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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 5 bis

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 Octobre 2000

(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Audition, en présence de la presse, de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, sur les crédits de son ministère pour 2001. Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606) Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2606)

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La commission des affaires culturelles familiales et sociales a entendu M. Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, sur les crédits de son ministère pour 2001.

M. Jean Le Garrec, président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants.

Monsieur le ministre, je suis très heureux de vous recevoir en audition publique. Tout d'abord, parce que les problèmes des anciens combattants intéressent l'ensemble des députés, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité. Ensuite, nous avons tout à fait conscience qu'en liaison avec la majorité, vous avez réalisé depuis trois ans un excellent travail. Enfin, vous vous trouvez dans une situation particulière, car malgré des mesures nouvelles intéressantes, par le seul effet démographique, la lecture de votre budget ne rend pas compte de sa qualité.

Je vous propose de nous faire une brève présentation de votre budget, puis nous passerons à la phase des questions et réponses.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants : Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, vous avez pris connaissance de ce budget, vous avez donc pu observer que, sur le principe, il répond aux engagements souscrits au moment de l'insertion du département ministériel des anciens combattants dans celui de la défense.

Ce budget exprime la reconnaissance du pays à l'égard de celles et de ceux qui se sont engagés, qui ont accepté de répondre à l'appel de la Nation, qui ont accepté que leur destin individuel s'efface devant le destin supérieur de la France. Depuis l'origine, la France a marqué sa reconnaissance envers le monde combattant - j'utilise plus volontiers l'expression "monde combattant" plutôt que celle d' « anciens combattants » qui marque une forme d'exclusion -, et ce budget respecte totalement le droit à réparation ; vous y retrouvez tous les engagements que nous avons pris.

En outre, de nouvelles mesures ont été prises dans le domaine des droits à réparation, de la solidarité et de la mémoire. Tout d'abord, deux dispositions concernant les combattants d'Afrique du Nord : d'une part, l'attribution de la carte aux rappelés ; d'autre part, le titre de reconnaissance de la nation (TRN) sera attribué à nos soldats qui ont stationné en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 - la même disposition étant accordée aux anciens combattants d'Indochine jusqu'en octobre 1957.

Ensuite, une autre mesure réduit le contentieux relatif à la situation des plus grands invalides, dont certains enregistrent une différence de traitement à un moment donné. Cet écart a été partiellement comblé l'an dernier, il est encore réduit cette année ; le dossier sera définitivement réglé dans le cadre de la loi de finances pour 2002.

Enfin, une mesure nouvelle concerne la rente mutualiste dont le plafond continuera à être réévalué ; nous serons à 110 points en 2001, alors que nous sommes partis de 92 points.

En matière de solidarité, le budget concrétise la montée en puissance de l'ONAC : les subventions de fonctionnement augmentent de 7 millions de francs, les subventions sociales de 3 millions de francs. On y trouve également d'autres mesures nouvelles de fonctionnement, notamment pour recruter des assistantes sociales dans les départements qui en sont encore dépourvus. Sont également prévues des mesures d'investissement au bénéfice de l'ONAC, pour ses maisons de retraite ; nous avons la volonté de remettre les dix maisons restantes aux normes. Dans le même temps, nous développons une politique de labellisation avec des collectivités territoriales ou des investisseurs privés.

Dans le domaine de la mémoire, un effort important a été réalisé : nous observons un doublement par rapport à 2000. Cette politique de mémoire est importante et vous l'avez tous noté dans vos départements. Elle doit servir à la construction de la citoyenneté et aux valeurs de la République. Cette politique prendra pleinement ses effets si une bonne coopération se réalise entre les moyens de l'Etat et ceux des collectivités territoriales. C'est d'ailleurs moins l'argent des conseils régionaux et généraux qui m'intéresse - mis à part les politiques de contrat plan Etat-région - que la responsabilité citoyenne des élus locaux au service de ce travail de mémoire et de citoyenneté.

Ce budget diminue - vous l'avez noté, monsieur le président - par l'effet démographique ; le monde combattant avance en âge, les pensionnés de la Seconde Guerre mondiale disparaissent. Ainsi, des masses budgétaires sont libérées. D'aucuns souhaiteraient qu'elles soient totalement réaffectées pour régler des contentieux qui sont encore ouverts et qui le resteront encore un certain temps. Si je ne suis pas parvenu à maintenir le budget - au moins en francs constants -, il diminue cependant moins vite que les autres années. 970 millions de francs ont été libérés, mais 660 ont été réaffectés pour prendre en compte l'augmentation du poste "retraite du combattant" et pour financer les mesures nouvelles que j'ai évoquées.

Les chiffres peuvent être analysés de différentes manières. Si l'on divise, d'une année sur l'autre, les crédits "droit à réparation" par le nombre d'anciens combattants pouvant prétendre aux droits à réparation, l'on observe que la part par tête augmente régulièrement. Il ne faut pas en déduire que les pouvoirs publics répondent à la totalité des revendications du monde combattant ; des contentieux existent toujours. Mais les questions qui restent en suspens vont être évoquées par les députés ; on parle en effet rarement des bonnes nouvelles, alors que l'on n'oublie jamais d'évoquer les problèmes !

M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis : Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence, aujourd'hui, devant la commission.

