N° 1468

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible
pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises (n° 1337),

PAR M. Paul MIDY,

Député

——

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 1337.


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  SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

I. la franchise de TVA et les régimes « micro », piliers de l’autoentrepreneuriat

A. Les rÉgimes d’imposition à la tva

1. Le régime réel normal

2. Le régime simplifié d’imposition

3. Le régime de la franchise en base

B. Le rÉgime fiscal et social de la microentreprise

II. les rÉformes rÉcentes du rÉgime de la franchise en base

A. la rÉforme de la Loi de finances pour 2024

B. la rÉforme de la loi de finances pour 2025

1. Un abaissement drastique des plafonds de la franchise de TVA, adopté de manière précipitée

a. Contenu de la réforme

b. Circonstances d’adoption

2. Une réforme immédiatement contestée et suspendue

a. Réactions des parties prenantes et suspension de la mesure jusqu’au 1er juin 2025

b. L’amendement du Gouvernement au projet de loi « Simplification »

c. Nouvelle concertation et nouvelle suspension jusqu’à la fin 2025

3. La mission d’information du Sénat

commentaires des articles

Article 1er Rétablissement des plafonds de la franchise en base de TVA en vigueur avant le 1er mars 2025

Article 2 Gage

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES ARTICLES

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

 


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   AVANT-PROPOS

L’autoentrepreneuriat représente environ 70 % des entreprises créées en France chaque année. On estime que 3,5 millions de personnes auraient créé leur emploi grâce à ce statut, dont une moitié en ont fait leur activité principale. Il s’agit donc d’un facteur essentiel de croissance, d’emploi et de dynamisme économique.

Il revêt, de plus, un rôle structurant pour les territoires car ces emplois ont souvent été créés dans des régions où l’emploi est rare. Bien souvent, ils ne rapportent à leurs créateurs que des revenus limités. En 2023, le revenu annuel moyen des auto-entrepreneurs était ainsi estimé à 7 540 euros ([1]) .

Depuis sa création en 2008, le statut de l’auto-entrepreneur tient en trois traits essentiels :

– une imposition fiscale et sociale forfaitaire grâce aux régimes dits « micro-fiscal » et « micro-social » ;

–  la possibilité d’opter pour un régime simplifié qui évite les déclarations et reprises de TVA grâce au régime de la franchise de TVA, qui permet de ne pas facturer la TVA sur les ventes et les services, et qui a pour corollaire l’impossibilité de déduire la TVA de ses achats ;

– des formalités administratives simplifiées.

Si les plafonds de chiffre d’affaires des régimes micro-fiscal et micro-social ont été dissociés de ceux de la franchise en 2018, il n’en reste pas moins que la franchise de TVA demeure l’un des piliers de l’autoentrepreneuriat, au premier chef grâce à l’allègement des obligations déclaratives et comptables qu’elle permet.

C’est pourtant ce pilier qui est aujourd’hui attaqué. Lors des discussions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, un amendement du Gouvernement a proposé d’abaisser drastiquement les plafonds de ce régime, qui s’élevaient à 85 000 euros pour le chiffre d’affaires national total, et à 37 500 euros pour le chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement, pour créer un plafond unique de 25 000 euros. Cette disposition, retenue dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, figure à l’article 32 de la loi de finances pour 2025 ([2]) et devait s’appliquer à compter du 1er mars 2025.

Cette attaque est d’autant plus grave que la franchise de TVA ne bénéficie pas qu’aux auto-entrepreneurs. En effet, parmi ses 200 000 bénéficiaires, un tiers sont des auto-entrepreneurs et deux tiers des très petites entreprises. C’est donc la maille la plus fine, et la plus fragile, de notre tissu économique qui risque d’en pâtir.

Cela d’autant plus que cette réforme n’avait donné lieu à aucune concertation ni à aucun délai pour sa mise en œuvre. La base de calcul du chiffre d’affaires étant, en l’espèce, celle de l’année précédente, ces 200 000 entrepreneurs se sont trouvés mis devant le fait accompli, sans possibilité de piloter leur chiffre d’affaires en fonction de cette nouvelle donne administrative et fiscale.

Si l’on se fonde sur le montant des recettes nouvelles attendu par le Gouvernement grâce à cette mesure, à savoir 780 millions d’euros en année pleine, il en résulte un montant annuel moyen de TVA par entrepreneur ou TPE d’environ 4 000 euros annuels, ce qui considérable au vu des revenus des auto-entrepreneurs. À titre de comparaison, on peut rappeler que le montant moyen d’impôt sur le revenu payé en 2022 était de 4 663 euros ([3]) .

Face à cette menace pour la croissance et l’emploi, les arguments avancés en faveur de la réforme paraissent insuffisants.

Tout d’abord, l’estimation de recettes supplémentaires, pour crucial que soit le rétablissement des comptes publics, ne tient pas compte des effets de comportement que la mesure ne manquera pas d’engendrer, détournant de l’activité de très nombreux professionnels.

Ensuite, on a avancé que la franchise de TVA créait une double concurrence déloyale : en interne en premier lieu, entre les professionnels qui en bénéficient et ceux qui n’en bénéficient pas ; vis-à-vis des entreprises étrangères ensuite, puisqu’une directive européenne impose, depuis le 1er janvier 2025, que les entreprises immatriculées dans d’autres États de l’UE puissent en bénéficier également. Pourtant, cette concurrence déloyale n’est pas prouvée. En interne, un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales avait montré, en 2013, que « les auto-entrepreneurs se positionnent de manière préférentielle sur des micro‐marchés délaissés par les autres entreprises ou sur lesquels elles font des profits limités » et concluait qu’ « il n’y a[vait] pas de redondance, mais plutôt complémentarité avec les autres » types d’entreprises ([4]). S’agissant des entreprises étrangères, qui sont elles aussi des petites entreprises, il est peu probable qu’elles développent leur activité en France au point de constituer une menace pour les entreprises nationales.

De manière générale, les régimes « micro » et la franchise de TVA sont moins choisis pour des motifs financiers que pour la simplicité administrative qu’ils offrent.

La présente proposition de loi propose de remédier à ces difficultés par une mesure simple : revenir purement et simplement sur une mesure qui, si elle a pu être inspirée par des motifs partagés par le rapporteur – augmenter les recettes et remédier à des distorsions de concurrence –, résulte en réalité d’une erreur d’analyse.

À l’Assemblée nationale, quatre propositions de loi identiques à celle-ci ont été déposées, dont les signataires siègent sur tous les bancs de notre hémicycle :

– la première émanant de membres des groupes Socialistes et apparentés, Écologiste et social et Libertés, Indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) ([5]) ;

– la deuxième ([6]) du groupe La France insoumise et de membres des groupes Écologiste et social, Gauche démocrate et républicaine et LIOT ;

– la troisième ([7]) de membres des groupes Droite républicaine, Les Démocrates, Ensemble pour la République, Gauche démocrate et républicaine, Horizons & Indépendants, LIOT, Rassemblement national et Union des droites pour la République (UDR) ;

– la quatrième ([8]) du groupe Horizons & Indépendants.

Il s’agit donc d’une proposition consensuelle, susceptible de rassembler très largement. Au vu des conclusions de la mission d’information que sa commission des finances a consacrée à cette réforme, il est vraisemblable que le Sénat s’y rallie tout aussi largement.

Pour autant, l’abrogation de la mesure de la loi de finances pour 2025 ne marque pas le terme des débats sur l’autoentrepreneuriat. Les derniers travaux portant sur ce sujet ont été publiés il y a plus de dix ans. Il est essentiel que des études approfondies soient menées, aussi bien sur les bénéficiaires de la franchise que sur deux des régimes « micro », afin d’améliorer ces régimes et de modifier, éventuellement, leurs plafonds. En outre, la réflexion doit être poursuivie sur les moyens de mieux protéger les travailleurs des plateformes, qui sont le plus souvent victimes d’un autoentrepreneuriat subi.

 

I.   la franchise de TVA et les régimes « micro », piliers de l’autoentrepreneuriat

A.   Les rÉgimes d’imposition à la tva

Il existe trois régimes d’imposition à la TVA :

– le régime réel normal ;

– le régime simplifié ;

– le régime de la franchise en base.

1.   Le régime réel normal

Le régime réel normal d’imposition à la TVA s’applique de droit aux entreprises qui ne sont soumises ni au régime de la franchise, ni au régime réel simplifié de déclaration de TVA. Les entreprises qui, de droit, relèvent de la franchise ou du régime simplifié peuvent également opter pour ce régime ; dans ce cas, l’option doit être exercée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle l’entreprise souhaite appliquer le régime réel normal.

Les entreprises soumises au régime normal sont tenues de souscrire chaque mois une déclaration de TVA indiquant, pour le mois précédent, le montant total des opérations réalisées et le détail des opérations taxables. Le paiement de l’impôt intervient au moment de la souscription de la déclaration.

Lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 euros, les redevables sont admis à souscrire leurs déclarations par trimestre civil. Ce seuil s’apprécie au début de chaque trimestre par rapport au montant total de la taxe exigible les quatre trimestres civils précédents.

2.   Le régime simplifié d’imposition

Le régime simplifié d’imposition (RSI), prévu aux articles L. 162-1 et suivants du code des impositions sur les biens et services, consiste en un allègement des obligations déclaratives et de paiement. Les entreprises relevant du régime simplifié n’ont à souscrire qu’une seule déclaration de TVA par an. Le paiement, également simplifié, s’effectue à travers deux acomptes semestriels, qui font l’objet d’une régularisation lors de la déclaration annuelle.

