour pour couvrir l’ensemble des autres frais auxquels ils font face lors des périodes d’activités parlementaires, à condition qu’ils attestent de leur présence en signant un des registres officiels ouverts à cet effet.

Le Bureau du Parlement européen a précisé en 2010 dans un document de deux pages, intitulé « Dépenses imputables sur l’indemnité de frais généraux », les principaux frais qui peuvent donner lieu à imputation sur l’indemnité forfaitaire pour frais généraux. En cas de doute, le parlementaire est invité à prendre l’attache des services du Parlement européen.

L’indemnité forfaitaire pour frais généraux est réduite de moitié si les députés ne prennent pas part à plus de la moitié des votes par appel nominal les jours des votes en plénière, même s’ils sont présents.

3.   Autres exemples

En Suisse, les élus des deux chambres fédérales reçoivent chaque année une contribution aux dépenses de personnel et matériel d’environ 30 797 euros (2 566 euros par mois), qu’ils peuvent dépenser comme ils le souhaitent et même conserver. L’utilisation de cette indemnité ne fait l’objet d’aucun contrôle.

Les députés espagnols touchent une « compensation », indemnité qui, à l’instar de l’IRFM, est destinée à couvrir des dépenses liées à l’activité parlementaire. Non imposable, cette compensation est de 1 823,86 euros par mois pour les députés de provinces autres que Madrid, et de 870,56 euros pour les députés de la Province de Madrid. Son utilisation ne fait l’objet d’aucun contrôle.

En Finlande, les membres de la chambre unique, l’Eduskunta, bénéficient d’une indemnité pour dépenses professionnelles, dont le montant varie de 986 à 1 809 euros par mois et qui n’est pas imposable.

Enfin, les membres de la Chambre des représentants belge perçoivent également une indemnité forfaitaire pour frais exposés de 2 048 euros par mois et non imposable. L’utilisation de cette indemnité, qui vise à couvrir les frais inhérents à la fonction de parlementaire, ne fait l’objet d’aucun contrôle.

B.   Le remboursement sur notes de frais

Au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada, il n’existe pas d’indemnité représentative des frais de mandat à caractère forfaitaire. Le principe du remboursement sur note de frais s’applique.

1.   L’originalité du système britannique

À côté de l’indemnité de fonction de base, qui est de 7 211 euros par mois et soumise à l’impôt sur le revenu, les frais engagés par les députés de la Chambre des Communes font l’objet d’un remboursement en fonction d’une liste de dépenses autorisées et de critères très stricts. La grande originalité du système tient à son externalisation.

À la suite du scandale des faux frais révélé par le Daily Telegraph en mai 2009, le « Parliamentary Standards Act » a soumis le remboursement des notes de frais des parlementaires à un contrôle au cas par cas et à une transparence totale :

– une autorité administrative indépendante, « l’Independant Parliamentary Standards Authority » (IPSA), rattachée au Parlement, est chargée, depuis 2010, de verser les indemnités des membres du Parlement et de définir les dépenses éligibles au remboursement. Elle élabore à cette fin un document recensant l’ensemble des types de frais et les règles de prise en charge ainsi que, le cas échéant, les plafonds annuels de remboursement. Ce document (« MPs’Scheme of Business Costs and Expenses ») est actualisé tous les ans ; le nouveau schéma pour la période 2017-2018, qui comporte 60 pages, prendra effet à partir d’avril prochain ;

– l’IPSA récolte, traite et publie l’intégralité des notes de frais des parlementaires. Elle emploie 79 personnes à temps et son budget annuel avoisinait les 7 millions d’euros en 2015. Plus de 50 000 notes de frais sont ainsi publiées chaque année, avec le nom du parlementaire concerné, la date et le type de dépense, une description sommaire, le montant demandé et le montant remboursé ;

– un Compliance Officer, indépendant de l’IPSA, est chargé de mener toutes les investigations nécessaires, à la demande d’un parlementaire, d’un particulier ou de sa propre initiative, pour déterminer si un remboursement indu a été effectué au profit d’un parlementaire. Une infraction, punie d’une amende et d’un an d’emprisonnement, a été créée pour sanctionner les parlementaires qui auraient demandé un remboursement en sachant que les éléments fournis à l’appui de cette demande étaient faux.

Les frais couverts et remboursées par l’IPSA relèvent de budgets distincts non fongibles. L’IPSA distingue les frais de personnel, les frais d’hébergement, les frais liés au bureau et à la permanence, les frais de déplacements, les frais de fin de mandat et les frais divers. De manière générale, comme il s’agit principalement de remboursements aux frais réels, le dispositif de fixation des dépenses et de leurs plafonnements est assez complexe. Il repose notamment sur le critère d’appartenance ou non à la zone de Londres (qui comprend quatre-vingt-seize circonscriptions).

Les frais remboursés à la Chambre des communes britannique

 

– Les frais de personnel ;

 

– Les frais d’hébergement ;

Les députés n’appartenant pas à la zone de Londres peuvent obtenir le remboursement de trois types de dépenses : de frais d’hôtel (sur une base forfaitaire), de frais de location ou de frais associés lorsqu’ils sont propriétaires. Les dépenses de location sont plafonnées à 26 146 euros environ par an (avec un supplément pour personnes à charge). Ce montant correspond à la location d’un appartement d’une chambre dans les quartiers londoniens centraux de Westminster ou de Lambeth. Les frais associés couvrent les intérêts d’hypothèques et diverses dépenses liées à l’habitation pour un maximum de 10 166 euros par an.

Les députés de la zone de Londres reçoivent une indemnité de vie à Londres, de 4 388 euros par an qui fait l’objet d’un versement mensuel sur le traitement, majorée pour vingt-trois parlementaires qui vivent dans l’extrême périphérie de la zone.

 

– Les frais de location, de fonctionnement et d’équipement des bureaux et permanences des députés sont pris en charge dans la limite d’une enveloppe annuelle de 31 592 euros, pour les députés de la zone de Londres, et de 28 548 euros pour les autres. Elle est abondée de 6 893 euros pour les députés élus la première fois uniquement la première année de mandat. Les députés disposent d’une certaine latitude dans le choix de leurs dépenses. L’IPSA a toutefois établi une liste de dépenses non éligibles dans laquelle figure à titre d’exemple les boissons alcoolisées.

 

– Les frais de déplacement ne sont pas plafonnés, mais ils doivent être justifiés. Tous les frais de déplacement par utilisation des transports publics sont remboursés. Pour les trajets en véhicule personnel, le remboursement est forfaitaire. De manière générale, le dispositif est très complexe car il intègre de multiples critères : distances de la circonscription à Londres, motifs du déplacement, distances au sein de la circonscription ou horaires.

Donnent lieu à remboursement : les « routine travel » (trajet par route directe entre le Palais de Westminster, la circonscription et le domicile principal), ainsi que les trajets à l’intérieur de la circonscription, les autres trajets sur le territoire du Royaume-Uni directement liés au mandat et certains déplacements en Europe.

Les frais liés à la fin du mandat peuvent être pris en charge dans la limite de 55 150 euros pour les députés de la zone de Londres et de 53 950 euros pour les autres.

 

– Enfin, sous la rubrique « frais divers », d’autres dépenses peuvent être prises en charge, telles que des dépenses liées à un handicap.

 

2.   La prise en charge des frais des membres du Congrès des États-Unis

À côté de leur indemnité de fonction de 160 149 euros par an depuis 2009, les membres du Congrès américain disposent, pour la prise en charge des frais liés à l’exercice de leur mandat, d’un budget annuel très conséquent.

À la Chambre des représentants, le montant de l’allocation de représentation des membres (« The Members’ Representational Allowance » ou MRA), qui a baissé depuis 2010, variait en 2016 de 1 113 208 euros à 1 275 669 euros, avec une moyenne de 1 169 506 euros.

