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Document E3116
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres et la République d'Albanie. Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.


E3116 déposé le 6 avril 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0138 final du 21 mars 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 21 mars 2006)

L’Albanie, la Croatie, l’Ancienne république yougoslave de Macédoine, la Serbie-et-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine ont bénéficié d’un régime commercial avantageux et d’une assistance financière substantielle dans le cadre du processus de stabilisation et d’association définissant depuis 1999 leurs relations avec l’Union européenne.

Le Sommet de Thessalonique a offert, en 2003, aux cinq pays des Balkans occidentaux une perspective d’adhésion à terme à l’Union européenne en fonction des progrès dans les réformes réalisés par chaque pays.

La conclusion d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) marque une étape importante dans la longue marche vers leur intégration dans l’Union européenne.

Elle suppose que le pays ait atteint un degré suffisant de stabilisation préalable pour permettre à la Commission de recommander au Conseil l’ouverture éventuelle de négociations d’un ASA.

Elle implique également qu’il ait réalisé des progrès généraux suffisants dans les domaines de réforme déterminants pour la mise en œuvre de l’accord.

Elle ouvre enfin de nouvelles possibilités de préparation à une future adhésion en introduisant, bien avant celle-ci, les règles de l’Union dans divers domaines.

A. Une troisième position parmi les cinq inattendue après une transition initiale désastreuse, mais reconnaissant une modération extérieure évidente et des progrès intérieurs à consolider

Les négociations engagées avec l’Albanie depuis le 31 janvier 2003 pour la conclusion d’un ASA se sont achevées le 18 février 2006.

L’Albanie se place ainsi en troisième position dans l’ordre de marche des cinq pays. Elle suit la Croatie, signataire d’un ASA en 2001, candidate en 2003 et en négociation d’adhésion ouverte depuis le 3 octobre 2005, ainsi que l’ancienne République yougoslave de Macédoine, signataire d’un ASA en 2001, candidate en 2004, et reconnue comme telle le 15 décembre 2005, mais ne bénéficiant pas encore d’une décision d’ouverture des négociations.

En revanche, l’Albanie précède la Serbie-et-Monténégro et la Bosnie-et-Herzégovine, avec lesquelles la négociation d’un ASA a été ouverte respectivement le 10 octobre 2005 et le 25 octobre 2005.

Cette position relativement bonne de l’Albanie dans l’ensemble régional n’allait pourtant pas de soi après l’isolement et la terreur stalinienne qu’avait subi ce pays de trois millions d’habitants sous la dictature impitoyable de Enver Hoxha de 1945 à 1985. Il fallut attendre la chute du mur de Berlin, la révolution en Roumanie, les exodes massifs, l’intensification de la pression internationale et la révolte des étudiants de Tirana pour que, le 11 décembre 1990, le multipartisme soit instauré. Mais ce n’est qu’à partir des élections législatives de mars 1992, remportées par le parti démocratique, et l’avènement de M. Sali Berisha à la présidence de la République que l’Albanie va entreprendre sa transition vers les normes démocratiques et économiques du reste de l’Europe.

Les premiers pas de la transition vont cependant aboutir à une situation catastrophique en 1997, dans laquelle la faillite du système bancaire pyramidal a conduit à des émeutes faisant plusieurs milliers de morts et à la récupération de plusieurs milliers d’armes par la population civile dans les bases militaires. L’effondrement des sociétés pyramidales, autorisées par le gouvernement à verser des taux d’intérêt de 10 % à 25 % par mois, a en effet englouti l’épargne des Albanais à hauteur de deux milliards d’euros.

Le Conseil de sécurité des Nations unies dut autoriser, par la résolution 1101 du 28 mars 1997, l’envoi d’une force multinationale de 7.000 hommes, dirigée par l’Italie et dénommée mission « Alba », pour protéger les 450 observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et permettre le bon déroulement d’élections qui allaient porter au pouvoir le parti socialiste de M. Fatos Nano.

