Première séance du mercredi 30 avril 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- 2. Simplification de la vie économique
- Discussion des articles (suite)
- Article 4 (appelé par priorité – suite)
- Amendements nos 215, 473, 536 et 2188
- M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- Amendements nos 1536 et 1946
- M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
- Après l’article 4 (amendements appelés par priorité)
- Rappel au règlement
- Article 4 bis A (appelé par priorité)
- Article 4 bis (appelé par priorité)
- Amendements nos 2253, 713, 1948 et 1920 rectifié
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4 ter (appelé par priorité)
- Article 4 quater A (appelé par priorité)
- Mme Manon Meunier
- Amendements nos 2036 et 1950
- Après l’article 4 quater A (appelé par priorité)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4 quater B (appelé par priorité)
- Article 4 quater (appelé par priorité)
- Article 4 quinquies (appelé par priorité)
- Amendement no 635
- Article 4 sexies (appelé par priorité)
- Article 4 septies (appelé par priorité)
- Amendement no 1800
- Article 4 nonies (appelé par priorité)
- Article 4 decies (appelé par priorité)
- Article 4 undecies (appelé par priorité)
- Amendements nos 1467, 1468, 655, 2164, 2495 et 2127
- Article 27 (appelé par priorité)
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Article 15 (appelé par priorité)
- Article 4 (appelé par priorité – suite)
- Discussion des articles (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Économies et mesures en faveur de l’emploi en milieu rural
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Brigand.
M. Hubert Brigand
Ma question s’adresse à M. le premier ministre. Vous choisirez le ministre qui pourra me répondre !
Des économies, oui, bien sûr, mais pas sur le dos des retraités ni en augmentant les impôts ! J’ai l’impression que M. Lombard découvre qu’il faut faire 40 à 50 milliards d’économies mais il y a longtemps que les Français le savent ! Serrons donc les boulons et arrêtons la gabegie et les dépenses inutiles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Monsieur le premier ministre, vous direz aussi à M. Ferracci que de nombreuses entreprises veulent s’installer en France : à Dunkerque, peut-être, où il faudra construire des bâtiments, en région parisienne, à Fos-sur-Mer. Dans ma circonscription, on licencie à tour de bras et il s’y trouve des bâtiments opérationnels vides, qui peuvent accueillir tout de suite des entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Voilà le message à faire passer !
On a besoin d’emplois. M. Darmanin le sait. Depuis des années, je réclame l’installation dans mon territoire d’un établissement pénitentiaire. J’aimerais que M. Darmanin soit plus efficace que ses prédécesseurs, qu’il arrête de me mener en bateau, qu’il me reçoive et que je lui présente notre vrai dossier. Je ne parle pas d’une cabane faite de préfabriqués ou de planches, mais d’une vraie prison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Enfin, monsieur le premier ministre, la ruralité ce n’est pas Mme Gatel, c’est moi, Hubert Brigand ! (Sourires sur les bancs du groupe DR.) Ma circonscription compte 332 communes de moins de 1 000 habitants. Qui dit mieux ? 135 kilomètres du nord au sud ! La loi que vous avez voulu faire passer en douce, sans avouer son objectif final,…
M. Pierre Cordier
C’est un scandale !
M. Hubert Brigand
…m’est restée en travers de la gorge, et il en va de même du monde rural ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Hubert Brigand
J’en termine : si vous voulez faire des économies, je pense qu’il y a une quinzaine de ministères en trop ! Les économies résultant de leur suppression permettraient de conserver nos écoles en milieu rural, de sauver nos lycées en milieu rural et de créer des postes dans les hôpitaux.
Monsieur le premier ministre, quelle est votre position sur ces mesures de bon sens, issues du monde rural ? (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Nous partageons un constat : il nous faut réduire la dépense publique.
Mme Ségolène Amiot
Augmentez les recettes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le premier ministre et le gouvernement n’ont aucune intention de créer de nouveaux impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Fabien Di Filippo
Merci d’avoir reculé devant M. Rebsamen !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est bien par la réduction de nos dépenses que nous reprendrons notre objectif, qui est de retrouver un déficit public de 3 % d’ici à 2029 et de 4,6 % l’an prochain.
Vous parlez de ruralité. De notre point de vue, il y a des choses qui fonctionnent très bien, par exemple les maisons France Services. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Leur gestion, partagée avec les collectivités, est très responsable et raisonnable sur le plan budgétaire.
Le premier ministre a lancé une revue précise, mission par mission, ministère par ministère, afin de déterminer ce qui marche, ce que les Français attendent et la manière dont nous devons nous organiser et redonner de la lisibilité à l’action publique. C’est bien de l’argent des Français que nous parlons : il n’y a pas d’argent public, pas d’argent de l’État, mais seulement l’argent des Français !
M. Sylvain Maillard
Il n’y a pas d’argent magique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Suivant notre vision, il n’y a pas d’argent magique, pas d’impôts magiques…
M. Pierre Cordier
Les milliards de dette en plus, c’est Macron !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et c’est bien en travaillant sur l’organisation de la dépense publique que nous parviendrons à nos fins.
Vous avez ensuite abordé les locaux susceptibles d’accueillir des industriels. Le sommet Choose France, qui aura lieu le 19 mai prochain, est la grande réunion à l’occasion de laquelle nous accueillerons tous les industriels du monde désireux de s’installer en France. La liste des sites clefs en main que nous sommes en mesure de leur proposer nous est très précieuse. Les préfets, que vous pouvez informer, sont prêts à établir de telles listes afin que, lorsque nous rencontrons les entreprises concernées, nous soyons en mesure de faciliter leur installation.
C’est essentiel – vous avez raison à cet égard – parce qu’aucun déficit n’est soutenable, aucune équation budgétaire ne peut être résolue si nous ne nous préoccupons pas d’abord et avant tout du travail, de l’industrie, de l’emploi, de la création de richesses. C’est bien pour cela que le gouvernement se fixe pour objectif de ne pas alourdir les charges pesant sur les entreprises, de soutenir le travail et de remettre au travail les jeunes et les séniors qui le souhaitent. C’est bon pour la ruralité, c’est bon pour la France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Laurent Croizier applaudit également. – Mme Ségolène Amiot s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Brigand.
M. Hubert Brigand
Je ne suis pas vraiment satisfait de cette réponse et je suis un peu déçu, monsieur le premier ministre. D’habitude, vous répondez toujours. Aujourd’hui, le monde rural vous parlait et je suis un peu vexé que vous l’ayez méprisé à ce point ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Laurent Croizier
C’est lamentable ! « Y a qu’à, faut qu’on » !
Priorités du gouvernement
Mme la présidente
La parole est à Mme Catherine Hervieu.
Mme Catherine Hervieu
Notre pays fait face à des défis colossaux : crise climatique, effondrement du vivant, explosion de la précarité et des inégalités. Ce sont des urgences vitales au sujet desquelles notre groupe intervient sans relâche dans cet hémicycle.
Pourtant, au regard du choix des textes mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de leur empilement et des changements d’agenda, se pose clairement la question du sens des priorités de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Cette organisation – ou cette désorganisation – sème le doute sur votre capacité à définir des priorités claires pour protéger notre pays.
En effet, que voit-on ? Un projet de loi de simplification écrit à la hache, sans vision, qui obstrue le calendrier parlementaire au nom d’une prétendue efficacité administrative ; une proposition de loi relative à l’audiovisuel public en sursis, dont personne ne veut et qui nous affaiblira face aux influences et aux ingérences étrangères ; une proposition de loi Duplomb dangereuse à l’heure où explosent les cancers et les maladies liés aux pesticides.
Pendant que votre gouvernement tergiverse (M. Erwan Balanant s’exclame), la France est attaquée ! Nos hôpitaux, nos collectivités, nos entreprises sont visés par des cyberattaques massives ou des actes de sabotage. Le rapport de la Cnil publié hier est sans appel. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information tirent la sonnette d’alarme.
Mais votre gouvernement, lui, regarde ailleurs ! Pire, il continue d’affaiblir les capacités de résistance du pays par des coupes budgétaires drastiques. Il repousse sine die l’examen du projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité.
Or nous avons besoin de visibilité et chaque jour qui passe met en danger la population, exposée à des risques d’accidents industriels – y compris nucléaires – et à des cyberattaques, notamment dans les hôpitaux ou dans le secteur bancaire.
Il est indispensable de sécuriser nos activités d’importance vitale. Faut-il attendre un blackout…
M. Thibault Bazin
C’est à cause des éoliennes, le blackout !
Mme Catherine Hervieu
…ou la paralysie d’un service public essentiel pour réagir ? Quelles actions concrètes comptez-vous prendre pour préparer le pays et aider les acteurs publics et privés face aux défis de notre temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Il est important de rappeler ce qu’ont été les priorités du gouvernement depuis son installation autour du premier ministre. À partir du mois de janvier, après l’examen des textes budgétaires, nous avons tenu à faire voter les lois agricoles correspondant aux promesses faites il y a un an, puis une série de textes relatifs aux collectivités locales. En effet, les élections locales auront lieu dans un an et il convenait de communiquer aux élus et aux futurs élus les règles du jeu sur le fondement desquelles ils pourraient élaborer leurs projets de territoire.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Nous avons ensuite travaillé sur un bloc régalien – vous avez voté hier les propositions de loi relatives au narcotrafic et, dans quelques jours, viendra le tour de la proposition de loi relative à la justice des mineurs. L’examen du projet de loi de simplification est en cours et nous espérons qu’il s’achèvera au plus tard à la fin du mois. Le mois de mai sera consacré aux textes sociétaux, relatifs aux soins palliatifs et à l’aide active à mourir. Au mois de juin, nous débattrons de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de Mayotte 2.
J’entends votre observation sur le fait que nos concitoyens ne discernent pas toujours la cohérence de notre action, et pour cause : le gouvernement ne peut fixer l’ordre du jour de l’Assemblée que pour une à deux semaines par mois. Néanmoins, le premier ministre a tenu à suivre quelques fils rouges relevant plutôt du domaine réglementaire. Je veux notamment rappeler plusieurs initiatives : avec la ministre d’État Élisabeth Borne, au sujet de l’école, de l’éducation nationale et de la formation des enseignants ; la semaine dernière, au sujet de la santé et de l’accès aux soins, pour que, dans le mois qui vient, des propositions très concrètes soient faites aux côtés des élus locaux ; au sujet du logement ; enfin, évidemment, sur le grand sujet qui nous attend et qu’abordait à l’instant votre collègue de Côte-d’Or : la réforme de l’État et le budget.
Il va de soi que les députés que vous êtes, à leur initiative, ont tout loisir de mettre à l’ordre du jour des autres semaines, dont ils disposent à parts à peu près égales avec le gouvernement, l’examen d’autres textes que le gouvernement accompagnera. (Mmes Danielle Brulebois et Justine Gruet applaudissent.)
M. Sylvain Maillard
Il est bon, ce Mignola !
Taxation des petits colis
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette
Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous vous êtes rendu hier au centre de tri de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle pour évoquer un sujet absolument essentiel pour le quotidien des consommateurs français et européens : la régulation et la sécurité du commerce en ligne. Il est essentiel parce qu’il s’agit d’un enjeu pour nos commerces de proximité et d’un enjeu de sécurité pour les consommateurs ; essentiel enfin parce que nous sommes porteurs d’exigences sociales, environnementales et en matière de santé publique et que nous devons protéger nos entreprises et nos consommateurs de la contrefaçon.
C’est d’autant plus vrai que nous faisons face à un contexte marqué par la guerre commerciale que Donald Trump a engagée, notamment en ciblant massivement les importations chinoises. L’impact en sera immédiat : le marché européen se trouvera exposé à un risque de report massif des flux commerciaux. Les petits colis venus principalement de Chine, introduits à des prix défiant toute concurrence par l’intermédiaire de plateformes numériques, pourraient affluer encore plus massivement sur notre territoire, qui en reçoit déjà 800 millions chaque année.
C’est la raison pour laquelle vous avez présenté hier un plan d’action pour la régulation et la sécurité du commerce en ligne. Ce plan, que nous soutenons, prévoit des mesures concrètes visant à faire enfin respecter nos règles, dont les plus fortes devront être prises à l’échelon européen. Je pense en particulier à la volonté française de mettre fin à l’exemption des droits de douane pour les petits colis dans le cadre de la réforme de l’union douanière de l’Union européenne, qui interviendra en 2028, ainsi qu’à l’instauration, à partir de 2026, d’un mécanisme de contribution prenant la forme de frais de gestion forfaitaires appliqués à chaque colis entrant en Europe en vue de financer nos contrôles.
Pouvez-vous nous préciser le calendrier et les contours de ces mesures et nous indiquer comment la France agira, à l’échelon européen, pour répondre à ce défi et protéger au mieux nos concitoyens et nos entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous avez raison : il s’agit bien de protection, et d’abord de celle des Français. Parmi les 800 millions de petits colis auxquels vous avez fait allusion, 94 % contiennent des articles non conformes, au premier chef en termes de sécurité. Nous parlons d’articles qui incendient nos maisons, de produits cosmétiques qui rendent nos concitoyens malades et de jouets toxiques pour nos enfants. Il convient donc d’abord de faire respecter nos normes.
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La deuxième protection qui doit nous préoccuper est celle de nos entreprises. Comme pourrait vous le dire Véronique Louwagie, ministre des PME et du commerce, ce sont en effet nos commerçants que ce phénomène met en danger. Il en va de même de nos belles marques françaises, du fait de la contrefaçon.
Le troisième risque auquel nous devons faire face pèse sur les finances publiques. En effet, nous constatons une sous-déclaration massive et de la fraude à la TVA et aux droits de douane.
Notre projet consiste à protéger les Français et à faire en sorte que les contrôles aient lieu. Les douaniers font leur travail parce que les plateformes ne font pas le leur. Nous devons donc financer des contrôles bien plus massifs, avant même l’application des mesures de réforme de l’union douanière que nous défendons, notamment l’application dès le premier euro des frais et des droits de douane.
Nous allons le faire à l’échelle européenne, le plus rapidement possible et en mettant à contribution les plateformes. En effet, comme tout le monde ici j’imagine, je souhaite ne pas imputer aux honnêtes contribuables français le coût de contrôles que les plateformes, souvent chinoises, devraient effectuer elles-mêmes. Mon homologue néerlandais est très motivé pour défendre le projet avec moi et les Allemands en ont fait une priorité de leur contrat de coalition. Dans les prochaines semaines, la France réunira tous les ministres européens chargés de cette question pour que nous coordonnions notre action. Celle-ci doit viser à protéger notre économie et, surtout, à protéger les consommateurs qui, parfois, ne se rendent pas compte qu’en choisissant des produits à un prix défiant toute concurrence, ils se mettent en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Autorisation de travailler le 1er mai
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione
Si les boulangeries et les commerces de fleurs tenus uniquement par le gérant pourront ouvrir le 1er mai, il existe un flou juridique concernant ceux qui souhaiteraient faire travailler leurs salariés.
Mme Anne-Laure Blin
Cela concerne aussi les agriculteurs ! Comment fait-on pour les asperges ?
M. Salvatore Castiglione
En effet, si le code du travail précise que « les établissements et services pour lesquels la continuité de l’activité est indispensable » ne sont pas concernés par l’interdiction de travailler le 1er mai, le texte ne donne pour exemples que les hôpitaux et les transports et ne fixe pas la liste exhaustive de ces services « indispensables ».
Pendant longtemps, ceux qui bénéficiaient de la dérogation au repos dominical étaient considérés comme pouvant entrer dans cette liste, mais une décision prise en 2006 par la Cour de cassation a remis en cause cet usage.
M. Fabien Di Filippo
Laissez bosser les Français !
M. Salvatore Castiglione
En conséquence, les boulangers et les fleuristes, qui exercent une activité ô combien utile, n’ont théoriquement pas le droit de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Pourtant, la journée du muguet est la deuxième ou troisième plus importante de l’année en termes de chiffre d’affaires pour les fleuristes, qui subissent de plus la concurrence déloyale de la vente à la sauvette. Elle représente un chiffre d’affaires de 19,4 millions d’euros pour l’ensemble du secteur, soit 1,9 million d’euros de TVA collectée par l’État, contre zéro quand la vente se fait de manière illégale.
J’ai bien entendu que Mme la ministre du travail soutenait la proposition de loi des sénateurs centristes, ainsi que les initiatives de certains députés, visant à changer la législation en la matière. Mais, au plus tôt, cela ne s’appliquerait qu’en mai 2026.
À la veille du 1er mai 2025, ces commerçants veulent savoir s’ils peuvent ouvrir sans craindre une amende, afin de réaliser un chiffre d’affaires dont ils ont besoin, surtout avec toutes les difficultés auxquelles ils doivent faire face depuis la covid. Comme des millions de Français, j’en appelle au bon sens et à un moratoire des verbalisations, cette année, pour ces commerces. C’est ce qu’attendent les boulangers et les fleuristes pour ouvrir en toute quiétude. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Vincent Jeanbrun applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Ministre du commerce et de l’artisanat, je partage votre préoccupation. Comme vous l’avez dit, la loi prévoit que le 1er mai est un jour férié, chômé et payé. En revanche, les artisans boulangers ou fleuristes peuvent travailler ce jour-là. La restriction porte sur les salariés, qui doivent bénéficier du jour férié, chômé et payé. Des exceptions existent pour les établissements et les services qui ne peuvent interrompre leur activité. C’est le cas des Ehpad, des hôpitaux, des services de secours et des transports, mais le code du travail n’institue aucune dérogation générale. Il revient donc à chaque employeur de justifier, au cas par cas, que son activité est indispensable localement pour la satisfaction des besoins essentiels du public.
M. Thibault Bazin
On marche sur la tête ! Il faut laisser les gens bosser !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Les boulangers et les fleuristes, comme d’autres professions, expriment leur préoccupation, légitime face à ce flou juridique. Tout comme Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet, j’apporte tout mon soutien à une clarification législative souhaitée et souhaitable. Je salue d’ailleurs les initiatives parlementaires en ce sens, aussi bien celle de députés comme Olivier Marleix ou Alexandre Portier que celle des sénateurs centristes, que vous avez citée.
Toutefois, comme vous le savez, seule la loi peut défaire ce que la loi a fait.
M. Alexandre Dufosset
C’est la réponse d’hier !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Et, au regard du temps nécessaire pour légiférer, il est évident que cette clarification ne pourra avoir lieu avant demain, avant le 1er mai 2025. C’est pourquoi, depuis plusieurs semaines, nous avons pris en considération les préoccupations des boulangers et des autres artisans en invitant leurs fédérations locales à se rapprocher des services de l’État, en l’espèce de la préfecture de leur département. Il s’agit d’apprécier les contours d’une couverture territoriale minimale, notamment pour répondre aux besoins alimentaires de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Santé mentale des mineurs
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Le 27 avril 2024, à Châteauroux, Matisse, 15 ans, est tué de plusieurs coups de couteau. L’émotion est immense. Dans cette ville moyenne, un drame absolu s’est noué entre deux adolescents. Au moment où je vous parle, des milliers de personnes sont rassemblées autour de ses parents. Leur malheur nous oblige. Le principal suspect a 16 ans. Il était déjà poursuivi pour d’autres faits commis quelques jours plus tôt et repéré pour des troubles du comportement depuis l’enfance.
Il y a quelques jours, un autre gamin, lui aussi atteint de troubles du comportement, a commis l’irréparable à Nantes. Point commun entre ces deux affaires : de jeunes auteurs et de jeunes victimes. Autre point commun : deux jeunes présentant manifestement des troubles du comportement, pour ne pas dire des troubles psychiatriques.
M. Sébastien Peytavie
Mais on peut le dire !
M. François Jolivet
Comment est-il possible que des personnes repérées comme dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres soient laissées en liberté ? L’inclusion en psychiatrie ne peut signifier abandonner des personnes à risque dans la rue et attendre de connaître leurs prochaines victimes.
D’ailleurs, le sujet est tellement brûlant que la Délégation aux droits des enfants de l’Assemblée a décidé de lancer en urgence une mission d’information sur la santé mentale des mineurs. Notre collègue Nathalie Colin-Oesterlé en est la corapporteure. J’associe à la démarche Anne-Cécile Violland, très mobilisée sur le sujet, et M. le ministre Laurent Marcangeli qui, quand il était député, a fait adopter une loi pionnière pour protéger les mineurs des dérives des réseaux sociaux agissant sur la santé mentale.
Comment concilier les libertés individuelles, l’exercice de l’autorité parentale, les sujets de santé mentale et la protection juridique des mineurs ? Comment éviter que d’autres Matisse ne meurent dans l’ignorance de signaux d’alerte connus de la puissance publique ? Comment renforcer les outils de prévention, de coordination et d’intervention précoce, pour éviter que la République réagisse toujours trop tard alors qu’elle sait depuis longtemps ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Voir des adolescents s’agresser entre eux, parfois jusqu’à la mort, comme dans les cas de Matisse ou des faits récents survenus à Nantes, est horrible, particulièrement quand on est parents. Ces situations ne peuvent que susciter l’empathie de l’Assemblée.
Des instructions judiciaires sont en cours pour les affaires que vous avez évoquées. Toutefois, le fait que des troubles psychologiques ou psychiatriques apparaissent dans des cas de ce type offre l’occasion de parler de la grande année de la santé mentale et de prendre des décisions pour protéger les jeunes.
Il y a deux niveaux de protection. Le premier concerne l’entrée dans les établissements scolaires, qui peuvent être équipés de portiques de sécurité : on ne vient pas au lycée ou à l’école avec des couteaux. Le second, plus difficile à mettre en œuvre, concerne la prise en charge de la santé mentale. Ce matin encore, je recevais au ministère des acteurs de la psychiatrie pour parler de la détection des pathologies émergentes des jeunes. On sait en effet que beaucoup de bipolarités, de schizophrénies et de troubles psychotiques se déclarent entre 15 et 25 ans.
Il faut déstigmatiser ces sujets et former la communauté éducative ainsi que le monde associatif. Il faudra augmenter le nombre des prises en charge psychologiques et, surtout, psychiatriques spécifiques, que ce soit dans les centres médico-psychologiques, dans les hôpitaux de jour ou dans des services hospitaliers en psychiatrie. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Mais vous fermez des services !
M. Yannick Neuder, ministre
Cela nécessitera des moyens et des professionnels de santé. (Mêmes mouvements.)
Mme Ségolène Amiot
Et des moyens financiers !
M. Yannick Neuder, ministre
C’est une question de moyens humains car, pour prendre en charge correctement des adolescents, il faut des personnels formés, qu’ils soient psychiatres ou psychologues. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Épidémie de chikungunya
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
La Réunion avait confiance. Nous avions confiance. Pourtant, l’histoire se répète. Vingt ans après l’épidémie dramatique de 2005, les décès liés au chikungunya nous replongent dans ce souvenir douloureux. D’après l’agence régionale de santé, plus de 100 000 personnes ont été infectées, dont beaucoup souffriront de douleurs chroniques.
Depuis huit mois, nous alertons sur les risques. Aujourd’hui, une famille pleure son bébé emporté par le virus. Nous pensons à elle et à toutes les victimes. Mais la douleur ne peut être une fatalité.
La confiance en la science ne se décrète pas. Elle s’enseigne. Aujourd’hui, elle est rompue. Comment encore croire les autorités alors que l’ARS nous avait juré que le vaccin contre le chikungunya était sans risque ? Nous avions confiance. Mais l’arrêt en urgence de la vaccination des plus de 65 ans à la suite d’un premier décès dévoile toute l’impréparation des autorités, malgré les signaux d’alerte.
Dois-je vous rappeler le désengagement de l’État dans le financement des contrats parcours emploi compétences ? Vous venez d’annoncer la mobilisation de 140 militaires et de 200 agents de l’ARS, ainsi que la signature de 800 de tels contrats. Ce ne sera pas suffisant pour lutter efficacement contre les vecteurs du virus dans les Bas, dans les Hauts ou à Mafate. Ce ne sera pas suffisant dans les hôpitaux, où des nourrissons et des personnes âgées sont sous morphine et où les soignants sont à bout de souffle.
Tant que nous n’aurons pas éradiqué les vecteurs de maladie, nous ne pourrons mettre un terme à l’expansion du chikungunya. Tous les moyens doivent être mis en œuvre. Lors de sa visite éclair à La Réunion la semaine dernière, le président de la République a à peine évoqué l’épidémie. Je le dis clairement : cette crise a été mal gérée ; cette épidémie a été sous-estimée ; les Réunionnais ont été abandonnés. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP. – Mme Claudia Rouaux applaudit également.) Voici notre triste constat : en 2022, nous avions le choix entre la peste et le choléra. Aujourd’hui, il ne nous reste plus que le chikungunya. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, dont certains députés se lèvent, et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je connais votre engagement et je sais la grande émotion qui nous anime tous face à la situation que vit La Réunion. Elle est doublement dramatique. En effet, l’île connaît un épisode d’infection au chikungunya qui rappelle, malheureusement, celui de 2005 et 2006. De plus, elle a récemment été touchée par le cyclone Garance, qui a mis à contribution le système de santé.
La lutte antivectorielle est l’affaire de tous, des parlementaires nationaux au gouvernement et aux services de l’État en passant par les élus locaux – maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux – que j’ai rencontrés pendant les trois jours que j’ai passés à La Réunion. La mobilisation autour de cette lutte, qui regroupe l’ARS, les militaires et un ensemble d’organisations, est importante.
Nous y avons ajouté un vaccin. De manière transparente, j’indique qu’il s’agit d’un vaccin du voyageur qui a reçu une autorisation de mise sur le marché en juin 2024. Interrogée, la Haute Autorité de santé a donné un avis favorable à son utilisation chez les personnes de plus de 65 ans et chez les 18-65 ans présentant des comorbidités. Cette vaccination s’est déroulée dans les meilleurs délais puisque nous avons acheté 100 000 doses, ce qui a fait de la France un des premiers pays au monde à offrir une protection contre le chikungunya.
Malheureusement, la question du rapport entre les bénéfices et les risques du vaccin reste d’actualité. S’il nous faut agir de toutes nos forces contre l’obscurantisme, il faut aussi faire preuve de pharmacovigilance. Ainsi, des effets indésirables graves, comme des encéphalites chez des patients âgés de plus de 80 ans présentant des comorbidités, nous ont amenés à prendre la décision importante et difficile de la suspension de la vaccination dans cette tranche d’âge pour laquelle, malheureusement, le bénéfice n’est pas supérieur au risque.
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Vous parlez de bénéfices et de risques. Moi, je parle vraiment de la santé des Réunionnaises et des Réunionnais.
Nouvelle-Calédonie
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Ma question s’adresse au ministre des outre-mer.
Alors que les Néo-Calédoniens ont par trois fois confirmé leur volonté de rester français et que le gouvernement a reporté les élections provinciales, nous apprenons que vous discutez avec les membres du Front international de décolonisation, mouvement séparatiste téléguidé par l’Azerbaïdjan. Pire, vous défendez une notion étrangère à notre constitution : « la souveraineté partagée ». Quand allez-vous mettre un terme à cette hypocrisie ? Vous défendez la République quand le sujet concerne la métropole. Que défendez-vous quand il s’agit des outre-mer ?
Certains, à gauche, défendent le droit de vote des étrangers sur le sol métropolitain. Votre gouvernement, avec les mêmes, refuse ce droit à des Français d’outre-mer sous prétexte qu’ils n’y résident pas depuis vingt-sept ans. Soyons sérieux ! Restreindre le droit de vote des Français en Nouvelle-Calédonie au nom du respect d’un peuple que vous qualifiez de premier, créant de facto un peuple second, pour ne pas dire secondaire, au sein de nos propres concitoyens, est insupportable. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Réclamer une citoyenneté à deux vitesses en outre-mer est antirépublicain, qu’on se le dise ! Soyons clairs, la France est une et indivisible : vous nous trouverez toujours sur votre chemin quand vous tenterez de l’éclater en communautés, en peuples et en pays.
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Mes chers collègues, la Nouvelle-Calédonie est et restera française. La réponse a été donnée par nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie : trois fois non – non, non et non ! Trois référendums.
