N° 2628

    --

    ASSEMBLÉE NATIONALE

    CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    ONZIÈME LÉGISLATURE

    Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2000.

    AVIS

    PRÉSENTÉ

    AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2001 (n° 2585),

    TOME II

    INTÉRIEUR et DÉCENTRALISATION

    POLICE

PAR M. LOUIS MERMAZ,

Député.

--

    (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

    Voir le numéro : 2624 (annexe 31).

    Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léo Andy, M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Patrick Braouezec, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Philippe Chaulet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Jean-Claude Decagny, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Élie Hoarau, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Roger Meï, M. Louis Mermaz, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Vincent Peillon, M. Dominique Perben, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 7

I. - LE BUDGET DE LA POLICE NATIONALE : DES PRIORITÉS, DES ATTENTES 9

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES 9

B. LES DÉPENSES DE PERSONNEL 14

    1. Une progression modérée des charges de personnel 14

      a) Les rémunérations 15

      b) Les charges sociales 20

    2. Une gestion des effectifs sous contrainte 21

      a) Des tensions fortes sur les effectifs 22

      b) La restructuration des corps 24

      c) La présence policière sur la voie publique 27

      d) Les adjoints de sécurité 30

C. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT 35

    1. Le fonctionnement courant : des besoins importants 35

    2. Les programmes informatiques 37

D. LES MOYENS D'ÉQUIPEMENT 38

    1. Un patrimoine immobilier à conforter 38

    2. Les transmissions 40

II. - LES ACTIVITÉS DE LA POLICE NATIONALE 43

A. LE TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE 43

    1. L'évolution de la délinquance 43

      a) Les vols 44

      b) La progression des infractions économiques et financières 45

      c) Les crimes et délits contre les personnes 46

      d) Les autres infractions 47

      e) Le recul de la délinquance de voie publique 47

      f) La délinquance des mineurs : une légère accalmie 49

      g) Les taux d'élucidation 50

    2. Des règles nouvelles : le renforcement de la présomption d'innocence 50

      a) L'enquête préliminaire 50

      b) L'aide aux victimes 51

      c) La garde à vue 51

B. LA POLICE DE PROXIMITÉ 52

    1. Les principes directeurs 52

    2. Une première phase d'expérimentation 53

    3. La généralisation 55

C. LA POLICE FACE A L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR IRRÉGULIERS
DES ÉTRANGERS EN FRANCE
58

    1. La police aux frontières 58

      a) Les structures 58

      b) Les moyens 60

    2. Les tendances de l'immigration irrégulière 61

      a) La pression migratoire 61

      b) Les filières 65

III. - AUX FRONTIÈRES DE L'HUMANITÉ : LES ZONES D'ATTENTE ET
LES CENTRES DE RÉTENTION
70

A. LES ZONES D'ATTENTE 70

    1. Le cadre juridique 70

    2. Les zones d'attente en France 72

    3. Compte-rendu des visites 73

      a) Marseille 74

      b) Roissy. 75

    4. Conclusion et perspectives 77

B. LES CENTRES DE RÉTENTION 80

    1. Le cadre juridique 80

    2. Les centres de rétention en France 81

    3. Compte rendu des visites 83

      a) Calais 83

      b) Marseille 86

      c) Le Palais de justice 88

      d) Choisy-le-Roi 90

      e) Bobigny 90

    4. Conclusion et perspectives 91

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR 95

PERSONNES ET ORGANISATIONS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 96

MESDAMES, MESSIEURS,

Lutter contre l'insécurité, inégalité sociale s'il en est, figure au premier rang des préoccupations du Gouvernement et de sa majorité.

Assurer les conditions d'un respect scrupuleux de la dignité de la personne humaine, en toute circonstance, rejoint aussi les valeurs constitutives d'une pensée progressiste, attachée aux droits de l'homme.

Deux priorités, un rapport.

· Donner à la police nationale les moyens dont elle a besoin pour assurer la sécurité des Français, cela suppose, tout d'abord, au-delà des mots, un accompagnement budgétaire à l'appui d'un programme d'action.

Bien sûr, la « police de proximité » demeure le premier objectif du ministère de l'intérieur : elle est désormais engagée sur la voie de sa généralisation. Loin du « tout sécuritaire » préconisé par certains, cette réforme tend à promouvoir une police plus proche des citoyens, à l'écoute de la population, des zones sensibles en particulier, qui conjugue prévention, dissuasion et investigation. Il convenait donc d'évaluer si, dans le projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement engage les moyens nécessaires au succès de cette transformation, sans oublier, par ailleurs, les autres actions de la police nationale.

A périmètre constant, les crédits de la police atteignent 30,5 milliards de francs, en hausse de 1,86 %. Les propositions du Gouvernement visent à financer les priorités suivantes : l'emploi (800 créations d'emplois administratifs et techniques), ainsi que les moyens de fonctionnement, l'informatique et les systèmes de transmission qui voient leurs crédits progresser de près de 7 %. Mais des besoins importants subsistent, qui supposaient des efforts complémentaires : le vieillissement du parc automobile, l'insalubrité de certains commissariats, la police de proximité, les nouvelles règles en matière de procédure...

Dès lors, on peut regretter que ce budget ne procède pas à tous les rattrapages rendus nécessaires par les retards accumulés au cours des exercices précédents. Mais sous réserve de quelques ajustements dans le collectif de fin d'année, celui-ci devrait permettre, tout de même, à la police nationale, d'aborder l'année à venir avec confiance et ambition.

· Garantir le respect de la dignité de la personne humaine exige, également, une vigilance de tout instant. La police est souvent au centre des débats. Comment s'en étonner, d'ailleurs, dès lors qu'elle exerce, au nom de l'Etat, un pouvoir de coercition ? De par ses fonctions, elle est exposée au danger de ses propres abus, mais aussi aux accusations mensongères. Ces réflexions donnent tout leur sens à certaines mesures adoptées dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : l'enregistrement des gardes à vue des mineurs, qu'il faudra généraliser à terme, mettra fin aux « dérapages », comme aux diffamations.

Pourtant, depuis plusieurs mois, ce sont les zones d'attente et les centres de rétention, qui « accueillent », chaque année, des milliers d'étrangers à qui nous refusons l'entrée sur le territoire français, ou que l'on cherche à éloigner, qui sont souvent mis en cause. Que se passe-t-il derrière ces murs ? Un parlementaire, de surcroît en charge des crédits de la police, avait le pouvoir, et le devoir, d'enquêter.

Entre le 11 octobre et le 8 novembre 2000, le rapporteur a visité, du nord au sud de la France, quatre zones d'attente et cinq centres de rétention. La troisième partie de ce rapport rend compte de ce qu'il a vu, et entendu. Le bilan est sans appel : des personnes sont traitées dans ces lieux de façon inacceptable. Il nous faut maintenant réagir : effort financier pour améliorer les infrastructures, réformes juridiques pour l'accueil des mineurs isolés et l'encadrement des centres de rétention, volonté politique pour assouplir les critères d'accès au statut de réfugié...

Ce travail n'accuse personne : les zones d'attente et les centres de rétention sont aussi la manifestation de nos oublis collectifs. Gardons à l'esprit, également, que les fonctionnaires de la police nationale travaillent, au quotidien, dans ces geôles où passer quelques heures est déjà une épreuve. Il ne s'agit pas davantage de nier la nécessité d'une politique de gestion des flux migratoires, au demeurant nécessaire à l'intégration des étrangers qui vivent déjà sur notre sol : on trouvera d'ailleurs, dans ce rapport, un bilan de l'activité de la police aux frontières en matière de lutte contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France et de démantèlement des filières.

L'essentiel est d'agir de façon globale, en sachant que la pression à nos frontières résulte d'un système international qui opprime politiquement et économiquement des millions de malheureux. Aide au développement des pays d'origine, intégration des étrangers installés sur notre sol, maîtrise des flux migratoires, respect du droit d'asile... et de la dignité des personnes, à commencer dans les zones d'attente et les centres de rétention.

I. - LE BUDGET DE LA POLICE NATIONALE : DES PRIORITÉS, DES ATTENTES

La police disposera, en 2001, d'un « bon » budget. Celui-ci s'inscrit dans la continuité des efforts mis en _uvre depuis le début de la présente législature au service de la deuxième priorité du Gouvernement, après la lutte contre le chômage : la sécurité. Il accompagne les transformations profondes qui touchent le métier de policier et les conditions de son exercice, en particulier dans les zones sensibles.

Sans doute, tout n'est pas réglé, loin s'en faut, notamment en ce qui concerne le parc automobile, l'immobilier, la police de proximité, les nouvelles règles de procédure, voire la compensation des sujétions particulières qui pèsent sur certains fonctionnaires... autant de priorités qui supposeraient des efforts supplémentaires.

Dans l'immédiat, les propositions formulées par le Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi de finances révèlent, toutefois, l'affirmation de trois priorités pertinentes : l'emploi, les moyens de fonctionnement, l'informatique et les systèmes de transmission.

      A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Les crédits de la police nationale proposés pour 2001 s'élèvent, au premier abord, à 31,99 milliards de francs, soit une progression de près de 2 milliards de francs par rapport à l'année 2000 (+ 6,66 %).

Cette évolution, a priori très favorable, est quelque peu trompeuse : elle résulte, en partie, d'un transfert de la charge des cotisations sociales afférentes aux rémunérations des personnels en provenance du budget des Charges communes. Hors cotisations sociales, c'est-à-dire à structure constante, la progression réelle des crédits de la police, qui s'élèvent à 30,5 milliards de francs environ, est de 1,86 %, soit un taux inférieur à celui observé en 2000 (+ 3,02 %) ; la prévision d'inflation hors tabacs associée au projet de loi de finances étant de + 1,2 %, le pouvoir d'achat réel du ministère en faveur de la police augmentera donc de 0,64 %.

Les dépenses de personnel (chapitres 31-41 à 33-91), qui représentent plus de 80 % de ce budget, sont évaluées, pour 2001, à 26,45 milliards de francs, contre 24,78 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de 6,75 %. Cette progression est la traduction des nouvelles règles d'imputation pour le paiement des cotisations sociales : hors charges sociales, la hausse des dépenses de personnel est inférieure à 1 %.

Les crédits de fonctionnement (chapitres 34-41 à 37-50) proposés pour 2001 s'élèvent à 4,34 milliards de francs, contre 4,06 milliards de francs l'année dernière, soit une progression de 6,83 %. Le chapitre 34-41, qui regroupe les crédits de fonctionnement, stricto sensu, de la police nationale, atteint le montant symbolique de 4 milliards de francs, soit une hausse d'environ 260 millions de francs (près de 7 %). Les crédits consacrés à l'informatique et à la télématique (chapitre 34-82) augmentent de 6,63 %, cette évolution étant liée à la généralisation progressive de la police de proximité et à la poursuite du déploiement du programme ACROPOL (automatisation des communications radio-électriques opérationnelles de la police).

Les crédits d'équipement (chapitres 57-40 à 65-51) proposés pour 2001 s'élèvent à 1,2 milliard de francs en crédits de paiement (+ 4,08 %). Les autorisations de programme évoluent de façon plus significative : + 1,37 milliard de francs (+ 17,74 %). Le ministère devrait ainsi disposer de capacités renforcées pour engager des opérations, immobilières, notamment, et répondre aux contraintes liées au développement de la police de proximité.

DÉPENSES ORDINAIRES

(en francs)

Parties et Chapitres
Agrégat 13-Police

Crédits votés
2000 (I)

Mesures
acquises 2001

Services
votés 2001

Mesures
nouvelles 2001

Total 2001 (II)

II/I
(en %)

31-41 : Police nationale. Rémunérations principales

           

    Personnels actifs

16 063 615 597

- 14 393 610

16 049 221 987

- 69 651 497

15 979 570 490

- 0,52

    Service de coopération technique internationale de police

39 621 675

-

39 621 675

-

39 621 675

-

    Service national

36 518 206

-

36 518 206

- 36 518 206

-

NS

    Personnels administratifs affectés dans les services actifs

1 461 721 353

-

1 461 721 353

+ 87 074 977

1 548 796 330

+ 5,96

    Personnels administratifs et techniques affectés dans les services techniques

57 084 951

-

57 084 951

+ 3 032 621

60 117 572

+ 5,31

Totaux pour le chapitre

17 658 561 782

- 14 393 610

17 644 168 172

- 16 062 105

17 628 106 067

- 0,17

31-42 : Police nationale. Indemnités et allocations diverses

           

    Personnels actifs

5 301 786 712

- 3 857 930

5 297 928 782

+ 211 412 193

5 509 340 975

+ 3,91

    Service de coopération technique internationale de police

43 879 494

-

43 879 494

-

43 879 494

-

    Personnels administratifs affectés dans les services actifs

193 912 753

-

193 912 753

+ 15 322 000

209 234 753

+ 7,90

    Personnels administratifs et techniques affectés dans les services techniques

13 960 431

-

13 960 431

+ 535 784

14 496 215

+ 3,84

    Formation

9 045 530

-

9 045 530

+ 12 801

9 058 331

+ 0,14

Totaux pour le chapitre

5 562 584 920

- 3 857 930

5 558 726 990

+ 227 282 778

5 786 009 768

+ 4,02

31-95 : Personnels ouvriers. Salaires et accessoires de salaire

           

    Police nationale. Services techniques

203 111 266

-

203 111 266

- 6 652 798

196 458 468

- 3,28

    Police nationale. Services actifs. Ouvriers cuisiniers.

42 743 979

-

42 743 979

+ 3 177 125

45 921 104

+ 7,43

Totaux pour le chapitre

245 855 245

-

245 855 245

- 3 475 673

242 379 572

- 1,41

31-96 : Emplois de proximité. Dépenses de personnel

           

    Dépenses de personnel

393 235 651

+ 33 121 000

426 356 651

-

426 356 651

+ 8,42

Totaux pour le chapitre

393 235 651

+ 33 121 000

426 356 651

-

426 356 651

+ 8,42

31-98 : Autres agents non titulaires. Rémunérations et vacations

           

    Police nationale

24 676 772

-

24 676 772

-

24 676 772

-

    Service de coopération technique internationale de police

6 644 047

-

6 644 047

-

6 644 047

-

Totaux pour le chapitre

31 320 819

-

31 320 819

-

31 320 819

-

             

33-90 : Cotisations sociales. Part de l'Etat

           

    Police nationale

280 374 921

- 1 376 808

278 998 113

+ 1 428 194 573

1 707 192 686

+ 508,90

    Police nationale. Personnels techniques

15 218 152

-

15 218 152

+ 11 101 669

26 319 821

+ 72,95

    Police nationale. Service national

9 206 270

-

9 206 270

+ 3 892 620

13 098 890

+ 42,28

    Service de coopération technique internationale de police

-

-

-

+ 2 733 436

2 733 436

NS

Totaux pour le chapitre

304 799 343

- 1 376 808

303 422 535

+ 1 445 922 298

1 749 344 833

+ 473,93

    33-91 : Prestations sociales versées par l'Etat

           

    Police nationale

562 481 361

- 1 565 652

560 915 709

+ 6 414 945

567 330 654

+ 0,86

    Police nationale. Personnels techniques

8 479 933

+ 42 400

8 522 333

+ 239 929

8 762 262

+ 3,33

    Service de coopération technique internationale de police

8 902 293

-

8 902 293

-

8 902 293

-

Totaux pour le chapitre

579 863 587

- 1 523 252

578 340 335

+ 6 654 874

584 995 209

+ 0,88

34-41 : Police nationale. Moyens de fonctionnement

           

    Services territoriaux

981 893 885

-

981 893 885

+ 367 774 745

1 349 668 630

+ 37,46

    Services spécialisés : Compagnies républicaines de sécurité

232 648 813

-

232 648 813

+ 29 334 878

261 983 691

+ 12,61

    Services spécialisés : Ecoles et formation

209 819 313

-

209 819 313

+ 18 406 332

228 225 645

+ 8,77

    Services spécialisés : Police judiciaire

89 308 626

-

89 308 626

+ 53 388 007

142 696 633

+ 59,78

    Services spécialisés : Surveillance du territoire

27 489 004

-

27 489 004

+ 16 238 878

43 727 882

+ 59,07

    Direction centrale de la police aux frontières

39 449 860

-

39 449 860

+ 7 152 766

46 602 626

+ 18,13

    Services spécialisés : renseignements généraux

22 137 101

-

22 137 101

+ 17 629 984

39 767 085

+ 79,64

    Reconduites à la frontière

84 751 238

-

84 751 238

+ 45 248 762

130 000 000

+ 53,39

    Compagnies républicaines de sécurité : frais de déplacement (hors changement de résidence)

241 170 000

-

241 170 000

- 11 170 000

230 000 000

- 4,63

    Service spécialisé à vocation internationale

20 600 022

-

20 600 022

+ 2 587 908

23 187 930

+ 12,56

    Services centraux : police nationale

36 123 085

-

36 123 085

+ 5 036 208

41 159 293

+ 13,94

    Secrétariats généraux pour l'administration de la police

479 196 822

-

479 196 822

- 479 196 822

-

NS

    Emplois de proximité : moyens de fonctionnement

305 580 775

-

305 580 775

- 60 820 108

244 760 667

- 19,90

    Services logistiques

512 585 651

-

512 585 651

+ 251 934 091

764 519 742

+ 49,15

    Enquêtes et surveillance

71 700 176

-

71 700 176

-

71 700 176

-

    Autres frais de déplacement

134 670 000

-

134 670 000

+ 9 330 000

144 000 000

+ 6,93

    Gestion des cités administratives (ancien)

7 500 000

-

7 500 000

- 7 500 000

-

NS

    Police nationale : dépenses de télécommunications (ancien)

75 000 000

-

75 000 000

- 75 000 000

-

NS

    Police nationale : frais de transport : versements à des organismes de transport ou à d'autres personnes morales

168 698 000

-

168 698 000

+ 69 302 000

238 000 000

+ 41,08

Totaux pour le chapitre

3 740 322 371

-

3 740 322 371

+ 259 677 629

4 000 000 000

+ 6,94

    34-82 : Dépenses d'informatique et de télématique

           

    Police nationale. Informatique

133 017 602

- 28 907 242

104 110 360

+ 46 438 000

150 548 360

+ 13,18

    Police nationale. Transmissions

49 724 134

- 49 724 134

-

+ 63 824 134

63 824 134

+ 28,36

    Police nationale. Autocommutateurs

31 108 000

- 251 800

30 856 200

-

30 856 200

- 0,81

    Dépenses liées aux accords de Schengen (fonctionnement du système informatique central et interface aux systèmes nationaux)

18 027 000

- 14 980 195

3 046 805

- 1 035 517

2 011 288

- 88,84

Totaux pour le chapitre

231 876 736

- 93 863 371

138 013 365

+ 109 226 617

247 239 982

+ 6,63

36-51 : Participation de l'Etat aux dépenses des services de police et d'incendie de la ville de Paris

           

    Préfecture de police

20 943 717

-

20 943 717

- 861 244

20 082 473

- 4,11

    Laboratoire central de la préfecture de police

395 000

-

395 000

- 3 889

391 111

- 0,98

    Financement des dépenses de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police

17 858 009

-

17 858 009

+ 153 456

18 011 465

+ 0,86

    Police scientifique

21 211 734

-

21 211 734

+ 3 187 029

24 398 763

+ 15,02

Totaux pour le chapitre

60 408 460

-

60 408 460

+ 2 475 352

62 883 812

+ 4,10

    37-50 : Instituts d'études et autres organismes

           

    Institut des hautes études de sécurité intérieure

10 800 000

-

10 800 000

-

10 800 000

-

    Ecole nationale supérieure de police

10 151 756

-

10 151 756

-

10 151 756

-

    Autres organismes (nouveau)

10 000 000

-

10 000 000

-

10 000 000

-

Totaux pour le chapitre

30 951 756

-

30 951 756

-

30 951 756

-

TOTAL DES DÉPENSES ORDINAIRES

28 839 780 670

- 81 893 971

28 757 886 699

+ 2 031 701 770

30 789 588 469

+ 6,76

DÉPENSES EN CAPITAL

(en milliers de francs)

 

Titres, parties et chapitres

Autorisations de
programme 2000

Autorisations de
programme 2001

Crédit de paiement,
dotation
2000 (I)

Crédit de paiement services votés
2001

Crédit de paiement,
mes. Nouvelles 2001

Crédits de paiement,
dotation 2001 (II)

Crédits de paiement, II/I en %

57-40 : Equipement immobilier du ministère de l'intérieur

             

    Police nationale. Equipement immobilier

593 000

700 000

571 000

353 000

+ 175 000

528 000

- 7,53

    Police nationale. Logement

1 000

-

11 000

1 000

-

1 000

- 90,91

Totaux pour le chapitre

594 000

700 000

582 000

354 000

+ 175 000

529 000

- 9,11

57-50 : Equipement matériel du ministère de l'intérieur

             

    Police nationale

65 000

65 000

65 000

-

+ 65 000

65 000

-

Totaux pour le chapitre

65 000

65 000

65 000

-

+ 65 000

65 000

-

57-60 : Informatique, télématique et transmissions. Dépenses d'équipement

             

    Police nationale (hors programme ACROPOL)

52 000

152 000

55 430

42 800

+ 112 630

155 430

+ 180,41

    Police nationale : programme ACROPOL

400 000

400 000

400 000

222 581

+ 177 419

400 000

-

Totaux pour le chapitre

452 000

552 000

455 430

265 381

+ 290 049

555 430

+ 21,96

65-51 : Contribution aux dépenses de construction de logements destinés aux fonctionnaires du ministère

             

    Contribution aux dépenses de construction de logements destinés aux fonctionnaires de police

50 000

50 000

50 000

50 000

-

50 000

-

Totaux pour le chapitre

50 000

50 000

50 000

50 000

-

50 000

-

TOTAL DÉPENSES EN CAPITAL

1 161 000 000

1 367 000 000

1 152 430 000

669 381 000

+ 530 049 000

1 199 430 000

+ 4,08

TOTAL MINISTÈRE

1 161 000 000

1 367 000 000

29 992 210 670

29 427 267 699

2 561 750 770

31 989 018 469

+ 6,66

      B. LES DÉPENSES DE PERSONNEL

        1. Une progression modérée des charges de personnel

Comme on l'a vu, les crédits afférents aux dépenses de personnel de la police nationale pour 2001 (chapitres 31-41 à 33-91) s'élèvent à 26,45 milliards de francs, soit une progression de 6,75 % par rapport aux crédits votés pour l'année 2000 (24,78 milliards de francs). Mais, à structure constante, sans tenir compte du transfert de charges sociales en provenance du budget des Charges communes, auquel il a déjà été fait référence, la hausse des dépenses de personnel dans leur ensemble est inférieure à 0,9 %.

        a) Les rémunérations

Les rémunérations d'activité (rémunérations principales, indemnités et allocations diverses, salaires des personnels ouvriers, dépenses liées aux emplois de proximité et rémunération des autres agents non titulaires) s'élèvent à 24,12 milliards de francs : elles ne progressent, par rapport à l'année 2000, que d'environ 230 millions de francs (+ 0,96 %). A titre de comparaison, on précisera que, dans le projet de loi de finances pour 2001, la charge de l'ensemble des personnels civils de l'Etat augmente de 1,6 %.

Les mesures acquises (résultant de décisions prises antérieurement) sont négatives d'environ 18 millions de francs en ce qui concerne les rémunérations, sous l'effet du repyramidage et de la restructuration des corps. L'absence de revalorisation du « point fonction publique », même si des négociations salariales devraient normalement débuter prochainement, explique aussi cette évolution. Un surcroît de charges de 33 millions de francs est imputable, en revanche, à l'extension en année pleine de la rémunération des 4 150 adjoints de sécurité recrutés en 2000 (25,88 millions de francs sur l'article 10 du chapitre 31-96 pour les salaires, 7,24 millions de francs sur l'article 20 pour les charges sociales, l'article 30 créé en 1999 pour l'indemnisation du chômage étant alimenté par redéploiement de crédits à partir des deux articles précédents).

Les mesures nouvelles, que l'on peut considérer, véritablement, comme les moyens nouveaux ouverts pour 2001, sont de l'ordre de 210 millions de francs. Ce montant résulte de la création de nouveaux emplois dans les services administratifs (+ 96 millions de francs) ; de mesures catégorielles destinées à réformer ou à revaloriser certaines indemnités versées aux personnels (+ 160 millions de francs) ; de la suppression des derniers policiers auxiliaires (- 36,5 millions de francs).

Le total des mesures catégorielles nouvelles atteint, pour 2001, 160 millions de francs (), contre 62 millions de francs en 2000 (). L'importance de cette enveloppe s'explique par la priorité qui est donnée, cette année, à une refonte du régime indemnitaire du corps le plus important sur le plan quantitatif : celui des agents de maîtrise et d'application. Elle vient majorer les crédits inscrits aux articles 10 et 30 du chapitre 31-42 relatif aux « indemnités et allocations diverses de la police nationale » ().

· 124,75 millions de francs (chapitre 31-42, article 10) sont donc consacrés à cette refonte courageuse du régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application, dont le rapporteur avait regretté, l'année dernière, le caractère « stratifié, parfois opaque, très peu modulable et, en définitive, peu motivant ».

Cette réforme tend à regrouper certaines primes, afin d'accroître, conformément aux souhaits répétés de la Cour des comptes, la lisibilité et la cohérence de ce régime, à l'image de ce qui avait été réalisé, en 1996, pour les agents du corps de conception et de direction (création de l'allocation de service) et, en 1998, pour le corps de commandement et d'encadrement (prime de commandement). Bien que ses modalités ne semblent pas encore définitivement arrêtées, elle devrait être mise en _uvre conformément aux principes suivants :

- les primes pour « services continus » et « APJ3 » constitueraient une « allocation de maîtrise », versée à tous les agents du corps ;

- les indemnités à caractère géographique dites de « sujétions exceptionnelles » (), de « poste difficile » () et de « charge d'habitation » () constitueraient une indemnité unique, spécifique à l'Ile-de-France, différenciée pour les agents en fonction au SGAP de Paris, Versailles et dans les services centraux ;

- une indemnité de sujétions particulières, liée à la police de proximité, serait instituée. Elle serait versée aux agents qui interviennent dans un secteur de police de proximité, directement, voire indirectement.