Aux yeux de la communauté internationale et de l’opinion publique européenne, cette crise avait donné de l’Albanie l’image calamiteuse d’un pays livré à la corruption des intérêts croisés du pouvoir politique et de milieux affairistes, à la violence des rapports sociaux et au règne des mafias inondant toute l'Europe de leurs trafics divers.

Cette perception va changer progressivement sous l’effet des choix adoptés ultérieurement par ce pays sur le plan extérieur et intérieur.

D’une part, la communauté internationale a fortement apprécié que l’Albanie ait adopté une attitude modératrice et accueillante aux réfugiés lors de la guerre du Kosovo en 1998 et de la crise du printemps 2001 dans l’Ancienne république yougoslave de Macédoine. Ce pays majoritairement musulman (70 %), mais aussi orthodoxe (18 %) et catholique (12 %) n’a pas soufflé sur les braises du mythe de la « Grande Albanie » et a montré qu’il pouvait jouer un rôle-clé en faveur de la stabilité de la région. Cette modération s’avère également très précieuse depuis l’ouverture des négociations sur le futur statut du Kosovo au début de l’année 2006.

L’Albanie a par ailleurs démontré sa volonté de coopération régionale en concluant des accords de libre-échange avec ses voisins non membres de l’Union européenne et en signant le 25 octobre 2005 le traité instituant une communauté de l’énergie dans la région.

D’autre part, l’Albanie a fait oublier ses convulsions intérieures en s’engageant dans la première phase de la construction d’un Etat de droit, l’adoption d’une législation appropriée.

Le long processus de négociation de l’ASA y a certainement contribué. Il s’est écoulé près de cinq ans entre le rapport de la Commission au Conseil du 6 juin 2001 sur les travaux du groupe de contact UE-Albanie – concluant que la perspective de l’ouverture des négociations est le meilleur moyen d’aider à maintenir l’élan de la réforme politique et économique et d’encourager l’Albanie à poursuivre son influence constructive et modératrice dans la région – et l’achèvement des négociations de l’ASA le 18 février 2006.

La deuxième phase de construction d’un Etat de droit, en particulier le renforcement des capacités administratives et juridictionnelles nécessaires à la mise en œuvre effective de la législation, justifie un renforcement des relations, de la coopération et de l’assistance entre les deux parties dont le projet d’ASA est la traduction.

B. Un accord ambitieux pour favoriser le rapprochement de l’Albanie avec l'Union européenne

L’ASA remplace l’accord de mai 1992 concernant le commerce et la coopération commerciale et économique, entré en vigueur le 4 décembre 1992. Le nouvel accord comprend 137 articles, cinq annexes et six protocoles et est centré sur huit dispositifs principaux.

1. Les principes généraux

Le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme, du droit international et de l’Etat de droit, ainsi que de l’économie de marché constitue des éléments essentiels de l’accord.

L’importance de la paix et de la stabilité internationales et régionales, du développement des relations de bon voisinage et de la lutte contre le terrorisme est soulignée.

L’association sera mise en œuvre progressivement et sera entièrement réalisée à l’issue d’une période de transition d’une durée maximale de dix ans, divisée en deux phases successives.

Le conseil de stabilisation et d’association créé par l’accord réexaminera régulièrement la mise en œuvre par l’Albanie des réformes juridiques, administratives, institutionnelles et économiques. A mi-parcours, il évaluera les progrès réalisés par l’Albanie et décidera s’ils sont suffisants pour permettre le passage à la seconde phase en vue de parachever l’association. Il décidera aussi des dispositions spécifiques susceptibles d’être nécessaires au cours de la seconde phase.

2. Le dialogue politique mentionne notamment la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, par les acteurs tant étatiques que non étatiques, comme un élément essentiel de l’accord et évoque la mise sur pied d’un système efficace de contrôles nationaux des exportations, y compris de l’utilisation finale des technologies à double usage.

