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Document E1380
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission sur l'intégration des systèmes de transport ferroviaire conventionnel. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel.


E1380 déposé le 31 décembre 1999 distribué le 5 janvier 2000 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1999) 0617 final du 25 novembre 1999)

Base juridique :

Article 156 du Traité instituant la Communauté européenne.

Procédure :

– Majorité qualifiée au Conseil de l’Union européenne ;

– consultation du Parlement européen dans le cadre de la codécision ;

– avis du Comité économique et social.

Avis du Conseil d’Etat :

La Communication de la Commission ne constitue pas, en tant que telle, une « proposition d’acte communautaire » au sens de l’article 88-4 de la Constitution. Il s’agit d’un document préparatoire, d’une sorte d’exposé des motifs à la proposition de directive jointe. C’est donc uniquement en tant qu’elle éclaire la « proposition d’acte communautaire » qui l’accompagne, que cette Communication de la Commission est susceptible d’entrer dans le champ de l’article 88-4 de la Constitution.

Sur le fond, la présente proposition de directive étend aux chemins de fer « conventionnels » les règles appliquées aux réseaux à grande vitesse depuis 1996 (directive 96/48/CE du 23 juillet 1996 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse). Ces dispositions sont de nature législative (LOTI du 30 décembre 1982 ; loi du 13 février 1997 portant création de RFF) comme l’était la proposition de directive concernant les « réseaux à grande vitesse ».

Motivation et objet :

1. La Communication de la Commission

Le réseau ferroviaire européen s’est constitué depuis un siècle et demi sur la base de normes techniques et réglementaires nationales. Cette situation a rendu complexes et coûteuses les activités transfrontalières.

Toutefois, les recommandations de l’UIC (Union internationale des Chemins de Fer), ainsi que les accords passés entre les compagnies( 1) ont illustré un souci d’harmonisation technique. Ces accords ont ainsi permis assez tôt aux voitures de passagers et aux wagons de marchandises répondant aux exigences de certaines recommandations de l’UIC de circuler à travers l’Europe.

La Commission estime que, malgré ces efforts, le cloisonnement des réseaux demeure un obstacle au développement des trafics internationaux, dans un contexte marqué par l’intégration économique accrue de l’Europe et les perspectives de son élargissement. Par exemple, elle relève que seize systèmes de signalisation électronique coexistent actuellement, de sorte que les locomotives circulant sur plusieurs réseaux doivent se munir des équipements requis par chacun d’entre eux, ce qui augmente les coûts et diminue la fiabilité du transport.

C’est pourquoi, la Commission propose un programme pour l’intégration des systèmes de transport ferroviaire conventionnel qui vise à lui étendre un dispositif s’inspirant de la directive 96/48/CE du 23 juillet 1996 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse. Cette démarche est justifiée selon elle par le fait qu’elle est persuadée que « c’est à la Communauté d’aplanir les divergences techniques, réglementaires et opérationnelles qui divisent les systèmes ferroviaires conventionnels ».

Ce programme et la proposition de directive qui l’accompagne répondent ainsi à une demande formulée, à l’initiative de la France( 2), par le Conseil « Transports » du 6 octobre 1999, afin que la Commission « propose une stratégie pour l’amélioration de l’interopérabilité ferroviaire et la suppression des goulets d’étranglement permettant de rayer rapidement les obstacles de nature technique, administrative et économique, tout en garantissant un haut niveau de sécurité, de formation et de qualification du personnel »( 3).

Le programme se fixe trois objectifs :

Améliorer l’organisation des services internationaux et plus particulièrement le trafic de marchandises : la compétitivité des services internationaux de fret est affaiblie par les arrêts aux frontières, la Commission constatant qu’il faut trente à quarante minutes pour remplacer la locomotive d’un train( 4) et vérifier l’état de fonctionnement d’un convoi, ce qui se répercute sur les délais de livraison et compromet la ponctualité ainsi que la fiabilité du transport. Aussi estime–t–elle que la première priorité consisterait, dans l’immédiat, pour les gestionnaires d’infrastructure et les compagnies ferroviaires à limiter les arrêts à la frontière et, dans une seconde étape, à les supprimer totalement.