Il s’agit d’un plafond de remboursements, calculé à partir de trois composantes qui sont fongibles :

– un crédit collaborateur égal pour tous les représentants ;

– un crédit destiné à couvrir les frais de mandat, composé d’une part forfaitaire, d’une part variable en fonction de la distance de la circonscription par rapport à Washington et d’une part variable en fonction du prix des bureaux en circonscription ;

– une prise en charge des frais de courrier, variable selon les circonscriptions.

Les catégories de dépenses autorisées ont été précisées par les organes de direction de la Chambre et les représentants disposent d’un guide (« the Members’ Congressional Handbook »). Ils doivent adresser l’ensemble de leurs demandes de remboursement à l’administration qui les instruit. L’ensemble des dépenses fait l’objet d’un rapport trimestriel public.

Les sénateurs américains disposent pour leur part d’un plafond de crédits « the Senators’ Official Personnel and Office Expense Account » (SOPOEA), qui comprend trois différentes composantes : pour les dépenses de gestion et de personnel, pour l’assistance législative et pour les dépenses officielles. Seul le plafond de crédits pour l’assistance législative est le même pour tous les sénateurs. Les deux autres plafonds de crédit varient en fonction de la population de l’État que le sénateur représente et de la distance de la circonscription par rapport au district de Washington. En 2016, le montant du SOPOEA variait de 2 773 277 euros à 4 388 191 euros, le plafond de crédits moyen étant de 3 008 936 euros. Comme les représentants, les sénateurs doivent adresser leurs demandes de remboursement, avec les pièces justificatives, à leur administration, qui assure la publication de leurs dépenses.

 

3.   La prise en charge des frais au Canada

Les députés canadiens ont droit à une indemnité de fonction, fixée à 9 820 euros par mois et actualisée chaque année. En outre, ils peuvent prétendre au remboursement des frais exposés dans l’exercice de leurs fonctions dans la limite d’enveloppes fixées chaque année par le Bureau, en fonction de la nature des dépenses. Enfin, chaque député reçoit aussi soixante-quatre points de déplacement par exercice pour couvrir les frais de transport, du député et de ses voyageurs autorisés. Ce système assure l’équité dans l’attribution des ressources de déplacement aux députés, quel que soit l’éloignement de leur circonscription.

Les dépenses éligibles au remboursement et les modalités de leur prise en charge sont fixées par le Règlement administratif des députés adopté par le Bureau et précisées dans un manuel des « Allocations et services aux députés ». Toutes les demandes de remboursement, accompagnées des justificatifs, sont examinées par l’administration de la Chambre qui s’assure de leur conformité. Le président de la Chambre des communes rend public, sur le site Web du Parlement du Canada, tous les trimestres, un rapport sur les dépenses de chaque député.


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Fiche n° 5 : Le régime EN VIGUEUR des incompatibilités parlementaires

A.   Les fonctions publiques électives incompatibles avec le mandat parlementaire

1.   Les fonctions exécutives locales

L’article L.O. 141-1 du code électoral interdit le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député. Sont visées les fonctions de :

– président et vice-président de conseil régional ou de l’Assemblée de Corse, président et membre du conseil exécutif de Corse ;

– président et vice-président de conseil départemental, de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique ; de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;

– président, vice-président et membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française ; président et vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l’assemblée de la Polynésie française, de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ; membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– maire, maire d’arrondissement, maire délégué et adjoint au maire ;

– président et vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ;

– président et vice-président d’un syndicat mixte, y compris les pôles d’équilibre territorial et rural, ou de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;

– président et membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Ces dispositions entrent en vigueur, conformément à l’article 12 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014, à compter du premier renouvellement de l’assemblée à laquelle le parlementaire concerné appartient suivant le 31 mars 2017. Pour les députés, le renouvellement s’entend des élections législatives des 11 et 18 juin 2017. Pour l’ensemble des sénateurs, il s’entend des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.

2.   Les mandats locaux

Conformément à l’article L.O. 141, le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats suivants :

– conseiller régional, conseiller à l’Assemblée de Corse ;

– conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l’assemblée de Guyane, conseiller à l’assemblée de Martinique ;

– conseiller municipal d’une commune de 1 000 habitants et plus.

Tout député élu sénateur ou tout sénateur élu député cesse de ce fait même d’appartenir à la première assemblée dont il était membre.

Un député ne peut cumuler son mandat parlementaire avec celui de représentant au Parlement européen.

B.   Les fonctions publiques non électives incompatibles

Outre les fonctions de membres du Gouvernement pour lesquelles l’article 23 de la Constitution prévoit l’incompatibilité, est interdit le cumul avec le mandat de parlementaire :

– des fonctions de membre du Conseil constitutionnel (article L.O. 139 du code électoral) ;

– des fonctions de magistrat, les fonctions juridictionnelles autres que celles prévues par la Constitution et les fonctions d’arbitre, de médiateur ou de conciliateur (article L.O. 140) ;

– de toutes les fonctions publiques non-électives ([265]), sauf pour les professeurs titulaires de chaire ou, dans les départements d’Alsace et de Moselle, de ministre des cultes (article L.O. 142) ;

– des fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale (article L.O. 143) ;

– de l’exercice d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement et excédant une durée de six mois (article L.O. 144) ;

– des fonctions de président, de membre du conseil d’administration, de directeur général ou de directeur général adjoint dans une entreprise nationale ou un établissement public national, ainsi que les fonctions de conseil auprès de ces entreprises ou de ces établissements (deux premiers alinéas du I de l’article L.O. 145) ;

– des fonctions de président d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante (dernier alinéa du I de l’article L.O. 145).

C.   Les fonctions sociales incompatibles

1.   Dans le secteur parapublic

Un parlementaire ne peut exercer les fonctions de président et de vice-président (article L.O. 147-1) :

– du conseil d’administration d’un établissement public local ;

– du conseil d’administration du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale ;

– du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale ;

– du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement ;

– d’un organisme d’habitations à loyer modéré.

2.   Les activités privées

– les fonctions de chef d’entreprise, de président de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d’administrateur délégué, de directeur général, directeur général délégué ou gérant (article L.O. 146) exercées dans :

a) les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d’intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d’avantages assurés par l’État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l’application automatique d’une législation générale ou d’une réglementation générale ;

b) les sociétés ayant principalement un objet financier et faisant publiquement appel à l’épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l’épargne et les organes de direction, d’administration ou de gestion de ces sociétés ;

c) les sociétés ou entreprises dont l’activité consiste dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;

d) les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l’objet est l’achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d’immeubles en vue de leur vente ;

e) les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux quatre premiers cas ci-dessus. Cet alinéa ne mentionne pas en revanche les sociétés qui détiennent de telles participations (décision du Conseil constitutionnel n° 2004-19 I du 23 décembre 2004). Il convient donc d’exclure de son champ d’application, conformément au principe d’application stricte du régime des incompatibilités, les fonctions décrites ci-dessus occupées au sein de ces sociétés ;

d) les sociétés et organismes exerçant un contrôle effectif sur une société, une entreprise ou un établissement mentionnés aux quatre premiers cas ci-dessus ;

e) les sociétés d’économie mixte.

En cours de mandat, un parlementaire ne peut pas accepter une fonction de membre du conseil d’administration ou de surveillance dans l’un des établissements, sociétés ou entreprises visés ci-dessus.

Par ailleurs, un parlementaire n’est pas autorisé à commencer à exercer une fonction de conseil qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. Cette interdiction n’est pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

 

 


   fiche n° 6 : la réserve parlementaire EN 2016


 

À l’Assemblée nationale

 

 


Au Sénat

 

Assemblée nationale

Nota : Ces chiffres ne tiennent pas compte des subventions versées directement par les groupes parlementaires et par le président de l’Assemblée nationale (3 761 000 euros).

Sénat

 

Nota : Les dotations institutionnelles ne sont pas prises en compte (2 214 954 euros).

Assemblée nationale

Parmi les 5343 subventions ≤ 1500 : 4088 sont égales à 1000 ; 103 < 1000 ; 8 < 500.

Parmi les 19 subventions > 100 000 euros, 5 viennent du Président de l’Assemblée nationale.