3. La coopération régionale comporte l’engagement de l’Albanie de conclure dans les deux ans avec les pays ayant déjà signé un ASA des conventions, notamment en vue de l’établissement de zones de libre-échange, et avant dix ans, un accord de libre-échange avec la Turquie.

4. La libre circulation des marchandises sera assurée par l’établissement progressif d’une zone de libre-échange entre la Communauté européenne et l’Albanie dans les dix ans qui suivent l’entrée en vigueur de l’accord. L’Albanie devra accomplir l’essentiel de l’effort d’ouverture, dans la mesure où elle bénéficie déjà de mesures commerciales autonomes de la Communauté accordées par le règlement 2001/2000 du Conseil du 18 septembre 2000. Elles permettent pratiquement à toutes les importations originaires d’Albanie d’entrer dans l’Union européenne sans restrictions quantitatives ni droits de douane, à l’exception de certains produits à base de bœuf et de poisson, du sucre et du vin auxquels s’appliquent des contingents tarifaires préférentiels.

Le calendrier de libéralisation des échanges prévoit :

- la suppression immédiate des droits de douanes et restrictions quantitatives dans la Communauté des produits industriels originaires d’Albanie et la suppression progressive des droits de douanes, en cinq ans, pour l’importation en Albanie des produits originaires de la Communauté, sauf pour les produits figurant à l’annexe I. Les restrictions quantitatives sont supprimées immédiatement. Les produits sidérurgiques font l’objet du protocole n° 1 ;

- pour les produits agricoles, la suppression immédiate des restrictions quantitatives par les deux parties ainsi que des droits de douane par la Communauté (sauf sur six produits) et par l’Albanie (sauf sur les produits énumérés à l’annexe II, point b), soumis à un calendrier de réduction progressive, et sur les produits de l’annexe II, point c) bénéficiant d’une suppression des droits de douane dans les limites des contingents tarifaires). Les produits agricoles transformés font l’objet du protocole n° 2 et les vins et spiritueux du protocole n° 3. Pour les produits de la pêche, la Communauté supprimera la totalité des droits de douane sur les produits autres que ceux énumérés à l’annexe III faisant l’objet de dispositions particulières.

Une clause de rendez-vous est fixée six ans après l’entrée en vigueur de l’accord pour examiner la possibilité de s’accorder de nouvelles concessions, produit par produit et de façon harmonieuse et réciproque.

L’Albanie ajuste tous les monopoles d’Etat à caractère commercial pour éliminer en quatre ans toute discrimination commerciale.

5. L’accord comporte des dispositions diverses relatives à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement, à la fourniture de services, aux paiements courants et à la circulation des capitaux.

6. Pendant la première phase des cinq premières années, l’Albanie s’engage à aligner sa législation sur celle de la Communauté européenne en se concentrant sur les éléments fondamentaux de l’acquis dans le domaine du marché intérieur et dans d’autres domaines importants tels que la concurrence, les droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, les marchés publics, les normes et la certification, les services financiers, les transports terrestres et maritimes – en particulier les normes en matière de sécurité et d’environnement, ainsi que les aspects sociaux – le droit des sociétés, la comptabilité, la protection des consommateurs, la protection des données, la santé et la sécurité sur le lieu de travail, ainsi que l’égalité des chances. Pendant la seconde phase, l’Albanie se concentrera sur les autres parties de l’acquis.

7. L’accord comprend des dispositions relatives à la coopération dans un large éventail de domaines, notamment la justice, la liberté et la sécurité qui font l’objet de dispositions détaillées sur la circulation des personnes (l’Albanie a signé, le 14 avril 2005, un accord avec la Communauté européenne sur la réadmission de personnes résidant sans autorisation), la lutte contre le blanchiment des capitaux et les drogues illicites, la lutte contre le terrorisme et la criminalité.

