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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 2 Novembre 2000
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2001 : avis travail et emploi (M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis)

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- Loi de finances pour 2001 : avis formation professionnelle (M. Patrick Malavielle, rapporteur pour avis)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Boulard, les crédits du travail et de l'emploi pour 2001.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis, après avoir noté que, pour la première fois depuis plusieurs années, le budget de l'emploi était un budget d'accompagnement du retour à l'emploi et non pas un budget d'accompagnement du chômage, a relevé les cinq grandes orientations marquant la politique gouvernementale en matière d'emploi. Ces cinq axes consistent à enrichir la croissance en emplois, à développer les emplois d'utilité collective comme les emplois-jeunes, à mener à bien le mouvement de réduction du temps de travail, à poursuivre les efforts d'allégement du coût du travail pour les salariés peu qualifiés, afin, à inciter à la création d'entreprises.

Certes, à structure constante, le budget pour 2001 est en diminution de 1,9 % par rapport à la loi de finances pour 2000 ; mais cette baisse doit être relativisée étant donné les très bons résultats obtenus en matière de résorption du chômage. Le nombre de demandeurs d'emploi se situe désormais, au sens du bureau international du travail, à 9,5 % de la population active. Le nombre de chômeurs a été ramené, le 31 octobre 2000, au chiffre de 2 270 200. En un an, la baisse du nombre de chômeurs à la recherche d'un emploi à durée indéterminée s'élève à près de 430 000 (- 16 %). Si l'on inclut la catégorie des personnes ayant exercé un emploi occasionnel de plus de 78 heures dans le mois, le nombre total de chômeurs qui demeurent inscrits à l'ANPE est de 2 722 000, en recul de 15 ,3 % sur une année. Les personnes depuis plus de deux ans au chômage ne sont pas tenues à l'écart. Leur nombre a de nouveau régressé de 3 à 4 % en un mois et de 23,1 % en un an.

Du fait notamment de l'amélioration de la situation de l'emploi, le budget pour 2001 permet de dégager des marges de financements sur les pré-retraites FNE ou les allocations du régime de solidarité pour l'indemnisation du chômage. Il est, en revanche, beaucoup plus préoccupant de constater la forte diminution de crédits prévus en matière de contrats emploi-solidarité (CES).

On peut être inquiet de voir le montant global des crédits affectés à ces contrats aidés diminuer fortement, passant de 9,01 milliards de francs en loi de finances pour 2000 à 6,53 milliards (soit une baisse de 2,48 milliards). De même, le nombre d'entrées dans le dispositif apparaît en forte diminution avec 260 000 nouvelles conventions prévues (contre 358 300 entrées prévues en loi de finances pour 2000, à comparer aux 502 000 prévues en 1997). Ce système, qui permet à des personnes cumulant parfois plusieurs handicaps de se réinsérer progressivement dans le monde du travail, n'est certes pas idéal. Mais il présente le mérite essentiel de sauver de l'exclusion un grand nombre de personnes fragilisées. Les structures d'accueil de ces publics s'inquiètent à juste titre d'une démarche qui va les conduire à gérer une pénurie de moyens tout à fait regrettable et préjudiciable à l'objectif d'insertion.

Il est nécessaire de maintenir un système qui dure dans le temps car c'est dans la durée que les personnes marginalisées, ayant parfois des problèmes de santé cumulés à des difficultés comportementales, peuvent se réinsérer dans la vie sociale et professionnelle.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, a fait les observations suivantes :

- Il n'est pas anormal que les crédits de l'emploi stagnent étant donné l'amélioration très nette de la situation de l'emploi. Les redéploiements effectués au détriment des pré-retraites FNE et des diverses modalités de retraits d'activités, suivant en cela les préconisations de la MEC (mission d'évaluation commune), paraissent tout à fait bienvenus.

- S'agissant des CES, le public qui est aujourd'hui concerné constitue un noyau dur de personnes en réelle difficulté. Il paraît difficile de tolérer que ces personnes se voient refuser en 2001 la possibilité de bénéficier d'un tel contrat, alors que ce type d'aides représente pour elles un des seuls moyens de s'acheminer vers la réinsertion et de s'assumer financièrement.