Mme Sandra Regol
Ils se sont abstenus !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Pourquoi vous entêter ? Un nouveau référendum ne peut pas être envisagé avant plusieurs décennies. Au lieu de rouvrir des débats qui divisent et fracturent, des débats institutionnels volontairement clivants, allez-vous opter pour l’urgent et l’essentiel, à savoir la reconstruction économique et sociale de ce territoire ? Allez-vous concentrer vos efforts sur des projets concrets pour relancer son économie tout en garantissant la souveraineté française et l’unité de la nation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Le ministre d’État, ministre des outre-mer, est justement en Nouvelle-Calédonie. Votre question souligne l’importance du dialogue engagé dans ce territoire.
Comme l’a rappelé le premier ministre dans la lettre qu’il a adressée fin janvier à toutes les forces politiques calédoniennes, la Nouvelle-Calédonie figure parmi les priorités de l’action gouvernementale. Elle mérite de la part de chacun une attention particulière et un grand sens des responsabilités. C’est dans cet esprit que sont conduites, depuis trois mois, les discussions sur l’avenir institutionnel du territoire, dans un contexte d’ingérences étrangères.
Avec l’ensemble des partenaires calédoniens, notre objectif est de parvenir à un accord global, équilibré et porteur de stabilité. Ce nouvel accord devra ouvrir une nouvelle étape, dans la continuité du processus engagé depuis 1988, en clarifiant les perspectives d’évolution institutionnelle. Dans ce cadre, l’État assume pleinement sa responsabilité de garant du dialogue. Il appartient aux partenaires de définir ensemble les contours d’un futur statut. Un accord est indispensable pour la stabilité de la Nouvelle-Calédonie car, sans accord, ce sera le chaos social et économique. Cet accord devra consacrer un équilibre fondé sur la conciliation d’aspirations contrastées, entre la volonté d’accéder à la pleine souveraineté et le souhait de rester au sein de la République française. La solution institutionnelle qui doit être trouvée sera nécessairement innovante. Il en a toujours été ainsi avec la Nouvelle-Calédonie, où nous devons ouvrir une nouvelle étape de construction du destin commun de tous les Calédoniens.
ArcelorMittal
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Monsieur le ministre chargé de l’industrie, ou de la désindustrialisation devrais-je dire, ArcelorMittal, numéro un mondial de l’acier, s’apprête à supprimer 634 postes en France pour les relocaliser en Inde ou en Pologne.
M. Frédéric Weber
Quelle honte !
M. Laurent Jacobelli
À Florange, dans ma circonscription, ce sont jusqu’à 200 salariés qui sont menacés de perdre leurs emplois. Quelle ingratitude envers ceux qui ont façonné notre territoire et forgé notre industrie ! Ce sont leurs mains qui ont coulé l’acier de la flamme olympique, cette flamme que vous brandissez à chaque occasion comme un trophée tout en abandonnant ceux qui l’ont fabriquée.
La sidérurgie est l’âme de la Moselle, comme elle l’est de tant de bassins industriels que, de Dunkerque à Fos-sur-Mer, vous avez sacrifiés sur l’autel de la mondialisation sauvage. ArcelorMittal, gavé d’argent public, prend bien sûr la décision, car les grands groupes n’ont pour seule patrie que le profit, mais c’est vous qui avez versé l’argent public…
M. Jean-François Coulomme
Vous, l’argent public, vous l’avez volé !
M. Laurent Jacobelli
…sans exiger la moindre contrepartie en matière d’emploi ou de localisation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pire encore, vous avez ouvert les vannes des importations depuis la Chine, étranglé nos industries par des prix de l’énergie non compétitifs et étouffé la production française sous un déluge de normes absurdes, avec comme mantra le dogme de la décarbonation pour satisfaire les nostalgiques de la bougie, qui vous fascine tant.
Oui, vous êtes ici tous coupables de quarante années de renoncement, de mauvais choix et d’abandon. (M. Inaki Echaniz s’exclame.) L’histoire vous jugera ! Si elle est clémente, elle vous accusera de non-assistance à industrie en danger ; si elle est objective, de crime avec préméditation contre notre sidérurgie. Il est encore temps de reconnaître vos erreurs et de prendre des décisions. Quelles actions concrètes mènerez-vous pour sauver la sidérurgie française ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Le discours du Rassemblement national sur l’industrie a le mérite de la constance : il instrumentalise les difficultés des entreprises…
M. Alexandre Dufosset
C’est faux !
M. Marc Ferracci, ministre
…et la détresse des salariés (Exclamations sur les bancs du groupe RN) sans proposer aucune solution et surtout sans saisir les causes profondes des difficultés de notre industrie sidérurgique.
M. Emeric Salmon
C’est votre politique !
M. Marc Ferracci, ministre
Lorsque vous discutez avec les sidérurgistes et les organisations syndicales, vous comprenez que ces causes profondes se situent, par exemple, dans la concurrence déloyale des Chinois. Que faisons-nous pour lutter contre elle ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe RN.) Les annonces de la France au sujet des propositions qu’elle a défendues devant la Commission européenne vous ont sans doute échappé. Le 19 mars, la Commission a présenté un plan d’action pour l’industrie sidérurgique et annoncé le renforcement des mesures de sauvegarde. Il s’agit de taxer l’acier chinois aux frontières de manière plus efficace, car il est fortement carboné. Les réponses sont sur la table, mais elles ne suffiront pas si elles ne sont pas soutenues par un travail collectif, par une prise de conscience générale et par la mobilisation de tous les élus des territoires touchés par des restructurations. Les élus de Dunkerque et des sites concernés par les annonces d’ArcelorMittal avec lesquels je discute en sont conscients : la seule manière de maintenir les emplois en France et de protéger notre souveraineté dans le secteur de l’acier est d’innover et d’investir.
M. Frédéric Weber
Des mots !
M. Marc Ferracci, ministre
Or l’État est au rendez-vous pour soutenir l’investissement. Vous dites que les aides accordées à ArcelorMittal l’ont été sans aucune contrepartie, ce qui est faux : les aides sont versées à condition que des investissements soient réalisés ; quand ce n’est pas le cas, comme à Dunkerque, les aides sont suspendues. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Il ne faut pas raconter des histoires aux gens mais considérer les problèmes tels qu’ils sont. La protection commerciale et le soutien aux investissements : voilà des leviers pour soutenir nos emplois et protéger nos territoires.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Vous me rappelez François Hollande, en 2012, sur sa camionnette à Florange.
M. François Hollande
Bien sûr !
M. Laurent Jacobelli
Avant de trahir les sidérurgistes, il faisait des promesses... Décidément, vous êtes tous les mêmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
TVA des autoentrepreneurs
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Marsaud.
Mme Sandra Marsaud
Monsieur le ministre de l’économie, depuis 2017, nous avons collectivement œuvré pour valoriser le travail en général et celui des indépendants en particulier, en simplifiant les démarches des entrepreneurs et en encourageant celles et ceux qui prennent des risques pour créer leur activité, des emplois et des ressources pour nos politiques publiques. C’est pourquoi les différentes propositions du gouvernement concernant le régime des microentreprises – d’abord un seuil unique d’exonération de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires pour tous les secteurs dans le budget 2025, puis un seuil différencié selon les secteurs dans le projet de loi de simplification – suscitent de vives inquiétudes. Elles s’expriment sur plusieurs bancs de cet hémicycle, dont ceux du groupe EPR, et je salue en particulier la mobilisation de mes collègues Olivia Grégoire, Guillaume Kasbarian, Didier Le Gac et Paul Midy.
Votre dernière proposition traduit une orientation qui va à l’encontre de l’esprit de clarté et de confiance que nous devons aux indépendants.
M. Antoine Léaument
C’est votre responsabilité !
Mme Sandra Marsaud
En introduisant une complexité supplémentaire et en abaissant drastiquement les seuils, cette réforme risque de déséquilibrer des modèles économiques déjà fragiles, de dissuader la création d’activité et de créer une insécurité juridique pour des milliers d’autoentrepreneurs.
M. Antoine Léaument
Ce sont vos turpitudes !
Mme Sandra Marsaud
Je veux relayer leur message : ce n’est pas d’un changement brutal et inadapté qu’ils ont besoin, mais de stabilité, de simplicité et d’un accompagnement adapté à leur réalité de terrain et à celle de leur activité. Que comptez-vous faire pour sécuriser les entrepreneurs de notre pays, en particulier le régime des microentreprises auquel nous tenons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Loïc Prud’homme
Incompétents !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je vous confirme que le gouvernement est très attaché au régime fiscal des autoentrepreneurs,…
M. Antoine Léaument
C’est ça !
M. Éric Lombard, ministre
…qui concerne plus de 2,5 millions d’entreprises. La réforme de franchise en base dont nous parlons n’entraîne aucune remise en cause du régime fiscal relatif à l’impôt sur les bénéfices. La réforme du seuil de franchise en base de TVA telle que prévue par la loi de finances initiale pour 2025 a suscité des inquiétudes et nous les avons entendues. Ma collègue Véronique Louwagie, que je remercie, a mené une très large concertation avec les acteurs économiques et les parlementaires. Nous constatons que la réforme proposée ne fait l’unanimité ni pour ni contre.
M. Emeric Salmon
Bien au contraire !
M. Antoine Léaument
Elle n’est ni de gauche ni de gauche !
M. Éric Lombard, ministre
La concertation a montré que le besoin de simplification était partagé, mais que les conditions d’une application sereine de la réforme n’étaient pas réunies. En conséquence, le gouvernement a pris la décision de la suspendre et de laisser le débat se tenir sereinement dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Louis Boyard
Pas de 49.3 ?
M. Éric Lombard, ministre
Nous proposerons une réforme plus équilibrée en tenant compte des situations de forte concurrence, notamment dans le bâtiment, avec un seuil d’exonération de la TVA ramené à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel dans ce secteur, un nombre de seuils réduit et un seuil unique au juste niveau, conformément à l’amendement proposé par le gouvernement sur le projet de loi simplification.
Mme Farida Amrani
Ils réfléchissent quand le mal est fait !
M. Éric Lombard, ministre
Je rappelle qu’à la demande du premier ministre, nous appliquons, pour chacune de nos actions, la méthode du dialogue. Mardi prochain, la ministre Véronique Louwagie réunira de nouveau les parlementaires des différents groupes politiques dans la perspective de la préparation du projet de loi de finances pour 2026.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Marsaud.
Mme Sandra Marsaud
Je vous remercie de cette réponse. Mon collègue Paul Midy tient une proposition de loi prête sur le sujet. Le groupe EPR est prêt à échanger avec le gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Épidémie de chikungunya
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon
J’accuse. J’accuse, donc ma question s’adresse à qui veut bien répondre, car vous êtes tous responsables. Le chikungunya frappe durement car vous avez laissé faire. Nous l’avons subi en 2006, nous connaissons la bête, qui a fait plus de 250 morts et meurtri des milliers de personnes, porteuses de séquelles vingt ans après. Nous connaissons la bête et nous savons comment l’éliminer. Vous devriez le savoir plus que nous. La bête a repointé son nez en 2024 à Saint-Gilles. Elle était dans la ligne de mire et pouvait être éliminée, mais vous avez laissé l’épidémie se développer.
Il y a donc un vaccin, mais vous saviez qu’il n’avait pas prouvé son efficacité. Dans son avis du 27 février 2025, la Haute Autorité de santé a indiqué qu’il n’y avait pas eu d’évaluation de l’efficacité vaccinale du produit (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), « déduite à partir d’un seuil prédictif de protection […]déterminé chez le primate non humain ». On apprend aussi que « le laboratoire Valneva s’est engagé à mettre en place deux études d’efficacité en vie réelle » : après les singes, ce sont donc les Réunionnais les cobayes…
Conséquence du manque de moyens : des morts, des dizaines de milliers de malades, l’hôpital à bout, des déprogrammations de soins, un climat anxiogène, une grande défiance de l’opinion publique et une économie en difficulté. Oui, je vous accuse de favoriser l’affaiblissement des populations d’outre-mer et du service public au détriment de la vie humaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) N’est-ce pas criminel et malsain ?
Acceptez-vous de rencontrer rapidement l’ensemble des députés et des sénateurs de La Réunion ? Répondez-moi, soyez honnêtes ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je ne peux pas vous laisser dire que la population de La Réunion sert de cobaye. L’épidémie de chikungunya est l’affaire de tous et nous devons la combattre par des mesures à la fois antivectorielles et vaccinales. Je suis resté trois jours à La Réunion et je vous ai proposé de participer à chacune des séquences de ma visite, pour que nous partagions tous ensemble le désarroi du peuple réunionnais. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Madame Lebon, alors que nous expliquons que nous voulons lutter contre l’obscurantisme et que nous prenons des décisions médicales basées sur les avis de la Haute Autorité de santé, vous ne pouvez pas m’accuser de manquer d’empathie parce que je parle de bénéfices-risques.
Quand je me suis rendu à La Réunion, j’ai rencontré les parents du jeune bébé décédé, j’ai visité le service de réanimation où étaient hospitalisés quarante-sept enfants. Tous les jours, je reçois les nouvelles de patients atteints d’encéphalite. Il faut être juste : les gens souffrent et nous devons les accompagner – c’est une obligation de moyens –,…
Mme Sophia Chikirou
Qu’avez-vous fait concrètement ?
M. Yannick Neuder, ministre
…mais ce n’est pas en proposant aux familles endeuillées par le décès d’un enfant de venir chez elles, avec des caméras, pour les montrer sur les réseaux sociaux qu’on va les soulager.
Mme Sophia Chikirou
Ce que vous dites est honteux !
M. Yannick Neuder, ministre
Il faut être juste et empathique. Nous sommes le pays de Pasteur, nos méthodes de soins sont basées sur des preuves.
Mme Ségolène Amiot
Il faut être dans l’action ! Agissez !
M. Yannick Neuder, ministre
Lutter contre l’obscurantisme, c’est aussi, en un sens, lutter contre le populisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon
Monsieur le ministre, soyez digne et regardez en face tous ces nourrissons en urgence absolue ! (« La honte ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émilie Bonnivard
Lui, il sauve des vies ! Pas vous !
Santé mentale des jeunes
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Elle était venue au lycée pour apprendre et bâtir son avenir. Mais jeudi soir, Lorène n’est pas rentrée chez elle. Elle est morte dans son lycée, poignardée par un élève de son établissement. Je veux ici honorer sa mémoire et partager la douleur de sa famille et de ses amis. Je tiens aussi à saluer le professionnalisme du personnel de l’établissement et à lui adresser un message de soutien.
Ce drame ne doit pas être considéré comme un fait isolé. Il est le symptôme d’un mal profond : la dégradation de la santé mentale de nos enfants. Les études montrent que 40 % des étudiants présentent des symptômes dépressifs. Le taux de dépression chez les jeunes a quasiment doublé depuis la période précovid.
Notre système de santé mentale est lui-même en souffrance. Les moyens humains manquent pour détecter, puis traiter efficacement les troubles. Les délais sont trop longs, les services saturés et l’offre de soins bien trop insuffisante. Dans ce domaine aussi les inégalités territoriales sont majeures. Professionnels de santé, associations, élus de toutes sensibilités politiques tirent la sonnette d’alarme : le mal-être des jeunes augmente sans que les réponses suivent.
Face à l’ampleur et à l’urgence de la crise, nous avons besoin d’un plan d’action rapide et ambitieux. Il faut investir dans la prévention, faciliter l’accès à des professionnels de santé mentale, renforcer la présence dans les établissements scolaires et soutenir les services de pédopsychiatrie ; mais aussi agir sur les causes du mal-être.
Après le drame de l’établissement Notre-Dame-de-Toutes-Aides à Nantes, votre gouvernement a préféré nous parler de portiques et d’ensauvagement. L’essentiel reste, semble-t-il, invisible à vos yeux. Combien de signaux d’alerte faut-il encore pour que l’État agisse concrètement ? Proclamer une grande cause ne suffit pas. Il est temps de faire, enfin, de la santé mentale de nos enfants une priorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Ces agressions sont insoutenables pour les parlementaires que vous êtes, pour les ministres que nous sommes, pour les citoyens et les parents que nous sommes tous également. On ne peut pas opposer prise en charge de la santé mentale de nos jeunes et protection de nos lycées. Les deux sont nécessaires. D’un côté, les ministères de l’intérieur et de la justice se concentrent sur les mesures de protection de nos établissements – comme je l’ai dit plus tôt à M. Jolivet, il n’est pas normal de se faire poignarder dans un établissement scolaire. De l’autre côté, il y a une vraie prise en charge de la santé mentale de notre jeunesse.
Mme Ségolène Amiot
Il y a quatorze lits en pédopsychiatrie dans le département !
M. Yannick Neuder, ministre
Il faut arrêter de stigmatiser les problèmes de santé mentale, renforcer leur dépistage par les professionnels et surtout former plus de soignants en psychiatrie et pédopsychiatrie, plus d’infirmiers spécialisés et d’infirmiers en pratique avancée. Il faut réarmer les centres médico-psychologiques dans les territoires car les délais de prise en charge sont, je le confirme, beaucoup trop longs. Nous devons aussi conforter notre médecine scolaire – nous nous y attellerons avec la ministre de l’éducation nationale dans deux semaines, dans le cadre des assises de la santé scolaire. Enfin, lorsque la prise en charge psychologique ne suffit pas, notre jeunesse doit bénéficier d’une vraie prise en charge psychiatrique, avec des traitements et des hospitalisations.
M. Éric Coquerel
Avec quels moyens ?
M. Yannick Neuder, ministre
Tout cela nécessite certes des moyens. Nous sommes engagés en faveur de ces actions dans le cadre actuel, et nous continuerons d’agir dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n’est pas en un an qu’on peut régler le problème de la santé mentale de notre jeunesse, c’est un chantier de plusieurs années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Ségolène Amiot
On veut des lits en pédopsy !
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland Lescure.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Simplification de la vie économique
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique (nos 481 rectifié, 1191).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements no 215 et identiques à l’article 4, examiné par priorité.
Ce matin, nous étions passés sous la barre des 1 000 amendements, mais grâce à la magie des sous-amendements, nous sommes repassés au-dessus de ce seuil : il en reste 1 005 à examiner, ce qui fait un beau programme pour la journée.
À la demande du gouvernement, en application de l’article 95, alinéa 4, de notre règlement, l’Assemblée examinera par priorité l’article 24 bis à l’issue de la discussion sur les amendements à l’article 24.
Article 4 (appelé par priorité – suite)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 215, 473, 536 et 2188.
La parole est à Mme Christelle Petex, pour soutenir l’amendement no 215.
Mme Christelle Petex
Hier soir, nous avons longuement échangé au sujet d’une éventuelle suppression de l’article 4 et de l’intérêt d’en conserver une partie du contenu.
Le présent amendement tend à supprimer les alinéas 4 et 5 de façon à laisser aux collectivités locales et aux établissements publics la liberté de choisir leur propre plateforme de dématérialisation, d’éviter une centralisation excessive et, de fait, de soutenir nos très petites, petites et moyennes entreprises, TPE et PME, ainsi que l’économie locale. Les autres dispositions de l’article seraient conservées, ce qui permettra à l’État de moderniser ses propres procédures.
Je reste convaincue que nous pouvons simplifier la vie économique tout en soutenant et en valorisant l’économie locale.
M. le président
L’amendement no 473 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Sur les amendements no 215 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l’amendement no 536.
Mme Géraldine Bannier
Un Français sur deux lit la presse quotidienne régionale (PQR), ce pilier de l’information qui reste fédérateur à l’heure de la fragmentation tous azimuts des publics. Quotidienne ou hebdomadaire, la presse régionale constitue un trait d’union efficace entre élus et entreprises et bénéficie d’une large confiance, comme le montre un récent sondage de l’Ifop.
Lors d’une mission flash consacrée aux aides à la PQR menée aux côtés de Virginie Duby-Muller en 2021, nous avions constaté l’importance des annonces judiciaires et légales pour l’équilibre économique de ces titres. Aussi, dans le but de préserver cet écosystème fragile, l’amendement tend-il à supprimer les alinéas 4 et 5, qui portent précisément sur les annonces relatives aux marchés publics passés par des collectivités territoriales.
M. le président
La parole est à M. Thomas Lam, pour soutenir l’amendement no 2188.
M. Thomas Lam
L’idée de permettre aux collectivités locales d’accéder gratuitement à la plateforme des achats de l’État (Place) peut sembler bonne au premier regard, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. En effet, tout service représente un coût, et celui que rendent aujourd’hui plusieurs PME françaises donne satisfaction pour un coût modéré. En permettant à toutes les collectivités de bénéficier gratuitement de la plateforme Place, nous ouvririons une boîte de Pandore et prendrions plusieurs risques : d’abord celui de détruire les quelque 130 emplois dans les PME qui offrent ces services un peu partout sur le territoire, ensuite celui de saturer la plateforme de l’État – la gestion des 12 000 acheteurs référencés représente déjà un défi –, dont l’engorgement entraînerait une dégradation du service et potentiellement une explosion des coûts. La concurrence a du bon : elle régule les prix et permet aux clients de choisir.
Enfin, comme certains collègues l’ont dit, l’entrée en vigueur de l’article entraînerait pour la PQR une perte de recettes estimée à 20 millions d’euros. Or les annonces légales représentent 50 % des recettes d’un journal comme le Dauphiné libéré. Il est donc probable que certains titres ne s’en remettraient pas. Par conséquent, je vous invite à adopter cet amendement de vigilance économique et démocratique.
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale pour les titres Ier à VI, pour donner l’avis de la commission.
M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale
À titre personnel, j’émettrai un avis favorable à ces amendements pour plusieurs raisons. Hier, en abordant l’article 4, nous sommes convenus de l’importance, pour les acteurs étatiques, de recourir à une plateforme unique d’achats. Mais il s’agit ici des collectivités locales, dont notre Constitution prévoit la libre administration. Il convient donc de leur laisser la liberté de choisir des acteurs privés pour réaliser la communication relative aux marchés publics qu’elles passent. Tel est le premier argument en faveur de ces amendements.
Le second argument est économique : la PQR est un acteur majeur du marché des annonces légales et la disposition visée la priverait d’une importante partie de son chiffre d’affaires.
Dès lors que les choses fonctionnent, mieux vaut laisser faire ceux qui savent faire. Je suis plutôt favorable à l’instauration d’une plateforme unique pour les acteurs publics étatiques, mais pas pour les collectivités locales.
M. le président
Quel était l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
L’article 4 contient essentiellement deux dispositions : l’une prévoit l’adoption de la plateforme Place par la sphère étatique dans son ensemble, l’autre ouvre aux collectivités territoriales la possibilité d’y avoir recours.
Puisque Mme Petex a souligné l’importance de laisser aux collectivités une liberté de choix, je tiens à préciser que l’article 4 ne leur fait aucunement obligation de recourir à cette plateforme ; c’est une simple possibilité. Je suis attachée au principe de la libre administration des collectivités territoriales.
À Mme Bannier, qui appelait à ne pas priver les journaux d’annonces légales de publications qui contribuent à leurs ressources, je voudrais apporter la précision suivante : l’article 4 n’apporte aucun changement aux obligations relatives à la publication de la commande publique. Même si l’article était adopté en l’état, les collectivités qui choisiraient d’utiliser la plateforme Place devraient continuer à publier leurs avis soit au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc), soit dans un journal d’annonces légales, soit sur le site de l’acheteur. Sur ce point, rien ne changerait.
Enfin, je veux revenir sur les propos de M. Lam. Vous soulignez d’abord que les dispositions prévues aux alinéas 4 et 5 auraient pour effet d’affecter l’équilibre économique des entreprises qui, parmi les services qu’elles commercialisent, proposent la publication des offres de marché public. Il est vrai que le recours à la plateforme Place est, lui, entièrement gratuit.
Vous alertez ensuite sur un risque de saturation de la plateforme Place. Ce problème a été envisagé, et c’est pour l’éviter que l’article 4 prévoit une mise en application intervenant au plus tard le 31 décembre 2030.
Vous évoquez ensuite un manque à gagner évalué à 20 millions, mais, je le répète, les collectivités ayant recours à la plateforme Place auront toujours l’obligation de faire paraître leurs avis selon les modalités en vigueur.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire hier, je suis avant tout attachée à ce que toute la sphère étatique relève d’un même dispositif. Je reste également attachée à la libre administration des collectivités territoriales, à ce jour privées de la possibilité de recourir à la plateforme Place, que leur ouvrirait l’adoption de l’article en l’état. J’ai néanmoins entendu ce que les uns et les autres souhaitaient porter à notre attention ; je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Les arguments avancés en faveur de ces amendements procèdent soit d’une incompréhension de la part de certains d’entre vous – M. le rapporteur invoque ainsi la libre administration des collectivités, alors que la suppression des alinéas 4 et 5 leur ôterait une possibilité, donc une liberté qui devait leur être octroyée, comme Mme la ministre l’a rappelé –, soit d’une volonté de préserver les intérêts des plateformes privées, dans le droit fil de certains arguments entendus hier soir. Dans ce dernier cas, il faut le dire clairement, sans invoquer des arguments fallacieux. (Mme Christelle Petex proteste.)
Les alinéas 4 et 5 ouvrent donc une nouvelle possibilité pour les collectivités, tout en permettant à la plateforme Place de monter en puissance et de se donner les moyens d’accueillir un nombre d’acteurs croissant. S’ils sont supprimés, nous risquons d’être amenés à adopter à nouveau cette disposition dans un, deux ou trois ans, par exemple dans le cadre d’une énième loi de simplification, parce que les collectivités locales, ayant constaté l’attrait de la plateforme, voudraient pouvoir y accéder. Vu le marasme dans lequel nous plonge l’examen de ce texte, auquel nous devrons probablement consacrer des week-ends entiers, simplifions-nous la vie en donnant dès maintenant cette liberté aux collectivités locales ! Je vous invite donc à voter contre ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Pour ma part, je soutiens ces amendements, car concentrer tous les marchés sur une unique plateforme publique étatique mettrait en grande difficulté une presse quotidienne régionale déjà bien fragile, qui s’acquitte très bien de ce service et joue un rôle d’information important.
Je vois un autre inconvénient au dispositif proposé : nos concitoyens tiennent à prendre connaissance des marchés passés par leur collectivité en lisant la PQR. Quand le conseil départemental refait un collège, un pont ou une route, ils en sont ainsi informés, ce qui tient lieu d’enquête publique. Au contraire, ils ne consulteront pas la plateforme Place pour y chercher, au milieu d’une multitude de marchés passés avec de grandes entreprises, les investissements que leurs collectivités réalisent dans leur territoire.
Par ailleurs, pour nos TPE et PME, le problème n’est pas tant d’accéder aux appels d’offres que d’affronter leur complexité administrative ; c’est là-dessus que nous devons nous concentrer.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je veux juste répondre en trois points à Mme Brulebois, afin de lui apporter quelques précisions. D’abord, l’article 4 tel qu’il est écrit sera générateur de simplification : le dispositif prévu permettra aux entreprises qui ont parfois du mal à accéder à la commande publique d’utiliser un seul profil d’acheteur. La multiplication des profils d’acheteur est une source de complexité pour les entreprises ! Il s’agit donc de faciliter l’accès à la commande publique.
Ensuite, je le répète : le dispositif n’aura aucun effet sur la PQR. Les collectivités territoriales seront toujours dans l’obligation de publier les appels d’offres dans les journaux, et – que l’on soit bien d’accord – cela ne changera pas ! Les publications se poursuivront dans les mêmes conditions.
Enfin, il est possible de s’abonner, sur la plateforme Place, pour recevoir des notifications : les entreprises pourront se voir notifier les appels d’offres déposés et ce service supplémentaire, qui n’existait pas jusqu’alors, sera gratuit.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Je voulais répondre à Mme Lejeune. Je viens de regarder la définition exacte du terme « fallacieux » : je n’irai pas jusque-là ! (Sourires.) J’ai invoqué deux arguments pour soutenir ces amendements. Le premier n’était peut-être pas tout à fait convaincant mais je voudrais insister sur le second, dont je persiste à croire qu’il est pertinent : il existe des plateformes privées qui font plutôt très bien le travail, si l’on en croit les collectivités. Ce que va faire l’État, c’est créer une concurrence déloyale !
