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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 40

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 mai 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. André Aschieri visant à la création d'une commission d'enquête relative aux circonstances dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination de masse de l'hépatite B, à la responsabilité de l'Etat en la matière, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes - n° 2930 (M. Philippe Nauche, rapporteur)

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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Philippe Nauche, la proposition de résolution de M. André Aschieri tendant à créer une commission d'enquête sur la vaccination contre l'hépatite B - n° 2930.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait été saisie, depuis le début de la présente législature, de vingt-huit propositions de résolution visant à la création de commissions d'enquête. Devant la charge de travail qu'engendre pour la commission la nécessité d'examiner de manière approfondie chaque proposition de résolution, il y a lieu de s'interroger sur une meilleure maîtrise et une utilisation plus adéquate de cette procédure.

M. Jean-Pierre Foucher a considéré que la demande de création de commissions d'enquête est une prérogative des parlementaires qui doit être préservée. Il a estimé que la récente décision de la commission de lui confier, en sa qualité de rapporteur pour avis sur les crédits de la santé, une mission d'information sur la direction générale de la santé, en réponse à la proposition de résolution examinée et rejetée par la commission le 28 mars dernier, était d'une portée limitée dans la mesure où un rapporteur pour avis ne dispose pas, contrairement aux rapporteurs spéciaux, du pouvoir d'investigation sur pièces et sur place.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il veillerait à ce que M. Jean-Pierre Foucher dispose de l'accès aux informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

M. Philippe Nauche, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution, déposée le 28 février 2001 par M. André Aschieri, visait à créer une commission d'enquête sur les circonstances de la campagne de vaccination de masse de l'hépatite B en France, ainsi que sur les responsabilités de l'Etat en la matière, sur la prise en charge et l'indemnisation des personnes s'estimant victimes de ce vaccin, en mettant en avant ce qu'il appelle une « croisade sanitaire » lancée en 1994 par M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, qui a conduit près de vingt-cinq millions de personnes à se faire vacciner. Il faut cependant souligner la différence entre l'article unique de la proposition de résolution qui vise seulement les conséquences de la campagne de vaccination de masse, et le titre et l'exposé des motifs qui parlent également des circonstances de cette campagne.

Les conditions de recevabilité de la présente proposition de résolution, au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale, sont bien réunies : les faits pouvant donner lieu à enquête, en l'espèce les campagnes de vaccination ainsi que la situation des personnes qui s'en estiment victimes, semblent suffisamment détaillés. S'agissant de la seconde condition, relative à la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire, Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux et ministre de la justice, a indiqué par lettre du 21 mars 2001 à M. le président de l'Assemblée nationale, qu'une information judiciaire a été ouverte le 29 mai 1998 au Tribunal de grande instance de Paris du chef d'homicide involontaire, à la suite du dépôt de plainte avec constitution de partie civile d'une famille dont l'enfant est décédé peu de temps après une vaccination contre l'hépatite B, et laisse à l'Assemblée nationale « le soin d'apprécier si cette procédure est de nature à faire obstacle à la création d'une telle commission d'enquête ».

Dans ces conditions, il appartient donc à la commission des affaires sociales de se prononcer sur la recevabilité de la présente proposition de résolution. L'existence de poursuites judiciaires n'est pas à elle seule une cause d'irrecevabilité d'une demande de constitution de commission d'enquête mais il s'agit d'un élément important à prendre en compte pour limiter les pouvoirs d'investigation de ladite commission dans la mesure de l'étendue des faits dont est saisie, pour sa part, l'autorité judiciaire.

En ce qui concerne le champ d'investigation de la commission d'enquête, il ressort clairement de l'exposé des motifs que celui-ci comprend deux éléments principaux avec d'une part l'existence ou non d'un risque médical lié à la vaccination contre l'hépatite B, risque récusé jusqu'à présent par toutes les publications scientifiques et plus récemment à l'occasion du congrès d'Ankara de mars 2001 et d'autre part, les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination de masse contre l'hépatite B en 1994-1995.

