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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 février 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. Gaëtan Gorce, sur l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (

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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu une communication de M. Gaëtan Gorce sur l'application de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a indiqué que le bilan pouvant être dressé aujourd'hui de l'application de la loi du 19 janvier 2000 était dans la droite ligne de celui, déjà positif, établi à l'occasion du rapport d'information présenté en mars 1999. Les perspectives qui furent tracées dans le cadre de ce rapport d'information précité sont devenues, depuis, une réalité. Globalement, on peut estimer que les objectifs de la deuxième loi sont en passe d'être atteints avec près de 50 000 accords signés à ce jour concernant environ cinq millions de salariés et quasiment la moitié des salariés concernés à terme par les trente-cinq heures. Ces chiffres seraient plus importants encore si l'on y ajoutait les salariés à temps partiel et les travailleurs postés.

Il faut se souvenir qu'en 1999, 250 000 emplois nouveaux à échéance du 1er janvier 2002 étaient escomptés de l'application des trente-cinq heures. On évalue au 1er janvier 2001 à 230 0000 le nombre d'emplois créées ou préservés grâce aux trente-cinq heures, étant précisé que, parmi ce chiffre global de 230 000, on dénombre près de 30 000 emplois ayant été préservés dans le cadre d'accords défensifs.

Les économistes s'accordent à reconnaître l'effet positif de la réduction du temps de travail sur l'emploi. Le récent rapport de M. Jean Pisani-Ferry a d'ailleurs confirmé l'existence d'une forte contribution des trente-cinq heures au mouvement massif de créations d'emplois observé au cours de la dernière période. Par ailleurs, les enquêtes menées tant auprès des personnels concernés que des chefs d'entreprises montrent une appréciation positive des trente-cinq heures.

Au cours de l'année 2000, le débat sur la réduction du temps de travail s'est déplacé vers les relations complexes existant entre la réduction du temps de travail et la croissance dans un contexte de forte expansion économique. Certains observateurs, réservés quant au résultat positif des trente-cinq heures, ont estimé que la réduction du temps de travail avait pour effet de brider la croissance, soit en limitant le pouvoir d'achat des salariés, exerçant ainsi un effet restrictif sur la consommation, soit en faisant diminuer le volume d'heures travaillées. Force est de constater que ces critiques ont été démenties par les faits. En ce qui concerne les salaires et le pouvoir d'achat, il faut rappeler que 92 % des entreprises ayant conclu un accord en ont compensé intégralement l'effet sur les salaires, qui sont donc restés stables. 4 % des entreprises concernées n'ont compensé que partiellement le passage aux trente-cinq heures. La réduction du temps de travail est effectivement liée à une modération salariale dans de nombreux cas, mais cette modération demeure limitée dans le temps.

Il est indéniable que la réduction du temps de travail s'est accompagnée d'un fort mouvement de créations d'emplois se traduisant par une augmentation de la masse salariale dans la valeur ajoutée. Les études menées montrent en outre que la réduction du temps de travail n'a pas entraîné de baisse du volume des heures travaillées ni dans le cadre de la première loi ni depuis le vote de la deuxième loi. Il apparaît que si la durée légale a baissé de 10 %, par définition, la durée effective de travail a, elle, diminué en moyenne de 4 à 6 %. Par ailleurs, une étude du ministère de l'emploi et de la solidarité d'octobre 2000 portant sur les liens existant entre la réduction du temps de travail et les difficultés de recrutement rappelle que ce ne sont pas les trente-cinq heures qui créent les éventuelles difficultés de recrutement.

A ce stade, trois conclusions se dégagent. Le premier axe consiste à plaider pour une évolution en profondeur des stratégies de recrutement des employeurs ainsi que pour la poursuite par l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) d'une nouvelle orientation contribuant à redéfinir les profils de postes proposés plutôt que d'agir uniquement sur la demande d'emploi. Il faut en deuxième lieu encourager une plus grande fluidité du marché du travail. Cela doit par exemple se traduire par une meilleure reconnaissance du droit à la promotion sociale. Les salariés qualifiés, qui ont dû accepter, en période de crise, des emplois ne satisfaisant pas à leurs attentes, doivent désormais accéder à des postes et des responsabilités correspondant mieux à leurs compétences.