Le projet de budget pour 2001 que vous venez de nous présenter est d'une meilleure facture que les précédents, même s'il demeure médiocre puisqu'il enregistre une nouvelle baisse des crédits de 1,32 % par rapport à l'exercice 2000. Cela signifie que la demande solennelle, à laquelle je m'étais associé, initiée par M. Jean-Pierre Kucheida et les parlementaires socialistes du Nord-Pas-de-Calais et tendant "à ce que le budget des anciens combattants reste identique en francs constants, d'une année sur l'autre, afin que soit apportée une solution aux problèmes non résolus à ce jour", n'a pas été entendue.

En effet, monsieur le ministre, si tous les problèmes étaient résolus, nous pourrions raisonner comme vous le faites : s'il n'y avait plus de droits à réparation à réparer, et parce que le nombre des anciens combattants diminue, nous pourrions utiliser l'argent à autre chose. Mais tel n'est pas le cas. Et cela est d'autant moins compréhensible que l'accroissement des recettes fiscales que connaît actuellement notre pays permettrait de satisfaire les légitimes revendications du monde combattant, sans pour autant obérer les finances publiques.

C'est la raison pour laquelle, sans méconnaître l'importance des mesures nouvelles, il m'apparaît souhaitable de rappeler les principales entorses au droit imprescriptible à réparation dont sont titulaires les anciens combattants. Je tiens également à vous dire que cette communication résulte d'un travail d'écoute et de concertation mené avec l'ensemble des associations combattantes et au sein des conseils parlementaires de l'UFAC et de la FNACA.

Il s'agit tout d'abord de mettre un terme à une injustice à l'égard des plus grands invalides, constituée par le gel de leur pension. Une première mesure est intervenue à l'occasion de la précédente loi de finances, à hauteur de 15 millions de francs. Une nouvelle étape, dans le rattrapage de la valeur du point de pension militaire d'invalidité est inscrite à l'article 52 du projet de loi de finances 2001, à hauteur de 21 millions de francs. Il est impérieux d'arriver à un rattrapage intégral dès cette année, ce qui nécessite un crédit supplémentaire estimé à 32 millions de francs.

Il s'agit, ensuite, de faire droit à la demande que j'avais déjà présentée l'an dernier et qui est indispensable pour rendre justice à la génération des anciens combattants d'Afrique du Nord - après les atermoiements des différents gouvernements au sujet de la retraite anticipée dont on ne parle plus -, à savoir le versement de la retraite du combattant à compter de l'âge de 60 ans. Je rappelle pour mémoire que le montant de cette retraite versée aux titulaires de la carte du combattant s'élève à 2 688 francs par an, ce qui témoigne de la modestie de cette proposition.

Il m'apparaît enfin nécessaire de plaider en faveur d'un relèvement plus substantiel du plafond de la rente mutualiste. Je note le passage de 105 à 110 points, inscrit à l'article 53 du projet de loi de finances, mais c'est à 130 points qu'il conviendrait d'aboutir en fin de législature : chiffre qui correspond à un compromis entre la valeur actuelle et celle qui est obtenue en prenant comme référence son niveau d'origine. Il conviendrait donc de passer, dès cette année, à 120 points.

J'évoquerai également trois points fondamentaux touchant à notre histoire et à la mémoire que nous devons tous entretenir à l'égard des anciens combattants et sur lesquels je souhaite que vous nous fassiez part de votre sentiment, Monsieur le ministre.

Je ne peux tout d'abord passer sous silence le maintien de la cristallisation des pensions servies aux combattants, ressortissants des Etats anciennement sous souveraineté française, et tout particulièrement la forclusion intervenue en 1995 des droits nouveaux en matière de pension des veuves de grands invalides, de droit de demander la prise en compte d'une aggravation du handicap ou de retraite du combattant.

Je considère ensuite que la mesure de réparation créée par le décret n° 2000-657, du 13 juillet 2000, à l'égard des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites - qui est une bonne mesure - doit être étendue à l'ensemble des orphelins dont les parents étaient juifs - je pense notamment aux orphelins de résistants juifs -, et en général à tous les orphelins de guerre. Il s'agit là d'un problème d'éthique. Il n'est pas possible, sur un sujet aussi douloureux et sensible, d'opérer une distinction parmi les victimes. Il s'agit là d'une mesure de justice sur laquelle j'attire particulièrement votre attention, car sans généralisation de cette mesure, nous donnerions prétexte à une montée de sentiments antisémites totalement condamnables.

La large concertation que j'ai menée auprès des associations combattantes m'amène à vous indiquer qu'en absence des avancées minimales que représentent le rattrapage intégral pour les pensions des plus grands invalides et la généralisation de la retraite du combattant dès 60 ans, ce projet de budget est inacceptable en l'état. C'est la raison pour laquelle, si le Gouvernement n'est pas prêt à satisfaire ce droit à réparation élémentaire, je proposerai à la commission de repousser ce budget afin que Bercy et le Premier ministre soient conscients de notre détermination. C'est donc bien, Monsieur le ministre, une aide que nous voulons vous apporter et non pas un ennui supplémentaire.

Enfin, dans la perspective du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, je me dois de vous interroger sur le choix d'une date commémorative de ce conflit.