Ce régime s’applique de plein droit aux entreprises qui remplissent les conditions suivantes :

– elles ne bénéficient pas de la franchise en base de TVA ;

 leur chiffre d’affaires de l’année civile précédente n’excède pas 840 000 euros pour les activités de vente de biens corporels, de restauration ou de mise à disposition de logement, ni 254 000 euros pour les autres activités ;

 leur TVA exigible au titre de l’année civile précédente n’excède pas 15 000 euros.

Ce régime s’applique également sur option pour les entreprises normalement bénéficiaires du régime de la franchise en base.

Certaines opérations ne peuvent bénéficier de ce régime, à savoir les importations, les opérations relevant de la TVA immobilière, les livraisons à soi‑même de travaux de réhabilitation ou d’entretien des logements sociaux à usage locatif et les opérations effectuées à titre occasionnel.

Le RSI fait l’objet d’une importante réforme à l’article 38 de la loi de finances pour 2025, réforme qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2027. La déclaration et le paiement de la TVA dans le cadre de ce régime deviennent trimestriels et les acomptes semestriels sont supprimés. Selon l’exposé sommaire de l’amendement ([9]) du Gouvernement à l’origine de cet article, si le nombre de formalités passe de trois à quatre par an, ces dernières seront plus simples et toutes identiques dans leur fonctionnement, et la suppression du dispositif des acomptes permettra l’exercice du droit à déduction au fil de l’eau, améliorant la contemporanéité entre, d’une part, les paiements et remboursements de TVA et, d’autre part, les réalités économiques. Le chiffre d’affaires maximal pour bénéficier de ce régime est porté à 1 000 000 euros au cours de l’année civile précédente et à 1 100 000 euros pendant l’année en cours. Une révision de ces seuils en fonction de l’inflation est prévue tous les trois ans.

La possibilité, pour les entreprises soumises de droit à ce régime, d’opter pour le régime réel normal est conservée. Cependant, cette option prendrait effet le premier jour du mois du trimestre civil suivant celui au cours duquel elle est exercée.

3.   Le régime de la franchise en base

● Le régime de la franchise en base, prévu à l’article 293 B du code général des impôts, permet aux assujettis à la TVA établis en France d’être dispensés de la déclaration et du paiement de la TVA lorsqu’ils n’ont pas réalisé un chiffre d’affaires défini.

L’avantage consistant à ne pas déclarer ni payer la TVA a pour corollaire l’impossibilité de déduire la TVA d’amont. La franchise a, ainsi, les mêmes effets qu’une exonération de TVA.

● Dans le droit en vigueur avant la loi de finances pour 2025, les plafonds de chiffre d’affaires fixés pour le bénéfice de la franchise étaient les suivants :

– un chiffre d’affaires supérieur à 85 000 euros l’année civile précédente et à 93 500 euros l’année en cours ;

– s’agissant de prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d’hébergement, un chiffre d’affaires supérieur à 37 500 euros l’année civile précédente et à 41 250 euros l’année civile en cours.

Ces plafonds sont repris dans le tableau suivant.

Plafonds de chiffres d’affaires pour l’application de la franchise en base de tva (cas gÉnÉral)

(en euros)

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement

Année civile précédente

85 000

37 500

Année en cours

93 500

41 250

Source : article 293 B du CGI en vigueur le 1er janvier 2025.

Une tolérance de 10 % était ainsi prévue, afin de permettre à une entreprise qui connaîtrait ponctuellement une activité légèrement accrue lors d’une année civile de continuer à bénéficier de la franchise.

Lorsque l’un des plafonds de chiffre d’affaires pour les opérations de l’année en cours est dépassé, la franchise cesse de s’appliquer pour les opérations intervenant à compter de la date de dépassement.

● De plus, des plafonds spécifiques existaient pour les opérations réalisées par les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes-interprètes. Ces plafonds sont indiqués dans le tableau suivant.

Plafonds de chiffres d’affaires pour l’application de la franchise en base de tva (cas des avocats, auteurs et artistes-interprètes)

(en euros)

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations mentionnées au B du II de l’article 293 B du CGI

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autres que celles mentionnées au B du II de l’article 293 B du CGI

Année civile précédente

50 000

35 000

Année en cours

55 000

38 500

Source : article 293 B du CGI en vigueur le 1er janvier 2025.

Les opérations mentionnées au B du II de l’article 293 B du CGI sont les suivantes :

– les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dans le cadre de l’activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;

– les livraisons par les auteurs d’œuvres de l’esprit, à l’exception des architectes, de leurs œuvres mentionnées aux 1° à 12° de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi ;

– les opérations relatives à l’exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes-interprètes mentionnés à l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle.

La notion d’auteur d’œuvres de l’esprit est précisée dans l’encadré suivant.

 

L’auteur d’œuvres de l’esprit et ses droits patrimoniaux

En principe, la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Les œuvres de l’esprit doivent présenter les caractéristiques d’une création artistique et porter l’empreinte de la personnalité de l’artiste. Sous cette condition, l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle cite :

1° Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;

2° Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature ;

3° Les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;

4° Les œuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en œuvre est fixée par écrit ou autrement ;

5° Les compositions musicales avec ou sans paroles ;

6° Les œuvres cinématographiques et autres œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble œuvres audiovisuelles ;

7° Les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;

8° Les œuvres graphiques et typographiques ;

9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ;

10° Les œuvres des arts appliqués ;

11° Les illustrations, les cartes géographiques ;

12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences ;

13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ;

14° Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement.

L’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle protège également les auteurs de traductions, d’adaptations, de transformations ou d’arrangements des œuvres de l’esprit, les anthologies ou recueils d’œuvres diverses qui, par le choix et la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles.

La question de savoir si une production constitue une « œuvre de l'esprit » a donné lieu à une abondante jurisprudence.

Les droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit sont le droit de représentation, le droit de reproduction, et le droit à rémunération pour copie privée.

Ces droits sont attachés à l’auteur sa vie durant. À son décès, ils persistent au bénéfice de ses ayants droits pendant l’année civile en cours et les 70 années qui suivent, comme prévu par l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle.

La définition de l’artiste-interprète et celle de ses droits patrimoniaux sont précisées dans l’encadré suivant.

L’artiste-interprète et ses droits patrimoniaux

L’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle définit l’artiste-interprète ou exécutant, à l’exclusion des figurants, comme la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes.

Les droits patrimoniaux reconnus par la loi aux artistes-interprètes sont le droit d’autoriser, le droit à rémunération pour copie privée et le droit à rémunération équitable. Ces droits sont dits « voisins » du droit d’auteur.

La durée de ces droits est de 50 ans (ou de 70 ans lorsque l’interprétation est fixée dans un phonogramme) à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première communication au public de l’interprétation de l’œuvre. Si l’artiste-interprète décède pendant la durée de la protection, les droits reviennent à ses héritiers.

La gestion des droits des artistes-interprètes est, comme celle des droits d’auteur, souvent collective et assurée par des organismes de gestion collective de droits.

De même, lorsque l’un de ces plafonds de chiffre d’affaires pour les opérations de l’année en cours est dépassé, la franchise cesse de s’appliquer pour les opérations intervenant à compter de la date de dépassement.

● Pendant longtemps, le régime de la franchise de TVA a été conçu en lien étroit avec le régime micro-fiscal d’imposition des bénéfices. Il était ainsi prévu que les entrepreneurs ne bénéficiant pas de la franchise de TVA étaient exclus du bénéfice du régime micro-fiscal. De plus, lors de la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008, les plafonds de la franchise de TVA et ceux des régimes micro-fiscal et micro-social applicables à ce statut ont été alignés. Ce lien a été rompu à partir du 1er janvier 2018, en raison du doublement des plafonds du régime micro-fiscal prévu par la loi de finances pour 2018 ([10]).

B.   Le rÉgime fiscal et social de la microentreprise

Le régime de la micro-entreprise a été créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

La micro-entreprise est soumise au régime dit « micro-fiscal » d’imposition des bénéfices ([11]), applicable aux personnes imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (régime « micro-BIC », qui concerne les activités commerciales, industrielles et artisanales) ou dans celle des bénéfices non commerciaux (régime « micro-BNC », pour les activités libérales), et au régime dit « micro-social » ([12]) pour le paiement de ses cotisations sociales. Sur option, les contribuables peuvent également opter pour le régime normal d’imposition.

Les régimes micro-fiscal et micro-social sont ouverts aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas les plafonds suivants au cours de l’année civile N-1 ou N-2 :

– 188 700 euros pour les activités commerciales ou d’hébergement et la location de meublés de tourisme classés, jusqu’aux revenus de l’année 2024 ;

– 77 700 euros pour les prestations de services en BIC, les activités libérales et la location de meublés de tourisme non classés et, à partir des revenus 2025, de meublés de tourisme classés.

En cas de création d’une entreprise, le régime micro-fiscal s’applique automatiquement pour l’année de création (N) et l’année suivante (N+1).

Le régime micro-fiscal permet de bénéficier d’abattements spécifiques :

– 71 % pour les activités commerciales ou d’hébergement et la location de meublés de tourisme classés ;

– 50 % pour les prestations de services en BIC et la location de meublés de tourisme non classés, jusqu’aux revenus de l’année 2024 ;

– 34 % pour les activités libérales ;

– 30 % pour la location de meublés de tourisme non classés, à partir des revenus de l’année 2025.

Le micro-entrepreneur peut également opter pour un versement forfaitaire libératoire, à condition de ne pas dépasser des plafonds de revenus. Ce versement est égal à :

– 1 % du chiffre d’affaires hors taxes pour les entreprises ayant une activité de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou consommer ;

– 1,7 % du chiffre d’affaires hors taxes pour les entreprises ayant une activité de prestations de services ;

– 2,2 % des recettes hors taxes pour les contribuables titulaires de BNC.