Promouvoir l’interopérabilité des réseaux ferroviaires conventionnels : cet objectif passe par une harmonisation communautaire des règles techniques et opérationnelles – en particulier, selon la Commission, par la fixation de priorités pour l’introduction d’équipements construits selon des spécifications communautaires – afin d’améliorer les performances des services internationaux. Dans cette perspective, la Commission estime nécessaire de donner la priorité au Réseau transeuropéen de fret ferroviaire, dont la création a été proposée par la France lors du Conseil « Transports » du 6 octobre dernier, dans le cadre du plan en onze points qu’elle avait présenté en vue de développer le fret ferroviaire.

C’est une conception très ambitieuse de l’harmonisation que propose la Commission, puisqu’elle souhaite en faire bénéficier les PECO et même les réseaux du Moyen–Orient. A cette fin, elle recommande que l’adoption des spécifications techniques s’effectue dans le cadre de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires.

Contribuer à la création d’un marché unique des équipements ferroviaires : en dépit de la restructuration intervenue dans ce secteur au cours des années 90, les principaux marchés nationaux sont restés cloisonnés, en raison de la préférence donnée par les entreprises ferroviaires aux constructeurs nationaux. La Commission estime que l’harmonisation technique, dans le cadre de la proposition de directive relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel contribuerait à intégrer les marchés, même si, selon elle, la modification des procédures de passation des marchés publics constituerait la solution la plus efficace.

2. La proposition de directive relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel

Destinée à mettre en œuvre les objectifs préconisés par la Communication, la présente proposition de directive est également regardée par la Commission comme s’inscrivant dans la suite de deux de ses initiatives :

– le Livre Blanc de 1996, intitulé « Stratégie pour la revitalisation des chemins de fer communautaires », dans lequel elle a annoncé une action communautaire sur l’intégration des réseaux ferroviaires nationaux ;

– une étude de 1998, dont la principale conclusion a recommandé l’adoption d’une directive pour le transport conventionnel fondée sur l’approche suivie dans le domaine de la grande vitesse.

La directive 96/48/CEE du 23 juillet 1996 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse établit des procédures en vue de la définition des spécifications techniques d’interopérabilité (STI), dont le respect est obligatoire sur l’ensemble du réseau à grande vitesse. Elle attribue cette mission à un organisme – l’AEIF (Association européenne pour l’interopérabilité ferroviaire) – qui comprend les entreprises de chemins de fer, les exploitants de transports publics et l’industrie des équipements ferroviaires.

Enfin, elle confie à des organisations indépendantes – appelées « organismes notifiés » – le soin d’évaluer la conformité à l’égard des spécifications et des normes.

Deux raisons principales ont conduit la Commission à adopter pour le transport conventionnel un dispositif inspiré de celui de la directive 96/48/CEE :

– d’une part, le processus d’harmonisation mis en place par ce texte présente des avantages majeurs sur les accords actuels RIC et RIV qui permettent l’interopérabilité de véhicules agréés et enregistrés dans toute l’Europe. Selon la Commission, il est peu probable que de tels accords faciliteront l’adaptation des chemins de fer aux nouvelles technologies ou aux exigences croissantes en matière de services ;

– d’autre part, les STI et les normes européennes élaborées pour la grande vitesse peuvent être étendues au transport conventionnel, bien que, dans certains cas, il puisse être nécessaire d’établir différents niveaux de spécification pour éviter des coûts inutiles.

A l’exemple de la directive « grande vitesse », la directive « rail conventionnel » instaurerait des mécanismes communautaires pour la préparation et l’adoption des STI et pour l’évaluation de la conformité des équipements à ces spécifications.

Le réseau couvert par la proposition de directive est celui défini par les orientations communautaires. Il comprend les principales lignes internationales, ainsi que certaines lignes de moindre importance au plan communautaire.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

La proposition de directive traite d’une matière qui relève, en application de l’article 155 du Traité CE, d’une compétence partagée. L’harmonisation envisagée porte sur les exigences essentielles ainsi que sur les spécifications techniques d’interopérabilité et confie aux Etats membres et à la normalisation européenne le soin de régler les questions touchant à l’application.

Contenu et portée :

> La Communication précise que l’harmonisation devrait bénéficier aux secteurs où la compétitivité y gagnerait le plus à moyen terme. C’est pourquoi la Commission propose de donner la priorité immédiate à l’harmonisation des secteurs suivants : signalisation et systèmes de commande/contrôle ; échange de données, technologie de l’information et télécommunications, en particulier pour le transport de marchandises ; matériel roulant utilisé pour les services internationaux ; émissions sonores, en particulier pour les wagons de marchandises ; qualifications des personnels roulants pour les activités transfrontalières ; évaluation de la conformité aux spécifications ; reconnaissance mutuelle des activités d’entretien et de réparation.