M. François Rochebloine : Monsieur le ministre, je vous remercie à mon tour d'avoir accepté de venir vous exprimer devant la commission, je salue votre sens du dialogue et votre franchise.

Bien entendu, je regrette que le budget diminue de 1,32 %, toutefois, vous l'avez signalé, il diminue moins vite que les années précédentes. Ma première question concerne les crédits non utilisés sur le budget précédent : quel est le montant de ces crédits ?

Ma deuxième question est relative à la carte du combattant. Cette mesure concerne-t-elle uniquement l'Algérie ou l'ensemble de l'Afrique du Nord ? Par ailleurs, les rappelés qui ont effectué moins de quatre mois mais qui avaient déjà effectué auparavant un temps en Algérie - disons huit mois - ne pourront pas bénéficier de cette mesure, ni dans le cadre des rappelés, ni dans le cadre des douze mois, alors que votre proposition - rejetée par le Conseil d'Etat - du coefficient trois leur permettait d'obtenir la carte du combattant.

S'agissant du TRN, je suis satisfait des dates que vous avez annoncées : entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 pour l'Algérie et jusqu'en octobre 1957 pour les anciens combattants d'Indochine.

En ce qui concerne la rente mutualiste, pourriez-vous nous préciser le montant correspondant à cinq points supplémentaires ?

Au sujet des grands invalides, je regrette que l'on ne termine pas cette année l'opération - il reste une vingtaine de millions pour l'année prochaine. Vous aviez émis le souhait, l'année dernière, de régler ce problème en une seule fois. Lors de l'assemblée générale de l'UFAC vous aviez même fait appel aux parlementaires pour que nous vous aidions.

En ce qui concerne l'abaissement de l'âge de la retraite du combattant, suite au refus des gouvernements successifs d'accepter l'idée d'une retraite anticipée, il aurait été intéressant d'inscrire, cette année, une première étape dans le projet de budget à 63 ans.

S'agissant du rapport constant, allons-nous enfin déboucher sur une proposition acceptable pour tous et incontestable ?

Quant au problème des veuves - nous comptons trois catégories de veuves : les veuves d'anciens combattants ressortissants de l'ONAC, les veuves des grands invalides et les veuves de guerre -, rien n'est proposé sur les reversions de pension. Nous déposerons donc des amendements à ce sujet. Mais quelles sont vos propositions en ce qui concerne ces trois catégories de veuves ? Envisagez-vous la création de groupes de travail pour faire avancer les choses ?

En ce qui concerne la cristallisation, la Cour des comptes vous a donné tort dans votre refus d'une décristallisation. Etes-vous prêt à accepter la levée des forclusions ?

S'agissant du code de la mutualité, que pensez-vous de cette réforme par ordonnances ?

Je voudrais également revenir sur la mesure concernant les orphelins de parents déportés, victimes de persécutions antisémites, pour m'associer aux propos de notre rapporteur. Cette mesure doit être étendue à l'ensemble des orphelins ; je vous rappelle tout de même le montant : un capital de 180 000 francs ou 3 000 francs par mois en rente viagère.

Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser le lieu du futur mémorial d'AFN, la date de sa réalisation et celle de son inauguration ?

Des rumeurs circulent selon lesquelles l'ONAC pourrait hériter de la gestion de la retraite du combattant ; qu'en est-il réellement ?

Pourquoi la part réservée à la mémoire dans les crédits ONAC est-elle en diminution ?

Enfin, s'agissant du fonds de solidarité, ne serait-il pas possible de l'étendre au monde combattant commerçant ?

M. Alain Néri : Monsieur le ministre, cette année nos collègues sont unanimes : ce budget est en amélioration. Certes, il baisse, mais il baisse moins vite que les années précédentes. Donnons quelques chiffres : une baisse de 1,32 % par rapport à la loi de finances 2000, un budget de 23,771 milliards de francs et une baisse démographique d'environ 4 %.

Ne nous jetons pas les chiffres à la figure et regardons la réalité en face : tous les problèmes ne sont pas résolus, mais depuis 1997 le Gouvernement, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et la majorité qui les soutient ont réalisé un certain nombre d'avancées que certains, au cours des années précédentes, auraient eu beaucoup de plaisir à réaliser !

Sans reprendre toutes les mesures, je rappellerai que le problème de la carte du combattant pour les anciens d'AFN est pratiquement réglé ; nous sommes unanimes à dire qu'après avoir obtenu la carte du combattant pour 18 mois de présence en Afrique du Nord, puis 15, et enfin 12, nous nous en tiendrons là. Le problème est donc réglé. Restait le problème des rappelés que nous abordons cette année ; et nous le réglons de façon équitable en affectant un coefficient trois au temps de séjour en Algérie : ceux qui auront effectué quatre mois bénéficieront ainsi de la carte du combattant. Par ailleurs, nous tenons à affirmer que cela s'adresse à tous les rappelés et pas uniquement à ceux de 1956.

En ce qui concerne le problème du TRN, nous avons débouché cette année, après réflexion, sur la date du 2 juillet 1964 pour les anciens d'Algérie, ce qui prend en compte leur revendication. Je pense donc que la méthode de travail est bonne et le résultat satisfaisant. Rappelons que le fait de bénéficier du TRN ouvre le droit à cotiser à la retraite mutualiste.