La micro-entreprise est également soumise au régime micro-social s’agissant des cotisations et contributions sociales. Ce régime consiste en un versement forfaitaire calculé sur le chiffre d’affaires ou les recettes et égal, en 2025, à :

– 21,2 % pour les prestations de services en BIC et la location d’habitation meublée ;

– 12,3 % pour la vente de marchandises et la fourniture d’hébergement, sauf la location d’habitation meublée et de meublés de tourisme ;

– 6 % pour la location de meublés de tourisme ;

– pour les professions libérales, 23,2 % pour celles inscrites à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav) et 24,6 % pour les autres.

L’article 22 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a doublé les plafonds des régimes « micro », sans modifier ceux de la franchise de TVA. 

II.   les rÉformes rÉcentes du rÉgime de la franchise en base

A.   la rÉforme de la Loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 ([13]) avait prévu, à compter du 1er janvier 2025, une réforme de la franchise de TVA afin de transposer la directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de TVA ([14]) .

En effet, cette directive dispose que « les seuils fixés par un État membre [pour la franchise de TVA] ne font pas de distinction entre les assujettis qui sont établis sur son territoire et ceux qui ne le sont pas » et que « les États membres qui ont mis en place la franchise octroient également cette franchise pour les livraisons de biens et les prestations de services effectuées sur leur propre territoire par des assujettis établis dans un autre État membre ».

Conformément à cette directive, la loi de finances pour 2024 a ouvert la franchise aux assujettis établis dans un État membre de l’UE autre que la France pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services réalisées en France lorsque leur chiffre d’affaires sur le territoire de l’UE n’excède pas 100 000 euros lors de l’année précédente et de l’année en cours, et sous réserve de remplir certaines formalités déclaratives et d’enregistrement.

Elle a également abaissé le plafond de la franchise, qui était auparavant fixé à 91 900 euros, à 85 000 euros, maximum autorisé par la directive, et légèrement relevé le plafond applicable aux prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d’hébergement, auparavant fixé à 36 800 euros, en le portant à 37 500 euros.

En revanche, pour les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes-interprètes, le plafond de 47 700 euros a été relevé à 50 000 euros.

Cette réforme a également simplifié le calcul des plafonds, qui étaient auparavant déterminés sur la base du chiffre d’affaires des deux années civiles précédentes, en y substituant la prise en compte du chiffre d’affaires de l’année civile précédente et de l’année en cours.

B.   la rÉforme de la loi de finances pour 2025

1.   Un abaissement drastique des plafonds de la franchise de TVA, adopté de manière précipitée

a.   Contenu de la réforme

Cette réforme, qui figure à l’article 32 de la LFI pour 2025 ([15]) , a abaissé très fortement les plafonds de chiffre d’affaires du régime de franchise en base de TVA, prévu à l’article 293 B du CGI et supprimé, au bénéfice d’un plafond unique, la distinction entre chiffre d’affaires national total et chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services. Les plafonds du régime de franchise en base de TVA sont devenus les suivants :

Plafonds de chiffres d’affaires prÉvus pour l’application de la franchise en base de tva À compter du 1er mars 2025

(en euros)

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Année civile précédente

25 000

Année en cours

27 500

Source : article 293 B du CGI.

De plus, elle a fait disparaître le régime spécifique applicable aux avocats, aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux auteurs d’œuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes.

Ces modifications, entrées en vigueur le 1er mars 2025, poursuivaient, selon le Gouvernement, les objectifs suivants :

– simplifier le régime de la franchise en base de TVA ;

– mettre fin aux distorsions de concurrence induites par ces plafonds au sein du segment des petites et moyennes entreprises, entre celles qui y recourent et celles qui n’y recourent pas, distorsions qui favorisent le recours en masse à la sous-traitance par de grands acteurs ;

– prévenir l’aggravation de ces distorsions qui pourrait résulter de l’ouverture, à compter de 2025, de la franchise aux entreprises établies dans d’autres États membres de l’UE au motif que, compte tenu de leurs faibles niveaux de franchise locaux, celles-ci pourront venir concurrencer les entreprises nationales sans supporter la TVA ;

– accroître les recettes fiscales, d’un montant estimé de 780 millions d’euros par an, en année pleine.

b.   Circonstances d’adoption

Cette réforme a été proposée par le Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 en séance publique au Sénat, sans avoir été préalablement débattue devant l’Assemblée nationale.

En  première délibération, le Sénat a rejeté cette proposition ([16]), suivant l’avis défavorable émis par la commission. D’après la mission d’information de la commission des finances du Sénat sur la réforme de la franchise en base, cet avis était justifié par « le caractère particulièrement tardif de la présentation de cette réforme, la nécessité de prendre en compte la diversité des situations et des tailles d’entreprises ainsi que le montant élevé de l’augmentation des recettes fiscales engendrée par cette mesure » ([17]).

Le Gouvernement a, toutefois, soumis à nouveau cette proposition au vote des sénateurs au cours d’une seconde délibération ; l’amendement ([18]) a cette fois été adopté, la commission ayant émis un avis favorable, « par solidarité avec la majorité gouvernementale et malgré ses réserves », selon le même rapport.

La commission mixte paritaire réunie sur le PLF pour 2025 n’a ensuite pas modifié ces dispositions et a fixé leur entrée en vigueur au 1er mars 2025.

2.   Une réforme immédiatement contestée et suspendue

a.   Réactions des parties prenantes et suspension de la mesure jusqu’au 1er juin 2025

Cette réforme a très vite suscité une forte mobilisation des organisations d’auto-entrepreneurs, en particulier de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) et de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE), mais aussi du Conseil national des barreaux et de l’Union nationale des professions libérales.

Le 6 février 2025, avant même que la loi de finances soit promulguée, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Éric Lombard, a annoncé la suspension de la réforme et l’ouverture d’une concertation avec les parties prenantes conduite par la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, Mme Véronique Louwagie.

Cette concertation, qui a réuni environ cinquante acteurs et s’est tenue jusqu’au 28 février 2025, n’a pas débouché sur un consensus ([19]). À son issue, le Gouvernement a décidé de suspendre la réforme prévue en LFI 2025 jusqu’au 1er juin 2025.

Cette suspension a été inscrite dans un rescrit ([20]) publié par l’administration fiscale le 3 mars 2025, qui a précisé que « la sortie de la franchise en 2025 en cas de dépassement des seuils issus de l’article 32 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, c’est-à-dire l’obligation de collecter la TVA et la faculté de la déduire, interviendr[ait] pour les opérations effectuées à compter du 1er juin 2025 » ([21]).

b.   L’amendement du Gouvernement au projet de loi « Simplification »

Le Gouvernement a déposé, le 4 avril 2025, un amendement ([22]) au projet de loi de simplification de la vie économique en vue de son examen en séance publique à l’Assemblée nationale. Il prévoyait l’instauration, à compter du 1er juillet 2025, de deux plafonds pour le régime de franchise en base :

– le premier, applicable à toutes les activités à l’exception des prestations de services de travaux immobiliers, et fixé à 37 500 euros l’année civile précédente et à 41 250 euros pour l’année civile en cours ;

– le second, spécifique aux prestations de services de travaux immobiliers, qui demeurait celui prévu en loi de finances pour 2025 pour l’ensemble des activités, à savoir 25 000 euros pour l’année civile précédente et 27 500 euros pour l’année civile en cours.

Cet amendement prévoyait, de plus, la validation rétroactive du report des dispositions de la loi de finances pour 2025 qui devaient s’appliquer à compter du 1er mars 2025.

Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, en tant que cavalier législatif, et n’a donc pas été examiné.

c.   Nouvelle concertation et nouvelle suspension jusqu’à la fin 2025

Le 30 avril 2025, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé la prolongation de la suspension de cette réforme et la poursuite du débat « dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026 », et indiqué que le Gouvernement proposerait « une réforme plus équilibrée en tenant compte des situations de forte concurrence, notamment dans le bâtiment, avec un seuil d’exonération de la TVA ramené à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel dans ce secteur, un nombre de seuils réduit et un seuil unique au juste niveau, conformément à l’amendement proposé par le Gouvernement sur le projet de loi simplification » ([23]).

3.   La mission d’information du Sénat

Auparavant, la commission des finances du Sénat avait publié, le 9 avril 2025, un rapport ([24])  d’information sur la réforme de la franchise en base de TVA, à la suite du dépôt, sur le site du Sénat, d’une pétition ([25])  initiée par M. Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs, et ayant recueilli plus de 113 000 signatures.

Ce rapport considère cette réforme  comme « improvisée » alors qu’elle constitue une évolution majeure de la fiscalité applicable aux petites entreprises, aux entrepreneurs individuels et aux autoentrepeneurs. Il en conteste les justifications avancées par le Gouvernement :

– tout d’abord, il estime que le rendement budgétaire annoncé de 780 millions d’euros en année pleine est incertain, du moins après la première année d’application, en raison des effets de comportement que la mesure risque d’engendrer ;

– ensuite, il conteste l’existence de distorsions de concurrence internes, entre les entreprises bénéficiaires de la franchise et celles qui ne le sont pas, puisque la franchise bénéficie aussi bien aux microentreprises qu’aux TPE, et qu’il semble exister une confusion entre le sujet de la franchise en base et celui de la concurrence qu’offre, indépendamment de la TVA, le modèle de la microentreprise par rapport au salariat et au travail indépendant en termes de simplicité des démarches administratives et comptables et de niveau des charges sociales ;

– enfin, concernant les distorsions de concurrence externes, il indique que les risques allégués de leur aggravation, du fait de l’ouverture, à compter de 2025, de la franchise aux entreprises établies dans d’autres États membres de l’UE, demeurent largement théoriques, s’agissant de petites entreprises dont l’activité hors de leur pays d’origine est faible.

