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Document E1403
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission


E1403 déposé le 17 février 2000 distribué le 18 février 2000 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2000) 0030 final du 26 janvier 2000)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.
    (JO L 145 du 31 mai 2001) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 07/06/2001 p.9031)

 Base juridique :

Article 255, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne.

 Procédure :

– Majorité qualifiée au sein du Conseil ;

– codécision entre le Parlement européen et le Conseil.

 Avis du Conseil d’Etat :

La proposition de règlement relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, qui précise les principes et les conditions selon lesquels s’exerce le droit d’accès reconnu par l’article 255 du traité instituant la Communauté européenne, comporte des dispositions qui sont, en droit français, de nature législative.

 Motivation et objet :

Le traité d’Amsterdam a introduit dans le traité instituant la Communauté européenne un nouvel article 255 reconnaissant aux citoyens et résidents de l’Union européenne un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Cette disposition prévoit notamment que «  les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 (procédure de codécision), dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam  », soit avant le 1er mai 2001.

Certes, le Conseil, la Commission et le Parlement européen ont déjà élaboré des mesures – prenant souvent la forme de « codes de conduite » – destinées à accroître la transparence de leurs travaux et l’accès à l’information. De ce point de vue, l'apport du texte soumis à notre examen est double : il est d’abord de s’appliquer à l’ensemble des documents élaborés par les institutions de l’Union en fixant des règles horizontales respectées par tous ; il est ensuite de clarifier le cadre juridique de diffusion de l’information en retenant parfois des règles novatrices qui constituent un progrès en matière de transparence.

 Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

Ces règles d’accès sont applicables aux seuls documents européens. La proposition de règlement prévoit expressément, dans son considérant 12, qu’elle n’aura pas pour effet de modifier les législations nationales applicables en matière d’accès aux documents.

 Contenu et portée :

1) Un champ d’application défini de manière très large

En premier lieu, le droit d’accès s’applique à tous les documents détenus par les institutions, c’est-à-dire non seulement ceux établis par elle mais aussi les documents «  émanant des tiers et en leur possession  ». Cette disposition constitue une novation par rapport aux règles d’accès en vigueur au sein du Conseil, de la Commission et du Parlement européen qui ne s’appliquent qu’aux seuls documents produits par ces institutions. Il conviendrait toutefois que le tiers puisse être consulté par l’institution avant diffusion du document : si cette possibilité est explicitement évoquée dans l’exposé des motifs, on notera que le dispositif de la proposition de règlement ne prévoit pas une telle consultation des tiers. Le texte devrait être modifié sur ce point.

Ce droit d’accès ne s’applique pas toutefois aux «  documents déjà publiés ou accessibles au public par d’autres moyens  » (article 2, paragraphe 2). Cette dénomination, qui semble viser les documents diffusés selon des procédures spécifiques (concurrence, antidumping, marchés publics) ou par le biais d’Internet, mériterait également d’être précisée.

La notion de «  document  » est définie de manière assez extensive puisqu’il vise «  tout contenu quel que soit son support  ». Toutefois seuls sont visés les documents «  administratifs  », à l’exclusion des «  textes à usage interne tels que les documents de réflexion ou de discussion, les avis des services, ainsi que des messages informels  ». Cette exception est très importante : dans une première version de la proposition de règlement, la Commission avait souhaité exclure du droit d’accès les « documents préparatoires », ce qui avait suscité les protestations d’un certain nombre d’ONG ; la Commission a donc préféré s’en tenir à une rédaction plus floue en se référant aux seuls documents « à usage interne ». Comme nous le verrons, la France préférerait s'en tenir à la première approche.

2) Un régime d’exceptions assez complet qui demande toutefois à être précisé

Le régime des exceptions, défini à l’article 4, constitue également un aspect important de la proposition de règlement. Dans un souci d’équilibre et de réalisme, la Commission a prévu que l’accès serait refusé aux documents dont la divulgation pourrait porter une atteinte significative à la protection de l’intérêt public, du respect de la vie privée et de l’individu, du secret en matière commerciale et industrielle ainsi que de la confidentialité demandée par le tiers qui a fourni le document ou de la confidentialité requise par la législation de l'Etat membre. Ces différentes exceptions sont ensuite précisées à travers une grille de critères.

