N° 911

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er mars 2023.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES ENFANTS,

en conclusion des travaux d’une mission flash portant sur

Les jeunes et le numérique à l’aune des propositions de loi
 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, n° 758 visant à garantir le respect du droit a l’image des enfants et
n° 757 relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans,

PAR

Mme Christine Loir,

Députée.

——


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

partie 1. l’espace numérique : un risque pour les mineurs

I. Des risques accrus de mise en danger : la vulnérabilité des mineurs sur internet

A. les droits de l’enfant en question dans la sphère numérique

B. des conséquences concrètes pour la sécurité des mineurs

II. des risques pour le développement des mineurs

A. des risques substantiels pour la santé des mineurs

B. une exposition au numérique précoce et généralisée : la création « d’enfants-écrans »

Partie 2. une protection insuffisante : un manque d’effectivité

I. l’instauration d’un cadre juridique pour protéger les mineurs : limiter les risques

A. un cadre juridique étoffé

1. Des réponses législatives pour protéger les mineurs des dangers du numérique

2. La proposition de loi n° 758 complète la protection du droit à l’image des enfants

B. le manque d’effectivité de certaines dispositions législatives

1. Les difficultés pour faire respecter la majorité numérique

2. Une solution à enrichir : la proposition de loi n° 739

II. L’insuffisance de l’action du législateur : vers une stratégie d’apprentissage et d’autonomisation du mineur

A. la proposition de loi n° 757 et l’urgence d’élaborer une politique publique de prévention

B. l’enfant acteur sur internet : responsabilisation et éducation au numérique

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Annexe : liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


—  1  —

introduction

L’enfant, en tant qu’être en construction, est par essence vulnérable. C’est pourquoi il existe un droit spécifique à la protection de l’enfance et que l’intérêt supérieur de l’enfant irrigue de manière croissante tous les pans du droit. Les mineurs doivent faire l’objet d’une protection spécifique dans la mesure où « ils peuvent être moins conscients des risques, des conséquences et des garanties concernées et de leurs droits liés au traitement des données à caractère personnel » ([1]) ainsi que plus globalement dans leur usage de l’espace numérique.

La généralisation récente des écrans a conduit à un bouleversement sociétal. Les enfants eux-mêmes sont exposés, de manière croissante, et de plus en plus tôt, aux écrans. Or, un nombre croissant d’études scientifiques attestent des risques induits par une telle surexposition : risque pour le développement des enfants, pour leur construction sociale, pour leur santé, mais également risques plus inquiétants, les enfants constituant dans certains cas des proies pour les cybercriminels.

Lorsque les premières voitures ont été mises en place, aucune règle ne s’appliquait à leur égard ; la multiplication des accidents de la route a obligé le législateur à réguler cette source de progrès. De la même manière, il y a régulièrement des « accidents numériques » qui justifient que le législateur vienne contrôler l’espace numérique. Ces dernières années, le législateur a donc posé les premières bases de la construction d’un cadre juridique encadrant les pratiques liées aux mineurs sur internet. Toutefois, il demeure imparfait et nécessite des améliorations.

C’est sur la base de ce constat que trois propositions de loi portant sur les jeunes et le numérique ont été déposées à l’Assemblée nationale. Ces trois propositions de loi couvrent des champs différents mais complémentaires.

La proposition de loi n° 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, déposée par M. Laurent Marcangeli et les membres du groupe Horizons et apparentés, ([2]) entend légiférer sur la présence des mineurs sur les réseaux sociaux. Cette proposition de loi propose une définition juridique des réseaux sociaux et elle vise à instaurer une « véritable » majorité numérique à 15 ans pour s’inscrire sur ces plateformes, sous peine de sanctions pouvant peser sur les réseaux sociaux.

La proposition de loi n° 758 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants déposée par M. Bruno Studer, Mme Aurore Bergé et M. Éric Poulliat ainsi que des membres du groupe Renaissance et apparentés ([3]) vise plutôt à protéger le droit à la vie privée et le droit à l’image des enfants et à lutter contre le phénomène d’exposition des enfants sur internet – notamment par leurs parents.

Enfin, la proposition de loi n° 757 relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, déposée par Mmes Caroline Janvier et Aurore Bergé ainsi que des membres du groupe Renaissance et apparentés ([4]) entend quant à elle appréhender non plus des acteurs donnés ou à préserver des droits précis, mais à lutter, dans une logique de prévention, contre la surexposition des enfants aux écrans.

Les problématiques liées à la présence des mineurs dans l’espace numérique sont nombreuses et importantes. C’est pourquoi la délégation aux droits des enfants a organisé une réflexion autour du numérique et de la protection des mineurs lors d’un colloque organisé le 14 décembre 2022. La protection des mineurs sur internet justifie la régulation des acteurs et des comportements de tous dans l’espace numérique. Toutefois, toute nouvelle réglementation qui n’est pas assortie de sanctions permettant l’effectivité du droit rend ce dernier vain. Par ailleurs, il est également nécessaire de s’extraire du droit stricto sensu pour élaborer des politiques publiques offrant à l’enfant la possibilité d’être un acteur autonome sur l’espace numérique, et non plus seulement l’objet d’une protection.

 

 


—  1  —

   partie 1. l’espace numérique : un risque pour les mineurs

Les mineurs s’exposent à un certain nombre de dangers dans l’espace numérique résultant de contenus inadaptés à leur jeune âge, comme de la seule exposition aux écrans ; ils pèsent sur la santé des enfants comme sur leur sécurité. Les trois propositions de loi faisant l’objet de la présente mission flash en font le constat accablant unanime, partagé par la rapporteure.

I.   Des risques accrus de mise en danger : la vulnérabilité des mineurs sur internet

Le mineur peut être soumis à des risques d’altération de ses droits dans la sphère numérique. Toutefois, l’espace numérique n’est pas si virtuel que cela : parfois lieu de repérage de mineurs vulnérables, il peut être utilisé pour leur porter réellement préjudice.

A.   les droits de l’enfant en question dans la sphère numérique

Les droits fondamentaux de l’enfant peuvent être mis à mal dans la sphère numérique. Les droits des enfants, garantis par la Convention internationale relative aux droits des enfants (CIDE) sont au nombre de dix ([5]) ; il peut être porté atteinte à certains d’entre eux sur internet : le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation ; le droit d’être protégé contre toutes les formes de discrimination ; le droit de jouer et d’avoir des loisirs ; le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation.

L’enfant peut subir diverses violations de son droit à la vie privée ([6]) ainsi que de son droit à l’image, qui en découle, sur internet. Ainsi, la proposition de loi n° 758 précitée sur le droit à l’image mentionne dans son exposé des motifs qu’il est estimé qu’en moyenne, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches. Elle précise que la publication sur les comptes des parents de contenus relatifs à leurs enfants, en anglais dénommée sharenting, constitue aujourd’hui l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs et précise que deux problèmes se posent : la difficulté à contrôler la diffusion de son image ; le conflit d’intérêt susceptible de survenir dans la gestion du droit à l’image des enfants par leurs parents. Ainsi, la proposition de loi révèle que 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient initialement été publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. La proposition de loi révèle par ailleurs la « dissonance cognitive » dans laquelle sont placés les enfants qui préféreraient ne pas être ainsi exposés par leurs parents. Le principe posé par la proposition de loi n° 758 est qu’ « à la tentation de la viralité, il faut privilégier l’impératif de l’intimité ».

Ces contenus, potentiellement humiliants, peuvent être le terreau du cyber-harcèlement. Ainsi, parmi les risques identifiés, la proposition de loi n° 739 précitée sur la majorité numérique mentionne les risques « secondaires », à savoir ceux qui sont « potentiellement générés par les interactions avec d’autres utilisateurs », à savoir « le cyberharcèlement ou le revenge porn ». Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance, l’Unicef, dans le monde, plus d’un jeune sur trois déclare avoir été victime de cyber-harcèlement. ([7]) La proposition de loi n° 739 mentionne une étude de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) selon laquelle un collégien sur quatre a été confronté au moins une fois à des situations relevant du cyber-harcèlement, qui revêt un caractère sexiste car les jeunes filles y sont cinq à six fois plus confrontées que les garçons. La proposition de loi cite par ailleurs une étude illustrant que 30 % des parents déclarent que leur enfant a déjà pensé au suicide du fait de ces comportements.

La rapporteure rappelle que le droit à la vie privée de l’enfant doit être respecté sous tous ses aspects, et que le numérique favorise la multiplication de ses violations. Il est par conséquent nécessaire de lutter contre la surexposition de l’image de l’enfant sur internet ainsi que contre le cyber-harcèlement, qui entrave également la vie privée de l’enfant.