La directive proposée envisagerait l’adoption d’un programme de travail qui donne priorité à ces secteurs, avant que ne commence la préparation des spécifications techniques. A long terme, bien qu’une harmonisation générale des systèmes électriques et des infrastructures serait excessivement coûteuse et perturbatrice, la Commission estime qu’il faudrait envisager l’harmonisation de certains secteurs spécifiques, comme les caténaires et les pantographes, et les infrastructures utilisées pour le fret.

Selon un échéancier, qui s’étale entre 2000 et 2002, les études ou l’élaboration des normes d’harmonisation concernant l’ensemble des domaines précités seront effectuées soit par la Commission, soit par voie d’un mandat donné par cette dernière à l’organisme commun représentatif, c’est-à-dire l’organisme réunissant des représentants gestionnaires de l’infrastructure, des entreprises ferroviaires et de l’industrie, chargé d’élaborer les spécifications techniques d’interopérabilité.

> La proposition de directive s’inspire étroitement de la structure et du contenu de la directive relative à la grande vitesse, sous réserve de certaines modifications qui tiennent compte des différences existant entre le système à grande vitesse et le système conventionnel.

Comme la directive « grande vitesse », la proposition de directive prévoit trois séries de dispositions :

1. l’énumération des exigences essentielles – c’est-à-dire l’ensemble des conditions décrites à l’annexe III – que le système doit respecter. Certaines de ces exigences ont une portée générale concernant : la sécurité ; la fiabilité et la disponibilité ; la santé ; la protection de l’environnement et la compatibilité technique. D’autres exigences sont particulières à chaque sous–système. Les sous–systèmes du système conventionnel comprennent : les infrastructures ; l’énergie ; le contrôle–commande et la signalisation ; le matériel roulant ; la maintenance ; l’exploitation et la gestion du trafic, ainsi que les applications télématiques au service des passagers et du fret. A l’exception de ce dernier, les autres sous–systèmes sont les mêmes que ceux du système de la directive « grande vitesse » ;

2. les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) : ce sont les spécifications dont chaque sous–système ou partie de sous–système fait l’objet en vue de satisfaire aux exigences essentielles et d’assurer l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel.

Elles sont élaborées sur mandat de la Commission par l’organisme commun représentatif (OCR), qui réunit les gestionnaires de l’infrastructure, les experts des entreprises ferroviaires et de l’industrie. Il est toutefois prévu qu’un mandataire autre que l’OCR puisse préparer les STI, lorsque l’OCR ne dispose pas des compétences nécessaires.

Comme dans le cas de la grande vitesse, la conformité des sous–systèmes aux exigences essentielles est vérifiée par rapport aux STI. Cette procédure est instruite par un organisme indépendant notifié par les Etats membres à la Commission, à la demande d’une entité adjudicatrice, qui établit la déclaration « CE » de vérification. C’est sur la base de cette déclaration que l'Etat membre concerné autorise la mise en service d’un sous–système déterminé.

Les STI s’appliquent à l’ensemble du système ferroviaire transeuropéen conventionnel. L’article 7 prévoit toutefois que dans deux cas, un Etat membre est autorisé à y déroger :

– pour tout élément concernant le projet, la construction, la mise en service, le réaménagement, le renouvellement, l’exploitation et la maintenance des éléments de ce système, mis en œuvre après la date d’entrée en vigueur de la directive et se trouvant à un stade avancé de développement lors de la publication des STI ;

– pour tout projet concernant le renouvellement ou le réaménagement d’une ligne existante, lorsque les paramètres fondamentaux de ces STI sont incompatibles avec ceux de la ligne existante, et que l’application de ces STI compromet la viabilité économique du projet et la cohérence du système ferroviaire de l’Etat membre.

3. les autres spécifications, en particulier, les normes européennes seront préparées par les organismes européens de normalisation CEN, CENELEC et ETSI.