Le rapporteur a ensuite rappelé que l'hépatite C, principal facteur de survenue du cancer du foie, se transmet par le sang, par voie sexuelle et par transmission de la mère à l'enfant lors de l'accouchement et est présent dans tous les autres liquides biologiques, sans que leur caractère contaminant soit prouvé. Cliniquement, l'infection n'est pas détectée dans plus de deux tiers des cas, le sujet porteur chronique constituant ainsi une source possible de contamination secondaire sans le savoir. Dans 20 à 40 % des cas, la primo-infection virale peut donner lieu à des signes cliniques plus ou moins marqués et plus rarement, dans 1 0/00 du total des primo-infections, la maladie prend une forme fulminante et mortelle. Dans 2 à 5 % des cas, la maladie évolue vers une hépatite chronique qui, dans 20 à 30 % des cas, en général après plus de dix ans, peut se transformer en une cirrhose, laquelle peut se développer en un cancer. On évalue ainsi à près de 1 000 le nombre des personnes qui meurent chaque année en France des complications d'une hépatite chronique à virus B.

S'agissant des traitements, il faut souligner l'absence de solution curative définitive, les antiviraux disponibles, en cours d'évaluation, n'étant que d'une efficacité partielle. La prévention repose ainsi sur le dépistage de certaines populations (donneurs de sang, dialysés, femmes enceintes), le renforcement des précautions universelles, la sensibilisation des groupes « à risque » (professionnels de santé, homosexuels, personnes à partenaires sexuels multiples, toxicomanes) et la vaccination.

S'agissant de la situation épidémiologique, on estime que près de 100 000 personnes sont en France porteurs chroniques, soit 0,17 % de la population. Il faut également noter que le risque de contracter une hépatite B n'est pas uniforme au cours de la vie : très faible dans l'enfance, il croît à partir de l'adolescence, connaît un pic dans la tranche de population âgée de 20 à 29 ans pour décroître ensuite rapidement. La France fait ainsi partie de la zone géographique de faible prévalence (inférieure à 2 %) qui comprend l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord. La zone de prévalence moyenne (2 à 7 %) regroupe l'Europe de l'Est, le bassin méditerranéen et l'Amérique du Sud, tandis que celle de forte prévalence (supérieure à 8 %) se trouve dans le continent asiatique (soit 45 % de la population mondiale).

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime à 4 millions le nombre d'infections aiguës au virus de l'hépatite B (VHB) survenant chaque année dans le monde et à 350 millions le nombre de porteurs chroniques du VHB, dont près de 25 % décéderont d'une cirrhose ou d'un cancer primaire du foie, maladies qui tuent plus d'un million de personnes par an.

En France, les données sur l'incidence proviennent du réseau de médecins généralistes « Sentinelle ». Le nombre d'hépatites aiguës B symptomatiques était estimé à 8 000 en 1994 ; il serait de 2 500 à 3 000 actuellement. On observe une dizaine de cas d'hépatites fulminantes par an mais le profil épidémiologique des malades est mal connu et il ne s'agit que d'estimations en raison des faiblesses du dispositif français d'épidémiologie.

La France a été l'un des premiers pays à développer la vaccination contre l'hépatite B dès 1981 avec les premiers vaccins. Durant la décennie 80, les recommandations se sont appliquées aux groupes à risque : professionnels de santé, toxicomanes, sujets à partenaires sexuels multiples avant d'être transformées pour les professionnels de santé des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soin en obligation vaccinale par la loi du 18 janvier 1991.

Parallèlement des études menées à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis en 1991, concluaient à l'efficacité maximale de la stratégie visant à vacciner l'ensemble des enfants à la naissance associée à un rattrapage chez les adolescents, ce qui permettrait de réduire l'incidence des infections de moitié en l'espace de dix ans. Les Etats-Unis et le Canada modifièrent en conséquence leur calendrier vaccinal et l'OMS intégra cette stratégie au sein du « Programme élargi des vaccinations ». Aujourd'hui, on compte quatre-vingt-neuf pays qui vaccinent les nourrissons mais les politiques vaccinales restent très différentes, y compris en Europe.