Pour ce qui concerne le plafond de cette retraite mutualiste, je rappellerai que lorsque les socialistes sont revenus au gouvernement en 1997, le montant du plafond de la rente mutualiste était calculé non pas en points d'indice mais en francs. Nous devions donc, chaque année, le réévaluer. Nous avons alors pris une première mesure en transformant le plafond de la rente mutualiste en points d'indice, puis nous avons porté ce plafond, dès le budget 1998, à 95 points. En 1999, il était à 100 points, et cette année à 110 - le coût de la mesure étant de 13 millions de francs.

Il s'agit donc, me semble-t-il, d'un ensemble de mesures positives, puisque nous arrivons à 260 millions de francs de mesures nouvelles, parmi lesquelles le dégel des pensions des grands invalides.

Monsieur le ministre, le groupe socialiste a un certain nombre de propositions à formuler. Ce budget peut, en effet, être amélioré, et il sera de notre devoir de le faire lors de la discussion budgétaire.

Un problème nous choque particulièrement : celui de la cristallisation. La France ne s'honore pas beaucoup de traiter ses anciens combattants originaires des territoires d'outre-mer de cette façon. Monsieur le ministre, votre budget ne comporte pas de mesures de décristallisation ; or il serait bon de donner un élan en direction de cette décristallisation et en particulier de prendre une mesure permettant, dès cette année, la levée de la forclusion. Le groupe socialiste déposera un amendement en ce sens et a chiffré cette mesure à 6,5 millions de francs. Mesure qui concerne environ 11 000 personnes au Maghreb et 3 000 dans les autres territoires.

Autre point choquant : la retraite du combattant à 65 ans. Nous aurions souhaité, nous aussi, que cette retraite leur soit versée dès 60 ans. Son montant s'élève à 2 688 francs et pour certains cette somme n'est pas négligeable. Nous vous proposons donc d'abonder les crédits sociaux de l'ONAC de 15 millions de francs, dont 5 millions pour les veuves. Notre idée est de créer une sorte de fonds de solidarité, même si je sais bien qu'il ne faut pas mélanger le droit à réparation et la solidarité. Cependant, étant donné que cette proposition concerne en particulier des personnes en situation précaire, nous ne parlons pas de droit à réparation mais bien de solidarité. Ces 15 millions de francs seraient mis à disposition des commissions sociales départementales de l'ONAC qui pourraient ainsi prendre en compte la situation des plus démunis.

En ce qui concerne les orphelins, je partage bien entendu les propos qui ont été tenus ; nous ne pouvons pas faire de discrimination entre les orphelins de guerre.

Enfin, Monsieur le ministre, sachez que le groupe socialiste fera une proposition avant la fin de l'année 2000 pour ce qui concerne la date commémorative de la guerre d'Algérie.

M. Jean-Pierre Baeumler : Monsieur le ministre, j'aurais pu également saluer toutes les dispositions nouvelles figurant dans ce budget 2001 qui trouvent place dans un ensemble de mesures politiques conduites depuis 1997 dont nous pouvons être fiers et qui constituent autant de satisfactions données au monde combattant.

Mon propos ne portera que sur un seul point, le problème du contentieux alsacien-mosellan. En 1998, vous aviez fait établir un document de travail comportant treize dossiers restés en suspens que vous vous engagiez à prendre en considération. Un certain nombre de ces dossiers sont d'ores et déjà à l'étude, notamment celui des patriotes résistants à l'occupation (PRO ), celui de leurs veuves, et celui de la représentation des Alsaciens-Mosellans à la commission des médailles des évadés.

Cependant, trois dossiers restent en souffrance : celui des patriotes résistants à l'annexion de fait (PRAF ), celui du statut des insoumis et celui de l'indemnisation des RAD-KHD, ces femmes et ces hommes civils ou prisonniers qui avaient été contraints, par l'occupant, à servir l'appareil de production allemand, voire à combattre sous l'uniforme de la Wehrmacht. Vous savez que la fondation franco-allemande - et notamment son président Jean Laurain - est disposée à apporter sa participation financière à la mise en place de cette indemnisation à condition que l'Etat apporte également sa part de financement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur ces dossiers qui restent ouverts et qui, je le sais, vous tiennent à c_ur ?

M. Yves Bur : Monsieur le ministre, je souhaiterais tout d'abord connaître vos intentions par rapport à l'extension du bénéfice du décret du 13 juillet aux orphelins des déportés non juifs.

Ensuite, en ce qui concerne la spécificité alsacienne et mosellane, il n'est plus acceptable que le dossier des RAD-KHD ne soit pas réglé. Les personnes concernées - qui vieillissent - savent que la fondation franco-allemande est prête à mobiliser des moyens pour concrétiser ce droit à réparation qui leur est dû. Comment peut-on dès lors leur expliquer, dans une période de croissance et alors que vous "rendez" 300 millions de francs, qu'il manque 12 millions pour concrétiser cette avancée ? Nous devons absolument leur faire un signe, leur montrer que le processus est engagé.

M. Germain Gengenwin : Monsieur le ministre, Jean Laurain a attiré l'attention de l'ensemble des parlementaires de la région sur ce problème. On peut donc être ministre, oublier de régler certains problèmes et être obligé de demander à son successeur ! Vous avez promis d'apporter un complément de financement de l'Etat afin de régler ce problème des RAD-KHD, nous attendons aujourd'hui une réponse précise à cette question.