Parmi les droits fondamentaux, se trouve également la liberté de conscience et de pensée. ([8]) Or, la surexposition au numérique porte atteinte à ce droit, par l’intermédiaire des algorithmes, qui favorisent les biais de confirmation, la circulation de fausses informations et de théories du complot ainsi que d’idéologies radicales comme le terrorisme.([9]) La rapporteure s’inquiète particulièrement de la circulation d’idéologies wokes ([10]) fragilisant la construction de la conscience de l’enfant vis-à-vis des principes républicains. Le contenu auquel sont exposés les enfants en ligne peut en effet, à un âge caractérisé par la vulnérabilité et une construction mentale encore fragile, influencer les enfants. La surexposition à internet peut alors pousser les enfants à consommer des produits conseillés par des influenceurs et d’une qualité médiocre voire dangereux, être ainsi victimes d’escroqueries. Plus grave encore, les influenceurs peuvent avoir des conséquences sur les doctrines des enfants et leur manière de voir le monde, sur leurs pratiques et leurs pensées. Enfin, les plateformes elles-mêmes soumettent facilement les enfants à leurs intérêts économiques.

B.   des conséquences concrètes pour la sécurité des mineurs

Au titre de ces risques « secondaires », internet s’avère également être un terreau d’action pour les pédocriminels. La présence en ligne des mineurs comporte ainsi des risques de pédopiégeage, à savoir la sollicitation d’enfants et la stratégie de séduction (par l’intermédiaire de cadeaux, de confidences, etc.) déployée à des fins sexuelles, qui peut conduire à des abus sexuels commis sur les enfants grâce à l’établissement d’un lien de confiance. Si cette pratique est majoritairement utilisée à visée pédophile, elle l’est également dans le but d’une exploitation de l’enfant (travail forcé, faits de criminalité…). Selon l’agence anglaise National society for the prevention of cruelty to children (NSPCC) ; 70 % des méthodologies de pédopiégeage impliquent l’utilisation d’un réseau social parmi lesquels Facebook et Messenger (27 % des cas), Instagram (25 %) et Snapchat (18 %). L’enquête relève par ailleurs qu’entre 2017 et 2018, l’utilisation d’Instagram à des fins de pédopiégeage a connu une hausse de 200 %. Les données recueillies sur plus de 5 100 cas de communication sexuelle entre adultes et enfants montrent que les jeunes filles de 12 à 15 ans sont les cibles privilégiées des auteurs. ([11]) Le directeur de cette agence, Peter Wanless, dénonce une potentielle augmentation d’abus commis sur les mineurs par l’intermédiaire de cette technique, les crimes commis par le biais du pédopiégeage ayant augmenté de 80 % en quatre ans. ([12]) La rapporteure regrette par ailleurs qu’il n’existe pas de telles études effectuées en France.

L’espace numérique peut donc être vecteur de risques très concrets pour le mineur, pouvant aller jusqu’à une atteinte physique, voire une agression sexuelle. En effet, les espaces de messagerie sur les réseaux sociaux facilitent la création de contacts entre des adultes et des enfants et permettent aux premiers de gagner plus aisément la confiance des seconds.

II.   des risques pour le développement des mineurs

L’exposition précoce ou excessive des mineurs aux écrans porte atteinte à leur santé quel que soit le type d’exposition. Pourtant, la surexposition est de plus en plus précoce et tend à se généraliser.

A.   des risques substantiels pour la santé des mineurs

Les trois propositions de loi ont en commun de mettre en exergue les dangers, pour la santé des enfants, de leur exposition aux écrans et, plus largement, du numérique. Les risques pèsent non seulement sur la santé mentale des jeunes mais également sur leur santé physique ; la rapporteure souligne que les constats dressés par les professionnels sont particulièrement inquiétants.

S’agissant des troubles pour la santé mentale, la proposition de loi n° 739 précitée sur la majorité numérique mentionne une étude britannique révélant que 50 % des adolescents britanniques présentent des symptômes cliniques de dépression pour un équivalent de 5 heures par jour passées sur les réseaux sociaux ainsi que des documents internes du groupe Meta selon lesquels 32 % des adolescentes ont déclaré que lorsqu’elles se sentaient mal dans leur corps, ce réseau les faisait se sentir encore plus mal. Le texte caractérise ces risques pour la santé mentale de risques « primaires » : « addiction aux écrans, problèmes de sommeil, insatisfaction liée au niveau de vie ou au physique ». ([13])

La rapporteure confirme l’importance de la formulation de ce constat et rappelle à cet égard que les jeunes qui passent trop de temps devant des écrans et sur les réseaux sociaux ont des niveaux plus élevés que les autres d’anxiété et de dépression dès l’âge de deux ans. ([14]) Le lien entre dépression chez les adolescents et l’utilisation abusive des réseaux sociaux n’est plus à démontrer ([15]) et peut même conduire au suicide. ([16])

Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, l’usage précoce des écrans produirait par ailleurs des effets de retards de développement. Il existerait ainsi un lien entre la durée d’exposition devant la télévision à deux ans et un retard de développement des compétences cognitives à cinq ans.

De la même manière, l’exposition aux écrans serait susceptible d’être à l’origine de troubles du langage,([17]) les enfants exposés aux écrans le matin avant l’école ayant trois fois plus de risques de développer des troubles du langage et, lorsque ce risque est associé au fait de discuter rarement, voire jamais, du contenu des écrans avec leurs parents, six fois plus à risque de développer de tels troubles. Une étude a confirmé qu’environ 20 % des enfants qui passent en moyenne 28 minutes chaque jour à regarder des contenus sur une tablette souffriraient de retards de langage et que pour chaque demi-heure d’utilisation quotidienne supplémentaire, le risque de retard du langage augmenterait de 49 %. ([18]) En France, 4 % à 6 % des enfants seraient atteints de troubles primaires du langage,([19]) ce qui ne peut être sans lien avec le développement exponentiel de l’exposition aux écrans.

L’exposition aux écrans pourrait même aller jusqu’à modifier la structure du cerveau. Ainsi, une étude américaine, Adolescent Brain Cognitive Development, a publié des résultats intermédiaires en 2018 démontrant que les enfants passant plus de sept heures par jours devant un écran présenteraient un amincissement prématuré du cortex cérébral. ([20])

Des effets pèseraient également sur la vision. Même s’il n’existe pas de consensus sur le sujet, l’utilisation prolongée d’appareils électroniques avec écrans pourrait entraîner des symptômes oculaires et visuels, fatigue oculaire, sécheresse oculaire, maux de tête, vision floue et même vision double. La présence de lumière bleue conduit en effet à un stress toxique pour la rétine ; l’utilisation des écrans peut alors conduire à la myopie – certains parlent même d’une « épidémie mondiale de myopie » due aux écrans. ([21]) Le fait de passer moins de temps en extérieur à cause de la sédentarité – résultant elle-même d’une utilisation excessive des écrans – pourrait également en être responsable. ([22]) Cette sédentarité entraîne également des problèmes de surpoids voire d’obésité. Ces derniers effets se développent donc peu importe le type d’exposition aux écrans, du seul fait de l’exposition aux écrans en tant que telle.

Par ailleurs, les enfants peuvent être exposés sur internet à du contenu qui n’est pas adapté à leur âge. Les images violentes entraînent des troubles du sommeil ainsi qu’une insécurité psychique pouvant perdurer. ([23]) L’exposition précoce à du contenu pornographique peut aussi engendrer une charge traumatique pour l’enfant. ([24])

La rapporteure souligne que la santé mentale des enfants est un enjeu majeur de santé publique qui doit interroger la société dans son ensemble. Le problème n’est pas que psychologique ; l’exposition aux écrans produirait également des conséquences physiques conséquentes chez les enfants. La problématique va donc bien au-delà de l’exposition des enfants à certains contenus, comme le relève bien la proposition de loi n° 757 relative à la prévention de l’exposition excessive aux écrans, qui révèle que la seule exposition aux écrans entraîne des difficultés sur la qualité du sommeil, quant à l’hypertension artérielle ou encore des risques accrus d’obésité ainsi que des troubles du développement cognitif, intellectuel et relationnel.

Pourtant, cette exposition des enfants aux écrans et au numérique se généralise et opère de plus en plus précocement.