Il indique également que, sur les 206 000 entreprises concernées par la réforme, 135 000 seraient des microentreprises et 71 000 relèveraient d’autres statuts. En termes de secteurs, la réforme affecterait principalement la construction (plus de 53 000 entreprises), mais aussi le commerce et la réparation d’automobiles et de motocycles (près de 32 000 entreprises) et les services à la personne (environ 25 000 entreprises). De plus, la révision des plafonds modifie sensiblement la fiscalité applicable aux avocats, dont le revenu médian s’élève à 44 000 euros, ainsi qu’aux 15 000 à 20 000 kinésithérapeutes exerçant sur le territoire.


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   commentaires des articles

Résumé du dispositif

Le présent article rétablit les plafonds de chiffres d’affaires fixés pour le bénéfice de la franchise de TVA qui étaient applicables avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, soit, en l’espèce, jusqu’au 1er mars 2025.

Position de la commission

Outre deux amendements de coordination du rapporteur, la commission a adopté deux amendements identiques déposés par le rapporteur et par le rapporteur général, prévoyant l’application de cet article à partir du 1er mars 2025. Elle a, ensuite, adopté cet article.

  1.   LE DROIT EN VIGUEUR : des plafonds de chiffre d’affaires drastiquement abaissÉs

L’article 32 de la LFI pour 2025 ([26]) a abaissé très fortement les plafonds de chiffre d’affaires du régime de franchise en base de TVA, prévu à l’article 293 B du CGI et supprimé, au bénéfice d’un plafond unique, la distinction entre chiffre d’affaires national total et chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services. Les plafonds du régime de franchise en base de TVA sont devenus les suivants.

Plafonds de chiffres d’affaires prÉvus pour l’application de la franchise en base de tva depuis le 1er mars 2025 (en euros)

 

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Année civile précédente

25 000

Année en cours

27 500

Source : article 293 B du CGI.

De plus, cette réforme a fait disparaître le régime spécifique applicable aux avocats, aux avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux auteurs d’œuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes.

Bien que ces modifications soient entrées en vigueur le 1er mars 2025, le Gouvernement a annoncé, dès le mois de février, la suspension de leur application jusqu’à la fin juin 2025 puis, en avril, jusqu’à la fin de l’année 2025.

  1.   LE DROIT PROPOSÉ : Le rÉtablissement des plafonds antÉrieurs

Le a du du I du présent article rétablit les plafonds de chiffre d’affaires en vigueur avant la loi de finances pour 2025, exposés dans le tableau suivant.

Plafonds de chiffres d’affaires pour l’application de la franchise en base de tva (en euros) (cas gÉnÉral)

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement

Année civile précédente

85 000

37 500

Année en cours

93 500

41 250

De plus, le b du du I du présent article rétablit les plafonds spécifiques applicables aux avocats, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux auteurs d’œuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes, qui sont repris dans le tableau suivant.

Plafonds de chiffres d’affaires pour l’application de la franchise en base de tva (en euros) (cas des avocats, auteurs et artistes-interprètes)

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations mentionnées au B du II de l’article 293 B du CGI

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autres que celles mentionnées au B du II de l’article 293 B du CGI

Année civile précédente

50 000

35 000

Année en cours

55 000

38 500

Enfin, le du I du présent article apporte des précisions rédactionnelles aux dispositions relatives à l’application des plafonds lorsqu’ils sont dépassés en cours d’année.

Si l’application de la modification de ces plafonds a été suspendue par le Gouvernement jusqu’à la fin de l’année 2025, l’adoption de cet article permettrait de mettre en cohérence le droit positif avec l’intention annoncée par le Gouvernement et donnerait un fondement juridique effectif au maintien des plafonds qui ne devaient s’appliquer que jusqu’au 1er mars 2025.

  1.   LA POSITION DE LA COMMISSION

Outre deux amendements de coordination du rapporteur, la commission a adopté deux amendements identiques déposés par le rapporteur et par le rapporteur général, prévoyant l’application de cet article à partir du 1er mars 2025, date fixée par la loi de finances pour 2025 pour l’entrée en vigueur de l’abaissement des plafonds de la franchise de TVA.

Elle a, ensuite, adopté cet article.

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Résumé du dispositif

Le présent article prévoit un mécanisme de compensation des pertes de recettes qui résulteraient, pour l’État, de l’adoption de l’article 1er.

Position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2025, la commission examine la proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises (n° 1337) (M. Paul Midy, rapporteur).

M. Paul Midy, rapporteur. La proposition de loi est très simple : elle vise à annuler la mesure portant sur les seuils de franchise de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui touchent toutes les très petites entreprises (TPE), en particulier les microentrepreneurs.

Cette très mauvaise mesure est d’abord un traquenard fiscal. En effet, elle touche 200 000 autoentrepreneurs et très petites structures, qui doivent payer l’équivalent de 4 000 euros de TVA supplémentaires en année pleine, à quoi s’ajoute l’impossibilité quasi totale de compenser cette taxe par une hausse de prix. 4 000 euros, c’est à peu près le montant moyen de l’impôt sur le revenu en France, alors que les entrepreneurs concernés se versent généralement un salaire proche du smic. De plus, les seuils de TVA s’appliquant sur les revenus de l’année précédente, ces entrepreneurs ne peuvent plus piloter leur chiffre d’affaires. Il leur devient très difficile de rester dans le régime qu’ils avaient choisi.

Cette mesure est négative parce qu’elle touche 3,5 millions de Français qui sont autoentrepreneurs. L’activité d’autoentreprenariat constitue un emploi d’appoint pour la moitié d’entre eux et un emploi principal pour l’autre moitié. Ils ont créé leur propre emploi, souvent dans des territoires où il est difficile de trouver du travail. Ce statut permet de démocratiser la capacité de créer des entreprises, surtout pour les publics qui en étaient le plus privés, comme les femmes et les personnes issues de la diversité, des territoires ruraux ou des milieux les plus modestes. Ces gens se démènent et font de leur mieux pour créer de l’activité, mais cette mesure leur met la tête sous l’eau.

Dès le début, nous avons été nombreux à nous mobiliser contre cette réforme, notamment dans cette commission. Je salue à cet égard la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE) et l’Union des autoentrepreneurs (UAE). Je me félicite aussi de la suspension salutaire de cette mesure par le Gouvernement. Cependant, malgré cette annonce, l’insécurité juridique continue de stresser des centaines de milliers d’autoentrepreneurs – au point d’en empêcher certains de dormir – et beaucoup vous ont sans doute sollicités. Ce n’est pas au Gouvernement mais au Parlement de décider du budget (Murmures) – c’est la lettre de la Constitution. Il faut donc une loi pour modifier les mesures prises en loi de finances.

Nous devons soutenir, développer et sécuriser le régime du microentrepreneuriat. Au lieu d’augmenter les taxes, nous devrions nous demander comment aider les autoentrepreneurs à se développer. Il faut notamment les aider à créer les premiers emplois et à passer ainsi du régime de l’autoentrepreneuriat à celui de la TPE.

Enfin, il faut bien séparer deux sujets : celui du travail indépendant, auquel aspirent nombre de nos compatriotes et qu’il faut accompagner, et celui du travail contraint, de l’autoentrepreneuriat subi, qui touche les travailleurs des plateformes. Dans ce dernier cas, il s’agit d’abord d’appliquer le droit et de renforcer la protection des travailleurs.

J’en reviens à la simplicité de l’objectif : revenir aux seuils et au droit existants. Pour le reste, j’appelle à un travail commun afin de développer et de sécuriser le travail indépendant. J’appelle aussi le Gouvernement à concentrer son effort de maîtrise des finances publiques, non pas sur la création de nouvelles taxes, mais sur la baisse des dépenses.

M. le président Éric Coquerel. Depuis trois ans, ce n’est plus le Parlement qui débat et décide du budget. C’est bien le problème de cette mesure, qui a été adoptée en commission mixte paritaire (CMP). Si nous en avions débattu, nous n’aurions probablement pas laissé passer cet amendement. Il en va de même pour les économies qu’on cherche à droite ou à gauche, par exemple en révisant la convention régissant le transport de patients par taxi : si elle nous avait été soumise, elle n’aurait sans doute pas obtenu de majorité.

Je soutiendrai ce texte, identique à celui qu’a soumis le député Hadrien Clouet au nom du groupe LFI.

Nous avons facilité la création des microentreprises et l’adoption du statut d’autoentrepreneur, qui est particulier à plusieurs égards. Les autoentrepreneurs ne sont pas assujettis aux mêmes règles que les entreprises et leurs salariés, notamment en matière de cotisations. Ainsi, nous avons créé une catégorie de travailleurs pauvres, qui ne bénéficient pas des mêmes protections que les salariés et ont un statut peu enviable. En juillet 2017, l’un des premiers amendements déposés lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) l’a été par la majorité, à l’époque, de M. Macron, et visait à doubler le plafond de chiffre d’affaires pour les autoentrepreneurs. Alors que le statut permettait jusqu’alors de compléter les revenus de personnes ayant un autre emploi, il pouvait désormais permettre de vivre, mais de vivre mal – d’où le développement des plateformes.

Il faudra remettre tous ces éléments à plat, d’autant que le Parlement européen a voté une directive visant à requalifier en salariés les autoentrepreneurs travaillant pour les plateformes numériques. Il serait tant que nous transposions ce texte.

Avec l’adoption de la mesure que nous voulons abroger, les autoentrepreneurs se sont retrouvés perdants sur tous les plans : ils sont à la fois détenteurs d’un statut les rendant précaires et confrontés à de nouvelles contraintes, notamment en matière de déclaration comptable, ce qui rend leur activité impossible et les menace de disparition. En attendant de mener un travail de fond sur la question, il semble sage de revenir à la situation antérieure à la réforme.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Notre rapporteur est révolutionnaire : il défend la thèse selon laquelle c’est le Parlement qui vote le budget. Eh bien, je suis révolutionnaire moi aussi ! C’est donc avec plaisir que je soutiendrai cette proposition de loi. J’ai essayé à deux reprises de faire annuler par amendement la mesure visée mais, à chaque fois, on m’a objecté l’article 45 de la Constitution.