M. Jean-François Coulomme
Ah ah ! Dans ce cas, tout ce que fait l’État est source de concurrence déloyale !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
En effet, il va proposer, aux frais du contribuable, un service gratuit que des entreprises privées assurent aujourd’hui très bien.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 215, 473 et 2188.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 78
Contre 12
(Les amendements identiques nos 215, 473 et 2188 sont adoptés ; en conséquence, les amendements identiques nos 1005 et 1465 tombent.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 1536.
Mme Julie Ozenne
Nous voulons nous assurer que le principe d’allotissement des marchés publics, qui permet de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique, soit respecté sur la nouvelle plateforme créée par l’État pour centraliser les achats publics.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Ce principe est d’ores et déjà garanti et encadré par le code de la commande publique. De surcroît, la plateforme Place n’est qu’un outil permettant aux acheteurs de déposer leur offre et d’échanger avec les soumissionnaires ; en tant que telle, elle n’a donc pas d’effet sur les choix qu’ils effectuent dans le cadre des marchés publics. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
En effet, l’utilisation de la plateforme Place ne change rien aux dispositions législatives existantes en la matière et l’allotissement est déjà prévu dans la loi. Adopter votre amendement comporterait même un risque, car une telle précision pourrait engendrer une interprétation a contrario conduisant à considérer que les marchés non publiés sur la plateforme Place ne sont quant à eux pas soumis au principe de l’allotissement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Vous dites que l’amendement est satisfait, mais il est toujours préférable de préciser les choses ! En l’occurrence, il s’agit de garantir le principe d’allotissement, qui est un principe fondamental des marchés publics en vertu duquel ils doivent être divisés en plusieurs parties. Ce n’est évidemment pas du tout un détail, puisque cela permet concrètement aux petites et moyennes entreprises, aux artisans et aux structures de l’économie sociale et solidaire de concourir à égalité avec de plus grandes entreprises. Un artisan, par exemple, pourra concourir sur un lot spécifique, un aspect particulier du marché public, tandis que de très grosses entreprises candidateront sur l’ensemble. Le principe d’allotissement permet donc de garantir la survie de l’emploi local, notamment des artisans.
Nous avons entériné – et nous y sommes favorables – la création d’une plateforme centralisée pour la commande publique, mais nous devons rester vigilants : cela ne doit pas se traduire par une centralisation des marchés au profit des plus grands groupes. De manière générale, la simplification ne doit pas se faire au prix de plus grandes difficultés pour les très petites, petites et moyennes entreprises. S’assurer que le principe d’allotissement est bien respecté sur cette plateforme, c’est garantir une commande publique plus accessible et plus territorialisée ; c’est pourquoi nous soutenons cet amendement de bon sens.
M. le président
Sur l’amendement n° 1536, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Si personne n’y voit d’inconvénient, je le mets tout de suite aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 18
Contre 30
(L’amendement no 1536 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 1946, par le groupe Rassemblement national ; et sur l’article 4, par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 1946.
M. Matthias Renault
Nous avons déjà eu l’occasion, hier, d’évoquer le choix de l’entreprise canadienne CGI pour gérer la plateforme Place. Ce choix a suscité au sein de plusieurs groupes des interrogations liées notamment au risque qu’il peut impliquer en matière d’intelligence économique, en particulier sur des marchés relatifs à la défense. Par exemple, qu’en est-il de l’achat d’hélicoptères par l’armée de terre ? On nous a expliqué qu’aucune entreprise n’avait accès aux données de la plateforme dans leur intégralité, mais il y a tout de même certaines informations qui transitent dessus ! En l’espèce, le choix du prestataire canadien est d’autant plus étonnant que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) n’a pas été saisi en amont.
Par conséquent, le présent amendement vise à ce que la plateforme Place soit désormais gérée par un prestataire français ou européen. C’est un amendement de repli par rapport à l’amendement no 1413, que nous avions présenté hier et selon lequel le prestataire devait être français.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
La commission avait émis un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous avez raison, monsieur Renault : nous avons déjà abordé ce point hier soir. Je veux vous redire que la plateforme Place est un système d’information du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : elle appartient au ministère ! Nous avons recours, c’est vrai, à cinq prestataires qui interviennent non pour gérer le système d’information mais pour contribuer à son fonctionnement et à sa maintenance ; quatre sont intégralement français et le dernier est une filiale française d’un groupe canadien. J’ai eu l’occasion de le dire hier à l’un de vos collègues : ces entreprises ont été sélectionnées à l’issue d’un processus qui satisfait tous les critères réglementaires en vigueur. Cela ne pose donc aucune difficulté technique particulière, et j’ai également dit hier que le prestataire auquel vous faites référence ne détient aucun élément relatif aux sources.
Pour revenir à votre amendement, vous mettez également en avant un argument juridique mais, vous le savez, dans le droit européen de la commande publique, les dispositions ou les clauses qui visent à réduire le nombre de candidats ou à imposer une implantation nationale aux opérateurs économiques ne peuvent être retenues, car elles sont contraires au principe de non-discrimination. Votre amendement n’est donc pas conforme au droit : je lui donne un avis défavorable, tout en espérant avoir réussi à vous rassurer tant sur le plan technique qu’en matière juridique.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Étant défavorable à l’amendement, j’irai dans le sens des explications données par la ministre – elles s’ajoutent à celles fournies hier, déjà très complètes. Elles sont de nature à vous rassurer, collègues du Rassemblement national !
Néanmoins, collègue Renault, il y a quelque chose qui m’interpelle dans votre intervention. Vous avez dit que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale n’a pas été consulté ; comment avez-vous obtenu cette information ? Il serait intéressant que nous le sachions tous. J’ai lu le rapport qui nous est soumis et n’y ai pas trouvé cette information. Si effectivement le SGDSN n’a pas été consulté avant la mise en place de cette plateforme, à mon sens, c’est grave ! J’aimerais donc que vous nous expliquiez comment vous avez obtenu cette information que vous venez de divulguer.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
D’abord, quand Mme la ministre dit que notre amendement est contraire au droit de l’Union européenne, je pense qu’elle fait plutôt référence à l’amendement présenté hier, no 1413, qui prévoyait que la plateforme ne puisse être gérée que par un opérateur français. Dans le présent amendement, l’entreprise doit être établie « au sein d’un État membre de l’Union européenne » ; je ne vois donc pas très bien en quoi ce serait contraire au droit européen !
Pour répondre ensuite au collègue Sitzenstuhl, c’est par voie de presse que j’ai obtenu cette information, et plus précisément dans La Lettre. Vous pouvez consulter l’article qui en fait état ! Ce que j’affirme est donc tiré d’une publication de presse ; ce n’est pas une information « Matthias Renault » ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il me paraît important de rappeler qu’aucun marché public relatif à la défense ne se trouve sur la plateforme Place.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
M. Renault a évoqué un des points qui cristallisent l’attention à l’article 4 – dont la suppression, je le rappelle, a été évitée à seulement deux voix près hier. Il y a là un vrai sujet qui n’a d’ailleurs pas seulement été abordé par le groupe RN : je me souviens de l’intervention du collègue Kervran, du groupe Horizons, qui tenait hier à peu près le même discours que M. Renault à l’instant ! À titre personnel – je ne m’exprime pas, ici, au nom de la commission –, c’est donc un sujet qui me préoccupe également et sur lequel il me semble que certains doutes doivent être levés.
On parle souvent de notre souveraineté numérique et industrielle : il serait bon, à partir de maintenant, d’inscrire dans tous les textes que nous écrirons que les outils numériques utilisés par l’État doivent être 100 % français et mobiliser des entreprises 100 % françaises. Même si je remercie Mme la ministre d’avoir bien voulu nous rassurer par ses explications, je reste très sensible aux arguments développés par M. Renault, comme je l’ai été hier à ceux du collègue Kervran ; à ce titre, j’appelle les collègues à voter en faveur de cet amendement.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1946.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 55
Contre 38
(L’amendement no 1946 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 90
Contre 26
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Après l’article 4 (amendements appelés par priorité)
M. le président
L’amendement no 1117 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
(L’amendement no 1117, repoussé par la commission et le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 255, 537, 1116, 1282 et 2371.
Sur les amendements n° 255 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christelle Petex, pour soutenir l’amendement no 255.
Mme Christelle Petex
Plutôt que de multiplier les exceptions sectorielles et dans l’objectif de simplifier la vie économique, l’amendement de M. Vincent Descoeur tend à relever de 40 000 à 100 000 euros le seuil en deçà duquel un marché, quel qu’en soit l’objet, peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables. Cette mesure permettra d’ouvrir plus largement les marchés publics aux TPE-PME, peu familiarisées avec les lourdes procédures de commande publique, et de générer des économies pour l’acheteur en lui ouvrant la possibilité d’adapter les moyens utilisés à la nature de son achat.
M. le président
L’amendement no 537 de Mme Josiane Corneloup est défendu.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1116.
M. Charles Sitzenstuhl
Deux raisons justifient à mes yeux de relever de 40 000 à 100 000 euros le seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence préalables. Nous le proposons tout d’abord pour envoyer un signal clair aux entreprises et aux collectivités, qui peuvent se perdre dans la multiplicité des seuils, mais nous avons également le souci de simplifier la vie des agents territoriaux et des élus locaux. Le traitement d’un dossier par une commission d’appel d’offres est lourd et chronophage pour les fonctionnaires chargés de préparer la décision et pour les élus qui la prennent. Si on relève le seuil, moins de dossiers passeront devant ces commissions. C’est une vraie mesure de simplification.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Pantel, pour soutenir l’amendement no 1282.
Mme Sophie Pantel
Cet amendement de Mme Sandrine Runel tend à faire passer de 40 000 à 100 000 euros le seuil en deçà duquel un marché peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables.
M. le président
L’amendement no 2371 de Mme Félicie Gérard est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Nous pouvons comprendre l’intention de ces amendements, inspirés par l’association France urbaine, mais tels qu’ils sont rédigés, ils ne donneraient pas les résultats escomptés. S’ils étaient adoptés en l’état, l’article L. 2122-1 du code de la commande publique disposerait ceci : « L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque sa valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxe dans les cas fixés par décret en Conseil d’État […].
On pourrait en conclure a contrario qu’en dehors des cas fixés par voie réglementaire, il n’est pas possible de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ce serait introduire une grande confusion dans les articles figurant au titre III du projet de loi. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous souhaitez relever à 100 000 euros pour tous les marchés le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables, faisant ainsi écho au rehaussement à 100 000 euros prévu pour les seuls marchés de travaux. Les seuils de publicité et de mise en concurrence fixés par notre droit ne sont pas d’importance secondaire car trois principes constitutionnels les sous-tendent : la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats, ce qui suppose d’avoir connaissance d’un marché, et la transparence de la procédure. Ce sont des garanties essentielles.
Les seuils actuels ont été fixés sous le contrôle du juge constitutionnel et ils doivent être adaptés à la nature des marchés concernés. Notre droit est plutôt compétitif en la matière puisque le seuil de 40 000 euros établi aujourd’hui pour les marchés de fournitures et de services se situe dans la moyenne européenne. Quant au seuil retenu pour les marchés de travaux, il est dérogatoire. L’étendre à tous les types de marché serait de nature à nous faire encourir un risque d’inconstitutionnalité. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Sous prétexte de simplifier la vie économique, il ne faudrait pas inaugurer la foire au grand n’importe quoi !
Mme Christelle Petex
Mais arrêtez donc !
Mme Claire Lejeune
Les règles de publicité et de mise en concurrence n’existent pas pour rien – Mme la ministre a rappelé les principes constitutionnels qui les fondent. C’est de l’argent public qui est en jeu. Si on relève le seuil à 100 000 euros, cela signifie que des marchés importants pourront être passés dans la plus parfaite opacité.
De surcroît, la publicité n’est pas seulement nécessaire pour garantir l’égalité de traitement, elle est aussi utile pour que, dans les communes, l’opposition municipale soit informée le plus tôt possible des conditions dans lesquelles le marché sera passé. C’est important pour notre vie démocratique de savoir de quelle manière l’argent public est dépensé et pour quel projet, surtout lorsque de tels montants sont en jeu. Or sans publicité et mise en concurrence, la transparence de la procédure ne peut être assurée.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous ne m’avez pas convaincu, madame la ministre. Le seuil de 100 000 euros existe déjà dans notre droit. En quoi relever à ce niveau les seuils inférieurs serait-il problématique ? D’autre part, vous avez fait référence à la Constitution mais, que je sache, la Constitution ne fixe pas les seuils des marchés publics, et ce que nous proposons ne va pas à l’encontre des principes que vous avez cités.
Monsieur le rapporteur, je veux bien admettre que la rédaction des amendements n’est pas parfaite mais si vous partagez l’objectif des signataires, ce dont vous n’avez rien dit, vous pourriez en proposer une nouvelle rédaction ou du moins nous indiquer le moyen d’inscrire cette proposition dans le titre III. En tout cas, on ne vous sent pas, aux bancs des commissions et du gouvernement, mus par la volonté d’avancer sur ce sujet.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
C’est vrai, les seuils ne sont pas fixés dans la Constitution et je n’ai fait que rappeler des principes constitutionnels essentiels avec lesquels je ne doute pas que vous soyez d’accord : liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence.
Vous dites ne pas comprendre pourquoi le seuil de 100 000 euros retenu pour les marchés de travaux ne pourrait pas être étendu à l’ensemble des marchés. Un marché de travaux de 100 000 euros et un marché de prestations de services de 100 000 euros, ce n’est pas la même chose – par prestations de services, j’entends des services intellectuels, de maintenance, de fonctionnement ; ce n’est pas la même nature de marché. La preuve en est que le droit européen fait la distinction en établissant des plafonds très différents selon la nature des marchés – plus de 5 millions d’euros pour les marchés de travaux mais pas plus de 221 000 euros pour les marchés de services.
Le seuil qui a été retenu pour les marchés de travaux est, je le répète, dérogatoire. L’étendre à tous les marchés nous ferait courir un risque d’inconstitutionnalité.
Mme Sophie Taillé-Polian
Et de corruption !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 255, 537, 1116, 1282 et 2371.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 89
Contre 28
(Les amendements identiques nos 255, 537, 1116, 1282 et 2371 sont adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1420, 1434 et 1449.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 1420.
Mme Danielle Brulebois
Il vise à rétablir un système innovant de dématérialisation de réponse à la commande publique pour alléger les démarches des candidats, en leur permettant de fournir l’ensemble des informations et pièces justificatives nécessaires à la candidature par la simple indication de leur numéro de Siret.
Ce nouveau service simplifierait considérablement les démarches des acheteurs et des entreprises, comme l’a fait le dispositif MPS – marché public simplifié –, dont l’efficacité et la simplicité ne sont plus à prouver.
En effet, rempli automatiquement grâce au numéro de Siret, ce formulaire en ligne permet de bénéficier de la reprise des données d’identité, de la raison sociale, de la forme juridique, du dirigeant principal, du chiffre d’affaires etc. Ce système permet de collecter les attestations et les certificats auprès des administrations de référence. Compte tenu des interfaces de programmation d’application prévues, cette plateforme pourrait garantir la validité des pièces et des certificats fournis par les candidats. Ce serait une véritable mesure de simplification pour les entreprises.
M. le président
L’amendement no 1434 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
L’amendement no 1449 de M. Vincent Descoeur l’est également.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Cette proposition est intéressante mais elle est déjà satisfaite par les articles R. 2143-13 et R. 2143-14 du code de la commande publique, en vertu desquels les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents justificatifs et les moyens de preuve que l’acheteur peut obtenir directement par le biais d’un système électronique. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’y serais défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je partage votre préoccupation, madame la députée, qu’un certain nombre de documents puissent être récupérés automatiquement, ce qui simplifierait la vie des entreprises répondant aux appels d’offres en les dispensant de ces tâches matérielles fastidieuses. Cependant, un projet fast track a été lancé dans le cadre de la démarche Dites-le nous une fois et sera bientôt opérationnel. Il permettra aux acheteurs, une fois le numéro Siret de l’entreprise indiqué sur la plateforme Place – c’est là un nouvel intérêt de cette plateforme, dont je défendais les mérites pour les collectivités territoriales –, de récupérer certaines informations que l’entreprise n’aura donc plus à fournir à nouveau.
Je vous invite par conséquent à retirer les amendements, d’autant que leurs dispositions entrent trop dans le détail pour trouver leur place dans une loi.
(Les amendements identiques nos 1420, 1434 et 1449 sont adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir les amendements nos 567 et 568, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Liliana Tanguy
L’économie circulaire est désormais une priorité en matière de commande publique : l’article 58 de la loi Agec impose en effet aux acheteurs des objectifs clairs en matière d’achat de produits issus du réemploi et de la réutilisation. Cela implique de leur donner les moyens d’agir efficacement et avec réactivité.
Or les procédures sont lourdes et mal adaptées à ces produits d’occasion – véhicules, matériel informatique ou équipements sportifs, par exemple –, souvent disponibles de façon ponctuelle et pour des durées très courtes.
De manière simple et pragmatique, et à l’image de ce qui se pratique déjà pour les achats innovants, l’amendement no 567 propose de permettre l’acquisition de produits d’occasion ou issu du réemploi et de la réutilisation par une procédure de gré à gré quand la valeur du marché est inférieure à 100 000 euros. Cela permettrait de faciliter les démarches et de sécuriser les échanges entre personnes publiques, par exemple pour la revente de matériel entre établissements de santé.
C’est donc une mesure de bon sens au service d’une commande publique plus agile et plus responsable, pleinement alignée avec nos engagements en matière de transition écologique.
Par ailleurs, depuis 2018, les acheteurs publics peuvent passer sans publicité ni mise en concurrence préalables des marchés de travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros. C’est un levier précieux pour ouvrir la commande publique aux start-up ainsi qu’aux TPE-PME innovantes.
Cependant, ce plafond est souvent jugé insuffisant pour certains besoins, notamment lors du passage à plus grande échelle d’une solution innovante ayant déjà fait ses preuves. L’amendement no 568 propose donc de porter ce seuil au niveau du seuil européen de procédure formalisée afin d’accroître le nombre de solutions innovantes éligibles à la procédure simplifiée.
C’est une mesure concrète, attendue par les acheteurs comme par les entreprises, qui concrétise l’une des recommandations du rapport parlementaire « Rendre des heures aux Français » en faveur d’une commande publique plus agile, plus efficace et plus ouverte à l’innovation.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
En raison de l’adoption des amendements no 255 et identiques, qui ont rehaussé le seuil de la commande publique dispensée d’appel d’offres, ces deux amendements sont satisfaits. Je demande donc leur retrait.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Plusieurs amendements passés et à venir tendent à relever le seuil en deçà duquel un marché est dispensé de publicité et de mise en concurrence préalables. À propos de ces amendements, et compte tenu de l’adoption de ceux qui tendaient à appliquer aux marchés de service le seuil de 100 000 euros prévu pour les marchés de travaux – seuil qui, je le répète, est déjà de nature dérogatoire –, je voudrais appeler votre attention sur le risque important d’une censure par le Conseil constitutionnel, qui aurait pour effet de remettre en cause l’ensemble des plafonds ainsi rehaussé.
J’émets donc un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président
Madame Tanguy, maintenez-vous les amendements ?
Mme Liliana Tanguy
La représentation nationale a tranché ! Je veux bien les retirer, même si je ne vois pas de raison d’y être défavorable.
M. Matthias Renault
Nous les reprenons !
(Les amendements no 567 et 568 sont adoptés.)
M. Inaki Echaniz
Monsieur Attal, vous votez les amendements du Rassemblement national ?
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Sur le fondement de l’article 95, alinéas 3 et 4, du règlement, aux termes desquels une réserve de priorité peut toujours être demandée en cours de séance, ainsi que des dispositions de notre règlement relatives à la clarté et la sincérité des débats parlementaires.
Il a été envisagé que la discussion de ce texte se poursuive lors du week-end de l’Ascension. Les dispositions de son article 15 ter – probablement les plus connues du projet de loi – concernent un sujet de société majeur, les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Je demande donc l’examen prioritaire de cet article, si possible dès maintenant, puisque nous sommes nombreux en séance. (Mêmes mouvements.)
J’ajoute que l’examen prioritaire est de droit s’il est demandé par la commission saisie au fond. J’en appelle donc à M. le président de la commission spéciale, qui a merveilleusement piloté nos débats, pour que les Français puissent avoir une explication rapide sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Article 4 bis A (appelé par priorité)
M. le président
Je laisse le président de la commission réfléchir à votre demande. En attendant, je donne la parole à Mme Manon Meunier, inscrite sur l’article.
Mme Manon Meunier
Nous sommes d’accord pour proroger le régime des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD), même s’ils ne sont pas la panacée. Nous regrettons d’avoir à instaurer ce genre de dispositif consistant à faire assumer par les porteurs de projets et ceux qui entament des travaux une part du financement que la puissance publique devrait prendre en charge.
Chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, nous votons une augmentation des budgets alloués à la rénovation énergétique. Il y a deux ans, l’enveloppe a été augmentée de 7 milliards, mais cette mesure à disparu, victime du 49.3. Nous ne pouvons que le regretter !
En effet, les économies d’énergie passent en premier lieu par des politiques de rénovation énergétique. Celles-ci doivent bénéficier de financements à la hauteur de l’enjeu et non soutenues à la marge par des dispositifs de paiement différé tels que celui prévu à l’article 4 bis.
Nous voterons cependant cet article car il constitue un moindre mal.
M. le président
Sur les amendements nos 1430 et 2401, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1430 et 1435.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 1430.
Mme Danielle Brulebois
Il vise à supprimer l’article 4 bis A, qui tend à proroger pour cinq années, soit jusqu’au 31 décembre 2030, l’expérimentation des MGPEPD dans le domaine des travaux de rénovation énergétique. La passation de MGPEPD constitue en effet une atteinte au principe d’allotissement des marchés publics et un outil de captation de ceux-ci au détriment des très petites entreprises du bâtiment.
Ce dispositif permet à un acheteur de confier à un seul opérateur économique une mission globale portant sur des travaux de performances énergétiques au périmètre très large, que l’article prévoit même d’étendre aux opérations d’autoconsommation individuelle telles que définies à l’article L. 315-1 du code de l’énergie.
Or, en plus d’être un principe structurant des marchés publics, la division des marchés en plusieurs lots est un outil essentiel pour garantir que les TPE accèdent à la commande publique. Ainsi, cet article va à l’encontre de l’esprit du présent projet de loi, qui entend précisément soutenir ces entreprises.
Les entreprises artisanales représentent 97 % des entreprises du bâtiment et maillent tous nos territoires. L’absence d’allotissement les priverait d’un accès à des marchés dont la taille est significative puisque le budget de MaPrimeRénov’ a été maintenu à hauteur de 2,4 milliards d’euros pour 2025.
M. le président
L’amendement no 1435 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Avis défavorable : normalement, la commande publique ne permet pas de paiement différé. S’il existe un dispositif dérogatoire, il ne peut concerner la rénovation de l’éclairage public.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Il me semble que ces amendements ne concernent pas l’éclairage public ; les amendements concernant ce sujet seront appelés plus tard dans la discussion.
Ma collègue Manon Meunier l’a dit, les MGPEPD nous semblent destinés à pallier l’incapacité des collectivités à financer des actions pourtant essentielles pour la bifurcation écologique. Ainsi, alors que toutes les communes demandent le maintien du fonds verts pour pouvoir mener à bien des projets de rénovation, ce fonds a fait l’objet de coupes à hauteur de 1,5 milliard.
En revanche, je n’ai pas très bien compris en quoi les MGPEPD iraient à l’encontre du principe de l’allotissement et donc des intérêts des TPE-PME du secteur du bâtiment, phénomènes sur lesquels alerte notre collègue Brulebois.
Pour ce que j’en sais, les MGPEPD peuvent concerner des projets de toutes tailles et bénéficier aussi aux plus petites entreprises du secteur du bâtiment – ce qui est bien sûr très important. Faute d’obtenir une clarification sur ce point, nous voterons plutôt contre ces amendements : ils tendent à remettre en cause un dispositif qui, certes, n’est qu’un palliatif, mais avec lequel il faut vivre en attendant que des sommes significatives permettent à nos collectivités de soutenir la bifurcation écologique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements nos 1430 et 1435.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 61
Contre 38
(Les amendements identiques nos 1430 et 1435 sont adoptés. En conséquence, l’article 4 bis A est supprimé.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Sur votre conseil, monsieur le président, j’ai pris le temps de réfléchir à la demande exprimée par notre collègue Pierre Meurin.
Je propose qu’au terme de l’examen de l’article 4 bis, nous suspendions la séance afin de réunir l’ensemble des représentants des groupes et des membres du bureau de la commission spéciale pour déterminer si cette demande peut faire l’objet d’un consensus au sein du bureau et, idéalement, obtenir l’accord d’une majorité des groupes de l’Assemblée.
M. le président
Vous me le rappellerez. Nous entamons l’examen de l’article 4 bis.
Article 4 bis (appelé par priorité)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
J’en profite pour demander à madame la ministre si elle peut apporter les précisions demandées par ma collègue Lejeune.
L’article 4 bis vise à pérenniser le relèvement à hauteur de 100 000 euros du seuil en dessous duquel un marché de travaux peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables, qui avait été institué à titre expérimental jusqu’à la fin de l’année.
Cette disposition peut sembler vertueuse car elle repose sur l’idée qu’il faut favoriser l’accès des TPE-PME aux marchés publics – il est vrai que, grâce à elle, ces entreprises auront moins de formalités à respecter.
Néanmoins, cette mesure présente plusieurs écueils. Tout d’abord, elle pourrait faciliter les pratiques de surfacturation. Certes, l’alinéa 3 prévoit que « [les] acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique ». En réalité, cependant, il n’est pas évident de savoir quelle offre est pertinente du point de vue de son montant, en particulier lorsqu’il s’agit d’un domaine très précis pour lequel aucune expertise particulière ne peut nous éclairer. D’autre part, il serait très difficile de procéder à des contrôles. Dans certains domaines, et selon l’endroit où l’on travaille, il est possible de justifier des surcoûts pour des raisons diverses.
Après avoir fait une recherche rapide, j’ai appris par exemple qu’en 2017, la commune de Saint-Maur avait constaté une surfacturation systématique de la part d’une entreprise, au point que la réfection d’un carré de trottoir lui coûtait trois fois plus que le prix normal.
Lorsque ce type de problème se pose, c’est la collectivité qui est perdante puisque c’est elle qui paie. Si l’on rehausse le seuil à 100 000 euros, on s’expose donc à des dérives d’autant plus coûteuses. Cette mesure présente un risque en matière de transparence et de bonne gestion de l’argent public.
On ne peut pas non plus nier le risque de favoritisme – en dépit, là encore, de ce qui est prévu par l’alinéa 3 – parce qu’il serait alors plus simple de privilégier un ou quelques interlocuteurs que l’on connaît bien. L’expression « ne pas contracter systématiquement » est en effet un peu floue : on pourrait par exemple avoir recours, alternativement, aux deux ou trois mêmes opérateurs, sans que ce soit systématique.
M. le président
Votre temps de parole s’est écoulé depuis bien longtemps !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Si l’on généralise un rehaussement du seuil pour les marchés, on fait peser un risque de favoritisme, ce qui est inacceptable.
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 2253 et 713, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 2253 de M. Charles Alloncle est défendu.
Je ne vois pas M. Croizier ni Mme Bergantz, signataires de l’amendement no 713. Nous allons donc passer aux avis sur le no 2253.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il est défavorable, comme sur les amendements nos 255 et suivants adoptés tout à l’heure. Vous proposez de rehausser le seuil permettant de conclure un marché de travaux sans publicité en le faisant passer de 100 000 à 150 000 euros hors taxe, sachant que le seuil de 100 000 euros constitue déjà une dérogation.