8. Enfin, l’accord prévoit des dispositions institutionnelles créant un conseil de stabilisation et d’association, composé de membres du Conseil et de la Commission et de membres du gouvernement albanais, pour superviser la mise en œuvre de l’accord, un comité composé de leurs représentants et une commission parlementaire composée de membres du Parlement européen et du Parlement albanais.

Dans l’attente de la ratification de l’ASA par l’Albanie, les Etats membres et la Communauté européenne, la Commission propose au Conseil de conclure un accord intérimaire pour mettre en œuvre rapidement les dispositions commerciales de l’ASA qui relèvent de la compétence exclusive de la Communauté européenne.

C. Un accord exigeant pour aider l’Albanie à combler des lacunes encore très importantes

1. L’accord apporte la garantie d’une aide efficace de l'Union européenne aux efforts de réforme de l’Albanie parce qu’elle sera conditionnelle, évaluée périodiquement et concentrée sur des priorités définies par accord entre les deux partenaires.

Cet accord s’appuie d’abord sur un régime commercial privilégié dont l’impact est essentiel pour ce pays.

L’Union européenne est, en effet, le principal partenaire commercial de l’Albanie : elle représente 74 % du total des importation de l’Albanie et 85 % du total de ses exportations. Le déficit commercial de l’Albanie à l’égard de l'Union européenne est passé de 760 millions d’euros en 2005 à 820 millions d’euros en 2004. L’Union européenne importe de l’Albanie essentiellement des produits manufacturés dont 28 % composés par les textiles, tandis que les produits agricoles représentent 8 %. Les principales exportations de l'Union européenne vers l’Albanie comprennent des machines et autres produits manufacturés qui représentent 75 % du total et les produits agricoles 15 %. Toutefois, pour tirer réellement profit de ces préférences tarifaires et pour attirer davantage d’investissements directs étrangers, l’Albanie devra renforcer ses normes industrielles, sanitaires et phytosanitaires et améliorer la qualité de sa production, en particulier dans le secteur de l’agriculture et de la pêche.

Cet accord s’appuie ensuite sur une assistance financière de l'Union européenne substantielle, mais non exclusive.

Durant la période 1991-2004, l’aide communautaire à l’Albanie a totalisé environ 1,2 milliard d’euros, dont environ 635 millions ont été acheminés au travers du programme Phare. Depuis 2001, le programme Cards a pris le relais et a fourni, en 2005, une aide de 44,2 millions d’euros, centrée sur les priorités du partenariat européen et quatre grands domaines : la stabilisation démocratique (2,4 millions d’euros) ; la bonne gouvernance et le renforcement des institutions (26,6 millions d’euros) ; le développement économique et social (14,7 millions d’euros) ; l’ouverture de programmes communautaires (0,5 million d’euros).

L’Albanie bénéficie aussi du programme régional Cards , d’un montant global de 40,4 millions d’euros en 2005, dans les domaines de l’infrastructure, du renforcement des institutions et de la coopération transfrontalière en liaison avec les activités Interreg.

En outre, l’Albanie est un pays prioritaire de l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme et elle bénéficie du programme environnement Life , ainsi que du 6ème programme-cadre de recherche et de développement.

Enfin, l'Union européenne a décidé d’accorder une aide macrofinancière à l’Albanie (jusqu’à 25 millions d’euros, dont 16 millions d’euros sous forme d’aide non remboursable et 9 millions sous forme de prêts), assortie de conditions sur l’amélioration de la gestion des finances publiques, la lutte contre la corruption et la réforme du secteur financier.

L’Albanie est le deuxième pays européen le plus pauvre après la Moldavie, avec un PIB par habitant de 1.954 euros en 2004. Son économie demeure fortement dépendante des transferts de revenus de ses expatriés principalement en Italie et en Grèce, mais surtout d’une aide extérieure émanant non seulement de l'Union européenne mais aussi de la Banque mondiale, du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et de nombreux donateurs ou prêteurs bilatéraux.

