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Commission chargée des affaires européennes

mardi 9 décembre 2008

16 h 15

Compte rendu n° 80

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de M. Jean-Claude Fruteau sur les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (document E 4042)

II. Communication de M. Jean-Claude Fruteau sur l’utilisation de substances antimicrobiennes pour éliminer la contamination de la surface des carcasses de volaille (document E 4070)

III. Examen du rapport d’information de M. Daniel Fasquelle sur l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (document E 3903)

IV. Communication, au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, de M. Jérôme Lambert sur la proposition de directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques

V. Communication de MM. Christophe Caresche et Thierry Mariani sur les priorités futures dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice

VI. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

VII. Nomination d’un rapporteur

COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 9 décembre 2008

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à seize heures quinze

I. Communication de M. Jean-Claude Fruteau sur les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché (document E 4042)

« M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur. Le texte que nous examinons aujourd’hui est un des deux éléments du « Paquet forêt » que la Commission européenne a enfin dévoilé le 17 octobre dernier. Ces textes ont maintes fois été annoncés dans les coulisses de Bruxelles puis reportés ; la France qui a fait de ce sujet une des priorités de sa présidence a même dû exprimer son impatience pour que l’examen de ce texte débute sous sa présidence.

La forêt est un secteur d’activité non négligeable dans l’Union européenne. Elle recouvre près de 42 % de son territoire et fait vivre 3,4 millions de personnes. Par ailleurs, dans un contexte de changement climatique, la forêt joue un rôle important dans le piégeage du carbone. On estime qu’en Europe, le puits de carbone représenté par la forêt compense environ 15 % des émissions fossiles.

Ce « paquet forêt » ne vise que la protection des forêts tropicales dont l’importance a été soulignée lors de la conférence de Bali de décembre 2007 au cours de laquelle a été établie la feuille de route de l’après Kyoto.

Le premier élément en est une communication de la Commission intitulée « Combattre la déforestation et la dégradation des forêts pour lutter contre le changement climatique et la diminution de la biodiversité ». Partant du constat que 13 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année et que la déforestation est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, la Commission propose la création d’un mécanisme mondial pour le carbone forestier qui permettrait de récompenser les pays en voie de développement qui diminueraient leurs émissions par des mesures de réduction de la déforestation. Ce mécanisme pourrait être financé en intégrant les crédits déforestation dans le système européen d’échanges des quotas dit ETS ( Emission trading scheme), dans un premier temps à titre expérimental pour la période 2013-2020. Après 2020, le système pourrait être pérennisé. Ces orientations ont été approuvées par le Conseil environnement du 4 décembre dernier qui a également insisté sur la nécessité de développer des moyens complémentaires pour aider les pays en développement à préserver et utiliser de manière durable, leurs forêts.

Les propositions de la Commission sont une base pour définir la position de l’Union européenne lors des négociations internationales. Certes l’Union européenne ne pourra à elle seule résoudre le problème de la déforestation mais il était important qu’elle dispose d’un mandat explicite afin de peser sur la scène internationale, notamment lors de la conférence de Poznan sur le climat qui se tient actuellement .

Le deuxième élément du paquet forêt, celui sur lequel notre Commission doit se prononcer, est une proposition visant à réglementer le commerce du bois. Ce faisant, cette proposition vise à contribuer indirectement à la lutte contre la déforestation.

Lors du sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002, l’Union européenne s’était engagée à lutter contre l’exploitation illégale des forêts et avait publié à cet effet, le plan d’action FLEGT (acronyme anglais pour « applications des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux »). Un des éléments essentiels de ce plan d’action consistait en la mise en place d’un régime d’autorisation par les Etats attestant que le bois avait été récolté conformément à la réglementation en vigueur. Reposant sur la bonne volonté des Etats producteurs, la mise en œuvre de ce plan FLEGT s’est révélée décevante, un seul pays, le Ghana, ayant signé un accord de partenariat. Aussi, la Commission s’est-elle préoccupée de formuler des mesures nouvelles.

Elle avait initialement envisagé quatre options allant de manière graduelle d’un renforcement du processus bilatéral via les accords volontaires de partenariat jusqu’à l’interdiction de la commercialisation du bois sauf si l’opérateur était à même de prouver leur légalité.

Compte tenu des difficultés de mise en œuvre de ces options, la Commission en a finalement retenu une cinquième qui s’appuie sur le devoir de « diligence raisonnable », c'est-à-dire une obligation de moyens des négociants qui devront obtenir suffisamment de garanties pour s’assurer que le bois qu’ils vendent est issu d’une récolte légale. Dans cette perspective, ils devront mettre en place des procédures soit en élaborant leur propre système, soit en s’appuyant sur des systèmes élaborés par des organisations de contrôle dont la liste sera publiée par la Commission. Les Etats membres devront vérifier que les opérateurs se conforment aux obligations établies par ce règlement et détermineront des sanctions.

Face à l’objectif affiché de la Commission qui est d’obliger les opérateurs à prouver qu’ils maîtrisent la filière, de l’abattage à la mise sur le marché, dont on ne peut qu’approuver le principe, on peut toutefois s’interroger sur certains problèmes de mise en œuvre.

Ainsi, le système de diligence raisonnable se réfère au concept anglo-saxon de « due dilligence » dont la transposition dans le droit communautaire est loin d’être évidente. Ainsi il est indiqué que ce système doit donner des informations relatives au respect de la législation applicable mais aucune précision n’est apportée ni sur le degré ni sur la forme de l’information demandée. Il est aussi fait mention d’une procédure de gestion des risques sans que soient mentionnés les critères d’évaluation de ces risques.

Par ailleurs, il est indiqué que l’organisation des procédures de contrôle relève de la compétence des Etats membres mais des précisions seraient nécessaires quant à la nature des organismes chargés de ce contrôle (publique ou privée ?), sur l’exhaustivité des registres de contrôle et sur le niveau de transparence souhaité vis-à-vis du public. Sur ce point, l’établissement d’une liste homogène, au niveau européen, des organisations de contrôle serait souhaitable.

En outre, l’infraction est constituée par l’absence de diligence raisonnable mais le règlement ne prévoit pas que la commercialisation ou la possession de bois illégal soit en elle-même constitutive d’une infraction.

Enfin une des faiblesses du texte réside dans le fait que ne soient pas abordées les conditions d’exploitation du bois importé. Le bois pourra être légal dans la mesure où il respectera la législation du pays d’origine tout en restant produit selon des pratiques destructrices pour la forêt. Pour les consommateurs, la seule façon d’acheter du bois durable sera de se fier, quand ils existent, à des labels privés de type FSC (Forest Stewardship Council). Dans cette optique, des actions de coopération avec les pays exportateurs pourraient contribuer à apporter des garanties d’exploitation durable.