Une nouvelle fois, je vous invite à mesurer le risque de censure constitutionnelle que font peser tous ces amendements. Les nouveaux plafonds qu’ils ont institués pourraient alors être remis en cause. Vous risquez de tout perdre.
M. le président
Je vous annonce que, sur l’amendement no 255, j’ai été saisi, in extremis, par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
J’en profite pour inviter les groupes qui demandent des scrutins publics, comme ils en ont parfaitement le droit, à le faire suffisamment tôt pour éviter que nous perdions trop de temps.
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Je me rallie aux arguments développés par Mme la ministre. De 18 000 euros, nous avons d’abord fait passer le seuil à 40 000 puis à 100 000 euros. Vous proposez à présent qu’il atteigne 150 000 euros, ce qui n’est franchement pas raisonnable, au-delà même du risque d’inconstitutionnalité que présente une telle mesure – comme, d’ailleurs, à peu près les deux tiers des mesures de ce texte. Le Conseil constitutionnel aura beaucoup de travail puisqu’il devra annuler nombre de dispositions qui auront été votées ici ! Le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. le président
Je suis saisi de deux nouvelles demandes de scrutin public : sur les amendements nos 1948 et 1920 rectifié par le groupe Rassemblement national et sur l’article 4 bis par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
J’approuve à mon tour les arguments de la ministre. Nous avons décidé de relever le seuil à 100 000 euros au moment de la crise du covid. Il convient d’établir un bilan sérieux de cette mesure avant d’aller plus loin et de passer à 150 000 euros. Notre collègue Stambach-Terrenoir évoquait tout à l’heure l’existence de certains risques. Faisons confiance aux élus en maintenant ce seuil relevé à 100 000 euros mais prenons garde à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.
M. le président
M. Laurent Croizier, qui vient d’arriver dans l’hémicycle, souhaite soutenir son amendement no 713. Je lui donne la parole.
M. Laurent Croizier
Il vise à relever le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux en le faisant passer à 143 000 euros. En effet, les directives européennes imposent une telle procédure uniquement à partir de ce montant. Dès lors, il n’y a aucune raison pour que nous fixions un seuil plus bas.
Un tel rehaussement aurait pour effet de simplifier la commande publique, conformément à l’objectif du projet de loi. Les acheteurs publics pourraient conclure plus rapidement des marchés en étant débarrassés de lourdes formalités. Par ailleurs, cette disposition permettrait d’ajuster le cadre légal aux réalités économiques et de soutenir l’économie locale en facilitant l’accès des TPE et PME à la commande publique.
En résumé, une telle mesure donnerait plus de liberté aux élus locaux tout en maintenant l’exigence de bonne gestion des fonds publics. Si l’Europe considère que le seuil de 143 000 euros est raisonnable, il n’y a aucune raison de ne pas nous aligner sur ce montant.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Favorable au no 713 plutôt qu’au no 2253.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je rappelle que le seuil de 100 000 euros constitue déjà une dérogation par rapport au seuil de droit commun, qui est de 40 000 euros.
Quant aux seuils européens, ils définissent le champ d’application des procédures formalisées, encadrées au niveau de l’Union, pour des marchés qui, par définition, sont plus importants.
Je le redis, la fixation des plafonds doit respecter les principes constitutionnels d’égalité de traitement des candidats, de liberté d’accès à la commande publique et de transparence des procédures. À l’intérieur de ce cadre, des dérogations peuvent certes être prévues – comme le rehaussement de 40 000 à 100 000 euros déjà évoqué –, mais aller au-delà nous exposerait à une censure du Conseil constitutionnel, dont la conséquence serait l’annulation des mesures de relèvement des plafonds prévues par les amendements adoptés cet après-midi et le retour au seuil de 40 000 euros dans tous les cas. Un tel risque n’est pas négligeable – nous avons connu d’autres exemples il n’y a pas très longtemps.
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Barèges.
Mme Brigitte Barèges
Par souci de simplification et d’harmonisation, je retire l’amendement no 2253 au profit du no 713. Au passage, les élus locaux savent bien qu’un montant de 40 000 euros pour un marché public, ce n’est vraiment pas grand-chose.
(L’amendement no 2253 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Croizier.
M. Laurent Croizier
Même si je pense que le no 713 est un bon amendement, je le retire, en raison du risque d’inconstitutionnalité que vous avez évoqué, madame la ministre. (« Il est repris ! » sur les bancs du groupe RN.)
Mme Brigitte Barèges
Dans ce cas, je le reprends !
M. le président
Je vais donc mettre aux voix l’amendement no 713 – par scrutin public, même si je n’ai pas été saisi d’une demande formelle sur celui-ci.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 57
Contre 54
(L’amendement no 713 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 1948.
M. Matthias Renault
N’y allons pas par quatre chemins : nous proposons d’introduire la préférence nationale, ou plutôt locale, pour les marchés de travaux passés sans mise en concurrence préalable ni publicité – inférieurs à 143 000 euros, donc, compte tenu de l’adoption de l’amendement précédent.
Vous me répondrez sans doute que le droit de l’Union européenne interdit une telle disposition – ce que nous regrettons, d’ailleurs.
Mais, d’abord, l’amendement, tel qu’il est rédigé, prévoit que les acheteurs « veillent à choisir » une entreprise « locale » – et non nationale.
Ensuite, puisqu’il s’agit de marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, leur passation constitue déjà une entorse au principe de libre concurrence. Par conséquent, du point de vue du droit de l’Union, l’introduction d’une préférence locale est moins grave que si l’amendement portait sur les marchés publics nécessitant une procédure formalisée.
Enfin, dans les faits, dans la vraie vie, la préférence locale est déjà à l’œuvre, même si on y a recours sans le dire. Elle peut ainsi s’exprimer à travers certaines pratiques, à l’instar de celles qui prennent en compte le critère environnemental, ou encore, pour donner un exemple précis, lorsque les collectivités locales décident de limiter le nombre d’intermédiaires dans les marchés de restauration collective. Notre amendement invite simplement les acheteurs à faire ce choix – sans non plus les y obliger. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je pourrais presque me retrouver dans les arguments que vous avez développés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Cependant, vous ne vous vous contentez pas de donner aux acheteurs la possibilité de faire appel à une entreprise locale ; vous leur imposez cette intention. Or les collectivités peuvent déjà mettre cette préoccupation en avant. Je trouve donc dommage de faire figurer ce critère dans la loi et de restreindre ainsi leur liberté. Je préfère faire confiance aux élus locaux.
Pour justifier mon avis défavorable sur cet amendement, je n’invoquerai donc pas l’argument de la réglementation européenne, contrairement à ce que vous suppposiez, mais le principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1948.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 56
Contre 50
(L’amendement no 1948 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 1920 rectifié.
M. Emmanuel Maurel
Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à chercher des solutions pour que les entreprises locales ou nationales ne soient pas systématiquement défavorisées en matière d’accès aux marchés publics.
En la matière, tout le monde connaît l’état du droit, notamment européen. On peut le contester – je l’ai moi-même fait pendant des années au sein des institutions européennes –, mais ce qui importe, c’est de trouver des solutions.
J’ai regardé la réglementation et la jurisprudence, qui évolue depuis un certain nombre d’années, notamment en prenant en compte l’impact écologique de certains travaux. J’ai également observé ce que font nos voisins, notamment les Allemands, qui protègent beaucoup mieux leurs entreprises locales et nationales que nous ne le faisons.
Je propose donc une rédaction de l’alinéa 3 susceptible de favoriser davantage les entreprises locales sans pour autant contrevenir à l’état du droit. Il s’agit d’ajouter les mots : « , et à permettre l’accès aux marchés de travaux d’entreprises, notamment petites et moyennes, concourant au développement de l’économie locale par l’emploi des travailleurs habitant le bassin d’emploi correspondant ou par le déploiement d’un modèle économique caractérisé par des circuits courts. » Cette formulation, qui prend en compte la jurisprudence, s’inspire d’autres pays qui font la même chose, de manière plus audacieuse que nous, sans être sanctionnés par les juridictions. Cela peut être une voie pour favoriser l’emploi local et national, ce à quoi nous aspirons tous.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable. De façon classique, l’alinéa 3 rappelle que les acheteurs qui attribuent des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence doivent respecter les grands principes de la commande publique : ils doivent choisir une offre pertinente, bien utiliser les deniers publics et éviter de contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres. Or l’adoption de votre amendement aurait pour effet de supprimer ce dernier critère.
Je comprends votre souci de soutenir les entreprises locales et les bassins d’emploi, mais les éléments que vous souhaitez ajouter ne seraient pas placés au bon endroit, dans la mesure où il ne relèvent pas des principes fondamentaux de la commande publique.
Cet ajout serait également contraire au droit européen puisqu’il implique de façon incidente un critère géographique. Ainsi, votre amendement pourrait fragiliser la disposition dérogatoire que l’article 4 bis tend à proroger.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je voudrais rappeler que plus de 98 % des marchés publics, en France, sont attribués à des entreprises françaises. C’est en particulier le cas dans les collectivités locales les plus petites, communes et établissements publics de coopération intercommunale, et probablement aussi dans les départements et les régions.
Par ailleurs, le dispositif que proposez est contraire au droit européen et au principe constitutionnel de l’égalité de traitement des candidats.
Mais surtout, les collectivités territoriales peuvent déjà rédiger les cahiers des charges en tenant compte des spécificités des TPE et des PME, ou encore intégrer des critères comme la qualité des produits, le périmètre considéré, la performance des offres ou la protection de l’environnement – sur laquelle vous insistez.
Ce que vous souhaitez est donc déjà possible. En outre, comme je l’ai déjà indiqué à propos de l’amendement précédent, je préfère laisser aux élus locaux la liberté de choisir plutôt que de leur imposer des critères.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Nous voterons cet amendement. Nous devons trouver des solutions pour privilégier les entreprises locales, notamment les TPE et les PME qui perdent souvent des appels d’offres faute de pouvoir y répondre rapidement.
Certes, l’amendement ne va pas dans le sens de la pure concurrence. Mais privilégier les TPE et PME locales, c’est aussi favoriser l’approvisionnement local, réduire les trajets et assurer le développement des communes rurales et des territoires, autant d’objectifs que se fixe l’Europe même. La disposition proposée est donc pertinente, d’autant qu’elle n’aurait pas pour effet de rogner sur la publicité des marchés, à laquelle nous tenons pour garantir la transparence de la vie publique. Il faut favoriser la transition écologique, l’emploi local et l’aménagement, parce que la concurrence pure tend à privilégier les grands groupes et donc l’ultra-libéralisation et l’ultra-métropolisation, aux dépens des entreprises locales qui font vivre nos territoires.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
La formulation de l’amendement est très prescriptive. Elle revient à diminuer la liberté de choix pour l’acheteur en lui imposant de sélectionner les entreprises correspondant aux critères qu’elle définit.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1920.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 108
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 82
Contre 26
(L’amendement no 1920 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 87
Contre 23
(L’article 4 bis, amendé, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1537 par le groupe Écologiste et social, et sur l’article 4 ter par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
L’exercice de la démocratie demande parfois du temps, mais je souhaitais que les représentants des groupes s’expriment et que nous mettions aux voix entre groupe la demande de M. Pierre Meurin d’examen prioritaire de l’article 15 ter. Sur les onze groupes politiques que compte notre assemblée, cinq l’ont acceptée, six l’ont refusée. En conséquence, même si je suis en mesure de le demander en tant que président de la commission spéciale, je choisis de respecter la démocratie : je ne propose pas l’examen en priorité qui a été évoqué. (Mme Anne Stambach-Terrenoir ainsi que MM. Nicolas Bonnet et Gérard Leseul applaudissent.)
Article 4 ter (appelé par priorité)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 2109 et 1537, pouvant être soumis à une discussion commune, qui tendent à rétablir l’article 4 ter, supprimé par la commission.
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 2109.
M. Emmanuel Maurel
L’amendement tend à rétablir l’article dans une rédaction qui permette de considérer « comme innovants les travaux, les fournitures ou les services dont les incidences énergétiques et environnementales sont significativement réduites par rapport aux solutions existantes ». Tous les matériaux qui sont issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondent manifestement à des pratiques innovantes. En rétablissant l’article, qui présentait un intérêt de ce point de vue, nous devons les y intégrer.
La solution que je propose me semble consensuelle. Elle témoignerait de notre engagement en faveur de la transition écologique.
M. le président
La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir l’amendement no 1537.
Mme Lisa Belluco
L’esprit est le même. L’amendement vise à rétablir la proposition d’inclure les biens issus du recyclage et du réemploi dans la catégorie des achats innovants. Il a été élaboré en collaboration avec l’Institut national de l’économie circulaire (Inec).
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
L’article ayant été supprimé par la commission, celle-ci est défavorable à sa réintroduction.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement tend à modifier la définition des achats innovants telle qu’elle existe dans le code de la commande publique. Or cette définition permet de recourir à des procédures dérogatoires au droit commun de la commande publique, qu’elle assouplit, et elle est directement issue de directives européennes.
J’ajoute que la définition que vous proposez pourrait faire naître une présomption d’innovation qui serait contraire au droit européen. Elle porterait atteinte à la sécurité juridique des marchés innovants.
Pour toutes ces raisons, l’avis du gouvernement est donc vraiment très défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous soutenons le rétablissement de l’article 4 ter, car la définition actuelle des achats innovants pose problème : elle est trop large et trop floue et dénote une fétichisation de l’innovation, qui serait bonne par principe.
L’innovation doit être articulée à un contenu politique, à des objectifs considérés comme étant d’intérêt général. Cet article apporte des précisions bienvenues à la définition actuelle des achats innovants, pour y introduire, justement, de tels objectifs.
Les amendements nos 2109 et 1537 sont néanmoins assez différents. Le premier, dont Emmanuel Maurel est l’auteur, vise à restreindre et à préciser la notion d’achat innovant, ce à quoi nous sommes favorables, compte tenu de son flou actuel, tandis que le second étend cette définition à un certain type de biens, sans toutefois rien préciser vraiment.
Preuve du caractère fourre-tout de la notion et des problèmes qu’elle peut poser – rappelons qu’elle permet de déroger au principe de publicité des marchés publics –, le ministère de l’économie mentionne sur son site, entre autres exemples d’achats de solutions innovantes, la fourniture d’une intelligence artificielle par des bornes « qui peuvent voir, entendre, parler et réagir face aux visiteurs /citoyens d’un lieu public pour délivrer des services ». Pardon, mais voilà une question politique importante : avons-nous réellement envie qu’une solution d’intelligence artificielle accueille les personnes dans les lieux publics ? (Mme Clémence Guetté applaudit.)
On trouve, dans le même document, parmi les exemples d’achats de solutions innovantes, la « conception d’objets promotionnels sous forme de bonbons à l’occasion de la Coupe du monde de rugby ». Cette notion d’achats innovants, c’est n’importe quoi. La préciser est une bonne chose.
M. Jean-Luc Fugit
Vous n’avez rien compris !
M. le président
Merci, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
(L’amendement no 2109 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1537.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 21
Contre 64
(L’amendement no 1537 n’est pas adopté ; en conséquence, l’article 4 ter demeure supprimé.)
Article 4 quater A (appelé par priorité)
M. le président
Sur les amendements nos 2036 et 1950 et sur l’article 4 quater A, je suis saisi respectivement par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Rassemblement national et Ensemble pour la République de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Manon Meunier, qui souhaite s’exprimer sur l’article, mais je suis magnanime. Je veux bien répondre à toutes les demandes de scrutins publics et d’inscriptions sur les articles, mais efforcez-vous de me les adresser à temps. Vous connaissez la procédure qui régit nos discussions.
Mme Manon Meunier
Merci beaucoup, monsieur le président. Nous serons plus vigilantes et vigilants.
L’article 4 quater A est important et nous y sommes fortement opposés. Il vise à réserver les lots d’un marché aux jeunes entreprises innovantes (JEI), mais ce dispositif, qui existe déjà, est habituellement destiné aux structures employant des personnes éloignées de l’emploi – qui travaillent en établissements et services d’aide par le travail (Esat) ou qui suivent un parcours de réinsertion.
Les JEI sont censées être à la pointe de l’emploi et y avoir accès, et donc pouvoir se passer de ce type d’aides. Vouloir leur attribuer en priorité les lots d’un marché public, c’est exposer les personnes éloignées de l’emploi, qui ont réellement besoin d’une priorité d’accès aux marchés publics, à une concurrence inutile.
Les entreprises facilitant la réinsertion sur le marché du travail sont fondamentales pour rapprocher les personnes de l’emploi et lutter contre leur isolement, mais aussi pour atténuer les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap à trouver du travail. Les marchés publics doivent les aider, sans accorder de priorité aux jeunes entreprises innovantes.
D’ailleurs, l’octroi de cette priorité ne serait-il pas contradictoire à la logique qui veut que dans la start-up nation, les start-up n’aient pas besoin des cadeaux de l’État ? Pour ces raisons, nous sommes très défavorables à cet article.
M. le président
Nous en venons aux amendements. La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 2036, tendant à supprimer l’article 4 quater A.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il est ici question de marchés publics qu’il est possible de réserver, au-delà d’un certain montant, à des secteurs particuliers. Cette dérogation au droit européen favorisant la libre concurrence est justifiée par le fait que les secteurs concernés servent l’intérêt général.
Actuellement, ces marchés réservés concernent les opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés et défavorisés, mais aussi aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’article 4 quater A tend à changer la philosophie avec laquelle ont été conçus les marchés réservés : ils ne serviraient plus à défendre l’intérêt général, mais à favoriser des start-up dites innovantes en matière de recherche et développement.
Les start-up innovantes bénéficient déjà d’exonérations fiscales et sociales. La plupart d’entre elles sont subventionnées sans obligation de résultat – le programme France 2030 a justement pour objectif de les soutenir à hauteur de plusieurs milliards d’euros.
Si vous voulez encourager la recherche et le développement, il faut plutôt donner des moyens humains et financiers à nos universités et à nos laboratoires de recherche. (Mme Manon Meunier applaudit.) Continuer à financer des start-up dont la viabilité n’a même pas été vérifiée, c’est irresponsable et idéologique.
Quand on investit dans le secteur public, on sait où va l’argent engagé. Ce n’est pas le cas lorsqu’on investit dans le secteur privé. La commande publique est un outil puissant pour défendre une orientation politique : si l’on veut favoriser un secteur, il doit donc être d’intérêt général et prouver son utilité publique, sociale ou écologique. Nous sommes donc farouchement opposés à cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Il est défavorable, puisque l’article 4 quater A a été introduit dans le texte en commission. De plus, je n’ai pas bien compris la défense de notre collègue : pourquoi opposer les entreprises de l’ESS et les jeunes entreprises innovantes ? De plus, certaines entreprises de l’ESS peuvent déjà accéder à des marchés réservés.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous voulez ôter aux acheteurs la possibilité de réserver 15 % du montant total des lots de leur marché aux jeunes entreprises innovantes, quand bien même ils jugeraient cela utile ou pertinent. Vous évoquez, ce qui m’a choquée, des « cadeaux » de l’État. Il ne s’agit pas de distribuer des cadeaux, mais plutôt de laisser de la liberté aux acteurs. Si un marché tend à soutenir les jeunes entreprises innovantes, cette disposition sera utile.
Vous ne pouvez pas opposer la volonté des acheteurs à la possibilité de réserver des lots à des entreprises qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés ou à des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire. Cette possibilité me paraît très bonne et nous devons continuer de la défendre, sans l’opposer à une autre ou restreindre les choix des acheteurs.
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Nous n’opposons pas les start-up et les entreprises favorisant l’insertion ou implantées dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. La priorité offerte à ces dernières est liée au fait qu’elles recrutent des personnes éloignées de l’emploi ou en situation de handicap, ce qui peut les rendre moins concurrentielles qu’une start-up ou une entreprise innovante. L’article 4 quater A tend à créer des disparités et, que le terme de « cadeaux » soit adapté ou non, vous favoriserez les entreprises innovantes aux dépens des entreprises de réinsertion ou de celles qui emploient des personnes en situation de handicap, qui ont cruellement besoin du soutien que constitue la priorité d’accès à des marchés publics.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, suppléant M. Ian Boucard, président de la commission spéciale.
M. Gérard Leseul, suppléant M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Madame la ministre, vous avez répondu au sujet de l’application des marchés réservés aux entreprises de l’ESS. Je reconnais que l’amendement est quelque peu exclusif, puisqu’il tend à supprimer le dispositif que vous proposez au bénéfice des entreprises innovantes, mais n’oublions pas que les entreprises de l’ESS peuvent être, du point de vue social, très innovantes.
Vous avez indiqué que les entreprises de l’ESS bénéficiaient déjà d’une priorité d’accès aux marchés publics, mais ce n’est pas vrai de toutes. Nous souhaitons donc au moins votre soutien à des mesures permettant de les faire profiter d’adaptations spécifiques des règles d’organisation des marchés publics.
Il y a longtemps, les coopératives disposaient d’un cadre réservataire et désormais, nous envisageons de limiter cette réserve à 15 % du montant total des lots d’un marché public : nous devrions revenir à des positions plus généreuses pour l’ensemble des entreprises de l’ESS – les sociétés coopératives de production (Scop), les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) ou encore les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) – qui tentent de travailler autrement, qu’elles emploient ou non des travailleurs handicapés. Elles ne sont pas nécessairement intégrées dans votre propos.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2036.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 28
Contre 78
(L’amendement no 2036 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Manon Bouquin, pour soutenir l’amendement no 1950.
Mme Manon Bouquin
Le statut de JEI a été créé pour soutenir des entreprises qui prennent des risques, qui investissent massivement en recherche et développement et qui innovent dans les secteurs stratégiques de demain. Aujourd’hui, un verrou s’oppose encore à leur développement, je veux parler de l’accès aux marchés publics.
Ce verrou est très robuste, puisque 88 % des JEI déclarent rencontrer des obstacles majeurs lorsqu’elles veulent répondre à un marché public : manque de lisibilité, complexité juridique, poids des références demandées, délais de paiement, etc. Les problèmes sont nombreux !
C’est ainsi que seulement 2,6 % des achats de l’État ont profité aux PME innovantes en 2022. C’est largement insuffisant. Il s’agit même d’un non-sens économique, puisque ces jeunes entreprises détiennent ce que nous cherchons, à savoir des solutions concrètes dans le numérique souverain, dans la cybersécurité, dans la transition énergétique, dans la santé ou dans l’industrie du futur, mais elles restent écartées du jeu, alors que la commande publique devrait plutôt leur servir d’accélérateur de croissance !
C’est pourquoi nous proposons simplement de doubler de 15 à 30 % la part du montant total des marchés pouvant être réservés aux JEI dans le cadre de l’allotissement. Il ne s’agit pas de créer une obligation ni une contrainte, mais de laisser la possibilité aux acteurs publics de soutenir l’innovation nationale. Cela relève du bon sens économique et c’est un acte de foi dans notre écosystème, un signal de confiance envoyé à tous ceux qui innovent : c’est ainsi que l’on structure des filières, que l’on crée des emplois non délocalisables, que l’on fait émerger les champions industriels de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Le trop est l’ennemi du bien. Le fait de réserver 15 % des marchés publics aux JEI a été voté en commission il n’y a pas si longtemps ; un pas a été fait. Chercher à multiplier ce taux par deux risquerait de fragiliser l’article dans sa version actuelle, voire de le remettre en cause. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je partage votre intérêt pour les JEI et votre volonté de leur donner plus d’importance. On ne peut que se retrouver dans votre propos. Néanmoins, pour aller dans le sens du rapporteur, n’oublions pas que le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants a été relevé par le présent texte de 100 000 à 143 000 euros, ce qui est relativement important ; et que le fait de réserver 15 % aux JEI constitue également une nouveauté. Le présent texte contient donc deux dispositions favorables aux JEI. Or votre amendement fait peser un risque de censure constitutionnelle qui pourrait remettre en cause ces avancées. J’appelle votre attention sur ce point : il y a un vrai risque de tout perdre. J’émets donc un avis est défavorable.
M. le président
Madame Bouquin, vous maintenez votre amendement ?
Mme Manon Bouquin
Oui.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous avons, avec le statut de jeunes entreprises innovantes, créé en 2004, le même problème qu’avec la notion d’achats innovants : la manière dont ces dispositifs s’articulent à des objectifs politiques reste floue. Comment les relier à l’intérêt général ? Au reste, ces JEI sont déjà largement soutenues par de nombreuses mesures : une exonération d’impôt sur les bénéfices, une exonération d’impôt sur les plus-values de cession de titres pour les associés de la JEI, ou un allégement des cotisations sociales patronales sur les salaires versés au personnel participant à la recherche. Nous avons utilisé le mot « cadeau », tout à l’heure : je suis désolée qu’il vous ait choqués, mais les JEI bénéficient déjà de nombreuses mesures de soutien. Il n’est d’ailleurs pas si curieux de voir le RN voler au secours de la start-up nation macroniste…
M. Thierry Tesson
L’argument ultime !
Mme Claire Lejeune
…vu les alliances qui se dessinent sur de nombreux points du texte.
M. Emeric Salmon
Vous êtes bien placés pour parler d’alliance avec la Macronie !
Mme Claire Lejeune
En l’occurrence, il me paraît extrêmement délétère d’accorder encore plus de largesses aux JEI – jusqu’à 30 % des marchés publics ! – alors que le flou subsiste quant aux objectifs politiques, et que ces entreprises – précisément parce qu’elles sont jeunes – n’ont parfois pas encore fait leurs preuves. Parce que nous sommes fermement opposés à l’article, nous nous opposons de la même manière à l’amendement.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous ne devrions pas transformer ce débat en un affrontement idéologique. Il n’est pas question d’être pour ou contre la start-up nation, dans le cas d’espèce. Nous parlons de PME de moins de huit ans qui investissent dans la recherche et développement. On peut d’ailleurs estimer qu’en huit ans, on est au-delà des fameuses deux premières années qui permettent d’éprouver la viabilité d’une entreprise.
Nous cherchons à soutenir ces entreprises, non pas au moyen d’un cadeau fiscal ou une exonération sociale, mais en laissant la possibilité au pouvoir adjudicateur de privilégier une JEI. Il ne s’agit pas de l’y obliger mais de lui laisser la liberté de le faire ; ce n’est donc pas un cadeau accordé aux JEI.
Pourquoi proposons-nous de réserver à ces dernières 30 % des marchés publics plutôt que 15 % ? Parce que ce taux de 15 %, si je me fie au texte, renvoie au montant total des lots des marchés concernés. Un lotissement assez conséquent est donc nécessaire pour que les JEI puissent accéder à ces marchés – il faut qu’un des lots représente moins de 15 % du montant total. Or en rehaussant ce taux à 30 %, nous élargirions le dispositif, afin que certains marchés faiblement allotis n’en soient pas exclus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1950.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 61
Contre 53
(L’amendement no 1950 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 quater A, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 90
Contre 26
(L’article 4 quater A, amendé, est adopté.)
Après l’article 4 quater A (appelé par priorité)
M. le président
Sur l’amendement no 2416, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 2416, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2756.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
La possibilité de réserver aux JEI 15 % du montant total des lots pour tous les marchés de travaux, fournitures ou services innovants a été adoptée. Nous avons cependant omis d’inclure les marchés publics de défense et de sécurité innovants. Par cet amendement, je vous propose de corriger cette omission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Favorable.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 2756.
Mme Danielle Brulebois
L’amendement du gouvernement est excellent mais, si je peux me permettre, quelque peu réducteur : nous pourrions également inclure les entreprises en reconversion ou en transition.
En mars 2025, la France s’est dite prête à franchir un cap audacieux en mobilisant ses industries civiles pour doper ses capacités de défense. Le ministre des armées a ainsi lancé une campagne importante. Plus que jamais, notre pays doit se réarmer pour défendre la paix. Nous avions fait le bon choix en 2022, en votant la loi de programmation militaire, qui a fait passer le budget de la défense de 32 milliards d’euros en 2017 à 50 milliards en 2025, ce qui représente beaucoup de travail pour nos entreprises, et de nombreux emplois.