Sénat

Assemblée nationale

FOCUS sur le programme 122

Le programme 122 (action 1 : aides exceptionnelles aux collectivités territoriales) est celui qui reçoit le plus de subventions au titre de la réserve parlementaire par les députés soit 39 639 317 euros.

96 % des subventions sont destinées aux communes, 2,75 % aux EPCI, 1,4 % aux syndicats communaux ou intercommunaux et 0,1 % aux centres communaux d’action sociale. Au total c’est 4 854 subventions qui sont allouées par les députés dans le cadre du programme 122.

 

 

Sénat

FOCUS sur le programme 122

Le programme 122 (action 1 : aides exceptionnelles aux collectivités territoriales) concentre les subventions sénatoriales au titre de la réserve parlementaire avec un montant total de 43 322 290 euros.

96 % des subventions sont destinées aux communes, 2,26 % aux EPCI, 1,3% aux syndicats communaux ou intercommunaux, 0,3 % aux centres communaux d’action sociale. Au total c’est 5 853 subventions qui sont allouées par les sénateurs dans le cadre du programme 122.

Assemblée nationale

Sénat

 


   fiche n° 7 : la réserve ministérielle en 2015 et 2016

Données générales

 

 

2015

2016

Total des subventions allouées/Coût total des projets subventionnés

6 016 749 euros alloués sur un total de projets de 60 426 749 euros, soit 9,96 % du montant total des projets subventionnés

3 885 486 euros alloués sur un total de projets de 78 684 184 euros, soit 4,94% des projets subventionnés en montant

Montant moyen des subventions allouées

30 084 euros

19 235 euros

 

Coût moyen des projets subventionnés

302 130 euros

389 526 euros

Nombre de bénéficiaires

200 bénéficiaires

202 bénéficiaires

Subvention maximale allouée

200 000 euros[270]

150 000 euros[271]

Subvention minimale allouée

1000 euros[272]

789 euros[273]

 

     La réserve ministérielle a diminué en montant de 35,42% de 2015 à 2016.

 

     Le montant moyen des subventions allouées a diminué de 36,06% de 2015 à 2016.


 

NB : 2 conseils départementaux, 8 syndicats, 10 communautés de communes et 180 communes

NB : 1 CCAS (30 000€), 4 syndicats intercommunaux, 9 communautés de communes et 188 communes.

NB : Ces 8 départements concentrent à eux seuls 46,69 % des subventions sur les 50 départements bénéficiaires.

 

 

 

NB : Ces 5 départements concentrent à eux-seuls 41,22% des subventions sur les 50 départements bénéficiaires.

 


—  1  —

 

 


([1]) Voir fiche n° 1.

([2]) https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/vie-politique-et-vie-publique

([3]) Décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, Loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.

([4]) Articles L.O. 136-1 et L.O. 136-3 du code électoral. L’article L.O. 136-2 frappe d’inéligibilité le parlementaire qui refuse de remplir ses obligations de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

([5]) Articles L. 118-3 et L. 118-4 du code électoral.

([6]) Au titre de l’article 131‑26‑1 du code pénal, lorsque la personne condamnée à un délit exerçait une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits, la peine d’inéligibilité peut être portée à dix ans.

([7]) Art. 159 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur.

([8]) L’ancien article L. 5 du code électoral prévoyait ainsi :

« Ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale :

 les individus condamnés pour crime ;

 ceux condamnés à une peine d’emprisonnement sans sursis, ou à une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée supérieure à un mois, assortie ou non d’une amende, pour vol, escroquerie, abus de confiance, délits punis des peines du vol, de l’escroquerie ou de l’abus de confiance, soustraction commise par les dépositaires de deniers publics, faux témoignage, faux certificat prévu par l’article 161 du code pénal, corruption et trafic d’influence prévus par les articles 177, 178 et 179 du code pénal, ou attentats aux mœurs prévus par les articles 330, 331, 334 et 334 bis du code pénal, ou faux en écriture privée, de commerce ou de banque prévus par les articles 150 et 151 du code pénal, délits prévus par les articles 425, 433, 437 et 488 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;

3° ceux condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis, ou à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis, pour un délit autre que ceux énumérés au 2°, sous réserve des dispositions de l’article L. 8 ;

 bis ceux condamnés pour infraction aux articles L. 86 à L. 88, L. 91 à L. 104, L. 106 à L. 109, L. 111 à L. 113 et L. 116 ;

 ceux qui sont en état de contumace (…) ; »

([9]) « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

([10]) Cour de cassation, chambre criminelle, 26 novembre 1997, n° 96-83792.

([11]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, considérant n° 41.

([12]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

([13]) Voir le point 3.1 de l’étude d’impact jointe au présent projet de loi : « Dès lors qu’une telle mesure pourrait s’analyser comme une peine d’incapacité automatique, peine privative de droit s’appliquant quand bien même la juridiction n’aurait pas décidé de condamner le coupable à une peine complémentaire d’inéligibilité lorsque celle-ci est encourue, sa constitutionnalité apparaît fragile ».

([14]) Propositions de loi visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection, rapport de Mme Fanny Dombre-Coste au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale (n° 4408) déposé le 25 janvier 2017.

([15]) L’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors », prescrit ainsi : « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire […] le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».

([16]) Dans sa décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, le Conseil a jugé conforme à la Constitution l’article 16 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, aux termes duquel les personnes qui présentent leur candidature à l’École nationale de la magistrature doivent notamment « être de bonne moralité ». Les juges ont estimé que « les dispositions contestées ont pour objet de permettre à l’autorité administrative de s’assurer que les candidats présentent les garanties nécessaires pour exercer les fonctions des magistrats et, en particulier, respecter les devoirs qui s’attachent à leur état ; qu’il appartient ainsi à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, les faits de nature à mettre sérieusement en doute l’existence de ces garanties ».

([17]) Cette évolution législative a traduit la proposition n° 18 du rapport du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, M. Jean-Louis Nadal, intitulé « Renouer la confiance publique » (2015).

([18]) L’article 14 de la Déclaration de 1789 proclame que, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

([19]) Propositions de loi organique (texte adopté n° 902) et ordinaire (texte adopté n° 901) visant à instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection.

([20]) Cette disposition, issue de l’article 10 de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, avait d’ailleurs été soumise au Conseil constitutionnel. Celui-ci, dans sa décision n° 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie politique, n’y avait consacré aucun développement et avait mentionné, dans le considérant n° 10, « qu’aucun de ces articles ne porte atteinte à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ».

([21]) Concussion, corruption passive et trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, prise illégale d’intérêts, atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession, soustraction et détournement de biens.

([22]) Rapport d’information n° 518 (2010-2011) déposé, au nom de la commission des Lois du Sénat, le 12 mai 2011.

([23]) André Vitu, Jurisclasseur pénal (fascicule 20).

([24]) L’article 175 du code pénal de 1810 dispose : « Tout fonctionnaire, tout officier public, tout agent du gouvernement, qui, soit ouvertement, soit par actes simulés, soit par interposition de personnes, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit, dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont il a ou avait, au temps de l’acte, en tout ou en partie, l’administration ou la surveillance, sera puni d’un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et sera condamné à une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des indemnités, ni être au-dessous du douzième.

Il sera de plus déclaré à jamais incapable d’exercer aucune fonction publique.

La présente disposition est applicable à tout fonctionnaire ou agent du gouvernement qui aura pris un intérêt quelconque dans une affaire dont il était chargé d’ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation. »

([25]) La loi du 11 octobre 2013 précitée a porté la peine d’amende, qui était auparavant de 75 000 euros, à ses niveaux actuels.

([26]) Voir à ce propos, pour plus de précision, le rapport pour une nouvelle déontologie de la vie publique de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présenté par MM. Jean-Marc Sauvé, Didier Migaud et Jean-Claude Magendie en janvier 2011 (pp. 30-33).

([27]) Cass. crim., 7 octobre 1976, bull. crim. n° 285.