La France devra être particulièrement attentive aux conséquences de cette réglementation sur la filière bois nationale au moment où le Grenelle de l’environnement et les assises de la forêt qui se sont tenues en janvier 2008 se sont fixés comme objectif général de produire plus de bois tout en préservant mieux la biodiversité. Dans cette perspective, il est nécessaire que la latitude laissée à la Commission dans l’application de la réglementation – la part réservée à la comitologie étant importante- soit encadrée par la procédure de réglementation avec contrôle.

Compte tenu de ces éléments, je propose à notre commission d’approuver le principe et les objectifs de cette proposition, mais estime souhaitable que des précisions soient apportées. »

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a approuvé la proposition.

II. Communication de M. Jean-Claude Fruteau sur l’utilisation de substances antimicrobiennes pour éliminer la contamination de la surface des carcasses de volaille (document E 4070)

« M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur. Cette proposition est un des derniers rebondissements de l’affaire dite des « poulets à la javel » qui a opposé la Commission et tout particulièrement le commissaire aux entreprises, M. Günter Verheugen à sa collègue commissaire à la santé, Mme Androulla Vassiliou, à la grande majorité des Etats membres ainsi qu’au Parlement européen.

La réglementation sanitaire européenne et les normes de commercialisation des produits sur le marché communautaire interdisent, depuis 1997, la décontamination des carcasses de volailles au moyen de substances chlorées. Or, lors du Conseil économique transatlantique du 13 mai 2008, M. Verheugen s’était engagé auprès des Etats-Unis à adopter un texte qui pourrait permettre l’exportation vers l’Union européenne des « poulets à la javel » produits aux Etats-Unis.

A cet effet, la proposition de règlement vise à autoriser l’utilisation de ces substances pour éliminer la contamination de la viande de volaille. Cette mesure est toutefois assortie de quelques précautions : une fois la viande trempée dans ce bain chloré, elle devrait être lavée à l’eau claire ; son entrée dans l’Union européenne serait conditionnée à la mise en œuvre de mesures préventives de lutte contre les bactéries ; l’indication de l’utilisation d’un tel procédé chimique devrait être mentionnée aux fins d’information du consommateur. Cette décision ne serait toutefois valable que pour deux ans, période pendant laquelle des études seraient menées pour examiner l’impact sur l’organisme humain de cette méthode…

La Commission s’appuie essentiellement sur un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 6 mars 2008 qui considère qu’il n’existe actuellement aucune donnée scientifique permettant de conclure à l’apparition d’une sensibilité acquise à ces substances et à une résistance aux antimicrobiens.

L’argument est faible face à l’avis conjoint du 31 mars 2008 du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIR) et du Comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (SCHER) qui a conclu que les informations disponibles sont insuffisantes et que la possibilité que des souches plus résistantes soient disséminées suscite des inquiétudes.

En fait, il existe incontestablement des incertitudes scientifiques sur l’innocuité des molécules dont l’usage est proposé ainsi que sur le principe même de la décontamination chimique. Dans deux avis des 20 mars et 19 juin 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) indiquait que le recours à la décontamination systématique lors des dernières étapes de production ne devait pas se substituer aux démarches poursuivies depuis plusieurs années en Europe pour maîtriser les dangers tout au long de la chaîne alimentaire.

Le Parlement européen, au nom du principe de précaution, a adopté à une très large majorité, une résolution rejetant la proposition de la Commission.

Le Comité permanent de la chaîne alimentaire s’est prononcé le 2 juin 2008 contre ce texte ; vingt-six Etats ont voté contre et un seul, la Grande-Bretagne, s’est abstenu.

M. Verheugen aurait souhaité le report de l’examen du texte mais le Président José Manuel Barroso a finalement décidé qu’il serait examiné. Cette proposition doit donc être soumise au Conseil qui a trois mois pour statuer à la majorité qualifiée. Il n’y a donc aucune chance - je dirais aucun risque - qu’elle soit adoptée.

Cependant il est souhaitable que notre Commission se prononce clairement contre cette proposition qui, dans un contexte de crises alimentaires et de risques émergents, suscite des inquiétudes tant chez les consommateurs que chez les producteurs européens qui ont une approche plus durable pour réduire les taux d’infection bactérienne dans les élevages en impliquant l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Le Président Pierre Lequiller. Je m’étonne que M. Verheugen persiste à présenter ce texte. Dans cette affaire, il s’agit d’un mauvais fonctionnement de la Commission. »

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission s’est opposée à l’adoption de ce texte.

III. Examen du rapport d’information de M. Daniel Fasquelle sur l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (document E 3903)

« M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Notre Commission a déjà procédé, le 15 octobre dernier, à un premier examen de la proposition de directive sur les soins transfrontaliers.

Depuis, il a été possible d’approfondir l’étude de ce texte sensible qui concerne l’accès à la santé et son financement, grâce à des auditions, notamment à Bruxelles.

Il est ainsi clairement apparu qu’il y avait matière à l’améliorer, en y apportant des amendements et des compléments, dans une démarche de coproduction législative avec le Gouvernement, pour définir sa position au sein du Conseil, et avec le Parlement européen.

Sur le droit actuel et les raisons d’être de ce texte présenté par la Commission européenne au début du mois de juillet dernier, il convient de rappeler que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.

La mobilité des patients est, en effet, régie au niveau européen, par deux corps de règles, en parallèle.

Le premier est écrit. Il s’agit du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale, qui date de 1971 et concerne non seulement les prestations d’assurance maladie mais toutes les prestations sociales. C’est un règlement de coordination qui garantit, de façon générale, la continuité des droits, et non un règlement d’harmonisation : il n’influe ni sur le niveau, ni sur la teneur des prestations, ni non plus sur l’organisation des prestataires. Pour les soins de santé, c'est-à-dire les prestations en nature de l’assurance maladie, il garantit la prise en charge des soins imprévus ou inopinés qui s’avèrent nécessaires lorsqu’un assuré social se trouve dans un Etat membre autre que celui d’affiliation. Formellement, il faut en principe présenter sa carte européenne d’assurance maladie, laquelle est une attestation de droits. Le règlement permet également de recevoir, sur autorisation préalable de prise en charge de la caisse de sécurité sociale d’affiliation, des soins dit programmés reçus dans un autre Etat membre, dans le cadre d’un déplacement spécifique.