M. Bernard Perrut : Monsieur le ministre, s'agissant du maintien des foyers et des maisons de retraite de l'ONAC, vous avez annoncé une augmentation de crédits pour le fonctionnement et pour le rôle social de l'ONAC, mais quels sont les crédits dégagés en matière d'investissement - sachant que certaines maisons de retraite n'ont pas vu leur situation évoluer ? Quelle assurance pouvez-vous apporter aux anciens combattants qui y résident et qui sont très inquiets ?

En ce qui concerne les orphelins, il est indispensable que la disposition prévue au mois de juillet soit étendue à l'ensemble des orphelins, sinon elle créera une inégalité entre des Français qui vivent des situations semblables.

Ma troisième question concerne les veuves. Vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, en répondant à une question écrite d'un de nos collègues, au mois de février dernier, à mener une étude complète de la situation des veuves qui ressortent de votre département ministériel. Quelle analyse a été faite de cette étude ?

Quatrièmement, la fédération des amputés de guerre est aujourd'hui inquiète. Ses adhérents, qui avaient jusqu'à présent l'habitude d'utiliser les structures des services de l'appareillage du secrétariat d'Etat, assistent actuellement à la mise en place, dans certains départements, de « pôles handicaps » placés sous la responsabilité du ministère de la santé. Vous pourriez peut-être voir avec eux comment mieux les accueillir, ou en tout cas les associer à cette nouvelle démarche.

Enfin, je dirai en conclusion que ce budget peut s'analyser de diverses manières, à travers des évolutions qu'il convient de reconnaître et de prendre en considération. En termes financiers, l'on peut considérer que sur trois ans le budget des anciens combattants a diminué de plus de 5 % ; si tel n'avait pas été le cas, un certain nombre de dispositions qui ont été évoquées par mes collègues auraient pu être améliorées, telles que l'âge de la retraite des anciens combattants ou le nombre de points du plafond de la retraite mutualiste.

M. Henri Nayrou : Monsieur le ministre, ma première question concerne le ciblage de l'accélération des aides sur les anciens combattants et les veuves en difficulté via l'ONAC et ses relais départementaux, avec l'abondement du fonds de solidarité.

Seconde question : quelles sont les conséquences ou les non-conséquences du récent rapport de la Cour des comptes sur ce budget ?

M. Patrick Bloche : Monsieur le ministre, j'interviendrai uniquement en réaction à ce que j'ai entendu concernant le décret de juillet 2000 relatif à l'indemnisation des orphelins de déportés juifs. J'ai bien entendu les arguments développés par mes collègues, néanmoins le fait de mettre en avant de façon aussi simpliste le risque d'antisémitisme m'apparaît dangereux. Si je suis particulièrement favorable à l'indemnisation des enfants de déportés non juifs, je pense que cela doit être traité de manière séparée. Le problème des enfants de déportés juifs est double : non seulement ils ont perdu leurs parents en déportation, mais ils ont été eux-mêmes victimes de discriminations qui les ont conduits à porter l'étoile juive, à devoir se cacher...

Je vous dis cela car j'ai été interpellé dans mon arrondissement, le 11e, qui a particulièrement souffert de cette situation durant la Seconde Guerre mondiale, par des personnes qui réclament une indemnisation plus large pour tous les enfants juifs qui, victimes de discriminations durant la guerre, ont subi des traumatismes qui persistent aujourd'hui. Nous avons encore, pas plus tard que samedi dernier, apposé des plaques dans trois écoles du 11e arrondissement, notamment dans celle de la rue Keller où 140 enfants ont été déportés et sont morts parce qu'ils étaient juifs.

Monsieur le ministre, s'il y a nécessité de traiter le cas des enfants de déportés non juifs, il convient de le faire de manière spécifique car il s'agit d'une question différente. Parallèlement, comptez-vous indemniser tous les enfants juifs qui ont été traumatisés par les discriminations dont ils ont été victimes pendant la guerre ?

M. Patrice Martin-Lalande : Monsieur le ministre, je voudrais, au nom du groupe RPR, m'associer aux observations et aux demandes formulées par nos collègues de l'opposition.

M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis : Je voudrais simplement dire à M. Bloche que je connais bien les associations représentant les enfants juifs et je puis vous affirmer que leur demande n'est pas celle-là : ils ne font pas, eux, de différence entre le traumatisme des enfants de déportés et celui des enfants de résistants juifs qui ont été fusillés. Quelle différence peut-on faire entre ces deux traumatismes ?

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants : En ce qui concerne les grands invalides, nous avons pris l'engagement, en 1997, de régler le contentieux avant la fin de la législature. Je pensais pouvoir avancer plus vite et régler cette question dans le budget 2001. Or vous savez comment se passe l'élaboration d'un budget : j'avance un certain nombre de propositions, je négocie avec Bercy, et j'essaie de faire passer dans l'arbitrage les mesures les plus importantes. Cette année, j'ai privilégié le règlement du contentieux AFN - rappelés et TRN -, la retraite mutualiste, etc. Il m'a alors manqué 21 millions de francs pour faire passer la disposition "grands invalides" dans son intégralité. Mais il ne fait aucun doute que cette question sera réglée dans l'exercice budgétaire 2002.