- Il est préoccupant de constater que bon nombre de stagiaires de l'AFPA interrompent leur formation au beau milieu de leur stage du fait de la faiblesse de leur indemnisation qui ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins.

- Il convient de s'interroger sur l'opportunité de supprimer les primes attachées aujourd'hui aux contrats de qualification.

- Il faut regarder de près les effets de la décentralisation au niveau des régions de certains crédits de promotion de l'emploi, alors que traditionnellement, ce type de crédits peut faire l'objet d'actions innovantes de la part des directeurs départementaux du travail et de l'emploi. Il ne faut pas oublier que ceux-ci ont aujourd'hui pour fonction d'attribuer certaines subventions aux bassins d'emploi.

Le président Jean le Garrec a fait les observations suivantes :

- Le débat en séance publique devra permettre d'éclairer la question de la baisse des moyens affectés aux CES. Le recentrage autour des publics en réelle difficulté a été décidé lors de l'adoption de la loi de lutte contre les exclusions en juillet 1998. Mais il semble que la diminution des crédits et du nombre d'entrées prévues pour 2001 va trop loin. Se pose le problème du renouvellement des contrats. En effet , c'est dans la durée que peut véritablement se construire un projet d'insertion professionnelle. Pour optimiser l'employabilité de certaines personnes au départ assez éloignées du monde du travail, un effort de formation doit souvent et chacun sait que ce type de démarche requiert un certain temps.

- La question de l'intéressement à la reprise d'activités pour les titulaires de contrats aidés doit se poser. Il ne semble pas que cette faculté, ouverte par la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, soit suffisamment utilisée dans les faits.

- On peut s'interroger sur les articulations possibles et souhaitables entre le programme « nouveau départ » existant et la volonté des signataires de la nouvelle convention d'assurance-chômage de mettre en _uvre une véritable politique d'activation des dépenses en matière d'emploi.

Mme Hélène Mignon a fait les remarques suivantes :

- L'expérience sur le terrain montre que, depuis un an, les CES ont tendance à être accordés pour des durées trop courtes, ce qui ne permet pas de mener une véritable action d'accompagnement en direction des publics en difficulté. Le temps leur manque pour pouvoir s'engager dans une réelle démarche de réinsertion. Les personnes confrontées aux plus grandes difficultés ont besoin de contrats s'étalant sur dix-huit mois, voire deux ans. Il pourrait être judicieux d'imaginer pour ces personnes un système de sas leur permettant de passer d'un CES à une activité d'insertion par l'économique, ce qui serait de nature à maximiser leurs chances de réinsértion.

- S'agissant de l'intéressement à la reprise d'une activité professionnelle, la plupart des bénéficiaires potentiels de cette mesure ignorent que cette possibilité leur est offerte. Cette méconnaissance explique le nombre faible de personnes concernées dans les faits. En outre, même lorsque cette mesure est connue, il n'est pas toujours facile de concilier une formation ou une activité réalisée dans le cadre du projet de réinsertion avec les horaires imposés dans le cadre d'un travail « classique » dans le monde de travail. Le cumul d'un CES avec un emploi « en situation réelle » constitue un exercice très difficile. Bien souvent, les bénéficiaires de la mesure sont des femmes employées à temps partiel dans la grande distribution. La faible rémunération qu'elles perçoivent à ce titre ne leur permettrait pas de s'assumer financièrement. Aussi retournent-elles au point de départ - un CES ou le seul RMI - lorsque la période d'intéressement prend fin.

M. Maxime Gremetz a fait les observations suivantes :

- Il faut saluer le maintien des crédits destinés aux politiques de l'emploi. On doit également se féliciter de la résorption des emplois précaires au sein même du personnel employé par le ministère de l'emploi et de la solidarité, comme cela avait été promis par la précédente ministre.

- L'augmentation du nombre des CES ou la prolongation de leur durée ne constituent pas en soi une solution. On ne doit pas perdre de vue que ce dispositif peut être comparé à des « TUC à peine améliorés ». Il conviendrait de réfléchir à un nouveau type de contrat de retour à l'emploi qui permettrait d'ouvrir de meilleures perspectives d'avenir à ses bénéficiaires.