La France a adopté rapidement cette stratégie en 1993 avec pour objectif de diminuer l'incidence de la maladie de 90 % d'ici 2015. Une campagne nationale en faveur de la vaccination, largement reprise par la presse, a été ainsi lancée en 1994 et 1995 et la campagne scolaire de vaccination à destination des enfants en classe de sixième a débuté à la rentrée 1994. Au total, entre 20,7 et 27,5 millions de personnes sont aujourd'hui vaccinés dont environ 8,9 sont des enfants âgés de 15 ans au moins, ce qui place la couverture vaccinale française parmi les plus élevées au monde.

A partir de 1997, le vaccin a été soupçonné d'effets secondaires graves en particulier par l'association « REVAHB », dont le sigle signifie « Réseau Vaccin Hépatite B », qui regroupe des personnes ou leurs proches se considérant victimes du vaccin. Les principales affections seraient des maladies neurologiques, au premier rang desquelles la sclérose en plaques, des maladies auto-immunes telles que le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, des affections ophtalmologiques et des maladies hématologiques telle que l'aplasie médullaire. Selon le REVAHB, les déclarations des complications post-vaccinales seraient sous-estimées par le système français de pharmacovigilance ; le croisement des dossiers recensés par l'association avec ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), avec laquelle elle collabore depuis février 1998, a de fait démontré que 70 % des dossiers transmis par le REVAHB n'étaient pas connus de l'Agence et qu'il existait peu de doublons. A ce jour, environ 1 800 personnes ont déclaré à l'association un effet secondaire grave, de nature neurologique dans la majorité des cas, succédant chronologiquement à leur vaccination contre l'hépatite B. L'AFSSAPS, dans l'étude précitée en date de février 2000, a pour sa part retenu 636 cas d'affections démyélisantes centrales.

Pour répondre aux inquiétudes soulevées par des associations de patients, des médecins et des journalistes, plusieurs études ont été conduites en France et à l'étranger à la fin des années 1990. Une comparaison des bénéfices/risques de la vaccination a ainsi été menée par le Réseau national de santé publique (RNSP) en septembre 1998 ; elle concluait notamment que « le bénéfice de la vaccination dépasse très largement le possible risque » et soulignait l'absence de signalement d'effets indésirables neurologiques chez le nourrisson.

A la suite de cette étude et d'autres documents scientifiques, le secrétaire d'Etat à la santé, M. Bernard Kouchner, décida le 1er octobre 1998 de modifier la stratégie vaccinale de la France. Il soulignait l'absence d'un lien causal démontré entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyélinisantes du système nerveux central mais déclarait que l'« on ne peut pas exclure que la vaccination puisse révéler ou faciliter le développement de ces affections chez certains vaccinés ». A propos des données épidémiologiques, il estimait comme étant la plus plausible l'hypothèse de 3 000 hépatites B symptomatiques aiguës par an en France, 200 et 500 hépatites chroniques, conduisant à terme à environ 50 à 120 cirrhoses et cancers annuels. En conséquence, plusieurs mesures étaient décidées en faveur d'une « stratégie vaccinale mieux ciblée, selon des modalités plus propices à une bonne appréciation du risque individuel à l'égard de l'hépatite B comme de l'éventuel risque vaccinal ». Cette révision a notamment conduit à limiter la vaccination pour les adultes aux personnes « à risque » et à suspendre la vaccination systématique en milieu scolaire au collège, sans remettre en cause la vaccination recommandée chez les nourrissons.

A la fin du mois de février 2000, une nouvelle réunion rassemblant des cliniciens, des épidémiologistes français et étrangers et des représentants de l'AFSSAPS, de la direction générale de la santé (DGS) et de l'Institut de veille sanitaire fut organisée avec pour objectif de réexaminer la sécurité des vaccins contre l'hépatite B sur la base de données actualisées de la notification spontanée au système national de pharmaco-vigilance, des observations fournies par l'association REVAHB, et des résultats de nouvelles études épidémiologiques.