Il semble, enfin, urgent d'engager un véritable processus de négociations sur les conditions de travail, les salaires et les formations dans les secteurs professionnels apparaissant aujourd'hui comme les moins attractifs. Dans un secteur tel que la métallurgie par exemple, il conviendrait de rénover les conditions de travail et d'améliorer les conditions de rémunération pour attirer les jeunes générations. D'une manière générale, tous secteurs confondus, si les organisations professionnelles, encouragées par l'Etat, ne prennent pas l'initiative d'une remise à plat des dispositions conventionnelles applicables branche par branche, le risque encouru est de voir les salariés exprimer eux-mêmes et de façon radicale des revendications notamment salariales.

Le rapporteur en est venu ensuite à l'objet principal de sa communication : les conditions du passage progressif des très petites entreprises (TPE) aux trente-cinq heures.

Conscient des difficultés propres à ces structures de petite taille, le législateur a mis en place une période d'adaptation afin que l'échéance du 1er janvier 2002 ne représente pas une date-couperet. L'application de la nouvelle durée légale du travail n'en constitue pas moins une étape majeure pour ces entreprises. Il importe que cette étape puisse être franchie dans les meilleures conditions possibles.

Dans son premier rapport présenté en mars 1999, le rapporteur soulignait qu'entre juin et décembre 1998, près de neuf signatures sur dix avaient concerné des TPE. Le second rapport présenté en juin 1999 constatait que 45 % des entreprises signataires d'accords étaient des entreprises de moins de vingt salariés n'étant pas tenues de réduire la durée du travail avant le 1er janvier 2002. Ce mouvement ne s'est pas interrompu, puisque à la fin du mois d'octobre 2000, une étude de l'ACOSS indiquait que les TPE représentaient 38,8 % des entreprises passées aux trente-cinq heures. Cependant, rapportées au nombre total d'entreprises de vingt salariés et moins, celles passées à trente-cinq heures ne représentent que 1,2 % de l'ensemble, 2,8 % des effectifs pour 3,8 % de l'assiette salariale.

Si l'application de la réduction du temps de travail dans les TPE rencontre des difficultés particulières, la solution ne réside pas dans le report de l'échéance du 1er janvier 2002 ou dans une révision de la législation applicable. Il est certain que ces entreprises sont soumises à des contraintes spécifiques qu'il convient de prendre en compte. A cet égard, il faut souligner le fait qu'aucune organisation patronale ne réclame plus le report de la loi. Des organisations telles que l'UPA, la CGPME mais également le MEDEF font valoir qu'un tel report créerait des distorsions de concurrence ingérables entre les entreprises selon qu'elles appliqueraient ou non les trente-cinq heures. En matière de régime des heures supplémentaires, le débat est identique : tout mécanisme qui allongerait démesurément la phase d'adaptation, pendant laquelle le taux de majoration des heures supplémentaires est moindre, aboutirait à rendre peu attractifs les postes offerts dans les entreprises n'appliquant pas la réduction du temps de travail.

Des souplesses existent d'ores et déjà dans la loi : elles sont suffisantes. De même, le système des aides est en l'état déjà très avantageux. La loi du 19 janvier 2000 a prévu divers éléments tendant à prendre en compte la spécificité des TPE. Ainsi, la période d'adaptation a été conçue pour aider les entreprises, et notamment les plus petites d'entre elles, à se réorganiser selon un rythme compatible avec leurs particularités. Par ailleurs, le système de négociation et d'allégement de cotisations a été défini en fonction de leurs caractéristiques propres. Cependant, un programme d'accompagnement est rendu nécessaire par la faiblesse tant des relais locaux que des relais techniques.

M. Gaëtan Gorce a ainsi présenté six recommandations propres à accompagner la réduction du temps de travail dans les TPE.