La mise en place de ce nouveau régime, qui, ramené au nombre d'agents concerné, ne se traduira que par une augmentation inférieure à 100 francs par mois, pourrait intervenir dès le 1er janvier prochain. Mais la répartition des crédits inscrits en loi de finances entre les trois régimes précités, bien que déterminante, ne semble avoir fait l'objet d'aucun arbitrage définitif. De toute évidence, des aspirations contradictoires sont exprimées.

Certains se félicitent surtout de la création d'un socle indemnitaire commun à tous les gradés et gardiens, indépendamment de leur affectation, et privilégient une majoration maximale de cette indemnité « égalitaire ». Corrélativement, ils seront tentés de juger prématurée l'instauration d'une prime liée à la police de proximité.

Dans le même temps, comment ne pas souhaiter que soient particulièrement soutenus les agents affectés dans les zones sensibles, dont le rapporteur a de nouveau constaté, cette année, au cours de ses déplacements, les conditions de travail difficiles ? En 1999, la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) avait plaidé en faveur d'une modulation des primes destinée à mobiliser les policiers () et s'agissant de la police de proximité, il est évident que le succès de cette véritable révolution culturelle est aussi lié au degré de motivation des personnels.

Dans ce contexte, le ministère devra éviter de fractionner de façon excessive le régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application, ce qui irait d'ailleurs à l'encontre de la simplification et de l'uniformisation recommandées par la Cour des comptes, mais le rapporteur considère qu'il convient de profiter de cette réforme pour faire enfin prévaloir le principe de la modulation.

Comme en 1999 et en 2000, il est également prévu d'étendre la qualification d'officier de police judiciaire à 1 000 agents supplémentaires du corps de maîtrise et d'application. Auparavant réservée aux agents du corps de commandement et d'encadrement, cette habilitation, prévue par l'article 16 du code de procédure pénale, sera délivrée aux gardiens, brigadiers et brigadiers-majors volontaires à l'issue d'une formation longue, sanctionnée par un contrôle des connaissances. La prime versée aux agents concernés est calculée sur la base du taux attribué dans la gendarmerie (220 francs par agent) mais, compte tenu des délais de formation puis d'habilitation, sa charge ne deviendra effective qu'en fin d'année : son coût est nul pour 2001. En revanche, une mesure acquise de 0,96 million de francs est inscrite pour les 1 000 agents recrutés en 2000.

On rappellera que cette réforme est destinée à accompagner la restructuration des corps et des carrières, fondée sur une diminution sensible des effectifs des commissaires et des officiers de police au profit du corps de maîtrise et d'application : l'effort de qualification entrepris est essentiel pour que la diminution du corps d'encadrement ne s'accompagne pas d'une perte de compétences excessive en matière d'investigation et de procédure. Elle s'articule, aussi, avec le développement de la police de proximité. Mais on ne peut qu'émettre des doutes quant à la pertinence des choix qui ont prévalu jusqu'à présent pour l'affectation de ces OPJ : il n'est pas certain que la priorité soit donnée aux circonscriptions souffrant d'un déficit en la matière, ni que l'accent soit suffisamment mis sur la police de proximité.

· Pour les agents du corps de commandement et d'encadrement, la provision catégorielle est de 12,66 millions de francs. Elle permettra de revaloriser la prime de commandement et l'allocation de service perçue par les 100 chefs de circonscription de sécurité publique. Les officiers bénéficieront, par ailleurs, comme chaque année depuis 1996 à l'exception de 1999, de la transformation de 40 emplois de commandants en un nombre équivalent de commandants « échelon fonctionnel », pour un coût de 1,62 million de francs (voir infra). Ce corps, en pleine mutation, qui subit la diminution de ses effectifs et semble toujours éprouver des difficultés à trouver sa place dans les nouveaux schémas organisationnels, revendiquait, toutefois, un réajustement indiciaire (revalorisation de l'échelon exceptionnel de capitaine) et une revalorisation plus forte de la prime de commandement. Son adhésion aux réformes était, et demeure, une condition sine qua non de leur réussite.

· Pour les agents du corps de conception et de direction, enfin, une provision de 3,73 millions de francs est proposée, afin d'améliorer la carrière des commissaires de police en contrepartie de la mise en _uvre d'une mobilité fonctionnelle statutaire et obligatoire. Il est vrai que les commissaires de police attendaient aussi une refonte plus ambitieuse de leur grille indiciaire (et notamment une banalisation de leur échelon fonctionnel), afin d'accompagner la déflation imposée à leur corps et le repyramidage qui en a été la première conséquence.

· Le régime indemnitaire des personnels administratifs sera revalorisé à hauteur de 6 millions de francs (chapitre 31-42, article 30), pour aligner une partie d'entre eux sur le régime dont ont bénéficié, en 2000, les agents du cadre national des préfectures. La fusion du corps des agents et des adjoints est également engagée (2 millions de francs en 2001).

· Une provision de 1,8 million de francs est prévue dans la perspective d'un réexamen de la situation indiciaire des ingénieurs de laboratoires et des agents techniques.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES INDEMNITÉS

Indemnités

Prévisions
2001

Nombre ayants
droit

Montant moyen

INDEMNITÉ DE SUJÉTIONS SPÉCIALES DE POLICE

Versée mensuellement

3 164,49

Fonctionnaires de tous corps (environ 113 150)

% du traitement :

· Directeur 10 %

· Chefs de service, inspecteurs généraux, contrôleurs généraux, commissaires Commandants et officiers 17 %

· Gradés et gardiens CRS 21 %

· Corps urbains :
Villes + 50 000 habitants 21 %
Villes - 50 000 habitants 20 %

PRIME POUR SERVICES CONTINUS

Versée mensuellement

425,05

Corps de maîtrise et d'application (environ 94 000)

Montant annuel en fonction de l'affectation :

6 293 F : SGAP de Paris

4 857 F : SGAP de Versailles

4 057 F : Services centraux

4 133 F : Autres SGAP

4 733 F : Corse

PRIME DE QUALIFICATION APJ 20

Versée trimestriellement

151,19

Corps de maîtrise et d'application

(environ 85 200)

Taux annuel de 1 680 F

PRIME DE QUALIFICATION OPJ 16

Versée trimestriellement

1,92

Corps de maîtrise et d'application habilités (1 000 agents formés en 1999, 1 000 prévus en 2000 et 2001)

Montant annuel de 2 636 F

PRIME DE COMMANDEMENT DES AGENTS DU CORPS DE COMMANDEMENT ET D'ENCADREMENT

Versée mensuellement

332,39

Corps de commandement et d'encadrement (environ 15 000)

Montant mensuel de :

610 F pour un lieutenant stagiaire

1 560 F pour un lieutenant

1 735 F pour un capitaine

1 910 F pour un commandant

2 800 F pour cdt un chef de circonscription

PRIME D'ENCADREMENT DES ADJOINTS DE SÉCURITÉ

-

Corps de maîtrise et d'application

Abandonnée

Les crédits ont permis en 2000 la création de 1 400 échelons exceptionnels de gardiens de la paix

TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES NE DONNANT PAS LIEU A RÉCUPÉRATION

Versée trimestriellement

103,58

Personnels CRS

Varie selon le nombre d'heures effectuées (le taux horaire actuel est de 56,28 F)

INDEMNITÉ HORAIRE DE NUIT ET MAJORATION POUR TRAVAIL INTENSIF DE NUIT

Versée trimestriellement

126,17

Corps de maîtrise et application (environ 94 000)

Taux horaire (JO 28.01.1996) :

- indemnité horaire de nuit : 1,05 F

- majoration travail intensif : 5,20 F

INDEMNITÉ HORAIRE POUR TRAVAIL DU DIMANCHE ET DES JOURS FÉRIES

Versée trimestriellement

46,09

Corps de maîtrise et application (environ 94 000)

Taux horaires (arrêté du 06/08/96 et JO du 20.08.96) : 4,97 F

INDEMNITÉ POUR EXERCICE SUR POSTE DIFFICILE

Versée mensuellement

84,00

Fonctionnaires de tous corps affectés sur le ressort du SGAP de Paris (Dpts 75, 92, 93, 94) hors CRS et fonctionnaires de la DCPAF (BCF, Roissy et Orly) gérés par le SGAP de Versailles (environ 35 000)

Montant annuel de :

· 2 388,65 F pour les grades suivants :

- gardien, brigadier et brigadier-major

- lieutenant jusqu'au 5e échelon inclus

- capitaine jusqu'au 3e échelon inclus

- commissaire jusqu'au 2e échelon inclus

· 1 111,00 F pour les autres grades

INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE AUX PERSONNELS SOUMIS A DES SUJÉTIONS EXCEPTIONNELLES

Versée semestriellement

305,50

Fonctionnaires de tous corps en fonction dans les SGAP de Paris et Versailles (environ 45 000)

Montant annuel de 6 750F

INDEMNITÉ DE FIDÉLISATION

Versée
semestriellement

211,32

Fonctionnaires de tous corps affectés dans un secteur difficile (environ 35 000)

Montant annuel de :

5 280 F : maîtrise et application, avec versement anticipé par quart (1 320 F) dès la 2e année révolue à l'exception de ceux affectés en administration centrale et n'exerçant pas une fonction opérationnelle

5 280 F : commandement et encadrement

6 480 F : conception et direction

        b) Les charges sociales

Comme cela a déjà été précisé, le budget de la police nationale est donc affecté, cette année, comme l'ensemble des budgets civils de l'Etat, par une nouvelle répartition des charges sociales afférentes aux rémunérations des personnels. Cette réforme se traduit par un transfert du budget des Charges communes (chapitre 33-91, article 20) vers les autres sections budgétaires des différents ministères (chapitre 33-90) ; pour la police, la mesure nouvelle atteint 1,45 milliard de francs.

Cette nouvelle répartition est destinée à tirer toutes les conséquences d'une modification, entrée en vigueur le 1er janvier 1997 (décret n° 96-1165 du 26 décembre 1996), des modalités de versement desdites cotisations, tendant à transposer à l'Etat les règles applicables aux employeurs du secteur privé :

-  auparavant, l'Etat versait directement à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), de façon centralisée, à partir de l'article 20 du chapitre 33-91 du budget des Charges communes, les cotisations qu'il devait au titre de ses personnels civils titulaires : ne figuraient aux chapitres 33-90 des ministères que les crédits destinés au paiement des cotisations patronales d'assurance maladie dues au titre des fonctionnaires civils en fonction dans les départements d'outre-mer, des agents non titulaires et des personnels militaires ;

-  depuis le 1er janvier 1997, ces cotisations sont versées mensuellement (le 5 de chaque mois au titre du mois précédent) auprès des URSSAF par les services chargés de la paye des agents de l'Etat des différents ministères.

Pourtant, malgré cette réforme, les crédits correspondants sont restés inscrits, pour l'essentiel, au budget des Charges communes : ils étaient ensuite transférés en cours d'année vers le chapitre 33-90 du budget de chacun des ministères intéressés, à travers des mouvements réglementaires (deux arrêtés de transfert, le premier en début d'exercice, le second à la fin à hauteur de la dépense effectivement constatée).

Le projet de loi de finances pour 2001 est donc l'occasion de mettre fin à cette pratique : les crédits correspondants seront désormais directement inscrits sur les chapitres des budgets qui supportent effectivement la dépense. Cette mesure, en faisant apparaître les charges de personnel des différents ministères de façon exhaustive, va dans le sens de la transparence. Il va s'en dire, toutefois, que cette qualité ne dévoilera toutes ses vertus qu'à l'occasion des exercices à venir : s'agissant de la loi de finances pour 2001, la lecture des documents budgétaires est au contraire singulièrement compliquée, les ministères « dépensiers » apparaissant, au premier abord, encore plus dépensiers que les années précédentes, et le ministère de l'économie et des finances plus vertueux...

        2. Une gestion des effectifs sous contrainte

Les effectifs budgétaires des corps de la police nationale atteindront, en 2001, 146 831 emplois (112 970 actifs, soit plus de 80 % du total, 13 381 personnels administratifs, 163 contractuels et 20 000 ADS), contre 145 784 en 1999 et 148 251 en 2000.

Les effectifs réels, quant à eux, étaient, au 1er juin dernier, de 145 379 agents (115 938 actifs, 11 665 personnels administratifs, 526 personnels scientifiques et techniques, 322 ouvriers cuisiniers, 279 contractuels, 2 661 policiers auxiliaires et 13 988 ADS), contre 141 271 un an plus tôt (113 778 actifs, 11 760 personnels administratifs, 542 personnels scientifiques et techniques, 304 ouvriers cuisiniers, 291 contractuels, 4 018 policiers auxiliaires et 10 578 ADS).

Ces évolutions reflètent la suppression des derniers emplois de policiers auxiliaires et, dans le même temps, la montée en puissance des adjoints de sécurité (ADS).

Sur le moyen terme, il va de soi que la suppression des policiers auxiliaires (dont l'effectif maximum, soit 9 325, a été atteint en 1996) est plus que compensée par la création des ADS (4 150 ADS ont encore été recrutés cette année et le chiffre des 20 000 devrait être atteint en 2001).

De surcroît, l'année 2001 verra la création d'un nombre important d'emplois administratifs dans la police nationale, ce dont on ne peut que se féliciter.

Ces évolutions s'accompagnent de mouvements importants de créations, de suppressions et de transformations d'emplois, liés à la poursuite de la restructuration des corps de la police nationale.

        a) Des tensions fortes sur les effectifs

La mesure la plus significative sur le plan des effectifs a trait, cette année encore, aux policiers auxiliaires. On rappellera que leur nombre était en diminution sensible depuis la suppression programmée du service national en 1997. Ce projet de loi de finances supprime les 2 075 derniers emplois, ce qui se traduit par une économie de 36,52 millions de francs. D'ici à la fin de l'année, le recrutement d'appelés du contingent au profit de la police nationale sera donc définitivement interrompu.

On observera, toutefois, qu'un nombre significatif de policiers auxiliaires a, d'ores et déjà, rejoint la police nationale. En 1999, 6 622 d'entre eux se sont inscrits aux différents concours de gardien de la paix (6 597 en 1998) et 1 834 ont été admis (1 718 en 1998) ; 7 policiers auxiliaires ont été admis au concours de lieutenant. En outre, les policiers auxiliaires recrutés en 2000 continueront de servir dans la police jusqu'à la fin de leur contrat.

La principale contrainte qui pèse sur les effectifs de la police nationale demeure, toutefois, l'importance des départs à la retraite attendus au cours des prochaines années, du fait de la structure démographique de ses corps et de la proportion croissante d'agents qui utilisent les possibilités de départ anticipé ().

ÉVOLUTION DES DÉPARTS A LA RETRAITE
DES PERSONNELS ACTIFS DE LA POLICE NATIONALE

CORPS

RETRAITES

1996

1997

1998

1999

2000

 

COMMISSAIRES

Normales

52

55

51

38

49

Anticipées

29

30

34

37

35

Total

81

85

85

75

84

Age moyen des anticipés

54 ans 2 mois

54 ans 2 mois

54 ans 2 mois

54 ans 1 mois

54 ans 2 mois

OFFICIERS

Normales

256

282

309

255

231

Anticipées

313

342

384

483

540

Total

569

624

693

738

771

Age moyen des anticipés

52 ans 7 mois

52 ans 8 mois

52 ans 9 mois

52 ans 11 mois

53 ans 2 mois

GRADÉS ET GARDIENS

Normales

617

1 104

944

1 045

969

Anticipées

1 769

1 712

2 882

2 941

2 836

Total

2 386

2 816

3 826

3 986

3 805

Age moyen des anticipés

52 ans 7 mois

52 ans 2 mois

52 ans

52 ans 7 mois

52 ans 7 mois

TOTAL ACTIFS

Normales

925

1 441

1 304

1 338

1 249

Anticipées

2 111

2 084

3 300

3 461

3 411

Total

3 036

3 525

4 604

4 799

4 660

Age moyen des anticipés

52 ans 9 mois

52 ans 3 mois

52 ans 1 mois

52 ans 7 mois

52 ans 7 mois

Source : Ministère de l'intérieur.

Entre 1995 et 2005, 48 600 policiers partiront en retraite. Comme en témoigne le tableau suivant, les flux de départs seront mécaniquement croissants dans les années qui viennent et culmineront autour de 2002 : il va de soi que cette situation révèle des carences graves, de la part du ministère de l'intérieur, en matière de gestion prévisionnelle de ses effectifs, les départs massifs des fonctionnaires recrutés entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix ayant été mal évalués. Comme le faisait remarquer au rapporteur un représentant syndical : « certains découvrent qu'au bout de douze mois on a un an et que quand on est né en 1950, on à 50 ans en 2000... ».

 

ÉVOLUTION DES VACANCES ENREGISTRÉES POUR
LES PERSONNELS ACTIFS DE LA POLICE NATIONALE

CORPS

DEPARTS

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

COMMISSAIRES

Retraites

84

93

101

107

114

105

94

88

81

73

Autres

33

33

32

31

30

30

29

28

28

28

Total

117

126

133

138

144

135

123

116

109

101

OFFICIERS

Retraites

771

862

914

908

896

869

807

778

695

628

Autres

117

114

111

107

104

100

97

95

92

90

Total

888

976

1 025

1 015

1 000

969

904

873

787

718

GRADÉS ET GARDIENS

Retraites

3 805

3 900

3 793

3 683

3 652

3 519

3 366

3 248

3 117

2 972

Autres

950

960

960

960

960

960

960

965

969

973

Total

4 755

4 860

4 753

4 643

4 612

4 479

4 326

4 213

4 086

3 945

TOTAL ACTIFS

Retraites

4 660

4 855

4 808

4 698

4 662

4 493

4 267

4 114

3 893

3 673

Autres

1 100

1 107

1 103

1 098

1 094

1 090

1 086

1 088

1 089

1 091

Total

5 760

5 962

5 911

5 796

5 756

5 583

5 353

5 202

4 982

4 764

Source : Ministère de l'intérieur.

Le ministère tente aujourd'hui de réagir. Pour éviter les inconvénients de recrutements massifs, un « lissage », au moyen de surnombres par rapport aux emplois budgétaires autorisés, est apparu inévitable, bien que la Cour des comptes ait regretté que la gestion des effectifs devienne ainsi une source d'infractions au droit budgétaire. Ont ainsi été autorisés 1 190 surnombres en gradés et gardiens au titre de l'année 1999, et 1 000 pour l'année 2000. Il serait important que cet effort se poursuive au cours de l'année 2001. Mais d'autres initiatives, que l'on examinera ci-après, vont dans le même sens : de nouveaux déroulements de carrière pour les agents des corps de maîtrise et d'application et de commandement et encadrement, des créations d'emplois, la montée en puissance des ADS... Il reste que les flux de départs à la retraite attendus au cours des prochaines années vont rendre nécessaires de très nombreux recrutements de gardiens de la paix.

        b) La restructuration des corps

D'autres mesures, de transformation d'emplois, sont donc mises en _uvre dans le cadre de la poursuite de la restructuration des corps des personnels actifs de la police nationale entreprise en 1995 (). L'année 2000 semble marquer, toutefois, un certain ralentissement, voire une pause en ce qui concerne les commissaires :

-  200 emplois d'agents du corps de commandement et d'encadrement sont supprimés (40 commandants, 40 capitaines et 120 lieutenants). En contrepartie, un nombre équivalent de fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application est créé (50 brigadiers-majors et 150 gardiens de la paix). La poursuite de ce redéploiement, qui va dans le sens d'une diminution progressive des effectifs dans le corps des officiers (dont le nombre devrait être ramené, à terme, à 12 000) et d'une augmentation corrélative de ceux du corps de maîtrise et d'application, s'inscrit dans le prolongement des perspectives tracées par la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 modifiée d'orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS), des mesures prises au cours des exercices précédents et des besoins opérationnels dans un contexte de départs massifs en retraite. Elle se traduit, pour l'exercice 2001, par une économie de 4,33 millions de francs (chapitre 31-41, article 10) ;

-  37 emplois d'officiers sont supprimés (26 lieutenants et 11 capitaines) ; 26 attachés et 10 attachés principaux de police sont créés. Cette mesure est à coût nul.

Pour le corps de commandement et d'encadrement, 40 emplois de commandants sont transformés, comme l'année dernière, en un nombre équivalent de commandants échelon fonctionnel. Cette opération est destinée à faciliter le redéploiement des effectifs de police : certains fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement ont, dorénavant, en charge la responsabilité de circonscriptions jusqu'à présent dévolue à un commissaire. Le coût de cette mesure est de 1,62 million de francs dans le projet de loi de finances pour 2001 (chapitre 31-41, article 10).

A l'instar de l'année dernière également, il est prévu d'augmenter le nombre de bénéficiaires de l'échelon exceptionnel de gardien de la paix (passage de l'indice 415 à 428). 600 bénéficiaires potentiels étaient prévus en loi de finances pour 2000. 1 400 ont été ajoutés en cours de gestion, grâce à des crédits, non utilisés, initialement destinés à la mise en place d'une prime pour les gardiens de la paix en charge de l'encadrement des adjoints de sécurité (7,47 millions de francs) : cette pratique est condamnable sur le plan de l'orthodoxie budgétaire ; elle est aussi regrettable compte tenu de la nécessité réelle de renforcer et d'encourager l'encadrement des ADS... La mesure qui figure au projet de loi de finances pour 2001 porte sur 1000 fonctionnaires supplémentaires : elle est destinée à valoriser les gardiens de la paix expérimentés et à maîtriser les départs en retraite anticipés. Son coût est de 5,25 millions de francs (chapitre 31-41, article 10). Au total, il existera donc 6 900 échelons exceptionnels de gardien de la paix.

On rappellera que la restructuration des corps de la police nationale s'accompagne, heureusement, d'une extension de la qualification « OPJ 16 » à un nombre important d'agents du corps de maîtrise et d'application.

· Parallèlement, des mesures conjoncturelles de transformation d'emplois, liées à l'évolution des structures des services, sont proposées.

Ainsi, 14 emplois d'agents administratifs et 8 d'ouvriers d'Etat appartenant à la direction générale de l'administration ont été supprimés en fin de gestion 1999, ce qui a permis, pour un coût équivalent, de créer 6 emplois d'agents des services techniques et 16 d'ouvriers-cuisiniers, affectés dans les compagnies républicaines de sécurité et les écoles de police. Cette mesure répondait à un manque d'effectifs réel qui a généré, parmi les CRS, un fort mouvement syndical : elle fait donc l'objet d'une consolidation au projet de loi de finances pour 2001.

Par ailleurs, il est inscrit une mesure de repyramidage du corps des ouvriers-cuisiniers, pour un coût de 1,25 million de francs (chapitre 31-95, article 30) : la suppression de 62 emplois d'ouvriers du groupe V permet de créer 31 emplois en groupe VI et 31 en groupe VII.

Deux emplois d'infirmiers en chef sont créés à partir de deux emplois d'infirmiers. Le coût de cette mesure est de 0,12 million de francs (chapitre 31-41, article 40) : elle facilitera l'avancement dans cette catégorie de personnels spécialisés. Au total, il existera donc 29 infirmiers, 2 principaux et 2 en chef.

De même, des mesures de régularisation sont inscrites au projet de loi de finances pour 2001. Il s'agit de :

-  la suppression d'un emploi de chargé d'étude au secrétariat général du gouvernement, pour la création d'un chargé d'études documentaires dont le corps interministériel a été créé par le décret n° 98-188 du 19 mars 1998 (mesure à coût nul) ; c'est le deuxième emploi de ce type à être institué (le premier l'ayant été en loi de finances pour 2000) ;

-  la suppression d'un commissaire principal, en contrepartie de la création d'un emploi de directeur de projet ;

-  le transfert au secrétariat général du gouvernement d'un emploi de commissaire divisionnaire en fonction à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

La police nationale entame, enfin, un processus de refonte de sa catégorie C, afin de répondre à la volonté de la direction générale de l'administration et de la fonction publique de disposer, à terme, de 15 % d'agents dans cette catégorie. Cette mesure se traduira par la suppression de 236 emplois d'agents et par la création d'un nombre équivalent d'adjoints administratifs : son coût est évalué à 2 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001.

        c) La présence policière sur la voie publique

Face aux contraintes qui pèsent sur les effectifs, le projet de loi de finances pour 2001 entérine, heureusement, une mesure particulièrement importante : la création nette de 550 emplois du cadre administratif (100 secrétaires administratifs et 450 adjoints), auxquels s'ajoutent, comme l'année dernière, 100 nouveaux emplois scientifiques (10 ingénieurs, 20 techniciens et 70 aides techniques de laboratoire), et 150 emplois de spécialité informatique (ingénieurs et techniciens).

Le coût de la création de ces emplois est évalué à 96,42 millions de francs en ce qui concerne les deux premières catégories (chapitre 31-41, article 40), auxquels s'ajoutent 28,61 millions de francs pour les 150 emplois de spécialité informatique, qui sont statutairement rattachés à l'administration générale du ministère (chapitre 31-01).

Cette mesure, cohérente sur le plan de l'utilisation des deniers publics (), est destinée, en premier lieu, à permettre la remise sur la voie publique de policiers chargés de tâches administratives. Elle va également dans le sens d'un renforcement de la police de proximité, qui suppose une certaine décentralisation du « petit judiciaire » et notamment des procédures d'identification. Enfin, plus accessoirement, elle permettra la mise en place de nouvelles structures, et, notamment, d'un fichier automatisé des empreintes génétiques.

Les observations formulées par la Cour des comptes dans ses différents rapports publics et, surtout, en 1999, par M. Tony Dreyfus, dans le cadre des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) (), trouvent ainsi un début d'application : « Pour que les graves lacunes constatées dans la gestion et l'administration de la police soient rapidement comblées, il importe qu'à l'avenir les tâches policières stricto sensu soient distinguées des tâches purement administratives. Cela suppose de renforcer les effectifs d'agents administratifs présents dans la police nationale ».

Il va de soi, toutefois, qu'il ne s'agit que d'un premier pas et que cet effort devra être prolongé au cours des exercices à venir : on rappellera, à cet égard, que la LOPS préconisait la création de 5 000 emplois administratifs... Comme l'a rappelé, récemment, notre collègue, Mme Nicole Feidt, la France reste loin des ratios observés chez nos principaux voisins européens, où la part des agents administratifs dans les effectifs totaux est d'environ 30 %, et non pas 10 % (). De toute évidence, le passage à la troisième phase de police de proximité, au premier semestre 2002, exigera de dégager des moyens supplémentaires.

