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Document E3025
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission au Conseil relative au projet de réalisation du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR) et à la constitution de l'entreprise commune SESAR. Proposition de règlement du Conseil relatif à la constitution d'une entreprise commune pour la réalisation du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR).


E3025 déposé le 14 décembre 2005 distribué le 16 décembre 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0602 final du 25 novembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 25 novembre 2005)

Le système SESAR (single European sky road map ), qui fait l’objet de la présente communication et de la proposition de règlement vise à la réalisation du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien. Pour la Commission, l’enjeu est de développer les technologies, modes d’organisation et composants industriels capables d’assurer la sécurité et la fluidité du transport aérien dans les vingt prochaines années en Europe et dans le monde.

Présentée comme une réforme technologique nécessaire, sa réussite dépendrait, selon ses auteurs, des modalités de gouvernance du système et de celles de sa mise en œuvre.

Plusieurs dispositions touchant à ces modalités ont été très sensiblement modifiées par le groupe de travail du Conseil, afin de remédier à leur imprécision.

*

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I. UNE REFORME TECHNOLOGIQUE NECESSAIRE

1) SESAR : le contrôle aérien de nouvelle génération

Pour la Commission, SESAR est le « volet technologique du Ciel unique européen ». Adopté en mars 2004, le Ciel unique européen est une réforme en profondeur de l’organisation des services de navigation aérienne. Il définit une organisation claire des rôles et des responsabilités entre autorités de surveillance et prestataires de services et établit des blocs d’espace aérien transfrontaliers. Ces derniers permettent de définir les routes aériennes non plus en fonction des frontières, mais de la réalité des flux de trafic.

SESAR s’appuiera ainsi sur ce cadre et sur l’expertise d’Eurocontrol, l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, afin de garantir que les avancées technologiques puissent être concrétisées. Il s’agirait de réaliser un véritable saut technologique, par exemple, dans les domaines des liaisons des données entre l’avion et le sol, de la navigation par satellite, et de la gestion automatisée en temps réel des trajectoires des aéronefs.

Ce faisant, SESAR devrait contribuer à la modernisation de l’infrastructure du contrôle du trafic aérien.

2) Un projet industriel porteur

SESAR est une réponse européenne au projet de nouvelle génération du système du transport aérien (NGATS) que les Etats-Unis ont déjà lancé.

La Commission relève que le projet SESAR s’inscrit dans la lignée des succès industriels européens comme Ariane, Airbus ou GALILEO. A l’exemple de ces derniers, SESAR doit permettre de consolider la place de l’Europe dans le secteur du contrôle du trafic aérien. En fédérant les efforts de recherche et en catalysant la capacité d’innovation de l’Europe, SESAR pourrait conférer à cette dernière l’avance technologique qui placera l’industrie aéronautique européenne en position de force sur les marchés à l’exportation.

En second lieu, la mise en place du système SESAR pourrait favoriser la création de plusieurs millions d’emplois dans le secteur aéronautique.

II. L’IMPORTANCE DES MODALITES DE LA GOUVERNANCE ET DES CONDITIONS DE SA MISE EN ŒUVRE

1) Les modalités de la gouvernance

Comme pour GALILEO , la Commission a souhaité faire appel aux mécanismes institutionnels de la Communauté et à une structure souple et originale de gestion, en vue de prévenir toute impasse dans le processus décisionnel.

C’est pourquoi, elle a jugé nécessaire de s’appuyer sur le Comité du ciel unique institué par le règlement 549/2004 du 10 mars 2004 fixant le cadre pour la réalisation du ciel unique européen. Aux termes de l’article 5 de la proposition de règlement, ce comité – au sein duquel tous les Etats membres sont représentés – est informé régulièrement des travaux de l’entreprise commune, qui sera créée en vue de la mise en œuvre du projet SESAR.

La Commission a décidé – pour une période allant jusqu’au 31 décembre 2013 – de recourir à cette formule d’entreprise commune, prévue à l’article 171 du Traité instituant la Communauté européenne, parce qu’elle a fait ses preuves dans le cadre du projet GALILEO .

En outre, elle s’insère dans la logique de la stratégie de Lisbonne, en permettant d’unifier les ressources publiques et privées autour d’un objectif commun.