La première recommandation consiste à compenser le déficit d'information des TPE par des actions d'information nationales et locales d'envergure. Il s'agit notamment de mieux faire connaître la loi par la mise en _uvre d'une campagne s'appuyant sur une mobilisation des réseaux professionnels, syndicaux et consulaires. A cet égard, il faut saluer le rôle décisif des conventions conclues avec les organisations professionnelles. Mais il est certain que d'autres leviers peuvent opportunément être utilisés. Des acteurs proches des entrepreneurs tels que les experts-comptables, qui connaissent bien la vie de l'entreprise, devraient également être mobilisés.

La deuxième recommandation est de mettre en place des plates-formes de compétences par bassin d'emplois. Ces missions auraient pour objet d'apporter aux entreprises ou aux réseaux professionnels une information, une capacité de pré-diagnostic et d'accompagnement. La création de ces plates-formes devrait intervenir à partir d'un appel à projet, adressé aux intervenants locaux et financé par un redéploiement d'une partie des crédits destinés à l'appui-conseil.

La troisième recommandation consiste à créer une mission nationale d'appui, dont le but serait de compenser les faiblesses de la coopération interministérielle dans les divers aspects de la mise en _uvre des trente-cinq heures. Trois ministères ou secrétariat d'Etat au moins sont concernés au premier plan : le ministère du travail et de l'emploi, le ministère de l'économie et des finances et le secrétariat d'Etat chargé de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises.

La quatrième recommandation est de soutenir l'innovation sociale dans les TPE. La réduction du temps de travail doit être l'occasion de favoriser l'innovation sociale. Il y a par exemple lieu d'aider à la mise en place de groupements d'employeurs et au développement du multisalariat. De même, la conclusion d'accords entre l'Etat et les organisations professionnelles, pour développer les actions de formation, secteur par secteur, doit être encouragée.

La cinquième recommandation est d'augmenter la couverture par des accords de branche d'application directe de l'ensemble des TPE. Il faut rappeler en effet que la loi a prévu la possibilité d'introduire dans les conventions des branches des clauses pouvant être appliquées par les entreprises sans qu'elles aient à signer elles-mêmes un accord. Il convient de veiller à ce que la totalité des secteurs d'activités soit couverte par ces dispositions.

La sixième et dernière recommandation consiste à intégrer la démarche de réduction du temps de travail dans une politique globale de soutien aux entreprises commerciales et artisanales. Il serait opportun que le Gouvernement propose à certaines branches la mise en place de programmes allant au-delà de la seule question du passage aux trente-cinq heures. A l'instar de ce qui a été fait avec les transporteurs routiers, il serait souhaitable que soit généralisée la formule des contrats de progrès à ces différents secteurs, notamment dans le commerce et l'artisanat, pour mieux répondre aux principaux défis auxquels ils sont confrontés.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec, après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de son intervention, a indiqué que le document réalisé serait bien entendu transmis dans les meilleurs délais à la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Maxime Gremetz a demandé des éclaircissements concernant l'étude ayant été confiée au cabinet Bernard Brunhes consultants dans le cadre de présente communication.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que, sur décision du bureau de la commission, il avait été demandé à ce cabinet de transmettre au rapporteur une étude basée sur une quarantaine d'études de cas et de monographies sur des très petites entreprises passées ou non aux trente-cinq heures. Cette étude, qui avait pour but de nourrir la réflexion du rapporteur, a été facturée à la commission à 167 000 francs, ce qui ne paraît pas un prix exorbitant.

M. Gaëtan Gorce a précisé qu'il n'avait pas été demandé au cabinet Bernard Bruhnes d'établir des conclusions sur l'application des trente-cinq heures car cet exercice relève de la seule appréciation politique du rapporteur ; c'est lui qui en assume la pleine responsabilité. Les études de cas fournies ont permis, en revanche, de disposer de davantage d'informations pour établir cette appréciation politique.

M. Maxime Gremetz a fait les observations suivantes :

- Des difficultés sérieuses apparaissent sur l'interprétation de la loi, en particulier s'agissant du calcul du temps de travail effectif au sein de grands groupes. Il semble que ces derniers fassent une interprétation biaisée de la loi du 19 janvier 2000. Le législateur devrait manifestement apporter de nouvelles précisions à ce sujet.