B.   une exposition au numérique précoce et généralisée : la création « d’enfants-écrans »

En dépit des risques pesant sur les jeunes en ligne, l’exposition aux écrans a lieu de plus en plus précocement et tend à se généraliser. Le constat du trop jeune âge des utilisateurs du numérique est partagé par les trois propositions de loi, qu’il s’agisse de l’utilisation des réseaux sociaux, de l’exposition des images de l’enfant sur internet ou de l’exposition aux écrans per se.

La proposition de loi n° 739 précitée sur la majorité numérique mentionne, dans son exposé des motifs, que l’âge moyen d’obtention de son premier smartphone en France est compris entre 9 et 10 ans et qu’en 2021, 63 % des moins de 13 ans avaient un compte sur au moins un réseau social alors que les conditions générales d’utilisation stipulent que l’inscription n’y est permise qu’à partir de 13 ans. La proposition de loi n° 757 précitée sur la prévention de l’exposition excessive aux écrans relève quant à elle que la durée moyenne d’exposition annuelle des enfants de 3 à 10 ans aux écrans est de 728 heures, soit près de deux heures par jour et que plus d’un tiers des enfants de 0 à 3 ans prennent leur repas devant un écran, malgré le consensus scientifique sur la nécessité d’une absence totale d’exposition en-dessous de 3 ans. La proposition de loi relève que moins d’un enfant sur dix de moins de deux ans est réellement tenu à distance des écrans. Est en œuvre un réel « processus de captologie et de prise de l’attention ». ([25])

La rapporteure partage également ce constat alarmant ainsi que la nécessité d’y répondre de façon urgente. Elle regrette que 87 % des enfants de 11 à 12 ans soient inscrits sur les plateformes de réseaux sociaux et que 20 % d’entre eux se fassent offrir leur premier appareil mobile à 10 ans. ([26]) Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à 2 ans, 27 % des enfants utilisent des écrans numériques (tablette ou écran d’ordinateur), pourcentage porté à 54 % pour les enfants de 5,5 ans. ([27]) Plus grave encore, les nourrissons et les enfants français de 0 à 3 ans passeraient en moyenne trente minutes par jour devant des écrans jusqu’à 12 mois puis cinquante minutes à 24-29 mois et près d’une heure à 30‑35 mois.([28]) La pédiatre Sylvie Osika relève qu’en moyenne, dès l’âge de 6 mois, les jeunes enfants qu’elle reçoit en consultation sont soumis aux écrans entre 6 et 8 heures par jour : « le smartphone est devenu le doudou de l’enfant », lequel tend à devenir un « enfant-écran ». ([29])

Ainsi, une tribune de professionnels français de la santé publiée dans le journal Le Monde en 2019 alertait sur la forte augmentation, depuis 2010, des troubles intellectuels et cognitifs (+ 24 %) ainsi que des troubles psychiques (+ 54 %) et du langage (+ 94 %) chez les enfants scolarisés. ([30]) Les auteurs arguaient qu’il n’est pas tenable de considérer que cette augmentation résulte seulement d’un meilleur dépistage des enfants souffrant d’un handicap ; compte tenu de ces chiffres, il serait plus adapté, selon les auteurs, de favoriser un principe de précaution à l’égard des usages du numérique.

Pour la pédiatre Sylvie Osika, « nous sommes dans une fracture sociale majeure » ([31]) du fait de cette surexposition aux écrans, qui concerne également les parents eux-mêmes, qui, du fait d’une utilisation excessive de leurs propres outils numériques, génèrent une « technoférence » qui empêche le développement d’interactions normales avec l’enfant. ([32])

*

*     *

Compte tenu de tous ces risques, le législateur français s’est emparé du sujet et a, de manière novatrice, posé les bases d’un encadrement de l’usage du numérique par les mineurs. Toutefois, cette protection demeure insuffisante en raison de défauts d’effectivité du droit, de sensibilisation des publics concernés et d’éducation au numérique.


—  1  —

   Partie 2. une protection insuffisante : un manque d’effectivité

Face au constat des dangers d’une trop grande exposition au numérique des mineurs, le législateur français s’est saisi de cette question et a élaboré un cadre législatif étoffé et innovant, mais qui demeure à compléter.

I.   l’instauration d’un cadre juridique pour protéger les mineurs : limiter les risques

Face aux risques encourus par les enfants sur internet précédemment exposés, le législateur a élaboré un cadre juridique ambitieux sans pour autant toujours pouvoir en vérifier l’application effective.

A.   un cadre juridique étoffé

Le législateur français s’est pleinement emparé de la question des dangers du numérique pour les mineurs. Cependant, la proposition de loi n° 758 précitée sur le droit à l’image propose de compléter ce cadre légal.

1.   Des réponses législatives pour protéger les mineurs des dangers du numérique

L’article 5 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a intégré un nouvel article L. 511-3-1 dans le code de l’éducation ; il affirme le droit de suivre une scolarité sans harcèlement scolaire comme composante du droit à l’éducation. La haine en ligne, de manière générale, a été appréhendée par la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Ces textes étaient jusque-là peu opérants de manière pratique car sans sanction prévue.

La loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire est venue compléter tant les définitions que les moyens d’action. Sur le plan des définitions, la loi étend, à son article premier, le droit de suivre une scolarité sans harcèlement aux élèves de l’enseignement privé et aux étudiants. Le même article complète la définition du harcèlement pour y inclure les faits commis en marge de la vie scolaire ou universitaire et par les membres du personnel, incluant donc le harcèlement commis au moyen de procédés numériques. Une obligation de moyens pèse sur les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés, qui doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et traiter les cas de harcèlement ainsi que pour orienter les victimes, témoins et auteurs. La loi se donne les moyens d’une application effective par l’instauration de dispositifs dissuasifs voire coercitifs. Ainsi, son article 11 prévoit un nouveau délit de harcèlement scolaire avec des peines maximales encourues de 10 ans de prison et de 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide par la victime harcelée. Son article 15 prévoit, par ailleurs, qu’un stage de « sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire » peut être prononcé par le juge. Afin de mieux lutter contre le cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux, le texte autorise la saisie et la confiscation des téléphones portables et des ordinateurs ayant été utilisés pour harceler un élève ou un étudiant. Le texte inscrit également la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les objectifs assignés aux acteurs d’internet et consacre l’obligation de modération des contenus de harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux. Ce cadre juridique permet donc de protéger concrètement et efficacement les enfants de cyber-harcèlement. Pour accroître son effectivité pratique, la rapporteure estime qu’il faudrait exposer, au moins une fois par an, dans les établissements scolaires, ce cadre juridique ainsi que les sanctions encourues aux élèves et étudiants.

Par ailleurs, des aggravations de peines ont été prévues par le législateur dans le cas où des crimes ou délits commis sur le mineur le seraient au moyen d’internet. Ainsi, la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, en son article 5, a créé un nouvel article 227-22-2 au sein du code pénal prévoyant que « le fait pour un majeur d’inciter un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette incitation n’est pas suivie d’effet, est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis à l’encontre d’un mineur de moins de quinze ans. Elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à un million d’euros si les faits ont été commis en bande organisée ».

L’article 227-22 du code pénal prévoit également une aggravation de peine lorsque des faits de corruption ou de tentative de corruption d’un mineur sont avérés : si ce crime est habituellement puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits via internet. L’article 227-22-1 du code pénal dispose que le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique tel qu’internet est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. L’article 227-23 du code pénal prévoit une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour l’enregistrement et la diffusion d’images à caractère pédopornographique. « Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsqu’il a été utilisé, pour la diffusion de l’image ou de la représentation du mineur à destination d’un public non déterminé, un réseau de communications électronique ». L’article 227-24 du code pénal incrimine par ailleurs la diffusion de l’image ou la représentation à caractère pornographique d’un mineur mais également le fait qu’un message à caractère pornographique soit vu ou perçu par un mineur ; le texte précise que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ».

Pour protéger les enfants de contenus inadaptés auxquels ils pourraient être exposés en ligne, le législateur a par ailleurs prévu l’installation par défaut d’un contrôle parental sur tous les appareils susceptibles de naviguer sur internet par la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022, qui insère dans le code des postes et des communications électroniques un nouvel article L. 34-9-3 prévoyant l’installation d’office d’un contrôle parental sur tous les équipements permettant l’accès à des services de communication au public en ligne et susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des personnes mineures. ([33]) Ce sont donc ici les parents qui sont rendus responsables de l’exposition des enfants à un contenu donné. Toutefois, tous les acteurs s’accordent pour dire que, si la logique est bonne, les enfants savent désormais désinstaller un contrôle parental en l’espace de trois minutes. ([34]) Le mieux serait d’installer un contrôle parental avec le consentement des deux parties permettant aux parents de contrôler que leur enfant n’a pas de pratique à risques sur l’espace numérique ; le problème étant alors qu’il faudrait éduquer les enfants au numérique afin de leur faire accepter un tel contrôle. ([35])

Le droit européen évolue également dans le sens d’une plus grande protection des mineurs face aux contenus de l’espace numérique. Ainsi, la directive révisée sur les services de médias audiovisuels (dite directive SMA) ([36]) introduit, à son article 6 bis, pour les États membres l’obligation de prendre « les mesures appropriées pour garantir que les services de médias audiovisuels […] qui pourraient nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à disposition que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement pas les entendre ni les voir ».