- On peut déplorer que les crédits affectés aux aides à la création d'entreprises (EDEN) votés chaque année par le Parlement ne soient pas, ou seulement, tardivement débloqués en direction des régions. Ces retards empêchent la mesure d'être opérationnelle.

- Un bilan sur les emplois-jeunes et les moyens de leur pérennisation devrait être dressé aujourd'hui de manière objective car la situation n'est pas clarifiée à ce sujet.

- De même une analyse fine de l'application des trente-cinq heures devrait être réalisée ; le Gouvernement devrait en outre exprimer clairement son point de vue sur la question de leur application dans les PME.

- Il serait intéressant et éclairant de disposer d'une étude portant sur l'enveloppe globale consacrée à différents titres aux mesures d'exonérations de charges patronales, notamment celles liées à la réduction du temps de travail, ainsi que sur les diverses primes incitatives à destination des entreprises. Les montants en jeu paraissent en effet particulièrement élevés.

- Il ne semble pas que le Gouvernement ait déposé, comme il s'y était engagé, son rapport annuel au Parlement sur l'état de l'application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, comme cela avait été prévu par la loi du 19 janvier 2000.

- Un défaut majeur de la législation du travail est que celle-ci n'est malheureusement pas toujours correctement appliquée par les entreprises. Des textes parfois novateurs sont adoptés mais leur irrespect ne peut être sanctionné du fait de la faiblesse des effectifs des inspecteurs du travail. Ceux-ci se voient sans cesse confier de nouvelles missions tandis que leurs moyens d'action restent toujours aussi insuffisants.

M. Gérard Lindeperg a fait les observations suivantes :

- On ne peut que souligner le risque que se constituent des « noyaux durs de laissés pour compte » autour duquel se recentrerait le dispositif des CES.

- De même que le contrat de qualification qui s'adressait au départ aux seuls jeunes a été étendu aux adultes, un dispositif équivalent à TRACE mais intitulé d'une autre manière pourrait opportunément être ouvert aux adultes.

- Le décalage entre les besoins des entreprises et les formations proposées aux salariés ou demandeurs d'emploi reste préoccupant.

Mme Brigitte Douay a déclaré partager les inquiétudes exprimées par les autres intervenants sur la diminution du nombre de CES et le risque que cette mesure fait peser que l'éducation nationale et les associations d'insertion.

Le président Jean Le Garrec a insisté sur la nécessité de recentrer les CES sur les publics en difficulté. Il ne saurait s'agir de profiter en recrutant ces personnes d'une force de travail supplétive à tarif réduit.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- Un véritable problème quantitatif se pose s'agissant du nombre d'entrées prévues dans le dispositif des CES, qui diminuent dans le projet de budget pour 2001 de 345 000 à 260 000. Une trop grande réduction de l'enveloppe mettrait en difficulté l'ensemble des secteurs d'insertion. Certaines personnes fragilisées qui n'ont bien souvent que les contrats aidés pour se sortir de leur situation d'isolement en pâtiraient singulièrement. On peut citer les titulaires du RMI, les personnes reconnues handicapées par les COTOREP mais à un taux inférieur à 80 % d'invalidité, toutes les personnes confrontées à des difficultés pour retrouver un emploi pour des raisons de santé ou de logement. Il faut également citer le cas des 40 000 personnes licenciées des activités de l'insertion par l'économique. Celles-ci doivent se réinscrire au chômage afin de reconstituer leurs droits et pouvoir ainsi de nouveau bénéficier d'un CES, après plusieurs mois d'attente.

- Le dispositif d'intéressement en matière de RMI a été une réussite, ce qui s'est traduit par le fait que, paradoxalement, le nombre de bénéficiaires du RMI a fléchi avec un certain retard par rapport à la baisse du chômage. En revanche, le dispositif EDEN demeure complètement inopérant du fait de l'incapacité de l'administration à le mettre en _uvre sur le terrain.

