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Document E3027
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un environnement sans support papier pour la douane et le commerce - Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne.


E3027 déposé le 15 décembre 2005 distribué le 19 décembre 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0609 final du 30 novembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 2 décembre 2005)

S’appuyant sur la résolution du Conseil du 5 décembre 2003, ainsi que la Communication de la Commission européenne relative à un environnement douanier sans support papier, cette proposition de décision, soumise à la Délégation conjointement avec la proposition de règlement portant refonte du Code des douanes communautaire, définit les principes et les échéances de la « douane électronique ».

L’examen séparé de ces deux textes se justifie par le fait qu’ils doivent être adoptés selon des calendriers différents :

- la proposition de décision devrait faire l’objet d’un « accord politique » au Conseil « compétitivité » du 29 mai prochain, en vue d’une adoption avant la fin de cette année. Comme on le verra plus loi, cette échéance semble maintenant difficile à respecter ;

- la proposition de règlement, qui comprend 200 articles, sera examinée selon un calendrier plus long, avec une adoption prévue à l’automne 2007 et une entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2009.

La proposition concernant la douane électronique, qui est commentée ici, formalise l’engagement des Etats membres et de la Communauté à mettre en œuvre les mesures nécessaires à l’avènement d’un dédouanement informatisé dans toute l’Union.

Dans cette perspective, elle prévoit une série de mesures et de délais visant à rendre les systèmes douaniers électroniques des Etats membres compatibles entre eux et à créer un portail informatique unique et partagé.

I. Le contenu de la proposition et les avantages attendus

La proposition prévoit plusieurs mesures ambitieuses, qui découlent de l’objectif poursuivi :

- la mise en place de systèmes informatiques à l’exportation et à l’importation permettant l’échange entre les Etats membres des déclarations de douane et des informations sur les risques de fraude. Ces systèmes seront en interface avec les opérateurs économiques, qui pourront, ainsi, centraliser leurs formalités douanières au niveau communautaire ;

- la mise en place d’une base de données répertoriant les opérateurs économiques ;

- la création d’un portail commun d’information, c’est-à-dire d’un site Internet fournissant aux opérateurs économiques des informations douanières ;

- la mise en place d’un guichet unique, par lequel toutes les formalités et tous les contrôles, même ceux effectués par des administrations autres que les douanes, par exemple, les services vétérinaires ou sanitaires, se dérouleront de façon conjointe et seront effectués en un seul point, pour éviter que les opérateurs ne soient obligés de fournir les informations exigibles à plusieurs interlocuteurs ;

- la création d’un point d’accès unique (en anglais, le SEAP ou Single Electronic Access Point ), dirigeant, à partir de n’importe quel endroit du territoire communautaire, la déclaration électronique vers les Etats membres concernés par l’opération de dédouanement.

L’article 4 de la proposition précise le calendrier de mise en œuvre de ces systèmes et bases de données, à compter de la publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne :

- dans un délai de trois ans, soit d’ici 2009 :

. des systèmes automatisés de dédouanement, interopérables ;

. un système interopérable d’enregistrement pour les opérateurs économiques ;

. des portails communs d’information douanière ;

- dans un délai de cinq ans, soit d’ici 2011 :

. un cadre régissant des points d’accès unique ;

. un environnement tarifaire intégré conforme aux normes communautaires ;

- dans un délai de six ans, soit d’ici 2012 : des services d’interface unique.

Les avantages attendus sont énumérés par la proposition de décision : la simplification et la facilitation des procédures, la réduction des coûts administratifs, l’amélioration des délais de dédouanement et une meilleure efficacité des contrôles, s’appuyant sur des outils communs, de la détection et de l’interception des marchandises dangereuses et illicites.

Une étude d’impact présentée par la Commission le 6 décembre 2005, publiée sous la cote SEC (2005) 1543, citant divers économistes et opérateurs, estime que la mise en œuvre de la décision et du nouveau Code des douanes permettrait d’obtenir des économies équivalentes, voire supérieures, à 50 % du coût des transactions commerciales, susceptibles de générer un gain de 2,5 milliards d’euros par an.

II. Les difficultés matérielles mises en évidence

Ces difficultés sont nombreuses. D’une manière générale, la direction générale des douanes et des droits indirects du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie considère que le calendrier laisse trop peu de temps pour assurer une mise en œuvre effective des applications informatiques.

En outre, la liste des données exigées des opérateurs ne sera précisée qu’après l’adoption des dispositions d’application du nouveau Code des douanes communautaire, au mieux en 2008, alors que la mise en œuvre de certains projets devrait intervenir dès 2009.

Les calendriers envisagés par la Commission paraissent donc peu réalistes.

De façon plus détaillée, les difficultés soulevées par la proposition de la Commission sont les suivantes.

En premier lieu, la plupart des projets sont conçus de manière autonome, sans que les dispositions légales, aient été adoptées.

Pour sa part, l’administration des douanes considère, à juste titre, que la primauté doit être accordée aux modifications réglementaires par rapport aux projets informatiques et que la coordination de ces deux domaines d’action doit être assurée.

En deuxième lieu, les dates prévues par la proposition se juxtaposent avec celles fixées par d’autres textes, comme le règlement CE n° 648/2005 sur la gestion du risque douanier, qui fixe en mai 2008 la mise en place de la déclaration électronique, le projet de nouveau Code des douanes communautaire ou le Plan douanier stratégique pluriannuel, prévoyant pour 2008 l’échange de données informatisées entre les bureaux des douanes dans toute la Communauté.

La Commission devrait donc déposer un document de synthèse présentant l’ensemble de ces dates butoirs, pour clarifier les obligations qui incombent aux Etats membres.