Je proposerai toutefois l’amendement CF3 pour apporter une précision sur la date d’application des dispositions du texte ; au reste, le rapporteur a lui-même déposé un amendement analogue.

Un mot sur la procédure. Un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2025 a été déposé au Sénat après le vote en première lecture à l’Assemblée nationale. Aucune étude d’impact n’avait été menée et l’amendement est passé en même temps que des mesures dites de simplification et d’harmonisation par rapport au droit européen qui, pourtant, n’impose pas de niveau de seuil. Certes, les seuils français sont les plus hauts de l’Union européenne mais il s’agit d’un choix du Parlement.

De plus, on nous a dit que cet amendement rapporterait 400 millions d’euros en 2025 ; c’est tout à fait inexact, pour deux raisons. D’abord, certains autoentrepreneurs ont prévenu que si les seuils étaient maintenus tels qu’ils avaient été adoptés à coups de 49.3, ils mettraient un terme à leur activité, ce qui génèrerait des pertes. Ensuite, la mesure va faire exploser le travail au noir, que l’autoentrepreneuriat avait pourtant permis de réduire fortement.

J’espère que le Gouvernement déclenchera la procédure accélérée afin de régler cette affaire rapidement.

M. le président Éric Coquerel.  Si le Sénat le vote conforme, le texte sera adopté sans même revenir à l’Assemblée nationale.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Anthony Boulogne (RN). Je salue l’initiative de M. Paul Midy mais si nous en sommes là, c’est à cause de l’irresponsabilité des macronistes et des Républicains. Ceux qui prétendent défendre l’activité économique et l’entreprise sont ceux qui, dans les actes, s’en prennent aux chefs d’entreprises. Qui remet en cause l’existence d’un régime allégeant la charge administrative et fiscale de plus de 2 millions d’autoentrepreneurs ? C’est vous. C’est le gouvernement Barnier qui a introduit un amendement au Sénat pour abaisser les seuils de franchise sans aucune concertation avec les autoentrepreneurs, puis le gouvernement Bayrou a repris la mesure dans l’espoir de récupérer quelques centaines de millions d’euros sur le dos de ceux qui font tourner le pays. Certes, il est plus facile de faire les poches des travailleurs que de s’attaquer au cœur du problème budgétaire : le gaspillage de l’argent public, la fraude, le coût faramineux de l’immigration et ainsi de suite.

La mesure concerne 200 000 autoentrepreneurs et leur impose un surcoût fiscal moyen de 4 000 euros par an alors qu’ils ont déjà la tête sous l’eau. En plus d’aggraver le fardeau fiscal, elle crée de nouvelles contraintes administratives, ce qui est scandaleux.

Certes, le Gouvernement a fait semblant de reculer en annonçant la suspension de la réforme. Cependant, suspension ne vaut pas suppression et il faut lever le doute pour les dizaines de milliers de chefs d’entreprise toujours menacés par cette épée de Damoclès. Soucieux de les soutenir, notre groupe votera en faveur du texte, qui prévoit l’abandon pur et simple de cette mesure inacceptable. Nous avons aussi déposé une proposition de loi visant à abroger cette réforme inique ; j’espère, monsieur le rapporteur, que par cohérence, vous la soutiendrez.

M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je rappelle que le Rassemblement national proposait d’aller plus loin que la mesure que nous voulons abroger, en abaissant le seuil de franchise à 18 750 euros pour taxer plus encore les autoentrepreneurs. Quant aux députés de LFI-NFP, ils ont eu des mots très durs à l’égard du statut d’autoentrepreneur dont ils se font aujourd’hui les premiers défenseurs. Au milieu de cet océan d’hypocrisie, il y a des gens responsables, comme M. Paul Midy, qui veulent lutter contre les maux français – l’instabilité fiscale, l’instabilité réglementaire – à rebours de ceux qui prétendent répondre à tous les problèmes de la France en augmentant les impôts.

Enfin, si nous nous retrouvons dans cette situation, c’est aussi parce que le budget du gouvernement Barnier a été censuré, et que cette censure nous met dans l’incapacité d’examiner ces sujets avec sérénité. Les Français qui bossent – qu’il s’agisse de céramique, de toilettage pour chiens ou d’une activité accessoire – et qui ne demandent qu’à bosser dans le respect des règles se retrouvent pénalisés. Heureusement que notre rapporteur est là et que les Républicains soutiennent eux aussi cette proposition de loi avec courage, après avoir créé le statut d’autoentrepreneur. Votons vite ce texte !

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous pensions avoir touché le fond de l’hypocrisie et du bâillonnement démocratique avec l’utilisation récurrente du 49.3, mais voilà que les macronistes ont trouvé le moyen d’institutionnaliser le « en même temps ». Ils déposent des propositions de loi qu’ils rejettent eux-mêmes – sur les pesticides, par exemple – et d’autres visant à abroger des mesures imposées par le 49.3.

Le présent texte n’est qu’une récupération politique grossière puisqu’il est un copier-coller de la proposition de loi que nous avons déposée dès février à l’initiative de M. Hadrien Clouet, ayant été les premiers à dénoncer cette mesure injuste. Ces revirements incessants ne font que confirmer que nous avons mieux travaillé que vous, ce qui est tout à la fois réjouissant et fatigant. Si vous n’aviez pas usurpé la place que vous occupez si mal, nous aurions pu gagner du temps et éviter de plonger dans l’angoisse et la panique des millions de travailleurs, à l’image de Claire, maman seule habitant Latresne, dans ma circonscription, et créatrice d’accessoires textiles en autoentreprise depuis treize ans. Cette mesure fera plonger sa rémunération sous le smic, la forçant à abandonner son activité.

Ce sont bien les macronistes, avec leurs béquilles de droite et d’extrême droite, qui ont poussé ces travailleurs à adopter ce statut et qui veulent maintenant leur voler de l’argent, refusant obstinément d’en prendre dans les poches des millionnaires et des milliardaires. Que dire de votre réactivité pour faire des cadeaux fiscaux aux plus fortunés ? Là, il y a urgence, alors qu’il vous faut six mois pour venir en aide aux TPE et aux PME !

Pour compléter la proposition de loi, nous soumettrons des demandes de rapports qui visant à analyser un statut qui reste discutable. En effet, ce régime permet surtout aux grands groupes de contourner le code du travail et de désocialiser l’activité professionnelle en ayant recours au salariat déguisé, comme le montre l’explosion des plateformes telles qu’Uber.

En attendant, nous voterons évidemment la suppression de cette réduction de franchise de TVA.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le dispositif du texte est identique à celui que nous avons soumis dès le 18 février, deux mois avant le dépôt du vôtre, monsieur le rapporteur, et trois jours avant celui de la proposition de loi d’Hadrien Clouet. En tout, cinq textes ont été déposés par cinq groupes, visant tous le même objectif.

Il faut rappeler l’origine du problème : c’est bien le Gouvernement qui a inclus cette mesure réduisant fortement le seuil de franchise de TVA pour tout type d’activités dans le texte qu’il a fait adopter en utilisant le 49.3, plongeant dans une anxiété permanente plusieurs millions de microentrepreneurs. De plus, le nombre de création de microentreprises a dû drastiquement baisser depuis le début de l’année.

Cette mesure injuste, présentée sans aucune discussion préalable, ayant rapidement fait la quasi-unanimité contre elle, un cycle de concertations – palliatif plutôt que préventif – a été organisé par le ministère de Bercy. Nous serons favorables à ce texte, même si nous regrettons que la logique transpartisane qui a prévalu depuis le début de cette séquence n’ait pas duré. Ironie du sort : c’est une proposition de loi du bloc central qui a été retenue pour abroger une mesure conçue par ce même bloc voici quelques mois à peine.

Sur le fond, enfin, si nos combats se rejoignent, monsieur le rapporteur, nous ne partageons pas la même analyse. Les microentreprises sont parfois le dernier recours que des salariés modestes utilisent pour compléter leurs revenus, mais elles sont aussi un outil privilégié pour le salariat déguisé de milliers de travailleurs, qui se retrouvent à la merci de grandes plateformes internationales. Aides-soignantes, personnels d’entretien, livreurs, auxiliaires de vie à domicile, chauffeurs, coiffeuses ou enseignants : ils n’ont parfois pas d’autre choix que d’opter pour ce statut. C’est pour eux que nous nous sommes battus.

Notre groupe défend cette franchise en base afin de ne pas pénaliser davantage les autoentrepreneurs et non pour sanctuariser un modèle plein d’écueils pour la société. J’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter, en lien avec la FNAE et l’UAE, qui ont des propositions à faire.

M. Corentin Le Fur (DR). Je salue à mon tour l’excellente initiative du rapporteur Paul Midy et j’espère que son texte sera adopté à l’unanimité.

En réponse à nos collègues du RN, je rappelle que M. Philippe Juvin a déposé une initiative pour revenir sur une mesure que nous avons dénoncée après qu’elle eût été passée en catimini du fait de la censure. Je rappelle aussi que M. Hervé Novelli a été à l’origine du statut d’autoentrepreneur, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et que Mme Véronique Louwagie, députée des Républicains puis ministre, a permis la suspension de cette mesure.

Je me réjouis que ce texte puisse être adopté et qu’on permette ainsi à des centaines de milliers d’autoentrepreneurs de sortir d’une phase de détresse et d’insécurité juridique. Nous avons tous été alertés par des gens qui veulent bosser, qui veulent de la liberté et qui, si nous n’abrogeons pas cette mesure, risquent de mettre la clef sous la porte.