- Il est absurde de parler de solvabilisation des emplois-jeunes dans le secteur public comme l'éducation nationale ou la police. Dans les autres secteurs, et notamment dans le domaine associatif, la pérennisation de ces emplois pourra se concevoir à condition de mettre en place un système d'aide dégressif et non pas forfaitaire comme c'est le cas aujourd'hui.

- Il n'est en effet pas inutile de rappeler à intervalles réguliers les montants considérables qui sont aujourd'hui affectés à un titre ou à un autre aux mesures d'exonérations de cotisations sociales et de contrats aidés. Cette politique représente un effort toujours plus important des contribuables en faveur du monde de l'entreprise.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, a souligné les points suivants :

- Les contrats emplois consolidés (CEC) paraissent plus adaptés pour intégrer les personnes très éloignées de l'emploi. Les directeurs départementaux du travail et de l'emploi peuvent en outre mettre en _uvre une fongibilité des enveloppes entre CES, CEC et SIFE (stages d'insertion et de formation à l'emploi). De ce fait, il faut avoir une vision d'ensemble dépassant le seul nombre d'entrées affichées dans le budget pour tel ou tel type de contrats.

- Il serait souhaitable de créer l'équivalent du programme TRACE pour les adultes éloignés du travail. Des actions d'insertion territorialisées pourraient ainsi permettre de traiter à la fois des problèmes économiques, sociaux, de santé ou de logement rencontrés par ces personnes auxquelles un véritable suivi serait proposé.

- Les vingt milliards de francs qui seraient accordés par l'UNEDIC à l'Etat devraient servir à abonder les crédits en faveur de l'ANPE destinés à aider les chômeurs relevant du régime de solidarité qui sont particulièrement éloignés de l'emploi.

Le président Jean Le Garrec a estimé nécessaire de mettre l'accent, lors de la discussion du budget en séance publique, sur le problème des CES s'agissant à la fois de leur durée et du volume des crédits leur étant affectés. Pour plaider ce dossier, il serait utile de disposer d'une estimation chiffrée précise quant aux véritables besoins en matière de CES pour 2001.

M. Maxime Gremetz a observé que les bénéficiaires des CES sont en réalité rarement des personnes éloignées de l'emploi. Ainsi, la mairie d'Amiens dispose actuellement de 450 CES occupés par des jeunes diplômés, fort mal rémunérés, qui n'ont en outre aucune perspective de stabilisation. Il serait préférable de transformer ces emplois en CEC, ce qui ne coûterait pas plus cher à la commune et permettait à ces jeunes d'être mieux payés et mieux reconnus. Sur les 340 000 CES en cours, seuls 40 000 ont été créés par les entreprises d'insertion. Le reste bénéficie à des administrations ou à des organismes parapublics. Il serait à cet égard tout à fait intéressant de faire une étude sur l'origine et le niveau de formation des bénéficiaires de CES. Ce serait un bon moyen de montrer que ce dispositif est aujourd'hui complètement détourné de sa vocation initiale. Il faut donc privilégier à l'avenir les CEC, qui sont de beaucoup préférables aux CES tant en termes de durée que de salaires pour leurs titulaires.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que, lors du débat sur l'exclusion, plusieurs intervenants avaient insisté sur la nécessité de recentrer les CES sur les populations en difficulté. Mais il faut être bien conscient que, dans la réalité, le recentrage n'a pas pu intervenir partout.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis, après avoir observé que le nombre de CEC était en augmentation dans le projet de budget pour 2001, a signalé que, dans sa commune, le nombre de CES avait été réduit de cent-vingt environ à une dizaine afin de recentrer le dispositif vers les personnes les plus en difficulté.

La réduction du nombre de CES prévue par le projet de loi de finances pose principalement un problème aux entreprises d'insertion, pour lesquelles ce contrat recèle une vraie utilité. Leur inquiétude a été motivée par le fait qu'elles se sont déjà vues notifier par les directions départementales du travail les mesures de réduction de CES qu'elles auraient à appliquer en 2001. Il faut savoir que des quotas de gestion de la pénurie ont d'ores et déjà été définis ; les arbitrages se font entre les personnes de plus ou de moins de 25 ans.