Dans le communiqué du 6 mars 2000 présentant les conclusions de cette réunion, on peut retenir que « Le réexamen des données (...) ne permet pas de conclure sur l'existence d'une association entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes ; les résultats permettent d'exclure l'existence d'un risque élevé (...) ; cependant « l'existence d'un risque faible d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes associées au vaccin contre l'hépatite B ne peut pas être exclue, notamment chez certaines personnes présentant des facteurs de sensibilité particuliers ». Il considérait enfin qu'« aucun argument nouveau ne remet en cause les stratégies de vaccination adoptées en octobre 1998 ».

Le rapporteur a ensuite examiné les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la politique de communication en faveur de la vaccination contre l'hépatite B qui s'est déroulée en 1994 et 1995, rappelant la décision en juillet 1994 de M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué chargé de la santé auprès de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, de lancer une campagne nationale en faveur de la vaccination contre l'hépatite B sous la forme d'un programme de valorisation de la vaccination contre l'hépatite B dans les collèges, adressé aux élèves des classes de sixième, lancé durant l'année scolaire 1994-1995, de l'inscription de la vaccination contre l'hépatite B dans le calendrier vaccinal en janvier 1995 et de la préparation d'une vaste campagne nationale d'information en partenariat avec la Caisse nationales d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), qui fut effectivement lancée le 10 novembre 1995. La campagne fut donc préparée alors que Mme Elisabeth Hubert assurait les fonctions de ministre de la santé publique et de l'assurance maladie du 17 mai au 7 novembre 1995, M. Hervé Gaymard lui succédant à partir du 7 novembre 1995 en qualité de secrétaire d'Etat chargé de la santé et de la sécurité sociale auprès de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales

Par son ampleur et son impact, cette campagne surprit de nombreux observateurs et acteurs. Le professeur Jacques Drucker, directeur du Réseau national de santé publique (RNSP), notait plus tard que « beaucoup de gens ont compris qu'il était important de se faire vacciner contre l'hépatite B au même titre que contre la grippe. Si bien que cette campagne, qui aurait dû être ciblée, est devenue à tort une campagne de masse ».

Autour du thème «L'hépatite B : se faire vacciner, c'est l'éviter », tous les supports de communication furent utilisés en ciblant plus particulièrement les adolescents. Force est de constater que la volonté de dramatiser le message, pour en accroître l'impact, a conduit à une certaine surévaluation du risque et des statistiques de l'hépatite B, tandis que les modes de contamination ont été exagérés, la salive et le baiser étant présentés comme un mode certain de transmission de la maladie alors qu'aucune preuve scientifique n'existe en ce sens.

Quelles conclusions peut-on tirer des analyses qui viennent d'être développées ? Sur la première question, relative à l'existence d'un risque médical lié à la vaccination contre l'hépatite B, les conclusions convergentes des études scientifiques conduites jusqu'à ce jour en France et à l'étranger semblent bien écarter un lien de causalité directe entre la vaccination et l'apparition de maladies démyélisantes.

Sur la campagne nationale de vaccination, qui pose la seconde question, force est de constater qu'il y a eu des erreurs de communication que l'on peut qualifier de graves qui mettent en question le fondement, le contenu, la maîtrise et l'éthique des campagnes d'information médicale. On ne peut écarter sur ces questions délicates l'opportunité de la création d'une commission d'enquête. Toutefois, l'existence de procédures judiciaires en cours pose problème. Selon certaines informations, on compte aujourd'hui cinq actions au pénal et près de deux cent-soixante actions au civil dont trois affaires ont été gagnées en première instance par des personnes atteintes de sclérose en plaques à la suite de leur vaccination contre l'hépatite B contre un laboratoire pharmaceutique ; la Cour d'appel de Versailles a confirmé en appel le 3 mai 2001 deux de ces jugements, sur la base de « présomptions graves, précises et concordantes ». Il faut enfin signaler l'existence, à coté de la procédure en pénal signalée par la ministre garde des sceaux, d'une autre procédure au même chef d'accusation de « plainte contre X » pour administration de substances nuisibles auprès du tribunal de Sarreguemines.