2) Les conditions de mise en œuvre du projet

Le projet SESAR comporte deux étapes :

- La phase de définition (2005-2007)

La phase de définition permet avant tout de réaliser le plan de modernisation de la gestion du trafic aérien en Europe. Elle définit les différentes étapes technologiques à franchir, les priorités de modernisation et les calendriers de mise en œuvre opérationnelle.

Cette phase, co-financée avec Eurocontrol, représente un montant de 60 millions d’euros dont la moitié est fournie par la Communauté au titre des réseaux transeuropéens de transport. Elle est actuellement en cours de lancement et s’achèvera fin 2007. La DGAC y participe en y consacrant 100 agents par mois.

- La mise en œuvre qui comprend une phase de développement des technologies de base entre 2008 et 2013 (son coût est de l’ordre de 1,809 milliards d’euros dont environ 600 millions pour Eurocontrol) et une phase de déploiement des nouveaux systèmes de 2014 à 2020.

L’analyse financière de la Commission montre que le besoin de financement pour les phases de fondation, de déploiement et de consolidation du projet serait d’environ 300 millions d’euros par an :

Phase

Années

Financement

Acteurs

 

Définition

 

2005-2007

60 millions d’euros

Eurocontrol (30 m€)

Commission (30 m€)

 

Eurocontrol

 

Développement

 

2008-2013

300 millions d’euros

Communauté (100 m€)

Eurocontrol (100 m€)

Industrie et autres (100 m€)

 

Entreprise commune

Déploiement

2014-2020

Industrie

Industrie

 

La Commission souligne la nécessité de mettre sur pied l’entreprise commune rapidement, même avant la fin de la phase de définition, afin qu’elle puisse reprendre le plan de modernisation en cours d’élaboration et qu’elle prépare le programme de travail en résultant. Elle pourra ainsi bénéficier de la dynamique de la phase de définition et la prolongera dans la mise en œuvre effective des recommandations de l’industrie.

III. LA NECESSITE DE METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF PLUS PRECIS

Les modifications qui ont été introduites par le groupe de travail ont permis d’améliorer certaines dispositions de la proposition de la Commission. Pour autant, des points importants demeurent en suspens, alors que la Présidence autrichienne et la Commission souhaiteraient que le Conseil Transports des 8 et 9 juin 2006 parvienne à un accord politique.

1) L’introduction de certaines améliorations

Ces améliorations touchent à la gouvernance de l’entreprise commune et à son financement.

> S’agissant de la gouvernance , le groupe de travail a permis de corriger en partie certaines lacunes que recelait le texte initial :

– Afin de porter remède à l’absence de représentation des Etats membres dans la structure décisionnelle de l’entreprise commune et d’assurer la cohérence du futur plan avec les programmes nationaux existants, la France – soutenue par les autres Etats membres – a préconisé la création d’un conseil de surveillance. Celui-ci serait chargé de permettre le contrôle politique des Etats membres sur le déroulement de la phase de développement du projet et de prendre une décision sur tous les problèmes stratégiques qui sont à l’ordre du jour des réunions du conseil d’administration. Mais pour tenir compte des objections juridiques formulées par le service juridique du Conseil, ce conseil de surveillance a été remplacé par un comité.

– Un représentant des militaires a inclus dans la liste des membres du conseil d’administration tandis que le représentant de la Commission en assurera la présidence.

> Pour ce qui est du financement de l’entreprise commune, la disposition de l’article 4 de la proposition de règlement prévoyant le prélèvement éventuel sur les redevances de navigation aérienne a été supprimée.

2) L’importance des points restant en suspens

a) Le rôle des Etats membres

La plupart des Etats membres souhaiteraient que le rôle du comité, au sein duquel ils sont représentés, soit renforcé. En particulier, il leur apparaît nécessaire que ce comité puisse statuer sur les décisions que la Commission prendra au sein du conseil d’administration de l’entreprise commune, alors que le Comité du Ciel unique est simplement informé des travaux de l’entreprise commune, la Commission n’estimant pas nécessaire de modifier les termes de l’actuel article 5 de la proposition de règlement.

D’après les informations obtenues par le rapporteur, le Comité du Ciel unique pourrait voir ses pouvoirs renforcés dans le sens exprimé par les Etats membres et jouer le rôle du comité dont la création a été préconisée par le groupe de travail.