Ce règlement est fondé sur le principe de la libre circulation des travailleurs, car il s’agissait à l’origine de permettre les déplacements occasionnels, temporaires ou définitifs, des salariés d’un Etat membre à l’autre. Depuis 1971, plusieurs extensions et modifications sont intervenues et l’on a quitté la logique professionnelle initiale, en matière de maladie, pour passer à une logique universelle : tous les assurés sociaux sont désormais concernés. Le règlement s’applique notamment aux soins reçus par les touristes qui ont des accidents ou des maladies pendant un séjour dans un autre pays d’Europe. Dans quelques mois, le nouveau règlement, celui de 2004, remplacera celui de 1971. Il n’en change pas fondamentalement les règles.

Le second corps de règles applicable aux soins de santé transfrontaliers est jurisprudentiel, et résulte de plusieurs décisions de la Cour de Justice de Luxembourg, qui ont fait suite aux arrêts de 1998 Kohll et Decker, fondés sur le principe de la libre prestation de services et, aussi, celui de libre circulation des marchandises, car il y a des biens médicaux (optique etc.).

Ses principes sont différents et partiellement contradictoires avec ceux du règlement : ainsi, pour les soins programmés, seuls les soins hospitaliers peuvent faire l’objet d’une autorisation. En revanche, le patient peut se rendre librement dans un autre Etat membre pour y recevoir des soins de médecine de ville.

Comme les décisions de jurisprudence sont intervenues sur le même domaine que le règlement sans l’annuler, la situation actuelle est confuse et complexe.

Les incertitudes sont notamment liées au fait que les règles tarifaires ne sont pas les mêmes : dans le cadre du règlement, ce sont en principe celles de l’Etat de traitement qui s’appliquent ; dans le cadre de la jurisprudence, ce sont les règles de l’Etat d’affiliation. En outre, l’organisme de sécurité sociale doit contrôler dans tous les cas que l’application de ses propres règles ne conduit pas à désavantager le patient qui a recours aux soins dans un autre Etat membre. C’est l’arrêt Vanbraekel. Il faut donc faire des comparaisons, ce qui exige de maîtriser vingt-sept systèmes de soins, alors même qu’il n’y a pas pour les actes médicaux, de référentiel commun.

La situation n’est satisfaisante pour personne, ni pour le patient, ni pour les organismes de sécurité sociale, qui doivent faire face à la complexité (la France a même dû spécialiser dans le traitement des soins transfrontaliers un centre de sécurité sociale, le Centre national des soins à l’étranger – CNSE– , situé à Vannes). Elle n’est pas non plus satisfaisante pour les Etats membres qui sont sous la menace des poursuites de la part de la Commission européenne, pour non-respect de la jurisprudence de la Cour. Quatre d’entre eux, dont la France, qui est pourtant l’un des pays les plus attentifs, font actuellement l’objet d’une procédure d’infraction.

Cette légitimité d’une intervention du législateur communautaire est indéniable, sauf si l’on considère que le traité doit être directement appliqué, sans texte de droit dérivé.

Si la question n’a pas été réglée plus tôt, c’est surtout affaire de circonstances. En effet, l’occasion de la révision, au début de la décennie, du règlement de coordination de sécurité sociale, n’a pas été saisie. On jugeait que la question devait être traitée dans le cadre de la future directive « services ». Tel n’a pas été le cas, à la suite des débats sur cette directive. C’est ensuite que la question d’un support législatif s’est de nouveau posée. Comme le fond est complexe et sensible, car il interfère avec le rôle des Etats membres comme régulateurs et planificateurs de l’offre de soins, il a fallu un certain temps à la Commission européenne pour être enfin en mesure de présenter un texte.

Il faut donc se réjouir de ce que ce processus ait pu aboutir et qu’un texte ait pu être présenté par la Commission européenne.

Il s’agit d’une proposition de directive qui codifie, clarifie et intègre dans le droit communautaire écrit les principes dégagés par la Cour de justice depuis les arrêts précités Kohll et Decker, ce qui permet d’avoir un droit plus clair et rétablit le législateur communautaire dans ses prérogatives.

Elle le fait, et il faut le préciser d’emblée, d’une manière qui n’a rien à voir avec la directive « services », puisque seule la mobilité des patients est concernée, et en aucun cas la mobilité des professionnels. Il n’y a pas d’ambiguïté. Il ne s’agit pas d’une directive « services » bis ou cachée.

Au-delà de ces avantages, cette proposition contient plusieurs apports, pour les patients comme pour les Etats membres.

Pour les patients européens, elle prévoit :

– davantage d’informations sur les soins à l’étranger ;

– la perspective de pouvoir bénéficier, le cas échéant, de soins plus rapidement, de meilleurs soins et, pour les prestations mal remboursées, de meilleurs prix.

Ces avantages concernent notamment les frontaliers, même si la solution à leurs difficultés passe plutôt par la mise en œuvre efficace d’accords bilatéraux tels que celui conclu avec l’Allemagne en juillet 2005.

Pour les Etats membres, le texte de la Commission européenne présente plusieurs éléments favorables.

D’abord, il reconnaît leur compétence telle qu’elle est prévue par le traité en matière de santé. Il ne s’agit donc pas d’empiéter sur le droit national.

Ensuite, cette proposition de directive permet de fluidifier l’offre de soins et de lisser les effets de files d’attente ou de creux. En outre, elle ne remet pas en cause la capacité de planification et de régulation des Etats, car elle prévoit la faculté de maintenir l’autorisation préalable pour les soins hospitaliers ou spécialisés reçus dans un autre Etat membre. C’est un élément auquel plusieurs p ays, dont la France, sont particulièrement attentifs. Enfin, la règle du plafonnement du montant du remboursement à hauteur du montant qui aurait été pris en charge si les soins avaient été reçus dans l’Etat d’affiliation, évite tout risque de « siphonage » des comptes sociaux.

Ces éléments expliquent pourquoi l’accueil réservé à ce texte a été globalement favorable au Parlement européen et dans les réunions préparatoires au Conseil.

Néanmoins, en dépit de ces points positifs qui en font une bonne base de négociation, ce texte n’est pas parfait et doit absolument être amendé et complété avant de pouvoir être adopté.

Pour ce qui est de ces amendements, améliorations et compléments qu’il convient de lui apporter, quatre directions doivent être retenues.