Dans le Jura, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) a d’ailleurs reçu le général Arnaud Bourguignon, représentant le ministre des armées, ainsi que l’attaché de la direction générale de l’armement (DGA), pour présenter à quatre-vingts entreprises jurassiennes les possibilités offertes par l’industrie de la défense, au-delà de ses partenaires habituels. Cela a suscité un immense espoir, par exemple parmi les TPE et PME sous-traitantes de l’industrie automobile qui produisent des moteurs thermiques et sont donc obligées d’innover pour se reconvertir.
Sous-traitants et chaînes de montage pourraient notamment se reconvertir dans la production de drones de combat ou de turbines énergétiques alimentant des bases militaires dernier cri, tandis que les laboratoires de chimie, aujourd’hui très controversés, pourraient produire des explosifs de nouvelle génération. On parle bien ici de reconversion, de transition et d’innovation : les usines concernées, ainsi adaptées, pourraient maintenir les emplois tout en produisant des milliers d’unités en un temps record, accomplissant une prouesse utile aux acteurs traditionnels de l’armement.
De telles innovations technologiques, provenant de secteurs variés, sont nécessaires autant qu’indispensables. Elles ne seraient pas forcément le fait de jeunes entreprises, mais en tout cas d’entreprises en reconversion et en transition.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable, car l’amendement du gouvernement vise à réserver 15 % des marchés de défense ou de sécurité innovants aux JEI, soit un dispositif parallèle à celui que nous avons voté à l’article 4 quater A. Votre sous-amendement, parce qu’il tend à inclure les entreprises en reconversion ou en transition, casserait ce parallélisme des formes ; nous perdrions aussi en précision.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il est également défavorable : le sous-amendement modifie en effet complètement le sens de l’amendement du gouvernement, qui ne tend qu’à élargir le périmètre du dispositif prévu à l’article précédent, en conservant les mêmes conditions pour les deux types de marchés publics, là où vous souhaitez prévoir des conditions particulières pour les seuls marchés de défense et de sécurité innovants.
Madame Lejeune, les jeunes entreprises innovantes sont définies par le code général des impôts de manière très précise et très claire, de même que les achats innovants par le code de la commande publique. Je le signale car votre intervention laissait penser qu’il y aurait un flou.
M. le président
Maintenez-vous votre sous-amendement, madame Brulebois ?
Mme Danielle Brulebois
S’il met en péril le dispositif, je le retire.
(Le sous-amendement no 2756 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup
Je comprends la nécessité de réserver 15 % des marchés publics aux jeunes entreprises innovantes et de ne pas briser le parallélisme entre les deux articles, mais il me paraît important de signaler que nous pourrions peut-être également privilégier des entreprises locales.
Mme Anne-Laure Blin
Elle a raison !
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune. Mme Corneloup ne semblait être ni pour ni contre l’amendement : je ne vous demande donc pas votre position.
Mme Claire Lejeune
Parce que nous sommes cohérents avec nos précédentes interventions, nous sommes contre l’article que le gouvernement cherche à insérer par voie d’amendement.
Je voulais rebondir sur la présentation du sous-amendement de notre collègue Brulebois. Cette dernière évoquait le réarmement à venir de la France, comme si la représentation nationale avait déjà avalisé…
M. le président
Le sous-amendement de Mme Brulebois ayant été retiré, je vous prie de vous concentrer sur l’amendement du gouvernement. (M. Claire Lejeune renonce à poursuivre son intervention.)
M. Alexandre Dufosset
On veut parler des ZFE !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2416.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 88
Contre 28
(L’amendement no 2416 est adopté.)
M. le président
Sur l’article 4 quater B, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme Manon Meunier
Je demande une suspension de séance.
M. le président
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 4 quater B (appelé par priorité)
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
L’article 4 quater B tend à relever à 143 000 euros le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux, fournitures ou services innovants. Nous y sommes défavorables. Nous sommes conscients que la procédure de publicité peut être lourde pour certaines entreprises et PME locales. Cependant, nous insistons sur le fait que la solution doit passer par l’instauration de critères privilégiant les entreprises locales, comme l’ont proposé M. Maurel et Mme Blin par leurs amendements, afin de développer l’emploi local et dans certaines filières de réinsertion, sans rogner sur les exigences de publicité et donc sur la transparence de la commande publique.
Nous sommes opposés au relèvement de ce seuil. Bien qu’il soit présenté comme une façon de favoriser l’innovation dans la commande publique et l’accès des start-up françaises et européennes à celle-ci, il pourrait entraîner des dérives dans l’utilisation de l’argent public ou de l’arbitraire, voire du favoritisme. Nous voterons contre cet article.
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 quater B.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 54
Contre 21
(L’article 4 quater B est adopté.)
Article 4 quater (appelé par priorité)
M. le président
L’article 4 quater a été supprimé par la commission spéciale.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1013, 2496, 1539 et 2028, tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1539 et 2028 sont identiques.
Sur tous ces amendements, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Écologiste et social de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 1013.
Mme Julie Ozenne
Cet amendement vise à réintroduire ce qui a été supprimé en commission spéciale, à savoir les restrictions de participation aux marchés publics des personnes qui n’ont pas rempli leurs obligations, en particulier le dépôt au greffe du tribunal de leurs comptes annuels. Nous proposons même de renforcer cette condition, puisque les entreprises devront respecter les délais fixés en la matière par le code de commerce pour participer à une procédure de passation de marché public.
D’autre part, l’amendement tend à exclure les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de reporting en matière de durabilité et celles qui n’ont pas publié de plan de transition destiné à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 2496.
M. Hendrik Davi
Les experts du climat estiment que nous suivons actuellement une trajectoire d’augmentation globale de 3 degrés Celsius à l’horizon 2100, ce qui représentera une hausse de 4 degrés en France. Nous avons connu cette semaine des illustrations frappantes du réchauffement climatique (M. Thierry Tesson s’exclame) : près de 50 degrés au Moyen-Orient et au Pakistan.
M. Emeric Salmon
Au Pakistan ?
M. Hendrik Davi
Cet amendement vise à encourager le verdissement de la commande publique et à la rendre conforme aux exigences de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 oblige les entreprises de plus de 500 salariés à plusieurs démarches simples : réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre et le publier sur le site de l’Agence de la transition écologique (Ademe), que vous n’avez pas réussi à supprimer,…
M. Alexandre Dufosset
Ce n’est que partie remise !
M. Hendrik Davi
…et établir un plan d’actions pour les réduire. C’est vraiment le minimum qu’on puisse demander aux entreprises ; or elles ignorent largement cette norme. Selon l’Ademe, près de 65 % des entreprises soumises à cette obligation ne s’y étaient pas conformées en 2021 ; pire, on constate une détérioration croissante du respect de cette norme. Face à ces manquements, les sanctions restent timides.
L’amendement vise donc à réserver la commande publique aux entreprises qui respectent ces obligations relatives aux émissions de gaz à effet de serre, en particulier la publication du bilan de leurs émissions.
M. le président
Je vous donne de nouveau la parole, monsieur Davi, pour soutenir l’amendement no 1539.
M. Hendrik Davi
Je trouve étrange que cet amendement soit placé en discussion commune avec le précédent, alors qu’il traite d’un sujet très différent, même si son principe est identique : on ne peut accepter que des entreprises profitent de la commande publique alors qu’elles ne respectent pas leurs obligations. En l’occurrence, l’ensemble des députés devrait trouver évident de refuser qu’une entreprise bénéficie d’une commande publique si elle n’a pas déposé ses comptes annuels, manquant ainsi aux exigences de transparence financière qui permettent de s’assurer de sa solidité.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 2028.
M. Arnaud Saint-Martin
Il s’agit de rétablir un article adopté par le Sénat à l’initiative du groupe communiste, mais que la droite et le Rassemblement national ont supprimé en commission spéciale.
M. Julien Guibert
Excellent !
M. Arnaud Saint-Martin
Cet article prévoyait d’exclure des procédures de passation des marchés publics les personnes qui n’ont pas déposé leurs comptes auprès du registre du commerce et des sociétés. L’extrême droite et la droite font preuve de laxisme dans le contrôle de la transparence et de la probité des entreprises. Si l’on souhaite véritablement favoriser une plus grande transparence financière, il est paradoxal d’ouvrir les marchés publics aux sociétés qui ne respectent pas l’article L. 232-21 du code de commerce, en les plaçant ainsi en concurrence avec celles qui respectent leurs obligations.
L’amendement vise donc à rétablir cet article de bon sens, pour renforcer la probité des acteurs économiques et simplifier le travail des acheteurs publics, qui ont besoin de l’ensemble des informations requises par la loi pour s’assurer que l’entreprise avec qui ils entendent contracter est viable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements en discussion commune ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable sur tous ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement no 1013 tend à introduire trois motifs d’exclusion, quand les autres amendements se limitent à deux. Je leur donne un avis défavorable pour deux raisons. Premièrement, le non-respect des obligations en question donne déjà lieu à des sanctions. Deuxièmement, les acheteurs peuvent, s’ils le souhaitent, intégrer dans le marché public certaines dispositions, et soumettre les personnes qui répondent aux appels d’offres à des critères supplémentaires.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous voterons contre l’ensemble de ces amendements. Recentrons le débat : ce n’est pas parce que des entreprises publieront des données extra-financières que la température mondiale baissera ! (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Ces amendements concourent à fermer la porte des marchés publics à de nombreuses entreprises qui auraient manqué de publier un certain nombre de données extra-financières. Or environ deux entreprises sur trois ne publient pas les informations mentionnées par la directive CSRD – la directive du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Autrement dit, si vos amendements étaient adoptés, ces entreprises ne pourraient pas accéder aux marchés publics, ce qui désorganiserait totalement un secteur représentant 10 % de la richesse nationale.
La directive CSRD est actuellement remise en cause au niveau de l’Union européenne – par la directive omnibus notamment. Alors qu’elle devait entrer en vigueur dès 2024, son application a été reportée. Elle fait peser des contraintes très lourdes sur les entreprises, qui doivent d’ailleurs répondre à d’autres obligations de publication de données extra-financières, comme celles qui découlent de la taxonomie ou du règlement SFDR – le règlement du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.
La directive CSRD, en tout état de cause, fait peser à elle seule une charge administrative insupportable sur les entreprises. Dans le Vimeu, situé en grande partie de ma circonscription, des industriels sont obligés de créer des postes pour produire du papier, loin de leur cœur de métier – ils préféreraient embaucher de la main-d’œuvre industrielle.
Nous sommes absolument défavorables à la création de nouvelles obligations relatives à ces données extra-financières. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Alexandre Allegret-Pilot applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Il nous paraît fondamental, pour plusieurs raisons, qu’une obligation de dépôt des comptes existe et qu’on ne puisse accéder aux marchés publics – et donc à l’argent public – que si l’on a respecté la loi en cette matière.
Il y va, d’abord, de la bonne utilisation des fonds publics. Je suppose que nous nous rejoignons tous sur ce point. Il s’agit, ensuite, de simplifier le travail des acheteurs publics, quand ils essayent de savoir à qui ils ont affaire. C’est, enfin, une question de transparence de la vie publique, non seulement pour nous, mais aussi pour les citoyens et les citoyennes. Vous estimez nécessaire de dire à ces derniers : « tu casses, tu répares ». En l’espèce, affirmons : « tu ne respectes pas la loi, tu n’as pas d’argent public ». Ça devrait être aussi simple que ça ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Tu casses, tu répares !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Tu salis, tu nettoies !
Mme Manon Meunier
Réintroduisons donc cet article issu d’un amendement des sénateurs communistes : c’est une question de bon sens – puisqu’il faut en faire preuve.
M. le président
Nous venons d’entendre un orateur pour un et un orateur contre. Monsieur Leseul, lorsque vous avez demandé la parole, vous suppléiez au banc le président de la commission spéciale. Depuis, celui-ci a repris sa place et vous avez regagné la vôtre, mais je vous accorde exceptionnellement la parole.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je peux sortir si vous voulez ! (Sourires.)
M. Gérard Leseul
Merci, monsieur le président. Je soutiens ces amendements de rétablissement de l’article 4 quater, qui visait à faire respecter aux entreprises leurs obligations déclaratives et à ne permettre qu’à celles qui l’ont fait de soumissionner à un marché public.
Comment appelez-vous, madame la ministre, une entreprise qui ne respecte pas ses obligations – qui ne respecte pas la loi ? En déposant ses comptes au greffe du tribunal, une entreprise ne fait que respecter la loi. En ne le faisant pas, elle l’enfreint – c’est si vrai qu’elle se rend alors passible d’une amende. Je ne comprends donc pas pourquoi vous voulez permettre à des entreprises qui enfreignent la loi d’avoir accès à des marchés publics. C’est une question d’honnêteté, de bon sens et de transparence.
Soutenez au moins les amendements nos 1539 et 2028 qui mentionnent expressément l’obligation de déposer les comptes au greffe. On peut éventuellement comprendre votre position pour ce qui est du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges) ou de la CSRD – et encore, faire un Beges, même imparfait, c’est une obligation. Vous devriez, tous, adopter l’ensemble de ces dispositifs,…
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas possible !
M. Gérard Leseul
…mais votez au moins les amendements relatifs au dépôt des comptes de l’entreprise. Ne pas le faire reviendrait à donner une prime à ceux qui ne respectent pas la loi – position que je ne peux pas accepter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
J’entends vos propos, monsieur Leseul, mais nous étudions un texte de simplification. En imposant des règles supplémentaires aux acheteurs publics, vous leur imposez aussi de vérifier un certain nombre de points à propos des entreprises qui répondent aux appels d’offres, ce qui n’irait pas dans le sens attendu.
M. Gérard Leseul
Il s’agit du respect de la loi !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il existe déjà des sanctions applicables en cas de non-respect de ces obligations. On ajouterait ici des sanctions supplémentaires.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1013.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 22
Contre 76
(L’amendement no 1013 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2496.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 23
Contre 76
(L’amendement no 2496 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1539 et 2028.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 24
Contre 74
(Les amendements identiques nos 1539 et 2028 ne sont pas adoptés ; en conséquence, l’article 4 quater demeure supprimé.)
Article 4 quinquies (appelé par priorité)
M. le président
Nous en venons à l’amendement no 635 tendant à rétablir l’article 4 quinquies, supprimé par la commission spéciale.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour soutenir ledit amendement no 635.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 635.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 67
Contre 30
(L’amendement no 635 est adopté ; en conséquence, l’article 4 quinquies est ainsi rétabli.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
J’ai été convaincant ! (Sourires.)
M. le président
Sur les amendements nos 2039, 1779 et 1800, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 4 sexies (appelé par priorité)
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 2039 tendant à supprimer l’article 4 sexies.
Mme Manon Meunier
Nous sommes défavorables aux partenariats public-privé (PPP). La Cour des comptes a montré, dans un rapport publié le 20 mars 2018, que ces partenariats sont, pour la plupart, inutiles, inefficaces et, surtout, très onéreux pour la personne publique. Ils sont également à l’origine d’une distorsion de concurrence au détriment des TPE et des PME, dont on entend pourtant, par ce texte, valoriser l’activité dans nos territoires. Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Le débat sur les partenariats public-privé ne doit pas être trop idéologique.
Mme Manon Meunier
Il est vrai que l’idéologie, ça ne vous ressemble pas ! (Sourires.)
M. Matthias Renault
Ces partenariats peuvent s’avérer judicieux quand ils sont bien faits, bien négociés, quand les contrats sont solides et accompagnés de garanties. Ils peuvent parfois ne pas l’être, notamment quand des autorités locales investissent massivement sur une très longue durée : les loyers initiaux, versés pendant le mandat des élus qui ont contracté, sont assez faibles, mais peuvent augmenter de façon exponentielle quand arrivent leurs successeurs. Il est de la responsabilité des autorités publiques, en particulier des autorités locales, d’éviter ce genre de cadeaux empoisonnés.
Nous ne parlons toutefois pas ici des partenariats public-privé en général, conclus avec des entreprises privées, mais des partenariats public-privé institutionnalisés (PPPI), qu’il s’agit d’ouvrir aux sociétés d’économie mixte. D’une certaine manière, on ouvre ici les PPP à des sociétés dont le capital est mixte, c’est-à-dire en partie public, ce qui devrait vous satisfaire – je ne comprends donc pas très bien le sens de votre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Il n’y en a pas !
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
On sait depuis plusieurs années que les PPP posent de nombreux problèmes. Rien d’étonnant : quel est l’objectif d’un grand groupe, comme Bouygues ou Vinci, quand il signe un contrat de PPP ? Maximiser sa marge et augmenter son profit. Si c’est dans l’intérêt de ces entreprises capitalistiques, ce n’est pas nécessairement dans celui de l’État ou des donneurs d’ordre, qui ne gagnent pas toujours à avoir les mains liées par ces grands groupes. D’autant plus qu’ils sont parfois en position d’oligopole, ce qui pose des problèmes de concurrence. Je l’ai bien vu pour les universités, et c’est vrai aussi, par exemple, pour les écoles : les PPP, dont le suivi pose problème, deviennent de véritables pompes à fric. Dans un projet de loi visant à faciliter, pour les petites entreprises, l’accès à la commande publique, c’est complètement contre-productif.
J’en viens aux PPPI. Ce ne serait en rien une bonne nouvelle, monsieur le député Renault, que les sociétés mixtes puissent entrer dans les PPP. C’est ce qu’a préfiguré le plan Écoles à Marseille : on fait entrer le loup dans la bergerie. On se prive de pouvoir fonctionner en dehors des PPP et l’on finit par ne plus avoir aucune marge de manœuvre : les grands groupes – Bouygues ou Vinci – décideront des tarifs et du suivi des chantiers. Il faut donc s’opposer fermement à ce dispositif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2039.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 20
Contre 79
(L’amendement no 2039 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 1779.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’article 4 sexies vise à étendre à tous les acheteurs la possibilité offerte par la loi aux collectivités territoriales de mener une procédure de commande publique pour sélectionner un partenaire avec lequel elles créent une société à capital mixte en vue d’exécuter un marché public ou un contrat de concession. Nous entendons soutenir le dispositif du partenariat public-privé institutionnalisé en l’ouvrant aux sociétés d’économie mixte au-delà des Semop – sociétés d’économie mixte à opération unique. Créées en 2014, celles-ci peuvent présenter un intérêt dans certaines situations.
M. le président
Sur l’article 4 sexies, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
L’amendement tend à sécuriser le dispositif prévu à l’article 4 sexies. Avis favorable.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Nous sommes évidemment contre cet amendement, pour les mêmes raisons que précédemment.
Je voudrais que nous réfléchissions à l’incidence de ce que nous sommes en train de faire dans le domaine du bâtiment. Les personnes publiques n’ont plus la capacité de prendre en charge la construction, qu’il s’agisse des écoles, des hôpitaux ou des HLM. Nous sommes dès lors complètement dépendants du bon vouloir des grands groupes, ce qui pose de graves problèmes, y compris de souveraineté. Si vous voulez, par exemple, construire un certain type de logement social, on ne vous fait pas de propositions, car les grands groupes ne sont pas intéressés. Ou alors, il faut négocier durement.
Il faut faire machine arrière. Nos collègues du Rassemblement national devraient sérieusement y réfléchir. À une époque, des fonctionnaires compétents étaient formés dans une école des travaux publics, et travaillaient ensuite dans de grandes entreprises publiques. Ils étaient capables de construire des bureaux de poste et des hôpitaux. Les mairies possédaient les savoir-faire nécessaires, et des personnels qualifiés. Tout cela a été perdu ; ces compétences ont été transférées.
M. Julien Odoul
À qui la faute ? Qui a détruit tout cela ?
M. Hendrik Davi
Nous sommes désormais complètement tributaires des grands groupes du bâtiment et des travaux publics.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1779.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l’adoption 75
Contre 11
(L’amendement no 1779 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 sexies, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 78
Contre 2
(L’article 4 sexies, amendé, est adopté.)
Article 4 septies (appelé par priorité)
M. le président
Nous en venons à l’amendement no 1800 du gouvernement, qui tend à rétablir l’article 4 septies, supprimé par la commission spéciale.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir ledit amendement no 1800.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement prévoit la création d’une nouvelle catégorie de marchés globaux sectoriels, avec transfert de la maîtrise d’ouvrage, pour des opérations portant sur un ensemble immobilier incluant un programme de logements.
Il s’agit de répondre à des situations concrètes rencontrées dans les territoires, pour des projets essentiels au niveau local. Bien sûr, ce dispositif n’est pas adapté à tous les types d’opérations. Cependant, il est particulièrement pertinent pour la construction d’immeubles regroupant, par exemple, des locaux universitaires et des logements étudiants, ou encore de bâtiments combinant logements sociaux et crèches municipales.
Ces projets, souvent d’une envergure significative, nécessitent parfois un transfert de la maîtrise d’ouvrage à une ou plusieurs personnes morales de droit privé, dont l’une prend en charge l’intégralité de la maîtrise d’ouvrage de l’opération. Ce type de montage, déjà largement employé pour certains marchés, sera utile dans les cas que j’ai décrits. C’est une mesure très attendue.
M. le président
Sur l’amendement no 1467, l’amendement no 1468 et les amendements identiques nos 655, 2164 et 2495, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1800 ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la commission spéciale a supprimé cet article. De ce fait, elle est défavorable à son rétablissement.
Ensuite, pour rester cohérent avec nos discussions en commission, il est important de rappeler que, si une part minimale de 10 % doit être réservée aux TPE et PME dans l’exécution des marchés globaux, la configuration actuelle est encore plus favorable à celles-ci, grâce au principe de l’allotissement.
Bien que je comprenne les avantages potentiels des marchés globaux, j’invite chacune et chacun d’entre nous à réfléchir à l’impact de cet amendement sur les PME et TPE dans son territoire.
Mme Anne-Laure Blin et Mme Danielle Brulebois
Exactement !
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Cet amendement de rétablissement de l’article crée une nouvelle catégorie de marchés globaux sectoriels, permettant de confier à un opérateur économique l’ensemble des étapes d’un projet ; l’entreprise retenue deviendra responsable de sa réalisation complète. Cela revient à attribuer à un opérateur unique une mission très étendue. En outre, le périmètre des travaux concernés reste mal défini.
Votre proposition porte atteinte au principe d’allotissement et limite ainsi l’accès des TPE et PME aux marchés publics. Or la séparation d’un marché en lots permet précisément aux petites entreprises d’accéder plus facilement à la commande publique. Ce mécanisme augmente le nombre d’offres reçues, constitue un point d’entrée supplémentaire pour les plus petites entreprises, renforce la concurrence et incite à proposer des prix plus compétitifs.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas soutenir cet amendement.
M. le président
Sur les articles 4 nonies et 4 decies, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Monsieur le rapporteur, madame Blin, vous craignez que cette mesure mette les PME en difficulté. Tout d’abord, un décret récemment publié a porté de 10 % à 20 % la part minimale que le titulaire d’un marché s’engage à confier à des PME. C’est une avancée dont nous pouvons tous nous réjouir.
Ensuite, nous visons la maîtrise d’ouvrage d’opérations souvent complexes, qui incluent non seulement des logements, mais aussi d’autres infrastructures essentielles, comme des locaux universitaires ou des crèches municipales. L’objectif est de garantir une maîtrise d’ouvrage cohérente et une approche intégrée du projet, sans dissocier ses différents éléments – étant entendu que, dans un deuxième temps, une part est réservée aux PME.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Mme la ministre évoque le décret récemment publié, qui prévoit une part minimale de 20 % réservée aux PME et TPE. Cela laisse potentiellement 80 % des marchés aux grands groupes.
Mme Anne-Laure Blin
Oui, c’est le cas !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
En cas d’allotissement, la part revenant aux PME et TPE peut être bien plus élevée. Préserver le principe de l’allotissement est donc nettement plus avantageux pour elles. Or, si j’en crois les prises de position des uns et des autres depuis le début de l’examen de ce texte, nous souhaitons tous favoriser les PME et TPE.
Mme Anne-Laure Blin
L’allotissement ouvre plus de possibilités !
Mme Danielle Brulebois
Exactement !
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Je souhaite apporter mon soutien à la ministre.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
C’est surprenant !
M. Jean-René Cazeneuve
L’objectif de ce texte est avant tout la simplification : il s’agit ici de simplifier la vie de l’État lorsqu’il passe commande.
Mme Anne-Laure Blin
On parle de la simplification de la vie économique !
M. Jean-René Cazeneuve
Lorsqu’une entreprise est retenue pour assurer la maîtrise d’œuvre de la construction de logements, elle ne devient pas pour autant fabricante de robinets, de baignoires ou de serrures. Naturellement, elle fait appel à plusieurs sous-traitants, et mobilise des PME spécialisées. Il s’agit donc uniquement d’une simplification et d’une meilleure articulation du travail entre l’État et la maîtrise d’œuvre, non d’une mesure qui exclurait qui que ce soit.
Mme Anne-Laure Blin
C’est plus compliqué que cela…
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1800.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 20
Contre 20
(L’amendement no 1800 n’est pas adopté ; en conséquence, l’article 4 septies demeure supprimé.)
Article 4 nonies (appelé par priorité)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 nonies.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l’adoption 63
Contre 1
(L’article 4 nonies est adopté.)
Article 4 decies (appelé par priorité)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 decies.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 33
Contre 2
(L’article 4 decies est adopté.)
Article 4 undecies (appelé par priorité)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements, nos 1467, 1468, 655, 2164 et 2495, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 655, 2164 et 2495 sont identiques.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir les amendements nos 1467 et 1468, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Matthias Renault
Ces amendements visent à rétablir une disposition adoptée au Sénat, tout en l’élargissant de manière significative. À l’origine, il s’agissait de réserver une partie des marchés publics aux PME et artisans locaux, exclusivement outre-mer, pour des marchés supérieurs à 500 000 euros.
Considérant que cette idée est pertinente, nous proposons d’étendre cette possibilité à tout le territoire national. L’amendement no 1467 prévoit cette possibilité dès 100 000 euros de marché, tandis que l’amendement no 1468 revient au seuil fixé par le Sénat, soit 500 000 euros.
M. le président
Je vous donne de nouveau la parole, monsieur Renault, pour soutenir l’amendement no 655.
M. Matthias Renault
C’est un amendement de repli. Proposé par la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), il vise à rétablir la version du dispositif adoptée par le Sénat – donc applicable uniquement outre-mer.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 2164.
M. Gérard Leseul
Identique au précédent, cet amendement de notre collègue Philippe Naillet a été élaboré en concertation avec la Fedom. Afin de rendre opérationnelle l’expérimentation de la stratégie du bon achat (SBA) introduite par les sénateurs à l’article 4 undecies, il vise à rétablir la version adoptée par ceux-ci, tout en réservant le bénéfice de la disposition aux entreprises d’outre-mer.
M. le président
L’amendement no 2495 de M. Stéphane Lenormand est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Avis favorable sur l’amendement no 1467, défavorable aux autres.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement no 1467 étend à l’ensemble du territoire national les dispositions dérogatoires initialement prévues pour l’outre-mer, et abaisse le seuil, en le fixant à 100 000 euros.
Si la dérogation peut se justifier pour les outre-mer, en raison de leurs spécificités, son extension semble complexe et nous exposerait à un risque de censure constitutionnelle. Je suis donc défavorable à l’amendement.
Il en va de même pour l’amendement no 1468, qui vise à rétablir le seuil initial de la part réservée, à savoir 20 %, alors que le texte de la commission spéciale l’avait fixé à 30 %.
Je ne comprends pas bien le lien entre ces deux amendements, qui me paraissent contradictoires : avec l’amendement no 1467, vous étendez le dispositif, alors qu’avec l’amendement no 1468, vous le restreignez, en ramenant la part de 30 à 20 %.
J’émettrai aussi un avis défavorable sur les amendements nos 655 et identiques, pour les mêmes motifs : il existe déjà un dispositif dérogatoire.
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements no 1432 et identiques, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 1840 et sur l’article 4 undecies, par le groupe Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Pour la clarté de nos débats, je viens de demander si l’adoption de l’un des deux premiers amendements entraînerait la chute des suivants – c’est le cas. Les premiers amendements reprennent en effet les dispositions prévues par les suivants.