([28]) Du point de vue administratif, les délibérations auxquelles ont participé des personnes en situation de prise illégale d’intérêt sont nulles de plein droit. L’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales prévoit explicitement que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

([29]) Par exemple, un maire qui s’associe à d’autres personnes pour exploiter, en vertu d’une concession, des sources d’eau chaude propriété de la commune, commet une prise illégale d’intérêts (Cass. Crim, 5 juin 1890, Pagez).

([30]) Cet intérêt moral peut être caractérisé par la volonté de soutenir un enfant : ainsi d’un maire qui avait contracté avec une société dont les associés étaient des prête-noms de son fils afin de lui fournir du travail. (Cass. crim., 20 février 1995, pourvoi n° N 94-81.186).

([31]) Ainsi lorsqu’un maire livre des fournitures à une commune en faisant établir les mandats de paiement au nom d’un prête-nom (Cass. crim. 10 avril 1897, Mauguin).

([32]) La participation d’élus aux délibérations attribuant des subventions à des associations qu’ils président par ailleurs constitue un délit de prise illégale d’intérêt. Le fait que les élus n’en ont retiré aucun profit personnel (en l’espèce, ils ne perçoivent aucune rémunération à ce titre) et que l’intérêt pris et conservé n’est pas en contradiction avec l’intérêt communal (en l’espèce, l’insertion des jeunes des communes) est sans incidence sur la qualification du délit (Cass. crim., 22 octobre 2008, pourvoi n° 08-82068).

([33]) Le délit est constitué si le maire préside le conseil municipal dans une séance portant sur l’attribution de terrains communaux à une société chargée d’un projet d’intérêt général. Le maire avait un intérêt direct, compte tenu de l’implantation de sa propriété par rapport aux travaux envisagés et de l’augmentation de celle-ci qui allait en résulter : un accord verbal avait été passé avec la société, avant la délibération, aux termes duquel les reliquats de parcelles non utilisés seraient revendus au maire (Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-84288).

([34]) Le délit « se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel » (Cass. crim., 2 novembre 1961, Jean-Joseph).

([35]) L’article 432‑17 du code pénal autorise le juge à adjoindre à la peine principale une interdiction des droits civils, civiques et de famille (pour dix ans), l’interdiction d’exercer une fonction publique (définitivement), la confiscation des produits de l’infraction, ainsi que l’affichage de la décision de condamnation.

([36]) Proposition de loi de M. Bernard Saugey visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux.

([37]) Jean-Marie Brigant, « Affaires, conflits d’intérêts, probité,... Cachez cette prise illégale d’intérêts que je ne saurais voir », Droit pénal n° 1, Janvier 2012, étude 3, point n° 12.

([38]) L’article 1er du code de procédure pénale prévoit que « l’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. » Or, le Procureur général qui a en charge la défense de l’intérêt général est en principe le magistrat qui apprécie la nécessité d’engager des poursuites.

([39]) L’article 112 de cette loi prévoyait ainsi, à propos du délit général de fraude fiscale, que « les poursuites seront engagées à la requête de l’administration compétente ».  

([40]) Dans le cas de tels montages, la qualification des faits peut être difficile et l’administration fiscale dispose des compétences techniques en la matière pour transmettre des dossiers étayés au ministère public.

([41]) Dans son arrêt Talmon du 20 février 2008, la Cour de Cassation considère en effet que le délit de blanchiment constitue une « infraction générale, distincte et autonome ». Les poursuites peuvent être engagées par le ministère public, y compris si cette infraction est commise par l’auteur d’un délit de fraude fiscale.

([42]) Elle se compose ainsi depuis le 1er janvier 2015 de huit conseillers d’État, de huit conseillers maîtres à la Cour des comptes, de huit magistrats honoraires à la Cour de Cassation et de quatre personnalités qualifiées. Elle est, par ailleurs, présidée par un conseiller d’État élu par l’assemblée générale du Conseil d’État.

([43]) En 2015, 1 061 dossiers ont été transmis à l’appréciation de la CIF, dont 100 dossiers d’enquête fiscale. 5% des avis ont été défavorables à l’engagement de poursuites.

([44]) « La lutte contre la fraude fiscale : des progrès à confirmer », Rapport public annuel de la Cour des comptes, tome II, février 2016.

([45]) Décision n° 2016-555 QPC du 22 juillet 2016.

([46]) Un dispositif identique avait été adopté par le Sénat au cours de la navette sur la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », avant d’être supprimé à l’initiative du Gouvernement à l’Assemblée nationale.

([47]) Voir le commentaire de l’article 1er bis du projet de loi pour une description de cette incrimination qui ne peut concerner les parlementaires dans les activités directement attachées à leur mandat.

([48]) En application de l’article 25 de la Constitution, la définition des incompatibilités appartient au législateur organique.

([49]) Ont successivement occupé la fonction M. Jean Gicquel (2011-2012), Mme Noëlle Lenoir (2012-2014) et M. Ferdinand Mélin-Soucramanien (2014-2017).

([50]) L’article 61 de la Constitution, alinéa premier, impose un contrôle obligatoire des lois organiques et des règlements de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Congrès.

([51]) Dans le monde judiciaire, le déport permet d’éviter la récusation prévue à l’article L. 731‑1 du code de l’organisation judiciaire et à l’article 668 du code de procédure pénale. Pour la justice administrative, c’est l’article R. 721-1 du code de justice administrative qui organise le déport : « Le membre de la juridiction qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre membre que désigne le président de la juridiction à laquelle il appartient ou, au Conseil d’État, le président de la section du contentieux. »

([52]) La participation d’un élu local à une délibération et, a fortiori, la prise de décision alors qu’il se trouve en situation de conflit d’intérêts a pour double effet d’engager la responsabilité pénale de la personne concernée au titre de la prise illégale d’intérêts (art. 432‑12 du code pénal) et d’anéantir l’acte administratif en question (art. L. 2131‑11 du code général des collectivités territoriales).

([53]) Les quelques procédures étrangères de déport des parlementaires, que mentionne le rapport du Sénat sur le présent projet de loi (Canada, Australie, Suède et Finlande), font l’objet de procédures extrêmement complexes et, en pratique, sont rarement mises en œuvre.

([54]) Article 26, premier alinéa, de la Constitution.  

([55]) Article 27, alinéas 1 et 2, de la Constitution.

([56]) Article 5 du code de déontologie de l’Assemblée nationale.

([57]) « Est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, titulaire d’une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions. Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l’une des entreprises mentionnées au premier alinéa. »

([58]) Décret n° 2014-865 du 1er août 2014 pris en application de l’article 2-2 du décret n° 59‑178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres.

([59]) Décret n° 2017-1088 du 29 mai 2017 pris en application de l’article 2-1 du décret précité n° 59-178 du 22 janvier 1959.

([60]) Point n° 15 : « Le Conseil d’État considère que le principe de la séparation des pouvoirs découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789, qui est applicable au Gouvernement comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011192 QPC du 10 novembre 2011, n’autorise pas le législateur à intervenir dans l’organisation du Gouvernement… ».

([61]) « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

([62]) Objet de l’amendement n° 278, adopté par le Sénat lors de la séance publique du 11 juillet 2017.

([63]) Créée au niveau réglementaire en 1991, la commission de déontologie a été consacrée à l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ».

([64])  Article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors ».

([65]) Objet de l’amendement n° 163 rect. ter, adopté par le Sénat lors de la séance publique du 11 juillet 2017.

([66]) Objet de l’amendement n° 164 rect. bis, adopté par le Sénat lors de la séance publique du 11 juillet 2017.

([67]) Compte-rendu des débats de la séance publique du 11 juillet 2017 sur l’amendement n° 238 rect.

([68]) L’administration fiscale dispose de soixante jours pour transmettre à la Haute Autorité les informations requises.

([69])  Voir par exemple l’article intitulé « Les entourages des chefs de l’État de Mac-Mahon à Valéry Giscard d’Estaing », revue Histoire@Politique, Presses de Sciences Po 2009/2 (n° 8), ou encore « Le règne des entourages : Cabinets et conseillers de l’exécutif », ouvrage collectif sous la direction de MM. Jean-Michel Eymeri-Douzans, Xavier Bioy et Stéphane Mouton, Presses de Sciences Po, 2015.