Cette question du renforcement des compétences de ce comité revêt d’autant plus d’importance que sur plusieurs points – dont la durée de l’entreprise commune, ou encore sa dissolution – le représentant de la Commission au conseil d’administration dispose d’un droit de veto.

b) Le Rôle d’Eurocontrol

Ce rôle n’est toujours pas clairement défini. Ainsi, des risques importants de conflits d’intérêt existent-ils du fait de la participation avec droit de vote au conseil d’administration d’Eurocontrol et des producteurs d’équipement. C’est pourquoi la Commission s’est engagée à trouver des mécanismes pour éviter de tels risques.

c) Les financements

Ce point soulève deux séries d’interrogations. La première touche à la modicité de la contribution initiale que les membres fondateurs de l’entreprise commune – parmi lesquels, la Commission et Eurocontrol – devront verser, puisqu’elle est fixée actuellement par le projet de statuts de l’entreprise commune à 10 millions d’euros.

La deuxième interrogation concerne la contribution du secteur privé. A l’heure actuelle, la Commission n’a toujours pas reçu de lettre d’intention, ce qui a conduit la Délégation danoise à demander que le Conseil ne puisse statuer tant que la garantie du financement par le secteur privé n’aura pas été apportée.

On peut craindre que, faute d’engagement clair du secteur privé, le projet SESAR ne soit confrontée aux mêmes difficultés de financement que GALILEO.

d) L’encadrement imprécis des modalités de création de l’entreprise commune

Pour la France, il est important de préciser les deux périodes de transition :

- entre la phase de définition menée par Eurocontrol dans le cadre d’un contrat et la phase de développement menée par l’entreprise commune, un acte politique devant confirmer le lancement de la phase de développement ;

- entre la phase de développement menée par l’entreprise commune et la phase de déploiement assurée par les industriels.

 

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* *

 

De toute évidence, l’idée du projet SESAR mérite d’être soutenue, en raison de l’importance du concours qu’y apporte la France mais aussi des enjeux stratégiques qu’il présente pour l’Europe.

Pour autant, ce projet ne saurait être mené dans les meilleures conditions, sans que, au préalable, il n’ait fait l’objet d’un encadrement plus précis. C’est d’ailleurs pourquoi les autorités françaises sont réticentes à toute adoption précipitée de la proposition de règlement.

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, au cours de la réunion du 10 mai 2006, la Délégation a adopté les conclusions suivantes

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Conseil, relative au projet de réalisation du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR) et à la constitution de l’entreprise commune SESAR et la proposition de règlement du Conseil relatif à la constitution d’une entreprise commune pour la réalisation du système européen de nouvelle génération pour la gestion du trafic aérien (SESAR) (COM (05) 602 final du 25 novembre 2005 – document E 3025),

1. approuve le principe du projet SESAR à l’élaboration duquel la France apporte un concours important et dont la mise en œuvre peut permettre à l’Europe d’affirmer sa présence dans un secteur stratégique ;

2. souhaite toutefois que les différentes étapes de la mise en œuvre de ce projet fasse l’objet d’un encadrement précis et transparent ;

3. constate que si certaines améliorations introduites par le groupe de travail du Conseil vont dans le sens de ces exigences, demeurent cependant de nombreux points en suspens, dont l’importance requiert un examen approfondi ;

4. demande, dès lors, qu’un accord politique ne puisse être conclu par le Conseil, sans que, au préalable, une réponse satisfaisante n’ait été apportée aux questions suivantes :

a) le contrôle des Etats membres :

il est impérieux de prévoir un mécanisme propre à permettre au Conseil et au comité du ciel unique de statuer sur les décisions que la Commission envisage de prendre au sein du conseil d’administration de l’entreprise commune, dans les matières où son représentant dispose d’un droit de veto ;

b) le rôle d’Eurocontrol :

il serait souhaitable de prévenir tout conflit d’intérêt pouvant découler de la participation avec droit de vote au conseil d’administration de l’entreprise commune d’Eurocontrol et des producteurs d’équipement ;

c) les financements :

il importe, d’une part, que soient clarifiés les engagements supposés de la Commission et d’Eurocontrol et, d’autre part, que soit apportée la garantie du financement par le secteur privé ;

d) l’encadrement des modalités de création de l’entreprise commune :

il est nécessaire que soient précisées les périodes de transition :

· entre la phase de définition conduite par Eurocontrol dans le cadre d’un contrat et la phase de développement menée par l’entreprise commune ;

· entre la phase de développement pilotée par l’entreprise commune et la phase de déploiement assurée par les industriels. »