Le droit à l’image a également fait l’objet d’évolutions législatives qui étaient considérées incomplètes ; la proposition de loi n° 758 précitée sur le droit à l’image vient donc compléter ce pan de la protection des enfants face au numérique.

2.   La proposition de loi n° 758 complète la protection du droit à l’image des enfants

Par la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, le législateur avait instauré un cadre protecteur concernant le droit à l’image des enfants dits « influenceurs » basé sur le régime des enfants « du spectacle ». Cependant, comme le mentionne la proposition de loi n° 758, la loi n° 2020-1266 « ne concernait qu’une fraction des contenus publiés chaque jour par des enfants ou en leur nom » ([37]) ; l’auteur de la proposition de loi considérait donc qu’une évolution du cadre juridique était nécessaire, constat partagé par la rapporteure.

Par conséquent, la proposition de loi n° 758 introduit dans son article premier la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale, à l’article 371-1, alinéa 2, qui serait complété par les mots suivants : « et notamment à sa vie privée ». Si cette proposition de loi venait à être adoptée, le respect de la vie privée de l’enfant ferait donc partie des obligations des parents vis-à-vis de leur enfant au titre de l’autorité parentale. Selon le psychiatre Serge Tisseron, l’écueil majeur de cette proposition de loi est ainsi de ne pas dé-corréler le droit à l’image de l’enfant des droits des parents. Or, le droit à l’image de l’enfant doit uniquement être corrélé au droit de l’enfant à posséder son propre corps, l’image n’étant que le prolongement du corps. Selon lui, les parents ne sont que les « dépositaires transitoires de l’image de l’enfant, sous réserve qu’ils en fassent un bon usage » et la loi doit donc affirmer plus clairement que « l’image de l’enfant n’appartient pas aux parents ». ([38])

La proposition de loi donne, en outre, des moyens concrets au juge de faire respecter le principe qu’il pose. Ainsi, son article 3 prévoit qu’en cas de désaccord entre les parents quant à l’exercice des actes non-usuels relevant du droit à l’image de l’enfant, le juge peut interdire à l’un des parents de publier ou de diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre parent – ces mesures pourraient faire l’objet d’un référé. Par ailleurs, son article 5 pose un cas supplémentaire de délégation forcée de l’autorité parentale qui serait inscrit à l’article 377 du code civil dans le cas où « la diffusion de l’image de l’enfant par ses deux parents porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ».

La rapporteure estime que cette proposition de loi va dans le bon sens. Le texte rappelle qu’aujourd’hui, 53 % des parents français publient du contenu sur leur enfant, dès un âge compris entre 0 et 5 ans, et certains en tirent désormais un revenu, dans une tendance de fond visant à basculer dans une forme d’argent facile. La rapporteure estime qu’il n’est pas admissible de laisser prospérer de telles pratiques : le législateur a souhaité éliminer les violences éducatives ordinaires dans la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires et pourtant, dans les espaces numériques, se déploient d’autres types de violences éducatives ordinaires qui humilient l’image de l’enfant dans le but de « générer du clic ». Aujourd’hui, des parents peuvent gagner de l’argent en envoyant du fromage au visage de leur bébé : il ne s’agit même plus de droit à l’image mais d’une question de dignité humaine. Le texte permet un progrès indéniable, car il est urgent de se saisir de cette question.

La rapporteure estime néanmoins que pour donner pleine effectivité à ce texte, il serait nécessaire de renforcer le rôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Actuellement, les plaintes adressées à cette autorité indépendante concernant des mineurs ne représentent que 1 % des cas, ([39]) étant entendu que lorsqu’ils sont victimes, les enfants ne savent pas à qui s’adresser – et lorsqu’ils s’adressent à quelqu’un, c’est à une personne de proximité. La Cnil est surtout saisie par les parents pour faire supprimer du contenu portant sur leur enfant – souvent, en cas de séparation et de désaccords entre les parents. Il n’y a alors pas besoin de qualification : dès lors que l’image d’un mineur est présente sur internet et qu’une personne saisit la Cnil, celle-ci supprime purement et simplement le contenu. Toutefois, elle ne peut intervenir que sur l’URL qui lui est communiquée dans le cadre de la saisine ; elle ne peut pas supprimer ce même contenu qui aurait circulé sur d’autres liens. La viralité est donc un phénomène difficile à appréhender pour la Cnil. Pourtant, son action est efficace : elle a infligé une amende de 400 millions d’euros à Instagram l’année passée car les comptes des mineurs étaient par défaut publics ([40]) – alors que Meta se félicite d’avoir de lui-même imposé le caractère privé par défaut des comptes des mineurs ([41]) – et plusieurs actions sont actuellement en cours à l’encontre de TikTok. Compte tenu de l’efficacité de son action, il pourrait être souhaitable de réfléchir à en élargir le périmètre pour lui donner la possibilité de supprimer plus largement du contenu en ligne lié à des personnes mineures.

La rapporteure estime par ailleurs que ce texte ne va pas assez loin. En effet, tel qu’il est écrit, le texte ne touche qu’au code civil et il ne permet pas de supprimer des vidéos déjà existantes. Il faudrait également légiférer en matière pénale, pour marquer un véritable interdit. Il y a une forme de distanciation vis-à-vis de ces contenus sur internet mais, face à la gravité de la situation, il convient d’affirmer que ces situations constituent des actes de maltraitance infantile. ([42])

En outre, dans son exposé des motifs, la proposition de loi précise que « Ces avancées législatives ne sont néanmoins pas suffisantes pour garantir pleinement la vie privée des enfants » ([43]). Effectivement, le droit n’est pas en mesure, seul, de répondre à tous les risques et les défis qui se posent dans les relations entre les enfants et le numérique, notamment en raison du manque d’effectivité du droit lorsque la réalité diffère trop fortement de ses prescriptions. L’effectivité concrète de ce texte est donc conditionnée à des éléments qu’elle ne peut régir.

Malgré ces évolutions législatives, certaines dispositions demeurent elles-mêmes peu effectives, notamment s’agissant de l’instauration d’un âge minimal pour accéder à certains contenus ou pour consentir au traitement de ses données.

B.   le manque d’effectivité de certaines dispositions législatives

Si le dispositif législatif français est innovant et très protecteur du mineur, la rapporteure constate cependant que certaines de ses dispositions ne s’appliquent pas dans les faits : ajouter de nouvelles règles au sein d’un cadre juridique déjà existant ne permet pas d’en changer la pratique s’il n’est pas respecté dans les faits.

1.   Les difficultés pour faire respecter la majorité numérique

Empêcher l’exposition des mineurs à du contenu qui ne leur serait pas approprié est une préoccupation ancienne. Le législateur s’en est emparé dès 1949 avec la loi n° 49‑956 sur les publications destinées à la jeunesse. ([44]) La loi pour la confiance dans l’économie numérique, en 2004, a prévu, dans cette même logique, que les acteurs numériques doivent mettre en place des dispositifs accessibles et visibles permettant à tout utilisateur de signaler la présence de contenus illégaux. Les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs ont alors l’obligation de rendre inaccessibles les contenus qui leur ont été signalés, à défaut de quoi les utilisateurs ont la possibilité de saisir le juge judiciaire pour demander le retrait des contenus illégaux auxquels ils auraient été confrontés. La question plus particulière de l’instauration d’une majorité numérique n’est pas plus nouvelle et existe, pour partie, dans le droit positif ; la proposition de loi n° 739 précitée sur la majorité numérique vise son extension.

Le droit actuellement en vigueur est celui d’une majorité numérique fixée à 15 ans seulement pour le traitement des données personnelles ainsi que l’interdiction, pour les mineurs, d’accéder aux contenus à caractère pornographique sur internet. La rapporteure note qu’aucune de ces deux dispositions n’est actuellement suivie d’effets dans la pratique.