S’agissant de la première, il faut d’abord mieux centrer son dispositif sur les besoins du patient. La Commission européenne n’a prévu que le minimum pour l’informer sur les enjeux d’un éventuel séjour thérapeutique à l’étranger. Il faut aller au-delà, car ce n’est pas le droit de son Etat d’affiliation mais un droit qui ne lui est pas familier, celui de l’Etat de traitement, qui sera applicable, notamment en cas de litige. Il faut aussi informer le patient sur les conditions financières, qui ne sont pas les mêmes (il n’y a pas de tiers payant, en principe, et la somme qui reste à sa charge peut être assez élevée) et, également, sur les normes sanitaires de qualité et de sécurité, qui sont celles de l’Etat de traitement, et non celles auxquelles il est habitué. Il y a de très grandes différences sur ce dernier point d’un Etat membre à l’autre.

En outre, il est nécessaire de demander au patient son autorisation avant les transferts de données personnelles, car les mesures de protection ne sont pas les mêmes d’un Etat à l’autre.

La deuxième direction à suivre, pour amender et améliorer le dispositif de la future directive, consiste à mieux s’appuyer sur les compétences des Etats membres.

D’une part, ceux-ci souhaitent, comme les travaux préparatoires au Conseil en attestent, faire davantage jouer la subsidiarité, autant que le permet le traité, sur deux points majeurs : d’abord, dans la définition des normes de sécurité et qualité ; ensuite, dans la définition des soins hospitaliers et spécialisés susceptibles de faire l’objet d’une autorisation préalable. Les modalités d’organisation hospitalières et sanitaires sont, en effet, très différentes d’un Etat membre à l’autre.

D’autre part, un certain nombre d’Etats membres souhaitent prévoir une clause de sauvegarde spécifique, qui leur permette, dans le respect du principe de non discrimination entre les ressortissants des différents Etats membres, de gérer sans difficulté le risque d’un afflux de patients européens. C’est important pour les zones frontalières notamment. Ce risque doit donc être encadré car il est très préoccupant.

La troisième direction à suivre, pour compléter et améliorer la proposition de directive, concerne la sécurité juridique. Il convient, en effet, d’éviter le plus possible le risque de développement futur d’une troisième voie de prise en charge des soins reçus dans un autre Etat membre. Si la conception de la future directive n’est pas adaptée, la jurisprudence continuera à avancer et cette troisième voie à prospérer, à côté de la première voie, celle du règlement, et de la deuxième voie, celle de la future directive.

Il faut donc rétablir la cohérence avec le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale comme avec la jurisprudence de la Cour de justice.

La quatrième direction à suivre pour améliorer le texte, concerne les professionnels. Pour l’essentiel, il s’agit de leur donner la possibilité de vérifier la qualité de celui qui prescrit. C’est une difficulté réelle. Il y a des différences entre les Etats membres. Dans certains d’entre eux, les infirmières, notamment, peuvent prescrire.

Au-delà du dispositif de la future directive, il convient de prévoir les mesures pour améliorer sa mise en œuvre et anticiper les étapes suivantes.

On doit ainsi envisager :

– d’abord, la mise en place d’un mécanisme, notamment financier, de règlement des litiges transfrontaliers. L’exemple d’un patient français qui serait soigné par un dentiste dans un pays éloigné d’Europe centrale est éclairant. En cas de complication ultérieure, le litige relève de la compétence de l’Etat de traitement et, ainsi, de ses tribunaux. Peu de patients auront, de toute évidence, la capacité et la volonté de mener un contentieux dans un droit qui n’est pas le leur. Un tel mécanisme ne peut être prévu qu’après une étude préalable. La Commission européenne ne l’a pas fait. Peut-être faut-il le faire dans le cadre d’un autre texte ;

– ensuite, la carte européenne d’assurance maladie (CEAM) doit être améliorée, de manière qu’elle puisse à l’avenir servir de support à des données médicales personnelles. Il est alors nécessaire de la sécuriser et de prolonger sa validité. Cette dernière est actuellement d’un an, ce qui est lié au fait qu’il ne s’agit que d’une simple attestation de droits ;

– enfin, il s’agit d’anticiper le développement de la télémédecine. C’est, en droit, à côté de la mobilité des patients et de la mobilité des professionnels, une troisième hypothèse du principe de la libre prestation de services, faculté qui permet des prestations transfrontalières sans déplacement des hommes. Les questions sont claires : quel organisme rembourse ? Sur quelles bases tarifaires ? Quel droit applicable ?

Enfin, le rendez-vous a été manqué au début des années 2000 pour réviser le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale. Le choix de la Commission européenne d’une directive recèle une difficulté puisqu’il maintient deux systèmes en vigueur et permet à la complexité de persister. En dépit de la difficulté à modifier à l’unanimité le règlement, il faut souhaiter qu’à l’avenir, la Commission européenne propose une initiative pour réviser celui de 2004, pour parvenir à un texte unique.

C’est donc sous le bénéfice de ces amendements, améliorations et compléments, destinés tant à faciliter sa mise en œuvre qu’à préparer les étapes suivantes de la mobilité des patients, et repris dans la proposition de résolution, que la proposition d’acte communautaire peut être approuvée.

M. André Schneider. Je félicite le rapporteur pour la clarté de son exposé et pour les questions qu’il pose. En effet l’expérience montre que lors qu’un accident arrive dans une zone frontalière, par exemple entre la France et l’Allemagne, les procédures de prise en charge administrative des blessés ne sont pas semblables de part et d’autre de la frontière. Il faut donc être très prudent dans ce texte d’étape, et clarifier toutes les questions.

M. Jean-Claude Fruteau. Je remarque, comme l’a souligné le rapporteur, qu’une fois de plus on se laisse imposer le droit par le pouvoir judiciaire, ce qui conduit à avoir à la fois un règlement et une directive pour codifier les éléments d’une jurisprudence.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Cette approche tient à l’existence de différentes cultures juridiques à l’intérieur de la Commission. En France, c’est le législateur qui fait le droit, le juge l’appliquant. Dans une Europe à vingt-sept, on a besoin de droit écrit car la jurisprudence de la Cour de justice a créé beaucoup de complexité et ses décisions ne s’appliquent pas partout en Europe, notamment du fait du manque de moyens de certains de nos partenaires. Je suis donc favorable à la directive car il était temps de légiférer, mais celle-ci ne constitue qu’une première étape qu’il faut encore améliorer, car les patients vont de plus en plus se déplacer. »

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 23, 39, 49, 137 et 152,

Vu le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, ainsi que le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui le remplacera,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’application des droits des patients en matière de soins transfrontaliers (COM [2008] 414 final/n° E 3903],