La Cour des comptes ayant dénoncé, dans son rapport précité sur la Fonction publique de l'Etat (décembre 1999, page 193), « l'absence de suivi méthodique de la substitution entre fonctionnaires administratifs et techniques d'une part et personnels « actifs » de la police d'autre part », il reste à espérer que ces créations d'emplois ne s'ajouteront pas, tout simplement, aux existants, sans résultat visible en termes de présence policière sur le terrain... C'est une question de volonté, politique et administrative.

Afin de renforcer, toujours, la présence policière sur le terrain, le ministère entend poursuivre dans la voie de l'externalisation de certaines tâches. Il s'agit, là encore, de mettre en _uvre une recommandation de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) : « La police a tendance à faire elle-même ce qui pourrait l'être sans doute dans de meilleures conditions et à moindre coût par des entreprises extérieures. La réparation des automobiles et la maintenance informatique, ainsi que certaines activités assurées par les SGAP, sont les domaines qui viennent spontanément à l'esprit » (). Comme on le verra, des crédits sont inscrits en fonctionnement pour permettre de poursuivre les actions engagées en 2000.

Pourtant, il est également nécessaire de poursuivre le redéploiement géographique des personnels : on rappellera que MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest, parlementaires auxquels le Premier ministre avait confié, en décembre 1997, une mission d'analyse et de propositions concernant la répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, avaient constaté une sous-représentation de la présence des forces de sécurité dans les zones les plus peuplées et les plus marquées par la criminalité et la délinquance. Deux orientations sont mises en _uvre :

-  Une réaffectation des agents du corps de maîtrise et d'application (gradés et gardiens des polices urbaines et détachements d'intervention à résidence des compagnies républicaines de sécurité) vers les départements très sensibles. D'ores et déjà, 1 200 policiers et 700 gendarmes ont été affectés aux côtés de ceux déjà en fonction dans les circonscriptions les plus difficiles des 26 départements où la délinquance est la plus forte. Ces effectifs supplémentaires proviennent en partie de la réorganisation des services de police et de gendarmerie (voir infra).

-  La fidélisation d'une partie des forces mobiles (gendarmes et CRS) dans les quartiers sensibles. Ainsi, à compter du 1er octobre dernier, cinq compagnies, deux détachements de CRS et six escadrons de gendarmerie mobile ont été mis à la disposition des douze préfets de départements très sensibles ou sensibles. Ces effectifs viennent compléter ceux des services départementaux et remplacent, dans certaines missions, les compagnies et sections d'intervention de la police nationale, dont les personnels sont redéployés dans des activités de police de proximité. La fidélisation de ces douze unités n'est que la première étape d'un plan en trois phases, qui se poursuivra au dernier trimestre de cette année, puis en 2001. Au final, ce sont 3 000 policiers et gendarmes des unités de forces mobiles qui participeront, au quotidien, à la lutte contre la délinquance et l'insécurité, dans 26 départements très sensibles ou sensibles.

On rappellera que des mesures indemnitaires ont été ou seront mises en _uvre pour accompagner cette politique. Comme on l'a vu, une prime spécifique, dite de fidélisation en secteur difficile, est offerte, depuis 1995, aux policiers travaillant, depuis plus de deux ans ou de cinq ans selon les cas, dans des zones urbaines particulièrement difficiles. Elle est versée aux fonctionnaires des SGAP de Paris et Versailles (en totalité depuis le 1er janvier 1999) ainsi qu'aux personnels affectés dans le ressort géographique des circonscriptions de sécurité publique suivantes : Marseille, Vitrolles, Dreux, Lille, Roubaix, Tourcoing, Beauvais, Creil, Lyon, Givors, Le Havre, Rouen et Amiens.

La seconde orientation, également préconisée par MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest, consiste à redéfinir les zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie nationales.

Ce programme ayant provoqué de vives réactions, par manque de concertation, d'explication et de prise en considération des réalités locales, c'est une approche plus mesurée, privilégiant le « cas par cas », qui a été retenue par le Premier ministre à l'issue de la mission confiée, consécutivement, à M. Fougier, conseiller d'Etat. Dans ce cadre, les ministres de l'intérieur et de la défense ont proposé le transfert à la gendarmerie nationale de six circonscriptions de sécurité publique (services de police des Andelys dans l'Eure, d'Hirson dans l'Aisne, de Vitry-Le-François dans la Marne, d'Aubusson dans la Creuse, de Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées et de Saint-Junien dans la Haute-Vienne). Ces opérations ont été menées à leur terme ou sont en cours de réalisation.

Des transferts de zones interviennent également de la gendarmerie vers la police nationale. Le rapporteur a étudié, en particulier, les modalités du rattachement, récemment décidé dans le cadre du dispositif de la police de proximité, à la circonscription de sécurité publique de Vienne (29 967 habitants), dans l'Isère, de la commune de Pont Evêque, ville limitrophe de 5 130 habitants possédant deux quartiers sensibles, qui était jusqu'à présent en zone de gendarmerie. Cette réforme, qui doit entrer en vigueur au début de 2001, assoira la compétence de la police nationale sur le territoire d'un ensemble urbain où la délinquance, notamment de voie publique, ignore les frontières administratives.

L'ensemble de ces mesures tend à recentrer la gendarmerie nationale sur des assises territoriales à dominante rurale, marquées par un faible niveau de délinquance. Corrélativement, elles permettent de dégager des effectifs de police au bénéfice des circonscriptions de sécurité publique proches, où des déficits en personnels existent, et de privilégier, comme on l'a vu, l'affectation des personnels de police dans les zones les plus sensibles.

La Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) avait également recommandé cette orientation : « Les projets de redéploiement entre la police et la gendarmerie doivent être poursuivis. L'objectif prioritaire qui doit guider les responsables de la police est simple : les policiers, comme les gendarmes, doivent être déployés là où la délinquance est la plus élevée » ().

        d) Les adjoints de sécurité

Les adjoints de sécurité représenteront, bientôt, près d'un cinquième des forces de police active en France. De l'avis de tous, y compris de ceux qui étaient les plus sceptiques à l'origine, ils constituent aujourd'hui une pièce maîtresse pour la mise en place de la police de proximité. Affectés, en priorité, dans les zones dites « sensibles », ils sont désormais irremplaçables. Cette population jeune (l'âge moyen est de 22 ans), plus féminisée que la moyenne des effectifs (le pourcentage de femmes est de 30 %), est, à bien des égards, l'armature de la police de demain.

Dès lors, il convient d'accorder une attention particulière aux difficultés rencontrées pour l'édification de cette nouvelle génération de policiers (on pourra se reporter à la deuxième partie du présent rapport en ce qui concerne les difficultés particulières auxquelles se heurtent les ADS de la police aux frontières).

· Tout d'abord, le retard constaté, dès l'année dernière, en termes de recrutement, n'a pas été rattrapé. L'objectif de 20 000 recrutements fin 1999 n'a pas été tenu et ne le sera pas davantage à la fin de l'année en cours. Les estimations du ministère de l'intérieur sont les suivantes : 1 071 fin 1997, 7 361 fin 1998, 12 664 fin 1999, 14 241 au 1er août dernier, et, environ 500 ADS supplémentaires devant être incorporés en école, alors que 1 500 sortiront du dispositif de formation, 16 250 à la fin de l'année. L'objectif de 20 000 ADS, désormais assez proche, sera donc le défi de l'année à venir.

· Le retard pris en matière de recrutement n'est pas surprenant : dans un contexte de croissance économique, favorable à l'emploi, le nombre de candidatures diminue naturellement. Ces difficultés sont surtout sensibles en région parisienne. Pour autant, face à ce recul des « vocations » et à l'épuisement du « vivier » des policiers auxiliaires, dans lequel la police nationale a puisé au lancement du programme, le recrutement s'est diversifié et le niveau de qualification requis a diminué. Les critères de recrutement (notamment les tests psychotechniques de sélection) ont été assouplis. Quels que soient les besoins, il conviendra de veiller à ne pas abaisser excessivement ce niveau de compétences, une telle évolution, conjuguée avec la diminution du corps d'encadrement et de commandement, faisant craindre à certains une « précarisation » de la police nationale. Le tableau ci-après témoigne de l'évolution du profil des personnes recrutées.

ÂGE MOYEN ET NIVEAU DE FORMATION DES ADS

Statistiques de :

Août 1998

Août 1999

Août 2000

Age moyen :

22,7 ans

22,6 ans

22,5 ans

Niveaux de formation :

     

- Baccalauréat

51 %

46 %

46 %

- CAP-BEP

28 %

34 %

36 %

- Bac + 2

15 %

12 %

11 %

- Sans niveau de formation

3 %

5 %

5 %

- Licence ou plus

3 %

3 %

2 %

Source : Ministère de l'intérieur.

· Les conditions d'encadrement, enfin, restent problématiques : le rapport de un tuteur pour 3 à 6 ADS (selon la taille du service) demeure insuffisant. L'omniprésence des ADS sur la voie publique suscite nécessairement des interrogations quant à la place des policiers professionnels...

A cet égard, on peut se demander si cette activité de tutorat, essentielle pour l'intégration des ADS et pour la réussite de leur projet professionnel, ne mériterait pas d'être davantage encouragée. La loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes ne prévoyait aucune compensation financière pour cette mission. Il avait été envisagé d'attribuer une prime de tutorat aux fonctionnaires de la police nationale chargés de l'encadrement des ADS mais, comme on l'a vu, ce projet n'a pas abouti et l'argent prévu a été finalement utilisé pour augmenter le nombre de bénéficiaires de l'échelon exceptionnel de gardien de la paix...

La Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) avait pourtant souhaité, en 1999, qu'une attention particulière soit apportée à l'encadrement des ADS, « tant en ce qui concerne la compétence de leurs tuteurs que le taux réel d'encadrement » ().

On se félicitera, en revanche, qu'une formation des tuteurs ait été élaborée par la direction de la formation de la police nationale, puis diffusée auprès des délégations régionales au recrutement et à la formation qui la mettent en application. Un second module, en préparation, sera centré sur l'insertion professionnelle des adjoints de sécurité.

· S'agissant de la rémunération des ADS, on rappellera que celle-ci est inscrite au chapitre 31-96 : 426,36 millions de francs sont proposés pour 2001, soit le niveau de la dotation 2000 augmenté de 33 millions de francs de mesures acquises. Ce montant ne correspond qu'à 20% des rémunérations (salaires et cotisations) des ADS, les 80% restants étant inscrits au budget du ministère des affaires sociales et transférés, en début et en fin d'exercice, par décret de virement. Quant aux coûts de fonctionnement afférents aux ADS (92,2 millions de francs pour les incorporations effectuées en 2000), ils sont inscrits au chapitre 34-41.

En termes de rémunération précisément, le salaire proposé, à savoir le SMIC (pour 37 heures hebdomadaires), est évidemment peu attrayant. Certains personnels de la police nationale rencontrés par le rapporteur lui ont fait valoir qu'il serait juste d'aider davantage les ADS sur le plan du logement, en particulier en Ile-de-France, d'autant que leurs fonctions les obligent souvent à déménager (ou à supporter des frais de transport), le ministère ne souhaitant pas qu'ils soient affectés dans le quartier dont ils sont issus. En l'état actuel des choses, ils ne bénéficient d'aucune indemnité, pas même pour charge d'habitation.

· En toute hypothèse, l'enjeu majeur auquel la police nationale est désormais confrontée est celui de la pérennisation de ce dispositif.

On rappellera que le cadre juridique des ADS a été fixé par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 qui a inséré, dans la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un article 36 autorisant l'Etat à faire appel à des agents âgés de 18 à 26 ans afin de développer des activités répondant à des besoins non satisfaits. Il est précisé que ces agents sont recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de 5 ans non renouvelable afin d'exercer des missions d'adjoints de sécurité auprès des fonctionnaires des services actifs de la police nationale.

Au terme de leurs contrats, la question de l'intégration de ces personnels dans la police nationale se posera inévitablement. Il va de soi que cet enjeu n'est pas spécifique à la police nationale : il concerne l'ensemble des administrations, et notamment l'Education nationale, qui ont recours à des emplois-jeunes.

Dans ce contexte, la formation des ADS revêt une importance considérable. La direction de la formation de la police nationale a mis en place un dispositif relativement complet. Le rapporteur avait déjà salué, l'année dernière, l'allongement de quinze jours, en septembre 1999, de sa durée, qui a été portée à huit semaines en école (145 heures de formation générale et 86 de formation technique professionnelle), suivie d'une formation de deux semaines sur le site d'affectation. Dans le cadre d'une éventuelle pérennisation du dispositif des adjoints de sécurité, un approfondissement des sujets traités au cours de la formation initiale pourrait être proposé, ce qui entraînerait une augmentation du temps de la scolarité.

Les adjoints de sécurité désireux d'intégrer la police nationale peuvent bénéficier, quant à eux, de préparations aux concours, notamment de gardien de la paix, lorsqu'ils sont titulaires du baccalauréat. S'ils ne disposent pas de ce diplôme, un test de niveau leur est proposé et, en cas de succès, ils sont autorisés à préparer le concours par correspondance. En cas d'échec, une formation de mise à niveau en ateliers pédagogiques personnalisés est disponible.

Le principe d'un concours spécifique réservé aux adjoints de sécurité totalisant trois années de service est désormais acquis : il sera organisé pour la première fois en 2001.

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DES CORPS DE LA POLICE NATIONALE

 
 

BUDGET 2000

PLF 2001

Créations

Suppressions

Transformations

PERSONNELS ACTIFS

113 009

112 970

0

- 2

- 37

Directeurs de service actif

11

11

     

Chef de service IGPN

1

1

     

Chefs de service, inspecteurs généraux

15

15

     

Directeurs adjoints, sous-directeurs, contrôleurs généraux


63


63

     

Commissaires divisionnaires échelon fonctionnel

197

197

     

Commissaires divisionnaires

319

318

 

- 1

 

Commissaires principaux

758

757

 

- 1

 

Commissaires

765

765

     

Commandants de police emploi fonctionnel

855

895

   

40

Commandants de police

3 534

3 454

   

- 80

Capitaines de police

4 711

4 660

   

- 51

Lieutenants de police

6 820

6 674

   

- 146

Brigadiers-majors de police

3 130

3 180

   

50

Brigadiers de police

16 801

16 801

     

Gardiens de la paix

75 029

75 179

   

150

PERSONNELS ADMINISTRATIFS

12 703

13 381

650

0

28

Corps des attachés

221

257

   

36

Corps des secrétaires administratifs de la police nationale

1 220

1 320

100

   

Corps des adjoints administratifs

4 521

5 207

450

 

236

Corps des agents administratifs

4 521

4 271

   

- 250

Corps des agents des services techniques

1 488

1 494

   

6

Corps de la police technique et scientifique

668

768

100

   

Corps des infirmiers et infirmières

34

34

     

Corps des médecins

6

6

     

Corps des chargés d'études

1

2

   

1

Corps des chargés d'études au SGG

1

0

   

- 1

Corps des documentalistes

1

1

     

Corps des traducteurs

20

20

     

Corps des professeurs d'éducation physique et sportive

1

1

     

OUVRIERS-CUISINIERS

301

317

   

16

PERSONNELS CONTRACTUELS

163

163

     

POLICIERS AUXILIAIRES

2 075

0

 

- 2 075

 

ADJOINTS DE SÉCURITÉ

20 000

20 000

     

      TOTAL

148 251

146 831

650

- 2 077

7

 

Source : ministère de l'intérieur.

      C. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

La progression des moyens de fonctionnement est la deuxième priorité de ce projet de loi de finances : si l'on regroupe les crédits de fonctionnement courant stricto sensu, les crédits informatiques et les différentes subventions de fonctionnement (chapitres 34-41 à 37-50), le ministère disposera, l'année prochaine, de 4,34 milliards de francs, contre 4,06 milliards de francs l'année dernière (+ 6,83 %).

        1. Le fonctionnement courant : des besoins importants

Le chapitre 34-41 rassemble les crédits de fonctionnement courants des services : le seuil symbolique des 4 milliards de francs est atteint, soit une hausse d'environ 260 millions de francs (près de 7 %) correspondant, à la différence de l'année dernière, à des mesures nouvelles. Pourtant, cette enveloppe laisse subsister des besoins importants qui devront être satisfaits, espérons le, dans le collectif de fin d'année.

L'affectation des mesures nouvelles, qui est présentée ci-après, reflète l'ordonnancement des trois priorités gouvernementales en matière de fonctionnement et prolonge les efforts entrepris dans le cadre du dernier programme d'emploi des crédits.

· La poursuite du programme de police de proximité à travers le lancement de la seconde phase de généralisation.

La dotation proposée s'élève à 200 millions de francs : elle est destinée à l'équipement, en 2001, des 176 circonscriptions de sécurité publique concernées (véhicules légers, scooters, VTT, moyens radio, informatique...).

25 millions de francs seront, par ailleurs, consacrés à la consolidation des dépenses de fonctionnement induites par la mise en _uvre de la première phase du programme : il s'agit de faire face à des surcoûts liés aux nouvelles implantations immobilières et aux dépenses de fonctionnement et de maintenance des matériels acquis en 2000.

· Le renforcement des équipements de la police technique et scientifique (PTS), dont l'implication est croissante dans l'élucidation des affaires criminelles et la lutte contre la délinquance informatique.

Cette orientation s'inscrit dans la continuité des efforts déjà réalisés au cours des exercices précédents. La dotation budgétaire de la PTS pour les locaux et les équipements a été portée de 1,27 million de francs en 1996 à 25,3 millions de francs en 2000 (dont 3 millions de francs pour le fichier général des empreintes génétiques ADN et 2 millions de francs pour le fichier des empreintes digitales, sans oublier une mesure nouvelle, en 2000, de 0,8 million de francs pour la création d'un Office central de répression de la criminalité de la haute technologie). Dans le projet de loi de finances pour 2001, la mesure nouvelle accordée à la direction centrale de la police judiciaire pourrait être dédiée à la PTS à hauteur de 15 millions de francs.

· Le financement des augmentations de charges en termes d'équipement et de fonctionnement courants.

Le volume des mesures nouvelles à répartir s'élève à 105 millions de francs (hors police de proximité). Il s'agit de couvrir les augmentations de coûts de fonctionnement, les dépenses liées aux recrutements d'ADS, celles engendrées par les travaux d'hygiène et de sécurité, pour faire suite aux conclusions du « rapport Alexandre », et de poursuivre les actions lancées en 2000 pour réorienter les personnels actifs de la police nationale, parfois affectés à des tâches indues, vers la voie publique.

Sur ce point, déjà abordé, on signalera qu'en 2000, 25 millions de francs ont été consacrés à l'externalisation de l'entretien automobile, auparavant effectué par des policiers, et 10 millions de francs à l'installation de systèmes de vidéosurveillance, afin de remplacer les gardes statiques placés devant les bâtiments administratifs. Le ministère de l'intérieur entend poursuivre, voire amplifier, cet effort, en élargissant le champ de l'externalisation à l'étude et, éventuellement, à la mise en _uvre de l'entretien courant des matériels informatiques et bureautiques, actuellement réalisés par des personnels actifs de la police nationale. En outre, la police nationale expérimentera, en 2001, l'externalisation de la gestion administrative et technique d'une partie de son parc automobile. Le budget consacré à cette opération est fixé à 10 millions de francs.

On relève, par ailleurs, pour la seconde année consécutive, une forte hausse des crédits consacrés aux reconduites à la frontière : 45 millions de francs de mesures nouvelles font passer la dotation totale à 130 millions de francs, soit une augmentation de 53 % par rapport à l'année dernière.

Les efforts proposés sur le plan des moyens de fonctionnement sont donc certains mais la totalité des besoins n'a sans doute pas été satisfaite.

Comme il est d'usage, on reviendra de nouveau, cette année, sur l'état du parc automobile de la police, qui n'a pas été suffisamment pris en compte. Le rapporteur a constaté l'ampleur des besoins à l'occasion de chacun de ses déplacements, en particulier au SRPJ de Marseille. Les contraintes budgétaires retardent, chaque année, les besoins de renouvellement et l'âge moyen de ce parc ne cesse de s'élever. Sur les 27 361 véhicules qui le composent, 6 657 sont désormais en situation de réforme (soit plus de 26 %) ; un tiers des indisponibilités est lié à des problèmes de vétusté. A ce jour, le retard de renouvellement cumulé atteint 393,5 millions de francs pour les véhicules légers et 130 millions de francs pour les véhicules lourds de maintien de l'ordre. Un effort de rattrapage s'imposerait.

Il convient de souligner, ensuite, que la mise en place de la police de proximité constitue, pour cette administration, une véritable révolution, et que son succès suppose un accompagnement budgétaire important. On peut s'étonner que face au triplement du nombre des sites concernés, il ne soit proposé que de doubler les crédits de fonctionnement qui lui sont dédiés.

Enfin, il serait pour le moins choquant que des crédits ne soient pas prévus pour l'enregistrement vidéo des gardes à vue des mineurs. Le ministère a entrepris, dès le mois de juin, un recensement des moyens nécessaires à la mise en _uvre de cette mesure, prévue par l'article 14 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Les premiers résultats font apparaître que 3 000 installations environ devront être aménagées, les mineurs représentant plus du quart des personnes auditionnées, proportion qui ne cesse, au demeurant, d'augmenter. Sur la base d'une utilisation des procédés analogiques, l'enregistrement numérique apparaissant trop onéreux, le coût moyen des aménagements nécessaires à l'enregistrement (caméscopes, magnétoscopes, moniteurs, cassettes) et à leur exploitation serait de 23 000 francs pour chaque installation : le ministère est donc fondé à demander une enveloppe supplémentaire de l'ordre de 70 millions de francs.

        2. Les programmes informatiques

Les crédits consacrés à l'informatique et à la télématique, qui sont regroupés sur le chapitre 34-82, sont fixés à 247,24 millions de francs, contre 231,88 millions de francs l'année dernière (+ 6,63 %), malgré la poursuite de la décrue des dépenses liées aux accords de Schengen (qui passent de 18 à 2 millions de francs). Leur répartition entre les différents programmes est effectuée dans le cadre d'un programme d'emploi des crédits (PEC), outil de programmation budgétaire utilisé pour définir l'affectation des ressources obtenues en lois de finances : elle reste donc largement à déterminer.

En toute hypothèse, la priorité sera donnée, conformément aux orientations du « schéma directeur informatique et télécommunication », réaffirmées très opportunément dans le plan de modernisation de la police nationale 2001-2003, au développement des programmes nationaux :

-  CHEOPS (circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de police sécurisés), qui tend à refondre le réseau police au profit d'une architecture unique et commune à l'ensemble des applications, et dont le déploiement se poursuit avec 10 000 postes installés fin juillet et un millions de connexions par mois ;

-  STIC (Système de traitement des infractions constatées), projet phare du ministère destiné à constituer un système unique d'information (regroupant notamment les fichiers Canonge, dont toutes les DDSP sont équipées en version informatisée vidéo depuis le 31 décembre 1999, et dont votre rapporteur a observé le fonctionnement à l'occasion de sa visite récente du SRPJ de Marseille (), les fichiers des personnes recherchées et des véhicules volés et le logiciel de rédaction des procédures) ;

-  FAED (Fichier automatisé des empruntes digitales), application gérée par la sous-direction de la police technique et scientifique, commune à la police et à la gendarmerie nationales, alimentée et consultée par les services de ces deux administrations. Deux sites régionaux supplémentaires ont été équipés en 2000 (Limoges et Reims). En 2001, il est prévu d'équiper les sites de Clermont-Ferrand, Antilles-Guyane et Nancy. On précisera que le fonds documentaire du FAED comprenait 1 223 002 individus au 30 juin 2000, soit 11,27 % de plus qu'au 30 juin 1999.

Des dotations seront également dédiées au développement et à la mise en _uvre du programme DIALOGUE, pour la gestion des personnels, qui devrait entrer en application dans le courant de l'année 2001.

      D. LES MOYENS D'ÉQUIPEMENT

Les moyens d'équipement (chapitres 57-40 à 65-51) s'élèvent à 1 199 millions de francs en crédits de paiement (+ 4,08 %). L'évolution est plus significative encore au niveau des autorisations de programme qui atteignent 1 367 millions de francs (+ 17,74 %).

        1. Un patrimoine immobilier à conforter

Cette année encore, le chapitre 57-40 fait l'objet d'une attention particulière : les autorisations de programme, déjà substantielles, sont portées de 593 millions de francs en 2000 à 700 millions de francs ; les crédits de paiement, à 528 millions de francs, sont en léger recul ; il est vrai qu'ils avaient bénéficié, l'année dernière, d'un rattrapage spectaculaire, passant de 417 à 582 millions de francs.

Ces crédits sont notamment destinés à la construction et à la réhabilitation des locaux opérationnels, techniques et d'enseignement professionnel de la police. En 2000, les opérations les plus importantes sur le plan financier ont concerné deux hôtels de police à Paris, le service régional des transmissions et de l'informatique de Versailles et l'école nationale de police de Montbéliard.

Sept grands projets immobiliers, dont les coûts varient entre 120 et 250 millions de francs, et dont la programmation avait été jusqu'ici différée du fait de leur ampleur, sont aujourd'hui à l'étude voire en chantier. Il s'agit des hôtels de police de Strasbourg, Bordeaux, Montpellier, Bobigny, Lille, Lyon et Nantes.

Le développement d'implantations nouvelles au profit de la police de proximité sera poursuivi : comme l'année dernière, 100 millions de francs sont prévus à cet effet. Les besoins seront du même ordre en 2002 et en 2003, période au cours de laquelle un total de 320 bureaux et points de contact de police devront être aménagés ou créés.

Le ministère entend également accentuer sa politique d'entretien et de mise à niveau du patrimoine engagée sur les quatre derniers exercices. Elle nécessite une augmentation progressive de la dotation qui lui est consacrée et qui, au titre de l'exercice 2000, a été portée à 80 millions de francs.

Pourtant, le recul des crédits de paiement laisse perplexe : la sous-consommation des crédits ouverts au cours des lois de finances antérieures résulte sans doute, en partie, d'un souci de rigueur excessif au regard de l'état de certains commissariats... A titre d'exemple, le rapporteur a eu l'occasion de visiter, le 25 octobre dernier, le commissariat de Bobigny : depuis des dizaines d'années, les services accomplissent leurs missions dans des bâtiments préfabriqués aussi sordides pour le personnel que pour les personnes retenues dans son sous-sol... Il est heureux que ce commissariat figure enfin, comme on l'a vu, dans la liste des priorités du ministère !