Enfin, la proposition de directive prévoit des mécanismes de coopération analogues à ceux prévus dans le cas de la grande vitesse. D’abord entre les Etats membres : ceux–ci sont en effet représentés, dans un Comité de réglementation chargé d’émettre son avis avant chaque mesure arrêtée par la Commission. Ensuite, entre organismes notifiés en ce qui concerne l’évaluation de la conformité ou de l’aptitude à l’emploi des constituants, ainsi que la vérification « CE » des sous–systèmes.

La fiche financière jointe à la proposition de directive indique que l’action envisagée s’étalera sur une période allant de 2000 à 2010 et coûtera :

– au moins deux millions d’euros par an pour les STI ;

– 10 millions d’euros, au total, pour les autres normes ;

– 100 000 euros pour les dépenses opérationnelles d’études et de réunions d’experts.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

La transposition de la proposition de directive nécessitera l’élaboration d’un décret comme celui qui est actuellement en cours de préparation pour la transposition de la directive « grande vitesse ».

Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

D’après les premiers éléments d’information recueillis, les administrations intéressées ne sont pas opposées au souhait de la Commission de s’inspirer de la directive « grande vitesse ». Pour autant, elles regrettent que la proposition de directive – à la différence de la Communication – ne définisse pas clairement les priorités. En second lieu, elles estiment qu’un encadrement par le Conseil du processus d’interopérabilité est nécessaire à la progression de ce dossier.

La SNCF et le RFF approuvent les orientations préconisées par la Commission tout en ayant formulé certaines propositions.

La SNCF a formulé les suivantes :

- fixer clairement dans le texte de la proposition les objectifs poursuivis et clairement identifiés à la fois lors du Conseil « Transports » du 16 octobre 1999 (« traiter rapidement les obstacles de nature technique, administrative et économique, tout en garantissant un haut niveau de sécurité, de formation et de qualification du personnel) et dans la Communication de la Commission (amélioration de l’organisation des services internationaux et convergence des normes techniques et opérationnelles) ;

- étendre le champ d’application de la directive pour proposer une application à l’ensemble du réseau transeuropéen de fret ferroviaire, conformément aux conclusions des conseils des ministres des 6 octobre et 10 décembre 1999 et à l’esprit de la Communication de la Commission, afin de permettre concrètement la croissance des trafics fret internationaux sur l'ensemble du RTEFF (réseau plus dense que le RTE T) ;

- sélectionner et actualiser les règles de l’UIC existantes en matière d’interopérabilité du réseau conventionnel en Europe et ce sous l’autorité de l’organisme commun représentatif ;

- réfléchir à la mise en place d’une autorité de régulation et d’un mécanisme d’incitation financière à l’évolution vers l’interopérabilité pour la période transitoire. Cette autorité de régulation devrait se prononcer après consultation de l’organisme commun représentatif et après avis du comité composé des représentants des Etats membres (dit « comité de l’article 21 ») selon la même procédure que celle prévue pour les STI ;

- définir un corps de spécifications techniques correspondant au futur réseau transeuropéen de fret, pour un « deuxième niveau » d’interopérabilité du réseau européen, tout investissement entrant dans cette catégorie pouvant faire l’objet d’une aide financière de la communauté européenne ;

- créer un corps de doctrine visant à harmoniser et simplifier les procédures d’exploitation des trains internationaux, à l’exemple du travail réalisé pour le corridor Belifret ;

- étudier l’harmonisation des systèmes d’information, standardiser les interfaces, afin de faciliter la circulation transfrontalière des trains de fret et dans le respect de la confidentialité des informations à caractère commercial.

Enfin, la SNCF regrette que la question de l’harmonisation des exigences essentielles en matière de sécurité ne soit pas placée au centre du dispositif prévu par le projet de directive, alors qu’elle paraît cruciale. Elle estime, dès lors, que la directive devrait imposer une approche harmonisée des Etats membres afin d’éviter que des disparités ne subsistent entre eux.

RFF regrette que l’accent n’ait pas été suffisamment mis sur l’importance des procédures – qu’il s’agisse des réglementations techniques ou de la sécurité – souvent différentes d’un réseau à l’autre et qui constituent un frein à la fluidité du trafic. C’est pourquoi RFF estime que ces questions mériteraient de figurer dans les priorités du programme de travail.

En second lieu, RFF appelle l’attention sur la nécessité de veiller à la rédaction de l’article 7 qui prévoit les cas dans lesquels un Etat membre est autorisé à déroger aux STI. Il estime qu’une limitation trop stricte des dérogations rendrait la directive inacceptable car cela entraînerait des coûts insupportables( 5). Mais inversement, des possibilités de dérogation trop légères les rendraient inopérantes.