Pour les jeunes diplômés qui se trouvent sans emploi et sont donc dépourvus de revenus, le CES n'est pas sans utilité puisqu'il leur permet d'obtenir une garantie du fonds social pour le logement et donc, d'assumer un loyer.

Lors du débat sur le budget du travail et de l'emploi, il semble nécessaire d'alerter le Gouvernement sur ce problème spécifique des entreprises d'insertion. On considère aujourd'hui que la réduction du nombre de CES permettra de recentrer le dispositif sur les populations en difficulté et de supprimer les abus. Mais il convient d'être prudent : à trop réduire le nombre de ces contrats, on risque de pénaliser les entreprises d'insertion qui défendent un vrai projet et font correctement leur métier, sans véritablement remettre de l'ordre là où cela serait nécessaire.

Le président Jean Le Garrec s'est engagé à interpeller le Gouvernement sur la nécessité de porter une attention particulière à la question du nombre des nouvelles entrées en CES pour 2001 et à la situation des entreprises d'insertion.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur pour avis supprimant l'article 58 du projet de loi de finances pour 2001.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis, a rappelé que cet article avait pour objet, dans un but de rationalisation des dispositifs d'aides à l'emploi, de supprimer, à compter du 1er janvier 2001, l'exonération de cotisations d'allocations familiales sur les bas salaires pour deux types d'entreprises (sur les quatre qui en bénéficient en l'état actuel du droit). Cette mesure de suppression toucherait les entreprises situées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les entreprises nouvelles créées dans les zones défavorisées et exonérées d'impôt en vertu de l'article 44 sexies du code général des impôts.

On peut contester le fait que cet article ne prenne pas la précaution de distinguer, comme le font les deux lois sur les trente-cinq heures - la loi du 13 juin 1998 et celle du 19 janvier 2000 - deux dates pour le passage à la nouvelle durée légale : le 1er janvier 2000 pour les entreprises de vingt salariés et plus et le 1er janvier 2002 pour les autres entreprises. Les avantages particuliers dont bénéficient les entreprises des ZRR (pour des raisons bien connues de compensation de handicaps naturels) ou les entreprises nouvelles créées dans des zones défavorisées ne sauraient leur être supprimés au motif que le nouveau système d'allégements leur est applicable puisqu'il a toujours été entendu que les entreprises de moins de vingt salariés (dont celles-ci) ont jusqu'au 1er janvier 2002, voire 2003, pour mettre en _uvre la nouvelle durée légale.

La suppression de l'article permettra de rétablir les exonérations antérieures.

M. Maxime Gremetz a considéré que les régimes d'exonérations de charges étaient souvent détournés de leur objectif pour pouvoir bénéficier à de grandes entreprises et rappelé l'engagement du Gouvernement de supprimer les exonérations dans les zones franches.

M. Gérard Lindeperg a signalé que des discussions avaient eu lieu avec le ministère de la ville sur ce dispositif et qu'un accord sur un régime transitoire avait été trouvé pour préserver les aides existantes tout en évitant certains effets d'aubaine. Il ne saurait donc être envisagé de supprimer complètement ce dispositif.

La commission a adopté l'amendement de suppression.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2001.

*

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Malavieille, les crédits de la formation professionnelle pour 2001.

M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits consacrés à la formation professionnelle peuvent faire l'objet de deux présentations. La première consiste à identifier tous les articles concourant à cet objectif inscrits dans le fascicule « emploi » du projet de loi de finances. La deuxième approche consiste à distinguer les crédits concourant directement à la formation professionnelle, ceux des chapitres 43-06 et 44-70 qui forment l'agrégat dit formation professionnelle.

Or, dans les deux cas, le budget de la formation professionnelle ne fait apparaître qu'une baisse de l'ordre de 100 millions de francs, c'est-à-dire une quasi-stabilité des crédits. Celle-ci confirme l'importance accordée à la formation professionnelle si on la compare à la baisse de près de 10 milliards de francs qui affecte l'ensemble des crédits du ministère. Il convient en outre de noter que la décroissance du chômage aurait pu permettre une réduction des crédits puisque les moyens affectés à certains chapitres diminuent, proportionnellement au nombre de chômeurs, de près de 350 millions de francs.