L’Albanie qui est, avec la Turquie, le seul Etat européen membre de l’Organisation de la conférence islamique (OIC), a tenté d’attirer des capitaux arabes dans les années 1990. Certains investissements saoudiens ou pakistanais n’étaient pas dénués de prosélytisme religieux, mais ces tentatives de réislamisation ont buté sur la très forte sécularisation de la société albanaise, se traduisant notamment par de nombreux mariages mixtes entre musulmans, catholiques et orthodoxes.

Enfin, l’ASA s’appuie sur le partenariat européen avec l’Albanie, adopté par le Conseil le 14 juin 2004. L’agenda de Thessalonique a introduit ce nouveau dispositif afin de concrétiser la perspective européenne des cinq pays des Balkans occidentaux. Il énumère les priorités à court et moyen terme que doit se fixer l’Albanie pour progresser vers son adhésion à l'Union européenne.

Ce pays a adopté en septembre 2004 un plan d’action assorti d’un calendrier et de mesures spécifiques indiquant comment il entend mettre en œuvre les priorités du partenariat européen. Ces priorités servent de base à la programmation de l’assistance financière de la Communauté européenne et ont fait l’objet d’une évaluation dans le rapport de suivi de la Commission en 2005 qui a conclu à leur nécessaire actualisation.

2. L’Albanie présente en effet des lacunes très importantes sur des points fondamentaux et est encore très loin de remplir les conditions minimales pour obtenir le statut de pays candidat.

Ces lacunes sont exposées, à côté des progrès, dans le rapport de suivi 2005 de la Commission du 9 novembre 2005 (COM(2005) 561).

La décision du Conseil du 30 janvier 2006 (2006/54/CE) actualisant le partenariat européen énonce en quinze pages les priorités à court et moyen terme, à atteindre respectivement dans un délai d’un à deux ans et de trois à quatre ans. Ce texte exige la mise en œuvre rapide de cinq priorités essentielles :

- obtenir de meilleurs résultats tangibles dans la lutte contre la criminalité organisée, notamment en exploitant intégralement les dispositions des nouvelles lois de lutte contre la criminalité et en hâtant la mise en œuvre des mesures concrètes de lutte contre la criminalité organisée ;

- mettre en œuvre et actualiser le plan d’action anticorruption 2004-2005 ainsi que les recommandations des rapports d’évaluation du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe ;

- appliquer la législation en vigueur concernant la restitution ou l’indemnisation des biens fonciers. En particulier, accélérer le premier enregistrement des biens et l’instruction des demandes de restitution et garantir la pérennité des stratégies et des mécanismes d’indemnisation ;

- favoriser la liberté des médias, notamment en hâtant l’adoption de la législation appropriée concernant la presse écrite et améliorer la législation relative aux médias électroniques en tenant compte des normes communautaires ;

- renforcer encore la gouvernance du secteur public, notamment la gestion, la planification et l’exécution des investissements publics.

Dans sa résolution du 16 mars 2006 sur le document de stratégie pour l’élargissement 2005 de la Commission, le Parlement européen invite instamment les autorités politiques albanaises « à appliquer les dispositions législatives adoptées et attend d’elles qu’elles obtiennent des résultats tangibles dans la lutte contre la corruption et dans la promotion de médias libres et indépendants, avant la conclusion d’un ASA ; prie instamment le gouvernement et le parlement albanais de réformer les dispositions électorales avant la tenue des prochaines élections, afin de garantir une représentation parlementaire équitable des forces politiques soutenues par les citoyens albanais, et afin d’empêcher la perpétuation des pratiques actuelles de vote tactique ; invite instamment la Commission à aider l’Albanie à mettre fin au conflit sanglant qui, notamment, empêche les enfants d’aller à l’école et d’autres personnes d’exercer leur droit de vote ».