III. Une position française partagée

Lors des premières réunions du groupe de travail « Union douanière » du Conseil, au sein duquel est examinée la proposition de décision, de fortes réserves ont été émises sur les délais envisagés par la Commission.

Par exemple, de nombreuses délégations, notamment celles du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas et de l’Espagne, ont estimé que le temps imparti pour la réalisation du système de contrôle à l’exportation était trop court.

Beaucoup d’Etats membres ont plaidé pour une approche pragmatique, car les administrations nationales devraient pouvoir disposer du temps nécessaire pour développer les applications prévues et effectuer les tests.

En outre, dans le même temps, les administrations nationales de certains Etats membres, c’est le cas de la France et de la Grande-Bretagne, modernisent leur outil informatique, un processus qui demande du temps et ne devrait pas être perturbé par des échéances, fixées au niveau de la Communauté, prématurées.

Par ailleurs, certains délais, surtout ceux prévus pour le point d’accès unique et le guichet unique, semblent « futuristes », selon les termes d’un interlocuteur du ministère de l’économie et des finances. Comme l’a souligné ce dernier, les groupes de travail du Conseil ont seulement commencé leurs travaux en janvier 2006 et les fonctionnalités n’ont pas encore été définies de façon précise.

De plus, la réalisation du guichet unique dépend également du bon vouloir des autres administrations impliquées dans les opérations d’importations/exportations, comme celles chargées des contrôles sanitaires ou vétérinaires. Comme l’ont indiqué les douanes, ce travail effectué en commun implique l’élaboration de protocoles d’assistance entre les différents acteurs, pour garantir une bonne transmission de l’information, ce qui demande du temps.

Il ressort de ces observations que le calendrier devrait être plus flexible. C’est pourquoi deux options ont été envisagées dès janvier 2006 par la direction générale des douanes :

- la suppression des dates butoirs prévues par la Commission pour s’en remettre, de manière plus pragmatique, au plan stratégique pluriannuel de la douane, adopté en 2001. En effet, ce cadre d’action est revu et mis a jour régulièrement par la Commission et les Etats membres : le calendrier pourra donc être adapté en fonction des avancées réelles des projets. Procéder ainsi permet de ne négliger aucune étape, ce qui est le risque pour tout projet dont la date est fixée d’avance ;

- assouplir, si la précédente option est refusée, les délais de mise en œuvre prévus, en fixant, par exemple, des « fourchettes » de dates de mise en œuvre pour chaque projet.

Quant au deuxième aspect problématique de la proposition, son coût, la Commission estime, dans l’étude d’impact précitée, que le scénario qu’elle envisage impliquerait, pour celle-ci et les Etats membres des investissements supplémentaires d’environ 40 à 50 millions d’euros par an jusqu’en 2013.

Les douanes françaises jugent ce chiffrage, dont les modalités de calcul n’ont été précisées nulle part, « imprécis et fragmentaire » : d’après elles, l’ampleur des efforts, dans un contexte de restriction budgétaire pour les Etats, justifie une véritable analyse, plus détaillée, du retour sur investissement attendu.

En outre, la Commission n’a pas réalisé d’étude d’impact sur les entreprises, notamment les PME : à ce stade, le tissu économique des PME travaillant avec l’étranger ne dispose d’aucune visibilité sur sa capacité financière à répondre aux nouvelles exigences.

Conclusion :

Lors de la réunion du Groupe « union douanière » du 27 janvier 2006, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie ont souligné l’importance de disposer d’éléments concrets sur le coût financier des efforts exigés par la mise en place de la douane électronique pour emporter la décision des ministres.

Par ailleurs, la France a plaidé pour la suppression des délais, en soulignant, pour certains d’entre eux, leur caractère irréaliste. Sa position a reçu un large écho, notamment auprès des délégations de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Italie et de l’Espagne.

Cette première lecture du texte par les groupes de travail du Conseil a conduit la Commission à suspendre les négociations, dans l’attente des conclusions qu’elle devait tirer d’une réunion organisée au sein du groupe de « politique douanière », le 6 avril dernier. Les discussions qui y ont eu lieu ont montré une claire fracture entre les « grands anciens » et les nouveaux Etats membres. En effet, ces derniers soutiennent le projet de la Commission, car ils disposent de douanes « modernes » sur le plan informatique, récemment mises en place, grâce à l’appui des fonds communautaires. A cette occasion, la Commission a de nouveau insisté sur l’importance d’un texte comportant des délais contraignants.

Selon toute vraisemblance, le projet devrait être présenté au Conseil, pour un premier échange de vues, les 20-21 avril, avec, comme perspective d’adoption, l’été 2006.

Conclusion :

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 12 avril 2006.

Compte tenu de ces observations, la Délégation, sur proposition du rapporteur, a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un environnement sans support papier pour la douane et le commerce – Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne (COM (05) 609 final / E 3027),

Considérant que la France soutient la mise en place d’un dédouanement informatisé dans toute la Communauté européenne, permettant de dynamiser les échanges, tout en les rendant plus sûrs,

Considérant toutefois que le projet initial de la Commission européenne ne s’accompagne pas d’un chiffrage précis des investissements à réaliser par les administrations douanières,

Considérant de surcroît que le calendrier de mise en œuvre des mesures proposé la Commission européenne impose aux opérateurs des délais rigides, dont la faisabilité n’est pas établie,

1. Demande à la Commission européenne de réaliser, avant toute reprise des négociations au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne, une étude d’impact plus détaillée des coûts et des avantages attendus du projet, en coopération avec les administrations douanières et les entreprises,

2. Demande que la proposition de décision ne comporte pas de délais impératifs, afin que le calendrier de mise en œuvre soit défini de manière pragmatique, en phase avec l’avancée réelle des projets. »