Si la retraite du combattant, de 2 688 francs, était versée non pas à 65 ans, mais à 60, le surcoût budgétaire total serait d'environ 3,8 milliards de francs. Or je n'avais pas, objectivement, les moyens budgétaires nécessaires. Je ne crois pas que cette mesure puisse être prise en compte dans un délai rapide, et dans ce cas, la question ne se posera plus. Pourquoi ? Il y a quelques années, la retraite était versée à 65 ans, et la moyenne d'âge était de 70-71 ans ; aujourd'hui, la moyenne d'âge est de 75-80 ans. Les retraités combattants bénéficient donc de ce droit beaucoup plus longtemps. Parallèlement, le problème du financement des retraites est toujours un problème d'actualité. Je vous le dis donc franchement, le Gouvernement ne souhaite pas avancer sur cette question - et sincèrement, je crois qu'aucune majorité ne s'aventurerait sur ce terrain.

Voici, en revanche, ce qu'il aurait été possible de faire : verser la retraite à 60 ans à tous les combattants disposant d'un revenu mensuel inférieur à 5 500 francs. Cependant, il ne s'agissait pas d'une revendication du monde combattant et si je l'avais avancée sans travail préparatoire, l'on m'aurait accusé de porter atteinte au droit à réparation ; j'ai donc reculé. Mon souci est désormais de convaincre le monde combattant qu'il n'est pas inutile d'apporter des réponses concrètes aux anciens combattants confrontés à des problèmes de vie quotidienne.

S'agissant de la rente mutualiste, elle passe à 110 points. Je ne suis pas tenu de réaliser un objectif de 130 points dans la durée de la législature. L'engagement gouvernemental de mai 1997 portait uniquement sur la revalorisation. Cet engagement a été tenu. J'avance, progressivement, en fonction des possibilités.

La cristallisation est une question qui a été largement évoquée. Il s'agit effectivement d'un sujet de préoccupation. Je n'ai pas pu retenir la question de la forclusion. Cependant, je ne reviens pas sur le principe général de la réflexion que j'ai menée en termes de pouvoir d'achat et sur la pension de 100 points versée à nos anciens militaires de nos anciennes colonies. Je suis préoccupé par le fait que, depuis 1995, la forclusion interdit, d'une part, à un ancien combattant titulaire de la carte et arrivant à 65 ans - ou à sa veuve - de percevoir sa pension, et, d'autre part, à l'ancien combattant titulaire d'une pension militaire d'invalidité de faire examiner son dossier portant aggravation de son invalidité. J'ai bien noté que diverses propositions ont été formulées ; mais je ne m'engage pas, et je tiendrais compte, lors de la discussion des amendements en séance plénière, de ce que j'ai entendu cet après-midi.

Venons-en maintenant à une question importante pour tout le monde, l'application du décret du 13 juillet 2000. Il s'agit d'une préoccupation du monde combattant résistant ; il a le sentiment d'être traité différemment sur cette question. Cette mesure s'inscrit dans une logique historique qui a commencé par l'initiative de François Mitterrand de reconnaître la date du 16 juillet, suivie de la prise de position de Jacques Chirac, en 1995, reconnaissant la responsabilité de l'Etat français pendant la guerre dans le sort subi par les juifs résidant sur notre territoire. La mécanique de la réparation s'inscrit donc dans ce processus, et nul ne peut contester qu'un sort particulier était réservé aux juifs et à leurs enfants : ils étaient pourchassés pour être exterminés.

On ne peut pas mesurer la douleur. La souffrance de l'enfant de résistant dont le père ou la mère est mort en déportation est identique à celle de l'enfant juif dont les parents ont été déportés. La seule différence est que cet enfant de résistant n'était pas pourchassé pour être éliminé. Il s'agit d'un problème extraordinairement délicat, vous le sentez bien, mais le juif, et l'enfant juif en particulier, personne ne peut le contester, étaient recherchés pour être éliminés. Depuis la parution de ce décret un certain nombre d'observations venant du monde combattant et du monde de la résistance ont été formulées concernant notamment la distinction faite entre l'orphelin juif dont les parents sont morts en déportation et l'orphelin juif dont les parents sont morts parce qu'ils étaient résistants. Nous avons reçu, le Premier ministre et moi-même, le monde combattant le 27 juillet dernier et cette question a été évoquée. Le Gouvernement étudie en ce moment la possibilité d'une évolution de ce décret.

Je voudrais maintenant répondre à la question relative aux rappelés. Le texte fait référence à la mesure "attribution de la carte du combattant, 18, 15 et 12 mois pour l'Algérie" ; mais j'entends bien prendre en compte le temps passé, le cas échéant, par un rappelé en Tunisie ou au Maroc pour comptabiliser le temps total. Je compte donc faire - par voie de circulaire -, pour les rappelés, ce que j'ai fait pour l'attribution de la carte à 12 mois, ce qui devrait régler l'essentiel des situations.

En revanche, la question du sort du rappelé qui aura effectué trois mois, puis huit mois en Algérie, n'est effectivement pas réglée par la position du Conseil d'Etat auquel on avait soumis ce texte et qui a tranché à quatre mois.