- Il apparaît très difficile de distinguer le nombre des emplois préservés du nombre d'emplois créés grâce à la réduction du temps de travail.

- Il semble qu'il existe très peu de comités de suivi dans les entreprises ayant signé un accord de réduction du temps de travail, alors que ceux-ci constituent une disposition extrêmement importante de la loi précitée.

- Un problème majeur se pose s'agissant des accords majoritaires, certaines entreprises préférant ne pas y recourir même si cela implique qu'elles renoncent, ce faisant, à bénéficier des exonérations de charges sociales. Pourtant, selon certains observateurs, il conviendra précisément de renforcer le principe de l'accord majoritaire à l'avenir.

- Il est faux de prétendre que la part des salaires dans la plus-value a augmenté alors qu'elle est restée stable depuis 1997, ce qui reflète la tendance à une modération salariale stricte.

- La loi offre une grande souplesse en permettant aux entreprises de s'adapter progressivement et en prévoyant un dispositif d'accompagnement grâce à la phase d'adaptation. Il faut absolument éviter que des dispositifs particuliers soient mis en _uvre, car cela aboutirait à créer une rupture du principe d'égalité entre les salariés.

- Il est inquiétant de constater combien les entreprises d'intérim sont florissantes alors que la reprise économique devrait permettre, au contraire, de réduire le volume des emplois précaires.

M. Pierre Hellier a insisté sur la grande difficulté de mesurer l'impact des trente-cinq heures sur le marché de l'emploi. La baisse modérée des heures travaillées prouve qu'il n'y a pas eu d'embauches massives pour compenser la réduction du temps de travail.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a déclaré avoir une analyse générale parfaitement opposée à celle du rapporteur au regard des constats qu'elle a pu dresser de l'application de la loi du 19 janvier 2000 dans sa propre circonscription :

- Aucun crédit ne peut être apporté au chiffre annoncé de 230 000 emplois créés grâce à la réduction du temps de travail. Chacun sait bien que ces créations d'emplois se sont produites dans un contexte de reprise économique et qu'ils ont sans doute bénéficié d'effets d'aubaine importants.

- La loi sur la réduction du temps de travail apparaît même à certains égards comme antisociale par son caractère systématique et autoritaire. De nombreux salariés voudraient en effet garder le choix de leur temps de travail, alors que les nouvelles organisations du travail, imposées par les dispositions de la loi, sont de plus en plus complexes et ne semblent pas toujours compatibles avec les souhaits des intéressés eux-mêmes.

- Dans certains secteurs, la loi est inhumaine ; il en est ainsi du secteur médico-social à l'exemple des centres d'aide par le travail (CAT) où l'organisation du temps dû aux trente-cinq heures, par trop coercitive, entraîne une véritable « valse du personnel » rendant impossibles certaines activités pratiquées auparavant. Dans le secteur hospitalier, le temps est si strictement comptabilisé désormais que le suivi des patients en pâtit.

- Les crédits pour l'appui-conseil sont en baisse, ce qui crée une distorsion de traitement entre les premières entreprises qui en ont bénéficié et les autres.

- Le problème de recrutement des petites entreprises est sérieux, l'effet de seuil des vingt salariés ayant conduit de nombreux ouvriers qualifiés à quitter les entreprises n'atteignant pas ce seuil pour rejoindre de grands groupes jugés plus attractifs.

- La réduction du temps de travail n'a pas permis de résoudre le problème des deux millions de chômeurs qui constituent le noyau dur du chômage dans notre pays, alors que le travail intérimaire se développe de manière inquiétante.

- On peut s'interroger sur les modalités de financement des trente-cinq heures à court et moyen terme.

M. Edouard Landrain s'est étonné qu'il ait été fait appel à un cabinet extérieur pour réaliser une étude sur la réduction du temps de travail alors que l'administration centrale et l'Assemblée nationale disposent de personnels compétents capables d'établir ce type d'analyses techniques.