Au chapitre 65-51, des subventions d'investissement de 50 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement sont prévues pour « réserver » des logements en cours de construction au profit du personnel. La diminution de ces crédits, de moitié depuis 1998, entraîne néanmoins celle du nombre de réservations (de 616 en 1998 à 330 en 2000). Les crédits d'équipement affectés à l'investissement immobilier (chapitre 57-40) sont également en constante régression depuis 1998.

        2. Les transmissions

S'agissant des crédits d'équipement (chapitre 57-60), les dotations s'établissent à 552 millions de francs en autorisations de programme et 555 millions de francs en crédits de paiement, soit une progression de près de 22 % par rapport à 2000.

· Ces dotations concernent avant tout l'article 46, c'est-à-dire le projet de modernisation des transmissions ACROPOL (automatisation des communications radio-électriques opérationnelles de la police), qui tend à substituer à un système de transmission analogique obsolète un réseau numérique crypté doté d'importantes fonctionnalités opérationnelles.

ÉVOLUTION DES DOTATIONS : ACROPOL

Années

Ressources

Emplois

AP

CP

AP

CP

1993

96,00

9,00

95,98

9,07

1994

466,55

147,00

164,54

48,00

1995

135,19

153,63

227,20

180,97

1996

182,50

136,20

384,20

177,00

1997

178,50

254,00

128,00

232,40

1998

265,00

333,90

299,32

241,14

1999

422,00

389,00

435,73

496,18

2000

400,00

352,00

12,74

152,02

TOTAL

2145,74

1774,73

1747,71

1536,78

Source : Ministère de l'intérieur.

Ce programme bénéficie donc, comme l'année dernière en loi de finances initiale, de 400 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement : bien que sa mise en _uvre soit jugée trop lente par tous les observateurs objectifs, cette dotation confirme la volonté du ministère de poursuivre le déploiement d'ACROPOL de façon plus dynamique après les retards subis entre 1993 et 1997.

D'ores et déjà, les réseaux de base ont été déployés dans les départements suivants :

-  Région Picardie (palier A2) : Aisne, Somme et Oise.

-  Région Rhône-Alpes (palier A2) : Rhône, Loire et Isère.

-  Région Ile-de-France (palier A3) : Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne et Paris. Des difficultés d'ordre technique, liées à la densité des réseaux parisiens, ont cependant conduit le ministère à différer l'ouverture opérationnelle du service sur les départements du Val-de-Marne (ouverture prévisionnelle à l'automne 2000) et de Paris (ouverture prévisionnelle au premier semestre 2001).

Les réseaux de base de Picardie et Rhône-Alpes sont devenus opérationnels depuis 1995-1996, sans incident majeur. Ceux de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine le sont, respectivement, depuis 1998 et octobre 1999 : ils ont permis de couvrir les nombreuses manifestations organisées dans ces départements, dont la coupe du monde de football au Stade de France. Les réseaux analogiques n'y sont plus utilisés et les terminaux sont redéployés vers d'autres départements. 4 500 terminaux portatifs, 2 500 terminaux mobiles et 400 terminaux de transmission de données sont actuellement en exploitation sur l'ensemble de ces réseaux. En complément du mode de communication en conférence, prioritaire, ces réseaux écoulent de l'ordre de 150 000 communications individuelles et 30 000 consultations de fichiers nationaux tous les mois.

Les réseaux des deux départements de Corse sont en cours de déploiement : le service opérationnel sera ouvert sur les circonscriptions d'Ajaccio et de Bastia fin 2000, et sur l'ensemble des deux départements fin 2001. En 2001, le réseau sera également déployé dans l'Yonne, l'Eure-et-Loir, le Nord et le Pas-de-Calais.

En 2002, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur bénéficiera enfin du programme ACROPOL, mais on peut regretter qu'elle n'ait pas bénéficié d'un traitement plus accéléré. La région Rhône-Alpes fera l'objet d'un complément de couverture. L'objectif de couvrir 80 % des faits de délinquance constatés par la police fin 2002 sera alors atteint, ce qui permettra d'envisager un équipement de l'intégralité du territoire en 2007.

· L'article 45 du chapitre 57-60 bénéficie encore, cette année, d'une dotation de l'ordre de 150 millions de francs, pour couvrir :

-  le renouvellement et, plus largement, le maintien en condition opérationnelle des équipements de radiocommunication analogiques (terminaux et infrastructures), qui équipent encore la grande majorité des effectifs de police, et sont souvent vétustes (moyenne d'âge d'environ 15 ans) ;

-  le renouvellement et la rénovation des équipements des salles d'information et de commandement (commutateurs de voies radio), qui sont communs à ACROPOL et aux réseaux analogiques, ainsi que l'implantation de nouveaux matériels dans le cadre spécifique des nouveaux bâtiments de la police nationale ;

-  le renouvellement et l'acquisition d'équipements « divers » (accessoires de terminaux, extension d'enregistreurs, équipements de suivi de mobiles utilisés pour les filatures, matériels spécifiques pour la DST, etc.).

Le redéploiement des équipements analogiques, qui fait suite au basculement sur ACROPOL, doit permettre, à terme, de réaliser des économies et de réduire progressivement cette dotation. Toutefois, comme on l'a vu, ce programme se heurte à des difficultés substantielles en région parisienne et le redéploiement des équipements analogiques du SGAP de Paris n'est pas espéré avant la fin de l'année 2001 : les économies attendues n'ont donc pas pu s'exercer sur le programme 2000. Par ailleurs, le développement de la police de proximité, les besoins croissants en matière de nouvelles techniques d'information et de communication et, dans l'attente d'ACROPOL, la nécessité de remettre en état des réseaux analogiques vieillissants et des salles d'information et de commandement font que les besoins devraient rester du même ordre jusqu'en 2003 au moins.

II. - LES ACTIVITÉS DE LA POLICE NATIONALE

Le niveau d'activité de la police nationale ne faiblit pas : notre pays doit faire face, comme tous les pays développés depuis le début des années soixante-dix, à une augmentation tendancielle de la délinquance.

Il est acquis, pourtant, que le « tout répressif » n'est pas une réponse adaptée. La police doit aussi être sur le terrain, au quotidien, à l'écoute de la population, et envisager sa mission de façon globale : prévenir, dissuader, rechercher les auteurs des délits.

De ce point de vue, la généralisation de la police de proximité reste la priorité du ministère. La pertinence de cette politique est d'ailleurs confortée par les premières évolutions positives que l'on constate, enfin, en matière de délinquance de voie publique et de délinquance des mineurs.

Dans le même temps, le rapporteur a jugé utile de rendre compte d'une mission particulière des forces de l'ordre : la lutte contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, à travers une présentation de la police aux frontières (PAF). Cet effort ne saurait se relâcher : la maîtrise des flux migratoires est aussi une condition pour l'intégration des étrangers installés régulièrement sur notre sol.

Cela étant, le respect de la dignité des personnes s'impose en toute hypothèse. Cet impératif concerne aussi bien le traitement de la délinquance, qui doit intégrer les nouvelles règles issues de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 2000-516), que la lutte contre l'immigration irrégulière, à commencer dans les zones d'attente et les centres de rétention auxquels sera consacrée la troisième partie de ce rapport.

      A. LE TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE

        1. L'évolution de la délinquance

Au cours des dix dernières années, le nombre de crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie a augmenté, dans l'ensemble, de 2,2 %. Toutefois, le rythme de cette progression n'a pas été constant au cours de la période considérée :

-  entre 1990 et 1994, les crimes et délits augmentent de 12,2 % ;

-  entre 1995 et 1997, ils reculent de 4,7 % ;

-  en 1998, année marquée par un certain nombre d'événements exceptionnels (notamment la coupe du monde de football), la tendance est de nouveau à la hausse (+ 2,1%) ;

-  en 1999, les statistiques font ressortir une quasi-stagnation : + 2 339 faits et, en pourcentage, une hausse d'à peine 0,1 %.

ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ GLOBALE

Évolution de la
criminalité globale

Nombre de
crimes et délits

Taux pour
100 habitants

1990 : + 6,9 %

3 492 712

6,2 %

1991 : + 7,2 %

3 744 112

6,6 %

1992 : + 2,3 %

3 830 996

6,7 %

1993 : + 1,3 %

3 881 894

6,7 %

1994 : + 1,0 %

3 919 008

6,7 %

1995 : - 6,5 %

3 665 320

6,3 %

1996 : - 2,9 %

3 559 617

6,1 %

1997 : - 1,9 %

3 493 442

5,9 %

1998 : + 2,1 %

3 565 525

6,7 %

1999 : + 0,1 %

3 567 864

6,1 %

Source : Ministère de l'intérieur.

Malheureusement, le début de l'année 2000 est marqué par une nouvelle poussée de la criminalité globale : le nombre de crimes et délits s'établit, au premier semestre, à 1 844 493, soit une augmentation de 2,5 % (+ 3,3% sur les huit premiers mois de l'année d'après des chiffres encore provisoires). Mais ces résultats doivent être interprétés avec prudence : ils résultent d'une forte hausse des infractions économiques et financières ; a contrario, la délinquance sur la voie publique recule.

        a) Les vols

Au cours de la dernière décennie, les vols (y compris les recels), qui représentent environ les 2/3 des crimes et délits, ont diminué, globalement, de 2,3 %. Ce recul est particulièrement sensible depuis 1994, à l'exception de l'année 1998 (+ 2,1 %).

L'année 1999 s'inscrit dans cette tendance : la baisse est de 1,7 %. Ce résultat est lié, pour l'essentiel, à deux évolutions favorables : en matière de vols d'automobiles et de deux roues (- 3,7 %), d'une part, et de cambriolages (- 6,5 %), d'autre part.

ÉVOLUTION DES VOLS
(y compris recels)

Évolution des vols

Nombre de vols

1990 : + 8,4 %

2 305 600

1991 : + 6,6 %

2 456 871

1992 : + 2,3 %

2 615 444

1993 : + 6,5 %

2 640 417

1994 : - 2,5 %

2 573 074

1995 : - 6,7 %

2 400 644

1996 : - 2,9 %

2 331 000

1997 : - 3,7 %

2 244 301

1998 : + 2,1 %

2 291 404

1999 : - 1,7 %

2 252 528

Source : Ministère de l'intérieur.

Au premier semestre de l'année en cours, cette catégorie d'infraction est en quasi-stagnation (- 0,1 %). Sont orientés à la hausse : les vols avec violences sans arme à feu (+ 14,7 %) ; les autres vols simples au préjudice des particuliers (+ 8,7 %) ; les vols avec entrée par ruse (+ 4,4 %) ; les vols à main armée (+ 5,2 %). Sont orientés à la baisse : les cambriolages (- 4,2 %) ; les recels (- 17,3 %) ; les vols d'automobiles et de deux roues (- 3,9 %).

        b) La progression des infractions économiques et financières

Sur une période de dix ans, ce type d'infraction a reculé de 46,4 %. Toutefois, cette évolution résulte en grande partie de la dépénalisation des émissions de chèques sans provision (en 1991) ; en 1999, l'évolution est à la hausse (+ 2,9 %), comme le montre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DES INFRACTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

Évolution des
infractions économiques
et financières

Nombre des infractions
économiques et
financières

1990 : + 0,6 %

551 810

1991 : + 2,7 %

566 567

1992 : -27,0 %

413 417

1993 : - 1,0 %

409 246

1994 : + 7,6 %

440 179

1995 : -18,9 %

357 104

1996 : -12,9 %

310 910

1997 : - 4,9 %

295 511

1998 : - 2,7 %

287 415

1999 : + 2,9 %

295 734

Source : Ministère de l'intérieur.

Les résultats de l'année 1999 résultent essentiellement d'une progression du nombre des escroqueries, faux et contrefaçons (+ 4,6 %, soit + 11 315 faits), qui représentent 87,3 % du total des infractions économiques et financières. En revanche, la délinquance économique et financière stricto sensu recule de 7 % (soit - 1 659 faits), ainsi que les infractions à la législation sur les chèques (- 8 %, soit - 1 337 faits).

Au premier semestre de l'année 2000, le rythme de progression de cette catégorie d'infractions s'accélère : + 16,2 %, soit 23 866 faits supplémentaires. Cette tendance est particulièrement accentuée en ce qui concerne les escroqueries, faux et contrefaçons (+ 20,6 %, soit + 26 333 faits). Au sein de cette rubrique, l'augmentation des « escroqueries et abus de confiance » et des « falsifications et usages de cartes de crédit » est spectaculaire : respectivement + 56,7 % et + 34,9 %. En revanche, la délinquance économique et financière stricto sensu et les infractions à la législation sur les chèques continuent de diminuer, de 18,3 % (soit - 2 053 faits) et 5,3 % (soit - 414 faits) respectivement.

        c) Les crimes et délits contre les personnes

Le nombre de crimes et délits contre les personnes a augmenté chaque année au cours de la dernière décennie : de 1990 à 1999, ce sont 98 842 faits supplémentaires qui ont été enregistrés par les services de police et de gendarmerie (+ 73,6 %).

De nouveau, en 1999, la tendance est à la hausse : + 12 246 faits (+ 5,5 %). Cette évolution résulte essentiellement de la progression des coups et blessures volontaires (+ 9,7 %, soit + 8 439 faits).

ÉVOLUTION DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PERSONNES

Évolution des crimes
et délits contre les personnes

Nombre des crimes
et délits contre les personnes

1990 : + 1,5 %

134 352

1991 : + 5,5 %

141 716

1992 : + 3,1 %

146 095

1993 : + 4,6 %

152 764

1994 : +14,8 %

175 374

1995 : + 9,1 %

191 180

1996 : + 3,7 %

198 155

1997 : + 8,5 %

214 975

1998 : + 2,8 %

220 948

1999 : + 5,5 %

233 194

Source : Ministère de l'intérieur.

Au premier semestre de l'année 2000, le nombre de crimes et délits contre les personnes reste orienté à la hausse (+ 6,1 %). On observe, toutefois, une certaine décélération par rapport au premier semestre de l'année précédente (+ 7,1 %), en raison d'une progression moins marquée des infractions contre la famille et l'enfant (+ 2,1 % contre + 7,1 %) et des autres atteintes volontaires contre les personnes (+ 6,5 % contre + 8,5 %).

        d) Les autres infractions

A l'exception de l'année 1995, la hausse des « autres infractions » (dont stupéfiants) est également régulière tout au long de la dernière décennie (variations annuelles comprises entre 0,4 % et 15,6 %). En 1999, elle est de 2,7 % : + 9,7 % pour les infractions à la législation sur les stupéfiants ; + 11,01 % pour les délits à la police des étrangers ; + 6,5 % pour les délits divers. Seules les destructions et dégradations de biens reculent (- 0,3 %).

ÉVOLUTION DES AUTRES INFRACTIONS
(dont stupéfiants)

Évolution des autres infractions

Nombre des autres infractions

1990 : + 9,2 %

500 950

1991 : + 15,6 %

578 958

1992 : + 3,1 %

656 040

1993 : + 13,3 %

679 467

1994 : + 7,5 %

730 381

1995 : - 1,9 %

716 392

1996 : + 0,4 %

719 552

1997 : + 2,7 %

738 655

1998 : + 3,7 %

765 758

1999 : + 2,7 %

786 408

Source : Ministère de l'intérieur.

Sur les six premiers mois de l'année en cours, la tendance est identique. Les « autres infractions » augmentent de 3,9 % (soit + 15 759 faits). A l'exception, toujours, des destructions et dégradations de biens, qui diminuent de 0,2 %, la hausse est générale : + 0,3 % pour les infractions à la législation sur les stupéfiants, + 10,9 % pour les délits à la police des étrangers, + 20,9 % pour les délits divers.

        e) Le recul de la délinquance de voie publique

Dans ce tableau général, la délinquance de voie publique, qui représente un peu plus de la moitié du total des crimes et délits recensés par les services de police et de gendarmerie, mérite un examen particulier. En effet, cet agrégat rassemble les infractions les plus durement ressenties par la population : cambriolages, vols d'automobiles (y compris d'accessoires), vols à la roulotte, destructions et dégradations de biens (sauf incendies et attentats), vols avec violences et à main armée.

Or, en 1999, la délinquance de voie publique a diminué de 3 %.

ÉVOLUTION DE LA DELINQUANCE DE VOIE PUBLIQUE

Évolution de la délinquance
de voie publique

Nombre de délits
de voie publique

1990 : + 11,2 %

1 772 278

1991 : + 9,7 %

1 944 222

1992 : + 10,4 %

2 146 447

1993 : + 13,3 %

2 204 255

1994 : - 2,7 %

2 146 801

1995 : - 5,9 %

2 020 464

1996 : - 0,6 %

2 008 356

1997 : - 3,8 %

1 931 625

1998 : + 1,3 %

1 957 010

1999 : - 3,0 %

1 899 281

Source : Ministère de l'intérieur.

Au cours des six premiers mois de l'année en cours, la tendance reste encourageante. Avec 950 499 faits constatés, la délinquance de voie publique voit sa part diminuer dans l'ensemble des crimes et délits (51,5 %, contre 54,2 % au premier semestre 1999). En résultats absolus, la baisse est de 24 326 faits par rapport au premier semestre de 1999 (soit - 2,5 %).

L'attention des pouvoirs publics doit cependant être de nouveau attirée sur le grave problème des attaques de convoyeurs de fonds. Le rapporteur a eu l'occasion de constater combien les services de police étaient mobilisés sur cette question à l'occasion de sa visite du SRPJ de Marseille. Ce dernier a d'ailleurs obtenu des succès réels en la matière : en janvier 1999, en novembre de la même année, puis de nouveau en juillet et septembre 2000, il a procédé à l'arrestation des membres de plusieurs commandos impliqués dans des attaques de fourgons blindés. Le Gouvernement a déjà réalisé un travail important pour renforcer la sécurité de cette profession (concertation avec l'ensemble des partenaires au printemps 1999, refonte des normes de sécurité par le décret n° 2000-376 du 28 avril 2000...). A l'issue d'un mouvement de grève en mai dernier, une loi (n° 2000-646 du 10 juillet 2000) a été votée pour réduire la phase piétonne du transport de fonds, y compris en imposant à ceux qui ont recours à ce service de procéder à certains aménagements. Mais le nouveau drame intervenu en Seine-Saint-Denis le 28 octobre dernier, qui s'est soldé par la mort d'un convoyeur, nous incite à davantage de vigilance encore. Le décret qui conditionne l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2000 doit être effectif dans les plus brefs délais. Tel était d'ailleurs, au printemps, la volonté forte de l'Assemblée nationale, qui avait modifié, à l'initiative de son rapporteur, M. Jean-Pierre Dufau, le projet de loi initial, afin qu'il soit explicitement prévu que ce décret devrait être publié « dans un délai de six mois ».

        f) La délinquance des mineurs : une légère accalmie

Depuis 1972, la participation des mineurs à la commission des crimes et délits en France est orientée à la hausse. Alors qu'ils représentaient, cette année là, moins de 10 % des personnes mises en cause, cette proportion a atteint 13 % en 1990, 15,9 % en 1995 et 20 % au premier semestre 1998. Au cours de la dernière décennie, le nombre de mineurs mis en cause s'est accru de 20 % pour les vols (y compris recels), 41,9 % pour les infractions économiques et financières, 240 % pour les crimes et délits contre les personnes et 224 % pour les autres infractions (dont stupéfiants).

Après une année 1998 marquée par des résultats particulièrement inquiétants, le nombre total de mineurs mis en cause, en France, pour des crimes et délits, a heureusement diminué de 0,8 % en 1999. La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause a légèrement fléchi, passant de 21,8 % en 1998 à 21,3 % en 1999, mais les résultats sont très différents en fonction du type d'infraction considéré : cette proportion est de 58,1 % pour les vols de deux roues à moteur, contre 12,8 % pour le trafic de stupéfiants et seulement 4,9 % pour les homicides. La part des mineurs dans les faits de délinquance de voie publique est de 34 %.

MINEURS MIS EN CAUSE

Année

Vols (y compris
recels)

Infractions économiques et financières

Crimes et délits
contre les personnes

Autres infractions (dont stupéfiants)

Criminalité globale

En
nombre

En % des personnes mises en cause

En
nombre

En % des personnes mises en cause

En
nombre

En % des personnes mises en cause

En
nombre

En % des personnes mises en cause

En
nombre

En % des personnes mises en cause

1990

70 963

26,0

2 487

1,4

7 113

7,2

17 721

8,5

98 284

13,0

1991

72 877

25,8

2 247

1,4

8 012

7,9

18 495

8,2

101 631

13,2

1992

68 911

24,0

1 759

1,9

8 552

8,2

19 642

8,6

98 864

13,9

1993

64 283

23,3

1 697

2,0

8 972

8,4

17 960

8,1

92 912

13,5

1994

72 403

24,6

2 138

2,2

11 207

8,9

23 590

9,2

109 338

14,1

1995

78 946

27,6

2 285

2,4

14 088

10,0

30 914

11,4

126 233

15,9

1996

85 901

30,0

2 664

2,8

17 479

11,8

37 780

13,7

143 824

17,9

1997

87 352

32,1

3 211

3,8

19 774

12,7

44 100

15,1

154 437

19,4

1998

91 379

34,1

3 371

4,5

22 675

14,6

54 362

18,7

171 787

21,8

1999

85 141

33,3

3 528

4,8

24 227

15,2

57 491

18,5

170 387

21,3

Source : Ministère de l'Intérieur

Les résultats des six premiers mois de l'année 2000, qui révèlent une nouvelle diminution de la part des mineurs dans le total des personnes mises en cause, vont dans le même sens : ce rapport s'élève à 21,8 %, contre 22,5 % au premier semestre 1999. Les mineurs ont représenté, au cours de ce même semestre, 57,8 % des personnes mises en cause pour des vols de deux roues à moteur, et 9,7 % en matière de trafic de stupéfiants.

        g) Les taux d'élucidation

Au cours de la dernière décennie, le taux d'élucidation de la criminalité globale a reculé, passant de 37,5 % à 28,7 % en 1998 et 27,6 % en 1999. Cette évolution est préoccupante, bien que les résultats soient très différents selon la nature des infractions. Le taux d'élucidation est élevé pour les viols (78,2 %) et les homicides (80,1 %), faible pour d'autres délits tels que les vols avec violences sans armes à feu (17,1 %). Les taux les moins satisfaisants concernent les aspects les plus fréquents de la petite délinquance : vols à la roulotte et vols d'accessoires (élucidés à 5,5 %), vols d'automobiles (7,1 %), cambriolages d'habitations principales (8,1 %).

Les résultats du premier semestre de l'année en cours ne sont pas rassurants : 497 816 faits ont été résolus sur les 1 844 493 crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie, soit un taux moyen de 27 %. Les homicides sont élucidés à 82,1 %, les coups et blessures volontaires à 70,4 %, les viols à 74,9 %, les vols à main armée à 31,1 %, les cambriolages à 9,2 % et les vols à la tire à 3 %.

        2. Des règles nouvelles : le renforcement de la présomption d'innocence

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes mérite une attention particulière : elle modifie en profondeur la procédure pénale et partant, les règles d'activité de la police judiciaire en matière de recherche des auteurs de crimes et délits.

        a) L'enquête préliminaire

Dans ce cadre, non coercitif, le pouvoir de direction du procureur de la République a été renforcé, par l'article 15, de trois façons différentes :

-  le parquet peut imposer aux officiers de police judiciaire un délai pour l'exécution des procédures qu'il ordonne ;

-  lorsque l'enquête est « menée d'office » et commencée depuis plus de six mois, les OPJ rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement ;

-  l'OPJ doit informer le parquet de l'identification d'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

        b) L'aide aux victimes

Les officiers et les agents de police judiciaire sont désormais tenus d'informer les victimes de leur droit d'obtenir réparation pour les dommages qu'elles ont subis et de bénéficier de l'assistance d'un service d'aide aux victimes. En outre, ces dernières peuvent se constituer partie civile devant l'officier de police judiciaire.

        c) La garde à vue

Depuis 1993, la loi prévoyait l'intervention de l'avocat à compter de la vingtième heure de la garde à vue de droit commun. L'officier de police judiciaire était tenu, dans ce cadre, de procéder à plusieurs actes tels que la notification des droits au gardé à vue, les avis au magistrat compétent et à la famille, la réquisition d'un médecin voire d'un interprète, l'appel à un avocat, la rédaction exhaustive d'un procès verbal de fin de garde à vue.

La procédure a été modifiée, en particulier, par les deux dispositions suivantes :

-  L'avocat pourra intervenir trois fois au cours d'une garde à vue de quarante-huit heures : au début, à la vingtième heure puis, le cas échéant, à la douzième heure de sa prolongation. On rappellera, néanmoins, que les infractions relevant de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants et du terrorisme ont été exclues du champ de cette mesure : les règles dérogatoires précédemment en vigueur (avocat à la trente-sixième ou soixante-douzième heure de garde à vue) continuent à s'appliquer (article 11).

-  Les auditions des mineurs placés en garde à vue devront faire l'objet, à compter de juin 2001, d'un enregistrement audiovisuel. L'enregistrement original sera placé sous scellés et sa copie versée au dossier ; il ne pourra être visionné qu'avant l'audience de jugement et en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire ; l'original et sa copie devront être détruits cinq ans après l'extinction de l'action publique (article 14).

D'autres mesures ont été adoptées : l'obligation faite au Procureur de la République de visiter les locaux de garde à vue au moins une fois par trimestre, l'encadrement strict des conditions de la garde à vue, le droit de garder le silence...

Le rapporteur se félicite de ces dispositions qu'il considère comme une avancée de la procédure pénale dans notre pays. Elles réaffirment le caractère absolu des droits de la personne humaine en toute circonstance. Leur caractère protecteur s'étend, d'ailleurs, à la police elle-même : l'enregistrement de la garde à vue devrait mettre fin aux accusations parfois proférées à son encontre. Plus encore, il persiste à penser que l'enregistrement audiovisuel devra être étendu, à terme, à l'ensemble des gardes à vue. A cet égard, on rappellera que l'article 141 de la loi du 15 juin 2000 prévoit que : « Un an après l'entrée en vigueur de l'article 14 [soit en juin 2002], le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le bilan de la première année d'expérimentation du dispositif afin de préciser les modalités de l'élargissement de cet enregistrement aux majeurs ».