Pour ma part, j’étais plutôt favorable à l’article inséré par le Sénat, qui a introduit des dispositions en faveur des outre-mer dont la commission spéciale a finalement réduit la portée.
J’approuvais à ce point cette bonne disposition en faveur des territoires ultramarins qu’il me paraît souhaitable qu’elle soit étendue à l’ensemble du territoire, pour les marchés dont le montant est supérieur à 500 000 euros. Je suis favorable à l’amendement de notre collègue Renault.
M. le président
La parole est à M. Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je n’ai pas demandé la parole ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve. C’est comme les trains : un Cazeneuve peut toujours en cacher un autre !
M. Jean-René Cazeneuve
Je peux comprendre que l’on prévoie des exceptions pour l’outre-mer : en décourageant le recours à des fournisseurs ou à des sous-traitants en métropole ou à l’étranger, on fait un choix protecteur pour les entreprises ultramarines. Mais, franchement, je suis un peu perdu quand on complexifie les choses à ce point et qu’on organise une sorte de guerre entre départements au sein du pays – c’est bien ce que vous proposez.
On connaît les origines de cette pensée protectionniste. Compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui avec votre ami Trump, vous devriez pourtant être vaccinés ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre Cazeneuve
Vous n’aimez pas Trump ?
M. Jean-René Cazeneuve
Oui, vaccinés ! On construit des murs, en pensant que c’est une bonne idée et que les autres ne feront pas la même chose. Nous voyons bien où cela mène : le commerce s’effondre et les prix augmentent. Avec cet amendement, c’est exactement ce que vous proposez : les prix commenceront par augmenter, car vous créez une compétition artificielle entre les départements, et ce ne sera qu’un début.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Jean-René Cazeneuve
Nous avons affaire à une bonne disposition pour nos amis ultramarins, qu’il faut protéger, mais elle n’a pas de sens pour le reste de notre territoire.
Un député du groupe RN
Dès qu’ils sont à court d’arguments, ils ressortent Trump !
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Nous voterons pour l’amendement no 2164 de M. Naillet. En effet, le texte issu de la commission prolonge les expérimentations de 2017 sans en corriger les écueils.
Nous sommes favorables aux propositions de la Fédération des entreprises des outre-mer. Si nous voulons que le dispositif soit efficace – les territoires ultramarins en ont besoin –, nous devons nous tourner vers la rédaction proposée.
Seuls 4 % des acheteurs se sont saisis du dispositif expérimental actuel, ce qui en montre bien les lacunes. Si l’on s’en tient à la rédaction actuelle, ces lacunes perdureront.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je n’avais pas prévu de rebondir, mais j’ai été surpris par l’argumentaire de notre collègue Jean-René Cazeneuve, qui est quelque peu monté dans les tours. Retrouver Donald Trump dans une discussion sur les marchés publics, c’est inattendu ! Je rassure nos collègues qui voteront pour ces amendements : ils ne voteront pas pour Donald Trump.
Par ailleurs, vous avez parlé de guerre entre départements. Pourquoi « entre départements » et pas entre régions ou même avec d’autre pays ?
Revenons-en au sujet : il s’agit de donner la possibilité à des acheteurs publics, en particulier locaux, de réserver une partie de leurs marchés publics à des entreprises et à des artisans locaux. Cela ne fera pas monter les prix et cela ne provoquera pas de guerre entre des départements cherchant à attirer des entreprises locales. D’ailleurs, cette pratique est déjà assez courante pour des marchés qui mettent en jeu de faibles montants.
M. le président
Je commence par mettre aux voix l’amendement no 1467.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 52
Contre 37
(L’amendement no 1467 est adopté ; en conséquence, les autres amendements en discussion commune tombent ainsi que les amendements nos 1432 et identiques, et les amendements nos 2066, 2063, 2124, 2046, 1840, 266, 2121 et 2165.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
C’est Trump qui va être content !
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 2127.
Mme Manon Meunier
Cet amendement vise à renforcer l’accès des petites et moyennes entreprises locales et des artisans locaux à la commande publique dans les outre-mer.
Nous proposons que, dans les outre-mer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, la part minimale que le titulaire d’un marché public s’engage à confier, directement ou indirectement, à des microentreprises, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans locaux soit fixée à 30 % du montant prévisionnel du marché, lorsque ce dernier n’est pas confié à des PME ou à des artisans locaux, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas.
Cet amendement reprend les dispositions du projet de loi d’urgence pour Mayotte relatives à la commande publique et les étend à l’ensemble des outre-mer.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
C’est le dernier amendement de la journée sur lequel je suis chargé de donner l’avis de la commission spéciale : j’aurais plutôt tendance à émettre un avis favorable. Néanmoins, comme tout l’article a été réécrit, il faudrait pouvoir examiner plus en détail comment ces dispositions pourraient s’articuler avec ce qui vient d’être voté. Je m’en remettrai donc à la sagesse de cette assemblée.
Mme Manon Meunier
Merci !
(L’amendement no 2127, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4 undecies, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 48
Contre 28
(L’article 4 undecies, amendé, est adopté.)
Article 27 (appelé par priorité)
M. le président
Sur les amendements de rétablissement de l’article, nos 783 et identiques, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Madame Blin, il n’y a pas d’inscrits sur un article supprimé. Vous voulez demander une suspension ?
Mme Anne-Laure Blin
En effet, monsieur le président : je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je souhaite m’exprimer en quelques mots sur l’article 27 et sur ce que l’on appelle le test PME. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, simplifier n’est pas une fin en soi. Si nous voulons simplifier c’est pour restaurer la confiance, de manière durable, notamment en instaurant un « test PME », mesure très attendue par le monde économique, à laquelle le gouvernement est très attaché. Je tiens d’ailleurs ici à remercier Olivia Grégoire pour son engagement, en tant que ministre déléguée chargée des entreprises, lors de l’élaboration du projet de loi, et à saluer les apports du Sénat, en particulier ceux d’Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet.
Ce test PME est une mesure indispensable aux entreprises et particulièrement aux plus petites. En effet, en raison de leur taille et de leurs moyens, elles ne peuvent pas toujours se permettre d’embaucher des équipes juridiques ou administratives dédiées, et sont obligées d’effectuer un certain nombre de tâches administratives souvent complexes ou peu claires, qui pèsent sur leur compétitivité.
Notre objectif est donc d’engager un changement de méthode dans la production normative, avec l’idée de mettre fin à cette complexité, qui fait perdre du temps aux entreprises. Or le temps absorbé par ce formalisme administratif, voire bureaucratique, s’assimile pour les entreprises à de la dépense à perte – je vois le président de la commission spéciale qui acquiesce.
Pour éviter que des normes – mesures législatives, arrêtés ou décrets – imprécises ou inintelligibles fassent perdre du temps aux entreprises, il est donc essentiel de mesurer systématiquement en amont les conséquences qu’elles auront sur ces dernières. Il ne s’agit pas, comme j’ai pu l’entendre parfois, de confier la production normative à des lobbys…
Mme Sophia Chikirou
Bien sûr que non !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…mais de demander aux chefs d’entreprise eux-mêmes d’évaluer les effets directs ou indirects d’une norme, d’un point de vue technique comme d’un point de vue financier, sur la vie de leur entreprise.
Il me semble que c’est un point qui doit d’autant plus faire consensus qu’une telle mesure apportera un éclairage utile aux parlementaires, avant qu’ils votent la loi, ou au gouvernement, avant que soit pris un arrêté ou un décret.
Le dispositif de l’article 27, tel qu’il avait été adopté par le Sénat, prévoyait également la création du Haut Conseil à la simplification. Après la suppression de l’article par la commission spéciale, nous étions convenus avec le président de la commission, le rapporteur et un certain nombre de parlementaires de retravailler le texte, dans la mesure où les oppositions à cet article ne portaient pas sur le test PME mais sur la création de cette nouvelle entité qu’était le Haut Conseil. En effet, eu égard au nombre d’heures consacrées à débattre de l’article 1er et des nombreuses suppressions de comité ou autre commission qu’il comportait, envisager la création d’une nouvelle instance a pu apparaître à certains comme un paradoxe.
M. Thierry Tesson
Très bien !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le gouvernement a entendu ces réticences. Nous avons échangé avec le rapporteur et les groupes parlementaires qui l’ont souhaité ; j’ai également consulté Olivia Grégoire, le sénateur Olivier Rietmann et différents acteurs du monde économique. À la suite de ces consultations, je vous proposerai donc un amendement rétablissant le recours au test PME, afin de permettre aux entreprises d’évaluer les effets d’une norme sur leurs activités, sans pour autant créer le Haut Conseil initialement prévu à l’article 27. Des amendements identiques à l’amendement no 1502 du gouvernement ont été déposés par les membres de différents groupes.
Voilà quelle a été la philosophie qui nous a guidés pour reprendre cet article, pour lequel nous avons travaillé en partenariat à coconstruire un dispositif très attendu par le monde économique.
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
M. le président
Nous en venons à une série d’amendements, nos 2148, 1881, 1502, 1757, 1765, 1970, 2335 et 2550, pouvant être soumis à une discussion commune. Ils visent tous à rétablir l’article 27, supprimé par la commission.
Les amendements nos 1502, 1757, 1765, 1970 et 2335 sont identiques. Ils font l’objet de nombreux sous-amendements.
Je vous informe que je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 2148 et 1881, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 1502 par les groupes Ensemble pour la République et Rassemblement national ; sur les sous-amendements nos 2725 et 2681 par le groupe Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 2148.
Mme Anne-Laure Blin
Sur le terrain, la suppression de l’article 27 a été ressentie comme injuste – et c’est peu dire. Les entreprises, et en particulier les TPE-PME, attendent en effet un changement de méthode dans l’élaboration des normes et réclament une régulation plus intelligente, plus juste et mieux adaptée à leur réalité quotidienne.
Le test PME est soutenu depuis longtemps par les acteurs économiques, car il répond à cette exigence. Il permet d’évaluer en amont l’impact concret des textes, pour garantir des normes plus simples, plus lisibles et mieux proportionnées. Il s’agit d’éviter l’empilement des charges administratives qui pèsent de manière disproportionnée sur les plus petites structures afin de préserver la compétitivité de notre tissu entrepreneurial, clairement freinée par les normes. Un chiffre : 3 % du PIB. Voilà ce que coûtent aujourd’hui les normes à nos entreprises, c’est-à-dire 70 milliards d’euros par an – plusieurs rapports officiels en attestent. Elles sont donc un frein majeur à la création de valeur, à l’innovation, à l’investissement, particulièrement pour les TPE-PME.
C’est pourquoi nous proposons avec cet amendement de réécrire l’article 27, pour faire du test PME un outil concret, au service d’une norme plus efficace, plus pragmatique, coconstruite avec les entreprises. Il nous faut envoyer à nos entrepreneurs un signal fort, parce que les entreprises ne doivent plus subir les normes, mais être pleinement associées à leur élaboration.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1881.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Il s’agit de centraliser les analyses d’impact des normes nouvelles sur les PME au sein du comité interministériel de la transformation publique, puisque cette entité existante est à même de piloter la réflexion. Sans passer par la création d’une nouvelle instance comme le Haut Conseil, il faut surtout changer le logiciel de l’agent public lorsqu’il fabrique des normes, d’autant qu’en matière d’information, nous disposons déjà des études d’impact qu’une administration publique doit fournir lorsqu’elle crée de la norme.
M. le président
Nous en venons, dans la discussion commune, à la série d’amendements identiques.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 1502.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention sur l’article, cet amendement rétablit le test PME mais non le Haut Conseil initialement prévu. Ce test s’appliquera aux projets de loi, arrêtés, décrets et ordonnances mais également, sur demande du président de l’une des deux chambres, aux propositions de loi.
M. le président
Les amendements nos 1757 de Mme Anne-Laure Blin, 1765 de Mme Marie Lebec et 1970 de M. Henri Alfandari sont défendus.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale pour les titres VII à XII, dont je salue la patience exemplaire, pour soutenir l’amendement no 2335. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
Merci monsieur le président. Je suis d’autant plus heureux de vous retrouver que, au rythme où nous avançons, je me demandais si j’allais intervenir avant l’été !
Madame la ministre a parfaitement expliqué le principe qui nous a guidé pour réinscrire dans le projet de loi le test PME supprimé par la commission spéciale, avec l’ensemble de l’article 27, qui créait également le Haut Conseil de la simplification.
Vous étiez un certain nombre à dire votre surprise de voir disparaître ce test, indispensable aux entreprises. Les amendements identiques le rétablissent ; je vous invite donc à les adopter de manière à institutionnaliser l’évaluation préalable des normes.
Hormis les amendements identiques, j’annonce d’ores et déjà que je souhaite que les amendements à l’article 27 soient retirés. Je constate que l’amendement no 2148 de Mme Blin est très similaire à nos amendements, à ceci près qu’il cible spécifiquement les très petites entreprises. Notre ambition doit être plus globale et inclure l’ensemble des entreprises, ainsi que le propose Mme la ministre.
M. le président
Nous en venons à l’examen des nombreux sous-amendements à l’amendement no 1502.
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir le sous-amendement no 2775.
Mme Manon Meunier
J’ai une question. D’après le théorème Kasbarian, pour une commission créée, on doit en supprimer deux. (Sourires.) Je voudrais donc savoir quels organismes ou commissions il faudra supprimer pour créer le test PME. Autre question : la suppression de ce test au bout de trois ans sera-t-elle automatique ? Cette disposition fait partie de celles que nous avons retoquées mais vous auriez pu la faire passer.
Ces questions visent à vous montrer l’absurdité de tout cela. Ce test PME s’apparente tout de même un peu à un Haut Conseil à la simplification déguisé, alors que, durant tout l’examen de l’article 1er, nous vous avons entendu dire qu’il fallait supprimer tous les organismes de la Terre. C’est révélateur : on supprime 150 organismes de concertation scientifique, syndicale et démocratique dans les territoires mais on crée un Haut Conseil à la simplification, qui fera le travail de la tronçonneuse. Je rappelle que, dans la version du texte votée par le Sénat, une instance disposant d’un droit de veto pour faire passer les intérêts économiques au-dessus de tous les autres droits.
Nous sommes bien sûr très défavorables au rétablissement de l’article 27. Il s’agit encore de créer une grosse machine alors que vous affirmez vous battre contre ce genre de structures.
Par ce sous-amendement de repli, nous proposons que l’avis issu du test PME soit tout au moins seulement consultatif et n’ait pas de valeur contraignante.
M. le président
Sur les sous-amendements, je suis saisi d’autres demandes de scrutin public : sur les sous-amendements nos 2775, 2772, 2776, 2773 et 2774 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur les sous-amendements nos 2690 et 2742, 2778, 2692 et 2691 par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Presque tous les sous-amendements feront donc l’objet d’un scrutin public. Quelques-uns sont encore épargnés ; je constate que M. Sitzenstuhl s’est retenu !
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 2689 et 2725.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir le sous-amendement no 2689.
M. Gérard Leseul
Ce sous-amendement vise à introduire dans le texte l’idée d’une consultation des entreprises de l’ESS. Nous proposons donc, à l’alinéa 2 de l’amendement, après la seconde occurrence du mot : « entreprises », d’insérer les mots « y compris de l’économie sociale et solidaire, » car, comme nous le savons et comme le sait Mme la ministre, les entreprises de l’ESS présentent des particularités très significatives liées à leur gouvernance, à l’affectation de leurs résultats et, éventuellement, à leur dissolution. Il faut donc bien évidemment que toutes les dispositions qui concernent les PME soient aussi pensées et discutées avec les représentants de l’ESS, car certaines d’entre elles pourraient avoir un impact spécifique sur les entreprises de ce secteur, notamment les coopératives, les mutuelles et les associations.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir le sous-amendement no 2725.
M. Hendrik Davi
Avant de le défendre, je dirai un petit mot sur ce test PME. Bâtir une telle usine à gaz dans un projet de loi supposée viser la simplification économique, c’est tout de même assez fort ! Franchement, je suis stupéfait !
Quand nous légiférons en tant que députés, il nous faut envisager les conséquences des lois que nous élaborons sur les grandes et les petites entreprises ou encore sur la fonction publique. C’est évident ! C’est le travail normal des parlementaires, qui doit être accompli à l’occasion des auditions. Il est très important d’éviter de mettre en difficulté les PME mais je ne vois pas pourquoi il faudrait les distinguer en créant un « test PME ». C’est une mesure assez saugrenue qui aura pour conséquence une inflation d’administration, de trucs et de machins, sans aucun effet bénéfique.
Le sous-amendement que nous proposons est assez simple et sera suivi d’une série de sous-amendements dans la même veine. Vous voulez que l’on favorise les PME et que l’on vérifie systématiquement que certains textes ne les mettent pas en difficulté. Nous proposons que l’amendement fasse aussi mention de l’ESS. Un autre sous-amendement tendra à vérifier que la protection de l’environnement est assurée et un autre que tel sujet est traité… C’est sans fin, cette affaire !
Je pense qu’il faut abandonner l’idée de ce test PME et maintenir la suppression de l’article 27.
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir le sous-amendement no 2781 qui, dans l’ordre logique, aurait dû être le premier sous-amendement appelé.
Mme Anne-Laure Blin
Il tend à intégrer à l’amendement no 1502 les éléments présents dans mon amendement no 2148 qui vise à ce que l’évaluation des normes dont nous débattons s’applique à l’ensemble des entreprises. Les TPE-PME seraient donc intégrées au dispositif, alors que, jusqu’ici, le texte ne mentionne pas les TPE comme telles.
M. le président
En conséquence, retirez-vous l’amendement ?
Mme Anne-Laure Blin
Non, je ne retire rien, monsieur le président.
Vous tentez donc votre chance au tirage et au grattage.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir le sous-amendement no 2690.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ce sous-amendement vise à rendre l’évaluation publique et accessible, afin qu’elle puisse éclairer utilement les débats parlementaires et ceux de la société civile, dès le dépôt des projets de loi ou la publication des ordonnances évoqués à l’alinéa 2 de l’amendement.
En effet, au regard du poids qu’une telle évaluation pourrait avoir dans les débats sur un texte relatif aux entreprises, il est essentiel que son contenu soit connu suffisamment en amont de son examen. En outre, dès lors que le contenu des études d’impact des projets de loi relève du domaine de la loi organique, il est évidemment nécessaire d’apporter cette présicion ici, quand bien même le gouvernement choisirait d’annexer le test PME à une étude d’impact plus classique.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir le sous-amendement no 2742.
M. Gérard Leseul
Ce sous-amendement est dans le même esprit que le précédent, bien qu’il vise à insérer un alinéa après l’alinéa 6, là où celui qu’a défendu Mme Battistel tend à en insérer un après l’alinéa 2. Il s’agit encore de rendre publics les dispositifs, et en tout cas les interrogations.
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir le sous-amendement no 2772.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Par ce sous-amendement, nous souhaitons garantir que le test PME, que le gouvernement entend rétablir, implique obligatoirement la consultation de représentants des salariés, d’associations de consommateurs, de représentants du secteur de l’ESS ainsi que de parlementaires d’opposition.
Nous nous opposons en cela à toute tentative de rétablissement déguisé de la disposition créant le Haut Conseil à la simplification, qui n’était rien de moins qu’une nouvelle instance de lobbying – aux frais de l’État, puisqu’il était prévu de fixer son budget dans la loi de finances.
Cette instance devait être dotée de pouvoirs absolument exorbitants et sa composition était profondément déséquilibrée. Elle avait été introduite sur le fondement du fameux test PME dont nous avions obtenu la suppression en commission spéciale. Aucun représentant des salariés, des associations de consommateurs ou de l’ESS ne devait y siéger : on se pose tout de même de grosses questions !
Tout cela revenait à créer un nouveau Medef au frais de l’État, puisque les membres de ce conseil auraient pu se saisir de toutes sortes de sujets, et traiter des normes liées au droit du travail, au droit de l’environnement et j’en passe. On ne peut laisser ça aux seuls chefs d’entreprise !
Le test PME que le gouvernement propose de créer présente de nombreuses caractéristiques particulièrement problématiques. Il est notamment prévu que le président ou la présidente d’une assemblée parlementaire puisse décider de soumettre des propositions de loi à ce test sans que leurs auteurs ne soient en mesure de s’y opposer. Il est en outre prévu que seules les normes justifiées directement par la protection de la sécurité nationale ne soient pas soumises au test PME, ce qui laisse de côté l’ensemble des normes relatives au droit du travail, à la protection de l’environnement et à toutes sortes de droits sociaux. Sur ces dernières normes, dès lors qu’elles sont soumises au test, on a aussi intérêt à entendre tout le monde.
En plus de cela, les modalités d’application de ce fameux test doivent être précisées par décret : on ne sait donc pas qui serait chargé de le mener, ni si l’avis qui en serait issu aurait une valeur contraignante.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir le sous-amendement no 2776.
M. Jean-François Coulomme
Par ce sous-amendement de repli, les députés du groupe LFI souhaitent garantir que tout test PME, organisé suivant le dispositif que le gouvernement propose de rétablir, passe obligatoirement par « la consultation de représentants des salariés dans un nombre équivalent au nombre de représentants des microentreprises et des petites et moyennes entreprises, et désignés par les organisations syndicales représentatives ».
Bien évidemment, si on demande aux entreprises de se débarrasser des normes ou si on leur demande si elles souhaitent s’en débarrasser, elles cibleront en priorité les normes sociales, suivant leur logique de rentabilité. Toute protection des salariés constitue une sorte de norme dont les entreprises, petites, moyennes ou grandes, en particulier, souhaitent se débarrasser.
Hier, Éric Coquerel, président de la commission des finances, a démontré à la tribune que, contrairement à ce qu’avance le gouvernement, si l’économie française marque aujourd’hui le pas et, dans certains secteurs, se montre atone – par exemple dans les milieux industriels –, c’est moins en raison de la situation de l’offre que de celle de la demande, qui est elle-même en panne. Cette panne est bien sûr due à l’inflation. Cette dernière affecte par exemple le coût de l’énergie, qui pèse aussi bien sur les salariés, sur nos concitoyens, que sur les entreprises, en particulier les petites. Je pense aux traiteurs ou aux boulangers dont les entreprises consomment beaucoup d’énergie.
Il nous faut préserver les normes et faire en sorte qu’elles soient défendues par une représentativité des salariés au sein du test PME.
M. le président
Sur les sous-amendements, je suis saisi de nouvelles demandes de scrutin public : sur le sous-amendement no 2781 par le groupe Droite républicaine ; sur les sous-amendements nos 2646 et 2645 par le groupe Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir le sous-amendement no 2778.
M. Gérard Leseul
Il est vrai que nous défendons de nombreux sous-amendements, mais il y a à cela une raison très précise : l’amendement de rétablissement proposé par le gouvernement prévoit que « les modalités de mise en œuvre du test PME seront précisées par décret ». Nous avons donc absolument besoin de nous prémunir de mauvaises aventures et souhaitons, par l’ensemble de nos sous-amendements, rendre plus précis le texte et l’ambition du gouvernement.
Le sous-amendement no 2778 vise à préciser qu’il faut absolument consulter les organisations professionnelles d’employeurs mais aussi, bien évidemment, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
L’article 27, dans la version du texte adoptée par le Sénat, tendait à créer le Haut conseil à la simplification et prévoyait d’y associer les organisations d’employeurs – nous voulons bien sûr rétablir leur consultation – mais il ne disait rien d’une consultation des salariés, ni même de leurs représentants. Nous l’avons indiqué lors des auditions et à l’occasion des débats de la commission spéciale, et nous souhaitons l’affirmer haut et fort : il nous semble absolument indispensable que, dans le cadre de la concertation on entende l’avis des organisations représentatives, qu’elles soient patronales ou syndicales.
M. le président
Avant de poursuivre, j’indique que nous n’examinerons que les sous-amendements à l’amendement no 1502 déjà déposés. L’examen de cet amendement et celui des sous-amendements sont déjà largement engagés et la liste des sous-amendements est suffisamment longue pour que nous ayons un débat complet sur le test PME.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir le sous-amendement no 2692.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ce sous-amendement vise à trouver un équilibre. Au fil des débats relatifs à ce projet de loi, on a fait la démonstration que s’exprimait assez régulièrement une volonté d’opposer normes environnementales et sociales et conditions favorables à la vie des entreprises. Nous souhaitons préciser que, pour être complète à notre sens, l’évaluation prévue doit non seulement identifier les conséquences de l’application des normes proposées sur la vie des entreprises mais également, parfois avec une appréciation différente voire inverse, sur les droits des salariés et la protection de l’environnement.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir le sous-amendement no 2691.
M. Gérard Leseul
Ce sous-amendement va dans le sens du précédent. Nous proposons, après l’alinéa 3, d’insérer l’alinéa suivant : « Cette évaluation présente ces impacts de manière factuelle, documentée et objective et identifie le cas échéant des solutions alternatives permettant d’atteindre le même objectif. »
Avant de prendre une disposition législative ou réglementaire nouvelle, il faut bien évidemment pouvoir à la fois en évaluer l’impact, mais aussi déterminer si une autre solution, dont l’application serait peut-être plus simple, ne serait pas préférable.
M. Thierry Tesson
Une norme de plus !
M. Gérard Leseul
Non, ce n’est pas une norme de plus ! C’est justement une manière de simplifier les choses !
M. le président
La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir le sous-amendement no 2681.
Mme Lisa Belluco
Il vise à compléter l’alinéa 4 prévoyant que « les normes justifiées directement par la protection de la sécurité nationale ne sont pas soumises à un test PME ». Nous considérons que les normes justifiées par la protection de l’environnement ne devraient pas non plus y être soumises. Même s’il est peut-être inutile de le faire, je rappelle que nous sommes en plein changement climatique, que nous vivons la sixième extinction de masse de la biodiversité et que notre survie dépend des animaux et des plantes en train de disparaître ainsi que d’un climat favorable à l’être humain. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
Les textes, les normes, et les lois que nous pourrions proposer pour redresser la barre, pour éviter que la température augmente en France de 4 degrés, pour éviter d’arriver au bout de l’extinction de masse ne peuvent pas être mis en balance avec des intérêts économiques.
Bien sûr, on peut regarder comment ces politiques peuvent s’appliquer au mieux, mais les intérêts économiques ou financiers, les intérêts de quelques-uns, ne peuvent en aucun cas être plus importants que la préservation de notre environnement et des conditions de notre survie sur cette planète, car c’est bien de cela qu’on parle. (Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.)
Nous proposons donc d’introduire dans l’amendement la notion d’intérêt général par l’ajout des mots « et la protection de l’environnement ». Les normes justifiées directement par la protection de l’environnement ne devraient en aucun cas être soumises au test PME, parce qu’elles sont bien plus importantes que tout ce dont nous pourrions discuter par ailleurs aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir les sous-amendements nos 2646 et 2645, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Charles Sitzenstuhl
Ils sont assez différents l’un de l’autre mais concernent tous deux l’alinéa 6, qui dispose que « le président d’une assemblée parlementaire peut décider de soumettre à un test PME une proposition de loi ».
Parce que je trouve cette disposition très restrictive, dans le sous-amendement no 2646, je propose d’étendre cette possibilité de saisine aux présidents des commissions des finances et des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je trouve cela logique.
Le sous-amendement no 2645 est rédactionnel. Je ne juge pas très bonne la rédaction proposée. « Pouvoir décider de soumettre », cela ne veut rien dire d’un point de vue légistique. Je propose donc de supprimer les mots « décider de » pour que la phrase soit plus fluide et très claire : « Le président d’une l’Assemblée parlementaire – et, je l’espère, le président de certaines commissions – peut soumettre à un test PME une proposition de loi. »
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir le sous-amendement no 2773.
Mme Claire Lejeune
Les discussions autour du test PME et de l’article 27 sont assez emblématiques de la logique à l’œuvre dans l’ensemble du texte, qui propose un déplacement du pouvoir politique, donc démocratique, vers le pouvoir économique, soit une logique d’intérêts privés.
M. Thierry Tesson
Sans l’économie, on meurt !