Constatant la pratique croissante des ressortissants des Etats membres pour bénéficier de prestations de santé dans un Etat membre autre que celui de leur affiliation ;

Constatant également que l’actuelle juxtaposition des dispositions des règlements précités et des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes sur les droits directement conférés au patient par le Traité, notamment au titre de la libre prestation de services, conduit à une situation complexe, confuse et aux modalités d’application incertaines, tant pour les patients que pour les Etats membres, avec deux voies parfois contradictoires pour la prise en charge des soins de santé ainsi délivrés dans un autre Etat membre ;

Considérant que les capacités de régulation et de planification des Etats membres en matière d’offre de prestations de santé doivent être intégralement préservées ;

1. Se félicite de ce que la proposition de directive précitée vise à opérer en matière de soins transfrontaliers une indispensable clarification et à prévoir le cadre d’une plus grande coopération européenne en la matière ;

2. Constate avec satisfaction qu’elle reconnaît explicitement, selon le principe de subsidiarité, la compétence des Etats membres dans l’organisation et la prestation des soins de santé et qu’elle ne concerne que la seule mobilité des patients, sans modifier le cadre communautaire actuel sur la mobilité des professionnels de santé ;

3. Estime qu’elle atteint un point d’équilibre entre les droits individuels des patients et le rôle des Etats membres en matière de régulation et de planification des équipements de soins, grâce à l’autorisation préalable de prise en charge pour les prestations hospitalières et les soins spécialisés, qui constitue une clause de sauvegarde, et que ce point d’équilibre constitue une base de négociation adaptée ;

4. Considère cependant que ses dispositions doivent mieux répondre aux besoins du patient, dont l’information doit ainsi être renforcée, de manière à ce que celui-ci soit en mesure d’exercer un choix librement éclairé, en disposant notamment :

a) d’informations plus précises sur le droit comme sur les normes de qualité et de sécurité sanitaires en vigueur dans l’Etat de traitement,

b) d’éléments détaillés sur les conditions financières applicables, notamment quant à l’avance des frais et au montant restant en définitive à sa charge ;

5. Considère également qu’il convient de s’appuyer davantage sur les compétences des Etats membres, en appliquant pleinement, autant que le permet le traité, le principe de subsidiarité, et ainsi :

a) de leur réserver, et non à la Commission européenne, la faculté de fixer eux-mêmes les normes de qualité et de sécurité applicables aux soins de santé dispensés sur leur territoire ;

b) de s’en remettre au droit national pour définir les soins hospitaliers et les soins spécialisés susceptibles de faire l’objet d’une autorisation préalable de prise en charge, compte tenu des spécificités du mode d’organisation de chaque pays ;

c) de conforter les capacités de régulation nationales grâce à une seconde clause de sauvegarde, spécifique, permettant aux prestataires de soins de santé d’un Etat membre, notamment dans les régions transfrontalières, de faire face, le cas échéant, à des flux trop importants de patients affiliés dans d’autres Etats membres, sans enfreindre le principe d’égalité de traitement envers les autres ressortissants communautaires dans la gestion des files d’attente ;

6. Souhaite aussi, pour prévenir tout risque d’une « troisième voie » de prise en charge, mieux faire prévaloir le principe de sécurité juridique, grâce à une harmonisation tant de la définition des soins de santé que du régime de l’autorisation préalable aux soins hospitaliers et aux soins spécialisés, avec les règlements précités comme avec les décisions de la Cour de justice intervenues en la matière ;

7. Estime nécessaire, au-delà des améliorations du texte de la proposition de directive et afin de réellement protéger et promouvoir les droits des patients, que la Commission européenne prenne, en accord avec les Etats membres, plusieurs initiatives visant à :

a) mettre en place, sous réserve des conclusions d’une étude de faisabilité, un mécanisme européen de règlement des éventuels litiges relatifs aux soins transfrontaliers, notamment sur le plan financier, pour éviter au patient d’avoir à mener une procédure dans un autre Etat membre avec un droit qui ne lui est pas familier ;

b) améliorer la carte européenne d’assurance maladie, de manière à permettre, à terme, le transfert de données médicales personnelles, sa durée étant par ailleurs prolongée et son utilisation sécurisée, sachant que, dans cette attente, le patient doit être en mesure de donner son autorisation pour de tels transferts d’un Etat membre à l’autre, après avoir été préalablement informé des différences éventuelles entre les règles applicables dans l’Etat membre de traitement et celles de son Etat membre d’affiliation ;

c) prendre en compte les facultés et les futurs développements de la télémédecine, en ce qu’elle représente à côté de la mobilité des patients et de la mobilité des professionnels, une autre déclinaison du principe de la libre prestation de services ;

8. Considère, enfin, qu’il conviendra de parvenir à un texte unique, à l’avenir, en fusionnant les dispositions de la future directive et celles du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale. »

IV. Communication, au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, de M. Jérôme Lambert sur la proposition de directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques

« M. Jérôme Lambert, rapporteur. Cette communication s’inscrit dans le cadre de la procédure de dialogue politique entre les Parlements nationaux et la Commission européenne mise en œuvre à l’initiative du Président José Manuel Barroso depuis septembre 2006. La proposition de directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, publiée par la Commission européenne le 5 novembre 2008, justifie à mon sens un examen au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité.

C’est une directive de 1986 qui fixe actuellement les principes applicables à l’expérimentation animale. Par ailleurs, le Conseil a approuvé en 1998 la convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales, adoptée par le Conseil de l’Europe en 1986.

Selon les statistiques de la Commission européenne, environ 12 millions d’animaux ont été utilisés en 2005 pour des procédures scientifiques dans l’Union européenne.

La Commission propose de renforcer la protection des animaux utilisés dans des expérimentations scientifiques par différents moyens.

Le champ d’application par rapport à celui de la directive de 1986 serait étendu à de nouvelles activités, la recherche fondamentale et l’éducation, ainsi qu’aux animaux invertébrés susceptibles d’éprouver de la douleur.

Les expérimentations seraient interdites pour certaines espèces d’animaux. La principale interdiction concerne les primates non humains. Il s’agit d’une interdiction totale pour les grands singes, et d’une interdiction assortie d’une dérogation pour les autres primates non humains, qui ne pourraient pas être utilisés, sauf dans le cadre de recherches concernant des maladies invalidantes et potentiellement mortelles. La Commission européenne justifie cette interdiction par la proximité génétique des singes avec les humains et leurs aptitudes sociales très développées.

Des normes très précises sur les conditions d’hébergement et de soins sont annexées à la proposition, ce qui donnerait une force juridique contraignante à une recommandation existante de la Commission européenne.