Pour autant, nous n’ignorons ni les dérives liées à ce statut, comme le problème de l’autoentrepreneuriat subi, ni la concurrence déloyale qui sévit parfois dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Une simple mesure d’abaissement de seuil n’y suffira pas : il faudra mener une réflexion plus globale sur ces sujets. Notre priorité est que ce statut continue de permettre à de nombreuses personnes éloignées de l’emploi – en particulier des femmes – de monter leur activité. Très attachés à la liberté, nous défendons ce modèle qui, de surcroît, permet de lutter contre le travail au noir.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Enfin ! Nous allons enfin avoir l’occasion – pas si fréquente… – de pouvoir voter ! En l’occurrence, nous voterons pour abroger cette mesure introduite en catimini par un amendement gouvernemental au Sénat, sans aucune étude d’impact, qui a suscité la colère légitime des autoentrepreneurs. Je salue leur mobilisation digne – plus de 650 d’entre eux ont répondu à mon appel à témoins et nous avons tous reçu leurs courriels, par lesquels ils nous ont fait part de leur détresse et de leur crainte face au dilemme qui les menaçait : passer au RSA (revenu de solidarité active) ou mettre la clef sous la porte. C’est cette mobilisation qui a contraint le gouvernement à revoir sa copie – mais nous n’en serions pas là s’il n’avait pas eu recours à un énième coup de force antidémocratique en imposant le seuil unique par 49.3.

Je salue l’initiative de M. Paul Midy, qui a assumé, avec ses collègues signataires de la tribune, de désavouer le choix du Gouvernement et de rallier la position du Nouveau Front populaire, dont tous les groupes ont défendu la mobilisation des autoentrepreneurs et la nécessité de l’abrogation. En réalité, le Gouvernement ne cesse d’improviser pour obtenir des recettes de fond de tiroir, en tapant sur les plus petits. Son refus de faire contribuer les plus riches, notamment les plateformes de l’ubérisation, démontre son dogmatisme fiscal.

L’examen de cette proposition de loi devrait précisément nous offrir l’occasion d’avoir un débat plus large sur ces plateformes qui ne paient ni la TVA ni leurs impôts en France, ce qui est illégal. Alors qu’ils ne peuvent choisir leurs tarifs, ce sont les autoentrepreneurs – VTC et livreurs notamment – subordonnés aux plateformes et précarisés qui s’acquittent injustement de cet impôt. Le Gouvernement doit faire le choix de la justice fiscale – il y a du boulot ! – en transférant l’obligation du paiement de la TVA des travailleurs aux plateformes, en mettant fin à l’évasion et à l’optimisation fiscales, et en transposant enfin la directive européenne qui doit instaurer la présomption de salariat, ce qui permettra de collecter un milliard d’euros de recettes pour la sécurité sociale.

Mme Sophie Mette (Dem). La réforme des seuils de franchise en base de TVA introduite dans le PLF pour 2025 avait plusieurs objectifs. Il s’agissait de sécuriser le rendement de la TVA et d’apporter une réponse efficace aux distorsions de concurrence externe – compte tenu du niveau élevé des seuils français et de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2025, de la directive (UE) 2020/285 du Conseil du 18 février 2020 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises et le règlement (UE) n° 904/2010 en ce qui concerne la coopération administrative et l’échange d’informations aux fins du contrôle de l’application correcte du régime particulier des petites entreprises – mais aussi interne, entre les entreprises françaises bénéficiaires et non bénéficiaires du régime, essentiellement dans le secteur du BTP. Si nous comprenons la démarche initiale, les conditions n’étaient pas réunies pour que cette réforme d’ampleur prenne effet au 1er mars 2025.

On peut aussi regretter que la réforme ait été proposée et adoptée sans concertation préalable ni évaluation d’impact, ce qui a conduit plusieurs acteurs économiques à exprimer des réserves quant aux implications financières et administratives de la mesure pour leur structure.

Le Gouvernement a donc pris à juste titre la décision de suspendre temporairement la réforme et de lancer une consultation avec les professionnels et les parlementaires dès le mois de février. Les positions sont contrastées : certains rejettent la réforme quand d’autres insistent sur l’équité fiscale qu’elle permet de rétablir dans certains secteurs.

La proposition de loi va plus loin : elle abroge définitivement la mesure. Il est en effet souhaitable de trouver une issue législative rapide pour sécuriser juridiquement le régime de franchise en base de TVA, car la suspension contra legem crée un risque de contentieux administratif.

Toutefois, la simple abrogation de la réforme laissera plusieurs questions en suspens. Le Gouvernement prévoyait de dégager 780 millions d’euros de recettes en année pleine, dont 400 millions devaient revenir à l’État. Dans le contexte actuel de redressement des comptes publics, cette perte devra être compensée.

Par ailleurs, les déséquilibres concurrentiels entre microentrepreneurs et artisans, notamment dans le secteur du bâtiment, ne peuvent pas être ignorés ; il nous faut mener une réflexion de fond sur ce statut et trouver un équilibre. Nous devons garantir aux microentrepreneurs un cadre juridique lisible et veiller à ne pas générer d’injustices fiscales.

En espérant que les débats permettront d’agir en ce sens, nous voterons pour ce texte.

Mme Félicie Gérard (HOR). Sans surprise, notre groupe soutient cette proposition de loi qui apporte une réponse claire et juste à des centaines de milliers d’autoentrepreneurs plongés dans l’incertitude.

Depuis l’annonce de la réforme, nous nous sommes mobilisés avec constance. Nous avons interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises et demandé au premier ministre de suspendre cette réforme jusqu’au prochain PLF, pour qu’une concertation ait lieu.

Nos entrepreneurs sont un trésor national. Chaque jour, ils créent de la valeur, relèvent des défis et prennent des risques, souvent seuls et sans filet. Ils assurent les prestations du quotidien, dans les centres-villes comme dans les zones rurales, et font vivre nos territoires. La réforme envisagée a suscité chez eux une inquiétude légitime et notre soutien à leur égard doit être total.

Il ne s’agit pas de renoncer à toute évolution et il nous faudra retravailler ce sujet. Toute réforme fiscale doit être accompagnée, lisible et anticipée. La fiscalité doit accompagner et non freiner l’activité des entreprises. La proposition de loi contribue à cet équilibre.

M. Joël Bruneau (LIOT). Je remercie M. Paul Midy, qui a réussi la prouesse de nous mettre tous d’accord. Je note non sans malice qu’il est plus facile de recueillir l’unanimité en ne touchant à rien qu’en entamant des réformes puissantes.

Notre groupe soutiendra ce texte pour deux raisons. D’abord, il ne s’agit pas ici du statut des autoentrepreneurs mais bien d’une modification du régime de franchise fiscale, qui envoie un mauvais signal à celles et ceux qui se sont pris en main, en cultivant l’esprit d’entreprise et la valeur travail. D’autre part, le ministère de Bercy pensait pouvoir tirer 800 millions d’euros de cette mesure mais cette projection utopique s’affranchissait de certaines réalités : la réforme aurait notamment produit un effet d’éviction immédiat et encouragé le retour au travail dissimulé.

Il ne faut pas pour autant oublier deux sujets. D’abord, le statut d’autoentrepreneur sert parfois à déguiser des liens de sujétion qui sont normalement ceux du salariat. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas encourager la concurrence déloyale entre autoentrepreneurs et artisans, qui effectuent les mêmes tâches sans être à armes égales. Ce dernier point fait l’objet d’un amendement que j’ai déposé.

M. Julien Brugerolles (GDR). La proposition de loi vise à revenir sur une mesure qui n’a jamais fait l’objet d’un débat ni d’un temps de concertation, que son importance exigeait pourtant. Pour comprendre la colère provoquée par son adoption, il faut s’intéresser à sa genèse. Proposée par le gouvernement Barnier au Sénat, elle a d’abord été rejetée avant d’être adoptée en seconde délibération. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 en CMP, la disposition a été reprise, dissimulée au milieu de l’article 10. L’abaissement à 25 000 euros du seuil unique de franchise de TVA pour les microentrepreneurs est une réforme brutale et injuste qui aggrave la précarité d’une catégorie de travailleurs déjà souvent en difficulté.

Nous soutenons certes le texte en tant que tel, mais assurément pas son exposé des motifs. Le régime des microentrepreneurs n’est pas un fantastique outil d’émancipation des classes populaires. Il s’agit plus souvent d’un salariat déguisé, voire d’un retour du travail à la tâche, plutôt que d’un tremplin vers la création d’entreprise. De plus, la multiplication des formes de sous-traitance reposant sur le recours aux autoentrepreneurs représente une dérive de plus en plus inquiétante.

Nous voterons cette proposition de loi ainsi que l’amendement proposé par le rapporteur. Nous ne nous satisferons pas pour autant du statu quo concernant ce régime particulièrement précaire. Nous appelons à une refonte apaisée de la franchise de TVA, dans une logique d’égalité par rapport aux entreprises relevant du régime classique.

M. Paul Midy, rapporteur. Je vous remercie pour l’unanimité qui ressort de tous vos propos.

 

 


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   EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er : Rétablissement des plafonds de la franchise en base de TVA en vigueur avant le 1er mars 2025

 

La commission adopte l’amendement de coordination CF21 de M. Paul Midy, rapporteur.

 

Amendements identiques CF4 de Mme Béatrice Piron et CF6 de M. Joël Bruneau

Mme Béatrice Piron (HOR). Le régime de la franchise en base de TVA a été profondément réformé par les lois de finances pour 2024 et 2025, afin d’harmoniser les règles au sein de l’Union européenne. L’adoption de nouvelles règles s’est traduite par une ouverture de ce régime aux petites entreprises étrangères pour leurs opérations réalisées en France. Par ailleurs, ces entreprises n’ont aucune obligation d’identification en France.