L’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2018‑493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles prévoit qu’un mineur ne peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information qu’à partir de l’âge de 15 ans. En-deçà de cet âge, le traitement des données du mineur n’est licite que si le consentement est donné conjointement par le mineur ainsi que le ou les titulaires de l’autorité parentale à son égard. ([45]) Or, selon un sondage réalisé en février 2020 par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), 39 % des enfants de 10 à 14 ans qui possèdent un compte sur un réseau social – ce qui entraîne généralement ipso facto le traitement de leurs données personnelles – l’auraient ouvert seul ou avec l’aide d’un autre enfant. ([46])

La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes des violences conjugales, dont le chapitre IX est consacré aux « Dispositions relatives à la protection des mineurs » contraint les sites pornographiques à mettre en place un contrôle de l’âge de leurs visiteurs sous contrôle de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Son article 23 précise que « Lorsqu’il constate qu’une personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du code pénal, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel adresse à cette personne […] une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé ». La personne destinataire de l’injonction dispose d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations. À l’expiration de ce délai, en cas d’inexécution de l’injonction prévue au premier alinéa du présent article et si le contenu reste accessible aux mineurs, le président de l’Arcom peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour ordonner la mise à l’arrêt de l’accès au service ou toute mesure destinée à faire cesser le référencement du service de communication en ligne.

L’article 227-24 du code pénal prévoit également que « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur […] ». L’article précise par ailleurs que les infractions sont constituées « y compris si l’accès d’un mineur [audit contenu] résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans ».

Toutefois, les injonctions que l’Arcom a adressées à de multiples plateformes n’ont jamais été suivies d’effets. Une étude de l’Ifop parue en avril 2022 révèle en effet que 51 % des adolescents français de 15 à 17 ans ont déjà été exposés à de la pornographie en ligne en moyenne au cours des 25 jours précédant l’enquête, dont 41 % en se rendant sur des sites dédiés. ([47]) C’est pourquoi la recommandation n° 15 du rapport sénatorial sur les dérives de l’industrie pornographique préconisait « d’imposer le développement de dispositifs de vérification d’âge ayant vocation à servir d’intermédiaire entre l’internaute et les sites consultés » ([48]) avec un système de double-anonymat, comme proposé par le pôle expertise de la régulation numérique ainsi que la Cnil.

Face à ces échecs, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif de vérification de l’âge que ces plateformes devront mettre en place sous peine de voir leur diffusion interdite sur le territoire national. ([49]) Le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications a confirmé que les services compétents travaillaient actuellement à faire émerger une solution de vérification de l’âge ([50]) respectant le principe de double-anonymat recommandé par la Cnil. Le ministre délégué M. Jean-Noël Barrot a ainsi déclaré : « Nous travaillons à faire émerger une solution de vérification d’âge respectant le principe de double-anonymat : celui qui fournit l’attestation de majorité – opérateur télécoms, fournisseur d’identité numérique ou tout autre organisme susceptible d’attester de la majorité d’une personne – ne sait pas à quelle fin elle sera utilisée, et le site sur lequel l’attestation est utilisée pour accéder au service ne connaît pas l’identité de la personne ». ([51])

2.   Une solution à enrichir : la proposition de loi n° 739

La proposition de loi n° 739 vise l’instauration d’une majorité numérique à 15 ans pour s’inscrire sur les réseaux sociaux et introduit une logique de coopération avec les plateformes numériques.

La proposition de loi n° 739 précitée vise à rendre effective une réelle majorité numérique afin d’empêcher les mineurs les plus jeunes d’accéder aux réseaux sociaux. Pour ce faire, la proposition de loi définit dans son article premier les réseaux sociaux, qui constituent selon le texte une « plateforme en ligne permettant aux utilisateurs finaux de se connecter ainsi que de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils et, en particulier, au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations » ([52]). Cette définition viendrait compléter l’article L. 32 du code des postes et communications électroniques. Le champ d’application de la proposition de loi n° 739 n’est donc pas le même que celui de l’article 45 de la loi Informatique et Libertés,([53]) qui ne concerne que le traitement des données.

Cette proposition de loi est incomplète car elle n’englobe dans son champ d’application que les réseaux sociaux, sans prendre en compte d’autres types de contenus, comme par exemple les forums. ([54]) Il y a alors un réel risque que les enfants se tournent vers d’autres modes de communication, notamment vers le « dark web » ([55]), dont l’utilisation se démocratise, et dont le contenu disponible est « bien pire » que celui de l’internet « commun ». ([56])

Après avoir défini ce que sont les réseaux sociaux, la proposition de loi n° 739 pose le principe d’une majorité numérique à 15 ans pour pouvoir s’inscrire sur un réseau social. La responsabilité du respect de cette prescription reposerait sur les réseaux sociaux eux-mêmes qui, en vertu du texte, sont « légalement tenus de faire obstacle à l’inscription de leurs services par des mineurs de moins de quinze ans, sauf recueil exprès du consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale ». Selon l’auteur de cette proposition de loi, « il est du devoir du législateur d’intervenir pour fixer un âge, seuil de maturité nécessaire à partir duquel un mineur est apte à pouvoir s’inscrire seul, avec un consentement éclairé, sur une plateforme sociale ». ([57])  

La rapporteure est favorable à la proposition de loi et partage la volonté d’instaurer une réelle majorité numérique. Elle y oppose néanmoins deux critiques.

La première est qu’il est vain d’instaurer de nouvelles règles au sein d’un cadre juridique qui peine déjà à déployer sa pleine effectivité. Il aurait été souhaitable d’introduire, avec ce texte, un dispositif de vérification pratique de l’application du texte. Malgré le probable manque d’effectivité de la proposition de loi, la rapporteure la considère importante, car elle permet la réintégration d’une forme de « cohérence éducative », selon Thomas Rohmer ([58]) et car elle a l’avantage de marquer une limite, un interdit : cette proposition de loi est nécessaire en ce qu’elle ouvre la porte à la discussion et pointe du doigt des incohérences institutionnelles et sociétales. ([59])

Si cette proposition de loi venait à être adoptée, il faudrait néanmoins réfléchir à ses modalités pratiques de mise en œuvre et trouver une solution proportionnée au but recherché – à savoir protéger les mineurs du contenu problématique disponible dans la sphère numérique – sans pour autant fournir aux plateformes numériques des données supplémentaires sur les internautes. La Cnil est opposée à une identification qui passerait par la carte nationale d’identité en raison des trop grands risques d’usurpation d’identité qu’un tel système serait susceptible d’induire. En revanche, même si cette solution n’est pas entièrement satisfaisante, la Cnil considère que l’accès du site par l’intermédiaire du numéro de carte bancaire est une bonne solution provisoire, « en attendant de trouver une solution un peu moins imparfaite ». ([60]) Reste alors la question d’un réseau privé virtuel (dit VPN) : il pourrait être facile de détourner l’application du dispositif par l’utilisation d’un VPN, que les mineurs aujourd’hui maîtrisent parfaitement. Certains sites internet sont capables de détecter lorsqu’un utilisateur se connecte par l’intermédiaire d’un VPN et en bloque l’accès ([61])  ; il faudrait être capable de généraliser une telle détection.

Par ailleurs, selon Thomas Rohmer, c’est aux plateformes elles-mêmes qu’il appartient de trouver une solution, et pas à l’État et au contribuable de la produire ([62])  ; la rapporteure partage cet avis. Il a affirmé qu’en attendant, les enfants se retrouvaient pris en otage. Personne n’a obligé par exemple les sites à contenu pornographique à devenir non payants : ce modèle économique, les plateformes en sont elles-mêmes responsables ; elles cherchent pourtant à faire porter pour responsable la société du choix de leur modèle économique. De la même manière que ce n’est pas l’État qui finance et produit les ceintures de sécurité durant le processus de construction des véhicules automobiles, ce n’est pas à l’État de construire une procédure permettant aux plateformes de respecter la loi. ([63]) Elles doivent purement et simplement s’y conformer. Dans le même temps, selon Meta, si on veut vraiment évoluer sur la question de la vérification de l’âge, il faut s‘adresser aux « portes d’entrées » des plateformes, en faisant passer un tel dispositif par les fournisseurs d’accès à internet via la création d’un bouquet de sites internet auxquels les mineurs n’auraient pas accès. ([64]) La rapporteure regrette ces stratégies d’évitement des plateformes qui tentent de déplacer un problème les concernant sur d’autres acteurs, lorsque ce n’est pas sur les pouvoirs publics.