Mais il appartient au Gouvernement de prévoir les moyens financiers nécessaires pour que ces nouvelles mesures soient réellement opérationnelles et éviter que des difficultés pratiques, matérielles et juridiques, aboutissent à une multiplication des recours en cassation, voire devant la Cour européenne des droits de l'homme. Les besoins sont importants : formation des agents, équipement en moyens vidéo, transformation des locaux... A cet égard, comme on l'a vu, les propositions du projet de loi de finances pour 2001 sont très insuffisantes.

      B. LA POLICE DE PROXIMITÉ

Le développement de la police de proximité reste la première priorité du ministère, dans le prolongement des orientations définies par le Gouvernement lors du colloque de Villepinte et conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999.

Les objectifs n'ont pas changé : la police nationale ne doit plus être exclusivement réactive et mobilisée sur les missions de maintien de l'ordre ; elle doit devenir plus anticipatrice, plus proche et plus à l'image de la population, polyvalente et, par là-même, capable d'apporter, en matière de sécurité, des réponses aux besoins quotidiens des Français.

        1. Les principes directeurs

Les objectifs, complémentaires, qui sous-tendent la mise en place de la police de proximité, sont au nombre de trois :

-  la police ne doit pas se borner à réagir aux événements ou à traiter les plaintes ; elle doit anticiper et agir afin de prévenir les troubles à l'ordre public, les actes délictueux et les incivilités ;

-  elle doit connaître son « territoire » et être elle-même connue de ses habitants ;

-  elle doit répondre aux attentes de la population et être à son écoute.

Ces objectifs ne signifient pas que les missions d'intervention ou d'investigation perdent de leur importance, bien au contraire, mais que l'insécurité au quotidien mérite une attention prioritaire.

A cet effet, cinq modes d'action sont mis en _uvre :

-  une action ordonnée autour de territoires bien identifiés, grâce à un maillage fin et cohérent ;

-  un contact permanent avec la population, qui se traduit, notamment, par un partenariat actif avec tous les acteurs de la sécurité, au travers des contrats locaux de sécurité (CLS) ;

-  une polyvalence accrue, qui conduit à demander au policier de proximité d'exercer, sur son territoire, la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire ;

-  une clarification des rôles, qui passe par la désignation, pour chaque secteur ou quartier, d'un responsable identifié, poursuivant des objectifs clairement établis ;

-  un service efficace et de qualité rendu à la population sur des plages horaires adaptées, un accueil et une aide aux victimes améliorés.

        2. Une première phase d'expérimentation

En termes de calendrier, on rappellera que la mise en _uvre de la police de proximité a donné lieu, dans un premier temps, à une phase d'expérimentation, en deux vagues successives :

-  la première, au printemps 1999, dans cinq sites pilotes, au niveau de la circonscription de sécurité publique (Châteauroux, Garges-les-Gonesse, Beauvais, Les Ulis et Nîmes) ;

-  la seconde, à partir d'octobre 1999, sur 62 sites d'expérimentation, davantage ciblée sur des quartiers.

Au total, ces expérimentations ont concerné deux millions de personnes (soit 7 % de la population située en zone de sécurité publique), sur 37 départements parmi les plus sensibles.

L'expérimentation devait permettre d'évaluer les modalités et les résultats de la réforme avant de la généraliser. C'est la raison pour laquelle le 8 octobre 1999, M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur, a adressé une lettre de mission au directeur de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), lui demandant de procéder à cette évaluation sur les cinq sites pilotes et les 62 sites expérimentaux. Son rapport définitif a été rendu public au début du mois de mars 2000, dans le cadre des travaux des Assises de la police de proximité. Il ne fait pas état d'obstacles dirimants à la poursuite de la réforme, mais, loin de la « langue de bois » qui caractérise trop souvent ce type d'étude, révèle un certain nombre de faiblesses : des informations précieuses ont ainsi été recueillies dans la perspective de sa généralisation.

L'expérimentation a bien été mise en _uvre dans l'ensemble des sites concernés, conformément à la démarche prescrite. Un investissement personnel des chefs de service a été constaté ; en revanche, l'implication des personnels de base ou non directement concernés a été très relative.

La « démarche projet », lorsqu'elle s'est déroulée dans des conditions de concertation satisfaisante, s'est révélée adaptée. Elle a suscité une adhésion des personnels concernés et des représentants syndicaux, bien que ces derniers restent très attentifs aux conditions de sa mise en _uvre.

La communication interne a été insuffisante ; certaines structures de concertation n'ont pas été constituées ou activées. Cette carence expliquerait pourquoi une part encore trop importante des personnels considère la police de proximité comme une simple amélioration de l'îlotage.

S'agissant de la mise en _uvre des principes d'action précités, l'évaluation révèle que :

-  la territorialisation a été généralement pertinente et adaptée ; des renforts ou redéploiements internes ont permis une réelle déconcentration des effectifs, avec pour premier résultat une visibilité accrue de la présence policière aux yeux de la population ; le maillage territorial, guidé par une logique d'expérimentation, a toutefois été plus ou moins fin, relevant même, parfois, de motifs de « commodité » ou de « confort » ;

-  le contact avec la population s'est, dans l'ensemble, amélioré, mais pour des raisons plus quantitatives que qualitatives ; des efforts de communication seraient là aussi souhaitables ;

-  l'implication des principaux partenaires est inégale : paradoxalement, le déficit est d'autant plus fort que l'on se rapproche du terrain ; l'existence d'un contrat local de sécurité (CLS), expression d'une volonté partenariale de prendre en compte la prévention, la répression et la solidarité à travers une approche globale en termes de police, de justice et d'éducation civique, a renforcé la qualité des expérimentations () ;

-  la polyvalence, élément clef de la police de proximité, reste encore peu développée, malgré des efforts significatifs ;

-  la responsabilisation est certaine en ce qui concerne la hiérarchie ; en revanche, elle ne peut être encore valablement appréciée pour les personnels de base : le concept est trop flou dans les esprits ; il reste que la fidélisation du policier de proximité sur son territoire est de nature à favoriser cette responsabilisation ;

-  l'amélioration de la qualité du service rendu au public est sensible ; on constate une extension des plages horaires de présence et d'accueil (essentiellement en journée toutefois), la mise en place de l'assistance personnelle aux victimes ainsi que l'effet très positif des adjoints de sécurité.

En termes d'organisation et de structures :

-  le redéploiement des unités d'intervention suscite encore des inquiétudes, tant de la part des représentants syndicaux que des chefs de services ; les unités de CRS fidélisées accomplissent, toutefois, de manière satisfaisante, une partie des missions d'ordre public qui incombaient habituellement aux compagnies départementales d'intervention (CDI) ;

-  la collaboration entre les services de sécurité publique et ceux relevant d'autres directions de la police nationale demeure insuffisante.

        3. La généralisation

Depuis le 30 mars 2000, date des Assises nationales de la police de proximité, la réforme est donc entrée dans sa phase de généralisation. Celle-ci sera achevée en juin 2002, au terme de trois vagues successives couvrant chacune environ 10 millions d'habitants.

La première phase, qui a débuté au mois d'avril, s'achèvera à la fin de l'année. 63 circonscriptions, majoritairement très sensibles, relevant de 37 départements, couvrant une population d'environ 11 millions d'habitants répartis sur 360 communes, sont concernées. L'extension de la police de proximité a été prioritairement réalisée dans les circonscriptions engagées dans une expérimentation afin de ne pas interrompre la dynamique. La deuxième phase a débuté en octobre et sera achevée un an plus tard. La troisième ira de juin 2001 à juin 2002.

Plusieurs politiques d'accompagnement, élaborées sur la base des résultats de l'évaluation précitée, sont mises en _uvre. Les quatre mots clefs sont « communiquer », « accompagner », « équilibrer » et « moduler ».

-  L'évaluation a fait ressortir la nécessité d'une politique plus dynamique en matière de communication interne, singulièrement en direction des fonctionnaires de terrain ; celle-ci doit s'articuler avec une concertation accrue avec les agents et leurs représentants. En matière de communication externe, une stratégie d'ensemble reste à concevoir, tant à l'échelon local que central.

-  La réforme suppose une expertise complémentaire pour déterminer de façon pragmatique les moyens indispensables à la généralisation du dispositif. Une adaptation de la gestion des ressources humaines à l'objectif de proximité devra prolonger cette réflexion : le recrutement et la gestion du corps de maîtrise et d'application pourraient être largement déconcentrés. Le renforcement des effectifs, qui a déjà porté sur 1 216 gradés et gardiens, doit se poursuivre. La pérennisation du dispositif des adjoints de sécurité (auxquels la qualité d'agent de police judiciaire de l'article 21 du code de procédure pénale devrait être rapidement attribuée) paraît également nécessaire. La formation devra faire l'objet d'un effort sans précédent : les besoins, d'ores et déjà identifiés, concernent la police de proximité (y compris la « police technique de proximité »), la médiation de quartier et la résolution de problèmes, le développement des compétences judiciaires ainsi que le management. Dès cette année, 28 000 fonctionnaires environ bénéficient de cette formation particulière ; à l'issue des phases de généralisation, ce chiffre devrait être de l'ordre de 40 000. Enfin, un dispositif de suivi et d'évaluation devrait être mis en place. Au plan local, les directeurs départementaux de la sécurité publique auront un rôle essentiel à jouer : ils devront pouvoir s'appuyer sur des outils adaptés pour mesurer tant la délinquance que le degré de satisfaction de la population.

-  L'équilibre de la réforme suppose de réorganiser les circonscriptions de sécurité publique autour du concept de police de proximité, afin d'adapter les structures à la nature et au volume des missions de cette dernière. Le principe de polyvalence doit prévaloir, sur un plan individuel mais au niveau, surtout, du groupe chargé d'un secteur, sous la responsabilité d'un officier ou d'un gradé. Une coordination des services de police contribuant à la mise en _uvre de la police de proximité doit être recherchée : la police judiciaire, les renseignements généraux, la police aux frontières se doivent d'échanger, de collaborer et de poursuivre des objectifs communs. De même, la fidélisation des unités mobiles doit s'accompagner d'un assouplissement des modalités d'emploi.

Par ailleurs, le partenariat doit être renforcé. Avec les municipalités, il convient de rechercher une complémentarité entre la police nationale et les polices municipales. Il convient également de renforcer l'articulation entre la police de proximité et les contrats locaux de sécurité, tout en veillant à ce que la police conserve la maîtrise de ses missions et de son activité. Le 22 septembre dernier, le ministre de l'intérieur a opportunément demandé aux préfets de lui transmettre, avant la fin de l'année, « un bilan des premiers résultats obtenus à l'occasion de la mise en _uvre des contrats locaux de sécurité signés dans leur département, de leur impact global sur la sécurité et des conditions effectives de leur suivi ».

-  Le dernier principe est celui de la modulation des principes d'action définis dans la doctrine de la police de proximité (territorialisation, polyvalence, responsabilisation, contact avec la population et amélioration subséquente de la qualité du service rendu au public). La référence à la doctrine demeure la règle, mais elle ne saurait être appliquée de façon rigide : tout ne pourra être fait partout et en même temps, autant pour des raisons pratiques que pour des motifs d'ordre culturel.

La police nationale s'engage donc, à l'heure de la rédaction de ce rapport, dans la seconde vague de généralisation. 176 circonscriptions, réparties sur 80 départements et représentant environ 11 millions d'habitants, ont été retenues. Leur sélection a été opérée sur le fondement de critères précis, l'existence d'un contrat local de sécurité ayant été déterminante. Trois critères complémentaires ont été pris en compte : le caractère sensible du département ; le taux de délinquance (supérieur à la moyenne nationale) ; la volonté d'impliquer un grand nombre de départements (ce qui a conduit à intégrer dans la liste des circonscriptions des chefs-lieux de département).

Pour la couronne parisienne, le ministère a également eu le souci d'établir une certaine continuité territoriale entre les circonscriptions de sécurité publique bénéficiant de la mise en place de la police de proximité. L'exemple de Chartres, que le rapporteur a étudié sur place, est caractéristique : la réforme permettra de renforcer la cohérence de l'action au niveau départemental, la police de proximité ayant déjà été implantée à Dreux lors de la première phase de généralisation.

A Vienne, la continuité territoriale a été recherchée, dans le cadre de la mise en place de la police de proximité, à travers l'extension de la circonscription à la commune de Pont Evêque, qui était en zone de gendarmerie.

Dans les deux cas, la police de proximité doit permettre une extension des horaires d'ouverture des antennes de police des quartiers sensibles (Beaulieu à Chartres, Estressin et Pont Evêque dans l'agglomération viennoise). Mais elle induit des besoins en personnels importants : un renfort (en plus du remplacement des départs en retraite) de trois officiers et dix gradés et gardiens à Chartres, et au minimum d'un officier de police et de dix agents du corps de maîtrise et d'application à Vienne.

Ces exemples montrent que, si la police de proximité ne peut être, pour l'essentiel, que ce que les personnels en font, une volonté politique forte, à travers un accompagnement budgétaire à la hauteurs des enjeux, reste cependant nécessaire. La principale interrogation porte encore sur la mobilisation des moyens nécessaires au succès de la réforme. Les redéploiements internes opérés par les chefs de circonscription ont largement épuisé les marges de man_uvre pourtant nécessaires à la phase de généralisation. Au plan matériel, si la territorialisation s'est souvent articulée, jusqu'à présent, autour de structures immobilières existantes, les besoins en implantations nouvelles sont réels. De même, des moyens supplémentaires (en véhicules, en télécommunications, en informatique, etc.) sont sollicités par les chefs de circonscription. S'agissant, enfin, des adjoints de sécurité, qui représentent environ 50 % du dispositif, ils ont incontestablement constitué un atout pour sa mise en place. Mais leur encadrement est insuffisant et des incertitudes pèsent sur cette ressource à partir de 2002.

      C. LA POLICE FACE À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR IRRÉGULIERS DES ÉTRANGERS EN FRANCE

        1. La police aux frontières

        a) Les structures

L'organisation actuelle des services de police en charge de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France remonte au 1er novembre 1972 avec la création du service central de la police de l'air et des frontières (organisé par arrêté ministériel du 1er août 1973).

L'entrée en vigueur de la Convention de Schengen (), en créant un nouvel espace communautaire fondé sur la libre circulation et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, a bouleversé les conditions dans lesquelles ces services interviennent. C'est donc dans ce cadre nouveau qu'a été créée, en octobre 1994, la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins (DICCILEC), entité spécialisée à vocation nationale dont les agents officient aux frontières mais également sur l'ensemble du territoire.

L'évolution du schéma opérationnel, dorénavant basé sur le concept dit « amont-frontière-aval », et la mise en _uvre de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, a conduit cette direction centrale à centrer son action sur les trois composantes complémentaires que sont la délivrance des visas et le contrôle aux frontières, la lutte contre les filières et l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Dans cette perspective, la direction centrale de la police aux frontières (PAF) a été créée par le décret du 29 janvier 1999 relatif à l'organisation de la direction générale de la police nationale (et organisée selon un arrêté interministériel du même jour). Elle s'articule autour d'un échelon central et de services territoriaux :

-  l'échelon central comprend quatre sous-directions, pour les ressources, les affaires juridiques et internationales, la lutte contre l'immigration irrégulière (à laquelle est rattaché l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titres, ou OCRIEST) et l'animation des services déconcentrés et de la prospective (à laquelle est rattachée la brigade des chemins de fer, ou BCF, à compétence nationale) ; elle comprend également un état-major, auquel est rattachée l'unité nationale d'escorte, de soutien et d'intervention (UNESI) ;

-  les services territoriaux comptent : sept directions interrégionales (DIRPAF Nord, Est, Sud-Est, Sud, Sud-Ouest, Ouest, et Antilles-Guyane) ; deux services interdépartementaux (SIDPAF) de la Franche-Comté (Jura, Doubs et Territoire de Belfort) et de la Corse ; deux directions de la police aux frontières, implantées sur les aéroports de Roissy et Orly (DPAF) ; 34 directions départementales (DDPAF) ; 13 services départementaux (SDPAF) ; deux directions territoriales en Polynésie Française et en Nouvelle-Calédonie et deux services dans les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Les services territoriaux bénéficient, en leur sein, de services (SPAF) et d'unités (UPAF) de la police aux frontières, ainsi que de 44 brigades mobiles de recherches, dont 38 départementales (BMRD) et 6 à compétence interrégionale (BMRI).

La police aéronautique est essentiellement assurée par le « bureau de la police aéronautique de la DCPAF », ainsi que par ses neuf brigades de police aéronautiques (BPA) de Lille, Metz, Dijon, Lyon, Aix-Les-Milles, Montpellier, Bordeaux, Toulouse et Rennes et son antenne de Tours.

        b) Les moyens

· Les services spécialisés à vocation nationale, qui dépendent hiérarchiquement et fonctionnellement de la direction centrale de la police aux frontières, à laquelle ils sont rattachés, disposent, comme les services territoriaux, d'un budget déconcentré et globalisé qu'ils ont en charge de gérer, avec l'appui technique du SGAP. Il s'agit de l'échelon central de la police aux frontières, des directions interrégionales et des directions de la police aux frontières de Roissy et Orly. Ce budget s'élevait à un peu moins de 51 millions de francs en 2000. La même année, le budget des services territoriaux s'élevait à près de 71 millions de francs.

· Les effectifs de la direction centrale de la police aux frontières étaient d'un peu plus de 7 000 agents au 1er janvier 2000. Parmi eux, on dénombrait 602 adjoints de sécurité qui, conformément à la circulaire du 16 août 1999, sont plus spécifiquement employés aux missions suivantes : participation aux escortes des étrangers en situation irrégulière ; accueil et information du public ; mise en _uvre (sous les ordres de fonctionnaires actifs de la police) des visites de sûreté des vols, des transports maritimes et des opérations portuaires qui s'y rattachent ; assistance dans la gestion des dossiers des étrangers placés en zone d'attente ; assistance aux fonctionnaires de la PAF lors des contrôles transfrontières ; participation aux missions de sécurisation, notamment sur le réseau ferré d'Ile-de-France.

EFFECTIFS DE LA POLICE AUX FRONTIÈRES

 

01/01/1999

01/01/2000

%

Hauts Fonctionnaires

3

3

-

CCD

78

77

- 1,28

CCE

746

720

- 3,48

CMA

4 986

5 064

+ 1,56

Administratifs

357

367

+ 2,80

Policiers auxiliaires

431

332

- 22,96

Adjoints de Sécurité

445

602

+ 35,28

TOTAL

6 736

7 046

+ 4,40

Source : Ministère de l'intérieur.

Le ministère se heurte, toutefois, en ce qui concerne les ADS, à certaines difficultés tout à fait spécifiques pour l'exercice de leurs missions :

-  Un problème de compétence en matière de consultation des « fichiers de police opérationnels » relatifs aux personnes recherchées dans le cadre du contrôle transfrontalier.

Cette consultation, nécessaire sauf à réduire le rôle des ADS à une simple vérification visuelle des documents de voyage, a été contestée au motif qu'ils ne peuvent participer, aux termes du décret du 30 octobre 1997, à des missions de police judiciaire. Pouvant également être considérée comme un acte de police administrative, elle a finalement été autorisée mais dans des conditions strictes et limitatives : en toute hypothèse, la fonction ouverte aux ADS est sensiblement en retrait par rapport à celle exercée auparavant par les policiers auxiliaires, qu'ils remplacent peu à peu.

-  Un problème de compétence en matière de visites de sûreté des transports aériens et maritimes.

Dans ce domaine, la circulaire du 7 février 2000 a précisé les conditions dans lesquelles les ADS affectés à la police aux frontières peuvent exercer leurs missions. Assimilés, en l'occurrence, à des agents privés, la palpation de sécurité des personnes et la visite manuelle des bagages à main leur sont interdites. Ils sont soumis, de surcroît, au double agrément du procureur de la République et du préfet, bien qu'ils aient d'ores et déjà fait l'objet d'une enquête de moralité à l'occasion de leur recrutement. De nouveau, le remplacement des policiers auxiliaires, habilités à assurer ces contrôles, par des ADS ne disposant plus des mêmes pouvoirs, se traduit, en l'état actuel des textes, par une perte d'efficacité.

-  Des difficultés pour la gestion des cycles de travail à la brigade des chemins de fer.

On rappellera qu'en application de l'article 2 de la circulaire du 16 août 1999, les ADS doivent déposer, à chaque fin de service, leur arme individuelle et ses munitions dans un local aménagé, en présence d'un fonctionnaire de police désigné par le chef de service. En pratique, cette obligation rend impossible le renfort, par des ADS, des patrouilles employées sur le réseau ferré d'Ile-de-France après 21 h 30, notamment pour la sécurisation des derniers trains : devant repasser par les locaux de la brigade pour déposer leur arme, une telle pratique imposerait de mettre en place un système coûteux et astreignant de ramassage des ADS dans les gares terminus.

        2. Les tendances de l'immigration irrégulière

        a) La pression migratoire

La pression migratoire illégale s'est sensiblement accrue, en 1999, aux frontières de notre pays, en raison, notamment, de l'évolution de la situation dans les Balkans (migrations d'origine kurde et kosovare). Les éléments statistiques les plus significatifs sont présentés ci-après.

-  Les non-admissions

24 220 décisions de non-admission ont été prononcées en 1999, soit une augmentation d'à peine 0,6 % par rapport à 1998. Les principales nationalités concernées étaient, dans l'ordre : yougoslave (2 277), marocaine (2 099), chinoise (1 659), algérienne (904) et congolaise (863).

Au cours des six premiers mois de l'année 2000, le nombre de non-admissions s'est élevé à 12 215, contre 11 315 pour la même période de 1999, soit une augmentation de près de 8 %.

-  La hausse des réadmissions

Les réadmissions (vers l'Etat membre de la Communauté européenne qui a admis l'étranger interpellé à entrer ou à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement) représentent, en 1999, 22 782 procédures, en hausse de 37,78 % par rapport à 1998. Les principales nationalités concernées sont, dans l'ordre : yougoslave (6 148), irakienne (3 077), turque (2 003), roumaine (1 354) et marocaine (1 262).

Au premier semestre 2000, 10 634 réadmissions ont été réalisées, contre 8 880 pour la même période de 1999 (+ 19,75 %).

-  La forte progression des séjours irréguliers

27 293 interpellations pour séjour irrégulier ont été réalisées en 1999, soit 22,36 % de plus qu'en 1998. Les nationalités les plus concernées sont, dans l'ordre : yougoslave (5 514), irakienne (3 635), turque (2 262), algérienne (1 663) et roumaine (1 594).

Sur les six premiers mois de l'année 2000, le nombre d'interpellations s'est élevé à 21 561, contre 11 002 pour la même période de 1999, soit une hausse de 95,47 %.

-  Les mesures d'éloignement

Après une baisse régulière en 1997 et 1998, les mesures d'éloignement sont reparties à la hausse en 1999, sous l'effet, notamment, d'opérations ponctuelles organisées, à compter du mois d'août, par la police aux frontières, en collaboration avec l'ensemble des administrations concernées.

39 855 mesures d'éloignement ont été prononcées en 1999, pour situation irrégulière ou trouble à l'ordre public. Le nombre d'éloignements effectifs s'est élevé à 8 300 (8 040 en 1998). Les principaux pays concernés sont : la Roumanie (1 717), l'Algérie (1 056), le Maroc (1 055), la Tunisie (405) et la Turquie (390). Les causes de non exécution des mesures d'éloignement sont, dans l'ordre : les annulations et défauts de présentation (3 016), les refus d'embarquement (852) et l'absence de moyen de transport (411).

Au premier semestre 2000, 22 043 mesures d'éloignement ont été prononcées ; 7 645 dossiers ont été transmis à la direction centrale de la police aux frontières (5 621 au premier semestre de 1999, soit + 36 %). Le nombre d'éloignements effectifs s'élève à 5 042, contre 3 595 pour la même période de 1999 (+ 40,25 %).

La pression migratoire doit cependant être analysée de façon différente selon les frontières considérées.

-  Les frontières terrestres

Aux frontières intérieures (espace Schengen), on enregistre, tout d'abord, entre la France et l'Italie, une forte augmentation de la pression migratoire irrégulière par rapport à 1998 : 18 124 non-admissions ou réadmissions en 1999 (+ 51,97 %). Cet accroissement s'explique principalement par la montée des flux en provenance de : Yougoslavie (6 022 non-admis ou réadmis, soit + 68,49 %), Turquie (1 519, soit + 96 %), Roumanie (1 107, soit + 79,12 %) et Albanie (943, soit + 56,12 %). Une part importante de ces flux, après le passage de la frontière franco-italienne, se dirige ensuite vers l'Europe de l'Ouest et notamment Calais, pour tenter de rejoindre la Grande-Bretagne.

La frontière franco-belge est la seule à connaître une diminution sensible de la pression migratoire irrégulière (5 193 non-admissions ou réadmissions en 1999, soit une baisse de 18,19 %). Cette évolution touche, en particulier : les Marocains (992 non-admis ou réadmis, soit - 22,68 %), les Congolais (ex-Zaïre : 461, soit - 19,82 %) et les Turcs (296, soit
- 33,92 %).

A la frontière franco-espagnole, la pression est restée stable : 3 022 non-admis ou réadmis en 1999 (+ 1,64 %). Ces personnes étaient originaires, dans l'ordre, du Maroc (664 non-admis ou réadmis, + 28,18 %), puis d'Algérie, de Roumanie et de Moldavie.

A la frontière franco-allemande, la pression migratoire irrégulière est en légère augmentation en 1999 : 1 876 non-admis ou réadmis (+ 8,56 %). Les personnes concernées étaient originaires, en premier lieu, de Turquie (503 non-admis ou réadmis, soit + 177,9 %), de Yougoslavie (146), du Sri-lanka (75) et de Roumanie (71).

Aux frontières extérieures, on a constaté, en 1999, à la frontière franco-suisse, une nette augmentation de la pression migratoire irrégulière par rapport à 1998 : 6 961 non-admis ou réadmis (+ 17,03 %). Cette évolution touche d'abord les flux en provenance de Yougoslavie (1 455 non-admis ou réadmis, + 52,35 %), de Turquie (341) et du Maroc (310).