Le juge pourrait donc être appelé à se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité directe entre la vaccination et l'état de santé des victimes, sur l'indemnisation du préjudice subi si ce lien est prouvé et enfin sur la responsabilité des actes qui ont pu être à l'origine de ce préjudice, éventuellement au plus haut niveau de l'Etat. Dans ce contexte, on peut craindre que le domaine et les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête sur le sujet, si elle était créée, seraient sensiblement restreints car elle ne pourrait se prononcer que sur le sujet limité de la conduite de la campagne d'information en faveur de la vaccination.

En raison de ce contexte, le rapporteur a conclu au rejet de la proposition de résolution après avoir souligné les faiblesses du dispositif français d'épidémiologie.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a souligné la qualité du rapport de M. Philippe Nauche qui a permis d'éclairer utilement la commission sur un sujet compliqué aux incidences multiples.

M. André Aschieri a considéré que le dépôt d'une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête est un moyen pour les députés de s'exprimer et de dénoncer ce qui ne fonctionne pas bien, indépendamment de la création effective d'une telle commission. On peut citer à cet égard la demande de création d'une commission d'enquête sur les amalgames dentaires qui a abouti à la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont le rapport a permis de mettre en exergue le problème plus général des métaux lourds sur la santé.

S'agissant de l'hépatite B, beaucoup de choses inexactes ont été dites qui ont fini par créer un sentiment de peur au sein de l'ensemble de la population, par exemple l'affirmation selon laquelle le virus pouvait se transmettre par les larmes, la salive et la sueur. On peut évoquer à cet égard la « croisade » inacceptable du comité français pour l'adolescence qui a obtenu de laboratoires pharmaceutiques des financements lui permettant de mener une campagne affolante auprès des jeunes. Il faut par ailleurs rappeler que le marché de la vaccination représente en France huit milliards de francs dont 60 % concerne le seul vaccin contre l'hépatite B, tandis que 45 % des parts de marché sont détenues par un seul laboratoire français. On peut s'étonner que la France, pays de faible prévalence de la maladie, ait développé une politique de vaccination de masse alors que d'autres pays, notamment d'Afrique sud-saharienne, où la prévalence est très élevée, ne peuvent vacciner en raison du coût élevé du vaccin.

M. Bernard Kouchner a pris une bonne décision en arrêtant la campagne de vaccination systématique au profit d'une vaccination plus ciblée sur les nourrissons et les sujets à risque : professionnels de santé et toxicomanes. Seize thèses en médecine ont en effet conclu à l'existence d'un lien entre le vaccin et certaines maladies mais il manque des études indépendantes des laboratoires pharmaceutiques, notamment au niveau épidémiologique. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) n'a elle-même disposé que deux millions de francs pour conduire l'étude qui lui a été confiée, ce qui est tout à fait insuffisant.

L'indemnisation des victimes doit être mise en _uvre. Trois procédures ont déjà été gagnées au civil et cinq engagées au pénal. Le 9 juin 1998, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné le laboratoire américain incriminé à indemniser deux victimes. Le 23 mai 2000, la direction générale de la santé a indemnisé en rente et en capital un professionnel de santé atteint.

Aux Etats-Unis d'Amérique, une commission d'enquête parlementaire sur le même sujet a recensé 439 morts du fait de la vaccination et a souligné le rôle du lobbying pharmaceutique dans cette affaire. Il est donc impératif d'éviter tout mélange entre la politique de santé publique et la politique de profits de groupes industriels pharmaceutiques.