Quant aux ordonnances, il s'agissait du seul moyen de traduire la réglementation européenne en allant très vite. Nous devons simplement surveiller le sort qui va être réservé aux sociétés mutualistes ; étant donné qu'elles ont une spécificité, notre souci est de faire en sorte que la rente mutualiste ne puisse pas être proposée au monde combattant par des organismes privés, mais que ces propositions restent la prérogative des sociétés mutualistes fondées par le monde combattant lui-même.

En ce qui concerne le mémorial d'Afrique du Nord, nous sommes tombés d'accord avec la ville de Paris pour retenir le site du Quai Branly, à la hauteur de l'ancien ministère du commerce extérieur. Le monde combattant souhaite que le monument soit placé plus prêt de la Tout Eiffel, au pont du Trocadéro. Nous avons eu une réunion vendredi dernier, et nous avons appris qu'il y avait un différend avec les services techniques de la ville qui s'opposent à la proposition de la ville et du ministère. Il conviendrait, a priori, de vérifier l'épaisseur de la dalle, le métro passant dessous. Mais la ville de Paris et le secrétariat d'Etat ont la volonté de faire céder les services techniques. L'inauguration est prévue à la fin de l'année 2002.

Cinq points de retraite mutualiste correspondent à 13 millions de francs.

On envisage en effet d'attribuer à l'ONAC la gestion de la retraite du combattant assez rapidement. Le ministère du budget est un peu réticent au motif que si l'on transfère la responsabilité, demain nous lui demanderons des emplois ! Mais je suis clair : nous envisageons de transférer cette responsabilité sans réclamer d'emplois.

S'agissant du problème que rencontrent les veuves, je me suis engagé à mettre à plat ce dossier. La première réunion a eu lieu hier ; nous avons composé trois groupes de travail : tout d'abord, les veuves des plus grands invalides, pour lesquelles il y a des propositions à faire en ce qui concerne une cotisation retraite directe pour qu'elles puissent bénéficier d'une pension supplémentaire au décès de leur époux. Ensuite, les veuves de guerre, qui font l'objet d'un groupe de travail. Enfin, les "autres veuves", celles dont les maris possédaient la carte du combattant mais qui ne touchent aucune pension de reversion. C'est là que nous pourrions intelligemment recycler le surplus budgétaire dû à l'évolution démographique. Et nous devons le faire rapidement, autrement il sera trop tard. Nous devons donc mettre en place une disposition qui permettrait de prendre en compte les veuves d'anciens combattants qui se trouvent en situation précaire - et qui seraient identifiées et gérées par l'ONAC dans les départements -, ainsi que les anciens combattants qui ont des difficultés à boucler leurs fins de mois. J'essaie de faire passer cette idée auprès du monde combattant qui y voit une substitution au droit à réparation. Or tel n'est pas le cas : si le droit à réparation ne sera pratiquement pas étendu, il existera jusqu'au dernier souffle du dernier combattant. Recycler, sous forme de solidarité, des sommes libérées par l'évolution démographique, me paraît la meilleure solution en termes d'efficacité pour apporter quelques éléments de réponse à des personnes en difficulté.

S'agissant du rapport constant, nous allons rouvrir des discussions avec les associations du monde combattant qui, au départ, m'avaient demandé de rendre lisible le mode de calcul de ce rapport en s'inspirant de la proposition de Michel Charasse en 1990. Le mode de calcul était intéressant, je leur ai fourni toutes les explications et ils réclament maintenant une revalorisation. Nous avons donc un débat sur les critères de ce rapport - nous en avons pour quelques mois -, sans préjuger de la solution qui pourra être apportée.

S'agissant des commerçants, je vous rappelle que le fonds de solidarité est ouvert à tous les ressortissants de l'ONAC, il n'y a pas de distinction ; il est ouvert "aux travailleurs non salariés obligés de cesser ou de réduire leur activité pour quelque raison que ce soit", et ce depuis 1997. Le problème se situe dans l'appréciation du revenu pour calculer l'allocation ; il s'agit plus d'un problème fiscal que d'un problème du monde combattant.

L'année dernière, nous avons restitué 342 millions de francs au budget de l'Etat, nous avons donc consommé 98,64 % de nos crédits. Mais je vous rappelle qu'il s'agit de crédits évaluatifs, que l'on ne sait pas par avance combien de ressortissants, par exemple, vont décéder. Cette année, autre exemple, nous devons verser 100 millions de francs à la ligne budgétaire "retraite du combattant", les crédits ayant été insuffisamment précis. Par ailleurs, si nous avons besoin d'autres crédits, nous les obtenons, ils ne sont pas plafonnés : nous disposant des crédits permettant d'honorer le droit à réparation.

S'agissant des maisons de retraite, il nous en reste effectivement dix que nous rénovons au mieux - le coût est d'environ 300 millions de francs. Nous disposons pour l'instant de 35 millions de francs, j'en cherche 30 autres, que je pense trouver, et nous négocions avec les grandes associations qui bénéficient de la manne du Loto et de la Française des jeux pour qu'elles participent à cette rénovation : si nous ne sommes pas trop maladroits, nous pensons pouvoir mobiliser une centaine de millions de francs assez rapidement.