Si des critiques ont pu être émises contre le caractère jugé trop large de ces exceptions, il convient plutôt de regretter l’imprécision de certains termes utilisés pour qualifier les documents échappant au droit d’accès : des notions comme «  la stabilité de l’ordre juridique communautaire  » ou «  le fonctionnement efficace des institutions  » demanderaient à être mieux définies au risque sinon d’alimenter des litiges sur la diffusion ou non des documents.

3) Une mise en œuvre pratique qui doit être redéfinie

La proposition de règlement prévoit un mécanisme original d’examen des demandes qui n’est pas sans susciter quelques interrogations. Il est proposé d’offrir à toute personne souhaitant obtenir un document la possibilité d’introduire une demande «  confirmative  » en cas de refus de sa demande «  initiale  ». Or en cas de demande confirmative, la Commission suggère d’instaurer une procédure de silence positive selon laquelle l’absence de réponse dans le délai requis d’un mois vaudrait décision positive de transmission du document. Cette disposition a été contestée par de nombreuses délégations qui en ont critiqué les aspects pratiques et les incertitudes juridiques.

Enfin si la possibilité évoquée à l’article 7, paragraphe 4, d’accorder au demandeur une version «  expurgée  » d’un document relevant en partie du régime d’exception doit être soutenue, il convient de préciser le sens du terme « expurgée » compte tenu des divergences de traduction existant entre les versions anglaise et française du texte de la Commission.

 Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

Aucun.

 Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

Ce texte est examiné par le groupe de travail « information » du Conseil. Les débats font apparaître un certain clivage entre les partisans d’une plus grande transparence (Danemark, Suède, Finlande, Royaume-Uni) et les autres Etats membres.

La France a présenté un mémorandum pour suggérer :

1) que les documents préparatoires soient exclus du droit d’accès. On rapprochera cette préoccupation des dispositions de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : «  Le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration  » (art. 7 de la loi, modifiant l’art. 2 de la loi du 17 juin 1978).

2) que soit mise en place une instance interinstitutionnelle chargée, sur le modèle de la Commission d’accès aux documents administratifs, de rendre des avis à la suite d’une réponse négative d’une institution à une demande d’accès. Il reviendrait à cet organisme d’établir une doctrine commune aux trois institutions en matière de transmission des documents.

Ces débats au Conseil se déroulent alors que les organisations non gouvernementales (Euro Citizen, Action Service, WWF, BEE, Amis de la Terre…), tout en soulignant les progrès accomplis en matière de transparence, regrettent le caractère trop restrictif d’un texte marqué selon elles par le « virus du secret ».

 Conclusion :

Lors de son examen par la Délégation, cette proposition de règlement a fait l’objet d’un débat, la France ayant exprimé le souhait que les documents préparatoires soient exclus du champ d’application du texte.

Le Président Alain Barrau, approuvant l’amélioration de l'accès des citoyens aux documents administratifs et observant que la France, sans être un modèle de transparence en ce domaine, n’était pas non plus dans la situation la moins enviable, a souhaité que la France évite de prendre une telle position restrictive. Mme Marie–Hélène Aubert a soutenu cette position, observant que de telles restrictions relevaient davantage d'une tradition culturelle que d'une nécessité.

M. Maurice Ligot, exprimant un avis différent, a craint que la publication des documents préparatoires ait pour effet de dissuader les services de la Commission d’exprimer librement leur opinion à un stade précoce d’élaboration des projets de textes communautaires. Pour lui, certaines notes doivent donc rester confidentielles. Le Président Alain Barrau, tout en mesurant la portée de cette objection, a insisté sur le fait que telle ou telle note considérée comme confidentielle pouvait néanmoins être connue de certaines personnes et susciter, du fait de cette divulgation partielle, un intérêt disproportionné ainsi que toutes sortes de rumeurs.

M. François Guillaume a appuyé ce point de vue, tout en soulignant que l’état d’esprit des autorités communautaires revêtait une plus grande importance que les procédures ellesmêmes : s’il peut être, dans certains cas, inopportun de diffuser des documents préparatoires, l’essentiel de l’effort des autorités communautaires doit consister à engager une réelle concertation avec les milieux socioprofessionnels, ce qui n’est pas toujours le cas.

A l’issue de ce débat, la Délégation a levé la réserve d’examen parlementaire tout en marquant ses distances à l’égard des suggestions du mémorandum tendant à exclure les documents préparatoires.