La seconde critique à l’égard de ce texte est qu’il vise l’instauration d’une majorité numérique à 15 ans tout en permettant aux titulaires de l’autorité parentale d’autoriser leurs enfants à déroger à la règle. Il ne peut exister de réelle majorité numérique si les parents sont autorisés à en exclure l’application. L’accord du titulaire de l’autorité parentale ne peut déroger à la majorité sexuelle ou l’exigence de la majorité pour acheter de l’alcool ; il ne peut donc justifier une dérogation à la majorité numérique – qui doit être claire et totale pour exister. Outre la nécessité de créer une véritable majorité numérique, autoriser des exceptions liées à l’autorisation parentale serait susceptible de produire des effets de bord qui ne vont pas dans le sens d’une meilleure protection des enfants. En effet, une telle disposition serait de nature à inciter les mineurs à déclarer qu’ils sont majeurs lors de leur inscription sur les réseaux sociaux ; ce faisant, on s’empêcherait de les protéger correctement. ([65]) Ainsi, la rapporteure propose, à la fin de l’alinéa premier de l’article 2 de la proposition de loi n° 739, de supprimer les mots « , sauf recueil exprès du consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale ».

En parallèle d’une logique de régulation, la rapporteure estime nécessaire de promouvoir une logique de coopération et de responsabilisation des acteurs. En ce sens, la proposition de loi n° 739 vise une meilleure coopération sur ces questions. Son article 3 instaure un délai de 48 heures durant lequel les opérateurs des plateformes numériques sont tenus de répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre d’une enquête préliminaire ou dans le cadre d’une enquête de flagrance. Il prévoit par ailleurs une amende en cas d’absence de réponse. Conformément au règlement européen sur les services numériques du 19 novembre 2022, cette amende ne peut excéder 1 % de leur chiffre d’affaires. Cette logique de coopération est un progrès car il permet aux plateformes d’être elles-mêmes actrices de la protection des enfants et de ne pas faire reposer cette protection uniquement sur les pouvoirs publics.

Cette logique va dans le sens initié par le législateur, tant national, qui a introduit le principe d’un « cyberscore », qu’européen. Pour informer les consommateurs et inciter les réseaux sociaux à l’autorégulation, la loi n° 2022-309 du 3 mars 2022 pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinées au grand public a créé un « cyberscore » – à l’image du Nutriscore pour les produits alimentaires – permettant aux internautes de connaître la sécurisation de leurs données sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent. Ce dispositif entrera en vigueur au 1er octobre 2023.

Le règlement européen DSA ([66]) va également dans le sens de la responsabilisation des acteurs du numérique. Il va ainsi faire évoluer la manière dont nous traitons les réseaux sociaux de simples hébergeurs sans responsabilité vis-à-vis du contenu à une responsabilité de modération et d’analyse des risques. En effet, ils seront obligés de proposer des conditions générales d’utilisation adaptées aux enfants, de proposer des interfaces adaptées, d’empêcher les contacts des enfants avec des inconnus, d’empêcher la publicité ciblée sur mineurs. La rapporteure se félicite de ces évolutions, dont il faudra évaluer l’application pratique. Toutefois, elle soutient que le législateur ne peut pas tout en matière de protection des mineurs face aux dangers du numérique.

II.   L’insuffisance de l’action du législateur : vers une stratégie d’apprentissage et d’autonomisation du mineur

La proposition de loi n° 757 précitée sur la prévention de l’exposition excessive aux écrans relève dans son exposé des motifs que l’action du législateur est insuffisante pour régir la question de la sensibilisation quant à une utilisation excessive des écrans. En effet, il est nécessaire de mettre en œuvre « un véritable plan national contre la surexposition aux écrans, composé d’un volet législatif que la présente proposition de loi vise à établir, mais également un volet réglementaire qui pourrait notamment inclure la question du temps d’exposition aux écrans dans les rendez-vous médicaux périodiques obligatoires de suivi des nourrissons et des enfants ». ([67]) L’analyse doit être menée plus largement pour engager des pistes de réflexion en matière de prévention ainsi que d’éducation des enfants à l’usage du numérique. Ces études trouveront toute leur place au cours des débats futurs au sein de la délégation aux droits des enfants.

A.   la proposition de loi n° 757 et l’urgence d’élaborer une politique publique de prévention

Afin de mieux protéger les enfants des dérives possibles du numérique, la rapporteure souligne l’importance de la prévention et de la sensibilisation du plus grand nombre de personnes à cette problématique.

Cette sensibilisation passe en premier lieu par une évaluation des effets du numérique. À cet égard, l’article 4 de la proposition de loi n° 739 précitée sur la majorité numérique demande la remise d’un rapport quant aux conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, notamment des mineurs. C’est en effet sur la base de constats scientifiquement éprouvés qu’il sera possible d’utiliser des données justifiant une prévention adéquate. En France, il n’existe pas suffisamment d’études sur les jeunes et le numérique. L’une des raisons majeures de cet état de fait est l’insuffisance des subventions allouées à la recherche publique en France,([68]) que la rapporteure regrette.

De l’avis de cette dernière, la proposition de loi n° 757 est également importante en ce qu’elle permet de débattre de l’instauration d’une politique publique de prévention de la surexposition des enfants aux écrans. Comme le précise l’exposé des motifs, il en va de l’égalité des chances de tous les enfants.

Si la proposition de loi est peu opératoire en pratique en ce qu’elle contient des dispositions réglementaires, la rapporteure est en accord avec ses dispositions de fond.

L’article premier de cette proposition de loi vise l’insertion d’un nouveau chapitre dédié dans le code de la santé publique, établissant un parallèle avec la lutte contre les autres dépendances. Cet article prévoit que « L’État met en œuvre une politique de prévention des risques liés à l’exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de six ans ». Pour ce faire, la proposition de loi propose la création d’une plateforme numérique d’information à destination des parents comprenant des recommandations. Elle souhaite également intégrer dans la formation des professionnels de santé et de la petite enfance des modules sur ces risques et ajouter des mentions spéciales sur les emballages des ordinateurs, de tablettes et de téléphones portables pour informer les consommateurs ainsi que dans les messages publicitaires. ([69]) Enfin, la proposition de loi n° 757 propose de limiter l’utilisation des écrans dans les structures de la petite enfance et les écoles maternelles et primaires.

La proposition de loi propose également d’introduire des recommandations sur la bonne utilisation des écrans dans le carnet de grossesse, qui devrait notamment préciser : qu’il faut jouer avec ses enfants pour favoriser leur développement, qu’il faut éviter d’exposer les enfants de moins de trois ans aux écrans, qu’il ne faut pas installer de télévision dans la chambre de son enfant, qu’il faut fixer des règles sur les temps d’écran et encourager les jeux traditionnels, qu’il faut interdire les outils numériques pendant les repas et avant le coucher, qu’il est nécessaire de communiquer sur ce sujet avec ses enfants et, enfin, qu’il faut sécuriser les connexions. Il n’est pas certain que ces dispositions produisent concrètement des effets ; le carnet de santé prévoit déjà ce type de préconisations. Selon la pédiatre Sylvie Osika, il est nécessaire que les médecins se saisissent largement de la question et qu’apparaissent dans les ordonnances médicales des préconisations liées à l’usage des écrans. ([70]) Au-delà de sensibiliser, il est nécessaire de former en amont des professionnels. En effet, la pédopsychiatre Marie-Claude Bossière relève qu’en 2021, 40 départements en France n’avaient plus de pédopsychiatres disponibles pour des consultations et que les délais d’attente seraient désormais de l’ordre de deux ans. Il en résulte que, durant cette période, les écrans peuvent mettre en difficulté l’enfant sans qu’il puisse être pris en charge par un spécialiste. ([71]) La rapporteure souligne donc que la sensibilisation seule ne suffit pas ; elle doit s’accompagner d’un véritable plan de formation des professionnels. La sensibilisation elle-même doit être plus ambitieuse, à l’image par exemple des campagnes choc qui ont été menées pour la cigarette ou l’alcool au volant.

La proposition de loi considère, par ailleurs, que la prévention à ces questions doit se faire au niveau local. Son article 3 dispose ainsi que la politique de prévention des risques liés aux écrans est dévolue au président du conseil départemental. Son article 4 prévoit qu’un rôle central soit dévolu aux commissions départementales d’accueil des jeunes enfants pour recueillir et diffuser des messages de prévention, qui devraient définir les modalités de diffusion aux professionnels de la petite enfance et aux parents, des messages de sensibilisation relatifs à l’usage des écrans numériques et à la prévention d’une exposition excessive des jeunes enfants à ces derniers. Enfin, son article 5 pose que le projet éducatif territorial doit également viser « à informer et à prévenir les risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans ». La rapporteure souligne la facilité à déléguer sans cesse de nouvelles missions aux collectivités territoriales et le désengagement croissant de l’État dans des politiques publiques primordiales. L’État doit se saisir de ces questions si nous voulons nous doter d’une politique publique de prévention et de sensibilisation ambitieuse.