Si cette harmonisation répond à un objectif communautaire, elle engendre une situation de concurrence déloyale accrue, notamment dans le secteur du BTP. Les microentreprises étrangères peuvent intervenir en France sans payer la TVA, quand les entreprises françaises y sont soumises, ce qui crée une distorsion majeure de concurrence, dénoncée par l’Urssaf en mars 2025 comme un facteur de fraude préoccupant.

L’amendement CF4 vise à instaurer un seuil spécifique à 25 000 euros pour le BTP. Ce seuil de bon sens, conforme aux marges du secteur, a déjà été proposé par le Gouvernement dans ses travaux préparatoires. C’est une dérogation ciblée et conforme aux règles européennes, qui vise à protéger nos artisans, à rétablir l’équité fiscale et à sécuriser un secteur stratégique pour notre économie, qui souffre durement de la crise immobilière.

M. Joël Bruneau (LIOT). L’amendement CF6 est identique : il vise à limiter les effets de la concurrence déloyale en instaurant un seul spécifique à 25 000 euros dans le secteur du BTP.

M. Paul Midy, rapporteur. En effet, ces amendements ont fait l’objet de débats et de sollicitations de la part de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la Fédération française du bâtiment (FFB).

D’abord, je soutiens tous les entrepreneurs et il ne s’agit pas d’en mettre certains en concurrence déloyale avec d’autres. Il faut de la concurrence, oui, mais pas déloyale.

Les rapports parus sur le sujet – dont celui publié par l’Inspection générales des fiances (IGF) en 2013 – ne mettent pas en avant de phénomène de concurrence déloyale. Dans le BTP, le chiffre d’affaires des autoentrepreneurs qui ne sont pas soumis à la TVA s’élève à 2,5 milliards d’euros, quand ce chiffre atteint 175 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur et 85 milliards d’euros pour les TPE de moins de 10 salariés. La capacité des autoentrepreneurs à générer une concurrence déloyale est donc très faible.

Mais explorons encore l’hypothèse selon laquelle la différence fiscale pourrait provoquer une concurrence déloyale. Dans la filière du BTP, les autoentrepreneurs sont présents dans le secteur de la rénovation, où la TVA s’élève à 10 % quand on facture, et à 20 % quand on procède à l’achat de biens. En net, l’avantage qu’ils tirent de la franchise représente donc seulement 3,5 % de leur chiffre d’affaires. Ainsi, le périmètre concerné comme la différence fiscale sont très limités.

D’autres arguments ont été mis en avant, qui sortent du champ de ce texte : certains autoentrepreneurs n’auraient pas les bonnes garanties, les assurances nécessaires ou le niveau de qualification requis. S’ils ne sont pas dans la légalité, il s’agit alors de concurrence déloyale caractérisée.

Si l’on baissait le seuil de TVA, certains autoentrepreneurs cesseraient très probablement leur activité. De plus, même si nous n’avons pas de chiffres, j’en suis convaincu : l’activité qui les placerait au-dessus des seuils ne serait pas déclarée, alors que l’impact principal de la création du statut a été de permettre à des millions de Français de passer de l’économie informelle à l’économie formelle, entre lesquelles il existe de fait une concurrence déloyale. Il me semble donc que cette réponse serait mauvaise et contre-productive.

Par ailleurs, il est compliqué, d’un point de vue constitutionnel, d’appliquer un seuil à un secteur particulier de l’économie ; on peut le faire pour un type d’activité.

Enfin, notre objectif est que ce texte soit voté le plus rapidement possible. Pour ce faire, nous devons viser un vote conforme au Sénat et donc en rester à un retour au droit existant.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les arguments de M. Paul Midy sont pertinents. Pourquoi abaisser le seuil dans tel secteur et pas dans tel autre ? En outre, on encouragerait le travail non déclaré.

Surtout, en tant que législateur, nous devons nous pencher sur la question de la concurrence déloyale. En effet, un nombre croissant d’entreprises externalisent et demandent à leurs salariés d’adopter le statut d’autoentrepreneur pour effectuer des tâches récurrentes. Le problème de la concurrence déloyale se pose surtout quand l’employeur devient donneur d’ordres et s’affranchit de ses obligations en matière de code du travail, notamment de ses obligations à l’égard de l’Urssaf. L’augmentation du nombre d’autoentrepreneurs est liée en grande partie à une fraude des employeurs, face à laquelle nous devons nous donner des outils et des moyens de contrôle. Or des postes d’inspection du travail ne cessent d’être supprimés – le nombre de places au concours de cette année n’est d’ailleurs pas encore annoncé.

Ces amendements proposent une mauvaise réponse à un problème qui dépasse le seul secteur du bâtiment ; nous voterons contre.

Mme Béatrice Piron (HOR). Mon amendement ne porte pas du tout sur la concurrence entre les autoentrepreneurs et les entreprises. J’évoque les entreprises européennes, qui interviennent sur le territoire français et entrent en concurrence, de manière déloyale, avec des entreprises françaises.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CF22 de M. Paul Midy, rapporteur.

 

Amendement CF13 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques CF2 de M. Paul Midy et CF3 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Paul Midy, rapporteur. L’amendement CF2 vise à ce que le retour au droit existant soit rétroactif et effectif à partir de l’entrée en vigueur de la loi de finances, c’est-à-dire le 1er mars 2025.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La proposition de loi ne fixe pas de date d’entrée en vigueur de ses dispositions, ce qui laisse planer une ambiguïté sur l’application ou non de la réduction des seuils de la franchise de TVA. La suspension de cette application jusqu’à la fin de l’année 2025 s’opère contra legem. L’amendement prévoit donc une application au 1er mars 2025, date fixée par la loi de finances pour l’entrée en vigueur de la réforme. Il s’agit de garantir une parfaite stabilité fiscale pour les bénéficiaires de la franchise.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retire l’amendement CF13 au profit du suivant puisque l’objet est le même : garantir la rétroactivité de la mesure.

L’amendement CF13 ayant été retiré, la commission adopte les amendements CF2 et CF3.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

 

Amendement CF16 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Une importante partie des autoentrepreneurs sont des travailleurs liés à des plateformes de mise en relation. Ils se retrouvent à payer la TVA alors que la plateforme devrait s’en charger, compte tenu de leur relation de subordination. Un chauffeur VTC, par exemple, paie la TVA non seulement sur la course mais aussi sur la commission qu’empochent les entreprises Bolt ou Uber ; c’est inacceptable. Profitons de ce texte pour faire porter cette responsabilité aux plateformes numériques. Nous devrons de toute façon procéder à cette modification puisque, dans moins d’un an, la France devra avoir transposé la directive européenne sur la présomption de salariat.

M. Paul Midy, rapporteur. Il s’agit davantage d’un amendement d’appel pour nous alerter sur ce sujet, auquel je suis sensible et qui fera l’objet de travaux futurs. Il nous faut bien différencier le microentreprenariat selon qu’il est volontaire – et permet de s’épanouir en créant de l’activité – ou subi, sous la forme de salariat déguisé. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF19 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons besoin de données sur les microentreprises, les derniers rapports étant bien trop anciens. L’amendement vise donc à demander au Gouvernement un rapport, dont la publication serait idéalement assez rapide pour nous permettre d’intégrer des mesures dans le projet de loi de finances pour 2026.

M. Paul Midy, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord : nous avons besoin de mettre à jour les données et de creuser les sujets que nous avons identifiés. J’ai d’ailleurs demandé au Gouvernement de créer une mission sur la question ; ce n’est pas encore fait. Cependant, l’objectif est de s’en tenir à un retour au droit existant, qui facilitera un vote conforme et une adoption rapide de la proposition de loi. Je proposerai donc le retrait des amendements demandant des rapports, même s’ils sont pertinents.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CF5 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le statut de microentreprise recouvre des situations variables. Ainsi, certains chômeurs l’adoptent pour avoir un statut social alors qu’ils n’ont pas d’activité. Puisqu’il est question de concurrence déloyale, nous n’avons pas évoqué le statut des coopérateurs, qui me semble plus adapté et protecteur. Nous avons besoin de données et ce texte est l’occasion d’en demander, pour que nous puissions légiférer sur ce statut de façon correcte.

M. Paul Midy, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, je suis en accord sur le fond mais demande le retrait, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF7 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous avons besoin d’un rapport sur la situation des artistes-auteurs, qui sont soumis au régime des microentrepreneurs et connaissent une grande précarité. Certains touchent des sommes qui leur permettent à peine de subsister, comme les artistes de la branche des arts graphiques et plastiques, dont le revenu médian est de 8 700 euros par an. Lorsqu’ils atteignent les plafonds qui les soumettent à la TVA, ils doivent le plus souvent retrancher la taxe de leurs prix, ce qui les met en grande difficulté, au point qu’ils doivent souvent vivre du RSA.

M. Paul Midy, rapporteur. Demande le retrait ; à défaut, avis défavorable, pour la même raison que pour les amendements précédents.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CF8 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le rapport demandé porterait sur l’application du seuil de TVA aux avocats. Il s’agirait d’étudier de quelle manière elle peut rendre plus difficile l’accès au droit et à la défense pour les personnes ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle – c’est une question démocratique importante.

M. Paul Midy, rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Lors de la discussion en séance, un amendement consensuel pourrait être déposé, qui viserait à la publication d’un rapport englobant toutes ces problématiques fort pertinentes.

M. Paul Midy, rapporteur. C’était mon idée initiale. L’objectif prioritaire restant le vote conforme du Sénat, je propose que nous discutions avec nos collègues sénateurs pour voir si nous pouvons nous mettre d’accord sur cette question avant la séance.

L’amendement est retiré.