La frontière franco-britannique présente une spécificité : la pression migratoire clandestine ne s'exerce pas de l'étranger vers la France, mais de la France vers l'étranger, notre pays étant devenu, en 1999, un pays de transit vers le Royaume-Uni. L'année 1999 a été marquée, à cet égard, par une forte poussée de la pression migratoire : le nombre d'étrangers en situation irrégulière interpellés par les fonctionnaires de la direction départementale de la police aux frontières du Pas-de-Calais est passé de 3 769 en 1998 à 7 393 en 1999. Sur les sept premiers mois de l'année 2000, 8 397 clandestins ont été interceptés contre 3 076 pour la même période de 1999 (+ 172 %) : il s'agit, essentiellement, d'Irakiens, d'Afghans et d'Iraniens, qui, compte tenu de la situation politique dans leurs pays, ne sont pas reconductibles. Le rapporteur reviendra sur cette question dans le cadre de sa présentation des centres d'hébergement et de rétention de Calais (voir infra).

-  Les frontières aériennes

Les frontières aériennes ont également connu, en 1999, un fort accroissement de la pression migratoire clandestine : 8 645 décisions de non-admission ont été prononcées, contre 6 707 en 1998 (+ 29 %). Les principales nationalités utilisant ce moyen de transport pour tenter de pénétrer sur le territoire français sont originaires d'Afrique sub-saharienne : Mali (546 non-admissions en 1999), Niger (508) et Sénégal (411) notamment. Parallèlement, le nombre de chinois interpellés dans ce cadre augmente sensiblement (1 394 non-admissions, contre 780 en 1998).

L'une des principales conséquences de ce phénomène est la saturation de plus en plus fréquente des zones d'attente des plates-formes aéroportuaires françaises : c'est la raison pour laquelle le rapporteur s'est également rendu à l'aéroport de Roissy (voir infra).

Corrélativement, le nombre de demandes d'asile a progressé, de façon plus importante encore. En 1999, 5 565 demandes d'asile ont été enregistrées sur l'ensemble des frontières françaises (contre 3 128 en 1998, soit + 77,9 %), dont 5 530 (soit 99,37 %) aux seules frontières aériennes. Là encore, l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle apparaît comme étant, de loin, le principal site concerné par ce phénomène : 5 360 demandes en 1999, soit 96,92 % du total des demandes aux frontières aériennes pour 1999.

Les Sierra-léonais et les Congolais (République démocratique) sont actuellement les premiers demandeurs d'asile.

-  Les frontières maritimes

1 153 non-admissions ont été prononcées, en 1999, aux frontières maritimes, contre 1 347 en 1998. Ces chiffres traduisent une diminution de la pression migratoire, de 14 %, sur les deux années considérées. Ce moyen d'immigration est presque exclusivement utilisé par les ressortissants africains (en provenance du Maghreb ou d'Afrique sub-saharienne), et notamment marocains (538 non-admis, contre 470 en 1998), sierra-léonais (127, contre 62) et algériens (101, contre 143).

Les ports méditerranéens sont, bien entendu, les premiers concernés par l'immigration clandestine maritime : Marseille (447 non-admissions en 1999), Sète (140) et Port-de-Bouc (37). Viennent, ensuite, les ports situés sur les façades atlantiques et de la Manche : Le Havre (127), Rouen (48) et Bordeaux (19).

        b) Les filières

L'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST), auquel il a déjà été fait référence, est à l'origine du démantèlement de 27 filières d'immigration clandestine en 1999, contre 26 en 1998. Sur les six premiers mois de l'année 2000, ce nombre s'élève à 19, contre 12 pour la même période de 1999.

La lutte contre ces filières, que le rapporteur a appréhendée à l'occasion de son déplacement récent à Calais, est une priorité. Les flux les plus préoccupants, liés à des réseaux efficaces car très structurés, sont présentés ci-après, à partir des informations transmises par l'OCRIEST.

-  Les filières chinoises

L'immigration chinoise, qui est essentiellement le fait de deux provinces méridionales (le Zhéjiang et le Fujian), est principalement tournée vers l'Union européenne (notamment la France), les Etats-Unis et l'Australie.

Les réseaux disposent de nombreuses complicités parmi leurs compatriotes installés à Bangkok et Phnom Penh. Ils fournissent à leurs clients des passeports falsifiés, contrefaits ou volés (vierges), correspondant à des nationalités non soumises à l'obligation de visa (japonais, coréen, singapourien, belge, français) ou obtenus par complaisance. A la recherche d'une couverture permettant à leurs clients d'entrer « légalement » sur le territoire de destination, ils n'hésitent pas à démarcher des sociétés françaises pour obtenir des lettres d'invitation en vue de « visites professionnelles », qui facilitent la délivrance des visas.

Les itinéraires utilisés (et identifiés) sont multiples, tant aériens que terrestres ou maritimes.

Par voie aérienne, les clandestins tentent des arrivées directes en provenance de Bangkok, et, parfois, contournent le pays visé en atterrissant dans un pays tiers, membre de l'espace Schengen. Au cours de ces dernières années, l'Afrique est également devenue un « tremplin » ouvrant l'accès de l'espace Schengen aux filières chinoises.

Par voie terrestre, la route la plus empruntée passe par l'Europe de l'Est (Russie, Ukraine ou Pologne) et transite par la République tchèque. La frontière germano-tchèque est ensuite franchie à pied. Mais depuis la fin de 1999, un autre itinéraire est apparu : Phnom Penh, Kuala Lumpur et Belgrade, où les filières bénéficient du soutien logistique de leur ambassade et du quartier chinois de la ville.

Par voie maritime, enfin, des départs en masse de clandestins (principalement originaires de la province du Fujian), qui voyagent dans des containers, depuis les côtes du Sud de la Chine, à destination du Japon, des Etats-Unis et de l'Australie, sont organisés. Depuis le début de l'année 2000, la zone méditerranéenne est également touchée, comme en témoignent des débarquements successifs de clandestins chinois sur les côtes italiennes des Pouilles ou les transports de clandestins au moyen d'embarcations de type « Zodiac » au départ de Ceuta et Mellila (territoires espagnols au Maroc).

Depuis le premier trimestre 2000, l'OCRIEST a constaté que les clandestins chinois en partance pour la Grande-Bretagne utilisaient de plus en plus fréquemment les services de passeurs d'autres nationalités (yougoslaves, italiens et indiens), qui organisent des « convoyages » groupés dans des camions. Ces transports routiers, dans leur grande majorité, partent des Pays-Bas, passent par la Belgique, puis se rendent en Grande-Bretagne par Zeebrugge (Belgique) ou Calais. La découverte, le 19 juin dernier, à Douvres, par les services britanniques de l'immigration, de 58 clandestins chinois décédés par asphyxie dans un camion immatriculé aux Pays-Bas, a illustré de façon tragique ce mode opératoire.

-  Les filières indo-pakistanaises

Dirigées par des pakistanais, ces filières organisent le passage de leurs compatriotes ou de clandestins indiens vers l'Union Européenne (dont la France) et le Canada. Elles utilisent des documents européens volés (vierges) et disposent également des services de véritables officines de faux documents au Pakistan, notamment à Karachi.

La corruption, très développée au Pakistan, permet d'obtenir, par le biais d'agences de voyages travaillant avec des employés indélicats des postes consulaires, des visas européens authentiques pour l'équivalent de 50 000 francs français.

L'OCRIEST et le Consulat de France à Islamabad ont constaté que de nombreux dossiers de « rapprochement familial » étaient établis sur la base de feuilles de paye contrefaites ou de faux certificats de travail émanant de sociétés gérées par des ressortissants pakistanais ou d'origine pakistanaise résidant en France. Nombre de ces sociétés se sont révélées être fictives ou éphémères.

L'itinéraire le plus fréquent utilise l'Italie pour pénétrer dans l'espace Schengen, avant de traverser la France par la voie terrestre pour gagner le Royaume-Uni.

-  Les filières sri-lankaises

Les réseaux sri-lankais sont réputés très actifs, bien structurés, spécialisés sur l'Union Européenne et l'Amérique du Nord (principalement le Canada). Ils disposent, dans leur pays d'origine, d'officines qui se sont montrées capables, au cours de ces derniers mois, d'alimenter le marché de l'immigration irrégulière en faux visas français, suisses et britanniques d'excellente qualité. A Colombo, les services de l'immigration canadienne ont détecté de véritables centres de formation pour les futurs clandestins, où sont enseignés les rudiments de la vie occidentale, l'usage des monnaies et les premières démarches administratives à effectuer dans le pays d'accueil.

Généralement, ces organisations convoient les clandestins par camion et par autocar dans des caches aménagées.

En France, elles disposent actuellement d'une base logistique importante dans le quartier de La Chapelle à Paris (Xe arrondissement) et sont en mesure d'assurer, au moyen de véhicules utilitaires de location, des convoyages de clandestins depuis la région parisienne vers la Grande-Bretagne à travers le Nord-Pas-de-Calais. Plusieurs de ces réseaux ont d'ailleurs été démantelés par l'OCRIEST. L'opération « JAFFNA », réalisée le 6 octobre et les 7 et 8 novembre 1999, a permis de mettre un terme aux agissements d'une filière qui revendiquait le passage de 75 personnes par semaine (pour un « chiffre d'affaires » hebdomadaire de 390 000 francs).

Depuis 1999, les autorités sri lankaises manifestent la volonté de lutter sur leur territoire contre ces filières d'immigration irrégulière, qui constituent des sources de revenus importants pour les mouvements séparatistes tamouls.

-  Les filières turco et irako-kurdes

Les filières kurdes utilisent des passeports grecs falsifiés ainsi que des cartes nationales d'identité portugaises contrefaites. Elles organisent, à partir de leur pays, le départ de ressortissants turcs et irakiens d'origine kurde.

Alors que l'Allemagne était, traditionnellement, le pays le plus recherché, il semble que, depuis le début de l'année 1999, les Kurdes tentent davantage de se rendre en Grande-Bretagne, ainsi qu'aux Pays-Bas et en Suède. S'agissant de la France, ils pénètrent sur le territoire national par les frontières terrestres avec l'Italie, l'Allemagne et la Belgique, et arrivent en région parisienne où leur filière dispose de relais dans la communauté kurde (notamment des sympathisants idéologiques du PKK).

Ces filières conservent un niveau d'activité élevé, malgré les actions menées par l'OCRIEST qui, en 1997 et en 1999, a procédé au démantèlement de deux d'entre elles, en coopération avec la police italienne.

-  Les filières roumaines

L'immigration clandestine roumaine est traditionnelle. Les régions d'origine sont les plus proches des frontières allemandes, suisses et italiennes. Il s'agit d'une clandestinité plutôt artisanale et génératrice d'une petite délinquance (vols, mendicité, etc.). Le plus souvent, les immigrants irréguliers sont dépourvus de document de circulation. A leur arrivée, ils déposent des demandes d'asile. En cas de rejet, une fois les voies de recours épuisées, ils tentent de gagner la Grande-Bretagne à bord de camions.

Depuis le premier trimestre 1999, un fort mouvement de clandestins roumains a été identifié au départ de la région de Milan. Ce flux, qui ne fait que transiter par la France, emprunte la voie ferroviaire à destination de Wembley, en Angleterre, dans des wagons plombés après l'introduction des immigrants clandestins.

-  Les filières kosovares

Apparue avec les troubles politiques dans la province yougoslave du Kosovo, l'immigration irrégulière kosovare est en augmentation constante depuis 1998. Le début des hostilités au Kosovo, le 23 mars 1999, n'a fait qu'amplifier ce mouvement.

Les filières se caractérisent par le recours à des passeurs de la même ethnie que les clandestins. L'abordage se fait, habituellement, sur les côtes italiennes, par voie maritime, à destination de la France mais aussi de la Grande-Bretagne.

A ce jour, au vu des procédures traitées au plan national, il apparaît que la plupart des clandestins qui se proclament d'origine kosovare sont en fait albanais ou serbes.

-  Les filières sénégalaises

Parmi les flux irréguliers en provenance d'Afrique, les réseaux sénégalais attirent particulièrement l'attention. Ils assurent l'acheminement de ressortissants sénégalais et maliens. Selon son ethnie d'origine, le « candidat » doit payer un forfait compris entre 15 000 et 25 000 francs français pour obtenir un passeport (parfois revêtu d'un visa) et un billet de transport.

Ces réseaux recrutent leurs clients aux abords des agences de voyage et des services consulaires. Ils s'adressent à des agences de voyage complices qui délivrent, contre rémunération, des attestations de complaisance pour faciliter l'obtention du visa. Leur principal mode opératoire consiste à remettre au futur clandestin un billet de transport aérien pour une destination ne nécessitant pas de visa (Hong-Kong, Bangkok), avec un transit par un Etat de l'espace Schengen. Une autre méthode également utilisée consiste à remettre au futur clandestin un passeport ordinaire sénégalais, revêtu d'un authentique « visa Schengen » obtenu en invoquant des motifs artistiques, religieux ou professionnels. Les pays visés sont la France et l'Italie, mais aussi, plus récemment, les Etats-Unis.

Cette immigration emprunte essentiellement la voie aérienne. Elle transite également, par voie terrestre, de la Belgique et de la Suisse à destination de la France. Sur les quatre premiers mois de l'année en cours, l'immigration sénégalaise, qui occupait le 12ème rang en 1999, est passée au 5ème rang : le nombre de Sénégalais interpellés sur notre territoire en situation irrégulière a progressé de 91 %.

III. - AUX FRONTIÈRES DE L'HUMANITÉ : LES ZONES D'ATTENTE ET LES CENTRES DE RÉTENTION

La République, c'est une certaine conception des droits des personnes, indépendante de leur origine, de leur nationalité, de leurs actes. C'est une exigence : le respect de la dignité humaine, en tous lieux, à toute heure.

Au cours de ces dernières semaines, pourtant, certains ont pu douter de la réalité de ces principes. En juillet, une jeune Sierra-Léonaise, enceinte de huit mois, est placée en zone d'attente à l'aéroport de Roissy, et perd l'enfant qu'elle portait. Un mois plus tard, la polémique se développe autour du renvoi dans son pays d'un demandeur d'asile cubain. En septembre, c'est un enfant tamoul de quatre ans qui est retenu à Marseille, dans un centre de rétention. Et puis, en octobre, une enfant fait de nouveau l'objet d'un placement en zone d'attente à Roissy. Le soupçon s'installe, tenace. Et ailleurs, que se passe-t-il, loin des médias, dans l'anonymat de nos gares, de nos ports, de nos aéroports, de nos commissariats, là où souffrance rime avec silence. Notre pays traite-t-il convenablement ces hommes, ces femmes et ces enfants, à qui nous refusons, par milliers, chaque année, l'entrée sur le territoire français, ou que l'on cherche à éloigner ?

Il fallait enquêter. Les parlementaires en ont le droit et le devoir. Le rapporteur des crédits de la police était, pour cela, particulièrement indiqué, puisqu'il a en charge le contrôle de l'administration qui, pour l'essentiel, est responsable de ces structures d'attente et de rétention.

Au terme d'une série de contrôles à Calais, Marseille, ou en plusieurs lieux de la région parisienne, le constat est rude. Les fonctionnaires de police ne sont pas en cause, sauf exception, eux qui travaillent au quotidien dans ces geôles indignes. Mais les zones d'attente et les centres de rétention sont l'horreur de notre République.

Il fallait le voir. Il fallait l'écrire. Il faut que le Gouvernement prenne conscience de la situation. Et réagisse.

      A. LES ZONES D'ATTENTE

        1. Le cadre juridique

L'activité des zones d'attente des aéroports, ports et gares internationales, est juridiquement réglementée par l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

Cet article dispose que : « L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par arrêté, un port ou un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ». Délimitée par le représentant de l'Etat dans le département, la zone d'attente s'étend « des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise ou à proximité de la gare, du port ou de l'aéroport, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers des prestations de type hôtelier ».

Trois types de situation peuvent provoquer le maintien en zone d'attente d'un étranger : l'interruption d'un transit (impossibilité pour une personne en correspondance d'embarquer sur l'avion ou le navire prévu) ; un refus d'entrée (sur le fondement de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945) ; une demande d'asile.

La durée du maintien en zone d'attente peut atteindre 20 jours, selon un échéancier défini de la façon suivante :

-  48 heures, d'abord, sur décision écrite et motivée du chef du service de contrôle aux frontières ou d'un fonctionnaire qu'il désigne. Cette décision, sa date et l'heure de sa notification sont portées sur un registre qui comporte également des éléments relatifs à l'état civil de la personne. Le procureur de la République est informé.

-  48 heures de nouveau, cette première décision étant renouvelable une fois.

-  Huit jours, au-delà des quatre jours précités, ce maintien devant toutefois être autorisé par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat du siège désigné par lui. A cette occasion, l'autorité administrative fait valoir les éléments qui appuient sa demande ; l'intéressé est auditionné, le cas échéant en présence de son conseil ; l'ordonnance de maintien en zone d'attente est susceptible d'appel (non suspensif) : le premier président de la cour d'appel ou son délégué doit alors statuer dans les 48 heures.

-  Huit jours supplémentaires, enfin, à titre exceptionnel, selon les mêmes modalités que ci-dessus.

Durant ces vingt jours, la personne concernée dispose, en principe, des droits suivants : elle est informée dès son placement en zone d'attente de ses droits et devoirs ; elle reste libre, bien sûr, de quitter à tout moment la zone d'attente pour une destination située hors de France ; elle peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, et communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix. En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc (article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945).

A l'issue de ces vingt jours, au plus tard, la personne placée en zone d'attente, si elle n'a pas été renvoyée dans un Etat tiers, est autorisée à entrer sur le territoire français sous couvert d'un visa de régularisation de huit jours : elle est alors tenue de solliciter auprès des services préfectoraux une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de carte de séjour. Cette autorisation est en principe délivrée de droit en cas de dépôt d'une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Sous réserve des contraintes liées à leur fonctionnement, le haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou ses représentants (sous réserve d'un agrément individuel délivré pour trois ans par le ministre de l'intérieur) peuvent accéder aux zones d'attente, selon des modalités et une périodicité déterminées d'un commun accord avec le ministre de l'intérieur (décret n° 95-507 du 2 mai 1995). Il en va de même pour certaines associations d'aide et d'assistance aux étrangers, de défense des droits de l'homme ou d'assistance médicale ou sociale, sous réserve, cette fois, d'un double agrément : de l'association elle-même et de ses représentants, par arrêté du ministre de l'intérieur pris après avis du ministre des affaires étrangères (). L'agrément ne peut être accordé qu'à dix personnes par association et le nombre des visites est limité à huit par an (entre 8 heures et 20 heures).

        2. Les zones d'attente en France

Il existe, en France, 122 zones d'attente, dont 98 en métropole. Celles de la région parisienne et, notamment, des aéroports de Roissy et Orly, concentrent, toutefois, 88 % de leur activité. 96 % des demandes d'asile sont présentées à Roissy, 2 % à Orly, les autres aux aéroports de Marseille (ainsi qu'à son port), Bordeaux, et Lyon.

Le nombre de personnes faisant l'objet d'un maintien en zone d'attente est en augmentation constante : 5 040 en 1996, 5 578 en 1997, 7 153 en 1998, 9 308 en 1999. Sur les six premiers mois de l'année 2000, il est déjà de 9 982, contre 4 100 au premier semestre 1999 (+ 143 %) ; le nombre de femmes (2 021 en 1999) est en progression de 145 %, celui des mineurs (891 en 1999) de 311 %. La durée moyenne de rétention est désormais de 63,4 heures, contre 45,5 il y a un an. Parmi ces personnes, le nombre de demandeurs d'asile est croissant. Il a déjà été indiqué, en effet, qu'environ 5 500 demandes d'asiles ont été enregistrées en 1999 sur l'ensemble des frontières françaises, contre 3 000 l'année précédente (). Ne sont rejetées « aux frontières », comme on l'a vu, que les demandes « manifestement infondées » : le délai entre l'enregistrement de la demande et la décision d'acceptation (provisoire) ou de rejet est de l'ordre de 8 jours.

Les dépenses liées au fonctionnement des zones d'attentes sont globalisées avec celles engagées pour les centres de rétention. Relevant de l'article 27 du chapitre 34-41 (« reconduites à la frontière »), elles ont évolué, depuis 1997, pour ces deux types de structures confondus, de la façon suivante : 7,4 millions de francs en 1997 ; 12,7 millions de francs en 1998 ; 18,1 millions de francs en 1999 ; 15,5 millions de francs au 31 août 2000. On peut ajouter les frais de location des deux étages de l'hôtel IBIS de la zone aéroportuaire de Roissy, soit 1,6 million de francs par mois. Le ministère de l'intérieur fait valoir, également, que de nombreuses mesures ont été prises, dans un passé récent, pour améliorer et accroître les capacités de ces structures d'accueil. En particulier, dans la zone aéroportuaire de Roissy, de nouveaux locaux ont été mis en place en juillet de cette année (70 lits au Mesnil-Amelot) ; d'autres le seront au début de l'année prochaine (160 lits).

On précisera, pour conclure cet état des lieux, que les personnels qui travaillent dans les zones d'attente sont d'abord des agents de la police aux frontières (PAF). Des fonctionnaires de l'Office des migrations internationales (OMI) fournissent également, en théorie du moins, une aide humanitaire, en cas de besoin.

        3. Compte-rendu des visites

Le rapporteur a visité, entre le 11 et le 19 octobre, quatre zones d'attente : à Calais, Marseille, Roissy et, enfin, à la gare du Nord. Deux d'entre elles étaient vides et n'appellent que des observations limitées.

La zone d'attente de la gare de Calais-Frethun n'est pratiquement jamais utilisée, ce qui s'explique aisément : les étrangers en situation irrégulière interpellés sur le réseau de la SNCF ne sont pas, sauf exception, des « primo-arrivants » ; comme on l'a vu dans la deuxième partie de ce rapport, ils ne font, le plus souvent, que traverser la France pour se rendre en Grande-Bretagne. Il en va de même sur le port où le nombre de passagers clandestins est relativement faible. Dès lors, ils sont soit placés en rétention, soit, lorsqu'ils sont inexpulsables, conduits dans une structure d'accueil pour réfugiés (voir ci-après les observations relatives au centre de rétention de Coquelles et à la structure d'accueil des réfugiés de Sangatte).

Celle de la gare du Nord, créée en 1997, est également inactive. Les registres d'enregistrement des personnes sont vierges. Au demeurant, les locaux ne sont guère adaptés à un hébergement, même limité : situés au cinquième et dernier étage d'un immeuble appartenant à la SNCF et jouxtant la gare elle-même, ils se composent de deux pièces, petites et strictement identiques, mansardées, équipées chacune de deux lits superposés, propres mais sans équipements sanitaires. Ses responsables font d'ailleurs valoir qu'il serait aisé de s'en échapper. Certaines associations soupçonnent les services de police de renvoyer les étrangers interpellés à leur arrivée à la gare par le train suivant, en violation de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoit, comme on l'a vu, le droit au bénéfice d'un jour franc (l'article 35 quater stipulant également que la personne doit en être informée). Aucun élément ne permet de vérifier cette information. En revanche, les étrangers en possession de faux documents sont placés en garde à vue dans les locaux de la police situés dans la gare elle-même, puis déférés à la justice : un couple de Chinois, apparemment munis de faux passeports japonais, se trouvait dans cette situation le jour de la visite du rapporteur.

Les zones d'attente de Marseille et Roissy appellent de plus amples commentaires.

        a) Marseille

La zone d'attente de l'aéroport de Marseille-Provence se compose de deux petites pièces, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Elles étaient vides le jour de la visite bien que plusieurs centaines de personnes y soient placées chaque année (212 en 1998, 484 en 1999, et 322 entre janvier et septembre 2000).

Le lieu paraît globalement acceptable pour un hébergement, sans que l'on puisse pour autant parler de « conditions décentes de confort » comme le fait le règlement intérieur de la zone d'attente. Mais encore faut-il que la durée du séjour soit brève. En effet, ces deux pièces sont équipées de WC mais pas de douche. Leurs fenêtres, de grande taille, sont rendues opaques par une feuille de papier accolée sur la totalité de leur surface. Elles ne laissent filtrer qu'une lumière tamisée. Il en résulte, selon les termes adéquats déjà utilisés par l'Anafé, une « impression d'enfermement ».

De fait, le retour vers le pays de provenance, à savoir, le plus souvent, l'Algérie ou le Maroc, serait organisé, dans la plupart des cas, en quelques heures (ce qui permet de s'interroger, de nouveau, sur le respect du droit au jour franc prévu par l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945). Le règlement intérieur de la zone d'attente stipule, d'ailleurs, expressément, que : « En règle générale, vous ne serez retenu à l'aéroport que lorsque la durée du maintien n'excédera pas 24 heures ».

Au-delà, la personne est transférée au centre de rétention d'Arenc, où deux pièces font office de zone d'attente. Ils y rejoignent, le cas échéant, les étrangers non admis au port de Marseille (premier port méditerranéen en nombre de non admissions), qui, pour leur part, y sont systématiquement et immédiatement installés. Cette situation est contraire à l'article 35 quinquies de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui dispose que les locaux des zones d'attente et des centres de rétention sont « matériellement distincts ».

Au centre d'Arenc, le régime ne peut pas être qualifié d'« hôtelier », comme le prévoit pourtant l'ordonnance du 2 novembre 1945 : les locaux sont exigus, vétustes et sinistres ; la literie est dans un état déplorable. Le séjour peut pourtant y durer jusqu'à vingt jours ! Mais on se reportera, pour de plus amples commentaires, à la description du centre de rétention (voir infra).

        b) Roissy

La zone d'attente de l'aéroport de Roissy est celle dont on parle, à juste titre, le plus souvent.