Mme Claire Lejeune
C’est un mouvement par lequel on place l’intérêt économique au-dessus de tous les autres, comme s’il était délié des droits des salariés et des sujets environnementaux ou climatiques, comme si tout cela, dans le cadre de notre rôle de défense de l’intérêt général, n’était pas connecté. Cette tendance, très grave, correspond exactement à ce que l’on décrit quand on parle de néolibéralisme. Des bancs du centre de cet hémicycle à ceux situés tout à droit, un arc se crée pour placer les intérêts privés au-dessus de l’intérêt général. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans la rédaction actuelle de l’amendement no 1502, deux personnes, les présidents des deux chambres parlementaires, dont on ne voit pas bien en quoi c’est le rôle, ont le pouvoir de décider seules de soumettre une proposition de loi à un test PME.
M. Laurent Jacobelli
Vous n’aimez pas les PME !
Mme Claire Lejeune
Nous proposons en conséquence que la décision de soumettre une proposition de loi à un test PME ne soit prise qu’à condition de recueillir le vote favorable d’au moins les deux tiers des membres de la conférence des présidents de l’assemblée concernée. On aurait ainsi une pluralité de points de vue sur cette démarche : même si la défense de la démocratie n’est pas le fort de texte, il serait au moins souhaitable que la décision de convoquer un test PME soit un peu collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir le sous-amendement no 2774.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il s’agit d’un sous-amendement de repli par lequel nous voulons rendre l’avis émis à la fin du test PME consultatif et non suspensif.
M. Thierry Tesson
Très efficace !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Par ailleurs, cet avis devrait être remis dans un délai d’un mois.
En effet, il est prévu que toutes les modalités du test soient fixées par décret. En conséquence, on ignore comment les choses vont se passer, on ne sait pas combien de temps le test va prendre ni si l’avis final sera contraignant. S’il l’était, on se retrouverait avec l’équivalent du droit de veto déguisé des représentants des entreprises sur les lois qu’aurait eu le Haut Conseil à la simplification pour les entreprises. Nous refusons de donner aux chefs d’entreprise un pouvoir inacceptable sur la fabrique de la loi.
Nous proposons donc que le lancement d’un test PME ne puisse pas entraîner une suspension des travaux parlementaires. Puisque le président d’une assemblée parlementaire pourra décider d’y soumettre une proposition de loi, il faut s’assurer que l’examen du texte ne sera pas conditionné au résultat du test.
Nous voulons aussi que l’avis rendu à l’issue du test soit seulement consultatif. Il s’agit d’éviter tout embouteillage inutile de la procédure législative – cela devrait plaire à ceux qui veulent toujours tout simplifier – et, surtout, de préserver l’initiative parlementaire, sacrément malmenée par les institutions de la Ve République, singulièrement en ce moment.
Enfin, un délai maximal d’un mois pour que les conclusions du test soient rendues permettrait d’éviter toute stratégie politicienne…
M. Patrick Hetzel
Il ne vous arrive jamais d’en faire preuve ! Ce n’est pas votre genre !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…qui consisterait à étirer inutilement les délais des consultations, par exemple sur une proposition de loi dérangeant les chefs d’entreprise.
Il s’agit en résumé d’un sous-amendement de super-repli visant à encadrer de quelques barrières un principe que nous condamnons.
M. le président
Avant d’en venir aux sous-amendements suivants, je vous propose que, sur cette longue série d’amendements et de sous-amendements, après les avis de M. le rapporteur, de Mme la ministre et, j’imagine, de M. le président de la commission spéciale, il y ait une prise de parole par groupe plutôt qu’une intervention pour et une intervention contre, ce qui pourrait être un peu frustrant pour ceux qui n’auraient pas levé la main assez tôt.
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir le sous-amendement no 2777.
Mme Manon Meunier
Il s’agit d’un sous-amendement de repli par rapport à celui qui vient d’être défendu. Nous souhaitons toujours que le test PME n’interrompe n’entrave ni ne stoppe le travail parlementaire mais, cette fois, nous proposons que ses conclusions soit rendues au plus après deux mois. Ce délai nous paraît raisonnable. Il faut que le travail de l’Assemblée et du Sénat puisse suivre son cours correctement puisque nous allons avoir besoin de voter des lois qui, pour certaines, iront peut-être à l’encontre des intérêts économiques des entreprises.
Il faudra évidemment accompagner les entreprises, mais il ne faut pas recréer un Haut Conseil qui leur donnerait un superpouvoir placé au-dessus de l’intérêt général et collectif.
Finalement, je ne vois pas bien en quoi le test PME diffère du Haut Conseil. J’ai certes bien noté les changements dans la rédaction, mais nous sommes tout de même en train de recréer une machine, un conseil, de même nature que ceux auxquels vous avez fait la chasse tout au long de l’examen de l’article 1er en déposant plus de 150 amendements. J’ai l’impression d’assister à un coup de marketing où, parce qu’on passe d’un Haut Conseil de la simplification au test PME, les choses seraient plus acceptables. Pourtant, il s’agit toujours de créer une machine de consultations qui fonctionnera avec de l’argent public, alors qu’il nous semblait que c’était ce que vous vouliez éviter. Cet argent public servira de plus à placer les intérêts économiques au-dessus d’autres considérations. Par souci démocratique, il faut au moins que le test PME n’entrave en rien le travail de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. Thierry Tesson
Argument spécieux !
M. le président
Chers collègues, pour être sûr de m’y retrouver, je vous informe que je soumettrai à un scrutin public l’ensemble des amendements et sous-amendements de la discussion commune en cours, même les rares pour lesquels aucune demande en ce sens n’a été faite.
M. Thierry Tesson
C’est bien, c’est une simplification !
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 2755.
Mme Danielle Brulebois
Il vise à demander un rapport, car l’amendement que j’avais déposé en ce sens a été jugé irrecevable. Ce rapport porterait sur l’intérêt de l’extension du test aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et sur un changement de nom du dispositif, de « test PME » à « test entreprises ».
C’est une bonne chose que le gouvernement veuille rétablir le test PME, avec des modalités fixées par décret. En revanche, la limitation de son champ aux seules PME exclut les microentreprises, les TPE et les ETI, lesquelles doivent aussi faire face aux conséquences d’une charge administrative importante, au moment où la France promeut, à juste titre, leur reconnaissance au niveau européen.
D’une manière générale, la création d’un test dans les conditions prévues par l’amendement du gouvernement risquerait d’entraîner des effets de seuil et des fractures de compétitivité. Le périmètre de ce test ne tient pas compte de l’importance stratégique des ETI en matière d’emploi et de valeur ajoutée.
Il existe une véritable interdépendance entre les TPE, les microentreprises, les PME et les entreprises de plus grande taille. Ces dernières peuvent en effet avoir recours aux autres dans le cadre de contrats de sous-traitance. Ainsi, une norme qui pénaliserait lourdement les grandes entreprises sans avoir été soumise à évaluation préalable aurait inévitablement des conséquences sur les PME et les microentreprises.
L’objectif du projet de loi est de simplifier la vie économique. Or la mise en place d’un outil qui ne pourrait être utilisé que pour certaines entreprises viendrait, de nouveau, complexifier le processus de création de la norme et provoquerait des incertitudes. Par exemple, une norme applicable à l’ensemble des entreprises, aux PME comme aux grands groupes, serait-elle soumise à ce test ?
M. le président
Il faut conclure, madame la députée.
Mme Danielle Brulebois
C’est en ce sens que je propose que le test devienne un « test entreprises ».
M. le président
Nous avons appelé tous les sous-amendements aux amendements nos 1502 et identiques. Nous en venons au dernier amendement de la discussion commune.
La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour soutenir l’amendement no 2550.
Mme Delphine Lingemann
Pour gagner du temps, je présenterai en même temps la position du groupe Démocrates sur la discussion commune en cours.
En soutenant l’amendement de repli no 2550 nous proposons de rétablir la rédaction initiale de l’article 27. Dès novembre 2023, lors du lancement du projet de loi de simplification, à Bercy, les représentants de toutes les entreprises françaises ont demandé l’instauration du test PME. À l’écoute des acteurs économiques, le groupe Démocrates demande un test PME permettant d’évaluer l’effet sur les entreprises de toute décision. L’objectif de simplification qui nous réunit ne peut pas passer par la création d’une nouvelle instance.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements et sous-amendements ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
La rédaction que propose le gouvernement à l’amendement no 1502, comme celle que je propose à l’amendement identique no 2335, tient compte des débats que nous avons eus en commission spéciale sur la création d’une nouvelle instance. Ces amendements circonscrivent le périmètre du test PME aux projets de loi et d’ordonnance, ouvrent la possibilité de l’étendre, au cas par cas, aux projets de texte réglementaire, renvoient à un décret les modalités de la mise en œuvre du test, et permettent aux présidents de l’Assemblée et du Sénat d’y soumettre des propositions de loi.
J’émets un avis défavorable sur la quasi-totalité des sous-amendements. Monsieur Leseul, je vous demande de retirer le sous-amendement no 2690, au profit de votre sous-amendement no 2742, bien plus robuste du point de vue de la légistique. Je suis également favorable au sous-amendement rédactionnel no 2645 de M. Sitzenstuhl.
Le gouvernement comme le Parlement peuvent saisir l’ensemble des partenaires : syndicats de salariés, syndicats patronaux, chambres consulaires – chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), chambres d’agriculture –, associations. On peut les intégrer dans les discussions sur les projets ou propositions de loi sur lesquels nous sommes amenés à travailler. Adopter les précisions prévues par chacun des sous-amendements alourdirait le texte comme le dispositif qui en résulterait, et porterait atteinte à l’efficacité du test PME – or c’est bien l’efficacité que nous recherchons.
Il n’y a pas d’incompatibilité entre le test PME proposé ici – même en l’absence de dispositions organiques et réglementaires – et les études d’impact. Quant à la remise des résultats des différents travaux d’évaluation, elle ne saurait lier le pouvoir législatif ni interrompre l’examen d’un texte. Le fait de soumettre des projets de mesure au test PME n’entrera pas en contradiction avec le travail du Parlement sur les textes de simplification.
Madame Brulebois, le test PME a vocation à s’adresser à l’ensemble des entreprises, quels que soient leur taille et leur statut. La simplification doit s’appliquer à l’ensemble du champ économique.
M. le président
Merci, monsieur le rapporteur. Vous appelez donc au retrait des amendements nos 2148, 1881 et 2550 au profit de l’amendement gouvernemental et des amendements identiques ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Tout à fait, monsieur le président.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je voudrais réagir à certains propos qui ont été tenus lors de la présentation des sous-amendements.
M. Davi s’interrogeait sur la pertinence et l’intérêt du test PME. Dans certains pays voisins, ce test a été mis en œuvre et a produit des résultats : en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, on a ainsi constaté une diminution du coût de la norme pour les entreprises.
Il ne s’agit pas de se débarrasser des normes, comme l’a suggéré M. Coulomme, ni de favoriser les PME, comme l’a laissé entendre Mme Meunier, mais de faire évaluer, par et pour les entreprises, l’impact d’une norme. Cette évaluation réalisée par les entreprises elles-mêmes sera un avis non pas consultatif, mais informatif – il s’agit d’informer les parlementaires, qui vont adopter des projets et des propositions de loi, et les membres du gouvernement, qui vont prendre des arrêtés et des décrets.
Une partie des sous-amendements concerne les propositions de loi. L’amendement gouvernemental prévoit que les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale peuvent soumettre des propositions de loi au test PME, pour avis. Cette disposition a été calquée sur ce qui existe pour la saisine du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Créé il y a une quinzaine d’années, ce conseil est chargé de mesurer l’impact des normes sur les collectivités territoriales. Le secrétariat général du gouvernement effectue un tri : lorsqu’un texte – projet de loi, de décret ou d’arrêté – est identifié comme ayant un impact sur les collectivités territoriales, il est soumis au CNEN, qui doit remettre son avis dans un délai de six semaines, renouvelable une fois ; en cas d’urgence, le délai peut être réduit à deux semaines à la demande du premier ministre, voire à soixante-douze heures par décision motivée de celui-ci – je réponds ici à une question posée lors de la présentation des sous-amendements.
Deux députés – actuellement Anne-Laure Blin et Jean-Carles Grelier – siègent au Conseil national d’évaluation des normes. Pour y avoir moi-même siégé pendant un temps, je peux affirmer qu’il est véritablement intéressant de faire mesurer l’impact d’une norme par les acteurs eux-mêmes – en l’occurrence, les collectivités, les représentants de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), de Départements de France et de Régions de France. À l’issue de cet examen, le conseil émet trois types d’avis : un avis favorable, un avis défavorable provisoire ou un avis défavorable définitif. Ces avis sont communiqués aux parlementaires, préalablement à l’adoption des textes.
Je suis défavorable à l’amendement no 2148, qui prévoit de qualifier le dispositif de « test TPE-PME ». Depuis la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, la catégorie des TPE n’existe plus ; seules existent les microentreprises, les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Précisons qu’une PME est une entreprise qui emploie moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions. Or toutes les entreprises visées par le test PME sont des entreprises de moins de 250 salariés.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement no 1881, aux termes duquel le test PME serait effectué par le comité interministériel de la transformation publique. L’intérêt de ce test est justement qu’il soit fait par les entreprises : il ne faut surtout pas le confier à l’administration, comme vous le proposez.
En ce qui concerne les sous-amendements, je donne un avis favorable au sous-amendement no 2742 de M. Leseul, qui tend à rendre publique l’évaluation issue du test PME, pour l’ensemble des textes qui y seraient soumis. Cette publicité correspond à l’esprit du projet de loi, mais il est bon de la prévoir explicitement. Je vous demande, en revanche, monsieur Leseul, de retirer le sous-amendement no 2690, qui laisse de côté les arrêtés et les décrets, ne mentionnant que les projets de loi et les ordonnances.
Je suis également favorable au sous-amendement no 2645 de M. Sitzenstuhl. Pour ce qui est de son sous-amendement no 2646, qui vise à ce que les présidents des assemblées ne soient pas les seuls à pouvoir soumettre les propositions de loi au test PME, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Dans le cas du Conseil national d’évaluation des normes, seuls les présidents des chambres ont ce pouvoir ; c’est l’état d’esprit qui nous a guidés dans la rédaction de l’amendement no 1502.
L’avis du gouvernement est défavorable sur tous les autres sous-amendements.
J’appelle votre attention sur le fait que, si l’amendement no 2148 était adopté, il ferait tomber les autres amendements en discussion commune, tout comme les sous-amendements à l’amendement du gouvernement no 1502 et identiques.
M. le président
Je présume que vous demandez le retrait des amendements concurrents du vôtre. Mme Blin maintient son amendement no 2148 et M. Allegret-Pilot indique que l’amendement no 1881 est lui aussi maintenu. Monsieur Bolo, maintenez-vous votre amendement no 2550 ?
M. Philippe Bolo
Je le retire.
(L’amendement no 2550 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je salue la méthode adoptée et remercie à cet égard Mme la ministre déléguée. La commission spéciale avait supprimé l’article 27, considérant que, si nous étions favorables à la consultation d’entreprises sur les textes qui les concernent, nous étions défavorables à la création d’un Haut Conseil à la simplification. Cette initiative était à l’opposé de la démarche consistant à réduire le nombre d’agences et de comités – ce qu’une partie de cet hémicycle a essayé de faire lorsque nous avons examiné l’article 1er.
J’appelle votre attention sur deux sous-amendements.
Le sous-amendement no 2646 de Charles Sitzenstuhl me semble excellent : il serait bon que les présidents des commissions des affaires économiques et des finances puissent soumettre des propositions de loi au test PME. J’espère qu’il sera voté !
Lorsque Gérard Leseul et moi-même avions auditionné l’ensemble des organisations syndicales et patronales, les organisations syndicales s’étaient montrées favorables au test PME, mais s’étaient étonnées de ne pas y être associées. Il serait souhaitable de solliciter l’avis des salariés. À titre personnel, je voterai donc pour le sous-amendement no 2778.
M. le président
Monsieur Leseul, maintenez-vous le sous-amendement no 2690 ?
M. Gérard Leseul
Je le retire.
(L’amendement no 2690 est retiré.)
M. le président
Sur cette discussion commune, je donnerai la parole au plus à un orateur par groupe. La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
L’article 27 soulève une série de questions. Je fais remarquer à tous les champions de la tronçonneuse qu’on avait supprimé le Haut Conseil à la simplification, et le voilà qui revient dans le texte ! Si j’étais taquin, je dirais que vous êtes en train de réinventer le Cese, le Conseil économique, social et environnemental. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
Mme Sophia Chikirou
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
Les mêmes qui voulaient le supprimer le réinstaurent aujourd’hui.
Comme vous tous, j’ai été sollicité par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et par l’Union des entreprises de proximité (U2P) sur le test PME. Je sais que beaucoup d’entreprises y tiennent. Cependant, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur Travert, monsieur le président de la commission spéciale, le test PME ne sera-t-il pas redondant avec le travail du Cese et celui du Conseil national d’évaluation des normes, dont on pourrait simplement étendre les compétences ?
Mme Danielle Brulebois
Ça n’a rien à voir !
M. Emmanuel Maurel
Deuxième point : depuis la révision constitutionnelle de 2008 et la loi organique de 2009 qui en a découlé, les études d’impact sont obligatoires et comportent une évaluation des conséquences économiques, sociales et environnementales des dispositions. Le test PME ne sera-t-il pas redondant ? Personnellement, je n’ai toujours pas compris.
Troisièmement, je pense qu’il faut soutenir de très nombreux sous-amendements, notamment des sous-amendements de précision. Sur ce point, je suis déçu, monsieur Travert : si vous voulez un vote unanime, ou du moins très large, il faut prendre en compte ce que disent les collègues qui s’inquiètent de l’imprécision du texte, du statut indéfini de ce que vous nous proposez.
Il convient d’inscrire dans la loi plusieurs points importants, dont la présence des salariés. Ce point est fondamental à mes yeux, au vu de ce qu’ils ont subi depuis plusieurs années – les ordonnances Macron, la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), la remise en cause du droit du travail et de la démocratie sociale. Entendez au moins ce message : il est fondamental de les associer à l’évaluation des dispositions législatives. Après tout, dans les PME, les chefs d’entreprise ne sont pas les seuls concernés ; ce sont avant tout ceux qui vont bosser dans les boîtes qui sont directement intéressés par la question. Voilà pourquoi je demande des précisions et pourquoi nombre de ces sous-amendements sont importants.
Encore une fois, je me pose la question de l’intérêt d’un dispositif qui semble très redondant. C’est pourquoi je m’adresse en particulier à Mme la ministre.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Pendant l’examen de l’article 1er, nous avons passé notre vie à supprimer des agences et des instances, et voici que l’article 27 en réinstaurait un ! Vous vous êtes dit que c’était un peu trop gros, de sorte que l’article 27 a été supprimé en commission. Cela n’en illustre pas moins ce que nous n’avons cessé de vous dire au cours de l’examen de l’article 1er : vous n’avez rien contre les comités et les instances en tant que tels, mais vous en avez après les contre-pouvoirs démocratiques ; ce qui vous pose problème, c’est que d’autres intérêts que les intérêts privés puissent être représentés. Autour de la table du Haut Conseil que vous envisagiez de créer ne devaient d’ailleurs siéger que des chefs d’entreprise, et non les salariés. C’est emblématique de l’esprit de ce texte.
J’entends dans la bouche de M. Travert qu’en fait, le test PME ne concernera pas uniquement les PME, puisque vous souhaitez l’étendre aux entreprises de toute taille, raisonnant comme si n’existaient pas des intérêts divergents entre nos plus petites entreprises et les grosses boîtes qui cherchent parfois à les avaler. Une fois encore, vous êtes aveugles à toute une série de problèmes très sérieux.
Je m’étonne de vous voir créer une courroie de transmission directe entre les entreprises et la fabrique de la loi, alors que vous n’avez pas entendu les voix, celles des syndicats notamment, qui se sont exprimées pendant des mois et des mois contre la réforme des retraites. Et voilà que vous aménagez en quelque sorte un lobby intégré, financé par l’argent public, pour privilégier des intérêts économiques,…
M. Laurent Jacobelli
Dérive complotiste !
Mme Claire Lejeune
…coupés – j’y insiste – de ceux des salariés et de leurs droits, comme des enjeux écologiques ou environnementaux.
Vous agitez le chiffre des 60 ou 70 milliards d’euros que coûterait la charge de la norme, mais savez-vous seulement ce que nous coûtent les accidents du travail dans notre pays ? Savez-vous que le dérèglement climatique nous coûte 10 milliards par an ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
Quel rapport ?
Mme Claire Lejeune
Les normes ont un intérêt, une raison d’être.
M. le président
Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Claire Lejeune
On doit défendre ici l’intérêt général, et non le pur intérêt privé comme vous voulez le faire avec ce texte… (Le temps de parole étant écoulé, le président coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
M. le président
La parole est à Mme Lisa Belluco.
Mme Lisa Belluco
Comme mes collègues qui viennent de s’exprimer, je m’interroge, car je croyais que ce projet de loi – nous n’avons plus guère l’habitude d’en voir – visait à supprimer des instances, des conseils, des « comités Théodule » comme on aime à les appeler.
M. Thierry Tesson
Ce ne sera pas grâce à vous !
Mme Lisa Belluco
Or vous proposez d’en créer un nouveau ! Il y a trois semaines, vous nous expliquiez avec verve que nous n’avions besoin de personne pour influencer nos décisions, qu’étant investis de la souveraineté populaire, nous pouvions tout décider à 577 députés, sans recueillir quelque avis que ce soit, l’élection nous ayant sans doute rendus omniscients.
M. Laurent Jacobelli
Vous n’aimez pas la démocratie !
Mme Lisa Belluco
Je ne comprends pas votre position.
M. Thierry Tesson
Ni nous la vôtre !
Mme Lisa Belluco
Elle semble changer : quand il s’agit de l’intérêt de quelques entreprises – le rapporteur Travert vient de préciser qu’il s’agissait de toutes les entreprises, ce qui est un tant soit peu rassurant –, nous cessons d’être des sachants absolus, il faut solliciter un avis, nous avons soudain besoin d’être éclairés sur les intérêts bien particuliers et bien privés de ces entreprises. Mais qui représentent-elles ? Et que représentent-elles ? L’intérêt général ? Nous sommes toutes et tous censés défendre ici l’intérêt général. J’ai donc du mal à suivre votre position.
Qui plus est, on ne sait pas exactement qui sera présent dans ce conseil censé conduire le test PME. Des paroles sont prononcées au banc, mais nous n’en connaissons pas la composition exacte. On ignore qui prendra la parole, pour quoi et au nom de qui. Pourquoi ces organisations seraient-elles plus légitimes que d’autres pour donner leur avis sur les textes que nous proposons et votons ici ? Pourquoi les associations de consommateurs ne le feraient-elles pas ? Elles représentent une part non négligeable de la population.
Je tiens néanmoins à saluer… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
Vous avez largement dépassé votre temps de parole. J’invite chacun à s’en tenir à deux minutes.
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Nous sommes dans cet hémicycle pour légiférer et nous devons le faire de manière pleinement éclairée. Cette discussion, notamment l’examen de l’ensemble des sous-amendements, nous permet d’aller plus au fond que nous ne l’avions fait en commission spéciale. Je remercie en particulier le collègue Maurel d’avoir posé quelques questions fondamentales à Mme la ministre ; j’espère donc qu’elle répondra à notre collègue et à nous tous. En effet, il existe déjà, entre autres, les études d’impact et le travail du Cese. On peut comprendre que le test PME soit essentiel pour les entreprises, mais nous demandons à être rassurés : il ne doit pas se faire au détriment des autres instances de concertation.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir accepté le sous-amendement no 2742, ce qui m’a conduit à retirer bien volontiers le sous-amendement no 2690. Je remercie également le président de la commission spéciale, qui a rappelé l’importance du sous-amendement no 2778. Lorsque nous légiférons, nous devons étudier l’impact des décisions que nous pouvons prendre, de celui des normes ou des règlements, même quand ils n’émanent pas de cette enceinte. À cette fin, nous avons besoin de consulter les organisations syndicales, patronales comme de salariés. Le test PME doit nous permettre de mesurer l’incidence des décisions non seulement dans le champ organisationnel, managérial et économique, mais aussi pour l’environnement et, j’y insiste, pour les droits des travailleurs.
M. le président
La parole est à Mme Marie Lebec.
Mme Marie Lebec
Notre groupe soutiendra l’amendement déposé par le gouvernement, enrichi par les sous-amendements qui ont reçu un avis favorable de M. le rapporteur et de Mme la ministre – je tiens à les remercier pour le travail accompli.
Le test PME constitue un dispositif nouveau, que nous essayons de mettre en œuvre en bonne intelligence, notamment avec les PME. Celles-ci estiment que, souvent, les lois que nous votons correspondent davantage à de grandes entreprises disposant des moyens nécessaires pour s’y conformer, et que leur application concrète les met en difficulté.
L’idée chemine depuis longtemps. Avec la ministre Grégoire comme avec la ministre Louwagie, nous nous sommes efforcés d’affiner cet outil pour le rendre efficace, conformément à l’esprit qui nous anime : faire des lois aussi opérationnelles que possible, quelle que soit la taille de l’entreprise, afin d’améliorer la vie quotidienne des entreprises, celle des salariés qui y travaillent et de faire de la France un pays où chacun peut trouver sa place.
À l’issue de ce débat, le dispositif, enrichi par les sous-amendements que j’ai évoqués, permettra un dialogue utile et constructif entre la représentation nationale et les entreprises petites et moyennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Nous invitons nos collègues à voter avec enthousiasme pour l’excellent et très synthétique amendement no 1881 de M. Éric Ciotti !
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je vais défendre la position du groupe RN.
Ces débats sont amusants : on découvre une gauche adepte de la tronçonneuse ! Certes, c’est une très petite tronçonneuse, puisqu’elle ne touche que le Haut Conseil à la simplification, après avoir atteint le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Cela n’en fait que deux, comparés aux 100 ou aux 200 comités, agences et autres opérateurs dont nous avons demandé la suppression ou la réinternalisation. Mais il y a un début à tout !
Sur le fond, vous affirmez que le Haut Conseil à la simplification et le test PME favoriseraient l’intrusion de lobbys au sein de l’administration et pèseraient sur le législateur. Or la Commission nationale du débat public (CNDP) abrite elle-même des lobbys, des intérêts privés et idéologiques. Cela ne vous a pas empêchés de défendre corps et âme son maintien (Mme Josiane Corneloup applaudit), comme celui de tous les autres comités, agences et opérateurs.
Deuxièmement, le fait que des représentants des entreprises donnent leur avis, au nom des entreprises en général et non de leur secteur, sur l’impact des textes de loi et des ordonnances, en amont de leur discussion – encore ne s’agit-il que d’un avis informatif –, empêchera peut-être que des lobbys sectoriels ne viennent démarcher les parlementaires pendant les débats en leur proposant des amendements clé en main.
M. Jean-François Coulomme
Ce sont les lobbys qui écrivent vos amendements !
M. Matthias Renault
Concernant le lobbying, précisément, le dispositif pourrait permettre de maîtriser le phénomène.
Mme Sophia Chikirou
Vous aurez les deux !
M. Matthias Renault
Par ailleurs, le test PME constitue en quelque sorte une extension de la notion d’étude d’impact. Ces études comportent déjà une rubrique consacrée aux effets sur les entreprises.
M. Emmanuel Maurel
Voilà ! Ça existe déjà !
M. Matthias Renault
Il s’agit simplement d’élargir l’évaluation aux TPE et PME, et de recueillir directement l’avis des représentants des entreprises, au lieu de laisser à l’administration le soin d’imaginer les impacts éventuels.
Nous soutiendrons l’amendement no 2148 de Mme Blin, qui reprend exactement la rédaction du gouvernement, mais élargit le périmètre aux TPE. Pour répondre à l’observation de Mme la ministre, cette rédaction… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés du groupe RN applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Le Haut Conseil à la simplification a bel et bien été supprimé, conformément à notre vœu unanime en commission spéciale. Il ne s’agit pas de se demander qui siégerait dans cette instance, puisqu’elle n’existe plus.