([70]) Fiche n° 2 relative aux modalités de recrutement des collaborateurs du Président de la République, des membres du Gouvernement, des parlementaires et des autorités territoriales.

([71]) Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000699956.

([72]) Décret  n°48-1233 du 28 juillet 1948 portant règlement d’administration publique en ce qui concerne les cabinets ministériels ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000847219.

([73]) Décret n°2001-1148 du 5 décembre 2001 instituant une indemnité pour sujétions particulières des personnels des cabinets ministériels ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005631774. 

([74]) Décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034764560 (dix pour un ministre, huit pour un ministre délégué et cinq pour un secrétaire d’État, sous le contrôle du premier ministre). Depuis 2007, le plafond des effectifs des cabinets ministériels était fixé par circulaire du Premier ministre à l’occasion de la nomination de chaque nouveau gouvernement, mais il fût rarement respecté. 

([75]) Voir http://www.conseil-etat.fr/content/download/102779/1027456/version/1/file/Avis%20n393324.pdf.

([76]) Voir  la recommandation du Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’intégrité publique, C(2017)5 du 26 janvier 2017 http://webnet.oecd.org/OECDACTS/Instruments/ShowInstrumentView.aspx?InstrumentID=353&Lang=fr&Book=False 

([77])  Conseil constitutionnel, 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, décision n° 80-127 DC.

([78]) Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale du 28 novembre 2014, http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0437.asp

([79]) Conseil constitutionnel, décision n° 2014-705 du 11 décembre 2014, http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2014/2014-705-dc/decision-n-2014-705-dc-du-11-decembre-2014.142832.html.

([80]) Conseil constitutionnel, commentaire de la décision n° 2014-705 du 11 décembre 2014, http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2014705DC2014705dc_ccc.pdf

([81]) Cass., soc., 18 février 2004, n° 02-60.567, UNSA-USCP.

([82]) P. Avril, J. Gicquel, J.-E. Gicquel, « Droit parlementaire », LGDJ, 5ème édition, 2014.

([83]) Entre juillet 2013 et avril 2016, 11 rencontres se sont tenues, auxquelles se sont ajoutées des réunions de travail associant des organisations de collaborateurs et les services administratifs de l’Assemblée nationale. De nombreuses mesures ont été prises, de nature financière, pratiques (règles de circulation autour de l’hémicycle, carte d’identité professionnelle, « référent harcèlement », possibilité de réserver des salles, publication des noms des collaborateurs sur une page du site internet…) ou en faveur de la formation professionnelle (ouverture des formations internes, protocole triennal avec le Centre national de la fonction publique territoriale, création d’une procédure de validation des acquis de l’expérience pour obtenir un master 2 « Affaires publiques – administration politique » de l’Université Paris 1, création d’un nouveau cycle de formation à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice).

([84]) Article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l’Etat.

([85])  Article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale

([86])  Article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires de la fonction publique hospitalière.

([87]) Voir l’exposé sommaire de l’amendement n° 149 rect. bis présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe union centriste, http://www.senat.fr/amendements/2016-2017/609/Amdt_149.html.

([88]) Voir, par exemple, Conseil constitutionnel, décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988.

([89]) Voir le commentaire de l’article 3 de la loi ordinaire dans le présent rapport.

([90]) Article 18, alinéa 2 du Règlement de l’Assemblée nationale, introduit par une résolution du 28 novembre 2014, et article 102 du Règlement du Sénat, introduit par une résolution du 13 mai 2015. Pour connaître les modalités concrètes, voir par exemple la fiche de synthèse n° 80 : « Les collaborateurs des députés », en ligne sur le site internet de l’Assemblée nationale : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-autres-structures-de-soutien-a-l-activite-parlementaire/les-collaborateurs-de-deputes.

([91]) Voir la fiche n° 3 annexée au présent rapport comparant les principales caractéristiques des statuts des collaborateurs en France et dans 25 parlements étrangers ayant répondu au questionnaire, et en particulier les règles applicables aux « emplois familiaux ».

([92]) Pour l’Assemblée nationale, voir la page : http://www2.assemblee-nationale.fr/qui/liste-des-collaborateurs-par-depute ; Pour le Sénat, voir la page : http://www.senat.fr/pubagas/liste_senateurs_collaborateurs.pdf

([93]) Voir le commentaire de l’article 3 dans le présent rapport.

([94]) Voir le commentaire de l’article 3 de la loi ordinaire dans le présent rapport.

([95]) Voir, pour le détail, l’étude d’impact du présent projet de loi portant sur les articles 3 à 6.

([96]) Décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.

([97])  Voir la liste des élus locaux concernés à l’article 11 de la loi n° 2013-907 sur le site : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028056315

([98]) Réponse du ministre de l’intérieur le 17 août 2010 à la question écrite n° 75550 de  M. Grosdidier François : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-75550QE.htm

([99]) Cour de cassation, chambre criminelle, 21 juin 2000, pourvoi n° 99-86871 ; Cass. Crim. 8 mars 2006,  pourvoi n° 05-85276 ; voir également  les exemples cités par l’observatoire SMACL des risques de la vie territoriale :http://www.observatoire-collectivites.org/IMG/pdf/Prise_illegale_d_interets_et_ressources_humaines_1_observatoire-collectivites-org.pdf

([100]) Cour de cassation, chambre criminelle, 21 mars 2012, pourvoi n° 11-83813.

([101]) Voir le commentaire de l’article 3 dans le présent rapport.

([102]) Voir le commentaire de l’article 3 dans le présent rapport.

([103]) Cour de cassation, chambre sociale, 20 octobre 1988, pourvoi n° 86-41.127.

([104]) Correspondance entre les dispositions anciennes et nouvelles du code du travail, édition 2017 du code Dalloz.

([105]) Cour d’appel d’Aix en Provence, 6 novembre 2014, n° 13/15528.

([106]) Voir les dictionnaires juridiques Social Lefebvre 2017, Lamy Social du travail 2017, Répertoire du droit du travail Dalloz 2016  (Jean-François Paulin), Base de données juridique Lexbase 2016, Jurisclasseur du droit du travail 2016 (Patrick Morvan).

([107]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014.

([108])  Conseil constitutionnel, décision n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001.

([109])  Conseil constitutionnel, décision n° 2014-705 DC du 11 décembre 2014.

([110]) Décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.

([111]) Voir le commentaire de l’article 5 dans le présent rapport.

([112]) Voir le commentaire de l’article 6 dans le présent rapport.

([113]) Voir le commentaire de l’article 6 sur ce point dans le présent rapport.

([114]) Deux revalorisations sont intervenues le 1er juillet 2016 et le 1er février 2017, l’IRFM étant indexée sur la valeur du point de la fonction publique.

([115]) Cet article dispose que les allocations spéciales pour frais sont « toujours réputées utilisées conformément à leur objet et ne peuvent donner lieu à aucune vérification de la part de l’administration » fiscale.

([116]) Décision n° 2012-4715 AN du 1er mars 2013, cons. 4.

([117]) Décisions n° 2013-4793 AN (infirmation du rejet du compte) et n° 2013-4795 AN (confirmation du rejet du compte) du 1er mars 2013.

([118]) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([119]) Voir, sur ce point, le rapport d’activité 2016 de la HATVP, pp.58-63.

([120]) Le compte-rendu de cette réunion est consultable sur le lien suivant :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/agendas/cr-bureau.asp

([121]) Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

([122]) Étude d’impact du projet de loi, p. 64.

([123]) Voir la fiche n° 4.

([124])  Étude d’impact du projet de loi, p. 65.

([125])  Avis n° 393324 du 12 juin 2017.

([126]) Ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement.

([127]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([128]) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

([129]) Le Conseil constitutionnel a, par exemple, censuré des dispositions prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre dans un délai préfix un décret d’approbation ou de refus d’approbation d’actes dans le domaine du droit pénal intervenant dans le champ de compétences du pouvoir réglementaire (décision n° 2015-721 DC du 12 novembre 2015).