Il ne faut pas avoir peur des « pôles handicaps ». Les plus grands invalides me demandent de ne surtout pas manquer les rendez-vous de ces pôles ; ce sont les associations elles-mêmes, qui savent comment s'organise le traitement du handicap au niveau départemental, qui réclament notre présence dans cette évolution. Dans nos centres, nous ne traitons que 10 % du handicap "code des pensions militaires d'invalidité", 90 % des personnes qui viennent solliciter nos centres relevant de la sécurité sociale générale. Ces « pôles handicaps » ne peuvent qu'être bénéfiques pour nous, dès lors que les ressortissants "code des pensions militaires d'invalidité" conserveront leur statut de monde combattant à l'intérieur du pôle. Ils n'auront que des avantages dans la gestion quotidienne du handicap.

En ce qui concerne le rapport de la Cour des comptes, qui a fait couler beaucoup d'encre, j'y avais déjà répondu par avance. La Cour des comptes souhaitait remettre en cause le droit à réparation et imposer un certain nombre de prestations liées au code des pensions militaires d'invalidité ; j'ai tout de suite dit qu'il n'en était politiquement pas question. Et ce n'est pas parce que la Cour des comptes demande, que l'on doit s'exécuter. Mais j'observe que l'on utilise ce rapport contre le Gouvernement en matière de décristallisation.

Un dernier mot enfin sur les Alsaciens-Mosellans. Trois dossiers sont importants, notamment celui concernant le RAD - Reich Arbeit Dienst. En ce qui concerne le PRAF, il est clair qu'il n'y aura pas d'indemnisation ; en revanche nous allons essayer de regrouper dans un texte unique l'ensemble des droits revenant aux patriotes réfractaires à l'annexion de fait qu'il ne faut pas confondre avec les patriotes résistant à l'occupation, les PRO, ni avec les incorporés de force dans la Wehrmacht ou dans les organisations paramilitaires. J'ai largement participé à la décision de la fondation entente franco-allemande d'utiliser une partie de leurs réserves financières - issues des placements financiers de l'indemnisation reçue par l'Allemagne - pour faire un geste envers les hommes et les femmes du RAD. Mais cette décision a été prise sous condition que l'Etat apporte sa contribution - ce à quoi je ne m'attendais pas ! Depuis, je suis à la recherche d'une dizaine de millions de francs pour permettre le règlement partiel de ce dossier. Dossier qui n'est pas simple, car les avocats des incorporés de force de la Wehrmacht, qui refusent que "leur argent" soit utilisé pour indemniser des personnes qui n'ont pas leur statut, comptent s'opposer à cette mesure. J'essaie donc d'avancer, mais je rencontre une réelle difficulté. Lorsqu'on traduit littéralement RAD, cela nous renvoie à la notion du service obligatoire ; or, en France, on n'indemnise pas le travail obligatoire. En outre, les personnes qui sont parties en RAD touchaient un petit pécule journalier. Il y a donc là une difficulté de principe que je souhaiterais régler.

M. Jean Le Garrec, président : Monsieur le ministre je vous remercie beaucoup. Non seulement vous répondez de manière extrêmement précise aux questions que l'on vous pose, mais avec une honnêteté peu commune.

Je ne reviendrai pas sur les questions qui ont été posées, mais le problème de la cristallisation est tout de même un problème d'éthique sur lequel il conviendrait d'avancer.

Par ailleurs, vous avez, me semble-t-il, une excellente approche du sujet lorsque vous parlez de recycler dans la solidarité le surplus d'argent dû à l'évolution démographique. Et nous sommes prêts à vous accompagner dans ce combat.

Enfin, une remarque personnelle, nous avons eu un débat très intéressant sur le problème des orphelins juifs. Vous avez fait référence au décret pris par le président Mitterrand et à l'intervention du président Chirac, mais il ne faut pas oublier que ce décret à été publié après un travail parlementaire et une proposition de loi que j'avais eu l'honneur de déposer.

M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis : Monsieur le ministre, je voudrais, pour terminer, attirer votre attention sur le fait que si l'on présente l'idée d'un fonds social, nous n'aboutirons pas ; cette idée est récusée par toutes les associations d'anciens combattants. D'autant qu'il existe déjà les fonds sociaux de l'ONAC, des commissions départementales et régionales ; augmentons les crédits des fonds existants mais n'en créons pas de nouveau.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants : Monsieur le rapporteur, il est vrai qu'au niveau des dirigeants il existe un certain nombre de réserves, parce qu'ils ont peur que l'on remette en cause le principe du droit à réparation. Mais qu'ils se rassurent, aucun gouvernement, quelle que soit sa majorité, ne remettra en cause ce droit ! J'observe que dans tous les départements où je me rends, dans tous les congrès, quand j'évoque cette question, je vois l'acquiescement de la base des grandes associations. Et les dirigeants y viendront. Bien entendu, ils ne trouveront pas cela formidable mais ils prendront acte de cette évolution.

Si, dans le même temps, on ne remet pas en cause le droit à réparation, on passera par l'abondement du fonds de solidarité existant et aujourd'hui géré par l'ONAC, afin que cette solidarité s'exprime dans la proximité et soit cogérée par le monde combattant et l'administration de l'établissement public ONAC. Si l'on vient en aide, par exemple, à un retraité de 60 ans, on prendra bien garde de ne pas lui verser le même montant que celui de la retraite, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté possible, que le concept de droit à réparation n'interfère pas dans cette approche du recyclage solidarité.


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