La proposition prévoit un triple régime d’autorisation, des établissements, des personnes et des projets. L’autorisation des projets ne serait délivrée qu’après une évaluation éthique favorable. Cette évaluation approfondie prendrait divers éléments en considération dont une analyse dommage-avantage du projet.

Enfin, la proposition prévoit que les Etats membres favorisent le développement d’approches alternatives à l’expérimentation animale et désignent un laboratoire de référence national pour les méthodes de substitution. Il faut souligner que les organismes de recherche contactés dans le cadre de la préparation de cette communication ont indiqué que la communauté scientifique soutient le développement des approches alternatives et n’utilise l’expérimentation animale qu’en l’absence de telles méthodes.

La proposition est-elle conforme au principe de subsidiarité ?

La Commission européenne justifie son intervention par la nécessité de lutter contre des distorsions sur le marché intérieur, résultant de différences entre les réglementations nationales plus ou moins protectrices du bien-être animal. La directive de 1986 était déjà fondée sur l’article 95 du traité instituant la Communauté européenne relatif à l’harmonisation dans le marché intérieur.

Certaines activités de recherche ont une dimension transnationale et il peut en effet y avoir des distorsions de concurrence. L’intervention communautaire dans le domaine de l’expérimentation animale semble donc légitime.

Il pourrait seulement y avoir des interrogations sur la subsidiarité en ce qui concerne le champ d’application de la proposition car la Commission européenne étend ce champ à des domaines (recherche fondamentale, éducation) dont les liens avec le marché intérieur sont indirects. Sur le fond, cette extension du champ d’application ne pose cependant pas de problème spécifique.

La Commission européenne se fonde également sur le protocole sur la protection et le bien-être animal annexé au traité instituant la Communauté européenne, qui fait en effet référence aux activités de recherche, tout en restant très général.

La Commission indique ensuite que la directive de 1986 comporte des lacunes, au plan scientifique du fait de l’évolution des connaissances depuis son adoption, ainsi qu’au plan juridique en raison du caractère trop général de certaines de ses dispositions, qui pose des problèmes d’interprétation. La nécessité de réviser la directive de 1986 semble en effet faire l’objet d’un large accord dans la communauté scientifique.

La proposition n’appelle donc pas d’observation au regard de la subsidiarité.

La proposition est-elle conforme au principe de proportionnalité ?

La Commission européenne estime que sa proposition laisse une latitude aux Etats membres pour « définir les mesures spécifiques qui conviennent le mieux au niveau administratif le plus approprié et l’infrastructure administrative correspondante ». Elle indique également que d’après l’étude d’impact, les bénéfices de la proposition l’emportent sur les coûts.

Les moyens proposés sont-ils proportionnés aux objectifs ? Deux objectifs sont mis en avant dans l’exposé des motifs : l’harmonisation du marché intérieur et l’amélioration du bien-être animal. Dans le communiqué de presse diffusé lors de la publication, la Commission cite un troisième objectif d’amélioration de la qualité des activités de recherche et il est très étonnant que cet objectif ne soit pas mieux pris en compte dans la proposition car la question la plus importante est de savoir jusqu’où on peut poser des restrictions à l’expérimentation animale quand il s’agit des besoins de la recherche, qui a des conséquences sur la santé humaine.

Dans les considérants, la Commission européenne reconnaît que s’il est souhaitable de remplacer l’utilisation des animaux, celle-ci reste nécessaire pour protéger la santé humaine et animale, ainsi que l’environnement.

On peut cependant craindre que certaines des dispositions proposées soient excessives et comportent des risques pour les activités de recherche dans l’Union européenne.

Il s’agit en premier lieu de l’interdiction visant l’utilisation des primates non humains. La communauté scientifique estime qu’ils sont encore nécessaires dans certains types de recherche, en particulier dans le domaine biomédical, parce qu’ils ont des caractéristiques biologiques proches des humains. Les dérogations proposées semblent trop restrictives par rapport aux besoins de la recherche.

Ensuite, les mécanismes administratifs proposés, et particulièrement la procédure d’autorisation des projets après une évaluation éthique approfondie, paraissent trop contraignants. Comme le soulignent différents acteurs de la recherche, ces mécanismes pourraient mobiliser trop de ressources et engendrer des délais excessifs, ce qui conduirait à l’abandon de certains projets.

Enfin, on peut s’interroger sur les raisons du choix d’intégrer les normes d’hébergement et de soins à la proposition de directive, par rapport à la recommandation de la Commission européenne.

La présente proposition fera l’objet ultérieurement d’un examen au titre de l’article 88-4 de la Constitution. Par ailleurs, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi le 21 mai 2008 par le Bureau de l’Assemblée d’une étude sur l’évaluation des principes applicables en Europe à l’expérimentation animale, ainsi que des méthodes alternatives à cette dernière.

Le Président Pierre Lequiller . Les autres Parlements nationaux se sont-ils déjà prononcés sur cette proposition de directive ?

M. Jérôme Lambert, rapporteur . Il semble que non, puisqu’aucun élément ne figure au sujet de ce texte dans la base de données IPEX. »

Après les interrogations du Président Pierre Lequiller et les réponses du rapporteur, la Commission chargée des affaires européennes a adopté le projet d’avis suivant :

« Proposition de directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (COM (2008) 543 final)

La Commission chargée des affaires européennes :

- considère que la proposition n’appelle pas d’observation au regard de la subsidiarité ;

- demande à la Commission européenne d’apporter des réponses aux réserves qu’elle exprime au regard de la proportionnalité. En particulier, il lui est demandé :

- de démontrer que l’interdiction, assortie de dérogations, de l’utilisation des primates non humains à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques n’aurait pas de conséquences négatives sur certaines activités de recherche, en particulier dans le domaine biomédical ;

- de démontrer que le régime d’autorisation des projets après leur évaluation éthique ne ferait pas peser de charges administratives excessives sur les acteurs de la recherche ;

- de justifier le choix d’intégrer à la proposition de directive des normes très détaillées relatives à l’hébergement et aux soins. »

Ce projet d’avis sera transmis à la présidence de l'Assemblée nationale pour que celle-ci le renvoie à la commission permanente compétente.