Il s'agit, tout d'abord, d'une structure complexe, presque tentaculaire, car il faut distinguer :

-  la « zone d'attente des personnes en instance n° 1 » (dite ZAPI 1), qui correspond à deux étages d'un hôtel IBIS réquisitionnés par le ministère de l'intérieur (120 lits) ;

-  ZAPI 2, qui recouvre une partie, bien délimitée, du centre de rétention du Mesnil-Amelot, transformée, en juillet dernier, pour faire face à la saturation des capacités d'accueil de l'hôtel IBIS, en zone d'attente. Seuls des hommes sont susceptibles d'y être accueillis (72 lits) ;

-  ZAPI 3 est encore un lieu en devenir. D'une capacité de 160 lits, ce nouvel espace devrait entrer en activité dès le début de l'année prochaine (). L'hôtel IBIS sera alors restitué à ses propriétaires et retournera à sa vocation première, à savoir l'hôtellerie, la vraie ;

-  il y a, enfin, les cellules de police situées dans les différents terminaux de l'aéroport. Elles offrent aux personnes en situation de transit interrompu, à qui a été opposé un refus d'entrée ou qui demandent l'asile politique, leurs premières images de notre pays, en attendant leur transfert dans l'une des infrastructures précitées.

La zone d'attente de Roissy, ce sont, ensuite, des chiffres : 7 921 personnes en 1998, 12 590 en 1999 (dont 1 663 mineurs), déjà 12 503 (dont 945 mineurs) entre le 1er janvier et le 20 septembre de l'année en cours.

Impossible de tout voir : la visite s'est limitée à ZAPI 1 et aux postes de police des terminaux 2A et F. Ce jour là, 166 personnes, dont 20 mineurs, étaient placées en zone d'attente à Roissy, dont 92 à l'hôtel IBIS (45 au premier étage, 47 au second) et 74 au Mesnil-Amelot.

· Les deux étages de l'hôtel IBIS sont conçus de façon identique. C'est donc là que sont « entassés » la plupart de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui recherchent la liberté, de quoi manger, ou un avenir, tout simplement.

Le ministère de l'intérieur affirme que dans ce lieu, « des prestations de type hôtelier » sont proposées. Un type hôtelier un peu particulier tout de même, comme en témoigne cette inscription relevée sur un tableau placé en évidence dans le hall d'entrée : « A nettoyer : sang et cafards ».

Il paraît que la situation a été substantiellement améliorée, en 1998, par des travaux de rénovation, puis, en 1999, grâce à la réquisition du second étage de l'hôtel. C'est sans doute vrai. L'assistance médicale, elle aussi, a été renforcée : une infirmière de jour est présente en permanence ; un médecin assure une rotation une fois par jour en semaine, essentiellement pour les enfants. Mais les chambres sont petites, et dépouillées, à l'exception de quelques lits. Les fenêtres sont scellées, ce qui renforce cette impression d'enfermement, voire d'étouffement, que l'on ressent en pénétrant dans ce lieu. L'aération s'en ressent : l'odeur est forte, parfois difficilement supportable. Les personnes qui sont là, entassées, dans des conditions de promiscuité inacceptables, sont contraintes à l'inactivité du fait de l'absence d'équipement ou de lieu collectif, à l'exception d'une pièce exiguë appelée « réfectoire ». Elles stationnent dans l'un des longs couloirs, près de la « cabine » téléphonique occupée en permanence ou devant les bureaux réservés aux représentants du ministère des affaires étrangères et de l'OMI, qui n'étaient pas présents le jour de la visite. Ces derniers sont chargés, en principe, de fournir aux personnes les effets élémentaires dont elles peuvent avoir besoin. Comment se fait-il, alors, qu'une femme enceinte de cinq mois puisse se plaindre d'être privée de sous-vêtement de rechange depuis plus de quatre jours ? Ses propos, ses cris, de misère et de révolte, créent un certain malaise... et semblent accréditer les dires des associations qui dénoncent le caractère virtuel de la présence des agents de l'OMI.

· La visite des postes de police des terminaux de l'aéroport est plus rapide.

Le terminal 2A reçoit, essentiellement, les personnes en provenance d'Afrique et d'Asie. C'est un point stratégique : 35 % des immigrants clandestins interpellés à Roissy débarquent, dit-on, d'un avion de la compagnie Air Afrique, ce qui incite les services de police à multiplier les « contrôles passerelle », à la sortie immédiate de l'appareil. Ces vols arrivent généralement très tôt le matin, bien avant 8 heures, horaire à partir duquel les associations sont théoriquement autorisées à visiter les zones d'attente. Quatorze personnes, dont deux femmes, sont présentes ce jour dans le local de police. D'après les responsables de la PAF, elles n'ont pas vocation à passer plus de quelques heures dans la petite pièce d'une quinzaine de mètres carrés, meublée de quelques bancs, qui leur est réservée. Mais il y a peu de temps encore, avant l'ouverture de ZAPI 2, le séjour pouvait s'y prolonger. L'Anafé, qui l'avait constaté, évoquait alors une « vision d'horreur » : on l'imagine aisément.

Le terminal F recueille, pour sa part, les arrivées en provenance d'Amérique du Sud, d'Asie et du Moyen-Orient. Le poste de police était vide le jour de la visite.

        4. Conclusion et perspectives

Malaise, révolte, impuissance : tels sont les sentiments que l'on ressent au terme de ces contrôles. Il faut, pourtant, préconiser des pistes de réforme.

· Appelons, tout d'abord, le Gouvernement à engager un effort financier pour améliorer les conditions d'accueil des zones d'attente de notre pays. Davantage d'hygiène, d'espace, de chaleur humaine : voilà ce qu'on est en droit d'attendre pour ces personnes qui n'ont commis, faut-il le rappeler, aucun crime, sinon d'être né là où la guerre et la misère poussent des populations entières à chercher ailleurs l'espoir d'une vie meilleure.

· Appelons, ensuite, le Gouvernement à prendre des mesures au bénéfice des « mineurs isolés », autrement dit des enfants, qui, par centaines chaque année, viennent frapper à notre porte.

Une résolution du Conseil de l'Europe, en date du 26 juin 1997, relative aux mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, dispose que ces derniers doivent bénéficier de tout le soutien matériel et des soins nécessaires pour satisfaire leurs besoins essentiels, tels que de la nourriture, un logement adapté à leur âge, des équipements sanitaires et des soins médicaux, ainsi que la protection prévue par la législation nationale. Le Gouvernement a accordé à ces recommandations une attention particulière : les mineurs sont encouragés à contacter le Comité international de la Croix-Rouge, ou d'autres organisations, dans le but de rechercher les membres de leur famille et de bénéficier à cette fin d'une assistance minimale.

Sur le plan du droit, un projet de loi est en cours de préparation.

En effet, en raison de l'incapacité juridique des mineurs à ester en justice et de se représenter eux-mêmes, les demandes de maintien en zone d'attente les concernant, qui sont formulées au terme du premier délai de quatre jours prévu par l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sont, dans leur grande majorité, déclarées irrecevables par les juges saisis. Pour la même raison, ils ne peuvent engager ni mener à bien une procédure de demande d'asile. Ils sont donc de facto admis sur le territoire et, trop souvent, laissés livrés à eux mêmes, et, dans certains cas, pris en charge par des réseaux de délinquance, de trafic ou de prostitution.

Plusieurs hypothèses ont été retenues. Elles tendent, essentiellement, à conférer aux mineurs de 16 à 18 ans (qui représentent près de 90 % des situations concernées) la capacité d'agir en justice et de demander l'asile, le juge pouvant désigner, pour les plus jeunes d'entre eux, un administrateur ad hoc ou un représentant légal chargé de les représenter. Une autre solution pourrait consister à prévoir pour tous les mineurs la désignation d'un administrateur.

Le Parlement sera appelé à se prononcer. Mais on connaît déjà les réticences exprimées par la Commission nationale des droits de l'homme (CNCDH) à l'égard de cette capacité juridique au rabais pour les enfants du tiers monde... L'admission des mineurs doit être la règle. Encore faut-il que les services sociaux puissent les encadrer dans des structures adaptées à leur situation, et endiguer ainsi ce phénomène des « jeunes errants » qui prend des proportions inquiétantes, comme cela a été exposé au rapporteur à l'occasion de son déplacement à Marseille, où une association unique en son genre a été créée pour accueillir, précisément, ce type de public.

· Enfin, il n'est pas possible d'échapper à une réflexion sur l'organisation des zones d'attente et sur notre politique en matière d'asile.

De toute évidence, les règles prévues par l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont moins protectrices que celles qui prévalent pour les centres de rétention. Le délai qui s'écoule avant l'intervention du juge pourrait être ramené à 48 heures, au lieu de quatre jours actuellement, comme en matière de rétention. On n'ose évoquer, par souci de réalisme, la possibilité de rendre suspensifs les recours engagés contre les décisions de non admission... En toute hypothèse, il est essentiel qu'un regard extérieur puisse observer, à tout moment, le fonctionnement des zones d'attente. Les parlementaires peuvent exercer ce droit, sur le fondement de l'article 720-1-A du code de procédure pénale : qu'ils en usent donc ! Le procureur de la République est désormais tenu de le faire au moins une fois par semestre (paragraphe V de l'article 35 quater, modifié par l'article 120 de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes). Peut-être faudrait-il songer, sur ce modèle, à élargir aussi les possibilités offertes aux associations pour accéder aux zones d'attente, qui sont encore trop restrictives.

Quant à l'asile, la conjonction d'une certaine ouverture aux frontières, de la longueur des procédures et du caractère restrictif des autorisations de séjour accordées in fine est une machine à « fabriquer » des clandestins.

La majorité des personnes qui demandent l'asile « aux frontières » (3 000 en 1998, 5 000 en 1999, déjà 3 500 au premier semestre 2000) obtiennent effectivement un sauf-conduit valable huit jours, qui leur permet de déposer un dossier auprès de l'OFPRA : ne sont rejetées, dans le délai de 20 jours prévu par l'article 35 quater précité, que les demandes « manifestement infondées ». Selon le ministère de l'intérieur, à peine 10 % d'entre eux déposent, par la suite, une demande d'asile ; les autres disparaissent. Au total, l'OFPRA examine, chaque année, un nombre croissant de dossiers : 17 000 en 1996, 21 500 en 1997, 22 500 en 1998, 31 000 en 1999, sans doute près de 40 000 en 2000.

La procédure est longue, un an, parfois deux. L'issue est incertaine. A peine 5 % des demandeurs obtiennent le statut de réfugié, au titre de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ou, depuis la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (article 29), pour persécution en raison d'une action « en faveur de la liberté » (asile dit constitutionnel) ; devant la Commission des recours, le taux d'acceptation est ensuite de 5 à 7 %. Quant à l'asile dit territorial, également créé par la loi du 11 mai 1998 (article 36) pour ceux dont « la vie ou la liberté est menacée dans leur pays », ou qui y seraient exposés « à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme », qui dépend du ministre de l'intérieur (sur saisine du directeur de l'office ou du président de la commission des recours et après avis du ministre des affaires étrangères), le taux d'accord était à peine supérieur à 6 % en 1999 (pour 6 984 demandes).

Ceux qui n'ont pas la chance d'obtenir le « sésame » du statut de réfugié politique doivent partir, après des mois voire des années passés sur notre sol. Qu'en est-il en pratique ?

Il ne s'agit pas, bien sûr, de contester le fait que de nombreux demandeurs d'asile politique fuient, en réalité, la misère de leur pays. Dans un monde où l'oppression est économique autant que politique, il n'y a là rien d'étonnant. Mais osons quelques recommandations, basées sur la lecture édifiante d'un récent rapport d'Amnesty international (« L'asile en France après l'entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 », janvier 2000) : renforcer les moyens humains et financiers de l'OFPRA ; réduire la durée de traitement des dossiers ; traiter les demandes de façon plus ouverte, pour que l'asile territorial et constitutionnel acquièrent enfin la place que le législateur entendait leur conférer : celle qui permettra à notre pays de se proclamer, de nouveau, terre d'asile pour les opprimés.

      B. LES CENTRES DE RÉTENTION

        1. Le cadre juridique

Les conditions d'activité des centres de rétention administrative sont déterminées par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

En cas de nécessité, par décision écrite et motivée du représentant de l'Etat dans le département, peut être maintenu, « dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ », l'étranger qui fait l'objet d'une procédure de réadmission (vers l'Etat membre de la Communauté européenne qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire ou dont il provient directement), d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière mais qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, ou qui n'a pas déféré à une mesure d'éloignement dans un délai de sept jours.

La durée maximale de rétention est de 12 jours :

-  48 heures, d'abord, sur décision écrite et motivée du préfet. Le procureur de la République est immédiatement informé et met à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information afférents à cette rétention (dates, heures et lieu).

-  Cinq jours, ensuite, sur décision du président du TGI ou d'un magistrat du siège délégué par lui. Toutefois, l'ordonnance, qui peut également décider de la remise en liberté de la personne ou de son assignation à résidence sous réserve qu'elle présente des garanties de représentation effectives, ne peut être prise qu'après audition de l'intéressé, en présence de son conseil s'il en a un ; elle est susceptible d'appel.

-  Cinq jours supplémentaires, selon les mêmes modalités que ci-dessus, en cas d'urgence absolue, de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'éloignement de la personne a été rendu impossible par la perte ou la destruction de ses documents de voyage, la dissimulation de son identité ou l'obstruction volontaire.

Durant sa rétention, l'étranger, qui doit avoir été informé de ses droits et devoirs (mention en est faite sur un registre qu'il émarge), peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil et, s'il le désire, communiquer avec son consulat et une personne de son choix.

Par rapport aux zones d'attente, ces dispositions semblent davantage protectrices : la durée de séjour est plus courte, le juge intervient au bout de 48 heures et les recours sont suspensifs. Mais elles n'ont fait l'objet, jusqu'à présent, d'aucun décret d'application. Un certain vide juridique entoure, en conséquence, la création des centres de rétention et les conditions de leur fonctionnement. De même, c'est à travers une « convention cadre pluriannuelle » du 19 novembre 1997 que l'Etat, représenté par le ministère de l'emploi et de la solidarité, a confié à la Cimade (association loi 1901) une mission d'accompagnement social et juridique des étrangers retenus.

        2. Les centres de rétention en France

Les centres de rétention dits « statutaires » sont actuellement au nombre de 17 : 14 relèvent de la police nationale (dont trois dans les DOM) et trois de la gendarmerie (). En métropole, leur capacité est de 660 places. Il existe un nombre équivalent de centres dits « départementaux » : quatre d'entre eux ont vocation à acquérir, à terme, une dimension régionale ().

Toutefois, grâce au vide juridique qui entoure la création et le fonctionnement de ces centres, de nombreux « locaux » de rétention (plus d'une centaine semble-t-il, qui souvent ne se distinguent guère des locaux de garde à vue) ont également été créés dans les postes de police : ils sont utilisés par l'administration pour retenir des milliers d'étrangers irréguliers interpellés, jusqu'à leur transfert dans un « centre » de rétention proprement dit. La liste précitée est donc loin d'être exhaustive.

Les nationalités les plus fréquemment concernées par des mesures de rétention sont les suivantes : algérienne, puis marocaine, roumaine, turque et tunisienne. Ils représentent près de 65 % des personnes placées en rétention.

Le nombre de personnes retenues dans les seuls centres « statutaires » de métropole était de 14 680 en 1998 (représentant 71 913 jours de rétention), 14 672 en 1999 (74 397 jours) ; il pourrait être proche de 20 000 cette année (103 857 jours).

Outre les effectifs de police (93 gardiens de la paix et 13 adjoints de sécurité) ou de gendarmerie, le personnel en poste dans les centres de rétention est actuellement composé de 83 vacataires du ministère de la justice, en cours de contractualisation : ces derniers sont en charge de la gestion des centres, de leur entretien et de l'accueil des étrangers.

Le ministère de l'intérieur a également communiqué au rapporteur un certain nombre d'informations relatives à la charge financière que les centres de rétention représentent pour l'Etat :

-  Les dépenses de fonctionnement (gestion, accueil, prise en charge des étrangers) engagées, dans les centres de rétention « statutaires », par le ministère de la justice, s'élevaient, en 1998, à 9,075 millions de francs ; les dépenses de rémunération de ses 83 agents vacataires étaient, cette année là, de 7,759 millions de francs. Il s'agirait des derniers chiffres disponibles.

-  Comme on l'a vu, les autres dépenses de fonctionnement des centres de rétention, à la charge du ministère de l'intérieur, sont globalisées avec celles des zones d'attente (4 millions de francs en 1997, 12,7 millions de francs en 1998, 18,1 millions de francs en 1999, 15,5 millions de francs au 31 août 2000).

-  Les crédits délégués par le ministère de l'emploi et de la solidarité aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), au titre des dépenses médicales des centres de rétention, s'élevaient à 3 millions de francs en 1999. La faiblesse de ce montant accrédite, a posteriori, les observations formulées par le passé sur l'insuffisance des soins dispensés dans les centres de rétention. Toutefois, le ministère des affaires sociales semble avoir pris conscience de la gravité du problème, ce qui l'a conduit à élaborer la circulaire (n° 99/677) du 7 décembre 1999 « relative au dispositif sanitaire mis en place dans les centres de rétention administrative ». Ce texte fixe des règles qui concernent aussi bien le personnel de santé, les locaux réservés aux activités sanitaires et le fonctionnement du dispositif. Il distingue trois configurations en fonction de la capacité des centres de rétention (moins de 50 places, de 50 à 100 places, plus de 100 places). Dans ce cadre, les crédits délégués aux DDASS ont été revus à la hausse : 13,7 millions de francs en 2000 pour les 13 centres de rétention concernés ; à terme, lorsque l'ensemble du dispositif sera en place, l'enveloppe annuelle devrait être de l'ordre de 20 millions de francs.

Pour réaliser, dans les centres de rétention, les adaptations rendues nécessaires par ce nouveau dispositif sanitaire, le ministère de l'intérieur a également réservé, pour l'année 2000, une dotation spécifique de 6 millions de francs, qui pourrait être reconduite au cours des prochains exercices.

Le ministère de l'intérieur rappelle, également, que 30 millions de francs ont été consacrés, au cours des trois dernières années, à la réhabilitation et à la mise aux normes des centres de rétention. Les travaux « lourds » ont notamment porté sur les centres de Nice, Calais et Marseille. Le centre de rétention de Toulouse a, quant à lui, été relogé en 1999. La mise en chantier d'équipements neufs, parfois liée à la réalisation d'un nouvel hôtel de police, à Massy-Palaiseau, Bordeaux et Bobigny, devrait débuter dans les mois à venir. La construction de nouveaux centres de rétention à Plaisir, Nantes et Marseille serait en cours d'étude.

        3. Compte rendu des visites

Calais, Marseille, puis différents lieux de la région parisienne : la visite des centres de rétention brouille les repères de la citoyenneté et donne le sentiment de pénétrer dans un autre pays, à une autre époque, loin de la France de l'an 2000.

        a) Calais

En rencontrant les responsables de la PAF, on ne tarde pas à comprendre combien la situation qui prévaut à Calais est particulière : la pression migratoire clandestine est massive, misérable, et, comme cela a déjà été dit dans la deuxième partie de ce rapport, elle ne s'exerce pas de l'étranger vers la France, mais de la France vers le Royaume-Uni où les réfugiés pensent trouver un accueil plus favorable et un marché du travail... « tolérant », c'est-à-dire totalement déréglementé au détriment de cette catégorie d'étrangers. Notre voisin laisserait-il ainsi se recréer sur son sol « l'Inde à domicile », comme l'a fait observer au rapporteur l'un de ses interlocuteurs ?

En toute hypothèse, les chiffres sont éloquents : le nombre d'étrangers en situation irrégulière interpellés à Calais est passé de 3 769 en 1998 à 7 393 en 1999. Sur les sept premiers mois de l'année 2000, 8 397 clandestins ont été interceptés, contre 3 076 pour la même période de 1999 (+ 172 %). Derrière ces chiffres, il y a des hommes seuls, mais aussi des familles entières en nombre important. Ceux qui connaissent bien la situation considèrent que, progressivement, « on passe de l'émigration à l'exode »...

Le matin de la visite, 99 personnes, tentées par l'aventure britannique, avaient été interpellées au port de Calais : Irakiens, Iraniens, Kosovars, Afghans, Turcs, Sri Lankais, Yougoslaves, Roumains, Albanais... Le personnel était dépassé par le nombre et les réfugiés entassés les uns contre les autres dans des locaux saturés.

La majorité d'entre eux ne sont pas reconductibles dans leur pays d'origine, compte tenu de la situation politique qui y prévaut. Dans cette hypothèse, ils sont conduits au centre d'accueil de Sangatte. Les autres seront dirigés vers le centre de rétention de Coquelles.

· Le centre de Sangatte n'est ni une zone d'attente, ni un centre de rétention. C'est un lieu d'hébergement, géré par une quarantaine de membres de la Croix Rouge française, qui accueille des personnes pour la plupart en situation irrégulière mais non reconductibles, et donc libres de leurs mouvements. Son origine remonte au mois de septembre 1999, lorsque les autorités françaises ont été confrontées à un afflux important de kosovars qui s'installaient, de facto, dans différents sites publics de Calais, en attendant de gagner l'Angleterre. Il fallait héberger cette misère, et sans doute, aussi, la cacher.

Le centre a donc été installé dans un hangar auparavant utilisé pour la construction du tunnel sous la Manche : une vingtaine de modules d'hébergement, plus une dizaine de douches et de WC, sont mis à la disposition des réfugiés. Prévu pour accueillir 200 personnes au plus, ils sont aujourd'hui entre 600 et 800 à y séjourner chaque jour (10 000 depuis l'ouverture du centre). Leur moyenne d'âge est de 25 ans ; ce sont des hommes en majorité. Mais 12 % des réfugiés sont ici en famille et la proportion d'enfants est de l'ordre de 10 %.

Sangatte est une pause dans le cours de leur périple. Ils se restaurent, se reposent, se soignent parfois. Deux médecins se rendent sur place, chaque semaine, bénévolement ; une infirmière de la Croix Rouge est présente tous les matins. Les enfants suivent avec insouciance les habitants de la région qui consacrent un peu de temps pour jouer avec eux ou leur prodiguer quelques enseignements.

Mais ces personnes sont libres. Au bout de quelques heures ou de quelques jours, elles quittent le centre de Sangatte, à pied, rejoignent la route ou le port et cherchent à se cacher dans un camion en partance pour l'Angleterre. La pression et les tentatives d'intrusion sur le terminal Eurotunnel de Coquelles et le réseau fret de la SNCF est très forte, en particulier la nuit où les intrusions dans les remorques sont les plus fréquentes.

Alors, la preuve est faite de l'inanité du slogan « immigration zéro ». On estime qu'en moyenne, la population de Sangatte se renouvelle entièrement tous les 20 jours. Où sont les réfugiés ? En Angleterre, pour la plupart.

· Les personnes susceptibles d'être reconduites à la frontière ou expulsées sont transférés dans un centre de rétention situé à l'intérieur du commissariat de la police aux frontières (Coquelles).

La construction est récente (1998). Sa capacité d'accueil est de 37 places : 22 personnes étaient effectivement retenues le jour de la visite. Les conditions générales d'hébergement semblent, dans l'ensemble, acceptables ; un espace de « promenade », certes très réduit, a été aménagé.

Les locaux sont propres, mais peut-être n'est-ce pas le cas tous les jours... Car les services de police font allusion à une insuffisance des moyens en matière d'entretien courant et de nettoyage. Ils sont, de plus, inadaptés à l'accueil des familles et relativement exigus : la situation doit être particulièrement tendue lorsque le seuil d'occupation est au plus haut, ce qui était le cas à la fin de l'année 1999.

D'après les informations communiquées au rapporteur, le nombre de personnes retenues dans ce centre serait en augmentation constante : 261 en 1995, 421 en 1997, 1 562 en 1999, déjà 1 372 sur les huit premiers mois de l'année. Mais la situation semble avoir été extrême entre la fin du mois d'août 1999 et le mois de février 2000 : le nombre de personnes retenues dépassait alors le seuil des 200 par mois. Il est aujourd'hui revenu à un niveau plus « raisonnable », de l'ordre de 150 personnes par mois. La durée moyenne de la rétention est d'une centaine d'heures.

Sur les 1 372 personnes qui, depuis le début de l'année, ont fréquenté le centre de rétention :

-  26 faisaient l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction du territoire ; cinq d'entre elles n'ont pu être éloignées (refus de délivrance de laissez-passer) et ont fait l'objet d'une assignation à résidence ;

-  234 faisaient l'objet d'accords de réadmission ; 27 n'ont pu être éloignées ;

-  1 112 s'étaient vu notifier des arrêtés de reconduite à la frontière ; 680 ont été remises en liberté (218 au TGI, 195 en fin de rétention ou sur instruction de la préfecture, 188 pour refus de délivrance de laissez passer consulaire, 91 pour demande d'asile territorial en cours d'instruction, 35 au tribunal administratif, 9 à la cour d'appel, 3 pour assignation à résidence).

Le procureur de la République, que le rapporteur a rencontré, déplore l'insuffisance des moyens dont le parquet dispose pour faire face à cette situation. Par nécessité, ses efforts se concentrent sur les délits d'aide à l'émigration clandestine, dont le rapporteur a déjà présenté les principales caractéristiques (voir supra). Depuis le début de l'année, 292 personnes de 28 nationalités différentes (32,5 % de britanniques et 14 % de français) suspectées d'aide à la circulation d'étrangers ont été interpellées (+ 10 % par rapport à la même période de 1999). Une centaine ont été libérées (absence de preuves), 18 sont sous le coup d'une convocation à comparaître, 173 ont été condamnées (le plus souvent en comparution immédiate et à des peines allant de 2 à 18 mois de prison, assorties d'une interdiction du territoire de 3 à 5 ans). Les clandestins, selon leur pays d'origine et sa situation politique, paieraient entre 5 000 francs (départ de Turquie) et 150 000 francs (départ d'Afghanistan ou du Sri Lanka) pour un passage au Royaume Uni.

        b) Marseille

Situé dans le port autonome de Marseille, le centre de rétention d'Arenc occupe, depuis 1963, la partie supérieure d'un ancien hangar désaffecté datant de 1917 ; on y accède par un escalier en béton, abrupt, qui le longe jusqu'à la corniche supérieure, située à plus de douze mètres de hauteur. Le lieu est impressionnant : c'est un véritable blockhaus, qui semble dater d'une autre époque, et d'un autre régime.

Trente fonctionnaires de la direction départementale de la sécurité publique y travaillent, ainsi que cinq agents de la direction interrégionale de la police aux frontières, deux gestionnaires (dont un adjoint) et cinq femmes de service relevant du ministère de la justice.