M. Jean-Pierre Foucher a constaté que le dérapage de la campagne d'information en faveur de la vaccination contre l'hépatite B a posé problème en transformant cette campagne, au départ ciblée, en vaccination de routine. Il est difficile d'enquêter sur l'indemnisation des victimes car des procédures en justice sont en cours : la Cour d'appel de Versailles a ainsi confirmé les jugements du tribunal de Nanterre dans deux des trois affaires gagnées en première instance par les victimes. Au niveau scientifique et médical, il est prouvé qu'il n'y a pas de lien direct entre la vaccination et certaines maladies, ainsi qu'en témoigne notamment le remarquable travail de l'AFSSAPS. Il ne faudrait pas prendre le risque, en jetant le doute sur les effets secondaires d'un vaccin, de créer une suspicion sur toutes les campagnes de vaccination ou, plus généralement, sur toute utilisation de médicaments. Il existe en effet toujours des effets secondaires ou des risques de réaction qui sont propres à chaque individu et il serait dangereux, pour la mise en _uvre de la politique de santé publique, de ne mettre en exergue que les cas, hélas regrettables, de réactions atypiques. A cet égard, il y a une différence sémantique forte entre le titre de la proposition de résolution, qui vise la campagne de vaccination de masse, et le dispositif de cette proposition qui concerne les conséquences sur la santé de cette vaccination.

M. Edouard Landrain a fait les observations suivantes :

- La vaccination n'entraîne aucun effet secondaire chez le nourrisson alors que chez l'adulte, l'existence d'antécédents ou l'exposition à certains risques durant sa vie l'exposent à des effets secondaires, la vaccination intervenant alors comme le facteur déclenchant d'une maladie latente.

- Il est regrettable et inquiétant que des peurs soient actuellement développées voire entretenues à l'encontre des vaccins même si chacun reconnaît que la vaccination est un progrès incontestable en termes de santé publique. On peut à ce titre déplorer que la vaccination contre la rubéole ne soit plus obligatoire alors que cette maladie connaît aujourd'hui une recrudescence en Afrique.

- Il convient de bien distinguer la politique d'information sur l'existence de risques sanitaires et l'obligation de se faire vacciner contre telle ou telle infection ou maladie.

M. Georges Colombier s'est félicité de la qualité du débat en commission qui permet d'éclairer les commissaires sur les tenants et aboutissants des conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination contre l'hépatite B et a déclaré partager entièrement les conclusions du rapporteur.

M. Maxime Gremetz a considéré que le présent débat illustrait l'intérêt des parlementaires à déposer de nombreuses de propositions de résolutions tendant à créer des commissions d'enquête car cette procédure semble être la seule à permettre qu'une véritable réflexion s'engage sur des sujets d'importance que la commission ne peut traiter en temps normal.

M. André Aschieri a rappelé combien il est favorable à la vaccination quand elle est d'un bénéfice certain pour la population dans son ensemble et que le risque à l'égard de certains sujets est peu élevé.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a fait les remarques suivantes :

- Aucune preuve n'a pu être établie s'agissant du lien du cause à effet entre le vaccin contre l'hépatite B et la survenance de graves maladies. Des interrogations légitimes se posent cependant. Ainsi les experts de la direction générale de la santé et de la direction des hôpitaux ont plaidé pour que les professionnels de santé victimes de ces maladies et vaccinés dans l'exercice de leurs fonctions soient indemnisés, même si la cause de leur maladie ne peut être établie de manière incontestable, le doute étant alors considéré comme suffisant.

- La question de l'indépendance de la recherche médicale et scientifique est posée et dépasse largement la seule question du vaccin contre l'hépatite B. Il n'est pas anormal qu'une partie de cette recherche soit financée par des industries pharmaceutiques lesquelles tendent, assez logiquement, à dégager des profits commerciaux.

- Certaines campagnes de vaccination mériteraient d'être mieux ciblées. Cependant, concernant l'hépatite B, il faut se souvenir qu'initialement, l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics était d'éradiquer totalement cette maladie. On peut d'ailleurs aujourd'hui s'interroger sur la pertinence d'un tel objectif.

Le président Jean Le Garrec a estimé que le rôle dévolu à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé permettait désormais que l'évaluation des risques soit faite en toute indépendance.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Jean-Jacques Denis rapporteur sur la proposition de loi de M. Raymond Forni portant création d'une Fondation pour les études comparatives - n° 2999.


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