V. Communication de MM. Christophe Caresche et Thierry Mariani sur les priorités futures dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice

M. Thierry Mariani, rapporteur. Notre collègue Christophe Caresche ayant été retenu, je procéderai à la lecture de ses travaux. La Commission européenne a lancé, le 25 septembre 2008, une consultation publique afin de définir les priorités futures dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice et d’élaborer un nouveau programme pluriannuel prenant la suite du programme de La Haye et devant être dénommé programme de Stockholm. En outre, le Parlement européen a transmis à l’Assemblée nationale la résolution qu’il a adoptée suite au débat annuel sur les progrès réalisés en 2007 dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Adopté lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, le programme de La Haye (2005-2009), prenant la suite du programme de Tampere (1999-2004), a dressé la liste de dix priorités pour renforcer l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour une période de cinq années. L’objet de la présente communication n’est pas tant de dresser un état des lieux exhaustif des actions menées dans le cadre du programme de La Haye que de s’interroger sur la manière d’orienter la politique de l’Union à l’issue de ce programme.

Ces nouvelles priorités devraient prendre place dans un cadre institutionnel renouvelé grâce au traité de Lisbonne.

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue que les citoyens attendent de l’Europe des actions concrètes et proches de leurs préoccupations. Il conviendra de vérifier l’application effective des textes et d’évaluer les politiques avant de légiférer.

Les ministres de la justice et de l’intérieur de plusieurs États membres (six États de la précédente et de l’actuelle « tri présidence ») se sont, dès cette année, attelés à la tâche de la définition de nouvelles priorités en organisant, au sein du groupe dit « du futur », des réunions régulières et en publiant des contributions devant être transmises à la Commission par le Conseil.

Plusieurs questions transversales doivent être évoquées en premier lieu.

Les rapporteurs estiment que le renforcement du politique et de la lisibilité de son action devraient prévaloir à l’élaboration du prochain programme pluriannuel. Il est en effet fondamental qu’en des matières touchant de si près aux compétences régaliennes des Etats membres, d’une part, et aux droits fondamentaux des personnes, d’autre part, la lisibilité de l’action européenne soit assurée.

D’un point de vue plus technique, l’idée d’une consolidation ou d’une codification des règles de l’Union dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice est souvent avancée par les praticiens. Il conviendra donc de se poser ces questions pour assurer la cohérence et la lisibilité du droit.

Les échanges de données et leur protection constituent un troisième élément central. Le traité de Prüm a été intégré en quasi-totalité au droit de l’Union. Le passage au système d’information Schengen de seconde génération (SIS II) permettra d’intégrer les données biométriques en 2009. La création du système d’information sur les visas intégrera également la biométrie. Autant d’exemples qui montrent que les mouvements d’échanges de données en matière judiciaire et policière ont vocation à s’accélérer. Et cela constitue bien une chance dans la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme ou contre l’immigration illégale. Mais il s’agit également d’un défi car de telles politiques ne peuvent s’envisager sans un cadre fort de protection des données et des droits des citoyens. L’adoption au dernier Conseil JAI de la décision-cadre du Conseil relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre du troisième pilier constitue une avancée importante. Mais plusieurs points doivent être suivis de près : les échanges de données avec les pays tiers, la question de la convergence des réseaux, tout comme celle de l’élaboration d’une stratégie de gestion de l’information en matière de liberté, de sécurité et de justice.

Enfin, le nouvel article 12 du traité sur l’Union européenne dispose que les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union notamment en participant aux mécanismes d’évaluation de la mise en œuvre des politiques de l’Union dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice et en étant associés au contrôle politique d’Europol et à l’évaluation des activités d’Eurojust.

Suite aux questions transversales, nous passons aux priorités relatives à la justice, d’une part, et aux affaires intérieures, d’autre part.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, les travaux du groupe du futur en matière de justice se sont orientés sur les priorités suivantes :

- la clarification des normes et leur intelligibilité constituent un objectif transversal ;

- le rôle politique du Conseil en tant qu’instance de discussion et de décision devrait être renforcé ;

- la protection des citoyens, de leurs droits et libertés, doit être renforcée, tout particulièrement en termes de garanties pénales, de protection des données et de protection des enfants ;

- la sécurité juridique dans les relations privées et commerciales transnationales doit encore être améliorée ;

- un meilleur accès à la justice doit être garanti ;

- la lutte contre la criminalité grave et le terrorisme doit être poursuivie sans relâche et les pratiques de coopération entre les États membres devront se développer ;

- il convient de renforcer la dimension extérieure de ces politiques, par le soutien à des systèmes judiciaires fiables et à la construction de l’État de droit dans les pays tiers.

Il s’agit de renouveler les priorités pour faire progresser l’Europe de la justice.

La Charte des droits fondamentaux aura un statut juridiquement contraignant après la mise en œuvre du traité de Lisbonne et la Cour de Justice sera amenée à exercer sa pleine compétence, ce qui renforcera les droits fondamentaux.

Le groupe du futur souhaite par ailleurs orienter ses travaux sur la protection des enfants. Il soutient en priorité l’institution d’un dispositif « alerte enlèvement », qui existe déjà en France, et la lutte contre la pédophilie, face au développement sans précédent des technologies de communication. Eurojust et Europol ont à cet égard un rôle central à jouer. Les rapporteurs soutiennent ces priorités.

Les progrès de la coopération en matière de justice pénale sont encore largement insuffisants. Ils sont bien entendus liés à l’extrême sensibilité des questions pénales dans les Etats et au fait que les systèmes pénaux demeurent très différents. Les travaux sont souvent laborieux. La reconnaissance mutuelle est la pierre angulaire des travaux pour la coopération judiciaire et elle est reprise par le traité de Lisbonne. Mais, si le mandat d’arrêt européen est souvent cité en exemple, la liste des infractions pour lesquelles la double incrimination n’est pas appliquée fait l’objet d’interprétations, ce qui remet en cause l’intérêt même de l’outil et a pour conséquence que les autorités judiciaires n’évoluent pas dans un contexte de confiance mutuelle. Il manque encore à l’évidence un socle de droits minimaux des citoyens dans les procédures pénales. Le rapprochement du droit pénal est prévu par le traité de Lisbonne sous certaines conditions. Ces matières passeraient en outre à la majorité qualifiée. L’entrée en vigueur du traité devrait sans aucun doute insuffler une nouvelle dynamique en matière de coopération judiciaire pénale.

Enfin, l’accès à la justice passera par la mobilisation des acteurs de l’espace judiciaire. Leur connaissance des autres systèmes judiciaires européens, le projet e-justice, qui est un outil très important d’accès au droit pour les citoyens, et la dématérialisation des procédures sont prioritaires.