 

Article 2 : Gage

 

Amendement CF14 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Toute modification de la TVA affecte les recettes de l’État et celles de la sécurité sociale. Notre groupe est opposé à la fiscalisation progressive des recettes de la sécurité sociale. Cependant, la compensation doit être conforme et prévoir un double gage pour l’État et les régimes sociaux.

M. Paul Midy, rapporteur. La proposition de loi n’aura pas d’impact sur le financement de la protection sociale. En effet, ce n’est pas une proportion des recettes de TVA qui est affectée à ces organismes mais un montant forfaitaire, fixé en loi de finances. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Titre

 

Amendements CF10 et CF11 de M. Aurélien Le Coq, CF15 de Mme Danielle Simonnet, CF18 de Mme Christine Pirès Beaune et CF12 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’objectif de l’amendement CF10 est de démasquer les hypocrisies. On nous disait tout à l’heure que tout le monde est d’accord : d’accord pour dire que le Gouvernement a fait n’importe quoi, qu’il est en roue libre, affranchi de tout contrôle parlementaire ? Nous sommes confrontés à une mesure imposée, qui est passée en force et sans débat, à coups de 49.3. Tout le monde essaye ici de se racheter une bonne conscience : les macronistes, le gouvernement mais aussi le RN, qui proposait une mesure bien pire. Rétablissons donc la vérité en précisant que cette proposition de loi vise « à abroger une mesure injuste mise en place par le gouvernement Bayrou ». Cette mesure est injuste car l’objectif assumé du Gouvernement était de trouver 400 millions d’euros chez des gens qui galèrent pour survivre et dont le revenu mensuel moyen n’est que de 590 euros.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Baptiste, dont la femme est professeure de pilates, nous dit ceci : « Je viens de découvrir avec stupeur la baisse de la franchise de la TVA. Concrètement, ça va nous faire perdre 2 à 3 000 euros cette année – le prix des vacances, quoi. » Pendant sept ans, le président de la République a encouragé les gens à monter des microentreprises, dont 2 millions ont été créées depuis 2017, et, aujourd’hui, le Gouvernement leur fait les poches. Il ne s’agit pas d’une erreur technique puisque France Info révèle qu’à la demande de Matignon, l’administration fiscale ne va plus s’attaquer aux PME et aux grandes entreprises mais aux petits entrepreneurs. Le choix est donc fait de s’en prendre à la femme de Baptiste plutôt qu’aux grandes entreprises, qui ont versé 100 milliards de dividendes. Il en va de même de la TVA sociale : plutôt qu’augmenter les cotisations sociales de ceux qui peuvent les payer, vous vous apprêtez à faire payer tous les Français.

Nous proposons donc ce titre : « portant sauvetage des microentreprises », qui était celui de notre proposition de loi. Vous êtes, vous, en opération sauvetage de M. François Bayrou, mais c’est à ceux qui ont sauvé la microentreprise et les microentrepreneurs qu’il faut rendre ce texte.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le titre doit certes préciser de quoi il s’agit mais, si l’on veut que le texte soit adopté conforme au Sénat, évitons d’y faire apparaître toutes les raisons pour lesquelles l’adoption de la réforme a été un fiasco scandaleux.

J’ai proposé un titre technique comportant une référence juridique complète mais je préfère retirer mon amendement au profit de celui de Mme Christine Pirès Beaune, qui est le plus clair et le plus factuel : « portant annulation de la réforme de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au 1er mars 2025 ».

En tout état de cause, bravo aux macronistes d’avoir eu le courage de revenir sur une décision du bloc central, mais il faudrait le faire sur bien d’autres textes scandaleux… Quant au Rassemblement national, n’oublions pas qu’il défendait un abaissement encore plus fort du seuil.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Il s’agit de faire correspondre le titre de la proposition de loi et ce que contient le texte, c’est-à-dire la franchise en base, et non le statut de la microentreprise – une question sur laquelle il faut se pencher par ailleurs. Par exemple, il y a sans doute un problème dans le secteur du bâtiment dans les zones transfrontalières, madame Piron. Quoi qu’il en soit, il faut préciser le titre.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le titre proposé, « visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos microentrepreneurs et nos petites entreprises » est emblématique de la désinvolture du Gouvernement : quand légifère-t-on sans garantir un cadre fiscal stable et juste ? Nous proposons un titre simple, descriptif et factuel : « abrogeant la réforme du seuil de taxe sur la valeur ajoutée pour les autoentrepreneurs ».

M. Paul Midy, rapporteur. Je suis défavorable aux titres qui ne mentionnent que l’autoentrepreneuriat puisque la franchise en base de TVA s’applique à tous les types d’entreprises. Je conviens que le titre de Mme Pirès Beaune est plus précis et technique que le mien. Cependant, ce dernier semble plus facile à lire et à comprendre pour le grand public.

Je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements ; sinon, avis défavorable.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Vous avez dit qu’il fallait, pour obtenir le vote conforme du Sénat, se contenter de revenir au droit existant ; c’est ce qu’explicite de façon claire le titre que je propose.

L’amendement CF15 ayant été retiré, la commission rejette successivement les amendements CF10, CF11, CF18 et CF12.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 

 


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PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

 Fédération française du Bâtiment (FFB) *

M. Christophe Posseme, vice-président

M. Renaud Laville, secrétaire général du Conseil de l’artisanat

M. Jean-Luc Mermillon, directeur des affaires fiscales

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

– Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) *

Mme Corine Postel, vice-présidente en charge des affaires sociales

Mme Cécile Sauveur, directrice des affaires juridiques et sociales

M. Thibaut Bousquet, directeur des affaires publiques

– Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) *

M. Laurent Hily, vice-président

M. Nicolas Cordier, délégué général

Mme Laurence Peyrelade, auto-entrepreneuse dans le secteur de l’achat-revente

M. Georges-Henri Pavard, auto-entrepreneur dans le secteur du bâtiment

 Union des auto-entrepreneurs (UAE) *

M. François Hurel, président

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

M. Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général

M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales

M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

 M. Hervé Novelli, ancien secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation

 Conseil national des Barreaux *

M. Frédéric Teper, membre de la commission Droit et entreprise

Mme Nancy Ranarivelo, chargée de mission affaires publiques

 Union des entreprises de proximité (U2P) *

M. Michel Picon, président

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Rapport « Les travailleurs indépendants et leur protection sociale en chiffres, édition 2024 », Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants , p. 15.

([2]) Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

 

([3]) « L’impôt sur les revenus perçus en 2022 », DGFiP Statistiques n° 22, avril 2024, consultable ici.

([4]) Rapport d’évaluation du régime de l’auto-entrepreneur, IGF-IGAS, mars 2013.

([5]) Proposition de loi n° 989 de Mme Christine Pirès Beaune portant annulation de la réforme de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée au 1er mars 2025, enregistrée à la Présidence le 18 février 2025.

([6]) Proposition de loi n° 1011 de M. Hadrien Clouet portant sauvetage des micro-entreprises, enregistrée à la Présidence le 21 février 2025.

([7]) Proposition de loi n° 1073 de M. Philippe Juvin visant à préserver le régime fiscal des auto-entrepreneurs en annulant l’abaissement du seuil de franchise de  la taxe sur la valeur ajoutée, enregistrée à la Présidence le 11 mars 2025.

([8]) Proposition de loi n° 1080 de M. Thomas Lam visant à annuler l’abaissement du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée pour les auto-entrepreneurs au 1er mars 2025, enregistrée à la Présidence le 11 mars 2025.

([9]) Amendement n° I-2081 rect.

([10]) Article 22 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([11]) Ce régime est prévu par les articles 50-0, 102 ter et 151-0 du CGI.

([12]) Ce régime est prévu par les articles L. 613-7 à L. 613-10 du code de la sécurité sociale.

([13]) Article 82 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([14]) Directive (UE) 2020/285 du Conseil du 18 février 2020 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises et le règlement (UE) n° 904/2010 en ce qui concerne la coopération administrative et l’échange d’informations aux fins du contrôle de l’application correcte du régime particulier des petites entreprises.

 

([15]) Article 32 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

([16]) Amendement n° I-2233 rect.

([17]) Rapport d’information du 9 avril 2025 fait au nom de la commission des finances sur la réforme de la franchise en base de TVA, M. Jean-François Husson, rapporteur général, p. 10.

([18]) Amendement n° A-19.

([19]) Interview du 3 mars 2025 de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire, à RMC INFO.

([20]) BOI-RES-TVA-000198.

([21]) Ce rescrit précisait qu’il existait trois situations dans lesquelles la date de sortie de la franchise en 2025 interviendrait à une autre date :

 pour les assujettis dont le chiffre d’affaires national en 2024 était inférieur à 25 000 euros, la sortie de la franchise interviendrait à la date à laquelle leur chiffre d’affaires national 2025 excèderait 27 500 euros lorsque cette dernière est postérieure au 1er juin 2025. Si ce seuil n’était pas atteint en 2025, la sortie de la franchise interviendrait le 1er janvier 2026 ;

 pour les assujettis dont le chiffre d’affaires réalisé en année 2025 excédait, entre le 1er mars et le 31 mai 2025, l’un des seuils de tolérance en vigueur le 28 février 2025, soit 93 500 euros et 41 250 euros, sous réserve des seuils spécifiques précités pour les avocats, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes-interprètes, la sortie de la franchise interviendrait dès le jour du dépassement du seuil ;

 pour les assujettis renonçant spontanément à la franchise en base, dans les conditions de droit commun.

([22]) Amendement  2527.

([23]) Compte rendu de la première séance du 30 avril 2025 de l’Assemblée nationale.

([24]) Rapport d’information du 9 avril 2025 fait au nom de la commission des finances sur la réforme de la franchise en base de TVA, M. Jean-François Husson, rapporteur général.

([25]) Cette pétition est disponible ici.

([26]) Article 32 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.