Il est également nécessaire de former les parents. Il faut mener une campagne pour que les pouvoirs publics incitent de plus en plus les villes à créer des alternatives au numérique, en multipliant les places en crèche notamment, ainsi qu’en menant des campagnes pour convaincre les parents que lorsqu’on est avec son bébé, on ne doit pas être sur son smartphone. Il faut aussi mobiliser les gynécologues et les obstétriciens, pas seulement les pédopsychiatres, pour que les parents changent leurs habitudes durant la grossesse, en amont. ([72]) À cet égard, la pédiatre Sylvie Osika regrette le faible nombre de places actuellement en crèche et en halte-garderie qui seraient pourtant de nature à préserver les mineurs d’une exposition précoce aux écrans. ([73])

La proposition de loi note que pour que la sensibilisation soit effective, des actions complémentaires sont requises : « campagne nationale de sensibilisation dans les médias, renforcement de l’information des parents via le carnet de santé sur les risques précis de la surexposition ou encore temps d’information systématisés dans les lieux d’accueil de la petite enfance auprès des parents » ainsi que des « temps de sensibilisation » dans les établissements scolaires. L’éducation au numérique est effectivement au cœur de tous les enjeux en matière d’usage des outils numériques par les mineurs.

B.   l’enfant acteur sur internet : responsabilisation et éducation au numérique

Selon la Cnil, « c’est le manque de connaissances qui fait que l’enfant est passif ; il faut le rendre actif » en l’éduquant aux enjeux du numérique et en lui « permettant de reprendre sa vie numérique en main ». ([74])

Toute stratégie d’évitement des risques est par essence lacunaire. L’enjeu n’est donc pas seulement de limiter les risques, mais d’éduquer les mineurs à l’usage du numérique afin de leur donner des clés de compréhension et de critique du contenu qu’ils y trouvent ainsi que de les encourager à un comportement autonome et responsable. Or, cette question est la grande absente de ces trois propositions de loi.

En matière d’éducation au numérique, la rapporteure fait le constat que la réalité est bien éloignée du principe. L’article L. 312-9, alinéa 1, du code de l’éducation prévoit déjà l’existence d’une « formation à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques (…) dans les écoles et les établissements d’enseignement (…) ». Par ailleurs, la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République confie pour nouvelle mission à l’école d’éduquer au numérique. C’est ce que prévoit l’article L. 131-2 du code de l’éducation. Or, actuellement, il n’existe pas de véritable éducation au numérique des mineurs. Les établissements scolaires n’appellent les associations qu’une fois qu’un évènement délétère lié au numérique s’est produit. On ne permet pas la réflexion en intervenant de cette manière, « on met des pansements sur des jambes de bois » ([75]) : la rapporteure est donc convaincue que c’est bien en amont qu’il faut intervenir, par la prévention et la sensibilisation.

La rapporteure estime ainsi qu’il est urgent de mettre en place dans les établissements scolaires des cours à la citoyenneté dans le monde numérique, y intégrer la notion de civisme en ligne et d’éthique du numérique, en prolongement de l’éducation civique. Il faut faire comprendre aux mineurs qu’il n’y a pas de différence entre la réalité et la virtualité ; il faut former des citoyens qui le soient tant dans la réalité que sur internet. Il est important de rappeler au moins une fois par an dans les collèges et lycées le droit applicable et les sanctions encourues pour les faits de cyber-harcèlement, afin que les enfants comprennent définitivement que leurs agissements dans la sphère virtuelle ont des répercussions concrètes.

À cet égard, mettre en place un « permis numérique », comme évoqué lors du colloque organisé par la délégation aux droits des enfants « Numérique et protection des mineurs », pour utiliser internet pourrait être une idée pertinente. Il faut également réfléchir à la généralisation du programme pHARe dans les lycées ainsi qu’enrichir cette plateforme en ressources et outils pour les enseignants et partenaires ainsi qu’ouvrir une partie de ses ressources à tous les enseignants. La rapporteure estime également qu’il serait louable de renforcer le rôle de la Cnil en matière d’éducation au numérique, qui possède déjà une solide expérience. La Cnil a fait de l’éducation au numérique une priorité depuis déjà dix ans avec la création d’un collectif qui regroupe une soixantaine d’acteurs qui interviennent dans des établissements scolaires. Actuellement, faute de moyens, le nombre de ces interventions demeure limité. ([76]) Une première voie possible en matière d’éducation au numérique pourrait consister en un budget plus important accordé à la Cnil pour multiplier ce type d’interventions.

C’est également sur des sujets plus généraux qu’il faut renforcer l’éducation des mineurs afin de leur donner des clés de compréhension et un recul leur permettant d’intégrer de manière critique les informations auxquelles ils ont accès sur internet. La rapporteure estime notamment nécessaire de renforcer les cours d’éducation sexuelle et à la vie affective à l’école. Aujourd’hui, c’est l’absence d’une réelle éducation sur le sujet qui fait que les enfants ne bénéficient pas d’un contre-discours ; dès lors que les enfants ont des questionnements sur le sujet, ils font face à des adultes fuyants ; ils vont donc consulter des réponses en ligne. Un autre problème réside dans le fonctionnement du planning familial. ([77]) Il n’y a plus la possibilité aujourd’hui pour les mineurs de s’informer autrement qu’en allant consulter des réponses en ligne, où ils se retrouvent alors exposés à un contenu qui n’est pas toujours adapté à leur jeune âge.

*

*     *

La rapporteure estime que les trois propositions de loi portant sur les jeunes et le numérique sont pertinentes et nécessaires mais manquent d’applicabilité concrète. Elle regrette une vision partagée selon laquelle le législateur pourrait régir toute situation : il est à lui seul insuffisant s’il ne s’accompagne pas de certaines modalités pratiques complémentaires.

Le sujet de fond est celui d’une révolution anthropologique dont il faut se saisir sous tous ses aspects et dont les pouvoirs publics doivent mesurer rapidement les conséquences afin de limiter les incohérences et d’éviter que les mineurs ne se transforment trop largement en « enfants-écrans ». Ces analyses ne peuvent se limiter à un examen rapide au sein d’une mission flash ; il conviendra de prendre le temps d’une réflexion d’ensemble au sein de la délégation aux droits des enfants.


—  1  —

   EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 1er mars 2023, la Délégation aux droits des enfants a procédé à la présentation du rapport de la mission flash sur les jeunes et le numérique à l’aune des propositions de loi n° 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, n° 758 visant à garantir le respect du droit a l’image des enfants et n° 757 relatives à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans. La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/BojQKz

Puis la Délégation adopte le rapport de la mission flash. Elle en autorise la publication.

 

 


—  1  —

   Annexe : liste des personnes auditionnées par la rapporteure

       Marie-Claude Bossière, pédopsychiatre, praticien hospitalier, membre du collectif Surexposition Ecrans, psychiatre à la Maison des femmes de Saint Denis, membre du groupe de recherche de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI).

Meta France

       Clotilde Briend, responsable des programmes d’affaires publiques de Meta France, responsable des sujets de sécurité et de protection de l’enfance et responsable affaires publiques d’Instagram France.

       Thomas Rohmer, directeur-fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN), personnalité qualifiée « enfance et numérique » au sein du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, membre du comité d’experts Jeune Public au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

       Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie.

       Sylvie Osika, pédiatre, membre fondateur du collectif Surexposition Écrans

CNIL

     Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles

     Xavier Delporte, directeur des relations avec les publics

TikTok France

       Sarah Khemis, responsable relations institutionnelles et affaires publiques France

 


([1]) Considérant 38, Règlement (UE) 216/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([2]) Dossier législatif accessible en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/majorite_haine_ligne

([3]) Dossier législatif accessible en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/garantir_respect_droit_image

([4]) Dossier législatif accessible en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/prevention_exposition_excessive_ecran

([5]) Le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité ; le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée ; le droit d’aller à l’école ; le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation ; le droit d’être protégé contre toutes les formes de discrimination ; le droit de ne pas faire la guerre, ni la subir ; le droit d’avoir un refuge, d’être secouru et d’avoir des conditions de vie décentes ; le droit de jouer et d’avoir des loisirs ; le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation ; le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé.