Enfin, M. Didier Boulaud a déposé le 4 avril 2006 un rapport d’information au nom de la Délégation pour l’Union européenne du Sénat sur les relations de l’Albanie et de l’Ancienne république yougoslave de Macédoine avec l’Union européenne( 1), dans lequel il relève quatre sujets d’inquiétude nécessitant une correction rapide.

La stabilisation politique doit être consolidée. Le déroulement des élections locales en octobre 2003, non-conforme au droit international, avait conduit à l’adoption d’un nouveau code électoral et permis la tenue dans de bonnes conditions des élections législatives en juillet 2005, avec une alternance sans heurts ramenant au pouvoir M. Sali Berisha. Mais la crise politique entre la majorité et l’opposition qui a bloqué le Parlement pendant plusieurs mois, ainsi que les pratiques de vendetta qui sévissent encore dans certaines zones, montrent que la culture démocratique du pays est encore fragile. Cependant, le Parlement a repris ses travaux et envisage d’adopter une loi pour améliorer le processus électoral des municipales à la fin de l’année 2006 ou au début de 2007.

La non-application de la législation adoptée souligne le manque de capacités administratives et juridictionnelles. Elle se traduit par des violations du droit de propriété, le massacre du littoral et de l’environnement en raison de l’anarchie dans l’attribution des permis de construire, le manque de respect du droit à un procès équitable et à une protection contre toute arrestation ou détention arbitraire ainsi que contre les mauvais traitements infligés par la police. Il existe également un fort décalage entre le formalisme et l’ampleur de l’acquis communautaire à adopter et appliquer et la petite taille de l’administration albanaise.

Mais l’importance de l’économie informelle explique aussi les difficultés de mise en œuvre de la législation, en raison de l’influence exercée par les activités criminelles organisées sur l’administration et la justice. Selon l’organisation « Transparency international », l’indice de perception de la corruption se situe à 2,4 sur 10 en 2005 et classe l’Albanie au 117ème rang mondial, bien au-delà de la Roumanie, pays européen le plus mal classé dans cette évaluation, au 85ème rang mondial avec 3 sur 10.

Enfin, le risque est grand que la population albanaise, trop longtemps isolée des évolutions européennes, ne mesure pas vraiment l’ampleur des efforts de réforme à accomplir avant d’accéder à l’Union européenne et qu’elle n’en conçoive dans l’avenir une extrême frustration.

3. Cet accord est le résultat d’une négociation technique aboutie mais, avant de conclure, le Conseil devrait adresser un message politique clair aux peuples albanais et européens pour éviter tout malentendu sur sa portée.

Les négociations, étalées sur une période de trois ans, ont permis aux Etats membres de présenter leurs demandes spécifiques et d’obtenir en général satisfaction. La France a ainsi obtenu des compromis sur les trois points techniques qui l’intéressaient et concernaient les indications géographiques protégées dans le protocole sur le vin, l’ambiguïté d’une clause de responsabilité financière des Etats membres en cas d’erreur dans la gestion douanière et l’imprécision d’une clause anti-fraude.

Mais il n’y a pas encore eu de débat approfondi sur la situation politique albanaise alors que la présidence autrichienne envisage de soumettre cet accord au Conseil au cours de ce semestre.

Tout en confirmant la perspective européenne de l’Albanie, le Conseil devrait clairement annoncer que l’ASA n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que l’Albanie n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’elle ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans qui la concernent.

La conclusion de cet accord invite le peuple albanais non pas à relâcher l’effort de réforme mais à le redoubler avec l’aide renforcée de l’Union européenne. L’ASA n’est que le début d’un processus de réforme prévu sur dix ans et tout reste à faire dans sa mise en œuvre, avant d’envisager les étapes ultérieures de la reconnaissance du statut de pays candidat puis de la décision d’ouverture des négociations d’adhésion.