Pour ces raisons, RFF juge qu’il n’est pas improbable que la discussion porte largement sur cette question. Selon RFF, une solution pourrait consister à s’inspirer du principe d’une progression par étapes prévu au dernier alinéa de l’article 5, paragraphe 3. Celui ci dispose en effet : que chaque STI « propose, si nécessaire, un calendrier indicatif et une stratégie de mise en œuvre de la STI, y compris les étapes à franchir sur le plan technique et/ou géographique pour réaliser l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel ».

Enfin, RFF souligne l’importance de l’enjeu industriel, financier et politique que constitue la représentation de la France au sein du Comité prévu à l’article 21 de la directive 96/48/CE. Pour RFF, elle nécessite une organisation, une présence et un suivi de haute qualité.

Quant aux syndicats consultés, s’ils approuvent le principe du développement de l’interopérabilité, une très forte majorité d’entre eux critiquent l’absence de volet social. Cette lacune leur fait craindre qu’en l’absence d’harmonisation des conditions de travail, l’ouverture des réseaux décidée par le Conseil et le Parlement européen ne favorise le dumping social et ne pose des problèmes sérieux au plan de la sécurité.

Ils s’étonnent également de la faiblesse des moyens budgétaires prévus par la Commission et estiment que pour développer l’interopérabilité et résorber les goulots d’étranglement, il eût été préférable de lancer un emprunt communautaire.

Parmi les critiques particulières qui ont pu être formulées, on citera :

– la nécessité de résoudre le problème de la différence d’écartement, compte tenu des échanges à venir avec l’Espagne et de la saturation prévue ;

– la question des différences de gabarit n’est pas évoquée, alors qu’elle est fondamentale, en particulier vis à vis de la Grande-Bretagne. Elle pose le problème de la réciprocité( 6), qui nécessite l’introduction d’une disposition aux termes de laquelle un opérateur ne pourrait revendiquer l’accès à un réseau interopérable que si son propre réseau satisfait à cette même qualité ;

– le fondement de la possibilité pour les Etats membres de déroger aux STI n’est pas clair. L’octroi de délais, en cas de problème majeur, est jugé préférable.

Conclusion :

L’examen de ce texte s’inscrit dans la suite des travaux menés par la Délégation sur les perspectives du transport ferroviaire dans l'Union européenne ( Cf. document E 1163). A l’initiative de la Délégation, l'Assemblée nationale a adopté le 16 juin 1999 une résolution demandant le rejet de trois propositions de directives formant ce que l’on appelait alors le « paquet infrastructures ». L’Assemblée avait alors estimé que ces textes reposaient sur le postulat, contestable, selon lequel la libéralisation totale constituerait le seul moyen de revitaliser le chemin de fer.

La Délégation s’est félicitée des termes de l’accord politique intervenu le 10 décembre dernier sur les conditions dans lesquelles doit s’effectuer l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire dans l'Union européenne ; ce compromis porte sur l’accès aux infrastructures, la tarification, l’harmonisation technique et la sécurité. Elle souhaite vivement que le Parlement européen, lorsqu’il aura à statuer sur les textes qui lui seront transmis en vue de la second lecture, ne remette pas en cause les principaux points contenus dans l’accord politique du 10 décembre 1999.

Lors de l’examen de la présente proposition de directive, M. Didier Boulaud, en réponse à Mme Nicole Feidt, a précisé que l’organisme commun représentatif qui doit procéder à une sélection et une réactualisation des règles d’interopérabilité était la structure prévue à l’article 6 de la proposition de directive.

La Délégation a adopté des conclusions reprenant les principales observations du Rapporteur.

