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Document E2347
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations non contractuelles "ROME II".


E2347 déposé le 4 août 2003 distribué le 20 août 2003 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM (2003) 427 final du 22 juillet 2003)

 Base juridique :

Article 61 point c) du traité instituant la Communauté européenne.

 Procédure :

– article 251 du traité instituant la communauté européenne (codécision) ;

– avis du Comité économique et social européen.

 Avis du Conseil d’Etat :

La proposition de règlement du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, tend à harmoniser les règles de conflit de lois des Etats membres en matière d’obligations non contractuelles dérivant d’un délit, notamment lorsqu’il y a dispersion entre plusieurs pays du fait générateur de la responsabilité et du dommage. Cette harmonisation des règles de conflit de loi implique l’intervention de mesures législatives.

 Motivation et objet :

La proposition de règlement se situe dans la perspective des efforts d’harmonisation du droit international privé en matière civile et commerciale, entrepris sur le plan communautaire depuis la fin des années 60, qui ont été marqués notamment par l’entrée en vigueur le 1er avril 1991 de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite « Convention de Rome »).

Cette proposition s’inscrit en outre dans le cadre de la mise en place d’un espace européen de la justice et du renforcement de la coopération judiciaire en matière civile. Lors de la réunion de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, le Conseil européen a souligné le principe de la reconnaissance mutuelle comme devant être la base des règles de coopération judiciaire à établir dans l’Union. Il a demandé au Conseil et à la Commission d’adopter un programme de mesures destinées à mettre en œuvre ce principe de reconnaissance mutuelle. Ce programme, adopté par le Conseil le 30 novembre 2000, a précisé que les mesures relatives à l’harmonisation des règles de conflit de lois constituent des mesures d’accompagnement facilitant la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale, en renforçant la confiance réciproque dans les décisions de justice rendues dans les autres Etats membres.

L’objet précis de la proposition vise ainsi à l’uniformisation des règles de conflit de lois des Etats membres en matière d’obligations non contractuelles, et, ce faisant, à compléter l’harmonisation du droit international privé en matière d’obligations civiles et commerciales. Il s’agit d’harmoniser les règles en vertu desquelles la loi applicable à une obligation non contractuelle est déterminée. A l’heure actuelle la multiplicité des règles de conflits de lois applicables est source d’insécurité juridique, et notamment d’imprévisibilité des solutions de conflits, du fait en particulier des divergences importantes existantes quant au droit matériel applicable d’un Etat à l’autre.

L’origine directe du projet de règlement réside dans le plan d’action portant sur la mise en œuvre des dispositions du Traité d’Amsterdam relatives à l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice adopté par le Conseil Justice et Affaires intérieures du 3 décembre 1998. Ce plan indique que la sécurité juridique et l’égalité d’accès à la justice impliquent « une identification claire du droit applicable » et prévoit l’élaboration « d’un instrument juridique sur la loi applicable aux obligations extra- contractuelles  ( Rome II) ».

 Appréciation au regard du principe de subsidiarité

La proposition respecte le principe de subsidiarité dans la mesure où l’harmonisation des règles de conflit de lois au niveau de l’Union ne peut relever que d’une action commune. Elle fait partie des domaines d’intérêt commun des Etats membres en vertu des traités de Maastricht et d’Amsterdam. L harmonisation des règles de conflit de lois n’implique pas une harmonisation matérielle des règles de droit interne.

 Contenu et portée :

Le champ d’application de la proposition de règlement porte sur les situations comportant un conflit de lois aux obligations non contractuelles en matière civile et commerciale et exclut donc les litiges relatifs aux matières fiscales, douanières et administratives. Sont exclues également de la proposition de la Commission les questions relatives au droit de la famille, aux successions, aux obligations liées aux instruments négociables, aux trusts, à la responsabilité des associés et auditeurs de sociétés et aux dommages nucléaires.

La proposition de règlement a un caractère « universel » au sens du droit international privé : ses règles uniformes peuvent désigner indifféremment la loi d’un Etat membre ou la loi d’un Etat non membre de l’Union. Ce principe existe déjà dans la Convention de Rome, ainsi que dans les règles de conflit nationales des Etats membres.