En particulier, le processus qui a conduit l'Union européenne à accorder, le 16 décembre 2005, le statut de pays candidat à l’Ancienne république yougoslave de Macédoine quatre ans après la signature d’un accord de stabilisation et d’association le 9 avril 2001 et à subordonner l’ouverture des négociations d’adhésion aux progrès de ce pays vers sa mise en conformité aux critères d’adhésion, serait totalement inapproprié dans le cas de l’Albanie.

Le Conseil doit également rassurer l’opinion européenne et lui garantir que l’Albanie n’entrera pas dans l’Union tant qu’elle n’aura pas définitivement éliminé les maux qui ont durablement entaché son image dans la décennie 1990.

Les parlements nationaux des Etats membres de l'Union européenne se montreront certainement très attentifs à la mise en œuvre des priorités essentielles à court terme du partenariat européen lors de leurs débats de ratification de l’ASA.

Conclusion :

Ces textes (E 3116 et E 3117) ont été présentés par M. René André, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 10 mai 2006.

La présentation des documents a été suivie d’un cours débat.

Le Président Pierre Lequiller a préconisé une pause sur l’élargissement, même si ce mot inquiète ces pays, afin de réformer le fonctionnement des institutions de l'Union européenne.

Il a également souhaité que M. René André fasse un rapport d’ensemble sur les Balkans occidentaux, dont les cinq pays méritent à terme d’entrer dans l'Union européenne.

En tant que responsable du groupe d’études sur le Kosovo, M. René André a considéré que l’évolution du Kosovo devrait faire l’objet d’un suivi par la commission des affaires étrangères et la Délégation pour l'Union européenne.

Mme Anne-Marie Comparini s’est prononcée en faveur de l’accord et s’est interrogée sur la capacité d’absorption de l'Union européenne et son approfondissement qui devraient faire l’objet de la plus grande attention.

La Délégation a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la République d’Albanie, et la proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part, (COM(06) 138 final / E 3116) ainsi que la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d’un accord intérimaire concernant le commerce et les mesures d’accompagnement entre la Communauté européenne, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part (COM(06) 130 final / E 3117),

1. Se prononce en faveur de l’accord de stabilisation et d’association dans la mesure où il ouvre un processus de longue durée invitant l’Albanie à redoubler son effort de réforme pour se préparer à une future adhésion avec l’aide renforcée de l’Union européenne ;

2. Juge toutefois nécessaire que le Conseil assortisse sa décision sur l’accord d’un message politique clair aux peuples albanais et européens pour éviter tout malentendu sur sa portée ;

3. Estime que, tout en confirmant la perspective européenne de l’Albanie, le Conseil doit clairement annoncer que l’accord de stabilisation et d’association n’est pas une garantie d’accès automatique à l’Union européenne et que l’Albanie n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’elle ne respectera pas complètement les critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans occidentaux ;

4. Considère que le processus qui a conduit l’Union européenne à accorder le statut de pays candidat à l’Ancienne république yougoslave de Macédoine, quatre ans après la signature d’un accord de stabilisation et d’association, et à subordonner l’ouverture des négociations d’adhésion aux progrès de ce pays vers sa mise en conformité aux critères d’adhésion, serait inapproprié dans le cas de l’Albanie ;

5. Considère que le Conseil doit également rassurer l’opinion européenne et lui garantir que l’Albanie n’entrera pas dans l’Union européenne tant qu’elle n’aura pas définitivement éliminé les maux qui ont durablement entaché son image dans la décennie 1990 ;

6. Appelle l’Assemblée nationale à se montrer très attentive à la mise en œuvre des priorités à court terme du partenariat européen, et en particulier de ses cinq priorités essentielles, lors de l’examen du projet de loi d’autorisation de la ratification par la France de l’accord de stabilisation et d’association. »

(1) Albanie et Macédoine : deux pays des Balkans à ne pas oublier. Sénat n°287 (2005-2006).