Le droit civil et plus particulièrement en son sein le droit de la famille sont au cœur des préoccupations quotidiennes des citoyens. Les textes doivent répondre aux difficultés concrètes auxquelles sont confrontés les particuliers engagés dans un conflit ayant des dimensions transfrontalières. En second lieu, les divers instruments juridiques doivent faire l’objet d’un consensus aussi large que possible, sous le contrôle attentif des parlements nationaux. L’« Europe des familles » est devenue une réalité tangible au cours de la dernière décennie. Elle l’est dans les faits, avec la multiplication des couples internationaux. Mais elle l’est aussi de plus en plus dans le droit (règlements Bruxelles I et Bruxelles II, directive relative à la médiation). Pour autant, les textes touchant au droit de la famille sont encore aujourd’hui âprement discutés entre les Etats membres (propositions de règlements relatives aux obligations alimentaires et aux divorces). Il faut identifier les obstacles qui empêchent quotidiennement la reconnaissance rapide des mariages et des autres actes de l’état civil. Dans un même esprit, il est essentiel de s’assurer que les nouvelles propositions législatives visant à faciliter la reconnaissance mutuelle soient assorties de garanties propres à donner aux citoyens une protection juridique satisfaisante et équitable. Cela est particulièrement vrai en matière de responsabilité parentale.

Les travaux du groupe du futur en matière d’affaires intérieures ont défini les priorités suivantes :

- renforcer l’efficacité des sessions du Conseil ;

- viser le développement de la cohérence et de la lisibilité des textes ;

- bâtir les politiques européennes sur les trois piliers suivants : la préservation du modèle européen fondé sur la garantie de l’équilibre entre mobilité, sécurité et respect de la vie privée ; la gestion de l’interdépendance entre sécurité intérieure et sécurité extérieure ; la garantie d’échanges de données optimaux au sein des réseaux européens ;

- le renforcement de la coopération policière, notamment d’un point de vue opérationnel ;

- la lutte contre le terrorisme qui doit encore être intensifiée ;

- la gestion de l’immigration et de l’asile, sur les bases posées par le pacte européen pour l’immigration et l’asile ;

- la protection civile qui doit être améliorée;

- développer une approche globale en matière d’utilisation des nouvelles technologies et des réseaux de communication ;

- intégrer dans les politiques la dimension extérieure de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Deux points forts retiennent tout particulièrement notre attention : la garantie de la sécurité des citoyens, d’une part, et la gestion de l’immigration, de l’asile et des frontières, d’autre part.

La coopération en matière policière, symbolisée par Europol, doit être soutenue. Il est certain que les transferts d’informations des Etats membres vers Europol, qui dépend pour ses missions des informations qui lui sont transmises, doivent être améliorés. La sensibilisation des policiers aux problématiques européennes, par le biais de formations et d’échanges ou par le développement des équipes commues d’enquête constituent des éléments centraux de la coopération policière. Tout comme le groupe du futur, les rapporteurs estiment que la protection civile, qui relève de la compétence des Etats membres, devrait faire l’objet d’une politique de meilleure coordination.

Le terrorisme et la criminalité organisée sont des fléaux pour l’Europe car ils tendent à saper les valeurs sur lesquelles se fondent nos sociétés : respect des droits fondamentaux, démocratie et Etat de droit. Beaucoup a été fait sous l’égide du programme de La Haye avec l’adoption en 2005 de la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme fondée sur quatre piliers : prévention, protection, poursuite et réaction. Il est notamment fondamental de concentrer nos efforts sur la prévention et l’anticipation. La lutte contre le terrorisme doit également intégrer sa dimension internationale. Des partenariats stratégiques avec les pays tiers également cibles du terrorisme (Etats-Unis, Russie, Inde, Asie) doivent être développés.

L’adoption du pacte européen pour l’immigration et l’asile au Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008 a contribué à ouvrir les débats et à rassembler les Etats membres autour de priorités définies au plus haut niveau politique. Le Conseil européen a pris cinq engagements fondamentaux auxquels les rapporteurs souscrivent:

- organiser l’immigration légale en tenant compte des besoins et des capacités d’accueil de chaque Etat membre et favoriser l’intégration,

- lutter contre l’immigration irrégulière,

- renforcer l’efficacité des contrôles aux frontières,

- bâtir une Europe de l’asile,

- créer un partenariat global avec les pays d’origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.

Les Etats membres continuent à faire face à des situations très diversifiées et, notamment en matière d’asile, les mécanismes de solidarité et d’urgence sont insuffisants. A titre d’exemple, comme l’a rappelé le commissaire Jacques Barrot, Chypre est confronté à neuf demandes d’asile pour 1.000 habitants, contre 0,45 pour 1.000 habitants en moyenne dans l’Union. La Commission européenne a déjà lancé un certain nombre d’initiatives sur l’amélioration des règlements de Dublin et d’Eurodac, sur l’accueil des réfugiés, ainsi que sur la gestion des frontières extérieures.

En conclusion, les rapporteurs souhaitent rappeler que les politiques futures devront s’attacher à répondre aux attentes concrètes des citoyens. Au-delà des déclarations et des programmes ambitieux, les progrès se mesureront aussi à travers l’évaluation de la mise en œuvre des instruments existants et les corrections apportées. L’élan donné par les travaux du groupe du futur sera précieux puis la mise en œuvre du traité de Lisbonne, que nous appelons de nos vœux, lèvera un certain nombre d’obstacles s’opposant à la construction de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Il appartiendra ensuite aux Etats membres et aux institutions européennes de mettre en application les outils à leur disposition pour faire progresser la liberté, la sécurité et la justice.

Bien entendu, ce type d’exercice présente vite l’inconvénient de constituer un inventaire de mesures.

Le Président Pierre Lequiller. Une coopération renforcée est envisagée en matière de droit de la famille pour déterminer la loi applicable en matière matrimoniale (en particulier pour les divorces). Où en sont les débats ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La Commission étudie l’opportunité de cette coopération renforcée qui est encore au stade de projet. »

VI. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Lequiller, la Commission a examiné les deux textes suivants soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution :

Ø Environnement

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'homologation des véhicules à moteur fonctionnant à l'hydrogène et modifiant la directive 2007/46/EC (document E 3655) ;

- projet de règlement de la Commission portant application de la directive 2005/32/CE du Conseil et du Parlement européen concernant les exigences relatives à l'écoconception des décodeurs numériques simples (document E 4149).

Aucune observation n’ayant été faite, la Commission les a approuvés.

VII. Nomination d’un rapporteur

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé M. Jérôme Lambert, rapporteur d’information sur le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne (avec M. Thierry Mariani, déjà désigné).

La séance est levée à dix-sept heures quarante.