([130]) Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

([131]) Loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

([132])  Outre-mer, il suffit de présenter un candidat.

([133]) Le rattachement des parlementaires est désormais rendu public sur le site de l’Assemblée nationale et du Sénat.

([134]) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([135]) Une exception est cependant prévue pour les cotisations versées par les élus nationaux ou locaux.

([136]) Décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, cons. 16 et 17.

([137]) Etude d’impact du projet de loi, p. 78.

([138]) Décret n° 90-606 du 9 juillet 1990 modifié par le décret n° 2014-715 du 26 juin 2014.

([139]) Se reporter au commentaire de l’article 8.

([140]) Jusqu’en 2011, l’élection des sénateurs échappait aux obligations de la loi, ce qui était justifié par la nature particulière de la campagne pour cette élection qui s’adresse à un collège restreint, composé lui-même d’élus, et n’exige pas le déploiement de moyens de propagande coûteux. La loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique a mis fin à cette exclusion, notamment en introduisant un plafonnement des dépenses.

([141]) Contre un an auparavant.

([142]) Décision n° 2013-26  du 11 juillet 2013, Observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012.

([143]) Par exemple, pour les élections législatives, le plafond est de 38 000 euros par candidat, majoré de 0,15 euro par habitant de la circonscription. Il est actualisé, pour la dernière fois en 2009, en fonction de l’inflation (application d’un coefficient multiplicateur de 1,26). Concrètement, pour une circonscription de 130 000 habitants, le plafond est, pour chaque candidat, de 72 450 euros ([130 000 x 0,15 + 38 000] x 1,26). Le remboursement maximal par l’État est de 47,5 %, soit 34 413 euros.

([144]) Pour les élections européennes, le seuil est fixé, dans chacune des grandes circonscriptions, à 3 % des suffrages exprimés.

([145]) Loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

([146]) Avis n° 393324 du 12 juin 2017.

([147]) Décret n°2000-820 du 28 août 2000 relatif à l’organisation des travaux de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et aux indemnités susceptibles d’être allouées au président, aux membres, aux collaborateurs et aux rapporteurs de cette commission.

([148]) Étude d’impact, p. 84.

([149]) Voir notamment le quatorzième rapport d’activité de la CNCCFP pour l’année 2011.

([150]) Loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

([151]) Articles R. 39-6 à R. 39-10 du code électoral.

([152]) Directive UE n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, transposée par l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016.

([153]) Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

([154]) Loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

([155]) L’article 2 de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen précise que « l’élection des représentants au Parlement européen […] est régie par le titre Ier du livre Ier du code électoral ». Le chapitre VIII de celui-ci donne compétence à la juridiction administrative pour connaître du contentieux électoral.

([156]) Article 6 de la loi du 7 juillet 1977 précitée.

([157]) Rapport d’activité pour 2016, p.31.

([158]) Elles ont notamment été modernisées par les lois organiques n° 95-63 du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine des membres du Parlement et aux incompatibilités applicables aux membres du Parlement et à ceux du Conseil constitutionnel, et n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Le premier texte créait la commission pour la transparence de la vie politique quand le second constitue, avec la loi ordinaire n° 2013-907 du même nom, l’acte de naissance de l’actuelle Haute Autorité pour la transparence de la vie politique.

([159]) La déclaration patrimoniale exigée des candidats est identique à celle produite par les parlementaires en application de l’article L.O. 135‑1 du code électoral. Les philosophies divergent cependant dans la mesure où, en matière présidentielle, l’obligation est une condition de régularité de la candidature alors que, pour les députés et sénateurs, elle ne s’impose qu’aux seuls élus.

([160]) L’engagement présente une nature politique et morale, de portée juridique limitée : la loi organique ne prévoit aucune sanction à sa violation.

([161]) « Considérant que le législateur a prévu que doivent être rendues publiques, non seulement la déclaration de situation patrimoniale du Président de la République élu, mais aussi la déclaration de situation patrimoniale de tous les candidats à l’élection présidentielle ; qu’en prévoyant que les déclarations de situation patrimoniale remises par les candidats à cette élection sont transmises à la Haute autorité qui les rend publiques dans les limites prévues au paragraphe III de l’article L.O. 135-2 du code électoral, le législateur n’a pas, eu égard à la place du Président de la République dans les institutions et à la nature particulière de son élection, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des candidats à l’élection présidentielle » (considérant n° 7 de la décision précitée).

([162]) Considérant n° 8 de la décision précitée.

([163]) http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2013675DCccc_675_676dc.pdf, p. 34.

([164]) « Chacun des membres du Gouvernement, dans les deux mois qui suivent sa nomination, adresse personnellement au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prévue à l’article 19 de la présente loi une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.

Les obligations de déclaration prévues aux deux premiers alinéas s’appliquent à tout membre du Gouvernement dans les deux mois qui suivent la cessation de ses fonctions pour une cause autre que le décès. Les déclarations sont adressées personnellement au président de la Haute Autorité. La déclaration de situation patrimoniale comporte une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le membre du Gouvernement et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions de membre du Gouvernement. »                           

([165]) « La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui avait été saisie par Anticor, n’a pas décelé d’éléments problématiques dans la déclaration de patrimoine d’Emmanuel Macron, selon un courrier rendu public aujourd’hui par l’association. "Les contrôles mis en œuvre par la Haute autorité (...) n’ont révélé aucun élément de nature à remettre en cause le caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration" du candidat à la présidentielle, a écrit le président de cette instance indépendante, Jean-Louis Nadal » (Le Figaro, 27 mars 2017). Le calendrier de cette réponse apparaît d’autant plus problématique, au regard des préoccupations sur lesquelles le Conseil constitutionnel a fondé sa décision du 9 octobre 2013, que la déclaration de situation patrimoniale de M. Macron en tant que candidat à l’élection présidentielle avait été publiée par la Haute Autorité le 22 mars, soit cinq jours auparavant.

([166]) Page 13.

([167]) Considérant n° 8 de la décision précitée.

([168]) Le projet de loi organique précise que ces quinze jours doivent permettre non seulement l’analyse de la variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles, mais aussi la présentation d’observations par l’intéressé.

([169]) Alinéa 3.

([170]) La date limite pour remettre la déclaration de situation patrimoniale se situant trois mois avant la fin des fonctions, soit 89 jours dans l’hypothèse la moins favorable d’une expiration du mandat présidentiel un 1er mai.

([171]) Cette actualisation rend notamment applicables à l’élection présidentielle l’article L. 52-12 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

([172]) Le détail de cette disposition se trouve dans le commentaire sous l’article 1er du projet de loi ordinaire.

([173]) Voir pour un exemple récent : « Les indemnités parlementaires ébranlent la Caisse des dépôts », Mediapart, 5 juillet 2017. Le même journal a fait état de manquements similaires à Radio-France et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

([174]) Le débat donna alors lieu à de légitimes interrogations sur les raisons qui pouvaient pousser un organisme public à nommer en son sein et à rémunérer un parlementaire, a fortiori, lorsque celui-ci était désigné intuitu personae et non en qualité de député ou de sénateur. Ainsi M. François de Rugy déclarait-il : « Voir des députés occuper des fonctions dans un certain nombre d’établissements publics pose problème – la notion de député ès qualités mériterait à cet égard d’être approfondie même si elle peut sans doute se justifier pour un certain nombre d’organismes, sachant que nous poserons la question de leur présidence dans un autre amendement. N’y aurait-il pas en effet une source de conflit d’intérêts pour les députés siégeant au conseil d’administration d’un établissement ? Car on ne sait plus très bien quelle est alors leur casquette : élu local ? élu national ? De même, lorsqu’ils reviennent au Parlement, défendent-ils des points de vue en tant que parlementaire ou en tant que membres de ce conseil d’administration ? » (Assemblée nationale, deuxième séance du mardi 18 juin 2013).

