Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E4070
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil portant application du règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation de substances antimicrobiennes pour éliminer la contamination de la surface des carcasses de volaille.


E4070 déposé le 12 novembre 2008 distribué le 13 novembre 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0430 final du 29 octobre 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 3 novembre 2008)

M. Jean-Claude FRUTEAU , rapporteur, a présenté ce texte au cours de la réunion de la Commission du 9 décembre 2008.

*

* *

La Commission européenne s’était engagée auprès des Etats–Unis, lors du Conseil économique transatlantique du 13 mai 2008, à adopter un projet de texte qui pourrait permettre l’exportation vers l’Union européenne des « poulets à la javel ».

L’interdiction de cette technique de décontamination a été mise en place dans l’Union européenne en 1997, à la suite d’un rapport de vétérinaires européens sur les conditions de production de viande de volaille aux Etats-Unis.

Cette proposition de règlement vise à autoriser l’utilisation de quatre substances pour éliminer la contamination de la surface des carcasses de volaille et à arrêter les conditions dans lesquelles ces substances peuvent être utilisées. Il s’agit de substances chlorées( 1). Par ailleurs, l’entrée de cette viande dans l’Union européenne serait conditionnée à la mise en oeuvre de mesures préventives de lutte contre la prévention de la prolifération des bactéries dans les poulaillers. De plus, une fois trempée dans un bain chloré, la viande devrait être rincée à l’eau potable. Enfin, les produits vendus aux consommateurs devraient clairement indiquer qu’un tel procédé chimique a été utilisé. Cette décision ne serait toutefois valable que deux ans ; pendant cette période, des études scientifiques seraient menées pour examiner l’impact sur l’organisme humain de cette méthode, notamment en termes de résistance à certaines bactéries et son effet sur l’environnement.

La Commission fait valoir que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans son avis, du 6 mars 2008, a considéré qu’il n’existe actuellement pas de données scientifiques permettant de conclure à l’apparition d’une sensibilité acquise à ces substances lorsqu’elles sont appliquées sur les carcasses de volaille et à une résistance aux antimicrobiens thérapeutiques. Toutefois, elle admet que dans leur avis conjoint relatif aux répercussions sur l’environnement et sur la résistance aux antibiotiques du 31 mars 2008, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) et le Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (SCHER) ont conclu que les informations disponibles sont insuffisantes pour produire des évaluations quantitatives complètes, que la possibilité que des souches plus résistantes soient disséminées ou sélectionnées suscite des inquiétudes au plan environnemental et qu’enfin, que le risque lié aux résidus potentiels dans les carcasses de volaille est faible pour l’environnement.

En France, dans deux avis des 20 mars et 19 juin 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ( AFSSA) a indiqué que le recours à la décontamination systématique lors des dernières étapes de production ne devait pas se substituer aux démarches poursuivies depuis plusieurs années en Europe pour maîtriser les dangers tout au long de la chaîne alimentaire.

Il existe incontestablement des incertitudes scientifiques sur l’innocuité des molécules dont l’usage est proposé ainsi que sur le principe même de la décontamination chimique. Aussi cette proposition a - telle rencontré un désaccord quasi unanime, tant de la part des Etats membres que du Parlement européen qui a adopté le 18 juin 2008 à une large majorité, une résolution rejetant la proposition de la Commission( 2), au nom notamment du principe de précaution( 3). La commissaire européenne à la santé, Mme Androulla Vassiliou, défavorable au projet, s’opposait au commissaire européen aux entreprises, M. Günter Verhungen.

Sur le plan de la procédure, en juillet 2008, un vote des ministres n’a pu avoir lieu, le texte n’ayant pas été présenté pour des raisons techniques. Le 29 octobre 2008, le commissaire aux entreprises a plaidé une nouvelle fois pour le report à une date postérieure à la tenue de la prochaine réunion du Conseil économique transatlantique. Mais le Président de la Commission a finalement décidé que la proposition devait être adoptée et transmise au Conseil étant donné qu’elle ne présente pas de modifications par rapport au texte initial qui avait été soumis au comité permanent de la chaîne alimentaire. Ce comité s’était prononcé le 2 juin 2008 contre cette proposition, vingt-six Etats membres ont voté contre, un seul – la Grande-Bretagne – s’étant abstenu. En conséquence, la Commission doit soumettre au Conseil une proposition sur les mesures à prendre ; celui-ci disposant de trois mois pour statuer à la majorité qualifiée.

L’autorisation des quatre traitements antimicrobiens présente une menace pour les normes de qualité communautaire alors que les producteurs européens ont réalisé des investissements importants pour réduire les taux d’infection bactérienne dans les élevages en mettant en œuvre une approche plus durable impliquant l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Cependant il est souhaitable que la Commission chargée des affaires européennes se prononce clairement contre cette proposition qui, dans un contexte de crises alimentaires et de risques émergents, suscite des inquiétudes tant chez les consommateurs que chez les producteurs européens qui ont une approche plus durable pour réduire les taux d’infection bactérienne dans les élevages en impliquant l’ensemble de la chaîne alimentaire.

*

* *

Après que le Président Pierre LEQUILLER se soit étonné que M. Verheugen persiste à présenter ce texte puisque, dans cette affaire, il ne s’agit que d’un mauvais fonctionnement de la Commission européenne, la Commission chargée des affaires européennes s’est opposée à l’adoption de ce texte , conformément aux conclusions de M. Jean-Claude FRUTEAU , rapporteur.

(1) Dioxyde de chlore, chlorure de sodium acidifié, phosphate trisodique et acides peroxydés.
(2) P6- TA (2008) 0307.
(3) La résolution du Parlement européen rappelle que ce principe de précaution est inscrit dans le traité depuis 1992 et que son contenu et sa portée ont été précisés par la Cour de justice des Communautés européennes comme étant l’un des fondements de la politique de protection poursuivie par la Communauté dans le domaine de l’environnement et de al santé, comme par exemple dans l’arrêt du 23 septembre, affaire C-192/01, Commission européenne/Danemark.