La stabilité des crédits ne doit pas occulter l'importance des choix opérés entre les divers postes de dépenses qui traduisent :

- Un soutien fort à la formation en alternance dont les crédits augmentent de plus de 7,3 %

Il est ainsi prévu de financer la conclusion de 230 000 nouveaux contrats d'apprentissage contre 220 000 l'an dernier. Les exonérations de cotisations liées à la conclusion de ces contrats progresseront plus rapidement que les primes. Après le resserrement du dispositif opéré en 1999, l'article 57 du présent projet de loi de finances propose en effet de limiter le bénéfice de la prime aux entreprises de moins de dix salariés.

Il est par ailleurs prévu de financer la conclusion de 123 000 nouveaux contrats de qualification jeunes en 2001 et de proroger les contrats de qualification adultes créés, à titre expérimental, par la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, jusqu'au 30 juin 2002.

- Une baisse marquée des actions de formation à la charge de l'Etat :

Les crédits ouverts à cet effet passeront de 5 826 millions de francs en 2000 à 4 720 en 2001, soit une baisse de 19 %. Cette évolution s'explique largement par la baisse des dépenses afférentes à l'allocation formation-reclassement.

- La baisse des moyens consacrés aux dispositifs d'insertion des publics en difficulté

En effet, si les moyens consacrés aux actions spécifiques en faveur des jeunes sont maintenus et même renforcés (+ 3,1 % pour les emplois-jeunes et + 8,4 % pour le programme TRACE), la réduction du chômage, y compris parmi les chômeurs de longue durée, entraîne une réduction des entrées dans les dispositifs spécifiques correspondants. Cette diminution s'accompagne cette année encore d'une réorientation des dispositifs vers les personnels les plus en difficulté.

Deux points apparaissent clairement :

- l'Etat n'a pas profité de l'amélioration de la situation de l'emploi pour réduire son effort en faveur de la formation professionnelle ;

- il a modifié en revanche la nature de celui-ci en tendant à le concentrer sur les publics traditionnellement exclus de la formation professionnelle.

De fait, la persistance d'un engagement public fort en faveur de la formation professionnelle constitue un enjeu majeur dans les années à venir. Le trait le plus visible de l'engagement du service public en faveur de la formation professionnelle est la mobilisation du service public de l'emploi autour de l'ANPE et de l'AFPA.

Il faut se féliciter de la croissance des moyens consacrés au fonctionnement du service public de l'emploi et de la formation professionnelle :

- augmentation de la subvention de fonctionnement de l'AFPA de 4,29 milliards de francs à 4,52 milliards ;

- augmentation de celle de l'ANPE de 6,36 à 6,89 milliards ;

- hausse des crédits consacrés au réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes de 16,7 millions de francs, dans le projet de loi de finances pour 2001.

Il serait cependant indispensable de procéder à une revalorisation des rémunérations des stagiaires de l'AFPA.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean le Garrec a observé que face aux difficultés de recrutement que rencontrent les entreprises, la question du redéploiement de l'action en matière de formation professionnelle se pose, afin de mieux adapter les dispositifs aux besoins du marché. La discussion de la loi de modernisation sociale sera une première occasion de revenir sur les problèmes de la formation professionnelle et sur la validation des acquis.

M. Gérard Lindeperg a fait les remarques suivantes :

- Les moyens de la politique contractuelle de l'Etat c'est-à-dire des engagements de développement et des contrats d'études prospectives qui constituent un levier important pour inciter les entreprises à accroître leur effort en matière de formation professionnelle apparaissent en diminution.

- La suppression de la prime perçue par les entreprises de plus de dix salariés lors de la conclusion d'un contrat d'apprentissage ne devrait pas les pénaliser dans la mesure où cette prime est finalement peu incitative. Ces entreprises concluent un contrat d'apprentissage essentiellement parce qu'elles ont besoin de main-d'_uvre. Une exception devrait cependant être prévue au bénéfice des entreprises d'insertion pour lesquelles la prime représente 6 à 7 % de leur budget.