([175]) Voir le commentaire sous l’article 1er du projet de loi ordinaire pour un commentaire de ce dispositif.

([176]) Les articles du code électoral ne font mention que des députés. L’article L. O. 296 du même code précise en son deuxième alinéa, pour les sénateurs, que les conditions d’éligibilité et les inéligibilités autres que l’âge « sont les mêmes que pour l’élection à l’Assemblée nationale ». Les règles relatives aux prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique se situent toutes, pour cette raison, au chapitre III du titre II du livre Ier, consacré aux « Conditions d’éligibilité et inéligibilités ».

([177]) « Le droit de communication est le droit reconnu à l’administration fiscale de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers, etc.). Les renseignements recueillis à cette occasion peuvent être utilisés pour l’assiette et le contrôle de tous impôts et taxes à la charge, soit de la personne physique ou morale auprès de laquelle il est exercé, soit de tiers à cette personne. Il peut être utilisé dans le cadre de l’assistance technique internationale, dans les limites et selon les modalités prévues par les conventions entre États. » (Bulletin officiel des finances publiques – impôts, BOI-CF-COM-10-20120912)

([178]) La loi ne prévoit d’autre conséquence à la violation de ses obligations fiscales par un ministre que l’information du Président de la République et du Premier ministre. Il leur appartient de prendre les mesures qu’ils estiment appropriées.

([179]) Le Conseil constitutionnel considère le législateur organique compétent pour fixer les règles dont la violation entraîne la perte du mandat parlementaire (décision n° 88‑242 DC du 10 mars 1988, considérant n° 13).

([180]) Comme l’indique le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi organique (point n° 11), l’expression « entrée en fonction » est préférable à « élection » dans la mesure où elle permet de « couvrir le cas des remplacements de parlementaires en cours de mandat ».

([181]) Point n° 11.

([182]) La révélation aux membres du bureau d’informations fiscales relatives à un parlementaire constitue une atteinte à sa vie privée justifiée par l’intérêt général consistant à renforcer les garanties de probité et d’intégrité des parlementaires. Le Conseil constitutionnel a jugé en ce sens dans sa décision n° 2013‑675 DC du 9 octobre 2013 (point n° 6).

([183])  Rapport n° 607 (2016-2017) de M. Philippe BAS, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 juillet 2017, p. 117.

([184]) Avis sur le projet de loi organique, point n° 12.

([185]) Article L.O. 136‑1.

([186]) Article L.O. 136‑3.

([187]) Article L.O. 136.

([188]) Article L.O. 136‑2.

([189]) Loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l’élection des députés et sénateurs.

([190]) L’article L.O. 296 du code électoral rend ces inéligibilités applicables aux sénateurs.

([191]) Article 4 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

([192]) Loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([193]) Loi organique n° 72‑64 du 24 janvier 1972 modifiant certaines dispositions du titre II de l’ordonnance n° 58‑998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité et aux incompatibilités parlementaires.

([194]« Dans les trente jours qui suivent leur élection les députés déclarent au déontologue leurs intérêts personnels, ainsi que ceux de leurs ascendants ou descendants directs, de leur conjoint, de leur concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, de nature à les placer en situation de conflit d’intérêts entendue comme une situation d’interférence entre les devoirs du député et un intérêt privé qui, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme pouvant influencer ou paraître influencer l’exercice de ses fonctions parlementaires. Il appartient aux députés d’apprécier la nécessité de déclarer tout intérêt d’une personne dont ils sont proches et qui serait de nature à les placer dans une telle situation ».

([195]) Article XX bis de l’Instruction générale du Bureau.

([196]) Dans sa décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a censuré la mention des « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », jugée insuffisamment précise pour fonder une incrimination pénale (cons. 30).

([197]) Articles L.O. 137 à L.O. 153.

([198]) L’article L.O. 297 du code électoral prévoit que les incompatibilités concernant les députés sont applicables aux sénateurs.

([199]) Article L.O. 151-2 du code électoral.

([200]) Voir fiche n° 5.

([201]) Il a ainsi jugé que l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie constituait un établissement public national au sens de l’article L.O. 145 du code électoral (décision n° 95-12 I, 14 septembre 1995, cons. 4).

([202]) Article 4 de la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

([203]) L’article 2 de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a substitué au mot : « exclusivement » le mot : « principalement ».

([204]) Cette prohibition de la direction des sociétés financières faisant appel à l’épargne ou des sociétés de promotion immobilière a été introduite par la loi organique n° 72-64 du 24 janvier 1972 en réaction à l’affaire dite « de la Garantie foncière ».

([205]) L’article 2 de la loi organique n° 2013-906 précitée a supprimé le mot « principalement » et substitué aux mots : « pour le compte ou sous le contrôle » les mots : « destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part ».

([206]) Article 2 de la loi organique n° 2013-906 précitée.

([207]) Dans sa rédaction antérieure, le 5° de l’article L.O. 146 ne mentionnait pas les sociétés qui détiennent de telles participations, c’est-à-dire les holdings, comme le Conseil constitutionnel l’avait souligné dans sa décision n° 2004-19 I du 23 décembre 2004.

([208]) Décision n° 77-5 I du 18 octobre 1977, cons. 2, 5, 6 et 8.

([209]) Article 3 de la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995 relative à la déclaration de patrimoine des membres du Parlement et aux incompatibilités applicables aux membres du Parlement et à ceux du Conseil constitutionnel.

([210]) Le décret n° 2012-441 du 3 avril 2012 relatif aux conditions particulières d’accès à la profession d’avocat, qui avait dispensé de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat « les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi », a été abrogé par un décret n° 2013-319 du 15 avril 2013. Cependant, les articles 97 et 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat prévoient plusieurs dérogations, permettant l’accès à cette profession dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience, dont peuvent bénéficier les parlementaires.

([211]) Décision n° 2013-675 DC, 9 octobre 2013, cons. 51 à 53.

([212]) L’article 2 de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections a réduit d’un an à six mois la durée de la campagne électorale.

([213]) Ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité et aux incompatibilités parlementaires.

([214]) Au plan juridique, en dépit d’une formulation inhabituelle, cette disposition définit une incompatibilité parlementaire conformément à l’habilitation que le législateur organique tient du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

([215]) Décision n° 89-262 DC du 7 novembre 1989.

([216]) Ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

([217]) Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires, Sénat, n° 3 (2015-2016).

([218]) Loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([219]) Loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([220]) La liste des organismes dans lesquels siègent des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat désignés par leur assemblée en vertu d’un texte législatif ou réglementaire figure en annexe du recueil des textes relatifs aux pouvoirs publics (partie VIII) publié par l’Assemblée nationale, et peut être consultée à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/pouvoirs-publics/pouvoirs_publics-08.asp#P15198_1494322.

 

([221]) Voir la fiche n° 6 présentant la répartition de la réserve parlementaire en 2016 à l’Assemblée nationale et au Sénat.

([222]) Mme Élina Lemaire, « La réserve parlementaire sous l’angle du droit constitutionnel »,  Jus Politicum 2017-1, http://juspoliticum.com/uploads/jp17-t25_lemaire.pdf.

([223]) Voir les fiches techniques relatives aux modalités de mise en œuvre de la réserve parlementaire émanant de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le site du ministère de l’intérieur : https://www.interieur.gouv.fr/Demande-de-subvention-pour-les-collectivites-territoriales/Reserve-parlementaire 

([224]) Mme Élina Lemaire, « La réserve parlementaire sous l’angle du droit constitutionnel », précitée. 

([225]) La fongibilité est la liberté offerte par la LOLF à chaque gestionnaire d’utiliser librement les crédits pour mettre en œuvre de manière performante le programme budgétaire dont il est responsable. La fongibilité est dite asymétrique car, si les crédits de personnel peuvent être utilisés pour d’autres natures de dépenses (fonctionnement, intervention, investissement), l’inverse n’est pas possible car les dépenses de personnel sont déjà si importantes que le législateur a entendu limiter l’expansion de ce type de dépenses.