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA DELEGATION

La Délégation, après avoir examiné la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel (document E 1380), a adopté les conclusions suivantes :

La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission européenne sur l’intégration des systèmes de transport ferroviaire conventionnel et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel [COM (1999) 617 final – Document n° E 1380],

Considérant que la communication de la Commission postule qu’il appartient à la Communauté d’aplanir les divergences techniques, réglementaires et opérationnelles qui divisent les systèmes ferroviaires conventionnels des Etats membres, en vue de promouvoir l’interopérabilité de ces derniers, d’améliorer la compétitivité des services internationaux – plus particulièrement le trafic de marchandises – et de contribuer à la création d’un marché unique des équipements ferroviaires ;

Considérant que, selon la Commission européenne, de tels objectifs ne peuvent être poursuivis efficacement, au moyen des accords passés entre compagnies ferroviaires, malgré l’interopérabilité de véhicules agréés et enregistrés dans toute l’Europe qu’ils ont permise, au motif qu’il est peu probable que de tels accords faciliteront l’adaptation du système ferroviaire conventionnel aux nouvelles technologies ou aux exigences croissantes en matière de services ;

Considérant que la Commission européenne estime, en conséquence, nécessaire d’adapter au système ferroviaire transeuropéen conventionnel le dispositif prévu par la directive 96/48/CE du 23 juillet 1996 ; que la proposition de directive susvisée établit, à cet effet, un cadre uniforme pour ce qui concerne les exigences essentielles et les spécifications techniques d’interopérabilité devant être respectées par le système ferroviaire transeuropéen conventionnel ;

Considérant toutefois que, pour répondre à des demandes formulées par la résolution de l’Assemblée nationale adoptée le 16 juin 1999 et par les autorités françaises lors des Conseils de l’Union européenne des 6 octobre et 10 décembre 1999, les priorités définies par la proposition de directive susvisée n’en reposent pas moins sur des principes contestables et comportent des dispositions parfois obscures ou insuffisantes ;

Considérant que les priorités retenues ne reflètent pas suffisamment les conclusions des réunions du Conseil de l'Union européenne susmentionnées ;

1. Demande aux autorités françaises d’obtenir que le Conseil de l'Union européenne puisse encadrer le processus d’interopérabilité, afin de permettre la progression de ce dossier ;

2. Souhaite que les objectifs de l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel identifiés par le Conseil de l'Union européenne du 6 octobre 1999 et par la Communication de la Commission européenne susvisée soient clairement mentionnés à l’article premier de la proposition de directive également susvisée ;

3. Considère nécessaire, conformément aux conclusions des Conseils de l’Union européenne des 6 octobre et 10 décembre 1999 et à la communication de la Commission européenne, d’inclure le réseau transeuropéen de fret ferroviaire dans le champ d’application de la proposition de directive et de prévoir, en conséquence, les spécifications techniques d’interopérabilité correspondantes ;

4. Juge indispensable, conformément à la résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 16 juin 1999, d’introduire, après le Chapitre Premier, deux chapitres définissant respectivement les exigences essentielles en matière de sécurité, de conditions de travail et de formation ;

5. Demande que, sous l’autorité de l’organisme commun représentatif visé à l’article 6 de la proposition de directive, cet organisme procède à une sélection et à une actualisation des règles élaborées par l’Union Internationale des Chemins de fer en matière d’interopérabilité du réseau conventionnel en Europe, afin de les inclure dans les spécifications techniques d’interopérabilité définies par le Chapitre II de la proposition de directive susvisée ;

6. Demande que soit émis un emprunt communautaire destiné non seulement au financement des réseaux transeuropéens de transport de voyageurs et de marchandises et en particulier ceux identifiés par l’Union européenne dans la liste arrêtée au Conseil d’Essen le 10 décembre 1994, conformément à la résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 16 juin 1999, mais également au financement des travaux permettant l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel, en particulier du réseau transeuropéen de fret ferroviaire.

 

(1) Accords RIC et RIV (Regolamento Internazionale Carozze et Regolamento Internazionale Vericoli)
(2) Le plan en onze points sur le développement du fret ferroviaire européen souligne la nécessité de concentrer en priorité les efforts d’interopérabilité du rail sur le réseau transeuropéen de fret, dont elle a proposé la création.
(3) Le septième considérant de la proposition de directive « Rail conventionnel » reprend ces mêmes termes de la demande du Conseil.
(4) La SNCF fait observer toutefois qu’un changement de locomotive bien organisé peut ne pas excéder dix minutes.
(5) RFF se réfère au cas où des opérations de régénération, d’adaptation et de maintenance contraindraient un Etat à appliquer des spécifications communes.
(6) Les trains britanniques ont un gabarit supérieur à celui des trains du continent. Les premiers peuvent accéder aisément aux réseaux du continent alors que du fait de leur gabarit supérieur, les trains du continent ne peuvent bénéficier de la réciprocité.