- Le budget comprend des subventions aux organisations syndicales pour leurs besoins de formation. Ce système d'aide aux syndicats n'est pas satisfaisant. La démocratie sociale a un coût. Il doit être assumé de façon publique et transparente.

Il a ensuite interrogé le rapporteur pour savoir si le Comité paritaire du congé individuel de formation (COPACIF), gestionnaire des excédents financiers des organismes paritaires des contributions au congé individuel de formation, fera l'objet cette année encore de prélèvements en direction du budget de l'Etat 

M. Maxime Gremetz s'est déclaré favorable au maintien de la prime pour toutes les entreprises d'insertion et s'est étonné du chiffre de 230 000 contrats d'apprentissage alors que le développement et la modernisation de ces contrats sont donnés comme des objectifs prioritaires. Par ailleurs il est indispensable de revaloriser la rémunération des apprentis.

La baisse du chômage devrait justement justifier des moyens accrus pour la formation professionnelle car les besoins sont d'autant plus importants. Il n'est d'ailleurs pas sûr que l'augmentation des crédits de l'AFPA soit suffisante.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il fallait affirmer le principe du maintien de la prime pour les contrats d'apprentissage conclus par les entreprises d'insertion et qu'il en ferait part à Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. La question de la pertinence du seuil de dix salariés devrait également être posée. Un relèvement à vingt salariés pourrait être envisagé.

M. Gérard Lindeperg a observé qu'il fallait pour mesurer l'évolution de l'effort consacré à la formation professionnelle apprécier la masse globale des crédits qui lui sont affectés. Pour 2000, elle s'élevait à 140 milliards de francs au sein de laquelle l'Etat n'assure que 40 %. L'essentiel du financement relève en effet des entreprises et des conseils régionaux.

Mme Hélène Mignon a observé que la réflexion sur la rémunération des apprentis devait être liée à celle évoquée par M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué chargé de l'enseignement professionnel, sur celle des élèves des lycées professionnels afin qu'un décalage trop grand n'apparaisse pas entre les deux. Elle a ensuite indiqué qu'elle avait proposé que la durée du contrat de qualification pour adulte soit réduite.

M. Maxime Gremetz, après avoir souligné qu'il ne fallait pas exagérer l'importance de l'effort des entreprises en matière de financement de la formation professionnelle, a précisé que l'apprentissage et l'enseignement dans les lycées professionnels étaient certes deux types de formation en alternance mais qu'ils répondaient à des principes inversés, l'un donnant la priorité à l'enseignement et l'autre à la pratique professionnelle. Il faut donc tenir compte de la spécificité de chacun.

M. Gérard Lindeperg a souligné la complexité du problème de l'inadéquation entre l'offre et la demande de formation. La seule augmentation des moyens de l'AFPA ne saurait régler le décalage existant entre les besoins des entreprises et les formations assurées par l'AFPA. Il faut bien constater que certaines de ces formations, bien que financées, ne trouvent pas de candidats.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a formulé les observations suivantes :

- Le recul du chômage fait percevoir la formation professionnelle sous un autre angle. Désormais, celle-ci n'est plus perçue comme une solution au chômage.

- Quelles que soient les compétences et les actions des conseils régionaux, il incombe à l'Etat, d'une part, de veiller à une certaine cohérence dans la politique de formation professionnelle et, d'autre part, d'assurer une coordination entre les différents intervenants.

- Si le projet de loi de finances pour 2001 prévoit le financement de 10 000 contrats d'apprentissage supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2000, un objectif plus ambitieux aurait néanmoins pu être poursuivi.

- La diminution des crédits alloués à la politique contractuelle, indéniable, ne saurait éclipser la question du rôle des partenaires sociaux.

- Les crédits consacrés à la formation syndicale demeurent stables à hauteur de 73 millions de francs. La question du coût de la démocratie sociale mérite en effet d'être posée.

- S'agissant de la prime afférente aux contrats d'apprentissage, il faut obtenir que cette prime soit maintenue pour les entreprises d'insertion.

- Il n'est pas prévu de nouveau prélèvement sur les crédits du copacif dans le projet de loi de finances pour 2001.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle pour 2001.


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