([226]) Voir les propositions de loi n° 3278 du 30 mars 2011 de M. Patrick Roy et n° 3866 du 19 octobre 2011 de MM. François De Rugy, Yves Cochet, Noël Mamère et de Mme Anny Poursinoff.

([227]) Le GRECO est une institution du Conseil de l’Europe qui procède régulièrement à des procédures d’évaluation mutuelle des 49 États membres dans le cadre de « cycles d’évaluation ». Le rapport d’évaluation du GRECO peut être consulté sur le site Internet de l’institution à l’adresse suivante : https://rm.coe.int/16806c5dfa

([228]) Cour des comptes, référé n° 71261 de la Cour des comptes adressé le 27 novembre 2014.

([229]) TA Paris, 13 février 2009, M. Vantomne, n° 0703002 : les documents relatifs à la réserve parlementaire sont alors considérés comme des actes des assemblées parlementaires exclus du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978, même s’ils émanent de l’administration.

([230]) TA Paris, 23 avril 2013, Association pour une démocratie directe, n° 1120921/6-1, voir le communiqué de presse et l’arrêt sur le site : http://www.cnda.fr/content/download/9448/28474/version/1/file/1120921_-association_-pour_-une_-democratie_-directe.pdf 

([231]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013, considérant 63, http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013-675-dc/decision-n-2013-675-dc-du-09-octobre-2013.138242.html.

([232]) Proposition de loi organique n° 2827 du 1er juin 2015 présentée par Mme Véronique Besse (http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion2827.pdf) ; proposition de loi organique n° 7 du 2 octobre 2015 présentée par M. Jean-François Longeot visant à supprimer la dotation d’action parlementaire (https://www.senat.fr/leg/ppl15-007.pdf) ; proposition de loi organique n° 4463 du 10 février 2017 présentée par M. Christophe Premat visant à supprimer les réserves parlementaires (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4463.asp) ; proposition de loi organique n° 4490 du 15 février 2017 présentée par M. Yannick Moreau visant à supprimer la réserve parlementaire : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4490.asp ; proposition de loi organique n° 4649 du 22 mai 2017 présentée par M. René Dosière de moralisation de la vie politique (article 12, http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4649.asp).

([233]) Compte-rendu de la commission des Lois du 18 juillet 2017, relatif à l’audition de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cloi/16-17/c1617006.asp.

([234])  Voir le rapport pour avis n° 602 sur le présent projet de loi organique de M. Albéric De Montgolfier, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, du 4 juillet 2017, http://www.senat.fr/rap/a16-602/a16-6022.html#toc3

([235])  Un site internet dédié a été ouvert le 15 novembre 2016, permettant désormais à l’administration de recevoir 30 à 35 % des dossiers en ligne, situation qui devrait se généraliser d’ici peu.

([236])  Les demandes doivent concerner des opérations inscrites en section d’investissement des budgets des collectivités territoriales qui « présentent un intérêt local évident » ; les opérations concernées peuvent être corporelles (acquisitions immobilières, travaux de construction ou de réparation, etc.) ou incorporelles (études de programmation ou de conception préalables à la réalisation de travaux, acquisition de logiciels, etc.). La subvention demandée ne peut dépasser 50 % du montant total de l’opération ni excéder 200 000 euros.

([237]) Voir la fiche n° 7 relative à la réserve ministérielle en 2015 et 2016 à la fin du présent rapport.

([238]) Cour des comptes, référé n° 71261 de la Cour des comptes adressé le 27 novembre 2014.

([239])  https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Subventions. Ces données sont également disponibles en open data sur le site https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/subventions-attribuees-au-titre-de-la-reserve-ministerielle/ pour les années 2011 à 2016.

([240])  https://www.interieur.gouv.fr/Demande-de-subvention-pour-les-collectivites-territoriales/Reserve-ministerielle.

([241]) Loi organique n° 2013-906 et loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

([242]) Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

([243]) Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

([244]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([245]) Décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016.

([246]) Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

([247]) Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

([248]) Cette définition est identique à celle retenue à l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 précitée, à l’article 25 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à l’article L. 4122-3 du code de la défense, aux articles L. 131-3 et L. 231-4 du code de justice administrative et aux articles L. 120‑5 et L. 220-5 du code des juridictions financières.

([249]) À l’exception du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette Cour auxquels une obligation analogue est imposée distinctement, en vertu de l’article 42 de la loi organique, à raison de leur qualité de membres du CSM.

([250]) Décision n° 2013-676 DC précitée, cons. 22.

([251]) Étaient ainsi concernés : le Premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation ; le procureur général et les premiers avocats généraux près la Cour de cassation ; les premiers présidents des cours d’appel ; les procureurs généraux près les cours d’appel ; les présidents des tribunaux de première instance ; les procureurs de la République près les tribunaux de première instance.

([252]) Décision n° 2016-732 DC précitée, paragr. 57.

([253]) L’administration fiscale dispose de soixante jours pour transmettre à la Haute Autorité les informations requises.

([254]) Les sénateurs appartenant à la série renouvelable en 2020 seraient soumis à la même procédure que les députés.

([255]) Rapport n° 607 (2016-2017) de M. Philippe BAS, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 juillet 2017, p. 153.

([256]) Étude d’impact, p. 31.

([257]) Voir le commentaire de l’article 9 dans le présent rapport.

([258]) Conseil d’État, séance du 12 juin 2017, Avis sur un projet de loi organique pour la confiance dans l’action publique, http://www.conseil-etat.fr/content/download/102778/1027453/version/1/file/Avis%20n393323.pdf

([259]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([260]) Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

([261]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([262]) Cet organisme a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Il convient de préciser que le nouveau répertoire des représentants d’intérêts rendu public par la HATVP pour assurer l’information des citoyens sur les relations qu’entretiennent ces derniers avec les pouvoirs publics, conformément aux dispositions de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, est entré progressivement en vigueur au 1er juillet 2017. Les entités concernées ont jusqu’au 31 décembre de cette même année pour s’enregistrer. Au-delà de cette date, tout manquement pourra faire l’objet de sanction.

([263])  Cet organisme a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

([264])  Sour réserve de l’adhésion du député-employeur à l’association des députés-employeurs pour la négociation collective concernant les collaborateurs ou pour les contrats antérieurs au 1/1/2010.

([265]) Au regard des décisions rendues par le Conseil constitutionnel (n° 2007-23 I et 2008-24I/25I/26I du 14 février 2008), le caractère public d’une fonction non élective se déduit d’un faisceau d’indices permettant de déterminer si son exercice par un parlementaire constituerait une violation du principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance du député à l’égard du pouvoir exécutif. Le caractère bénévole de l’exercice de ces fonctions est sans incidence sur leur caractère incompatible avec le mandat parlementaire.

[266] Subvention versée au Conseil d’État pour son fonctionnement.

[267] Subvention versée à l’Association départementale des anciens combattants des missions extérieures (CASTELFERRUS) pour l’achat d’un drapeau pour les OPEX.

[268] Dotation institutionnelle à l’œuvre d’Orient (association).

[269] Subvention versée à la ville de Loupiac pour l’aménagement de rampes d’accès à l’église et au logement de l’école.

[270] Deux bénéficiaires du montant maximal :

-           Demande de subvention déposée par un maire pour l’'aménagement d’une place et d’une rue dont le montant avait été évalué à 916 000 euros.

-           Demande de subvention déposée par un député pour la réalisation d'importants travaux de voirie en réparation des dégâts occasionnés par les intempéries des 3, 4, 14 et 15 novembre 2014 dont le montant avait été évalué à 767 947 euros.

[271] Demande de subvention déposée par un sénateur-maire pour l'aménagement d'une résidence autonomie dont le montant avait été évalué à 5 454 736 euros.

[272] Demande de subvention déposée par un député pour la rénovation d'une pièce d'un ancien logement afin d'y aménager la salle du conseil, la salle des mariages et une salle de réunion dont le montant était évalué à 42 430 euros.

[273] Demande de subvention d’un sénateur pour l'acquisition du délaissé d’une route départementale dont le montant avait été évalué à 1578 euros.