Le président Jean Le Garrec a fait remarquer que le Parlement français jouissait de moyens financiers et humains considérablement plus faibles que certains autres parlements étrangers. Celui-ci devrait avoir les moyens d'exercer pleinement son rôle de contrôle en toute indépendance. Ce n'est pas le cas. L'expérience d'un recours à des organismes extérieurs devrait donc être renouvelée. De surcroît, il existe des sujets d'étude sur lesquels l'administration ne se penche pas forcément très spontanément.

M. Edouard Landrain a souligné le caractère très optimiste de la communication qui semble sous-estimer grandement de nombreux problèmes. On assiste aujourd'hui à des phénomènes de « fuite » des salariés vers les grandes entreprises dans lesquelles la modulation du temps de travail s'est opérée facilement. En conséquence, des petites entreprises artisanales ne peuvent plus faire face à la demande de leur clientèle en raison de pénurie de main d'_uvre. Dans le secteur social et médico-social, les trente-cinq heures devraient se mettre en place dans des conditions convenables. Elles se heurtent cependant à des contraintes budgétaires fortes. Le Gouvernement doit laisser aux petites entreprises le temps de mettre en place la réduction du temps de travail sans agir par la contrainte, mais au contraire en s'efforçant d'être à l'écoute de leurs préoccupations concrètes.

M. Germain Gengenwin, après avoir confirmé les problèmes évoqués et la nécessité de trouver des solutions adaptées pour les petites entreprises, a noté trois problèmes majeurs. Tout d'abord, la pénurie de main-d'_uvre conduit à des pratiques de travail dissimulé qui ont notamment lieu durant le week-end. Ensuite on doit déplorer l'augmentation du recours à l'intérim, qui prouve bien les difficultés à mettre en place les trente-cinq heures dans de bonnes conditions. Il serait utile aussi de connaître l'estimation du coût global des aides à la réduction du temps de travail ainsi que les perspectives d'application des trente-cinq heures dans la fonction publique. Il a, pour finir, dénoncé le fait des salariés venus d'autres pays, et n'appliquant de fait que les règles de la législation de leur pays d'origine, effectuent de plus en plus fréquemment sur le sol français des horaires de travail difficilement admissibles.

M. Georges Colombier a déploré le recours parfois excessif à l'intérim, qui peut aboutir à ce que le nombre d'intérimaires dépasse celui des salariés permanents de l'entreprise ou encore à ce que des intérimaires se trouvent employés plusieurs années de suite sur un même poste.

M. Bernard Outin a souhaité des précisions sur le chiffre annoncé par le rapporteur selon lequel la diminution de la durée du travail aurait été de 5 % environ pour savoir si celui-ci s'entend par rapport à une durée légale antérieure de trente-neuf heures ou par rapport à la durée effective du travail dans l'entreprise avant l'application de la réduction du temps de travail. Il a ensuite fait les observations suivantes :

- Les exemples évoqués de difficultés de mise en _uvre de la réduction du temps de travail sont réels mais des exemples contraires existent aussi. En outre, bien des problèmes résultent en réalité d'une méconnaissance de la loi et de l'ignorance du mécanisme des aides existantes.

- La question du pouvoir d'achat doit être distinguée de celle de la réduction du temps de travail. L'organisation du partage du travail par les trente-cinq heures n'exclut pas cette du partage des richesses, qui renvoie à une autre problématique.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a tenu à préciser qu'elle était favorable dans l'absolu à une forme négociée de réduction du temps de travail, le travail n'étant pas un but en soi. Cependant, la loi telle qu'elle a été adoptée apparaît mauvaise car elle est systématique et autoritaire et en inadéquation croissante avec les réalités économiques et sociales.

Le président Jean Le Garrec a fait les observations suivantes :

- La formule des communications présentées à la commission par des rapporteurs de suivi visait à analyser les difficultés d'application des lois adoptées afin d'établir en direction du Gouvernement et des différents intervenants un certain nombre de recommandations. Il s'agit de nourrir un débat démocratique et enrichissant sur tous les sujets d'importance dont la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a la charge.