L’article 3 de la proposition de règlement prévoit une règle générale pour les obligations non contractuelles dérivant d'un délit: la loi applicable est la loi du pays où le dommage direct s'est produit ou risque de se produire (lex loci commissi delicti). Mais si les deux parties résident dans un même pays, la loi de ce pays s'applique. Par ailleurs le juge peut décider qu'une loi d'un autre pays a des liens plus étroits avec l’obligation concernée.

Des règles spécifiques sont prévues pour les obligations non contractuelles relevant de certains domaines particuliers : dommage causé par un produit défectueux, actes de concurrence déloyale, atteintes à la vie privée ou aux droits de la personnalité, atteintes à l'environnement, atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

S’agissant des obligations non contractuelles dérivant d'un fait autre qu'un délit, la proposition pose le principe du « rattachement accessoire ». Par exemple, en cas de dépassement d’un mandat ou de paiement de l’obligation d’autrui, la loi qui sera applicable est celle qui régit la relation ( contrat) préexistante entre les parties. Des règles spécifiques précises sont prévues pour l’enrichissement sans cause et pour la gestion d’affaires, qui constituent, dans ce domaine non délictuel, les catégories les plus importantes de litiges.

Les parties ont le droit de convenir de la loi applicable, postérieurement à la naissance de leur différend. Le choix doit être exprès, et ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers.

Le règlement n’affecte pas l’application des règles de conflits de lois contenues dans des conventions internationales dont les Etats membres font partie, notamment la Convention de la Haye du 4 mai 1971 sur les accidents de la circulation routière et la Convention du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits.

 Réactions suscitées :

Les Etats membres ont accueilli favorablement la proposition de règlement, mais de longues discussions techniques ont été nécessaires pour préciser notamment le champ d’application du règlement, ainsi que l’articulation de ses règles avec les conventions internationales de règlement des conflits.

La France a estimé que le texte correspondait à une nécessité de fond, la complexité juridique des problèmes posés justifiant un traitement communautaire afin d’assurer, sur le terrain du conflit de lois, la prévisibilité et la sécurité juridique. Les solutions proposées par le règlement reposent, pour l’essentiel, sur des conceptions continentales du droit international privé, en particulier la règle générale proposée qui reprend le principe lex loci commissi delicti (loi du lieu de survenance du dommage).

Les discussions se sont poursuivies en 2004 et 2005 au niveau des groupes de travail du Conseil. Pour tenir compte de ces discussions, une proposition rectifiée a été présentée par la Commission le 21 février dernier. Un compromis politique a pu intervenir lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 27 et 28 avril, seuls la Lituanie et l’Estonie votant contre. Ce compromis prévoit en particulier : l’exclusion des « atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité » du champ d’application du règlement, des précisions sur le règles devant s’appliquer pour des dommages causés par une action collective (à la demande de la Suède), la suppression des dispositions générales prévues par la proposition sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dérivant d’un fait autre qu’un délit (seuls subsistent les règles particulières pour l’enrichissement sans cause et pour la gestion d’affaires).

Une position commune devrait intervenir sur la base de cet accord lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » de septembre prochain.

Des discussions doivent d’ici là encore se dérouler en groupe du Conseil et en COREPER sur les considérants du règlement, notamment sur celui qui précisera que la Commission devra soumettre une nouvelle proposition, complémentaire au règlement, «  concernant les procédures et conditions selon lesquelles les Etats membres seraient autorisés à négocier et conclure en leur nom propre avec des Etats tiers, à titre individuel et dans des cas exceptionnels, des accords portant sur des questions sectorielles et contenant des dispositions relatives à la loi applicable aux obligations non contractuelles  ».

Le Parlement européen a pour sa part également soutenu le principe du texte proposé. Néanmoins, les amendements adoptés en séance plénière le 6 juin 2005, sur la base du rapport de Mme Diana Wallis, diffèrent sensiblement de la position adoptée par le Conseil. La procédure de codécision devra donc se poursuivre pour aboutir à une position commune entre le Conseil et le Parlement.

Les amendements du Parlement vident notamment de son contenu la règle générale de la lex loci commissi delicti en étendant les cas ou une autre loi présente des liens manifestement plus étroits avec le litige et en prévoyant que des lois différentes peuvent s’appliquer à des parties distinctes d’un litige.

Enfin, le Comité économique et social européen, à travers un avis du 2 juin 2004, a exprimé une position claire de soutien à la proposition de règlement.

 Conclusion :

Après la présentation de cette proposition d’acte communautaire par M. Jacques Floch, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 10 mai 2006, celle-ci l’a approuvée.