Ce centre peut accueillir 58 personnes, dont 4, comme on l'a vu, en zone d'attente. Le jour de la visite, 15 personnes étaient effectivement en rétention (4 Algériens, 3 Tunisiens, 3 Turcs, 3 Roumains, un Marocain et un Hongrois). Les statistiques annuelles sont d'ailleurs relativement stables :

-  1 531 personnes hébergées en 1998 (dont 377 sortants de prison) ; 1 245 d'entre elles ont effectivement été éloignées ;

-  1 522 personnes en 1999 (dont 421 sortants de prison) ; 1 086 effectivement éloignées ;

-  1 337 personnes hébergées sur les neuf premiers mois de l'année 2000 (dont 276 sortants de prison) ; 1 009 effectivement éloignées.

40 à 50 % sont de nationalité algérienne, entre 15 et 20% tunisienne ou marocaine.

Par le passé, Arenc a souvent été stigmatisé et montré du doigt. Le Comité européen pour la prévention de la torture avait fait, en son temps, des observations sévères. Selon la Cimade : « Arenc est symptomatique du traitement infligé aux étrangers reconduits ».

Pourtant, aux dires même du représentant de cette association (qui dispose sur place d'un bureau pour s'entretenir avec les personnes retenues), les conditions de rétention ont été améliorées depuis quelques années. Quelques travaux de rénovation ont été engagés en 1998. Une antenne médicale permanente a été mise en place en septembre dernier (une infirmière à temps plein, deux postes de médecin à mi-temps dont l'un non pourvu ; le week-end, le centre fait appel aux services de SOS Médecins). Le nombre des incidents recensés (automutilations, grèves de la faim, prises d'otage, évasions...) semble en diminution.

Mais l'ensemble reste peu reluisant. Le manque d'espace est patent, autant d'ailleurs pour les personnes retenues que pour le personnel. Une promenade a bien été aménagée mais dans des conditions telles qu'elle n'est jamais utilisée : la Cimade évoque, non sans raison, « une cage d'une trentaine de m2 sur la plate-forme du hangar. (...) Son aspect enclos de zoo en ferait la honte du port et peut-être pour éviter qu'elle ne devienne la risée des Marseillais, il a été prudemment décidé de ne pas la mettre en service ». Une impression de confinement domine. Dans certaines chambres, 18 personnes peuvent coexister. C'est une prison, très dégradée. La literie est dans un état déplorable. Les personnes retenues n'ont rien d'autre à faire que d'attendre, et de tenter de plaider leur cause auprès de ceux qui passent dans le couloir.

Arenc ne se défera plus de sa réputation, qui est exécrable.

C'est la raison pour laquelle le ministère de l'intérieur, qui considère avec raison que : « Le site d'Arenc n'offre aucune possibilité d'amélioration significative », fait de son relogement une priorité. La mise en _uvre de ce projet serait programmée : un nouveau centre de rétention et une zone d'attente parfaitement distincte seront construits sur le site dit du « Canet », où seront également regroupés les services de la PAF.

Cela étant, la concrétisation de ce programme sera inévitablement longue : plusieurs années seront nécessaires avant que les nouveaux locaux ne soient aménagés. En conséquence, cette perspective ne saurait justifier l'absence d'amélioration à court terme : les conditions de rétention, à Arenc, ne sont pas humainement décentes. Le ministère de l'intérieur, qui admet que la confusion de la zone d'attente et du centre de rétention est en contradiction avec l'article 35 quinquies de l'ordonnance du 2 novembre 1945, semble surtout pressé de séparer de façon plus « étanche » ces deux structures. Mais cela ne suffit pas : on peut même se demander si, compte tenu de l'état des lieux, ce mélange n'est pas préférable dès lors qu'il permet à la Cimade d'avoir également accès aux personnes placées en zone d'attente.

        c) Le Palais de justice

« Quartier des hommes », « quartier des femmes » : les deux inscriptions se font face dans le hall d'entrée de ce grand bâtiment situé au rez-de-chaussée du Palais de justice de Paris, dans les murs de l'ancienne conciergerie. D'un côté comme de l'autre, une partie des locaux est réservée à la rétention, une autre à la détention ; mais la séparation est pratiquement artificielle du côté des femmes.

La capacité d'hébergement de ce centre de rétention est de 56 places, dont 14 pour des femmes. Le jour de la visite, 17 hommes et trois femmes étaient effectivement présents ().

· Dans la partie hommes, la Cimade dispose d'un bureau. Une infirmerie est ouverte en permanence : deux personnes s'y succèdent par tranches de 12 heures ; un médecin assure des rotations, le matin et le soir.

La première salle que l'on aperçoit, avant de pénétrer dans le centre lui-même, est appelée « zone d'attente ». Rien à voir, toutefois, avec les zones d'attente de l'article 35 quater : il s'agit d'une vaste pièce dans laquelle sont placés, pour la journée, des retenus du centre de Vincennes qui sont appelés à se présenter devant le juge. C'est un lieu où l'on ne reste, en principe, que quelques heures, en attendant l'audience. Mais l'attente se fait dans des conditions intolérables. C'est une geôle obscure, sans fenêtres ou presque, sans mobilier, si ce n'est quelques bancs le long du mur. Le sol est recouvert d'une eau stagnante, des plateaux repas inachevés traînent de ci de là... Des hommes sont regroupés dans un coin, ils sont Irakien, Bulgare, Algérien, Kurde, Chinois, Indien. Et puis c'est le drame : un Marocain s'effondre, entre larmes et crise de nerf... Cette personne, dont la seule faute serait d'être restée en France à l'issue de ses études, passerait sa troisième journée consécutive dans cet endroit sordide, avant d'être reconduite, chaque soir, à Vincennes. « La France, ce n'est pas ça ! ». Comment lui donner tort ?

Le centre de rétention proprement dit, quant à lui, a tout d'une prison, même si les retenus peuvent circuler librement dans son enceinte. Ils sont trois par chambre. Une salle de télévision a été aménagée, ainsi qu'un espace de promenade, mais il ne s'agit que d'une petite cour intérieure, sombre et peu attrayante.

Trois agents du ministère de la justice sont en charge, le jour, de la gestion « hôtelière » et de l'accueil ; trois fonctionnaires de police prennent le relais durant la nuit. Les effectifs, et la formation, seraient insuffisants.

Pourtant, dans ce centre où la plupart des retenus sont des sortants de prison, l'agressivité et la violence sont une réalité quotidienne. Et dans ce contexte, le rapporteur a été particulièrement sensible à une observation de la Cimade, formulée dans son rapport 1999, et demande à l'administration d'en tenir compte tout particulièrement : « La cohabitation de retenus travestis ou transsexuels avec des retenus sortant de prison est souvent très difficile et peut entraîner des altercations et des brimades. Aucun dispositif n'est pourtant prévu pour séparer ces deux populations ».

· Dans la partie femmes, le fonctionnement du centre est totalement différent. La gestion « hôtelière » et l'accueil sont assurés par des religieuses. Les locaux sont propres et les conditions de rétention passables. Le jour de la visite, trois femmes étaient placées, dans la même chambre, en rétention : une chinoise, une kosovare et une ghanéenne.

La Cimade dénonce le mélange des femmes retenues avec celles qui sont placées au dépôt en l'attente d'un jugement ou de toute autre procédure judiciaire. Elle fait état d'un manque d'information des personnes sur les droits dont elles disposent, et des faiblesses de l'interprétariat. En toute hypothèse, il est important que la proximité des personnes retenues et placées au dépôt (qui n'est pas telle que l'on puisse parler de « mélange », les cellules des unes et des autres étant séparées par un large couloir) ne soit pas utilisée comme un prétexte pour limiter l'accès des permanents associatifs aux femmes retenues.

        d) Choisy-le-Roi

Le centre de rétention de Choisy-le-Roi, implanté dans les locaux du commissariat, possède une capacité de 14 places : 12 hommes, répartis en trois chambres équipées chacune de deux lits superposés, et deux femmes. Plus de 1 000 personnes, dont environ 10 % de femmes, originaires pour la plupart de pays du Maghreb ou de l'Est de l'Europe, y séjournent chaque année (ce chiffre était de l'ordre de 2 500 il y a quelques années encore).

Les hommes, à plus de 80 %, sont des sortants de prison. Il semblerait qu'ils ne passent jamais plus de 48 heures à Choisy-le-Roi : présentés, au terme de ce délai et comme le prévoit la loi, au tribunal de grande instance, ils sont ensuite transférés, en cas de prorogation de leur rétention, au centre du Mesnil-Amelot.

Les femmes, en revanche, peuvent passer l'intégralité de leur rétention, soit 12 jours au plus, à Choisy-le-Roi, le centre du Mesnil-Amelot n'accueillant qu'une population masculine.

Les retenus ne disposent d'aucun accès extérieur : la promenade se limite à une triste déambulation dans le petit couloir qui longe ce qu'il faut bien appeler des « cellules ». Les locaux sont confinés. L'état des sanitaires est totalement inacceptable. Aucune présence médicale permanente n'a été instituée : en cas de besoin, les personnels de surveillance apprécient s'il y a lieu ou non de faire appel aux sapeurs-pompiers voire, le cas échéant, d'envisager un transfert à l'hôpital.

Les responsables du centre précisent, toutefois, que les visites des familles, des avocats, voire des associations d'aide aux étrangers sont libres de 9 heures à midi et de 14 heures à 17 heures. La Cimade affirme, pourtant, que l'accès à ce centre de rétention lui a été refusé.

Ce lieu est totalement inadapté à sa fonction. Il faut le fermer, dans les plus brefs délais.

        e) Bobigny

La capacité d'accueil du centre de rétention de Bobigny est de trente places, dont six pour les femmes. Dix hommes et deux femmes étaient effectivement retenus le jour de la visite. Plus de 1 000 personnes (dont 10 % sortent de prison) séjournent chaque année dans ce centre. Comme à Choisy-le-roi, les hommes n'y passent en principe pas plus de 48 heures, puis ils sont transférés, s'il y a lieu, au centre du Mesnil-Amelot. Les femmes, en revanche, peuvent y passer l'intégralité de leur rétention.

Implanté dans l'entresol du commissariat, il est sombre, confiné. Il n'y a pas d'espace de promenade, aucune antenne médicale, la Cimade est absente. L'ensemble est très dégradé. L'insalubrité et la promiscuité des « cellules » sont intolérables. Les murs sont couverts de graffitis. On entend, en permanence, les aboiements des chiens de la brigade canine...

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que ce centre ait la plus mauvaise des réputations : la Cimade a dénoncé, en particulier, par le passé, une absence d'information en ce qui concerne les droits des personnes retenues. Rien ne permet de confirmer ces accusations : elles datent, d'ailleurs, de plusieurs années. Mais les locaux prêtent au soupçon.

Sans doute, ce constat de délabrement vaut-il pour le commissariat dans son ensemble, qui est installé, depuis des dizaines d'années, dans des bâtiments préfabriqués, provisoires. La construction d'un nouvel hôtel de police et dans ce cadre, d'un centre de rétention adapté, est d'ailleurs programmée.

Mais la fermeture de ce sous-sol sordide ne peut attendre la réalisation de ce projet. De tous les centres de rétention que le rapporteur a visités, celui-ci est sans doute le pire. Les conditions de travail des deux fonctionnaires débutants qu'il a rencontrés sur les lieux sont particulièrement pénibles.

        4. Conclusion et perspectives

Les recommandations que l'on peut formuler à l'issue de ces visites des centres de rétention rejoignent, pour partie, celles qui ont déjà été formulées pour les zones d'attente. Si la circulaire précitée du 7 décembre 1999 (n° 99/677) a déjà amélioré les conditions sanitaires qui prévalent dans ces lieux, il convient d'être plus exigeant et partant, plus ambitieux.

· Il faut, tout d'abord, engager un vaste plan de rénovation des structures existantes. Certaines, comme on l'a vu, ne sont plus en état d'être aménagées : elles doivent cesser toute activité. Les délais inhérents aux projets immobiliers ne sont pas opposables : la France a les moyens, si elle le veut, de mettre fin dans l'urgence aux situations les plus intolérables.

· Il convient, également, d'encourager la présence d'observateurs extérieurs : celle des parlementaires ; celle du Procureur de la République qui est également tenu, désormais, de les visiter au moins une fois par semestre ; celle des associations.

· Sur le plan du droit, il a déjà été indiqué que l'absence de cadre réglementaire en matière de rétention favorisait des inégalités de traitement entre les étrangers concernés, notamment en ce qui concerne les conditions de leur hébergement et de leur accompagnement juridique et social. C'est la raison pour laquelle M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur, avait demandé, en 1997, à M. Jean-Claude Karsenty, Inspecteur général de l'administration, de lui remettre un rapport sur le fonctionnement de ces structures et les améliorations à apporter à leur statut juridique.

Dans ce cadre, de très nombreuses propositions ont été avancées, sur les modalités de création des centres, leur fonctionnement, leur encadrement, leur mode de gestion... Mais le « rapport Karsenty » n'a malheureusement pas été rendu public. Il est avéré, toutefois, qu'il concluait à la nécessité de définir les conditions d'ouverture des lieux de rétention administrative sur le fondement des orientations suivantes : création des « centres » par arrêté du ministre de l'intérieur ; officialisation des « locaux » (102 sites répertoriés) ; interdiction de maintenir une personne dans un tel local plus de 24 heures, c'est-à-dire uniquement le temps d'organiser son transfert vers un centre de rétention.

Or, un projet de décret a été élaboré par le ministère de l'intérieur, en concertation avec les autres départements ministériels, mais sur des bases assez différentes de celles préconisées par le rapport Karsenty. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a été saisie au mois de janvier 2000 et a clairement indiqué, dans son avis rendu le 2 mars dernier, qu'« elle n'adhère pas sans réserves à l'avant projet de décret ». Celui-ci lui semblait encourir trois critiques majeures :

-  le placement dans les « centres » et les « locaux » de rétention ne saurait être indifférencié : l'accueil dans les locaux de rétention doit être considéré comme une formule exceptionnelle ;

-  le rôle de l'autorité judiciaire doit être renforcé. Tout local de rétention doit être accessible au juge de la rétention (ainsi qu'aux représentants des associations) ;

-  le délai de trois ans prévu pour mettre les divers lieux de rétention en conformité avec l'arrêté ministériel est « tout à fait excessif ».

Consécutivement, un nouveau projet de décret, à dire vrai peu différent de la version initiale, a été soumis, récemment, au Conseil d'Etat, qui l'a, de nouveau, profondément remanié. Le Conseil d'Etat a recommandé, en effet : que les « centres » de rétention soient créés par arrêté ministériel ; que les « locaux » de rétention, désignés par arrêté préfectoral, ne puissent être utilisés que pour une durée maximale de quarante-huit heures, « lorsque les circonstances de temps ou de lieu font obstacle au placement immédiat » dans un centre de rétention ; que les structures existantes soient mises en conformité avec l'arrêté qui fixera « la liste des équipements nécessaires à l'hébergement dans des conditions satisfaisantes » avant le 1e janvier 2002.

Il reste, au Gouvernement, à apprécier la portée de ces différentes observations. Mais le spectacle désolant de ces « prisons » pour étrangers que sont les centres de rétention incite à juger pertinents les principes suivants : la publicité de la liste non seulement des centres mais également des locaux de rétention ; la fixation d'une durée maximale pour le maintien dans un local de rétention (24 ou 48 heures) ; l'inscription dans le décret d'un délai assez bref pour la mise en conformité des structures existantes (avant le 1er janvier 2002).

Au total, il s'agit, pour la France, de comprendre qu'une politique de lutte contre l'immigration clandestine, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait justifier un reniement des principes qui font la grandeur de notre pays : la dignité de l'homme, le respect de son intégrité morale et physique, l'humanité.

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* *

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à l'audition de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le compte rendu de cette audition sera publié au Journal officiel - débats parlementaires en annexe au compte rendu intégral des séances du mercredi 15 novembre 2000.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'intérieur pour 2001 : police.

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS
PAR LE RAPPORTEUR

- Chartres (20 septembre 2000) : analyse de l'évolution de la délinquance dans la circonscription ; étude d'un projet de mise en place de la police de proximité (quartier de Beaulieu, 2ème phase) ; visite de l'hôtel de police.

- Calais (11 octobre 2000) : étude des dispositifs de contrôle et de traitement des étrangers en situation irrégulière à la gare et au port de Calais ; visite du centre d'hébergement de Sangatte, puis du centre de rétention de Coquelles.

- Marseille (12 et 13 octobre 2000) : visite de la zone d'attente de l'aéroport (Marseille-Provence), puis du centre de rétention d'Arenc ; journée de travail au Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Marseille : état de la grande délinquance dans la circonscription, activité du SRPJ, budget, visite des locaux.

- Vienne (16 octobre 2000) : étude d'un projet de mise en place de la police de proximité (2ème phase) ; analyse d'une réorganisation territoriale entre la police et la gendarmerie nationales (transfert de la commune de Pont Evêque à la police nationale) ; visite des postes de police du quartier est de Malissol et du quartier nord du grand Estressin (projet de réouverture).

- Roissy (18 octobre 2000) : visite de la zone d'attente n° 1 et des postes de police des terminaux 2A et F.

- Palais de justice (19 octobre 2000) : visite du centre de rétention.

- Gare du Nord (19 octobre 2000) : visite de la zone d'attente.

- Choisy le Roi (24 octobre 2000) : visite du centre de rétention, puis du commissariat (état de la délinquance dans la circonscription, analyse des moyens de la police, police de proximité).

- Bobigny (25 octobre 2000) : visite du centre de rétention, puis du commissariat (état de la délinquance dans la circonscription, analyse des moyens de la police, police de proximité).

PERSONNES ET ORGANISATIONS ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR

· Organisations syndicales

- Syndicat des commissaires de police et des hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), représenté par M. André-Michel VENTRE, Secrétaire général.

- Synergie Officiers, représenté par MM. Bruno BESCHIZZA, Secrétaire général, et Patrick MAUDUIT, membre du bureau national.

- Syndicat national indépendant et professionnel des CRS (SNIP), représenté par MM. Joaquin MASANET, Secrétaire général (et Secrétaire général de l'UNSA-Police), et Alain ALBERT, Secrétaire national.

- Alliance, représenté par MM. Gérard BOYER, Secrétaire général, et Jean-Luc GARNIER, Secrétaire général adjoint.

- Syndicat national des policiers en tenue (SNPT), représenté par MM. Charles MANDES et Marc ASSET, Secrétaires nationaux.

- Syndicat national des officiers de police (SNOP), représenté par MM. Michel ALBIN, Secrétaire général, Jean-Michel TOULLEC, Secrétaire général adjoint, et Alain PILATER, Trésorier national.

- Syndicat de la police nationale Conception et Direction (SPCD), représenté par MM. Gérard MUNAUT, Secrétaire général, et Joël VAVASSEUR.

· Ministère de l'intérieur

- MM. Pierre BESNARD, Jacques MERIC et Rémy RIOUX, Conseillers techniques au cabinet du ministre, et M. Claude d'HARCOURT, Directeur de la programmation, des affaires financières et immobilières.

- MM. Patrice BERGOUGNOUX, Directeur général de la police nationale, Patrick QUINQUETON, Conseiller auprès du Directeur général, et Jacques LAISNE, Directeur de l'administration de la police nationale.

- M. Jean-Marie DELARUE, Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques.

· Ministère de l'emploi et de la solidarité

- M. Jean GAEREMYNCK, Directeur de la population et des migrations.

· Associations

- M. Laurent GIOVANNONI, coordinateur du service de la défense des étrangers reconduits à la Cimade, M. Jérome MARTINEZ et Mlle Laurence TAVERNIER.

- M. Patrick DELOUVIN, responsable du service réfugiés d'Amnesty international section française.

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N° 2628.- Rapport de M. Louis Mermaz, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2001.- Tome II : Intérieur et décentralisation - Police.

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() 144 millions de francs sur le chapitre 31-42 (138 millions de francs pour les personnels actifs et 6 millions de francs pour les personnels administratifs) et 16 millions de francs sur le chapitre 34-41 (au titre des mesures statutaires diverses).

() Pour un descriptif complet du régime indemnitaire de la police nationale, on pourra se reporter au dernier rapport de la Cour des comptes sur la Fonction publique (Décembre 1999, pages 315 et suivantes). On rappellera que la principale indemnité est l'indemnité de sujétions spéciales (ISPP), qui est versée à tous les agents quel que soit leur grade et leur affectation géographique ou fonctionnelle. Elle représente, en moyenne, 20 % du traitement brut. Intégrée dans la rémunération servant au calcul des retenues et des droits à pension, elle majore les pensions des personnels à due proportion.

() L'article 10 regroupe les indemnités des personnels actifs (soit 5,3 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000) et l'article 30 des personnels administratifs (193,9 millions de francs).

() Versée aux fonctionnaires affectés sur le ressort du SGAP de Versailles et Paris, elle concerne environ 45 000 fonctionnaires et représente un montant annuel de l'ordre de 6 750 francs. Son coût serait de 305,5 millions de francs en 2000.

() Attribuée à 35 000 fonctionnaires actifs affectés à Paris et dans les départements de la petite couronne, son taux annuel est de 1 111,11 francs ou de 2 388,65 francs selon le grade et l'échelon.

() D'un montant de 1 000 francs par an, elle concerne environ 11 000 fonctionnaires du corps, affectés et domiciliés dans le ressort géographique du SGAP de Paris, ou affectés sur le SGAP de Paris mais logés par l'administration en dehors de son aire territoriale depuis le décret n° 99-1051 du 15 décembre 1999. Son coût était de 10,56 millions de francs en 1999.

() La gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 (7 juillet 1999) de la Mission d'évaluation et de contrôle, page 25.

() La limite d'âge est fixée à 55 ans pour la quasi totalité des personnels. De plus, la règle dite de la « bonification du cinquième » permet aux agents de prétendre à une retraite dès 50 ans s'ils justifient de 25 années de service.

() Réalisée par quatre décrets du 9 mai 1995 et entrée en vigueur le 1er septembre suivant, cette réforme se caractérise par la suppression de la dualité corps en civil / corps en tenue et par la substitution d'une structure pyramidale en trois corps et non plus en cinq : le corps de « conception et direction » composé des commissaires de police ; de « commandement et encadrement » (par fusion des corps des inspecteurs de police, des commandants et officiers de la paix) composé des officiers de police ; de « maîtrise et application » décliné en gardien de la paix, brigadier et brigadier-major (réunion des anciens corps des enquêteurs et des gradés et gardiens de la paix). La réforme comporte un repyramidage afin d'entraîner la déflation des deux premiers corps au profit du troisième.

() Dans son dernier rapport sur la Fonction publique de l'Etat (Décembre 1999, op. cit., page 193), la Cour des comptes rappelle que : « Le coût moyen d'un policier actif étant supérieur d'au moins 50 % en moyenne à celui d'un membre des corps administratifs de même catégorie, le ministère de l'intérieur se prive de marges de man_uvre considérables en maintenant des policiers actifs dans des tâches administratives ».

() Annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 (7 juillet 1999) de la Mission d'évaluation et de contrôle, op. cit., page 23.

() Rapport n° 2682, 26 octobre 2000.

() Annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 (7 juillet 1999) de la Mission d'évaluation et de contrôle, op. cit., page 24.

() Annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 (7 juillet 1999) de la Mission d'évaluation et de contrôle, op. cit., page 26.

() Annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 (7 juillet 1999) de la Mission d'évaluation et de contrôle, op. cit., page 27.

() A Marseille, le niveau d'identifications sur le fichier Canonge a atteint, en 1999, 697 individus, pour un total de 3 701 consultations, ce qui fixe le coefficient de réussite à 5,3 (une identification toutes les cinq consultations). Pour les six premiers mois de l'année en cours, le service compte 2 373 identifications pour 1 850 consultations.

() Au 10 août 2000, 415 CLS étaient signés, dont 132 intercommunaux et 12 spécifiques aux problèmes des transports ; 296 sont en cours d'élaboration, dont 62 intercommunaux et 5 relatifs aux transports. Abordant de nombreux aspects (actions de police de proximité, prévention de la délinquance et de la récidive, aide aux victimes, médiation pénale...), ils associent un nombre croissant de partenaires (représentants de l'Etat, élus, mais aussi sociétés de transports en commun, bailleurs sociaux, commerçants...).

() Les accords de Schengen du 14 juin 1985 et du 19 juin 1990 (entrés en vigueur le 26 mars 1995) ont été signés par treize Etats membres de l'Union européenne : la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Italie, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, l'Autriche, la Suède et la Finlande. L'Islande et la Norvège sont liées par des accords de coopération.

() Les associations habilitées sont, à ce jour : Amnesty international section française, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), la Cimade (Service _cuménique d'entraide), la Croix-Rouge française, France terre d'asile et Médecins sans frontières.

() En 1999 et dans l'ordre décroissant, les demandeurs d'asile provenaient de : Sierra Leone (1 026), Congo RDC (612), Rwanda (488), Inde (373), Irak (264), Afghanistan (247), d'origine palestinienne (238), Congo (198), Soudan (159), Sri Lanka et Nigéria (154), Somalie (137).

() La construction de cette nouvelle zone d'attente aurait pu permettre de faire usage de la disposition, prévue au paragraphe III de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui permet au président du TGI ou au magistrat du siège délégué par lui, pour apprécier les demandes de maintien en zone d'attente, de statuer publiquement « dans une salle d'audience spécialement aménagée sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire », afin d'éviter des transferts incessants et coûteux en termes d'effectifs de police entre Roissy et le tribunal de Bobigny. Il semble que cette réorganisation de bon sens des procédures, prévue jusque dans les plans de construction de la nouvelle zone d'attente, soit abandonnée... au moins pour un temps.

() Calais, Hendaye, Le Mesnil-Amelot (Défense), Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris (Vincennes et palais de justice), Rivesaltes (Défense), Rouen, Sète, Strasbourg (Défense), Toulouse, Le Morne-Vergain (Guadeloupe), Cayenne (Guyane) et Le Chaudron (La Réunion).

() Il s'agit de : Bobigny, Bordeaux, Palaiseau et Plaisir.

() En détention, la capacité d'accueil est de 111 hommes, dont 6 mineurs, et 29 femmes. Le jour de la visite, 25 hommes, dont 6 mineurs, et 5 femmes étaient effectivement présents.