- En ce qui concerne les travailleurs étrangers en France, il est regrettable que dans bien des cas, la législation communautaire en vertu de laquelle un salarié travaillant dans un autre pays de l'Union européenne que le sien est soumis aux conditions légales et réglementaires du pays d'accueil ne soit pas respectée.

- L'impact de la réduction du temps de travail sur la création d'emplois est maintenant avéré. De nombreuses études le prouvent. Aussi le chiffre de 400 000 créations d'emplois d'ici 2002-2003 paraît tout à fait réaliste.

- Le recours par les entreprises aux salariés intérimaires pendant de longues périodes alors que le coût d'un salarié intérimaire est au total supérieur de 17 % environ à celui d'un salarié employé de façon stable est incompréhensible. Il semble que depuis vingt ans les entreprises développent une stratégie de prudence excessive vis-à-vis de l'embauche.

M. Edouard Landrain a observé que les difficultés de recrutement des artisans étaient particulièrement aiguës dans la région de Saint-Nazaire en raison des salaires élevés proposés par les chantiers de l'Atlantique.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que le problème des salaires offerts par les artisans avait été soulevé par le président de la CAPEB lui-même. Celui-ci est conscient que les difficultés de recrutement des jeunes ne feront que s'accentuer si les entreprises artisanales ne modifient pas leur politique salariale. Le problème le plus important apparu lors du suivi de la loi est que celle-ci reste peu connue et que les discours alarmistes et idéologiques sur le caractère forcément néfaste de la réduction du temps de travail ont souvent empêché les chefs d'entreprises de s'informer réellement sur la loi et de maîtriser l'ensemble des dispositifs qu'elle propose. La loi est souple en l'état ; il ne faut donc pas assouplir encore ses dispositions mais bien plutôt les faire connaître et accompagner secteur par secteur la démarche de réduction du temps de travail.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponses suivantes :

- En ce qui concerne les salaires, la situation actuelle semble particulièrement favorable puisque la politique salariale qui accompagne bien souvent la réduction du temps de travail est directement issue de la négociation sociale.

- S'agissant de la définition du temps de travail effectif, les contours de cette notion ont déjà été très précisément établis par le législateur. Cela n'empêche pas que certaines entreprises comme par exemple Peugeot aient pu revoir leurs accords antérieurs sur ce point pouvant aboutir à un mode de calcul moins satisfaisant pour les salariés. On peut estimer qu'en moyenne, la durée réelle du temps de travail a baissé de 4 à 6 %.

- En matière de création d'emplois, il est encore impossible aujourd'hui de définir précisément quelle est la part des emplois précaires et celle des contrats à durée indéterminée.

- Les termes de Mme Boisseau définissant la loi comme « anti-sociale » et « inhumaine » ne correspondent à aucune réalité. En effet, la grande majorité des Français, y compris les chefs d'entreprises, ont une appréciation positive sur la réduction négociée du temps de travail.

- En ce qui concerne l'appui aux entreprises, le budget a été augmenté dans la dernière loi de finances pour passer de 150 millions de francs à 280 millions.

- Enfin, le recrutement semble plus difficile dans certains secteurs, mais il n'est pas devenu impossible. Dans ce domaine, une collaboration étroite et dynamique est indispensable entre l'ANPE et l'AFPA.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que le financement des trente-cinq heures serait bien évidemment assumé par le Gouvernement. En revanche, les modalités concrètes de ce financement sont en cours d'arbitrage.

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Informations de la commission

La commission a désigné les candidats à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Titulaires

Suppléants

M. Jean Le Garrec

M. Philippe Nauche

Mme Danielle Bousquet

Mme Hélène Mignon

Mme Martine Lignières-Cassou

M. Alfred Recours

M. Patrick Delnatte

Mme Nicole Catala

Mme Marie-Thérèse Boisseau

Mme Françoise de Panafieu

Mme Muguette Jacquaint

M. Jean-Pierre Foucher

Mme Marie-Hélène Aubert

M. Bernard Perrut

La commission a nommé Mme Paulette Guinchard-Kunstler rapporteure sur le projet de loi portant création d'une aide personnalisée à l'autonomie.


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