([6]) Protégé par l’article 16 de la CIDE : « Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ».

([7]) Communiqué de presse de l’Unicef, 3 septembre 2019, disponible en ligne : https://www.unicef.org/press-releases/unicef-poll-more-third-young-people-30-countries-report-being-victim-online-bullying   

([8]) Article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

([9]) Daniel Oppenheim, Dialoguer avec des adolescents et jeunes adultes dans le contexte du développement des idéologies radicales, du terrorisme et des guerres barbares, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, volume 65, n° 3, 2017, pp. 164-168.

([10]) Selon le dictionnaire Le Robert, le wokisme est un anglicisme souvent péjoratif qui désigne un courant de pensée d’origine américaine qui dénonce les injustices et les discriminations.

([11]) Bentley, H. et al. (2019) How safe are our children ? : an overview of data on adolescent abuse. London : NSPCC.

([12]) NSPCC, Online grooming crimes have risen by more than 80 % in four years, 12 juillet 2022, disponible en ligne : https://www.nspcc.org.uk/about-us/news-opinion/2022/online-grooming-crimes-rise/

([13]) Exposé des motifs de la proposition de loi n° 739.

([14]) Jean M. Twenge, W. Keith Campbell, Associations between screen time and lower psychological well-being among children and adolescents : Evidence from a population-based study, Preventive Medecine Reports, volume 12, décembre 2018, pp. 271-283.

([15])  Yvonne Kelly, Afshin Zilanawala, Cara Booker, Amanda Sacker, Social Media Use and Adolescent Mental Health : Findings from the UK millenium cohort study, EClinicalMedicine, The Lancet, n° 6, 2018, pp. 59‑68.

([16]) Michelle Achterberg, Andrik Becht, Renske van der Cruijsen, Ilse H. van de Groep, Jochem P. Spaans, Eduard Klapwijk, Eveline A. Crone, Longitudinal associations between social media use, mental well-being and structural brain development accross adolescence, Developmental Cognitive Neuroscience, vol. n° 54, avril 2022.

([17]) Manon Collet, Bertrand Gagnière, Chloé Rousseau, Anthony Chapron, Laure Fiquet, Chrystèle Certain, L’exposition aux écrans chez les jeunes enfants est-elle à l’origine de l’apparition de troubles primaires du langage ? Une étude de cas-témoins en Ille-et-Vilaine, Santé Publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 1, 14 janvier 2020.

([18]) American Academy of Pediatrics, Handheld screen time linked with speech delays in young children, 4 mai 2017.

([19]) Haute Autorité de santé, Propositions portant sur le dépistage individuel chez l’enfant de 28 jours à 6 ans, destinées aux médecins généralistes, pédiatres, médecins de PMI et médecins scolaires. Service des recommandations professionnelles. Saint-Denis : HAS ; 2006. 16p. ; Marc Delahaie, L’évolution du langage de l’enfant : de la difficulté au trouble. Saint-Maurice : Santé publique France; 2004. 84 p.   

([20]) Martin P. Paulus, Lindsay M. Squeglia, Kara Bagot, Joanna Jacobus, Rayus Kuplicki, Florence J. Berslin, Jerzy Bodurka, Amanda Sheffiled Morris, Wesley K. Thompson, Hauke Bartsch, Susan F. Tapert, Screen media activity and brain structure in youth : Evidence for diverse structural correlation networks from the ABCD study, NauroImage, volume 185, 15 janvier 2019, pp. 140-153.

([21]) Haut conseil de la santé publique, avis relatif aux effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans, 12 décembre 2019, p. 9.

([22]) Kasun Ratnayake, John L. Payton, O. Harshana Lakmal et Ajith Karunarathne, Blue Light excited retinal intercepts cellular signaling, Scientific Reports, juillet 2018.

([23]) Académie des sciences, L’enfant et les écrans, 19 mars 2013, p. 31.

([24]) Académie des sciences, L’enfant et les écrans, op. cit.,p. 123. ; audition de Marie-Claude Bossière du 15 février 2023.

([25]) Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([26]) Le Figaro, La moitié des enfants de 11 ans sont présents sur les réseaux sociaux, 1er octobre 2021, accessible en ligne : https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-moitie-des-enfants-de-11-ans-sont-presents-sur-les-reseaux-sociaux-20211001 

([27]) Insee, Les enfants de moins de 6 ans et les écrans numériques : à chacun son rythme, d’après l’enquête Elfe, 22 novembre 2022, France, portrait social, édition 2022.

([28]) Le Figaro, La moitié des enfants de 11 ans sont présents sur les réseaux sociaux, op. cit.

([29]) Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([30]) Le Monde, Exposition aux écrans : « Qui défend-on, les enfants ou l’industrie du numérique ? », tribune collective, 17 janvier 2019, accessible en ligne : https://www.lemonde.fr/sante/article/2019/01/17/exposition-aux-ecrans-qui-defend-on-les-enfants-ou-l-industrie-du-numerique_5410207_1651302.html 

([31]) Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([32])  Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([33]) Article 1 de la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet.

([34]) Audition de Marie-Claude Bossière du 15 février 2023 ; audition de Meta du 16 février 2023 ; audition de la Cnil du 17 février 2023 ; audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023 ; audition de TikTok du 17 février 2023 ; audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([35]) Audition de Meta du 16 février 2023.

([36]) Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (« Directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché, entrée en vigueur en France au 1er juillet 2021.

([37]) Exposé des motifs de la proposition de loi n° 758.

([38]) Audition de Serge Tisseron du 17 février 2023.

([39]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([40])  Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([41]) Audition de Meta du 16 février 2023.

([42]) Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([43]) Exposé des motifs de la proposition de loi n° 758.

([44]) « Les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents, ainsi que tous les supports et produits complémentaires qui leur sont directement associés […] ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous les actes qualifiés de crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse […] ».

([45]) Cela mettait ainsi la France en conformité avec l’article 8 du règlement UE 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre-circulation de ces données (RGPD).

([46]) Ifop, Les comportements digitaux des enfants. Regards croisés parents et enfants, sondage Ifop pour la Cnil, février 2020, p. 23.

([47]) Ifop, Étude sur les effets et conséquences de la loi du 30 juillet 2020 sur le visionnage de contenus pornographiques par les adolescents français, 24 avril 2022.

([48]) Rapport d’information n° 900 (2021-2022) de Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, Porno : l’enfer du décor, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, déposé le 27 septembre 2022.

([49]) Audition de M. Jean-Noël Barrot par la délégation aux droits des enfants du 14 février 2023.

([50]) Audition de M. Jean-Noël Barrot par la délégation aux droits des enfants du 14 février 2023.

([51]) Audition de M. Jean-Noël Barrot par la délégation aux droits des enfants du 14 février 2023.

([52]) Cette définition reprend celle qui a été posée dans le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique, le Digital Markets Act.

([53]) Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([54]) Audition de Meta du 16 février 2023 ; audition de TikTok du 17 février 2023.

([55]) Il s’agit du contenu des réseaux superposés utilisant l’internet public mais accessibles seulement par l’intermédiaire de dispositifs spécifiques.

([56]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([57]) Exposé des motifs de la proposition de loi n° 739.

([58]) Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([59]) Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([60]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([61]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([62]) Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([63])  Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([64]) Audition de Meta du 16 février 2023.

([65]) Audition de Meta du 16 février 2023.

([66]) Le DSA est un règlement européen qui modifie la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (directive 2000/31/CE).

([67]) Exposé des motifs de la proposition de loi n° 757.

([68]) Audition de Serge Tisseron du 17 février 2023.

([69]) Sur ce point, la proposition de loi reprend la proposition de loi n° 1410 visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans déposée par la sénatrice Mme Catherine Morin-Desailly le 5 septembre 2018. Cette proposition de loi prévoyait effectivement d’insérer deux nouveaux articles dans le code de la santé publique afin d’obliger les fabricants d’écrans à indiquer sur l’emballage des produits que leur utilisation peut nuire au développement psychomoteur des enfants de moins de trois ans et de mener annuellement une campagne nationale de sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d’exposition des enfants aux écrans.

([70]) Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([71]) Audition de Marie-Claude Bossière du 15 février 2023.

([72]) Audition de Serge Tisseron du 17 février 2023.

([73]) Audition de Sylvie Osika du 17 février 2023.

([74]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([75])  Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.

([76]) Audition de la Cnil du 17 février 2023.

([77]) Audition de Thomas Rohmer du 17 février 2023.