Le gouvernement ou le Parlement – tel est aussi notre rôle – peuvent saisir l’ensemble des interlocuteurs intéressés : les syndicats de salariés, les syndicats patronaux, les organismes consulaires – les chambres d’agriculture, les CMA, les CCI – ou les associations – environnementales ou de consommateurs, par exemple. Solliciter ces structures ne soulève aucune difficulté. Lorsqu’un texte de loi vient en discussion, il n’y a aucune raison de ne pas les associer à l’évaluation des mesures envisagées ou à notre réflexion sur la simplification.
Il me semble que nous devons nous retrouver sur l’amendement du gouvernement, qui fixe un objectif et permet un fonctionnement suffisamment agile pour tenir compte d’un champ d’entreprises très large. Je le répète, nous devons pouvoir saisir l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, des TPE aux grands groupes en passant par les ETI. Il est essentiel que nous puissions choisir les interlocuteurs avec lesquels nous travaillerons à l’évaluation des différentes dispositions.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je souhaite apporter quelques précisions en réponse aux questions posées. Premièrement, il n’est pas question, dans l’article tel que nous voulons le rétablir, de créer un Haut Conseil. Deuxièmement, je le redis, à défaut des mesures prévues dans l’article, le gouvernement peut lui-même créer un test PME, par voie réglementaire. Troisièmement, l’amendement que je vous propose exclut tout ce qui concerne la protection de la sécurité nationale et le code du travail – je le dis à l’attention de ceux d’entre vous qui s’inquiètent de l’impact du dispositif sur les salariés.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2148.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 63
Contre 63
(L’amendement no 2148 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1881.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 64
Contre 63
(L’amendement no 1881 est adopté ; en conséquence, l’article 27 est ainsi rétabli et les amendements identiques nos 1502, 1757, 1765, 1970 et 2335 ainsi que tous les sous-amendements s’y rapportant tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Monsieur le président, je demande une suspension de séance un peu plus longue, de cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 15 (appelé par priorité)
M. le président
La parole est à Mme Manon Bouquin.
Mme Manon Bouquin
Nous partageons l’objectif affiché par cet article d’accélérer l’implantation de centres de données sur notre sol, en les qualifiant de projets d’intérêt national majeurs (PINM). C’est une urgence car la donnée est désormais cruciale pour notre souveraineté numérique : sans data centers, pas de cloud, pas d’intelligence artificielle, pas de cybersécurité et pas même de services publics modernes. Mais pour que cet article soit à la hauteur, nous posons deux conditions.
Premièrement, le dispositif doit être réservé aux entreprises européennes, et à elles seules. Le projet d’intérêt national majeur est un outil de politique industrielle : son but est non pas de faciliter l’installation d’une multinationale étrangère, mais de construire l’indépendance technologique de la France et de l’Europe. Nous sommes lucides : il est irresponsable de continuer à aider en France des entreprises soumises au Cloud Act américain ; il est irresponsable de leur laisser profiter de notre énergie nucléaire à bas prix pendant que nos entreprises nationales se battent pour survivre ; il est irresponsable de ne pas assumer un minimum de patriotisme économique, dans un monde où la guerre commerciale est ouvertement déclarée.
Deuxièmement, l’exclusion des data centers du décompte ZAN – zéro artificialisation nette – doit absolument être maintenue. C’est une évidence : on ne peut pas, d’un côté, affirmer que nous devons accélérer et, de l’autre, interdire de construire. C’est pourquoi le RN s’est toujours opposé au ZAN : nous refusons que des normes dictées par une idéologie écologiste punitive viennent entraver le développement économique et l’aménagement de nos territoires. Il est hors de question que notre souveraineté numérique soit sacrifiée sur l’autel d’une écologie hors sol.
Nous soutiendrons donc l’article 15 si, et seulement si, vous en maintenez la cohérence : si vous ouvrez la porte aux entreprises extra-européennes ou si vous revenez en arrière sur le ZAN, cela remettra en question notre position qui, pour le moment, est favorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous nous attaquons à un article qui, s’il était maintenu, aurait des conséquences graves – et je pèse mes mots. Il a deux objectifs principaux : d’une part, réduire plus ou moins à néant le zéro artificialisation nette ; d’autre part, étendre les dérogations à l’interdiction de détruire des espèces protégées, par l’intermédiaire du statut de projet d’intérêt national majeur que l’on veut accorder aux data centers, aux infrastructures et aux projets industriels, donc à tout le monde. L’enjeu, ici, c’est la biodiversité, dont on accélère l’effondrement.
M. Laurent Jacobelli
Mais non ! C’est l’emploi des êtres humains !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
En effet, la première cause de cet effondrement, c’est l’artificialisation des sols. Or l’article 15 dans son ensemble va dans ce sens ! Ce matin même, une étude britannique a révélé qu’entre 2021 et 2024, c’est-à-dire en trois ans, le nombre d’insectes a diminué de 63 % au Royaume-Uni ;…
M. Laurent Jacobelli
On leur dira qu’ils sont chômeurs à cause d’une mouche !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…de manière générale, en Europe, la chute de la population d’insectes atteint 80 % sur les deux dernières décennies. Nous avons par ailleurs perdu au moins un quart de nos oiseaux en l’espace de quarante ans, et on sait aussi que les zones humides, à l’échelle mondiale, sont détruites à 85 %. Derrière tous ces chiffres, c’est une menace directe qui pèse sur la vie en général, sur notre vie à nous, sur la ressource en eau et sur notre agriculture, qui dépend aussi énormément de la biodiversité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Jacobelli
Lâchez-nous ! Lâchez-nous !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Parfois, je me dis que l’enjeu est tellement énorme qu’il vous fait peur et que vous ne voulez pas le voir. Nous sommes face à un phénomène grave !
M. Hervé de Lépinau
On vit en zone rurale, nous ! On sait ce qui s’y passe !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
En l’occurrence, vous prétendez simplifier la vie économique, mais dans « vie économique », il y a « vie » ; or vous êtes en train de détruire la vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Prenons maintenant le terme « économique » : la moitié du PIB mondial dépend de la nature. En réalité, le coût de l’inaction face au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité représente 5 % à 20 % du PIB mondial, alors que le montant des investissements qui permettraient d’enrayer ce processus serait trois fois moindre ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous pensez simplifier et accélérer la vie économique, mais vous allez en réalité la compliquer à long terme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Caroline Colombier
Venez à la campagne !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Comment pouvez-vous soutenir ces mesures tout en nous proposant un plan censé adapter la France à un réchauffement de 4 degrés ? C’est insupportable : il faut arrêter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Lhardit.
M. Laurent Lhardit
Nous abordons ici, avec l’article 15, la construction de notre souveraineté numérique nationale et le déploiement des centres de données sur le territoire. Nous partageons l’objectif d’accélérer ce déploiement, mais évidemment pas à n’importe quel prix – nous y reviendrons au cours de l’examen de l’article.
Toujours sur ce sujet, nous aborderons le cas des sociétés étrangères soumises à des législations extraterritoriales qui ne leur permettent pas de garantir la sécurité des données qu’elles hébergent en France. Nous avons fait adopter un amendement à ce propos en commission et nous continuerons à défendre ici cette mesure en précisant qu’elle n’interdit pas à des entreprises, par exemple américaines, de construire des centres de données en France, mais qu’elle les exclut du statut de projet d’intérêt national majeur – et pour cause, puisqu’elles ne peuvent pas garantir la sécurité des données qu’elles hébergent et donc permettre d’atteindre l’objectif de souveraineté recherché. (M. Jacques Oberti applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Le groupe écologiste n’a toujours pas compris à quoi servirait cet article 15, censé simplifier le déploiement des data centers. Notre pays compte déjà de nombreux data centers et la réglementation n’a jamais empêché quoi que ce soit. Surtout, en quoi un data center lambda serait-il d’intérêt national majeur ? En effet, nous en sommes aux généralités puisque serait concerné tout data center dont la puissance dépasserait un certain niveau – synonyme, au passage, d’une consommation importante de ressources et d’énergie ; nous devrions donc nous poser la question de leur impact environnemental. Pensez-vous que les data centers qui stockent des vidéos Netflix, voire des vidéos pornographiques, sont d’intérêt national majeur ?
M. Emmanuel Maurel
La réponse est non.
M. Nicolas Bonnet
Quand un data center nous confère-t-il une véritable souveraineté numérique ? La souveraineté numérique, ce n’est pas d’être capable de stocker des données mais de produire du numérique, donc d’abord du matériel.
M. Emmanuel Maurel
Très juste !
M. Nicolas Bonnet
Or l’Europe, en particulier la France, ne savent pas le faire, bien incapables qu’elles sont de trouver les matières premières et ne disposant plus de la technologie nécessaire pour fabriquer des processeurs et des disques durs. La plupart des logiciels dont nous dépendons sont ceux des Gafam – Microsoft, Apple, Google. Ce sont eux qui stockeront leurs données sur ces serveurs – des données que nous ne serons même pas capables de décrypter sans leur accord, ce qui signifie bien que nous ne maîtrisons rien. Ce n’est en tout cas pas cela qui aidera à développer des logiciels français ni même européens – encore moins des logiciels libres, ce qui serait l’idéal – susceptibles de nous donner la souveraineté numérique.
On déploie des data centers non régulés, et l’on qualifie cela de développement de la souveraineté numérique. C’est du flan, du pipeau ! Je voudrais bien, monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, que vous nous expliquiez en quoi cela permettra d’assurer la souveraineté numérique. Nous resterons aussi dépendants qu’avant, puisque nous n’aurons rien produit en France. Ce n’est pas cela, la réindustrialisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emmanuel Maurel
Excellent !
M. le président
Nous en venons à six amendements, nos 558, 1981, 2009, 2054, 2065 et 2142, tendant à supprimer l’article 15.
Sur ces amendements identiques, ainsi que sur les amendements nos 1783 et 2120, je suis saisi par le groupe Écologiste et social de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir l’amendement no 558.
Mme Lisa Belluco
L’article 15 est au cœur de votre projet : la destruction méthodique du droit de l’environnement, au service d’une vision court-termiste de l’économie. L’article prévoit ainsi de qualifier de projet d’intérêt national majeur des data centers, mais aussi des projets industriels, des infrastructures de transport, et j’en passe, puisque les députés en ont ajouté à l’envi en commission – une fois que la porte est ouverte, autant s’engouffrer dans le passage !
En outre, bien évidemment, on supprime l’objectif intermédiaire du zéro artificialisation nette. Rassurez-vous, nous examinerons ensuite des amendements qui visent carrément à supprimer le ZAN.
M. Pierre Meurin
Excellent !
Mme Lisa Belluco
Il n’y a pas de raison de s’embêter, n’est-ce pas ?
Peut-être l’ignorez-vous, mais le changement d’affectation des sols, à savoir leur artificialisation, est l’une des premières causes du changement climatique. Vous voulez simplifier la vie économique, mais avez-vous pris conscience du fait que, dans un scénario de réchauffement à + 4 degrés – qui est celui actuellement retenu en France puisque c’est sur lui que se fonde le plan national d’adaptation au changement climatique – la perte de PIB serait de 40 % d’ici à la fin du siècle ?
M. Laurent Jacobelli
La fin du monde est proche !
Mme Lisa Belluco
Est-ce là une économie en bonne santé ? Est-ce une perspective enviable ? Nous sommes plutôt favorables à la décroissance, mais nous préférerions la préparer plutôt que la subir. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Le loup sort du bois !
Mme Lisa Belluco
Ne vous inquiétez pas, vous l’aurez, la décroissance, grâce aux politiques que vous menez. Vous êtes en train de l’organiser méthodiquement. Il serait préférable de la préparer pour ne laisser personne au bord du chemin, d’élaborer d’autres modalités pour notre vie économique.
M. Laurent Jacobelli
C’est une secte.
Mme Lisa Belluco
Au contraire, vous nous conduisez droit vers une casse sociale dramatique, ce dont vous ne vous rendez même pas compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1981.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous souhaitons supprimer cet article, qui concentre de nombreuses attaques contre le droit de l’environnement, en particulier des dérogations à l’objectif zéro artificialisation nette et la destruction d’espèces protégées.
Je veux insister sur la gravité des dispositions prévues par l’article et de certains amendements. J’entends encore le ministre Tabarot me dire que le droit de l’environnement ne devait pas être un droit contre le progrès.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
C’est vrai.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je crois, collègues, gouvernement, que vous ne comprenez rien au droit de l’environnement. (Mme Lisa Belluco applaudit.) Le droit de l’environnement est aussi un droit qui protège la population et sa santé, un droit qui permet de poursuivre nos activités, y compris économiques et agricoles. Le droit de l’environnement s’est construit au fil du temps, notamment après de grandes catastrophes, comme celle de Seveso ou celle de l’usine AZF. C’est dans ces moments-là que l’on a réfléchi à un arsenal pour se prémunir contre ce genre de catastrophes et, plus généralement, contre les conséquences de la dégradation de notre environnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Hélas, une fois la catastrophe passée, on oublie, on reprend le cours de sa vie comme si de rien n’était et on se précipite pour détruire le droit de l’environnement. C’est en tout cas ce que vous faites par cet article.
Or nous faisons face, en ce moment même, à une catastrophe d’une ampleur inégalée : le changement climatique couplé à la sixième extinction massive des espèces. Ces deux phénomènes sont liés, comme l’ont largement démontré le Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – et l’IPBES – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les inondations désastreuses et souvent meurtrières qui ont ravagé Valence, La Réunion ou l’Ille-et-Vilaine. Le changement climatique, à n’en pas douter, est l’une des causes de ces catastrophes, mais si les pluies diluviennes provoquent des inondations d’une telle ampleur, c’est parce que les sols sont tellement artificialisés que la terre ne peut plus absorber l’eau. Nous devons réagir et ne surtout pas accélérer comme vous proposez de le faire, car ce serait foncer droit dans le mur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2009.
Mme Claire Lejeune
C’est vrai, l’article 15 est le cœur idéologique de ce projet de loi qui, loin d’être un texte de simplification, tend à la dérégulation. C’est aussi un texte de régression majeure pour le droit de l’environnement, un texte à caractère climatosceptique.
Cet article est emblématique de votre méthode, qui consiste à contourner la démocratie.
M. Emeric Salmon
Le vote de l’Assemblée contournerait la démocratie ? L’Assemblée ne serait plus souveraine ?
Mme Claire Lejeune
En détricotant l’objectif zéro artificialisation nette, vous contournez les PLU – plans locaux d’urbanisme – et les Scot – schémas de cohérence territoriale. En un mot, vous faites fi de la démocratie locale. Vous avez enfourné tout et n’importe quoi dans vos projets d’intérêt national majeur : non seulement les data centers, mais encore les infrastructures, notion extrêmement large. La catégorie des projets d’intérêt national majeur finit par perdre tout son sens et son efficacité.
Je vous entends parler, de l’autre côté de l’hémicycle, de notre souveraineté. Laissez-moi rire ! Quand toutes nos terres seront bétonnées, quand la biodiversité se sera effondrée, quand nos sols seront morts, croyez-vous que notre pays sera souverain ? Dans quel monde vivez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
C’est à quelle heure, la pluie de sauterelles ?
Mme Claire Lejeune
La réalité est que vous êtes des patriotes en papier mâché ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous ne défendez pas les Français, vous les divisez. En soutenant vos positions sur ce texte, vous ne faites rien d’autre que de servir des intérêts économiques privés. Nous combattrons pied à pied chacun de vos amendements à l’article 15, mesure centrale de ce texte de régression et de dérégulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Lisa Belluco applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 2054.
Mme Manon Meunier
Je ne reviendrai pas sur le sujet des data centers, fort bien exposé par mes collègues. Derrière cet article se cache un enjeu de souveraineté, en particulier alimentaire. En soixante-dix ans, la France a perdu 12 millions d’hectares de terres agricoles. Alors qu’en 1950, la surface agricole utile représentait 72 % du territoire français, elle n’en représente plus que 50 % à présent. L’une des premières causes de cette situation est l’artificialisation des sols.
M. Laurent Jacobelli
Vous êtes des ennemis de l’agriculture.
Mme Manon Meunier
Depuis trente ans, chaque année, la France artificialise entre 50 000 et 60 000 hectares de terres, soit l’équivalent d’un terrain de foot toutes les sept minutes.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Exactement !
Mme Manon Meunier
Moins bien protégées que les espaces naturels et forestiers, les terres agricoles sont les premières victimes de l’artificialisation. De surcroît, une terre agricole, une fois artificialisée, est perdue à l’échelle humaine.
Mme Isabelle Feix, experte nationale « sols » à l’Ademe,… (Exclamations sur les bancs du groupe RN)
M. Thierry Tesson
Ce n’est pas pour nous rassurer !
Mme Manon Meunier
Je sais que vous avez du mal avec les scientifiques, chers collègues, mais vous devriez les écouter de temps en temps. Isabelle Feix, donc, explique qu’une fois un sol imperméabilisé, aucun retour en arrière n’est possible à l’échelle humaine. C’est donc autant de sols perdus pour l’agriculture. Or l’article 15 prive de toute efficacité le zéro artificialisation nette. Nous pourrions revoir ce dispositif et l’améliorer, mais le supprimer, c’est mettre en danger directement la souveraineté alimentaire de la France ; c’est nous empêcher d’installer demain des agriculteurs en grand nombre sur notre territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet, pour soutenir l’amendement no 2065.
M. Nicolas Bonnet
Les data centers sont des structures extrêmement consommatrices d’énergie et d’eau. Au lieu de déréguler leur installation, nous ferions mieux de la réguler, en nous demandant de quels data centers nous avons vraiment besoin et où nous pouvons les installer pour qu’ils disposent d’électricité et d’eau en quantité suffisante et permanente, car un data center tourne tout le temps. On ne peut pas se permettre de l’arrêter – je suppose que les responsables de ces projets ne pourront pas expliquer à leurs clients que les data centers ne tourneront que lorsqu’il y aura suffisamment d’eau et d’énergie !
D’autre part, la notion de projet d’intérêt national majeur a été introduite par la loi relative à l’industrie verte. Or les projets que vous visez n’ont rien d’industriel : ce sont des assemblages de disques durs et de processeurs – des sortes de constructions Lego ou d’entrepôts Amazon – pour stocker des données. Ce n’est pas de l’industrie. Est-il dès lors cohérent d’y voir un projet d’intérêt national majeur ?
Surtout, en quoi ces structures contribueront-elles à assurer notre souveraineté numérique, puisque nous ne maîtriserons pas ce qui y sera stocké et que nous ne saurons même pas s’il s’agit de données françaises ? À part quelques emplois (M. Laurent Jacobelli s’exclame), je ne vois pas quel est l’intérêt de ce déploiement, qui emporte surtout de nombreux inconvénients pour le climat, nos ressources en énergie et en eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 2142.
M. Arnaud Saint-Martin
L’article 15, je le dis à la suite de mes collègues, est dangereux pour l’environnement, la biodiversité et la santé humaine. Qui plus est, il rend illisible le droit de l’urbanisme et celui de l’environnement, qu’il détricote sous couvert de simplifier, en multipliant les dérogations. Sous le prétexte d’assurer une souveraineté énergétique qui n’a de souveraineté que le nom, un centre de données pourra être qualifié par décret de projet d’intérêt national majeur.
La lame est à double tranchant car, en plus d’entraîner la destruction d’espèces dans leur habitat naturel à cause de l’artificialisation des sols, l’article favorise l’implantation de centres de données ultrapolluants et nocifs. La France en compte plus de 300, qui représentent au minimum 2 % de la consommation annuelle d’énergie. D’ici à 2035, les 4 % pourraient être atteints. On parle d’une augmentation de 30 % à 40 % de la consommation électrique nationale.
Les data centers polluent, produisent des déchets non recyclables et créent des îlots de chaleur – cette chaleur étant difficilement réutilisable. De surcroît, ces centres peuvent être dangereux en ce qu’ils sont susceptibles de provoquer des incendies du fait des batteries au lithium, de la chaleur ou de fuites de gaz. C’est arrivé en 2021 à Strasbourg et en 2023 à Clichy.
Cet article autorise l’implantation sur le territoire de ces centres de données polluants et dangereux uniquement – il est important de le répéter – pour satisfaire les grandes multinationales de la tech et de l’intelligence artificielle, au détriment des usages au ras du sol des citoyens.
Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas consultés : sur ces projets, on passe en force ou, éventuellement, on fait miroiter des créations d’emploi aux élus locaux. En réalité, en matière d’emploi, c’est la portion congrue ! Si des dizaines de millions de travailleurs pauvres sont employés ailleurs, dans le Sud, pour faire fonctionner ces fermes à données, en France, cela représente, selon un calcul que j’ai trouvé, un équivalent temps plein (ETP) pour 10 000 mètres carrés occupés. (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Entre deux radicalités, l’une qui ne veut toucher à rien et l’autre selon laquelle il faut tout laisser faire, peut-être pouvons-nous trouver un chemin de compromis ? C’est celui que M. le ministre et moi proposons.
M. Jean-Luc Fugit
Ils n’aiment pas les compromis !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Bien évidemment, l’installation de data centers a du sens du point de vue de notre souveraineté numérique.
M. Nicolas Bonnet
Ils n’apportent rien !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Bien évidemment aussi, je réfute les termes de régression environnementale. Notre volonté n’est nullement de revoir à la baisse l’ambition environnementale de notre pays.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Bien sûr que si !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Nous ne contournons absolument pas le droit commun avec cet article 15. Nous devons installer des data centers sur le territoire ; nous examinerons où il est nécessaire de le faire et nous consulterons l’ensemble des organisations qui doivent l’être. Je donne donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Très bien !
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Comme le rapporteur, je donne bien évidemment un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Ce qui est en jeu, avec cet article 15, c’est notre capacité à nous approprier les éléments d’une souveraineté numérique que d’autres pays sont déjà en train de construire.
Pour mettre leurs données dans des data centers et pour tirer bénéfice des potentialités de l’intelligence artificielle, nos PME, nos ETI, et même des entreprises de taille plus grande, ont besoin de sécurité.
Nous aborderons plus tard dans nos débats la question de la nationalité des centres de données ou de leurs opérateurs ; je ne la préempte donc pas. En revanche, je souhaite dire que nous avons besoin d’installer des data centers sur notre sol. En effet, lorsque vous visitez des centres de ce type – ce que je fais régulièrement, par exemple il y a quelques semaines à Saint-Ouen-l’Aumône – et que vous parlez aux entreprises qui sont leurs clients, celles-ci vous expliquent qu’elles n’accepteraient pas de confier leurs données à des data centers qui ne seraient pas implantés sur notre territoire, notamment s’il s’agit de faire tourner, grâce à ces données, des algorithmes d’intelligence artificielle.
Il y a ici un enjeu d’appropriation de certaines potentialités liées à l’intelligence artificielle, un enjeu de gains de productivité, un enjeu de croissance et de prospérité pour nos entreprises : c’est la raison pour laquelle cet article est très important et absolument nécessaire au développement de ces data centers.
M. Nicolas Bonnet
Il y a déjà des data centers en France !
M. Marc Ferracci, ministre
Je rappelle que plus de 100 milliards d’euros d’investissements ont été annoncés lors du dernier sommet sur l’intelligence artificielle. C’est une chance pour développer ces potentialités et éviter qu’elles ne s’installent ailleurs, en Europe ou hors d’Europe.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme.
M. Jean-François Coulomme
Finalement, les fermes agricoles seront remplacées par des fermes de serveurs !
M. Alexandre Dufosset
Les éoliennes remplacent qui ?
M. Jean-François Coulomme
C’est la terminologie : on parle de fermes de serveurs. Demain, notre monde agricole va en quelque sorte être reconverti dans le béton pour élever des serveurs informatiques !
C’est peut-être votre projet ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous pouvez pousser des hauts cris mais regardez les chiffres. En 2000, l’agriculture représentait environ 700 000 emplois ; vingt ans plus tard, en 2020, il n’y a plus que 416 000 employés agricoles et agriculteurs.
Pourquoi ?
M. Laurent Jacobelli
C’est à cause de vos dingueries !
M. Jean-François Coulomme
Est-ce que vous vous êtes posé la question ? Parce qu’il y a une financiarisation de ce secteur. Cette financiarisation profite à ceux qui spéculent sur cette profession et sur l’activité agricole. C’est celle que vous accompagnez ! C’est un choix que vous êtes libres de faire bien évidemment. C’est dans votre sensibilité politique que d’engraisser la rente !
Tout à l’heure, il a été dit que le soin accordé à la nature ou à la qualité de l’environnement et de l’alimentation serait de la décroissance. C’est totalement faux !
M. Laurent Jacobelli
Mme Belluco l’a dit !
M. Jean-François Coulomme
Peut-être l’a-t-elle dit mais nous ne sommes pas d’accord avec cela !
Ce n’est pas de la décroissance. On peut imaginer de la croissance économique si on investit dans la bifurcation écologique.
M. Thierry Tesson
C’est votre projet, la bifurcation !
M. Jean-François Coulomme
Ne serait-ce que sur le plan de la souveraineté alimentaire, la bifurcation écologique représente plusieurs centaines de milliers d’emplois.
M. Laurent Jacobelli
À force de bifurquer, vous tournez en rond !
M. Jean-François Coulomme
Mais ce n’est pas cela que vous voulez favoriser ! Vous, vous voulez favoriser la concentration agricole et des data centers qui ne sont pas le signe de notre souveraineté réelle puisque votre gouvernement a vendu nos données médicales aux serveurs de chez Windows !
M. Thierry Tesson
Quel rapport ?
M. Jean-François Coulomme
C’est d’une hypocrisie totale ! Vous voyez bien que votre prétendue recherche de souveraineté n’est en fait qu’une hypocrisie, de toute façon inopérante !
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis opposé à ces amendements.
Quand on écoute les différents exposés des motifs de nos collègues de gauche, on se pose vraiment des questions sur la mise à jour de leur logiciel économique ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) J’ai écouté, j’ai vraiment écouté avec intérêt ce que vous avez dit et j’ai été édifié par les arguments que vous avez employés. Il est évident que nous avons besoin des data centers ! L’économie évolue, elle se modernise, nos sociétés changent, les technologies sont nouvelles, la révolution numérique est là ! (M. David Amiel applaudit.)
Alors on peut débattre en théorie : on est contre ; on ne souhaite pas ; on veut revenir à un temps fantasmé… Très bien, sauf que ça ne fait pas avancer les choses dans le concret.
Le fait est qu’au XXe siècle, une révolution numérique est en cours : les données sont de plus en plus importantes et il faut les stocker. Il y a quelques heures, nous avons débattu des entreprises étrangères. Nous avons la possibilité de stocker davantage de données sur le territoire national : il faut favoriser cela ! C’est bon pour la souveraineté de la France, c’est bon pour la souveraineté de l’Europe.
Je terminerai en répondant à un argument utilisé par un collègue écologique selon qui tout ceci n’a rien à voir avec l’industrie : c’est vraiment méconnaître ce qu’est l’industrie aujourd’hui !
M. Nicolas Bonnet
C’est vous qui n’y connaissez rien !
M. Charles Sitzenstuhl
Quand vous discutez avec eux, tous les patrons des grandes industries françaises, ou même des industries moyennes, vous disent que les données, c’est le nouvel or de l’âge industriel.
M. Nicolas Bonnet
Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas ! La définition de l’industrie, ce n’est pas ça !
M. Charles Sitzenstuhl
C’est comme ça ! Vous pouvez le refuser ou ne pas le voir mais la vérité c’est que les données sont majeures dans l’économie d’aujourd’hui pour générer de la croissance et innover et elles sont majeures dans la construction de la valeur.
Les entreprises préfèrent que ces données soient stockées en Europe ou en France plutôt qu’ailleurs, très loin, par exemple de l’autre côté de l’Atlantique, où le contrôle que nous pouvons avoir sera moindre. Il faut donc s’opposer à ces amendements et favoriser le développement des data centers en France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 558, 1981, 2009, 2054, 2065 et 2142.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 33
Contre 71
(Les amendements identiques nos 558, 1981, 2009, 2054, 2065 et 2142 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra